zoom japon 047

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Jérémie Souteyrat pour Zoom Japon www.zoomjapon.info gratuit numéro 47 - février 2015 Spécial Taniguchi Jirô

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Zoom Japon, numéro 47 (février 2015)

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SpécialTaniguchi Jirô

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ZOOM ACTU

ÉDITOTensions Depuis plusieurs mois,les rues de Tôkyô seremplissent parfois dediscours haineux quivisent au premier chefles Coréens du Japon,les zainichi, à qui l’on

reproche d’être trop favorables au régimede Pyongyang. La Corée du Nord est eneffet responsable de l’enlèvement dedizaines de Japonais parmi lesquelsYOKOTA Megumi. Kidnappée à l’âge de13 ans, en 1977, elle n’a plus donné denouvelles depuis lors. Ses parents se bat-tent pour la retrouver depuis 37 ans. Uneéternité. Cette situation favorise l’émer-gence d’un sentiment anti-coréen qui estentretenu par des groupuscules extré-mistes et un climat politique volontiersnationaliste. Dommage.

LA RÉ[email protected]

HISTOIRE Prière derevoir votre copieL’éditeur américain McGraw-Hill

Education a été contacté par le

gouvernement japonais pour qu’il

modifie un passage de son nouveau

manuel d’histoire Traditions &

Encounters: A Global Perspective on the

past. On y fait référence aux “femmes

de réconfort” de la Seconde Guerre

mondiale, ces femmes enrôlées dans

des bordels de l'armée impériale. La

maison d’édition a refusé.

SOCIÉTÉ Rendre lescongés obligatoiresEstimant que les salariés travaillent

trop et passent bien trop de temps

dans leur entreprise, le gouvernement

veut mettre en place des mesures

pour inciter les sociétés nippones à

exiger de leurs employés qu’ils

prennent leurs vacances. D’après les

données officielles, les salariés

japonais prennent moins de la moitié

des vacances auxquelles ils ont

pourtant droit.

Le gouvernement

prend au sérieux

la défense du pays. C’est la raison pour

laquelle il a décidé d’augmenter le

budget qui lui est consacré de 2,8 %

pour le porter à 4 980 milliards de yens

(environ 36 milliards d’euros). C’est la

troisième année consécutive de hausse.

2,8 %

L E REGARD D’ERIC RECHSTEINER

Ce qui fut le bâtiment le plus haut de la capitale jusqu’en 2006 demeure l’un des lieux les plus conseilléspour faire des photographies panoramiques de la ville. L’observatoire situé au 44e étage, c’est-à-dire à202 mètres de la tour numéro un n’est pourtant pas très fréquenté depuis l’ouverture de Tokyo Sky Tree, latour de 634 mètres avec son observatoire à 450 mètres.

Mairie de Tôkyô, quartier de Shinjuku

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Couverture : Jérémie Souteyrat pour Zoom Japon

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ZOOM ACTU

En 2012, les élèves de première année ontsuivi un cours général sur le thème de lareconstruction à notre mesure. Le déclic

en a été ce projet de plantation de fleurs dansl’ancienne école primaire de Kadonowaki dévastéelors du séisme. L’idée première a été d’apporterle sourire à tous les habitants de ce quartier.A ce moment-là, comme on préconisait aussi ladémolition de l’école, la réalisation du projetdes élèves n’a pas été facile. Mais les enseignantsavec leur association Jen ont apporté leur aide.Un jour, OgAtA Katsuju, propriétaire du res-taurant Ajihei qui se trouve juste devant l’école,a proposé le parking de son établissement pourla plantation de fleurs. A la même époque, est apparu un autre projetpour donner les parterres de fleurs dans uneautre école primaire, celle d’Okaido, dont denombreux élèves du collège sont aussi issus.Mais la terre dont on disposait était inutilisable,car polluée par les débris transportés par le tsu-

nami. Mais grâce au comité de l’assistance socialede Misatochô, contacté par l’association Jen,les agriculteurs de la ville de Higashimatsushimaleur ont fourni de la terre.

Plantation par grand froid.Le 21 novembre 2012, les élèves ont commencéleur plantation dans les bacs, puis le 28 dans lesparterres. Ont été plantés des bulbes de penséeset de tulipes offertes par l’association des graineset bulbes du Japon. Malgré le vent violent et lefroid, les élèves les ont précieusement mis enterre. La forme du parterre a aussi été conçuepar les élèves : une femme et un homme se tenantpar la main avec un cœur superposé. Au bordétaient accrochés des écriteaux avec les mots

La création de parterres fleuris par descollégiens a permis de changer laphysionomie de quartiers dévastés.

SÉRIE Le véritable pouvoir des fleurs

d’élèves comme “Courage”, “Sourire”. Lors decette première plantation, le projet avait étébaptisé Projet pour plein de fleurs. C’est en mars2013 que le nom a changé pour Projet des parterresqui nous relient”.Quand on a demandé aux élèves la création dupanneau pour le parterre, on a opté pour l’idéede mettre en avant le mot de “lien”. On y voyaitle souhait de “lier les régions, et passer le lien ausuivant”, et plein de fleurs y étaient dessinées àgrande échelle.“Je voudrais que beaucoup de jolies fleurs embellissentnotre région. J’ai hâte de voir l’arrivée du printemps”,a expliqué un élève interrogé lors de la plantation.En mai, lors de leur visite, les élèves passés en se-conde année ont pu découvrir le parterre devenu

Comme nous vous l’avions annoncé dans notrenuméro de mars 2014, nous avons entamé lapublication d’une série d’articles rédigés parl’équipe de l’Ishinomaki Hibi Shimbun dans le butd’informer les lecteurs sur la situation dans l’unedes villes les plus sinistrées. Malgré ses difficultés,ce quotidien local continue à enquêter et à appor-ter chaque jour son lot de nouvelles. Si vous vou-lez le soutenir dans sa tâche, vous pouvez vousabonner à sa version électronique pour 1000 yens(moins de 7 euros) par mois :https://newsmediastand.com/nms/N0120.do?com-mand=enter&mediaId=2301

En juin 2013, des parterres sont plantés grâce à la solidarité d’établissements d’autres régions.

Ishi

nom

aki H

ibi S

him

bun

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ZOOM ACTU

En 2012, les élèves de première année ontsuivi un cours général sur le thème de lareconstruction à notre mesure. Le déclic

en a été ce projet de plantation de fleurs dansl’ancienne école primaire de Kadonowaki dévastéelors du séisme. L’idée première a été d’apporterle sourire à tous les habitants de ce quartier.A ce moment-là, comme on préconisait aussi ladémolition de l’école, la réalisation du projetdes élèves n’a pas été facile. Mais les enseignantsavec leur association Jen ont apporté leur aide.Un jour, OgAtA Katsuju, propriétaire du res-taurant Ajihei qui se trouve juste devant l’école,a proposé le parking de son établissement pourla plantation de fleurs. A la même époque, est apparu un autre projetpour donner les parterres de fleurs dans uneautre école primaire, celle d’Okaido, dont denombreux élèves du collège sont aussi issus.Mais la terre dont on disposait était inutilisable,car polluée par les débris transportés par le tsu-

nami. Mais grâce au comité de l’assistance socialede Misatochô, contacté par l’association Jen,les agriculteurs de la ville de Higashimatsushimaleur ont fourni de la terre.

Plantation par grand froid.Le 21 novembre 2012, les élèves ont commencéleur plantation dans les bacs, puis le 28 dans lesparterres. Ont été plantés des bulbes de penséeset de tulipes offertes par l’association des graineset bulbes du Japon. Malgré le vent violent et lefroid, les élèves les ont précieusement mis enterre. La forme du parterre a aussi été conçuepar les élèves : une femme et un homme se tenantpar la main avec un cœur superposé. Au bordétaient accrochés des écriteaux avec les mots

La création de parterres fleuris par descollégiens a permis de changer laphysionomie de quartiers dévastés.

SÉRIE Le véritable pouvoir des fleurs

d’élèves comme “Courage”, “Sourire”. Lors decette première plantation, le projet avait étébaptisé Projet pour plein de fleurs. C’est en mars2013 que le nom a changé pour Projet des parterresqui nous relient”.Quand on a demandé aux élèves la création dupanneau pour le parterre, on a opté pour l’idéede mettre en avant le mot de “lien”. On y voyaitle souhait de “lier les régions, et passer le lien ausuivant”, et plein de fleurs y étaient dessinées àgrande échelle.“Je voudrais que beaucoup de jolies fleurs embellissentnotre région. J’ai hâte de voir l’arrivée du printemps”,a expliqué un élève interrogé lors de la plantation.En mai, lors de leur visite, les élèves passés en se-conde année ont pu découvrir le parterre devenu

Comme nous vous l’avions annoncé dans notrenuméro de mars 2014, nous avons entamé lapublication d’une série d’articles rédigés parl’équipe de l’Ishinomaki Hibi Shimbun dans le butd’informer les lecteurs sur la situation dans l’unedes villes les plus sinistrées. Malgré ses difficultés,ce quotidien local continue à enquêter et à appor-ter chaque jour son lot de nouvelles. Si vous vou-lez le soutenir dans sa tâche, vous pouvez vousabonner à sa version électronique pour 1000 yens(moins de 7 euros) par mois :https://newsmediastand.com/nms/N0120.do?com-mand=enter&mediaId=2301

En juin 2013, des parterres sont plantés grâce à la solidarité d’établissements d’autres régions.

Ishi

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ZOOM ACTU

multicolore. a la vue de ces fleurs, ils n’ont pascaché leur émotion : “Même dans les endroits dé-vastés, ces fleurs vont encourager les gens”.

Une solidarité qui dépasse la régionDepuis, le projet a commencé à dépasser le cadrede notre préfecture. En juin 2013, contactéepar m. ogaTa qui avait proposé son terrainaux élèves, l’association de la ville de Karasuyama,à Nasu dans la préfecture de Tochigi, a collaborépour rassembler près d’une centaine d’élèves deneuf établissements allant de l’école primaire aulycée, et les faire participer à la plantation deprès de 3000 fleurs sur de nouveaux parterres.Le même mois, les élèves de seconde année ducollège de Sakushin gakuin, de la ville de Utsu-nomiya, ont travaillé avec leurs camarades deKadonowaki, pour planter près de 1500 fleursd’été comme des tournesols ou des tagètes. La ville de Karasuyama est la seule ville de lapréfecture où ont été bâties des habitationsprovisoires après le séisme. Les élèves du collège de Sakushin gakuin onttissé des liens avec leurs camarades de Kadowaki,avec pour but commun d’encourager les gens àtravers la plantation des fleurs. Le collège deKadowaki a offert la moitié des bulbes de tulipeau collège de Sakushin gakuin, déterrée lorsd’un travail collectif. Et ces tulipes ont vu lejour au collège et à l’école primaire de Sakushingakuin. La relation entre les deux établissementss’est poursuivie, débouchant sur une réunionentre les élèves de première année.Pendant ces deux années d’activités, d’autresliens ont été créés dans la région. Lors de laplantation des fleurs, beaucoup de citoyens sesont manifestés avec en tête m. ogaTa. Certainsont même continué à prendre soin des parterressans que les élèves ne soient au courant. Les ac-tivités principales ont été prises en charge parles élèves de première année. Quant à la sur-veillance, c’est tout l’ensemble du collège quis’en est occupé avec les élèves de bonne volonté

et l’aide de différents clubs.

Prix de la communautéToutes ces activités ont été reconnues de partet d’autre. En octobre 2014, le comité d’élèvesa reçu le prix de la communauté décerné dansle cadre du Prix de l’esprit bénévole créé par lasociété d’assurance-vie-Prudential et soutenupar la ministre de la Culture. Lors de la cérémonieen novembre dans la ville de Kôriyama, dans lapréfecture de Fukushima, la présidente ducomité d’élèves, IwamoTo ayana, en dernièreannée du collège, s’est présentée. Elle était enpremière année de collège au début du projet.“Le projet a été réalisé avec le soutien de nombreusescollaborations. Seuls, on ne serait pas arrivéjusqu’au bout”, a-t-elle déclaré. Le Projet de parterres qui nous relient s’estbeaucoup développé. mais compte tenu de laréorganisation des quartiers de Kadowaki etminamihama qui doit déboucher sur la créationdu nouveau quartier de Kadowaki où serontimplantés des logements sociaux et un parcdédié à la reconstruction, on envisage de cesserles activités de ce projet.“Quand bien même on supprimerait des parterres,il en restera un fort sentiment de partage entrenous”, estime IwamoTo ayana. Le nombretotal des parterres s’élève à 22 sur un kilomètrede longueur. Près de mille personnes y ont par-ticipé. Cette belle idée de nos jeunes qui sou-haitaient donner “des couleurs pour effacer lagrisaille de notre ville” a-t-elle fait bouger lesgens, fleurir les fleurs, et apporter la force àceux qui ont rendu visite aux habitants et à laville sinistrée d’Ishinomaki ? Telle est la ques-tion.Quoi qu’il en soit, leur action est liée à l’émergenced’une nouvelle ville pleine de sourires. C’estbien ce que les élèves ont voulu exprimer dansleur slogan : “Des couleurs pour effacer la grisaillede notre ville”.

ABE TATSUHITO

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6 ZOOM JAPON numéro 47 février 2015

L e 13 janvier, les journaux télévisés ontconsacré une partie de leur temps d’an-tenne aux époux Yokota (voir pp. 8-9).

Depuis 37 ans, Shigeru et Sakie se battent pourque leur fille Megumi enlevée par des agentsnord-coréens leur soit rendue. après plusieursmois de parenthèses liés à la reprise des négocia-tions entre tôkyô et Pyongyang, les deux com-battants dont le courage ne peut susciter que l’ad-miration ont décidé de reprendre leursconférences pour sensibiliser les Japonais à la ques-tion des ressortissants nippons kidnappés par laCorée du Nord. au cours des quinze dernièresannées, ils ont animé plus de 1 400 réunions. Mal-gré leur âge, ils conservent la même volonté et lemême désir de pouvoir un jour revoir leur fillequi a eu 50 ans l’année dernière.

