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Jérémie Souteyrat pour Zoom Japon www.zoomjapon.info gratuit numéro 43 - septembre 2014 Manga La révolution GARO

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Zoom Japon, numéro 43 (septembre 2014)

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Jérémie Souteyrat pour Zoom Japon

www.zoomjapon.info

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014

Manga

La révolution

GARO

couv43_zoom_japon 25/08/14 21:45 Page1

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ZOOM ACTU

ÉDITOSouvenirs2014 marque le cin-quantième anniversairedes Jeux olympiques deTôkyô. Nous aurionspu évoquer ce souvenirimportant, car il a mar-qué le retour du Japon

dans le concert des nations. Mais nousavons préféré célébrer un autre anniversaire.Celui du magazine Garo, un mensuel demangas lancé en septembre 1964. Créé pardes personnes qui voulaient “éduquer” lesplus jeunes pour qu’ils comprennent lemonde qui les entourait et ne le subissentpas. Le magazine est rapidement devenuun lieu de créativité et de bouillonnementd’idées qui a influencé toute une générationde lecteurs, mais aussi de mangaka encoreen activité. Une façon pour nous de par-tager quelques souvenirs avec vous.

LA RÉ[email protected]

SOCIÉTÉ Les accros dupachinkoEnviron 5,36 millions de Japonais de 20

ans et plus (dont 4,4 millions

d'hommes) ne peuvent s'empêcher de

jouer, en particulier au pachinko, ces

machines verticales dans lesquelles on

introduit des billes d’acier dans une

ambiance sonore assourdissante. En

d’autres termes, 5% des adultes

nippons sont accros aux jeux alors que

la moyenne dans les pays développés

est de 1%. Un vrai problème de société.

AGRICULTURE Le riz deFukushima s’exporteLa fédération japonaise des

coopératives agricoles a annoncé que

les exportations de riz en provenance

de la préfecture de Fukushima avaient

repris, en août, pour la première fois

depuis l'accident nucléaire du 11 mars

2011. La première destination de ce

riz soumis à des contrôles particuliers

sur la radioactivité est Singapour.

D’autres pays sont concernés par ces

exportations.

Telle est la

progression

du nombre de touristes étrangers qui

ont foulé le sol japonais en juillet 2014

par rapport au même mois de l’année

dernière. Au total, 1,27 million de

personnes ont visité l’archipel au cours

du septième mois de l’année. Un record.

26,6 %

L E REGARD D’ERIC RECHSTEINER

L’été 2014 aura été l’un des plus chauds que le Japon a connu ces dernières années. C’est dans cette ambiancecaniculaire que certains sont venus s’entraîner au ski d’été sur les pentes du mont Fuji. Une manière de sepréparer à l’hiver et à ses températures dont beaucoup rêvaient alors que le thermomètre flirtait avec les40°C pendant les mois de juillet et d’août.

Station de Fujiten, préfecture de Yamanashi

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Couverture : Jérémie Souteyrat pour Zoom Japon

2 ZOOM JAPON numéro 43 septembre 2014

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Gourmet - mode - culture - artisanat - tourisme

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4 ZOOM JAPON numéro 43 septembre 2014

ZOOM ACTU

I l y a un peu de plus de trois ans, les lycéenspréparaient leurs examens de fin d’année avecdes rêves plein la tête. C’est à ce moment que

sont survenus le séisme et le tsunami du 11 mars2011. Leur environnement a non seulement changé,mais aussi l’avenir qu’ils avaient pu envisager. Touten continuant à vivre avec des blessures émotionnellesdont ils ne parlent pas, ces jeunes doivent toutefoisaller de l’avant. Nous avons fait le point avec deuxd'entre eux sur ces trois années passées dans unlycée en préfabriqué.

ABE Yûna (17 ans), Lycée d’études commerciales d’Ishinomaki

“Ma vie de lycéenne, telle que j’avais pu l’imaginer, aété bouleversée par le tsunami”, raconte, le regardtriste, la jeune fille qui a reçu son diplôme en marsdernier. Trois ans auparavant, Yûna, qui venait deréussir sa dernière année au collège Watanohad’Ishinomaki, discutait chez elle avec ses amis de

son entrée au lycée lorsqu’une violente secoussecomme elle n’en avait jamais connue auparavants’est produite. Après le retour de ses parents, elle apassé la nuit suivante au second étage du collègeaprès le passage du tsunami. Le lendemain matin,elle a pu voir la dévastation qui avait frappé la villeet notamment le lycée où elle devait suivre sascolarité. Le quartier de Matsubara où elle habitaitavait été entièrement détruit. Sa perruche qu’elleadorait mais qu’elle n’avait pas pu emmener avecelle dans le centre d’évacuation interdit aux animauxavait péri. Sa vie de lycéenne a donc débuté dans le chaos.Comme le bâtiment du lycée pourtant faciled’accès pour elle n’était pas utilisable, la cérémoniede rentrée s’est déroulée, en mai, dans le gymnasemunicipal. Jusqu’à la mise à disposition de bâtiments

La catastrophe du 11 mars 2011 abouleversé l’existence des jeunes de lacité portuaire. Témoignages.

SÉRIE Nous, les lycéens d’Ishinomaki

préfabriqués, les cours se sont déroulés dans diffé-rents endroits de la ville en fonction de leur dis-ponibilité. “Il y avait pas mal de contrainte detemps du fait que j’utilisais le bus de ramassagescolaire. Ça demandait chaque jour pas mal d’énergie”,se souvient-elle. C’est en décembre 2011, huitmois après la rentrée, que les nouveaux bâtimentspréfabriqués du lycée ont été achevés. Les coursont ainsi pu reprendre normalement jusqu’à lafin de l’année scolaire. “C’était ce que nous attendions,mais comme il s’agissait de constructions provisoires,le vent pénétrait facilement, les murs de séparationentre les classes étaient tellement fins que l’on pouvaitentendre ce qui se disait dans la classe voisine. Achaque fois que j’étais confrontée à ce genre d’incon-vénient, je me mettais à penser à ce qui ce se seraitpassé s’il n’y avait pas eu de séisme”, raconte-t-elle.

Comme nous vous l’avions annoncé dans notrenuméro de mars, nous avons entamé la publica-tion d’une série d’articles rédigés par l’équipe del’Ishinomaki Hibi Shimbun dans le but d’informerles lecteurs sur la situation dans l’une des villes lesplus sinistrées. Malgré ses difficultés, ce quotidienlocal continue à enquêter et à apporter chaquejour son lot de nouvelles. Si vous voulez le soute-nir dans sa tâche, vous pouvez vous abonner à saversion électronique pour 1000 yens (moins de7 euros) par mois :https://newsmediastand.com/nms/N0120.do?com-mand=enter&mediaId=2301

ABE Yûna (à droite) a terminé ses études secondaires en mars 2014. Elle travaille désormais. Ishi

nom

aki H

ibi S

him

bun

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4 ZOOM JAPON numéro 43 septembre 2014

ZOOM ACTU

I l y a un peu de plus de trois ans, les lycéenspréparaient leurs examens de fin d’année avecdes rêves plein la tête. C’est à ce moment que

sont survenus le séisme et le tsunami du 11 mars2011. Leur environnement a non seulement changé,mais aussi l’avenir qu’ils avaient pu envisager. Touten continuant à vivre avec des blessures émotionnellesdont ils ne parlent pas, ces jeunes doivent toutefoisaller de l’avant. Nous avons fait le point avec deuxd'entre eux sur ces trois années passées dans unlycée en préfabriqué.

ABE Yûna (17 ans), Lycée d’études commerciales d’Ishinomaki

“Ma vie de lycéenne, telle que j’avais pu l’imaginer, aété bouleversée par le tsunami”, raconte, le regardtriste, la jeune fille qui a reçu son diplôme en marsdernier. Trois ans auparavant, Yûna, qui venait deréussir sa dernière année au collège Watanohad’Ishinomaki, discutait chez elle avec ses amis de

son entrée au lycée lorsqu’une violente secoussecomme elle n’en avait jamais connue auparavants’est produite. Après le retour de ses parents, elle apassé la nuit suivante au second étage du collègeaprès le passage du tsunami. Le lendemain matin,elle a pu voir la dévastation qui avait frappé la villeet notamment le lycée où elle devait suivre sascolarité. Le quartier de Matsubara où elle habitaitavait été entièrement détruit. Sa perruche qu’elleadorait mais qu’elle n’avait pas pu emmener avecelle dans le centre d’évacuation interdit aux animauxavait péri. Sa vie de lycéenne a donc débuté dans le chaos.Comme le bâtiment du lycée pourtant faciled’accès pour elle n’était pas utilisable, la cérémoniede rentrée s’est déroulée, en mai, dans le gymnasemunicipal. Jusqu’à la mise à disposition de bâtiments

La catastrophe du 11 mars 2011 abouleversé l’existence des jeunes de lacité portuaire. Témoignages.

SÉRIE Nous, les lycéens d’Ishinomaki

préfabriqués, les cours se sont déroulés dans diffé-rents endroits de la ville en fonction de leur dis-ponibilité. “Il y avait pas mal de contrainte detemps du fait que j’utilisais le bus de ramassagescolaire. Ça demandait chaque jour pas mal d’énergie”,se souvient-elle. C’est en décembre 2011, huitmois après la rentrée, que les nouveaux bâtimentspréfabriqués du lycée ont été achevés. Les coursont ainsi pu reprendre normalement jusqu’à lafin de l’année scolaire. “C’était ce que nous attendions,mais comme il s’agissait de constructions provisoires,le vent pénétrait facilement, les murs de séparationentre les classes étaient tellement fins que l’on pouvaitentendre ce qui se disait dans la classe voisine. Achaque fois que j’étais confrontée à ce genre d’incon-vénient, je me mettais à penser à ce qui ce se seraitpassé s’il n’y avait pas eu de séisme”, raconte-t-elle.

Comme nous vous l’avions annoncé dans notrenuméro de mars, nous avons entamé la publica-tion d’une série d’articles rédigés par l’équipe del’Ishinomaki Hibi Shimbun dans le but d’informerles lecteurs sur la situation dans l’une des villes lesplus sinistrées. Malgré ses difficultés, ce quotidienlocal continue à enquêter et à apporter chaquejour son lot de nouvelles. Si vous voulez le soute-nir dans sa tâche, vous pouvez vous abonner à saversion électronique pour 1000 yens (moins de7 euros) par mois :https://newsmediastand.com/nms/N0120.do?com-mand=enter&mediaId=2301

ABE Yûna (à droite) a terminé ses études secondaires en mars 2014. Elle travaille désormais. Ishi

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ZOOM ACTU

A compter de 2012, elle a commencé à se rendreen train jusqu’au lycée, profitant de sa vie delycéenne avec ses amis. Mais cette année fut déjàsa dernière au lycée. “J’ai passé trois ans avec laplupart de ceux qui étaient là au moment de la ca-tastrophe. Ce sont trois années où nous sommesbeaucoup soutenus”, explique-t-elle. Son meilleursouvenir est le festival culturel qui a été organiséau lycée. “Lorsque j’étais encore au collège, j’avaisvu cette fête et cela m’avait donné très envie d’entrerdans ce lycée”, confie Yûna. En 2011, elle avait étéannulée et l’année suivante, elle avait été une di-mension bien différente de celles du passé. Elle nevoulait pas que sa vie de lycéenne se termine surune note identique. Aussi, dès son entrée endernière année, elle s’est portée volontaire pourorganiser la fête du lycée. Vice-présidente du comitéd’organisation, elle s’est investie dans cette mission.“Je voulais qu’elle ressemble à celles d’avant. Ils’agissait d’en faire notre plus beau souvenir. Letrésor d’une vie”, se souvient-elle. Au printemps, elle a été embauchée dans un or-ganisme financier local. “Je voulais travailler dansla région surtout après le séisme. Les entreprises quirecrutent contribuent à la reconstruction de larégion. C’est pourquoi je souhaitais pouvoir participerà ce mouvement”, raconte Yûna. Elle a donc réussià passer de sa vie de lycéenne à celle de salariée, ensurmontant le poids de la catastrophe.

