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Jérémie Souteyrat pour Zoom Japon www.zoomjapon.info gratuit numéro 56 - décembre 2015 - janvier 2016 Biker un jour, biker toujours ? LITTÉRATURE Le retour de Murakami p. 22 VOYAGE Les archers de Togouchi p. 26

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Zoom Japon, numéro 56 (décembre 2015)

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Jérémie Souteyrat pour Zoom Japon

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2016

Biker un jour,biker toujours ?

LITTÉRATURELe retour deMurakami p. 22

VOYAGELes archers deTogouchi p. 26

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ÉDITORésistanceQuand on parle demécanique et du Japon,on pense immédiate-ment à la voiturepuisque le premierconstructeur mondials’appelle Toyota. Il y a

de cela quelques décennies, on songeaitplutôt à la moto. Les entreprises japonaisess’imposaient sur leurs concurrentes euro-péennes. Au Japon, il existait aussi une cul-ture de la moto qui a, peu à peu, périclitéau profit des quatre roues plus confortableset moins connotées que les deux roues. Ilexiste cependant encore une culture de lamoto dans l’archipel. Elle résiste tant bienque mal et ses défenseurs l’entretiennentavec passion. C’est ce que nous avons vouluvous raconter dans notre dernier numérode l’année 2015.

LA RÉ[email protected]

ÉCONOMIE Mauvaisesnouvelles pour AbeC’est un coup dur pour le premier

ministre ABE Shinzô. L’économie nippone

est de nouveau en récession. Le produit

intérieur brut s’est contracté de 0,2 % au

troisième trimestre. Par ailleurs, le

gouverneur de la banque centrale du

Japon a décidé de maintenir la politique

monétaire actuelle et donc de ne pas

l'assouplir davantage et cela malgré le

fait que le pays soit de retour en zone de

récession.

AVIATION Retour duJapon dans les airsLe départ du Mitsubishi Regional Jet

(MRJ) avait été reporté cinq fois, mais

il a réussi son vol d'essai le

11 novembre. Cet appareil marque le

retour du Japon sur le marché de

l'aviation civile qu'il avait délaissé

depuis 50 ans. D'environ 35 mètres de

long sur 29 mètres d'envergure, il

peut accueillir près de 100 passagers.

La première livraison à la compagnie

ANA est prévue au printemps 2017.

Le nombre de

touristes ne

cesse de faire

des bonds. En octobre, il a progressé de

43,8 % par rapport au même mois de

l’année dernière, avec quelque 1,8

million de visiteurs. Une tendance qui

devrait permettre au pays d’atteindre

les 20 millions de touristes en 2015.

43,8 %

L E REGARD D’ERIC RECHSTEINER

En voyageurs accomplis, les Japonais ne rentrent jamais de leur périple sans rapporter un présent (omiyage)pour leur famille, leurs proches ou leurs collègues de travail. Une manière de leur faire partager le plaisird’avoir découvert une région et son terroir. La plupart du temps, ils ramènent une spécialité locale, souventdes biscuits, joliment emballée qui sera sans aucun doute l’objet de nombreux commentaires.

A Usuki, préfecture d’Ôita, Kyûshû

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Couverture : Jérémie Souteyrat pour Zoom Japon

ZOOM ACTU

2 ZOOM JAPON numéro 56 décembre 2015

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4 ZOOM JAPON numéro 56 décembre 2015

ZOOM ACTU

L es travaux de restauration du marché auxpoissons d’Ishinomaki, sérieusement en-dommagé lors du séisme de mars 2011,

viennent  de  se  terminer.  Il  est  opérationneldepuis le 1er septembre et tourne à plein régime.Quatre ans et demi après la catastrophe, ce sym-bole d’Ishinomaki, “la ville des poissons”, a étécomplètement rénové pour devenir un établis-sement répondant aux normes alimentaires lesplus  strictes.  Le  26  septembre  a  eu  lieu  unegrande  cérémonie  pour  son  inauguration  àlaquelle ont participé près de 250 personnes re-présentant divers métiers maritimes de la régionainsi que des responsables nationaux, préfectorauxet municipaux. Ils ont ainsi célébré la renaissancede cette industrie clé pour la région et souhaitéqu’elle puisse connaître une nouvelle phase d’ex-pansion.Depuis  longtemps,  la  ville  d’Ishinomaki  s’estdéveloppée autour des industries maritimes avecson port aux poissons. Le marché d’Ishinomakia  été  construit  dans  le  quartier  de  Minato,  à

l’embouchure de la rivière Kitakami. En 1974,il a été regroupé avec le marché de Watanoha ettransféré vers l’actuel port d’Ishinomaki. La baiede Kinkasan bénéficie à la fois du courant chaudet  du  courant  froid.  Sur  son  marché,  on  y  dé-nombre plus de 200 espèces de poissons. De parsa situation géographique et son environnementnaturel, l’économie de la ville a donc pu s’appuyersur les industries maritimes.Lors  du  séisme,  les  murs  des  docks  se  sontaffaissés  de  près  d’un  mètre  ;  le  bâtiment  dechargement  (où  l’on  garde  provisoirement  lespoissons  pêchés  et  l’on  fait  des  enchères)  n’aguère mieux résisté. Quatre mois après, il a ce-pendant repris ses activités sous des tentes pro-visoires. Si la pêche en 2011 représentait à peine20 % du niveau de celle de 2010, en 2014 elleest revenue à 70 % en termes de quantité, et à

La réouverture du marché aux poissonsaprès quatre ans et demi d’installationsde fortune marque un tournant.

SÉRIE Les poissons retrouvent leur marché

90 % sur le plan du chiffre d’affaires.Les  travaux de  rénovation ont débuté en août2013, en trois phases. Le bâtiment situé à l’estet celui positionné au centre sont devenus opé-rationnels en juillet dernier. Puis, les travaux sesont poursuivis tout en utilisant les installationsprovisoires. En août 2015,  le bâtiment dans  lapartie  ouest  et  le  bâtiment  administratif  aucentre  ont  vu  le  jour.  Depuis  septembre,  toutfonctionne à plein régime.La nouvelle installation pour les cargaisons estun  bâtiment  en  béton  armé,  de  quatre  étagesd’une surface totale de près de 46 000 m2. Lesbâtiments sont divisés en plusieurs zones selonles  types  de  poissons  avec  une  ligne  spécifiquepour le conditionnement et l’expédition. Ainsi,la  halle  qui  longe  le  dock  mesure  876 mètres.Elle est la plus longue d’Asie, et est 1,4 fois plus

Depuis le séisme du 11 mars 2011, nous collabo-rons avec l’équipe de l’Ishinomaki Hibi Shimbun,quotidien de cette cité portuaire particulièrementmeurtrie par la catastrophe. Notre but est d’in-former les lecteurs sur la situation de cette ville.Malgré ses difficultés, ce journal local continue àenquêter et à apporter chaque jour son lot denouvelles. Si vous voulez aussi le soutenir dans sadémarche et l’aider à se développer, vous pouvezvous abonner à son édition numérique pour1 000 yens (moins de 7 euros) par mois :https://newsmediastand.com/nms/N0120.do?com-mand=enter&mediaId=2301

Pour la fête de la grande pêche, le 18 octobre, la vente aux enchères a suscité un grand enthousiasme.

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é grande que celle de l’ancien marché. Les travauxont coûté près de 19,2 milliards de yens, sub-ventionnés avec l’aide de l’Etat.La plus grande originalité de cette nouvelle ins-tallation est d’avoir adopté le système HACCP(Hazard Analysis Critical Control Point), uneméthode de maîtrise de la sécurité sanitaire desdenrées alimentaires aux normes mondiales. Unestructure hermétique qui empêche l’entrée duvent, de la pluie ou des oiseaux. Du fait de lavaleur ajoutée apportée par cette sécurité ali-mentaire et de l'expansion des réseaux de distri-bution à l’étranger, les promoteurs du nouveaumarché entendent faire d’Ishinomaki “la villeinternationale du commerce maritime”.Les fonctions administratives sont centraliséesdans le bâtiment à trois étages qui côtoie enpartie le bâtiment ouest. Cette structure est éga-

lement utiliséecomme centre de for-mation et de com-munication. A partirdu couloir de l’étage,on peut observer

toutes les opérations de chargement du rez-de-chaussée. Dans un coin réservé aux expositions,on peut en apprendre davantage sur l’industriemaritime à Ishinomaki grâce à des photos et desécrans tactiles.Lors de la cérémonie d’inauguration, le 26 sep-tembre, le maire de la ville d’Ishinomaki, KA-MEYAMA Hiroshi, chargé de la reconstruction dumarché, n’a pas caché ses ambitions en rappelantque “la reconstruction du marché aux poissons estle résultat de tous les efforts des personnes concernées.L’intensité des enchères favorisera la reconstitutionde la ville. Grâce à la très grande sécurité alimentairede nos installations, et avec la collaboration del’Etat et celle d’entreprises privées, la renomméed’Ishinomaki s’étendra aussi bien dans le pays quedans le monde.” Il a également promis de “pro-mouvoir la reconstruction d’Ishinomaki par le biaisd’une plus grande collaboration entre la municipalitéet le marché, d’essayer d’attirer de nouveaux bateaux

de pêche et de conserver le même volume de pêche”.Quant au responsable du marché aux poissons,SUNÔ Kunio, il s’est souvenu que juste après leséisme, ils avaient dû rejeter près de 50 000 tonnesde poissons et il a remercié l’assemblée. “Le 1er

septembre, le marché a fêté son 65e anniversaire.C’est grâce à tous vos efforts que le marché a su seredresser”, a-t-il ajouté. Une fois coupé le rubande l’inauguration, une salve d’applaudissementss’est fait entendre.Le 18 octobre, un mois et demi après la réou-verture du marché, a eu lieu la 26e Fête de lagrande pêche d’Ishinomaki. C’est un rendez-vous annuel qui se déroule à l’automne. On ycommercialise les produits de la mer de toute larégion ainsi que des produits agricoles à des prixréduits. Depuis sa création en 1989, elle a toujoursété très populaire, mais à cause du séisme, ellen’a pas eu lieu en 2011. En 2012, elle a été orga-nisée dans un parc avant de revenir en 2013 à lahalle aux poissons. Cette année, la fête a aussiété l’occasion de célébrer l’ouverture du nouveaumarché aux poissons.55 exposants étaient présents. On pouvait yacheter des huîtres grillées, des coquilles St-Jacques, des maquereaux de Kinka, etc. Lors desenchères aux poissons crus où les visiteurs pou-vaient se mettre dans la peau d’un acheteur, lesparticipants criaient fort pour obtenir les poissonsde leur choix. Quant à l’événement de pêcheaux sérioles, limandes, etc., on faisait la queuedès le petit matin. Un habitué âgé d’une soixan-taine d’années nous a raconté en souriant : “Jesuis content d’avoir pêché plein de bons poissons.Ça m’excite de penser aux plats que je vais prépareravec”. Un autre moment très apprécié fut la dé-monstration de découpe de thon, organisée pourla première fois pour fêter l’inauguration dumarché. Selon les responsables, 42 000 personnesont assisté à la fête, soit 2,8 fois plus que l’anpassé. C’est encore loin des 70 000 qui venaientavant le séisme, mais l’ambiance semble bel etbien revenue.

ABE TATSUHITO et YAMAGUCHI HIROSHI

ZOOM ACTU

42 000 visiteursont assisté à la26è fête de lagrande pêche

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6 ZOOM JAPON numéro 56 décembre 2015

C ontrairement à certaines idées reçues, lamoto n'est pas apparue au Japon avecHonda. Le premier deux roues à avoir cir-

culé dans les rues japonaises fut une Hildebrandet Wolfmüller en 1896. Il faut attendre 1909 pourvoir la première moto japonaise produite dans l’ar-chipel. Il s’agissait d’un monocylindre rustiquemais entièrement japonais. Quatre ans plus tard,les Japonais peuvent découvrir la première grandemarque locale Asahi dont le premier modèle estune copie conforme de la Triumph 550. Il y aurapar la suite Rikuo et Murato qui vont s'imposercomme les premiers constructeurs de l'archipeljusqu'au début de la Seconde Guerre mondiale.Quand celle-ci s'achève, le Japon va entrer dansune phase de reconstruction au cours de laquelleplusieurs entreprises vont se reconvertir dans laproduction des deux roues. Alors qu'en 1945, lepays ne compte que 19 marques de motos, on enrecense 83 en 1953 et 123 en 1959 tandis que lesalon de la moto de Tôkyô en 1954 attire quelque550 000 visiteurs. C’est l’âge d’or du deux roues.Il régnera encore une bonne décennie avant quela voiture n’envahisse les rues et les routes de l’ar-chipel. Les grandes marques que l’on connaîtaujourd’hui comme Honda ou Yamaha s’imposentpetit à petit grâce à des modèles originaux ou biensouvent inspirés par des machines étrangères. Ainsila première Yamaha, la YA-1, produite en 1955,est une copie , quasi conforme, à la couleur près,de la DKW RT-125 allemande. Mais cela ne susciteguère de problème puisque la moto est commer-cialisée seulement au Japon. Honda innove poursa part dès 1949 avec sa “Dream” puis en 1952 avecla création d'un nouveau moteur deux-temps, quiéquipe le Cub-F de 50cm3, qui assure la pérennitéde l'entreprise. Grâce à ce succès, le constructeurpourra poursuivre son développement et proposerde grosses cylindrées, plus luxueuses et d'une fini-tion irréprochable.Grâce à la moto, la jeunesse japonaise cherche às’émanciper et à exploiter l’espace de liberté qu’elleprocure. Elle devient aussi un moyen d’exprimerune certaine résistance au système social contrelequel une partie des jeunes se rebelle dans lesannées 1960. A défaut de pouvoir le faire en voi-ture, réservée à leurs parents, ils enfourchent leursdeux roues et s’affirment dans les rues. Ces groupesdonnent naissance au bôsôzoku, ces gangs demotards qui sèment le désordre au cours de ladécennie suivante au moment où la normalisations’accélère après l’agitation étudiante de 1968-1970.Le phénomène est suffisamment important pourque les autorités décident d’intervenir et de régle-menter plus sévèrement l’usage de la moto. Celle-ci cède donc sa place à la voiture qui exprime davan-tage la réussite sociale. Il ne reste aujourd’hui quequelques amateurs éclairés qui tentent d’entretenirune flamme qui semble prête à s’éteindre.

