structure et grh des ong de développement : quand mission et

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DEA INTERUNIVERSITAIRE EN DEVELOPPEMENT, ENVIRONNEMENT ET SOCIETES ORIENTATION ECONOMIE SOCIALE ET SOCIETE CIVILE Mémoire présenté par Julie RIJPENS, pour l’obtention du diplôme d’études approfondies en développement, environnement et sociétés. Directrice de mémoire : Sybille MERTENS Lecteurs : Frédéric MOENS et Marthe NYSSENS Année académique 2006-2007 STRUCTURE ET GRH DES ONG DE DEVELOPPEMENT : QUAND MISSION ET VIABILITE ORGANISATIONNELLE COEXISTENT Théorie et pratique

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DEA INTERUNIVERSITAIRE EN DEVELOPPEMENT, ENVIRONNEMENT ET SOCIETES ORIENTATION ECONOMIE SOCIALE ET SOCIETE CIVILE

Mémoire présenté par Julie RIJPENS,

pour l’obtention du diplôme d’études

approfondies en développement,

environnement et sociétés.

Directrice de mémoire : Sybille MERTENS

Lecteurs : Frédéric MOENS et Marthe NYSSENS

Année académique 2006-2007

STRUCTURE ET GRH DES ONG DE DEVELOPPEMENT : QUAND

MISSION ET VIABILITE ORGANISATIONNELLE COEXISTENT

Théorie et pratique

TABLE DES MATIÈRES

AVANT-PROPOS ____________________________________________________________________ 4

INTRODUCTION GENERALE 5

PARTIE THEORIQUE : DE LA REVUE DE LITTERATURE AU MODELE D'ANALYSE 10

CHAPITRE 1 – LA REVUE DE LITTÉRATURE ________________________________________________ 11

Section 1. Qu’est-ce qu’une ONG ?_____________________________________________________ 11

Section 2. La professionnalisation des ONG de développement_______________________________ 13

Section 3. Quelle gestion pour les ONG de développement ?_________________________________ 18

Section 4. La structure d’organisation et la GRH des ONG de développement____________________ 22 4.1. La structure d’organisation des ONG de développement ______________________________________ 22 4.2. La gestion des ressources humaines des ONG de développement ______________________________ 26 4.3. La structure et la gestion des ressources humaines des ONG de développement ___________________ 32

CHAPITRE 2 – LE MODÈLE D’ANALYSE____________________________________________________ 35

PARTIE PRATIQUE : ETUDE DE CAS - LES ONG SOS FAIM ET ILES DE PAIX 38

CHAPITRE 3 - LA MÉTHODOLOGIE_______________________________________________________ 39

CHAPITRE 4 - LES OBSERVATIONS ET LES RÉSULTATS ________________________________________ 43

Section 1. Le cas SOS Faim __________________________________________________________ 43 1.1. Les observations _____________________________________________________________________ 43 1.2. Les résultats objectifs__________________________________________________________________ 51

Section 2. Le cas Iles de Paix _________________________________________________________ 59 2.1. Les observations _____________________________________________________________________ 59 2.2. Les résultats objectifs__________________________________________________________________ 68

CONCLUSIONS : DISCUSSION DES RESULTATS ET APPRENTISSAGES 76

CHAPITRE 5 : LA DISCUSSION DES RÉSULTATS _____________________________________________ 77

CHAPITRE 6 : LA CONCLUSION GÉNÉRALE_________________________________________________ 80

LE GLOSSAIRE ____________________________________________________________________ 86

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LA BIBLIOGRAPHIE _________________________________________________________________ 85

LES ANNEXES 90

ANNEXE A – LES DÉFIS DES ONG DE DÉVELOPPEMENT_______________________________________ 91

ANNEXE B – LA SYNTHÈSE DES CONFIGURATIONS DE J. NIZET ET F. PICHAULT ______________________ 92

ANNEXE C – LA SYNTHÈSE DES MODÈLES DE GRH DE J. NIZET ET F. PICHAULT _____________________ 94

ANNEXE D – LA GRILLE DE LECTURE CONTINGENTE POUR LA GRH DE J. NIZET ET F. PICHAULT __________ 96

ANNEXE E – LE PROGRAMME DES ENTRETIENS ET RENCONTRES AVEC « SOS FAIM » _________________ 97

ANNEXE F – LE PROGRAMME DES ENTRETIENS ET RENCONTRES AVEC « ILES DE PAIX »________________ 99

ANNEXE G – LE GUIDE D’ENTRETIEN « BELGIQUE »_________________________________________ 101

ANNEXE H – EL CUESTIONARIO “SOS FAIM - AMÉRICA DEL SUR” _______________________________ 104

ANNEXE I – EL CUESTIONARIO “ISLAS DE PAZ - AMÉRICA DEL SUR”______________________________ 108

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AVANT-PROPOS

Ce travail est l’aboutissement d’une année d’étude riche en apprentissages, en expériences et en

rencontres. Je me suis octroyée cette formation complémentaire d’une part pour prendre le temps de me pencher sur un domaine qui m’intéresse depuis longtemps, celui du développement, d’autre part afin d’acquérir les mécanismes et la rigueur d’une approche orientée recherche pour traiter ce sujet. Cinq années d’études préliminaires en ingénieur de gestion, une formation déjà multidisciplinaire, ont attisé mon intérêt pour ces problématiques et m’ont permis, un tant soit peu, d’aborder des sujets liés aux conditions des pays du Sud ou aux dynamiques de développement. Dans la continuité de celles-ci, cette formation interuniversitaire en développement, environnement et sociétés –orientation économie sociale et société civile– m’a permis de réfléchir spécifiquement à cette question, de dépasser le cadre strict de la gestion et d’insuffler davantage de contenu, de rigueur et d’esprit critique à ma réflexion. Ce travail se veut faire le lien entre deux formations qui, à mon sens, se complètent bien, et aborde par conséquent une problématique à cheval sur le domaine du développement et celui de la gestion.

Cependant, je ne serais arrivée au terme de cette formation et de ce mémoire sans le soutien

indéfectible de nombreuses personnes que je tiens à remercier pour leur précieuse contribution. Mes plus sincères remerciements s’adressent d’abord à Sybille Mertens, directrice de ce

mémoire, et Catherine Davister, chargée de recherches au Centre d’économie sociale. Toutes deux se sont montrées disponibles pour répondre à mes questions et partager leurs connaissances, leurs compétences et leurs expériences. Nos discussions et leurs conseils avisés m’ont guidée au long de cette étude. Pour cela et pour la confiance qu’elles m’ont témoignée, je leur suis reconnaissante. Je remercie également Frédéric Moens et Marthe Nyssens, lecteurs, pour leurs conseils plus ponctuels quant à certaines problématiques spécifiques.

Je remercie également chaleureusement tous les membres des équipes de SOS Faim et d’Iles de Paix, tant en Belgique qu’en Amérique Latine, pour leur accueil sympathique, leur disponibilité, leur patience et l’intérêt qu’ils ont porté à ce travail. Ils se sont prêtés au jeu d’entretiens ou ont accepté quelque discussion informelle afin de me fournir les informations nécessaires à cette étude. Leurs commentaires ont soulevé dans mon chef de nouvelles questions et m’ont orientée vers d’autres réflexions. Je remercie particulièrement les équipes des représentations locales, à Lima (Pérou) et Riobamba (Equateur) qui, avec enthousiasme, m’ont fait découvrir et apprécier, une région qui m’était alors inconnue. Lors de ce séjour en Amérique Latine, chaque personne m’a accueillie chaleureusement, contribuant à sa manière à la réussite de ce travail. Ma reconnaissance, et surtout mon admiration pour leur optimisme et leur détermination, va enfin à chaque individu rencontré lors des visites de terrain, à chaque communauté, à chaque partenaire, avec qui le dialogue a pu s’ouvrir de manière sincère. Pour cela, et pour tout ce que ces différentes personnes m’ont appris lors de nos échanges, je les remercie énormément.

Enfin, je tiens particulièrement à remercier mes proches pour leur présence. Ma famille trouvera dans ce travail mon entière gratitude pour son soutien, ses encouragements et sa présence réconfortante. Que mes amis reçoivent quant à eux toute ma reconnaissance pour leur appui incessant, leur amitié précieuse et ces heures de détente partagées. Un tout grand merci à tous.

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INTRODUCTION GENERALE

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INTRODUCTION GÉNÉRALE

Acteurs aujourd’hui incontournables, notamment dans le secteur de la coopération au

développement, les organisations non gouvernementales (ONG) ne sont pas moins le centre de débats animés. Concept difficile à appréhender, à situer, le terme ONG recouvre des réalités très différentes : diversité par leur origine, diversité des actions entreprises, des philosophies, des stratégies ou lieux d’intervention, diversité structurelle et des modes de fonctionnement, diversité des impacts, etc. Alors qu’aujourd’hui encore, aucune définition ne fait consensus, il est cependant possible de mettre en avant une série de caractéristiques ou de valeurs communes à cet ensemble hétéroclite d’organisations, notamment la notion d’association, les valeurs d’engagement libre et consenti, de respect, de justice sociale, de démocratie, d’équité ou de solidarité.

Acteurs incontournables certes, mais souvent contestés. En effet, alors qu’il se passe rarement

un jour sans que l’actualité ne fasse mention des ONG, celles-ci sont la cible de critiques quant à leur légitimité, leur représentativité, leur efficacité, leur indépendance financière et politique, le rôle qu’elles ont à tenir au sein de la société contemporaine, etc. Ce rôle précisément évolue et les confronte dès lors à de nouveaux défis : nécessité de davantage de professionnalisme, besoin de plus de transparence et d’autonomie financière, positionnement des ONG dans la société civile, nouvelles formes d’intervention dans les pays du sud, et bien d’autres. Face à ces nouveaux défis et pour répondre aux reproches répétés, les ONG elles-mêmes ou leurs parties prenantes ont amorcé, il y a une quinzaine d’années, un processus de remise en question de leur gestion, des pratiques qui y sont exercées et des valeurs qui les animent. Comme le souligne T. Wallace, « les ONG ont le devoir de prendre du recul et d’être critiques à l’égard d’elles-mêmes tant pour examiner jusqu’à quel point leurs propres pratiques encouragent les valeurs qu’elles épousent, que pour évaluer si leur logique de fonctionnement leur permet ou non de s’engager positivement dans la vie des personnes défavorisées. » (2000, p. 19)

Particulièrement, pour répondre aux critiques formulées à l’encontre de leurs pratiques de gestion et de gouvernance (Quéinnec et Igalens, 2004), les ONG sont entrées, à l’image du secteur de l’économie sociale, dans une phase de professionnalisation, principalement dans les domaines du marketing, de la gestion financière, de la gestion des ressources humaines et de la gouvernance. Si l’objectif de la professionnalisation est honorable, dans la mesure où il s’agit d’ « améliorer la gestion pour mieux remplir la mission » (Mertens, 2006), cette démarche peut être vécue comme problématique au sein des ONG de développement du fait des questions qui surgissent lorsque l’on considère la mise en œuvre, les coûts engendrés et les risques sous-jacents à celle-ci.

Abordant le thème de la gestion des ONG de développement, plusieurs interrogations surgissent.

Il est vrai que, depuis leur apparition et jusqu’il y a peu, ces organisations se sont peu intéressées aux questions de gestion, voire se sont refusées à introduire toute pratique de gestion au sein de leur structure. Les raisons de ce désintéressement ou de ces réticences sont multiples et diverses. D. Lewis (2003) en énonce trois principales. D’une part, les ONG de développement se considèrent comme des acteurs alternatifs, elles refusent donc l’idée de management qui est l’apanage des organisations de type classique ; d’autre part, les ONG mettent en avant une culture d’action et ne peuvent pas ou ne veulent pas prendre le temps de s’attarder sur des questions annexes à leur action ; enfin, à l’origine, les ONG sont généralement des petites structures informelles, mises sur pied par une personne ou un groupe restreint de personnes et qui ne nécessitent peut-être pas une véritable politique de gestion.

Dès lors, et jusqu’au début des années ’90, les ONG de développement ont parfois reflété une image de relatif amateurisme, de chaos organisationnel, de structure informelle caractérisée par des

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conditions de vie précaires et une rotation du personnel fréquente (COTA, 2005). Pour casser cette image notamment et pour diverses raisons plus pragmatiques, les ONG ont pris et prennent davantage en considération des questions de management. Ces raisons sont les suivantes : d’une part, la complexification des activités de développement et les pressions liées à la croissance organisationnelle les poussent à prendre la voie de la professionnalisation ; d’autre part, les ONG se doivent de rendre des comptes et de répondre de manière flexible aux nouvelles exigences administratives, méthodologiques ou financières des parties prenantes, dont les bailleurs de fonds ; par ailleurs, une concurrence de plus en plus vive se met en place entre les ONG, notamment dans la course aux financements, ce qui les oblige à se démarquer des autres ; enfin, bon nombre d’ONG sont arrivées à un point de maturité de leur cycle de vie et entrent dès lors dans un processus de réflexion et de remise en question de leur organisation. (Lewis, 2003 ; COTA, 2005)

Si les arguments avancés ci-dessus témoignent de la nécessité pour les ONG de développement de se tourner vers la professionnalisation et de considérer des questions de management, ce afin de se donner les moyens d’être performantes, professionnelles, décideuses et gestionnaires de leur destin, il n’en reste pas moins que la mise en œuvre pose la question de la spécificité ou non de la gestion des ONG de développement, question encore en chantier à ce jour.

C’est dans ce contexte que s’inscrit ce travail, un contexte marqué par une médiatisation du

phénomène « ONG », un flou autour de la définition de ce terme et un intérêt de plus en plus vif accordé à la gestion des ONG de développement tout en prêtant attention aux spécificités de celles-ci.

La problématique générale de ce mémoire-recherche se rapporte à la gestion des ONG de

développement, et c’est une des spécificités de ce type d’organisation qui sert de point de départ à la question de recherche : la coexistence de deux logiques, l’une guidée par les valeurs, l’accomplissement de la mission, l’autre par l’efficience, la viabilité de l’organisation. Adoptant l’optique des économistes, A. Piveteau souligne ce mélange entre une rationalité économique et sociale dans la mesure où il définit une ONG comme une « organisation économique dont l’objectif original ou l’ensemble des contraintes qu’elle cherche à résoudre définit son action comme une redistribution philanthropique de ressources (…) en faveur du développement. » (Piveteau, 1998, p. 279, cité par Ryfman, 2004, p. 25) C’est cet aspect qui mène à l’énoncé de la question de recherche, celle-ci traitant en particulier de la manière dont la coexistence de ces deux logiques se traduit au niveau des pratiques de gestion dans une ONG de développement. Cependant, alors que le système de gestion d’une organisation présente différentes dimensions (le système organisationnel, la gestion des ressources humaines, la gestion financière, le système de production, le système commercial, la gestion des systèmes d’information), ce travail ne s’intéresse qu’à la structure d’organisation et aux pratiques de gestion des ressources humaines des ONG de développement, afin de prendre en considération un facteur majeur des ONG : le capital humain. En effet, non seulement les ressources humaines contribuent au bon fonctionnement des ONG, mais elles participent aussi fortement à la plus-value de ces organisations. Or, le rôle des ONG évolue, les profils d’hier ne sont plus ceux d’aujourd’hui, pourtant ces organisations restent de manière générale peu proactives en termes de gestion des ressources humaines, si ce n’est pour se mettre en conformité avec la législation, ce qui paraît quelque peu paradoxal dans une organisation où le premier « facteur de production » est le capital humain.

La question de recherche s’intéresse dès lors à la manière dont la tension entre l’accomplissement de la mission et la viabilité organisationnelle se traduit au niveau de la structure d’organisation et des pratiques de gestion des ressources humaines. Aborder cette question revient à répondre à un « comment ? », et prévoit de s’attarder sur des mécanismes ou de mettre en évidence des éléments qui, en regard de la structure particulière d’objectifs, peuvent influencer les pratiques de gestion des ressources humaines dans une ONG de développement. L’idéal au terme de cette recherche serait de dégager une nouvelle configuration organisationnelle qui se rapproche davantage

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de la réalité des ONG de développement et qui intègre un modèle de GRH approprié à cette nouvelle forme d’organisation. Cet objectif reste cependant ambitieux, par le seul fait de la diversité des ONG de développement. Comme le souligne T. Wallace très justement, « [les ONG de développement] sont tellement diverses que quoiqu’on dise sur un type d’ONG, cela peut être contredit en en regardant une autre à un autre endroit. » (Wallace, 2000, p. 20)

La problématique et les objectifs dévoilés, revenons quelques instants sur les aspects

intéressants et originaux que cette recherche présente. Les ONG sont un objet d’étude interpellant par leur présence forte dans l’actualité, par les nombreux questionnements qui les entourent ou l’intérêt que le grand public leur porte, parfois aveuglément. Acteurs de la société civile, les ONG sont principalement l’objet de recherches qui s’intéressent aux aspects politiques ou sociaux de ces organisations, à leur impact, leur légitimité ou leur indépendance mais peu de chercheurs se sont penchés sur les caractéristiques intrinsèques de ce type d’organisation, leur mode de fonctionnement, leur structure ou les pratiques de gestion qui y sont adoptées.