Ils avaient adopté une attitude plus réservée depuisplusieurs mois après la reprise des discussions entreles gouvernements japonais et nord-coréen.D’abord secrètes et informelles, les négociationsont pris un tour nouveau lorsque Pyongyang s’estengagé à rouvrir le dossier des personnes enlevéesqui était resté au point mort depuis une dizained’années. après l’avancée considérable de 2002qui avait notamment permis le retour de certainesd’entre elles, la Corée du Nord avait décidé d’adop-ter une position plus intransigeante à l’égard duJapon et de poursuivre son programme nucléairesynonyme pour les Japonais et leurs alliés d’un dur-cissement de leur attitude vis-à-vis du régime nord-coréen. En plus de sanctions établies par les NationsUnies, le Japon en a ajouté de nouvelles, contri-buant à bloquer tout dialogue bilatéral pendantplusieurs dizaines de mois. La victoire du Parti libéral-démocrate d’abE Shinzôaux élections de décembre 2012 a fait évoluer lasituation. Le nouveau Premier ministre très impli-

qué dans les négociations de 2002 considère le dos-sier comme important, déclarant même, en sep-tembre 2013, que “la mission du gouvernement nesera pas terminée” tant que toute la lumière, y com-pris sur le cas compliqué de Yokota Megumi, neserait pas faite. Il a mis en œuvre une vaste cam-pagne de sensibilisation dans tout l’archipel quis’est traduite par un affichage massif dans tous leslieux publics avec pour slogan Rachi kanarazu tori-modusu ! (Les kidnappés, bien sûr qu’on les ramè-nera !). tandis que les autorités japonaises faisaient monterla pression, le régime nord-coréen a entrepris unrevirement de sa politique à l’égard du Japon. Unchangement opportuniste lié à des exigencesinternes et externes. Confronté à de grosses diffi-cultés économiques, Pyongyang cherche à obtenirune levée des sanctions au moins partielle, car sesrelations avec la Chine, son principal soutien, nesont plus aussi bonnes qu’auparavant. kim Jong-un, le leader nord-coréen, n’a pas hésité à éliminer

Les rapports entre le Japon et la Corée duNord sont bien compliqués. Ils pèsent deplus en plus sur la société japonaise.

ZOOM DOSSIER

Au cours des derniers mois, les manifestations anti-coréennes se sont multipliées comme ici à Shin-Okubo, le quartier coréen de Tôkyô.

Le Japon perd le nord

DR

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L e 13 janvier, les journaux télévisés ontconsacré une partie de leur temps d’an-tenne aux époux Yokota (voir pp. 8-9).

Depuis 37 ans, Shigeru et Sakie se battent pourque leur fille Megumi enlevée par des agentsnord-coréens leur soit rendue. après plusieursmois de parenthèses liés à la reprise des négocia-tions entre tôkyô et Pyongyang, les deux com-battants dont le courage ne peut susciter que l’ad-miration ont décidé de reprendre leursconférences pour sensibiliser les Japonais à la ques-tion des ressortissants nippons kidnappés par laCorée du Nord. au cours des quinze dernièresannées, ils ont animé plus de 1 400 réunions. Mal-gré leur âge, ils conservent la même volonté et lemême désir de pouvoir un jour revoir leur fillequi a eu 50 ans l’année dernière.

Ils avaient adopté une attitude plus réservée depuisplusieurs mois après la reprise des discussions entreles gouvernements japonais et nord-coréen.D’abord secrètes et informelles, les négociationsont pris un tour nouveau lorsque Pyongyang s’estengagé à rouvrir le dossier des personnes enlevéesqui était resté au point mort depuis une dizained’années. après l’avancée considérable de 2002qui avait notamment permis le retour de certainesd’entre elles, la Corée du Nord avait décidé d’adop-ter une position plus intransigeante à l’égard duJapon et de poursuivre son programme nucléairesynonyme pour les Japonais et leurs alliés d’un dur-cissement de leur attitude vis-à-vis du régime nord-coréen. En plus de sanctions établies par les NationsUnies, le Japon en a ajouté de nouvelles, contri-buant à bloquer tout dialogue bilatéral pendantplusieurs dizaines de mois. La victoire du Parti libéral-démocrate d’abE Shinzôaux élections de décembre 2012 a fait évoluer lasituation. Le nouveau Premier ministre très impli-

qué dans les négociations de 2002 considère le dos-sier comme important, déclarant même, en sep-tembre 2013, que “la mission du gouvernement nesera pas terminée” tant que toute la lumière, y com-pris sur le cas compliqué de Yokota Megumi, neserait pas faite. Il a mis en œuvre une vaste cam-pagne de sensibilisation dans tout l’archipel quis’est traduite par un affichage massif dans tous leslieux publics avec pour slogan Rachi kanarazu tori-modusu ! (Les kidnappés, bien sûr qu’on les ramè-nera !). tandis que les autorités japonaises faisaient monterla pression, le régime nord-coréen a entrepris unrevirement de sa politique à l’égard du Japon. Unchangement opportuniste lié à des exigencesinternes et externes. Confronté à de grosses diffi-cultés économiques, Pyongyang cherche à obtenirune levée des sanctions au moins partielle, car sesrelations avec la Chine, son principal soutien, nesont plus aussi bonnes qu’auparavant. kim Jong-un, le leader nord-coréen, n’a pas hésité à éliminer

Les rapports entre le Japon et la Corée duNord sont bien compliqués. Ils pèsent deplus en plus sur la société japonaise.

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Au cours des derniers mois, les manifestations anti-coréennes se sont multipliées comme ici à Shin-Okubo, le quartier coréen de Tôkyô.

Le Japon perd le nord

DR

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physiquement son oncle Jang Song-thaek qu’iljugeait un peu trop à l’écoute de Pékin. Jouant aussisur les tensions entre les Chinois et les Japonais,Pyongyang ouvre la porte et accepte une rencontreen Mongolie entre les parents de Megumi et leurpetite-fille nord-coréenne. il s’engage égalementsur la réactivation d’une commission d’enquêtechargée de faire la lumière sur tous les cas des per-sonnes enlevées et promet des résultats. en réponse,Tôkyô lève ses sanctions qui portent notammentsur l’interdiction de tout commerce direct entreles deux pays et les transferts d’argent. La parolenord-coréenne est peu fiable et les rapports promistardent à venir. Telle est la situation actuelle quine manque pas d’inquiéter les YOkOTa qui ontaccepté qu’une photo de Megumi illustre désormaisles affiches officielles concernant les ressortissantsjaponais enlevés par la Corée du Nord. Nous sommes donc loin d’un règlement de cettequestion d’autant qu’elle n’est pas la seule dans lecontentieux qui oppose Japonais et Coréens. Sile retour d’abe Shinzô au pouvoir a permis deremettre le thème des kidnappés dans les têtes,son nationalisme a réveillé, sinon encouragé, leracisme anti-coréen. Plusieurs groupuscules ontmultiplié les manifestations pour dénoncer la pré-sence des Coréens sur le territoire japonais, n’hé-sitant pas à défiler dans les rues du quartier deShin-Okubo, à Tôkyô, où vit une partie de la com-munauté coréenne. Le discours de haine (hatespeech) relayé sur internet et par les réseaux sociauxest devenu tellement fort que le Comité pour l'éli-mination de la discrimination raciale des Nationsunies s’est saisi, l’été dernier, de la question. Le9 décembre, la Cour suprême du Japon a statuépour sa part que les campagnes menées contre lesCoréens sur le territoire national relevaient de ladiscrimination raciale. Plusieurs collectivitéslocales, parmi lesquelles la ville de Saitama, au nordde Tôkyô, ou la préfecture de Tottori, sur la merdu Japon qui abrite le port de Sakai Minato où lesbateaux nord-coréens sont autorisés à accoster,ont réclamé au gouvernement des mesures légalespour lutter contre ces dérives racistes dont lesCoréens sont actuellement les victimes. Pour l’ins-tant sans résultats.autre sujet de friction avec la communauté nord-coréenne présente au Japon, la question des écolescoréennes dont le financement est en partie assurépar la Corée du Nord et le gouvernement japo-nais. On en compte environ 70 dans tout le pays.elles se distinguent par la présence de portraitsdes leaders nord-coréens dans les salles de classe,le port de la tenue traditionnelle chima jeogoripour les femmes et un enseignement en partieinfluencé par celui en vigueur au nord du 38e

parallèle. Mais globalement, les cours dispensésdans ces établissements ressemblent à ceux deslycées japonais puisque 40 % des élèves qui en sor-tent peuvent poursuivre leurs études supérieures

février 2015 numéro 47 ZOOM JAPON 7

ZOOM DOSSIER

dans l’archipel. Si elles sont si nombreuses, c’estqu’elles s’adressent à une communauté composéede quelque 500 000 personnes. Leurs effectifsactuels s’élèvent à environ 8 000 élèves contre40 000 au début des années 1960. Profitant de lamobilisation autour de la question des personnesenlevées, de la montée en puissance d’un discoursanti-coréen, le gouvernement japonais a annoncéson intention de s’en prendre au financement,menaçant ainsi l’existence de ces écoles fondéesaprès la guerre par les Coréens qui s’étaient ins-tallés dans l’archipel pendant la période de colo-nisation de la péninsule coréenne par le Japon(1910-1945). abe Shinzô a supprimé les alloca-tions aux familles qui inscrivent leurs enfants dansd’autres établissements que les écoles japonaises

tandis que la préfecture d’Osaka, où vit unegrande partie de la communauté coréenne, a sus-pendu la subvention annuelle de 185 millions deyens qu’elle allouait aux écoles coréennes sur sonterritoire.Dans ce contexte d’intolérance, l’écrivain Mura-kaMi Haruki, qui a ouvert un site temporaire pourrépondre aux questions de ses lecteurs, a expriméson inquiétude à propos du discours de haine quise répand dans le pays. Des paroles sensées, maisqui ne permettront pas de régler un problème com-plexe avec une dimension historique (colonisation,travail forcé), géopolitique (guerre froide, pro-gramme nucléaire nord-coréen) et nationaliste.De quoi vous faire perdre le nord.

ODAIRA NAMIHEI

Pour leur nouvelle campagne d’information sur les enlevés japonais, les autorités ont choisi une photo

de YOKOTA Megumi.

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8 ZOOM JAPON numéro 47 février 2015

ZOOM DOSSIER

Dans un petit salon à l'entrée d'un immeublede banlieue de tôkyô, nous attendonsles Yokota. C'est là que les journalistes

du monde entier se rendent pour interviewer cecouple tristement célèbre depuis l'enlèvement deleur fille de 13 ans un jour de novembre 1977. in-connu pendant plus de deux décennies, leur drameest découvert en 2002 dans la terreur et la stupé-faction : des dizaines de Japonais ont été enlevéespar les Nord-Coréens dans les années 1970 et1980. Parmi eux, figurait leur fille Megumi. “il faut faire attention à ce que vous lisez, on dit quemegumi s'est suicidée dans un hôpital, mais nousn'avons jamais récupéré les cendres”, explique Yokota

shigeru d'une voix chevrotante. sa femme sakiesourit, nous offre du thé. agés respectivement de81 et 78 ans, le couple Yokota garde toujoursl'espoir de retrouver leur fille volatilisée. Noussommes dans la ville de Niigata sur la mer duJapon, “un port où venaient mouiller les bateauxnord-coréens qui faisaient la liaison entre Niigata etWonsan”, rappelle Mme Yokota. Jusqu'au soirde la disparition de Megumi, la famille avait unevie des plus ordinaires, père banquier, mère aufoyer élevant Megumi et ses deux petits frères ju-meaux. “Nous avons imaginé une fugue tout ensachant que ce n'était pas ça”, dit M. Yokota enouvrant l'album de famille. Une belle photo lesmontre réunis tous les cinq, devant la mer. deux ans après la disparition de Megumi, lesYokota tombent sur un article du journal SankeiShimbun. Un journaliste d'investigation a enquêtéle long de la mer du Japon, suite à des “événementsétranges”. Un couple menotté avec un sac sur latête sur une plage, sauvé in extremis. La voix desravisseurs parlant un japonais trop poli pour êtrevrai. Le journaliste recoupe l’affaire avec d'autresdisparitions dans la région et émet pour la premièrefois la possibilité que la Corée du Nord soit àl’origine de l’enlèvement de Japonais. Les Yokota

se ruent à la rédaction. Mais on leur dit que leurfille ne peut pas correspondre à ce schéma. “Elleétait soi-disant trop jeune”, souffle Yokota sakie.s'en suit un silence de vingt ans, sans aucune piste.“C'était comme si megumi avait été "kami kakushi”,cachée par les dieux”. Les Yokota déménagent àtôkyô. Pour ne pas mourir de chagrin, sakie se ré-fugie dans la foi. M. Yokota tourne les pages deson album. Megumi apparaît une dernière fois enkimono rouge sur le blanc éclatant de la neige. en 1997, un journaliste de retour de Corée duNord rend visite aux Yokota avec une incroyable

nouvelle : un espion nord-coréen a livré des infor-mations à propos d'une fille de 13 ans capturéedans les années 1970. Les larmes coulent, c’est lapremière trace de Megumi en vingt ans. Un ex-es-pion, an, entraîné par kim Jong-il, accepte de lesrencontrer. ses aveux sont bouleversants. “A l'époque,tous les espions devaient revenir avec un otage. Je mesens moi-même coupable pour megumi car j'auraispu être son ravisseur. Celui qui l’a fait ne s'est pasaperçu qu'il avait enlevé une môme”, a-t-il expliquédans une interview filmée. entraînés à tuer, lesespions nord-coréens avaient aussi pour missiond'enlever des citoyens japonais pour apprendre àse comporter comme un Japonais. “il nous a ditque megumi avait été kidnapée et mise sur un bateau.Pendant les 40 heures de traversée, elle a vomi et acherché à ouvrir la porte jusqu'à s'arracher tous lesongles”, raconte M. Yokota d'une voix étranglée. Pour ses parents, une seule chose compte : Megumia été vue vivante. Cependant, Pyongyang continuede nier l'enlèvement de Megumi. Les Yokota dé-cident d'agir et créent l'association des familles desvictimes d'enlèvement par la Corée du Nord en1997. “il régnait un climat de peur insoutenable.Les familles des otages n'osaient pas parler. Avec monmari, on s'est torturé pendant trois jours avant dedécider de sortir l'affaire de megumi au grand jour,on craignait pour sa vie, mais c'était la seule solution”,assure Yokota sakie. Leur détermination sera lemoteur pour les autres familles de victimes. a euxtous, ils récoltent des milliers de pétitions. Unecellule de crise gouvernementale est créée sous lenom de Rachi mondai, "le problème des kidnapés". Cependant, les relations entre tôkyô et Pyongyangsont soumises à un jeu politique qui laisse peu deplace à la résolution de ce problème. en mars 2000,les familles des victimes, hors d'elles, manifestentviolemment devant le siège du Parti libéral-démocratecontre l'envoi de riz en Corée du Nord, où sévit lafamine. “Prenez l'affaire des otages au sérieux ! Ren-dez-nous nos fils et nos filles !” scandent-elles. C'est en septembre 2002, lors d'une visite histo-rique du Premier ministre koizUMi Jun’ichirôà Pyongyang, que l’affaire prend un nouveau tour.Le chef de gouvernement japonais veut la résoudre.ll apporte de la part des Yokota une cassettevidéo pour Megumi : “on habite à Kawasaki. Tesfrères sont mariés et ont des enfants. il y a Disneylandmaintenant tu sais”. L'espoir que les otages soientlibérés fait vibrer le cœur de toutes les familles.Mais koizUMi revient avec un bilan morbide : laCorée du Nord a admis le rapt de 13 personnes,mais annonce la mort de 8 d'entre elles dans descirconstances douteuses (empoisonnement au gaz,noyade, accident de voiture). Megumi est déclaréesuicidée par pendaison dans un hôpital psychiatrique