ODAIRA NAMIHEI

Qu’on le veuille ou non, la moto est associée au Japon ne serait-ce que par laplace qu’occupent les constructeurs japonais. Honda, Suzuki, Kawasaki ouencore Yamaha se sont imposés dans le monde. Mais ces machines n’ontcependant pas séduit les motards nippons qui leur préfèrent les marqueseuropéennes et américaines. Reste que ces derniers sont en voie de disparition.Zoom Japon est allé à la rencontre des derniers Mohicans.

ZOOM DOSSIER

Le culte de la moto s’est transformé au cours des deux dernières décennies. Il reste vivace chez certains.

Biker un jour, biker toujours ?

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ZOOM DOSSIER

R édacteur en chef du magazine HotbikeJapan, IkEDa Shin se consacre à la culturede la Harley Davidson depuis 25 ans.

Pourtant cet infatigable globe-trotter n'a pas tou-jours été un "biker". Né en 1962 à Nagano, ce quin-quagénaire à l'air juvénile n'a d'ailleurs rien dumotard tatoué qui parcourt les routes avec sa bande.Très timide, il a choisi la moto comme une échap-patoire à la société japonaise déjà très codée desannées 1970. Devenu la star des courses en Harley,il a parcouru les Etats-Unis, puis l'asie en tant quejournaliste puis crée le magazine Hotbike, puisTabigaku, qui se consacre aux récits de voyage lesplus rocambolesques. Des bôsôzoku aux otaku enpassant par les Hells angels, IkEDa Shin nousraconte son parcours et sa vision du Japon en tantque reporter, voyageur et motard.

Votre amour de la Harley vous a amené à lacréation de Hotbike, mais avant cela, que fai-siez-vous ? IKEDA Shin : Comme tous les adolescents, jerêvais d'avoir une grosse moto, mais mes parentsme l'interdisaient. J'avais 16 ans. J'étais passionnéde vélo et quand je me suis acheté ma premièreMopetto (Mobed), je me suis dit : “Avec ça, jepeux aller jusqu'au bout du monde !”. Ça a étéune révélation. après, je suis parti à Tôkyô pourmes études. J'ai passé en cachette mon permispour les grosses cylindrées. a l'époque c'étaitextrêmement difficile de l'avoir et j'ai dû le repas-ser plusieurs fois. Et là, j'ai acheté ma premièreitalienne, une Ducati. Je n'étais alors pas du toutintéressé par les Harley !

Dans les années 1980 à Tôkyô, vous apparte-niez à une bande de motards ?I. S. : Non pas du tout. En fait, j'étais pratique-ment toujours tout seul à moto. J'aimais cettesolitude parce que j'étais d'une timidité presquemaladive. Je ne pouvais même pas entrer dansun restaurant tout seul ou demander un rensei-gnement ! a moto, on n'a pas besoin de parler.a partir de mes 18 ans, je partais seul sur la route,avec juste un sandwich et mon sac de couchage.C'était effrayant des fois de dormir la nuit dansdes temples ou des parcs, mais je préférais ça plu-tôt que d'entrer dans un hôtel.

C'était l'époque des bôsôzoku, pouvez-vousnous expliquer ce que c'est ?I. S. : “Bôsô” veut dire foncer, et “zoku”, la tribu,

la bande. C'est ce que faisaient beaucoup dejeunes motards à l'époque quand j'étais au lycée.Ils étaient en bande et fonçaient sur les routesen zigzaguant pour échapper à la police. Ilsavaient une dégaine particulière, les cheveuxdécolorés avec des blousons de kamikaze et des400 qu'ils avaient “choppées”. Ça consistait à

enlever ou remplacer certaines parties de la motopour la rendre plus rapide, plus belle, et ça devaitfaire un maximum de bruit pour réveiller lesgens ! Les bôsôzoku sont considérés comme desvoyous dangereux au Japon, mais beaucoup d'en-tre eux ont bien réussi leur vie après. Etre bôsô-zoku, c'est d'abord une énergie. Dans la société

RENCONTRE La moto et le sens de la viePour IKEDA Shin, passionné de Harley,la moto a été un formidable moyend’expression.

IKEDA Shin est rédacteur en chef du magazine Hotbike Japan. La moto a d’abord été un moyen extraordi-

naire d’échapper à la pression de la société japonaise.

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japonaise où il n'y a aucune place pour les recalésaux examens, il fallait trouver un moyen de sedéfouler, de sortir cette énergie accumulée parle stress. Je pense que c'est unique, car contrai-rement aux Etats-Unis où l’on dispose de grandsespaces, il y a peu d'échappatoires au Japon quandon est jeune. A présent, c'est devenu une mode,qui n'a rien à voir avec l'état d'esprit initial.

Vous avez commencé à travailler directementdans un magazine spécialisé dans les motos,c'était le métier que vous vouliez faire depuislongtemps ?I. S. : J'ai toujours aimé écrire. Quand je suis sortide l'université, j'ai répondu à une petite annonced'un magazine de moto. J'aimais la vitesse et toutce qui venait d'Italie, la mode, tout ça. Maisquand Harley a sorti son premier modèle Evo-lution Sportster en 1986, j'ai craqué. J'ai toujoursété un passionné de sport et de vitesse. Seulement,cette moto était encore trop lente pour moi etje me suis mis à la “chopper”, à bricoler le moteur.Je l'ai démontée des dizaines de fois ! A l'époque,les Harley étaient très rares au Japon et c'étaitvraiment dur d'avoir des pièces détachées. Maisc'est comme ça que j'ai appris la mécanique et ça

a changé ma vie. Désormais, je pouvais faire toutmoi-même.

A quelle époque, la Harley a été popularisée auJapon? I. S. : C'est dans les années 1990 que les Harleyont vraiment débarqué au Japon. A l'époque, ily avait de plus en plus de motards qui se rassem-blaient pour les “Sunday Race”, la course dudimanche. Ça continue encore d’ailleurs. Dansles années 1980, quand j'y allais, c'était surtoutun rassemblement de motos vintage. J'ai com-mencé à faire des interviews des participants,puis je me suis mis à y participer. J'avais investidans une grosse Harley Chopper, comme cellequ’on voit dans le film Easy rider ! Il y avait unecourse spéciale qui s'appelait "Harley class" spon-sorisée par Harley Davidson Japan. Elle réunissaitplus de 1 000 personnes chaque année et aprèsplusieurs compétitions, je l’ai remportée.

Vous avez été influencé par des films commeEasy Rider ? I. S. : Pas du tout! En fait quand j'étais plus jeune,je me suis endormi à chaque fois que je l'ai vu. Jene comprenais rien du tout à cette histoire de

hippies avec leur LSD. Et je n'aimais pas du toutle style des motos Harley Chopper non plus. Durà croire quand on me voit maintenant. (rires).

C'est à cette époque que vous êtes allé pour lapremière fois aux Etats-Unis ? I. S. : Oui, j'étais devenu fou des vieux modèlesHarley. Un jour, à la rédaction, ils ont décidé desortir un spécial Harley. Et c'est comme ça quej'ai débarqué pour la première fois à Los Angeles.Je n'étais jamais sorti du Japon. Je me rappelleraitoujours l'immigration. Mes jambes tremblaient,je ne parlais pas un mot d'anglais. Ensuite j'ai vudéfiler devant moi L.A. avec son ciel immense,ses allées de cocotiers. C'était un rêve pour tousles Japonais de ma génération d'aller aux States.A la suite de ce numéro spécial, on a eu beaucoupde succès et je suis reparti faire un autre reportage.

Comment est né Hotbike Japan ?I. S. : Je suis allé visiter le bureau de Hotbike Ame-rica. J'étais vraiment très impressionné car auJapon il n'y avait pas de magazine spécialisé dansles Harley. Je suis rentré à Tôkyô et j'ai présentéun projet à une maison d'édition pour montermon propre magazine Hotbike. Le premier

Des bikers made in Japan qui n’ont plus rien à voir avec les bôsôzoku des années 1970.

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japonaise où il n'y a aucune place pour les recalésaux examens, il fallait trouver un moyen de sedéfouler, de sortir cette énergie accumulée parle stress. Je pense que c'est unique, car contrai-rement aux Etats-Unis où l’on dispose de grandsespaces, il y a peu d'échappatoires au Japon quandon est jeune. A présent, c'est devenu une mode,qui n'a rien à voir avec l'état d'esprit initial.

Vous avez commencé à travailler directementdans un magazine spécialisé dans les motos,c'était le métier que vous vouliez faire depuislongtemps ?I. S. : J'ai toujours aimé écrire. Quand je suis sortide l'université, j'ai répondu à une petite annonced'un magazine de moto. J'aimais la vitesse et toutce qui venait d'Italie, la mode, tout ça. Maisquand Harley a sorti son premier modèle Evo-lution Sportster en 1986, j'ai craqué. J'ai toujoursété un passionné de sport et de vitesse. Seulement,cette moto était encore trop lente pour moi etje me suis mis à la “chopper”, à bricoler le moteur.Je l'ai démontée des dizaines de fois ! A l'époque,les Harley étaient très rares au Japon et c'étaitvraiment dur d'avoir des pièces détachées. Maisc'est comme ça que j'ai appris la mécanique et ça

a changé ma vie. Désormais, je pouvais faire toutmoi-même.

A quelle époque, la Harley a été popularisée auJapon? I. S. : C'est dans les années 1990 que les Harleyont vraiment débarqué au Japon. A l'époque, ily avait de plus en plus de motards qui se rassem-blaient pour les “Sunday Race”, la course dudimanche. Ça continue encore d’ailleurs. Dansles années 1980, quand j'y allais, c'était surtoutun rassemblement de motos vintage. J'ai com-mencé à faire des interviews des participants,puis je me suis mis à y participer. J'avais investidans une grosse Harley Chopper, comme cellequ’on voit dans le film Easy rider ! Il y avait unecourse spéciale qui s'appelait "Harley class" spon-sorisée par Harley Davidson Japan. Elle réunissaitplus de 1 000 personnes chaque année et aprèsplusieurs compétitions, je l’ai remportée.

Vous avez été influencé par des films commeEasy Rider ? I. S. : Pas du tout! En fait quand j'étais plus jeune,je me suis endormi à chaque fois que je l'ai vu. Jene comprenais rien du tout à cette histoire de

hippies avec leur LSD. Et je n'aimais pas du toutle style des motos Harley Chopper non plus. Durà croire quand on me voit maintenant. (rires).

C'est à cette époque que vous êtes allé pour lapremière fois aux Etats-Unis ? I. S. : Oui, j'étais devenu fou des vieux modèlesHarley. Un jour, à la rédaction, ils ont décidé desortir un spécial Harley. Et c'est comme ça quej'ai débarqué pour la première fois à Los Angeles.Je n'étais jamais sorti du Japon. Je me rappelleraitoujours l'immigration. Mes jambes tremblaient,je ne parlais pas un mot d'anglais. Ensuite j'ai vudéfiler devant moi L.A. avec son ciel immense,ses allées de cocotiers. C'était un rêve pour tousles Japonais de ma génération d'aller aux States.A la suite de ce numéro spécial, on a eu beaucoupde succès et je suis reparti faire un autre reportage.

Comment est né Hotbike Japan ?I. S. : Je suis allé visiter le bureau de Hotbike Ame-rica. J'étais vraiment très impressionné car auJapon il n'y avait pas de magazine spécialisé dansles Harley. Je suis rentré à Tôkyô et j'ai présentéun projet à une maison d'édition pour montermon propre magazine Hotbike. Le premier

Des bikers made in Japan qui n’ont plus rien à voir avec les bôsôzoku des années 1970.

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numéro est sorti en 1992.

Comment expliquez-vous le succès de ce maga-zine jusqu'à maintenant ? I. S. : Je pense que c'est parce que le texte est pri-mordial dans Hotbike. Ça ne parle pas que demotos ou de nanas, mais de voyages ! Lors d'unde mes premiers reportages pour le magazine, j'airencontré, près de Santa Monica, un Japonaisdu nom d’IzuMI Shirase. Ça faisait 15 ans qu'iln'était pas rentré au Japon, il n'était pas du toutcomme les autres assistants sur place qui nousemmenaient dans des karaoke ou des restaurantsjaponais à Los Angeles ! IzuMI était un marginalqui ne fréquentait que des bikers. Grâce à lui, j'aipu pénétrer réellement dans ce milieu. Et là, jeme suis dit : “Je ne suis pas un biker !”

Quelle est votre définition du biker ? I. S. : Les bikers américains que j'ai vus nevivaient que pour la moto. Moi, j'aimais la mode,le cinéma, plein d'autres choses que la moto. Eux,ils avaient ça dans le sang. Tout le reste ne lesconcernait pas, c'était leur mode de vie. En fait,comme dans le film Easy rider, c'est des loosersen fait. Mais ce que je trouve incroyable aux Etats-unis, c'est que contrairement au Japon, les looserssont reconnus! J'ai pensé que c'était peut-être ça,la vraie démocratie. (rires).

Les bikers au Japon sont-ils très différents desAméricains ? I. S. : Oui, ça n'a rien à voir. Etre“biker” au Japonrelève plus d'une mode. C'est pour cela que j'aitoujours eu honte de me dire moi-même biker.Je n'ai pas de jean déchiré ni les cheveux longs,ni la panoplie des Hells Angels. “On n’a pas besoinde tout ça pour être biker !”. C'est ce que j'ai écritdans les premiers articles de Hotbike. Ceci dit, lapremière fois que j'ai rencontré les Hells Angelspour faire une interview, j'ai pensé que c'était unpeu des Ninkyo yakuza, des yakuza avec un coded'honneur, qui étaient prêts à tuer pour leurfrère ! Ils ont des patchs en trois parties au dosde leur blouson un peu comme les broches en orque portent les yakuza au col de leur veste. Ladifférence, c'est qu'au Japon, ces mecs conduisentdes Mercedes Benz aux vitres fumées, alors qu'auxEtats-unis, ils ont des cheveux longs et chevau-chent des Harley Davidson!

