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Jérémie Souteyrat pour Zoom Japon www.zoomjapon.info gratuit numéro 61 - juin 2016 A vélo, au Japon RENCONTRE Profession ambassadeur p. 18 VOYAGE Kyôto, côté cuisine p. 22

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Zoom Japon, numéro 61 (juin 2016)

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Page 1: Zoom Japon 061

Jérémie Souteyrat pour Zoom Japon

www.zoomjapon.info

gratuit

numéro 61 - juin 2016

A vélo, au Japon

RENCONTREProfession ambassadeur p. 18

VOYAGEKyôto, côté cuisine p. 22

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10 rue Saint-Floren�n 75001 Paris Madeleine, ConcordeTél : 01 42 60 13 00www.toraya-group.co.jp/paris/

éditO Ça roule !Les beaux jours arriventet même si l’été, avec sachaleur et son humi-dité, n’est peut-être pasle meilleur momentpour enfourcher unvélo dans l’archipel,

nous avons pensé que vous ne seriez pasopposés à faire une petite balade à bicy-clette. En dehors des quelques règles élé-mentaires de prudence à respecter, la pra-tique du vélo n’exige aucun permisparticulier et constitue un excellent moyende pénétrer au cœur des villes et des cam-pagnes. Nous n’avons pas hésité à testerquelques chemins pour vous au prix dequelques douleurs musculaires. Profitezbien de cette lecture pour organiser votreprochain tour du Japon accompagné devotre petite reine.

LA RÉ[email protected]

ECONOmiE Pas de haussede la TVAPrévue initialement à l’automne 2015,

l’augmentation de la taxe à la

consommation de 8 à 10% va être une

nouvelle fois reportée par le Premier

ministre ABE Shinzô. Une décision qui

s’explique par les difficultés rencontrées

par l’économie à la suite de la série de

séismes à Kyûshû et à la forte hausse du

yen qui pénalise les entreprises. Elle

illustre également les limites de la

politique gouvernementale.

stRatéGiEUn gros couppour NissanEn prenant 34% du capital de

Mitsubishi Motors empêtré dans un

scandale lié à la manipulation des

émissions de gaz polluants sur

certains de ses modèles, Nissan a

réussi une belle affaire. Cela confirme

la bonne santé du groupe dirigé par

Carlos Ghosn qui talonne désormais

Volkswagen et General Motors avec

plus de 9,5 millions de véhicules

produits dans le monde.

milliards d’euros. Tel est le

chiffre d’affaires généré par

les 5 millions de distributeurs

automatiques (voir Zoom Japon n°27,

février 2013) dans le pays. De plus en

plus sophistiqués, certains disposent

même d’un défibrillateur externe

automatisé (AED) pour venir en aide

aux personnes victimes d'un accident.

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L E REGaRd d’ERiC REChstEiNER

En quatre ans, le festival de la photographie Kyotographie imaginé par la photographe française, LucilleReyboz et le Japonais NakaNishi Yusuke s’est imposé comme l’un des grands rendez-vous dans le domaine.Cette année, il s’est déroulé du 23 avril au 22 mai et a attiré des visiteurs de plus en plus nombreux et conquispar la qualité des œuvres présentées comme celles de Fukushima kikujirô à la horikawa Oike Gallery.

Arrondissement de Nakagyô à Kyôto

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Couverture : Jérémie Souteyrat pour Zoom Japon.

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D ans le secteur agricole, le Japon souffregravement d’une crise de candidats. Sile littoral de Sanriku dans la région

d’Ishinomaki a connu son heure de gloire grâceà la pêche, depuis plusieurs décennies, les de-mandeurs d’emploi se font rares pour ce genrede travail considéré comme dur. Avec le séismequi a détruit toutes les installations, les vieux pê-cheurs n’ont pas repris leurs pénibles activités.Partout dans la région, la vie sur le littoral n’estplus très gaie. C’est pourquoi la municipalitéd’Ishinomaki a décidé de créer Triton Oshika,un centre d’accueil pour les jeunes pêcheurs,dans le quartier d’Oginohama, dans la péninsuled’Oshika, afin de leur donner le plaisir d’allertravailler en mer. Il a été inauguré le 27 avril. Laville a confié l’administration de cet établissementau syndicat de pêcheurs de la préfecture et à l’as-sociation Fisherman Japan. C’est cette dernièrequi a monté le Triton Project dont le but estd’attirer de nouveaux candidats dans l’industriede la pêche. Avec Triton Oshika et des jeunesvenus de tout le pays, ils essaient de revitaliser lelittoral.Le bâtiment qui date d’une cinquantaine d’annéesa été rénové. D’une surface totale de 140m2, labâtisse est construite en bois sur deux étages. Ellesera utilisée pour des séjours de courte et moyennedurée : 4 chambres pour des séjours de plus d’unmois, et une chambre pour des séjours de courtedurée. Au total, elle peut accueillir huit personneset dispose d’une terrasse en bois.Dans cette région maritime, dévastée par le séisme,on ne pouvait pas envisager que des gens originairesd’autres villes acceptent de venir travailler, malgréles aides à la reconstruction, sans pouvoir être

logées. Grâce à la maison Triton Oshika, cettequestion est réglée. Son utilisation restera trèsflexible soit en acceptant des travailleurs saisonnierspour différents types de pêche, ou bien accueillantdes stagiaires de lycées techniques de la pêche.Une salle commune sera ouverte pour organiserdes réunions entre les habitants et les jeunes.A l’initiative de l’association Fisherman Japan,sous la présidence d’AbE Shôta, des maisons dece type ont déjà été rénovées. Depuis juillet 2015,elle a ouvert trois maisons dans les quartiers deKitakamichô, Onagawa-chô et Minamisanriku-chô. Quatre personnes résident dans ces maisons.A présent, comme le projet est monté avec lesoutien de la ville d’Ishinomaki, les moyens decommunication sont plus nombreux notammentau niveau des quartiers concernés eux-mêmesque vers l’extérieur. Avec la participation du syn-

Pour inciter les plus jeunes à se lancerdans les métiers de la pêche, la municipalité prend des initiatives.

séRiE Ishinomaki à la pêche aux jeunes

dicat des pêcheurs qui connaît bien les besoinsde chaque port de pêche et qui jouit d’unecertaine autorité, les projets peuvent se réaliserplus efficacement. La collaboration triangulaireentre la municipalité, le syndicat et l’associationpermet ainsi d’offrir des opportunités pour lesjeunes qui souhaiteraient se familiariser auxmétiers de la pêche. Elle permet également dedonner une meilleure image de la pêche. Ainsi,ce projet constitue un cas exemplaire pour résoudrele problème du manque de jeunes pêcheurs quiest un problème national.Le 27 avril, lors de la cérémonie d’inauguration,les habitants d’Ishinomaki sont venus aussi pourfêter cet événement. Selon le responsable municipalde la pêche, “un tel centre peut être considérécomme un projet novateur et nous nous efforceronsde répondre à tous ceux qui s’intéressent à la pêche.”

Le Centre Triton Oshika a vu le jour après la rénovation d’une vieille maison bâtie il y a 50 ans.

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“La pêche constitue un lien pour nous tous. Pourque notre région revive, nous souhaitons répondreaux besoins de chacun de vous”, ajoute pour sapart AbE Shota, président de Fisherman Japan.Depuis le mois d’avril, Triton Oshika hébergeun jeune homme de 21 ans originaire de Hachi-nohe, ville située dans la préfecture d’Aomori. Ileffectue un stage de pêche. “Le travail n’est pas sidur qu’on le dit. C’est même plutôt très amusant.Les gens sur le bateau sont très cool. Et dans cettemaison, je peux aussi tisser des liens avec les habitantsdu quartier”, raconte-t-il sur un ton très enjoué.En mai, une autre personne venant de la préfecturede Shiga, sur l’île de Kyûshû, s’est aussi installéedans cette maison. La ville projette de créer unautre centre de ce type d’ici un an après avoir re-censé les maisons vacantes et la situation dechaque quartier. Les responsables municipauxont bien l’intention de poursuivre ce projet dansles années à venir.A cause de l’arrêt de nombreuses activités et ledépart de nombreux habitants après le séisme, le

nombre de pêcheurs présents à Ishinomaki en2013 s’élevait à 2 107, soit une baisse de 37 %par rapport à 2010. La moitié des pêcheurs sontâgés de plus de 55 ans. Le problème de la relèveest donc particulièrement crucial. Pour le résoudre,la ville utilise l’aide de l’Etat pour la rénovationdes régions, et soutient le financement de diversprojets issus du secteur privé.

ABE TATSUHITO

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Les jeunes utilisent ce centre comme un lieu de rencontre pour se familiariser avec la vie des pêcheurs

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Nous avons entamé depuis plusieurs mois lapublication d’une série d’articles rédigés parl’équipe de l’Ishinomaki Hibi Shimbun dans le butd’informer les lecteurs sur la situation dans l’unedes villes les plus sinistrées par le séisme du11 mars 2011. malgré ses difficultés, ce quoti-dien local continue à enquêter et à apporterchaque jour son lot d’informations. si vous voulezle soutenir dans sa tâche, vous pouvez vous abon-ner à sa version électronique pour 1 000 yens(moins de 7 euros) par mois :https://newsmediastand.com/nms/N0120.do?com-mand=enter&mediaid=2301

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L e terme “Japon” évoque beaucoup dechoses différentes, des geishas en kimonoaux sushis en passant par les arts martiaux

et la culture otaku. Mais le vélo ne figure certai-nement pas parmi les éléments que l’on rattacheà ce mot. Quand on parle de cyclisme, les endroitsqui viennent tout de suite à l'esprit sont les Pays-bas ou Portland, dans l’Oregon qui a fait de labicyclette une priorité, sans oublier bien sûr laChine et ses centaines de millions de cyclistes.Pourtant, le Japon est l'une des grandes nationscyclistes du monde.Avec une population de 127 millions d’habitants,le Japon dispose de 72 millions de bicyclettes, avecplus de 10 millions de nouveaux vélos venduschaque année. La bicyclette a toujours été unmoyen de transport populaire au Japon, etaujourd'hui encore, il est particulièrement pratiquepour parcourir de petites distances ou faire sescourses dans les boutiques de quartier. En effet,

En dépit des apparences, le Japon estun pays où la bicyclette est trèsprésente, mais il y a encore à faire.

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Le vélo à pignon fixe a envahi les rues des villes japonaises pour le meilleur et pour le pire.

