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J é r é m i e S o u t e y r a t p o u r Z o o m J a p o n gratuit numéro 54 - octobre 2015 Société Histoires de chats CULTURE L’exposition Kikai Hirô p. 18 VOYAGE Yokohama, côté pile p. 26 www.zoomjapon.info

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Zoom Japon, numéro 54 (octobre 2015)

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Jérémie Souteyrat pour Zoom Japon

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2015

SociétéHistoires de chats

CULTUREL’expositionKikai Hirô p. 18

VOYAGEYokohama,côté pile p. 26

www.zoomjapon.info

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10 rue Saint-Florentin75001 ParisTel : 01 42 60 13 00www.toraya-group.co.jp/paris/

Pâtisserie Japonaise Traditionnelle, Salon de Thé

Hatsukari

ZOOM ACTU

ÉDITOChat alors !Quand le premier barà chats français a ouvertses portes en septembre2013, il en existait plu-sieurs dizaines auJapon. Le succès de cesé t a b l i s s e m e n t s

témoigne non seulement d’un désir detrouver un peu de sérénité auprès de cesanimaux, mais aussi de l’intérêt que lesJaponais leur portent. On en trouve par-tout, y compris dans des endroits reculéscomme cette petite île de la mer Intérieureque l’on a surnommé l’île aux chats tant ilssont nombreux. Ils sont également les hérosde nombreuses histoires qui font le bon-heur des lecteurs. Cet engouement nipponpour les matous est contagieux. Les Fran-çais y succombent comme l’illustre le succèsde certaines séries de manga.

LA RÉ[email protected]

EDUCATION L’université auservice de l’économieLe ministère de l’Education a adressé une

lettre à 26 établissements universitaires

pour leur demander “d’abolir ou de

convertir les départements de sciences

humaines et sociales pour favoriser des

disciplines qui servent mieux la société",

notamment l’ingénierie, les sciences

dures et les sciences naturelles. Les

sciences humaines et sociales sont donc

jugées “inutiles”, pas assez productives

pour l’économie. Polémique garantie.

SPORT Champion dumonde à 105 ansUn sémillant centenaire japonais a fait

une entrée remarquée dans le livre

Guinness, en battant le record du

monde du 100 m dans la catégorie des

plus de 105 ans. MIYAZAKI Hidekichi,

surnommé “Golden Bolt”, en

référence au coureur jamaïcain le plus

rapide de la planète, a parcouru la

distance en 42,22 secondes. A l’issue

de la course, il a déclaré qu’il n’était

pas satisfait de son temps !

millions de Japonais

ont aujourd’hui plus

de 65 ans. Ils

représentent 26,7 % de la population.

En 1985, il y avait une personne âgée de

plus de 65 ans pour 10 habitants. La

proportion est désormais d’une pour

cinq. Et ce n’est pas fini. En 2050, 40 %

des Japonais auront plus de 65 ans.

33,8

L E REGARD D’ERIC RECHSTEINER

Avec la multiplication des autoroutes et des lignes de train à grande vitesse, on a fini par oublier l’existencedu bateau comme moyen de transport. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, c’était le moyen de transport le pluspratique pour voyager et transporter des marchandises dans tout l’archipel. Il reste aujourd’hui quelqueslignes incontournables comme celle entre Usuki sur l’île de Kyûshû et Yawatahama sur l’île de Shikoku.

Port d’Usuki, préfecture d’Ôita

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Couverture : Jérémie Souteyrat

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L a ville de Royan se trouve dans le dépar-tement de Charente-Maritime et compte17 100 habitants. C’est une ville touristique

internationale, située à 100 km au nord de Bordeauxréputée pour ses vins. Pendant la période des va-cances, on y enregistre plus de 100 000 visiteursavec leur bateau de croisière. Les huîtres du bassinMarennes-oléron sont réputées et exportéespartout en europe. L’ostréiculture remonte àl’époque romaine. Dans la région de Royan elles’est développée dans le courant du XIXe siècle,lorsqu’on a transformé les marais salants en clairepour l’affinage des huîtres. A l’origine, on y élevaitsurtout des huîtres plates. en 1922 une maladie s’est répandue et a tué laplupart des huîtres. A l’époque, on a fait venir leshuîtres portugaises pour rétablir l’élevage. or, en1967 une autre épidémie s’est déclarée et à éliminerpresque la totalité des huîtres. Alors les éleveursfrançais se sont intéressés aux huîtres creuses ja-ponaises de la région de sanriku (côte du Tôhoku),de bonne qualité et résistantes aux épidémies. Duquartier de Mangoku-ura, à Ishinomaki, on aamené beaucoup d’huîtres pondeuses. on a implantéces huîtres “japonaises” en mer de Royan. Depuis,la plupart des “Marennes-oléron” sont d’originejaponaise. Plus d’un demi-siècle s’est écoulé depuis cet épisodeet les ostréiculteurs français continuent, de géné-ration en génération, à éprouver une grande re-connaissance envers leurs confrères japonais, cequi explique leur aide rapide et efficace au lendemaindu tremblement de terre du 11 mars 2011.A 65 ans, Gérard Viaud est un des principaux os-tréiculteurs du bassin Marennes-oléron. en tantque président du Comité national de conchyli-

culture, il s’est déjà rendu à Ishinomaki, à Kesen-numa, dans la préfecture de hiroshima et enChine. Il a reconnu la qualité des huîtres desanriku dont fait partie Ishinomaki.“Si les huîtres de Hiroshima sont bonnes, il est pré-férable de les manger cuites, plutôt que crues. L’en-vironnement dans la préfecture de Miyagi permetde produire des huîtres d’une qualité supérieure quipeuvent être consommées crues”, explique-t-il avantd’ajouter que “pour qu’une production locale soitreconnue, il faut se battre. C’est ce que nous faisonsen France.”en Charente-Maritime, le nombre d’ostréiculteursest passé de 5 000 à 1 000 en 50 ans. Comme àIshinomaki, se pose le problème de la transmissiondes entreprises. Pour augmenter leurs revenus, ilsprocèdent à un élevage de plus grande envergure.Quelle que soit la taille de leur élevage, les ostréi-culteurs prennent des initiatives, comme en allantvendre leurs huîtres partout en France. Royann’est pas la seule ville productrice d’huîtres. Aussirépètent-ils que “pour notre survie, nous devonsprotéger la production locale”.Quand nous avons demandé à M. Viaud des conseilspour ses collègues japonais d’Ishinomaki, il les a en-couragés en ces termes : “Pour tout ostréiculteur,l’important est de préserver la qualité. Nous pensonspour nous que l’océan Atlantique constitue le meilleurenvironnement pour nous comme l’océan Pacifiqueest parfait pour les gens de Miyagi. Nous croyons queleur amour et leur fierté du travail et de la mer per-mettent de produire de bonnes huîtres. Je reconnaisque la qualité des huîtres de Miyagi se situe aumeilleur niveau mondial. Ils devraient en être fiers.”.si la France représente les pays producteurs d’huîtresen europe, en Asie, c’est le Japon. Les huîtrescreuses d’Ishinomaki qui se dégustent crues sonttrès appréciées des gourmets. IshIMoRI Yûji estprésident du Comité des ostréiculteurs d’Ishino-maki. Il s’est efforcé après le séisme de reconstruire

Touchée comme d’autres secteurs,l’ostréiculture à Ishinomaki renaît de sescendres grâce au soutien des Charentais.

SÉRIE L’huître solidaire franco-japonaisel’élevage local grâce à des aides multiples dont lescordes d’élevage envoyées par la France. “C’estainsi qu’on a pu récolter les huîtres dans les deuxannées qui ont suivi la catastrophe. Sans cette aide,beaucoup d’ostréiculteurs auraient dû abandonnerl’élevage. On ne saura jamais trop les remercier. Siquelque chose arrivait en France, je me précipiteraispour aller aider les ostréiculteurs. C’est mon vœu leplus cher”, assure-t-il. Le lien est fort.Quant au problème de la transmission, plus gravequ’à Royan, M. IshIMoRI se montre un peu plusoptimiste. “Depuis le séisme, je m’aperçois que lesjeunes d’ici sont très actifs. Je suis fier de leur énergie.Cela me fait plaisir de penser à l’avenir de notrerégion et de travailler avec eux”, explique-t-il. Ilsait néanmoins que la situation actuelle dans larégion et celle de l’industrie de la pêche en généralne sont guère réjouissantes. Il reste pourtant com-batif. “Notre génération n’a pas dit son dernier mot.Nous devons aider la jeune génération avec nos ex-périences et nos relations, pour développer la productionlocale”, dit-il.Face aux encouragements de M. Viaud, M. IshI-MoRI répond avec une pointe d’humour. “Je suisravi qu’il y ait des ostréiculteurs qui partagent nospréoccupations. S’il n’était pas fier de la mer, lepêcheur ne pourrait pas avancer dans la vie. Entant que représentant des pêcheurs japonais, nousne pouvons pas baisser les bras. C’est notre façon deles remercier nos amis français.”Le séisme a causé des dégâts considérables aux os-tréiculteurs qui ont perdu tout leur matériel. Beau-coup ont dû abandonner le métier. Leur nombreet la production ont baissé de moitié par rapportà la période avant le tremblement de terre. Malgrétout, certains tentent d’augmenter leur productiongrâce à de nouvelles techniques importées del’étranger. C’est le cas de la société Wagaki implantéeà higashi-Matsushima. son directeur, ABe Toshimien est fier. “Tout en respectant l’héritage des techniques

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octobre 2015 numéro 54 ZOOM JAPON 5

Président du Comité national de conchyliculture, Gérard Viaud partage la même passion que…

ZOOM ACTU

traditionnelles adaptées à notre région, nous utilisonségalement des techniques venant d’autres pays. Notreobjectif est de hisser notre société au premier rangmondial”, affirme-t-il.Selon le Comité préfectoral de la pêche, la pro-duction d’huîtres dans la région est tombée de3 119 tonnes en 2010 à 318 en 2011. Elle a ensuiterepris progressivement pour atteindre 597 tonnesen 2012, 1 154 en 2013, et 1 564 en 2014. On necompte plus que 430 ostréiculteurs, soit moitiémoins qu’en 2010. Pour assurer une productionégale à celle d’avant le séisme, il faudrait augmenterla productivité de 50 %. Selon un spécialistemembre du Comité, “il est impossible de retrouverle niveau de production d’avant. Il faut donc misersur une augmentation de la valeur ajoutée.”Jusqu’en 2002, AbE Toshimi travaillait dans undrugstore de Shiogama. Mais à 25 ans, il a héritéde l’exploitation ostréicole familiale. “La premièreannée a été excellente. J’étais surpris de gagnerautant. Mais au fil du temps, c’est devenu de plus enplus difficile”, raconte-t-il. En 2010, son père lui atransmis l’exploitation. Si le chiffre d’affaires annuelreprésente quelques dizaines de millions de yens,“le revenu annuel de toute la famille, atteint à peineles trois millions de yens pour des journées de travailcommençant tôt le matin et se terminant tard lesoir.” Au moment du séisme, son avenir était déjàincertain. Le tsunami a emporté son père et tousses employés ; il a perdu quatre bateaux sur cinq,toutes ses installations ainsi que sa maison.Il a alors voulu liquider tout ce qui concernaitl’ostréiculture. Mais au lendemain de la catastrophe,les offres d’emploi étaient rares. En déblayant laplage avec ses collègues pêcheurs du quartier, ils’est demandé si c’était une bonne chose que detout arrêter ainsi. Et progressivement, le désir etla volonté de reprendre l’ostréiculture lui sont re-venus. Cette décision prise, il lui fallait un budgetde près de 50 millions de yens pour l’achat des ba-teaux et des autres équipements. Il ne suffisait pasde tout refaire : cela n’aurait fait que reproduireles difficultés antérieures. C’est à ce moment, enapprenant le départ en France d’un de ses amis Ishimori Yûji, président du Comité des ostréiculteurs d’Ishinomaki, à 10 000 kilomètres de là.