Les Japonais aiment-ils voyager à moto ? I. S. : Ce n'est pas aussi courant qu'aux Etats-unis,mais j'aimerais encourager les jeunes à le faire. Pourmoi qui étais si timide, la moto a été une sorte deprofesseur qui m'a enseigné la vie. A force de partirseul sur les routes, j'ai appris à me débrouiller, àparler anglais. Je me suis aperçu après beaucoupd'années que je pouvais partir n'importe où. LesJaponais sont un peuple timide et assez roman-

tique et je pense que la moto est un moyen detransport qui leur va bien. Qu'importe la motoou le style vestimentaire. Il y a un proverbe anglaisqui dit “motorcycle makes the man” !

Comment expliquez-vous qu'il y ait de moinsen moins de bôsôzoku ?I. S. : Il y a beaucoup de répressions policières etde lois anti-gangs qui ont tué ce mouvement. Lasociété japonaise devient de plus en plus aseptisée.Tout est potentiellement sale ou dangereux. Ondit même aux enfants de ne pas jouer avec la terre,

c'est insensé ! Je le ressens aussi dans le langagede plus en plus codé, comme si on avait tout letemps peur d'être impoli. C'est très fatigant etstressant. Et ça crée des individus du genre kokinotaku, des otaku qui ont la phobie du microbe !D'ailleurs, il y a de plus en plus de hikikomori -ces jeunes qui restent cloîtrés chez eux pendantdes mois, voire des années - et des meurtres com-mis par des gamins. Quand on est jeune, on abesoin de dépenser son trop-plein d'énergie, maisj'ai l'impression que la société actuelle ne fait quel'écraser. Jusqu'au jour où ça explose. Je préférais

“Etre “biker au Japon relève plus d’une mode”, estime IKEDA Shin.

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largement les bôsôzoku de mon époque, c'étaitbeaucoup plus sain.

Dans votre chronique, vous écrivez souvent surdes phénomènes de société, quel est le messageque vous voulez adresser aux lecteurs de Hotbike ?I. S. : Juste une réflexion. Il y a vingt ans, avecnotre argent de poche, on achetait de l'essencepour nos motos ou des pièces de rechange, desdisques ou des guitares. Mais je vois que mainte-nant les jeunes dépensent tout leur argent dansleur abonnement de téléphone portable, ça medéprime beaucoup. Il semble que le portable soitdevenu l'instrument unique de communicationet de loisir. Je ne sais pas en France, mais ici, nonseulement on se voit de moins en moins en direct,mais on ne s'appelle presque plus, tout passe parmessage et par chat ! On vit dans un monde del'instantané, avec des informations sur le mondeen un clic, toutes les actualités en quelques lignessur son portable mais ça ne nous amène pas à laconnaissance du monde réel.

La moto peut être un élément libérateur pourles jeunes qui se détachent de la réalité ?

I. S. : Oui, car la moto incarne le monde réel,contrairement au monde fantaisiste des mangaset des jeux vidéos. Enfourcher sa moto, c'est sentirla morsure du soleil, du vent, du froid, c'est phy-sique. Un jour, un jeune biker américain m'a ditque la moto était dans son sang. Il avait tatouésur son épaule “Pain is my friend”, la douleur estmon amie. C'est souvent la difficulté qui donnela joie de vivre.

Vous avez édité dans un numéro récent votretour du Japon à moto. Pensez-vous que ce soitun bon moyen de découvrir le Japon pour lestouristes français ? I. S. : En tout cas, c'est un moyen original quipermet de voir autre chose. On n’économise pasvraiment sur le prix d’un billet de train à grandevitesse, car les péages d'autoroute sont chers, maison peut conduire tranquillement sur les natio-nales. De Tôkyô à Kyôto, c'est tout droit en lon-geant la mer ! Pour les petits budgets, dormirdans un sac de couchage à la belle étoile ne pré-sente aucun danger au Japon. Sinon, il y a lesinnombrables business hotel ou “love hotel” avecun très bon rapport qualité-prix et l'occasion de

découvrir les motels à la japonaise ! Je peux infor-mer, sur ma page Facebook les motards françaisqui voudraient essayer.

Vous avez créé un deuxième magazine en 2000intitulé Tabigaku, mot à mot “apprendre envoyageant” ? I. S. : Tabigaku est écrit par des voyageurs de toutbord. Il n'y a pas uniquement le back-pack, maisbeaucoup d'autres manières de voyager. Person-nellement, je n'ai jamais été fan de back-packing,car on n’a pas besoin d'économiser systématique-ment chaque centime. On peut voyager à moto,à chameau, à dos d'âne ! Quand j'ai découvertl'Inde, j'ai reçu une décharge électrique. Je me sen-tais cent fois plus à l'aise qu'au Japon! Je n'avaispas besoin de faire des salamalecs pour demanderune cigarette, les gens avaient l'esprit ouvert. Çaa remis en place tout mon système de valeurs. Etça m'a libéré de ma timidité. Je pouvais enfin allerpartout sans avoir peur. Finalement, après toutesces années sur les routes, j’ai fini par me dire quej'étais enfin devenu un biker!

Propos recueillis parALISSA DESCOTES-TOYOSAKI

Pour les touristes étrangers, la moto peut être un moyen tout à fait original de découvrir l’archipel. Une agence française Air Moto Tours (01 30 85 09 68,

http://airmototours.com) s’est spécialisée dans ce type de voyage. Vous pouvez la retrouver au Salon de la moto, bâtiment 6, allée C, stand 67.

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largement les bôsôzoku de mon époque, c'étaitbeaucoup plus sain.

Dans votre chronique, vous écrivez souvent surdes phénomènes de société, quel est le messageque vous voulez adresser aux lecteurs de Hotbike ?I. S. : Juste une réflexion. Il y a vingt ans, avecnotre argent de poche, on achetait de l'essencepour nos motos ou des pièces de rechange, desdisques ou des guitares. Mais je vois que mainte-nant les jeunes dépensent tout leur argent dansleur abonnement de téléphone portable, ça medéprime beaucoup. Il semble que le portable soitdevenu l'instrument unique de communicationet de loisir. Je ne sais pas en France, mais ici, nonseulement on se voit de moins en moins en direct,mais on ne s'appelle presque plus, tout passe parmessage et par chat ! On vit dans un monde del'instantané, avec des informations sur le mondeen un clic, toutes les actualités en quelques lignessur son portable mais ça ne nous amène pas à laconnaissance du monde réel.

La moto peut être un élément libérateur pourles jeunes qui se détachent de la réalité ?

I. S. : Oui, car la moto incarne le monde réel,contrairement au monde fantaisiste des mangaset des jeux vidéos. Enfourcher sa moto, c'est sentirla morsure du soleil, du vent, du froid, c'est phy-sique. Un jour, un jeune biker américain m'a ditque la moto était dans son sang. Il avait tatouésur son épaule “Pain is my friend”, la douleur estmon amie. C'est souvent la difficulté qui donnela joie de vivre.

Vous avez édité dans un numéro récent votretour du Japon à moto. Pensez-vous que ce soitun bon moyen de découvrir le Japon pour lestouristes français ? I. S. : En tout cas, c'est un moyen original quipermet de voir autre chose. On n’économise pasvraiment sur le prix d’un billet de train à grandevitesse, car les péages d'autoroute sont chers, maison peut conduire tranquillement sur les natio-nales. De Tôkyô à Kyôto, c'est tout droit en lon-geant la mer ! Pour les petits budgets, dormirdans un sac de couchage à la belle étoile ne pré-sente aucun danger au Japon. Sinon, il y a lesinnombrables business hotel ou “love hotel” avecun très bon rapport qualité-prix et l'occasion de

découvrir les motels à la japonaise ! Je peux infor-mer, sur ma page Facebook les motards françaisqui voudraient essayer.

Vous avez créé un deuxième magazine en 2000intitulé Tabigaku, mot à mot “apprendre envoyageant” ? I. S. : Tabigaku est écrit par des voyageurs de toutbord. Il n'y a pas uniquement le back-pack, maisbeaucoup d'autres manières de voyager. Person-nellement, je n'ai jamais été fan de back-packing,car on n’a pas besoin d'économiser systématique-ment chaque centime. On peut voyager à moto,à chameau, à dos d'âne ! Quand j'ai découvertl'Inde, j'ai reçu une décharge électrique. Je me sen-tais cent fois plus à l'aise qu'au Japon! Je n'avaispas besoin de faire des salamalecs pour demanderune cigarette, les gens avaient l'esprit ouvert. Çaa remis en place tout mon système de valeurs. Etça m'a libéré de ma timidité. Je pouvais enfin allerpartout sans avoir peur. Finalement, après toutesces années sur les routes, j’ai fini par me dire quej'étais enfin devenu un biker!

Propos recueillis parALISSA DESCOTES-TOYOSAKI

Pour les touristes étrangers, la moto peut être un moyen tout à fait original de découvrir l’archipel. Une agence française Air Moto Tours (01 30 85 09 68,

http://airmototours.com) s’est spécialisée dans ce type de voyage. Vous pouvez la retrouver au Salon de la moto, bâtiment 6, allée C, stand 67.

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EXPÉRIENCE Savoir négocier le tournantLa culture de la moto évolue dans le pays. Elle doit s’adapter auvieillissement de la population.

P our beaucoup d’étrangers, la moto auJapon est souvent associée à deux choses :les Grands prix et les bôsôzoku. Cepen-

dant, beaucoup de choses ont changé. ZoomJapon a eu la chance de parler à OkaBayashI

Michinori, propriétaire de la chaîne de magasinsMotorimoda, qui nous a expliqué comment laculture des motards dans l’archipel a évolué aucours des vingt dernières années.OkaBayashI Michinori est aujourd’hui âgé de41 ans. sa passion pour les motos remonte à ses18 ans “C’est mon plus jeune frère qui m'a initiéaux joies de la moto”, raconte-t-il. “Quand j’étaislycéen, je ne m’y intéressais pas du tout jusqu’aujour où il a acheté sa première moto. J’ai vu qu'ilprenait un tel plaisir que j’ai décidé de suivre sonexemple. J’ai passé mon permis et acheté ma pre-mière bécane, une Honda 250cc.”Le patron de Motorimoda est né dans la préfecturede kôchi, sur l'île de shikoku, où il a vécu jusqu'àla fin de ses études. kôchi est la plus grande,mais la moins peuplée des quatre préfectures deshikoku et à bien des égards, elle propose un en-vironnement idéal pour quelqu'un qui possèdeune moto. “Entre les montagnes, la côte et la cam-pagne, il y a beaucoup d'endroits où l’on peutprendre son pied à moto. Cela dit, je dois avouerque je préfère les balades en ville. Je sais quebeaucoup de motards rêvent de quitter la villepour laisser libre cours à leur machine sur les routesde montagne. Moi, c’est le contraire. Je préfère letrafic auquel les autres veulent échapper. La vitessen’a pas d’importance à mes yeux, la moto en villeest également plus sûre”, explique-t-il.alors que la première moto de OkaBayashI

était une honda, il a plus tard acheté une harleyDavidson. Il détient actuellement une MVagusta venue d’Italie. “Elles sont toutes très dif-férentes”, fait-il remarquer. “Les motos japonaisessont en général des machines de qualité qui mettenten valeur le souci des constructeurs pour les détails.Elles sont très fiables et leur esthétique est plusréussie. Quand j’ai acheté ma première moto, ilétait tout naturel que je me tourne vers une marquelocale. Cependant, quand j’ai commencé à voyageren Amérique et en Europe pour mon travail, jen’ai pas pu m’empêcher d'être attiré par leurs pro-duits. Une Harley Davidson, par exemple, est unepuissante moto avec un gros moteur. Les motoseuropéennes quant à elles sont d’une conceptionsupérieure. Elles sont magnifiques, et leur mécaniqueest au top. Ma MV Agusta actuelle est équipée

d’un moteur de 750cc”, ajoute-t-il.Il pense que posséder une moto au Japon a sesavantages et ses inconvénients. “Le plus grosproblème aujourd’hui est de trouver une place destationnement. Jusqu'à il y a quelques années, onpouvait se garer n'importe où, mais maintenantce n’est plus possible. Non seulement vous risquezune amende, mais il est pratiquement impossiblede trouver une place même illégalement. EnEurope, certains espaces de stationnement sontréservés aux motos, mais au Japon, il n'y a riende comparable. Donc, vous devez payer un parkingprivé. Côté positif, c’est qu’il est désormais possibleà deux personnes de rouler sur la même moto surune autoroute. Aussi bizarre que cela puisse pa-raître, c’était défendu, mais heureusement, ilsont changé les règles il y a environ 3 ou 4 ans. Çareste cependant interdit sur les autoroutes métro-politaines, mais ailleurs c’est autorisé. Malheu-reusement, faire de la moto sur autoroute est re-lativement coûteux dans la mesure où une motoest taxée au même niveau qu'une voiture de petitecylindrée.”Beaucoup d'étrangers qui vivent au Japon seplaignent souvent des faibles compétences desJaponais en matière de conduite. OkaBayashI

Michinori ne partage pas vraiment leur opinion.“Je ne sais pas, il y a des bons et des mauvaisconducteurs partout”, dit-il. “Si vous regardez lesstatistiques, en Italie, chaque année plus de 20000 personnes perdent la vie ou sont blessées dans

des accidents de la circulation. Au Japon, lenombre d'accidents est en baisse chaque année, etle chiffre actuel est d'environ 6 000, même si lapopulation du Japon est le double de celle del'Italie. Il semble donc que nous ne soyons pas simauvais après tout”, souligne-t-il en riant. Il a eu plusieurs fois l’occasion de faire de lamoto à l'étranger, et a appris à apprécier laculture des motards en Europe. “Je connaissurtout la France et l'Italie. Dans ces pays, lesgens semblent avoir de nombreuses façons deprofiter de leurs motos”, raconte-t-il. “Comparésaux Japonais, les Italiens et les Français semblentprendre beaucoup plus de plaisir. Au Japon, lamoto est avant tout considérée comme un moyende transport pour se rendre d’un point à un autre,surtout en week-end ou pendant les vacances.Mais en France, un grand nombre de personneschoient leur moto. Pour eux, c’est un objet qu'ilspeuvent personnaliser et embellir avec des accessoires.Une autre différence importante est que la plupartdes Japonais associent la moto avec l’idée de passerun bon moment en roulant à travers le pays et enlaissant leur vie quotidienne derrière eux pourpénétrer dans une autre dimension faite de liberté,de vitesse et d'aventure. Mais en France ou enItalie, la moto fait partie de la vie quotidienne.Beaucoup se rendent au travail à moto, et il esttrès fréquent de voir une femme en jupe sur sondeux roues. Voilà exactement le genre de style devie que j’essaie d'introduire au Japon.”