Cette recherche répond donc d’abord à une motivation scientifique, celle de s’intéresser de manière systématique et plus approfondie à la gestion des ONG de développement. Mais cela présente-t-il réellement un intérêt dans la mesure où une ONG de développement est finalement une organisation, au même titre qu’une entreprise par exemple ? Le débat est encore ouvert quant à l’influence ou non des spécificités des ONG de développement sur la gestion, débat qui peut être posé en ces termes : « Y a-t-il plus de différences entre associations et entreprises, issues de leurs finalités respectivement « désintéressées » et « lucratives » que de ressemblances découlant de leur nature commune d’organisation ? » (Quéinnec et Igalens, 2004, p. 8) Il reste qu’une ONG de développement n’est pas seulement une association sans but de lucre, c’est aussi par nature une organisation complexe, multidimensionnelle et hétérogène, œuvrant dans un contexte généralement pluriculturel, tiraillée entre des logiques qui peuvent paraître contradictoires, entre des parties prenantes aux intérêts divergents, une organisation qui doit être appréhendée sous tous ses angles, au risque d’en altérer la nature. C’est donc d’une série de spécificités qu’il faut tenir compte lorsque l’on s’intéresse aux ONG de développement, et c’est ce qui fait l’attrait de ce travail.

L’intérêt de cette recherche réside également dans le fait de se pencher sur le cas d’ONG belges en particulier. Peu d’auteurs, qu’ils soient belges ou non, se sont attardés sur la gestion des ONG de chez nous. Or, comme toute organisation, une ONG évolue dans un environnement national, s’ancre dans un certain contexte historique qui forge son identité. Ainsi, une ONG belge se différencie sur certains points des ONG d’autres pays généralement plus étudiées, telles que les ONG françaises ou anglo-saxonnes. Par exemple, un entretien avec un collaborateur d’une ONG belge, qui avait eu l’occasion de côtoyer de près des ONG françaises, a souligné le caractère plus formel de celles-ci dans le fonctionnement de l’organisation. Un autre met en évidence la différence entre les ONG « latines » et anglo-saxonnes ou nordiques : les ONG « latines » montrent encore une forte prégnance de l’engagement et proposent des salaires bas, tandis que les ONG anglo-saxonnes offrent des salaires très élevés à des individus peut-être moins engagés.

Par ailleurs, il est intéressant de se pencher sur le modèle de gestion des ONG en tant qu’acteurs du développement, en y portant d’abord un regard managérial avant de faire appel à d’autres disciplines plus communément utilisées pour étudier les ONG. Sans que ce mémoire-recherche ne prétende à une vocation normative, il s’agit là d’une demande émanant de la base, des dirigeants d’ONG, dans un contexte marqué par une concurrence accrue, que d’être éclairés sur les tenants et aboutissants de la mise en place de telle ou telle pratique de gestion dans leur organisation. Enfin, bien que le regard principal que j’ai choisi de porter sur cette question de recherche soit celui de la gestion, le sujet traité et l’objet d’étude ne peuvent cantonner ce travail à cette seule discipline mais forcent à l’interdisciplinarité, impliquant d’autres domaines tels que celui de la sociologie, l’économie, l’histoire,

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etc. C’est pourquoi cette question de recherche présente un caractère attrayant, interpellant et stimulant.

Qu’en est-il dès lors de la démarche mise en œuvre pour étudier la problématique et atteindre les

objectifs de ce travail ? Ce mémoire s’articule en deux parties avec des finalités distinctes, l’une théorique, l’autre pratique.

La partie théorique d’abord répond à un double objectif : d’une part dresser une revue de la littérature actuelle afin de donner au lecteur des repères utiles pour aborder la question de recherche, d’autre part présenter le modèle d’analyse qui articule les hypothèses de travail formulées à partir de la revue de littérature. Le premier chapitre présente la revue de littérature qui mobilise divers champs pour apporter un regard interdisciplinaire à la question de recherche : gestion, sociologie, économie, sciences politiques ou développement. Particulièrement, à cause du peu de littérature explicite sur la gestion des ONG de développement, il a fallu mobiliser un cadre théorique plus généraliste, celui développé par J. Nizet et F. Pichault, afin de structurer la réflexion autour des aspects spécifiques à la structure d’organisation et à la gestion des ressources humaines. Le deuxième chapitre propose ensuite de débroussailler les nombreux questionnements soulevés dans la revue de littérature en vue de formuler quelques hypothèses de travail autour de la question étudiée et de les articuler dans un modèle d’analyse.

Dans un deuxième temps, la partie pratique répond quant à elle à un objectif simple, celui de mettre à l’épreuve des faits le modèle d’analyse élaboré afin de confirmer ou d’infirmer les hypothèses formulées et de montrer dans quelle mesure le cadre théorique mobilisé peut apporter des éléments de compréhension, d’intelligibilité par rapport à la question de recherche. Le premier chapitre de cette partie fait état de la méthodologie mise en œuvre afin de préciser sur quelle organisation le modèle est testé et comment les données sont récoltées. Le second chapitre s’intéresse quant à lui aux deux études de cas, SOS Faim et Iles de Paix, et confronte la théorie à ces réalités de terrain. Il traite chaque organisation isolément en s’attardant d’une part sur les observations, d’autre part sur les résultats.

Enfin, la dernière partie conclusive propose dans un premier temps une discussion des résultats afin de les mettre en perspective, de les interpréter et de les confronter au contexte de cette recherche, dans un deuxième temps une conclusion générale qui reprend les apprentissages et limites de ce travail ainsi que les pistes de recherche à creuser.

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L’élaboration de la partie théorique

répond à un double objectif. Premièrement,

cette partie dresse un état des lieux de la

littérature actuelle autour de la

problématique étudiée -la structure

d’organisation et la GRH dans les ONG de

développement- avec comme optique de

donner au lecteur des repères pour se

pencher sur la question de recherche.

Deuxièmement, la littérature mobilisée

soulevant de nombreuses interrogations

liées à la question de recherche, un certain

nombre d’hypothèses de travail sont

formulées et articulées dans un modèle

d’analyse afin de structurer la réflexion.

PARTIE THÉORIQUE

De la revue de littérature au modèle d’analyse

Chapitre 1 – La revue de littérature

Chapitre 2 – Le modèle d’analyse

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CHAPITRE 1

LA REVUE DE LITTÉRATURE

Le développement et la gestion sont des matières interdisciplinaires qui nécessitent de mobiliser

divers champs de la littérature afin de les traiter de manière complète. Par ailleurs, la structure d’organisation et la gestion des ressources humaines, spécifiquement, se trouvent également à la croisée entre plusieurs disciplines. Dans cette optique, cette revue de la littérature fait tant appel à des sources issues du champ de la gestion pure qu’à des références en sociologie, en économie, en sciences politiques ou en développement.

Ce chapitre présente d’abord quelques éléments pour mieux appréhender le concept d’organisation non gouvernementale, ensuite il propose une réflexion sur la professionnalisation des ONG de développement, pour finalement s’attarder sur la question qui nous préoccupe et aborder en détail la gestion des ONG de développement, leur structure et leur gestion des ressources humaines.

Section 1. Qu’est-ce qu’une ONG ? Avant d’aborder spécifiquement la thématique de recherche et les concepts mobilisés pour

l’étudier, cette première section tente de définir les organisations non gouvernementales, objets de cette recherche. Comme évoqué dans l’introduction, ce vocable recouvre des réalités bien différentes, englobe des organisations hétérogènes par leur origine, leur taille, leur structure, leur philosophie, leur logique d’intervention, leur secteur d’activités, le type de compétences mobilisées, etc. Par ailleurs, P. Ryfman rappelle qu’étant donné qu’il « s’agit d’un terme libre d’appropriation et qui ne constitue pas, à de rares exceptions, dans les droits nationaux une catégorie juridique spécifiquement délimitée, et encore moins en droit international (contrairement aux OI [Organisations Internationales]), de plus en plus d’entités, petites ou grandes, tendent à s’auto-baptiser ou se rebaptiser ’ONG’ » (2004, p. 5). Examiner le monde des ONG implique donc de s’intéresser à un ensemble d’organisations hétéroclite et difficile à circonscrire.

Le terme « organisation non gouvernementale » date de l’après-Seconde Guerre mondiale : il

apparaît pour la première fois en 1945 dans la Charte des Nations Unies, ce qui marque la reconnaissance par l’ONU et la communauté internationale de l’existence d’autres acteurs et de la place qu’il convient de leur assigner. Depuis l’apparition du vocable « ONG », nombreuses ont été les tentatives de définition, distinctes selon la perspective adoptée (celle des juristes, des sociologues, des politologues ou des économistes) ou selon les caractéristiques appuyées. Mais à ce jour, aucune définition ne fait consensus et n’arrive à rendre compte de l’hétérogénéité du monde des ONG.

Cependant, une autre manière de distinguer les ONG dans le champ organisationnel est de

mettre en évidence une série de caractéristiques minimales communes, un faisceau de critères similaires que présentent généralement ces organisations (Ryfman, 2004). De la lecture de divers auteurs (Ryfman, 2004 ; Quéinnec et Igalens, 2004 ; COTA, 2005), j’ai synthétisé cinq traits principaux. Il s’agit d’une part de la notion d’association, de regroupement de personnes dans une structure permanente autour d’un objectif commun sans but de lucre, celui de la réalisation d’un projet au bénéfice d’autrui notamment. D’autre part, les ONG doivent présenter une forme juridique particulière,

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qui fasse état du fait qu’elles ne poursuivent pas un objectif de profit. Par ailleurs, les ONG doivent faire preuve d’indépendance à l’égard des pouvoirs publics et privés, au niveau national et international, c’est-à-dire qu’elles doivent bénéficier d’une totale autonomie de gestion et de décision. De plus, ces organisations, enracinées dans la société civile, promeuvent certaines valeurs à travers leurs actions, telles que l’engagement libre et consenti, le respect des droits humains, la justice sociale, la démocratie, le développement durable, la solidarité, l’altruisme, le partenariat Nord-Sud, etc. Enfin, les actions menées par les ONG revêtent généralement un caractère transnational.

Enfin, face à la difficulté de parvenir à une définition, une dernière approche permet

d’appréhender le champ des ONG, celle de la classification en fonction de divers critères pour souligner ce qui fait leur diversité (COTA, 2005, p. 109) :

- leur origine et leur implantation à un niveau local, national ou international ; - leur champ d’action géographique ; - leurs sources de financement, selon que les ONG font appel ou non aux financements des

pouvoirs publics, selon qu’elles se financent en combinant ou non financements publics et privés, selon qu’elles ont accès ou non aux différents types de financements, etc. ;

- leurs activités : les ONG œuvrent principalement dans les domaines tels que l’aide au développement, l’urgence ou l’humanitaire, l’environnement, les droits de l’homme, la construction de la paix, le commerce équitable, la protection des biens culturels, etc. (Ryfman, 2004) ;

- ou leur logique d’intervention : certaines ONG jouent un rôle de groupe de pression ou de défense de causes définies, elles réalisent alors un travail de sensibilisation du public ou interviennent directement auprès des pouvoirs publics. D’autres ONG, celles qualifiées d’humanitaires, sont en première ligne lors des catastrophes ou des conflits. Un certain nombre d’ONG ont un rôle d’intervention sociale ou de développement avec un objectif de long terme. D’autres encore sont des ONG de soutien, notamment technique, à d’autres structures. Enfin, il existe des ONG faîtières, qui sont des regroupements d’ONG.

Ces quelques paragraphes mettent en évidence la difficulté à appréhender le concept d’ONG, qui

recouvre des réalités très différentes selon l’approche adoptée. Ils soulignent dès lors la diversité des contextes organisationnels dans lesquels s’inscrit la question de recherche, diversité en termes de taille, de structure, de compétences mobilisées, de culture organisationnelle, d’environnement, etc.

Pour terminer cette section, étant donné que l’accent est mis particulièrement sur les ONG de

développement dans le cadre de ce mémoire, il me paraît intéressant de considérer brièvement les défis auxquels ces organisation sont aujourd’hui confrontées, défis qui se posent tant à l’intérieur du secteur que dans ses relations avec son environnement. D. Brown et A. Kalegaonkar (2002) évoquent brièvement ces différents défis et soulignent qu’ils ont des implications pour la majorité des ONG de développement mais à des degrés variables selon l’organisation considérée.

Un premier challenge externe concerne leur manque de légitimité publique et le fait que les ONG doivent répondre de leurs actions envers plusieurs stakeholders1. Le second surgit dans les relations des ONG avec les gouvernements et interroge leur indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics. Le troisième touche aux relations des ONG avec le secteur marchand, aux alliances conclues avec des

1 Selon une définition d’un ouvrage de stratégie, « les stakeholders sont les individus ou groupes d’individus qui dépendent de l’organisation pour remplir leurs propres objectifs et dont l’organisation, à son tour, dépend. » (Johnson et Scholes, 2002, p. 206). Ce concept, généralement traduit par « parties prenantes » fait donc référence, au sens le plus large, à l’ensemble des individus ou groupes susceptibles d’être affectés ou d’affecter les activités de l’organisation.

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entreprises privées et aux risques que cela peut comporter. Enfin, le dernier défi se manifeste dans les relations avec des acteurs internationaux (Banque Mondiale par exemple) et dans les alliances avec ceux-ci qui peuvent également altérer l’indépendance et l’identité des ONG.

Quant aux défis qualifiés d’internes par les auteurs, ceux-ci découlent des caractéristiques du secteur lui-même et sont les suivants : l’amateurisme, un focus restreint (que ce soit par rapport aux groupes cibles ou aux problématiques traitées), le manque de ressources, la fragmentation due au grand nombre d’acteurs et d’initiatives, ainsi que le paternalisme. Les auteurs dressent un tableau synthétique (cf. Annexe A – Les défis des ONG de développement) de ces challenges en identifiant également la base du problème ainsi que les implications pour le secteur.

La mise en évidence de ces challenges laisse entrevoir les interrogations qui surgissent aujourd’hui dans le chef des ONG de développement et qui sous-tendent le processus de remise en question actuellement en cours.

Section 2. La professionnalisation des ONG de développement Comme affirmé dans l’introduction, la professionnalisation des organisations du secteur de

l’économie sociale2, parmi lesquelles les ONG de développement, est aujourd’hui une réalité. Si le terme « professionnalisation » est en effet le plus couramment utilisé pour dépeindre cette tendance du secteur, la signification de celui-ci n’est pas toujours claire. Selon C. Davister (2006), cette notion peut être envisagée sous trois formes : d’une part comme la complexification des métiers et la nécessité de niveaux de formation plus élevés, d’autre part comme l’amélioration des pratiques de gestion, enfin comme le recours au salariat plutôt qu’au bénévolat pour certaines fonctions. La professionnalisation est donc un concept multiforme qui décrit notamment l’engouement de plus en plus vif du secteur pour des questions de gestion.

Cette tendance à la professionnalisation des ONG de développement se conçoit parfois comme une démarche problématique de changement, qui met en balance militantisme et professionnalisme. C’est surtout un processus de questionnements stratégiques qui met en jeu l’identité de l’organisation, l’image qu’elle renvoie d’elle-même et l’organisation interne. De différentes lectures réalisées, il ressort que cette démarche de professionnalisation intervient dans quatre lieux principaux : (i) la gestion financière pour accroître la transparence, (ii) la gestion des ressources humaines afin d’optimiser le facteur essentiel que sont les personnes, (iii) les mécanismes de gouvernance avec le souci de conserver les valeurs de participation et de démocratie, et (iv) le marketing avec une nécessité d’arbitrer entre éthique, efficacité et rentabilité. Face à la complexité des enjeux de cette démarche, d’aucuns s’interrogent quant à la réelle pertinence de celle-ci dans les ONG de développement. Les problématiques considérées dans cette section sont le fruit de lectures, ainsi que de réflexions collectives et personnelles autour de la question de la professionnalisation des ONG. Cette discussion n’entend pas aborder le sujet de manière exhaustive mais fait état des questionnements qui sont posés aujourd’hui quant à cette démarche.