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A B O N N E Z - V O U Snous soutenir, vous récompenser !Ja

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un regard dif férent sur l ’actual ité

6 ZOOM JAPON numéro 54 octobre 2015

ZOOM ACTU

pour visiter des exploitations ostréicoles qu’il s’estdit que cela pouvait être l’occasion d’un changement.Il est donc parti avec lui.Ils ont passé deux semaines en France et se sontrendus dans différents élevages sur la côte atlantiqueet en Méditerranée. Le plus impressionnant a étécelui de Marennes-Oléron à Royan, un des plusgrands au monde. Les ostréiculteurs de Marennes-Oléron ont un procédé original dans l’avant dernièreétape de la production : l’affinage des huîtres dansun bassin d’eau de mer, appelé “claire” à l’emplace-ment d’anciens marais salants dans un équilibredélicat d’eau douce et d’eau salée au fond de laquellepousse une mousse végétale qui donne sa couleurverte et son parfum spécifiques à l’huître de claire.

Ce qui a frappé AbE Toshimi, ce n’est pas seulementla qualité des huîtres, mais aussi une approche dumétier très différente. La surface de l’élevage estconsidérable et on procède notamment à beaucoupde vente directe. “En France, ce n’est pas par bateauxmais avec des tracteurs qu’on récolte les huîtrescomme si l’on était dans une vaste exploitationagricole. L’ostréiculteur ressemble plus à un agriculteurqu’à un pêcheur”, confie-t-il. “Pour les jeunes letravail est plus facile et les tâches sont mieux reparties.Au Japon, nous respectons trop les techniques tradi-tionnelles”. Cette expérience lui a ouvert les yeux. De retour au Japon, Il a créé la société Wagakiavec des amis. En complément aux coquilles StJacques utilisées comme collecteur d’huîtres (nais-

sains), la société Wagaki se sert maintenant decoupelles en plastique, une technique française.C’était en effet la meilleure solution pour éleverles huîtres dites de single seed (implantation unique)ayant une forme parfaite pour être vendu avec lescoquilles. Et ces huîtres sont appréciées par ceuxqui achètent les jeunes huîtres.Quant à l’avenir, “l’objectif est de faire tout nous-mêmes, de la production jusqu’au consommateur,en passant par la préparation. L’avenir de notreproduction en dépend, explique AbE Toshimi. Leséisme a été un événement tragique, mais nous nebaissons pas les bras. Nous allons tout faire pour quel’ostréiculture d’Ishinomaki atteigne le meilleurniveau mondial.” AKIYAMA YUHIRO

ABE Toshimi (à gauche) a finalement décidé de se lancer dans l’élevage des huîtres.

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P armi les mauvais côtés de la vie urbainemoderne dans des villes comme Tôkyô etÔsaka figurent un sens aigu de l’aliénation

et de l’isolement. Dans un pays où un nombre crois-sant de personnes décide de ne pas se marier, de nepas avoir d’enfants, les célibataires et les coupleschoisissent de consacrer leur temps, leur énergieet leur argent aux animaux de compagnie. Maisque faire quand les bêtes ne sont pas autorisées ?Dans la plupart des appartements de location, lesanimaux sont interdits parce qu’ils pourraientdéranger les voisins. Heureusement, depuis unedizaine d’années, les personnes seules et/ou stresséesont trouvé une solution en se rendant dans les cafésà chats.Bien que le premier établissement de ce type aitété créé à Taipei, sur l’île de Taïwan, en 1998, leconcept a vraiment pris racine au Japon où, depuis2005, on ne compte plus les créations dans toutl’archipel. Entre 2005 et 2010, 79 ont ouvert leurs

portes et on estime aujourd’hui leur nombre à envi-ron 150.Le café à chats typique est un appartement ou uneboutique où les chats apportent aux clients unecompagnie relaxante qu’ils ne peuvent pas trouverailleurs. Malgré leur dénomination, ces établisse-ments proposent rarement des boissons et de lanourriture. Il s’agit plutôt d’une forme de locationd’animaux de compagnie. On y trouve entre 15 et25 chats de différentes tailles et de races variées.Certains cafés en ont une cinquantaine. Lorsquevous vous présentez, on vous remet une “carte”(souvent bilingue) comportant des informationssur les résidents avec leur photo, leur nom, leurdate de naissance et quelques traits de caractère.Puisque nous sommes au Japon, les établissementssont très propres et les chats sont extrêmementbien traités. C’est d’autant plus nécessaire que lalicence ne s’obtient pas facilement compte tenudes règles très strictes définies par la loi sur la pro-tection et le traitement des animaux. Dans certainscas très rares, les chats n’ont pas l’air contents. C’estpourquoi certaines associations de défense des ani-maux ont engagé des actions pour protester contre

les “heures de travail” jugées parfois trop longues.Si les boutiques d’animaux n’ont pas l’autorisationde les présenter après 20h, les cafés ont quant à euxle droit de rester ouverts jusqu’à 22h, car la plupartde leurs clients viennent le soir, sans doute aprèsune journée de travail stressante. Certains établissements se sont spécialisés danscertains types de chats comme les chats noirs oules chats de race. Une exception notable parmi ceslieux est la chaîne Neco Republic qui s’est spécialiséedans le soin donné aux chats errants. De toute évi-dence, le Japon a un problème avec les chats errantset la plupart de ceux qui finissent dans des fourrièressont éliminés. Neco Republic travaille avec unréseau de bénévoles pour récolter des fonds et infor-mer la population de ce problème. Son but est depouvoir trouver un toit pour tous ces chats. Lesdeux premières succursales de Neco Republic ontouvert l’année dernière à Gifu et à Ôsaka, réussis-sant à placer quelque 140 chats. Un troisième éta-blissement de la chaîne vient d’être implanté àTôkyô.Pour vous donner une idée plus précise de ce quise passe dans un café à chats, l’équipe de Zoom

Pas toujours autorisés à posséder chez euxun animal de compagnie, les Japonais onttrouvé la bonne parade.

ZOOM DOSSIER

Parmi les quelque 150 cafés à chats qui ont vu le jour ces dernières années, Nyafe Melange connaît un joli succès.

Personne ne résiste aux chats

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P armi les mauvais côtés de la vie urbainemoderne dans des villes comme Tôkyô etÔsaka figurent un sens aigu de l’aliénation

et de l’isolement. Dans un pays où un nombre crois-sant de personnes décide de ne pas se marier, de nepas avoir d’enfants, les célibataires et les coupleschoisissent de consacrer leur temps, leur énergieet leur argent aux animaux de compagnie. Maisque faire quand les bêtes ne sont pas autorisées ?Dans la plupart des appartements de location, lesanimaux sont interdits parce qu’ils pourraientdéranger les voisins. Heureusement, depuis unedizaine d’années, les personnes seules et/ou stresséesont trouvé une solution en se rendant dans les cafésà chats.Bien que le premier établissement de ce type aitété créé à Taipei, sur l’île de Taïwan, en 1998, leconcept a vraiment pris racine au Japon où, depuis2005, on ne compte plus les créations dans toutl’archipel. Entre 2005 et 2010, 79 ont ouvert leurs

portes et on estime aujourd’hui leur nombre à envi-ron 150.Le café à chats typique est un appartement ou uneboutique où les chats apportent aux clients unecompagnie relaxante qu’ils ne peuvent pas trouverailleurs. Malgré leur dénomination, ces établisse-ments proposent rarement des boissons et de lanourriture. Il s’agit plutôt d’une forme de locationd’animaux de compagnie. On y trouve entre 15 et25 chats de différentes tailles et de races variées.Certains cafés en ont une cinquantaine. Lorsquevous vous présentez, on vous remet une “carte”(souvent bilingue) comportant des informationssur les résidents avec leur photo, leur nom, leurdate de naissance et quelques traits de caractère.Puisque nous sommes au Japon, les établissementssont très propres et les chats sont extrêmementbien traités. C’est d’autant plus nécessaire que lalicence ne s’obtient pas facilement compte tenudes règles très strictes définies par la loi sur la pro-tection et le traitement des animaux. Dans certainscas très rares, les chats n’ont pas l’air contents. C’estpourquoi certaines associations de défense des ani-maux ont engagé des actions pour protester contre

les “heures de travail” jugées parfois trop longues.Si les boutiques d’animaux n’ont pas l’autorisationde les présenter après 20h, les cafés ont quant à euxle droit de rester ouverts jusqu’à 22h, car la plupartde leurs clients viennent le soir, sans doute aprèsune journée de travail stressante. Certains établissements se sont spécialisés danscertains types de chats comme les chats noirs oules chats de race. Une exception notable parmi ceslieux est la chaîne Neco Republic qui s’est spécialiséedans le soin donné aux chats errants. De toute évi-dence, le Japon a un problème avec les chats errantset la plupart de ceux qui finissent dans des fourrièressont éliminés. Neco Republic travaille avec unréseau de bénévoles pour récolter des fonds et infor-mer la population de ce problème. Son but est depouvoir trouver un toit pour tous ces chats. Lesdeux premières succursales de Neco Republic ontouvert l’année dernière à Gifu et à Ôsaka, réussis-sant à placer quelque 140 chats. Un troisième éta-blissement de la chaîne vient d’être implanté àTôkyô.Pour vous donner une idée plus précise de ce quise passe dans un café à chats, l’équipe de Zoom

Pas toujours autorisés à posséder chez euxun animal de compagnie, les Japonais onttrouvé la bonne parade.

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Parmi les quelque 150 cafés à chats qui ont vu le jour ces dernières années, Nyafe Melange connaît un joli succès.

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ZOOM DOSSIERJapon s’est rendue au Nyafe Melange, un lieu agréa-ble situé à Ebisu. Ouvert depuis 2009, il s’agit del’un des plus anciens du Japon. Sa grande salle dejeu ne manque pas d’attrait et de chaleur. A pre-mière vue, elle ressemble à une pièce ordinaire avecbibliothèques, canapés et tables basses, mais on ytrouve une douzaine d’étagères et de tabourets surlesquels les 22 chats résidents peuvent conforta-blement s’asseoir et présider au fonctionnementdu lieu. Il n’est pas obligatoire de commander desboissons, mais vous pouvez avoir un café ou thé sivous le souhaitez. Le jour de notre visite, l’atmo-sphère était particulièrement calme avec les chatsparessant dans la pièce, dormant ou faisant leurtoilette. La clientèle se composait d’une douzaine de per-sonnes. Âgées entre 20 et 30 ans, elles travaillenttoutes dans le quartier. Le week-end, les clientssont principalement des couples. Les touristesétrangers sont aussi de plus en plus nombreux.Chacun se comporte avec les chats comme il l’en-tend. Une jeune femme se promène dans la pièceavec un bâton dans l’espoir qu’un matou chercheà l’attraper. Un couple, assis sur un canapé, discutetout en caressant un chat sur leurs genoux. Uneautre femme, accroupie, observe les chats autourd’elle. Selon AkIMOtO Yumi, la patronne du lieu,les clients restent en moyenne 90 minutes. “C’estintéressant de voir comment les gens se comportentavec les chats. La plupart d’entre eux passent leurtemps à prendre des photos ou à les dessiner. Les nou-veaux venus se montrent souvent surpris par la situa-tion et restent là à observer”, note-t-elle. La principaleraison de cette attitude vient du fait qu’ils n’ontjamais eu de chat et n’en ont probablement jamaistouché avant. Ils ne savent pas comment se com-porter face à un animal aussi imprévisible. “Bonnombre de clients se montrent timides. Aussi ceuxqui viennent pour la première fois n’osent pas allervers les chats pour jouer avec eux. Ils préfèrent lire etsiroter un café avec l’espoir secret qu’un des résidentsà quatre pattes s’intéresse à eux”, explique AkIMOtO

Yumi.D’après un membre du personnel, ceux qui vien-nent en groupe se montrent beaucoup plus cha-leureux et bavardent beaucoup. “Pour eux, le chatest un bonus et sans doute que la façon nonchalantedont ils abordent leur relation avec l’animal contribueà leur succès auprès de lui”. Les chats sont plus attiréspar ces gens qui ne cherchent pas attirer forcémentleur attention. Par ailleurs, les cafés à chats consti-tuent un excellent lieu de rendez-vous pour les cou-ples. “Beaucoup de couples qui viennent ici semblentêtre dans la première phase de leur relation amou-reuse. Ils utilisent les chats pour réduire les différencesqui peuvent encore subsister entre eux”, confie uneautre employée. Evoquant les raisons pour lesquelles les cafés à chatsont beaucoup de succès dans l’archipel, AkIMOtO

Yumi met en évidence plusieurs choses que lesmédias mentionnent rarement. “Tout d’abord, les

Japonais sont extrêmement timides dès qu’ils sont endehors du cercle de leur famille ou de leurs amis. Aussila communication tactile et sans parole avec les chatsconstitue une source de réconfort. Et puis, il ne s’agitpas que d’une relation avec des animaux. Ce genrede lieu offre une sorte d’oasis de calme et de paix dansune ville aussi dense que Tôkyô. Quand vous songezà tout ce que ces individus doivent endurer pour serendre chaque jour à leur travail, vous comprenez

facilement pourquoi ils sont si nombreux à venir dansce genre d’établissement”, assure-t-elle. Apparem-ment certains clients n’hésitent pas à se faire portermalade pour passer une journée entière dans ce typede café, car ils ont besoin de décompresser. “Je suisheureuse que nos chats procurent une tranquillitéd’âme à ce genre de personnes”, ajoute-t-elle simple-ment.

