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1 Cours de M.RUMIN réécrit par J.KULCSAR Chapitre IV Bases et dimension d’un espace vectoriel Objectif : Nous allons voir comment fabriquer des systèmes de coordonnées pour les vecteurs d’un espace vectoriel général. Dans ce chapitre désigne un -ev, avec ou un corps commutatif quelconque. I – Familles libres, génératrices, bases 1. Définitions Définition de famille libre, liée, indépendance linéaire - Une famille (une collection) ( ) de vecteurs d’un -ev est dite liée s’il existe des nombres non tous nuls tels que . On dit aussi que les vecteurs sont linéairement dépendants. - Dans le cas contraire, on dit que la famille est libre. Dire qu’une famille ( ) est libre signifie que si vérifient , alors on a forcément . Définition de famille génératrice On dit qu’une famille de est génératrice de si (), i.e. tout vecteur de est combinaison linéaire d’éléments de . Définition de base Une famille de est une base de si et seulement si est libre et génératrice de . 2. Bases et coordonnées Proposition : La famille ( ) est une base de si et seulement si tout vecteur de s’écrit de manière unique comme combinaison linéaire des . Autrement dit : . Les nombres s’appellent les coordonnées de dans la base B. Démonstration : () : est génératrice par hypothèse. est elle libre ? Soient tels que .

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1 Cours de M.RUMIN réécrit par J.KULCSAR

Chapitre IV Bases et dimension d’un espace vectoriel

Objectif : Nous allons voir comment fabriquer des systèmes de coordonnées pour les vecteurs

d’un espace vectoriel général.

Dans ce chapitre désigne un -ev, avec ou un corps commutatif quelconque.

I – Familles libres, génératrices, bases

1. Définitions

Définition de famille libre, liée, indépendance linéaire

- Une famille (une collection) ( ) de vecteurs d’un -ev est dite liée s’il

existe des nombres non tous nuls tels que

.

On dit aussi que les vecteurs sont linéairement dépendants.

- Dans le cas contraire, on dit que la famille est libre.

Dire qu’une famille ( ) est libre signifie que si vérifient

, alors on a forcément .

Définition de famille génératrice

On dit qu’une famille de est génératrice de si ( ), i.e. tout vecteur de est

combinaison linéaire d’éléments de .

Définition de base

Une famille de est une base de si et seulement si est libre et génératrice de .

2. Bases et coordonnées

Proposition : La famille ( ) est une base de si et seulement si tout vecteur

de s’écrit de manière unique comme combinaison linéaire des . Autrement dit :

.

Les nombres s’appellent les coordonnées de dans la base B.

Démonstration :

(⇐) : est génératrice par hypothèse. est elle libre ?

Soient tels que .

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2 Cours de M.RUMIN réécrit par J.KULCSAR

On a aussi .

Par unicité de la décomposition de , on a .

est donc libre, et génératrice de , c’est donc une base de .

(⇒) : Par hypothèse, est une base de génératrice de et libre.

Soit quelconque.

génératrice ⇒ . Cette combinaison est-elle unique ?

Si on a aussi , alors par soustraction

( ) (

) (

) .

Comme est libre, on a ( )

, et ce jusqu’à .

On a donc unicité de l’écriture de comme combinaison linéaire des vecteurs de .

En résumé : génératrice équivaut à l’existence de la CL, et libre équivaut à son unicité.

3. Exemples

- La base canonique de ( )

Soient ( ) ( ) ( ) des vecteurs de .

( ) est une base de .

Démonstration : ( )

On a vu que ⇒ est génératrice de .

De plus, (

)

.

Finalement, est génératrice de et est libre. est donc une base de

Définition : La base ( ) s’appelle la base canonique de .

Les coordonnées d’un vecteur ( ) dans cette base sont simplement les

composantes de . Attention, cela ne se produit que dans cette base particulière.

-Famille libre de

Toute famille libre de est une base de ( ).

Par exemple, deux vecteurs non colinéaires de forment une base du plan engendré par ces

deux vecteurs.

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3 Cours de M.RUMIN réécrit par J.KULCSAR

- Base d’un plan de défini par une équation

{ ( ) } .