Sans que cette discussion ne remette en cause les arguments qui témoignent de la nécessité de la professionnalisation, trois questions sont mises en débat : (i) le choix des pratiques et les spécificités

2 Selon une définition largement acceptée, « l’économie sociale regroupe les activités économiques exercées par des sociétés, principalement coopératives, des mutualités et des associations dont l’éthique se traduit par les principes suivants : (i) finalité de service aux membres ou à la collectivité plutôt que de profit ; (ii) autonomie de gestion ; (iii) processus de décision démocratique ; (iv) et primauté des personnes et du travail sur le capital dans la répartition des revenus. » (Defourny et Develtere, 1999, p. 38)

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de la gestion des ONG de développement ; (ii) la problématique des freins inhérents à la mise en œuvre d’une démarche de professionnalisation ; (iii) la question des risques que celle-ci entraîne.

• Le choix des pratiques de gestion

Quelle gestion pour les ONG de développement ? Bien que la section suivante traite plus précisément de ce sujet et des spécificités de ces organisations, voici déjà quelques éléments de réponses. L’article de D. Lewis (2003) est éclairant à propos de la gestion des ONG de développement : celles-ci peuvent s’inspirer des pratiques de gestion dans différents domaines déjà largement étudiés, tels que le management du secteur classique, le management public, le management du tiers-secteur3 et le management du développement. Cependant, elles doivent improviser et adapter ces pratiques de gestion en fonction de leurs spécificités afin de construire leur propre modèle de gestion. En poussant plus loin le raisonnement de D. Lewis et à l’instar de ce qui existe dans les autres champs de management, la question de la généralisation d’un modèle de gestion pour les ONG de développement peut se poser. Toutefois, face à l’hétérogénéité des ONG de développement, en particulier en termes d’origine, de structure, de logique d’intervention, de secteur d’activités, etc., cette généralisation est-elle faisable ou souhaitable ? Il reste que la recherche, en partenariat avec les praticiens, a encore beaucoup à faire pour fournir aux dirigeants des ONG et aux autres membres de leurs équipes, parfois dépourvus de compétences en gestion, un cadre de réflexion et d’action pour les accompagner dans ce processus de professionnalisation, que ce cadre soit au moins une base sur laquelle les dirigeants d’ONG puissent s’appuyer pour inventer leurs propres pratiques.

• Les freins à la professionnalisation

Par ailleurs, qu’en est-il des freins inhérents à la mise en œuvre d’un processus de professionnalisation dans les ONG de développement ? Les obstacles sont en effet nombreux et concernent principalement le manque de moyens, la culture et les caractéristiques structurelles.

De nombreux auteurs s’accordent d’abord sur le fait que les ONG de développement évoluent

généralement dans un contexte de rareté des ressources, tant d’un point de vue des ressources financières ou humaines que sur le plan des compétences. Quelques questions se posent alors : quelles ressources mobiliser ? Comment mobiliser des ressources pour mener à bien cette professionnalisation ? Est-ce pertinent, souhaitable, voire acceptable de consacrer des ressources déjà rares à la gestion ou à la professionnalisation de ses pratiques de gestion alors que les moyens disponibles en fonds propres restent souvent limités ? Comment le justifier vis-à-vis des donateurs ou des bénéficiaires ?

Une deuxième spécificité concerne les aspects culturels liés aux valeurs de l’organisation. Les

ONG de développement présentent un patrimoine culturel spécifique, largement fondé sur des valeurs d’action, d’engagement, de solidarité. Si les membres d’une ONG sont généralement tous portés par la

3 Le terme « tiers-secteur » est la dénomination la plus largement acceptée au niveau international pour désigner les initiatives ou activités qui ne relèvent ni du secteur public, ni du secteur privé. Cette notion fait donc référence à un ensemble diversifié d’organisations se trouvant entre le marché et l’Etat, et qui ne sont strictement ni des organisations publiques ou parapubliques, ni des entreprises privées ayant comme finalité première la recherche de profit.

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mission de l’organisation, le processus de professionnalisation va cependant confronter deux registres, celui du militantisme et celui du professionnalisme, qui se basent sur des valeurs différentes : la philanthropie, le désintéressement, la citoyenneté et la responsabilité pour le premier ; la qualification, la standardisation, le service et la neutralité d’action pour le deuxième (Vedelago, Valéau et Quéinnec, 2004). Les tensions susceptibles de se cristalliser peuvent alors ralentir la mise en œuvre de la démarche de professionnalisation, voire la bloquer. Ce sont donc ici les valeurs de l’organisation qui ne s’accordent pas avec des impératifs de professionnalisation, alors qu’elles pourraient jouer le rôle de levier ou de creuset pour obtenir l’adhésion de tous au projet et amorcer le processus.

Enfin, une autre spécificité réside dans les caractéristiques structurelles de l’organisation, telles

que la taille de l’organisation, son origine, les mécanismes de gouvernance en place, la multiplicité des parties prenantes, la composition hétérogène du personnel, etc. Autant de traits qui vont aller dans le sens ou à l’encontre d’un processus de professionnalisation selon les organisations considérées.

Il est également intéressant de lancer quelques réflexions quant au processus de

professionnalisation dans les ONG du Sud. Les partenariats Nord-Sud, qui se traduisent par des relations directes entre bailleurs de fonds internationaux et ONG du Sud ou par des partenariats ONG Nord-ONG Sud, entraînent le fait que ces dernières sont désormais confrontées aux mêmes exigences méthodologiques et administratives que leurs consœurs du Nord. Une manière d’y répondre est d’entrer dans un processus de professionnalisation. Se pose dès lors la question de la transposition des expériences d’une région à l’autre. En effet, ce mouvement n’est-il pas issu, ou davantage initié, par le Nord ? Alors que les ONG du Nord attendent de la part de leurs partenaires le même effort de professionnalisation, ne serait-ce pas à nouveau « imposer » un modèle de gestion Nord que d’encourager ou d’amener les ONG du Sud à suivre cette vague de professionnalisation ? Comment tenir compte des aspects spécifiques des ONG du Sud ? Comment donner les moyens aux structures plus modestes, peut-être plus proches des réalités de terrain, de se doter des outils nécessaires pour faire face à ces nouvelles exigences et rester dans la course ? Que faire pour que la professionnalisation ne déconnecte pas davantage les ONG du sud de leurs pouvoirs publics ? Autant d’interrogations qui nécessitent que l’on s’y attarde davantage…

La question devient dès lors de déterminer jusqu’à quel point laisser intervenir ces obstacles

spécifiques ? Faut-il les prévenir au préalable ? Comment les surmonter ? Jusqu’à quel point les ONG doivent-elles entrer dans le processus de professionnalisation ? Et que professionnaliser ? A quel domaine, entre la gestion des ressources humaines, la gestion financière, le marketing et la gouvernance, donner la priorité et consacrer les ressources ? Peut-on voir un lien entre ces caractéristiques spécifiques et le degré de professionnalisation souhaitable ?

• Les risques de la professionnalisation

Finalement, qu’en est-il des risques qu’encourent les ONG de développement à se lancer dans une démarche de professionnalisation. A la lecture de différents auteurs (Quéinnec et Haddad, 2004 ; Ryfman, 2004 ; Vedelago, Valéau et Quéinnec, 2004), quatre risques principaux peuvent être relevés : le risque de détournement de la mission, le risque de bureaucratie associative, le risque de salarisation abusive et le risque de déstabilisation de l’ordre social et organisationnel.

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S’intéresser à la question de la professionnalisation amène tout d’abord à relever un paradoxe sous-jacent à cette démarche. En effet, celle-ci pousse les ONG à produire des résultats non plus par rapport à leurs bénéficiaires, mais bien par rapport à elles-mêmes. Comme le souligne D. Corsino (1997, p. 36), « pour l’avenir, les ONGD devront certainement se professionnaliser, ce qui ne va pas sans provoquer des attentes contradictoires à leur égard ». Il en résulte que la tension existant entre les impératifs de viabilité organisationnelle et d’accomplissement de la mission se fait plus criante : quelle place accorder à ces différents impératifs et comment atteindre un équilibre ? Bien que cette démarche de professionnalisation, rappelons-le, répond à un objectif d’amélioration des pratiques de gestion au service de l’accomplissement de la mission, celle-ci n’en viendrait-elle pas finalement à déforcer l’accomplissement de la mission au profit de la viabilité de l’organisation, voire à détourner l’organisation de sa mission première ? Et ce risque de détournement de la mission se fait d’autant plus sentir au siège des organisations que les individus qui y travaillent sont davantage soumis à la pression des bailleurs de fonds et qu’ils sont plus éloignés des réalités de terrain. Néanmoins, en examinant le problème sous un autre angle, les actions des ONG de développement auraient-elles encore un sens si les organisations ne peuvent assurer leur pérennité, leur existence, leur viabilité afin que ces actions s’inscrivent dans la durée ? Il réside dans cette double question un paradoxe intéressant quant aux tenants et aboutissants de la professionnalisation des ONG de développement.

Deuxièmement, si professionnaliser signifie améliorer la gestion, cela implique également de

centraliser certaines fonctions de support, d’intégrer des outils de gestion (informatique, descriptifs de tâches, organigrammes, processus de prise de décision formalisés, etc.), de réorganiser la structure de l’organisation, de la formaliser davantage, voire de la rigidifier, au risque de perdre la souplesse et la flexibilité qui caractérisent ce type d’organisation ainsi que ses mécanismes de prise de décision. E. Quéinnec et L. Haddad en viennent dès lors à poser la question suivante : « Est-il possible de prendre telle ou telle ONG en flagrant délit de bureaucratie ? » (2004, p. 206), alors que ces organisations se sont toujours défendues d’utiliser des pratiques bureaucratiques ? Les auteurs affirment cependant que le profil configurationnel des ONG reste hybride et ne glisse tout de même pas complètement vers la bureaucratie, des caractéristiques essentielles telles que la flexibilité, la souplesse, l’interpersonnalité sont encore prédominantes dans les ONG de développement.

Par ailleurs, le processus de professionnalisation entraîne des modifications en termes de

composition du personnel, au risque notamment d’une salarisation abusive. Dans la mesure où toutes les ONG de développement ne sont pas dotées des compétences nécessaires, une démarche de professionnalisation nécessite de s’adjoindre des compétences supplémentaires, notamment en termes de gestion, d’organisation sociale, de communication, de capacité de négociation, d’animation, de créativité, etc. La salarisation du personnel est donc inévitable, dès lors se posent plusieurs questions : sur quels éléments se fonde la légitimité de la politique salariale ? Dans la structure des coûts, comment trouver le juste équilibre entre salaires et investissements dans le projet ? Comment sélectionner et recruter les nouveaux profils ? Comment s’assurer que les personnes engagées pour leurs compétences techniques plutôt tournées vers le registre de la professionnalisation adhèrent ou adhéreront au projet de l’organisation afin de ne pas affaiblir le « capital philanthropique » ou « altruiste » ? Les dirigeants ont-ils intérêt à recruter un individu au profil « technique » adéquat mais sans intérêt particulier pour le projet ou un individu qui adhère complètement aux missions et valeurs de l’organisation avec des compétences moindres ? Les avis des personnes de terrain semblent converger vers la nécessité d’engager quelqu’un pour ses compétences et de lui insuffler ensuite les valeurs de l’organisation car il semble plus aisé et moins coûteux de travailler sur l’acquisition des valeurs que sur

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l’acquisition des compétences. Ils reconnaissent cependant que l’idéal est de trouver : « des collaborateurs qui s’identifient à la philosophie et au mouvement. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas rechercher la plus grande efficacité. Nous devons identifier les compétences nécessaires et faire en sorte que les personnes fassent preuve de professionnalisme, ce qui doit être considéré autant que l’engagement militant. Nous devons avoir des gens performants dans leur métier et qui ont aussi un regard sur notre objet social. » (Lo Giudice, 2006, p. 10)

Enfin, cette recomposition du personnel risque de faire basculer l’ordre social et de créer des

tensions à l’intérieur de l’organisation. D’une part, le processus de professionnalisation implique une redistribution des tâches au sein de l’organisation, voire une redéfinition des rôles, notamment des rôles des bénévoles à qui il devient de plus en plus complexe d’attribuer des tâches valorisantes, ce qui se répercute sur leur motivation, leur spontanéité et leur esprit d’initiative, pourtant sources de dynamisme. Dès lors, quels incitants mettre en place dans l’organisation pour s’assurer de garder « ses » bénévoles alors que ceux-ci sont déjà si difficiles à retenir ? D’autre part, la juxtaposition de profils différents, certains plutôt portés par la mission, d’autre davantage orientés vers la viabilité organisationnelle peut créer des tensions4, qui participent bien entendu à la dynamique de remise en question de l’organisation mais peuvent également entraîner des luttes d’influence, des jeux de pouvoir et des conflits.

Chacun de ces deux pôles ont leur vision de l’équilibre idéal à trouver entre les registres de professionnalisme et de militantisme, entre accomplissement des missions et viabilité organisationnelle, et « l’enjeu de ce conflit, au sein de la relation professionnel-militant se noue autour de deux questions essentielles : d’une part, le problème de la finalisation de l’action et du contrôle des pratiques (idéalisme associatif versus réalisme managérial, professionnel) ; d’autre part, le risque de voir les professionnels substituer leurs objectifs propres à la vocation altruiste –voire oblative– de l’organisation (désintéressement versus intérêt personnel). » (Vedelago, Valéau et Quéinnec, 2004, p. 136). Dès lors, comment définir le point d’équilibre entre professionnalisme et militantisme et comment limiter les zones de conflits ?

Au vu de cette réflexion, la question principale qui se pose concerne la nécessité ou non d’entrer

dans une démarche de professionnalisation pour les ONG de développement. Cette démarche a-t-elle de la pertinence pour toutes les organisations compte tenu de leurs caractéristiques spécifiques en termes d’origine, de structure, de taille, de logique d’intervention, de secteur d’activité, de champ d’action, etc. ? Et comment trouver le juste équilibre entre les ressources allouées au projet et celles allouées à la gestion (GRH, gestion financière, marketing, gouvernance) ? Il paraît évident que cette problématique se pose dans un contexte hétérogène et qu’il convient d’apporter des nuances au cas par cas, en fonction des ONG de développement considérées.

Toutefois, certains éléments peuvent être soulignés, tels que la nécessité pour les ONG de développement qui se lancent dans un processus de professionnalisation, de commencer par mettre en évidence leurs propres motivations à se professionnaliser, ce afin de répondre à une série de questions soulevées ci-dessus. Par ailleurs, elles doivent également avoir intégré et pesé la tension entre viabilité organisationnelle et accomplissement de la mission afin de choisir les outils de gestion adéquats et de les adapter correctement au contexte spécifique de l’organisation, pour que professionnalisation ne rime pas avec perte d’indépendance, d’autonomie ou de flexibilité. Enfin, elles doivent adopter une

4 Dans certains cas, ces tensions se cristallisent entre salariés et bénévoles, mais pas forcément. C’est pourquoi, afin d’utiliser des vocables généralisables, nous préférons parler de tensions entre profils professionnels et profils militants.

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communication proactive sur ces questions de professionnalisation, tant en interne que vers l’extérieur, car se joue, via ce processus, l’image de l’organisation et son identité.

Cette section a permis de mettre en évidence le contexte dans lequel une ONG de

développement est amenée à faire des choix par rapport à la gestion, elle a permis de souligner une série de questions qui se posent face à cette vague de professionnalisation, afin d’aborder de manière plus posée, la problématique soulevée dans ce travail.

Section 3. Quelle gestion pour les ONG de développement ? Dernièrement un article dans un quotidien affirmait ceci, en parlant du secteur non-marchand :

« La gestion quotidienne ? Un savant mélange de militance et de gouvernance ; d’autogestion et de management. Un besoin, petit ou grand, de médiatisation. Une somme d’ego, d’idéologies, de conflits d’intérêts, d’agendas cachés, d’intimes convictions, etc. » (Dorzée, 2006, p. 6) Si cette affirmation ne s’avère pas incorrecte et reflète la complexité de la gestion du secteur non marchand, et des ONG de développement, elle se révèle quelque peu emprunte de stéréotypie et manquant de nuance.