JEAN DEROME

La compagnie des chats permet à beaucoup d’oublier le stress de la vie quotidienne.

C ARNET D’ADRESSES

L es cafés à chats ne sont quela partie émergée de l’ice-

berg lorsqu’on évoque le juteuxbusiness des bars à animaux.Dans Tôkyô, on trouve desdizaines d’établissements pour lesamoureux des bêtes ou les per-sonnes en quête d’un endroitcalme et original. On trouve descafés à lapins, à oiseaux, chèvres,chiens et plus récemment à ser-pents. La capitale compte 39cafés à chats. Leur tarif varie de800 à 1 200 yens l’heure. Cer-tains d’entre eux proposent desmenus avec supplément. Lesrègles sont en revanche partoutles mêmes. Avant d’entrer, vousdevez vous désinfecter les mains.Il faut retirer ses chaussures. Il estinterdit de fumer, d’ennuyer leschats quand ils dorment ou deprendre des photos avec un flash.Certains lieux sont interdits auxenfants. Voici par quartier,quelques-uns des établissementsles plus populaires :EbisuNyafe Melange

3F 1-7-13 Ebisu, Shibuya-kuTél. 03-5449-4024Tous les jours de 12h à 20h(dimanche-jeudi), de 12h à 21h(vendredi-samedi)www.nyafe-melange.com

ShinjukuCat Cafe Kyariko Shinjuku6F 1-16-2 Kabukichô, ShinjukuTél. 03-6457-6387Tous les jours 10h-22hhttp://catcafe.jp/cat_shinjyuku.html On n’y trouve pas moins d’unecinquantaine de chats dont cer-tains de race.

NakanoNeko no Kanzume3F 5-68-9 Nakano, Nakano-kuTél. 03-6522-2225Ouvert de 13h à 20h (lundi,mardi et vendredi), de 11h à 20h(samedi, dimanche et fêtes).Fermé mercredi et jeudi.www.nekonokanzume.comLe lieu est très apprécié pour ceschats très joueurs. A la différenced’autres cafés, vous pouvez pren-

dre les chats et vous en occuper.Le personnel vous aide à bienchoisir.

TakadanobabaNyankoto#201 2-14-6 Takadanobaba,Shinjuku-kuTél. 03-6233-9662Tous les jours de 11h à 22hhttp://nyankoto.com/Le lieu est réputé pour avoir lesplus beaux chats de la ville. Lepedigree des 13 résidents estimpressionnant.

IkebukuroCat Café Nekorobi3F 1-28-1 Higashi Ikebukuro,Toshima-kuTél. 03-6228-0646Tous les jours de 11h à 22hwww.nekorobi.jp/englishUn des cafés à chats les plusanciens de la capitale avec 11chats. C’est un endroit agréableoù l’on trouve également desmangas et des jeux vidéo.

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Q uand le bateau, qui relie l’île d’Aoshimaà celle de Shikoku, dans l’ouest de l’ar-chipel, s’apprête à accoster dans le petit

port, les cris “Regarde, comment ils sont mignonsces chats !” rompent brutalement le silence qui arégné pendant le court trajet maritime d’unedemi-heure. Un escadron de félins bruns et roux,dès qu’ils aperçoivent l’arrivée des touristes,prennent possession du brise-lames pour observerle navire qui approche. Oui, ils savent que cescitadins, qui viennent souvent d’Ôsaka ou deTôkyô, ont à manger. Dès que le capitaine donnele feu vert pour descendre du navire, ces admi-rateurs de chats, en poussant des cris de joie,s’attaquent à celui qui leur semble le plus mignon,avec un appareil photo ou un jouet pour chat àla main.A côtés de ces touristes, quelques femmes locales,souvent très âgées, récupèrent les journaux etles denrées nécessaires à leur vie quotidienne.Ici, à 13 kilomètres de la rive de l’île de Shikoku,ce bateau constitue une ligne de ravitaillementindispensable à leur bien-être. D’autres femmes,assises sur un banc installé juste au fond de ceport minuscule, regardent le groupe d’une dizainede touristes avec un visage difficile à interpréter.Y transparaissent peut-être perplexité, amertumeet résignation. En tout cas pas celui d’unepersonne qui souhaite la bienvenue à un touristevenu visiter une île coupée un peu de tout, quin’était même pas connectée, sauf rares exceptions,au réseau téléphonique jusqu’au début des années1980. Par ailleurs, ce sont surtout les journalistesqui sont personæ non gratæ. Dès qu’on annoncele but de leur excursion, ces femmes partent avecfroncement comme de petits oiseaux qui auraientaperçu une ombre de chat. Bref, deux mondes,méfiants l’un de l’autre, se regardent ; celui desgens de l’extérieur - touristes et journalistes toutconfondus - qui viennent souvent des grandesvilles pour s’amuser avec les chats, et celui des ha-bitants d’îles, las de ces citadins qui ne respectentsouvent pas les règles de la vie locale. C’est en mai 2013 qu’une équipe de journalistesde la télévision a débarqué sur cette île plongéedans la tranquillité pour faire un reportage sur ceschats, apparemment trop nombreux par rapportau nombre d’habitants. Après la diffusion de cetteémission, Aoshima est devenue un sanctuaire pourles amateurs des chats au niveau international.Les informations sur l’île ont été relayées surInternet, provoquant un afflux considérable de

touristes sur cet îlot qui n’était naguère fréquentéque par la population locale. Le hic, c’est qu’à Ao-shima, il n’y a aucune infrastructure pour accueillirces visiteurs. Pas d’hôtels, ni de restaurants, riendu tout. Ne disposant pas de moyens pour profiterde l’arrivée des touristes, les habitants sont justementpassés à côté de cet engouement et ne peuvent

DÉCOUVERTE Aoshima ne ronronne plusPerdue au milieu de la mer Intérieure, lapetite île attire des touristes amateurs dechats. Mais les habitants font la grimace.

que regarder ces touristes s’amuser avec des chats.Les troubles entre des locaux et des touristes necessent d’augmenter. “Ils jouent avec des chats auport alors que c’est un point de ravitaillement indis-pensable pour nous. Franchement dit, je veux qu’ilsnous laissent tranquille”, confie l’un d’entre eux.Ne maîtrisant pas du tout les outils de communi-

Pour limiter leur nombre, une campagne de stérilisation a été envisagée. Mais elle est trop coûteuse.

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Q uand le bateau, qui relie l’île d’Aoshimaà celle de Shikoku, dans l’ouest de l’ar-chipel, s’apprête à accoster dans le petit

port, les cris “Regarde, comment ils sont mignonsces chats !” rompent brutalement le silence qui arégné pendant le court trajet maritime d’unedemi-heure. Un escadron de félins bruns et roux,dès qu’ils aperçoivent l’arrivée des touristes,prennent possession du brise-lames pour observerle navire qui approche. Oui, ils savent que cescitadins, qui viennent souvent d’Ôsaka ou deTôkyô, ont à manger. Dès que le capitaine donnele feu vert pour descendre du navire, ces admi-rateurs de chats, en poussant des cris de joie,s’attaquent à celui qui leur semble le plus mignon,avec un appareil photo ou un jouet pour chat àla main.A côtés de ces touristes, quelques femmes locales,souvent très âgées, récupèrent les journaux etles denrées nécessaires à leur vie quotidienne.Ici, à 13 kilomètres de la rive de l’île de Shikoku,ce bateau constitue une ligne de ravitaillementindispensable à leur bien-être. D’autres femmes,assises sur un banc installé juste au fond de ceport minuscule, regardent le groupe d’une dizainede touristes avec un visage difficile à interpréter.Y transparaissent peut-être perplexité, amertumeet résignation. En tout cas pas celui d’unepersonne qui souhaite la bienvenue à un touristevenu visiter une île coupée un peu de tout, quin’était même pas connectée, sauf rares exceptions,au réseau téléphonique jusqu’au début des années1980. Par ailleurs, ce sont surtout les journalistesqui sont personæ non gratæ. Dès qu’on annoncele but de leur excursion, ces femmes partent avecfroncement comme de petits oiseaux qui auraientaperçu une ombre de chat. Bref, deux mondes,méfiants l’un de l’autre, se regardent ; celui desgens de l’extérieur - touristes et journalistes toutconfondus - qui viennent souvent des grandesvilles pour s’amuser avec les chats, et celui des ha-bitants d’îles, las de ces citadins qui ne respectentsouvent pas les règles de la vie locale. C’est en mai 2013 qu’une équipe de journalistesde la télévision a débarqué sur cette île plongéedans la tranquillité pour faire un reportage sur ceschats, apparemment trop nombreux par rapportau nombre d’habitants. Après la diffusion de cetteémission, Aoshima est devenue un sanctuaire pourles amateurs des chats au niveau international.Les informations sur l’île ont été relayées surInternet, provoquant un afflux considérable de

touristes sur cet îlot qui n’était naguère fréquentéque par la population locale. Le hic, c’est qu’à Ao-shima, il n’y a aucune infrastructure pour accueillirces visiteurs. Pas d’hôtels, ni de restaurants, riendu tout. Ne disposant pas de moyens pour profiterde l’arrivée des touristes, les habitants sont justementpassés à côté de cet engouement et ne peuvent

DÉCOUVERTE Aoshima ne ronronne plusPerdue au milieu de la mer Intérieure, lapetite île attire des touristes amateurs dechats. Mais les habitants font la grimace.

que regarder ces touristes s’amuser avec des chats.Les troubles entre des locaux et des touristes necessent d’augmenter. “Ils jouent avec des chats auport alors que c’est un point de ravitaillement indis-pensable pour nous. Franchement dit, je veux qu’ilsnous laissent tranquille”, confie l’un d’entre eux.Ne maîtrisant pas du tout les outils de communi-

Pour limiter leur nombre, une campagne de stérilisation a été envisagée. Mais elle est trop coûteuse.

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A l’arrivée du bateau amenant souvent des visiteurs, les chats viennent les accueillir dans l’espoir de recevoir de quoi manger.

Située à une trentaine de minutes de Shikoku, l’île d’Aoshima ne compte plus que 15 habitants et des dizaines de chats.

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cation modernes, la population locale reste im-puissante face à cette surmédiatisation.si les journalistes ne sont pas bienvenus ici, c’estque ceux qui ont visité Aoshima n’ont fait quedes articles centrés sur les chats. Le quotidienlocal, Ehime Shimbun, a fait un reportage sur larelation délicate entre les habitants et les touristes,mais cela n’a rien amélioré. Voilà pourquoi les ha-bitants se sont mis d’accord pour ne pas parleraux journalistes, seul moyen de résister à cet en-gouement médiatique qu’ils jugent injuste.Pourtant, les chats, qui se comptent par centaines,se fichent de tous ces problèmes et ne font quesuivre les hommes qui leur donnent à manger. ilssont affamés, on voit de loin leurs côtes. nul neconnaît leur nombre exact. seule l’équipe d’uneémission télé a lancé le chiffre de 140. Maiscomment savoir si cette évaluation est correcte,alors que ces chats se reproduisent sans cesse ? Entout cas, il y a une chose dont tout le monde estsûr : il y en a trop, pour une île si petite qu’on peutla traverser en cinq minutes de marche. Des habi-tants, dix fois moins nombreux que les animaux,ne peuvent plus les soigner correctement. ils affirment que le nombre de ces chats a aug-menté en raison de l’afflux des touristes qui acommencé en 2013, mais sans en être tout à fait

sûr. L’explication la plus fiable en est que, leschats, jadis éparpillés sur toute l’île, se sontmassés autour du port au fur et à mesure que lapopulation d’Aoshima disparaît peu à peu. Car

c’est là où se trouvent les humains qui leur don-nent à manger.En juillet, les 15 habitants d’Aoshima et la villed’Ôzu ont répondu à un sondage portant sur cesujet. Treize personnes ont jugé qu’il fallaitréduire le nombre de chats, et plaidé pour lacastration. Mais “pour castrer tous ces chats, ilfaut 15 000 yens pour un mâle, 22 000 pour unefemelle. Alors qui peut payer ?”, demande TAnAkA

kosaku, l’un des habitants qui a demandé queson nom soit modifié. De plus, comme la villed’Ôzu est déficitaire, “on ne peut pas s’attendrequ’ils nous aident”, déplore YoshiokA Tomoko,responsable de l’association de défense des ani-maux qui a déjà castré une dizaine de chats. Etce, gratuitement.Du coup, tout le monde se renvoie la balle. Touscomprennent la nécessité de la castration, maispersonne n’en a les moyens financiers. Les né-gociations semblent bloquées pour l’heure. L’As-sociation des chats d’Aoshima, créée par quatrehabitants de l’île, a installé une boîte de dons auport, mais kAMiMoTo naoko, présidente dugroupe, a seulement récolté 2 000 yens [14,70 eu-ros] à la fin du mois d’août. Et si l’on créait desrestaurants ou un hôtel pour mieux profiter dela vague touristique ?