CHIBA Hisato (18 ans)Lycée piscicole de la préfecture de Miyagi

“Mes rêves d’avenir ont beaucoup changé avec leséisme, mais je ne regrette rien”, lance Hisato quisuit désormais des cours à l’Université des tech-niques et des sciences de la mer à Tôkyô. Il estoriginaire du quartier d’Ogachi à Ishinomaki.Avant le tsunami, sa famille faisait de l’aquaculture.Son objectif était alors de prendre la succession.C’est pourquoi il a décidé sans hésitation de re-joindre le lycée piscicole. Mais la catastrophe atout remis en cause. Ce jour-là, il a trouvé refuge

sur une colline située derrière chez lui avec samère et son grand-père. Aucun membre de sa fa-mille n’a péri, mais l’outil de travail de sa famillea été détruit et il a été impossible de le relancer.“Comme j’étais entré au lycée avec l’idée de reprendrel’affaire familiale, j’étais très déprimé après leséisme”, reconnaît-il. Après son entrée au lycée, ila changé ses objectifs. “Je ne pouvais plus m’occuperde l’entreprise familiale, mais je voulais tout demême continuer à évoluer dans le secteur de lapêche. Je ne voulais pas baisser les bras face à la ca-tastrophe et je souhaitais jouer un rôle dans la re-construction de ma ville”, ajoute-t-il. Hisato en aconclu qu’il devait entreprendre des études supé-rieures avant de revenir dans sa ville natale. “Il n’yaura pas de reconstruction si l’industrie de la pêcheà Ishinomaki ne redémarre pas”, assure-t-il.Comme les locaux préfabriqués ne bénéficiaientpas d’assez de salles d’expérimentation, les lycéensdevaient se rendre dans d’autres endroits situés àWatanoha. Ils perdaient donc beaucoup de temps.“Aujourd’hui encore je ne peux pas nier qu’il afallu une sacrée volonté pour passer ces trois années”,explique-t-il avec franchise. Aussi a-t-il beaucoupbûché, pouvant compter sur ses amis qui ontaussi vécu la même situation. Leur chemin étaitdifférent, mais ils pensaient tous à leur ville.“C’est d’avoir pu compter les uns sur les autres quinous a sans doute permis de nous en sortir”, assureHisato. Au printemps, il a rejoint Tôkyô où il acommencé à vivre seul après avoir passé tantd’années avec sa mère, son frère et son grand-père, son père étant décédé lorsqu’il était enfant.S’il doit beaucoup à sa mère qui l’a élevé, iln’oublie pas ses amis. “Le soutien de la famille estnaturel, mais l’amitié des copains de lycée avec quion a partagé des joies et des peines est un trésor ir-remplaçable. C’est ce qui m’a permis de surmonterles épreuves après le séisme”, raconte celui qui veutrevenir plus tard à Ishinomaki pour participer àla renaissance de la ville, en devenant enseignantau lycée piscicole.

YOKOI YASUHIKO & YAMAGUCHI HIROSHI

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6 ZOOM JAPON numéro 43 septembre 2014

I l y a tout juste cinquante ans, le Japon s’ap-prêtait à tourner une page de son histoire.tôkyô allait accueillir les Jeux olympiques et

inaugurer le premier train à grande vitesse (shin-kansen) du monde. Quatre mois auparavant, le paysavait fait son entrée dans l’organisation de coopé-ration et de développement économiques (oCDE),symbole de sa réussite économique à peine vingtans après sa capitulation. Les Japonais ont travaillédur pour reconstruire leur économie et pour revenirau niveau des puissances occidentales. En cetteannée 1964, ils obtiennent aussi le droit de voyagerlibrement à l’étranger. Pour le Parti libéral-démo-crate (PLD) qui dirige l’archipel depuis une décen-nie, tout va pour le mieux et il entend donner uneimage positive de l’archipel au reste du monde quiaura son regard braqué sur lui à l’occasion de lagrande fête de l’olympisme. Pourtant, derrière le vernis, il subsiste de nombreuxproblèmes et il existe une frustration chez de nom-breux Japonais oubliés de la croissance ou mécon-tents de la façon dont le pays est conduit. Déjà à lafin des années 1950 et au début de la décennie sui-

vante, une partie importante de la population étaitdescendue dans la rue pour manifester son oppo-sition à la signature du traité de sécurité nippo-amé-ricain qui, selon elle, inféodait le Japon aux Etats-Unis. Dans les lycées et les universités, la grogneétait forte non seulement à l’égard de la politiqueextérieure, mais aussi et surtout à l’égard des rigiditésde l’enseignement. C’est dans ce contexte qu’ap-paraît un nouveau magazine consacré au manga.Garo, c’est son nom, est créé pour permettre notam-

ment à l’un de ses fondateurs, Shirato Sanpei,d’expliquer aux plus jeunes que le monde dans lequelils vont être amenés à évoluer est loin d’être un longfleuve tranquille. Bien au contraire, il est dur et ilest indispensable de se battre pour qu’il deviennemeilleur. C’est au travers de Kamui-den, une œuvrefleuve qu’il entend “éduquer” les plus jeunes. CarGaro ne s’adresse pas, dans un premier temps, à unpublic d’adultes ou de jeunes adultes. D’ailleurs,dès son numéro 2, le mensuel arbore fièrement la

Un poil à gratternommé

Créé il y a tout juste 50 ans, le magazine anon seulement influencé l’univers dumanga, mais aussi la société japonaise.

ZOOM DOSSIERco

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A la fin des années 1950, après de nombreuses années d’efforts,le Japon sort enfin la tête de l’eau du point de vue écono-

mique. Sur le plan politique, les Japonais font confiance aux conser-vateurs du Parti libéral-démocrate né en 1955 de la fusion du Partilibéral et du Parti démocrate. Cette formation va mener une poli-tique d’alignement sur les Etats-Unis qui irrite une partie de la popu-lation. Les manifestations contre le renouvellement du traité desécurité nippo-américain se multiplient dans l’archipel. Pour rendrecompte de ce mécontentement croissant, le groupe Asahi lancele 15 mars 1959 un nouveau magazine baptisé Asahi Journal. Ancréà gauche, il s’impose rapidement comme l’hebdomadaire de réfé-rence dans les milieux intellectuels et universitaires. Pour les fon-dateurs de Garo, il constitue un modèle à tel point que la couverturedu premier numéro de Garo (voir ci-dessus à gauche) ressembleraà celle de l’Asahi Journal publiée cinq ans plus tôt. O. N.

La référence d’actualité

GARO

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N°1, septembre 1964 N°63, juillet 1969 N°72, février 1970 N°89, mars 1971

N°119, juillet 1973

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Page 7: Zoom Japon 043

mention “junior magazine” pour montrer que lesenfants sont ses principales cibles. L’un des person-nages importants de Kamui-den est un enfant, Shô-suke, qui se comporte de façon exemplaire, en ten-tant de tirer vers le haut son village qui subit le jougdes seigneurs. Une façon pour Shirato de tenter deséduire les jeunes lecteurs. Mais les obstacles sontnombreux. Vendu 130 yens pour 130 pages, Garoest toutefois un peu cher pour eux si on le compareà Shônen Magazine ou Shônen Sunday commer-cialisés 50 yens dont les pages regorgent de hérospositifs et de cadeaux. S’il ne trouve pas grâce auprèsdes plus jeunes, le magazine devient rapidementune lecture de référence parmi les étudiants, ce quiamène la direction à éliminer de sa couverture sonappel au jeune public à partir de mai 1966. C’est un tournant important pour Garo qui voitaussi son contenu évoluer avec l’arrivée de nouveauxauteurs. Ces derniers ne s’adressent plus aux enfants.Les thèmes sont abordés de façon plus subtile qu’au-paravant et font appel à la réflexion des lecteurspour être décodés. Parallèlement, les pages s’ouvrentégalement à des intellectuels qui viennent y discuterdes grands sujets du moment. Le magazine se com-plexifie pour répondre à l’intérêt de lecteurs plusexigeants. Shirato Sanpei adapte aussi Kamui-denà ce changement de stratégie qui permet aux ventesde réellement décoller. En 1967, le mensuel a unediffusion de 80 000 exemplaires, un chiffre qu’ilmaintiendra encore jusqu’au début des années 1970avant de connaître une longue descente aux enferspour finalement disparaître en 2002. tandis quele milieu universitaire est en pleine effervescence,Garo accompagne le mouvement, en offrant danschacune de ses livraisons de nouvelles œuvres quiconvainquent les lecteurs de la nécessité de remettreen cause le mode de développement de la sociétéjaponaise. MizUki Shigeru, que l’on connaît enFrance principalement pour ses séries autour desfantômes et autres personnages du folklore nippon,a beaucoup publié dans Garo des histoires dénon-çant les dérives modernistes du pays et les risquesinduits par le tout technologique pris par le pays.En novembre 1965, il raconte comment des plantesgéantes nées de la pollution vont détruire tôkyô.a sa façon, il tire le signal d’alarme au moment oùles accidents industriels se multiplient et font denombreuses victimes. on trouve dans de nombreux récits diffusés dansle magazine cette volonté de mettre en garde lesJaponais contre la volonté affichée des autoritésd’en finir avec le Japon d’antan qui se fait forcémentau détriment d’une partie de la population. il n’estdonc pas étonnant que des auteurs comme tSUgE

tadao ou tatSUMi Yoshihiro traitent abondam-ment de ces sujets dans leurs histoires où la noirceurdomine. D’autres comme takita Yû (1931-1990)entretiennent une sorte de nostalgie avec ce Japonpopulaire qui n’était certes pas aussi riche, mais oùil existait une véritable sociabilité. Son œuvre la plus

septembre 2014 numéro 43 ZOOM JAPON 7

ZOOM DOSSIER

connue Histoires singulières du quartier de Terajima(Terajimachô kidan) parue entre décembre 1968et janvier 1970 coïncide avec le début de la sériecinématographique Otoko wa tsurai yo [C’est durd’être un homme] qui aborde la même thématiqueet que les Japonais vont plébisciter pendant plus de25 ans. Cette disparition progressive des rapportssociaux est un sujet très prisé de SaSaki Maki qui,tout en s’intéressant notamment à la guerre du Viet-nam, n’hésite pas à publier des bulles blanches oudes bulles remplies de caractères sortis de leurcontexte pour illustrer cette évolution de la société. Cinquante ans plus tard, alors que le Japon est

confronté à des choix cruciaux, on peut regretterl’absence d’une telle publication capable d’alimenterle débat et de susciter la réflexion de ses contem-porains.

ODAIRA NAMIHEI

Extrait de Garo N°55 de janvier 1969. SASAKI Maki (1945-) traite de la guerre du Vietnam dans cette

œuvre où il critique l’apathie voire la complicité du Japon dans ce conflit.

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EXPOSITIONMangaro Du 17 octobre 2014 au 2 février 2015, La Friche - Belle de mai à Marseille accueille uneexposition racontant l’histoire du magazine Garoavec une présentation exceptionnelle denombreux originaux. 41 rue Jobin - 13003 Marseille - Tél. 04 95 04 95 95Du mardi au dimanche de 11h à 19h.

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8 ZOOM JAPON numéro 43 septembre 2014

ZOOM DOSSIER

Garo, ce serait un spectre installé au bordd’une rivière qui se moque des humains.Certains estiment qu’il s’agit d’un être

semblable à un kappabaptisé kawauro ou kawatarô.Quoi qu’il en soit, dans le folklore japonais, c’estune présence importante proche des dieux commeles enfants. garo désigne également l’homme obligéde vivre de façon marginale, car il a été exclu ducentre des villes et des villages. a Ôsaka, le terme“kadarô” est une insulte. aujourd’hui encore, celademeure un sérieux problème dans la société japo-naise comme l’illustre le cas des Burakumin.

Les écrivains de droite n’ont jamais cessé de publierdes romans mettant en scène des généraux ou dessamouraïs célèbres comme MiyaMoto Musashi.inspirés par la morale de ses prestigieux personnages,les lecteurs ont choisi de les prendre comme modèle.Cependant, des romanciers, des mangakas ou desréalisateurs de gauche se sont mis à raconter deshistoires où les héros ne sont pas ces personnagescélèbres mais des ninjas qui travaillent comme desesclaves sous leurs ordres. Les ninjas sont encoreplus humbles que le samouraï issu de la couchesociale la plus basse. utilisés par le pouvoir, ils ontpour mission de récolter des informations du côtéennemi et sont parfois amenés à commettre desactes de sabotage ou des assassinats. Quand ils ontatteint leurs objectifs, ils sont laissés à leur sort parles puissants ou pire encore éliminés pour ne laisseraucune trace. Parti étudier l’art d’avant-garde à Berlin dans lesannées 1920, MurayaMa tomoyoshi, qui s’estinvesti dans l’art prolétarien à son retour au Japon,a publié jusqu’à la fin de sa vie des histoires deninjas dans les journaux du Parti communiste ja-ponais dont certaines, adaptées au cinéma, ontcontribué à populariser le genre. Shirato Sanpeiest le fils d’okaMoto tooki, ami de MurayaMa,qui a joué un rôle central dans le même mouvement

artistique prolétarien. Par ailleurs, okaMoto aété le professeur de dessin d’un certain kuroSawa

akira. Shirato a hérité de son père la philosophiecommuniste et le rejet du militarisme. Lorsqu’il acommencé sa carrière de mangaka dans les années1950, son thème de prédilection était les ninjas.au lieu de raconter de belles histoires d’assassinats,il mettait l’accent sur la misère de ces hommesutilisés comme des chiens par les puissants. Dansses mangas épiques, le ninjaprend la tête des mou-vements de révolte paysanne, mais en rompantavec la communauté des ninjas, il doit survivrecomme un traître. au milieu des années 1960, leshistoires de ninja imaginées par Shirato sontperçues comme une “bible” par les étudiantsengagés dans la lutte contre la guerre et la dominationaméricaine. Les plus engagés d’entre eux affirmaientqu’ils lisaient les mangas de Shirato pour étudierle matérialisme historique de Marx et de Lénine.a la fin des années 1960, au milieu des barricadesà l’université de tôkyô, on organisait des séancesde travail au cours desquelles les œuvres de Shirato