Il doit sa passion pour les motos à son plus jeune frère.

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Fort d’une expérience de 20 années à moto,OKabaYashi michinori constate une diminutionprogressive de la population de motards. “Il y acertainement moins de motards qu’avant”, affirme-t-il. “Chaque année, le nombre de personnes quipossèdent une moto se réduit, en particulier chezles jeunes. Je suppose que la façon dont ils aimentpasser leur temps libre et dépenser leur argent abeaucoup évolué. Il y a 20 ans, ils avaient moinsde choix. Mais maintenant ils ont des ordinateurset des smartphones pour les occuper. Toutes ceschoses ont un coût. Une facture de téléphones’élève à environ 10 000 yens par mois, ce quisignifie qu'ils ont moins d'argent pour d'autreschoses. Posséder une moto n’est pas donné nonplus. Il y a son entretien, le coût de la place deparking, puis tous les deux ans, il faut passer le

contrôle technique qui avoisine les 100 000 yens.” avec la baisse de la population japonaise, OKa-baYashi michinori pense que les constructeursjaponais vont devoir chercher de nouveaux dé-bouchés à l'étranger. “Il n'y a pas que les motards,mais la population japonaise dans son ensembleest en baisse sans parler du vieillissement”, dit-il.“Même dans mes magasins, l’âge moyen de laclientèle se situe entre 40 et 50 ans. Je sais d’oreset déjà que dans 10 ou 20 ans, cette tendance vase renforcer. Nous devons planifier l'avenir etessayer d'introduire nos produits vers d'autrespays. Pour les constructeurs, la Chine et l'Asie duSud-Est constituent des marchés très prometteurs.Dans mon cas, je prévois d'ouvrir une boutique àParis, l'année prochaine, où je pourrai proposerde bons produits japonais.”Pour lui, la moto demeure l'une de ses meilleuresexpériences dans la vie. “J’ai parlé de l'influencede mon petit frère, mais je me souviens que lorsquej’étais enfant, chaque fois que je montais dans lavoiture de mon père, j’adorais passer la tête parla fenêtre pour sentir le vent sur mon visage. Jeretrouve cette sensation quand je fais de la moto.A cela s’ajoute l'odeur de chaque endroit traversé,comme les arbres sur une montagne ou la mer, lelong d’une route côtière. Il n’y a que la moto pourvous procurer une telle sensation.”

JEAN DEROME

D epuis la fin de la seconde guerre mon-diale, la culture biker a été synonyme dejeunesse, de liberté et de rébellion. Le

cinéma s’y est intéressé à commencer par L’Equipéesauvage (1953) avec marlon brando. La plupartdes films produits au cours des deux décennies sui-vantes l’ont été principalement aux Etats-Unis,mais le Japon a commencé à rattraper son retardà la fin des années 1960 avec la série de films Noraneko Rokku [stray cat Rock] sur un gang demotards féminins qui a lancé la carrière de l'actriceKaJi meiko.alors que ces films mettaient en scène de joliesjeunes femmes sur fond de violence stylisée, la vieréelle dans les rues du Japon était gouvernée parun tout autre genre de gangs de motards, les bôsô-zoku, souvent engagés dans des affrontements entredes bandes rivales ou des affrontements avec lapolice. Yanagimachi mitsuo, le célèbre réalisateur,a dépeint ces délinquants dans son premier long-métrage emblématique God Speed You ! BlackEmperor. Réalisé en 1976 pour la société de pro-duction de Yanagimachi, gunro Films, à uneépoque où les bôsôzoku étaient à leur paroxysme,ce documentaire indépendant doit son titre aunom du gang que le cinéaste a suivi et dont il ainterviewé les membres. Les bandes de motards étaient alors tristementcélèbres à l'époque pour leurs luttes sanglantes etleurs expéditions pour terroriser la population avecdes sabres de bois, des tuyaux métalliques et desbattes de base-ball. Elles les utilisaient pour van-daliser des voitures et elles étaient généralementconsidérées comme une nuisance pour la société.Les black Emperor en dépit de leur nom grandi-loquent sont plutôt calmes. Leur comportementasocial et contre le pouvoir s’exprime par le biaisdes croix gammées présentes sur leurs vêtementset d’autres expressions de ce type. mais ils se mon-trent plutôt polis face à la police et la seule violenceà laquelle est confronté le spectateur s’exprimequand un des membres reçoit une dérouillée pouravoir dérobé l’argent d’une collecte… ce sont desenfants qui revendiquent fièrement d'être des sans-abris, mais qui, une fois leur virée avec les copainsterminée, rentrent à la maison pour un petit-déjeu-ner bien mérité.Un seul d’entre eux semble plus dur que les autresjusqu’au moment où il est arrêté comme suspectdans une affaire de taxi vandalisé. alors qu’unedate d'audience constitue une référence pourchaque voyou qui se respecte, ce gamin a trop peur

d'affronter seul le juge et supplie presque sa mèrede l’accompagner au procès. D’ailleurs, les seulesfemmes qui apparaissent face à la caméra de Yana-gimachi sont les mères de ces voyous loufoques.malgré leur machisme ostentatoire, ces jeunes sonttout simplement trop timides pour discuter avecdes filles. ils passent une bonne partie de la journéedans des bars pour réfléchir à des opérationscomme le ferait un groupe de scouts. nous sommes très loin des motards en veste decuir dépeint juste un an avant par ishii Teruo dansDetonation! Violent Riders, un film mettant envedette l’élégant chiba sonny en bôsôzoku. Lesmotards de Yanagimachi qui défilent sur l'écranportent de simples vêtements de rue au lieu descoûteux tokko-fuku, ces uniformes des unités spé-ciales de l’armée impériale, richement brodés dekanji (caractères chinois) et symboles impériauxqui font partie de la mode bôsôzoku. Les seuls élé-ments qui les rapprochent des bôsôzoku sont lesbandeaux hachimaki et leur coiffure gominée quiles fait ressembler à une bande de yakuza en herbe.Pour être un délinquant motorisé, il faut de l’argent.car les motos coûtent cher et leurs transformationsplus encore. Le facteur économique est cité commel'une des raisons du déclin, apparemment irréver-sible, des gangs de motards au cours des 20 dernièresannées. selon l'agence nationale de la Police, en2011, on n’en comptait plus que 9 064 contre40 000 à leur zénith. Un grand changement parrapport à l'époque où les gangs étaient responsablesde 80 % des crimes commis par des jeunes. L'autrefacteur majeur de la disparition des bôsôzoku : lespoliciers eux-mêmes qui semblent enfin avoir perdupatience. Dans le documentaire de Yanagimachi,les flics passent la plupart du temps à suivre lesjeunes, les réprimandant calmement et les avertis-sant des dangers de la moto. aujourd'hui, le ton acomplètement changé. avec les lois adoptées en2004, il est plus facile de les arrêter, et avec la mul-tiplication des caméras de surveillance les membresde bandes de motards n’ont plus besoin d’être prisen flagrant délit pour être condamnés. Les autoritésont seulement besoin de recueillir suffisammentde preuves pour identifier les motards. ils les arrê-tent tranquillement et leur retirent leur permis.Le film de Yanagimachi, malgré l’absenced’images choquantes, demeure un document fas-cinant sur certains aspects de la société japonaiseque les spectateurs étrangers ont eu rarement l'oc-casion de voir. malgré ses imperfections techniqueset l’impression de revoir plusieurs fois la mêmescène en raison de la durée du film (90 mn) quireste très honnête. si vous avez envie de voir desmotards circulant à toute vitesse dans la nuit, celavaut vraiment le coup d'œil. J. D.

OKABAYASHI Michinori envisage d’ouvrir prochaine-

ment une boutique en France.

CINÉMA Paroles de bôsôzokuFilm rare, God Speed You ! BlackEmperor de YANAGIMACHI Mitsuotémoigne d’une époque révolue.

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C omme tout fan le sait, les mangas sontcélèbres pour couvrir tous les sujets pos-sibles et imaginables, souvent de manière

inattendue. La moto ne fait pas exception. L'his-toire d'amour des mangaka avec les deux roues acommencé dans les années 1960, et l'une desœuvres les plus réussies de cette période s’intituleWild 7 (1969-1979), une histoire extrêmementviolente d'une équipe secrète antiterroriste à motodont les membres sont tous d’anciens taulards.Probablement inspiré par le film de RobertAldritch, Les 12 salopards (1967), ce manga reflètece moment particulier de l'histoire japonaise,lorsque les étudiants affrontant régulière-ment la police et les politicienscorrompus faisaient les pre-mières pages des journaux.Comme d'autres mangas de lamême période, comme Golgo13, l'histoire comporte beaucoupd'actions, et les héros doiventsouvent enfourcher leurs motoséquipées de lance-missiles.Wild 7 a terminé sa course en1979 au moment où la moto acommencé à connaître son âge d'ordans les mangas au début desannées 1980. Futaridaka (1981-1985) [Les deux faucons] qui a étérécompensé, raconte la rivalité féroceentre deux coureurs. Même HARA

Tetsuo, connu pour Hokuto no Ken(Ken le Survivant), a réalisé une courtesérie sur les courses de motocross inti-tulée Tetsu no Don Quijote [Don Quichotte defer] juste avant de se lancer dans son projet le pluscélèbre. Cependant plus que les courses sur circuit,ce qui attirait surtout les jeunes à cette époque,c’était les courses illégales qui se déroulaient dansles rues comme l’a très bien dépeint Kaido RacerGo [Street Racer Go]. Il raconte les courses devitesse dans les rues, ou sur les autoroutes métro-politaines embouteillées de la capitale sans oublierles défis lancés sur les routes étroites et sinueusesde montagne. Ce dernier sujet a été très bien cou-vert et avec succès par SHIGENO Shûichi dans InitialD (1995 -2013) bien que son manga portait surles voitures, SHIGENO avait abordé les courses demoto illégales dans Baribari Legend (1983-1991).Cette histoire a effectivement de nombreux pointscommuns avec son plus célèbre manga de voituredes années 1990. Apparemment, il a été blâmé

pour avoir incité de nombreux jeunes coureurs àdevenir rollingzoku, c’est-à-dire des casse-cou intré-pides qui rivalisaient pour déterminer la vitesse laplus élevée à laquelle ils pouvaient aborder lescourbes. Malgré la critique, le manga est devenu sipopulaire que l’éditeur de jeux vidéo Taito l’aadapté en 1989 pour le marché des consoles desalon.Alors que la culture biker était à son paroxysme auJapon dans les années 1980, elle faisait cependantles manchettes pour de mauvaises raisons. Il y avaitles courses de rue illégales avec des gangs commele tristement célèbre Mid Night Club qui emprun-tait la route entre Tôkyô et Yokohama à 300 km/h.Mais le phénomène le plus troublant était celuides bôsôzoku. Ces gangs de motards composés dejeunes délinquants comptaient plus de 40 000

membres. Il était donc tout à fait logique que lesmangaka s’en emparent et en fassent des anti-héros.Deux des mangas de ce genre les plus populairessont Shônan Bakusôzoku (1982-1987) et Hot Road(1986-1987). En 2014, ce dernier a même étéadapté au cinéma où il a connu une carrière hono-rable. Reste que les années 1980 ne se résumentpas seulement à de la violence et des activités illé-gales comme le prouve Pelican Road (1983-1987),l'histoire d'un lycéen fou de sa Honda MBX50 quimonte un club de moto avec ses amis. Même si lehéros doit affronter au milieu de la série un gangde motards et de voyous, ce récit porte principa-lement sur l’adolescence.La culture biker est devenue tellement omnipré-sente à cette époque qu’on la retrouve même dansdes histoires qui ne sont pas centrées sur la moto.Sans doute la plus célèbre de toutes est Akira (1982-

1990) dont la version animée (1988) a grandementcontribué à la popularisation de l’animation japo-naise en Occident. Évidemment, Akira est tout saufune histoire de motards. Cependant, l'un de sesthèmes centraux est l'aliénation de la jeunesse et samobilisation contre l'autorité. Les deux principauxpersonnages, Tetsuo et Kaneda, sont membres d'ungang bôsôzoku. Tout commence par une batailleentre des gangs rivaux dans les rues de Neo-Tokyo.Plus récemment, un autre motard qui a gagné lecœur de nombreux fans de mangas et d'animés s’ap-pelle Celty Sturluson, vedette dans Durarara !!(2009). Adapté d’un roman, l'histoire se dérouledans le quartier d’Ikebukuro dans le nord-est deTôkyô. Il s’agit d’un mélange assez complexe entreguerre des gangs, romance et surnaturel, mais le per-sonnage qui se distingue s’appelle Black Biker, uncavalier sans tête qui est en fait un Dullahan (une

fée de la mythologie irlandaise) doté d’une forcesurhumaine et venu au Japon pourrécupérer sa tête volée et dont la motoest en fait son cheval noir déguisé.Celty Sturluson est juste une nouvellerace de motards féminins apparuerécemment dans le monde du manga.Fait intéressant, alors que le nombre depossesseurs de motos est en baisseconstante depuis une vingtaine d’années,l'intérêt accru pour des personnages bientrempés a convaincu plus d'un mangakaque les jeunes filles mignonnes pouvaientfaire vendre plus d’exemplaires que desmachos.Le summum de cette nouvelle version du

genre biker dans les mangas semble êtreBakuon !! [Explosif], l'histoire d'un groupede lycéennes fatiguées de prendre leur vélopour aller à l’école s’intéressent à la moto etdécident de rejoindre le club de moto de

l’école. Les mangaka aiment mélanger des genresapparemment incompatibles et imaginer des his-toires étranges sans beaucoup d'égard pour la nar-ration traditionnelle. Ils peuvent être ainsi pardon-nés de faire chevaucher les puissantes motos par defluettes lycéennes. Après tout, déjà à la fin des années1970, le protagoniste de 750 Rider (1975-1985)circulait sur une Honda CB750 Four alors qu'ilavait seulement 16 ans (au Japon, il faut avoir 18ans pour rouler sur ce genre d’engin). Puisqu’onparle de motard poids léger, il faut aussi citer lemanga Doko made ikeru kana ? [Je me demandejusqu'où je peux aller] (2012) qui met en scène unefemme d’une trentaine d’années, mère de deuxenfants. Elle ne mesure que 1,50 m et n’a aucuneforce, mais elle a relevé le défi de passer le permispour chevaucher un 400cc de 200 kg. De quoi vousrendre accro aux mangas les plus dingues. J. D.