à l'âge de 29 ans. Le pays est sous le choc. Lesparents de Megumi s'étouffent de chagrin. Pourtant,l'espoir revient: il n'y a aucune preuve de la mortde Megumi. “La photo ramenée par Koizumi necorrespond pas, selon les spécialistes, à l'âge de 20 anscomme ils le prétendaient”, affirme M. Yokota ensortant un portrait de Megumi. Leur petite fille entenue d'écolière est devenue une jolie jeune femmeau regard lointain. “Nous avons appris en mêmetemps que sa mort que nous étions grands-parentsd'une petite fille”, ajoute sa femme. Un mois plus tard, les otages survivants sont libéréset accueillis dans les larmes et la joie. L'histoire sur-réaliste des enlevés par la Corée du Nord prend fi-nalement forme. Parmi eux, HasUike kaoru etson amie okUdo Yukiko, enlevés en 1978 àNiigata, diront que Megumi a été vue après 1993.d'après un espion, elle enseignerait le japonais aufils de kim Jong-un, un poste à très haute respon-sabilité qui ne laisse pas de place à une garde nonsurveillée et à un suicide. HasUike leur a commu-niqué aussi un message selon lequel ils étaient lesbienvenus en Corée du Nord. “Nous avons tout desuite flairé une ruse”, explique sakie qui a toujoursrefusé de partir. Malgré les supplications de leurpetite fille, les Yokota restent sur leur position.“Je rêve de serrer ma petite-fille dans mes bras, maissi nous partons là-bas, ils vont tout faire pour quenous reconnaissions la mort de megumi”, assure-t-elle. en 2005, les “restes” de Megumi fournis parPyongyang sont analysés. L'adN ne correspondpas, mais Megumi ne revient pas. douze ans ont passé depuis. “Et douze Premiersministres se sont succédés depuis l'enlèvement de me-gumi”, note sakie d'un ton las. “Nous sommes vieuxet fatigués. Nous avons supplié le gouvernement d'in-tervenir pour organiser une rencontre avec notre pe-tite-fille, Hegyong, maintenant âgée de 26 ans dansun pays tiers.” Miraculeusement, cette rencontre aeu lieu en Mongolie en mars 2014. “Nous n'avonspas pu parler de megumi. mais ces quelques momentsd'intimité passés tous les cinq avec la famille deHegyong ont été merveilleux. Je lui ai demandé dedire à sa mère que nous savions qu'elle était en vie,que jusqu'au bout nous n'abandonnerions pas”. il yaurait entre 800 et 1000 otages en Corée du Nord,selon certaines sources. Parmi eux, le cas de Megumiest devenu le symbole d'une lutte pour le respectdes droits de l'homme mais surtout celle de l'amourindéfectible de deux parents.“Je n'ai rien contre la Corée du Nord. J'ai été éduquéedans la tolérance de l'autre. Nous demandons justequ’on nous rende notre fille”, lance sakie. son marihoche la tête, “Cela fait 37 ans. A présent, c'est ledernier round”.

ALISSA DESCOTES-TOYOSAKI

HISTOIRE Il était une fois Yokota MegumiEnlevée en novembre 1977, à l’âge de13 ans, ses parents se battent depuis37 ans pour son retour dans l’archipel.

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Dans un petit salon à l'entrée d'un immeublede banlieue de tôkyô, nous attendonsles Yokota. C'est là que les journalistes

du monde entier se rendent pour interviewer cecouple tristement célèbre depuis l'enlèvement deleur fille de 13 ans un jour de novembre 1977. in-connu pendant plus de deux décennies, leur drameest découvert en 2002 dans la terreur et la stupé-faction : des dizaines de Japonais ont été enlevéespar les Nord-Coréens dans les années 1970 et1980. Parmi eux, figurait leur fille Megumi. “il faut faire attention à ce que vous lisez, on dit quemegumi s'est suicidée dans un hôpital, mais nousn'avons jamais récupéré les cendres”, explique Yokota

shigeru d'une voix chevrotante. sa femme sakiesourit, nous offre du thé. agés respectivement de81 et 78 ans, le couple Yokota garde toujoursl'espoir de retrouver leur fille volatilisée. Noussommes dans la ville de Niigata sur la mer duJapon, “un port où venaient mouiller les bateauxnord-coréens qui faisaient la liaison entre Niigata etWonsan”, rappelle Mme Yokota. Jusqu'au soirde la disparition de Megumi, la famille avait unevie des plus ordinaires, père banquier, mère aufoyer élevant Megumi et ses deux petits frères ju-meaux. “Nous avons imaginé une fugue tout ensachant que ce n'était pas ça”, dit M. Yokota enouvrant l'album de famille. Une belle photo lesmontre réunis tous les cinq, devant la mer. deux ans après la disparition de Megumi, lesYokota tombent sur un article du journal SankeiShimbun. Un journaliste d'investigation a enquêtéle long de la mer du Japon, suite à des “événementsétranges”. Un couple menotté avec un sac sur latête sur une plage, sauvé in extremis. La voix desravisseurs parlant un japonais trop poli pour êtrevrai. Le journaliste recoupe l’affaire avec d'autresdisparitions dans la région et émet pour la premièrefois la possibilité que la Corée du Nord soit àl’origine de l’enlèvement de Japonais. Les Yokota

se ruent à la rédaction. Mais on leur dit que leurfille ne peut pas correspondre à ce schéma. “Elleétait soi-disant trop jeune”, souffle Yokota sakie.s'en suit un silence de vingt ans, sans aucune piste.“C'était comme si megumi avait été "kami kakushi”,cachée par les dieux”. Les Yokota déménagent àtôkyô. Pour ne pas mourir de chagrin, sakie se ré-fugie dans la foi. M. Yokota tourne les pages deson album. Megumi apparaît une dernière fois enkimono rouge sur le blanc éclatant de la neige. en 1997, un journaliste de retour de Corée duNord rend visite aux Yokota avec une incroyable

nouvelle : un espion nord-coréen a livré des infor-mations à propos d'une fille de 13 ans capturéedans les années 1970. Les larmes coulent, c’est lapremière trace de Megumi en vingt ans. Un ex-es-pion, an, entraîné par kim Jong-il, accepte de lesrencontrer. ses aveux sont bouleversants. “A l'époque,tous les espions devaient revenir avec un otage. Je mesens moi-même coupable pour megumi car j'auraispu être son ravisseur. Celui qui l’a fait ne s'est pasaperçu qu'il avait enlevé une môme”, a-t-il expliquédans une interview filmée. entraînés à tuer, lesespions nord-coréens avaient aussi pour missiond'enlever des citoyens japonais pour apprendre àse comporter comme un Japonais. “il nous a ditque megumi avait été kidnapée et mise sur un bateau.Pendant les 40 heures de traversée, elle a vomi et acherché à ouvrir la porte jusqu'à s'arracher tous lesongles”, raconte M. Yokota d'une voix étranglée. Pour ses parents, une seule chose compte : Megumia été vue vivante. Cependant, Pyongyang continuede nier l'enlèvement de Megumi. Les Yokota dé-cident d'agir et créent l'association des familles desvictimes d'enlèvement par la Corée du Nord en1997. “il régnait un climat de peur insoutenable.Les familles des otages n'osaient pas parler. Avec monmari, on s'est torturé pendant trois jours avant dedécider de sortir l'affaire de megumi au grand jour,on craignait pour sa vie, mais c'était la seule solution”,assure Yokota sakie. Leur détermination sera lemoteur pour les autres familles de victimes. a euxtous, ils récoltent des milliers de pétitions. Unecellule de crise gouvernementale est créée sous lenom de Rachi mondai, "le problème des kidnapés". Cependant, les relations entre tôkyô et Pyongyangsont soumises à un jeu politique qui laisse peu deplace à la résolution de ce problème. en mars 2000,les familles des victimes, hors d'elles, manifestentviolemment devant le siège du Parti libéral-démocratecontre l'envoi de riz en Corée du Nord, où sévit lafamine. “Prenez l'affaire des otages au sérieux ! Ren-dez-nous nos fils et nos filles !” scandent-elles. C'est en septembre 2002, lors d'une visite histo-rique du Premier ministre koizUMi Jun’ichirôà Pyongyang, que l’affaire prend un nouveau tour.Le chef de gouvernement japonais veut la résoudre.ll apporte de la part des Yokota une cassettevidéo pour Megumi : “on habite à Kawasaki. Tesfrères sont mariés et ont des enfants. il y a Disneylandmaintenant tu sais”. L'espoir que les otages soientlibérés fait vibrer le cœur de toutes les familles.Mais koizUMi revient avec un bilan morbide : laCorée du Nord a admis le rapt de 13 personnes,mais annonce la mort de 8 d'entre elles dans descirconstances douteuses (empoisonnement au gaz,noyade, accident de voiture). Megumi est déclaréesuicidée par pendaison dans un hôpital psychiatrique

à l'âge de 29 ans. Le pays est sous le choc. Lesparents de Megumi s'étouffent de chagrin. Pourtant,l'espoir revient: il n'y a aucune preuve de la mortde Megumi. “La photo ramenée par Koizumi necorrespond pas, selon les spécialistes, à l'âge de 20 anscomme ils le prétendaient”, affirme M. Yokota ensortant un portrait de Megumi. Leur petite fille entenue d'écolière est devenue une jolie jeune femmeau regard lointain. “Nous avons appris en mêmetemps que sa mort que nous étions grands-parentsd'une petite fille”, ajoute sa femme. Un mois plus tard, les otages survivants sont libéréset accueillis dans les larmes et la joie. L'histoire sur-réaliste des enlevés par la Corée du Nord prend fi-nalement forme. Parmi eux, HasUike kaoru etson amie okUdo Yukiko, enlevés en 1978 àNiigata, diront que Megumi a été vue après 1993.d'après un espion, elle enseignerait le japonais aufils de kim Jong-un, un poste à très haute respon-sabilité qui ne laisse pas de place à une garde nonsurveillée et à un suicide. HasUike leur a commu-niqué aussi un message selon lequel ils étaient lesbienvenus en Corée du Nord. “Nous avons tout desuite flairé une ruse”, explique sakie qui a toujoursrefusé de partir. Malgré les supplications de leurpetite fille, les Yokota restent sur leur position.“Je rêve de serrer ma petite-fille dans mes bras, maissi nous partons là-bas, ils vont tout faire pour quenous reconnaissions la mort de megumi”, assure-t-elle. en 2005, les “restes” de Megumi fournis parPyongyang sont analysés. L'adN ne correspondpas, mais Megumi ne revient pas. douze ans ont passé depuis. “Et douze Premiersministres se sont succédés depuis l'enlèvement de me-gumi”, note sakie d'un ton las. “Nous sommes vieuxet fatigués. Nous avons supplié le gouvernement d'in-tervenir pour organiser une rencontre avec notre pe-tite-fille, Hegyong, maintenant âgée de 26 ans dansun pays tiers.” Miraculeusement, cette rencontre aeu lieu en Mongolie en mars 2014. “Nous n'avonspas pu parler de megumi. mais ces quelques momentsd'intimité passés tous les cinq avec la famille deHegyong ont été merveilleux. Je lui ai demandé dedire à sa mère que nous savions qu'elle était en vie,que jusqu'au bout nous n'abandonnerions pas”. il yaurait entre 800 et 1000 otages en Corée du Nord,selon certaines sources. Parmi eux, le cas de Megumiest devenu le symbole d'une lutte pour le respectdes droits de l'homme mais surtout celle de l'amourindéfectible de deux parents.“Je n'ai rien contre la Corée du Nord. J'ai été éduquéedans la tolérance de l'autre. Nous demandons justequ’on nous rende notre fille”, lance sakie. son marihoche la tête, “Cela fait 37 ans. A présent, c'est ledernier round”.

ALISSA DESCOTES-TOYOSAKI

HISTOIRE Il était une fois Yokota MegumiEnlevée en novembre 1977, à l’âge de13 ans, ses parents se battent depuis37 ans pour son retour dans l’archipel.

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I ssue de la deuxième génération des zainichi,les immigrés coréens au Japon, la réalisatriceet auteur Yang Yong-hi offre un point de

vue unique sur les relations nippo-coréennes àtravers le destin tourmenté de sa famille, coupéeen deux entre Osaka et Pyongyang. Née en 1964,ce petit bout de femme à la forte tête a grandi àOsaka sous l'égide patriotique de son père, ardentcommuniste et membre de la Chongryon, uneorganisation controversée d'aide aux Nord-Co-réens résidant au Japon. Alors qu'elle a 6 ans, ses trois frères, agés de14, 16 et 18 ans, sont envoyés par leur père àPyongyang dans le cadre du "programme derapatriement", une propagande instaurée àpartir de 1959 au Japon pour inciter les zainichià partir en Corée du Nord. Ses frères ne re-viendront pas. De ce traumatisme naît un premier documentaire,Dear Pyongyang (2005) qui retrace le voyagede ses parents en visite à Pyongyang et ses débatspolitiques passionnés avec son père. Sorti en2010, Itoshiki Sona (Sona, un autre moi) racontele quotidien de la famille : sa mère, fidèle patriote,mais mère avant tout, envoie depuis 30 ans despaquets de nourriture japonaise et de l'argent àses fils, dont l'un d'eux a eu une petite-fille,Sona. Yang Yong-hi filme avec délicatesse l'in-nocence et l'inévitable endoctrinement de sanièce élevée à Pyongyang, et qui aurait pu êtreson double. Interdite de séjour en Corée duNord après le tournage en 2006, la réalisatricene reverra pas Sona ni ses frères, sauf l'un d'eux,autorisé à revenir au Japon après 25 ans poursoigner une tumeur. Ce retour inespéré, miraculeux, inspire en 2012le premier long-métrage de Yang Yong-hi,Kazoku no kuni (Our homeland) dont le titretraduit littéralement signifie “le pays de lafamille”. Primé au festival international du filmde Berlin, ce film concentre toute la tendresseet la déchirure d'une sœur condamnée à vivreséparée de ses frères à cause d'une aberration del'Histoire. Enfer où habitent les êtres chers, laCorée du Nord devient véritablement à traversle regard de Yang Yong-hi, “le pays de la famille”. Rencontrée à Tôkyô, Yang Yong-hi parle d'unevoix fragile et sans jugement de sa Corée duNord. Sujet occulté depuis l'après-guerre jusqu'ànos jours, la communauté coréenne au Japonreprésente pourtant, selon la réalisatrice, uneclé essentielle pour comprendre le Japon.