• Un cadre conceptuel pour la gestion des ONG de développement

Dans le contexte actuel marqué par un vif intérêt porté aux ONG ainsi qu’une tendance du secteur à se pencher sur des questions de gestion et à se professionnaliser, quelques auteurs se sont attardés spécifiquement sur la question de la gestion des ONG, bien que la littérature à ce sujet reste peu étoffée. D. Lewis (2003) propose un article dont l’objectif est d’établir un cadre conceptuel pour cerner le management des ONG de développement en tant que champ de recherche et en tant que pratique. L’auteur soutient la thèse que le management des ONG de développement peut être appréhendé en termes composites comme la combinaison flexible de théories et de pratiques provenant d’autres champs de la gestion, d’une part afin de capter les apports de ces autres champs, d’autre part pour tenir compte des défis de management spécifiques auxquels les ONG font face.

Il part en effet du postulat que les ONG sont des organisations distinctes, ce pour deux raisons :

elles se consacrent à des tâches de développement et elles appartiennent au tiers-secteur. Ce dernier élément implique la notion de « normative compliance », développée par A. Etzioni (1961, cité par Lewis, 2003), qui suppose que les relations de pouvoir se fondent sur les récompenses symboliques, l’adhésion à des valeurs partagées, la persuasion, etc. Cela implique également que les ONG présentent les cinq caractéristiques du tiers-secteur, au sens ici de secteur non-profit, énoncées par L. Salamon et H. Anheier (1999, cité par Lewis, 2003, p. 328), à savoir la réalité institutionnelle, le caractère privé de l’organisation, la contrainte de non-distribution des profits aux propriétaires et directeurs, l’autonomie de gestion et le degré de participation volontaire. Néanmoins l’auteur insiste sur le fait que cet ensemble d’organisations est hétéroclite, notamment du point de vue de l’origine, de la structure et des motivations des organisations.

S’intéresser au management des ONG implique donc de prendre en considération certains

aspects clés que l’auteur met en relation dans le schéma suivant, il s’agit du contexte (environnement) et de trois variables liées aux activités de développement des ONG (activités, relations, organisations).

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La variable « environnement » comporte plusieurs dimensions. D’une part, l’environnement dans lequel œuvrent les ONG de développement est souvent marqué par l’instabilité, le risque, la précarité, un environnement politique et géographique difficile, la rareté des ressources (financières et humaines), éléments auxquels s’ajoutent des aspects culturels. D’autre part, les ONG de développement appartiennent à « l’industrie de l’aide », qui englobe les donneurs bilatéraux et multilatéraux, les ONG humanitaires et/ou de développement ainsi que les organisations intergouvernementales. Par conséquent elles se doivent de participer à ce système qui leur impose certaines contraintes (effets de mode, problèmes administratifs, etc.). Enfin, les ONG du Nord et les ONG du Sud font face à des contextes spécifiques. Les ONG du Sud, en relation avec les ONG du Nord qui sont soit des bailleurs, soit des partenaires, doivent tenter de réconcilier leurs rôles de bénéficiaires et de partenaires. Les ONG du Nord quant à elles remettent en question leur propre légitimité et sont en pleine crise d’identité depuis le début des années 1990.

La variable « activités » met en évidence que les ONG de développement peuvent assumer trois

ensembles d’activités et de rôles (qui peuvent coexister au sein d’une même organisation). D’une part, elles peuvent jouer le rôle d’implémenteur, c’est-à-dire qu’elles mobilisent des ressources pour fournir des biens et services dans le cadre d’un projet ou programme propre ou commandité par un bailleur, un gouvernement ou autre. D’autre part, elles peuvent jouer le rôle de partenaire, c’est-à-dire qu’elles travaillent avec un gouvernement, un bailleur, une entreprise du secteur privé ou une ONG de développement sur des activités conjointes. Le risque est alors de perdre son indépendance, de se faire coopter ou que les objectifs de l’ONG ne se modifient pour rejoindre les objectifs des organisations partenaires. Enfin, les ONG de développement peuvent jouer le rôle de catalyseur, c’est-à-dire qu’elles travaillent afin d’inspirer, de faciliter ou de contribuer à un changement dans le mode de développement à un niveau individuel ou organisationnel.

La variable « relations » souligne que les ONG appartiennent à des systèmes ouverts et sont

donc dépendantes des évènements et ressources de leur environnement qu’elles sont capables d’influencer. Les ONG entretiennent des relations avec les autres ONG, avec les gouvernements, avec le secteur privé et elles ont un degré de contrôle différent sur ces relations. Le management des ONG se doit donc d’être stratégique et flexible, pour favoriser les actions de développement et la possibilité de saisir les opportunités ou de faire face aux contraintes provenant de l’environnement.

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Enfin, la variable « organisation » implique la structure et les processus organisationnels internes. Bien que peu étudiée de manière systématique par les chercheurs, un certain nombre de critiques sont cependant soulevées par l’auteur à ce sujet : d’une part les ONG de développement accordent peu d’attention aux éléments basiques du management ; d’autre part, elles font face à des problèmes récurrents liés au management (communication, leadership, planification, gestion des ressources humaines, etc.) ; enfin, elles mettent leur priorité sur la flexibilité et l’idéalisme, plutôt que sur l’organisation et la hiérarchie.

Le management des ONG se doit donc d’être spécifique et innovant, notamment pour équilibrer

d’un côté les aspects instrumentaux et relatifs à la viabilité organisationnelle, d’un autre côté les aspects de participation et liés à l’accomplissement de la mission.

• Spécificités des ONG de développement et pratiques de gestion

Afin de compléter cette discussion, il est important de souligner plus particulièrement certaines caractéristiques spécifiques des ONG de développement, qui influencent de manière significative les pratiques de gestion. Les traits propres mis en évidence découlent de l’objet social, de l’absence de but de lucre de ce type d’organisation, de la mission des organisations, et concernent principalement la multiplicité des parties prenantes ainsi que la structure d’objectifs particulière.

Abordant la thématique de la gestion des associations, ce que les ONG sont également, P.

Valéau souligne une des caractéristiques essentielles de celles-ci : l’hétérogénéité, tant des performances que des attentes, qui appelle à la recherche de compromis. Parlant d’hétérogénéité des performances, il entend trois types de performances produites par les associations : d’une part, des performances sociales qui ont trait à l’adhésion, à l’action collective, à la capacité d’influencer durablement leur environnement et aux liens sociaux que ce type d’organisation peuvent restaurer grâce à leurs actions ; d’autre part, des performances technico-économiques qui découlent de la capacité des associations à satisfaire des demandes négligées ou ignorées par les secteurs privé et public ; enfin, des performances politiques par le fait que le système associatif est plus ouvert aux mondes et enjeux en présence. Par ailleurs, l’auteur soulève également la question de l’hétérogénéité des attentes des différents acteurs, hétérogénéité qui implique soit la recherche d’un consensus, soit le fait de satisfaire aux prérogatives des coalitions ou acteurs dominants. P. Valéau insiste sur le fait que ces différentes performances sont complémentaires et pas spécialement contradictoires, mais que leur articulation n’est pas toujours évidente. En effet, dans l’impossibilité, sauf exception, d’optimiser plusieurs variables simultanément, il convient de poser des arbitrages afin d’être dans la mesure de cumuler les normes et performances des mondes militant et professionnel. Enfin, il conclut en posant la question de la spécificité des associations et en affirmant que celle-ci « résiderait moins dans leur « non lucrativité » que dans l’absence de principe universellement supérieur, capable de transcender l’hétérogénéité des attentes qu’elles suscitent. » (Valéau, 2003, p. 20)

C. Davister (2006), quant à elle, formule le même type d’arguments à propos des organisations

d’économie sociale, dont font partie les ONG de développement. Elle rappelle que celles-ci ont à jongler avec diverses parties prenantes. Ces différents acteurs qui prennent part à la vie de l’organisation, de manière plus ou moins impliquée, sont : les bénéficiaires et les partenaires, les fondateurs du projet, l’assemblée générale, le conseil d’administration et les dirigeants, les travailleurs salariés, les bénévoles actifs et passifs, les représentants des pouvoirs publics, les mécènes d’organisations privées, les

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donateurs et l’opinion publique. Dès lors, un acteur de terrain pose la question de « comment mieux assumer notre triple responsabilité, celle, prioritaire, qui nous lie aux populations en détresse ; celle, citoyenne, que nous devons aux hommes et aux femmes qui, directement ou indirectement, nous permettent de travailler et enfin, celle, sociale, dont nous sommes dépositaires envers nos « troupes » de salariés, volontaires et bénévoles ? » (Quéinnec et Igalens, 2004, p. 2) Cette situation peut entraîner des conflits dans la mesure où ces différents acteurs peuvent présenter des logiques d’action différentes ou avoir des intérêts divergents. Mais cette multiplicité des parties prenantes pose également la question de l’ « accountability »5 de l’organisation : à qui l’ONG doit-elle donner la priorité parmi les différents stakeholders ? Envers qui doit-elle répondre de ses actions de manière privilégiée ?

D. Brown et M. Moore (2001) se penchent plus en détails sur cette question de la nécessité des

ONG de répondre de leurs actions envers les diverses parties prenantes. « Les ONG savent qu’elles doivent servir de nombreux stakeholders, mais elles adoptent des approches qui ne sont pas conçues pour une responsabilité multiple. » (Wallace, 2000, p. 27) Selon Brown et Moore, un problème peut surgir si les revendications des différents stakeholders ne s’alignent ni entre elles, ni avec les objectifs définis par les dirigeants de l’organisation et poursuivis par celle-ci. Dans ce cas, les dirigeants se voient contraints de faire un choix, celui de résister ou de céder aux demandes ou exigences de certaines parties prenantes, ce qui peut notamment affaiblir le soutien des stakeholders lésés. Cette notion renvoie aussi à la tension entre les objectifs de viabilité de l’organisation et d’accomplissement de la mission dans la mesure où satisfaire aux demandes de certains stakeholders peut garantir ou non de la viabilité de l’organisation ou de l’accomplissement de la mission selon les exigences de ce stakeholder.

Par ailleurs, une autre caractéristique spécifique des organisations de l’économie sociale, et des

ONG, est leur structure d’objectifs particulière (Davister, 2006). En effet, du fait de l’absence de but de lucre, se côtoient des objectifs très différents, parfois même divergents : les objectifs sociaux, les raisons d’exister, l’accomplissement de la mission se confrontent à des objectifs économiques, aux moyens d’exister, à la viabilité de l’organisation. J. Nizet et F. Pichault théorisent ce concept en parlant de buts de mission et buts de système : les premiers renvoient « aux produits, aux services ou encore aux clients de l’organisation », les seconds « à l’état de l’organisation et à ses membres » (Nizet et Pichault, 1995, p. 99-100). Ces deux auteurs considèrent également les liens que les buts entretiennent les uns avec les autres et parlent de systèmes de buts qui peuvent être soit intégrés, soit conflictuels. Dans une organisation marquée par des objectifs parfois divergents, Valéau (2003) insiste sur le fait qu’il faut poser a priori tout ou partie des arbitrages à faire pour une gestion plus cohérente, ce afin de cumuler les normes et les performances de l’association et de la gestion.

Pour en revenir à la gestion proprement dite des ONG de développement, D. Lewis (2003)

termine son article en proposant le modèle de management qu’il pense le plus adéquat pour les ONG de développement. D. Lewis considère que celui-ci doit être un modèle hybride, composite qui puise dans les pratiques de gestion répandues afin d’augmenter le niveau d’efficacité et de répondre aux nouvelles attentes, avec l’avantage pour les praticiens de pouvoir « se montrer plus sélectif sur base de ce qui a déjà été testé et a marché ou non ailleurs » (Lo Giudice, 2006, p. 7). Les quatre sources pertinentes dont les ONG peuvent s’inspirer sont le management classique, le management du secteur 5 Les auteurs entendent par « accountability » le fait de répondre de ses actions envers quelqu’un. Etant donné que la traduction française du terme « accountability » (responsabilité) rend mal le sens du mot dans ce contexte, le terme anglais est préféré à une traduction maladroite qui pourrait prêter à confusion.

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public, le management du tiers-secteur et le management du développement. Mais il est essentiel que les ONG gardent leur capacité d’improvisation et que ces pratiques soient adaptées afin que l’importation de techniques de management n’entraîne pas une perte de regard critique, de discernement, voire d’indépendance pour les ONG de développement.

Section 4. La structure d’organisation et la GRH des ONG de développement Les auteurs qui traitent de la gestion des ONG de développement restent peu loquaces ou peu

explicites quant à la structure d’organisation ou aux pratiques de gestion des ressources humaines. Ceux-ci abordent généralement la question de manière plutôt générale, peut-être du fait de la diversité des organisations ou du peu de recherche systématique sur la question. Le cadre théorique mobilisé afin de traiter les problématiques étudiées, à savoir la structure d’organisation et la gestion des ressources humaines, n’est donc pas un cadre développé particulièrement pour les ONG de développement ou les organisations de l’économie sociale, mais pour tout type d’organisation, d’origine privée ou publique. Ce cadre théorique est celui établi par J. Nizet et F. Pichault et construit sur base des travaux de H. Mintzberg. Il se révèle adéquat par sa souplesse, son adaptabilité à différents contextes et surtout sa faculté à « mettre de l’ordre » dans la variété de situations potentielles auxquelles nous confronte l’étude des ONG de développement du fait de leur diversité. En effet, les auteurs présentent une typologie de différentes configurations organisationnelles, au nombre de cinq, typologie qui permet de mener une réflexion sur les pratiques de gestion des ressources humaines en s’appuyant sur un cadre structuré qui considère des variables contextuelles, politiques et structurelles.

4.1. La structure d’organisation des ONG de développement

La littérature qui traite des ONG de développement dépeint la structure d’organisation de ces

organisations en insistant sur certains traits saillants, sans réellement se poser la question de leur articulation, de la manière dont les éléments se juxtaposent pour donner tel type de structure. Je propose tout d’abord un bref aperçu de la littérature consacrée aux ONG de développement qui aborde la structure de ces organisations, avant de présenter les fondements du cadre théorique mobilisé pour appréhender la question de recherche, à savoir celui de J. Nizet et F. Pichault.

• Caractéristiques générales de la structure des ONG de développement

L’éditorial d’une revue Alternatives Sud (CETRI, 1997) consacrée aux ONG de développement s’attarde quelque peu sur les structures des ONG. Il souligne le caractère évolutif et hybride du personnel (cet élément est davantage abordé dans le point suivant), la souplesse de l’organisation et des mécanismes de prise de décision, une nécessité de mieux définir les rôles de chacun, une augmentation des fonctions administratives et des investissements dans les équipements, une variété d’idéologies influencées par le type d’actions menées, par l’origine des ONG, par leur univers culturel, etc., une culture spécifique ainsi qu’une structure de financement particulière avec des apports provenant de sources publiques et privées.

B. Sanyal (1999) dans un article consacré au potentiel et limites du développement « par le bas » met en évidence la taille généralement petite des ONG, un style de gestion non bureaucratique et les caractéristiques spécifiques du personnel.

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E. Quéinnec et L. Haddad (2004), quant à eux, évoquent des éléments qui pourraient témoigner d’un phénomène de bureaucratisation associative, tels que le développement de services de support, la formalisation de procédures, la mise en avant de stratégies de croissance, mais sans que ce phénomène ne soit vérifié dans les faits. Les auteurs préfèrent parler de profil configurationnel hybride, caractérisé par la prééminence de la coordination par l’ajustement mutuel et les groupes transversaux de travail ou la propension à l’innovation opérationnelle. Cependant, selon P. Valéau (1999), les coordinations prennent souvent la forme d’une « autonomie conditionnelle », dans la mesure où celle-ci est maintenue tant que les contributions du personnel satisfont l’organisation, tant qu’aucune divergence n’apparaît. Il ajoute que « cette façon de faire respecte avec pragmatisme une certaine culture associative : elle gère tout en admettant une part de désordre. » (Louart, 1993, cité par Valéau, 2003, p. 20)

Enfin, P. Ryfman (2004), quant à lui, pose la question du paradigme organisationnel à mobiliser pour caractériser la structure organisationnelle des ONG de développement et leur efficacité. Il trouve le modèle de « bureaucratie professionnelle » développé par H. Mintzberg bien adapté du fait de la faible formalisation, la décentralisation, la départementalisation par fonction et la (relative) standardisation des qualifications. A moins que le paradigme « post-bureaucratique » établi par Lewin et Stephens ne s’avère plus adéquat par ce qu’il suppose de valorisation du fonctionnement participatif, de réduction des niveaux hiérarchiques comme de leur poids et du travail en réseau. L’auteur insiste en tout cas sur les nombreux chantiers qu’attend la sociologie des organisations en ce qui concerne les ONG.