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La présence des touristes venus profiter des félins ne fait pas que des heureux à Aoshima.

Il suffit de sortir un paquet de nourriture…

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Ce sujet a déjà été évoqué par les habitants.“C’était il y a deux ans qu’on en a parlé. Et on adit non à cette idée parce que la plupart deshabitants voulaient vivre tranquillement. Maiss’il y avait eu à cette époque un jeune coupledésireux de tenter sa chance, je pense que celaaurait changé beaucoup de choses”, regrette au-jourd’hui Tanaka kosaku.En effet, ce petit îlot rocheux flottant au largede la mer Intérieure offre l’un des pires exemplesd’une localité frappée par le dépeuplement. alorsqu’il comptait 800 habitants dans les années1940, aoshima a subi une chute brutale de sapopulation pour ne plus compter que 15 per-sonnes aujourd’hui. La moyenne d’âge tourneautour de 70 ans. S’il n’y avait pas ce problème, cette île serait unedestination idéale pour passer quelques jours enété. Des ruelles soigneusement aménagées tra-versent ça et là des maisons traditionnelles enbois, nichées sur un escarpement qui mène surune colline surplombant la mer. Et tout celaforme un petit labyrinthe entouré par la merbleu cobalt, endroit idéal pour les amateurs depêche. Or, ce n’est plus que l’image du passé que les ha-bitants évoquent avec nostalgie. Les maisons

sont abandonnées à la merci des mauvaises herbesqui poussent de partout, et on voit le bleu duciel à travers le toit troué… Dans la salle de mu-sique de l’ancienne école primaire, qui surplombe

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le port depuis la colline, un piano se laisse balayerpar le vent marin. Si les habitants n’aiment passe pencher sur la question des chats, c’est parceque leur communauté elle-même est menacéede disparition.“Bien sûr que c’est un casse-tête. Je ne veux pasvoir mon île devenir comme les Senkaku”, raconteTanaka kosaku, évoquant le nom de ces îlotsdésertés qui flottent en mer de Chine orientale.Pourtant, lui qui est déjà très pris par le maintiende la communauté, ne peut que s’alarmer. “C’estun problème qu’on retrouve partout au Japon. Lapopulation est trop concentrée dans les grandesvilles”, ajoute-t-il. au port, quelques habitantes sont revenues s’as-seoir sur le banc. Certaines d’entre elles caressentles chats qui ronronnent sur leurs genoux. Etl’une d’elle avoue, avec un sourire aux lèvres : “Ily a des gens qui les détestent, mais ça reste un mo-ment du bonheur pour nous”. Et elle regarde auloin, comme si elle se souvenait de l’époque oùon entendait partout les éclats de rire des enfants.“Je suis heureuse que ces chats soient là, sinon lavie ici serait un peu trop tranquille”, continuecette octogénaire, qui ne sait toujours pas jusqu'àquand elle pourra vivre sur son île.

YAGISHITA YUTA

La végétation gagne du terrain partout, mais elle n’empêche pas les matous de vivre comme bon leur semble.

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Comme d’autres lieux, l’école a été abandonnée.

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L a petite cité portuaire d’Onomichi (voirZoom Japon n°27, février 2013), située à70 km à l’est de Hiroshima, est depuis

longtemps célèbre pour ses chats. On la présentesouvent comme “la ville des chats et des collines”.Les chats sont partout. Un charmant endroitconnu pour ses petits cafés intimes et ses galeriesd'art est même connu sous le nom d’Allée deschats en raison de la présence des félins qui aiments’y prélasser. Onomichi dispose également d'unmusée consacré au Maneki-neko, ces figurines enforme de chat assis levant la patte qui sont censéesapporter la bonne fortune et la richesse.Aussi l’idée des responsables de la division tou-ristique à la préfecture de Hiroshima de lancerune carte interactive de la ville (http://hiroshima-welcome.jp/kanpai/catstreetview) à partir de lavision dont pouvait en avoir un chat n’était-ellepas si farfelue. Imaginée pour attirer les touristes,elle connaît un succès incroyable puisqu’elle aenregistré plus de 1,7 million de visites au coursdes deux premières semaines qui ont suivi sonlancement. Une réussite qui lui a valu d’être men-tionnée dans de nombreux médias du mondeentier comme Cnn, le Huffington Post, le WallStreet Journal et Business Insider.“Nous ne nous attendions pas à l’engouement desmédias étrangers, confie AwAne Maiko qui re-présente la division touristique préfectorale.Notre objectif était de présenter les destinationstouristiques de la préfecture de Hiroshima à partird'une perspective légèrement différente. Nous avonsdécidé d'introduire ces endroits du point de vued'un chat car ils sont généralement bien familiarisésavec ces lieux”. La ville est présentée à travers lesyeux verts de Lala, un petit chat adorable qui a éténommé directeur en charge du tourisme dans lesruelles. Pour reproduire le point de vue de l'œil duchat, les cartographes ont utilisé une caméra à 360degrés semblable à celles utilisées par Google pourses cartes, sauf que la caméra à Onomichi a étéfixée sur un bâton qu’on a déplacé à 20 cm du solpour figurer le déplacement d’un chat.Vous trouverez des caractéristiques similaires àcelles utilisées sur d'autres cartes interactives dis-ponibles sur Internet, tels que les boutiques et lesdonnées sur la vie locale, mais le tout étant perçupar les yeux d’un chat. Lala fournit obligeammentquelques commentaires de chat sur les attractionstouristiques de son choix le long du chemin. Lacarte présente également d’autres chats avec desinformations sur leurs origines. Même si vous

n’êtes pas amateur de chats, il est tout de mêmeintéressant de découvrir la cité à partir d'un angleaussi inhabituel. Il y a quelque chose d’irrésisti-blement séduisant de montrer certains recoinsque nous, humains, pris dans notre quotidien à100 à l’heure, négligeons la plupart du temps.Cela procure une perspective originale sur lemonde qui nous entoure. en résumé, Lala estune invitation à faire du tourisme à petite vitesse. Pour l’instant, la carte, dont le nom officiel estCat Street View, n’est disponible qu’en japonais,ce qui rend son succès encore plus remarquable,mais l'intérêt suscité à travers le monde incite dés-ormais les autorités à revoir leur plan. “Nous allonscertainement mettre en place une version anglaise àl'avenir”, assure AwAne Maiko. La carte ne couvreque quelques rues, à partir de Onomichi Hondôri,mais l’Office du tourisme prévoit de commencerà élargir la zone couverte à d'autres rues et ruellesdès le mois d’octobre, dans l'espoir d’attirer deplus en plus de touristes et d’amoureux des chats.La longue histoire entre Onomichi et les chats a

TOURISME Onomichi fait le dos rondPour attirer les touristes, les responsablesde la ville ont fait appel à Lala pour la leurfaire découvrir sous un angle original.

bien sûr inspiré les promoteurs du projet, maisAwAne Maiko admet que le récent engouementpour des jeux vidéo consacrés aux chats commeneko-atsume a aussi eu une influence. “Nous avonsaussi été inspirés par Neko-atsume, les cafés à chats,le succès des albums de photos consacrés aux félins”,explique-t-elle.elle confirme également le projet d’étendre l’expé-rience à d'autres villes de la région. Après tout, lapêche est une activité importante dans les cités dela côte, avec de nombreuses îles brumeuses. Voustrouvez donc partout une population de chatsravis de vivre dans cet environnement fait poureux. La carte interactive d’Onomichi fait partie dela campagne Kanpai Hiroshima : Regardez ! Mangez !Buvez ! qui a été lancée en juin dernier. “Le guideque nous avons publié pour l’occasion est devenu unmust”, affirme AwAne Maiko. “Nous allons bientôten offrir une version numérique”. Avec le succèsinattendu du projet Cat Street View, Hiroshimapourrait bien devenir le prochain point chaud deCool Japan. STEVE JOHN POWELL

En à peine 15 jours d’existence, la carte interactive a attiré plus de 1,7 million de curieux.

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L e marché du manga ne se porte plus aussibien que par le passé. aussi les éditeurscherchent-ils à trouver le thème ou la série

qui leur permettra de retrouver le sourire. Depuisquelques années, le chat est unsujet qui fait recette. C’esttellement vrai que la plu-part des maisonsd’édition proposentdésormais une ou plu-sieurs histoires met-tant en scène des ma-tous plus ou moinskawaii (mignon). Leplus chou d’entre euxet celui qui a montréla voie se prénommeChi. une fois de plus, c’estGlénat, souvent pionnier dans lesecteur, qui a su profiter en premier dupouvoir de séduction de ce petit chat imaginépar KaNata Konami. En additionnant tous lesouvrages (mangas, romans, livres jeunesse) inspiréspar Chi, l’éditeur de Grenoble a écoulé plus de900 000 exemplaires. Rien qu’au niveau de lasérie manga Chi, une vie de chat dont le douzièmeet dernier volume paraîtra le 18 novembre, les 11premiers tomes ont attiré quelque 750 000 lecteurs.De quoi donner le sourire, d’autant que la mannegénérée par ce personnage attachant ne se limitepas au seul secteur de la lecture. Comme il se doiten pareil cas, les produits dérivés sont légions etprocurent des revenus confortables. Quo Vadis,spécialisé dans le matériel scolaire, propose ainsidepuis 2013 une ligne complète allant de l’agendaà la trousse tandis que la chaîne de restaurationFlunch a tenté de séduire sa clientèle en offrantdes produits griffés Chi dans chaque menu enfantservi au mois de juin dernier. Bien que la séries’arrêtera prochainement, il est probable qu’elleconservera encore longtemps son pouvoir d’at-traction auprès du public petit et grand. au moment où Chi tire sa révérence chez Glénat,un autre chat créé par KaNata Konami fait sonapparition chez Soleil Manga. Choubi Choubi,mon chat tout petit rappelle l’univers de Chi etson côté kawaii. Les petites aventures auxquellessont confrontés les matous de l’histoire sont amu-santes et il est probable que les lecteurs succom-beront à leur charme bien que le graphisme soitmoins léché que celui des aventures de Chi. Del-court entend aussi surfer sur la vague du chat,

mais de façon originale et inattendue. La publi-cation, le 14 octobre, du Journal des chats de JunjiIto promet d’être un événement puisque le maîtredu manga d’horreur (Spirale, Tomié, etc.) a misde côté ses pulsions noires pour se concentrer surle quotidien de ses animaux de compagnie. Commebeaucoup d’artistes, le mangaka possède des chatsdont l’un d’eux porte une tête de mort sur son

dos. Le chat, comprenant que cela effraie lesgens, se met à redoubler de fourberie pour

leur faire peur. Sa cible favoriten’étant autre que… Itô

Junji lui-même.L’histoire est amu-

sante et nous éloignedes ambiances ef-

frayantes auxquellesnous a habitués le man-

gaka. Chez Komikku, c’est unchat noir baptisé Ya-nyaka par ses amis quia trouvé grâce auprèsdes lecteurs dans la sé-

rie Yanaka, histoires de chats créée par WaKatSuKI

Megumi. Il doit son nom au quartier populairede Yanaka, à tôkyô (voir Zoom Japon n°42, juil-let-août 2014). On prend ainsi plaisir à le découvriraux travers des yeux de ce petit chat plein de vie ettotalement craquant. Sa naïveté et sa méconnaissancede la culture japonaise permettent au titre derendre accessible la vie et les lieux incontournablesde Yanaka, avec un humour et une fraîcheur com-municative. C’est ce qui explique en grande partieson succès auprès d’un public plus âgé. En effet, ilne s’agit pas simplement d’un chat kawaii auquelil arrive de sympathiques aventures. L’auteur atrouvé le moyen de créer plusieurs niveaux delecture qui répondent ainsi aux attentes de différentspublics. N’hésitez donc pas à vous le procurer.Mais si vous êtes vraiment à la recherche d’unchat craquant, tournez-vous vers Kuro, un cœurde chat de Sugisaku qui raconte les aventures deKuro et Chinko recueillis par M. Hige. Leur regardsur le monde des humains ne manque pas d’humouret explique sa bonne réception par le public quipréfère être jugé par un chat que par ses voisins. Nobi Nobi, qui vient de fêter ses 5 ans commeZoom Japon, a également décidé d’adopter unchat. Celui-ci s’appelle Moustic dans la sérieMiaou, le quotidien de Moustic créée par KaKIO

Minori. Plus pédagogique que les autres, le derniervenu dans la grande famille des mangas consacrésaux matous en tous genres ne manquera pas nonplus de vous séduire.