Vos frères sont partis dans le cadre d'un pro-gramme de rapatriement instrumentalisé parPyongyang mais aussi par Tôkyô ?YANG Yong-hi : Cela semble impensable au-jourd’hui, mais à l'époque, le Parti communistejaponais était très influent et a pu convaincredes milliers de Coréens qui souffraient de discri-minations, que la Corée du Nord était un “paradissur terre” où ils trouveraient du travail et un lo-gement gratuit. Cette propagande a été instru-

RENCONTRE Perdue au milieu de l’histoirePour la cinéaste Yang Yong-hi, son récitfamilial lui permet d’aborder de front laquestion des zainichi.

mentalisée par la Croix rouge et tous les médiasjaponais dans le cadre d'une politique d'émigrationmassive : il s'agissait pour le Japon de chasser leplus de Coréens possible. Du côté de Pyongyang,faire venir de la main-d'œuvre avec un pouvoird'achat bien supérieur à la moyenne du paysconstituait un enjeu économique de taille. Quandmes frères sont partis, j'avais 6 ans. Je les ai ac-compagnés jusqu'au ferry et après je ne mesouviens plus de rien. J'ai eu de la fièvre pendant

Yang Yong-hi a choisi de raconter l’histoire douloureuse de sa famille.

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I ssue de la deuxième génération des zainichi,les immigrés coréens au Japon, la réalisatriceet auteur Yang Yong-hi offre un point de

vue unique sur les relations nippo-coréennes àtravers le destin tourmenté de sa famille, coupéeen deux entre Osaka et Pyongyang. Née en 1964,ce petit bout de femme à la forte tête a grandi àOsaka sous l'égide patriotique de son père, ardentcommuniste et membre de la Chongryon, uneorganisation controversée d'aide aux Nord-Co-réens résidant au Japon. Alors qu'elle a 6 ans, ses trois frères, agés de14, 16 et 18 ans, sont envoyés par leur père àPyongyang dans le cadre du "programme derapatriement", une propagande instaurée àpartir de 1959 au Japon pour inciter les zainichià partir en Corée du Nord. Ses frères ne re-viendront pas. De ce traumatisme naît un premier documentaire,Dear Pyongyang (2005) qui retrace le voyagede ses parents en visite à Pyongyang et ses débatspolitiques passionnés avec son père. Sorti en2010, Itoshiki Sona (Sona, un autre moi) racontele quotidien de la famille : sa mère, fidèle patriote,mais mère avant tout, envoie depuis 30 ans despaquets de nourriture japonaise et de l'argent àses fils, dont l'un d'eux a eu une petite-fille,Sona. Yang Yong-hi filme avec délicatesse l'in-nocence et l'inévitable endoctrinement de sanièce élevée à Pyongyang, et qui aurait pu êtreson double. Interdite de séjour en Corée duNord après le tournage en 2006, la réalisatricene reverra pas Sona ni ses frères, sauf l'un d'eux,autorisé à revenir au Japon après 25 ans poursoigner une tumeur. Ce retour inespéré, miraculeux, inspire en 2012le premier long-métrage de Yang Yong-hi,Kazoku no kuni (Our homeland) dont le titretraduit littéralement signifie “le pays de lafamille”. Primé au festival international du filmde Berlin, ce film concentre toute la tendresseet la déchirure d'une sœur condamnée à vivreséparée de ses frères à cause d'une aberration del'Histoire. Enfer où habitent les êtres chers, laCorée du Nord devient véritablement à traversle regard de Yang Yong-hi, “le pays de la famille”. Rencontrée à Tôkyô, Yang Yong-hi parle d'unevoix fragile et sans jugement de sa Corée duNord. Sujet occulté depuis l'après-guerre jusqu'ànos jours, la communauté coréenne au Japonreprésente pourtant, selon la réalisatrice, uneclé essentielle pour comprendre le Japon.

Vos frères sont partis dans le cadre d'un pro-gramme de rapatriement instrumentalisé parPyongyang mais aussi par Tôkyô ?YANG Yong-hi : Cela semble impensable au-jourd’hui, mais à l'époque, le Parti communistejaponais était très influent et a pu convaincredes milliers de Coréens qui souffraient de discri-minations, que la Corée du Nord était un “paradissur terre” où ils trouveraient du travail et un lo-gement gratuit. Cette propagande a été instru-

RENCONTRE Perdue au milieu de l’histoirePour la cinéaste Yang Yong-hi, son récitfamilial lui permet d’aborder de front laquestion des zainichi.

mentalisée par la Croix rouge et tous les médiasjaponais dans le cadre d'une politique d'émigrationmassive : il s'agissait pour le Japon de chasser leplus de Coréens possible. Du côté de Pyongyang,faire venir de la main-d'œuvre avec un pouvoird'achat bien supérieur à la moyenne du paysconstituait un enjeu économique de taille. Quandmes frères sont partis, j'avais 6 ans. Je les ai ac-compagnés jusqu'au ferry et après je ne mesouviens plus de rien. J'ai eu de la fièvre pendant

Yang Yong-hi a choisi de raconter l’histoire douloureuse de sa famille.

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une semaine, je délirais. Ça a été un véritabletraumatisme. J'adorais mes frères.

Vous avez fait plusieurs voyages à Pyongyang,dont le premier à l'âge de 17 ans. Quelles ontété vos impressions ? Y. Y. : Je faisais partie d'une délégation de monlycée pour aller à Pyongyang. C'était une écolenord-coréenne. J'ai tout de suite été marquéepar le nombre de monuments et de statues. Onétait obligé de s'incliner devant, c'était vraimentun supplice. Mon père est sympathisant de laCorée du Nord. Mais moi je suis née au Japon.Je regardais des films occidentaux et j'admiraispar-dessus tout le caractère individualiste de cessociétés. Dans ce sens, la vie collective en Coréedu Nord était vraiment pénible. En tant quezainichi, j'étais traitée comme une VIP et audébut, on ne m'a montré que les jolis aspects.Les gens sont sans cesse surveillés et doivent faireleur autocritique régulièrement. Mais quand j'aipu boire avec eux le soir, j'ai pu voir le côté cachéde leur vie, leurs sentiments. Je me suis renduecompte qu'ils étaient comme nous. Il y avait unoncle qui à chaque fois qu'il était saoul critiquaitl'économie du pays. Sauf qu'en disant cela, il de-venait un danger public pour toute sa famille,ses voisins. Moi-même, je devais faire très attentionà mes frères.

Vous avez revu vos frères après 11 ans, commentcela s'est-il passé ? Y. Y. : J'étais à la fois excitée et terrifiée. Je medemandais s'ils se rappelaient toujours de moi,s'ils savaient toujours parler japonais. J'avais peurqu'ils soient devenus des sympathisants de KimJong-il et qu'on n’ait rien à se dire ! Mais finale-ment, ils parlaient le japonais avec le dialected'Osaka comme avant. Ils n'avaient pas du toutchangé! Ils étaient mariés, avec des enfants, etavaient des niveaux de vie plus élevés que lamoyenne grâce aux envois d’argent du Japon.

Vos frères n'ont jamais pensé à s'échapper,comme les dappokusha, comme on appelle ceuxqui ont fui le nord ? Y. Y. : Ils disaient toujours en rigolant : “On n'apas cette endurance !” En plus, il faut un miraclepour que la famille entière réussisse à s'évader,en général, c'est seul qu'on y arrive. C’est une ex-périence vraiment terrible, à vivre des années declandestinité avant de réussir à le faire.

Vous avez publié l'histoire très personnelle devotre famille au risque de ne plus pouvoir lesvoir, pourquoi ce choix ? Y. Y. : Il faut transmettre l'Histoire. 93 000 Co-réens ont quitté le Japon pour la Corée du Nordet ne sont plus jamais revenus. Pourtant, à partquelques ouvrages mineurs parus dans l’archipel,

personne n’aborde cette tranche de l'histoire etde la communauté coréenne d'après-guerre. C'estinconcevable, n'est-ce pas ? Il ne s'agit pas des'attaquer à tous les sujets tabous, mais quandmême, on ne peut pas prétendre comprendre leJapon sans traiter des zainichi, d'autant plusqu'on peut aborder le sujet de manière imaginative.Avec toutes ces contradictions, il y a matière !

Depuis le retour d’ABE Shinzô au pouvoir en2012, il y a un regain de sentiments anti-coréensorchestrés par le groupe d'extrême droite Zai-tokukai. Vous avez participé à des contre-ma-nifestations, pouvez-vous nous décrire un peul'ambiance ? Y. Y. : Quand en pleine journée à Shinjuku, aucentre de Tôkyô, on voit un defilé qui scande“On va tous vous tuer !” avec des pancartes repré-

sentant des Coréens et des cafards, et qu'on saitqu'ils ont eu l'autorisation pour le faire, c'estd'une violence vraiment insupportable. Je ne voispas d'inconvénients à ce que des groupes extré-mistes comme Zaitokukai existent, mais pas surla place publique. Il y a des lois qui condamnentles menaces de mort exprimées par courriel ouautre, mais quand il s'agit d'une menace visantles Coréens, on dit que c'est la liberté d'expression !J'aimerais bien personnellement qu'une mani-festation de ce genre se déroule pendant les Jeuxolympiques en 2020, pour voir la réaction desvisiteurs étrangers !

Que pensez vous des écoles nord-coréennes auJapon ? Y. Y. : J'ai fréquenté l'école nord-coréenne jusqu'àl'université. Par rapport aux écoles japonaises, iln'y avait pas de harcèlement ou de discriminationraciale. On pouvait être libre, on ne cachait passon identité. A présent, la discrimination enversles zainichi a diminué mais par oubli, c'est pire!Les jeunes ne font pas de discrimination car ilsignorent l'histoire, ce qui est aussi une forme decrime. Quand des lycéens demandent pourquoiil y a autant de Coréens au Japon, on se dit qu'ily a un vrai problème d'éducation. Au Japon,nous sommes toujours dans un monde facilementcontrôlable, idéal pour la propagande, il ne fautpas l'oublier.

La publication de votre travail a eu des consé-quences sur votre vie familiale ? Y. Y. : Oui, je suis interdite de séjour en Coréedu Nord. Mais même si je ne peux plus voir mesfrères, ils restent ma famille. Vraiment, la famillec'est quelque chose d'incroyable ! Dans ce sens,la Corée du Nord restera toujours le pays dema famille.

PROPOS RECUEILLIS PAR A. D.-T.

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“Expulsons les Coréens !” peut-on lire sur cette pancarte brandie lors d’une manifestation organisée par

le groupe d’extrême droite Zaitokukai.

DR

Affiche du film Aishiki Sona de Yang Yong-hi.

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ZOOM DOSSIER

K oh Young-ki est un des rares journalistesà avoir enqueté sur la vie des clandestinsNord-Coréens à la frontière chinoise.

Son  livre  intitulé  Kochebiyo, dappoku no kawawo watare (Kochebi, de l'autre côté de la rivièrepour  fuir  le  nord,  inédit  en  français)  sorti  en2012 raconte  l'histoire des kochebi,  les enfantsdes  rues et par extension  toutes  les personnes,enfants et adultes, qui ont fui la Corée du Nordà cause des famines. Né à Osaka en 1966 de pa-rents coréens,  Koh Young-ki a fréquenté l'écolejaponaise puis nord-coréenne avant de  rentrercomme  rédacteur  au  DailyNK, un  journal  enligne qui défend les droits de l'homme en Coréedu Nord. Interdit de séjour au pays de la dynastiedes Kim, dont il critique le système totalitaire,Koh Young-ki a choisi de se rendre à Enki, uneville à la frontière entre la Chine et la Républiquepopulaire démocratique de Corée. Il y a rencontrédes travailleurs clandestins qui vont et viennentau  péril  de  leur  vie  pour  nourrir  leur  famillerestée sur place. On découvre dans son récit lechômage et la famine qui minent périodiquementle pays. Des milliers d'enfants mendiants hantentles rues. Les plus hardis essaieront de rejoindrela Corée du Sud ou le Japon au prix de plusieursmois ou années d'errance. 

Quel a été votre parcours et vos rapports à laCorée du Nord ? Koh Young-ki : J'ai  été  élevé  par  des  parentstrès communistes, du genre marxiste-léniniste.Mon père est arrivé du sud de la Corée au Japondans les années 1930, pour travailler. Il a fait latraversée au péril de sa vie.  La Corée était extrê-mement pauvre après  la colonisation de  la pé-ninsule par le Japon. Ma mére est née au Japon,mais ses parents venaient également du sud dela Corée, comme pratiquement tous les Coréensinstallés au Japon. A l'époque, le Parti communisteétait  tres  puissant  dans  l’archipel. C'est  ce  quiexplique cet engouement pour le nord. Il y  avaitune volonté des Coréens, victimes de discrimi-nations, de se détacher du Japon et de regagnerleur indépendance. Pour ma part, je lisais RosaLuxembourg,  mais  j'ai  toujours  eu  des  doutessur le système nord-coréen. 

Vous vous êtes rendus pour la première fois àla frontière sino-coréenne à quelle occasion ?K. Y. : J'étais  journaliste  au  DailyNK depuis1993  quand  j'ai  entendu  les  nouvelles  de  la

famine  en  Corée  du  Nord.  ll  fallait  que  j'aillevoir  de  mes  yeux  ce  qu'il  se  passait.  Je  pensaisjusque-là qu'on y menait une vie plus ou moinsidyllique, nous avions très peu d'informations.Mais quand je suis arrivé en 1998 dans la villed'Enki, à la frontière chinoise, c'était un véritablecauchemar. Une famine épouvantable avait faitfuir des milliers de gens – femmes, hommes et

enfants – qui essayaient de traverser la frontièredans  des  conditions  horribles.  Cette  famine  afait 3 millions de morts entre 1995 et 2000. 

Quelles étaient les causes de cette famine ? K. Y. : Le système de gestion alimentaire com-plètement  déficient  du  pays.  Même  s'il  y  avaitdes vivres, à un moment donné la distributions'est arrêtée. Les gens ont attendu, en se disantque cela allait arriver et petit à petit, ils se sontaffaiblis et sont morts. Il n'y a pas réellement demort  par  la  famine,  c'est  par  la  maladie  qu'onmeurt.  

Votre livre raconte la misère, mais aussi unecertaine vitalitéK. Y. : Oui, tout à fait. J'ai voulu raconter aussicomment tous ces gens survivent, et c'est parfoistrès drôle. Il y a vraiment des types pas possiblesqui  font  tout pour vous escroquer. On a beauparler de la Corée du Nord, tout n'est pas quetriste  et  sombre.  La  vie  reprend  toujours  ledessus. 