• La typologie des configurations de J. Nizet et F. Pichault

Ces auteurs mettent donc en avant quelques caractéristiques structurelles des ONG de développement, sans les approfondir réellement, et s’accordent sur certains traits tels que le caractère hybride du personnel, la souplesse de la forme organisationnelle et la flexibilité des mécanismes de prise de décision ou de coordination. Mais rares sont les articles ou recherches qui s’attardent de manière systématique sur ces différents aspects. C’est pourquoi le recours à la typologie des configurations organisationnelles développée par J. Nizet et F. Pichault pour tout type d’organisation s’avère intéressant car il permet de mener une réflexion organisée sur la structure des ONG de développement en s’intéressant à trois types de variables : politique, structurelle et contextuelle.

Dans leur ouvrage consacré à la synthèse des apports de H. Mintzberg (Nizet et Pichaut, 1995), les auteurs mettent en évidence quatre dimensions afin d’appréhender les configurations organisationnelles : la structure, le contexte, les buts et la distribution du pouvoir. Ces différentes variables s’articulent pour former des configurations-types, au nombre de cinq : les configurations entrepreneuriale, missionnaire, bureaucratique, adhocratique et professionnelle.

La dimension structurelle comporte deux variables-clés : la division et la coordination du travail au

niveau des opérateurs et au niveau des départements. D’une part, sur le plan des opérateurs, la division du travail concerne la répartition des tâches en postes : les auteurs distinguent la division horizontale, plus ou moins forte selon que les opérateurs effectuent un nombre plus ou moins élevé de tâches, ainsi que la division verticale, qui se réfère à la séparation entre le travail d’exécution et de conception. Quant à la coordination, les mécanismes mis en évidence sont :

- l’ajustement mutuel, c’est-à-dire la communication informelle entre opérateurs ; - la supervision directe ; - la standardisation des procédés de travail, lorsque les tâches et les comportements sont

programmés ;

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- la standardisation des résultats, qui implique que les objectifs sont clairement fixés ; - la standardisation des qualifications, quand les formations sont programmées ; - et la standardisation des normes afin que chaque travailleur adhère aux valeurs

organisationnelles. En ce qui concerne la différenciation et les liaisons entre unités, les auteurs soulignent deux types

de départementalisation, qui peuvent d’ailleurs coexister au sein d’une même organisation. Il s’agit de la départementalisation par input, selon la nature des conditions de production (c’est-à-dire sur base de l’activité exercée, des qualifications et compétences requises, des contraintes techniques, etc.), ainsi que la départementalisation par output, selon la nature des produits et marchés (c’est-à-dire sur base du type de produits, des clients visés, de la localisation géographique, etc.). La différenciation est également décomposée en une dimension verticale (le nombre d’échelons hiérarchiques) et une dimension horizontale (le nombre de départements). Les mécanismes de liaison, quant à eux, reposent :

- sur les relations interpersonnelles entre membres de différents départements ; - sur la formalisation (planification des activités, contrôle des performances) ; - ou sur des représentations mentales des opérateurs, ce qui peut impliquer la mise en avant

de la culture organisationnelle, une certaine mobilisation idéologique, des formations en interne, etc.

Ces variables-clés se combinent pour former des formes structurelles très différentes, allant de la structure en clocher à la forme plane pure.

La seconde dimension étudiée par J. Nizet et F. Pichault est la variable contextuelle, qui revêt

une importance non négligeable car « les organisations sont des systèmes ouverts, en équilibre dynamique avec leur environnement » (Strategor, 1997, p. 264) auquel elles doivent s’adapter tant du point de vue des contraintes internes qu’externes. Les auteurs insistent sur les facteurs internes et externes suivants : taille, âge, technologie pour les premiers, marché pour les seconds, bien qu’il existe d’autres facteurs contextuels que ceux développés par H. Mintzberg, comme des éléments culturels par exemple.

Les facteurs internes examinés sont donc la taille, l’âge et la technologie. Les auteurs établissent certaines relations entre ceux-ci et la structure organisationnelle : d’une part, l’âge élevé conduit à la formalisation et à la rigidification d’un certain nombre de pratiques et à la simplification de la structure ; d’autre part, selon Mintzberg, la taille de l’organisation, en termes d’effectifs, du volume d’activités ou du chiffre d’affaires croit généralement avec l’âge ; par ailleurs, plus le système de production est régulé ou uniformisé, plus il y a tendance à la formalisation de la structure ; enfin, plus le système de production est sophistiqué, plus la structure devient flexible.

Quant au facteur externe de contingence pris en considération, à savoir l’environnement de marché, les auteurs en examinent quatre dimensions :

- le degré de stabilité du marché ou le caractère plus ou moins prévisible de ses évolutions ; - le degré de complexité du marché, qui renvoie à l’étendue des compétences requises pour

y opérer ; - le degré d’hostilité du marché ou son caractère plus ou moins menaçant pour la survie de

l’organisation ; - et le degré d’hétérogénéité, qui a trait à l’intensité de la diversité de la demande.

La troisième composante examinée par J. Nizet et F. Pichault concerne les buts. Les auteurs

affirment tout d’abord que, généralement, les organisations poursuivent plusieurs buts. Considérant les

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différents objectifs de manière isolée, une première distinction s’opère entre les buts de mission, liés à l’objet de l’organisation, ceux qui « se réfèrent aux produits, aux services ou encore aux clients de l’organisation » (1995, p. 99), et les buts de système relatifs à l’organisation en tant que structure et qui s’énoncent « en référence à l’organisation ou à ses membres, indépendamment des biens ou des services qu’elle produit » (1995, p. 100). La théorie propose ensuite de distinguer les buts selon leur degré d’opérationnalité, c’est-à-dire « selon qu’il est aisé de déterminer si (ou dans quelle mesure) le but est atteint ou non » (1995, p. 108). Par ailleurs, une distinction peut être effectuée entre buts opérants, découlant des décisions organisationnelles, et buts officiels définis dans les statuts et les rapports d'activité (1995, p. 111). Enfin, les auteurs font également une différence entre les buts organisationnels et les buts spécifiques à un (ou des) acteur(s).

Ils s’attardent finalement sur la combinaison des divers buts organisationnels, qu’ils appellent « systèmes de buts » (1995, p. 115). Les systèmes de buts, propres à chaque organisation, se révèlent être soit intégrés, lorsqu’il n’y a pas de tension entre les buts et que la poursuite des uns favorise la réalisation des autres, soit conflictuels, lorsque la poursuite de certains buts contrarie la poursuite d’autres buts.

Enfin, la dernière dimension analysée par J. Nizet et F. Pichault est la distribution du pouvoir dans

une organisation. Plus précisément les auteurs posent la question de la localisation du pouvoir informel, c’est-à-dire de la capacité de chaque acteur à influer effectivement et de manière significative sur les décisions de l’organisation, et en particulier les décisions d’importance stratégique.

Les auteurs proposent d’abord leur propre typologie pour identifier les acteurs et définissent sept catégories d’acteurs : les propriétaires, le sommet stratégique (direction), la ligne hiérarchique (entre le sommet stratégique et les opérateurs), la base opérationnelle, les analystes de la technostructure (s’occupent des différentes formes de standardisation), le personnel d’appui (ou support logistique – fonctions annexes) et les associations d’employés (syndicats et corporations professionnelles).

Ces différentes catégories d’acteurs peuvent mobiliser certaines ressources à leur disposition, telles que l’expertise, l’information, les ressources financières, les règles, le langage et les symboles, pour exercer leur pouvoir et influencer la prise de décision. Cependant, toutes les catégories d’acteurs ne disposent pas de ressources suffisantes et n’exercent pas tous leur pouvoir de la même manière : ainsi, outre ceux qui pèsent sur les processus de décision, certains acteurs font montre de loyalisme et d’autres de non-implication. La manière dont le pouvoir est localisé aux mains des différentes catégories d’acteurs dessine des systèmes d’influence différents : plutôt centralisés lorsque la majorité du pouvoir est aux mains des propriétaires et/ou du sommet stratégique, plutôt décentralisés lorsque les opérateurs, souvent qualifiés, influencent les décisions de manière significative.

Les quatre variables analysées par J. Nizet et F. Pichault peuvent être articulées de différentes

manières pour donner des configurations organisationnelles très différentes. Les auteurs mettent en évidence cinq configurations pures (1995, p. 216-229), qui sont des types idéaux d’organisations, c’est-à-dire « des élaborations théoriques qui entendent, non pas décrire le réel, mais davantage en exprimer la rationalité. » (Pirotton, 2000, p. 50). Ces idéaux-types sont :

- la configuration entrepreneuriale, qui caractérise « une organisation placée sous l’autorité personnelle d’un leader généralement propriétaire et fondateur, où les décisions sont donc centralisées aux mains d’un seul acteur » ;

- la configuration missionnaire, qui présente une « nette prédominance des buts de mission sur les buts de système » ;

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- la configuration bureaucratique, « marquée par une forte division horizontale et verticale du travail, par la standardisation des procédés, etc. » ;

- la configuration adhocratique, qui suppose que « les opérateurs travaillent dans le cadre de groupes de projet, en vue de répondre aux demandes spécifiques des clients » ;

- et la configuration professionnelle, qui caractérise des organisations qui « s’appuient sur les compétences professionnelles spécifiques que le personnel a pu acquérir dans des institutions de formation. »

Il convient de noter que les organisations correspondent rarement à un idéal-type, mais combinent généralement des caractéristiques de plusieurs configurations, c’est ce que H. Mintzberg appelle des configurations hybrides6.

La typologie des configurations de J. Nizet et F. Pichault permet de structurer la réflexion autour

de la structure d’organisation, mais elle invite également à la prise en compte des différences entre les organisations. Cet élément est essentiel pour la suite du développement car il permet de « dégager des cohérences. Dès lors, des solutions, des conduites, des pratiques qui auraient montré leur pertinence dans une configuration déterminée peuvent s’avérer dissonantes dans d’autres. » (Pirotton, 2000, p. 51) Cette constatation permet de relier structure d’organisation et gestion des ressources humaines.

4.2. La gestion des ressources humaines des ONG de développement

A l’instar de la structure d’organisation des ONG de développement, leur gestion des ressources

humaines (GRH), soit les pratiques et outils mis en œuvre afin de s’assurer que les personnes développent des comportements conformes aux attentes de l’organisation, reste peu étudiée de manière spécifique et systématique dans ce secteur. C’est pourquoi le recours à des auteurs qui traitent la question de manière plus large, soit en abordant la gestion des ressources humaines en général, soit en se concentrant sur la GRH en économie sociale, s’avère essentiel pour aborder cette section.

• Les ressources humaines dans les ONG de développement

Traiter de la GRH, que ce soit de manière générale ou spécifique, nécessite d’abord de définir de quelles ressources humaines il est question. Les auteurs qui abordent les aspects internes des ONG de développement s’accordent généralement sur le caractère évolutif et hybride du personnel : les organisations, fondées à l’origine sur le volontariat et le bénévolat7, sont contraintes, petit à petit, à se constituer un noyau stable. Ainsi, une relève du personnel a lieu dans les ONG créées dans les années 1960 et 1970, modification du personnel qui s’accompagne d’un changement de perspective et d’une transition du militantisme au professionnalisme, si bien que la plupart des ONG mêlent désormais salariat et bénévolat (CETRI, 1997).

6 Pour une synthèse des caractéristiques des configurations, voir annexe B. Pour une description détaillée de chaque configuration, voir Nizet et Pichault, 1995, p. 215-290. 7 La différence entre volontariat et bénévolat est ténue. D’aucuns considèrent que l’élément qui fait la différence entre le bénévole et le volontaire est la possibilité pour le volontaire d’être indemnisé ou défrayé. Cependant, cette opinion n’est pas partagée par tous et la loi du 3 juillet 2005 relative aux droits des volontaires « désigne dorénavant par un seul et même vocable, celui de volontaire, des personnes anciennement qualifiées de bénévoles ou de volontaires, du moment qu’elles réunissent les caractéristiques fixées par ses différentes dispositions. » (Henkinbrant, 2007, p. 57) Ce terme offre aussi l’avantage d’une harmonisation du vocabulaire au niveau fédéral et international.

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Plusieurs auteurs ont tenté de répertorier les différentes catégories d’acteurs qui travaillent dans

les ONG. F. Mayaux et R. Revat (1993) notamment, dans un article consacré au marketing interne des associations, proposent de considérer les différents types de ressources humaines en fonction de la relation qui les lie à l’organisation. Ainsi, ils distinguent les salariés, les indépendants, les bénévoles passifs, les bénévoles actifs et les bénévoles élus. Certains profils peuvent être ajoutés afin de correspondre davantage à la réalité des ONG de développement, tels que les expatriés, les coopérants8 ou les locaux. Le fait de différencier les ressources humaines revêt un intérêt dans la mesure où ces acteurs présentent un profil différent, des motivations et aspirations diverses, ainsi que des besoins spécifiques, ce qui peut influencer les pratiques de gestion mises en œuvre.

La littérature spécifique aux ONG de développement s’intéresse beaucoup à ces motivations

diverses, à ce qui pousse les individus à s’impliquer dans ce type d’organisation. G. Stangherlin (2005) par exemple, fait une analyse fouillée de l’engagement pour l’autre lointain, en soulignant que : « la spécificité de l’engagement dans les ONGD [ONG de développement] réside dans le fait que des individus deviennent solidaires de catégories sociales ou de groupes auxquels ils n’appartiennent pas eux-mêmes. » (2005, p. 9). L’auteur part du fait que l’individu ne naît pas « militant » mais que l’engagement est un cheminement influencé par différents facteurs biographiques, organisationnels et institutionnels. Il affirme tout d’abord que l’engagement nécessite la détention d’une série de ressources (relationnelles, culturelles, cognitives et expériences au Sud) par les acteurs. Celles-ci sont progressivement acquises dans le milieu familial et dans les institutions de socialisation secondaire (écoles, réseaux relationnels divers, etc.) et participent à la sensibilisation de l’individu aux problématiques de la coopération au développement et aux relations Nord-Sud. La détention de ressources spécifiques devient essentielle pour travailler au sein des ONG de développement et y assumer certaines fonctions spécifiques suite à la professionnalisation du secteur. Il souligne également que la détention de ressources est certes nécessaire avant l’adhésion à l’ONG, mais que l’organisation joue aussi un rôle important dans la production des ressources.

L’auteur développe ensuite les raisons d’agir avancées par les acteurs par rapport à leur engagement. Pour cela, il distingue trois types d’acteurs : les coopérants, les employés et les bénévoles. Les raisons d’agir évoquées par les coopérants concernent : le rejet du monde professionnel dans lequel ils évoluent et la recherche d’une nouvelle opportunité professionnelle, le goût du voyage et de la découverte, le fait d’aider et de se rendre utile, la volonté de vivre et de partager une expérience sociale et spirituelle profonde, l’adhésion au projet ou à une cause et le fait de prendre du recul par rapport à des problèmes personnels. Les employés, quant à eux, avancent le rejet du monde professionnel traditionnel et la recherche d’un travail humain et enrichissant, le fait de participer et de promouvoir une cause collective et le fait de trouver un emploi ou une réinsertion socioprofessionnelle en Belgique après un séjour dans les pays en développement. Enfin, les bénévoles mettent en avant quatre types de motifs : des raisons morales, au nom d’une responsabilité historique ; des raisons instrumentales, afin de trouver une occupation pour se rendre utile ; des raisons relationnelles, pour garder des contacts et éviter l’isolement social ; et des raisons politiques, de l’ordre de la défense d’une cause collective. Enfin, G. Stangherlin nous apprend également que les trois raisons principales énoncées par les employés et bénévoles confondus sont la solidarité avec les

8 Aujourd’hui, la loi belge confère un statut assorti de droits et de devoirs au « coopérant ONG ». Certaines conditions doivent en effet être remplies pour pouvoir partir comme coopérant et le respect de ces conditions octroie certains avantages au coopérant lié à ce statut. (Belgique, DGCD, p. 26)

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pauvres et les personnes défavorisées, le fait d’amener un changement politique et social et le fait d’aider des personnes défavorisées à retrouver leur dignité.