On a ( )

(

) (

) (

).

Les deux vecteurs (

) et (

) engendrent donc . Comme ces

vecteurs ne sont pas colinéaires, ils forment une famille libre et génératrice de , c’est-à-dire

une base de . Les coordonnées de ( ) dans cette base sont les réels et .

Remarque : On voit sur cet exemple élémentaire qu’une base permet de représenter les

vecteurs de manière optimale, c’est-à-dire en utilisant le minimum de paramètres. Ici, le

vecteur ( ) de est déterminé par deux coordonnées indépendantes : et , et

non trois. De la même façon, un vecteur ( ) d’un plan ( )

est déterminé par seulement deux scalaires : ses coordonnées dans la base ( ),

et pas 100 !

- Base de [ ] { }

Par définition, une base de [ ] est la famille infinie

( )

C’est la base canonique de [ ]. Cette famille est infinie mais tout polynôme de [ ] est

bien une combinaison linéaire finie d’éléments de .

- Base de [ ]

Une base de [ ] est donnée par ( ). C’est la base canonique de [ ].

Notez bien que cette famille possède vecteurs. Un polynôme de degré est

déterminé par coefficients.

- Une famille de 3 vecteurs de dépendant d’un paramètre (cf. cours)

4. La notion d’espace de dimension finie

Problème : Construire des bases dans le cas des espaces vectoriels de dimension finie.

Définition : On dit qu’un espace vectoriel est de dimension finie si admet une famille

génératrice finie.

Exemples : On a vu que et [ ] sont des espaces vectoriels de dimension finie.

Proposition : [ ] n’est pas un espace vectoriel de dimension finie.

Démonstration : Soit ( ) une famille finie de [ ].

peut-elle être génératrice de [ ] ?

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4 Cours de M.RUMIN réécrit par J.KULCSAR

Soit ( ( ) ( ) ( )) : c’est un nombre fini.

Alors est de degré inférieur ou égal à .

On remarque que ( ) [ ] [ ] Par exemple, ( ).

n’est donc pas génératrice de [ ].

[ ] est donc un espace de dimension infinie.

5. Propriétés clés

Les propriétés suivantes seront utilisées très souvent dans les preuves et les exercices.

Propriété 1 : Soit une famille libre de . Alors la famille { } est encore libre si

et seulement si ( ).

Propriété 2 : Soit une famille génératrice de .

Alors est liée si et seulement si il existe un vecteur { } reste

génératrice. Autrement dit, si et seulement si tel que ( { }).

Démonstration 1 : Soit ( ) une famille libre.

(⇐) : Si ( ),

C’est une combinaison linéaire de { } qui vaut et non triviale. ( )

⇒ { } est liée.

(⇒) : On suppose que { } est liée. On veut montrer que ( ).

{ } liée non tous nuls tels que

Si alors :

car est libre par hypothèse. Il y a donc une contradiction car sont supposés

non tous nuls.

Si , alors

ce est une CL d’éléments de .

⇒ ( ).

Démonstration 2 : Soit ( ) une famille génératrice de E.

Si est liée, alors non tous nuls tels que

,

ce qui implique qu’il existe un tel que .

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5 Cours de M.RUMIN réécrit par J.KULCSAR

,

ce qui est en fait un élément de ( { }).

, on a bien sur ( { })

⇒ ( { })

⇒ ( ) ( { })

⇒ ( { }) est une famille génératrice.

6. Deux méthodes de construction de bases

Théorème d’extraction de base

Soit un -ev de différent de { } et ( ) une famille génératrice. ( étant un

espace vectoriel de dimension finie).

Alors on peut extraire de une sous-famille ( ) qui est une base de .

Démonstration : Algorithme avec la propriété 2 :

est-elle libre ?

Si oui, c’est fini.

Sinon, il existe tel que { } est encore génératrice. On continue avec .

Comme { }, l’algorithme s’arrête sur une famille libre et génératrice de .

Théorème de la base incomplète

Soit un -ev de dimension finie.

( ) une famille génératrice de et ( ) une famille libre.