servaient de manuels. Garo est le nom d’un personnage de ninja apparudans un de ses mangas. grand et maigre, il avait lafaculté de lire dans les pensées des autres et pouvaitles manipuler grâce à l’hypnose. il détestait la com-munauté des ninjas inféodée aux puissants et il aéchafaudé un plan pour s’en échapper. il a survécuen tuant avec des méthodes parfois surnaturellesles autres ninjas qui voulaient le supprimer parcequ’il était un traître. Le mensuel Garo est apparuen 1964 en empruntant le nom de ce ninjauniqueen son genre. Son éditeur Nagai katsuichi avaitoccupé pendant la guerre des fonctions au seindes services spéciaux de l’armée impériale. Bienqu’il ait des idées complètement différentes, il ac-

cordait un énorme respect à Shirato. Ce derniervoulait faire de ce nouveau magazine son territoire.il y publia chaque mois son œuvre de référenceKamui-den. il s’agit de l’histoire du combat detrois jeunes issus de trois classes sociales - samouraï,paysan, burakumin - qui lutte pour leur libérationet la liberté dans le Japon du XViie siècle. Cinquanteans après avoir débuté, le récit n’est toujours pasterminé. L’entrée dans les années 1970 s’est ac-compagnée du déclin de la nouvelle gauche. Dansce contexte, Shirato s’est demandé comment ilpouvait poursuivre Kamui-den et a décidé dequitter Garo. a la place, une nouvelle générationde jeunes mangaka a commencé à travailler pourle mensuel comme SaSaki Maki, hayaShi Seiichi,katSuMata Susumu, tSurita kuniko. Ce quiprimait chez eux, c’était de savoir s’il pouvait yavoir un avant-gardisme expérimental dans lemanga. au milieu de la décennie, le magazine connaîtun nouveau tournant. Des auteurs font leur ap-parition. ils ont pour philosophie de prendreleur distance avec le monde. Cela pourrait êtreintéressant si de leur attitude ne se dégageait pasun cynisme à l’égard de l’engagement politiquedes années 1960. Cela correspondait bien à l’étatd’esprit qui régnait au Japon dans les années1980. a la mort de Nagai katsuichi en 1996,Garo a connu une scission qui a mis dans l’embarrasde nombreux contributeurs. Quand le magazinea cessé d’exister en 2002, ce qui nous a frappés,c’est que cela marquait la fin du rôle de cemagazine. Pendant 40 ans, Garo a mené seul uncombat contre le monde du manga commercial.Pendant 10 ans, j’ai écrit dans ce magazine et pasune seule fois je n’ai été payé pour cela.

YOMOTA INUHIKO

TÉMOIGNAGE Le monde selon ShiratoL’écrivain YOMOTA Inuhiko a longtempscontribué à Garo. Il raconte l’impact dumensuel sur une partie de la société.

Sélection de quelques auteursGaro traduits en français

ABE Shin'ichiUne Bien triste famille, trad. parSophie Rèfle, Le Seuil, 2006Un Gentil garçon, trad. par BéatriceMaréchal, Cornélius, 2007

HANAWA KazuichiLa demeure de la chair, trad. parM. Slocombe, Le Lézard noir, 2013

HAYASHI SeiichiElégie en rouge, trad. par BéatriceMaréchal, Cornélius, 2010

HINO HideshiSerpent rouge, trad. par Satoko

Fujimoto et Eric Cordier, IMHO,2004

KATSUMATA SusumuPoissons en eaux troubles, trad. parMiyako Slocombe, Le Lézard noir,2013

MIZUKI ShigeruNonNonBâ, trad. par Patrick Hon-noré et Yukari Maeda, Cornélius,2006Kitaro le repoussant, trad. par EricCordier et Satoko Fujimoto, Cor-nélius 2007-2011

SHIRATO SanpeiKamui-den, trad. par FrédéricMalet, Kana, 2011-2012

SUZUKI ÔjiBleu transparent, trad. par SophieRèfle, Le Seuil, coll. Mangaself,2006

TAKITA YûHistoires singulières du quartier deTerajima, trad. par Sophie Rèfle,Le Seuil, coll. Mangaself, 2006

TATSUMI YoshihiroCoups d'éclat, trad. par NatsuyoFujii et Danièle Delavaquerie, Ver-tige Graphic, 2004Good bye, trad. par Maho Naka-mura, Vertige Graphic, 2005L'Enfer, trad. par Jean-LouisCapron, Satoko Fujimoto et EricCordier, Cornélius 2008

Compléments de lecture

Un kappa selon KATSUMATA Susumu, extrait de

Garo N°67 d’octobre 1969

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8 ZOOM JAPON numéro 43 septembre 2014

ZOOM DOSSIER

Garo, ce serait un spectre installé au bordd’une rivière qui se moque des humains.Certains estiment qu’il s’agit d’un être

semblable à un kappabaptisé kawauro ou kawatarô.Quoi qu’il en soit, dans le folklore japonais, c’estune présence importante proche des dieux commeles enfants. garo désigne également l’homme obligéde vivre de façon marginale, car il a été exclu ducentre des villes et des villages. a Ôsaka, le terme“kadarô” est une insulte. aujourd’hui encore, celademeure un sérieux problème dans la société japo-naise comme l’illustre le cas des Burakumin.

Les écrivains de droite n’ont jamais cessé de publierdes romans mettant en scène des généraux ou dessamouraïs célèbres comme MiyaMoto Musashi.inspirés par la morale de ses prestigieux personnages,les lecteurs ont choisi de les prendre comme modèle.Cependant, des romanciers, des mangakas ou desréalisateurs de gauche se sont mis à raconter deshistoires où les héros ne sont pas ces personnagescélèbres mais des ninjas qui travaillent comme desesclaves sous leurs ordres. Les ninjas sont encoreplus humbles que le samouraï issu de la couchesociale la plus basse. utilisés par le pouvoir, ils ontpour mission de récolter des informations du côtéennemi et sont parfois amenés à commettre desactes de sabotage ou des assassinats. Quand ils ontatteint leurs objectifs, ils sont laissés à leur sort parles puissants ou pire encore éliminés pour ne laisseraucune trace. Parti étudier l’art d’avant-garde à Berlin dans lesannées 1920, MurayaMa tomoyoshi, qui s’estinvesti dans l’art prolétarien à son retour au Japon,a publié jusqu’à la fin de sa vie des histoires deninjas dans les journaux du Parti communiste ja-ponais dont certaines, adaptées au cinéma, ontcontribué à populariser le genre. Shirato Sanpeiest le fils d’okaMoto tooki, ami de MurayaMa,qui a joué un rôle central dans le même mouvement

artistique prolétarien. Par ailleurs, okaMoto aété le professeur de dessin d’un certain kuroSawa

akira. Shirato a hérité de son père la philosophiecommuniste et le rejet du militarisme. Lorsqu’il acommencé sa carrière de mangaka dans les années1950, son thème de prédilection était les ninjas.au lieu de raconter de belles histoires d’assassinats,il mettait l’accent sur la misère de ces hommesutilisés comme des chiens par les puissants. Dansses mangas épiques, le ninjaprend la tête des mou-vements de révolte paysanne, mais en rompantavec la communauté des ninjas, il doit survivrecomme un traître. au milieu des années 1960, leshistoires de ninja imaginées par Shirato sontperçues comme une “bible” par les étudiantsengagés dans la lutte contre la guerre et la dominationaméricaine. Les plus engagés d’entre eux affirmaientqu’ils lisaient les mangas de Shirato pour étudierle matérialisme historique de Marx et de Lénine.a la fin des années 1960, au milieu des barricadesà l’université de tôkyô, on organisait des séancesde travail au cours desquelles les œuvres de Shirato

servaient de manuels. Garo est le nom d’un personnage de ninja apparudans un de ses mangas. grand et maigre, il avait lafaculté de lire dans les pensées des autres et pouvaitles manipuler grâce à l’hypnose. il détestait la com-munauté des ninjas inféodée aux puissants et il aéchafaudé un plan pour s’en échapper. il a survécuen tuant avec des méthodes parfois surnaturellesles autres ninjas qui voulaient le supprimer parcequ’il était un traître. Le mensuel Garo est apparuen 1964 en empruntant le nom de ce ninjauniqueen son genre. Son éditeur Nagai katsuichi avaitoccupé pendant la guerre des fonctions au seindes services spéciaux de l’armée impériale. Bienqu’il ait des idées complètement différentes, il ac-

cordait un énorme respect à Shirato. Ce derniervoulait faire de ce nouveau magazine son territoire.il y publia chaque mois son œuvre de référenceKamui-den. il s’agit de l’histoire du combat detrois jeunes issus de trois classes sociales - samouraï,paysan, burakumin - qui lutte pour leur libérationet la liberté dans le Japon du XViie siècle. Cinquanteans après avoir débuté, le récit n’est toujours pasterminé. L’entrée dans les années 1970 s’est ac-compagnée du déclin de la nouvelle gauche. Dansce contexte, Shirato s’est demandé comment ilpouvait poursuivre Kamui-den et a décidé dequitter Garo. a la place, une nouvelle générationde jeunes mangaka a commencé à travailler pourle mensuel comme SaSaki Maki, hayaShi Seiichi,katSuMata Susumu, tSurita kuniko. Ce quiprimait chez eux, c’était de savoir s’il pouvait yavoir un avant-gardisme expérimental dans lemanga. au milieu de la décennie, le magazine connaîtun nouveau tournant. Des auteurs font leur ap-parition. ils ont pour philosophie de prendreleur distance avec le monde. Cela pourrait êtreintéressant si de leur attitude ne se dégageait pasun cynisme à l’égard de l’engagement politiquedes années 1960. Cela correspondait bien à l’étatd’esprit qui régnait au Japon dans les années1980. a la mort de Nagai katsuichi en 1996,Garo a connu une scission qui a mis dans l’embarrasde nombreux contributeurs. Quand le magazinea cessé d’exister en 2002, ce qui nous a frappés,c’est que cela marquait la fin du rôle de cemagazine. Pendant 40 ans, Garo a mené seul uncombat contre le monde du manga commercial.Pendant 10 ans, j’ai écrit dans ce magazine et pasune seule fois je n’ai été payé pour cela.

YOMOTA INUHIKO

TÉMOIGNAGE Le monde selon ShiratoL’écrivain YOMOTA Inuhiko a longtempscontribué à Garo. Il raconte l’impact dumensuel sur une partie de la société.

Sélection de quelques auteursGaro traduits en français

ABE Shin'ichiUne Bien triste famille, trad. parSophie Rèfle, Le Seuil, 2006Un Gentil garçon, trad. par BéatriceMaréchal, Cornélius, 2007

HANAWA KazuichiLa demeure de la chair, trad. parM. Slocombe, Le Lézard noir, 2013

HAYASHI SeiichiElégie en rouge, trad. par BéatriceMaréchal, Cornélius, 2010

HINO HideshiSerpent rouge, trad. par Satoko

Fujimoto et Eric Cordier, IMHO,2004

KATSUMATA SusumuPoissons en eaux troubles, trad. parMiyako Slocombe, Le Lézard noir,2013

MIZUKI ShigeruNonNonBâ, trad. par Patrick Hon-noré et Yukari Maeda, Cornélius,2006Kitaro le repoussant, trad. par EricCordier et Satoko Fujimoto, Cor-nélius 2007-2011

SHIRATO SanpeiKamui-den, trad. par FrédéricMalet, Kana, 2011-2012

SUZUKI ÔjiBleu transparent, trad. par SophieRèfle, Le Seuil, coll. Mangaself,2006

TAKITA YûHistoires singulières du quartier deTerajima, trad. par Sophie Rèfle,Le Seuil, coll. Mangaself, 2006

TATSUMI YoshihiroCoups d'éclat, trad. par NatsuyoFujii et Danièle Delavaquerie, Ver-tige Graphic, 2004Good bye, trad. par Maho Naka-mura, Vertige Graphic, 2005L'Enfer, trad. par Jean-LouisCapron, Satoko Fujimoto et EricCordier, Cornélius 2008

Compléments de lecture

Un kappa selon KATSUMATA Susumu, extrait de

Garo N°67 d’octobre 1969

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septembre 2014 numéro 43 ZOOM JAPON 9

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Shirato Sanpei (1932-)Avant de publier Kamui-den de décembre 1964 à juillet 1971, il a commencé comme illustrateurde kamishibai, théâtre de papier très en vogue à l’époque. En 1957, il se met au manga sousles auspices de la dessinatrice MAKI Kazuma et publie sa première œuvre Kogarashi Kenshi.