Vous êtes retournés plusieurs fois dans cetteville, et même récemment. Qu'est-ce-qui achangé depuis 1998 ? K. Y. : La frontière est maintenant couverte debarbelés,  c'est  devenu  encore  plus  difficile  depasser depuis l'arrivée de Kim  Jong-un à la têtedu  pays.  Avant,  les  clandestins  y  séjournaientgrâce  à  l'envoi  de  fonds  mais  à  présent,  ils  s’yrendent  comme  des  travailleurs  émigrés  pourtravailler sur des chantiers afin de pouvoir envoyerl'argent tous les mois à leur famille. La Corée duNord ressemble pas mal à  l'Algérie! D'ailleurs,nous avons aussi au Japon d'excellents  joueursde foot issus de l’émigration comme Zidane ! Ily a une réelle dépendance économique qui existeentre un pays colonisé et son colonisateur. L'Al-gérie vit avec les euros,  la Corée du Nord avecles yens et autres devises. La preuve, il y a environ100 000 Nord-Coréens qui habitent en Coréedu  Sud  :  ça  ne  leur  plaît  pas  forcément. Maismême  s'ils  veulent  rentrer,  ils  ne  peuvent  pas,leur famille leur demande de rester pour l'envoides fonds. 

Comment voyez-vous l'avenir de la Corée duNord ? K. Y. : La Corée du Nord n'a pas assez de res-sources pour survivre économiquement. Je penseque pour l'instant il n'y a que la normalisationdes  relations  commerciales  entre  la  Corée  duNord et le Japon qui puissent sauver la situation.  

PROPOS RECUEILLIS PAR A. D.-T.

Reportage photo sur les kochebi et couverture du

livre de Koh Young-ki.

INTERVIEW Souffrances nord-coréennesLe journaliste Koh Young-ki a enquêté surces Nord-Coréens ayant fui leur payssoumis aux pires difficultés.

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12 ZOOM JAPON numéro 47 février 2015

ZOOM DOSSIER

K oh Young-ki est un des rares journalistesà avoir enqueté sur la vie des clandestinsNord-Coréens à la frontière chinoise.

Son  livre  intitulé  Kochebiyo, dappoku no kawawo watare (Kochebi, de l'autre côté de la rivièrepour  fuir  le  nord,  inédit  en  français)  sorti  en2012 raconte  l'histoire des kochebi,  les enfantsdes  rues et par extension  toutes  les personnes,enfants et adultes, qui ont fui la Corée du Nordà cause des famines. Né à Osaka en 1966 de pa-rents coréens,  Koh Young-ki a fréquenté l'écolejaponaise puis nord-coréenne avant de  rentrercomme  rédacteur  au  DailyNK, un  journal  enligne qui défend les droits de l'homme en Coréedu Nord. Interdit de séjour au pays de la dynastiedes Kim, dont il critique le système totalitaire,Koh Young-ki a choisi de se rendre à Enki, uneville à la frontière entre la Chine et la Républiquepopulaire démocratique de Corée. Il y a rencontrédes travailleurs clandestins qui vont et viennentau  péril  de  leur  vie  pour  nourrir  leur  famillerestée sur place. On découvre dans son récit lechômage et la famine qui minent périodiquementle pays. Des milliers d'enfants mendiants hantentles rues. Les plus hardis essaieront de rejoindrela Corée du Sud ou le Japon au prix de plusieursmois ou années d'errance. 

Quel a été votre parcours et vos rapports à laCorée du Nord ? Koh Young-ki : J'ai  été  élevé  par  des  parentstrès communistes, du genre marxiste-léniniste.Mon père est arrivé du sud de la Corée au Japondans les années 1930, pour travailler. Il a fait latraversée au péril de sa vie.  La Corée était extrê-mement pauvre après  la colonisation de  la pé-ninsule par le Japon. Ma mére est née au Japon,mais ses parents venaient également du sud dela Corée, comme pratiquement tous les Coréensinstallés au Japon. A l'époque, le Parti communisteétait  tres  puissant  dans  l’archipel. C'est  ce  quiexplique cet engouement pour le nord. Il y  avaitune volonté des Coréens, victimes de discrimi-nations, de se détacher du Japon et de regagnerleur indépendance. Pour ma part, je lisais RosaLuxembourg,  mais  j'ai  toujours  eu  des  doutessur le système nord-coréen. 

Vous vous êtes rendus pour la première fois àla frontière sino-coréenne à quelle occasion ?K. Y. : J'étais  journaliste  au  DailyNK depuis1993  quand  j'ai  entendu  les  nouvelles  de  la

famine  en  Corée  du  Nord.  ll  fallait  que  j'aillevoir  de  mes  yeux  ce  qu'il  se  passait.  Je  pensaisjusque-là qu'on y menait une vie plus ou moinsidyllique, nous avions très peu d'informations.Mais quand je suis arrivé en 1998 dans la villed'Enki, à la frontière chinoise, c'était un véritablecauchemar. Une famine épouvantable avait faitfuir des milliers de gens – femmes, hommes et

enfants – qui essayaient de traverser la frontièredans  des  conditions  horribles.  Cette  famine  afait 3 millions de morts entre 1995 et 2000. 

Quelles étaient les causes de cette famine ? K. Y. : Le système de gestion alimentaire com-plètement  déficient  du  pays.  Même  s'il  y  avaitdes vivres, à un moment donné la distributions'est arrêtée. Les gens ont attendu, en se disantque cela allait arriver et petit à petit, ils se sontaffaiblis et sont morts. Il n'y a pas réellement demort  par  la  famine,  c'est  par  la  maladie  qu'onmeurt.  

Votre livre raconte la misère, mais aussi unecertaine vitalitéK. Y. : Oui, tout à fait. J'ai voulu raconter aussicomment tous ces gens survivent, et c'est parfoistrès drôle. Il y a vraiment des types pas possiblesqui  font  tout pour vous escroquer. On a beauparler de la Corée du Nord, tout n'est pas quetriste  et  sombre.  La  vie  reprend  toujours  ledessus. 

Vous êtes retournés plusieurs fois dans cetteville, et même récemment. Qu'est-ce-qui achangé depuis 1998 ? K. Y. : La frontière est maintenant couverte debarbelés,  c'est  devenu  encore  plus  difficile  depasser depuis l'arrivée de Kim  Jong-un à la têtedu  pays.  Avant,  les  clandestins  y  séjournaientgrâce  à  l'envoi  de  fonds  mais  à  présent,  ils  s’yrendent  comme  des  travailleurs  émigrés  pourtravailler sur des chantiers afin de pouvoir envoyerl'argent tous les mois à leur famille. La Corée duNord ressemble pas mal à  l'Algérie! D'ailleurs,nous avons aussi au Japon d'excellents  joueursde foot issus de l’émigration comme Zidane ! Ily a une réelle dépendance économique qui existeentre un pays colonisé et son colonisateur. L'Al-gérie vit avec les euros,  la Corée du Nord avecles yens et autres devises. La preuve, il y a environ100 000 Nord-Coréens qui habitent en Coréedu  Sud  :  ça  ne  leur  plaît  pas  forcément. Maismême  s'ils  veulent  rentrer,  ils  ne  peuvent  pas,leur famille leur demande de rester pour l'envoides fonds. 

Comment voyez-vous l'avenir de la Corée duNord ? K. Y. : La Corée du Nord n'a pas assez de res-sources pour survivre économiquement. Je penseque pour l'instant il n'y a que la normalisationdes  relations  commerciales  entre  la  Corée  duNord et le Japon qui puissent sauver la situation.  

PROPOS RECUEILLIS PAR A. D.-T.

Reportage photo sur les kochebi et couverture du

livre de Koh Young-ki.

INTERVIEW Souffrances nord-coréennesLe journaliste Koh Young-ki a enquêté surces Nord-Coréens ayant fui leur payssoumis aux pires difficultés.

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14 ZOOM JAPON numéro 47 février 2015

ZOOM CULTURE

H uMeur par KoGa ritsuko

Je rêvais de comprendre ce qui se passe enFrance comme lorsque je suis l’actualité japo-naise. en arrivant sur le sol français, je vivaiscomme si j'étais dans une bulle où je n'enten-dais rien. tout ce que je comprenais était ceque mes amis me disaient avec des mots adap-tés à mon niveau de français. ils étaient doncma seule référence, au point que si l'un d'entreeux écoutait Mireille Mathieu, je faisais mapédante devant mes compatriotes en disantqu'elle était la personnalité préférée des Fran-çais. ainsi, si je crois toujours que les Français s'in-téressent beaucoup à la politique, c'est aussiparce que mon entourage en parle quotidien-nement. Pour me mêler à leur discussion, j'es-saye de capter des informations à la télé oudans les quotidiens. aujourd'hui, j'arrive enfinà lire des journaux sans pas-ser des heures à chercher desmots dans le dictionnaire.Pourtant, il n'est pas évidentd'approfondir la conversa-tion avec ces Français, parceque je n'ai pas les bases deconnaissances sur la sociétédans laquelle je n'ai pasgrandi. ces grands moments de solitude se res-sentent aussi quand je suis devant les carica-tures présentées dans les journaux français. Jene peux pas comprendre la subtilité malgréson texte relativement simple. Ça ressemble àces moments où je ne peux pas rigoler avecmes amis en écoutant leurs souvenirs du clubdorothée même si je comprends la conversa-tion. Je ne renonce pourtant pas à avoir un jourla capacité de saisir le sens des caricatures mal-gré leur niveau élevé. si pour certains Français,le manga est l'entrée vers la culture japonaise,la caricature française me paraît être au som-met de l'esprit français. Pas facile d'y arriver etcela restera un des outils pour mesurer mesconnaissances sur cette société. Mais en pen-sant à l'avenir, je me demande si je n'y arriveraispas plus vite, en lisant des mangas comme cesjeunes Français !

Pas facile de vaincrecertains sommets

education Le manga quimontre l’exempleOn a beau le dire et le répéter aux

parents, tous les mangas ne sont pas

des appels à la violence. Même si A

Silent voice ne manque pas d’évoquer

cette dernière, il le fait à dessein pour

aborder la question de la

discrimination liée à un handicap et

celle des brimades au sein de l’école.

Premier récit de OIMA Yoshitoki

connue pour Mardock Scramble, ce

manga devrait être mis entre toutes

les mains au moment où en France il

est de bon ton de nous rappeler

l’importance du bien-vivre ensemble.

Bien entendu, cette série, qui a connu

un grand succès au Japon, a une

portée universelle. Une histoire

propice à la discussion et au débat sur

des sujets très sensibles.

A Silent voice, de oiMa Yoshitoki, trad. par

Géraldine outin, Ki-oon, coll. shonen, 6,60€

Musique Le bon échoLe séisme du 11 mars 2011 a provoqué

de nombreux traumatismes. Il a

provoqué chez certains un réveil

salutaire. C’est peut-être le cas pour

Maïa Barouh

dont le nouvel

opus Kodama

(qui signifie

“écho”) est un

retour aux

sources, celles

du folklore

japonais riche

mais un peu oublié. Pour la fille de

Pierre Barouh, cet album est une

nouvelle expérience qui nous entraîne

dans des univers sonores riches et

agréables. A découvrir également sur

scène le 6 mars à la Maroquinerie dans

le 20e à Paris.

Kodama de Maïa Barouh, Saravah Editions -

Socadisc, 13,50€

ciné-club Vichy sur lestraces de MegumiEnlevée en 1977 à l’âge de 13 ans par

des agents nord-coréens, YOKOTA

Megumi n’est jamais réapparue

(voir pp. 8-9). Ses parents se battent

depuis pour la retrouver. Rendez-vous

avec le Japon vous propose de

découvrir Abduction, le documentaire

de Chris Sheridan et Patty Kim

produit par Jane Campion, qui

raconte sa douloureuse histoire, mais

aussi l’engagement émouvant

de M. et Mme YOKOTA.

Tarif de la soirée à 7 euros.

Centre commercial Les quatre chemins

35 rue Lucas - 03200 Vichy

www.rendezvousaveclejapon.fr

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zoom cultuRe

V enue à Cannes avec la ferme intentionou la solide conviction d’obtenir la ré-compense suprême du plus grand festival

de cinéma du monde, KawasE Naomi en estrepartie les mains vides. Pourtant Still the Water(Futatsume no mado) est sans doute l’une de sesgrandes réussites depuis longtemps. Habituée àêtre invitée aux grands-messes cinématographiques,la réalisatrice avait fini par se contenter de fairefilms irréprochables sur le plan technique, maisqui ne portaient plus la force de Suzaku (Moe nosuzaku) qui lui avait valu de recevoir la Camérad’or en 1997 ou de La Forêt de Mogari (Mogarino mori), Grand prix du jury en 2007. En l’enten-dant affirmer que son nouveau film Still the Waterméritait la Palme d’or et rien d’autre, beaucoupavaient souri devant ce manque de modestie.Comment une réalisatrice, de surcroît japonaise,pouvait avoir un tel aplomb ? se disait-on avec unpetit sourire en coin avant même d’avoir vu lefilm. Pour être tout à fait honnête, même votreserviteur (sans doute déçu par les précédentesprestations de KawasE) figurait parmi ceux qui latrouvaient un peu présomptueuse.Force est de reconnaître que nous avons eu tortde penser que la cinéaste avait pris la grosse tête.Still the Water est un remarquable film qui recèleune force insoupçonnée. Les premiers plans mon-trent des vagues, ce qui peut en effet faire croireque la suite sera une succession de belles imagessans profondeur. Eh bien, non. KawasE Naomi a

construit un récit qui n’en manque pas de pro-fondeur (sans mauvais jeu de mots). Tourné dansles paysages magnifiques de l’île d’amami, au sudde l’archipel, Still the Water raconte une quêted’identité dans un paradis terrestre où se joue unelutte acharnée entre la vie et la mort. La vie, c’estcette histoire d’amour entre deux adolescentsKaito et Kyôko. La mort, c’est ce cadavre découvertsur une plage par le jeune garçon et le décèsannoncé de la mère de Kyôko atteinte d’unemaladie incurable. Tandis que Kaito veut en savoirplus sur cet homme découvert sans vie et renoueravec son père parti s’installer à Tôkyô après ledivorce d’avec sa mère, la jeune fille tente de l’aideret va apprendre à gérer le funeste destin qui attendsa mère. Des thèmes forts que la cinéaste abordeavec une grande sensibilité, en s’appuyant sur lanature omniprésente. C’est un peu comme si elleavait cherché à envelopper son propos avec lagrâce de cette nature luxuriante dans cette partiedu Japon.

Présenté au Festival de Cannes, Stillthe Water permet à la cinéaste de nousrassurer sur son très grand talent.

DVD Kawase naomi se jette à l’eau

Still the Water est un film vivant qui nous rappelleque nos existences sont soumises à des cycles etqu’il vaut mieux s’y faire. La rencontre de Kaitoavec son père à Tôkyô est de ce point de vue inté-ressante. Ce dernier lui apprend comment vivreen dépit des doutes et des difficultés. Et puis, lalente agonie d’Isa, chamane et mère de Kyôko,est présentée non comme une fin, mais biencomme une sorte de nouveau départ. KawasE

Naomi parvient à nous emporter dans cettehistoire pleine de force vitale. Le seul bémol portesur la fin du film qui traîne un peu. Peut-être em-portée par son élan, elle se montre un peu tropdémonstrative. son film aurait mérité mieux.C’est peut-être ce final un tantinet bavard qui acoûté la Palme d’or à Still the Water. En tout cas,on souhaite qu’en dépit de la déception d’être re-partie bredouille la réalisatrice reviendra à Cannesavec une œuvre de cet acabit. si vous ne l’avez pasvu, précipitez-vous sur le DVD.