MANGA Sur les chapeaux de roueDepuis les années 1960, la motooccupe une place non négligeable dansl’univers de la bande dessinée.

Doko made ikeru kana ? et Wild 7 sont deux succès du manga sur la

moto.

décembre 2015 numéro 56 ZOOM JAPON 13

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新宿日本語学校Shinjuku Japanese Language InstituteSINCE 1975

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ZOOM CULTURE

H UMEUR par KOGA Ritsuko

Je rêvais d’être Française et d’habiter dans cettecapitale comme si c’était tout à fait normal. Pour-tant c’est en étant ici que je me sens plus Japo-naise que jamais. Déjà, lorsque je reviens enFrance après un voyage à l’étranger, je me senssolitaire en me séparant de mes compagnonsfrançais à la douane quand je dois faire la queuedevant le guichet indiqué “Tous passeports” etpas “Passeport EU”. Je paie pourtant des impôtsdans ce pays, et en plus, j’ai suivi une formationcivique lors de mon changement de statut lié aumariage ! D’après le gouvernement, cela devaitme permettre de découvrir les valeurs de la Répu-blique française, lesquelles consistent à respecterla laïcité, l’égalité entre hommes et femmes, leslibertés fondamentales, etc. En 6 heures, j’ai étéformée et ai reçu une attestation ! Sinon, pourdevenir Française, on m’a expliqué qu’il fallaitattendre 4 ans après le mariage pour faire unedemande de naturalisation,mais que tout le monde neserait pas accepté. “Vous aurezplus de chance si vous avez faitdes études universitaires enFrance que d’avoir eu un enfantdans le territoire”, m’a-t-on dit.Ah bon ?Indépendamment des papiers, les occasions derappeler mon origine ne me manquent pas.Quand je mange du fromage de caractère, onme dit “Ah dit donc, cette Japonaise !”. Lorsqueje bois un shot de rhum, on me lance : “Tu n’espas Japonaise !”. Quand je parle, on me félicite :“Tu parles bien pour une Japonaise”. Même lemédecin ne résiste pas : “Même pour une Japo-naise, vous avez le teint trop pâle” et au travail,on me rappelle que “Tu es trop Japonaise”…C’est vrai que je suis Japonaise, mais quand est-ce que je pourrai discuter sur le même terrainque vous ? Lors des événements tragiques du13 novembre, je me suis sentie très concernéeet j’ai été très choquée. Les quartiers touchésfont partie de ma vie et je me sens proche desgens qui les fréquentent. Ma profonde tristessene m’a amenée ni à sortir, ni à crier. Mais s’ils’agit de boire un coup en terrasse pour prouvermon aptitude à être Française, je suis alors 200% Française depuis 20 ans !

Japonaise oui, mais pas que…

A VOIR Le retourgagnant de HosodaOn se demandait ce dont serait

capable HOSODA Mamoru après son

précédent film Les Enfants loups : Ame

et Yuki (voir Zoom Japon n°23,

septembre 2012) grâce auquel il avait

démontré son potentiel à prendre

dignement la relève de MIYAZAKI Hayao

ou de TAKAHATA Isao. Depuis, le co-

fondateur du studio Ghibli a annoncé

sa retraite. Mais à la différence d’un

HARA Keiichi qui a confirmé avec Miss

Hokusai (voir Zoom Japon n°53,

septembre 2015) son immense talent

et son désir de s’affranchir de

l’influence pesante de Ghibli, HOSODA

semble opter pour des clins d’œil à ses

illustres prédécesseurs. Dans Le Garçon

et la bête, plusieurs éléments

rappellent Ghibli, en raison peut-être

de la présence d’anciens du célèbre

studio comme NISHIKAWA Yôichi.

Néanmoins, il nous livre un très bel

ouvrage où il aborde des thèmes qui

lui sont chers comme la relation

parent-enfant qu’il avait si bien

traitée dans Les Enfants loups. On

prend un réel plaisir à découvrir les

aventures de Kyûta (le garçon) et de

Kumatetsu (la bête), justifiant ainsi

tout le bien fondé de notre

attachement à ce réalisateur.

Le Garçon et la bête de HosodA Mamoru.

Au cinéma le 13 janvier 2016.

RÉCIT L’hommage réussià la culture nipponeFin connaisseur du Japon et de sa culture

populaire, l’auteur nous livre un très bel

ouvrage dans

lequel il

partage sa

passion. Il

propose une

vision de

l’intérieur

pleine de grâce

et de détails

dont on ne se

lasse pas. On y

croise les plus grands noms mais aussi

des aspects moins connus du grand

public. De quoi parfaire nos

connaissances sur ce pays. A noter aussi

l’excellent L’île Louvre de Florent

Chavouet (Tokyo Sanpo) qui succède ainsi

à TANIGUCHI Jirô et ses Gardiens du Louvre

parus aussi l’an passé chez Futuropolis.

Les Cahiers japonais : Un voyage dans l’empire

des signes, de Igort, trad. par Laurent Lombard,

éd. Futuropolis, 24 €.

POÉSIE Tanka modernes Le tanka et sa

structure régulière

5-7-5-7-7 sont bien

moins connus que le

haïku autour duquel

les publications sont

nombreuses. Aussi

doit-on saluer cette

anthologie du tanka

qui permet d’en

saisir toutes les subtilités et la richesse.

Anthologie de tanka japonais modernes, édition

trilingue, éd. du tanka francophone, 20 €.

www.revue-tanka-francophone.com

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Un cinéma d’art et d’essai à Tôkyô - Intérieur -nuit.

Les lumières de la salle de cinéma viennentde se rallumer. La salle est archicomble, dessièges pliants ont même dû être rajoutés

derrière les nombreuses rangées de fauteuils rouges.Le public revient peu à peu à la réalité, il est commeassommé par les 110 minutes pesantes de l’universde Nobi (Feux dans la plaine), le plus récent opusde TSukaMoTo Shinya, le surdoué du cinéma ja-ponais, farouchement indépendant, farouchementvivant. Sorti en juillet 2015 au Japon, le film atourné dans presque 70 salles de l’archipel, et TSu-kaMoTo Shinya s’est fait un point d’honneur àvenir le plus souvent possible à la rencontre de sonpublic. aujourd’hui aussi, le réalisateur est sortides coulisses pour une séance de questions - réponses.

Une jeune femme dans l’assistance : Ce film a étépour moi un véritable coup de poing, c’est un véritablechoc, et je vous en remercie. J’aimerais connaître vosmotivations, ce qui vous a poussé à faire ce film?TSUkAmoTo Shinya : J’ai lu le roman éponymede Ôka Shôhei dont j’ai tiré le scénario de Nobilorsque j’étais lycéen. J’avais été frappé à l’époquepar la description vivide et sans concession dessouffrances endurées par les soldats abandonnéspar leurs unités et livrés à eux-mêmes dans la jungledes Philippines lors de la déroute de l’arméeimpériale japonaise à la fin de la Seconde Guerremondiale. Sans ordres, sans vivres et sans avenir, ilserraient dans la jungle en tentant de repousser lemoment fatidique de leur propre disparition. Àl’époque, sans avoir jamais bien sûr fait l’expériencemoi-même de la guerre, j’avais ressenti dans mestripes cette épreuve. avec Pluie noire, (roman

d’IBuSE Masuji porté au cinéma par IMaMura

Shôhei en 1989), Nobi est le livre consacré à laguerre du Pacifique le plus marquant de la littératurejaponaise que je connaisse. Je n’ai jamais pu depuisoublier ce roman et lorsque j’ai commencé macarrière de cinéaste, je me suis dit qu’un jour, ilfaudrait que je fasse l’adaptation de Nobi, pour re-transcrire en images ces sensations si fortes dutexte original. Mon ambition était de porter àl’écran ce contraste saisissant entre les couleursverdoyantes de ce paradis terrestre que sont lesPhilippines, et la noirceur de l’âme humaine uni-quement préoccupée de sa survie. Sans jamais mon-trer l’armée ennemie, j’ai fait un film dénonçantles atrocités de la guerre, l’effet qu’elle produit surl’homme luttant pour sa survie, prêt à manger lit-téralement son prochain plutôt que d’être mangélui-même.

(Flashback) Un café dans Tôkyô - intérieur - nuit.

TSukaMoTo Shinya est en interview à l’occasionde la sortie de Nobi. Devant un cocktail sans alcoolau yuzu, il répond aux questions du journaliste.Deux jeunes femmes assises à la table à côté fontmine de ne pas écouter, mais ne perdent pas unemiette de la conversation.

Le journaliste : Quelles ont été vos motivations ?Qu’est-ce qui vous a poussé à faire ce film ?T. S. : C’était maintenant ou jamais. Pendant plusde 20 ans, j’ai rêvé de tourner ce film. J’ai commencéà y réfléchir sérieusement pendant le tournage deTetsuo 2, en 1992. Mon ambition était de tournerune grande fresque historique, à la hauteur duroman de Ôka Shôhei, mais à l’époque j’avais àpeine 30 ans alors j’ai remis ce projet à plus tard, enme disant qu’il fallait que je prenne d’abord de labouteille, que je fasse mes preuves en tant quecinéaste. Je n’étais pas pressé, à l’époque, car jepensais que c’était un thème intemporel, que

Avec son nouveau film, le cinéaste a vouluréagir à l’évolution du discours politiquedans l’archipel. Rencontre à Tôkyô.

CINÉMA Pleins feux sur Tsukamoto Shinyal’horreur de la guerre, telle que la décrit si bienÔka, était profondément gravée dans l’histoirecollective des Japonais. Il y a une dizaine d’années,j’ai interviewé plusieurs survivants de la guerre duPacifique pour recueillir leurs témoignages avantqu’ils ne disparaissent. J’ai même participé à desmissions de recherches des restes des soldats del’armée impériale aux Philippines. À l’origine, j’avaisestimé le budget nécessaire au tournage de cettefresque à environ 5 millions d’euros et je faisais ré-gulièrement la tournée des producteurs pour trouverle financement. Je me serais ensuite contenté dutiers pour faire le film dans des conditions raison-nables, mais même cette somme-là, au fil des années,s’est révélée impossible à rassembler. Il faut direque parallèlement, j’entendais de plus en plus lesdécideurs, les producteurs, me dire que l’époquen’était plus aux films de guerre soulignant la défaite.Je voulais tellement faire ce film que j’ai envisagéun temps d’en faire un dessin animé, pour surmonterles contraintes budgétaires et techniques d’un filmde guerre, ou même de le faire tout seul, avec macaméra, aux Philippines, sans personne d’autre. Endéfinitive, j’ai lancé sur Twitter un appel aux bé-névoles et le film s’est fait avec un budget prochede zéro.

Le journaliste : D’où provient ce sentiment d’urgence ? T. S. : Bien que je ne sois pas très porté sur lapolitique, il y a 3 ans, j’ai ressenti un changementsémantique dans la façon d’évoquer l’idée mêmede la guerre. Jusqu’alors, quasiment tous les Japonaisétaient convaincus que la guerre était le mal absoluet qu’il fallait l’éviter à tout prix. Mais on sent dés-ormais un glissement dans le discours politique, leréarmement n’est plus tabou. (Ironiquement, Nobiest sorti au Japon pendant l’été 2015, au momentmême où le gouvernement d’aBE Shinzô faisaitvoter les projets de loi relatifs à la sécurité du Japon,euphémisme pour le réarmement de l’archipel). Jevoulais prendre date avant qu’il ne soit trop tard,

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rappeler aux jeunes générations ce que signifie réel-lement l’horreur de la guerre. Le gouvernementactuel me fait peur. Il a fait passer en force desprojets de loi sans obtenir l'adhésion de la population.ses explications ne sont pas satisfaisantes. Dans lefilm, j’essaie de ne pas prendre position, je veuxque le spectateur garde sa liberté de jugement, maisà titre personnel, je considère que la guerre estvraiment atroce et ne se justifie jamais.

Le journaliste : Depuis vos débuts, vous accumulezles casquettes. Au générique de vos films, vous êtesnon seulement réalisateur, mais aussi producteur,scénariste, cadreur, monteur, souvent acteur, et mêmedistributeur. D’où vous vient cette frénésie, cette gour-mandise ?T. S. : Lorsque j’ai débuté dans le métier, jetournais en 8mm avec une caméra que monpère s’était achetée pour filmer des souvenirs defamille. ma seule école de cinéma, ça a été lessalles obscures. J’ai vu des dizaines de filmspendant mon adolescence, dans des cinémasd’art et essai. Je suis resté marqué par Soleil vertde Richard Fleischer (1973), notamment, maisaussi par l’œuvre de kuRosawa akira, ImamuRa

shôhei, ou IchIkawa kon. Je n’avais bien en-tendu aucun budget pour tourner mes premiersfilms, et j’apprenais sur le tas, motivé par maseule volonté de faire du cinéma. J’ai ainsi constatéque chaque étape du processus était essentiellepour venir à bout d’un projet. L’écriture du scé-nario est pour moi la tâche la plus ingrate, maiselle est primordiale, je ne peux pas la déléguer.Le travail de la caméra, le cadrage est un plaisirpour tout passionné de cinéma et c’est fascinantde regarder le monde à travers l’objectif de la ca-méra. J’aime bien le travail d’acteur, mêmelorsque je ne suis pas le réalisateur du film. PourNobi, le rôle principal était dévolu à quelqu’und’autre, mais pour faire des économies, j’aiendossé le costume du soldat de première classeTamuRa. Enfin, je considère qu’un film naîtréellement au moment du montage, donc c’estvraiment une étape que je ne peux pas confier à

qui que ce soit d’autre. À ma défense, je ne mesuis jamais considéré comme un “réalisateur” defilms, mais comme un “auteur”, c’est ainsi queje peux mener de front toutes ces fonctions. aufil de ma carrière, j’ai eu la chance de travailleravec une équipe de techniciens et d’acteurs, la

“TsukamoTo Gumi” (la bande à Tsukamoto),mais pour Nobi, je suis retourné à mes origines.avec ce film, la boucle est bouclée.