Mizuki Shigeru (1922-)Malgré son handicap - il a perdu son bras gauche à la guerre -, il a connu une carrière extra-ordinaire avec des récits portant sur les fantômes et autres créatures extraordinaires dufolklore japonais. En janvier dernier, il a entamé une nouvelle série à l’âge de 91 ans.

Extrait de Garo N°16 de décembre 1965.

Dans cette courte histoire, MIZUKI Shigeru se

moque de MIYAMOTO Musashi, symbole de la mas-

culinité au Japon et héros de nombreux romans

épiques. Illustration du caractère provocateur du

mensuel.

Extrait de Garo N°52 d’octobre 1968.

MIZUKI Shigeru connaît un franc succès avec les

aventures de Kitaro le repoussant.

Extrait de Garo N°13 de septembre 1965.

L’un des objectifs de SHIRATO Sanpei dans son

œuvre phare est de montrer la difficulté du travail

que les paysans devaient accomplir afin d’expli-

quer les raisons de leur colère et de leur soulève-

ment contre les classes dirigeantes.

Extrait de Garo N°5 de janvier 1965.

“Kamui”, lance le géant des montagnes. Un terme

qui signifie “divinité” dans le langage aïnou.

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A utant qu’il se souvienne, kawamOTO

Saburô a toujours aimé le manga. Âgéde 70 ans, l’écrivain est célèbre pour ses

critiques littéraires et cinématographiques, mais ilest aussi un lecteur compulsif de mangas et un ob-servateur avisé de ce mode d’expression. il y adeux ans, il a finalement publié un ouvrage consacréà ses auteurs préférés parmi lesquels figurentcertains noms qui ont fait la renommée de Garo.

D’où vient le nom Garo ? J’ai lu quelque partque pour choisir le titre du magazine, ses fonda-teurs se sont inspirés d’un gangster américainnommé Joe Gallo.Kawamoto Saburô : C’est possible, mais ce qu’ilfaut savoir c’est que Garo était aussi le nom d’unpersonnage imaginé par ShiraTO Sanpei. Cedernier est un des géants du manga au Japon dontl’importance est aussi grande que celle de Tezuka

Osamu. entre 1959 et 1962, il a créé une série in-titulée Ninja bugeichô : Kagemaru-den [Les artsmartiaux du ninja : la légende de kagemaru] oùapparaît ce personnage du nom de garo. ShiraTO

Sanpei a par ailleurs joué un rôle considérabledans le lancement du magazine.

Garo est apparu en 1964. Pensez-vous que cemensuel a représenté une sorte de révolutiondans l’histoire du manga ? K. S. : absolument. en même temps, son appari-tion était la conséquence logique du changementqu’avait connu le manga depuis la fin de la Secondeguerre mondiale. Cette transformation a com-mencé en 1959 quand les deux grandes maisonsd’édition Shôgakukan et kôdansha ont respecti-

vement créé Shônen Sunday et Shônen Magazine.il s’agissait de magazines très grand publics, maisils ont inspiré une nouvelle vague de jeunes dessi-nateurs plus iconoclastes. L’existence du marchédu livre de prêt (kashi-hon) a aussi joué un grandrôle. a l’époque, les gens avaient l’habitude delouer des livres comme on le fait aujourd’hui pourdes dVd. Les boutiques de prêt souvent trèspetites étaient la plupart du temps situées dans lesbanlieues et les petites villes. On y trouvait denombreuses publications alternatives que les ma-gasins traditionnels ne proposaient pas.

De quelle façon Garoa-t-il révolutionné le manga ?K. S. : Le succès de Garo a inspiré de nombreuximitateurs. Le projet le plus abouti en la matière

RENCONTRE Un modèle jamais égaléGrand amateur de manga, l’écrivainKawamoto Saburô nous confie sonadmiration pour ce mensuel mythique.

est le mensuel COM lancé par Tezuka Osamu en1967. Plusieurs dessinateurs travaillaient pour lesdeux publications qui ne partageaient pourtantpas la même philosophie éditoriale. Tezuka étaitun humaniste et son style était plutôt pondéré.Les histoires de ShiraTO comportaient en revanchedes scènes violentes et parfois horribles. Son styleétait plus sombre. il abordait les thèmes de lapauvreté et des inégalités sociales, et ses personnagesvivaient souvent en marge de la société. C’estd’ailleurs dans Garo qu’un mangaka comme Ta -TSumi Yoshihiro a d’abord été publié. L’approchede Garo est aussi différente dans le fait que leshistoires s’adressaient à un public d’adultes ou dejeunes adultes à la différence des autres publicationsqui visaient principalement les plus jeunes. Onpeut donc faire une distinction claire entre lemanga pour enfants (jidô manga) avec ses messagespositifs et ses histoires légères, et le manga des bou-tiques de prêt plus en phase avec la scène under-ground.

Vous pensez aux lycéens et aux étudiants ?K. S. : en vérité, une grande partie de la clientèledes livres de prêt était composée de jeunes travail-leurs. a cette époque, à peine 40% des lycéens en-traient à l’université. La plupart d’entre eux com-mençaient à travailler dès leur sortie du lycée. Cesont eux qui ont constitué le noyau des lecteursde manga dans les années 1960. Je pense qu’ils ai-maient les histoires qu’on leur racontait car ilspartageaient la même existence sombre que lespersonnages marginaux présents dans les mangas.Bien sûr, les étudiants ont également découvertces magazines. C’est ce qui m’est arrivé. en 1964,j’étais un tout jeune étudiant et lorsque j’ai découvertGaro, ça m’a littéralement bluffé. C’était la premièrefois que je voyais quelque chose comme ça.

Quel était votre mangaka préféré ?K. S. : J’ai tout de suite aimé - et j’aime encore -TSuge Yoshiharu. Les histoires de ShiraTO commeKamui-den s’intéressaient à la lutte des classes etaux révoltes paysannes. elles faisaient écho aumouvement étudiant qui affrontait la police dansles rues pour dénoncer la guerre au Vietnam. maisje préférais le style de TSuge. Ses personnagesétaient de jeunes artistes prêts à en découdre quivivaient à la marge de la société et partaient pourde longs voyages à travers le pays.

C’était la version japonaise des histoires classiquesaméricaines qui se passent “sur la route”…K. S. : Oui et non. Le Japon a une longue traditionde poètes et artistes étonnants comme maTSuO

Bashô ou Taneda Santôka qui menaient des

D ans la déclaration d’intention qui accompagne le premiernuméro de COM, en janvier 1967, TEZUKA Osamu prend

résolument position contre le mercantilisme (shôgyôshugi) qui esten train de gagner l’univers du manga. C’est un des points com-muns qu’il partage avec les fondateurs de Garo. Conscient de lanécessité d’offrir de “vraies histoires”, le père du manga modernes’adresse donc à un public exigeant en quête de qualité. Pourcela, il s’entoure de dessinateurs de talent comme ISHINOMORI Shô-tarô, NAGASHIMA Shinji, ou encore MATSUMOTO Leiji. Il y publie L’Oi-seau de feu (Hi no tori) dès la première livraison et fait en sorted’ouvrir ses pages à de nouvelles plumes. Mais TEZUKA échoue. Ala différence de Garo qui a trouvé un véritable écho auprès de lajeunesse engagée des années 1960, COM ne parvient pas à accro-cher le public. En décembre 1971, il cesse de paraître. Une ten-tative de relance en 1973 se solde par un échec. O. N.

Tezuka le concurrent

Le premier numéro de Shônen Sunday publié par

Shôgakukan en mars 1959.

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A utant qu’il se souvienne, kawamOTO

Saburô a toujours aimé le manga. Âgéde 70 ans, l’écrivain est célèbre pour ses

critiques littéraires et cinématographiques, mais ilest aussi un lecteur compulsif de mangas et un ob-servateur avisé de ce mode d’expression. il y adeux ans, il a finalement publié un ouvrage consacréà ses auteurs préférés parmi lesquels figurentcertains noms qui ont fait la renommée de Garo.

D’où vient le nom Garo ? J’ai lu quelque partque pour choisir le titre du magazine, ses fonda-teurs se sont inspirés d’un gangster américainnommé Joe Gallo.Kawamoto Saburô : C’est possible, mais ce qu’ilfaut savoir c’est que Garo était aussi le nom d’unpersonnage imaginé par ShiraTO Sanpei. Cedernier est un des géants du manga au Japon dontl’importance est aussi grande que celle de Tezuka

Osamu. entre 1959 et 1962, il a créé une série in-titulée Ninja bugeichô : Kagemaru-den [Les artsmartiaux du ninja : la légende de kagemaru] oùapparaît ce personnage du nom de garo. ShiraTO

Sanpei a par ailleurs joué un rôle considérabledans le lancement du magazine.

Garo est apparu en 1964. Pensez-vous que cemensuel a représenté une sorte de révolutiondans l’histoire du manga ? K. S. : absolument. en même temps, son appari-tion était la conséquence logique du changementqu’avait connu le manga depuis la fin de la Secondeguerre mondiale. Cette transformation a com-mencé en 1959 quand les deux grandes maisonsd’édition Shôgakukan et kôdansha ont respecti-

vement créé Shônen Sunday et Shônen Magazine.il s’agissait de magazines très grand publics, maisils ont inspiré une nouvelle vague de jeunes dessi-nateurs plus iconoclastes. L’existence du marchédu livre de prêt (kashi-hon) a aussi joué un grandrôle. a l’époque, les gens avaient l’habitude delouer des livres comme on le fait aujourd’hui pourdes dVd. Les boutiques de prêt souvent trèspetites étaient la plupart du temps situées dans lesbanlieues et les petites villes. On y trouvait denombreuses publications alternatives que les ma-gasins traditionnels ne proposaient pas.

De quelle façon Garoa-t-il révolutionné le manga ?K. S. : Le succès de Garo a inspiré de nombreuximitateurs. Le projet le plus abouti en la matière

RENCONTRE Un modèle jamais égaléGrand amateur de manga, l’écrivainKawamoto Saburô nous confie sonadmiration pour ce mensuel mythique.

est le mensuel COM lancé par Tezuka Osamu en1967. Plusieurs dessinateurs travaillaient pour lesdeux publications qui ne partageaient pourtantpas la même philosophie éditoriale. Tezuka étaitun humaniste et son style était plutôt pondéré.Les histoires de ShiraTO comportaient en revanchedes scènes violentes et parfois horribles. Son styleétait plus sombre. il abordait les thèmes de lapauvreté et des inégalités sociales, et ses personnagesvivaient souvent en marge de la société. C’estd’ailleurs dans Garo qu’un mangaka comme Ta -TSumi Yoshihiro a d’abord été publié. L’approchede Garo est aussi différente dans le fait que leshistoires s’adressaient à un public d’adultes ou dejeunes adultes à la différence des autres publicationsqui visaient principalement les plus jeunes. Onpeut donc faire une distinction claire entre lemanga pour enfants (jidô manga) avec ses messagespositifs et ses histoires légères, et le manga des bou-tiques de prêt plus en phase avec la scène under-ground.

Vous pensez aux lycéens et aux étudiants ?K. S. : en vérité, une grande partie de la clientèledes livres de prêt était composée de jeunes travail-leurs. a cette époque, à peine 40% des lycéens en-traient à l’université. La plupart d’entre eux com-mençaient à travailler dès leur sortie du lycée. Cesont eux qui ont constitué le noyau des lecteursde manga dans les années 1960. Je pense qu’ils ai-maient les histoires qu’on leur racontait car ilspartageaient la même existence sombre que lespersonnages marginaux présents dans les mangas.Bien sûr, les étudiants ont également découvertces magazines. C’est ce qui m’est arrivé. en 1964,j’étais un tout jeune étudiant et lorsque j’ai découvertGaro, ça m’a littéralement bluffé. C’était la premièrefois que je voyais quelque chose comme ça.

Quel était votre mangaka préféré ?K. S. : J’ai tout de suite aimé - et j’aime encore -TSuge Yoshiharu. Les histoires de ShiraTO commeKamui-den s’intéressaient à la lutte des classes etaux révoltes paysannes. elles faisaient écho aumouvement étudiant qui affrontait la police dansles rues pour dénoncer la guerre au Vietnam. maisje préférais le style de TSuge. Ses personnagesétaient de jeunes artistes prêts à en découdre quivivaient à la marge de la société et partaient pourde longs voyages à travers le pays.