A vélo, au Japon, on dépasse…

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la distance moyenne parcourue en vélo est infé-rieure à 2 km. A Tôkyô même, 14 % de tous lesdéplacements effectués dans une journée sonteffectués à vélo. Le pourcentage peut sembler fai-ble, surtout lorsqu'on le compare à d'autres villes.Mais compte tenu de la taille de la capitale japo-naise et du nombre total de trajets effectués dansl'une des métropoles les plus densément peupléesdu monde, ce chiffre prend une dimension presqueremarquable.L'une des principales raisons de ce faible pour-centage est liée à l’efficacité du système de trans-port public. Avec autant de trains et de busreliant les zones résidentielles et les quartiers debanlieue aux écoles et aux quartiers d'affaires, lesdéplacements en vélo ne constituent pas unepriorité. Une autre explication est à chercher ducôté des entreprises. beaucoup d’entre ellesdécouragent voire interdisent à leurs employésde venir au travail à bicyclette afin d'éviter lesproblèmes liés aux accidents. Cela dit, plus de20 % des 20 millions de passagers ferroviairesquotidiens dans la capitale utilisent le vélo pourse rendre de leur domicile à la gare, car c’est un

moyen plus rapide et plus commode que de mar-cher ou de prendre le bus.En outre, au cours des dernières années, de plusen plus de personnes ont choisi le vélo au détri-ment de la voiture et du train, à la fois comme unmoyen de garder la forme, et aussi pour éviter lesembouteillages et les trains trop souvent bondésaux heures de pointe. Certaines entreprises sem-blent désormais satisfaites de cette évolution, allantjusqu'à mettre à disposition des espaces où les genspeuvent se doucher et garer leur bicyclette.Les événements du 11 mars 2011 ont grandementcontribué à rendre le vélo plus attrayant. Le grandtremblement de terre qui a dévasté le nord-est del’archipel a paralysé tous les systèmes de transportdans la région de Tôkyô, forçant des centaines demilliers de personnes à marcher de longues heurespour rentrer chez elles ou à passer la nuit dans desabris temporaires dans le centre-ville. Le vélo estapparu comme un bon moyen d’éviter de seretrouver bloqué loin de chez soi en cas de catas-trophe majeure.Alors, pourquoi le cyclisme au Japon passe-t-ilinaperçu malgré toutes ces personnes qui utilisent

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ZOOM DOSSIER

quotidiennement un vélo ? Il faut sans doute cher-cher la réponse du côté des cyclistes qui ne cher-chent pas à se faire remarquer. Alors qu’en Europeou aux Etats-Unis, l’usage de la bicyclette est sou-vent associé à une croisade contre les voituresjugées polluantes comme l’illustrent les nom-breuses manifestations organisées par les défen-seurs de la petite reine, la plupart des Japonaisconsidèrent le vélo de façon plus neutre, estimantqu’il fait tout simplement partie intégrante de leurla vie quotidienne. En d'autres termes, le vélo nereprésente pas un instrument de revendication,mais un outil simple et efficace pour faciliter la viequotidienne, que ce soit pour faire du shopping,aller payer ses factures, se rendre chez le médecinou emmener les enfants à l'école.Malheureusement, la culture du vélo au Japondoit affronter de nombreux défis. D'une part, lescyclistes sont considérés par beaucoup de gens (enparticulier les conducteurs et les piétons) commeune nuisance. Une hausse récente des accidentsimpliquant des vélos n'a pas permis d’améliorerl'image du vélo auprès de l’opinion publique. Lapolice est aussi devenue beaucoup plus sévère àl’égard des cyclistes. Par ailleurs, le récent engoue-ment pour les vélos à pignon fixe a été à la fois unebénédiction et une malédiction pour la bicycletteen général. D'un côté, posséder un vélo de ce typeest devenu une sorte de déclaration de mode, sus-citant un nouvel intérêt pour la bicyclette et pous-sant de nombreuses personnes à s’en procurer une.De l'autre côté, tous ces cyclistes inexpérimentésont envahi les rues et les trottoirs dans toutes lesgrandes villes du Japon, ce qui a contribué à aug-menter le nombre d'accidents, en particulier entreles piétons et les cyclistes.Si les vélos à pignon fixe sont ceux qui attirentaujourd’hui le plus, les vélos les plus caractéristiquesdu Japon sont les mamachari, littéralement “vélosde maman”. Ces lourdes bêtes de somme sontl’équivalent japonais du break familial. Pratique-ment chaque famille en possède au moins un. Cesmonstres sans changement de vitesse peuvent êtreincroyablement lents et difficiles à manœuvrer(c’est sans doute pour cela que les mères japonaisessont si minces, en bonne santé et vives). Ils serventà faire toutes les sales besognes, du shopping audéplacement jusqu’à la gare, en passant par le trans-port des enfants jusqu’à l'école ou à la piscine.Comme chaque quartier - surtout dans les ban-lieues - est un monde autonome où les résidentspeuvent trouver tout ce dont ils ont besoin, unmamachari est une solution bien meilleure et plusefficace qu'une voiture, d’autant que se pose lemanque de places de stationnement pour les auto-mobiles, la présence des rues étroites et que les dis-tances sont relativement courtes à couvrir pouratteindre les différents endroits ciblés.Désormais, les fabricants de vélos proposent desmodèles plus légers et même des vélos à assis-

tance électrique, pour celles qui doivent affronterdes côtes, mais la physionomie de base du mama-chari n'a pas évolué : un cadre robuste, un panierà l'avant, un porte-bagages à l’arrière, un garde-boue, un garde-chaîne, une dynamo, un antivolintégré, une sonnette et une solide béquille àl’arrière qui maintient le vélo à la verticalelorsqu’il est stationné.La plupart de ces vélos sont plutôt bon marché(ils coûtent entre 85€ et 170€). Ils sont essen-tiellement considérés comme un élément jetable,comme ces parapluies en plastique que les gensachètent pour quelques centaines de yen etoublient partout. Les mamachari sont réguliè-rement laissés à l'extérieur de la maison, exposésà la pluie, au vent et à la neige. Leurs proprié-taires ne savent pas comment les entretenir outout simplement ne s’en soucient pas du tout.Elles les laissent rouiller jusqu'au jour où ellesles jettent et en achètent de nouveau.Comme les mères japonaises utilisent leur vélopour transporter leurs progénitures en bas âge,il n’est pas rare de voir les mamachari équipésd’un, de deux, voire même de trois sièges pourenfants. Voir ces objets sur roues parfois rouillésévoluer lentement au milieu de la circulationest un spectacle à couper le souffle qui peut rap-peler un groupe d'acrobates dans un cirque chi-nois. Pourtant, ces mamans intrépides ne fontqu'effectuer leurs activités quotidiennes. Lorsquele gouvernement a récemment voulu interdirele transport de deux enfants sur un mamachari,les mères à travers le Japon ont fait campagnecontre ce projet et le gouvernement a étécontraint de faire machine arrière.Si les banlieues sont des havres relativement sûrs

pour le vélo, les cyclistes rencontrent de grossesdifficultés dans les centres de la ville. Une métro-pole comme Tôkyô, par exemple, ne dispose quede 10 km de pistes cyclables dédiées - un chiffreridiculement bas par rapport à Paris (600 km),Londres (900 km) ou New York (1 500 km).Une partie du problème est liée au fait que lesinfrastructures cyclistes incombent à chacun des23 arrondissements de la capitale, ce qui expliquele manque de coordination. Récemmentquelques arrondissements centraux ont réussi às’entendre pour créer plus de pistes cyclables etmême offrir un service de partage de vélos.Cela n’empêche pas de rencontrer plus de vélossur la route. “Les gens vont même à leur rendez-vous amoureux à vélo et traînent dans les boutiquesspécialisées le week-end. Faire de la bicyclette àTôkyô reste dangereux, mais c’est cool. Reste à espé-rer que les élus vont finir par créer de meilleuresinfrastructures pour les piétons et les cyclistes”,explique brad bennett qui gère le site Freewhee-ling. Selon l’Australien byron Kidd, l’un des res-ponsables de Cycling Embassy of Japan, “le Japonest déjà l’un des leaders mondiaux du vélo utili-taire. Il faut donc que la bicyclette soit soutenue etencouragée car elle est source de bienfaits pour l’en-vironnement, la santé, l’économie et la société dansson ensemble”.L’organisation des Jeux olympiques de 2020 offreaux défenseurs du cyclisme au Japon une occasionunique d’évoquer la place de la bicyclette avec lesresponsables gouvernementaux. Reste à espérerque les dirigeants auront une vision qui ira au-delàdes Jeux olympiques et qu’ils construiront les infra-structures qu’une ville comme Tôkyô mérite.

JEAN DEROME

Le mamachari est un des symboles forts du vélo au Japon.

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P arcourir le Japon à pied est devenu au fildes ans une sorte de sous-genre dans lalittérature consacrée aux voyages. En com-

mençant par Alan booth, auteur des Chemins deSata [Actes Sud, 1992], quelques audacieux (cer-tains diraient des fous) ont parcouru en marchantla distance qui sépare le cap Soya (le point le plusau nord du Japon) au Cap Sata (son point le plusméridional). En 2011, l’Américain Andrew Mars-ton a décidé de faire la même chose, mais peu portésur la marche, il a opté pour une bicyclette etentraîné ses deux amis Dylan Gunning et ScottKeenan pour ce long périple. Cela a donné l’ou-vrage électronique Japan by bicycle, lequel retraceleurs 43 jours d'aventure sur plus de 5 600 kilo-mètres. Andrew Marston a eu la gentillesse derevenir sur son voyage pour Zoom Japon.

Pourquoi avez-vous décidé d’entreprendre untel voyage ?Andrew Marston : Tout a commencé aux États-Unis quand j'étais à l’université. A cette époque,je voulais aller au Japon et j'ai entendu parler deTyler MacNiven et Craig Stanton qui, en diffé-rentes occasions, avaient traversé le pays à pied.Cinq jours après l'obtention de mon diplôme en2009, j’ai finalement pris l'avion pour l’archipeloù j’ai trouvé un emploi comme professeur d'an-glais dans la préfecture de Fukuoka, sur l’île deKyûshû. Deux ans plus tard, j’ai décidé de retour-ner aux Etats-Unis. C’est à ce moment-là que jeme suis souvenu des voyages de Tyler et Craig etje me suis dit que, s’ils avaient pu le faire, pourquoipas moi. Il était important pour moi de me prou-ver que j’en étais capable. Puis, un mois avant ledébut du voyage, se sont produits le tremblementde terre et le tsunami qui ont ravagé la région duTôhoku. Nous avons transformé notre péripleen une collecte de fonds qui nous a permis derécolter plus de 13 500 dollars pour les victimesde la catastrophe.

Vous êtes-vous préparés pour ce long trajet ?A. M. : Mettre sur pied cette aventure a été enréalité beaucoup plus facile que je ne le pensaisinitialement. J’avais acheté tout l'équipement auxEtats-Unis lors de mon passage en 2010. Les seuleschoses que j’ai achetées au Japon ce sont les cham-bres à air car celles dont je disposais avaient desvalves rares au Japon. Je pense que j’aurais dû ins-taller des sacoches à l’avant afin de mieux répartirle poids sur mon vélo. Pour ce qui est de l’organi-

sation, je pense que Scott et Dylan ont dû faireplus de concessions que moi dans la mesure où cevoyage les obligeait à interrompre leur vie pendantdeux mois. Nous n’avons pas choisi notre itinéraireavant de partir, préférant avancer au fur et àmesure, en utilisant mon iPhone et un petit guideque nous avions acheté avant de partir.