Clap de fin.ETIENNE BARRAL

“Je voulais rappeler aux jeunes générations ce que signifie réellement l’horreur de la guerre”.

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F LASHBACK

T SUKAMOTO Shinya place ICHI-KAWA Kon parmi les cinéastes

qui l’ont le plus marqué. Il setrouve que ce réalisateur a été lepremier à adapter, en 1959, leroman d’ÔKA Shôhei avec dans lerôle du soldat TAMURA l’excellentFUNAKOSHI Eiji. Nobi est sans douteavec Ningen no Jôken (La Conditionde l’homme) de KOBAYASHI Masakisorti la même année l’un des filmsles plus engagés contre la guerrejamais réalisés. ICHIKAWA Kon avaitdéjà abordé la question dansBiruma no tategoto (La Harpe deBirmanie, 1956). Mais sa vision de

la vie militaire était alors beaucoupplus ambiguë que dans Nobi oùil souligne avec force la déshuma-nisation et la dégradation des sol-dats japonais stationnés sur le ter-ritoire philippin dans les derniersmois de la guerre du Pacifique. Lecinéaste était parvenu à amenerles spectateurs à se mettre dans lapeau de TAMURA et à vivre sesangoisses. Un tour de force quiintervenait dans le contexte trèsparticulier de la mobilisationcontre le renouvellement du traitéde sécurité nippo-américain vouluà l’époque par le Premier ministre

KISHI Nobusuke, grand-père d’uncertain ABE Shinzô qui dirigeaujourd’hui le gouvernement eta fait adopter, malgré une oppo-sition massive des lois sur ladéfense qui vont permettrenotamment aux troupes japo-naises de participer à des opéra-tions sur des théâtres extérieurs.Dans ce contexte, on comprendles motivations de TSUKAMOTO Shi-nya qui a souhaité traiter à samanière un thème devenu sansdoute abstrait pour la plupart deses contemporains.

ODAIRA NAMIHEI

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K awase Naomi appartient à cette caté-gorie de cinéastes habitués des festivalsoù ils présentent presque chaque année

leur dernière réalisation. La Japonaise entretientavec le festival de Cannes une relation particulièrepuisqu’elle y a présenté un grand nombre de cesfilms comme Suzaku (1997) ou La Forêt deMogari (2007) récompensés par un jury impres-sionné par la maîtrise et la qualité de cetteréalisatrice qui revendiquait, en 2014, la Palmed’or pour Still the Water. Repartie bredouille,elle est revenue cette année avec Les Délices deTôkyô (An) sélectionné comme film d’ouverturede la section Un Certain regard. Une œuvre toutà fait remarquable qui tranche avec certaines deses précédentes réalisations, brillantes d’un pointde vue formel mais trop souvent barbantes enraison peut-être de sa tendance à vouloir toutmisé sur l’aspect technique. est-ce dû au fait que Kawase Naomi ait choiside réaliser un film dont elle n’a pas écrit lescénario ? Nous n’avons pas la réponse à cettequestion, mais il est clair que l’histoire et lamanière de la raconter auraient mérité un bienmeilleur sort lors de l’édition 2015 du festival deCannes. en effet, le récit de sUKegawa Durian àpartir duquel elle a construit son film possèdetous les ingrédients indispensables à la constitutiond’un chef-d’œuvre d’autant plus que la cinéaste aréussi à créer une harmonie parfaite entre l’histoireet les acteurs choisis pour l’interpréter. explorantl’univers de la pâtisserie, le film livre une réflexion

Avec Les Délices de Tôkyô, la cinéaste nouslivre une de ses plus belles œuvres servie parune remarquable distribution.

SORTIE Bonne recette de Kawase Naomi

RÉFÉRENCESLes Délices de Tokyo (An) de KAWASE Naomi (1h53)avec KIKI Kirin, NAGASE Masatoshi et UCHIDA Kyara. En salles à compter du 27 janvier 2016. Wakana, Takue et Sentarô, les trois personnages du film de KAWASE Naomi.

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sur la transmission du savoir d’une génération àl’autre tout en soulignant l’importance de la com-munion entre le maître et l’élève. KawaSe enprofite également pour s’adresser à ses contem-porains et leur rappeler la nécessité du partagedans une société de plus en plus repliée sur elle-même. Si Sentarô ne parvient pas à fabriquer debons dorayaki, c’est qu’il n’est pas ouvert auxautres. Takue, interprétée avec brio par KiKi Kirinque l’on rencontre souvent dans les films de

KOre-eDa Hirokazu, malgré son handicap etl’ostracisme dont elle a longtemps été victime àcause de sa maladie, a choisi d’aller vers l’autre etde transmettre son talent. La complicité qui naîtde cette rencontre nous transporte de la mêmemanière que l’on succombe à l’idée de la cinéastede construire le film autour du cycle des saisons,choix pertinent quand on évoque la nourritureau Japon. Du printemps symbolisé par les cerisiersen fleurs, moment choisi par Takue pour éclore

dans la vie de Sentarô, à l’automne où elle va dis-paraître, KawaSe déroule le fil d’une histoire quine laisse pas indifférent. On apprécie la justessedes dialogues et du jeu des acteurs. Les Délices deTôkyô se savourent comme les délicieux dorayakique Sentarô finit par créer à partir du momentoù il décide enfin d’aller vers les autres. La dernièrescène du film en est la plus belle des illustrations.Des films comme celui-là, on en reprend !

GABRIEL BERNARD

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R ENCONTRE

W alaku est une pâtisserie japo-naise installée à Paris depuis

juillet 2011. Dans cet endroit sobre etcalme, on peut déguster sept à huitspécialités parmi lesquelles le dorayaki,confectionnées avec amour par le chefpâtissier MURATA Takanori. Né dans unetrès ancienne famille à longue traditionde pâtissiers, vivant dans la préfectured’Aichi, au sud-ouest de Tôkyô, MURATA

Takanori a commencé à assister sonpère dès ses trois ans. Dans son petitsalon de thé parisien, dont les placessont limitées à huit, les clients savou-rent des pâtisseries qui font plaisir auxpapilles et aux yeux. Et le vrai atoutpour les amateurs de cette boutique,c’est que l’on peut observer de prèsl’art de M. MURATA depuis le comp-toir. Walaku est ainsi l’endroit idéalpour retrouver l’univers de Sentarô,le personnage principal du film deKAWASE Naomi, à Paris. MURATA Taka-nori s’est prêté à un jeu de questions-réponses.

Quels sont les secrets de votre an(pâte de haricots rouges sucrée, basede la pâtisserie japonaise) si exquis ?MURATA Takanori : Dès le début, j’aitenu à faire moi-même l’an avec lesingrédients que je pouvais trouver icien France, au lieu de les importer duJapon. Mais entre les deux pays, il ya beaucoup de différences : parexemple le climat et même l’eau nesont pas identiques. J’ai alors plu-

sieurs fois modifié ma recette pourobtenir l’an qui me satisferait. Lesmodes de cuisson sont aussi diffé-rents. Au Japon on utilise en généralle gaz, mais en France c’est plutôtl’électricité. Le résultat, c’est qu’il fautà peu près le double du temps pourproduire l’an que je peux servir auxclients. Mais je ne veux pas utiliser decocotte-minute, car même si je pou-vais diminuer le temps de cuisson, lapâte perdrait sa saveur originale. Entant que pâtissier qui introduit l’anen France, je tiens à en faire connaîtrele goût authentique. Les autres pâtis-siers qui me suivront seront libres dechoisir une autre démarche.

Pour quelles raisons donnez-vous descours de pâtisserie ?M. T. : J’aimerais que mes clients semettent à fabriquer eux-mêmes lesgâteaux japonais à la maison, mais ilest important d’utiliser les matièrespremières de la France. En effet, sij’utilisais seulement les ingrédientsqui viennent du Japon, les Françaisseraient découragés d’imiter mesrecettes. Aussi est-il important depouvoir indiquer les lieux où acheterles ingrédients appropriés. Par exem-ple, j’achète les haricots rouges dansun magasin bio. Pour l’instant l’ori-gine de ces haricots rouges n’est pasclaire, mais par la suite je voudrais uti-liser des haricots rouges uniquementcultivés en France.

Quelles sont les caractéristiques de lapâtisserie japonaise ?M. T. : On sent beaucoup moins lesucre que dans la pâtisserie française.L’an, élément de base de la pâtisseriejaponaise, contient beaucoup de pro-téines végétales et la plupart desgâteaux ne contiennent ni crème nigluten. Leur taille est relativementpetite et, s’ils sont peu caloriques, ilsprocurent une sensation de rassasie-ment qui dure longtemps. Cette pâtis-serie est aussi bénéfique pour la santé,car on n’utilise que les ingrédients dumoment en fonction des saisons, ellepeut même annoncer ces saisons, c’est

ainsi que j’utilise des motifs de feuillesrougies avant l’automne et pour lemois de décembre, j’envisage desgâteaux en forme de sapin.

Pour quelles raisons préparez-vous vosgâteaux devant les clients ?M. T. : Je voudrais montrer les étapesde la fabrication pour qu'ils s'imprè-gnent de l'esprit de cette pâtisseriejaponaise. Mais il ne s’agit pas du toutd’une démonstration parfaite, je mecontente de répéter devant mes clientsmes gestes ordinaires. Etant seul à pré-parer ces gâteaux, j’ai limité le nombrede places à huit pour garantir la qualitédes produits et du service. Je rencontreparfois des difficultés pour faire com-prendre le goût de l’an aux Françaisqui n’ont pas de connaissance de laculture japonaise, mais c’est en celaque c’est intéressant, il faudra peut-être du temps pour y arriver, mais jene suis pas pressé. Je n’ai qu’à persé-vérer pour faire aimer aux Français lavraie pâtisserie japonaise. A mes yeux,nous partageons la même sensibilité :nous sommes curieux et sensibles à ladiversité des goûts.PROPOS RECUEILLIS PAR SAYAKA ATLAN

Walaku33, rue Rousselet 75007 Paris Déjeuner 12h30-15h Salon de thé 15h-19h (sauf lundi et mardi) Fermeture exceptionnelle du 7 au 15décembre 2015

Le pâtissier MURATA Takanori pré-

pare ses fameux dorayaki.

Murata Takanori a choisi de partager

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22 zooM japon numéro 56 décembre 2015

zooM cultuRe

a près nous avoir proposés juste avantNoël un joli hors-d’œuvre, L’Etrangebibliothèque, nouvelle de MuRaKaMi

Haruki illustrée par Kat Menschik, les éditionsBelfond reviennent, au mois de janvier, avec unplat de résistance signé du même auteur qui devraitravir ses fans. il s’agit de ses deux premiers romansenfin traduits en français et réunis en un seulvolume. il en existait une traduction anglaiseréservée quasi exclusivement au marché japonaiset le romancier avait longtemps refusé de nouvellestraductions, estimant que ces deux œuvres ne mé-ritaient pas d’être soumises au regard des lecteursétrangers. Pourtant Ecoute le chant du vent etFlipper, 1973 constituent les deux premiers voletsde la trilogie du Rat close par La Course au Moutonsauvage (1990) qui marque, selon lui, “le véritabledébut de ma carrière de romancier” comme il l’écritdans la préface. Si le premier n’avait pas été couronné par le prixGunzô, l’une des récompenses littéraires les plusconnues du pays, MuRaKaMi Haruki reconnaîtqu’il “n’aurait peut-être jamais écrit d’autre roman”.Voilà pourquoi il se devait de l’offrir avec le secondà ses nombreux lecteurs qui apprécient tant sonstyle. Evidemment nous avons affaire à des œuvresde jeunesse qui n’ont pas la qualité de ses romansplus aboutis comme Chronique de l’oiseau à ressortou même 1Q84, mais elles possèdent déjà lesgermes de ce qui va contribuer à construire et ali-menter le fameux style MuRaKaMi. On retrouveainsi le rythme qui caractérise tant son écriture

ainsi que les prémices de son désir de s’affranchirdes codes japonais. C’est ce qui le distinguerad’ailleurs de l’autre grand MuRaKaMi, Ryû de sonprénom, qui apparaît à la même époque mais quiconservera une dimension nippone dans son œuvreà la différence de celle de Haruki beaucoup plusuniverselle. C'est ce qui explique pourquoi l’auteurde La Ballade de l’impossible (1987) a réussi àconquérir plus facilement le monde entier avecses romans que Ryû et ses Bébés de la consigne au-tomatique (1980).Dès les premières pages d’Ecoute le chant du vent,on sent s’affirmer cette volonté d’entraîner lelecteur dans un univers littéraire qui n’a rien àvoir avec le Japon. après tout, comme MuRaKaMi

l’explique après coup, il voulait lui-même fuir sonpays (il le fera d’ailleurs pour voyager en Europeet s’installer ensuite aux Etats-unis) et échapperaussi à sa littérature ainsi qu’à son langage littéraire.D’où les références à un écrivain américain imagi-naire, Derek Heartfield, ou encore le choix de

Les deux premiers romans de l’écrivainparaissent mi-janvier chez Belfond. Utilespour découvrir ce qui va faire sa spécificité.