ODAIRA NAMIHEI

MANGA Mettez un chat dans votre lectureDepuis plusieurs mois, les éditeurs onttrouvé de quoi satisfaire les petits et lesgrands en mettant en scène des greffiers.

Le Journal des chats de Juni ito de itô

Junji paraîtra chez Delcourt, 15,50 €.

© K

-K/T

X-C

Yanaka, histoires de chats de WaKatsuKi

Megumi, est paru chez Komikku.

3 tomes, 7,90 €.

Miaou ! le quotidien de Moustic de KaKio

Minori sort chez Nobi Nobi, 7,90 €.

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ZooM CuLTuRE

H UMEUR par KOGA Ritsuko

Je rêvais d’avoir une vie de chat dans ce pays quiavait l’air tranquille vu du Japon. Il y a plus de20 ans, lorsque j’ai débuté mon existence fran-çaise à Tours, j’ai été impressionnée par le nom-bre de crottes de chiens dans la rue. Je devaisabsolument regarder où je mettais mes piedspour ne pas être victime de ce piège à deuxballes. Le danger était partout. Combien de foisai-je marché dedans ! Contrairement aux chiens, je voyais rarement deschats dans la rue, de sorte que j’étais persuadéque les Français ne les aimaient pas. Mon premiercontact avec des chats a eu lieu beaucoup plustard chez des amis. Ils étaient mignons, mais jene rêvais absolument pas d’en avoir chez moi carj’avais déjà du mal à m’adapter à la vie françaiseet je ne voulais pas y rajouter encore une charge.Or, un jour, il y a presque 10 ans à Paris, unancien colocataire est rentré à la maison avec unpetit chaton noir ! Depuis, jevis avec. Le minou a grandi etgrossi jusqu’à peser 10 kilos.C’est un véritable fauve d’ap-partement, il fait ses griffespartout et mange toutes lesplantes. En plus, il ne mangepas de repas de chat à la japo-naise, riz et poisson, que je lui donne quand jen’ai plus de croquette. “Croiser un chat noir portemalheur”, dit-on. Je le confirme.Un jour, mon ancien colocataire est repassé à lamaison avec son chien (!) et il me l’a laissé unenuit. Pendant que je suis sortie pour le promenerdans un jardin, j’ai croisé deux ou trois voisinsqui promenaient également leur chien. En 10ans, je n’avais jamais parlé avec eux. Mais ils sontvenus me parler parce que j’étais avec unpataud ! Les chiens changent la vie, mais j’ai vitecompris que ce n’était pas mon monde. Ces gensm’ont demandé si mon chien était un garçon ouune fille et je leur ai répondu que c’était un mâle.Avoir un chien n’est pas si facile non plus.Définitivement, je ne veux pas avoir d’animalchez moi et préfère avoir quelqu’un qui m’ap-pelle ma minette. Mais pour cela, je devraispeut-être me transformer, comme dit le pro-verbe japonais “neko wo kaburu” (vêtue de lapeau de chat) !

Chat ne me dit rien

MUSIQUE La fièvre dusamedi soirFondé en 1998, Hifana est un duo

composé de KEIZomachine et Juicy.

durant leurs per for man ces live, ces

deux artis tes originaires de Tôkyô uti -

li sent des sam plers en temps réel, sans

ryth mes ou séquen ces pré pro gram -

mées. Platines, scratchs et per cus sions

de toutes sortes sont com bi nés à des

brui ta ges et à des sons plus sur pre -

nants : chants d’okinawa, musi que de

théâ tre nô, feux d’arti fi ces... autre

par ti cu la rité, l’image gra phi que tient

une place impor tante dans leurs per -

for man ces puis que des pro jec tions

vidéo plei nes d’humour accom pa -

gnent leur musi que. après un passage

remarqué en juin 2013, Hifana revient

le 17 octobre à la Maison de la culture

du Japon à Paris pour Tokyo Hit, une

performance qui devrait entrer dans

l’histoire de cette institution souvent

bien tranquille. de 22 h à 6 h, en

compagnie du collectif Take Hit et

d’autres invités, KEIZomachine et

Juicy vont transformer la grande salle

de la MCJP en une boîte de nuit à la

mode de Tôkyô.

Maison de la culture du Japon à Paris

101 bis, quai Branly, 75015 Paris

Tarifs : En pré vente 15 € / Sur place 18 €

www.theatreonline.com/Spectacle/Tokyo-

Hit/52645

EXPOSITION La voie du théParmi les nombreuses traditions

japonaises qui suscitent l’intérêt du

public étranger, la cérémonie du thé

figure en

bonne place.

Le Centre

céramique de

Giroussens

propose

jusqu’au

3 janvier 2016 une belle exposition de

céramiques et de laques utilisées pour

l’exécution de “cet art de goûter et

de partager l’instant présent en harmonie

avec la nature et ses perpétuelles

transformations”. Plusieurs artistes

japonais et occidentaux exposent leurs

œuvres qui “portent en elles la dynamique

des forces naturelles”. En outre des

cérémonies du thé (20 € sur réservation,

5 personnes maximum) seront

organisées chaque week-end.

Centre céramique de Giroussens, 7 place Lucie

Bouniol, 81500 Giroussens - Tél. 05 63 41 68 22

http://www.centre-ceramique-giroussens.com/

CINÉ-CLUB Kore-Eda à laPagodePour l’ouverture de la

saison 2015-2016,

Rendez-vous avec le

Japon vous propose en

avant-première le

nouveau film de KoRE-Eda

Hirokazu, Notre petite sœur, le

20 octobre à 20 h au cinéma La

Pagode. Le réalisateur de Tel père, tel

fils sera présent et participera à une

discussion autour de sa dernière œuvre.

Cinéma La Pagode, 57 bis rue de Babylone,

75007 Paris, www.rendezvousaveclejapon.fr

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zOOM cULtURe

D u grand art que ce premier volume deUnlucky Young Men publié par Latitudes,la collection grand format de ki-oon.

une œuvre riche et originale qui ravira les amateursd’histoires et de polars. FujIwara kamui et oTsuka

Eiji ont concocté un manga qui se dévore de lapremière à la dernière page. non seulement ledessin, le découpage au scalpel qui souligne la di-mension cinématographique de cette œuvre et laqualité de la narration, mais aussi de très bons dia-logues, tout concourt à donner à ce récit uneépaisseur qui le classe au plus haut niveau. En plantant leur histoire dans le Tôkyô de 1968au moment où la capitale japonaise connaît commed’autres endroits dans le monde une agitation étu-diante sans précédent, les deux auteurs ont réussi àrecréer l’atmosphère de cette période si particulièreau cours de laquelle les jeunes étaient prêts à toutpour sortir de leur condition, y compris à basculerdans la violence. a l’instar de YamazakI maridans Giacomo Foscari (éd. rue de sèvres, 2013), ilsfont appel à des personnages réels comme mIshIma

Yukio, ÔE kenzaburô ou encore kITano Takeshipour crédibiliser davantage leur propos. Ils détour-nent également plusieurs faits divers marquantsqui ont défrayé la chronique pour faire adhérer lelecteur à leur histoire. Ils s’intéressent notammentau vol de 300 millions de yens, la paie des ouvriersde Tôshiba, qui demeure un

mystère 47 ans après et pour lequel les japonais sepassionnent toujours. waTanabE jun avait déjàévoqué ce crime dans son excellent Montage (éd.kana, 2013). Ici le scénario est plus original puisquele casse est imaginé par kITano Takeshi que l’onconnaît en France pour ses films de yakuza. Cettefaçon de jouer avec le réel et la fiction illustre l’am-bition de ce manga qui se veut bien plus qu’unesimple œuvre de divertissement. La présence de

poèmes écrits par IshIkawa Takuboku, le “poètede la tristesse”, lui apporte une dimension littérairequi tranche avec le reste de la production mangaesque.si l’on ajoute le soin extrême apporté au dessin parFujIwara kamui qui a voulu “se rapprocher autantque possible du dessin traditionnel en employant latechnologie numérique”, on se retrouve avec LEmanga de la rentrée à ne pas manquer.

ODAIRA NAMIHEI

MANGA encore mieux qu’au cinémaAvec Unlucky Young Men, Ki-oon nousoffre l’une des plus belles surprises de larentrée. A lire absolument.

L’influence du 7e art se fait bien sentir dans ce premier volume de Unlucky Young Men.

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RéféRenceUnlucky Young Men, vol. 1 defUjiwaRa Kamui et OtsUKa eiji, trad. par sébastien Ludmann, coll. Latitudes, Ki-oon, 19,90 €

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Apremière vue, le portrait photographiquen’a rien de compliqué. Mais pour arriverà un résultat satisfaisant, cela demande

beaucoup de patience et de discipline. Depuisplus de 20 ans, KiKAi hirô se concentre surcette forme d’expression. il a pris en photo descentaines d’inconnus qui passaient le long dumur d’un temple à Tôkyô où le photographeaime se tenir. Cette approche ascétique a étérécompensée puisqu’il est aujourd’hui considérécomme l’un des meilleurs portraitistes de laplanète. Zoom Japon l’a rencontré dans son“studio” extérieur à Asakusa. il nous a confié sapassion pour la photographie, sa philosophie etson humanité.

Vous êtes né dans la préfecture de Yamagata,laquelle se trouve dans le nord-est de l’archipel.Avez-vous conservé des liens avec votre régionnatale ?K. H. : Mes deux sœurs aînées y vivent encore.Je leur rends visite deux fois par an, parce quej’aime les nombreuses stations thermales qu’ony trouve et les fameuses soba (nouilles à base defarine de sarrasin) de Yamagata.

De nombreux jeunes qui sont nés dans les ré-gions rurales sont montés à Tôkyô pour leursétudes. Avez-vous suivi la même voie ?K. H. : Oui. Après le lycée, j’ai commencé àtravailler dans l’administration locale, mais je

ne pouvais pas résister à l’appel de la capitale.D’autant que pour la plupart des étudiants,l’entrée à l’université représente quatre annéesde vacances. Au bout d’un an, j’ai donc démis-sionné de mon travail pour entrer à l’universitéhôsei où j’ai étudié la philosophie.

Considéré comme l’un des meilleursphotographes du monde, l’artiste est enFrance pour une exposition exceptionnelle.

RENCONTRE Kikai, l’homme de ShitamachiComment un étudiant en philosophie de-vient-il photographe ?K. H. : J’ai choisi d’étudier la philosophie parceque je me sentais incapable de suivre des courssur des sujets aussi pratiques que l’économie oula technologie. Je voulais trouver quelque chosequi permette de m’exprimer. La philosophieétait une matière parfaite. Pendant mes “vacancesuniversitaires”, je me suis beaucoup intéresséau cinéma. J’appréciais beaucoup des réalisateurseuropéens comme Federico Fellini ou AndrzejWajda. Malheureusement, pour réaliser desfilms, il faut pas mal d’argent. Comme je n’endisposais pas, c’était un rêve inaccessible. Monprofesseur de philosophie m’a alors présentéYAMAgishi shôji qui était responsable du ma-gazine Camera Mainichi. Jusque-là, je n’avaisjamais manifesté d’intérêt pour la photo. Maisun jour de 1969, YAMAgishi shôji m’a montréun livre de la photographe américaine DianeArbus qui m’a littéralement soufflé. J’ai passédes heures à regarder ses portraits. A l’époque,je ne possédais pas d’appareil photo. Mais j’aicompris que faire des photos était plus abordableque de réaliser un film. Je me suis alors lancédans l’aventure photographique.