C’était la version japonaise des histoires classiquesaméricaines qui se passent “sur la route”…K. S. : Oui et non. Le Japon a une longue traditionde poètes et artistes étonnants comme maTSuO

Bashô ou Taneda Santôka qui menaient des

D ans la déclaration d’intention qui accompagne le premiernuméro de COM, en janvier 1967, TEZUKA Osamu prend

résolument position contre le mercantilisme (shôgyôshugi) qui esten train de gagner l’univers du manga. C’est un des points com-muns qu’il partage avec les fondateurs de Garo. Conscient de lanécessité d’offrir de “vraies histoires”, le père du manga modernes’adresse donc à un public exigeant en quête de qualité. Pourcela, il s’entoure de dessinateurs de talent comme ISHINOMORI Shô-tarô, NAGASHIMA Shinji, ou encore MATSUMOTO Leiji. Il y publie L’Oi-seau de feu (Hi no tori) dès la première livraison et fait en sorted’ouvrir ses pages à de nouvelles plumes. Mais TEZUKA échoue. Ala différence de Garo qui a trouvé un véritable écho auprès de lajeunesse engagée des années 1960, COM ne parvient pas à accro-cher le public. En décembre 1971, il cesse de paraître. Une ten-tative de relance en 1973 se solde par un échec. O. N.

Tezuka le concurrent

Le premier numéro de Shônen Sunday publié par

Shôgakukan en mars 1959.

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Tsuge Yoshiharu (1937-)D'une timidité maladive, sa nature le pousse à rechercher une activité qui s'exerce seule. Cesera mangaka. Après avoir rendu visite à TEZUKA Osamu en personne pour lui demander plusde précisions, il se décide définitivement et commence sa carrière professionnelle à 18 ans.Contraint de produire énormément pour ne pas mourir de faim, il s'essaie à tous les genres.Il débute en 1965 dans Garo, ce qui va lui donner l'opportunité d'un nouveau départ.

Extrait de Garo N°47 de juin 1968.

Nejishiki [La vis] fait suivre au lecteur l’errance

d’un jeune garçon blessé dans un étrange village

de pécheurs. L’atmosphère qui s’en dégage est

oppressante. Un tournant dans l’histoire du

manga. TSUGE a élargi les possibilités d’expression

de ce média en abolissant les contraintes de déve-

loppement narratif et l’impératif de divertissement.

Extrait de Garo N°12 d’août 1965. TSUGE y publie sa première œuvre dans laquelle il aborde à sa

façon le cas du héros japonais MIYAMOTO Musashi.

Tsuge Tadao (1941-)Le jeune frère de Yoshiharu a fait ses débuts à la fin des années 1950 en dessinant des sériesdestinées aux livres de prêt (kashihon) qui constituaient alors le principal canal de distribution.Fin 1968, il fait ses débuts dans Garo où il va surtout explorer l’univers sombre des villes.

Extrait de Garo N°54 de décembre 1968. Pour sa première contribution dans les

colonnes du mensuel, TSUGE Tadao s’intéresse au destin d’un peintre débutant fasciné

par Vincent van Gogh. On y trouve déjà l’intérêt du mangaka pour ceux qui doivent

trimer plus que les autres pour s’en sortir.

Extrait de Garo N°69 de décembre 1969. Alors que le Japon traverse une période

agitée sur le plan politique, TSUGE aborde dans ses œuvres la révolte des petits, des

ouvriers qui se battent pour être reconnus en tant qu’êtres à part entière. Ici on

aperçoit le Parlement en toile de fond d’une manifestation.

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12 ZOOM JAPON numéro 43 septembre 2014

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existences de quasi hermite. A mes yeux, Tsuge

se rapproche d’eux. Ce qui me fascinait le plus,c’était le choix des destinations. Plutôt que de setourner vers des endroits à la mode comme Kyôto,Nara ou encore Kamakura, il se tournait vers desstations thermales hors des sentiers battus, despetits villages de pêcheurs ou d’autres endroits in-congrus.

C’était vraiment différent de l’image que leJapon voulait donner de lui au reste du monde.K. S. : On ne pouvait pas faire plus différent. en1964, Tôkyô accueillait les Jeux olympiques. Pourle gouvernement, c’était l’occasion de montrer ladimension technologique du pays, notammentavec le nouveau train à grande vitesse. Le Japonancien était ainsi peu à peu remplacé par uneversion renouvelée. Mais vous aviez le manga deTsuge qui montrait à tout le monde que le Japontraditionnel n’avait pas disparu. Il suffisait justede sortir de la lumière. Tsuge aimait ces endroitsoubliés. C’est quelque chose que l’on ressent bienen lisant ces récits. Il montrait une profonde em-pathie pour ces lieux oubliés.

Ces mangas étaient-ils populaires ?K. S. : Vous devez savoir que la société japonaiseconnaissait un profond bouleversement à cetteépoque. Beaucoup de jeunes, y compris ma personne,ne savaient pas comment se positionner par rapportà cette évolution. Tous les étudiants n’étaient pas“en colère” et ne cherchaient pas forcément à fairela révolution. Par ailleurs, comme je le disais, denombreux lecteurs étaient de jeunes travailleursdisposant d’un faible bagage scolaire que l’onappelait à l’époque les Kin no tamago [Œufsdorés]. Ce sont eux qui constituaient le noyau deslecteurs de Tsuge. en 1968, lorsque son fameuxNejishiki [La vis] est paru dans Garo, Tsuge avaitdéjà 31 ans. Il était très timide et il évitait d’apparaîtresous le feu des projecteurs.

L’âge d’or de Garo se concentre sur les années1964-1971, mais le mensuel a continué de paraîtrejusqu’en 2002. Qu’est-ce qui a changé dans soncontenu ?K. S. : A ses débuts, Garo n’avait qu’une diffusionde 8 000 exemplaires. Celle-ci a décuplé au coursdes sept années qui ont suivi. D’une certaine façon,il a été victime de son succès. un nombre croissantde publications a suivi son exemple avant que lesgrandes maisons d’édition se lancent à leur tour.La série Golgo 13 de sAITô Takao, par exemple, aété publiée à partir de 1968 par shôgakukan. C’estune des séries les plus longues et les plus populaires.Pourtant son style et son contenu relèvent com-plètement du style de manga que l’on trouvaitdans les boutiques de prêt. Les grands éditeurs nese sont pas contentés de copier le style de Garo, ilsont aussi essayé d’attirer les artistes qui avaient

commencé avec Garo, en leur proposant des droitsd’auteur plus élevés. Peu à peu, le manga alternatifa été aspiré par la culture de masse. Garo a perduson aura et ses lecteurs, passant à une diffusion de20 000 exemplaires. C’est ce qui s’est passé avecmoi. J’ai arrêté de lire Garo, notamment après ledépart de Tsuge en 1970. Il a continué à publierchez d’autres éditeurs, mais à un rythme très lentavant d’arrêter définitivement en 1987.

Pourquoi a-t-il abandonné le manga ? Il nepouvait pas en vivre ?K. S. : Comme je le disais, c’est un être trèsréservé qui a beaucoup de mal à accepter d’être un

auteur à succès. Il voulait rester dans l’ombre.L’autre raison qui l’a poussé à se retirer, c’est l’évo-lution de l’industrie du manga dans les années1970. Au fond, c’est un homme libre qui a uneapproche très artisanale de son art. Il avait l’habitudede dessiner quand il se sentait prêt et il ne pouvaitpas se faire au rythme effréné des publicationshebdomadaires, ni travailler avec des assistants.Vous avez évoqué l’argent. Dans le cas de Tsuge,ce qui est intéressant c’est que moins il a fait demanga, plus il a gagné d’argent. Il a encore denombreux lecteurs fidèles et ses histoires sont ré-gulièrement rééditées.

PROPOS RECUEILLIS PAR JEAN DEROME

KAWAMOTO Saburô, à Tôkyô, juillet 2014.

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12 ZOOM JAPON numéro 43 septembre 2014

ZOOM DOSSIER

existences de quasi hermite. A mes yeux, Tsuge

se rapproche d’eux. Ce qui me fascinait le plus,c’était le choix des destinations. Plutôt que de setourner vers des endroits à la mode comme Kyôto,Nara ou encore Kamakura, il se tournait vers desstations thermales hors des sentiers battus, despetits villages de pêcheurs ou d’autres endroits in-congrus.

C’était vraiment différent de l’image que leJapon voulait donner de lui au reste du monde.K. S. : On ne pouvait pas faire plus différent. en1964, Tôkyô accueillait les Jeux olympiques. Pourle gouvernement, c’était l’occasion de montrer ladimension technologique du pays, notammentavec le nouveau train à grande vitesse. Le Japonancien était ainsi peu à peu remplacé par uneversion renouvelée. Mais vous aviez le manga deTsuge qui montrait à tout le monde que le Japontraditionnel n’avait pas disparu. Il suffisait justede sortir de la lumière. Tsuge aimait ces endroitsoubliés. C’est quelque chose que l’on ressent bienen lisant ces récits. Il montrait une profonde em-pathie pour ces lieux oubliés.

Ces mangas étaient-ils populaires ?K. S. : Vous devez savoir que la société japonaiseconnaissait un profond bouleversement à cetteépoque. Beaucoup de jeunes, y compris ma personne,ne savaient pas comment se positionner par rapportà cette évolution. Tous les étudiants n’étaient pas“en colère” et ne cherchaient pas forcément à fairela révolution. Par ailleurs, comme je le disais, denombreux lecteurs étaient de jeunes travailleursdisposant d’un faible bagage scolaire que l’onappelait à l’époque les Kin no tamago [Œufsdorés]. Ce sont eux qui constituaient le noyau deslecteurs de Tsuge. en 1968, lorsque son fameuxNejishiki [La vis] est paru dans Garo, Tsuge avaitdéjà 31 ans. Il était très timide et il évitait d’apparaîtresous le feu des projecteurs.

L’âge d’or de Garo se concentre sur les années1964-1971, mais le mensuel a continué de paraîtrejusqu’en 2002. Qu’est-ce qui a changé dans soncontenu ?K. S. : A ses débuts, Garo n’avait qu’une diffusionde 8 000 exemplaires. Celle-ci a décuplé au coursdes sept années qui ont suivi. D’une certaine façon,il a été victime de son succès. un nombre croissantde publications a suivi son exemple avant que lesgrandes maisons d’édition se lancent à leur tour.La série Golgo 13 de sAITô Takao, par exemple, aété publiée à partir de 1968 par shôgakukan. C’estune des séries les plus longues et les plus populaires.Pourtant son style et son contenu relèvent com-plètement du style de manga que l’on trouvaitdans les boutiques de prêt. Les grands éditeurs nese sont pas contentés de copier le style de Garo, ilsont aussi essayé d’attirer les artistes qui avaient

commencé avec Garo, en leur proposant des droitsd’auteur plus élevés. Peu à peu, le manga alternatifa été aspiré par la culture de masse. Garo a perduson aura et ses lecteurs, passant à une diffusion de20 000 exemplaires. C’est ce qui s’est passé avecmoi. J’ai arrêté de lire Garo, notamment après ledépart de Tsuge en 1970. Il a continué à publierchez d’autres éditeurs, mais à un rythme très lentavant d’arrêter définitivement en 1987.

Pourquoi a-t-il abandonné le manga ? Il nepouvait pas en vivre ?K. S. : Comme je le disais, c’est un être trèsréservé qui a beaucoup de mal à accepter d’être un

auteur à succès. Il voulait rester dans l’ombre.L’autre raison qui l’a poussé à se retirer, c’est l’évo-lution de l’industrie du manga dans les années1970. Au fond, c’est un homme libre qui a uneapproche très artisanale de son art. Il avait l’habitudede dessiner quand il se sentait prêt et il ne pouvaitpas se faire au rythme effréné des publicationshebdomadaires, ni travailler avec des assistants.Vous avez évoqué l’argent. Dans le cas de Tsuge,ce qui est intéressant c’est que moins il a fait demanga, plus il a gagné d’argent. Il a encore denombreux lecteurs fidèles et ses histoires sont ré-gulièrement rééditées.

PROPOS RECUEILLIS PAR JEAN DEROME

KAWAMOTO Saburô, à Tôkyô, juillet 2014.

