zoom japon 057

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Dominique Leray pour Zoom Japon www.zoomjapon.info gratuit numéro 57 - février 2016 Jazz attitude HOMMAGE Le Japon selon Bowie p. 14 VOYAGE Les samouraïs de Sôma p. 22

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Zoom Japon, numéro 57 (février 2016)

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Dominique Leray pour Zoom Japon

www.zoomjapon.info

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Jazz attitude

HOMMAGELe Japon selonBowie p. 14

VOYAGELes samouraïsde Sôma p. 22

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ÉDITOLet’s jazz !Il y a tout juste cinq ans(déjà !), nous vous pro-posions dans notrenuméro de février undossier consacré auxnouveaux enfants durock nippon. C’était

une façon d’aborder l’intérêt que les Japo-nais portent à la musique en général, maisnous n’avions pas l’intention de nous limi-ter à ce genre musical. Aussi pour ce pre-mier numéro de l’année 2016, nous avonschoisi de nous pencher sur un autre stylemusical dont de nombreux Japonais raf-folent : le jazz. C’est tellement vrai que leJapon est réputé non seulement pour sesmusiciens de grand talent, mais aussi pourses clubs, ses bars et ses magasins qui luiaccordent une place toute particulière.Bonne lecture.

LA RÉ[email protected]

TOURISME L’année de tousles recordsAvec 19,7 millions de visiteurs en 2015, le

Japon a enregistré un record en la matière,

atteignant, avec 5 ans d'avance, l’objectif

que le gouvernement s’était fixé pour

2020. Les plus nombreux sont les Chinois

(4,9 millions), les Coréens (4 millions) et

les Taïwanais (3,6 millions). Une manne

financière pour le pays puisque le secteur

du tourisme pèse désormais aussi lourd

que celui des pièces détachées

automobiles ou des semi-conducteurs.

ECHANGE Pause étendueentre Narita et RoissyDepuis les attentats du 13 novembre

qui ont endeuillé Paris, les touristes

japonais boudent la capitale française.

Japan Airlines qui a vu le taux

d’occupation de ses avions baisser de

40 % a décidé de suspendre jusqu’au

15 mars ses vols entre Tôkyô et Paris

au départ de l’aéroport de Narita. En

revanche, la desserte entre Haneda et

Roissy-Charles-de-Gaulle est

maintenue sans changement.

ans que le Japon et la

Belgique entretiennent des

relations diplomatiques.

C’est en effet le 1er août 1866 que les

deux pays ont signé leur premier traité

bilatéral. Pour marquer cet anniversaire,

le roi Philippe se rendra au Japon en

octobre et le Premier ministre ABE

Shinzô ira en Belgique.

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L E REGARD D’ERIC RECHSTEINER

Bien que le baseball demeure un sport très populaire, le football suscite un véritable engouement, en particulierchez les jeunes. En cette matinée ensoleillée de décembre 2015, une partie se déroule sur un terrain réservéaux habitants de ce quartier central de la capitale. Ceux-ci peuvent le louer au prix de 7 000 yens (54,9 euros)l’heure. Un tarif somme toute élevé, mais qui ne décourage pas ces amateurs de ballon rond.

Arrondissement de Shibuya, Tôkyô

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Couverture : Dominique Leray

ZOOM ACTU

2 ZOOM JAPON numéro 57 février 2016

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4 ZOOM JAPON numéro 57 février 2016

ZOOM ACTU

A Onagawa, presque entièrement dévastéelors du séisme de mars 2011, les projetsde reconstruction ont été menés conjoin-

tement avec l’ensemble des habitants, des entrepriseset de la municipalité avec pour devise “Reconstruisonsnotre ville pour les mille ans à venir”.En mars 2015, à l’occasion de la réouverturecomplète de la ligne Ishinomaki, la première phasea été marquée par l’inauguration de la gare d’Onagawaqui abrite également une station thermale. Le23 décembre, une nouvelle étape a été franchieavec l’ouverture du centre commercial SeapalpierOnagawa dont le nom a été forgé à partir destermes anglais sea (la mer), pal (les copains) et pier(la jetée). Il se situe dans le quartier commerçant àproximité de la gare. de l’autre côté, on remarquel’apparition de commerces indépendants. La rapiditéde cette reconstruction, fruit de la collaborationentre la municipalité et le secteur privé, a attirél’attention d’autres villes, au point de faire de cequartier un exemple en la matière.C’est au matin du 21 mars 2015 qu’un train a denouveau fait son entrée en gare d’Onagawa aprèsla remise en service du tronçon de 2,3 km entreurashuku et Onagawa. La ligne avait été détruiteen grande partie et abandonnée depuis le séisme.Voilà pourquoi le quartier a organisé plusieurs ma-nifestations pour célébrer cet événement, parmilesquels l’inauguration de l’établissement thermalYupoppo installé à l’intérieur même du bâtimentde la gare.Cette dernière se trouve un peu plus loin de la merque la précédente. Fruit de l’imagination de l’ar-chitecte Ban Shigeru, elle a été construite en boiset en béton sur deux étages avec un toit bien parti-culier en forme de goéland. au rez-de-chaussée se

trouvent les voies ferrées ; au premier étage lastation thermale et au second, une terrasse offreun panorama magnifique sur la baie d’Onagawa.autour de la nouvelle gare, symbole du renouveau,on a assisté à une reprise des activités dans lesquartiers commerçants voisins. L’été dernier, l’ou-verture d’un magasin d’électroménager a amené, àla grande satisfaction de la clientèle, l’ouvertured’autres commerces. En partant de la gare, on acréé une rue piétonne baptisée Promenade. C’estlà qu’a été bâti le centre commercial SeapalpierOnagawa. Il est composé de six bâtiments d’unseul étage sur une surface totale de 2 300m2. Il re-groupe 27 commerces différents. Parmi eux, onretrouve des commerçants qui exerçaient leurmétier dans le quartier avant le séisme, mais aussiceux qui ont ouvert un commerce après le séismeet qui sont venus d’autres préfectures pour soutenir

Particulièrement touchée par letsunami, la petite cité portuaire retrouvedes couleurs et reprend espoir.

SÉRIE Un nouveau départ pour Onagawa

la reconstruction de la ville. Le 23 décembre, on aaussi inauguré le Centre d’échanges de la villed’Onagawa, lequel abrite un studio de musique oùa eu lieu la cérémonie d’inauguration de ce nouveauquartier commerçant.Lors de cette cérémonie, le maire Suda Yoshiaki arappelé que “les commerçants ont eu le courage d’af-fronter la dureté de l’existence et de surmonter latristesse et le désespoir. Avec l’ouverture du centrecommercial et du Centre d’échanges, c’est la villetout entière qui commence à reprendre des couleurs.‘En avant, Onagawa !’, voilà le slogan qui nouspousse à faire avancer nos projets.” Peu après, deuxécoliers ont officiellement marqué l’ouverture desactivités commerciales. “Malgré le tsunami, tout lemonde continue à vivre. Pour que notre ville continueà rester en forme encore longtemps, nous sommes icipour affirmer notre volonté. Pour un avenir meilleur,

Le quartier commerçant s’étend, en ligne droite, de la gare jusqu’à la mer.

Ishi

nom

aki H

ibi S

him

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février 2016 numéro 57 ZOOM JAPON 5

faisons sonner les cloches de l’espoir !”, ont-ils déclaré.A trois reprises, le carillon a alors retenti et pourfinir, les représentants ont coupé le ruban de l’inau-guration.Dans les magasins, on pouvait observer les com-merçants en train de discuter joyeusement avec leshabitants. AihArA Yoshikatsu, marchand delégumes, exerçait avant le séisme dans le quartiercommerçant de Nakadori près de la gare. il arouvert son magasin près du centre commercial etde la gare. il souhaite aujourd’hui que “le nouveauquartier soit apprécié aussi bien par les habitantsque par les touristes”. On y trouve non seulementd’anciens commerçants, mais aussi des personnesplus jeunes venues tenter leur chance en ouvrantun café ou un bar. Avant le séisme, c’était des per-sonnes plutôt âgées qui s’occupaient des projetsd’animation du quartier, mais, selon AihArA Yo-shikatsu, “c’est la première fois que des jeunes viennentproposer de nouveaux projets. Et nous sommes trèssatisfaits de voir que toutes les générations participentà la reconstruction. C’est bien la preuve que les liensentre les gens permettent de donner un nouveau

souffle à notre ville.”Avec cette inauguration, nombreux sont ceux quiveulent toucher la clientèle touristique. C’est lecas de la fleuriste Suzuki Chiaki qui tient laboutique Flower Shop Hanatomo. Avant la catas-trophe, elle vendait uniquement des fleurs, main-tenant, elle propose une plus large gamme deproduits et a également créé un atelier de bougiesaromatiques pour attirer les touristes. “En reprenantmon activité ici, je ferai tout mon possible pour quela ville revive”, affirme-t-elle, en soulignant qu’ilest important que les activités commerciales se dé-veloppent dans d’autres endroits de la ville etqu’elles ne se concentrent pas dans un seul endroitde la ville.La population d’Onagawa a diminué. Elle est passéede 10 000 à 6000. Malgré ce triste constat, lesprojets de reconstruction avancent pour reconfigurerla ville tout entière. une vision d’avenir se dégage.Les jeunes gens commencent à vouloir “rester ici”et “continuer à vivre ici”. C’est maintenant quecommence la véritable reconstruction.

YOKOI YASUHIKO

ZOOM ACTU

Derrière ce nouveau lieu de promenade et de shopping, la gare dessinée par BAN Shigeru.

Ishi

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6 ZOOM JAPON numéro 57 février 2016

L ’une des images qui colle le plus au Japon,c’est que le pays du soleil-levant est unenation d’imitateurs. on l’a dit pour les voi-

tures, les appareils photos et certains n’hésitent pasà affirmer que dans le domaine culturel, en parti-culier celui de la musique, les Japonais sont deremarquables techniciens, capables de jouer aussibien que les meilleurs artistes occidentaux, mais illeur manque ce petit quelque chose qui fait la dif-férence. Ce serait particulièrement visible au niveaudu jazz. si l’on écoute ces mauvaises langues, celarevient à dire que les musiciens nippons ne dispo-sent pas de la sensibilité indispensable pour créerune musique capable de transporter une audience.sans doute n’ont-elles pas eu la chance d’entendreun WATAnAbE sadao qui, malgré ses plus de80 printemps, peut encore retourner une salle avecson saxophone grâce à un jeu que les meilleurs spé-cialistes américains ont depuis longtemps reconnu.

Symbole de liberté, le jazz reste unemusique pleine de vie au pays du Soleil-levant où l’on sait aussi l’apprécier.

ZOOM DOSSIER

UEHARA Hiromi est une figure représentative de ce genre musical dans l’archipel (voir p. 9).

Au pays de la jazz attitude

DR

Elles n’ont probablement pas non plus eu la chanced’écouter Hiromi (voir p. 9) ou la grande AkiyosHi

Toshiko dont la grâce et parfois la puissance aupiano entraînent l’auditeur vers des sommets. Ellessont passées à côté de la pianiste onisHi Junko ouencore de la très jeune saxophoniste alto TErAkubo

Erena (voir p. 9) qui illuminent de leur talent lejazz. on pourrait citer beaucoup d’autres musiciensjaponais grâce auxquels cette musique a pu changerde dimension. si cela a été possible, c’est qu’il existe une jazz atti-tude au Japon comme il n’en existe quasiment plusailleurs. Les caves de saint-Germain ont disparu.il ne subsiste que des souvenirs lointains que seulsles plus anciens sont en mesure de rappeler, alorsque dans l’archipel, le jazz est une réalité que l’oncôtoie au quotidien. Certes, comme dans d’autrespays, il est aujourd’hui en repli. il n’empêche qu’ellereste bien vivace en raison de la résistance de tousces petits bars où l’on ne peut pas imaginer de servirun whisky ou une bière sans les accompagner debonne musique. Le jazz est aussi associé à uneliberté de comportement que les Japonais (les cita-

dins en tout cas) ont réussi à imposer à la fin desannées 1920 avant que les militaires y mettent unterme en interdisant ce qui représentait à leurs yeuxune expression de dissidence. A la fin de la guerre,il a retrouvé droit de cité et toute une générationde Japonais y a trouvé l’inspiration. MurAkAMi Haruki est de ceux-là. C’est en 1964,à l’âge de 15 ans, qu’il a fait la rencontre avec le jazz.Ce fut une révélation. “Je me suis demandé commentje pourrais transférer cette musique sous forme d’écri-ture. C’est comme ça que j’ai créé mon style”, a-t-ilécrit dans le New York Times en 2007. Et pour lesamateurs de sa littérature, il ne fait aucun douteque le romancier compose ses romans comme s’iljouait un morceau de jazz. Ce sentiment de libertéqu’il exprime dans ses livres, c’est le même que l’onressent en écoutant les artistes de jazz japonais. ilssont le fruit de cette jazz attitude que l’on neretrouve nulle part ailleurs. Elle leur donne cettecapacité à produire une musique qui ne ressembleen rien à une copie malgré ce que peuvent encoreaffirmer quelques mauvaises langues qui sont aussidures d’oreille. GABRIEL BERNARD

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février 2016 numéro 57 ZOOM JAPON 7

ZOOM DOSSIER

S i vous êtes de passage à Yokohama et si vousavez envie de plonger dans une atmosphèrede jazz unique en son genre, rendez-vous

chez Chigusa, le plus ancien et le plus célèbre barde jazz du Japon. situé à proximité du port, le bâti-ment de briques rouges est facilement reconnais-sable grâce à son premier étage couvert de graffitiet au portrait d’un homme à lunettes à côté dunom. “C’est YOShIdA Mamoru”, explique Yusa