Comment la catastrophe du 11 mars 2011 a-t-elle affecté votre projet ?A. M. : Il est évident que les questions de sécuritéprimaient sur le reste. Nous avons donc envisagéde modifier notre route. Comme plans derechange, nous avions pensé éviter le Tôhoku enprenant un ferry jusqu'à Hokkaido ou encore defaire une simple boucle dans le sud de l’archipelvoire même de ne plus parcourir le Japon pournous concentrer sur la seule Corée du Sud. Heu-reusement, nous avons pu en définitive suivrenotre itinéraire initial.

Quel a été le pire moment au cours de votre longpériple ?A. M. : Je suppose que ce sont les derniers 20km qui nous menaient au Mont Fuji sous unepluie torrentielle d'un typhon après minuit, le27e jour. Nous voulions arriver chez notre hôteavant le typhon qui approchait. Mais nous avonsréalisé que sa maison se situait à environ 30 kmplus loin que nous l'avions prévu et nous noussommes retrouvés à pédaler sous des tonnes d’eauvers minuit. Pour aggraver les choses, nous avonspar erreur bifurqué sur l’autoroute.

Avez-vous des conseils à donner à des personnesqui souhaiteraient faire comme vous ?A. M. : Avant de commencer, l’important est d’enapprendre le plus possible sur votre vélo et d’êtrecapable de vous en occuper tout au long du périple.Il faut aussi que vous soyez en bonne forme phy-sique. Avant de partir, je pense que je n’avais pasfait plus de 30 km à bicyclette et je l’ai payé chère-ment au cours des deux premières semaines. Si jedois refaire quelque chose de similaire à l'avenir, jem’entraînerai deux mois à l'avance au moins quatrejours par semaine. Et si vous venez de l'étranger,consultez les règlements de la compagnie aériennesur la prise en charge des vélos. La plupart d’entreelles ont des règles particulières concernant les vélosindépendamment du nombre de bagages que voustransportez.

Que diriez-vous pour l’itinéraire ?A. M. : A moins d’avoir un calendrier serré, je voussuggère de vous imposer au moins un jour de repospar semaine et de réserver quelques jours supplé-mentaires pour avoir le temps d'explorer, de se pré-lasser et de passer du temps avec les gens que vousrencontrez le long du chemin. Nous avons pris43 jours, mais si nous avions fait 50 ou même55 jours, je pense que ces jours supplémentairesn’auraient pas été une perte de temps ni d’argent.

Comment avez-vous fait pour la nourriture ?A. M. : Nous avons emporté du matériel de cam-ping, et acheté la plupart de nos aliments dans lessupérettes. Chacune d’entre elles dispose d’unrayon avec des plats préparés à des prix raisonnables.

Le vélo permet de découvrir des lieux que les moyens de transport classiques n’offrent pas.

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RENCONtRE 5 600 km à la force des mollets43 jours pour aller du nord au sud del’archipel. Un formidable périple réalisépar un groupe de copains.

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Si vous arrivez juste après l’heure du déjeuner oudu dîner, ils sont souvent bradés. Mon conseil estde manger chaque fois que vous le pouvez. Nousavons eu parfois du mal à rester au top, parce quenous brûlions des calories non-stop.

Etait-il difficile de trouver des sites pour cam-per ?A. M. : Pas vraiment. Nous avons campé dans desparcs de quartier, sur des plages, des terrains desport et d’autres lieux publics sans problème. Mêmeles petits sanctuaires locaux dans les zones ruralesont presque toujours quelques bons endroits pourplanter une tente. La clé pour le camping est d'êtrepoli et de vous assurer que vous n'êtes pas dans lechemin de quelqu'un, de ne laisser aucune trace devotre passage et de partir tôt le matin. On n'a jamaiseu de problèmes avec la police.

Outre le camping, vous avez séjourné chez l’ha-bitant. Était-ce des gens que vous connaissiezdéjà ?A. M. : Nous faisions une recherche sur le sitecouchsurfing.com. Deux à quatre jours avant notrearrivée prévue dans une région, nous postions desdemandes aux personnes qui proposaient un héber-gement. Nous avons été très chanceux à cet égard.Un jour, par exemple, nous sommes arrivés dansl'appartement d'un artiste. Il avait laissé à notreintention de délicieuses spécialités japonaises et atout fait pour que nous nous sentions chez nous.Une autre option pour les cyclistes peu fortunésest l’hôtel capsule et le café Internet. Si votre japo-nais est assez bon et si vous arrivez à bien vousdébrouiller, vous avez une chance d’être invité par

une personne locale. Cela n’est pas systématique,mais cela nous est arrivé plusieurs fois.

Voulez-vous ajouter quelque chose ?A. M. : Voyager en vélo offre une liberté d’explo-rer les ruelles et une expérience de première mainde découvrir la campagne bien mieux que par lafenêtre d’un train. Pour moi, le défi du voyage nefut pas sa longueur, mais l’effort de pédaler quo-tidiennement. Cela ne nous a pas frappés immé-diatement, mais chaque jour, cela nous a affectés

et fatigué mentalement. Mais si vous êtes vraimentmotivé, vous pouvez facilement surmonter cesproblèmes. Notre tour est la preuve qu’il n’est pasnécessaire d’être un surhomme pour réaliser degrandes choses.

GIANNI SIMONE

INFORMATIONS PRATIQUESPOUR EN SAVOIR PLUS sur cet étonnant voyage :www.unframedworld.com/japan-by-bicycle

ZOOM DOSSIER

d Es RèGLEs à REsPECtER POuR NE Pas déRaiLLER

S i vous voulez connaître les règlespour faire du vélo au Japon, n'in-

terrogez pas un Japonais, car, à sesyeux, la seule “règle” qui vaille est de“circuler en toute sécurité et éviter les acci-dents.” En fait, il y a de nombreusesrègles. mais d’un côté, elles sont trèscompliquées et de l'autre, elles sont sipeu contraignantes que presque per-sonne ne s’en soucie de toute façon.mais comme à Zoom Japon, noussommes très préoccupés par la sécuritéde nos lecteurs, voici une courte listedes choses à vous souvenir lorsque vouspédalerez dans l’archipel.• Faire du vélo sous l'influence de l'al-cool peut vous valoir jusqu’à cinq ansd'emprisonnement ou une amendepouvant atteindre 1 million de yens.Cependant, à moins que vous soyezresponsable d’un accident grave et quevous blessiez quelqu'un d'autre quevous-même, la police ne s’intéresserapas à votre cas. au pire, les agents vousemmèneront au kôban (poste depolice) le temps de vous dégriser. ils

vous relâcheront après vous avoir ser-monné.• Circuler la nuit sans lumière, en utili-sant un parapluie, un téléphone cellu-laire ou un iPod peut vous coûterjusqu'à 50 000 yens. a moins de blesserquelqu'un aucun policier ne vous arrê-tera surtout s’il s’agit d’un parapluie oud’un iPod.• transporter un passager de plus de6 ans peut vous valoir une amendepouvant aller jusqu'à 20 000 yens.Cependant, c’est une pratique courantechez les élèves du secondaire, les cou-ples et les amis, alors vos chances d'êtrearrêté sont assez minces. Rouler justeprudemment !• Ne pas s’arrêter à un feu rouge ou unstop, ou circuler à vélo dangereusement(par exemple avec des freins cassés) estune autre infraction punissable jusqu'à3 mois d'emprisonnement ou d'uneamende pouvant atteindre 50 000yens. mais pourquoi s’arrêter quandpersonne n’arrive ? Je vois régulière-ment des gens qui ralentissent mais qui

ne cessent pas pour autant de pédaler,même devant un kôban, quand ils nevoient pas arriver de voiture. Rappelez-vous toutefois que c’est dangereux.40 % des décès de cyclistes au Japonsont liés à des imprudences au niveaudes feux rouges ou des stops. Ne ditespas que je ne vous ai pas prévenu.• étonnamment, ce n’est qu’en juin2008 que la loi sur le port du casque aété introduite au Japon. actuellement,tous les enfants de moins de 13 ans doi-vent porter un casque en vélo, mêmes'ils montent en tant que passager. Biensûr, quelques agents de police appli-quent effectivement la loi. Les adultes,quant à eux, n’ont aucune obligationd’en porter.• La pratique du vélo sur la route ou surles trottoirs au Japon est entourée partant de mythes et de légendes que vousallez probablement obtenir desréponses différentes selon la personneà qui vous poserez la question. La véritéest qu'il est permis de rouler sur les trot-toirs au Japon ... sauf là où ce n’est pas

permis. d'accord, une fois encore…d’après la loi japonaise, les vélos sontclassés comme véhicules légers, et entant que tels ils sont tenus d’emprunterla route. mais au début des années1970, la Loi sur la circulation routière aété modifiée pour permettre auxcyclistes de rouler sur les trottoirs spé-cialement désignés pour cela. a partirde là, tout est devenu de plus en plusflou. La chose la plus importante à serappeler, cependant, est que lorsquevous êtes à vélo sur le trottoir, vousdevez toujours céder la priorité aux pié-tons. Le trottoir est le domaine du pié-ton. s’il y a un accident, c’est vous quiaurez toujours tort.• En règle générale, en cas d'accident,la police blâme en général le plus grosvéhicule. dans le cas d’un accrochageentre une voiture et un vélo, le conduc-teur de la voiture est automatiquementen faute. Quand un cycliste blesse unpiéton, c’est le premier qui est en fauteet qui doit couvrir les frais médicaux del'autre partie. G. S.

Le Cap Sata, le point le plus méridional de l’archipel atteint au terme de 5 600 km à bicyclette.

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10 ZOOM JAPON numéro 61 juin 2016