Alors on peut compléter la famille libre avec certains vecteurs de pour

obtenir une base ( ) .

Démonstration : Soient ( ) une famille libre et ( ) une

famille génératrice de . Il faut compléter en une base de . L’algorithme suivant dépend

de la propriété 1 :

A-t-on ( ) ?

Si oui, on garde .

Sinon, on remplace par { } , libre par la prop. 1 et ( ).

On recommence pour tous les autres vecteurs de . À la fin, on a une nouvelle famille libre

avec ( )

⇒ ( ) ( ) .

Ce qui veut dire que est libre et génératrice de , c’est-à-dire est une base de .

Exemple : Plan vectoriel. Cf. cours.

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6 Cours de M.RUMIN réécrit par J.KULCSAR

II – Dimension d’un espace vectoriel

On arrive à la notion la plus importante du cours d’algèbre de cette année !

1. Définitions

Théorème fondamental : dimension et cardinal des bases

Soit un espace vectoriel { } et engendré par vecteurs.

Alors toutes les bases de possèdent le même nombre d’éléments. Ce nombre entier

s’appelle la dimension de et se note . On a de plus dans ce cas.

Par convention, on pose { } .

Exemples :

- On a car la base canonique de , ( ), a éléments.

- Les espaces vectoriels de dimension sont les droites vectorielles. Les espaces vectoriels de

dimension sont les plans vectoriels, etc.

Intuitivement, on peut dire que la dimension d’un ev est le nombre de « paramètres libres »

dont dépend un vecteur de . Les plans vectoriels sont tous de dimension 2, quel que soit

l’espace dans lesquels ils sont plongés : ou .

Lemme clé

Soit un espace vectoriel engendré par vecteurs. Alors toute famille libre de est de

cardinal inférieur ou égal à .

Démonstration du théorème à l’aide du lemme :

Soient ( ) et ( ) deux bases de .

On a que est une famille libre de , engendré par

Lemme clé ⇒ ( ) ( ).

On a aussi famille libre de , engendré par

Lemme clé ⇒

⇒ et finalement et ont le même nombre d’éléments.

Démonstration du lemme : On procède par récurrence sur .

Soient ( ) une famille génératrice de et ( ) une famille

libre. On va montrer que implique que est liée.

On a et .

Si , on a

Les vecteurs sont liés.

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7 Cours de M.RUMIN réécrit par J.KULCSAR

Si , La famille est liée.

On suppose l’énoncé vrai pour

On regarde le cas engendré par vecteurs : ( ) avec une famille

( ). On considère ( ).

On a donc .

Comme , on a :

(S) {

avec .

Si tous les sont nuls, alors les vecteurs qui est engendré par

vecteurs. Comme ( ) , la famille liée par l’hypothèse de récurrence (i.e.

toute famille libre de E est de cardinal inférieur ou égal à ).

Sinon, il existe au moins un non nul. On suppose que c’est . On a alors

. On

l’injecte dans les lignes suivantes du système (S). On trouve que

{

Les vecteurs de ( ) sont liés par l’hypothèse de récurrence, car

( )

Il existe donc non tous nuls tels que :

∑ ∑

(∑

) , avec au moins un .

La famille ( ) est donc liée.

2. Conséquences importantes

Théorème

Soit un espace vectoriel de dimension finie. Alors :

i) Toute famille libre de vérifie ( ) et ( ) implique que

est une base de .

ii) Toute famille génératrice de a au moins éléments. Si une famille génératrice de

a exactement éléments, alors c’est une base de .

Corollaire utile

Pour vérifier qu’une famille de est une base, il faut et il suffit que :

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8 Cours de M.RUMIN réécrit par J.KULCSAR

( ) et soit une famille libre ou génératrice de .

Démonstration i) : Pour le cas ( ) , on se sert du lemme vu précédemment.

Dans le cas d’égalité: soit ( ) une famille libre à éléments dans .

Problème : montrer que est génératrice.

Soit un vecteur quelconque de . La famille { } à éléments devient liée, vu

qu’on a démontré le cas de l’inégalité. On a donc, par la propriété clé 1, ( )

est donc génératrice (de tout ). étant génératrice de et libre, c’est une base de .