ROMAN Murakami prend son envol

l’assassinat de Kennedy comme élément chrono-logique clé plutôt qu’un événement purement ja-ponais. Toutefois, on sent bien que c’est encorehésitant à cette étape de sa vie puisqu’en évoquantJean-Christophe de Romain Rolland comme œuvrede référence chez Derek Heartfield, son mentorlittéraire, le narrateur oublie que ce roman estsurtout apprécié des Japonais alors même qu’enFrance, il a été malheureusement oublié. C’estpar ce genre de détails que l’on prend la mesuredes efforts que MuRaKaMi va devoir encoredéployer pour parvenir à atteindre son objectif.Flipper, 1973 ne fait que confirmer cette orientationavec plus de force et de conviction encore. il rejettele monde des “salary men” japonais qu’à titre per-sonnel il n’a pas rejoint puisqu’avant de devenirromancier, MuRaKaMi s’était endetté pour ouvrirun bar de jazz. Voilà pourquoi ces deux courts ro-mans sont intéressants. ils mettent en perspectiveles recettes qui vont lui permettre de devenir leromancier à succès que l’on connaît. O. N.

Avec Ecoute le chant du vent et Flipper, 1973, MURAKAMI Haruki commence à affirmer son fameux style.

DR

RéféRencesecoute le chant du vent & flipper, 1973 de MuRakaMi Haruki, trad. par Hélène Morita,Belfond, 21,50 €

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Q uand il entame le tournage d’Une Femmedans la tourmente (Midareru), NaRusE

Mikio est presque à la fin de sa longuecarrière entamée trente-quatre ans plus tôt, en1930. On dit alors que le cinéaste est sur le déclin.Pourtant, il va livrer l’un de ses plus beaux filmsporté par la merveilleuse TaKaMiNE Hideko avecqui il a commencé à travailler, en 1941, avecHideko, receveuse d’autobus (Hideko no shashô-san). Ce que révèle ce long-métrage, c’est nonseulement la parfaite maîtrise du cinéaste qui enest à son 86e film, mais surtout sa capacité àconstruire une histoire qui prend le spectateur dela première à la toute dernière minute. D’autantqu’il témoigne encore dans cette œuvre de son at-tachement à rapporter la vie des gens simples,mais qui connaissent eux aussi des drames liés à

des facteurs extérieurs sur lesquels ils n’ont en dé-finitive aucune emprise. Le côté sombre et tragiquequi caractérise une partie de la filmographie deNaRusE se retrouve donc dans Une Femme dansla tourmente. Qui ne le serait pas d’ailleurs à sa place. Reiko(TaKaMiNE Hideko) vit à shimizu, petite villede province, où elle s’occupe de l’épicerie de sabelle-famille depuis la mort de son mari, tué aufront à la fin de la guerre. Elle doit faire face à laconcurrence d’un supermarché qui s'y est im-planté. Le cinéaste insiste beaucoup sur cetaspect des choses. Vingt ans après la fin de la se-conde Guerre mondiale, une partie du pays,lequel s’apprête alors à devenir l’une des principalespuissances économiques de la planète, n’est pasencore tout à fait préparée à basculer dans lamodernité des rapports économiques dont lesupermarché est en définitive l’illustration laplus marquante. Pour marquer les esprits, le réa-lisateur insiste notamment sur le prix des œufs

bradés dans la grande surface, empêchant lespetits commerçants de résister. Certains se sui-cident. La présence du supermarché est un sujetde tourment pour Reiko, mais il n’est pas le seulloin de là. Elle doit faire face à l’hostilité d’une partie de sabelle-famille, en particulier sa belle-sœur Hisako(KusabuE Mitsuko) qui n’a qu’une seule envie :la chasser et elle a surtout à gérer son beau-frèreKôji (KayaMa yûzô) qui revient à shimizu aprèsavoir quitté son emploi dans la capitale. Le jeunehomme qui mène une vie de patachon est pris àpartie par sa famille, mais Reiko prend sa défense.C’est alors que Kôji lui avoue l’amour qu’il luiporte et qui explique son retour dans la provincede ses ancêtres. Mais c’est évidemment unerelation impossible. Reiko lui explique qu’ils nepourraient pas lutter contre les commérages nirien changer à leur différence d’âge. Kôji a 23ans, il en avait 7 quand Reiko a fait son entréedans la famille. Cette dernière doit se résoudre àpartir et à retourner dans sa ville natale, prétextantson remariage. Kôji n’est pas dupe et décide del’accompagner. au cours du voyage, elle lui avoueson tourment depuis qu’il lui a déclaré sa flamme,mais elle se refuse à lui. Kôji s'enfuit et noie sonchagrin dans l’alcool, ce qui lui sera fatal. Le filmse termine sur le moment où l’on repêche soncadavre et où Reiko en prend conscience et courten vain derrière les brancardiers pour les rattraper.Cette scène est époustouflante. sur le visagesidéré de Reiko, on découvre toute la fatalité del’existence et on comprend que les tourmentsn’ont pas fini de la hanter. On ne saurait trop re-commander de ne pas manquer ce chef-d’œuvreà sa sortie le 9 décembre. O. N.

Film méconnu du cinéaste, Une Femmedans la tourmente est une de ses plus bellesréalisations. A découvrir absolument.

CINÉMA Quand Naruse nous émeut

Dans la dernière scène du film, on peut lire la sidération et le désespoir de Reiko.

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RÉFÉRENCESUne Femme dans la tourmente (Miadareru, 1994) de NARUSE Mikio,avec TAKAMINE Hideko et KAYAMA

Yûzô. En salles le 9 décembre.

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chance, la femme du PDG de la société où travaillemon mari m’a bien aidée. J’ai acheté les mêmesingrédients qu’elle: grains de soja japonais, koji(malt de riz) japonais et sel. C’est tout !Voici la procédure à suivre. Afin d’éviter la fer-mentation des ingrédients, il faut d’abord émietterle koji en le mélangeant avec du sel dans un grandsac plastique. Ensuite, il convient de faire tremper

ZOOM GOURMAND

L e miso est devenu populaire en Francegrâce à la soupe miso. C’est un produitalimentaire à base de soja. Son origine se

trouve dans le hishio (jiàng en chinois), très prochede la sauce de poisson, et le kuki (chi ou shi en chi-nois), soja fermenté, qui ont été importés de Chineau VIIe siècle. A l’époque, le miso était un alimentde luxe et c’est à partir de l’ère Muromachi (1336-1573) qu’il s’est démocratisé. Il a fallu attendrel’ère Shôwa (1926-1989) pour que nous puissionsen acheter du frais dans les commerces. Un des secrets de son goût est lié à son composantl’acide glutamique qu’on retrouve également dansle fromage parmesan, la tomate mais encore dansl’algue kombu, qui donne la fameuse cinquièmesaveur umami. Aujourd’hui, le miso est bien pré-sent dans la vie quotidienne des Japonais. Il occupeun espace important dans les supermarchés. Maru-kome miso est une des plus grandes marques japo-naises dont le symbole est un petit garçon à la têterasée. Il est tellement connu que quand on voitdes garçons ayant la même coiffure, on s’amuse àreprendre la chanson de sa publicité. La marquequi a mis en vente en premier le miso demi-sels’appelle Takeya miso. C’est aussi elle qui a déve-loppé le miso prêt à servir pour la soupe, suscitantl’enthousiasme des femmes qui n’avaient pas assezde temps pour préparer un bon bouillon dashi.Sinon, il existe de petits producteurs qui proposentdes miso originaux : miso blanc, rouge, salé, légè-rement sucré, etc. Le goût varie selon la région oule niveau de fermentation. Certains d’entre euxproposent également des miso assaisonnés prêtsà être utilisés dans différents plats.Depuis mon retour au Japon, j’ai toujours vouluessayer d’en produire une fois à la maison. Par

Le soja fermenté est de plus en plus populaireen France. Notre chef raconte sa premièretentative pour en produire.

TEST Faire votre miso, ça vous tente ?

les grains de soja dans de l’eau pendant 24h. Unefois gonflés, on les cuit jusqu’à ce qu’on puisse lesécraser avec les doigts. La cuisson dure 1h environ.Une fois cuits, il faut les égoutter tant qu’ils sontchauds (garder l’eau de cuisson pour plus tard) etles hacher dans un mixeur. C’est à ce moment-làque l’on choisit la texture finale du miso : lisse ougrossière. Il faut ensuite le mélanger avec le kojisalé puis y ajouter l’eau de cuisson jusqu’à ce quela texture permette de former des boules. Versezle tout dans un récipient propre, recouvrez-le d’unfilm plastique, puis mettez un poids par-dessus.Placez-le dans un endroit sombre et frais, et mélan-gez-le tous les deux ou trois mois. Au bout de sixmois, si le goût vous convient, vous pouvez leconserver dans une boîte en plastique hermétiqueau frigo. Mon premier miso fait “ main ” était plu-tôt grossier. Mais il donnera un goût unique ànotre soupe maison !

MAEDA HARUYO

Dans les supermarchés, les consommateurs ont l’embarras du choix pour le miso.

Les ingrédients pour réaliser son propre miso.

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14 rue Chabanais 75002 ParisTél : 01 42 60 50 95 / M° Quatre Septembre

Ouvert tous les jours de 11h30 à 22h30

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ZOOM GOURMAND

L A RECETTE DE HARUYO

PRÉPARATION1 - Dans une casserole, chauffer l’huile de sésame puis

faire sauter le porc. 2 - Quand le porc change de couleur, ajouter les

légumes. 3 - Ajouter le konnyaku et le tofu4 - Ajouter tout de suite le dashi.

5 - Laisser mijoter pendant 10 minutes environ. Puisajouter le miso.

6 - Servir. Astuce : On peut varier les ingrédients avec de lapomme de terre, de la patate douce, du manioc,du tofu fin frit (Abura age) du tofu frit (Atsu age),du potiron, du chou, du chou chinois etc.

INGRÉDIENTS (pour 5 personnes)

300 g de porc émincé1 carotte 1 gobô (genre de salsifis)1/3 daikon1 poireau japonais à couper en rondelles1 konnyaku à couper en lamelles1 tofu à couper en dés50 g de miso600 ml de dashi (bouillon japonais)Un peu d’huile de sésame

TONJIRU(Soupe miso au porc)

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C e qu’on désigne sous le terme yabusame(tir à l'arc à cheval) trouve son origine auVIe siècle et se présente comme un rituel

guerrier en faveur de la santé et de la bonne fortune.Il se déroulait seulement dans l’enceinte des sanc-tuaires. Au cours de l’époque de Kamakura (1192-1334), il s’est transformé en un exercice spirituelet physique destiné à insuffler l’esprit zen aux guer-riers samouraïs. C’est dans la région d’Usa sur l’île

de Kyûshû que la première épreuve de yabusameaurait été organisée par l'empereur Kinmei (509-571). Elle aurait eu lieu sur le site du sanctuaireHachiman pour célébrer la paix et demander debonnes récoltes. Hachiman est une divinité popu-laire qui protège les guerriers et veille généralementau bien-être de la communauté. Mais c’est en 1096qu’on trouve la première référence d’un événementde ce type organisé pour l'ancien empereur Shira-kawa.De nos jours, ce rituel spectaculaire se déroule dansdes sanctuaires célèbres comme celui de HachimanTsurugaoka à Kamakura ou encore celui de Meiji

à Tôkyô. Ces spectacles attirent des milliers despectateurs qui viennent admirer ces archers à che-val dans leurs somptueux costumes tirant desflèches sur des cibles tandis que leur cheval est augalop. Curieusement, il est aussi organisé dans lepetit village de Togouchi, dans les montagnes duChûgoku de la préfecture de Hiroshima. Cet évé-nement remonte à 1439, à l’époque de Muroma-chi. Il a été relancé en 1991 après avoir été aban-donné pendant des décennies. Il a désormais lieuchaque année le premier dimanche d'octobre. Ils’agit de l’unique épreuve de yabusame organiséedans la préfecture de Hiroshima.

Dans les montagnes qui entourentHiroshima se déroule chaque annéeun rituel qui vaut le déplacement.

Le cavalier pointe d’abord sa flèche vers le sol puis vers le ciel avant de la décocher pour symboliser l’harmonie entre Terre et Ciel.

DÉCOUVERTE Divine rencontre à Togouchi

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C e qu’on désigne sous le terme yabusame(tir à l'arc à cheval) trouve son origine auVIe siècle et se présente comme un rituel

guerrier en faveur de la santé et de la bonne fortune.Il se déroulait seulement dans l’enceinte des sanc-tuaires. Au cours de l’époque de Kamakura (1192-1334), il s’est transformé en un exercice spirituelet physique destiné à insuffler l’esprit zen aux guer-riers samouraïs. C’est dans la région d’Usa sur l’île

de Kyûshû que la première épreuve de yabusameaurait été organisée par l'empereur Kinmei (509-571). Elle aurait eu lieu sur le site du sanctuaireHachiman pour célébrer la paix et demander debonnes récoltes. Hachiman est une divinité popu-laire qui protège les guerriers et veille généralementau bien-être de la communauté. Mais c’est en 1096qu’on trouve la première référence d’un événementde ce type organisé pour l'ancien empereur Shira-kawa.De nos jours, ce rituel spectaculaire se déroule dansdes sanctuaires célèbres comme celui de HachimanTsurugaoka à Kamakura ou encore celui de Meiji

à Tôkyô. Ces spectacles attirent des milliers despectateurs qui viennent admirer ces archers à che-val dans leurs somptueux costumes tirant desflèches sur des cibles tandis que leur cheval est augalop. Curieusement, il est aussi organisé dans lepetit village de Togouchi, dans les montagnes duChûgoku de la préfecture de Hiroshima. Cet évé-nement remonte à 1439, à l’époque de Muroma-chi. Il a été relancé en 1991 après avoir été aban-donné pendant des décennies. Il a désormais lieuchaque année le premier dimanche d'octobre. Ils’agit de l’unique épreuve de yabusame organiséedans la préfecture de Hiroshima.

Dans les montagnes qui entourentHiroshima se déroule chaque annéeun rituel qui vaut le déplacement.