ZOOM DOSSIER

Kanazawa

Shirakawagô

Gifu

ÔmihachimanTakamatsu

Tokushima

Iwakuni

Mine

YufuinNagasaki

Kagoshima

Kumamoto

Yusuhara

OnomichiHikone

Kyôto

Toba

NAGOYAÔSAKA

KÔBE

FUKUOKA

320 km

142 km

142 km

221 km

195 km

350 km

150 km

105 km

360 km

Togi

Wajima

Takayama

Kotohira

Shishikui

Kôchi

HagiAkiyoshidai

Aso

Izumi

Kirishima Onsen

Kawaura

Nichihara

Iyo Mishima

ImabariÔshima

LacBiwa

Gujô Hachiman

Tsu

WakuraOnsen

K y û s h û

S h i k o k u

M e r d u J a p o n ( m e r

O c é a n P a c i f i q u e

Quelques pistes (cyclables) à explorerLe Japon peut aussi se visiter à vélo

Départ

Arrivée

Départ et arrivée d'un circuit

Étape

Longueur totale du parcours

Itinéraire

24 km

Page 11: Zoom Japon 061

juin 2016 numéro 61 ZOOM JAPON 11

ZOOM DOSSIER

AbashiriOtaru

Aomori

Saitama

Sendai

Kawagoe

AKITA

SAPPORO

YAMAGATA

TÔKYÔ

Lac Tôyako

Wakkanai

Hinode Misaki

Hamatonbetsu

340 km

337 km

220 km

570 km

24 km

Nakashibetsu

Iwaobetsu

Lac Kussharo

Rausu-dake

Konbu Onsen

Lac Towada

Hachimantai

Morioka

Kesennuma

Minami Sanriku

Ishinomaki

Matsushima

Suzu

TônoHanamaki

H o k k a i d ô

H o n s h û

O k i n a w a

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O c é a n P a c i f i q u e

150 km

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Page 12: Zoom Japon 061

12 ZOOM JAPON numéro 61 juin 2016

L e samedi matin, le quartier de Roppongi,à Tôkyô, est un endroit plutôt calme. Riende plus normal puisqu’il s’agit de l’un des

hauts lieux de la vie nocturne dans la capitale etqu’à ce moment-là de la journée, la plupart de seshabitués sont chez eux en train de dormir ou de seremettre d’une gueule de bois. Cependant à proxi-mité d’Azabu, vous pouvez parfois voir un groupecoloré de cyclistes qui traînent devant l’HôtelGrand Hyatt. Il s'agit des membres du club decyclisme Half-Fast.Lancé en 2003 par l’Américain Don Morton, legroupe basé à Tôkyô a rapidement attiré beaucoupd'amateurs de vélo et désireux de boire un coup oude se faire de nouveaux amis. “D’une certaine façon,nous ressemblons davantage à un club social”,explique Don Morton. “Nous sommes ouverts àtout le monde, indépendamment de leur expériencedu vélo ou de leur capacité en la matière. La languede communication au sein du club est principalementl’anglais, mais il y a beaucoup de membres japonaisaussi.”L'amour du groupe pour le cyclisme et l’alcool estclairement exposé sur le col de leurs maillots colorésoù l’on peut lire “Cervicia et Birote”, termes latinspour bière et bicyclette. “Nous avons un peu bricoléle terme pour le vélo puisqu’il n’avait pas encore étéinventé quand le latin était parlé”, ajoute Don Mor-ton avec un clin d'œil.Le club organise différents circuits en fonction despersonnes. Il y en a un de 30 à 40 km pour les débu-tants vers Haneda et Odaiba, un autre de 60 à80 km de niveau moyen le long des rivières Tamaet Arakawa et d’autres circuits plus longs pouvantaller jusqu'à 150 km. Le circuit débutant a lieu lesamedi. Etant débutant moi-même, je suis arrivéun peu avant 11h avec le vélo de route que Mortonm'a gracieusement prêté. Aujourd'hui, l’objectifest Odaiba, l’île artificielle située au milieu de labaie de Tôkyô.“Tôkyô est sans doute la seule mégapole dans le mondeoù vous pouvez faire du vélo avec une certaine assu-rance”, souligne Don Morton. “Si vous êtes prudent,vous pouvez profiter de la ville assez facilement. Lameilleure stratégie pour vous en sortir est de suivrele courant, aussi vite que vous le pouvez. A Tôkyô,c’est très facile. Vous allez en fait dépasser beaucoupde voitures parce que vous allez plus vite qu’elles. Leplus grand danger, ce sont les portes automatiquesde taxi. C’est comme ça que la plupart des accidentsse produisent.”Selon lui, Tôkyô offre quelques belles balades à

vélo étonnamment agréables qui ne manquerontpas d’intéresser et de divertir tout amateur de véloet explorateur urbain. La course d'aujourd'hui, enparticulier prend environ une heure dans chaquesens. Il y a quelques collines à passer et elle permetde découvrir une douzaine de facettes de la capitale.D’Azabu Juban, nous nous dirigeons vers la baieen passant à l’endroit où trois autoroutes aériennesse rencontrent. De là, nous allons vers Mita, enpassant à proximité de la Tour de Tôkyô (voirZoom Japon, n°3 de septembre 2010), sur notregauche. La route ici est assez facile, même si elle setransforme, passant d’une large avenue à quatre

voies à une deux voies, puis à une rue à sens unique.Finalement, nous atteignons les voies ferrées JR.Ici, nous prenons un petit passage souterrain réservéaux piétons et aux cyclistes pour traverser de l’autrecôté.Aujourd’hui, une dizaine de personnes participentau circuit. Parmi elles, le vétéran et webmasterMike Sims-Williams qui, pendant la semaine,s’occupe des services de sécurité à l'ambassade bri-tannique, mais consacre la plupart de ses week-end au vélo. “En 2005, j’ai eu un petit accident surle chemin du travail qui m’a privé temporairementde ma moto. J’aurais pu prendre à la place le bus et

Odaiba est un endroit merveilleux pour profiter de la baie de Tôkyô.

déCOuvERtE Tôkyô version deux rouesSi les transports en commun de lacapitale sont très pratiques, rien ne vautune belle balade à bicyclette.

ZOOM DOSSIER

A Tsukudajima, n’oubliez pas de goûter le fameux tsukudani.

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Page 13: Zoom Japon 061

juin 2016 numéro 61 ZOOM JAPON 13

le train, mais ça ne m’intéressait pas. J’ai donc sortimon mountain bike et essayé de faire à vélo les 20km qui séparent mon domicile à Kawasaki de monbureau. Je me suis senti si bien ce jour-là que je faisdésormais la navette presque tous les jours de cettemanière. Je dispose même d’une modeste flotte devélos”, confie-t-il.Nous avons atteint le flanc gauche du magnifiqueHama Rikyu, un grand jardin paysager situé faceà la baie de Tôkyô. Construit à la période Edo(1603-1867) comme réserve de chasse aux canardsd’un seigneur féodal, ce lieu a été transformé en unjardin public qui mérite une visite.Après avoir tourné à droite, nous arrivons au célè-bre marché aux poissons de Tsukiji dont le démé-nagement à l’extérieur de Tôkyô est prévu ennovembre 2016. Quand nous arrivons à Harumi-dôri, nous nous éloignons du quartier chic de Ginzapour passer sous la double arche du pont Kachidokivers la place Triton.A partir de là, la route fait plusieurs virages pro-gressifs vers la droite, et après quelques kilomètresnous arrivons enfin à notre destination. Odaibaest l’un des principaux centres commerciaux et dedivertissement de la capitale et constitue son seulaccès piétonnier vers le bord de la mer. Nous cir-culons au milieu de cet espace futuriste, en passantprès de l’imposant centre des congrès de Tôkyôbig Sight et le Musée des sciences marines. Ce der-

nier ressemble à un love hotel en forme de paque-bot surmonté d’une tour rouge. Finalement, nousarrivons au centre d’Odaiba, notre destinationfinale, pour faire une pause déjeuner dans l’un descafés en bord de mer.Sur le chemin du retour, en sortant de la zone deplage, nous passons le Rainbow bridge (il est pos-sible de le traverser à vélo ou à pied) et empruntonsla route à gauche du palais omnisport d’AriakeColiseum où se déroulent chaque année l’Opende tennis du Japon et le Toray Pan Pacific Open.Cette route est une façon rapide de rejoindre laroute par laquelle nous étions arrivés. Cette fois,cependant, juste avant d'atteindre la place Tritonnous prenons à droite, traversons un pont de taillemoyenne et descendons vers Tsukishima, célèbrepour ces restaurants où l’on sert le monja-yaki, ver-sion plus baveuse de l’okonomiyaki populaire, quiaurait été créé ici.Alors que cette île est en grande partie artificielle,sa pointe nord appelée Tsukudajima est un petitrocher naturel qui, pendant des siècles, a été unpetit village de pêcheurs. En plus d'être le lieu denaissance du tsukudani (un ragoût de petits fruitsde mer, de viande ou d’algues mijoté dans la saucede soja et le mirin), cet endroit est on ne peutplus charmant avec ses ponts rouges traditionnelset son atmosphère chaleureuse. De retour sur laroute, nous traversons la puissante rivière Sumida

par un autre pont et, à travers un dédale deruelles, nous passons devant Ginza, puis entre leForum international de Tôkyô sur notre gaucheet la gare de Tôkyô sur notre droite. Nous pou-vons maintenant voir le palais impérial en facede nous. Lorsque nous ne pouvons pas approcherplus près, nous bifurquons sur la droite pour nousretrouver devant l’antique Porte Sakurada del'ancien château d’Edo. Quand nous arrivons àKasumigaseki (le quartier des ministères), nousprenons à droite le long des douves et traverse-rons la rue vers le bâtiment de la Diète, avant degrimper la colline à Roppongi et de redescendrevers notre point de départ.Je suis assez fatigué et j'ai des courbatures. Maissi un débutant comme moi a réussi à faire ce cir-cuit de 30 km, je suppose que presque tout lemonde est en mesure de le faire. Si vous voustrouvez à Tôkyô, vous pouvez essayer vous-même. Il existe certainement des moyens piresque celui-ci pour garder la forme et visiter laville.

J. D.

ZOOM DOSSIER

Vous croiserez l’imposante Tour de Tôkyô sur le chemin qui vous mènera à Odaiba.

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Zoo

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INFORMATIONS PRATIQUESPOUR EN SAVOIR PLUS sur ce club, consultez sonsite http://halffastcycling.com. La route quenous avons empruntée est visible ici :https://ridewithgps.com/routes/7272885.

Page 14: Zoom Japon 061

14 ZOOM JAPON numéro 61 juin 2016

ZOOM CULTURE

h umEuR par kOGa Ritsuko

Je rêvais d'aller faire mes courses au marché enFrance comme dans les émissions documen-taires que j’avais vues au Japon, intitulées engénéral "promenade dans le quotidien de Paris"et dans lesquelles on décrivait le rendez-vousdominical au marché du quartier. muni de songrand panier ayant déjà bien vécu, on com-mence par dire bonjour à ses marchands habi-tuels. On prend des cerises et le marchand enajoute un peu plus en disant "Mademoiselle,c’est un cadeau !". C’est comme ça que çadevait se passer. Pendant des années, je m’étaispréparée à vivre cette expérience.un dimanche, décidée à surmonter mes réti-cences, je suis partie avec mon caddie. à monarrivée au marché situé à 3 minutes de chezmoi, les marchands étaient en train de rembal-ler. il était presque 14 h. Raté ! La semaine sui-vante, je suis arrivée dans lestemps. un petit progrès.mais au bout de 30 minutes,je ne savais toujours pascomment choisir les bonsmarchands alors que j'enétais à mon cinquième tourdu marché. Raté ! La foisd'après, par chance, j'aicroisé mon collègue qui m'a montré sa pois-sonnerie et son marchand de légumes préfé-rés ! Or, un nouvel obstacle s'est présenté. Pouracheter du saumon, il fallait préciser au ven-deur un pavé ou une tranche, "sauvage" ou"élevage"… des questions que je ne m'étaisjamais posées de ma vie. mes yeux se sont alorsfixés sur les prix et j'ai montré du doigt lemoins cher à mon "adversaire". Cette fois,c'était gagné. un grand progrès. Quant auxlégumes, la dernière fois, mon marchand pré-féré m'a offert une botte de menthe en fin devie. un super progrès. Par contre, je me méfietoujours de la marchande de fruits qui, avecun grand sourire, me vend parfois des produitsabimés ! Je n'ai pas encore osé aller voir lesbouchers ni les fromagers. La victoire estencore loin. En plus, on m'appelle "Madame"au lieu de "Mademoiselle" ! aujourd'hui, je rêvetoujours de remporter ce combat du dimanche !