Démonstration ii) : Soit une famille génératrice de .

Cas ( ) . D’après le théorème d’extraction de base, contient une base de

avec éléments.

Cas d’égalité : génératrice avec éléments. D’après la propriété clé 2, est libre,

sinon on peut extraire une sous famille qui est une base de .

Propriété de la croissance de la dimension

Soit un ev de dim finie et un sev de . Alors on a :

i) de dimension finie et .

ii) Si de plus alors .

Exemple : Dans , il n’y a qu’un seul espace de dimension nulle : c’est { }.

- Il y a une infinité d’espaces de dimension 1 : les droites vectorielles.

- Il y a une infinité d’espaces de dimension 2 : les plans vectoriels.

- Il n’y a qu’un seul espace de dimension 3 : c’est lui-même.

Démonstration i) :

- Si { }, alors la démonstration est finie.

- Sinon, il existe une famille libre ( ) de vecteurs de . On a

automatiquement On choisit une famille libre de F de cardinal maximal (

). Montrons que est une base de .

Soit quelconque. On considère { }.

On a ( ) ( ) = cardinal max des familles libres de . Donc est liée. Comme

est libre, on a nécessairement ( ) par la propriété clé 1. est donc génératrice de .

Démonstration ii) : Soit une base de . Alors est une famille libre de avec

( ) .

est donc une base de ( ) .

3. Rang des systèmes de vecteurs

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9 Cours de M.RUMIN réécrit par J.KULCSAR

Définition : Soit ( ) une famille libre de vecteurs de . Le rang de est la

dimension de ( ).

Attention de ne pas confondre le rang et le cardinal d’une famille ! Le cardinal est

simplement le nombre d’éléments de la famille (se voit), alors que le rang est une notion plus

abstraite basée sur la dimension.

Proposition :

i) On a toujours ( ) ( ).

ii) Cas d’égalité : on a ( ) ( ) si et seulement si est libre.

Démonstration i) : ( ) est engendré par (= cardinal de ) vecteurs.

On peut extraire de une base qui est de cardinal ( ) ( ) ( ).

Démonstration ii) : est génératrice de Vect( ) avec ( ) ( ).

est donc une base de ( ) (et est donc libre) d’après un théorème précédent.

Exemple : . On considère ( ) ( ) ( ).

On pose ( ).

Problème : Donner le rang de en fonction de . Dire quand est une base de .

Remarque : On peut déjà dire que ( ) ( ).

Soient tels que .

{

( )

( ) ( )

{

( )

( ) ( )

( ) ( ) ( )

{

( )

( )

( ) ( )( )

- Si , la famille est libre et ( ) , ce qui implique que est une base de car

libre et à 3 éléments.

- Si , la famille n’est pas libre, on a donc ( ) .

devient un paramètre (inconnue non principale.)

{

Exemple de solution : c’est à dire .

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10 Cours de M.RUMIN réécrit par J.KULCSAR

Donc ( ) ( ) ( ) ( ).

On utilise le même système avec ce qui donne . ( ) est donc libre, et

finalement ( ) .

III – Deux illustrations de l’utilité des notions abstraites d’espace

vectoriel, de base et de dimension

1. Le problème d’interpolation de Lagrange

On se donne points du plan ( ), ( ), …, ( ) avec les tous distincts. On

cherche une fonction aussi simple et régulière que possible dont le graphe passe par ces

points, c’est-à-dire telle que

( ) ( ) ( )

On cherche une fonction interpolatrice sous la forme d’un polynôme de plus bas degré

possible.

Analyse : Le problème est linéaire par rapport à et .

Si on a { ( )

( )

et { ( )

( )

et .

Alors {( )( )

( )( )

On regarde ( ) comme un vecteur de . Prenons la base canonique de :

{ ( )

( )

pour avoir .

Il suffit de trouver des polynômes tels que :

soit associée à ,

soit associée à , …,

soit associée à .