Imaginiez-vous déjà devenir photographe pro-fessionnel ?K. H. : Pas vraiment. Je pensais que le seulmoyen de vivre de ses photos était de faire de laphotographie à des fins commerciales. Et jen’en avais vraiment pas envie. si je voulaisdevenir un vrai photographe, je devais séparercette activité de mon travail. Par ailleurs, j’avaisle sentiment de devoir acquérir plus d’expériencedans la vie. J’ai trouvé un boulot dans la pêcheet je suis parti huit mois en mer sur un thonier.

J’ai appris que vous utilisiez toujours le mêmeappareil depuis cette époque.

INFOS PRATIQUESVoyage à Asakusa - Photographies de KIKAI Hirô du 13 au 23 octobre - de 11 h à 19 h - Entrée libre.Hôtel de l’Industrie, 4 place Saint-Germain-des-Prés, 75006 Paris - www.kikaihiro.com

Un homme portant un manteau et qui prétend

qu’il a été fait de la peau de 28 blaireaux, 1999

Une fille qui dit : “bien sûr que c’est un vrai

tatouage”, 2007

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K. H. : Le voici ! (il sort son Hasselblad 500CM).Mon professeur FukudA Sadayoshi ne m’a passeulement enseigné la philosophie, il est devenumon mentor tout au long de mon existence. unjour, il m’a parlé de cet appareil d’occasion. Ilcoûtait 600 000 yens ! une fortune, l’équivalentd’une petite voiture. Mais il m’a dit que le pro-priétaire était prêt à s’en séparer pour la moitiédu prix. A l’époque, j’étais complètement fauché.Il l’a alors acheté pour moi. C’est comme ça queje suis entré en possession de ce magnifiqueappareil avec un simple objectif de 80 mm. Maisje ne savais rien de la photographie. J’ai alorscommencé à me lancer dans la photo pendantmon temps libre.

Vous n’avez pas pu vivre de la photographieavant 1984. Vous aviez alors 40 ans. Commentavez-vous fait avant ?K. H. : J’ai fait toutes sortes de boulots. J’aid’abord été chauffeur de camion avant de travaillersur un chantier naval. Bien sûr, je continuais àprendre des photos jusqu’au jour où quelques-unes d’entre elles ont été publiées dans un maga-zine. L’éditeur m’a dit que j’avais du potentiel etil m’a encouragé à poursuivre et à m’investir da-vantage. En même temps, je voulais maîtriser ledéveloppement et l’impression des images. J’aidonc réussi à me faire embaucher dans un labo-ratoire photographique où j’ai travaillé de 1973à 1976 comme technicien dans une chambrenoire. Ensuite, j’ai bossé dans une usine du groupeautomobile Isuzu.

Portraits d’Asakusa (2008) est votre ouvrage leplus connu. En quoi le quartier d’Asakusa est-il important dans votre travail de photographe ?K. H. : Ce qui est amusant, c’est que beaucoupde gens pensent que je vis à Asakusa. Mais cen’est pas le cas. Je m’y suis retrouvé par hasardet j’ai commencé à photographier là-bas. unjour que je me promenais autour du templeSensôji, j’ai découvert ce mur vermillon qui de-venait gris foncé sur les photographies en noir

et blanc, constituant un excellent fond pourmes photos. C’est comme ça que j’en ai faitmon “studio”. Je n’ai vécu qu’une courte périodeà Asakusa, mais j’ai conservé l’habitude de venirà mon “studio” plusieurs fois par semaine. Pourêtre tout à fait honnête, quand je prends des cli-chés, je me fiche de l’endroit où je me trouve etde la nationalité de mes modèles. Le plus im-portant pour moi, c’est que la personne quiregarde mes photos soit en mesure de créer unlien avec elles.

Quel genre de personnes vous attire commemodèle potentiel ?K. H. : Quand vous regardez mes portraits, vousdevez vous dire que je suis attiré par les personnesatypiques. En réalité, ce n’est pas aussi simpleque ça. Je ne suis pas à la recherche de monstres.Je cherche des gens dont le portrait peut révélerquelque chose de significatif et d’intéressant surla condition humaine. Je suppose que cela est liéà ma formation de philosophe. C’est difficile àexpliquer, mais certaines personnes ont une aura

Une professeur de danse traditionnelle japonaise, 1986

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autour d’elles, un attrait universel qui transcendeles frontières et les cultures. Dès que je les croise,je sais que ce sont les bons modèles. Bien sûr, cesgens sont difficiles à trouver. Il m’arrive parfoisde passer trois ou quatre heures à Asakusa et definir avec seulement deux ou trois photos. Quandje demande à quelqu’un de le prendre en photo,il refuse rarement. Je suppose que le genre depersonnes que j’apprécie aime poser devant unappareil photo. Heureusement ce sont aussi desgens qui comprennent le contexte et ne réclament

pas trop d’explications de ma part. On peut direqu’il existe une compréhension naturelle et taciteentre nous.

Vous semblez peu intéressé par le numérique.K. H. : A mes yeux, la photographie numériqueest bonne lorsque vous voulez rassembler desinformations ou montrer des faits. Mais si voussouhaitez utiliser la photographie comme unmoyen d’expression, il n’y a rien de mieux quel’argentique. Vous avez besoin de vous entraîner

pour vous améliorer et même le travail de déve-loppement et d’impression offre une qualité trèstactile. En un sens, je considère cela comme untravail manuel pour lequel on ne réussit pas im-médiatement à la perfection. La photographienumérique facilite beaucoup les choses, tropsans doute. Si bien que vous finissez par fairetrop de clichés. C’est la raison pour laquelle jecontinue à pratiquer la photographie analogiqueet monochrome.

Vous n’aimez pas la couleur non plus ?K. H. : La couleur me convient quand je veuxm’amuser avec mon appareil photo, mais quandles choses deviennent sérieuses, je ne jure quepar le monochrome. Je pense que la couleurn’est pas indispensable pour vous exprimer avecla photographie. Je pense qu’en cachant certainesinformations comme la couleur, vous amenez lespectateur à jouer un rôle plus actif, car il utiliseson imagination pour remplir les blancs.

Pourquoi avez-vous choisi de vous concentrersur les portraits ?K. H. : Je pourrais vous répondre que j’aime melancer des défis dans la mesure où la photographiede portrait est très difficile à maîtriser. Pourmoi, ce qui est trop facile à atteindre n’est pasintéressant. Les bons portraits vous racontentbeaucoup plus de choses que ce que vos yeuxcaptent d’ordinaire. Vous êtes en mesure desaisir, de sentir la vie que ces personnes ont vécujusqu’à cet instant, leurs joies comme leurs peines.Parfois, il m’arrive de rencontrer la mêmepersonne 10 ou 15 ans après et il est intéressantde renouer avec elle pour découvrir ce qui achangé dans sa vie. Les portraits ne concernentpas seulement les gens. Quand je photographieun lieu en particulier, je fais aussi un portrait.En général, il n’y a personne sur ces clichés.Pourtant il en émane une atmosphère particulièreet vous pouvez imaginer quel genre d’êtres y vi-vent et ce qu’ils y font.

PROPOS RECUEILLIS PAR JEAN DEROME

Le vent qui suit la courbe de la rivière, 1985

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p our la première fois en France, le célèbrepeintre japonais de l’époque d’Edo, UtA-GAwA Kuniyoshi (1797-1861), fait l’objet

d’une grande exposition. Saluons le directeur duPetit Palais, Christophe Leribault et les commissairesde l’exposition Gaelle Rio et IwAKIRI yuriko quiont choisi de faire connaître ce talentueux artiste.Si Hokusai, Utamaro et Hiroshige sont désormaisfamiliers des amateurs d’art japonais, les muséesfrançais hésitent souvent à exposer des peintres in-connus dans l’hexagone et pourtant si célèbres auJapon. Cette flamboyante exposition s’attache àprésenter les œuvres principales de Kuniyoshi quiexcella dans tous les genres mais reste surtout lemaître incontestable des estampes de guerriers etdes estampes ludiques et satiriques.originaire de la ville d’Edo, il naquit dans unefamille d’artisans. Sa sensibilité artistique se développaau contact des motifs et couleurs des étoffes quiemplissaient l’atelier de son père, teinturier de sonmétier. Sa passion pour le dessin remonte à sa plustendre enfance. Il s’amusait, dès l’âge de 7 ans, àcopier les œuvres des artistes célèbres. La maturitédu trait de sa peinture Shôki, le démon querelleurtenant une épée, surprit le peintre UtAGAwA toyo-kuni II (1769-1825) qui le prit dans son ateliercomme disciple, alors qu’il venait tout juste d’avoirquinze ans. Comme tous les artistes japonais, Ku-niyoshi commença par des illustrations de récitspopulaires. Mais c’est surtout au monde de l’estampeukiyo-e que son nom reste attaché. on estime qu’ilcréa plus de dix mille dessins (tout dessin se faisait

au pinceau et à l’encre de chine) qui connurent,pour beaucoup, un grand succès. La réalisation d’une estampe xylographique poly-chrome était et demeure un travail d’équipe, avec àsa base un éditeur qui choisit le peintre en fonctiondes œuvres qu’il souhaite vendre. Le dessin dupeintre, soumis à la censure, était ensuite transmisà un graveur qui devait graver autant de planchesen bois de cerisier qu’il y avait de couleurs à imprimer.Il les confiait ensuite à un imprimeur . Les estampesdevaient être belles, originales et suivre les tendancesdes goûts et de la mode du moment. Bon marché,on les achetait, ainsi que les livres illustrés, dans desmagasins spécialisés (ezôshi-ya). Passées de mode,on les jetait sans regret, comme on le ferait aujourd’huid’anciennes revues ou de vieux journaux. Ce n’estque dans la seconde moitié du XIXe siècle, lorsque

Méconnu en France mais très célèbre auJapon, l’artiste est pour la première foishonoré en France.

EXPO Kuniyoshi, le démon de l’estampedes graveurs comme Félix Bracquemond, des hommesde lettres comme les frères Goncourt et des peintrescomme Édouard Manet ou Claude Monet se prirentde passion pour les estampes, que les Japonais encomprirent la valeur artistique et culturelle.Comme tous les peintres japonais, Kuniyoshi mitprès d’une dizaine d’années à trouver son style.C’est véritablement avec sa série : Suikoden, Cent-huit héros chinois, que son talent éclata. Il consacraensuite une autre série aux guerriers et héros de sonpays. Il les représenta, luttant contre de terriblesadversaires, des serpents géants ou autres créaturessurnaturelles. Ses héros japonais aux postures com-plexes laissent, pour la plupart, découvrir de ma-gnifiques tatouages sur un corps musclé, symboled’une force inébranlable. Sur leur visage se lit uneimplacable détermination. Le succès de ces estampesde guerriers fut immédiat. L’affiche de l’exposition représente l’un des hérosde légende les plus populaires de l’archipel : Kintarôs’accrochant à une carpe géante. Fils de la sorcièrede la montagne Ashigara, Kintarô est toujours re-présenté comme un enfant potelé et très rouge,doté d’une force exceptionnelle. Il devint l’un desquatre valeureux vassaux du guerrier MIyAMoto

yorimitsu et prit alors le nom de SAKAtA noKintoki. Kuniyoshi lui a donné le nom de SAKAtA

Kaidô-maru qu’on lui attribuait dans les pièces duthéâtre kabuki. Il est représenté, embrassant de sespetits bras musclés, une carpe géante qui tente deremonter le courant. Les bulles qui se dégagenttout autour de l’énorme poisson donnent un dy-namisme à cette composition originale.L’une des estampes les plus célèbres de Kuniyoshireste celle de la Princesse takiyasha appelant unmonstrueux fantôme squelettique à l'ancien palais,à Sôma. Le guerrier Mitsukuni qui se tient au centrelutte contre son ennemi, tandis qu’à gauche, laprincesse takiyasha, redoutable magicienne, lit laformule magique et fait apparaître un squelettegéant. La scène se déroule dans le palais en ruines

Guerriers et dragons Rôshi Ensei. Vers 1828-1829.