Masataka. Il dirige l’association Chigusa qui asauvé le café en 2012.YOsHIDa est considéré comme le saint patron dela culture jazz au Japon. C’est lui qui a ouvert leChigusa en 1933 à une époque où la culture amé-ricaine était encore populaire malgré la propagandeanti-occidentale du gouvernement. “En unedizaine d’années, YOShIdA a accumulé quelque6 500 disques. Une collection incroyable si vous pen-sez à la somme que cela a dû coûter et aux difficultésqu’il y avait à acheter des disques de jazz à cetteépoque. Un album importé des Etats-Unis valait 5à 6 fois plus cher qu’un disque fabriqué au Japon”,raconte Yusa Masataka. Le lieu fut fermé en 1941 par les autorités et unan plus tard, YOsHIDa fut envoyé au front. Quandil revint après la guerre, il découvrit que son caféavait été détruit par les bombardements américainset que toute sa collection de disques avait péri dansles flammes. “Il est reparti de zéro. YOShIdA étaitplus qu’un amoureux du jazz. Il a consacré sa vieentière à cette musique qu’il aimait tant. Il ne s’estjamais marié et a vécu avec sa sœur Takako dansune petite pièce à côté du café. Il voulait nourrir lascène locale et créer un lieu où les amateurs et lesmusiciens pourraient partager leur passion. de nom-breux artistes sont venus ici pour apprendre de nou-veaux airs”, poursuit Yusa Masataka. si la reconstruction du lieu n’a pas été compliquée,la constitution d’une nouvelle collection dedisques s’est avérée plus complexe. Heureusement,l’occupation du Japon (1945-1952) s’est accom-pagnée d’une présence importante de soldats amé-ricains. Ce sont eux qui sont venus à sa rescousse.“YOShIdA et sa sœur étaient très sympathiques. Ilse débrouillait pas mal en anglais. Aussi pour denombreux GI’s stationnés dans la région le Chigusaest rapidement devenu leur QG. La seule chose qu’ilsne devaient pas apprécier, ce sont les toilettes à lajaponaise !”, ajoute en riant le responsable de l’as-sociation. “La plupart des disques à l’époque étaientproduits par des labels américains et ils n’étaientaccessibles qu’aux soldats. Ceux-ci étaient censés les

jouer dans l’enceinte des bases, mais Yoshida a finipar en convaincre certains de lui vendre des exem-plaires. C’est comme ça qu’il a reconstitué sa collec-tion”. L’intérêt de Yusa Masataka pour le Chigusaremonte au début des années 1960 quand il a com-mencé à fréquenter le lieu en tant qu’étudiant. “Acette époque, le jazz était plutôt populaire au Japon.On pouvait en écouter à la radio et de nombreusessalles de concert avaient ouvert leurs portes. Néan-moins, le Chigusa conservait une atmosphère unique.Je me souviens encore de ma première visite. L’en-droit était petit avec des chaises et des tables un peupartout. Sur les murs, il y avait des pochettes d’al-bums et des photos encadrées de musiciens améri-cains. Mais surtout il y avait cette formidable chaînehi-fi qui diffusait chanson après chanson. YOShIdA

était là derrière le grand comptoir en bois en trainde manipuler les disques, de faire du café ou de servirdes pâtisseries”. YOsHIDa Masaru a continué à tenirle Chigusa jusqu’à sa mort en 1994 à l’âge de81 ans. sa sœur a pris sa succession pendant13 années supplémentaires avant de renoncer pourdes raisons de santé. En 2007, elle a vendu le bâti-ment à une société immobilière. “J’avais déjà créél’association à cette époque pour aider Takako-sanà continuer, mais nous ne pouvions pas faire grand-chose. L’entreprise immobilière insistait beaucoupcar elle voulait construire un nouvel immeuble. Etlorsque toutes les boutiques du quartier ont fini parmettre la clé sous la porte, le Chigusa a été démoli.Ce jour-là fut un des moments les plus tristes pourtout le monde”, confie Yusa Masataka.

Mais cela n’a pas marqué la fin de l’histoire de cecafé. Deux ans plus tard, l’association a loué pourune dizaine de jours un lieu proche de l’anciencafé pour créer un café temporaire. Il a attiré plusde 2 500 personnes. “Ce succès inattendu nous adonné l’énergie pour ressusciter le Chigusa. Nousavons eu la chance d’être soutenus par d’autresmagasins du quartier et la municipalité nous aaidés à louer un nouvel espace”. Le 11 mars 2012,les amateurs de jazz ont ainsi pu retrouver unlieu pour eux. “Le choix du 11 mars n’est pas lefruit du hasard. Nous avons associé des villes tou-chées par le séisme de 2011 en vendant du riz pro-duit à Ishinomaki et en soutenant un café de jazzà Rikuzentakada”, raconte Yusa Masataka. LeChigusa d’aujourd’hui n’est pas très loin du lieuoù se trouvait l’original. On y retrouve la mêmeatmosphère. Mais les chaises en bois ont été rem-placées par des sièges plus confortables. Lespochettes de disques sont toujours là, DukeEllington et Charles Mingus en tête. Mais ontrouve aussi quelques musiciens japonais commeHInO Terumasa. Les gens viennent les écouteren sirotant un café, un jus de fruit ou encorequelque chose de plus fort mais après 18h.

JEAN DEROME

Le plus ancien bar de jazz de l’archipel a été sauvé en 2012. Il reste l’un des endroits préférés des amateurs.

MÉMOIRE Il était une fois Yoshida MamoruPour saisir l’engouement des Japonaispour le jazz, un petit tour par le Chigusaà Yokohama s’impose.

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INFORMATIONS PRATIQUESCHIGUSA 2-94 Noge-cho, Naka-ku, YokohamaTel. 045-315-2006Ouvert de midi à 22h (du mardi au samedi),de midi à 18h (dimanche). Fermé le lundi.http://noge-chigusa.com/jazz

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8 ZOOM JAPON numéro 57 février 2016

D epuis 28 ans, Dominique Fillon pia-niste compositeur de jazz haut en cou-leur, nous enchante avec une musique

inspirée des rythmes de l'Afrique ou du Brésil.Pourtant c'est au Japon, aux antipodes de cescontrées bouillonnantes, qu'il a choisi de lancerson nouveau projet musical. Né le 25 février 1968au Mans, Dominique a eu le coup de foudre pource pays en 2009. Il y revient régulièrement pourmener divers projets professionnels. Il nous enlivre sa vision et nous donne les clés pour com-prendre l'attrait des Japonais pour le jazz.

Racontez-nous votre découverte du Japon.Dominique Fillon : Je suis venu avec monépouse, Akemi fin mars 2009 à l'époque dessakura, pour visiter sa famille à Ômiya. Danscette maison traditionnelle japonaise il faisait sifroid - à part dans la cuisine surchauffée - quenous sommes rapidement partis à Tôkyô. Et là,j'ai réalisé que le jazz était partout : dans les com-bini, les commerces, ... Miles Davis à la trompette.On écoute plus de jazz au Japon qu'ailleurs dansle monde. D'emblée, j'ai été très touché par les gens, si sou-riants. Il y a ici une véritable culture de l'accueil.Partout on est heureux de vous recevoir – cequ'on ne ressent pas ailleurs dans le monde – sur-tout pas en France (rires).

En 2011 après le tremblement de terre duTôhoku, vous vous mobilisez avec votre famillepour venir en aide aux sinistrés. Quelles actionsavez-vous menées ?D. F. : Le matin même de l'annonce de la tragé-die en France, Akemi, mon épouse violoniste demétier, a composé un morceau pour les sinistrésintitulé Sakura 2011. “Ces notes représententtoutes ces vies qui s'envolent”, m'a-t-elle dit alors.C'était très émouvant.Puis, quelques mois plus tard, je descendais descène après un concert quand un homme d'af-faires m'a proposé de monter un concert de cha-rité à Tôkyô. Il m'a demandé de choisir une cause.J'ai voulu que des musiciens donnent à des musi-ciens. Nous avons alors décidé d'acheter des ins-truments pour une école de la région qui avaittout perdu. Le soir du concert, il y avait beaucoup de Japo-nais, extrêmement dignes – pratiquement toutesles femmes étaient en furisode (kimono de céré-monie). Une des fillettes de l'école de Fukushima

est venue pour recevoir le violon symbolique.On a récolté 40 000 euros pour des instruments.Formidable histoire.

Le jazz est très apprécié au Japon. Commentpeut-on expliquer l'attrait des Japonais pourcette musique, et en particulier pour votreœuvre ?D. F. : Je ne fais pas le jazz qu'ils ont l'habituded'entendre. Quand les Japonais parlent de jazz,ils pensent à Miles Davis et à d’autres grandsnoms. Souvent ils aiment cette musique sans laconnaître. Ils apprécient son côté esthétique,l'ambiance qu'elle crée sans réaliser vraiment cequ’elle représente, sans connaître son histoire.Ils ne savent pas forcément que cette musiqueest improvisée, par exemple. Ils apprécient ma musique mais pas forcémentparce qu'ils aiment le jazz. Cela va au-delà. Mamusique leur plaît pour l'émotion qu'elle suscite.Ils savourent les sentiments que j'exprime à tra-vers chaque touche et ma façon de jouer. Doncje peux jouer ce que je veux ! (rires)

Qu'est-ce qui dans le Japon inspire votremusique ?D. F. : Depuis mon enfance, je répète tous lessons que j'entends. Je suis très sensible à la mélo-die du japonais. Il y a forcément des sonoritésnouvelles et mon cerveau qui est formaté commeun disque dur, fait des connexions ... Les sons decette langue m'inspirent en me rappelant des

sonorités du bambara ou du swahili. J'ai été particulièrement touché à Tôkyô par lesanctuaire shinto Meiji, près d'Omotesandô. J'aiappelé un de mes morceaux ainsi, en pensant àce lieu au milieu d’un parc magnifique et surtoutpour l'élégance du son – Omotesandô. C'est unmot qui rebondi, très exotique, à la sonorité afri-caine. Le processus créatif a été différent pour Abounayo(“faites attention !” en japonais), égalementextrait de mon dernier album Born in 68 (CristalRecords) sorti en juin 2014. Je suis parti de cemot aux sonorités douces et mouillées pour com-poser un morceau. En le répétant plusieurs foisdans un micro m'est venue cette musique jazzrock.

Votre musique est fortement influencée par lamusique brésilienne, sensuelle et chaleureuse.Vous semblez vous-même plutôt expansif …Qu'est-ce qui vous séduit au Japon, pays trèsnormé où la retenue est de mise ?D. F. : Je suis encore plus extraverti au Japon oùje n'ai pas de limites. J'aime le regard que me por-tent les Japonais, cela m'encourage. Quand on al'occasion de travailler avec eux, les a priori tom-bent très vite et l'on réalise qu'ils sont les premiersà vouloir montrer leurs sentiments. Même s'ilsne le feront jamais au premier abord par discré-tion. L'opposé des Américains ! En revanche,une fois que la porte est ouverte, ils sont trèsdémonstratifs.

ZOOM DOSSIER

Dominique Fillon a trouvé une source d’inspiration dans la langue japonaise.

SON Bonne note pour Dominique FillonLe jazzman français a trouvé dansl’archipel à la fois l’inspiration et undésir de partager son “savoir-faire”.

DR

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8 ZOOM JAPON numéro 57 février 2016

D epuis 28 ans, Dominique Fillon pia-niste compositeur de jazz haut en cou-leur, nous enchante avec une musique

inspirée des rythmes de l'Afrique ou du Brésil.Pourtant c'est au Japon, aux antipodes de cescontrées bouillonnantes, qu'il a choisi de lancerson nouveau projet musical. Né le 25 février 1968au Mans, Dominique a eu le coup de foudre pource pays en 2009. Il y revient régulièrement pourmener divers projets professionnels. Il nous enlivre sa vision et nous donne les clés pour com-prendre l'attrait des Japonais pour le jazz.

Racontez-nous votre découverte du Japon.Dominique Fillon : Je suis venu avec monépouse, Akemi fin mars 2009 à l'époque dessakura, pour visiter sa famille à Ômiya. Danscette maison traditionnelle japonaise il faisait sifroid - à part dans la cuisine surchauffée - quenous sommes rapidement partis à Tôkyô. Et là,j'ai réalisé que le jazz était partout : dans les com-bini, les commerces, ... Miles Davis à la trompette.On écoute plus de jazz au Japon qu'ailleurs dansle monde. D'emblée, j'ai été très touché par les gens, si sou-riants. Il y a ici une véritable culture de l'accueil.Partout on est heureux de vous recevoir – cequ'on ne ressent pas ailleurs dans le monde – sur-tout pas en France (rires).

En 2011 après le tremblement de terre duTôhoku, vous vous mobilisez avec votre famillepour venir en aide aux sinistrés. Quelles actionsavez-vous menées ?D. F. : Le matin même de l'annonce de la tragé-die en France, Akemi, mon épouse violoniste demétier, a composé un morceau pour les sinistrésintitulé Sakura 2011. “Ces notes représententtoutes ces vies qui s'envolent”, m'a-t-elle dit alors.C'était très émouvant.Puis, quelques mois plus tard, je descendais descène après un concert quand un homme d'af-faires m'a proposé de monter un concert de cha-rité à Tôkyô. Il m'a demandé de choisir une cause.J'ai voulu que des musiciens donnent à des musi-ciens. Nous avons alors décidé d'acheter des ins-truments pour une école de la région qui avaittout perdu. Le soir du concert, il y avait beaucoup de Japo-nais, extrêmement dignes – pratiquement toutesles femmes étaient en furisode (kimono de céré-monie). Une des fillettes de l'école de Fukushima

est venue pour recevoir le violon symbolique.On a récolté 40 000 euros pour des instruments.Formidable histoire.