+ +

+

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11 Cours de M.RUMIN réécrit par J.KULCSAR

Synthèse : On pose

{

( )

( ) ( )

( ) ( ) ∏

( )

( )

( ) ∏( )

( )

( ) ∏( )

( )

On a une solution du problème général en posant

.

Définition : On appelle le polynôme le polynôme

interpolateur de Lagrange. On a

( ) ( ) . De plus le degré de est inférieur à – .

Théorème 1 : Le polynôme de Lagrange est l’unique polynôme de degré inférieur ou égal à

tel que ( ) ( ) .

Soit l’espace des fonctions polynomiales de degré inférieur ou égal à :

{ ( ) }.

Théorème 2 : On a et ( ) forme une base de .

Démonstration du TH1 en utilisant le TH2 :

Soit un polynôme de degré inférieur ou égal à tel que ( ) ( ) . Il

faut montrer que est le polynôme de Lagrange.

D’après le TH2, s’écrit .

On doit donc avoir ( ) ( ) ( ) ( )

Or, ( ) et ( ) ( ) donc ( ) .

On procède de la même manière jusqu’à n. ( ) .

Donc ( ) ( ) ( ) .

C’est en effet le polynôme de Lagrange.

Démonstration du TH2 :

- est un espace vectoriel engendré par les n fonctions monômes définies comme :

.

+ +

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12 Cours de M.RUMIN réécrit par J.KULCSAR

Donc ( ) ⇒ avec égalité si ( ) est

libre.

Soient tels que fonction nulle.

Alors,

⇒ ( ) ( )

( ) ( )( ) ( )

Ce qui montre que et que la famille est libre.

On a donc .

- Reste à voir que ( ) forme une base de .

Comme ( ) . Il suffit de vérifier que est libre.

Si , alors en , on obtient , en , …, en ,

. Ceci montre que est une famille libre.

est donc une base de .

2. Étude des suites ( ) satisfaisant une relation de récurrence linéaire du type

(avec ).

On se donne pour trouver

On pose . est un sous espace vectoriel de l’ensemble des

suites. En effet, si ( ) , ( ) , et , alors ( ) ( ) .

Vérifions. On a pour tout

( ) ( )

Un exemple célèbre : ⇒ .

Il s’agit de la suite de Fibonacci (vers 1200).

Problème : On veut les formules explicites ⇒ déterminer la croissance pour n grand.

Idée : On cherche des suites solution sous la forme avec .

solution si et seulement si .

Si , on a solution si et seulement si Il s’agit de l’équation

caractéristique.

On cherche les solutions de . On calcule le discriminant :

- Si , on a deux racines complexes : √

et

.

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13 Cours de M.RUMIN réécrit par J.KULCSAR

- Si , on a une racine double :

. On montre que

est aussi solution (à faire

en exo).

Théorème

- Si , les deux suites ( ) et (

) forment une base de . Toute suite solution ( )

s’écrira sous la forme

avec fixes et vérifiant les conditions

{

{

- Si , on a une racine double, et les suites ( ) et ( ) forment une base de .

Démonstration : Soit ( ) une solution quelconque. On cherche tels que pour

tout , on ait

.

Conditions nécessaires : {

déterminent et .

Conditions suffisantes : On considère la suite . ( ) est une solution (car

E est n espace vectoriel, il est donc stable par la loi +) avec et .

⇒ pour tout par récurrence immédiate.

avec et déterminés.

La preuve pour le cas est semblable ; laissée en exercice.

Exemple de la suite de Fibonacci :

⇒ √

.

On doit donc avoir ( √

)

( √

)

avec {

( √

) (

)

On trouve

√ ( √

)

√ ( √

)

(c’est un entier !)

√ donc √

et

⇒ ( √

)

→ très vite en oscillant autour .

Pour n assez grand, est l’entier le plus proche de

√ ( √

)

.

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14 Cours de M.RUMIN réécrit par J.KULCSAR

On peut donner la croissance de la suite de Fibonacci. On a :

.

Ce nombre, connu depuis l’Antiquité, s’appelle le « nombre d’or ». Elle représentait alors

une « proportion parfaite » (voir Wikipédia pour plus d’information).