Nishiki-e, format ōban (39 × 26,5 cm). Coll. privée.

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Infos pratIquesfantastique ! Kuniyoshi jusqu’au 17 janvier 2016. petit palais avenue Winston Churchill, 75008 paris.Du mardi au dimanche de 10h à 18h. 10 € (tr 7 €).

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Un événement au cœur du Toulouse Game Show 2015PARC DES EXPOSITIONS

DE TOULOUSE

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ZOOM CULTURE

de Sôma, à Sashima, où le félon Taira no Masakadoavait installé sa cour et voulut rivaliser avec lepouvoir légitime de la cour impériale. La belle Ta-kiyasha, fille du traître Masakado, ne parvint pas àses fins et le guerrier qui ne se laissa pas intimiderpar le spectre, sortit vainqueur du combat.Kuniyoshi fut aussi le maître des estampes satiriqueset ludiques. À l’époque d’Edo (1603-1868), la poli-tique gouvernementale fut très réglementée et àplusieurs reprises, des lois somptuaires et une censuretrès stricte tentèrent de restreindre la liberté desartistes. Les réformes draconiennes de l’ère Tenpô(1830-43) eurent une profonde influence sur lemonde de l’édition et la création des estampes. ilfut interdit de vendre des estampes représentantdes acteurs, des geishas, des courtisanes, des per-sonnages en rapport avec le pouvoir ainsi que desestampes érotiques. Ceux qui enfreignaient la loiétaient sévèrement punis. Les artistes s’empressèrentdonc de trouver des subterfuges et Kuniyoshi futl’un des plus doués en la matière. Sous un aspectanodin, il donna à des poissons, à des chats, ouautres animaux, le visage d’un acteur. il critiqua lapolitique de son époque en représentant les politicienssous les traits de héros de légendes ce qui amusaitses contemporains qui s’arrachaient ses estampes.Kuniyoshi fut aussi célèbre pour ses visages composés.On ne sait précisément d’où il tira son inspirationpour créer ces œuvres pleines d’humour, probable-ment d’œuvres dans le style du peintre maniéristeitalien arcimboldo (c.1527-1593).Kuniyoshi, comme tous les artistes de sa génération,s’intéressa à l’art occidental et se passionna pour lesgravures sur cuivre européennes. il leur empruntasouvent le décor, changea quelques détails et remplaçales sujets par des personnages japonais, donnantainsi naissance à des créations originales, cristallisationde l’art occidental et de l’art japonais. Kuniyoshiquitta ce monde peu avant l’ère Meiji (1868-1912)et l’occidentalisation à outrance du pays. Cet artisteinfatigable aux dons multiples laissa une œuvrecolossale. Fantastique, ludique, cette magnifiqueexposition sera une révélation pour le publicparisien. BRIGITTE KOYAMA-RICHARD

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Il fait peur à voir mais c’est quelqu’un de bien,vers 1847. Nishiki-e, format ôban (39 × 26,5 cm). Collec-

tion particulière

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24 ZOOM JAPON numéro 54 octobre 2015

ZOOM GOURMAND

Rencontre avec le bœufmade in JapanLe wagyû ou bœuf japonais a une

particularité que les viandes bovines

d’Europe ou d’Amérique n’ont pas : le

fondant. Une caractéristique qui lui vaut

de séduire de nombreux amateurs

malgré son coût souvent prohibitif. En

France, wagyû est synonyme de bœuf de

Kôbe. Pourtant, à l’instar des différentes

qualités de viande française (charolaise,

limousine ou encore blonde

d’Aquitaine), il existe au Japon des

différences notables de goût entre les

viandes selon leur région d’origine

même si elles conservent le fondant si

particulier.

Pour

découvrir ces

particularités

gustatives,

deux

préfectures

japonaises,

Gifu et

Gunma, se

sont

associées

pour

proposer au public français de goûter

leur production locale. Du 13 au

19 octobre, plusieurs restaurants

français (ES : tél. 01 45 51 25 74, Pages :

tél. 01 47 20 74 94, Passage 53 : tél. 01

42 33 04 35, Sola : tél. 01 43 29 59 04) et

japonais (Aida : tél. 01 43 06 14 18,

Kunitoraya : tél. 01 47 03 07 74

(jusqu’au 27 octobre), Okuda : tél. 01 40

70 19 19 et Sushi Ginza Onodera : tél. 01

40 20 09 30) proposeront sur leurs cartes

des plats préparés avec ces viandes très

persillées. Une façon originale et

gourmande de promouvoir le wagyû.

SAVEUR La magie des prunesgeant avec de l’eau fraîche ou du soda.Lorsque les ume mûrissent, elles deviennent jau-nâtres et ressemblent aux abricots. Elles sont appro-priées pour l’umeboshi, prune salée, ou traduit lit-téralement “ume séchée” : placez-les pendant aumoins un mois dans du gros sel équivalent à envi-ron 12 % de fruits, puis faire sécher au soleil pen-dant 3 jours. C’est tout ! Après, vous pouvez lesgarder dans un bocal ou dans un pot à l’obscuritéplus d’un an. Dans un environnement bien tem-péré, elles peuvent se conserver plus de 100 ans !L’umeboshi est souvent utilisée dans les bentô, c’esten raison de son caractère bactéricide et aussi parcequ’elle antiseptise les aliments à son contact. Cet

effet est prouvé depuisdes siècles puisquel’onigiri (boulette deriz) à l’umeboshi étaitdéjà servi commeration de combat pourles samouraïs del’époque Sengoku (duXVe au XVIe siècle).Elle était aussi utiliséepour guérir leurs bles-sures. La magie del’ume ne s’arrête paslà ! Il ne faut pas jeterle jus, umezu, quiapparaît pendant la

salaison. Il contient aussi plusieurs composantsbénéfiques à la santé. On dit aussi que même lasalive provoquée par son goût aigre contient unesorte d’hormone anti-âge ! Faute d’ume, vous trouverez ces produits dansles épiceries japonaises ou dans des magasins bio.Mais vous pouvez adapter l’umeboshi en France,en remplaçant les ume par des mirabelles ou desabricots, sans oublier d’y ajouter de l’acide citriqueou simplement du jus de citron.

MAEDA HARUYO

S ’il existe des aliments qui vous préserventde toutes les maladies, cela ne vousdonne-t-il pas envie de les avoir chez

vous ? Au Japon, traditionnellement il s’agit deproduits à base de prunes, ume. C’est un fruit ànoyaux, comme les abricots, importé de Chineavant l’époque de Nara (710-794). Naturellementacide et toxique, il est immangeable cru, mais unefois préparé, en boisson ou mariné, son compo-sant principal, l’acide citrique, permet de luttercontre la fatigue, maisaussi de combattre cer-tains effets toxiques. Dans l’archipel, les umeque nous trouvons surles marchés sont desaoume, encore vertes etidéales pour préparer laliqueur umeshu (voir lapage suivante). Quandvous avez un rendez-vous important le len-demain matin d’unegrosse fête inévitable,choisissez de consom-mer pendant la soiréede l’umeshu. Son acide picrique agit sur le fonc-tionnement du foie et vous empêchera d’avoir lagueule de bois !Si vous ne supportez pas l’alcool, vous pouvez faireégalement le sirop d’ume : mettre du sucre candiet des ume en bocal et le laisser macérer pendant7 à 10 jours. Lorsque le sucre est bien fondu et lejus d’ume suinte, faites alors bouillir le sirop dansune casserole après avoir enlevé les fruits et filtréle liquide. Cela se conserve pendant un an dans lefrigo dans un bocal hermétique. A boire en allé-

Le secret de la gastronomie japonaise setrouve souvent dans ses traditions. Lesprunes ume en font partie.

L’umeboshi se prépare avec des feuilles de shiso

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ZOOM GOURMAND

L A RECETTE DE HARUYO

PRÉPARATION1 - Enlever le calice de l’ume.2 - Bien laver avant d’essuyer.3 - Mettre les prunes dans un bocal pasteurisé avec

le sucre candi et l’alcool blanc. 4 - Laisser reposer à l’abri pendant 1 an. 5 - Enlever les prunes puis transférer dans un bocal.

6 - Servir bien frais, avec des glaçons ou mélangeravec du tonic.

Astuce : Vous pouvez remplacer la prune par del’abricot. C’est aussi bon !

INGRÉDIENTS

1kg d’ume (prune japonaise)800 g de sucre candi1l d’alcool blanc

UMESHU(Alcool de prune)

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I l y a dix ans, j’ai découvert TAnIguChI Jirôgrâce à son manga intitulé L’Homme quimarche (Aruku Hito, Casterman). Le pro-

tagoniste de ce charmant petit ouvrage est un sala-rié d’une trentaine d’années qui, dans son tempslibre, aime se promener autour de sa maison situéedans la banlieue. Il ne se passe rien de particulierdans ces histoires, mais il y a toujours quelquechose - un petit détail, un son subtil - qui parvient

à attirer son attention. Alors que la plupart desgens s’agitent autour de lui, cet homme laisse sonregard curieux errer, comme un flâneur de ban-lieue, jusqu'à ce que même les petites choses fami-lières se transforment en épiphanies extraordi-naires.J’ai récemment relu ce livre et je me suis renducompte que l'endroit où je vivais était très sem-blable à celui représenté par TAnIguChI Jirô. J’aidonc décidé de suivre l'exemple de L’Homme quimarche et d'explorer mon quartier en ayant unenouvelle approche avec les yeux et les oreillesgrands ouverts.

Le quartier autour de la gare a été récemmentréaménagé. Fini les vieilles boutiques poussiéreuses.A leur place, on trouve maintenant un bloc d’im-meubles, un tout nouveau supermarché et l’incon-tournable restaurant familial. Cependant, le coinsitué derrière ma maison n'a pas changé du toutdepuis mon arrivée il y a 13 ans. Il suffit de passerle coin de la rue pour avoir une vue magnifique surde petites parcelles cultivées et une petite rivièrequi serpente lentement vers la baie de Tôkyô.J’adore me promener le long des nombreuses rizièreset voir comment elles changent au fil des saisons.Début juin, les champs irrigués reflètent le ciel chan-

On connaît la seconde ville du Japonpour son port et son quartier chinois,découvrez sa face cachée.

Il suffit de s’approcher du bord pour que les carpes grises viennent réclamer leur nourriture.

EXPÉRIENCE L’autre visage de Yokohama

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I l y a dix ans, j’ai découvert TAnIguChI Jirôgrâce à son manga intitulé L’Homme quimarche (Aruku Hito, Casterman). Le pro-

tagoniste de ce charmant petit ouvrage est un sala-rié d’une trentaine d’années qui, dans son tempslibre, aime se promener autour de sa maison situéedans la banlieue. Il ne se passe rien de particulierdans ces histoires, mais il y a toujours quelquechose - un petit détail, un son subtil - qui parvient

à attirer son attention. Alors que la plupart desgens s’agitent autour de lui, cet homme laisse sonregard curieux errer, comme un flâneur de ban-lieue, jusqu'à ce que même les petites choses fami-lières se transforment en épiphanies extraordi-naires.J’ai récemment relu ce livre et je me suis renducompte que l'endroit où je vivais était très sem-blable à celui représenté par TAnIguChI Jirô. J’aidonc décidé de suivre l'exemple de L’Homme quimarche et d'explorer mon quartier en ayant unenouvelle approche avec les yeux et les oreillesgrands ouverts.

Le quartier autour de la gare a été récemmentréaménagé. Fini les vieilles boutiques poussiéreuses.A leur place, on trouve maintenant un bloc d’im-meubles, un tout nouveau supermarché et l’incon-tournable restaurant familial. Cependant, le coinsitué derrière ma maison n'a pas changé du toutdepuis mon arrivée il y a 13 ans. Il suffit de passerle coin de la rue pour avoir une vue magnifique surde petites parcelles cultivées et une petite rivièrequi serpente lentement vers la baie de Tôkyô.J’adore me promener le long des nombreuses rizièreset voir comment elles changent au fil des saisons.Début juin, les champs irrigués reflètent le ciel chan-

On connaît la seconde ville du Japonpour son port et son quartier chinois,découvrez sa face cachée.