Le jazz est très apprécié au Japon. Commentpeut-on expliquer l'attrait des Japonais pourcette musique, et en particulier pour votreœuvre ?D. F. : Je ne fais pas le jazz qu'ils ont l'habituded'entendre. Quand les Japonais parlent de jazz,ils pensent à Miles Davis et à d’autres grandsnoms. Souvent ils aiment cette musique sans laconnaître. Ils apprécient son côté esthétique,l'ambiance qu'elle crée sans réaliser vraiment cequ’elle représente, sans connaître son histoire.Ils ne savent pas forcément que cette musiqueest improvisée, par exemple. Ils apprécient ma musique mais pas forcémentparce qu'ils aiment le jazz. Cela va au-delà. Mamusique leur plaît pour l'émotion qu'elle suscite.Ils savourent les sentiments que j'exprime à tra-vers chaque touche et ma façon de jouer. Doncje peux jouer ce que je veux ! (rires)

Qu'est-ce qui dans le Japon inspire votremusique ?D. F. : Depuis mon enfance, je répète tous lessons que j'entends. Je suis très sensible à la mélo-die du japonais. Il y a forcément des sonoritésnouvelles et mon cerveau qui est formaté commeun disque dur, fait des connexions ... Les sons decette langue m'inspirent en me rappelant des

sonorités du bambara ou du swahili. J'ai été particulièrement touché à Tôkyô par lesanctuaire shinto Meiji, près d'Omotesandô. J'aiappelé un de mes morceaux ainsi, en pensant àce lieu au milieu d’un parc magnifique et surtoutpour l'élégance du son – Omotesandô. C'est unmot qui rebondi, très exotique, à la sonorité afri-caine. Le processus créatif a été différent pour Abounayo(“faites attention !” en japonais), égalementextrait de mon dernier album Born in 68 (CristalRecords) sorti en juin 2014. Je suis parti de cemot aux sonorités douces et mouillées pour com-poser un morceau. En le répétant plusieurs foisdans un micro m'est venue cette musique jazzrock.

Votre musique est fortement influencée par lamusique brésilienne, sensuelle et chaleureuse.Vous semblez vous-même plutôt expansif …Qu'est-ce qui vous séduit au Japon, pays trèsnormé où la retenue est de mise ?D. F. : Je suis encore plus extraverti au Japon oùje n'ai pas de limites. J'aime le regard que me por-tent les Japonais, cela m'encourage. Quand on al'occasion de travailler avec eux, les a priori tom-bent très vite et l'on réalise qu'ils sont les premiersà vouloir montrer leurs sentiments. Même s'ilsne le feront jamais au premier abord par discré-tion. L'opposé des Américains ! En revanche,une fois que la porte est ouverte, ils sont trèsdémonstratifs.

ZOOM DOSSIER

Dominique Fillon a trouvé une source d’inspiration dans la langue japonaise.

SON Bonne note pour Dominique FillonLe jazzman français a trouvé dansl’archipel à la fois l’inspiration et undésir de partager son “savoir-faire”.

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février 2016 numéro 57 zoom JaPon 9

zoom dossier

Comment les artistes japonais abordent-ilsl'improvisation et comment s’en tirent-ils ?Avez-vous une expérience à raconter ?D. F. : En septembre 2015, j'ai donné une sériede concerts à l'institut français de tôkyô. Unejeune saxophoniste japonaise, Sarah Maeda étaitl'invitée de mon trio. Si Sarah n'avait pas su improviser, je ne l'auraispas invitée. nous faisions un concert de jazz oùl'improvisation était omniprésente ! Le jazz estune composition instantanée dans un cadredonné. Les musiciens définissent à l'avance unthème musical puis “brodent” autour. Celadevient un spectacle complexe, composé sur levif , devant le public. Sarah s'en est très bien sor-tie !

Vous organisez prochainement en France unerencontre entre jazz et rakugo. Commentcomptez-vous faire le lien entre ces deux formesd'art ?D. F. : Connaissez-vous les soirées à thème inti-tulées Autour du vin et du jazz dans les châteauxdu Bordelais ? L'idée est la même. Pour écouterdu jazz, il faut être assez raffiné. Cet art demandeune certaine attention et on l'apprécie mieux enétant connaisseur. Je pense qu'il en va de même pour le rakugo. audébut, ce spectacle humoristique qui remonte àl'époque Edo est franchement surprenant ... puison découvre une délicatesse, une élégance derrièreces histoires drôles apparemment simplistes. J'aivoulu organiser une rencontre autour de cettefinesse partagée. C'est une première !

Quels projets avez-vous en Europe et auJapon ?D. F. : Je continue les concerts en France ou ail-leurs, seul ou avec mon trio. Je vais où l'on m'in-vite ! Je serai en concert à Kyôto et à tôkyô cou-rant février. Mais le coaching d'artistes au Japon,est le projet qui me tient à cœur en ce moment.Musicien professionnel depuis 28 ans, j'ai jouéet dirigé des artistes dans des contextes très dif-férents, dans le monde entier. Je suis arrivé à unmoment de ma vie où j'ai envie de donner beau-coup, plus que de prendre.Généralement au Japon, on apporte quelquechose de nouveau. Moi, je propose aux musiciensjaponais un “savoir-faire” qui n'a rien à voir avecun genre de musique, de style. Être musicien pro-fessionnel cela signifie savoir régler une multitudede détails afin que tout soit extrêmement efficace.Je sais faire ça et j'ai plaisir à le partager. J'aide lesartistes à progresser dans ce qu'ils veulent faire. Les premières personnes que j'ai coachées dansdes studios à tôkyô m'ont déjà remercié des pro-grès accomplis. Grâce à mon aide, leur instru-ment se met enfin au service de leur pensée !

PROPOS RECUEILLIS PAR RAPHAÈLE LESORT

L orsqu’il s’agit d’associer musique, femmeet Japon, la plupart du temps, on évoqueirrémédiablement les noms de Kyary

Pamyu Pamyu ou des membres d’aKB 48, starsde ce Cool Japan dont on finit par se lasser tantelles donnent l’impression d’être peu inspirées parla musique. réduire la scène musicale féminine àces jeunes femmes qui dominent les ventes dedisques dans l’archipel est évidemment un peufacile. Car il existe de nombreuses musiciennes quiméritent d’être mises en avant pour leur incroyabletalent. Parmi elles, certaines tentent de se frayerun chemin dans le monde du jazz et leur renomméecommence à prendre de l’ampleur.on peut citer tEraKUBo Erena dont la maîtrisedu saxophone alto lui vaut, malgré ses 20 ans etquelques, d’avoir attiré l’attention du grand Wata-naBE Sadao alors qu’elle n’était encore qu’une ado-lescente. originaire de Hokkaidô, celle qu’on sur-nomme north Bird (l’oiseau du nord), titre de sonpremier album (2010), a déjà travaillé avec deslégendes comme Kenny Barron et ron Carter pourses deux derniers albums New York Attitude (2012)et Burkina (2013). Son style nous transporte dansdes atmosphères légères et relaxantes parfaitementadaptées lorsqu’on veut prendre un peu de reposaprès une journée bien remplie.La pianiste UEHara Hiromi est beaucoup moins“tranquille”. C’est sans doute l’une des musi-ciennes les plus talentueuses de sa génération etson succès international témoigne de la qualité

de ses interprétations. Hiromi, c’est son nom descène, doit également sa popularité à ses concertsau cours desquels elle dégage une énergie qui nelaisse personne indifférent. Elle a enregistré prèsd’une dizaine d’albums qui s’écoutent quand ona un petit coup de mou.Une autre pianiste Morita Manami a aussi percéces dernières années grâce à sa volonté de sortirdes sentiers battus. Son premier album Colorssorti en 2009 avait été tout de suite salué par lacritique. Sa notoriété avait même dépassé le cadredes amateurs de jazz après que la chaîne tV asahia décidé, en 2011, de choisir l’une de ses musiquespour le générique de son journal télévisé. Sa der-nière livraison When Skies Are Gray (2012) rap-pelle par certains côtés le toucher d’un Brad Mel-dhau et une sensibilité à fleur de peau.avec ces quelques exemples, il ne sera plus possiblede ne citer que les vedettes de la pop mièvre madein Japan lorsqu’on vous demandera d’évoquer lamusique et les femmes au Japon.

G. B.

DR

TALENT Cherchez la femmeLe jazz n’est évidemment pas qu’uneaffaire d’hommes. La preuve avec cepetit tour d’horizon féminin.

TERAKUBO Erena est une des plus belles révélations du jazz made in Japan.

rendez-vousvendredi 26 et samedi 27 février à 20h,vous pourrez aller à la rencontre du terumasahino special Quintet à la maison de la culturedu Japon à Paris au sein duquel figure laformidable terakubo erena au saxophone alto.elle sera entourée de hino terumasa à latrompette, ishii akira au piano, sugimoto

tomokazu à la contrebasse et ishiwaka shun àbatterie.tarif 15 € / réduit 13 € / adhérent mCJP 11 €http://www.mcjp.fr/101 bis, quai branly75015 Paris

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10 ZOOM JAPON numéro 57 février 2016

ZOOM DOSSIER

D ans le quartier de Tenjin, face à l'île deNakasu où se déroule chaque année lefestival de Jazz de Fukuoka, un bras de

la rivière vous conduit jusqu’à une devanturerouge sur laquelle est écrit JAB, Jazz and coffee.Pour seule indication : un téléphone mobile barrédu sens interdit. Un lieu rare et conservé dansson jus. Il est consacré à l'écoute de morceauxsélectionnés par le patron ou par le client. On entre. Seule la musique sort d'un ampli àampoule vieux de quarante ans. Ambiance cosy.On peut fumer une cigarette au comptoir. Le bar-man fait le tour, choisit un disque sur les étagèresqui recouvrent les murs. Quelques tables, unedizaine de places au comptoir et derrière, AKIBA

Masaru. Il assure avec discrétion le service de café,de shôchû [alcool distillé à base notamment depatate douce], de whisky et de bière. On ne vientpas ici pour la carte, mais pour la musique. C'estainsi qu'AKIBA Masaru a lui même connu le lieu.Il était alors étudiant en conservation du patri-moine. Il y venait et pouvait se contenter d'uncafé. Le “boss”, HANyU yunoshin, a ouvert le lieuen 1971. Ce féroce mélomane et défenseur d'unjazz afro-américain a accumulé une collection deplus de deux mille références, dont quelquespépites ; comme un exemplaire de Duke Ellingtonet Ella Fitzgerald signé de leurs mains. Le bar aurait pu disparaître après la mort de sonpropriétaire en 2000, mais M. AKIBA est passé del'autre côté du comptoir et il s'en occupe tous lesjours de la semaine de midi à minuit, sauf ledimanche. Il a abandonné l'idée de trouver dutravail dans son domaine et dédie sa vie au JABen promettant de “préserver le style et l'esprit dulieu jusqu'au bout”. Le jazz et la ville de Fukuokase sont rencontrés lorsque l'armée américaine y

a installé sa base. “On en écoutait avant que l'arméeaméricaine soit là !” assure-t-il, mais c'est l’arrivéedes GI's qui a fait augmenter le nombre de lieuxdédiés à cette musique. A l'époque, “il n'y avaitpas d'autres loisirs. C’était cinéma ou bar à jazz”.L'influence est restée. Aujourd'hui, avec sa tren-taine de places, il défend l'écoute des standardsdu jazz afro-américain en suivant l’exemple del'ancien patron, “ici on ne passe pas Keith Jarret”,ironise AKIBA Masaru. Derrière son comptoir, il guette le client, l'observeet parcourt lentement la discothèque de vinylesqui couvre les murs afin de trouver le disque quicorrespond au moment et au “style du client”.A peine arrivés, il nous a sorti Under Paris Skiesdu Freddie Reb trio. Un enregistrement quiremonte à 1971 qu'il a choisi pour nous à causede notre accent. C'est son plaisir et il l'avouemodestement, il aime voir la réaction de sesclients. Il pose la pochette sur un chevalet quitrône au bout du comptoir. Satisfait de son effet,il repart devant son mur de vinyles dont lui seulconnaît le système de classement. Il a un coind'étagère dédié aux Français de passage. Peubavard, on le pousse un peu et, il nous raconteque depuis quarante ans le jazz a changé àFukuoka. Il a vu son concurrent et ami le Newcombo fermer il y a une dizaine d'années. Avecle Riverside, il est un des derniers dans la capitalede Kyûshû à pratiquer ce type d'écoute. Le clientchoisit son disque. Il n'est pas fan des demandesclassiques, mais il respecte chaque décision. Pen-dant qu'il nous raconte cela, il pose le diamant

sur le sillon d'un Michel Sardaby Trio. Unerareté : le premier album du Martiniquais NightCap avec à la basse Percy Heath et à la batterieConnie Kay. C'est visiblement l'un de ses préfé-rés. Ces enceintes JBL dépassant le mètre vingtdistillent avec une puissance contenue deux mor-ceaux de l'album. “On a changé les twitters il y avingt ans. Le son était trop aigu, ça fatiguait latête”, raconte-t-il. Minuit approche, il nous fait découvrir sa collec-tion improbable d’Henri Debs distribution, unproducteur qui a popularisé le zouk dans lemonde et dont les artistes jazz étaient distribuésjusqu'au Japon. “Il y a une douzaine de bars jazzà Fukuoka, mais ils changent trop souvent de pro-priétaire”, regrette-t-il. Du côté des musiciens, ilestime qu’ils sont “trop techniques, trop gourmands,trop business”. Il y a plus de dix ans qu'il n’organiseplus de concerts dans ses cinquante mètres carrés.“Les disques, c'est fait pour être écouté”, lâche-t-il. Alors il se met en quatre pour satisfaire l'oreilledes mélomanes. C'est la raison pour laquelle leJAB existe encore. On lui demande quel est ledernier vinyle qu'il a acquis. Il hésite et va chercherl'album de MIyOSHI Umeki American songs inJapanese. “Elle est décédée à l’âge de 90 ans dansune maison de retraite pour artistes aux Etats-Unis.C'est la plus belle voix du Japon”, assure-t-il. Il doitfermer. Pendant que le timbre suave et soul de laJaponaise enveloppe le lieu, on lui demande s’ildispose d’un site Internet. Il rigole et nous ditqu'il n'existe pas sur la Toile.

DOMINIQUE LERAY & RITSUKO KOGA

Ouvert en 1971, ce paradis des amateurs de jazz a été repris par un ancien habitué à la mort de son

premier propriétaire.

DÉCOUVERTE Divine rencontre au JABDans ce bar de Fukuoka, le propriétaire,amoureux des disques, attire ses clientsavec les meilleurs artistes afro-américains.