Le cavalier pointe d’abord sa flèche vers le sol puis vers le ciel avant de la décocher pour symboliser l’harmonie entre Terre et Ciel.

DÉCOUVERTE Divine rencontre à Togouchi

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Lorsqu’on se rend à Togouchi, à travers les magni-fiques montagnes couvertes de forêts, le long de lamajestueuse rivière Ota, on ne peut pas s’empêcherde remarquer le nombre impressionnant de per-sonnages en paille qui semblent se prélasser aumilieu du paysage. On reconnaît des pêcheurs soli-taires sur des ponts, des couples appuyés contreune balustrade, des familles entières dans deschamps, certains habillés en kimono ou en costumepaysan, d'autres portants des jeans. Et on sedemande ce qu’ils font là.Juste à l'extérieur de Togouchi, des bannières colo-rées dont certaines virevoltent au bout de longuestiges en bambou annoncent l'événement. Pourtant,la piste située le long de la rivière où doit se déroulerle rituel est vide. On n’aperçoit qu’une longuelignée de photographes avec leurs trépieds en trainde s’installer pour avoir le meilleur point de vue.L’une des rares personnes présentes est un vieillardassis sous son chapeau de paille. Il s’avère que c’estun vétéran des yabusame. Il a participé au grandrassemblement de Kyûshû. Il nous recommandeégalement celui de Tsuwano, dans la préfecture deYamaguchi, qui est organisé “au moment des ceri-siers en fleurs”.“Pour l’instant, ils sont tous au sanctuaire pour lacérémonie”, dit-il en levant la tête en direction dela colline qui surplombe la route. “Vous devriez yaller voir”. Le sanctuaire Hori Hachiman deTogouchi est un des 25 000 sanctuaires Hachimande l’archipel. Autour de lui, se dressent de magni-fiques cèdres qui donnent l’impression d’être làdepuis que la déesse Amaterasu a quitté sa grotte!A l’intérieur du bâtiment, des personnes âgéeschantent et frappent sur leurs tambours. Voilà lesseuls sons que l’on peut entendre en cette matinéeensoleillée. A l’extérieur, les photographes atten-dent patiemment dans une atmosphère tranquilleet détendue. Rien à voir avec l’ambiance des yabu-same de Tôkyô ou de Kamakura bondés de monde.Ici au milieu des arbres séculaires, le kami (dieu)du lieu semble présent, créant un lien presque pal-pable avec les cérémonies du passé. Enfin, apparaît un cheval blanc dirigé par un jeune

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Le responsable du sanctuaire porte un masque de tengu durant la cérémonie.

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ZOOM VOYAGE

garçon en happi tenant un sac en plastique et unepelle à la main pour pouvoir nettoyer l’animal.Puis, on entend un nouveau bruit, celui des appa-reils photos mis en mode de prises de vue continu.Un cavalier, grand, fort et magnifique dans sa tenuede soie, émerge du sanctuaire et monte en selle. Ils’agit d’OkAzAkI Susumu, le champion en titre.Un prêtre sort à son tour, bénit le cavalier et samonture en agitant devant eux sa baguette harae-gushi. Puis il accroche à la crinière du cheval unpapier de prière blanc. Ils sont rejoints par unecavalière. AOShIbA Toshie, c’est son nom, est petiteet a la morphologie d’un jockey. Ce sont les deuxseuls concurrents et ils se relaient pour monterl’unique cheval blanc. Leurs costumes sont éblouis-sants jusqu’à leurs chaussures fourrées et leur four-reau recouvert de fourrure qui rappellent l’ancien-neté de cet art.C’est à cet instant qu’intervient le moment clé duyabusame, c’est-à-dire l’instant où le cavalier placesa flèche sur son arc et tire sur la corde pour la ten-

dre. Avec un papier à prière blanc entre les dents,il oriente cérémonieusement son arc vers le sol avantde le pointer vers le ciel pour symboliser l'harmonieentre le Ciel et la Terre. Il décoche ensuite sa flèchevers la forêt lointaine, suscitant une salve d’applau-dissements enthousiastes. Puis les anciens descen-dent les marches du sanctuaire revêtus de leurssplendides robes dorées, de leurs chapeaux noirs

pointus et certains de leurs casques en forme decarapace de tortue. Le chef porte un masque detengu rouge, mi-homme, mi-oiseau, avec ses cheveuxgris, son long nez rouge et son visage grotesque.Un groupe de pompiers musclés portent le miko-shi (l’autel portatif) empruntant les marchesraides qui mènent à la route principale. C’est toutun spectacle le long de la route pleine de monde.Il y a le champion sur le cheval, le joueur de tam-bour installé sur la plateforme d’un petit camion,les prêtres et le reste de la troupe qui leur emboîtele pas parmi laquelle un joueur de flûte qui joueen marchant, tandis que les enfants du villageavec leurs joues bien rouges vêtus de leur happiturquoise tirent un mikoshi sur un chariot. Lesphotographes quant à eux tentent de garder unpeu d’avance sur la procession afin de pouvoirfaire le meilleur cliché possible.Puis le cortège s’arrête au bord de la rivière où lesmontagnes - domaine des ours et des sangliers -s'arrêtent au pied de la piste d'équitation longuede 140 mètres. Une bonne odeur de fumé douces’échappe d'un étal où l’on grille des mochi. Prèsde la ligne de départ se déroule une autre cérémoniedans un espace délimité par une corde. Un prêtrefait des offrandes de saké et de mochi avant de bénirà nouveau les archers. Le temps est parfait grâce àla présence du soleil et de quelques nuages. “Il nefait ni chaud ni froid”, observe le maître de céré-monie dans son préambule. Une journée d'au-tomne idéale en somme.L’heure du concours a sonné. Le premier tir duchampion brise la cible en bois dans un claquementretentissant. Les applaudissements sont puissants.La cavalière quant à elle ne parvient pas à toucherla cible lors de son premier passage, mais elle estégalement chaleureusement applaudie pour lavitesse de son galop. Après chaque passage, les ciblessont présentées aux juges pour inspection. Les deuxcavaliers se relaient pour tirer sur trois cibles de60 centimètres carrés, positionnées à environsoixante-trois mètres, sur la gauche de la piste lelong de laquelle les cavaliers galopent. Leur habiletéà viser puis à décocher leurs flèches est pour le

Avant le début de l’épreuve, les deux cavaliers, le prêtre et le cheval sont réunis dans une enceinte sacrée.

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Tout au long de la route, on croise des person-

nages en paille plus vrais que nature.

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moins étonnante.L’épreuve en elle-même dure seulement une tren-taine de minutes, après quoi on retourne vers lesanctuaire pour une cérémonie d’adieux. Les spec-tateurs félicitent les archers pour leur incroyablequalité équestre et leur capacité à si bien viser. Avecune modestie toute japonaise, AOSHIBA Toshiereste sérieuse. “Je pratique ce rituel depuis quatreans. Mais comme j’ai peu l'occasion de m’entraînerd'une année à l'autre, je n’ai guère progressé”,explique-t-elle avec regret.Comme cela arrive souvent au Japon, une fois l'évé-nement terminé, les gens disparaissent rapidement,laissant peu de preuves que quelque chose s’estdéroulé. Seule la présence du mikoshi indique lecontraire. Tous les pompiers sont partis ailleurs.Ils s’occupent des bannières et rangent les cibles,de sorte que les anciens ont besoin d'aide pourtransporter le mikoshi et passer les marches dusanctuaire. Il est beaucoup plus lourd qu'il n'yparaît. Mais il sera bientôt rangé avec la divinitéqu’il contient, en toute sécurité à l'intérieur du

sanctuaire pour une autre année.Une fois que ce travail est accompli, il semble quele moment propice soit arrivé pour interroger lesgens sur ces personnages de paille qui parsèmentla campagne. Il ressort de notre interrogatoire qu'ilsn’ont rien à voir avec des épouvantails. Avec ledépeuplement croissant des campagnes, les villagesperdent de plus en plus d’habitants, raconte unedame qui tient un petit étal de pâtisseries. Ces pou-pées de paille à taille humaine contribuent à rendrel’endroit un peu moins désolé. Une manière ori-ginale de maintenir un lien humain essentiel.

STEVE JOHN POWELL

POUR S’Y RENDREAu départ de la gare de Hiroshima, il fautemprunter la ligne JR Kabe jusqu’à la gare deKabe. De là, il faut changer pour un bus quivous déposera au Togouchi IC Bus Center auterme d’un voyage d’une heure environ. Ilfaudra ensuite une dizaine de minutes pourrejoindre le village.

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Le sanctuaire Hachiman de Togouchi a été bâti en 1439. Il accueille chaque année en octobre ce rituel.

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moins étonnante.L’épreuve en elle-même dure seulement une tren-taine de minutes, après quoi on retourne vers lesanctuaire pour une cérémonie d’adieux. Les spec-tateurs félicitent les archers pour leur incroyablequalité équestre et leur capacité à si bien viser. Avecune modestie toute japonaise, AOSHIBA Toshiereste sérieuse. “Je pratique ce rituel depuis quatreans. Mais comme j’ai peu l'occasion de m’entraînerd'une année à l'autre, je n’ai guère progressé”,explique-t-elle avec regret.Comme cela arrive souvent au Japon, une fois l'évé-nement terminé, les gens disparaissent rapidement,laissant peu de preuves que quelque chose s’estdéroulé. Seule la présence du mikoshi indique lecontraire. Tous les pompiers sont partis ailleurs.Ils s’occupent des bannières et rangent les cibles,de sorte que les anciens ont besoin d'aide pourtransporter le mikoshi et passer les marches dusanctuaire. Il est beaucoup plus lourd qu'il n'yparaît. Mais il sera bientôt rangé avec la divinitéqu’il contient, en toute sécurité à l'intérieur du

sanctuaire pour une autre année.Une fois que ce travail est accompli, il semble quele moment propice soit arrivé pour interroger lesgens sur ces personnages de paille qui parsèmentla campagne. Il ressort de notre interrogatoire qu'ilsn’ont rien à voir avec des épouvantails. Avec ledépeuplement croissant des campagnes, les villagesperdent de plus en plus d’habitants, raconte unedame qui tient un petit étal de pâtisseries. Ces pou-pées de paille à taille humaine contribuent à rendrel’endroit un peu moins désolé. Une manière ori-ginale de maintenir un lien humain essentiel.

STEVE JOHN POWELL

POUR S’Y RENDREAu départ de la gare de Hiroshima, il fautemprunter la ligne JR Kabe jusqu’à la gare deKabe. De là, il faut changer pour un bus quivous déposera au Togouchi IC Bus Center auterme d’un voyage d’une heure environ. Ilfaudra ensuite une dizaine de minutes pourrejoindre le village.

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Le sanctuaire Hachiman de Togouchi a été bâti en 1439. Il accueille chaque année en octobre ce rituel.

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• Concours de la MCJP LesConcours d’expression enjaponais et de projets étu-diants en français sont ou-verts. Prix à gagner : des bil-lets d’avion AR pour le Ja-pon et une semaine deworkshop au Japon ! Plusd’info sur le site mcjp.frdans la rubrique agenda oupar mail à[email protected]

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• 14ème concours de Haïkudes enfants du monde en-tier 2015-2016 Thème “Lematin”. Adresse d’envoi desHaiku : JAL FoundationHaiku contest c/o Japan Air-lines 4, rue de Ventadour75001 Paris. Date limite deréception le 15/02/2016.

• Stage intensif de japo-nais pour débutant du 22janvier au 16 mars 2016 -32 heures - mer. et ven.19h-21h - 395€ TTC. Maté-riel compris. Inscription surwww.espacejapon.com

• Ateliers DESSIN-MANGA Réalise ton propremanga ! stages intensifspendant les vacances de fé-vrier 5 jours. De 11h~15h.265€ttc (matériel et repascompris). Attention nombrede places limité. Informa-tions et inscription surwww.espacejapon.com

•Paris Fudosan le spécia-liste de l'immobilier franco-japonais à Paris recherchedes STUDIOS à louer pour ses étudiants et expatriés ja-ponais. 18 rue de Richelieu75001 Tel : 01 4286 8739 [email protected]

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• Concours de la MCJP LesConcours d’expression enjaponais et de projets étu-diants en français sont ou-verts. Prix à gagner : des bil-lets d’avion AR pour le Ja-pon et une semaine deworkshop au Japon ! Plusd’info sur le site mcjp.frdans la rubrique agenda oupar mail à[email protected]

• Expo venteA l’occasion de la sortie deson magazine, Pen Parisvous invite à découvrir unesélection de produits japo-nais lors d’une venteéphémère du mercredi 16au samedi 19 décembrede 11h à 20h. EspaceCinko 8-10 passage Choi-seul 75002 Paris.

• 14ème concours de Haïkudes enfants du monde en-tier 2015-2016 Thème “Lematin”. Adresse d’envoi desHaiku : JAL FoundationHaiku contest c/o Japan Air-lines 4, rue de Ventadour75001 Paris. Date limite deréception le 15/02/2016.

• Stage intensif de japo-nais pour débutant du 22janvier au 16 mars 2016 -32 heures - mer. et ven.19h-21h - 395€ TTC. Maté-riel compris. Inscription surwww.espacejapon.com

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• Droit du séjour et du travail des étrangers• Droit du travail (individuel et collectif)• Droit de la famille• Droit médical et réparation de préjudices corporels• Droit pénal Conseil et assistance devant les juridictions.Résolution amiable des conflits

Notre atout : notre expérience des relations franco-japonaises

Les honoraires sont déterminés en commun accord avec le client selon la na-ture du dossier. N’hésitez pas à nous contacter pour plus de renseignements.

HODEZ ROUFIAT AVOCATS ASSOCIES (A.A.R.P.I.)25 boulevard Voltaire - 75011 Paris

Tél. 01 55 80 57 40, [email protected]

Tarifs des annonces (pour 100 carac.)

Emploi 50€ttcEvénement 45€ttcCours 40€ttcAmitié 40€ttcLogement 35€ttcDivers 30€ttc

Options20 car. suppl. 5€ttcoption web 20€ttc(publication immédiate sur le web + 5 img.)

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