P. Ryfman (2004), quant à lui, souligne également l’évolution dans les motivations des individus à s’engager. Ceux-ci en effet ne s’engagent plus seulement par militantisme : d’une part, des jeunes diplômés font le choix délibéré de travailler dans le milieu non gouvernemental afin de valoriser cette expérience par après au sein des entreprises, s’engager devient donc un tremplin pour l’avenir ; d’autre part, des salariés travaillant au sein des ONG se dessinent un cursus professionnel et font véritablement carrière dans le milieu ; enfin, inversement, des cadres travaillant dans les entreprises quittent aussi ce secteur pour les ONG de développement et l’auteur met en évidence le fait que ces individus issus du secteur marchand restent généralement profondément marqués par les critères managériaux dans la gestion de projet ou dans leur rapport à l’efficacité de l’action.

• Les caractéristiques générales de la GRH dans les ONG de développement

Qu’en est-il dès lors de la gestion de ces différents individus aux motivations et aspirations divergentes dans les ONG de développement ? La gestion des ressources humaines est un enjeu important dans tout type d’organisation, dans la mesure où elle donne à l’organisation les moyens de réaliser ses objectifs. Dans les ONG de développement ou toute autre organisation relevant du secteur de l’économie sociale, celle-ci est d’autant plus essentielle que les ressources humaines sont le « facteur de production » primordial ; pourtant, ces organisations ne portent pas encore à la GRH l’intérêt qu’elle mérite. Dans un cahier consacré à la GRH en économie sociale, C. Davister (2006) présente ce paradoxe interpellant. D’une part, la gestion des ressources humaines est un enjeu fondamental dans les organisations d’économie sociale, ce pour plusieurs raisons : le travailleur prime sur le capital, les RH sont le principal facteur de production ainsi que le moteur de l’action collective, elles sont aussi un facteur-clé dans un contexte marqué par la concurrence, la croissance et la complexification. Mais d’autre part, la GRH reste un domaine peu développé, souvent informel, dans les organisations d’économie sociale et d’aucuns pointent les motifs de ce peu d’intérêt, à savoir le manque de formation en gestion des dirigeants, le manque d’outils de GRH adaptés à l’économie sociale ou les réticences vis-à-vis des pratiques de gestion « classiques ».

P. Valéau (2006) pour sa part souligne un autre paradoxe, à savoir le décalage entre le discours et la pratique du point de vue de la gestion des ressources humaines en économie sociale. En effet, si le discours prône une organisation égalitaire, communautaire, libertaire, solidaire, les réalités sur le terrain sont autres et parfois très éloignées de cet idéal. L’auteur explique ce décalage par la mise à l’épreuve des faits de trois valeurs fondatrices de toute organisation d’économie sociale : la communauté, la liberté et la solidarité. D’une part, l’organisation d’économie sociale se construit autour d’un projet commun et de valeurs fondatrices qui appellent à un minimum d’adhésion et de consensus de la part des membres ; cependant, l’implication de chacun est complexe et ne se limite pas à l’organisation, et la valeur communautaire peut entrer en contradiction avec la liberté individuelle. D’autre part, la valeur de liberté qui s’exprime au travers de la liberté d’association, de la liberté d’adhésion, de l’autonomie et de la participation est également une valeur fondatrice ; mais dans les faits, il existe une nécessité de coordonner, de diriger, et l’autonomie peut être qualifiée de conditionnelle, dans la mesure où celle-ci est acceptée jusqu’au moment où des divergences ou tensions apparaissent, auquel cas des jeux de pouvoir informel se mettent en place. Finalement, la valeur de solidarité peut présager d’une GRH également plus solidaire, opposée à toute forme d’exploitation ou d’exclusion mais en réalité, les pratiques mises en place gagent d’une certaine précarité des emplois, d’une hétérogénéité au niveau des pratiques salariales, etc. L’auteur souligne

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ainsi une série de contradictions qui peuvent surgir dans les organisations d’économie sociale entre le discours et les pratiques, contradictions liées non seulement au fait que ce sont des organisations, mais également au fait que des valeurs, fondatrices du projet commun, sont introduites dans l’organisation.

Dans ce contexte, certains auteurs mettent en évidence les enjeux spécifiques de la gestion des ressources humaines en économie sociale, et dans les ONG de développement. Si l’enjeu majeur reste « d’amener les individus à coopérer avec l’organisation, autrement dit à travailler dans le sens de ses objectifs, compte tenu de ses valeurs » (Valéau, 2004, p. 254), il n’en reste pas moins que l’ONG doit pouvoir s’accommoder de et jongler avec la gestion de la diversité des ressources humaines, avec des processus démocratiques de décision, avec la gestion de ressources humaines bénévoles, avec la gestion des relations entre salariés et bénévoles, avec la gestion de la motivation et de l’implication de tous, peut-être davantage des salariés, avec l’arrivée d’une nouvelle génération ayant une vision plus entrepreneuriale de la gestion. (Davister, 2006)

• Les pratiques de GRH dans les ONG de développement

Il convient désormais de s’intéresser spécifiquement aux pratiques de gestion des ressources humaines. La GRH est un domaine large et parfois flou, qui couvre différentes fonctions. Selon M. Gonthier (2006), la GRH présente cinq dimensions : la dotation en personnel (planification, recrutement et sélection), le développement du personnel (formation, évaluation), le maintien du personnel (implication, motivation), la communication (communication interne, culture organisationnelle) et la gestion du changement. Cependant, s’il est aisé de lister les fonctions de gestion des ressources humaines, il est moins facile de répertorier les pratiques existantes. Celles-ci sont en effet multiples et aussi variées que le sont les organisations. Différents facteurs, internes et externes, expliquent en effet le choix des pratiques et outils de gestion mis en place dans une organisation : en interne, la taille, la mission, les caractéristiques du personnel, l’importance du bénévolat ou la structure hiérarchique peuvent influencer les choix ; en externe, la structure de financement, le secteur d’activités, la concurrence plus ou moins vive, les législations en vigueur, le contexte culturel ou le marché du travail impliquent la mise en place de telle ou telle pratique (Davister, 2006).

La fédération francophone et germanophone des associations de coopération au développement

(ACODEV) a cependant réalisé en 2001 une enquête9 auprès des collaborateurs et responsables d’ONG de développement afin de dresser une image du secteur quant aux pratiques de gestions des ressources humaines en place dans ces organisations.

La première constatation est l’absence quasi-systématique de stratégie globale en matière de gestion des ressources humaines : les ONG adoptent généralement une stratégie en matière de rémunération ou de recrutement ou de formation, etc. et appliquent une méthode au cas par cas, mais les différentes dimensions de la GRH sont rarement intégrées dans une politique globale.

Par ailleurs, en ce qui concerne les caractéristiques du personnel, l’enquête relève le fait que le milieu des ONG de développement reste relativement cloisonné bien qu’il se dit ouvert. Les résultats montrent en effet peu de diversité culturelle au sein du personnel et peu d’ouverture envers des

9 Cette enquête a été réalisée en 2001 pour dresser une image du secteur, mettre en évidence des faits et des corrélations afin d’amener les responsables et collaborateurs d’ONG de développement à se poser des questions. Cette enquête a été menée auprès des ONG membres de la fédération : 350 collaborateurs d’ONG ont répondu à un questionnaire et 50 responsables d’ONG se sont prêtés au jeu d’entretiens individuels. Les objectifs de l’enquête, la méthodologie, les résultats commentés et une conclusion de l’enquête sont disponibles sur le site internet d’ACODEV, à l’adresse suivante : http://www.acodev.be/ProjetCD1/Home.htm.

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personnes n’appartenant pas déjà au secteur. Les ONG fonctionnent beaucoup par réseau de connaissances, notamment pour le recrutement. L’enquête souligne également le niveau d’engagement ou d’investissement personnel important et la grande satisfaction des collaborateurs d’ONG. L’intérêt d’une politique de GRH réside dès lors dans la possibilité d’optimiser l’efficacité du personnel, ce en combinant la prise en compte de chacun en tant que personne ainsi qu’une réflexion plus globale sur la mission à réaliser et les résultats que l’organisation se donne d’atteindre. L’enquête met également en évidence le peu de discrimination envers les femmes qui trouvent tout à fait leur place dans le secteur des ONG de développement : en effet, la parité est atteinte pour les postes opérationnels de l’organisation, et bien que la proportion hommes-femmes soit en défaveur de ces dernières pour les postes stratégiques, le différentiel est cependant moindre que dans le secteur marchand. Finalement, le taux de réponse élevé des collaborateurs des ONG au questionnaire qui leur a été soumis peut sous-entendre une réelle attente de la part des collaborateurs que leurs dirigeants prennent ces questions de GRH en compte.

En ce qui concerne les pratiques de GRH proprement dites, l’enquête montre une certaine disparité en fonction de la taille des ONG : en effet, les grandes ONG présentent généralement une structure plus formalisée tandis que les petites compensent par une meilleure communication interne et un personnel plus motivé, plus stable et plus présent.

Concernant les modalités de travail, la formule du temps partiel est souvent préférée par les collaborateurs qui gardent une grande maîtrise de leur temps de travail malgré des heures supplémentaires incontournables et une charge de travail importante.

En termes d’évaluation du personnel, on observe peu de pratiques formelles alors qu’une méthode d’évaluation permettrait d’augmenter l’efficacité du personnel et que les ONG qui pratiquent l’évaluation soulignent des résultats intéressants.

Concernant la formation du personnel, la pratique est répandue mais souvent organisée sur un mode « à la carte ». La politique n’entre donc pas dans une politique globale, intégrée de GRH qui permettrait un renforcement institutionnel stratégique.

En ce qui concerne la communication finalement, celle-ci est très peu construite et les flux d’informations ne sont pas gérés. L’enquête pose dès lors la question de comment faire des ONG des organisations apprenantes et capitaliser l’expérience si la communication n’est pas construite.

• Les modèles de GRH de J. Nizet et F. Pichault

A défaut d’un modèle développé spécifiquement pour le secteur des ONG de développement pour appréhender les pratiques de gestion des ressources humaines, je propose de mobiliser le cadre théorique établi par J. Nizet et F. Pichault (2000) pour tout type d’organisation à la suite de leur réflexion sur les configurations organisationnelles. Ce cadre permet à nouveau d’offrir une vision structurée des pratiques existantes afin de les mettre en lien.

Les auteurs s’accordent d’abord sur la diversité des pratiques de GRH qu’ils démontrent en examinant une série d’études de cas pratiques. Ils se focalisent particulièrement sur la gestion des effectifs (entrées et départs), les formations et l’évaluation des performances, et je propose de reprendre de manière synthétique les questionnements qui se posent quant à ces différentes fonctions10.

10 Dans la partie pratique, l’analyse des deux études de cas examine les réponses apportées à ces questions par les organisations étudiées.

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D’une part, en abordant la gestion des effectifs (entrées et sorties), les interrogations suivantes se posent : qui détermine la procédure de recrutement et de sélection et quelle est cette procédure ? Quels acteurs sont impliqués dans les pratiques d’entrées et de sorties ? Y a-t-il des définitions de postes ? Quels sont les critères de sélection ? L’organisation a-t-elle recours davantage aux recrutements internes ou externes ? Les pratiques sont-elles différenciées selon les catégories de personnel, voire selon les individus ? Quels sont les motifs de départs les plus fréquents ? Les procédures de sélection ou de licenciement sont-elles décentralisées ?

D’autre part, en ce qui concerne les formations, quelles formations sont octroyées au personnel et sous quelles modalités (contenu, formateur, en interne ou en externe, pour qui, individuelle ou collective, …) ? Comment un individu a-t-il accès à une formation et qui prend la décision de la lui octroyer ? Quels sont les objectifs des formations ?

Par ailleurs, les pratiques en termes d’évaluations des performances sont également diverses : qui évalue quoi et à quelle fréquence ? Les évaluations sont-elles formelles ou informelles ? Quels sont les objectifs des évaluations ? Les procédures d’évaluation sont-elles formalisées ? Sont-elles uniformes ou dépendent-elles de l’individu ?

Enfin, la gestion du temps de travail, les pratiques de promotion et les rémunérations conduisent également à des pratiques différenciées dans les organisations. Les questions principales qui se posent sont les suivantes : ces pratiques reflètent-elles les valeurs de l’organisation ? Sont-elles uniformisées au sein de l’organisation ? Quels acteurs sont impliqués dans les décisions portant sur ces sujets ? Quelles sont les attentes des uns et des autres par rapport à cela ? Les pratiques sont-elles flexibles ? Formalisées ?

Autant de questions quant aux pratiques que les auteurs proposent d’examiner de manière plus

spécifique à la lumière de trois critères : le degré de formalisation des pratiques de gestion des ressources humaines, selon que les modalités sont plus ou moins fixées de manière explicite ; leur degré de flexibilité, selon l’adaptabilité des pratiques aux circonstances ; et leur degré de centralisation, selon que les pratiques sont prises en charge par les dirigeants ou par les opérateurs. Ils s’attardent également sur une quatrième dimension, de manière plus implicite, à savoir le degré d’individualisation des pratiques, selon qu’elles sont définies au cas par cas ou de manière globale.

Dans la suite de leur réflexion, J. Nizet et F. Pichault en arrivent à dégager les caractéristiques

principales de cinq modèles de GRH : les modèles11 conventionnaliste, valoriel, individualisant, objectivant et arbitraire, qu’ils mettent ensuite en relation avec les configurations organisationnelles évoquées dans le paragraphe précédent.

Ainsi, le modèle arbitraire implique que les principales dimensions de la gestion des ressources humaines sont concentrées dans les mains du seul dirigeant de l’organisation, qui prend des décisions selon ses propres critères, sans que ceux-ci ne soient prédéfinis. Ce modèle est donc caractérisé par une prédominance de l’informel, une grande flexibilité et une faible décentralisation.

Les pratiques de GRH dans le modèle valoriel sont, quant à elles, « étroitement commandées par les missions de l’organisation, se vivent sur un mode informel, et les tentatives d’explicitation apparaissent comme peu légitimes. » (Nizet et Pichault, 2000, p. 108) En effet, la prégnance des valeurs censée mobiliser les membres rend les questions de salaire, de formations, d’évaluations, etc. peu dignes d’intérêt. La fonction de gestion des ressources humaines en devient implicite et les

11 Pour une synthèse des caractéristiques des modèles de GRH, voir annexe C. Pour une description détaillée de chaque configuration, voir Nizet et Pichault, 2000, p. 115-152.

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pratiques de GRH ne sont plus l’expression cohérente d’une vision managériale. Les critères adoptés pour sous-tendre aux pratiques de GRH sont implicites et se réfèrent aux valeurs, la GRH est caractérisée par une prédominance de l’informel, une flexibilité élevée et une décentralisation conditionnelle dans la mesure où l’adhésion effective aux valeurs conditionne la mise en place d’un modèle décentralisé.

Le modèle objectivant suppose une systématisation des dimensions de la GRH, menant à une homogénéisation des pratiques. Les critères adoptés sont impersonnels et valables, si pas pour tous, au moins pour une majorité du personnel. Ces critères, formalisés dans des règles, s’appliquent de manière uniforme pour régir les relations sociales de travail. La plupart des décisions sont centralisées au sommet de l’organisation ou chez les analystes et la flexibilité des pratiques est faible.

Le modèle individualisant est caractérisé « par une forte flexibilité, puisque les modalités de formation, d’évaluation, de rémunération, etc. font l’objet d’une négociation entre chaque membre du personnel et son responsable hiérarchique. » (Nizet et Pichault, 2000, p. 108) Les critères sont donc négociés dans le cadre d’accords interpersonnels entre la ligne hiérarchique et les opérateurs, le plus souvent qualifiés, en tenant compte des spécificités de chacun. La formalisation et la flexibilité sont plutôt élevées, tandis que la décentralisation est intermédiaire.

Enfin, le modèle conventionnaliste fait apparaître une GRH caractérisée par la décentralisation : « les opérateurs qualifiés conviennent collectivement des pratiques qui sont sous leur contrôle individuel et de celles qui sont régies par des procédures plus formelles et plus rigides qu’ils mettent eux-mêmes au point. » (Nizet et Pichault, 2000, p. 108) Les opérateurs disposent donc d’une maîtrise informelle sur la plupart des dimensions de GRH et les critères adoptés sont formalisés après débats entre pairs. La formalisation et la flexibilité sont donc variables.