INFORMATIONS PRATIQUESSITUÉ À 150 MÈTRES de la gare de Tenjin-minami, le JAB vous accueille au rythme desmeilleurs artistes afro-américains. 5-2-13 Watanabedôri, Chûô-ku, FukuokaTél. 092-712-7413

LE NAKASU JAZZ FESTIVAL se déroule chaqueannée au mois de septembre depuis 2009.Pendant deux jours, des dizaines demusiciens, pour la plupart Japonais, seproduisent sur scène de 17h à 23h. Pour s’yrendre, il suffit d’emprunter la ligne de métroKûkô et de descendre à la station NakasuKawabata. Les spectacles sont gratuits etouverts au public.

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fevrier2016_zoom_japon 26/01/16 17:19 Page10

février 2016 numéro 57 ZOOM JAPON 11

ZOOM DOSSIER

GUIDE Escapade jazzy à YokohamaLa cité portuaire est un des hauts lieuxde la musique jazz au Japon. Voiciquelques adresses testées et approuvées.

L e quartier de Sakuragicho, à Yokohama,est très populaire auprès des touristes quis’y rendent pour faire du shopping, profiter

du parc de loisirs et admirer la vue en haut de laLandmark Tower, le second bâtiment le plushaut du Japon, située à la sortie Est de la gare.De l’autre côté, moins attrayant pour les visiteurs,il y a le zoo gratuit de Noge. Mais ce ne sont pasles animaux qui nous intéressent aujourd’hui,ce sont les amateurs de jazz qui se donnent ren-dez-vous dans cette partie de la ville. Situé un peu à l’écart de l’agitation touristiquede Sakuragicho, Noge a conservé de nombreusescaractéristiques de l’immédiat après-guerrequand le jazz et la culture des bars dédiés àcette musique ont pris leur envol. Dans lesrues étroites de ce quartier, la proportion delieux comme le Jazz Café Chigusa où les rythmesjazzy résonnent est assez élevée. Alors qu’au-jourd’hui, la plupart des gens préfèrent resterchez eux pour écouter leur musique préférée,le quartier de Noge et ceux adjacents ontconservé une communauté d’amateurs loyauxqui viennent s’y prélasser l’après-midi ou ypasser des nuits agitées. Nous vous proposonsde découvrir quelques-uns de ces endroits fas-cinants.

Downbeat C’est le premier que vous rencontrerez en quit-tant la gare de Sakuragichô et c’est aussi l’undes meilleurs. Ouvert en 1956, Downbeat estun café classique, mais il est réservé aux vraisamateurs qui s'y rendent pour écouter une mu-sique jouée puissamment au point qu’il est dif-ficile de tenir une conversation. La salle relati-vement spacieuse peut contenir une trentainede personnes tandis que le comptoir, plus calme,offre de la place pour 8 personnes. La lumièretamisée, les vieilles affiches et les photos an-ciennes épinglées sur les murs où l’on peutaussi trouver de nombreux articles de journauxcollés donnent une atmosphère qui rappellentle bon vieux temps. La sélection musicale estvariée au même titre que l’impressionnanteliste de whisky à disposition.2F Miyamoto Bldg, 1-43 Hanasakichô, Naka-ku 045-241-6167Ouvert de 16h à 23h30. Fermé le dimanche.www.yokohama-downbeat.com

Jazz Spot DolphyInauguré en 1980, cet endroit peut recevoirjusqu’à 50 personnes. Il est très apprécié desclients et des musiciens qui s’y produisent à lafois pour la qualité de son acoustique et la chaleurde l’accueil. On y organise de nombreux concertsdans tous les styles. Parmi les musiciens qui s’yproduisent régulièrement, on trouve la chanteuseNAkAMOTO Mari, le pianiste ITABASHI Fumio,le saxophoniste SAkATA Akira ou encore le gui-tariste AkIYAMA kazumasa. Tous les quatrièmeslundis de chaque mois, des concerts d’improvi-sation se déroulent.2F Dai-Ichi Nishimura Bldg, 2-17-4 Miyagawa-chô, Naka-ku 045-261-4542Ouvert tous les jours de 18h30 à 1h (du lundi aujeudi), de 18h30 à 2h (vendredi et samedi), de18h à 1h (dimanche et jours fériés).www.dolphy-jazzspot.com

Quatre autres hauts lieux du jazz à Yokohama setrouvent entre les gares de Sakuragichô et kan-nai.

Jazz Spot ADLIBAutre vénérable institution, l’ADLIB est un en-droit sans chichi où la musique est au rendez-vous l’après-midi pour le thé ou le soir pour lesamateurs d’ambiance de bar. Chaque jour, unconcert y est organisé. 2F 3-9 Yoshidamachi, Naka-ku045-262-8111Ouvert de 17h à 23h (du mardi au vendredi), de13h à 23h (samedi) et de 13h à 21h (dimancheet jours fériés). Fermé le lundi. www.jazz-adlib.info

Little JohnSitué juste à côté de l’ADLIB, Little John a ouvertses portes en 1981. Avec seulement une vingtainede places, c’est un des plus petits bars à jazz duquartier. Il organise une dizaine de concerts parmois, le reste du temps, il opère comme un bar or-dinaire. Vous pouvez demander à passer votre mu-sique préférée à choisir parmi l’impressionnantecollection de disques. Son seul problème, c’est l’ab-sence d’une régularité dans les horaires d’ouverture.Il arrive souvent qu’il soit fermé sans explication.Mieux vaut donc appeler avant de s’y rendre. 2F Dai-Ni kyodo Bldg, 3-11 Yoshidamachi,Naka-ku 045-251-2131Ouvert de 19h à minuit. Fermé le dimanche etles jours fériés.http://ameblo.jp/jazz-little-john

Yoidore HakushakuMalgré son nom qui signifie “Le comte ivre”, cebar situé en sous-sol a beaucoup de style avec sescanapés, ses grands miroirs et sa lumière tamisée.A la différence des autres cafés, celui-ci ne proposeque de la musique chantée, lui donnant ainsiune atmosphère plus relaxante. Des concerts ontlieu quasiment chaque jour entre 19h30 et 23h10.Il vous en coûtera environ 3 000 yens. B1F 2-5 Suehirochô, Naka-ku 045-261-0272Ouvert de 19h à 2h (du lundi au vendredi) et de19h à 1h (samedi). Fermé la plupart des di-manches.www.yoidorehakusyaku.com

KamomeCe nouveau lieu de la scène jazz locale se trouvede l’autre côté des voies de chemin de fer, àproximité du stade de baseball. De prime abord,sa décoration fait penser à un café ou un restaurantclassique. D’ailleurs sa nourriture est bien meilleureet il a du vin à sa carte. Dès lors, la clientèle n’estpas formée que d’amateurs de jazz, ce qui impliqueune plus grande variété de genres (fusin, funk,bossa nova) en plus des standards du jazz. Desconcerts y sont organisés tous les soirs. Il vous encoûtera environ 3 000 yens.6-76 Sumiyoshicho, Naka-ku 045-662-5357Tous les jours à partir de 19h (18h le week-endet les jours fériés).www.yokohama-kamome.com

Minton House Le plus éloigné des bars de notre sélection setrouve à proximité de la gare d’IshikawachoStation et de Chinatown. Minton House existedepuis 1975. C’est le lieu idéal pour les nostalgiqueset de nombreux amateurs estiment qu’il demeurele meilleur bar de jazz de Yokohama. Le longcomptoir offre une incroyable collection de bou-teilles de whisky et autres alcools forts tandisque les murs sont recouverts de photos et de dé-pliants qui rappellent le passé du lieu. La collectiontrès éclectique de disques allant du big band auxplus belles voix du jazz permet de satisfaire toutesles oreilles.Hamada Bldg, 276 Yamashita-chô, Naka-ku045-662-2586Tous les jours de 11h30 à 14h et de 17h à minuit(du lundi au jeudi), de 11h30 à 14h et de 17 à 2h(vendredi et samedi) et de 11h30 à 14h le di-manche. http://bar-navi.suntory.co.jp/shop/0456622586/

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D ans le quartier de Tenjin, face à l'île deNakasu où se déroule chaque année lefestival de Jazz de Fukuoka, un bras de

la rivière vous conduit jusqu’à une devanturerouge sur laquelle est écrit JAB, Jazz and coffee.Pour seule indication : un téléphone mobile barrédu sens interdit. Un lieu rare et conservé dansson jus. Il est consacré à l'écoute de morceauxsélectionnés par le patron ou par le client. On entre. Seule la musique sort d'un ampli àampoule vieux de quarante ans. Ambiance cosy.On peut fumer une cigarette au comptoir. Le bar-man fait le tour, choisit un disque sur les étagèresqui recouvrent les murs. Quelques tables, unedizaine de places au comptoir et derrière, AKIBA

Masaru. Il assure avec discrétion le service de café,de shôchû [alcool distillé à base notamment depatate douce], de whisky et de bière. On ne vientpas ici pour la carte, mais pour la musique. C'estainsi qu'AKIBA Masaru a lui même connu le lieu.Il était alors étudiant en conservation du patri-moine. Il y venait et pouvait se contenter d'uncafé. Le “boss”, HANyU yunoshin, a ouvert le lieuen 1971. Ce féroce mélomane et défenseur d'unjazz afro-américain a accumulé une collection deplus de deux mille références, dont quelquespépites ; comme un exemplaire de Duke Ellingtonet Ella Fitzgerald signé de leurs mains. Le bar aurait pu disparaître après la mort de sonpropriétaire en 2000, mais M. AKIBA est passé del'autre côté du comptoir et il s'en occupe tous lesjours de la semaine de midi à minuit, sauf ledimanche. Il a abandonné l'idée de trouver dutravail dans son domaine et dédie sa vie au JABen promettant de “préserver le style et l'esprit dulieu jusqu'au bout”. Le jazz et la ville de Fukuokase sont rencontrés lorsque l'armée américaine y

a installé sa base. “On en écoutait avant que l'arméeaméricaine soit là !” assure-t-il, mais c'est l’arrivéedes GI's qui a fait augmenter le nombre de lieuxdédiés à cette musique. A l'époque, “il n'y avaitpas d'autres loisirs. C’était cinéma ou bar à jazz”.L'influence est restée. Aujourd'hui, avec sa tren-taine de places, il défend l'écoute des standardsdu jazz afro-américain en suivant l’exemple del'ancien patron, “ici on ne passe pas Keith Jarret”,ironise AKIBA Masaru. Derrière son comptoir, il guette le client, l'observeet parcourt lentement la discothèque de vinylesqui couvre les murs afin de trouver le disque quicorrespond au moment et au “style du client”.A peine arrivés, il nous a sorti Under Paris Skiesdu Freddie Reb trio. Un enregistrement quiremonte à 1971 qu'il a choisi pour nous à causede notre accent. C'est son plaisir et il l'avouemodestement, il aime voir la réaction de sesclients. Il pose la pochette sur un chevalet quitrône au bout du comptoir. Satisfait de son effet,il repart devant son mur de vinyles dont lui seulconnaît le système de classement. Il a un coind'étagère dédié aux Français de passage. Peubavard, on le pousse un peu et, il nous raconteque depuis quarante ans le jazz a changé àFukuoka. Il a vu son concurrent et ami le Newcombo fermer il y a une dizaine d'années. Avecle Riverside, il est un des derniers dans la capitalede Kyûshû à pratiquer ce type d'écoute. Le clientchoisit son disque. Il n'est pas fan des demandesclassiques, mais il respecte chaque décision. Pen-dant qu'il nous raconte cela, il pose le diamant

sur le sillon d'un Michel Sardaby Trio. Unerareté : le premier album du Martiniquais NightCap avec à la basse Percy Heath et à la batterieConnie Kay. C'est visiblement l'un de ses préfé-rés. Ces enceintes JBL dépassant le mètre vingtdistillent avec une puissance contenue deux mor-ceaux de l'album. “On a changé les twitters il y avingt ans. Le son était trop aigu, ça fatiguait latête”, raconte-t-il. Minuit approche, il nous fait découvrir sa collec-tion improbable d’Henri Debs distribution, unproducteur qui a popularisé le zouk dans lemonde et dont les artistes jazz étaient distribuésjusqu'au Japon. “Il y a une douzaine de bars jazzà Fukuoka, mais ils changent trop souvent de pro-priétaire”, regrette-t-il. Du côté des musiciens, ilestime qu’ils sont “trop techniques, trop gourmands,trop business”. Il y a plus de dix ans qu'il n’organiseplus de concerts dans ses cinquante mètres carrés.“Les disques, c'est fait pour être écouté”, lâche-t-il. Alors il se met en quatre pour satisfaire l'oreilledes mélomanes. C'est la raison pour laquelle leJAB existe encore. On lui demande quel est ledernier vinyle qu'il a acquis. Il hésite et va chercherl'album de MIyOSHI Umeki American songs inJapanese. “Elle est décédée à l’âge de 90 ans dansune maison de retraite pour artistes aux Etats-Unis.C'est la plus belle voix du Japon”, assure-t-il. Il doitfermer. Pendant que le timbre suave et soul de laJaponaise enveloppe le lieu, on lui demande s’ildispose d’un site Internet. Il rigole et nous ditqu'il n'existe pas sur la Toile.

DOMINIQUE LERAY & RITSUKO KOGA

Ouvert en 1971, ce paradis des amateurs de jazz a été repris par un ancien habitué à la mort de son

premier propriétaire.

DÉCOUVERTE Divine rencontre au JABDans ce bar de Fukuoka, le propriétaire,amoureux des disques, attire ses clientsavec les meilleurs artistes afro-américains.

INFORMATIONS PRATIQUESSITUÉ À 150 MÈTRES de la gare de Tenjin-minami, le JAB vous accueille au rythme desmeilleurs artistes afro-américains. 5-2-13 Watanabedôri, Chûô-ku, FukuokaTél. 092-712-7413

LE NAKASU JAZZ FESTIVAL se déroule chaqueannée au mois de septembre depuis 2009.Pendant deux jours, des dizaines demusiciens, pour la plupart Japonais, seproduisent sur scène de 17h à 23h. Pour s’yrendre, il suffit d’emprunter la ligne de métroKûkô et de descendre à la station NakasuKawabata. Les spectacles sont gratuits etouverts au public.