GABRIEL BERNARD

RéféRencesstill the Water (futatsume no mado), de KaWase

naomi est disponible en DVD et Blu-Ray chez Blaqout. 20 € (DVD) et 23 € (Blu-Ray).

Avec Still the Water, KAWASE Naomi signe l’un de ses meilleurs films.

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ZOOM CULTURE

T aNIguChI Jirô est sans doute le dessinateurjaponais qui a permis à de nombreuxFrançais de s’intéresser au manga, cette

forme d’expression que l’on pensait réservée auxadolescents boutonneux. Il est le chaînon qui apermis de rassembler les amateurs de bande des-sinée et ceux qui ne juraient que par les héritiersde TEzuka Osamu. Inspiré par les œuvres venuesd’Europe, il a contribué à l’ouverture encoretimide du Japon à la BD. Il était donc toutnaturel que le Festival international de la bandedessinée d’angoulême lui déroule le tapis rougedu 29 janvier au 1er février autour d’une impres-sionnante exposition qui se prolongera plusieurssemaines avant de partir pour un tour du monde.L’auteur de L’Homme qui marche (Casterman)nous avait déjà accordé un entretien il y a troisans (voir Zoom Japon n°17, février 2012) aucours duquel il avait notamment abordé sesdébuts. TaNIguChI Jirô nous a, une nouvellefois, reçus dans son atelier tokyoïte pour évoquerson œuvre et son travail de mangaka.

Quelle est votre principale motivation lorsquevous vous lancez dans un nouveau projet ?TANIGUCHI Jirô : L’envie bien sûr. Les idéespeuvent surgir après la lecture d’un livre ou l’ob-servation de différentes situations. S’il y en a unequi me plaît particulièrement, j’en parle alors àun de mes éditeurs pour qu’il me donne son avis.

Comment réagit-il en général ? Avec enthou-siasme ?T. J. : Par le passé, ce n’était pas trop le cas. Il fallaittenir compte de l’orientation du magazine pourlequel je travaillais. J’arrivais à faire passer 30 % de

mes idées. Même maintenant quand ça passe,l’éditeur intervient encore pour apporter son regardsur tel ou tel développement. Il est aussi une forcede proposition. Il lui arrive de me transmettre desscénarios ou de me proposer des sujets. Et si ça meplaît, je me lance dans la réalisation.

Comment cette relation particulière avec les édi-teurs a-t-elle évolué au cours de votre carrière ?T. J. : J’en ai côtoyé beaucoup. Ce n’est doncpas évident de répondre à cette question tantleur personnalité était différente. Néanmoins,il y a quelque chose de très positif à collaboreravec un éditeur dans la mesure où il est capablede faire émerger des choses que je ne vois pasou qui sont enfouies au fond de moi. Cela dit,après une longue carrière comme la mienne,

Le Festival d’Angoulême rend un belhommage au plus européen desmangaka. Zoom Japon l’a rencontré.

INTERVIEW Taniguchi, dessinateur de fondj’ai plus de liberté dans mon travail. Par le passé,son interventionnisme et ses demandes de chan-ger telle ou telle chose était source de stresspour moi. Désormais, je dispose de la possibilitéde travailler comme bon me semble si j’en aidécidé ainsi.

Comment cette omniprésence de l’éditeur auJapon est-elle perçue par vos amis dessinateursétrangers qui ne connaissent pas ce genre derelation ?T. J. : Je me souviens qu’à l’issue de mes premièresrencontres avec des auteurs européens, j’avaisressenti une certaine jalousie à les voir travailleraussi librement. Ça me paraissait formidable etje rêvais de pouvoir disposer de la même latitudeune fois rentré au Japon. Toutefois à bien y réfléchir, je crois que c’estimportant d’avoir un interlocuteur avec qui onpeut discuter du travail, qui est en mesure devous dire ce qui ne va pas et ce qu’il faut changer.C’est ce rôle que joue l’éditeur. En Europe, cepersonnage n’existe pas. Le dessinateur se tourneplutôt vers ses amis ou ses proches pour connaîtreleur avis. Ce n’est pas facile pour eux de fairedes remarques négatives et la plupart du temps,ils sont plutôt tentés d’aller dans le sens del’auteur. Je ne suis pas certain que ce soit unebonne chose. L’éditeur, lui, n’y va pas par quatrechemins, il vous dit directement ce qui neconvient pas à ses yeux.Du coup, je pense que ce serait bien d’avoir auJapon une combinaison des deux systèmes.(rires) Car dans mon pays, le poids de l’éditeurest considérable. Ce n’est pas évident de dire sic’est bien ou mal. Mais il arrive que l’éditeursoit responsable de 80 % du contenu d’un manga.Ça, c’est évidemment trop. De mon côté, j’aiconquis une certaine liberté et j’en suis pleinementheureux.Chez TANIGUCHI Jirô, à Tôkyô.

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SPÉCIAL TANIGUCHI

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ZOOM CULTURE

Comment travaillez-vous avec les scénaristesquand vous n’êtes pas vous-même l’auteur del’histoire ?T. J. : La plupart du temps, la proposition descénario arrive par l’intermédiaire d’un éditeur.Je le lis et si le sujet m’accroche, on peut alors selancer dans l’aventure.

Etes-vous en contact permanent avec le scénaristelorsque vous entamez le travail ?T. J. : C’est ce qui est arrivé sur le projet Autemps de Botchan dont SEkikAwA Natsuo étaitle scénariste. Mais c’est plutôt rare. On se ren-contrait souvent. Le manga avançait au fur et àmesure que le scénario progressait. On se consul-tait pour imaginer la suite des événements. Çase faisait parfois sans intermédiaire.

Vous avez aussi travaillé de cette façon avecKusumi masayuki pour Le Gourmet solitaire ?T. J. : Pas du tout. il n’y a pas eu de rencontrespréliminaires. On m’a fourni le scénario et cer-tains éléments de repérage à partir desquels j’aientrepris la réalisation du manga. Nous noussommes vus une seule fois avec kuSuMi-san

pendant le processus decréation. Ce n’était pasune rencontre pour dis-cuter du contenu, maisplutôt pour faire le point.Et je me souviens que nousnous étions demandéstous les deux si cela don-nerait naissance à une œu-

vre intéressante. Dans ces cas-là, le rôle del’éditeur est primordial. C’est lui qui a l’œilpour voir ce qui marche ou ce qui ne marchepas.

L’enfance occupe une place prépondérantedans votre œuvre. Est-ce que votre propre en-fance y est pour quelque chose ?T. J. : Peut-être. Mais je crois que c’est incons-

cient. Ce qu’il m’intéresse d’étudier, c’est lafaçon dont les enfants deviennent des adultes.Quelles expériences mènent-ils pour y parvenir.En passant à l’âge adulte, j’ai essayé de mesouvenir d’expériences de mon enfance et jeme suis rendu compte qu’il y en avait beaucoupet que certaines d’entre elles avaient pesé sur ceque je suis devenu. C’est très important. Maislorsqu’on est enfant, ce n’est pas facile de savoircomment réagir, s’il faut faire comme ci oucomme ça. C’est pourquoi, je crois que le mieuxest de laisser parler l’instinct. Reste que l’enfanta ses parents et que ces derniers ont une grandeinfluence sur lui. Je n’ai moi-même pas d’enfant,mais je me sens responsable de mes personnagescomme si j’étais leurs parents.

On fait souvent le rapprochement entre vouset le cinéaste Ozu Yasujirô.T. J. : C’est vrai, même si ce n’est pas volontaire

de ma part. Lorsque le projet de L’Homme quimarche (Casterman) est venu sur la table, on aévoqué de le construire comme un film d’Ozu.Mais je pensais alors que c’était impossible.Néanmoins j’ai commencé à travailler sur lesujet en ayant en tête ce défi de réaliser desimages qui rappellent le cinéma d’Ozu. J’aidonc visionné tous ses films et cela a dû finirpar laisser des traces dans ma mémoire. Quandje commence une histoire, je ne pense jamaisau cinéaste. J’en conclus donc que son style aimprégné mon cerveau.

Lorsqu’il filmait, Ozu accordait beaucoupd’importance à ce qui se trouvait hors du cadre.Est-ce qu’il en est de même pour vous ? Faites-vous attention à ce qui est hors de la case ?T. J. : Non, je ne vais pas jusque-là. (rires) Je nem’intéresse qu’à ce qui se trouve dans chaquecase et je fais très attention à sa composition. A

Le studio de TANIGUCHI Jirô, à Tôkyô, en novembre 2014.

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RESTAURANT JAPONAIS

Ouverts tous les jours de 11h30 à 22h30 M

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Palais RoyalMusée du Louvre

Palais RoyalMusée du Louvre

PyramidesPyramides

MQuatre-SeptembreQuatre-Septembre

MOpéraOpéra

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av. de l’Opéra

rue de Rivoli

rue St.-Honoré

bd. des Italiens

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rue des Petites-Champs

27, Bd des Italiens 2e ParisTél. 01 40 07 11 81

Bd des Italiens

32 bis, rue Sainte Anne 1er ParisTél. 01 47 03 38 59

Sainte Anne

163, rue Saint-Honoré 1er ParisTél. 01 58 62 49 22

Saint-Honoré

22 ZOOM JAPON numéro 47 février 2015

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la différence de beaucoup d’autres mangas oùle souci du détail n’est en général pas une préoc-cupation majeure, j’attache beaucoup d’impor-tance à faire figurer le moindre détail. Ça mevaut parfois de recevoir des critiques de lecteurs.Mais pour moi, ne pas les inclure dans mondessin, cela reviendrait à ne pas transmettre deséléments importants comme l’atmosphère d’unlieu par exemple. C’est une différence avec lecinéma d’ailleurs. Pour faire apparaître les détailsdans un manga, il faut les dessiner et même lesredessiner dans chaque case, ce qui demande ungros travail.

Pouvez-vous nous parler de votre relation à lanature ?T. J. : A dire vrai, je crois que je me suis lancédans la carrière de mangaka pour dessiner lanature. Mais à l’époque, les histoires en relationavec des animaux ou la nature étaient, à quelquesexceptions près, refusées. Elles manquaient deressort dramatique. On m’a gentiment fait com-prendre que ce n’était pas le moment. Mais il y ades éditeurs que j’ai réussi à convaincre. Ça m’apermis de raconter des histoires qui m’avaientinspiré. Parmi les auteurs spécialisés dans la nature,il y a Jack London et TOgAwA Yukio. Ce dernierest le meilleur auteur japonais du genre. Il s’estbeaucoup intéressé à la relation entre l’homme etla nature. Au Japon, il ne reste quasiment plus dematagi, ces hommes qui passaient le plus clair deleur temps auprès de la nature pour vivre. Larégion d’Akita, au nord-ouest de l’archipel, enabrite quelques-uns, mais ils sont cultivateurs lamoitié du temps. Ils n’entretiennent plus le mêmerapport avec elle. C’est cette évolution que j’aimeraisbien aujourd’hui pouvoir raconter. Les montagnesdisparaissent, les animaux aussi. Les matagin’ontplus de raison d’être.

Pourtant, à la télévision japonaise, on rapporteque les animaux sauvages comme les ours n’hé-sitent plus à sortir de leur territoire…JÉ

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SPÉCIAL TANIGUCHI

T. J. : C’est vrai. il y a plein d’histoires commeça, à hokkaidô notamment. Je voudrais bienimaginer une histoire qui mettrait en scène lepoint de vue animal par rapport à celui del’homme qui a empiété sur son territoire. Cesera sans doute impossible, mais j’aimerais fairequelque chose autour du loup au Japon…

Dans Elle s’appelait Tomoji (rue de Sèvres),vous consacrez plusieurs pages au grand séismede 1923 qui a détruit Tôkyô et sa région. Etait-ce pour vous un moyen détourné d’aborder letremblement de terre de 2011 ?T. J. : D’une certaine façon, oui. Mais en mêmetemps, cet événement ne pouvait pas être absentde cette histoire qui se passe à l’époque du séisme.Par ailleurs, je me suis dit que je ne pouvais pasl’ignorer par rapport à l’histoire de cette famille.Voilà pourquoi j’y ai consacré quelques pages.

L’histoire est un sujet qui vous intéresse aussi.Vous avez abordé différentes époques. Il nevous restait plus que l’ère Taishô (1912-1926).Vous le faites dans Elle s’appelait Tomoji. Est-ce le fruit du hasard ?T. J. : Complètement. il se trouve que le per-sonnage principal de l’histoire est né à cetteépoque. Mais il est vrai que je désirais depuislongtemps produire une œuvre se déroulantpendant cette période courte, mais exceptionnelleau cours de laquelle beaucoup de choses se sontpassées. C’est une période charnière extrêmementimportante dans l’histoire du Japon.

Est-elle un lointain écho de la situation actuelledans l’archipel ?T. J. : Peut-être. On a pu imaginer qu’il nes’agissait en définitive que d’un changement denom après la disparition de l’empereur Meiji.En réalité, c’est une période au cours de laquellela mode change, la politique aussi, la nature serappelle au souvenir des Japonais et le pays com-mence à se lancer sur le chemin de la guerre. Je

pense que c’est un moment historique marquantpour le pays comme avait pu l’être la fin de l’èreEdo (1603-1867). Mais ce qui s’est passé esttrès différent.

Vous sentez-vous concerné par l’actualité poli-tique ?T. J. : Oui, mais en même temps je n’ai jamaischerché à m’impliquer faute de connaissances.

Toutefois, après les évé-nements de mars 2011, jeme suis dit qu’il fallait queje m’y intéresse plus, carnous avions eu un com-portement parfois irres-ponsable. Au fond, la po-litique en tant que tellene m’intéresse pas, mais

je me demande comment il faut s’y prendrepour se faire entendre. C’est un thème qui suscitemon intérêt.

Est-ce que le mangaka peut jouer un rôle poli-tique ?T. J. : J’en suis éloigné, mais il existe des dessi-nateurs qui traitent de sujets politiques commeKObAyAshi yoshinori [il est l’auteur controverséde récits historiques et politiques à vocation na-tionaliste, NDLR]. il y a aussi le manga shiMA

Kôsaku dans lequel les sujets économiques sontdominants. Récemment, Ichi efu (1F) qui faitréférence à la centrale nucléaire accidentée deFukushima a suscité de l’intérêt. En ce qui meconcerne, je préfère aborder les sujets au traversd’un traitement historique qui me convient da-vantage.

Vous faites souvent l’éloge de la lenteur dansvos histoires. N’est-ce pas un “message politique”entre guillemets que vous adressez à vos contem-porains ?T. J. : On peut l’interpréter comme ça.