Braver le marché

maNGaLes fantômes deSamura Hiroaki Après nous avoir régalé avec

L’Habitant de l’infini, SAMURA Hiroaki

revient avec une œuvre complexe mais

maîtrisée autour de l’histoire

soviétique dont il faut bien

reconnaître que nous ne savons pas

grand chose. Avec son talent de

conteur et sa force graphique, le

mangaka nous livre un étonnant

scénario en sept chapitres dans lequel

on se plonge avec une réelle

délectation. En choisissant comme

titre Snegurochka, qui désigne dans le

folklore russe

la petite-fille

du Père Noël,

l’auteur se

veut

énigmatique

et l’ambiance

qu’il décrit,

dès les

premières

pages,

confirme

combien elle

est pesante. Au fur et à mesure du

déroulement de l’histoire, on

découvre la capacité de l’auteur à

manier diverses références littéraires,

historiques et folkloriques qui

donnent à son récit une épaisseur

digne d’un roman. Le lecteur ne peut

qu’adhérer à sa démarche et savourer

page après page sa virtuosité

graphique. SAMURA Hiroaki démontre

qu’il est un des très grands auteurs du

moment et qu’il a su se renouveler.

Une lecture plus qu’indispensable.

Snegurochka de SAmurA Hiroaki, trad. Aurélien

Estager, coll. Sakka, Casterman, 12,95 €.

musiQuEÇa va déménagerà la MCJP

Pour célébrer la Fête de la musique, la

Maison de la Culture du Japon à Paris a

décidé d’inviter Queen Bee, ovni de la

scène rock japonaise. Son énergie

communicative devrait enflammer la

grande salle de l’institution japonaise.

Avec trois albums à son actif, le groupe

féminin s’est notamment fait connaître

pour son titre Desco repris dans la bande

son du film Moteki, gros succès

commercial dans l’archipel. A ne pas

manquer le 21 juin à 20h.

101 bis, quai Branly 75015 Paris - Tél. 01 44 37 95 01

Entrée libre dans la limite des places disponibles.

Les billets sont à retirer le jour du concert à partir de

19h.

évéNEmENt Gourmandisesà Vichy Pour la dernière

séance de la saison,

venez découvrir, le

14 juin à 20h, Les

Délices de Tokyo de

KAWASE Naomi et

goûter une excellente

pâtisserie japonaise accompagnée de

thé. Pensez à réserver votre pâtisserie

avant le 7 juin.

Cinéma Étoile Palace, Centre commercial des

quatre chemins, 35 rue Lucas 03200 Vichy,

www.rendezvousaveclejapon.fr

Page 15: Zoom Japon 061

tsunagari.fr41 rue Popincourt, Paris 11 - Metro St Ambroise - 09 81 63 08 93Du mardi au samedi, 12 h 30 - 18 h

Artisanat &instruments japonais

ZOOM CULTURE

Pour se lancer dans l’aventure éditoriale,il faut de la passion, un petit brin defolie et un peu de chance. Isabelle Le-

grand-Nishikawa est une vraie amoureuse deslivres. Elle rêvait depuis longtemps de créer samaison d’édition. C’est chose faite avec lesEditions d’Est en Ouest. Celle qui pouvaitfranchir des obstacles à cheval – l’équitationétant sa deuxième passion – a décidé de prendredes risques et de publier un premier roman Re-quiem à huis clos signé KU SHIDA Ruriko. Lajeune éditrice qui s’est installée à Kyôto nous aconfié son parcours et ses ambitions dans ununivers où il faut faire preuve de persévérance.

Qu'est-ce qui vous a amené à vous lancer danscette aventure éditoriale ?Isabelle Legrand-Nishikawa : J’ai voulu êtreéditrice depuis mon entrée en fac de lettres mo-dernes. Après mon Master pro, j’ai eu des dé-ceptions. Aucune opportunité ne s’est présentéeet je suis partie au Japon. Je ne pensais plus dutout pouvoir réaliser ce rêve, mais finalement,après m’être “posée” à Kyôto, j’ai pu monter ceprojet. C’est aussi une épreuve personnelle, unmoyen de réaliser enfin quelque chose moi-même, une façon de me construire et de m’im-poser dans un univers que j’ai toujours aimé,celui des livres.

Aviez-vous une expérience en la matière ?I. L.-N. : Pas vraiment. J’avais fait deux stagesdans le cadre de mon Master pro, dont un dansune maison de littérature spécialisée dans la lit-térature étrangère. Cela m’a beaucoup apporté,notamment dans le domaine de la communicationque ma formation universitaire avait négligé.

En dehors de ça, j’ai fait des projets de fin deformation, dont un roman co-réalisé avec l’en-semble de ma promo Eros, la Bretagne et lesBretons à partir d’un thème qui nous avait étéimposé et un projet personnel de nouvelle gra-phique que j’avais réalisé en quelques exemplairesavec l’aide gracieuse de deux artistes. D’Est enOuest constitue donc ma première expérienceen tant que professionnelle dans l’édition.

Quelles sont les principales difficultés quevous avez rencontrées lors du lancement devotre projet ?I. L.-N. : Je dirais que la seule et unique difficultéest d’ordre financier. La littérature étrangèrecoûte extrêmement cher à réaliser et il fautinvestir beaucoup d’argent, sans être sûr du ré-sultat. C’est vraiment un coup de poker. Audébut, j’hésitais à créer une entreprise de droitjaponais ou de droit français. J’ai tenté de me

renseigner sur les différences de ces statuts juri-diques. Pas facile quand on n’y connaît rien.Heureusement, dans mon entourage, des per-sonnes compétentes ont pu éclairer ma lanterne.Sans l’aide de mon mari japonais, je n’aurais sû-rement pas réussi à me sortir de toute la paperassepour créer une entreprise au Japon.En ce qui concerne le côté éditorial, j’avais déjàdes clés : un titre, une traduction. Ensuite riende très sorcier, contacter les professionnels : dif-fuseurs, imprimeurs, graphistes, etc. Comparerles prix, demander l’avis de personnes compétentes.J’ai beaucoup de chance d’être bien entourée.

Être basé à Kyôto pour distribuer des livres à10 000 km de là, c'est un sacré défi...I. L.-N. : Pour la distribution des ouvrages, c’estmon diffuseur – sans qui je ne pourrais pas fairece boulot – qui s’en charge. Pour le côté technique,ça ne change pas grand chose. Tout se fait par

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elle

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Isabelle Legrand-Nishikawa et son mari cultivent le même amour pour la littérature japonaise.

C’est avec un polar qu’une jeune éditricefrançaise implantée à Kyôto a choisi defaire son entrée dans le monde de l’édition.

avENtuRE Née sous une bonne étoile

juin 2016 numéro 61 ZOOM JAPON 15

Page 16: Zoom Japon 061

16 ZOOM JAPON numéro 61 juin 2016

ZOOM CULTURE

courrier électronique et transfert de fichiers nu-mériques. C’est du côté de la communicationque c’est plus délicat. Heureusement, nous vivonsà l’heure numérique : les réseaux sociaux, lessites, les articles, les blogs et autres peuventparfois suffire à se faire connaître. Mais dans lemilieu de l’édition, le contact physique (téléphone,poignée de main) est très important. C’est pour-quoi j’ai essayé de préparer le terrain lors de mescourts séjours en France, en rencontrant certainespersonnes à qui j’ai exposé mon projet. Je seraien France au mois de novembre pour le Salonde l’Autre Livre et la Fête du livre asiatique àParis.En ce qui concerne la promotion de Requiem àhuis clos, notre premier roman, j’ai décidémentbeaucoup de chance puisque l’auteure est fran-cophone et se rend parfois en France. Elle y avécu et a fait des études à Paris. Elle a prévu unséjour juste après la sortie du livre et j’ai pu or-ganiser, à distance, des rencontres dédicaces.J’aurais aimé l’accompagner, mais là se pose leproblème des 10 000 km qui ne sont pas facilesà franchir (rires) !

Quelles sont vos ambitions à moyen terme ?I. L.-N. : De réussir bien sûr ! De vendre meslivres, de les réimprimer, et d’augmenter lestitres – mais pas trop – à raison d’environ 3 ou4 par an. Je veux rester dans une production li-mitée pour me consacrer pleinement à la pro-motion, la communication et pour soignerchaque titre. J’aimerais aussi publier certains romans qui sontpour l’instant relativement ambitieux pour mapetite maison débutante : trop volumineux, troprisqués, mais qui me tiennent à cœur. Je ne vou-drais pas que l’aspect purement matériel d’unlivre soit un frein à mes choix éditoriaux. Aucontraire, j’aime le défi et je suis certaine que lelectorat français est riche et prêt à accueillir denouvelles plumes nippones, même si elles n’ap-partiennent pas à celles que l’on connaît déjà.Mon autre ambition est de pouvoir m’entourer

d’une ou deux personnes pour créer une équipe.Pour l’instant je fais tout moi-même et c’estassez sportif.

Pourquoi avez-vous choisi de vous lancer, enéditant un polar ?I. L.-N. : Parce que les lecteurs que je fréquenteaiment tous les polars. C’est un genre qui faitl’unanimité. Pour se lancer et assurer un minimumde vente, c’est un choix assez évident. On m’adéjà reproché mon choix de couverture qui “nefait pas” polar, mais c’est un parti pris : lacollection polar s’inscrit dans l’ensemble de lalittérature contemporaine générale. De plus, leJapon est riche en auteurs de romans à suspense(mystery novel) et je pense avoir le choix. Unegrande diversité d’écriture et de thèmes permetau genre de se renouveler et de plaire au plusgrand nombre.

Comment s'est effectué votre choix ?I. L.-N. : J’avais entendu parler de ce titre parune amie qui travaillait dans une ancienne maisond’édition, laquelle avait prévu de le publier.Comme ça ne s’est pas fait, j’ai eu l’opportunité,puisque la traduction existait déjà, de lire letexte. J’ai trouvé la fin très originale. Je ne m’at-tendais pas à un tel dénouement ! Le fait qu'il yait des descriptions précises de Kyôto n’est peut-être pas étranger non plus à mon choix. L’auteureen est originaire et j’ai pu la rencontrer, discuteravec elle. C’était vraiment une chance de com-mencer par ce roman !

La traduction est assurée par Myriam Dar-tois-Ako, l'une des meilleures traductrices dumoment. Qu'est-ce qui vous a conduit à elle ?I. L.-N. : Encore de la chance, Myriam avaitfait cette traduction pour la maison d’éditionqui devait initialement publier l’ouvrage. Fina-lement, c’est moi qui en ai profité ! Ça m’apermis de discuter avec elle de la suite, elle m’adonné des conseils de titres et son avis sur ceuxdont j’avais entendu parler.