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GUIDE Escapade jazzy à YokohamaLa cité portuaire est un des hauts lieuxde la musique jazz au Japon. Voiciquelques adresses testées et approuvées.

L e quartier de Sakuragicho, à Yokohama,est très populaire auprès des touristes quis’y rendent pour faire du shopping, profiter

du parc de loisirs et admirer la vue en haut de laLandmark Tower, le second bâtiment le plushaut du Japon, située à la sortie Est de la gare.De l’autre côté, moins attrayant pour les visiteurs,il y a le zoo gratuit de Noge. Mais ce ne sont pasles animaux qui nous intéressent aujourd’hui,ce sont les amateurs de jazz qui se donnent ren-dez-vous dans cette partie de la ville. Situé un peu à l’écart de l’agitation touristiquede Sakuragicho, Noge a conservé de nombreusescaractéristiques de l’immédiat après-guerrequand le jazz et la culture des bars dédiés àcette musique ont pris leur envol. Dans lesrues étroites de ce quartier, la proportion delieux comme le Jazz Café Chigusa où les rythmesjazzy résonnent est assez élevée. Alors qu’au-jourd’hui, la plupart des gens préfèrent resterchez eux pour écouter leur musique préférée,le quartier de Noge et ceux adjacents ontconservé une communauté d’amateurs loyauxqui viennent s’y prélasser l’après-midi ou ypasser des nuits agitées. Nous vous proposonsde découvrir quelques-uns de ces endroits fas-cinants.

Downbeat C’est le premier que vous rencontrerez en quit-tant la gare de Sakuragichô et c’est aussi l’undes meilleurs. Ouvert en 1956, Downbeat estun café classique, mais il est réservé aux vraisamateurs qui s'y rendent pour écouter une mu-sique jouée puissamment au point qu’il est dif-ficile de tenir une conversation. La salle relati-vement spacieuse peut contenir une trentainede personnes tandis que le comptoir, plus calme,offre de la place pour 8 personnes. La lumièretamisée, les vieilles affiches et les photos an-ciennes épinglées sur les murs où l’on peutaussi trouver de nombreux articles de journauxcollés donnent une atmosphère qui rappellentle bon vieux temps. La sélection musicale estvariée au même titre que l’impressionnanteliste de whisky à disposition.2F Miyamoto Bldg, 1-43 Hanasakichô, Naka-ku 045-241-6167Ouvert de 16h à 23h30. Fermé le dimanche.www.yokohama-downbeat.com

Jazz Spot DolphyInauguré en 1980, cet endroit peut recevoirjusqu’à 50 personnes. Il est très apprécié desclients et des musiciens qui s’y produisent à lafois pour la qualité de son acoustique et la chaleurde l’accueil. On y organise de nombreux concertsdans tous les styles. Parmi les musiciens qui s’yproduisent régulièrement, on trouve la chanteuseNAkAMOTO Mari, le pianiste ITABASHI Fumio,le saxophoniste SAkATA Akira ou encore le gui-tariste AkIYAMA kazumasa. Tous les quatrièmeslundis de chaque mois, des concerts d’improvi-sation se déroulent.2F Dai-Ichi Nishimura Bldg, 2-17-4 Miyagawa-chô, Naka-ku 045-261-4542Ouvert tous les jours de 18h30 à 1h (du lundi aujeudi), de 18h30 à 2h (vendredi et samedi), de18h à 1h (dimanche et jours fériés).www.dolphy-jazzspot.com

Quatre autres hauts lieux du jazz à Yokohama setrouvent entre les gares de Sakuragichô et kan-nai.

Jazz Spot ADLIBAutre vénérable institution, l’ADLIB est un en-droit sans chichi où la musique est au rendez-vous l’après-midi pour le thé ou le soir pour lesamateurs d’ambiance de bar. Chaque jour, unconcert y est organisé. 2F 3-9 Yoshidamachi, Naka-ku045-262-8111Ouvert de 17h à 23h (du mardi au vendredi), de13h à 23h (samedi) et de 13h à 21h (dimancheet jours fériés). Fermé le lundi. www.jazz-adlib.info

Little JohnSitué juste à côté de l’ADLIB, Little John a ouvertses portes en 1981. Avec seulement une vingtainede places, c’est un des plus petits bars à jazz duquartier. Il organise une dizaine de concerts parmois, le reste du temps, il opère comme un bar or-dinaire. Vous pouvez demander à passer votre mu-sique préférée à choisir parmi l’impressionnantecollection de disques. Son seul problème, c’est l’ab-sence d’une régularité dans les horaires d’ouverture.Il arrive souvent qu’il soit fermé sans explication.Mieux vaut donc appeler avant de s’y rendre. 2F Dai-Ni kyodo Bldg, 3-11 Yoshidamachi,Naka-ku 045-251-2131Ouvert de 19h à minuit. Fermé le dimanche etles jours fériés.http://ameblo.jp/jazz-little-john

Yoidore HakushakuMalgré son nom qui signifie “Le comte ivre”, cebar situé en sous-sol a beaucoup de style avec sescanapés, ses grands miroirs et sa lumière tamisée.A la différence des autres cafés, celui-ci ne proposeque de la musique chantée, lui donnant ainsiune atmosphère plus relaxante. Des concerts ontlieu quasiment chaque jour entre 19h30 et 23h10.Il vous en coûtera environ 3 000 yens. B1F 2-5 Suehirochô, Naka-ku 045-261-0272Ouvert de 19h à 2h (du lundi au vendredi) et de19h à 1h (samedi). Fermé la plupart des di-manches.www.yoidorehakusyaku.com

KamomeCe nouveau lieu de la scène jazz locale se trouvede l’autre côté des voies de chemin de fer, àproximité du stade de baseball. De prime abord,sa décoration fait penser à un café ou un restaurantclassique. D’ailleurs sa nourriture est bien meilleureet il a du vin à sa carte. Dès lors, la clientèle n’estpas formée que d’amateurs de jazz, ce qui impliqueune plus grande variété de genres (fusin, funk,bossa nova) en plus des standards du jazz. Desconcerts y sont organisés tous les soirs. Il vous encoûtera environ 3 000 yens.6-76 Sumiyoshicho, Naka-ku 045-662-5357Tous les jours à partir de 19h (18h le week-endet les jours fériés).www.yokohama-kamome.com

Minton House Le plus éloigné des bars de notre sélection setrouve à proximité de la gare d’IshikawachoStation et de Chinatown. Minton House existedepuis 1975. C’est le lieu idéal pour les nostalgiqueset de nombreux amateurs estiment qu’il demeurele meilleur bar de jazz de Yokohama. Le longcomptoir offre une incroyable collection de bou-teilles de whisky et autres alcools forts tandisque les murs sont recouverts de photos et de dé-pliants qui rappellent le passé du lieu. La collectiontrès éclectique de disques allant du big band auxplus belles voix du jazz permet de satisfaire toutesles oreilles.Hamada Bldg, 276 Yamashita-chô, Naka-ku045-662-2586Tous les jours de 11h30 à 14h et de 17h à minuit(du lundi au jeudi), de 11h30 à 14h et de 17 à 2h(vendredi et samedi) et de 11h30 à 14h le di-manche. http://bar-navi.suntory.co.jp/shop/0456622586/

J. D.

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新宿日本語学校Shinjuku Japanese Language InstituteSINCE 1975

12 ZOOM JAPON numéro 57 février 2016

ZOOM CULTURE

H UMEUr par KOga ritsuko

Je rêvais d'habiter dans une maison semblableà celle des Parisiens que j'avais vue dans desrevues de décoration japonaises. Un mur peinten vert, habillé par plusieurs cadres de photos,affiches ou peintures. Désorganisés mais har-monieux. En venant en France, je pensais quej’habiterais naturellement dans ce genre d'es-pace. Mais non ! En douze déménagements,pas de mur vert et, avec un peu de chance, j’aieu le droit à des murs blancs, mais pas tou-jours. Cette dernière décennie, j'ai vécu dansun appartement couvert de papier peint roseet bleu clair, avec des motifs d’animaux secachant entre des cocotiers. Je n’ai touché àrien, par principe, afin de récupérer ma cau-tion. Pourtant, j'ai récemment appris qu’”onpeut même négocier avec l'agence pour lui fac-turer les travaux réalisés dans la mesure où turends plus joli cet appartement et l'agence pourrale louer plus cher après toi”.Les Français sont fortslorsqu'ils doivent se défen-dre ! Donc, c'est fini la junglepastel et les carrelages blancsde la salle de bain qui res-semblent à une morgue ! Jevais devenir amie avec lesmagasins de bricolage ! Pourtant, on ne s'en-tend pas toujours. Je ne peux pas y aller ensemaine à cause de mon travail, et le dimanchela plupart sont fermés à Paris. Pourquoi fer-ment-ils le jour où ils peuvent avoir plus devisites? “Parce que c'est un jour de repos”, m'ontdit mes amis. Mais le bricolage peut être unrepos pour moi. “Ecoute, de toute façon, il estinterdit de bricoler le dimanche”. Pour quelle rai-son? C'est catholique? “a cause du bruit. Tu nepeux même pas tondre le gazon dans certainescommunes”. alors, quand peut-on s’adonnerau bricolage chez soi ?D'accord, il est temps pour moi d'oublier leterme japonais pour bricoleur qui se traduit lit-téralement par “charpentier du dimanche”, maisde réfléchir à comment récupérer des heureset des minutes au travail pour avoir un jour“libre”, ou à combien je vais devoir payer unavocat pour installer une étagère murale undimanche après-midi, à la française !

Mon dimanche à moi

MaNga Humour noirpour Kaneko AtsushiAvec Soil en 2004, l’auteur de Bambi

(1998) avait déjà franchi une étape

décisive dans son parcours de

mangaka. Il avait confirmé son

énorme talent avec Wet Moon (2011)

récompensé par l’Association des

critiques et journalistes de bande

dessinée lors de sa sortie en France

trois ans plus tard. La sortie de

Deathco, sa dernière série entamée en

2014 au Japon, chez Casterman nous

permet de saisir une nouvelle

progression dans l’œuvre de ce

mangaka dont

on apprécie la

démesure.

Cette fois, il a

choisi de s’en

prendre aux

criminels en

lançant à leurs

trousses des

tueurs à gages

recrutés parmi

des amateurs.

Le meilleur d’entre eux s’appelle

Deathko, une ado mélancolique qui ne

rate jamais son coup. KANEKO Atsushi

aurait pu se contenter d’enchaîner des

scènes de violence, mais il fait preuve

d’une grande retenue. Il préfère

suggérer tout en créant des situations

parfois burlesques. Cette maîtrise

indique que notre homme ne se laisse

pas déborder par ses personnages. Sa

mise en scène est aussi soignée que

celle d’un Quentin Tarentino de la

grande époque. Assurément notre

coup de cœur du mois.

Deathco de KanEKO atsushi, trad. aurélien

Estager, coll. Sakka, Casterman, 2 volumes

parus, 8,45 € chaque.

EXPO Moriyama Daido àla Fondation CartierLa Fondation Cartier aime le Japon et l’a

prouvé à plusieurs reprises par le passé.

Elle ouvre une

nouvelle fois ses

portes à un

artiste japonais,

en l’occurrence

le photographe

MORIYAMA Daido

qu’elle avait

déjà accueilli en

2003. L’occasion

de mettre en évidence son travail récent

avec de nombreuses photographies

couleur, aspect méconnu de son œuvre

mais qui constitue un de ses centres

d’intérêt. Il a aussi réalisé un diaporama

inédit à découvrir avec ses autres

productions du 6 février au 5 juin.

Fondation Cartier pour l'art contemporain

261, boulevard Raspail 75014 Paris

Ouvert du mardi au dimanche de 11h à 20h

(22h le mardi). Entrée : 10,50 € (TR 7 €).

http://fondation.cartier.tickeasy.com/fr-FR/accueil

ÉVÉNEMENT Au rythme duCœur régulier Adapté du roman

éponyme d’Olivier

Adam, Le Cœur régulier

de Vanja D'Alcantara

avec Isabelle Carré et

KUNIMURA Jun s’annonce

comme l’une des

bonnes surprises du printemps. Zoom

Japon s’associe à la sortie de ce long-

métrage prévue le 30 mars avec

plusieurs avant-premières

exceptionnelles. A suivre sur notre

page Facebook.

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ZOOM CULTURE

D evant la maison natale de David Bowiesituée 39 Stansfield road, dans le quartierde Brixton, à Londres, des anonymes

sont venus nombreux déposer des fleurs, des bougieset des messages. Parmi eux, celui de Kanako. Enve-loppée dans du plastique pour éviter que la pluiene l’efface, la lettre commence en anglais “DearDavid Bowie” avant de se poursuivre en japonais.“出火吐暴威様”, “Cher David Bowie”… Kanako achoisi de transcrire en caractères chinois le patronymedu musicien disparu le 10 janvier 2016 à l’âge de69 ans, comme l’avait fait, il y a plus de 40 ans, ledesigner Kansai Yamamoto sur les costumes descène qu’il lui avait alors dessinés. “Celui qui crachedes mots avec fougue”, traduction presque littéraledes caractères choisis pour transcrire son nom, està cette époque inspiré par le Japon“Je crois qu’en dehors de l’Angleterre, c’est le seulendroit où je pourrais vivre”, affirme-t-il dans unentretien paru dans le magazine britannique MelodyMaker, le 24 février 1973. Il n’a pas encore renoncéà son personnage Ziggy Stardust qui, par de nom-breux aspects, a beaucoup emprunté à un univers

influencé par la culture japonaise. Sa tournéeAladdin Sane se terminera quelques mois plus tardà Londres. Enveloppé dans sa cape sur laquelle leskanji en noir et rouge renvoient au public sonintérêt pour le pays du Soleil-levant, il annoncerala fin de cette phase importante dans sa carrière.Mais pour l’heure, le chanteur en est arrivé aupoint d’imaginer une installation dans l’archipel.Même s’il ne le fera jamais, le Japon a dominé lespremières années de son parcours artistique, jusqu’autournant des années 1980.Comme l’avaient fait d’autres artistes près d’unsiècle auparavant, David Jones alias David Bowiese tourne vers l’art japonais car il exprime unenouveauté et une différence à laquelle il aspire. Ilaurait pu reprendre à son compte les propos desfrères Goncourt selon lesquels “l’art n’est pas un,ou plutôt, il n’y a pas un seul art. L’art japonais estun art aussi grand que l’art grec. L’art grec, toutfranchement, qu’est-ce qu’il est? Le réalisme du beau.