PROPOS RECUEILLIS PAR ODAIRA NAMIHEI

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I nfatigable explorateur de l’histoire de sonpays, Taniguchi Jirô a, au cours de sa carrière,entraîné ses lecteurs dans le Japon de l’ère

Edo avec Furari (casterman), de l’ère Meiji avecAu temps de Botchan (casterman), de l’ère Shôwaavec Le Journal de mon père (casterman) et del’actuelle ère heisei avec Le Sauveteur (casterman).il lui restait à traiter une des ères les plus courtesde l’histoire moderne du Japon : Taishô (1912-1926). c’est chose faite avec Elle s’appelait Tomojiqui paraît chez Rue de Sèvres, le jeune éditeurauquel on doit l’excellent Giacomo Foscari de Ya-Mazaki Mari. cette période historique est extrêmement impor-tante, car elle marque non seulement l’ancrage dupays dans la modernité qui se traduit par l’engage-

ment sur la voie de la dé-mocratie, mais elle est aussisynonyme de malheur avecle grand séisme du kantôqui ravagea la région de Tô-kyô le 1er septembre 1923.Dans ce manga qui met unenouvelle fois en évidence la

sensibilité du mangaka, ces thèmes sont abordésde manière plus ou moins frontale. Le sujet duJapon qui se modernise apparaît au fil des pagespar petites touches, celui du tremblement de terreest concentré sur quelques pages. Pour Taniguchi,il était important de revenir sur cet épisode tragiquequi fait écho au drame du 11 mars 2011. Trèsaffecté par les conséquences du tsunami, il a trèspeu abordé la question si ce n’est dans Les Gardiensdu Louvre (Louvre éditions-Futuropolis). L’histoired’uchiDa Tomoji lui a donné l’occasion demontrer cette “vision d’enfer”.

Elle s’appelait Tomoji, dernier né del’univers Taniguchi, est une magnifiquehistoire d’amour.

NOUVEAUTÉ Une rencontre extraordinaire

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spécial Taniguchi

Réalisé à la demande d’un temple bouddhiste quivoulait rendre hommage à sa fondatrice, ce mangan’est pas une œuvre de “propagande” à la gloired’une femme qui a finalement trouvé sa voie dansla spiritualité. L’auteur ne fait allusion à la fondationdu temple Shôjushin qu’à la dernière page, préférantse concentrer sur la construction de la personnalitéde l’enfant puis de l’adolescente. S’appuyant surle scénario d’OgihaRa Miwako, Taniguchi

prouve une nouvelle fois qu’il dispose d’un in-croyable talent pour transmettre les émotions deces personnages qui ne sont pourtant pas animés.Leur regard, l’expression de leur visage ou encoreleur façon de s’intégrer dans les décors, tout celacontribue à créer un très fort attachement àl’histoire et à ses protagonistes. Et puis, il y a la nature omniprésente. généreuse,parfois impitoyable, elle est le fil conducteur de cerécit. Tomoji vit à Yamanashi, à l’ouest de lacapitale, une région montagneuse qui permet auspécialiste du genre de montrer encore son talent.a l’instar des héros de ce manga, le lecteur apprécieaussi de pouvoir profiter de ces paysages merveilleuxde la campagne japonaise. Elle s’appelait Tomojis’ouvre d’ailleurs sur une description physique del’environnement naturel dans lequel va évoluer lajeune fille. Les premiers mots qu’elle prononceconcernent la beauté du paysage. “Ah ! Que c’estbeau !”, dit-elle les bras écartés comme si elles’offrait à la nature. celle-ci le lui rend bien etsemble la protéger. La présence aérienne d’un aigledont le cri attire dans les premières pages l’attentionde Tomoji et de Fumiaki qui deviendra plus tardson mari est un élément important. il les accom-pagnera tout au long du récit comme pour signifierqu’il est là pour assurer leur protection. il est utilede rappeler que dans le bouddhisme, l’aigle, convertipar Bouddha, est devenu le protecteur de ses en-seignements.

L’histoire de Tomoji ne se résume pas pour autantà son cheminement spirituel. Taniguchi luiajoute une dimension amoureuse tout aussi subtile.Le rapport amoureux se construit là aussi parpetites touches. chacun de leur côté, les deuxpersonnages de ce rapprochement amoureux viventles mêmes événements dans des endroits différents,mais leurs réactions identiques nous amènent àcomprendre que leur destin est durablement lié.c’est une belle façon d’évoquer les rapports amou-reux entre deux individus que tout séparait.L’amour transcende tout. S’il faut tirer unemorale de ce très beau récit, c’est peut-êtrecelle-ci. Elle s’appelait Tomoji est en définitiveune ode à l’amour au travers des liens familiaux,du rapport à la nature et de la relation entreTomoji et Fumiaki. Et franchement, on ne s’enplaint pas du tout. O. N.

Elle s’appelait Tomoji dans l’atelier de TANIGUCHI

Jirô, à Tôkyô.

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RéféRenceselle s’appelait Tomoji, de Taniguchi Jirô, trad. parcorinne Quentin, Rue de sèvres, 17 €.

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zoom cuLTuRe

D epuis qu’il a réalisé son fameux carnetde voyage sur Venise pour le compte deLouis Vuitton, TAniguchi Jirô recon-

naît sa passion pour la couleur et le travail qui ac-compagne son utilisation. c’est la raison pour la-quelle il s’est attelé à la réalisation des Gardiens duLouvre avec l’envie de donner aux lecteurs nonseulement une histoire originale, mais aussi deleur offrir un récit éclatant de couleurs. Si la pu-blication au Japon sous forme de feuilleton s’estfaite en noir et blanc – dans la presse magazine,c’est une habitude –, l’édition française respectele désir initial du mangaka. Le résultat est tellementimpressionnant que les Japonais disposeront euxaussi d’une version originale en couleurs qui leur

permettra de prendre lamesure de la beauté deslieux visités par le person-nage principal, un dessina-teur décidé à découvrir Pariset ses musées. il ne s’agit pas pour autantd’une sorte de guide tou-

ristique graphique même si la façon de dessiner leplus grand musée du monde a de quoi inciter lesplus rétifs d’entre nous à s’y rendre. commesouvent avec TAniguchi, il s’agit d’un récit ini-tiatique. Le Louvre comme d’autres choses im-portantes dans la vie, ça se mérite et ça se dégustecomme un bon vin. Dans un endroit aussi chargéd’histoire qu’est ce musée, il y a forcément autrechose qu’une succession de toiles ou de sculptures.Dans les années 1960, claude Barma, talentueuxhomme de télévision, avait imaginé l’existence deBelphégor ou le fantôme du Louvre. Le feuilletonavec notamment Juliette gréco est devenu une

référence pour toute une génération, en raison deson côté fantastique et étrange. Le Louvre suscitaitalors davantage la peur que le plaisir de s’y rendre. Dans Les Gardiens du Louvre, le mangaka faitaussi appel au fantastique pour construire son his-toire. A la manière de Quartier lointain (casterman),il transporte son personnage dans le temps et dansl’espace à la rencontre de la mémoire de ce mer-veilleux endroit “situé à la frontière du rêve et de laréalité”, mais surtout pour rappeler au lecteurl’importance de savourer les choses. On retrouve donc dans ce bel ouvrage l’une desobsessions du dessinateur qui, depuis L’hommequi marche (casterman), encourage ses contem-

Avec Les Gardiens du Louvre, TANIGUCHIJirô propose une œuvre haute en couleurs,invitant à l’introspection.

DÉCOUVERTE contemplation mode d’emploiporains à prendre le temps et à ne pas se comporteren consommateurs compulsifs. Lorsque le hérosde l’histoire se retrouve nez à nez avec le premierdes gardiens après son malaise qui le télétransportedans une autre dimension, le héros demande àvoir La Joconde. Surpris de découvrir le tableaude Léonard de Vinci dans une salle vidée de lafoule habituelle, son accompagnatrice de l’autredimension, le ramène soudain à la réalité pourl’amener à réaliser que “tout ça n’est guère propice àla contemplation picturale”. Le grand mot est lâché : contemplation. “Il fautsaisir dans la nature un ordre de beauté qui ladépasse”, assure un autre de ces gardiens. Tout estlà dans ces quelques phrases et dans la constructiongraphique du récit qui accorde beaucoup d’im-portance aux sensations visuelles. A la lecture desGardiens du Louvre, on peut saisir le plaisir qu’apu ressentir TAniguchi en la réalisant et peut-être sa frustration quand elle a été publiée initiale-ment en noir & blanc. car le travail de la couleurdans ce manga en particulier lui donne une di-mension supplémentaire et le sublime. On peutse demander si l’auteur de Terre de rêves (casterman)est tenté par une nouvelle carrière de peintre. Quenenni, TAniguchi rappelle : “sans le dessin, lapeinture ne saurait exister”. En ce sens, Les Gardiensdu Louvre peuvent être considérés comme uneœuvre introspective de TAniguchi qui souhaitebien sûr rendre hommage à l’art et à cette institutionqu’est le Louvre, mais qui s’interroge aussi indi-rectement sur sa qualité de mangaka. il le fait debien belle manière avec cette force tranquille quicaractérise une très grande partie de son œuvre. ilne vous reste plus qu’à en profiter.

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RéféRencesLes Gardiens du Louvre, de TaniGuchi Jirô, trad. parilan nguyên, Louvre éditions et futuropolis, 20 €.

Dans l’atelier de TANIGUCHI, à Tôkyô, on peut aper-

cevoir une page des Gardiens du Louvre dans sa

version japonaise en noir & blanc.

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quée, que les médias et les autorités japonaises ten-tent d’imposer dans le reste du monde. il nous trans-porte dans ce Japon qui ne ressemble en rien à celuides cartes postales ou des pages de papier glacé dansles magazines. “J’ai vraiment l’impression de me trou-ver dans un autre monde. L’atmosphère qui règne icime ferait presque oublier ma réalité quotidienne”,explique, à un moment, le héros du Gourmet soli-taire. TAniguChi et KuSumi invitent donc les lec-teurs à se lancer dans une aventure gustative qui estaussi une réflexion philosophique sur notre rapportà la nourriture et à autrui. Le personnage principala beau être “solitaire”, ressembler à un salarymanordinaire comme on en croise tant au Japon, il esttrès sensible à l’atmosphère qui règne dans le lieu.“L’ambiance des terrasses de grands magasins, ça nechange jamais… C’est une atmosphère à part… C’estcomme une bulle d’air dans la grande ville…”,constate-t-il alors qu’il s’apprête à déguster des udon

ZOOM GOURMAND

Lorsqu’on demande à TAniguChi Jirô ce qu’ilaime manger, il commence à réfléchir à voixhaute. il semble hésiter, puis d’une voix déci-

dée, il répond : des nouilles. Le mangaka apprécieles râmen, les undon ou encore les soba. une nour-riture simple, mais roborative qui constitue un élé-ment de base essentiel de la cuisine japonaise. il existed’ailleurs l’expression ichijû issai (une soupe et unaccompagnement) qui constitue en quelque sortela définition de l’équilibre nutritionnel pour unJaponais. En ce sens, les pâtes sont idéales car ellesconcentrent souvent ce principe dans un uniquerécipient. Voilà pourquoi il est difficile d’imaginerun Japonais qui ne mangerait pas au moins une foispar jour un plat de nouilles. L’omniprésence de petitsrestaurants de râmen ou de soba dans les centres-villes de l’archipel illustre bien l’importance de cette

cuisine somme toute banale.La personnalité de TAnigu-Chi Jirô s’accorde parfaite-ment à la simplicité de cettecuisine. Ce n’est sans doute pas unhasard que le mangaka se soitdécidé de créer, entre 1994

et 1996, Le Gourmet solitaire (Casterman) à partird’un scénario de KuSumi masayuki. Adapté depuis2012 à la télévision par la chaîne TV Tôkyô, lemanga connaît une seconde jeunesse au Japon.Comme d’autres œuvres de TAniguChi, cetouvrage fait la part belle à la lenteur et à la décou-verte. C’est en effet un ouvrage qui se déguste etqui ne souffre pas qu’on le lise à la va-vite commeon le fait trop souvent avec les mangas. il aide sur-tout à saisir que la cuisine japonaise ne se résumepas à la cuisine kaiseki, haut de gamme et sophisti-

TANIGUCHI apprécie la cuisine dotéed’une âme. C’est ce qui ressort de l’une deses œuvres phares : Le Gourmet solitaire.

GASTRONOMIE L’homme qui nous régale

de Sanuki. Avec Le Gourmet solitaire, les deux auteurs four-nissent en définitive la recette pour se transformeren véritable gourmet, c’est-à-dire une “personne quisait apprécier la bonne cuisine” pour reprendre ladéfinition du Larousse. Evidemment, la lecture dece manga est hautement recommandée à toutes lespersonnes qui souhaitent se rendre au Japon. C’esten effet une excellente introduction, voire un parfaitmode d’emploi, pour tous ceux qui veulent pénétrerune partie de l’âme japonaise. Cela permet aussi decomprendre pourquoi les Japonais sont de véritablesaventuriers du goût, toujours prompts à faire desexpériences culinaires tant qu’il se dégage une forced’attraction des restaurants qu’ils croisent sur leurchemin. Le Gourmet solitaire nous rappelle que lacuisine est un ensemble qui ne se limite pas simple-ment à une combinaison d’ingrédients.

ODAIRA NAMIHEI

TANIGUCHI Jirô avec la figurine du héros imaginé par KUSUMI Masayuki dans Le Gourmet solitaire

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SPÉCIAL TANIGUCHI

L A RECETTE DE HARUYO

PRÉPARATION1 - Dans un grand bol, mélanger les farines.2 - Ajouter de l’eau mélangée avec le sel. 3 - Bien mélanger.4 - Pétrir jusqu’à absorption totale

de l’eau par la farine. 5 - Faire une boule. 6 - La placer dans du plastique

et l’envelopper dans uneserviette.

7 - Pétrir avec les pieds pen-dant 20 minute environ !

8 - Faire une boule, bien couvriravec du film alimentaire, puis laisserreposer pendant 1 heure

9 - Etaler puis plier la pâte.10 - La découper en bande de 6 à 8 mm de largeur.

11 - Faire chauffer une casserole d’eau froide.12 - Cuire dans l’eau bouillante 11-12 minutes.13 - Egoutter puis bien rincer sous l’eau froide 14 - Réchauffer puis servir dans un bouillon avec

quelques garnitures.