J. Nizet et F. Pichault, relayés par G. Pirotton (2000), rappellent la nécessité de mettre en

évidence la configuration organisationnelle, pour ensuite relier celle-ci avec les pratiques de gestion des ressources humaines et s’interroger quant à leur cohérence, ce qui fait l’objet de la section suivante.

4.3. La structure et la gestion des ressources humaines des ONG de développement

La théorie de J. Nizet et F. Pichault non seulement offre un cadre structuré pour appréhender la

structure des organisations et la gestion des ressources humaines, elle va plus loin et permet également de relier les configurations organisationnelles aux modèles de GRH spécifiques. En effet, « le diagnostic correct de la configuration dominante d’une organisation permet aussi de concevoir des politiques et des pratiques de GRH cohérentes, qu’il s’agisse de renforcer cette configuration ou de contribuer à son évolution vers une autre. » (Pirotton, 2000, p. 52) Et l’intérêt de la démarche réside moins dans la concordance théorique d’une configuration et d’un modèle de GRH, que dans les discontinuités qui peuvent apparaître dans la pratique et perturber les organisations.

Les auteurs postulent donc que théoriquement, à une configuration organisationnelle

correspond un modèle de GRH, et l’élément qui permet de faire le lien entre ces deux éléments consiste en la localisation du pouvoir. En effet, dans chaque configuration, le pouvoir est davantage localisé dans les mains d’une certaine catégorie d’acteurs, ce qui va impliquer la mise en place de certaines pratiques de GRH plutôt que d’autres.

Ainsi, la configuration entrepreneuriale confirme la toute-puissance du leader, généralement fondateur, et fait plutôt référence à un modèle de GRH arbitraire. La configuration missionnaire implique

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une prise de décision marquée par la décentralisation et un mode de fonctionnement davantage implicite, ce qui correspond au modèle valoriel. La configuration bureaucratique se base sur la standardisation, des procédés ou des résultats, donc sur la mise en place de critères formels et imposés à tous, ce qui est très proche du modèle objectivant. La configuration adhocratique mêle à la fois différenciation et intégration, ce qui s’accommode bien d’un modèle individualisant. Enfin, la configuration professionnelle rassemble des opérateurs qualifiés et autonomes, le modèle conventionnaliste est donc le plus adapté.

Figure 2 : La localisation du pouvoir comme lien entre configurations et modèles de GRH

Configuration Localisation du pouvoir Modèle de GRH

entrepreneuriale Sommet stratégique arbitraire

missionnaire Pas d’acteur dominant valoriel

bureaucratique Analystes et sommet stratégique objectivant

adhocratique Opérateurs qualifiés, ligne hiérarchique individualisant

professionnelle Opérateurs qualifiés conventionnaliste

(Source : Nizet et Pichault, 2000, p. 164)

Cependant, les continuités logiques mises en évidence ci-dessus sont de l’ordre de la réflexion théorique. En effet, les situations de discontinuités empiriques sont fréquentes, et les auteurs expliquent ces décalages notamment :

- par l’influence de l’environnement (marché du travail, législations en vigueur, marché des biens et services, contexte culturel et technologie) ;

- par l’influence des orientations stratégiques de l’organisation aux niveaux business et corporate sur les politiques de gestion des ressources humaines ;

- et par un décalage temporel possible entre les différentes variables, chacune évoluant à son propre rythme (dans le texte, les auteurs s’attardent davantage sur le décalage entre les mutations de la configuration organisationnelle d’un côté et du modèle de GRH de l’autre.)

Ils proposent ainsi une grille de lecture contingente pour la gestion des ressources humaines,

qui met en évidence les relations entre GRH, configuration et facteurs de contingence12. Mais J. Nizet et F. Pichault n’arrêtent pas leur raisonnement à cet endroit, lui reprochant d’offrir une vision trop mécaniste de la réalité : les discontinuités apparaissent uniquement comme « le fruit d’ajustements mécaniques à l’influence de multiples facteurs de contingence. » (2000, p. 213) En effet, ce serait sans tenir compte du rôle que les acteurs peuvent jouer dans une organisation et des stratégies que ceux-ci élaborent. Ils proposent ainsi une vision plus constructiviste des pratiques de gestion des ressources humaines, en examinant la manière dont les acteurs mobilisent des éléments de contexte pour faire basculer les modèles de GRH13.

12 Cette grille est établie sur base du développement de J. Nizet et F. Pichault et est présentée en annexe D. 13 L’intégralité du raisonnement des auteurs dépasse le cadre de cette recherche. Le lecteur intéressé peut se plonger dans la lecture de l’ouvrage de J. Nizet et F. Pichault (2000) pour poursuivre sa réflexion.

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Ainsi se termine ce chapitre de revue de littérature, qui s’est efforcé au long de ces quelques pages de brosser un état de la question, de donner au lecteur des repères afin d’aborder la question de recherche. Cette revue de littérature a également permis de soulever bon nombre de problématiques ou d’interrogations liées à la question de recherche, et plus largement à la gestion des ONG de développement. Il convient dès lors de construire une réflexion à partir de ces questionnements, qui puisse mener à la formulation d’hypothèses de travail et à l’élaboration d’un modèle à tester.

Cette réflexion part de deux constats. Premièrement, les ONG de développement doivent se

professionnaliser, c’est-à-dire renforcer les compétences au sein des équipes, introduire ou améliorer les pratiques de gestion et avoir recours au salariat pour diverses fonctions. Deuxièmement, les ONG de développement peuvent puiser des pratiques de gestion dans d’autres secteurs mais il est nécessaire que ces pratiques soient adaptées aux spécificités de ce type d’organisation, telles que la structure particulière d’objectifs.

Ensuite, posant l’hypothèse que cette structure particulière d’objectifs peut s’exprimer par une tension entre mission et viabilité organisationnelle, je me suis posée la question de savoir sous quelles formes et à quels endroits dans l’organisation cette tension peut apparaître afin de mettre en évidence d’autres facteurs qui peuvent influencer les pratiques de gestion dans une ONG de développement.

Cette tension peut d’abord s’exprimer entre deux registres de valeurs, celui du militantisme et celui du professionnalisme, soit entre deux catégories d’acteurs davantage portés par les valeurs de l’un ou de l’autre. Cette tension peut également se poser entre des structures n’évoluant pas dans le même contexte et qui ne sont donc pas confrontées aux mêmes risques de la professionnalisation. Enfin, la gestion de cette tension est liée à la logique d’intervention, aux priorités de l’organisation dans sa démarche de développement. Tous ces aspects sont susceptibles d’avoir une influence plus ou moins grande d’abord sur la structure d’organisation, ensuite sur le choix des pratiques de gestion, et notamment de gestion des ressources humaines.

Ces quelques étapes dans la réflexion à partir des questions évoquées dans la revue de littérature m’ont donc permis de formuler des hypothèses de travail et d’articuler celles-ci dans un modèle d’analyse à tester. Cette démarche fait l’objet du chapitre suivant.

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CHAPITRE 2

LE MODÈLE D’ANALYSE

La revue de littérature réalisée dans le chapitre précédent permet de soulever de nombreuses

problématiques liées à la gestion des ONG de développement. Un élément particulier a retenu mon attention afin d’énoncer la question de recherche de ce travail, à savoir la structure particulière d’objectifs des organisations d’économie sociale, et des ONG, structure d’objectifs caractérisée par la coexistence de buts parfois divergents. Comme énoncé dans l’introduction, cet aspect spécifique sert de point de départ à la problématique étudiée qui traite de la manière dont la coexistence entre viabilité organisationnelle et accomplissement de la mission se traduit au niveau de la structure d’organisation et des pratiques de gestion des ressources humaines d’une ONG de développement.

Aborder cette question revient à répondre à un « comment ? », et prévoit donc de s’attarder sur des mécanismes, sur la manière dont certains éléments interagissent avec d’autres ou les influencent. Sur base des lectures réalisées et dans une bien moindre mesure, de l’intuition, j’ai mis en évidence quelques facteurs qui peuvent influencer le mécanisme étudié. Ceux-ci sont traduits en hypothèses qui apportent des éléments de réponse sur la manière dont un aspect spécifique des ONG de développement –la structure d’objectifs particulière- influe sur la structure et les pratiques de gestion des ressources humaines.

Afin de répondre à la question principale, une série d’hypothèses, de réponses provisoires ont

donc été formulées Celles-ci, au nombre de cinq, sont articulées dans un modèle d’analyse proposé à la fin de ce chapitre.

La première hypothèse concerne la structure d’organisation des ONG de développement. Certains sont en effet tentés de caractériser les ONG de développement comme relevant uniquement de la configuration missionnaire, au sens de J. Nizet et F. Pichault, c’est-à-dire comme des organisations caractérisées par une nette prédominance des buts de mission (ceux qui concernent les clients ou les bénéficiaires) sur les buts de système (ceux qui concernent l’organisation), du fait de l’importance de l’idéologie, des buts de mission et des valeurs véhiculées dans l’organisation ou en dehors de celle-ci. Les ONG de développement présentent en effet certains traits de cette configuration mais cette affirmation est à nuancer dans un contexte marqué notamment par la professionnalisation croissante des organisations d’économie sociale et par les changements au sein du personnel qui ne compte plus exclusivement des personnes animées par les seuls objectifs de l’organisation et prêtes à mettre au second plan leurs objectifs professionnels propres. Les ONG de développement présentent également des traits relatifs à d’autres configurations : l’adhocratique et la professionnelle, caractéristiques telles qu’une structure flexible, des opérateurs compétents avec un haut niveau de formation et valorisés pour le contenu de cette formation, un système de buts pas complètement intégré, etc.

Comme explicité dans la revue de littérature, les ONG de développement présentent une structure d’objectifs particulière, découlant de la finalité sociale de l’ONG. La deuxième hypothèse formulée suppose que le système de buts, l’articulation des objectifs se caractérise par une tension présente entre les buts de système et les buts de mission, entre la viabilité de l’organisation et l’accomplissement de la mission, entre les moyens d’exister et la raison d’exister, tension qui est assimilée à un conflit entre réalisme managérial et idéal associatif, voire entre différents acteurs, par

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exemple les équipes du Nord plus proches de préoccupations organisationnelles et les équipes du Sud davantage portées par l’accomplissement de la mission.

Si cette tension peut se cristalliser entre différents acteurs ou groupes d’acteurs, cela résulte du fait que ceux-ci n’évoluent pas dans le même contexte ou présentent des expériences ou des vécus différents. Les deux hypothèses suivantes, davantage fondées sur l’intuition, explorent cet élément. En effet, la troisième hypothèse s’attarde sur les contextes de travail des équipes au Nord et au Sud. Elle suppose que la tension est perçue ou vécue différemment du fait des pressions qui pèsent plus fortement sur les équipes dans leur contexte particulier, et que la réponse apportée à cette tension peut également être de nature différente. Par exemple, la pression sur la viabilité organisationnelle est plus forte, plus importante au Nord qu’au Sud et cela peut impliquer que le risque de détournement de la mission y soit également plus fort. Cette pression est fortement liée aux données spécifiques du siège et du terrain dans leur rapport à leur environnement.

La quatrième hypothèse quant à elle s’attarde davantage sur l’individu. Chaque acteur est porté par des dimensions propres (identité culturelle, contexte, objectifs et intérêts propres, représentation des autres et de son environnement). Celles-ci amènent les acteurs à percevoir les objectifs organisationnels de manière différente, à accorder leur priorité à certains objectifs plutôt qu’à d’autres, donc à répondre à la tension entre les objectifs de manière différente. Cela peut amener à mettre en place une structure d’organisation et des pratiques de gestion différentes selon les individus en présence, ou inversement, les individus, par leurs comportements propres, peuvent également avoir une influence sur la structure et les pratiques qui se mettent en place dans l’organisation. Cette hypothèse rejoint en partie l’approche constructiviste dont J. Nizet et F. Pichault font mention (1995), approche selon laquelle « l’organisation et l’environnement sont créés ensemble au travers des processus d’interaction des membres de l’organisation. » (Nizet et Pichault, 1995, p. 194)

Enfin, la dernière hypothèse explore l’influence que peut avoir une certaine conception du développement soutenue par l’ONG sur la structure et les pratiques de gestion. Elle suppose que cette conception du développement ou les valeurs que l’organisation associe à une démarche de développement peuvent influencer le fonctionnement de l’organisation et les pratiques en place, par exemple en termes de relations interpersonnelles, en termes de processus de prise de décision ou de participation, etc.

Les hypothèses formulées, il reste à les soumettre à l’épreuve des faits, afin de les infirmer ou de

les confirmer, en gardant en mémoire que l’idéal serait de dégager de ce modèle d’analyse une nouvelle configuration organisationnelle qui intègre un modèle de gestion des ressources humaines propre et qui ait assimilé les spécificités des ONG de développement, dont la structure d’objectifs particulière. Afin de se rapprocher de cet objectif, ambitieux du seul fait de la diversité des ONG de développement, je voudrais pouvoir mettre en évidence des caractéristiques communes sur lesquelles construire une nouvelle configuration organisationnelle. En me basant ensuite sur les cohérences supposées par J. Nizet et F. Pichault entre configurations et modèles de GRH, et en incluant des résultats obtenus quant aux autres facteurs d’influence (acteurs, contextes de travail, conception du développement), il devrait être possible de dégager des traits généraux en ce qui concerne les pratiques de gestion des ressources humaines.

La mise à l’épreuve des faits, l’observation, l’analyse et la discussion des résultats font l’objet de la partie suivante.

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FIGURE 3 – LE MODÈLE D’ANALYSE

Question de recherche

Comment la tension entre accomplissement de la mission et viabilité organisationnelle se traduit au niveau de la

structure d’organisation et des pratiques de GRH dans une ONG de développement ?

Configuration

La configuration n’est pas systématiquement missionnaire, elle peut être professionnelle et/ou

adhocratique. La mobilisation idéologique n’est donc plus le ciment de l’organisation et une tension

système-mission peut apparaître

Système de buts conflictuel

Contexte de travail

La tension est vécue différemment du fait des pressions qui pèsent plus

lourdement sur les équipes dans leur contexte particulier, ce qui peut amener à mettre en place des pratiques de GRH

différentes.Structure d’organisation

Pratiques de GRH

La tension système-mission influence la structure d’organisation et les pratiques de

GRH. D’autres éléments (le contexte de travail, l’acteur, la conception du développement)

entrent également dans l’équation.

Acteur

Chaque acteur est porté par des dimensions propres (identité culturelle,

contexte, objectifs et intérêts, représentation de soi, de l’autre, de son

environnement). Chacun a donc sa propre perception des objectifs

organisationnels et de la tension système-mission.

Conception du développement

La conception du développement et les valeurs que l’organisation associe à une

démarche de développement peuvent influencer le choix des pratiques de gestion

à mettre en place.

Buts de mission ⇔ Buts de système Accompliss. mission ⇔ Viabilité organisation

Idéal associatif ⇔ Réalisme managérial Raison d’exister ⇔ Moyens d’exister

Rationalité sociale ⇔ Rationalité économ.

Equipe Sud ⇔ Equipe Nord Bénévoles ⇔ Salariés

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La réalisation de la partie

pratique répond à un objectif simple,

celui de mettre à l’épreuve des faits le

modèle d’analyse élaboré dans le

chapitre précédent, afin de montrer

dans quelle mesure le cadre théorique

mobilisé peut apporter des éléments de

compréhension, d’intelligibilité et

éclairer la vision de la question de

recherche.

PARTIE PRATIQUE

Etude de cas : les ONG SOS Faim et Iles de Paix

Chapitre 3 – La méthodologie

Chapitre 4 – Les observations et les résultats

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CHAPITRE 3

LA MÉTHODOLOGIE

Le modèle d’analyse présenté au chapitre précédent est construit dans le but d’étudier la manière

dont la coexistence entre viabilité organisationnelle et accomplissement de la mission se traduit au niveau de la structure d’organisation et des pratiques de gestion des ressources humaines dans une ONG de développement. Ce modèle pourrait a priori s’appliquer à n’importe quelle ONG, quelque soit sa taille, sa structure, sa localisation géographique, sa branche d’activité, sa logique d’intervention, etc. Cependant, afin de le mettre à l’épreuve des faits, de le confronter à la réalité observable, et vu la diversité des ONG de développement, il est essentiel de circonscrire l’objet d’étude, de préciser sur quel type d’organisation les hypothèses formulées sont testées afin d’obtenir les données nécessaires pour infirmer ou confirmer les suppositions.