Il suffit de s’approcher du bord pour que les carpes grises viennent réclamer leur nourriture.

EXPÉRIENCE L’autre visage de Yokohama

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ZOOM VOYAGE

geant. Pendant l’été, ils se transforment en une merverte brillante, une nuance que je n’ai jamais ren-contrée en Europe et qui ne cesse de me fasciner.Au moment des moissons, on voit apparaître desmilliers de bottes de paille de riz semblables, à lanuit tombée, à des milliers de soldats en faction.La rivière coule entre deux hauts murs de bétonet abrite des dizaines de carpes grises. Ce sontd'énormes poissons voraces qui se rassemblent enhâte le long des rives chaque fois que quelqu'unse penche sur la clôture, en espérant être nourris

avec du pain.Si cette rivière n’a rien d’un lieu exotique, il y ades moments où, si vous êtes chanceux, vous pou-vez apercevoir un oiseau semblable à une cigognedebout, parfaitement immobile au milieu de larivière peu profonde. Dans son élégante beauté,on dirait une apparition fantomatique.Puisqu’on évoque les oiseaux, mon quartier sembleêtre leur lieu de rendez-vous. Un jour, alors queje rentrais chez moi à partir de la gare, en prenantun raccourci à travers un groupe d’immeubles, j’ai

remarqué un couple d'hirondelles virevoltant dansle dédale des passages bétonnés. J’ai alors décidéde les suivre pour finalement découvrir leur nidinstallé sous un plafond. Apparemment, ils revien-nent chaque année, et les résidents ont même ins-tallé une étagère en bois afin de protéger le nid...et les passants des fientes d'oiseaux. Depuis cettedécouverte, j’ai commencé à faire plus attentionà mon environnement et je suis devenu plus atten-tif aux oiseaux qui volent tous les jours autour dema maison. Il y a des moineaux en quête perma-

Malgré son statut de grande ville, la seconde du pays en termes de population, Yokohama conserve un côté campagne très séduisant.

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Dans cette partie de la ville, on ne se presse pas.

Les hommes et la nature ont trouvé leur équilibre.

Comme 2 000 autres cités japonaises, Yokohama

dispose de plaques d’égout particulières qui susci-

tent l’intérêt de nombreux curieux.

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nente de nourriture et les grands corbeaux à l’aireffrayant qui règnent sur la rue, intimidant lespetits oiseaux et fouillant les sacs à ordures. Ceprintemps, pour la première fois, un couple depies a fait son nid dans la maison de mes voisins,les TAnAbe, dans une ouverture étroite entre lemur et la fenêtre. Les maisons japonaises étantconstruites toujours près les unes des autres, ilm’est très facile d'observer les allées et venues dujeune couple qui nourrit alternativement sa pro-géniture. Chibita, la chatte des TAnAbe, passeparesseusement son temps à se promener dans lequartier, levant les yeux vers tous ces oiseaux.L’après-midi, on la retrouve généralement dansle temple voisin en train de faire une sieste, rêvantprobablement d'en attraper un.Les oiseaux sont aussi présents sur les plaquesd'égout de l'immense parc situé près de mon domi-cile. Cela m'a fait penser à la multitude des stylesque l’on rencontre pour les plaques d’égout auJapon. Un jour, je me suis rendu à la bibliothèque

du quartier pour en apprendre un peu plus sur ceséléments du décor urbain et j’ai été surpris dedécouvrir plusieurs livres sur le sujet avec des titresallant de “Guide complet des plaques d’égout” à“Ces gens qui aiment les plaques d’égout”. Il sem-ble que les gens ici considèrent les plaques d’égoutavec beaucoup de sérieux. J’ai même trouvé surInternet une association japonaise des plaquesd’égout. Près de 2 000 municipalités ont doté leursplaques d’égout d’un décor original, avec princi-palement des fleurs et des animaux. On trouveensuite des motifs géométriques.Aujourd'hui, j’ai eu la chance de terminer montravail plus tôt que d'habitude. Ma femme estvenue à ma rencontre à la gare et, ensemble, nousavons pris la direction des rizières où nous avonsmangé le gâteau qu'elle venait de préparer tout enregardant le petit train local qui rythme notre viequotidienne. Passage de train et sucreries, que vou-lez-vous de plus ?

JEAN DEROME

ZOOM VOYAGE

Ville et campagne font bon ménage. Les gens apprécient de vivre dans cet environnement unique.

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nente de nourriture et les grands corbeaux à l’aireffrayant qui règnent sur la rue, intimidant lespetits oiseaux et fouillant les sacs à ordures. Ceprintemps, pour la première fois, un couple depies a fait son nid dans la maison de mes voisins,les TAnAbe, dans une ouverture étroite entre lemur et la fenêtre. Les maisons japonaises étantconstruites toujours près les unes des autres, ilm’est très facile d'observer les allées et venues dujeune couple qui nourrit alternativement sa pro-géniture. Chibita, la chatte des TAnAbe, passeparesseusement son temps à se promener dans lequartier, levant les yeux vers tous ces oiseaux.L’après-midi, on la retrouve généralement dansle temple voisin en train de faire une sieste, rêvantprobablement d'en attraper un.Les oiseaux sont aussi présents sur les plaquesd'égout de l'immense parc situé près de mon domi-cile. Cela m'a fait penser à la multitude des stylesque l’on rencontre pour les plaques d’égout auJapon. Un jour, je me suis rendu à la bibliothèque

du quartier pour en apprendre un peu plus sur ceséléments du décor urbain et j’ai été surpris dedécouvrir plusieurs livres sur le sujet avec des titresallant de “Guide complet des plaques d’égout” à“Ces gens qui aiment les plaques d’égout”. Il sem-ble que les gens ici considèrent les plaques d’égoutavec beaucoup de sérieux. J’ai même trouvé surInternet une association japonaise des plaquesd’égout. Près de 2 000 municipalités ont doté leursplaques d’égout d’un décor original, avec princi-palement des fleurs et des animaux. On trouveensuite des motifs géométriques.Aujourd'hui, j’ai eu la chance de terminer montravail plus tôt que d'habitude. Ma femme estvenue à ma rencontre à la gare et, ensemble, nousavons pris la direction des rizières où nous avonsmangé le gâteau qu'elle venait de préparer tout enregardant le petit train local qui rythme notre viequotidienne. Passage de train et sucreries, que vou-lez-vous de plus ?

JEAN DEROME

ZOOM VOYAGE

Ville et campagne font bon ménage. Les gens apprécient de vivre dans cet environnement unique.

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• Semaine du WagyuDes chefs japonais propose-

ront du 13 au 19 octobredes plats conçus à partir debœuf japonais. Les préfec-tures de Gifu et de Gunmanous offrent leurs spécialités- notamment de Wagyu -en vue de la promotion dece produit de qualité supé-rieure. www.fr.emb-japan.go.jp/actualite/2015/se-maine_wagyu.html

• Stage intensif de japo-nais pour débutant du 13nov. au 16 déc. 2015 - 20heures - mer. et ven. 19h-21h - 260€ TTC. Matérielcompris. Inscription surwww.espacejapon.com

• Stages intensifs deMANGA pendant les va-cances de la Toussaint. 5jours. De 11h~15h. 265€ttc(matériel et repas compris).Informations et inscriptionsur www.espacejapon.com

•Paris Fudosan le spécia-liste de l'immobilier franco-japonais à Paris recherchedes STUDIOS à louer pourses étudiants et expatriés ja-

ponais. 18 rue de Richelieu75001 Tel : 01 4286 8739 [email protected]

Foodex importateur et distribu-teur de produits alimentaires japonais rechercheun Commercial Terrain sur Paris et région parisienne.

Celui-ci aura pour missions de développer le portefeuille

la clientèle existante. Une première expérience commerciale est nécessaire, si possible dans la restauration. Nous recherchons une per-sonne autonome, organisée et ayant une sensibilité pour la gastronomie japonaise. Merci de faire parvenir votre CV et lettre de motivation à [email protected]

ZOOM ANNONCES

Charlotte HODEZ, AvocatSidonie ROUFIAT, Avocat et Médiateur

Mettent leurs compétences à votre dispo-sition en matière de :

• Droit du séjour et du travail des étrangers• Droit du travail (individuel et collectif)• Droit de la famille• Droit médical et réparation de préjudices corporels• Droit pénal Conseil et assistance devant les juridictions.Résolution amiable des conflits

Notre atout : notre expérience des relations franco-japonaises

Les honoraires sont déterminés en commun accord avec le client selon la na-ture du dossier. N’hésitez pas à nous contacter pour plus de renseignements.

HODEZ ROUFIAT AVOCATS ASSOCIES (A.A.R.P.I.)25 boulevard Voltaire - 75011 Paris

Tél. 01 55 80 57 40, [email protected]

Tarifs des annonces (pour 100 carac.)

Emploi 50€ttcEvénement 45€ttcCours 40€ttcAmitié 40€ttcLogement 35€ttcDivers 30€ttc

Options20 car. suppl. 5€ttcoption web 20€ttc(publication immédiate sur le web + 5 img.)

cadre 50€ttcgras 50€ttcimg. papier 100€ttc

AWA ODORI PARIS vol.1Un air de « Matsuri » japonais débarque place des Vosges !

Venez découvrir et participer à cette grande fête populaire japonaise

Le 2 octobre 2015 à partir de 12h30

au square Louis XIII à la place des Vosges 75004 Paris

Spectacle gratuit et des éventails seront offerts aux participants Plusieurs démonstrations auront lieu ce jour-là.

Pour toutes informations veuillez contacter :

Art Sanjo Tél : 01 44 07 00 45 mail : [email protected] www.awaodoriparis.com/jp

www.facebook.com/awaodoriparis

Un atelier pour apprendre les pas de cette danse aura lieuà la maison de la culture du Japon à Paris la veille :Le 1er octobre 2015 de 19h à 20h30 dans la grande salle (niveau -3)Participation sur réservation auprès de la maison de la culture du Japon à ParisWeb : www.mcjp.frTél: 01 44 37 95 95 (du mardi au samedi de 12h à 19h30)

14ème concours de Haïku des enfants du mondeentier 2015-2016 (JAL foundation)

Participation : envoyer un Haïku en 3 vers en françaissur un dessin original. Format : A4. Thème : le matin.Condition d’âge : moins de 16 ans à la date du 15 fé-vrier 2016. Date limite : 15/02/2016. Adresse : JALfoundation Haïku contest c/o Japn Airlines 4, rue deVentadour 75001 Paris. Email : [email protected]

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• Semaine du WagyuDes chefs japonais propose-

ront du 13 au 19 octobredes plats conçus à partir debœuf japonais. Les préfec-tures de Gifu et de Gunmanous offrent leurs spécialités- notamment de Wagyu -en vue de la promotion dece produit de qualité supé-rieure. www.fr.emb-japan.go.jp/actualite/2015/se-maine_wagyu.html

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ponais. 18 rue de Richelieu75001 Tel : 01 4286 8739 [email protected]

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Celui-ci aura pour missions de développer le portefeuille

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Les honoraires sont déterminés en commun accord avec le client selon la na-ture du dossier. N’hésitez pas à nous contacter pour plus de renseignements.

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Le 2 octobre 2015 à partir de 12h30

au square Louis XIII à la place des Vosges 75004 Paris

Spectacle gratuit et des éventails seront offerts aux participants Plusieurs démonstrations auront lieu ce jour-là.

Pour toutes informations veuillez contacter :

Art Sanjo Tél : 01 44 07 00 45 mail : [email protected] www.awaodoriparis.com/jp

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Un atelier pour apprendre les pas de cette danse aura lieuà la maison de la culture du Japon à Paris la veille :Le 1er octobre 2015 de 19h à 20h30 dans la grande salle (niveau -3)Participation sur réservation auprès de la maison de la culture du Japon à ParisWeb : www.mcjp.frTél: 01 44 37 95 95 (du mardi au samedi de 12h à 19h30)

14ème concours de Haïku des enfants du mondeentier 2015-2016 (JAL foundation)

Participation : envoyer un Haïku en 3 vers en françaissur un dessin original. Format : A4. Thème : le matin.Condition d’âge : moins de 16 ans à la date du 15 fé-vrier 2016. Date limite : 15/02/2016. Adresse : JALfoundation Haïku contest c/o Japn Airlines 4, rue deVentadour 75001 Paris. Email : [email protected]

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