Le genre du polar à huis clos est assez populaireau Japon, il l'est beaucoup moins en Francede nos jours où l'on est habitué à des thrillershaletants. N'est-ce pas un pari osé pour unpremier titre lancé ?I. L.-N. : Si ça l’est. J’ai tout de même sondé au-tour de moi, et le livre n’a pas déplu. Ce n’estpas vraiment un thriller. C’est un roman construit,un peu à la Hercule Poirot, sauf qu’il n’y a pasd’enquêteur, juste une Japonaise qui se trouvelà, prise entre deux feux, et qui parvient à résoudre– un peu malgré elle – cette histoire ou ces his-toires de disparition et de meurtres à huis clos.D’ailleurs, l’auteure admet elle-même que cequ’elle aime dans l’écriture de polars, c’est laconstruction de l’intrigue, le cheminement dulecteur. En le lisant, j’ai eu ce sentiment de ne pas pouvoirsuspendre la lecture avant de connaître la fin.

Isabelle Legrand-Nishikawa à huis clos.

Page 17: Zoom Japon 061

juin 2016 numéro 61 ZOOM JAPON 17

ZOOM CULTURE

J’ai même eu peur un moment. Je suis pourtantune habituée de films d’épouvante ! (rires) Lelivre n’est pas dépourvu de suspense et il se litaussi vite qu’un thriller ou un roman d’action.Je pense que le tableau énigmatique, le tatouage,tout cela donne des éléments qui attisent la cu-riosité. Ce qui m’a convaincue aussi, c’est la so-lution, l’ancrage dans le réel, dans l’actualité etles problèmes de société que soulève ce roman.

Quelle est votre ligne éditoriale ? I. L.-N. : La littérature japonaise contemporaine.En particulier les styles – thèmes, écritures,constructions – qui ne sont pas ou peu représentésen France. Faire découvrir le plus de facettespossible de la littérature japonaise si foison-nante.

Vos prochains titres à venir ?I. L.-N. : Le deuxième titre sort normalement

en septembre. Il s’agira encore d’un polar, maistrès différent du premier. On basculera dans lefantastique, entre deux mondes. Je suis en trainde réfléchir pour un troisième titre, en mars ouavril 2017. Ça sera sûrement un thriller avecdisparition ou enlèvement...

Je suppose que le polar n'est pas le seul domainedans lequel vous allez œuvrer, toutefois nepensez-vous pas que c'est un pan de la littératurenippone sous-exploité par les éditeurs franco-phones ?I. L.-N. : Absolument ! C’est pour cette raisonque les titres à venir seront dans la veine polar.C’est un genre foisonnant au Japon. Souventadapté au cinéma ou à la télévision. Je pense enfaire la base de mon catalogue avant d’ajouterd’autres genres, notamment des nouvelles pourlesquelles j’ai beaucoup de titres potentiels. Demanière générale, il est aberrant de voir la litté-

rature japonaise contemporaine représentée uni-quement par trois ou quatre grands noms.

Le choix des livres à éditer s'effectue comment ?Est-ce le fruit de vos lectures ? De conseils ex-térieurs ?I. L.-N. : Surtout des conseils venus principale-ment de mon mari et d’une agence littéraire.Souvent, on me propose des titres et je les faislire à mon mari et d’autres amis. Pour le secondtitre à paraître, j’adore le thème, le style etl’histoire. C’est loufoque et intéressant et aussiintertextuel. J’adore l’intertexualité et il se trouvequ’il y a beaucoup de titres de ce genre en cemoment au Japon !

Se lancer dans une telle aventure est à la foiscoûteux et hasardeux, comment votre entouragea réagi ?I. L.-N. : Mon entourage m’a soutenue. biensûr, je suis consciente des risques et j’ai fait lechoix de les prendre. De manière générale, mesamis et ma famille sont fiers de moi, et je suisaussi fière d’avoir franchi le pas. Après tout,c’est rare de pouvoir réaliser son rêve. Et puisdans l’édition, il faut se lancer. Tout le monde aété débutant, tout le monde a testé le marché,personne ne sait ce qui marche vraiment ou nemarche pas vraiment. C’est un monde assezmystérieux. Moi, je veux juste créer un bel objet et faire dé-couvrir à la France une culture qu’elle ne connaîtque partiellement, mais qui pourrait la surprendreencore plus d’une fois.

Que cherchez-vous à montrer du Japon au tra-vers de vos choix éditoriaux ?I. L.-N. : La diversité de sa littérature, le foison-nement de ses auteurs. Je voudrais qu’on arrêtede penser Japon = manga et haïku. C’est commesi on disait France = Arsène Lupin et Les Misérables.Au Japon, les deux sont très connus, ce qui estloin d’être le cas pour leurs auteurs.

PROPOS RECUEILLIS PAR GABRIEL BERNARD

Qui LiRa sauRa La véRité suR takaO

L a littérature policière auJapon a connu un étonnant

regain au lendemain de laseconde Guerre mondiale avecdes écrivains qui ont fini par semettre au niveau des meilleursauteurs anglo-saxons, référencesen la matière. après avoir exploréplusieurs domaines, certains d’en-tre eux sont revenus aux fonde-ments avec des œuvres privilé-giant le mystère, les énigmes oules meurtres inexplicables. kishida

Ruriko et son requiem à huis clos(misshitsu norekuiemu) appartien-nent à cette catégorie avec entreautres aYatsuJi Yukito à qui l’ondoit meurtres dans le Décagone(Jukkakukan no satsujin). a leursyeux, pas besoin de bains de sangou de gangs pour tenir en haleinele lecteur. une simple disparitionou un meurtre banal suffit à créerle mystère puisque tout se

déroule dans un lieu fermé où, enprincipe, personne (et surtout pasle criminel) ne pourrait sortir sanslaisser de traces. a l’heure desséries policières sophistiquées ou

des polars aux multiples rebon-dissements, nous pourrions esti-mer que ce genre de roman estun peu dépassé. Pourtant, il suffitde se plonger dans l’histoire pourne plus la lâcher d’autant que latraduction parfaite favorise la lec-ture. au fur et à mesure, le mys-tère s’épaissit et conduit le lecteurà se mettre à la place du person-nage principal, asami, pour tenterde dénouer tous les fils de cettehistoire étrange. On ne s’ennuiepas une seule seconde à la suivredans la ville de kyôto en quête dela vérité. a l’approche desvacances d’été, c’est un livre quivous passionnera et que vouspourrez partager avec toute lafamille. Petits et grands. G. B.

requiem à huis clos, de kishida Ruriko,trad. par myriam dartois-ako, LesEditions d’Est en Ouest, 18 €.

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18 ZOOM JAPON numéro 61 juin 2016

ZOOM CULTURE

Après trois années passées en poste à Paris,Son Excellence l'Ambassadeur du Japon,SUZUKI Yôichi, quitte la capitale fran-

çaise. L’occasion de lui demander sa vision desrelations franco-japonaises et comment celles-cipourraient encore s’améliorer.

Quelle était votre vision des rapports franco-japonais avant que vous preniez votre poste en2013 ?SUzUKI Yôichi : Avant d’arriver en France, j’avaisune certaine appréhension. Je craignais que leJapon ne soit en train de disparaître du radar dela France. Mon pays avait traversé une longuepériode de crise que nous avons qualifiée de“deux décennies perdues” tandis que d’autres Etatscomme la Chine ou la Corée du Sud étaient enphase ascendante. Et malgré un fort sentimentd’affection à l’égard du Japon, j’avais peur queles Français s’y intéressent moins. Mais je mesuis vite rendu compte que j’étais arrivé à unmoment où l’intérêt pour mon pays s'est renouveléen France. Chez les jeunes, la culture populairejaponaise déjà bien ancrée a continué de fairedes émules, et surtout, j’ai découvert un engoue-ment pour la politique, l’économie et la culturede tradition. bref, contrairement à ce que jepensais, les Français tournaient de nouveau leurregard vers le Japon.

Cela signifie-t-il que vous n’avez pas eu d’effortà fournir ?S. Y. : Non, mais j’ai bénéficié des retrouvaillesentre nos deux pays. J’ai été accueilli partout enFrance, à Paris comme en province, de manièrechaleureuse et favorable. Il y avait une grande at-tente de la part de mes interlocuteurs. Plutôt

qu’un manque d’intérêt, j’ai décelé une grandecuriosité à l’égard de mon pays, beaucoup plusforte que ce que nous croyons au Japon même.J’ai été frappé par le fait qu’on considérait encoremon pays comme une puissance technologique.

Avez-vous le sentiment que le Japon a su ré-pondre à ces attentes ?S. Y. : Je pense qu’avec certaines personnalitésjaponaises, comme le Premier ministre AbE

Shinzô qui incarne le renouveau du Japon, letravail a été facilité. Dans le domaine économique,quelques entreprises japonaises comme MitsubishiHeavy Industries, Nissan, Nippon Steel ou encore

des groupes de taille intermédiaire comme Torayou Kubota ont permis aux Français de voir leJapon de plus près. C’est un point importantqui n’était peut-être pas absent auparavant, maisqui était beaucoup moins visible au cours desdeux décennies qui ont précédé mon arrivée. LeJapon avait été très présent jusqu’au tout débutdes années 1990 avant de perdre par la suite cettevisibilité. Ce n’est que depuis les années 2010qu’il retrouve un certain vernis.

Quelle est votre part dans ce travail de mise enrelation entre la France et le Japon ?S. Y. : Concrètement, sur le plan professionnel,

SuZuKI Yôichi a beaucoup œuvré en faveur d’une plus grande ouverture de son pays à l’égard de la France.

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Depuis qu’il a pris ses fonctions en 2013,le diplomate a tenté de convaincre sescompatriotes à se montrer plus ouverts.

iNtERviEw Profession ambassadeur

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juin 2016 numéro 61 ZOOM JAPON 19

ZOOM CULTURE

dans mes contacts avec le gouvernement français,mes activités consistent à identifier les pistes decoopération les plus concrètes possibles, clarifier lemieux possible les éléments qui peuvent poser desdifficultés ou encore faciliter les contacts autantque faire se peut entre les experts. Je crois que dansce domaine, c’est une réussite. On commence d’ail-leurs à voir l’aboutissement de projets plus concrets.Je pense notamment à un secteur important, celuides équipements de défense. Le Japon a longtempsété assez “timide” dans ce domaine, mais il y a euune prise de conscience dans mon pays sur lanécessité de mieux se défendre. Aussi une coopérationplus poussée avec un partenaire comme la Franceest très importante. De façon plus générale, j’aiessayé de présenter les grands enjeux et les intérêtsdu Japon d’une manière plus facile à comprendreet devant une audience plus grande. J’ai ainsi beau-coup interagi avec la presse, mais aussi avec le grandpublic comme les étudiants pour exposer les diffi-cultés que rencontre la société japonaise. J’ai ainsipu découvrir le grand intérêt des Français pour lesquestions liées au vieillissement de la population.Ils sont curieux de la façon dont le Japon abordece problème. J’ai rencontré la même curiosité àl’égard des sujets économiques ou des relationsavec nos voisins immédiats. Les gens ont manifestéune réelle envie de connaître les solutions que nousenvisageons ou que nous appliquons pour résoudreces différents problèmes.