L’intérêt que le musicien a noué avec leJapon a largement contribué à construire salégende et sa renommée internationale.

MUSIQUE Amours japonaises pour Bowie

Pas de fantaisie. Pas de rêve.” David Bowie veutjustement sortir des carcans artistiques en vigueurà l’époque.A l’affût de nouvelles tendances avant qu’elles nes’enracinent, le futur Ziggy Stardust comprendque le Japon peut l’aider à exprimer sa créativité età marquer sa différence. Le moment est favorable,car l’ancien ennemi de la Seconde Guerre mondialeretrouve un droit de cité et son prestige auprèsd’acteurs de la scène culturelle anglaise. Plusieursexpositions sur l’art japonais se déroulent dans lacapitale britannique. Dans les milieux de la mode,on commence à s’inspirer de motifs venus d’Ex-trême-Orient tandis que des théâtres accueillentdes spectacles de bunraku et de kabuki. DavidBowie est sous le charme. Il prend des cours avec lechorégraphe Lindsay Kemp sur qui la danse, lamusique et le théâtre classique japonais ont eu uneinfluence considérable. “J’enseignais mon approchede la danse japonaise que nous pratiquions sur la

En 1972, l’exposition “L’Esthétisme et le culte du

Japon” organisée à la Fine Art Society illustre le

retour en grâce de l’art japonais chez les Anglais.

Le 23 janvier 2016, devant la maison natale de David Bowie, à Londres, le message de Kanako (à droite).

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février 2016 numéro 57 ZOOM JAPON 15

ZOOM CULTURE

musique TAkeMiTSu Tôru”, raconte ce dernier. Il asans doute aidé son élève à reprendre à son compteplusieurs éléments de cet art dans ses spectaclesqui ont bouleversé la scène musicale du début de ladécennie suivante. “Je pense qu’il ne connaissait riendu théâtre japonais avant de me rencontrer. il ensavait beaucoup quand il est parti”, se souvient ledanseur.La rencontre de David Bowie avec YAMAMOtO

Kansai est aussi essentielle, car elle permet de ma-térialiser et de souligner la japonité de l’artiste,mais elle lui donne aussi l’occasion d’imposer l’am-biguïté sexuelle de ses personnages. A une époqueoù les expériences dans ce domaine interpellentune société en quête de changement, David Bowiepuise dans ses références japonaises, en particulierl’univers du kabuki, pour incarner des êtres censésremettre en cause l’ordre établi au niveau de lasexualité. Il trouve dans l’onnagata, le rôle de lafemme joué par un homme dans le théâtre kabuki,de quoi alimenter son imagination. YAMAMOtO

Kansai l’accompagne et crée des costumes parfai-tement adaptés à ses envies. “il avait un visage pascomme les autres. il n’était ni homme ni femme.Ça me convenait parfaitement parce que la plupartde mes créations sont conçues pour l’un et l’autre”,explique celui qui offrira au chanteur quelques-uns de ses costumes les plus originaux, lors de sesfameuses tournées de 1973 et 1974. Ziggy Stardustest alors “comme certains chats du Japon…” (Likesome cat from Japan), chante David Bowie dansla chanson éponyme. S’il abandonne les habits japonais en 1973, ilconserve néanmoins de nombreux liens avec lepays du Soleil-levant qui va continuer à imprégnerson œuvre. Il est en relation avec le photographeSUKItA Masayoshi avec qui il collabore sur plusieursprojets et qui réalise certains de ses plus beaux por-traits. Dans ses chansons, le Japon est source d’ins-piration. Leur contenu en témoigne. Dans Blackout,cinquième titre de l’album Heroes (1977) il affirmeque “je suis sous influence japonaise et mon honneurest en jeu” (i'm under Japanese influence/And myhonour's at stake). Deux ans plus tard, il évoque

Kyôto dans Move on, troisième chanson de Lodger.L’année suivante, dans Scary Monsters (And SuperCreeps), ce sont “des photos de Japonaises” (Justpictures of Jap girls in synthesis) dans Ashes to Ashesqui semblent le hanter. Avec cette chanson, ilsemble vouloir clore un chapitre de sa vie faited’excès liée peut-être à une recherche d’identité. Ils’était ouvert avec une plongée dans l’universjaponais, il se termine symboliquement par sa par-

ticipation au film Furyo (Senjô no Merry Christmas,1983) signé ÔShIMA Nagisa dans lequel il incarnele major Jack Celliers. La relation ambiguë qu’ilentretient avec le capitaine Yonoi interprété parSAKAMOtO Ryûichi rappelle à bien des égardsl’époque durant laquelle David Bowie jouait surson ambivalence sexuelle en puisant notammentdans le registre du théâtre kabuki. Mais à la différencede la décennie précédente, son personnage, quimeurt dans le film, exprime une résistance etmarque en quelque sorte un tournant dans l’imagequ’il entend donner de lui. Au moment où Furyo

sort sur les écrans, David Bowie, le musicien,propose Let’s dance, un album où il n’est plusquestion de Japonaises mais d’une China Girl.David Bowie plus masculin que jamais a abandonnétout artifice vestimentaire importé d’Extrême-Orient. Il entame une tournée mondiale au coursde laquelle sa posture va nettement s’occidentaliserpour ne pas dire se normaliser. Un peu trop, dirontcertains. Est-ce pour cette raison que les hommages

des plus grands fans de l’artiste après sa disparitionrenvoient presque tous à son époque “japonaise”.Devant sa maison natale comme sur le mur dugrand magasin Morleys à Brixton où son visaged’Aladdin Sane a été dessiné, c’est surtout cettepériode que regrettent ses admirateurs venusapporter des photos, des dessins liés à elle. Oncomprend aussi pourquoi Kanako a fait le voyagejusque-là pour lui “exprimer du fond du cœur sagratitude”. “Hontôni arigatô gozaimasu”, écrit-ellesimplement. Nous nous joignons à elle.

ODAIRA NAMIHEI

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Le 3 juillet 1973 à l’Hammersmith Odeon de Londres, David Bowie a revêtu pour la dernière fois sa cape

dessinée par YAMAMOTO Kansai et sur laquelle on distingue son nom transcrit en kanji.

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ZOOM CULTURE

Une maison de style japonais, presquecachée par une haute haie de bambou,voit passer les touristes qui se rendent à

un temple bouddhiste qui la jouxte. Situé à peuprès à deux kilomètres du centre-ville de Kamakura,ancienne capitale du Japon, ce petit coin niché auflanc d’une colline est loin de l’agitation de la citéhistorique. Les visiteurs qui se prennent en selfiesdevant le pavillon principal semblent ignorer lalégende que cette maison abritait. hara Setsuko,star des stars du cinéma japonais, connue pour sesfilms tournés avec l’incontournable OzU Yasujirô,est une légende, un mythe, un mystère. Elle apassé la seconde moitié de sa vie dans cette maisondans un silence complet après sa retraite en 1963,jusqu’à ce qu’elle décède le 5 septembre 2015, à95 ans.De nombreux photographes indiscrets et des ad-mirateurs encombrants avaient bien tenté depercer le mur épais de bambou. En vain. Toutesles sollicitations avaient été balayées d’un reversde la main. Son neveu, qui faisait le pont entrehara et les médias, répétait depuis des décenniesla même réponse : “je suis désolé, elle n’accepteaucune interview”. Un silence absolu qui aura étémaintenu jusqu’à sa mort qui n’a été révélée quele 25 novembre. Ce demi-siècle passé en ermitedans ce logis de Kamakura a renforcé le mythe del’actrice, contraste brutale avec sa carrière fulgurantequi a accompagné l’âge d’or du cinéma japonais.Née en 1920 sous le nom de aiDa Masae, ellerêvait de devenir professeur d’anglais, non actrice.“Le monde du cinéma me paraissait étranger cartrop somptueux”, a-t-elle déclaré par la suite. Maisl’orbite arquée de son sourcil, son nez retroussé etsa peau limpide n’ont pas manqué d’inspirer sonbeau-frère, qui était en train de se frayer un chemin

dans le milieu cinématographique en tant queréalisateur. Convaincu du talent de sa belle-sœur,c’est lui qui lui a proposé de devenir actrice. Lacertitude de ce dernier et les difficultés financièresde la famille l’ont poussée à quitter son école àl’âge de 14 ans, pour rejoindre la société de sonbeau-frère en 1935. Si cette fillette ignorait encore son destin, son en-tourage et le public ont rapidement remarquéquelque chose d’unique chez elle. a l’époque, lesrumeurs affirmaient que ses traits - l’élégance del’orbite qui relie ses sourcils à son nez, ses yeuxprofonds comme ceux des Européens, son souriredit “archaïque” - seraient la preuve que son grand-père avait du sang allemand. aucun membre de

sa famille n’en a jamais parlé officiellement, maiscela “aurait été possible”, raconte Chiba Nobuo,critique de films et spécialiste de l’actrice. il n’est plus possible de prouver quoi que ce soit àce jour, mais une chose est sûre, les Japonais del’époque voyaient en cette actrice au physique oc-cidental des reflets de modernité. Un paradoxeironique quand on sait qu’en Europe, on a plutôtinsisté sur l’image de la femme japonaise - discrète,respectueuse et docile à l’égard des hommes -qu’elle aurait incarnée.après avoir enchaîné des rôles de figurant dansquelques talkies, elle joue l’héroïne du film La fillede Samouraï (Atarashiki tsuchi, 1937) réalisé parl’allemand arnold Fanck dans le cadre du rap-

HARA Setsuko, en couverture du magazine Tôhô de septembre 1949. Elle vient alors de briller dans Les

Montagnes bleues (Aoi sanmyaku) de IMAI Tadashi.

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Disparue en 2015, l’actrice fétiche de OZUYasujirô a marqué l’histoire du cinéma,mais aussi la société japonaise.

HOMMAGE Hara, muse de la démocratie

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février 2016 numéro 57 zooM japon 17

zooM culTuRe

prochement culturel et diplomatique des deuxpays. hara y joue une jeune fille japonaise, candideet innocente, qui attend le retour de son amantparti en allemagne pour ses études. Ce dernier,prenant conscience de son attachement à son paysnatal, met fin à sa relation avec une allemande etépouse la jeune Japonaise, avec qui il part vrai-semblablement en mandchourie. malgré de nombreux clichés sur le Japon, le filmfait salle comble partout. Plus de six millions depersonnes ont vu ce film en allemagne pouradmirer “cette femme typique d’une race si fière”.L'équipe part même en Europe pour faire la pro-motion, où une foule, éprise de cette nouvellestar, se masse à la gare de berlin pour l’accueillir.Là, elle pose pour une photo avec Joseph Goebbels,le responsable de la culture d’hitler, qui a trouvéle film “utile pour comprendre la culture japonaise”,mais “trop long”. hara confessera après la guerrequ’elle était “trop jeune” – 16 ans – pour comprendrele contexte politique peu reluisant de cette œuvre. Pourtant, “c’est grâce à ce film que les réalisateursont remarqué le talent de Hara, capable de jouerune femme japonaise traditionnelle avec un physiquequasi occidental”, raconte Chiba Nobuo. “Ellesavait trouver l’équilibre entre la modernité et latradition dans les personnages qu’elle incarnait”,ajoute-t-il. Tout au long de sa carrière, son imageoscillera toujours entre ces deux axes, tout commela société japonaise de l’époque qui allait sombrerdans une guerre fatale avant de renaître littéralementde ses cendres avec un régime démocratique.Pourtant, ces reflets de la modernité chez hara

seront négligés voire supprimés dans les annéessombres qui ont suivi son voyage en Europe.Durant cette période, elle tiendra essentiellementdes rôles de femme japonaise traditionnelle, commecelui de La guerre maritime, de Hawaï à Malaya(Hawai-Mare okikaisen, 1942). Dans ce filmtourné sous la censure, elle incarne la sœur d’unsoldat qui participe à la bataille de Pearl harbor.Elle l’encourage à partir en guerre et à se battrevaillamment pour le pays comme toutes les Japo-naises étaient censées faire. Guerre oblige.