INGRÉDIENTS(pour 3 personnes)

150g de farine T65150g de farine T4515g de sel150ml d’eau

TEUCHI UDON(Udon fait à la main)

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30 ZOOM JAPON numéro 47 février 2015

T out a commencé dans un train, un peucomme pour nAKAhArA hiroshi, le per-sonnage principal de Quartier lointain

(casterman). L’objectif était de partir à la rencontrede cette région qui a vu naître TAnIguchI Jirô, l’undes dessinateurs japonais les plus connus en France,mais dont la notoriété au Japon n’est sans doutepas à la hauteur de son talent. Bordant la mer duJapon, la préfecture de Tottori n’est pas pour autant

dominée par l’océan. La montagne n’est pas trèsloin, ce qui lui permet de proposer une diversité depaysages susceptibles deravir les plus exigeants desvoyageurs. La premièreétape de ce périple estKurayoshi, une petite citéarrosée par les rivièresOgamo, Kou et Tenjin,dont le vieux quartierdominé par le mont utsu-buki est un des principaux éléments d’attraction.En sortant par la sortie sud (minamiguchi) de la

gare, après avoir laissé ses bagages à la consigne auto-matique, on est loin de l’atmosphère de Quartierlointain. Pour la retrouver, il faut, comme le hérosde l’histoire, prendre le bus (230 yens, descendre àAkagawara - Shirakabedozô) ou, si la météo s’yprête, se lancer dans une promenade d’une bonnetrentaine de minutes qui permet ainsi de découvrirà quoi ressemble une ville de province japonaise. Ilsuffit d’emprunter la longue avenue face à la gare.Elle est caractéristique de nombreuses villes pro-vinciales sans caractère. L’architecture n’est guèreremarquable, mais si l’on est gourmand, c’est unlieu de passage incontournable. TAnIguchI Jirô

A 700 kilomètres à l’ouest de Tôkyô, la préfecture de Tottori ne manque pasd’attraits pour les curieux.

La célèbre “montagne magique” surplombe le vieux Kurayoshi que TANIGUCHI Jirô évoque dans son Quartier lointain.

ITINÉRAIRE Sur les traces de Taniguchi

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T out a commencé dans un train, un peucomme pour nAKAhArA hiroshi, le per-sonnage principal de Quartier lointain

(casterman). L’objectif était de partir à la rencontrede cette région qui a vu naître TAnIguchI Jirô, l’undes dessinateurs japonais les plus connus en France,mais dont la notoriété au Japon n’est sans doutepas à la hauteur de son talent. Bordant la mer duJapon, la préfecture de Tottori n’est pas pour autant

dominée par l’océan. La montagne n’est pas trèsloin, ce qui lui permet de proposer une diversité depaysages susceptibles deravir les plus exigeants desvoyageurs. La premièreétape de ce périple estKurayoshi, une petite citéarrosée par les rivièresOgamo, Kou et Tenjin,dont le vieux quartierdominé par le mont utsu-buki est un des principaux éléments d’attraction.En sortant par la sortie sud (minamiguchi) de la

gare, après avoir laissé ses bagages à la consigne auto-matique, on est loin de l’atmosphère de Quartierlointain. Pour la retrouver, il faut, comme le hérosde l’histoire, prendre le bus (230 yens, descendre àAkagawara - Shirakabedozô) ou, si la météo s’yprête, se lancer dans une promenade d’une bonnetrentaine de minutes qui permet ainsi de découvrirà quoi ressemble une ville de province japonaise. Ilsuffit d’emprunter la longue avenue face à la gare.Elle est caractéristique de nombreuses villes pro-vinciales sans caractère. L’architecture n’est guèreremarquable, mais si l’on est gourmand, c’est unlieu de passage incontournable. TAnIguchI Jirô

A 700 kilomètres à l’ouest de Tôkyô, la préfecture de Tottori ne manque pasd’attraits pour les curieux.

La célèbre “montagne magique” surplombe le vieux Kurayoshi que TANIGUCHI Jirô évoque dans son Quartier lointain.

ITINÉRAIRE Sur les traces de Taniguchi

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SPÉCIAL TANIGUCHI

est un grand amateur de nouilles (voir pp. 28-29)comme il nous l’a confié. A Kurayoshi, les restau-rants de râmen ne manquent pas. Deux établisse-ments, cependant, se détachent des autres. Le pre-mier se trouve sur la droite en descendant cettefameuse avenue. Situé dans le renfoncement d’unparking réservé aux clients du magasin Geo, Kôgafait partie des 66 meilleurs restaurants de râmen dela préfecture. Si son allure fait davantage penser àune cantine, il n’en propose pas moins une excel-lente cuisine dont le goût suscite, dit-on, la “nostalgiedu bon vieux temps”. Ses fameux natsu uma râmen(550 yens, tél. 0858-26-7288) ont acquis une répu-tation qui dépasse largement les limites de la ville.Le plat se marie bien avec l’atmosphère qui se dégagedes œuvres du mangaka. Sur le trottoir d’en face,un peu avant, Kôga, un autre restaurant de râmens’est taillé une solide notoriété parmi les amateursde nouilles. Depuis 2004, Gottsuo râmen proposedes râmen préparés dans un bouillon à base de bœuf(650 yens, tél. 0858-26-3813) que l’on savourejusqu’à la dernière goutte. L’atmosphère y est plusfeutrée que chez Kôga et se prête davantage à undîner. Au bout de la longue ligne droite, il suffit de suivrela courbe de la route et de passer la rivière Tenjin.En avançant vers le mont Utsubuki que l’on aperçoità l’horizon, on distingue sur la gauche un bâtimentde verre et de métal dont l’architecture n’a rien àvoir avec le reste de la ville. Conçu par l’architecteaméricain d’origine argentine César Pelli, ce vasteespace abrite notamment le Nashikko kan, le muséede la poire. Un lieu étonnant où l’on peut toutapprendre sur ce fruit qui a fait la gloire de la régiongrâce à la variété XXe siècle (Nijûseiki nashi). Aquelques centaines de mètres de là, on change tota-lement d’univers. A l’instar de NAKAhArA hiroshi,on a l’impression d’avoir remonté le temps. LeKurayoshi de Quartier lointain est devant vos yeux.Tout y est. Les anciens entrepôts aux murs blancscaractéristiques, les boutiques à l’ancienne avec leursenseignes d’un autre âge et l’étroitesse des petitesrues qui tranche avec les grandes rues du quartier

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A Kurayoshi, on retrouve l’atmosphère de certaines œuvres de TANIGUCHI Jirô.

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32 ZOOM JAPON numéro 47 février 2015

ZOOM VOYAGE

proche de la gare. Cette plongée dans le passé aquelque chose de grisant même si l’exploitation tou-ristique de ce quartier lui a fait perdre le côté humainqu’on trouve dans l’œuvre du mangaka. Toutefois,dès que l’on s’éloigne des anciens entrepôts trans-formés en boutiques de souvenirs, on arrive à retrou-ver l’ambiance de Quartier lointain. A proximité del’arrêt de bus Akagawara - Shirakabedozô, se trouveun petit musée gratuit consacré au chemin de fer(Kurayoshisen tetsudô kinenkan). C’est le seulendroit où les visiteurs sont priés d’allumer et d’étein-dre l’électricité en entrant et en sortant. Il n’est pas

d’une grande richesse, mais les nombreuses photosprésentées permettent d’apprécier une époquerévolue quand la ligne Kurayoshi était encoreexploitée entre Kurayoshi et Yamamori. C’est d’ail-leurs une gare de cette ligne abandonnée en 1985,celle d’Utsubuki, qui a été transformée en musée. Une fois achevée la promenade dans les petites ruesqui longent la petite rivière Tama, l’ascension dumont Utsubuki ne manque pas d’intérêt. De loin,il donne l’impression d’être inaccessible tant la forêtsemble dense. Mais en réalité, il regorge de nom-breux trésors qui valent bien de prendre une bonne

heure de balade. Au printemps, au moment de lafloraison des cerisiers, c’est un émerveillement quilui vaut de figurer parmi les cent plus beaux sitesde l’archipel pour admirer ces arbres en fleurs. Aune vingtaine de minutes de là en taxi se trouve lastation thermale de Misasa (Misasa onsen) qui célè-bre ses 850 ans d’existence. Lieu idéal pour se déten-dre et passer la nuit après une journée bien remplie,la petite cité thermale ne manque pas d’établisse-ments pour satisfaire les amateurs de bains et debonne chère. L’une des particularités de Misasa estde posséder des eaux enrichies en radium et auradon, que la chimiste et physicienne françaiseMarie Curie a découvert en 1898. Il n’est donc pasétonnant que cette dernière y soit célébrée. Les prixpour une nuit comprenant deux repas varient de13 000 à 21 600 yens selon l’hôtel choisi. Parmi lesplus agréables figures le Misasakan (tél. 0858-43-0311). Outre un tarif abordable (13 650 yens), cetétablissement dispose d’un magnifique jardin japo-nais que l’on peut admirer pendant les repas oudans le vaste hall d’accueil. Le service y est par ailleursirréprochable, ce qui donne envie d’y rester pluslongtemps. D’ailleurs, Misasa signifie “trois matins”.C’est, dit-on, le nombre de fois où il faut prendreun bain dans les eaux chaudes de la station thermalepour rajeunir et retrouver la forme. De retour à lagare de Kurayoshi par l’une des navettes gratuitesqui desservent Misasa, on peut emprunter le trainjusqu’à Yura à une dizaine de kilomètres. Avec unpeu de chance, on peut tomber sur le train Conan

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Le Takumi Kappôten est le lieu parfait pour une pause déjeuner.

Les fameuses dunes de Tottori dominent la mer du Japon souvent agitée et capricieuse.

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à l’effigie du personnage de manga imaginé paraoyama gôshô. En plus d’être la région natale deTaNiguchi Jirô, Tottori est aussi celle du créateurde Détective conan et celle où a grandi le génialmizuki Shigeru. La renommée internationale dece personnage a transformé la vie de hokuei qui,en dehors d’un musée consacré au mangaka, adécidé de mettre à l’honneur conan. La gare deyura a le surnom officiel de gare conan avec unmagnifique bronze de ce héros traduit dans lemonde entier. a une cinquantaine de mètres de là,la bibliothèque est aussi aux couleurs du personnagecomme les plaques d’égout. Pour se rendre augôshô aoyama manga factory (9h30-17h, 700yens), il suffit de suivre une route balisée pendantune vingtaine de minutes, de traverser le pontconan et d’admirer quelques dessins et autres sculp-tures. Le musée est reconnaissable à la coccinellejaune qui est garée devant. a la différence d’autreslieux dédiés à des mangaka, il n’est pas interdit dephotographier (sauf exceptions). La visite ravira lesfans qui sauront tout de ce mangaka prodige. Ensuite direction Tottori où TaNiguchi a plantéle décor du Journal de mon père (casterman). célè-

bre pour ses dunes (Tottori sakyû) qui attirentchaque année des centaines de milliers de personnes,la principale ville de la préfecture éponyme détruiteen partie par un gigantesque incendie en 1952 a su

conserver cette atmosphèreintimiste qui se dégage desœuvres du mangaka. Deuxendroits situés à proximitéde la gare en sont la parfaiteillustration. Le musée de l’ar-tisanat (Tottori mingeibijutsukan, 10h-17h, ferméle mercredi, 500 yens) et le

restaurant Takumi-kappôten (tél. 0857-26-6355)qui le jouxte. Dans ces deux lieux, on trouve desobjets qui incarnent l’âme japonaise par leur sim-plicité et leur beauté. Et lorsqu’on s’y retrouve, ona l’impression d’être dans un rêve à l’instar de Naka-hara hiroshi. Le temps de déguster un gyûdon(mijoté de bœuf sur un lit de riz, 1 080 yens), il seratemps de reprendre le train vers d’autres régionschères aux yeux de TaNiguchi comme les alpesjaponaises. Pour une aventure temporelle.

GABRIEL BERNARD

Hokuei abrite le Gôshô Aoyama Manga Factory, un musée dédié au père de Détective Conan.

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SPÉCIAL TANIGUCHI

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à l’effigie du personnage de manga imaginé paraoyama gôshô. En plus d’être la région natale deTaNiguchi Jirô, Tottori est aussi celle du créateurde Détective conan et celle où a grandi le génialmizuki Shigeru. La renommée internationale dece personnage a transformé la vie de hokuei qui,en dehors d’un musée consacré au mangaka, adécidé de mettre à l’honneur conan. La gare deyura a le surnom officiel de gare conan avec unmagnifique bronze de ce héros traduit dans lemonde entier. a une cinquantaine de mètres de là,la bibliothèque est aussi aux couleurs du personnagecomme les plaques d’égout. Pour se rendre augôshô aoyama manga factory (9h30-17h, 700yens), il suffit de suivre une route balisée pendantune vingtaine de minutes, de traverser le pontconan et d’admirer quelques dessins et autres sculp-tures. Le musée est reconnaissable à la coccinellejaune qui est garée devant. a la différence d’autreslieux dédiés à des mangaka, il n’est pas interdit dephotographier (sauf exceptions). La visite ravira lesfans qui sauront tout de ce mangaka prodige. Ensuite direction Tottori où TaNiguchi a plantéle décor du Journal de mon père (casterman). célè-

bre pour ses dunes (Tottori sakyû) qui attirentchaque année des centaines de milliers de personnes,la principale ville de la préfecture éponyme détruiteen partie par un gigantesque incendie en 1952 a su

conserver cette atmosphèreintimiste qui se dégage desœuvres du mangaka. Deuxendroits situés à proximitéde la gare en sont la parfaiteillustration. Le musée de l’ar-tisanat (Tottori mingeibijutsukan, 10h-17h, ferméle mercredi, 500 yens) et le

restaurant Takumi-kappôten (tél. 0857-26-6355)qui le jouxte. Dans ces deux lieux, on trouve desobjets qui incarnent l’âme japonaise par leur sim-plicité et leur beauté. Et lorsqu’on s’y retrouve, ona l’impression d’être dans un rêve à l’instar de Naka-hara hiroshi. Le temps de déguster un gyûdon(mijoté de bœuf sur un lit de riz, 1 080 yens), il seratemps de reprendre le train vers d’autres régionschères aux yeux de TaNiguchi comme les alpesjaponaises. Pour une aventure temporelle.

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SPÉCIAL TANIGUCHI

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34 ZOOM JAPON numéro 47 février 2015

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Mettent leurs compétences à votre dispo-sition en matière de :

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Notre atout : notre expérience des relations franco-japonaises

Les honoraires sont déterminés en commun accord avec le client selon la na-ture du dossier. N’hésitez pas à nous contacter pour plus de renseignements.

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ceaux (60 min de Paris).Située dans le Parc na-turel régional du Vexin,

la Bergerie de Villar-ceaux est un écrin idéalà la pratique du Taiko.Tous les renseignements surwww.tsunagari-taiko-center.com

Et Vie Dansedim. 8 février 20h.à l’Auguste Théâtre

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miques, tantôt mélodiesdouces ou enjouées... Le

trio vous propose unspectacle original etbourré d’énergie.

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34 ZOOM JAPON numéro 47 février 2015

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Et Vie Dansedim. 8 février 20h.à l’Auguste Théâtre

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