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14 ZOOM JAPON numéro 43 septembre 2014

ZOOM CULTURE

H UMEUR par KOGA Ritsuko

Je rêvais de vivre en France et d’aller à une“boum” comme dans les premiers films deSophie Marceau, idole de ma jeunesse. J'étaiscollégienne et j’ai même appris par cœur àchanter et à jouer au piano la bande originale. Six ans plus tard, je me suis installée en France.Un jour, j'ai vu des ballons accrochés sur laporte de ma voisine. Une boum ? En fait non.On m'a dit qu'elle organisait une petite “fête”pour son anniversaire. Une autre fois, je mesuis retrouvée dans une grande soirée. Uneboum ?! Cette fois-là non plus. C'était une“fête” pour les 40 ans d'un ami. Alors, c’estquand la boum ? A ce moment-là, j'ai comprisqu’une boum était une fête organisée par lesadolescents. Je n'avais plus l'âge pour y parti-ciper.... mon rêve s’est ainsi brisé brutalement.Par contre, j'ai connu beau-coup de fêtes d'anniversaireen France. J'ai l'impressionque c’est un moment assezimportant dans ce pays, cequi n'est traditionnellementpas le cas au Japon. Dansl’archipel, sauf pour lesenfants, on organise rare-ment de fête. Dans le meilleur des cas, on dîneou on prend un verre avec quelques proches.Moi-même, je suis peut-être extrême, mais jen'ai pas l'habitude d’appeler ma famille lors deleur anniversaire et on ne m'appelle pas nonplus. Quant à mon père, il n'a jamais retenu ladate de naissance des membres de sa famille.En revanche, ma belle famille en France nemanque jamais les anniversaires. Mon mari medit souvent d'appeler telle personne pour luifêter son anniversaire. Une année, ma belle-mère m'a téléphoné le lendemain de son anni-versaire pour me dire qu'elle m’enlevait unpoint car je ne l'avais pas appelée. Sur le coup,je ne savais pas quoi dire et je lui ai demandécombien de points il me restait... Je suis sûred'avoir épuisé tous mes points. Aujourd'hui jerêve d'être exemptée de cette coutume ! ♪ Dreams are my reality,The only kind of real fan-tasy…

Trop tard pour alleren boum

CINÉMA A la rencontred’une passionDepuis plus de 60 ans, Connaissance

du Monde propose un concept unique,

celui d’une rencontre entre le public

curieux de découvrir de nouveaux

horizons et la passion d’un grand

voyageur. Chaque année, cette

association propose quelques 4 500

séances en France et en Suisse qui

n’attirent pas moins de 650 000

personnes. Un succès qui ne se dément

pas d’une année sur l’autre. La saison

2014-2015 de Connaissance du Monde

à Paris débutera le jeudi 16 octobre à

10h30 par la projection de Japon,

l’empire des sens de Maximilien Dauber

au cinéma La Pagode, haut lieu de la

cinéphilie parisienne qui accueillait

également notre Rendez-vous avec le

Japon. Avant cette séance inaugurale

consacrée au Japon, Connaissance du

Monde propose le samedi

20 septembre un après-midi consacré

à l’archipel avec de nombreuses

animations qui permettront au public

de se familiariser avec certains aspects

de la culture nippone (art floral

cérémonie du thé, musique

traditionnelle).

Jardin du cinéma La Pagode

57 bis rue de Babylone 75007 Paris

De 14 h à 18 h.

EXPOSITION Kawabata à nu Prix Nobel de littérature 1968,

KAWABATA Yasunari est un écrivain dont

les œuvres ont marqué plusieurs

générations de

lecteurs, mais

dont on connaît

mal l’univers.

L’exposition

KAWABATA Yasunari

et la “beauté du

Japon” a pour but

de combler ce manque grâce à la

présentation de nombreux documents

originaux. Une façon originale de

pénétrer l’œuvre de ce géant littéraire à

qui l’on doit Pays de neige, Kyoto,

Les Belles endormies ou encore

Le Grondement de la montagne.

Maison de la culture du Japon à Paris

101 bis, quai Branly, 75015 Paris

Tél. 01 44 37 95 95

Du 16 septembre au 31 octobre.

MANGA L’amour du livreMalgré son côté binoclard et son

caractère peu engageant, Mikoshiba,

le bibliothécaire de “La Rose

trémière”, connaît

son métier et

vient en aide à

tous ceux qui sont

perdus dans leur

quête de livres.

Un manga qui va

définitivement

réconcilier les

amoureux de littérature et les

amateurs de manga. A ne pas rater.

Le Maître des livres, de Shinohara Umiharu,

Komikku, série en cours. Vol. 1 et 2, 8,50€ le

volume.

HA

YASH

ITa

dahi

ko

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ZOOM CULTURE

H UMEUR par KOGA Ritsuko

Je rêvais de vivre en France et d’aller à une“boum” comme dans les premiers films deSophie Marceau, idole de ma jeunesse. J'étaiscollégienne et j’ai même appris par cœur àchanter et à jouer au piano la bande originale. Six ans plus tard, je me suis installée en France.Un jour, j'ai vu des ballons accrochés sur laporte de ma voisine. Une boum ? En fait non.On m'a dit qu'elle organisait une petite “fête”pour son anniversaire. Une autre fois, je mesuis retrouvée dans une grande soirée. Uneboum ?! Cette fois-là non plus. C'était une“fête” pour les 40 ans d'un ami. Alors, c’estquand la boum ? A ce moment-là, j'ai comprisqu’une boum était une fête organisée par lesadolescents. Je n'avais plus l'âge pour y parti-ciper.... mon rêve s’est ainsi brisé brutalement.Par contre, j'ai connu beau-coup de fêtes d'anniversaireen France. J'ai l'impressionque c’est un moment assezimportant dans ce pays, cequi n'est traditionnellementpas le cas au Japon. Dansl’archipel, sauf pour lesenfants, on organise rare-ment de fête. Dans le meilleur des cas, on dîneou on prend un verre avec quelques proches.Moi-même, je suis peut-être extrême, mais jen'ai pas l'habitude d’appeler ma famille lors deleur anniversaire et on ne m'appelle pas nonplus. Quant à mon père, il n'a jamais retenu ladate de naissance des membres de sa famille.En revanche, ma belle famille en France nemanque jamais les anniversaires. Mon mari medit souvent d'appeler telle personne pour luifêter son anniversaire. Une année, ma belle-mère m'a téléphoné le lendemain de son anni-versaire pour me dire qu'elle m’enlevait unpoint car je ne l'avais pas appelée. Sur le coup,je ne savais pas quoi dire et je lui ai demandécombien de points il me restait... Je suis sûred'avoir épuisé tous mes points. Aujourd'hui jerêve d'être exemptée de cette coutume ! ♪ Dreams are my reality,The only kind of real fan-tasy…

Trop tard pour alleren boum

CINÉMA A la rencontred’une passionDepuis plus de 60 ans, Connaissance

du Monde propose un concept unique,

celui d’une rencontre entre le public

curieux de découvrir de nouveaux

horizons et la passion d’un grand

voyageur. Chaque année, cette

association propose quelques 4 500

séances en France et en Suisse qui

n’attirent pas moins de 650 000

personnes. Un succès qui ne se dément

pas d’une année sur l’autre. La saison

2014-2015 de Connaissance du Monde

à Paris débutera le jeudi 16 octobre à

10h30 par la projection de Japon,

l’empire des sens de Maximilien Dauber

au cinéma La Pagode, haut lieu de la

cinéphilie parisienne qui accueillait

également notre Rendez-vous avec le

Japon. Avant cette séance inaugurale

consacrée au Japon, Connaissance du

Monde propose le samedi

20 septembre un après-midi consacré

à l’archipel avec de nombreuses

animations qui permettront au public

de se familiariser avec certains aspects

de la culture nippone (art floral

cérémonie du thé, musique

traditionnelle).

Jardin du cinéma La Pagode

57 bis rue de Babylone 75007 Paris

De 14 h à 18 h.

EXPOSITION Kawabata à nu Prix Nobel de littérature 1968,

KAWABATA Yasunari est un écrivain dont

les œuvres ont marqué plusieurs

générations de

lecteurs, mais

dont on connaît

mal l’univers.

L’exposition

KAWABATA Yasunari

et la “beauté du

Japon” a pour but

de combler ce manque grâce à la

présentation de nombreux documents

originaux. Une façon originale de

pénétrer l’œuvre de ce géant littéraire à

qui l’on doit Pays de neige, Kyoto,

Les Belles endormies ou encore

Le Grondement de la montagne.

Maison de la culture du Japon à Paris

101 bis, quai Branly, 75015 Paris

Tél. 01 44 37 95 95

Du 16 septembre au 31 octobre.

MANGA L’amour du livreMalgré son côté binoclard et son

caractère peu engageant, Mikoshiba,

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trémière”, connaît

son métier et

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quête de livres.

Un manga qui va

définitivement

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amoureux de littérature et les

amateurs de manga. A ne pas rater.

Le Maître des livres, de Shinohara Umiharu,

Komikku, série en cours. Vol. 1 et 2, 8,50€ le

volume.

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16 ZOOM JAPON numéro 43 septembre 2014

ZOOM CULTURE

L ’œuvre de YoKoYAMA Yûichi défie lesconventions du manga. Il y a quelquechose d’étrange dans les histoires que ce

graphiste et illustrateur crée. Elles ne cessent desurprendre le lecteur naïf qui pénètre involontai-rement dans son univers. YoKoYAMA cultive sonimage de Sphinx qui met en échec les tentativesd’approche intellectuelle de son travail. Fier de neposséder ni ordinateur ni téléviseur, il préfèrepêcher que lire les mangas d’autres auteurs ou en-registrer les conversations qu’il a avec ses amis qued’écouter de la musique. Plus que son caractèreoriginal, c’est sa conception nouvelle du mangaque les amateurs du monde entier apprécie. Destitres comme Voyage ou Nouveaux corps constituentdes expériences visuelles qui procurent des instantsde bonheur, en entraînant les lecteurs en dehorsdes sentiers battus tout en les noyant dans unemer envoûtante de formes géométriques, de ma-chines gigantesques et de paysages urbains tenta-culaires.

Comment êtes-vous devenu mangaka ?

YoKoYAMA Yûichi : J’ai fait des études depeinture à l’huile à l’université des arts Musashino.Après avoir obtenu mon diplôme, je me suissurtout concentré sur la peinture avant de basculerprogressivement vers le manga. Je n’étais guère sa-tisfait de ne travailler que sur une seule toile.L’avantage du manga, c’est qu’il me permettait dedévelopper des histoires. J’apprécie par-ticulièrement le fait que le mangame permet de visualiser l’écou-lement du temps. Au début,j’avais un peu de mal à maîtriserl’utilisation des couleurs, ce qui m’aincité à travailler en noir et blanc.Aujourd’hui encore, même si jeme sens plus à l’aise avec les cou-leurs, je pense que j’ai toujourstendance à les utiliser commele ferait un peintre. Pourtantmon approche générale en cequi concerne la création d’imageest bien celle d’un mangaka.

Il y a quatre ans, vous avez ditque le manga était devenu vo-tre principale activité artis-tique et que la peinture n’étaitplus pour vous qu’un hobby.Est-ce que votre opinion aévolué depuis ? Y. Y. : Non, pas vraiment.J’aime le fait que le manga aitune dimension multiple dansle sens où il est imprimé endes milliers d’exemplaires et ilest lu et apprécié par des lec-teurs à travers le monde. C’estimportant pour moi, car j’aienvie que mes œuvres soientvues par le plus grand nombre

Le chef de file du néo-manga présente pourla première fois en Europe son travail dansune exposition exceptionnelle.

INTERVIEW Incroyable Yokoyama Yûichi de personnes possibles. Par ailleurs, je n’ai pas beau-coup d’intérêt pour la protection de l’art. Prendresoin d’une peinture et la conserver pour l’avenirn’est pas fait pour moi. Je préfère la nature éphémèredu manga.

Apparemment le peu de succès que vous avezrencontré en peinture a aussi

été déterminant dansvotre décision de la

mettre de côté. Est-ce vrai ?

Y. Y. : Lorsque j’avais unevingtaine d’années, j’ai dû par-ticiper à quelque 24 compéti-tions artistiques et pas uneseule fois, je n’ai remporté deprix. Si vous ajoutez le faitque le matériel de peintureest très onéreux et que vostoiles invendues prennent pasmal de place, vous comprenezmon choix. Cela dit, de façonironique, mon succès en tantque mangaka a relancé l’in-térêt pour mes autres “œuvresplastiques”. J’ai donc été trèsheureux de pouvoir réaliserma première exposition depeinture, il y a quelques an-nées, au musée de Kawasaki.C’est quelque chose que jedois au manga.

Vous êtes né dans la pré-fecture de Miyazaki, surl’île de Kyûshû, mais vous

avez vécu un peu partoutdans l’archipel. Est-ce quecette mobilité géogra-

INFOS PRATIQUESWandering through Maps - Un Voyage à traversles cartes Tel est le titre de la première expositionmonographique de YOKOYAMA Yûichi présentée enEurope. Celle-ci se tiendra au Centre d’artcontemporain de Colomiers du 27 septembre au20 décembre 2014. Un rendez-vous exceptionnel àne pas manquer.Vernissage le samedi 27 septembre à 12h.Le Pavillon blanc, 1, place Alex Raymond - BP30330 - 31776 Colomiers - Tél. 05 61 61 50 00www.pavillonblanc-colomiers.frMardi: 12h-20h - Mercredi, samedi : 10h-18h -Jeudi, Vendredi : 12h-19h

Extrait de Nouveaux corps, Editions

Matière, 2010.

sept2014_zoom_japon 26/08/14 17:08 Page16

Page 17: Zoom Japon 043

RESTAURANT JAPONAIS

Ouverts tous les jours de 11h30 à 22h30 M

M

Palais RoyalMusée du Louvre

Palais RoyalMusée du Louvre

PyramidesPyramides

MQuatre-SeptembreQuatre-Septembre

MOpéraOpéra

rue

Rich

elie

u

av. de l’Opéra

rue de Rivoli

rue St.-Honoré

bd. des Italiens

rue

Ste.