Toutes les bonnes choses ont une fin. Les mauvaisesaussi. Le talent de hara Setsuko s’épanouit dès lafin de la guerre. Cela fait écho aux besoins de lasociété japonaise d’après-guerre, qui attendait unestar pour représenter cette nouvelle ère, jeune, libreet dynamique. Le rejet du militarisme et l’aspirationà la démocratie dominent. alors âgée de 25 ans,cette femme magnifique et éblouissante a su releverle défi. Elle déploie son talent allégrement, commesi elle-même chantait la joie d’être libre. “Nous, les Japonaises, nous avons été opprimées etexploitées depuis si longtemps comme des esclaves.Par conséquent, nous n’avons jamais eu d’identitéà nous. affranchies par la fin d’une guerre cauche-mardesque, nous sommes juste éblouies par cettelumière de liberté”. Telle est la phrase qu’ellelance avec fureur dans Les Montagnes bleues (aoisanmyaku, 1949) dans le rôle de ShimazaKi Yu-kiko, professeur d’un collège qui s’oppose à sessupérieurs encore attachés aux mœurs patriarcaux.Le public, épris de cette star “moderne” devenuel’icône de la jeunesse, la nomme “la muse de ladémocratie japonaise”.C’est cette année-là qu’elle tourne pour la premièrefois avec le réalisateur Ozu Yasujirô dont la répu-tation était déjà solide. Lui qui cherchait à travailleravec elle depuis longtemps, va dresser le portraitd’une jeune femme, Noriko, incarnée par hara,avec un raffinement infini dans une série de troislongs métrages. Le dernier, Voyage à Tokyo (Tôkyômonogatari, 1953), immortalise leurs noms dansl’histoire du cinéma. Ozu décrit le déclin dusystème familial japonais vécu par un couple deretraités. hara, 33 ans et au faîte de sa carrière, ytient à perfection le rôle de leur belle-fille qui leschoie à Tôkyô, contrairement à leurs enfants quiles négligent. Le cinéaste aborde les thèmes universels- le changement de génération, la vieillesse et lamort, la tradition faisant face à la modernité -avec une précision d’horloger. Quant à hara, elle incarne une veuve de guerre,fidèle à la tradition familiale, qui refuse toujoursde se remarier malgré les mœurs. Les critiques ytrouvent un reflet de la société japonaise d’alors,

de nouveau à la recherche de la tradition aumoment où le pays renoue avec la croissance éco-nomique et aspire à la démocratie. “Ozu a essayé defaire cohabiter ces deux choses dans ce rôle de Noriko,que personne d’autre que Hara n’aurait su incarner.Personne”, assure Chiba Nobuo. L’intimité entrel’actrice et le réalisateur a donné lieu à des rumeurssur une éventuelle liaison amoureuse. Que ce soitvrai ou non, elle qui ne voulait surtout pas interrompresa carrière pour un mariage, restera célibatairejusqu’à sa mort. Cette petite rébellion contre lescoutumes de l’époque - qui restent encore en vigueurd’ailleurs - lui vaut le surnom de “vierge éternelle”que hara réprouve sèchement en dénonçant “uneinvention des médias”.Pourtant, le choix de rôles qui s’offrent à elle devientde plus en plus limité. Trop âgée pour jouer unejeune fille et trop présente sur scène pour être unefigurante, elle perd peu à peu sa place dans le mondedu cinéma. Les regards du public se tournent versles nouvelles vedettes qui lui succèdent, et les mœurssexistes dans le milieu du cinéma ne donnent pasde rôle de protagoniste à une femme de 40 ans.Lasse d’être suivie par des magazines à scandales,souffrant d’une cataracte et probablement conscientedes limites de sa carrière, elle se décide, sans toutefoisle déclarer, de mettre fin à sa carrière. Cette disparitiondes grands écrans parachève sa légende. a Kamakura,ville pleine de souvenirs avec Ozu – c’est ici qu’ilsont tourné ensemble – et donnant sur le Pacifique,elle a passé la seconde moitié de sa vie dans la tran-quillité qu’elle souhaitait avoir depuis longtemps.Selon son neveu, elle aimait surtout lire les journauxet parler de l’actualité internationale, de la montéede l’Etat islamique au changement climatique. Saréputation et son image de l’éternel féminin nefurent pas ternies par sa retraite, mais la société abeaucoup changé pendant ce demi-siècle. 70 ansaprès “la guerre qui a accablé la jeunesse” de hara

Setsuko, le pays prend une direction inconnueavec une population vieillissante. Qu’en auraitpensé l’actrice qu’on avait baptisée “la muse de ladémocratie japonaise” ? On ne le saura jamais.

YAGISHITA YUTA

Tr ed

fevrier2016_zoom_japon 26/01/16 15:51 Page17

Historiquement, « Shikoku-Ohenro »retrace l'itinéraire emprunté par lemoine Kûkai (dont le nom boud-

dhiste posthume est Kôbô Daishi), lors deson apprentissage, en 800. C'est lui qui intro-duisit le Shingon au Japon, l'une des treizeécoles bouddhistes de l'archipel, depuis laChine. La première référence au pèlerinagede Shikoku apparaît dans des écrits du XIIe

siècle mais c'est seulement entre les XVIe etXVIIe siècles qu'il se finalise et prend laforme qu'on lui connait aujourd'hui. Plus qu'une marche religieuse, Shikoku O-henro est avant tout une marche spiri-tuelle : si les premiers jours, l'attention dupèlerin se focalise d'abord sur la douleurphysique qu'il ressent dans le dos et lesjambes, il finit par l'oublier, à mesure quela Nature de l'île déploie ses paysagesépoustouflants. Son littoral, ses mon-tagnes escarpées, ses forêts, l'environne-

ment luxuriant pousse à faire levide : le chemin permet de s'of-frir un temps de réflexion sursoi-même. Les paysages et lasérénité dégagée par les lieuxde recueillement favorise cetteintrospection. On dit quelorsque l'on achève la marche,on sait qui l'on est vraiment. A travers ce chemin de pèleri-nage, en plus d'une communionavec la Nature, on découvre uneculture infinie. La générosité dela population locale, amoureusede sa région et avide de fairedécouvrir Shikoku aux pèlerins,est un soutien moral sans prix.Les 88 temples traversés sontplus surprenants les uns que

les autres : qu'il s'agisse de la salle destrésors (Zentsû-ji), de la grotte sacrée(Muroto), mais encore de pavillonsconstruits au sommet de montagnes oudirectement dans la roche (Iwaya-ji).

Au 9ème siècle, en fondant le temple Kon-gôbu-ji au Mont Kôya ou Kôya-san dans lapréfecture de Wakayama, Kûkai désiraitétablir un monastère à l'écart des distrac-tions du monde, où les moines pourraientprier pour la paix. Perché sur un plateaude 1000 mètres d'altitude, il marque ledébut (pour les marcheurs les plus aguer-ris) et l'arrivée de Shikoku Ohenro. Classé au patrimoine mondial de l'Unescoen 2004, le Kôya-san abrite un ensemblede monastères dédiés à l'étude et à la pra-tique du bouddhisme Shingon. Sur 4000habitants, un quart sont des moines. Cesderniers partagent volontiers leur quoti-dien avec les visiteurs : hébergement (shu-kubô), cuisine Shôjin ryôri, prières... Le lieule plus étonnant reste l'Okuno-in, un cime-tière de 200 000 pierres tombales élevéesdans une forêt de cèdres. Il s'articule autourdu Tôrô-dô, pavillon des lanternes, quiabrite le mausolée de Kûkai.

Particularisme du pèlerinage de Shikoku :la population locale organise l'« O-settai ».Les marcheurs peuvent se reposer, profiterde l'accueil chaleureux des stands répartistout le long d’environ 1300 kilomètres etse restaurer d'une spécialité locale oud'une boisson, généreusement offertes.

Le moine Kûkai et le mont Kôya

O-settai

Bordée par le Pacifique et la merintérieure de Seto, l'île de Shi-koku abrite un chemin de pèle-rinage riche de 1200 ans d'his-toire. A travers ses quatreprovinces, sur 1200-1400 kilo-mètres de paysages naturels àcouper le souffle, les pèlerins sedéplacent, au rythme de 88 tem-ples sacrés, sur les pas du moinebouddhiste Kûkai ou Kôbô Dai-shi. Le but étant d'accéder àl'Eveil, état où l'esprit est unifiéà l'univers. Pour soutenir lespèlerins dans ce périple de 45jours à pied, une gastronomiesavoureuse et la générosité sansborne des habitants qui offrentcadeaux et lieux de repos auxmarcheurs (O-settai).

Traditionnellement, un Ohenro-sanporte un chapeau (菅笠), une vesteblanche (白衣) et une étole. Il marcheavec un bâton et son sac contient uncarnet voué à être calligraphié danschacun des temples traversés.

PÈLERINAGE À SHIKOKU

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En traversant les quatre préfectures del'île, le pèlerinage dévoile toutes lesrichesses de Shikoku.

Tokushima, point de départ“Shikoku Ohenro” prend son départ au tem-ple Ryôzen-ji, dans la préfecture de Tokus-hima. C'est ici que les pèlerins (henro)s'équipent de la tenue traditionnelle. Avecses 23 temples, Tokushima symbolisel'Eveil de l'esprit du Bouddha. Ses eauxpuissantes qui voient jaillir le tourbillon deNaruto, né des courants de la mer inté-rieure, purifie les marcheurs avant le dé-part. Energique, Tokushima est une villefestive où la danse Awa-odori est célébréetoute l'année. Ainsi vivifié, le pèlerin peutpartir, quittant petit à petit un environne-ment urbain pour le parc forestier de Ka-miyama avant de regagner la mer au templen°18. Sur la plage d'Ohama (temple n°23),on aperçoit la ponte des tortues de mer.

La sérénité des plaines de Kagawa Avec le temple n°66, les pèlerins arriventdans la préfecture de Kagawa, symbole del'entrée dans le Nirvana. Entre mer et mon-tagnes, la plaine de Sanuki serait la terrequi vit la naissance de Kûkai : la légende ditqu'il serait né à Zentsû-ji, où un templesomptueux a été édifié. Productrice d'olives(île de Shôdo) et de fruits, Kagawa est na-turellement tournée vers les échanges avecles autres îles de la mer intérieure (com-merce, culture, arts, etc.) du fait de sa posi-tion, au cœur du parc national deSetonaikai. Réputée pour ses musées d'artcontemporain, le caractère avant-gardistede Kagawa ne l'empêche pas de s'investirdans des arts plus traditionnels commecelui du jardin Ritsurin.

Une pause thermale à Ehime A mi-chemin du pèlerinage, le pèlerinquitte sensiblement les montagnes pour

gagner les plantations d'agrumes de la pré-fecture d'Ehime, grande productrice de clé-mentines. Une nouvelle facette de l'île deShikoku se dévoile alors : celle de la préser-vation d'un patrimoine local millénaire. Eneffet, c'est ici que l'on trouve les plus an-ciennes stations thermales du Japon, richesde plus de 3000 ans d'histoire. La ville deMatsuyama en est l'exemple le plus frap-pant. Si elle promet au pèlerin un reposbien mérité, elle le plonge également dansle Japon d'autrefois à travers le charme deses auberges traditionnelles (ryokan) etdes splendides bains de Dôgo onsen, re-connu patrimoine culturel national.

Kôchi et ses reliefs montagneux Les 16 temples de la préfecture de Kôchicomposent la partie la plus difficile du pèle-rinage : la topographie, formée à 84 % parles montagnes, entraine d'importants déni-velés. La nature y est soudain plus sauvage.A la pointe, se trouve l'hypnotisant cap deMuroto. L'ambiance brumeuse des lieux oùmontagnes et plages se rejoignent, ne per-met plus de distinguer la limite entre la meret le ciel : c'est en faisant ce constat, alorsqu'il priait dans une grotte, que Kôbô Daishia choisit le nom de Kûkai, « ciel » et « mer »en japonais. Connue pour ses yuzu et sa bonite, Kôchi estla ville natale de SAKAMOTO Ryôma, le samou-rai qui a mené la révolution contre le Sho-gunat TOKUgAwA à la fin de l'ère Edo.

Aéroport KIX

InformationsPour avoir plus d’informations sur le pèlerinage et le tourisme à Shikoku :http://wwwtb.mlit.go.jp/shikoku/88navi/en/Facebook: https://www.facebook.com/88navihttp://www.tourismshikoku.org/

Kôchi

L'aéroport international du Kan-sai (Osaka) est accessible direc-tement depuis Paris avec Air

France. D'ici, il est possible de rejoindreShikoku par un bus qui mène directe-ment à Tokushima. Un bureau d'infor-mations situé au 1er étage permet deréserver transports, visites, héberge-ments, etc. Pour accéder à Koya-sandepuis l'aéroport, prendre un train(Nankai), un cable-car et un bus (arrêt :Senjuinbashi).

REPORTAGE SPÉCIAL SHIKOKU

Nature luxuriante et culture raffinée

Ehime

Kagawa

Tokushima

Site web Facebook

shikoku-58-new_Mise en page 1 26/01/2016 21:32 Page1

20 ZOOM JAPON numéro 57 février 2016

boîte en mousse de polystyrène réfrigérante. Elleest déposée à l’entrée de la maison. Chaque menuest accompagné d’une recette et de la liste desingrédients et leurs éléments nutritifs. Différentespropositions permettent au client de sélectionnerdes menus en fonction du temps de préparationplus ou moins long. Le jour où je dois travaillerà la maison, j'ai le temps de cuisiner, mais pascelui de faire des courses. Je prends la formule debase ou shokusai qui propose des légumes de sai-son. La formule rapide est adaptée aux journéesde travail passée à l'extérieur. Son principe :15 minutes de préparation pour un menu dedeux personnes. Pour cela, les légumes sont déjàcoupées et mis sous vide. Le plat mijoté est pré-cuit ou encore, la viande ou le poisson sont prêtsà griller ou à frire. Une autre formule baptisée Ydéli convient pour les jours où je ne peux pas ren-

ZOOM GOURMAND

D eux ans ont passé depuis mon retourau Japon. Contrairement à mon séjourà Paris au cours duquel j’ai pleinement

profité de la vie de célibataire, aujourd'hui, j'ai troisrôles à assumer : femme, mère et pâtissière. Lestâches domestiques ne me dérangent pas et surtoutfaire la cuisine fait partie de mon plaisir, d'autantplus que j'ai une famille qui s'en régale et m'en féli-cite. Au début, tous les soirs je préparais différentsplats. Puis, le travail s'est accumulé. Depuisquelques mois, je n'ai plus de temps de faire lescourses en semaine. Comme je n'ai pas de grandfrigo, je ne peux pas faire de courses importantesle week-end non plus et je ne veux pas préparerdes plats trop simples ou répétitifs. Alors j'ai com-mencé, il y a peu de temps, à recourir au Servicede livraison à domicile des ingrédients nécessairesà la préparation du dîner. Je l'ai testé pendant une semaine et, maintenant,je ne peux pas m'en passer ! Le système est simple.Chaque semaine, on m'envoie un catalogue desrepas du soir que je pourrai préparer la semainesuivante. La livraison est quotidienne. Les ingré-dients du dîner à préparer sont mis dans une

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trer à l'heure du dîner à cause du travail ou d'unesoirée quelconque. Les plats sont tout faits et ilsuffit de les réchauffer au micro-onde ou dansl'eau chaude. Mon fils de 12 ans peut le faireaussi! Il reste une dernière catégorie que je n'aipas encore essayée : le bentô congelé.On peut passer commande d’une semaine surl’autre sans obligation de commander pour tousles jours. Le tarif est en moyenne 600 yens parpersonne pour un repas. Puisque dans les super-marchés je dépense autant, que je ne passe plusde temps à réfléchir au menu du soir, de courirpour faire des courses, et que comme la quantitéest bien adaptée à la composition de la famille,je ne jette rien. Je suis gagnante sur toute la ligne.Voilà pourquoi, j’ai pris comme bonne résolutionde l’année de continuer à y faire appel.