Malgré ces réussites, il reste un sujet qui poseproblème. C’est celui de l’enseignement du ja-ponais en France. Il y a beaucoup de critiques àl’égard de la faiblesse de l’engagement des autoritésjaponaises pour le soutenir… Où en est-on au-jourd’hui ? Y a-t-il eu des avancées pendant votreséjour ?S. Y. : C’est en effet un thème qui a été plus évoquédu côté français que japonais. Il y a effectivementune forte demande pour l’apprentissage de la languejaponaise en France et pour des échanges plus nom-breux entre les étudiants des deux pays. A mongrand regret, la réponse du côté japonais n’a pas été

aussi immédiate et directe que j’aurais pu le souhaiter(le ministère de l'Education nationale vient d'an-noncer la création d'un CAPES externe de japonais).Je pense qu’il y a ce problème fondamental selonlequel le Japon n’a pas mis de moyens suffisants etn’a pas considéré comme une priorité l’enseignementde la langue japonaise à l’étranger en dépit de la de-mande croissante. La seule exception est la zoneAsie-Pacifique où le gouvernement déploie pas malde ressources, notamment en Asie du Sud-Est. EnEurope, c’est encore faible. Or pour le rayonnementdu Japon et de sa culture, l’enseignement du japonaisest crucial. Les Japonais n’en ont pas pris assezconscience. C’est dommage. Le Japon doit vraimentmieux faire à ce niveau. C’est une évidence. J’espèreque les responsables en ont saisi l’enjeu, mais jedois reconnaître que je ne vois pas d'avancéesconcrètes suffisamment fortes et je le regrette.Par ailleurs, au niveau de l’enseignement, des insti-tutions, des écoles et même des entreprises japonaises,je trouve que nous ne sommes pas assez ouverts àl’étranger pour les échanges. Par exemple, dans ledomaine de la reconnaissance de l’équivalence desdiplômes, malgré la signature, il y a deux ans, d’unaccord cadre, tout est encore très lent. Car l’accordcadre doit s’accompagner d’accords individuelsentre les différentes écoles. Et ça n’avance pas vite,ce qui pèse sur le nombre d’étudiants japonais quiviennent en France et inversement.Cela dit, je pense que les entreprises privées peuventbeaucoup apporter dans ce domaine également.Mais là encore, il faut bien reconnaître que lenombre de stagiaires français reçus dans les sociétésjaponaises soit en France, soit au Japon reste trèsmodeste. J’ai beaucoup parlé de ce sujet avec lesresponsables des entreprises japonaises, mais ilssont encore timides et pas assez ouverts. Pourtant,ils cherchent des ressources humaines qui pourraientles aider dans leur expansion internationale. Celaillustre à mes yeux un fait bien réel qui est que leJapon n’est pas encore suffisamment ouvert. Dansle processus de modernisation, les Japonais ontsurtout pensé à aller à l’étranger. C’est pourquoi ilexiste beaucoup de structures et d’aides pour faciliter

la présence japonaise dans le monde, mais dans lesens inverse, c’est quelque chose qui reste insuffisant.Il y a bien eu quelques programmes qui ont donnédes résultats, mais ce sont des exceptions qui confir-ment la règle.

Le Japon doit donc procéder à une nouvelle ou-verture ?S. Y. : Malgré la volonté et les incitations gouver-nementales, la porte n’est qu’entrouverte et passuffisamment. Je pense que nous arrivons à unmoment où nous devons le faire si nous voulonsmaintenir notre niveau.

Comment expliquez-vous cette timidité persistanteà s’ouvrir davantage ?S. Y. : Il y a encore une mentalité insulaire chezbeaucoup de Japonais. Il n’y a officiellement qu’en-viron 1,3 million de Japonais, soit un peu plusde 1% de la population, qui vivent à l’étranger.Pour une population de plus de 120 millionsd’habitants, c’est faible. Il en va de même pourles communautés étrangères établies sur le soljaponais. C’est le reflet de la situation géographiquedu Japon. Les contacts sont assez limités. Etnous avons cette envie de conserver notre culture.Aussi avons-nous peur des conséquences d’unearrivée massive d’éléments extérieurs puisquenous n’avons jamais eu, à la différence d'autrespays, une expérience de ce genre.

Pourtant, il y a depuis deux ou trois ans de plusen plus de touristes étrangers…S. Y. : C’est pourquoi je pense que le Japon ne vapas faire marche arrière et se replier sur lui-même.L’acceptation d’un grand nombre de visiteurs estirréversible. On ne peut plus refermer le pays. Nousn’en avons pas les moyens. Mais il va falloir apprendreà gérer ce phénomène. On voit déjà apparaître desréactions positives, notamment de la part des pro-fessionnels qui font l’effort de guider les visiteurspar rapport aux habitudes japonaises. Il n’y a pasde rejet et il faut poursuivre dans ce sens.

PROPOS RECUEILLIS PAR ODAIRA NAMIHEI

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ZOOM GOURMAND

E crit en japonais konnyaku, le mot konjac estle nom d’une plante de la famille des aracéespoussant en Asie du Sud-Est. Riche en fibre,

ce végétal est, aujourd’hui en France, une vedettesur les rayons bio, ou bien la solution pour mincirgrâce à ses très faibles calories malgré sa consistance.Au Japon, on mange de la pâte de konjac sans trops’en rendre compte car on la trouve, depuis toujours,un peu partout dans l’alimentation, ou “parce quemaman dit que c’est bon pour la santé” à l’instar dela carotte ! Le konjac en tant qu’aliment est tiré deson bulbe contenant du glucomannane (E425). Afind’obtenir sa texture gélatineuse, il nécessite plusieurstraitements : il faut râper ses bulbes, le mélanger avecde l’eau chaude, le pétrir, y ajouter du coagulant etle faire bouillir, etc. Il faut vraiment en vouloir pourle faire soi-même. Selon les archives, il y a différents avis sur l’histoire

Le vrai goût du Japonmade in France !Connue notamment pour ses koïnobori,

carpes volantes en tissu, depuis sa

création en 2003, la petite société

française Madame Mo ne cesse de

développer son univers nippon. C’est

autour de deux sœurs, Agnès Lafaye et

Pascale Moteki, que le concept de la

marque a vu le jour : créer avec des idées

amusantes et originales, des objets

inspirés de la tradition japonaise, des

livres et des dessins animés. Rien n’est

“imitation japonaise”, elles assument le

made in France, avec leurs propres styles et

des matières produites dans le pays.

Après leur première publication “Les fêtes

japonaises” en 2003, les deux sœurs ont

lancé, en

septembre

dernier, un

ouvrage sur

l’alimentation

japonaise. A la

fois livre illustré

et recueil de

recettes, c’est

aussi un livre

éducatif.

Par le biais d’un restaurant imaginaire,

les personnages de la marque qui se

reconnaissent par leur tête rigolote avec

un œil hypertrophié, nous présentent, au

rythme des saisons, divers plats et

événements gustatifs et culturels. Presque

comme un documentaire, les recettes sont

réalisées en collaboration avec un chef

japonais et les histoires sont basées sur

d’authentiques expériences nippones.

A partir de 7 ans.

Les fruits et les légumes japonais d’agnès

Lafaye (texte) et Pascale moteki (illustrations) ,

Editions Picquier jeunesse 17,50 €

http://www.madamemo.com

Cela fait un moment que cet aliment banalpour les Japonais est reconnu en France.Découvrons un peu son histoire.

saNté Konjac, le nettoyeur

du konjac comestible au Japon. Pour certains, ilremonterait au IIe ou IIIe siècle, venant de Coréecomme médicament. Une autre version nous ditqu’il a été introduit de Chine au VIe siècle, en mêmetemps que le bouddhisme. Vers les années 1300,cet aliment est devenu proche de sa forme actuelle.Puis à l'ère Edo (1603-1867), une nouvelle méthodea permis d’en produire en poudre permettant d’enfabriquer facilement sous diverses formes. Pourtantde nos jours, la pâte de konjac n’a pas été particu-lièrement apprécié chez les jeunes, à cause de sonmanque de goût et un visuel fade et cela jusqu’à cequ’il apparaisse sous la forme d’un dessert il y a prèsde 25 ans. Il s’agit d’une gelée de konjac colorée,sucrée mais pauvre en calorie qui en plus évite laconstipation (déconseillée aux personnes âgées etaux petits enfants à cause d’un risque d’étouffe-ment). Il existe aussi du sashimi konnyaku à mangerfroid qui remplace même le poisson cru ! En France,on trouve des pâtes et des nouilles (shirataki) à basede konjac pour environ 2€ à 4€ le paquet de 250 g,dans les épiceries japonaises. RITSUKO KOGA

Gris ou blanc ? La couleur de la pâte se définit lorsque l’on râpe les bulbes de konjac avec ou sans la peau.

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14 rue Chabanais 75002 ParisTél : 01 42 60 50 95 / M° Quatre Septembre

Ouvert tous les jours de 11h30 à 22h30

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ZOOM GOURMAND

L a RECEttE dE haRuYO

PRÉPARATION1 - Eplucher les légumes et couper les oignons en

quartier et les pommes de terre et carottes enmorceaux

2 - Chauffer la casserole avec un peu d’huile puissauter la viande.

3 - ajouter les oignons puis pommes de terre etcarottes.

4 - ajouter le konjac. 5 - ajouter le dashi et les condiments. Laisser mijo-

ter 15 minutes environ. 6 - vérifier la cuisson enpiquant la pomme de terre. 7 - incorporer les poisgourmands cuits préala-blement puis servir.

Astuce : Nikujaga se pré-pare en général avec dubœuf mais vous pouvez leremplacer par du poulet,

du porc ou de la viande hachée.Le konjac peut donner du volume dans votre niku-jaga. il a très peu de calorie mais si vous n’en trou-vez pas, vous pouvez vous en passer.

INGRÉDIENTS (pour 4 personnes)

500 g de pommes de terre, 100 g de carottes,200 g d’oignons, 300 g de viande,200 g d’ito konnyaku (konjac en forme degrosses nouilles), 50 g de pois gourmands,400 ml de dashi (bouillon), 50 ml de saké,50 ml de sauce de soja, 30 ml de mirin (liqueur de riz), 50 g de sucre, huile

NIKUJAGA(Ragoût de bœuf et de pommes de terre)

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S ur la ligne Kintetsu Nara très fréquentéereliant les deux anciennes capitales impé-riales, de nombreuses rames circulent.