-Ann

e

rue des Petites-Champs

27, Bd des Italiens 2e ParisTél. 01 40 07 11 81

Bd des Italiens

32 bis, rue Sainte Anne 1er ParisTél. 01 47 03 38 59

Sainte Anne

163, rue Saint-Honoré 1er ParisTél. 01 58 62 49 22

Saint-Honoré

septembre 2014 numéro 43 ZOOM JAPON 17

ZOOM CULTURE

phique a eu une influence sur votre vision artis-tique ?Y. Y. : Je pense que oui. Mon père était unmilitaire. Nous avons donc souvent déménagé.Cela a contribué à développer mon intérêt pourles paysages et mon constant sens de l’émerveillementque ces paysages m’inspirent.

Est-ce que le métier de votre père vous a inspiréà d’autres niveaux ?Y. Y. : Comme la plupart des soldats, il attachaitbeaucoup d’importance à la forme et aux manières.

Il pouvait se mettre en colère contre moi si machemise dépassait, par exemple, de mon pantalon.Cela dit, je ne sais pas jusqu’à quel point cela a puavoir une influence sur moi, mais c’est vrai quej’aime l’ordre dans la nature. Cela me rassure.

L’une des caractéristiques les plus frappantes devos mangas est l’aspect flamboyant de vos per-sonnages. Leurs visages et leurs vêtements ontun côté très étrange. Pourquoi donc ?Y. Y. : Tout d’abord, j’ai toujours été intéressé parles civilisations inconnues et étranges. Par ailleurs,

j’aime créer des histoires et des personnages quidétonent tant que le temps et l’espace sont concernés.Mes récits peuvent aussi bien se dérouler dans lefutur que dans une lointaine galaxie. J’aime biencette notion de vague. Enfin, je suis très intéressépar la mode. Aussi ma façon de raconter deshistoires me permet de faire quelques expériencesdans le domaine vestimentaire.

Tous vos personnages sont des hommes. C’estbien cela ?Y. Y. : Tout à fait. La raison est toute simple. Je

YOKOYAMA Yûichi (à gauche) lors de la mise en place de l’une de ses expositions au Japon.

DR

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Page 18: Zoom Japon 043

18 zoom japon numéro 43 septembre 2014

zoom cuLtuRe

n’arrive pas à bien dessiner les femmes. Il est vraiaussi que selon le bouddhisme, les femmes sontdes êtres impurs qui sont connus pour déréglerl’écoulement tranquille du temps. C’est la raisonpour laquelle elles sont notamment exclues del’univers du sumo.

D’où vous viennent les idées pour construirevos histoires ?Y. Y. : Mon inspiration est multiple. Cela peutvenir de quelque chose que j’ai lu ou bien vu surun écran. Mais cela peut également être quelquechose de très banal. En fait, je crois que tout peutvraiment m’inspirer.

J’ai entendu dire que vous n’étiez guère intéressépar le travail des autres mangaka.Y. Y. : C’est exact. On me demande souvent quellessont mes préférences ou mes influences artistiques,mais je n’en ai aucune. Le seul mangaka quej’apprécie s’appelle KOTObuKI Shiriagaki [publiéen France chez Milan]. J’aime vraiment son style.

Il est vrai qu’en se fondant seulement sur vosœuvres, on a l’impression que vous semblezplus intéressé par le cinéma que par les mangas.Avez-vous des films ou des réalisateurs préfé-rés ?Y. Y. : J’adore Solaris et Stalker d’Andrei Tarkovskiet 2001, l’odyssée de l’espace de Stanley Kubrick.

Néanmoins, mes histoires ne relèvent pas pourautant de la science-fiction. Elles possèdent deséléments futuristes, c’est évident, mais mon objectifest de créer des histoires hors du temps dont lesens dépasse une période en particulier. Ce que jen’aime pas dans la science-fiction, ce sont leshistoires qui présentent justement le futur commeun développement du temps présent. Ce quej’essaie de créer, de mon côté, serait ce que j’ap-pellerais de la fiction spéculative. En d’autrestermes, je me demande à quoi nous pourrionsressembler si notre civilisation avait empruntéune autre voie. Quelles valeurs partagerions-nousalors ? Quelle esthétique développerions-nous ?Peut-être que plus personne ne porterait de chaus-sures ou que tout le monde dissimulerait sonvisage derrière un masque. Peut-être que nous necommuniquerions plus en utilisant des mots.Vous pouvez donc dire que mes récits sont dessortes de prédictions. Voilà pourquoi, beaucoupde mes lecteurs trouvent les univers que je crée sipeu familiers. Je leur donne peu de points de réfé-rence sur lesquels ils peuvent s’appuyer.

Il y a une dimension très poétique dans vosmangas qui provient entièrement de vos dessins.Dans Jardin (2009), vous avez introduit davantagede dialogues, mais ceux-ci demeurent très bruts.Cela signifie-t-il que vous-même vous n’aimezpas vous exprimer par la parole ?Y. Y. : Je ne veux pas dépendre de la qualité desmots ou des dialogues, car il est presque impossibled’avoir une traduction parfaite dans les languesétrangères. Les mots et les dialogues ne sont pasuniversels. Et puis, j’aime laisser aux lecteurs laliberté d’interpréter mes œuvres. Les gens m’in-terrogent sur les symboles et le sens caché qu’ellespourraient contenir, mais, en vérité, il n’existeaucune explication intellectuelle sur ce qui sepasse dans mes histoires ou sur les agissements demes personnages. Les lecteurs peuvent imaginerce qu’ils veulent dans mes mangas et vous serezd’accord avec moi pour dire que l’absence de

mots et d’explications rend un récit beaucoupplus ambigu.

Pourquoi, selon vous, vos histoires plaisent tantaux lecteurs étrangers ?Y. Y. : Pour être tout à fait franc, je trouve queles étrangers ont une bien meilleure compréhensionde ce que je suis en train d’accomplir que les Ja-ponais. Les commentaires du genre “vos dessinssont tellement détaillés” ou “vos histoires m’ontbeaucoup amusé” que je reçois de la part de cesderniers ne correspondent pas aux réactions quej’attends des lecteurs.

Puisque nous évoquons vos dessins, combiende temps mettez-vous pour réaliser un manga ?Y. Y. : Voyage et Jardin m’ont pris chacun uneannée. The Room of the World Map a été untravail de plus longue haleine. Il m’a fallu deuxmois pour imaginer la trame et faire le premierjet. Mais j’ai mis dix-huit mois pour boucler leprojet. J’ai vraiment passé trop de temps sur cetteœuvre.

Le temps et sa description occupent une placecentrale dans vos mangas. Bon nombre delecteurs qui vous découvrent pour la premièrefois sont déconcertés par la façon dont vos his-toires se terminent sans raison brutalement.Y. Y. : Cela s’explique par le fait que les gens sonthabitués à des histoires avec un début et une fin.Ils ont besoin d’avoir ce genre de chose. Mais ilne s’agit que de conventions. Cela n’a rien à voiravec la vie réelle et la façon dont le temps sedéroule naturellement. C’est pourquoi mes histoirescommencent au milieu. C’est un peu commelorsque vous allumez la télévision et commencezà suivre un film qui a déjà commencé. Vous en re-gardez 10 ou 15 minutes. Pourquoi les personnagesagissent comme ça ? Que se passera-t-il une foisque vous aurez éteint la télé ? Vous n’en savezrien. Tout dépend de votre imagination.

PROPOS RECUEILLIS PAR JEAN DEROME

RéféRenceSLa plupart des ouvrages de YokoYama Yûichi sontpubliés en france aux editions matière. L’éditeurde montreuil suit cet auteur depuis 2004 aveccette constance qui caractérise son attachementau travail de cet auteur unique. Travaux publics, trad. par céline Burel, 2004, 13€Combats, trad. par céline Bruel, 2004, 12€Voyage, trad. par céline Bruel, 2005, 13€Jardin, trad. par céline Bruel, 2009, 22€Nouveaux corps, trad. par céline Bruel, 2010, 15€Explorations, trad. par céline Bruel, 2011, 17€Baby Boom, trad. par céline Bruel, 2012, 23€

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février 2014 numéro 37 ZOOM JAPON 21

U NE RECETTE DE PÂTISSERIE

INGRÉDIENTS (pour 10 pièces)

Pour la pâte d’azuki (haricot rouge duJapon)250g d’azuki (disponibles dans certainesboutiques bio ou dans les épiceries asia-tiques)125cl d’eau gazeuse250g de sucre semoule (ou cristal)

Pour le mochi300g de pâte d’azuki que vous aurezpréparée100g de riz gluant 20g de sucre semoule (ou cristal)Un peu d’amidon

PRÉPARATION POUR LA PÂTE D’AZUKI1 - Placer les azuki dans une passoire et les nettoyer à l’eau froide. 2 - Mettre les azuki dans une casseroleavec la moitié de l’eau gazeuse nécessaire et faire chauffer à feu fort. 3 - Quand le mélange arrive à ébullition,réduire à feu moyen et laisser mijoter pendant 5 minutes environ. 4 - Ajouter le reste d’eau gazeuse etrefaire bouillir le tout à feu vif. Quand le mélange arrive à ébullition, réduire de nouveau à feu moyen etlaisser mijoter 5 minutes environ. 5 - Verser le tout dans un thermos et laisser reposer une demi journée(au moins 12h). 6 - Mettre les azuki sur un torchon et laisser bien le jus s’évaporer. 7 - Placer dans unmixeur la moitié des azuki pour 1/3 de sucre et mixer jusqu’à obtention d’une pâte. 8 - Mettre dans unegrande casserole la pâte ainsi obtenue et ajouter le reste des azuki ainsi que le sucre. Chauffer le tout à feufort. 9 - Quand le mélange arrive à ébullition, baisser le feu afin de ne pas faire brûler les azuki et laissercuire doucement la préparation sans faire fondre complètement les azuki. 10 - Quand la partie liquide s’estbien évaporée, gratter le fond de la casserole avec une spatule. La retirer du feu dès que le fond est visible.11 - Etaler la composition sur de l’essuie-tout ou sur un torchon sec et laisser refroidir un peu. 12 - Envelopperle tout dans du film plastique alimentaire sans laisser d’air et conserver au réfrigérateur.

PRÉPARATION POUR LE MOCHI1 - La veille de la préparation, laver le riz gluant et en mettre 220g de côté. Conserver le tout au réfrigérateur.2 - Le jour même, préparer des parts de 30g de pâte d’azuki rouges. 3 - Mixer le riz gluant qui avait reposédans l’eau la veille, à l’aide d’un mixeur à main jusqu’à obtenir une préparation liquide. 4 - Placer le mélangedans un récipient pour micro-ondes et réchauffer 40 secondes environ. 5 - Sortir le récipient du micro-ondes et y ajouter le sucre. Bien mélanger le tout. 6 - Chauffer de nouveau au micro-ondes 40 secondesavant de le sortir et de le mélanger de nouveau. 7 - Réchauffer une nouvelle fois au micro-ondes et quandl’ensemble a légèrement gonflé, sortir le récipient du four. 8 - Mélanger doucement et laisser refroidirjusqu’à 35 degrés environ. 9 - Placer la pâte de riz ainsi obtenue sur l’amidon et faire des parts de 30g. 10 - Envelopper la pâte d’azuki avec le mochi.

On oublie que la cuisine japonaisene se résume pas seulement aupoisson cru et autres mijotés. Il

existe aussi des pâtisseries (wagashi)qui commencent à susciter l’intérêtdes gastronomes. Nous vous pro-

posons ce mois-ci d’essayer la réa-lisation de daifuku mochi à dégusteravec un bon thé vert.

Daifuku mochi(Bouchée à la pâte de haricots rouges)

ZOOM GOURMAND

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de l’algue séchée (nori).La taille des boîtes à bentô varie beaucoup auJapon. Comme mon mari et mon fils aîné man-gent beaucoup, ils ont droit à la grande boîte.Celle de ma fille est plus petite.