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L e jour se lève sur le sanctuaire de Naka-mura. Itô Kazuhiko s'affaire dans l'écurieoù il prépare son cheval pour la course

annuelle du Nomaoi. Pompons en velours, tapisde selle en cuir noir et or, étriers en laque noire,rien n'est trop beau pour cette fête qui célèbre milleans d'histoire du clan Sôma, de la ville qui porte lemême nom dans la préfecture de Fukushima. Signi-fiant littéralement “la course des chevaux sauvages”,les origines du Nomaoi remontent à l'ère Sengoku

(milieu du XVe siècle- fin du XVIe siècle) où lessamouraïs s'entraînaient secrètement à capturerdes hordes de chevaux sauvages pour les offrir auxdieux shintô. “Si vous avez vu Le Dernier samouraï,vous saurez que ces hommes appartenaient au clanSôma !” lance fièrement Kazuhiko en caressant lacroupe de son cheval. Natif de la cité portuaire deSôma, celui-ci a 31 ans et participe pour la premièrefois de sa vie à la grande course du Shinki Sôdat-suen. Un événement pour lequel il se préparedepuis presque 10 ans. Au loin, on entend le chantdes cigales qui monte au rythme du soleil. Bientôt,il fera une chaleur étouffante. Mais pour l'heure,le sanctuaire est encore un havre de paix où les

cavaliers peuvent communier avec leur montureloin de la foule. “Nous avons prié les dieux du sanc-tuaire pour redonner à cette fête toute sa splendeuret faire que Sôma se reconstruise rapidement”,

A l’instar du Palio de Sienne, le Nomaoide Sôma est le rendez-vous des cavaliersqui défendent leur région avec fierté.

Pendant trois jours, sous une chaleur accablante, les cavaliers remontent le temps et entraînent le public dans un univers disparu.

HISTOIRE Esprit samouraï es-tu là ?

S’Y RENDREAU DÉPART DE TÔKYÔ, il faut emprunter laligne de train à grande vitesse Tôhokushinkansen jusqu’à Sendai. Il faut compterenviron deux heures. Changer alors pour laligne Jôban jusqu’à Haranomachi qui se trouveà environ 100 km au sud. Une navettegratuite assure le transport jusqu’aux lieuxdes festivités. Le rendez-vous de 2016 auralieu du 30 juillet au 1er août.

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explique Takahashi Makoto qui s'occupe de l'or-ganisation du Nomaoi au niveau de Minami-sôma,la ville voisine. La triple catastrophe du 11 mars2011 a laissé des traces indélébiles dans cette régioncôtière qui vivait de la pêche. L'accident nucléairede la centrale de Fukushima Dai-ichi, à 20 km delà, a provoqué l'exil de 160 000 habitants issus deplusieurs villages voisins, désignés comme zoneinterdite. Beaucoup se sont réfugiés à sôma etMinami-sôma et habitent encore dans des loge-ments provisoires. Pourtant même en 2011, leNomaoi n'a pas raté son rendez-vous annuel. Commençant, la veille, par une procession descavaliers dans la ville de sôma, la fête attire des cen-taines de personnes au petit matin. Puis la foulegrossissante se dirige vers le sanctuaire d'Ôta àMinami-sôma pour le départ d'une autre proces-sion. autour des trois sanctuaires de Nakamura,Ôta et Odaka, le Nomaoi reconstitue chronolo-giquement pendant trois jours les rituels guerriersdes samouraïs. Dans un décor splendide de rizièrescernées de montagnes, le cortège avance solennel-lement au rythme des tambours et des conques,réplique parfaite d'un rouleau de peinture duMoyen-age. Derrière le commandant-en-chef, desprêtres, des porteurs de palanquins, des palefreniers,des guerriers, mais aussi des enfants parés commedes princes défilent dans une ambiance à la foismajestueuse et tranquille. Les cavaliers du haut deleur noble stature n'hésitent pas à saluer et rire avecles spectateurs agglutinés le long des rizières, s'éven-tant énergiquement en maudissant la chaleur.Comme tous les matsuris – les fêtes traditionnellesjaponaises –, le Nomaoi est un moment de retrou-vailles annuelles entre familles et amis. Pour certains,c'est aussi l'occasion d’exprimer leur passion pourles équidés. “Je suis venue de la ville de Fukushima,je suis folle d'équitation et je participe à mon premierNomaoi cette année”, confie émue MaruMaTsu

Fumie, une jeune femme à qui on a demandé detirer les cavaliers au pas. Certains chevaux hennis-sent et s'ébattent, énervés par la foule et le pas lentde la procession. Jadis, les chevaux de sôma étaientréputés dans tout le Japon, mais ils sont désormais ITÔ Kazuhiko a acheté son armure à Kyôto.

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24 ZOOM JAPON numéro 57 février 2016

ZOOM VOYAGE

délaissés au profit d’une race plus résistante et sur-tout plus grande. “On a dû adapter nos chevaux àla taille des Japonais d’aujourd’hui. Nos ancêtres nemesuraient pas plus de 1, 60 m!” note Kazuhiko. Ila acheté son cheval il y a six mois, juste à temps pourcommencer l'entraînement. “Le Nomaoi est unefête à part. Même si on a envie d'y participer on ne lepeut pas, il faut trouver le bon cheval et ce n'est pascomme une voiture, il ne suffit pas d'avoir de l'argent”,raconte-t-il. Malheureusement, arrivé à l'hippo-drome de Hibarigahara où doit se dérouler la pre-mière course du Nomaoi. Kazuhiko tombe violem-ment de son cheval. Ambulance, hôpital. La blessuren'est pas grave, mais le médecin préfère le garder enobservation. Nous rentrons sans lui au Mihosushi,le restaurant que tiennent ses parents à Sôma, véri-table petit musée du Nomaoi. Souriante, Ichiko, lamaman, nous sert sur le grand tatami des plats detempura et de sashimi en attendant le retour de sonfils. “Il y a quelques années, j'ai commencé à faire desrecherches sur les origines de mes ancêtres et j'ai décou-vert que c'était des samouraïs. C'est comme ça queKazuhiko a décidé de participer au Nomaoi. Car ilfaut porter le blason d'une famille de samouraï pourpouvoir être admis”, explique-t-elle en montrant l'ar-moirie des ITô, une fleur de gentiane, trônant au-dessus des dizaines de bouteilles de saké offert parleur l'entourage. Enfin, Kazuhiko rentre, accompa-gné de ses deux fidèles amis. D'humeur un peu som-bre après cette chute, il mange un morceau avantde monter dans ses appartements à l'étage pour sereposer, et déclare qu'il participera comme prévu àla grande course du lendemain. La famille ne faitpas de commentaires. Kazuhiko s'est entraînédepuis six mois, partant à minuit après le travailpour courir sur son cheval. Et puis, ils en ont vud'autres. Le restaurant qui leur sert aussi de maisona été à moitié détruit par le séisme, la belle-sœuroriginaire de Namie - à 3 km de la centrale acci-dentée, est maintenant une réfugiée nucléaire, etl'ami de la famille, TADANo Akio, travailleurnucléaire, a perdu sa mère et sa sœur lors du tsu-nami. Pour les ITô, la première participation de leur fils

à la course du Nomaoi est une question de sauve-garde de la tradition. Sur environ 500 participantsannuels, cette fête désignée patrimoine immatérielde la culture populaire japonaise ne compte plusqu'une poignée de jeunes cavaliers, dont Kazuhikofait partie.Il est 10h. Dans une chaleur torride, la famille ITô

réunie sur un grand parking essaie tant bien quemal d'enfiler 30 kg d'armures sur le corps costaudde Kazuhiko. L'équipement est impressionnant :gants, jambières, cuirasses, cotte de mailles, cuir,laine ou soie, rafistolés avec amour par la maman.“On a tout acheté a Kyôto dans un piteux état ! Cer-taines de ces armures datent des guerres deMomoyama d'avant l'ère Edo !” raconte Ichiko enserrant un foulard blanc autour du front de sonfils. “Les armures japonaises sont différentes de cellesen Occident, elles ne recouvrent pas tout le corps maisseulement les points sensibles, le cœur, le cou, les cuisses.Car le code d'honneur obligeait qu'on combatte defront, jamais par derrière”, ajoute Kazuhiko. Tout

autour, d'autres familles procèdent au même rituel,entourant le fils, le mari ou le frère qui en ce jour,représente les ancêtres.“Il y a encore beaucoup de gens qui utilisent lesarmures de leurs arrière-arrière grands-parents qu'ilsont eu la chance de conserver”, commente Kazuhikoen enfilant son casque en poil de sanglier orné decornes. Enfin prêt, il se dirige de sa démarche alour-die vers la station-service qui s'est transformée enécurie médiévale, avec des chevaux qui déambulentprès des pompes à essence et des rangées de guer-riers assis, l'air placide, sabre – katana – collé à lahanche, attendant le départ de la procession. Troiskilomètres jusqu'à l'hippodrome de Hibarigaharaoù se tiendra la grande course. “Attention ! reculez !”crient les haut-parleurs à l'approche du cortège. Laville n'est plus qu'un vaste embouteillage où chacunessaie de se rapprocher le plus vite possible du stade.Nous entrons avec la famille ITô sur la vastepelouse au centre de l'hippodrome qui sert de back-stage : assis sur l'herbe, les familles finissent dedéjeuner, serrées tant bien que mal à l'ombre d'unparasol, tandis que les cavaliers fument une cigaretteavant la course. Tout autour, des milliers de per-sonnes aussi abritées sous des chapeaux sont assisessur les gradins. “Hydratez-vous ! Hydratez-vous !”lancent les haut-parleurs. Bientôt la tribune com-mence a appeler avec tout le martial dont la languejaponaise est capable les premiers concurrents dela course. Avançant deux par deux, les samouraïsessaient de retenir tant bien que mal leur monturehennissante tandis que le coup d'envoi est donné.Mille mètres à parcourir, une distance très longuesi l’on considère la température caniculaire de cemois de juillet qui frôle les 45 degrés. Un chevalbrusquement atteint de vertige manque de tomberdans les pommes tandis qu'il est amené près d'uneroulotte qui sert d'ambulance. Une femme lui tam-ponne le front avec de la glace tandis que deuxvieux arrivent et lui font avaler de force des poi-gnées de sel. “C'est pour le forcer à boire ! les chevauxpeuvent mourir d'insolation avec cette chaleur hor-rible!” dit l'un d'eux. Le festival se tenait traditionnellement les 25, 26 et

Toutes les générations sont concernées.

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février 2016 numéro 57 ZOOM JAPON 25

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27 mai, puis il a été décalé progressivement fin juillet.“Autrefois, nous étions tous des paysans et le festivalrespectait le calendrier shinto du repiquage du riz.Maintenant, on compte surtout des salariés ordinaireset on a abandonné progressivement l'aspect sacré duNomaoi pour en faire une fête d'été qui coïncide avecle week-end”, explique un ancien. Chaque année,des chevaux meurent de chaleur, mais il est certainqu'avec son calendrier estival, le Nomaoi attire plusde touristes. Une manne économique non négli-geable, affirme TAKAhAShI Makoto. ce dernier rap-pelle que grâce à la nouvelle autoroute qui relie laville d'Iwaki à Sôma, le Nomaoi peut accueillir

210 000 visiteurs venus de tout le Japon. La coursetouche à sa fin. Au loin, sur la pelouse, on aperçoitKazuhiko qui tourne sur son cheval, comme s'il ron-geait son frein. Il n'a pas gagné à la course mais ilreste l'ultime épreuve, la plus importante : le Hata-tori. Il s’agit d’attraper quarante étendards en pleinvol. Dans un bruit de feu d'artifice, les drapeaux sontenvoyés un par un dans les airs, suivi du regard parune quarantaine de samouraïs qui se précipitentpour en attraper un. Brusquement, ce ne sont plus des samouraissolennels et dociles, mais une horde de guerriersqui crient et s'insultent, n'hésitant pas à s'em-

poigner à chaque envolée de drapeau. Alors quele dernier son de conque indique bientôt la finde la fête, Kazuhiko se jette dans la cohue etattrape un étendard in extremis. Plein d'émoi, ils'avance vers la tribune pour recevoir les félici-tations du jury. Mais pour lui, rien ne vaut larécompense qu'il tient dans les mains. “C'est leplus beau cadeau que je puisse faire à ma femmeenceinte, et à mes ancêtres. Je suis le plus jeune dema lignée à avoir jamais saisi un étendard !” dit-il en serrant contre lui celui du sanctuaire deNakamura, celui de sa ville bien-aimée de Sôma.

ALISSA DESCOTES-TOYOSAKI

La course se déroule sous une chaleur éprouvante pour les cavaliers et leurs montures. Jéré

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Tél. 01 55 80 57 40, [email protected]

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3ème éditionSynergies entre

tradition et modernité- L’artisanat local japonais à la pointe -

Maison de la culture duJapon à Paris

2 - 13 février 12h-20h(fermé les dimanches et lundis)

101 bis, quai Branly 75015 ParisM° Bir-HakeimRER C Champ de Mars - Tour Eiffel

Cette petite exposition présentedes créations artisanales réal-isées grâce à des techniquestraditionnelles propres à dif-férentes localités du Japon. Bienqu’issus de savoir-faire ances-traux, ces ouvrages sont par-faitement adaptés à nos modesde vie modernes, notammentgrâce au dynamisme des créa-teurs. Découvrez le potentielartisanal des régions japonaises,encore méconnu en France.Certaines des créationsprésentées seront ensuitedisponibles à la vente.

16 - 25 février 12h-20hDISCOVER JAPAN

12 rue Sainte-Anne 75001 Paris

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