IV – Supplémentaire, somme directe

1. Définitions

On s’intéresse à la somme de deux sous espaces vectoriels de .

{ }

Définitions de somme directe et de supplémentaire

1) On dit que deux sous espaces vectoriels et de sont en somme directe si tout vecteur

s‘écrit de manière unique sous la forme

avec .

2) Dans ce cas, on dit que est un supplémentaire de dans . On le note .

Premier exemple dans :

,

et deux droites vectorielles de avec { }.

On a : .

Proposition : On a {

{ }.

Démonstration :

(⇒) : On suppose ⇒ . Soit .

( ) ( ) ( ) ( ). Si , la décomposition est unique ce

qui implique que . Donc { }.

(⇐) : On suppose que et { }. Soit .

Alors il existe forcément tels que . Avons-nous l’unicité de la

décomposition ?

Soient tels que { }.

⇒ .

F G

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15 Cours de M.RUMIN réécrit par J.KULCSAR

2. Constructions et critères

Théorème d’existence de supplémentaire

Tout sous espace vectoriel d’un espace vectoriel de dimension finie possède au moins un

supplémentaire dans .

Démonstration :

Soient ( ) une base de , ( ) une base de .

est une famille libre, est une famille génératrice de . D’après le théorème de la base

incomplète, il existe ( ) telle que soit une base de .

0 On pose ( ). On montre que .

- Soit quelconque. Comme est une base de , on a

, avec :

( ) et ( )

⇒ .

- Soit . Alors .

On trouve

⇒ car est libre puisque c’est une base de E.

Remarque importante sur la preuve

Cette démonstration montre comment fabriquer des supplémentaires : en complétant une base

de à l’aide d’une base de . En particulier, tout sev de possède un supplémentaire

particulièrement simple : engendrés par certains vecteurs de la base canonique de , i.e. du

type ( ).

Par exemple, tout plan de possède comme supplémentaire un des trois axes de l’espace.

On peut prendre l’axe ( ) si , l’axe ( ) si , ou l’axe

( ) si . Bien sûr, le plan ne peut contenir ces trois vecteurs non coplanaires

à la fois !

Théorème : critère de somme directe

Soit un espace vectoriel de dimension finie, et deux sous espaces vectoriels de . Alors

{ { }

F

G

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16 Cours de M.RUMIN réécrit par J.KULCSAR

Lemme : Soient et deux sous espaces vectoriels d’un espace vectoriel de dimension

finie. Soient une base de , une base de . Alors on a :

i) est génératrice de ,

ii) { } est libre.

Démonstration du théorème à l’aide du lemme : Caractérisation de .

On a ⇔ { }

base de

{

{

{ }

Démonstration du lemme :

- 1er

point à faire en exercice.

- On suppose { }. On veut montrer que est libre.

On a : ( ) et ( )

{ }.

{

⇒ car et sont libres.

Inversement : Si on suppose que est libre, on montre que { }.

Si alors on l’écrit

⇒ car est libre.

Exemples :

- Dans : une droite et un plan sont en somme directe ssi { }.

- Dans : deux plans et sont en somme directe ssi { }.

Par exemple, si on note ( ) ,

( ) { } et ( ) { }

sont supplémentaires dans .

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17 Cours de M.RUMIN réécrit par J.KULCSAR

3. La formule de Grassmann

Pour conclure, on peut calculer la dimension d’une somme générale.

Théorème de Grassmann :

Soient et deux sous espaces vectoriels de de dimension finie. Alors on a :

( ) ( )

Illustration : Si alors { }

En effet, ( ) ( ) .

Exemples :

- Deux plans vectoriels de se coupent toujours au moins suivant une droite : facile

- Deux sous-espaces de dimension 3 dans contiennent au moins un plan : moins facile à

voir , mais c’est vrai !

Démonstration géométrique :

Soit un supplémentaire de dans

( ) .

On montre que .

- Soit . Alors avec et .

Comme ( ) , on peut décomposer avec et

D’où avec

- Soit . Alors car .

⇒ car ( ) { }

On a donc

⇒ ( ) et ( )

⇒ ( ) ( ).

F

G

O

V