Quelques exemples de bentô que je prépare enfonction de la saison :- Porc pané frit & Salade- Œuf dur à la sauce mayonnaise- Jambon, fromage & concombre

- Poulet sauté aux légumes- Horenso no gomaae (Epinard aux sésames)- Hijiki no nimono (voire Zoom Japon juin)- Tamagoyaki (omlette japonaise)- Umeboshi (Prune japonaise salée)- Salade de fruits

- Gyuniku no Yasaimaki (Roulé au bœuf et auxlégumes)

ZOOM GOURMAND

A6 h, je me lève avec la bonne odeur deriz cuit que j’ai préparé la veille dans l’au-tocuiseur. Mon mari qui travaille dans

une entreprise de transport, mon fils aîné qui estélève de prépa et ma fille lycéenne ont besoin debentô pour déjeuner. Mon plus jeune fils, quantà lui, a la cantine obligatoire à l’école. Pour pré-parer 3 bentô, je dois préparer 5 go (environ 750gde riz). Car mon mari et mon fils aîné emportent3 onigiri (boulette de riz) en plus de leur bentôpour grignoter en fin d’après-midi. Je n’ai que3/4 heures pour tout préparer. Donc la mise enplace est très importante. Voilà le bentô d’un jour :- Porc émincé sauté au sel : la veille, faire marinerdu porc émincé avec du sel et un poireau japonaisémincé. Le matin, cuire le porc à l’huile desésame.- Tamagoyaki (omelette japonaise) : le matin, cas-ser 3 œufs, assaisonner avec le dashi (bouillonjaponais), la sauce soja. Aujourd’hui, j’ai ajoutédes petits poissons séchés et du shiso. Cuire dansla poêle spéciale Tamagoyaki.- Horenso no gomaae : j’en ai gardé un peu dudîner de la veille.- Kinpira gobo : mise en place en avance et conge-ler.- Chijimi : j’en ai gardé un peu du dîner de laveille.- Riz nature avec de la poudre de shiso rouge.- Les fruitsComme ça au bout de 30 minutes,, mes 3 bentôsont prêts. Je prépare ensuite 6 onigiri. J’utilisedes mentaiko (œufs de cabillaud pimentés), dushio konbu (algue séchée et salée), de l’umeboshi(prune salée), du torisoboro (poulet haché assai-sonné), du saumon salé avant de les entourer avec

MAEDA Haruyo tient à ce que son mari etses enfants mangent bien. Son secret : dedélicieux plats mis en boîte.

EXPÉRIENCE Mieux que le resto, le bentô

- Horenso no gomaae- Hijikino nimono- Tamagoyaki avec gingembre rouge- Umeboshi- Fruits

- Kushikatsu (Brochette frite)- Kyuri no sunomono (concombre au vinaigre)- Hijikino nimono- Tamagoyaki- Umeboshi- Fruits

- Poulet sauté au gombo- Kyuri no sunomono- Pâte au Ketchup- Tamagoyaki aux algues- Kiriboshi daikon (Navet japonais mijoté)- Chikuwa no amakarani (Surimi sucre salé)- Umeboshi & sésame noir

MAEDA HARUYO

Bœuf sauté, tamagoyaki, kinpira gobo (Salsifis mijoté), salade de pâtes, umeboshi et fruits.

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ZOOM GOURMAND

L A RECETTE DE HARUYO

PRÉPARATION1 - Casser les œufs et bien mélanger avec le dashi. Si

vous voulez des garnitures, ajoutez-les maintenant. 2 - Chauffer la poêle spéciale Tamagoyaki et huiler.3 - Verser une partie des œufs battus, puis étaler sur

toute la surface de la poêle4 - Plier environ 1,5 à 2 cm puis rouler.

5 - Huiler puis verser une autre partie des œufs battus,puis étaler.

6 - Rouler.7 - Répéter la même opération jusqu’à la fin de la pâte.8 - Laisser tiédir puis couper en 6 portions.

IDÉES SUPPLÉMENTAIRESEn France, il est difficile de trouver la poêle spécialeTamagoyaki. Vous pouvez utiliser une poêle normale.Le tamagoyaki est l’ingrédient indispensable pour lebentô.

INGRÉDIENTS(pour 2-3 personnes)

3 œufs moyens1 cuillère à soupe de dashi (Bouillon japonais)(15 ml)Garniture (si nécessaire) : quelques feuilles denori (algue séchée), gingembre rouge haché,sésame, etc.

Pour la cuisson1 cuillère à soupe d’huile (10 ml)

Tamagoyaki(Omelette à la japonaise)

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22 ZOOM JAPON numéro 43 septembre 2014

T out peut commencer au mont Kôya(Kôyasan) au sommet duquel se trouveun complexe de quelques 120 temples et

monastères bouddhiques initiés en 816 par le célèbremoine Kûkai, fondateur du bouddhisme Shingon,l’un des principaux courants de cette religion dansl’archipel. De cet endroit sacré que l’on atteint entrain en environ deux heures au départ d’Ôsaka etqui vaut que l’on y passe au moins deux jours dontune nuit dans un des monastères (shukubô) pour

goûter la fameuse cuisine végétarienne (shôjin ryôri),il est possible d’emprunter l’un des chemins de pèle-rinage (Kumano kodô) pour rejoindre différentsautres sites sacrés situés au sud de la péninsule deKii, dans la préfecture de Wakayama. Il y a tout justedix ans, ces sentiers, qui ont vu passer des centainesde milliers de pèlerins depuis plus de 1000 ans, ontété enregistrés sur la liste du Patrimoine mondialde l’Unesco comme faisant partie des “Sites sacréset chemins de pèlerinage dans les Monts Kii”. Cetteinscription leur a permis de connaître une plusgrande notoriété au-delà des frontières du pays, maisa surtout incité les autorités locales et nationalesd’en assurer l’entretien pour certains et la réhabili-

tation pour d’autres. Il est donc possible de suivrel’une de ses routes et pénétrer dans un univers pourle moins extraordinaire composé de paysages magni-fiques et de rencontres atypiques. Elles sont plus oumoins faciles en fonction des difficultés du relief,mais chacun pourra trouver celle qui lui convientle mieux. Dans tous les cas, les chemins sontaujourd’hui très bien balisés et les cartes mises à dis-position des touristes permettent d’imaginer desitinéraires adaptés à ses envies et à ses capacités phy-siques. Plusieurs routes composent le fameux réseau deKumano kodô. Kohechi, celle qui relie le mont Kôyaà Kumano Sanzan (les trois sanctuaires sacrés) au

Inscrits au Patrimoine mondial del'Unesco, il y a 10 ans, les sentiers deKumano réservent bien des surprises.

Comme il s’agit de sentiers sacrés, un torii marque son entrée comme ici à Hosshinmon-ôji. Il y a 7 km à parcourir à pied pour atteindre Kumano Hongû Taisha.

DÉCOUVERTE Sacrés chemins à parcourir

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ZOOM VOYAGE

sud-est de la péninsule de Kii, en coupant cette der-nière par son centre, est sans doute l’une des plusdifficiles. Longue de 70 km, elle se caractérise pardes sentiers parfois abrupts et des cols à plus de 1000m, ce qui demande une excellente préparation. Pasbesoin d’être un as de l’escalade, mais il ne s’agit pasd’une marche tranquille d’autant que les premiersvingt kilomètres se font dans une région isolée. Maisvos efforts seront récompensés par une traversée delieux fantastiques qui donnent toute sa dimensionmystique au pèlerinage entrepris, il y a tant de siècles,par ceux qui pratiquaient de rigoureux rites religieux.Située à un peu plus à l’est, la route d’Ômine Oku-

gake relie le sud de Nara à Kumano Sanzan. Lalégende dit que cette route aurait été ouverte parEn no gyôja, fondateur du shugendô, une pratiquespirituelle où la relation entre l’homme et la natureest primordiale. Quand on marche au milieu de cessentiers, on comprend pourquoi les pèlerins atta-chent tant d’importance au lien avec la nature. Aussiardu que le Kohechi, l’Ômine Okugake se caractériseaussi par ses 75 étapes (nabiki) où les pèlerins effec-tuaient leurs rites. L’une des plus célèbres est Misenoù En no gyôja accomplissait, dit-on, l’ascèse. Si l’on est peu entraîné à faire des efforts dans unenvironnement naturel exigeant, il vaut mieux opter

Stèle indiquant que l’Ômine Okugake entre Nara

et Kumano Sanzan est enregistré au Patrimoine

mondial de l’Unesco depuis juillet 2004.G

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Depuis la Nakahechi, à Fushiogami-ôji, on aperçoit le grand torii qui marque l’emplacement originel du Kumano Hongû Taisha au bord de la rivière Kumano.

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24 ZOOM JAPON numéro 43 septembre 2014

pour d’autres routes moins difficiles. La premièred’entre elles est Nakahechi, le chemin central, quipart de Tanabe, sur la côte ouest de la péninsule,vers les principaux sanctuaires de la côte est, en tra-versant les montagnes. Ce sentier est très connu, caril est emprunté par la famille impériale, ce quiexplique en grande partie pourquoi on trouve tout

au long de son parcours de nombreuses aubergesqui rendent le périple des plus agréables. Moins phy-sique que les deux précédents, il est parfaitementadapté pour les personnes qui souhaitent accomplirune randonnée de plusieurs jours (3 ou 4 jours). Lepoint de départ est situé au Centre des cheminssacrés de Kumano (Kumano Kodô Kan) situé àTakijiri, à une quarantaine de minutes en bus de lagare de Tanabe. Le premier bus quitte la gare à 6h24,le dernier à 20h40. Créé après l’enregistrement auPatrimoine de l’Unesco, cet établissement offre à lafois toutes les informations nécessaires pour bienentreprendre son voyage à pied, mais aussi une bou-tique où vous pourrez trouver les équipements indis-pensables au pèlerin du XXIe siècle. Ôhechi est uneautre route au départ de Tanabe vers Kumano San-zan (120 km). Sa particularité est de longer la côteméridionale de la péninsule de Kii, offrant aux ama-teurs de vues sur la mer de fantastiques souvenirs et

de mémorables clichés, notamment au moment dulever ou du coucher du soleil. Kushimoto proposeun panorama magnifique. Elle est entrée dans l’his-toire après le naufrage de la frégate turque Ertugrulen septembre 1890 au cours duquel la populationlocale s’est illustrée pour secourir les marins. Consi-déré comme l’acte fondateur de l’amitié entre lesdeux pays, cet événement a donné naissance à unmusée turc (250 yens, 9h-17h). La dernière routeest aussi la plus longue avec ses 170 kilomètres entrele sanctuaire d’Ise et Kumano Sanzan. Iseji longe lacôte orientale de la péninsule de Kii. Elle se carac-térise par ses nombreuses portions pavées et la variétédes paysages qu’elle traverse. C’est sans doute la pluscomplète de ce point de vue. Bien entendu, vous n’êtes pas obligé de suivre l’in-tégralité des différents chemins sacrés d’autant qu’ilsne sont pas encore tous accessibles au touristelambda. Le balisage est bien présent, mais certains

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Il faut emprunter un long escalier de pierre pour atteindre l’enceinte du Kumano Hongû Taisha, exemple parfait de l’architecture des sanctuaires shintô.

Un arrêt de bus le long de la Nakahechi. Celui de

Fushiogami-ôji à 10 mn de Hosshinmon-ôji.

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passages n’ont pas été entretenus pendant des décen-nies, nécessitant des travaux qui sont réalisés pro-gressivement depuis l’inscription au Patrimoinemondial. C’est l’un de ses effets positifs. Un réseaude bus permet au visiteur de suivre une portion don-née de chacun des sentiers et de faire une belle balladeau milieu des forêts et des montagnes de cette magni-fique région. Par exemple, sur la Nakahechi, on peutpar exemple se contenter de relier Hosshinmon-ôjiau Kumano Hongû Taisha, une marche d’environ7 kilomètres à travers des sentiers forestiers et despassages pavés. Cela donne une excellente idée dutype de paysages rencontrés par les pèlerins qui fai-saient le périple sur toute sa longueur. Ces derniersentreprenaient ce pèlerinage pour atteindre les troisgrands sanctuaires (Kumano Sanzan) : KumanoHongu Taisha, Kumano Nachi Taisha et KumanoHayatama Taisha. Situé à l’origine au bord desrivières Kumano et Otonashi, le premier a étédéplacé sur des hauteurs après la crue de 1889. Surson site initial, Oyunohara, on a construit un toriigéant que l’on aperçoit des sentiers. Kumano NachiTaisha est célèbre pour sa chute d’eau de 133 m de

hauteur qui est à l’origine du sanctuaire. Le dernierest situé à l’embouchure de la rivière Kumano où sedéroule, le 16 octobre chaque année, la fête MifuneMatsuri au cours de laquelle des jeunes gens de larégion font une course de bateaux à rames jusqu’àl’île de Mifune. Rassurez-vous, après toute cettemarche, vous n’aurez pas à ramer.

GABRIEL BERNARD

INFOS PRATIQUESPOUR S’Y RENDRE Au départ de Shin-Ôsaka, ilfaut environ 4 heures de train pour se rendre àShingû. C’est le meilleur point de départ pourdécouvrir les trois grands sanctuaires (KumanoSanzan) en bus. Si vous souhaitez effectuer unelongue randonnée, rendez-vous à Tanabe(2 heures au départ de Shin-Ôsaka). Prenezensuite le bus jusqu’à Takijiri (40 mn environ)où vous trouverez le Kumano Kodô Kan, lecentre d’information des chemins sacrés. Lesplus ambitieux peuvent partir du mont Kôyapar la Kohechi. Au départ d’Ôsaka, empruntez la ligne Nankai à Nanba jusqu’àGokurakubashi (80 mn) au pied du mont Kôya.

A la suite d’un typhon, c’est sur les récifs de Kushimoto que la frégate Ertugrul s’est échouée faisant 533 morts.

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