Parmi elles, vous pouvez emprunter le Shimakaze,un train pas comme les autres qui offre un confortextraordinaire grâce auquel le voyageur peutdécouvrir le paysage dans des sièges moelleux. LeShimakaze dessert la région d'Ise-Shima au départd'Ôsaka, Kyôto et Nagoya. Il s'adresse surtoutaux voyageurs désireux de profiter d'un niveau

de confort élevé pour effectuer les près de 3 heuresde voyage qui les séparent du terminus, mais ilmérite toutefois d'être emprunté même pour les30 minutes entre Nara et Kyôto afin de se faireune idée de la qualité du service et des prestationsproposées dans ce train baptisé justement Pre-mium Express. Et puis, cela permet de se mettredans les meilleures conditions pour partir à ladécouverte de Kyôto et de sa richesse gastrono-mique. Le premier contact avec la ville est l'immense garedont on va célébrer en 2017 les vingt ans de sacomplète rénovation confiée au talentueux HARA

Hiroshi. Ce dernier a créé un ensemble innovant

de 238 000 m2 au sein duquel les installations fer-roviaires ne représentent que 12 000 m2. Cegigantesque complexe ferroviaire mérite à lui seulune visite. Mais pour l'heure, il s'agit de trouverun lieu agréable pour se restaurer. Même si la garedispose de nombreux restaurants, ceux-ci s'adres-sent avant tout à des voyageurs pressés. La cuisine,la plupart du temps, de bon niveau. Lorsqu'onvient pour la première fois, il convient de choisirun restaurant d'une qualité à la hauteur de songlorieux passé et de ses joyaux architecturaux. Ins-crite au patrimoine mondial, la ville de Kyôto nemanque pas d'établissements qui rendent hom-mage à la gastronomie japonaise, elle-même enre-

Les deux anciennes cités impériales sontchargées d’histoire, mais on leur doit unetrès longue tradition gastronomique.

IKAmA masayasu sur le point de pratiquer la cérémonie du shikibôchô qui était à l’origine réservée à l’Empereur.

déCOuvERtE Nara et Kyôto, côté cuisine (2/2)

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gistrée sur les registres de l'Unesco comme patri-moine immatériel de l'humanité. A une douzaine de minutes de la sortie centralede la gare, se trouve Sushi Iwa, le restaurant tenudepuis 25 ans par ÔNISHI Toshiya. Dans son éta-blissement dont l'ambiance rappelle les petitesgargotes de certains quartiers populaires deTôkyô, le maître sushi propose une cuisine raffi-née où la variété et la qualité des poissons le dis-tinguent d'un restaurant ordinaire de poissonscrus. Si vous avez la chance de pouvoir être ins-tallé au comptoir, vous pourrez voir avec quelledextérité le chef découpe et arrange son poissonsur de magnifiques assiettes en porcelaine quivalent à elles-seules le déplacement. Souriant etanglophone, l'homme répond volontiers à toutesles questions que le client peu averti peut se posersur le poisson servi, mais il est aussi d'excellentconseil en matière de saké. La “boisson des dieux”est l'autre caractéristique de ce restaurant où ilest préférable de réserver (tél. 075-371-9303, de11h à 22h30, fermé le lundi) avant de s'y rendre.Derrière le chef, sont alignées des dizaines debouteilles de saké dont certaines sont parfoisdépourvues d'étiquettes distinctives. Et quandbien même, elles en posséderaient, il faut être unsérieux amateur pour s'y retrouver au milieu decette grande diversité. ÔNISHI Toshiya est jus-tement un amoureux et un connaisseur du saképour qui “la dégustation de poisson cru ne peut sefaire sans être accompagnée d'un excellent saké”.S'il ne vous le propose pas lui-même, n'hésitez

Le mankamerô est un des hauts lieux de la cuisine kaiseki.

S’Y RENDREAU DÉPART DE TÔKYÔ, il suffit d'emprunter leTôkaidô Shinkansen pour Kyôto. Il y aplusieurs départs par heure. Si vous êtes à Ôsaka, les trains de lacompagnie Kintetsu au départ des gares deNamba ou Ueômachi vous conduisent jusqu'àKyôto. Si vous restez un ou deux jours, pensezà prendre un pass valable un ou deux jours(1 500 et 2 000 yens) qui vous permettrad'emprunter autant que vous le souhaitez lestrains de la compagnie et les bus de la ligneNara Kôtsû.

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ZOOM VOYAGE

pas à lui demander de vous faire goûter le Mat-sumoto dont il possède quelques bouteilles. Cesaké rare n'est disponible que dans quelques res-taurants de la ville dont Sushi Iwa fait partie.Une pure merveille qui se marie parfaitementavec la cuisine de ce chef jovial grâce à qui la répu-tation des Kyotoïtes d'être parfois un peu trop

hautains vis-à-vis des touristes disparaît complè-tement. Selon l'heure du jour ou de la nuit à laquelle voussortirez de ce charmant restaurant, vous pourrezsoit marcher jusqu'à votre hôtel, si celui-ci n'estpas trop loin, soit faire une promenade digestiveen direction du Palais impérial, en déambulant

dans les petites rues qui abritent encore quelquesartisans et petites boutiques. “Pour créer Kyôto,il a non seulement fallu des générations d'empereursesthètes, d'architectes, de bâtisseurs, de jardiniers,de ciseleurs, de poètes, d'orfèvres, d'amoureux,d'émailleurs, de philosophes, d'urbanistes, d'artisanset d'artistes, mais encore il a fallu que Kyôto soit,dès son origine, si pure, si réussie que les gens deguerre les moins scrupuleux ont toujours reculédevant sa destruction”, rappelait le journalisteMarcel Giuglaris dans son livre Visa pour le Japonparu en 1958. Il suffit de se promener tranquil-lement pour le comprendre. La force d'attractionde la ville aux 1 600 temples bouddhistes, aux400 sanctuaires shintoïstes et aux trésors inesti-mables a toujours joué et demeure active. “Kyôtoest l'unique ville au monde où le passé et le présentse superposent avec tant de naturel. A Tôkyô, lesanciens lieux ont tous changé et sont méconnaissa-bles. Ici, chaque pierre, chaque arbre, chaque bruit,chaque animal sont restés les mêmes”, insiste unautre écrivain sensible à cette forme de perma-nence que l'on retrouve dans la multitude de lieuxà visiter. Elle est aussi présente dans la cuisine etnotre prochaine étape gastronomique en est l'unedes meilleures illustrations.Le Mankamerô (de 17h à 23h, réservation conseil-lée) s'inscrit parfaitement dans cette tradition culi-naire dont Kyôto a été l'un des grands centres his-toriques. Le lieu lui-même rappelle ces aubergesque l'on rencontre si souvent dans les films desamouraï. Pour peu qu'on s'y rende à la nuit tom-bée, il s'en dégage une atmosphère intrigante. Quepeut-il se cacher derrière le grand noren (rideaude tissu sur le lequel figure le nom de l'établisse-ment) qui masque l'entrée du restaurant ? Assu-rément, une très longue expérience qu'IKAMA

Masayasu incarne de la plus belle des manières. Ilest le vingt-neuvième dans cette longue lignée decommerçants à diriger le Mankamerô dont la fon-dation remonte à 1722. Il est l'un des très rareschefs japonais à pouvoir exécuter la cérémonie dushikibôchô qui consiste à découper un poissonpour en faire une sorte de sculpture. Remontant

Fondé il y a 400 ans, le Hyotei reste un endroit incontournable pour les gourmets.

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au XIVe siècle, cette cérémonie était réservée àl'empereur. Aujourd'hui, elle reste un privilègemais le commun des mortels, certes chanceux,peut encore la voir dans ce restaurant spécialisédans la cuisine yusoku, c'est-à-dire préparée pourles membres de la famille impériale. Aussi faut-ils'attendre à une addition salée à la fin du repas.Le raffinement des plats et le cadre dans lequelelle est servie se paient cher, vous devrez compterentre 80 et 240€ par personne en fonction dumenu choisi. C'est évidemment une somme, maisl'originalité de cet endroit et sa très longue histoireen font un must pour les gourmets. Si vous n'avez pas la fibre aristocratique et si vousvoulez malgré tout découvrir un monument de lacuisine locale, ne manquez pas de vous rendre chezHyotei (de 11h à 19h30, fermé le 2e et le 4e mardide chaque mois, le jeudi pour son annexe) créé ily a environ 400 ans. A l'époque, il ne s'agissait qued'une maison de thé où les pèlerins en route versle temple Nanzen-ji s'arrêtaient pour prendre un

peu de repos. Il leur servait en plus du thé et despâtisseries des œufs mi-cuits dont le secret de fabri-cation n'est jamais sorti de ses murs. Les fameuxœufs de Hyotei sont encore une des spécialités dece lieu où, au fil du temps, on s'est spécialisé dansla cuisine kaiseki. Tout comme le Mankamerô, leHyotei est un endroit chargé d'histoire avec cespetites maisons de thé où l'on sert des repas com-posés d'une multitude de petits plats plus raffinésles uns que les autres. Le plaisir est tout à la foisdans la présentation que dans le goût. Si l'on yajoute la beauté du lieu et la tranquillité de la natureenvironnante, ce sont ainsi tous les sens qui sontmis en alerte quand on s'assoit à la table de ce res-taurant où les prix sont aussi élevés (environ 80€le midi et 220€ le soir). Toutefois, on peut se rendredans le restaurant annexe qui propose des bentotout aussi savoureux et beaucoup plus abordables(45€). Marque de fabrique de la tradition culinairede Kyôto, le kaiseki est incontournable. Autant ygoûter dans un lieu aussi enraciné dans le passé decette cité. Comme l'écrit si bien Marcel Giuglaris,“on ne peut pas décrire Kyôto, on ne peut que s'y laisserguider, et surtout guider hors du temps”.La cuisine constitue un excellent biais pour péné-trer dans l'histoire de Kyôto. Elle est suffisammentlégère pour ne pas vous empêcher de poursuivrevotre découverte des autres richesses architectu-rales, spirituelles, artistiques et historiques dontla cité regorge. Car vous ne serez jamais loin d'untemple, d'un sanctuaire ou d'un musée…

ODAIRA NAMIHEI

ÔNISHI Toshiya, chef de Sushi Iwa.

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CARNET D’ADRESSESSushi IwaShimojuzuyamachi-dori Ainomachi Nishiiru,Shimogyo-ku, Kyôto 600-8155Tél. 075-371-9303 - www.sushiiwa.jpMankamerô387 Ebisu-cho, Kamigyô-ku, Kyôto 602-8118Tél. 075-441–5020 - www.mankamerou.comHyotei35 Kusakawa-cho, Nanzenji, Sakyo-ku, Kyôto606-8437Tél. 075-771-4116 - www.hyotei.co.jp/en/

ZOOM VOYAGE

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HISHIS

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• Exposition KojiroAKAGI « Cent vues de Pa-ris » du 4 Juin au 18 sep-tembre 2016. Château devillandry 3 rue Principale37510 villandry

• Grand Matsuri le dim. 19 juin 12h-18h.Passage des Panoramas 2eParis. Entrée libre. www.facebook.com/grandmatsuri

• C’est bon le Japon le sa-lon de l’art culiaire japonais.ven. 24 jun 13h-20h30 sam. 25 juin 10h30-20h30 dim 26 juin 10h30-17hEspace des Blancs-manteaux48 rue vieille du temple 4eParis. Entrée 1€.www.cestbonlejapon.com

• Expo-vente Pen Parisavec Beams Japan, Ganzo,tambayaki et kaico. du 21juin au 2 juillet. atelierBlancs manteaux, 38 ruedes Blancs-manteaux 4e Pa-ris. mardi au vendredi 12h-19h, samedi 11h30-19h30.

• Lecture concert pourles enfants, le 26/06 à15h30. Pocket café 12 rueLéon Loiseau montreuil. du-rian sukEGawa+maki Na-kaNO, avec dégustation de"dorayaki". Entrée librehttp://pocketcafe.free.fr

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