Ce chapitre se veut donc répondre à trois questions : quelles organisations sont observées et pourquoi ? Quelles méthodes d’observation sont utilisées ? Et concrètement, comment la récolte d’informations s’est déroulée ?

Comme explicité dans le premier chapitre de ce travail, le secteur des ONG de développement

est vaste, et surtout très diversifié. De ce fait, ce travail adopte une méthodologie « étude de cas » pour deux raisons : la question de recherche n’appelle pas à une étude quantitative et la diversité des ONG de développement rend difficile la construction d’un échantillon raisonnable en nombre qui soit vraiment représentatif du secteur. Il convient donc d’opérer un choix, de circonscrire le champ d’analyse, de définir certains critères sur lesquels se baser afin d’isoler un échantillon dans cette ensemble hétéroclite d’organisations. Certains de ces critères sont établis de manière péremptoire par choix personnel ; d’autres découlent d’une nécessité méthodologique afin que l’observation apporte des données utilisables pour soumettre le modèle d’analyse à l’épreuve des faits.

Ainsi, un souhait personnel porte mon choix sur des ONG de développement belges implantées au Sud, particulièrement en Amérique Latine. Cela répond à une envie de m’intéresser à une réalité autre, ayant déjà approché une ONG active en Afrique (République Démocratique du Congo) dans un travail antérieur. Les autres critères répondent quant à eux à des impératifs méthodologiques. En effet, il a d’abord été décidé que les ONG étudiées présenteraient une structure bipolaire avec une équipe en Belgique et une autre sur le terrain constituée d’autochtones. Ensuite, vu que l’étude porte sur la structure d’organisation et les pratiques de gestion des ressources humaines, la taille de l’organisation, notamment en termes d’effectifs est importante afin d’assurer l’existence d’une politique de GRH minimale, qu’elle soit formelle ou non. Ces trois critères, couplés à la volonté des ONG elles-mêmes de participer à cette étude, ont permis d’isoler deux organisations : SOS Faim, active notamment au Pérou, et Iles de Paix, présente en Equateur.

Qu’en est-il dès lors des méthodes utilisées afin de récolter l’information nécessaire à la mise à

l’épreuve des faits du modèle d’analyse ? Etant donné le type d’informations requises et le temps relativement limité à ma disposition, les instruments d’observation mis en pratique relèvent principalement de l’observation indirecte, dans la mesure où je m’adresse aux sujets pour récolter

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l’information recherchée14. Par ailleurs, vu le caractère non mesurable des informations à collecter et le nombre peu élevé d’organisations étudiées, la récolte d’informations se fait exclusivement par le biais de méthodes qualitatives.

Ainsi, une partie mineure des informations est récoltée via une observation directe, par ma participation, en Amérique Latine uniquement, à quelques réunions internes à l’organisation ou rencontres entre les organisations et leurs partenaires. Si les informations récoltées lors de ces échanges sont essentielles, elles représentent une part moindre par rapport aux informations récoltées via les autres méthodes d’observation indirecte.

D’autres données sont en effet glanées par le biais de l’examen de documents divers émanant des organisations elles-mêmes ou d’organismes externes, et mis à ma disposition par les ONG15. La lecture de ces documents m’a permis d’avoir une première approche du fonctionnement de l’organisation, de ses activités, tant en Belgique que sur le terrain, ce qui a mis en évidence les aspects à creuser et a fortement aidé l’élaboration du guide d’entretien.

Enfin, la méthode la plus utilisée, et qui a permis de récolter la majeure partie de l’information, est l’entretien avec les membres des organisations et avec leurs partenaires sur le terrain. Tous les entretiens menés sont semi-directifs ou structurés, c’est-à-dire qu’ils ne sont « ni entièrement ouverts, ni canalisés par un grand nombre de questions précises. » (Quivy et Van Campenhoudt, 1995). Ces entretiens sont dirigés par un guide d’entretien reprenant les différents thèmes à approfondir détaillés en questions ouvertes, ce qui exige une préparation en amont. La méthode de l’entretien semi-directif offre l’avantage d’un contact direct avec l’interlocuteur et lui laisse une grande liberté de réponse. Elle donne également la possibilité de recueillir indirectement des opinions, sentiments personnels, motivations, impressions, etc. Par ailleurs, ce type d’entretien permet à tout moment de relancer l’interlocuteur sur des thèmes qui n’ont pas été abordés de manière assez précise, de recentrer la discussion autour des hypothèses de travail ou de couper court aux digressions. Il privilégie donc la richesse et la quantité d’informations en permettant à la personne interrogée de s’exprimer librement. Ces entretiens semi-directifs ont été menés avec diverses personnes de chaque équipe en Belgique et en Amérique Latine.

Concrètement, comment la prise de contact et la récolte d’informations se sont-elles déroulées ?

Après avoir déterminé le type d’ONG de développement avec lesquelles je souhaitais travailler, j’ai pris contact par courriel avec onze ONG actives en Amérique Latine qui semblaient correspondre au profil recherché. Sur ces onze organisations contactées, sept m’ont répondu, dont deux positivement : SOS Faim, active au Pérou, en Equateur et en Bolivie, et Iles de Paix, présente en Equateur.

Une première entrevue avec des responsables de chaque ONG a permis de clarifier quelque peu les objectifs de ce travail ainsi que mes attentes par rapport à leur participation. Sur base d’un document reprenant les modalités d’entretien (durée, contenu) et les personnes que je souhaitais rencontrer, le programme des entretiens en Belgique a été fixé avec chaque organisation, celui des rencontres en Amérique Latine ayant été fixé avec les équipes locales dès mon arrivée sur place16.

14 En effet, il m’était impossible de passer assez de temps au sein de chaque organisation pour m’imprégner de son fonctionnement et ainsi procéder à la récolte d’informations sans passer par les membres des organisations eux-mêmes. 15 Ces documents sont divers : rapports d’activités, règlements de travail, publications des ONG, évaluations internes et externes, rapports de mission, charte, … Ces documents sont listés dans le programme détaillé des rencontres avec les ONG en annexes E et F. 16 Un programme détaillé de toutes les rencontres avec les ONG se trouve en annexes E et F.

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L’étape suivante a consisté en l’élaboration du guide d’entretien17. Le guide de base comporte plusieurs parties qui regroupent des questions destinées à éclairer chaque hypothèse. La première série de questions a trait à l’organisation et à son contexte. Elle porte sur les variables structurelles, contextuelles et politiques afin de dégager la structure d’organisation, de mettre en évidence les pratiques mises en place (et notamment les pratiques de gestion des ressources humaines), de mettre en avant les objectifs de l’organisation et de faire ressortir le contexte dans lequel l’organisation évolue et les individus travaillent. La finalité est de dégager la configuration de l’organisation et d’avoir un aperçu solide des pratiques en œuvre. La deuxième série de questions porte sur l’acteur, l’individu et a pour objectif de dresser une typologie des acteurs en présence et de tenter de mettre en évidence les dimensions propres des acteurs, dont leurs objectifs, motivations, intérêts, priorités. Enfin, une dernière série de questions porte sur la conception de la personne par rapport au projet de développement et à la démarche de professionnalisation. Ce guide d’entretien de base a permis de récolter des informations sur le mode de fonctionnement de l’organisation, les opinions des membres, leur manière de percevoir l’organisation, etc. Il est également la base sur laquelle je me suis appuyée afin d’élaborer un second guide d’entretien destiné aux équipes de terrain et construit après lectures de documents sur place.

En Belgique, les personnes rencontrées dans chaque organisation sont les suivantes18 : le secrétaire général, le responsable projet « Amérique Latine » et/ou le responsable du service « projets », le responsable campagne, le responsable administration et finances, le responsable récolte de fonds et le responsable éducation au développement. Le guide d’entretien n’a pas été proposé tel quel à chaque membre de l’organisation mais a fait l’objet d’ajustements en fonction de la personne, de sa fonction et de son expérience de l’organisation. C’est pourquoi la durée des entretiens est variable, allant d’une demi-heure à plus de deux heures et totalisant plus de quinze heures d’entretiens.

En Amérique Latine, un séjour d’environ dix jours dans chaque ONG a été prévu afin de rencontrer les équipes locales, de visiter les projets et d’échanger avec les partenaires et bénéficiaires des actions de chaque ONG. Chaque séjour a débuté par quelques jours de lectures de divers documents mis à ma disposition : rapports annuels, publications, évaluations de projets, évaluations du fonctionnement, etc. Ces lectures m’ont permis d’adapter le guide d’entretien élaboré en Belgique au contexte des antennes locales. Les personnes des ONG rencontrées sont les suivantes : les responsables des antennes locales, les chefs de projets, un expatrié (dans l’une des ONG), les comptables et responsables de l’administration et des finances, le responsable du service information. A nouveau, le guide d’entretien a été adapté en fonction de chaque personne et les entretiens ont duré d’une vingtaine de minutes à près de deux heures, totalisant plus de quinze heures également.

Les entretiens menés m’ont donc permis de rencontrer deux types de personnes, à savoir des « consultants » qui possèdent une approche plus générale de l’organisation ou de la problématique, ainsi que des « récitants » qui m’ont raconté leur vision, la manière dont eux vivent la situation. Les conditions d’entretien avec les membres des ONG en Belgique et en Amérique Latine ont été très positives. Généralement, les entretiens se sont déroulés en tête-à-tête, dans des locaux calmes et isolés. Avec accord des personnes interrogées, les dialogues ont été enregistrés, ce qui m’a permis un traitement de l’information précis et complet.

Enfin, lors des deux séjours au Pérou et en Equateur, six jours ont été consacrés à la visite de

partenaires ou bénéficiaires des actions des deux ONG. J’ai ainsi eu la possibilité d’échanger avec de

17 Les différents guides d’entretien sont présentés en annexes G, H et I. 18 Pour plus d’informations, voir les programmes d’entretiens en annexes E et F.

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nombreuses personnes sur la relation qu’ils entretiennent avec les ONG, sur les réalisations des projets et sur leur opinion quant au travail effectué en partenariat avec les ONG, afin de confronter les propos des équipes à ce que les partenaires et bénéficiaires ressentent. Pour ces rencontres, un guide avec les points à aborder a également été élaboré mais la plupart des entretiens se sont déroulés de manière informelle, lors de discussions avec les différentes personnes, que ce soient des discussions en aparté ou avec des groupes plus importants.

La méthodologie mise en œuvre a donc permis de récolter énormément d’informations

nécessaires à l’observation et à la mise à l’épreuve des faits du modèle d’analyse. Face à cette multitude de données, la question qui s’est alors posée a concerné le traitement de l’information, particulièrement les entretiens. Après avoir longuement réfléchi à la manière la plus optimale de traiter cette trentaine d’heures d’entretiens en français et en espagnol, j’ai décidé de ne pas retranscrire intégralement les interviews, mais de produire pour chacune d’elle un document manuscrit synthétique, en style télégraphique, qui reprend les points intéressants et pertinents pour cette étude19. Cela a permis de fortement réduire le temps imparti aux traitements des données. Ces notes manuscrites, ainsi que les informations récoltées lors de mes discussions avec les partenaires ou via la lecture de divers documents ont été fort précieuses pour rédiger les études de cas de chaque ONG présentées dans le chapitre suivant.

19 Cette retranscription, bien que synthétique, comporte des centaines de page, c’est pourquoi je ne juge pas utile de les joindre à ce travail.

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CHAPITRE 4

LES OBSERVATIONS ET LES RÉSULTATS

Comme explicité dans le chapitre méthodologique, les études de cas se basent sur l’observation

de deux ONG de développement, SOS Faim et Iles de Paix, qui répondent toutes deux aux critères établis afin de choisir l’échantillon. L’objectif de cette partie pratique est de confronter la théorie à des réalités de terrain pour percevoir dans quelle mesure le cadre théorique peut apporter concrètement des éléments de compréhension et d’action.

Ce chapitre traite isolément les deux cas, en s’attardant d’une part sur les observations, d’autre part sur les résultats. Les observations consistent en un condensé de la multitude d’informations récoltées sur chaque organisation via les entretiens, l’observation directe, la lecture de documents, etc. Ces sections sont donc le fruit d’un travail de synthèse conséquent pour lequel je me suis efforcée de garder une distance afin de livrer une matière « brute » et de n’y apporter aucun élément d’interprétation de ma part. Les résultats quant à eux structurent les observations dans le cadre théorique mobilisé afin de constater de manière objective dans quelle mesure chaque organisation infirme ou confirme les hypothèses du modèle d‘analyse. Il convient de préciser que les sections consacrées aux résultats permettent de porter un regard sur une réalité de terrain, et non un jugement.

A ce stade de la recherche, l’exercice ne consiste donc ni en une comparaison des deux organisations, ni en l’interprétation des observations, mais bien en l’observation objective de celles-ci afin de tester le modèle proposé. Une discussion des résultats est proposée dans le chapitre suivant afin de les mettre en perspective, de les interpréter et de les confronter au contexte de cette recherche.

Section 1. Le cas SOS Faim

Le premier cas observé est l’ONG Sos Faim, dont le siège est basé à Bruxelles et qui travaille avec des partenaires en Afrique, en Bolivie, en Equateur et au Pérou. Celle-ci soutient des initiatives en milieu rural et participe au renforcement des partenaires de terrain.

1.1. Les observations

1� Historique et activités : SOS Faim a été fondée en 1964 et est une ONG de taille moyenne dans le champ des ONG belges. Elle soutient, dans une logique de partenariat, des associations du sud qui développent leurs propres initiatives afin d’améliorer les conditions de vie, en milieu rural principalement. Par ailleurs, l’organisation mène un travail de sensibilisation et d’information dans les régions du Nord, par le biais de publications et de campagnes de sensibilisation. En 1993, une association sœur est fondée au Luxembourg et les deux organisations travaillent désormais ensemble sur une partie des projets. Deux représentations locales ont également été créées, l’une en Bolivie et l’autre au Pérou. 2� Evolutions : Des évolutions majeures ont eu lieu, surtout depuis une dizaine d’années, lorsque s’est opéré un changement de direction. Au niveau des activités, SOS Faim s’est spécialisée : le

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nombre de zones géographiques investies a diminué, la logique d’appui s’est affinée et un recentrage sur certains axes de travail a eu lieu. Concernant la structure, celle-ci est passée d’une forme en râteau fortement centralisée, à une forme décentralisée, avec des départements, et qui permet une plus grande délégation, responsabilisation et un pouvoir de décision plus important des chefs de service et des autres membres de l’organisation. Des aménagements dans la répartition des tâches ont également été opérés, des personnes du Sud sont désormais associées aux instances de décision et le volet Nord (récolte de fonds et information) s’est fortement développé. Du point de vue des pratiques de gestion, celles-ci ont permis plus de transparence et plus de professionnalisme. Sous l’impulsion des bailleurs de fonds notamment, les contraintes administratives se sont alourdies. Certains outils, notamment informatiques, ont été introduits et un certain degré de formalisation a été insufflé. En ce qui concerne les mentalités, les valeurs fondatrices (respect de l’autonomie des partenaires, écoute, disponibilité, accompagnement, etc.) restent inchangées mais l’équipe est devenue multiforme et correspond plus ou moins à une structure qui présente un noyau stable d’anciens et un groupe de plus jeunes, où la rotation du personnel est importante, sans réelle « couche » intermédiaire entre ces deux « générations ». D’un point de vue général, l’ONG s’est professionnalisée dans toute une série de matières et a évolué vers un mode de gestion moins rigide. 3� Organigramme : L’organisation présente les instances classiques de la plupart des associations : une assemblée générale, un conseil d’administration et une structure permanente. Des membres des représentations du Sud sont associés aux instances. A la tête de la structure permanente se trouve le secrétaire général, également membre du conseil d’administration, qui dispose à ce titre d’une fonction politique importante et assume par ailleurs un rôle de direction, de support à l’équipe, d’animation de l’équipe et une responsabilité de gestion quotidienne. Au-dessous de lui se trouvent les différents services, à la tête desquels il y a un responsable (deuxième niveau de direction) qui organise son service et coordonne une poignée d’employés. Les représentations locales se trouvent au même niveau hiérarchique que les employés du service appui partenaire, sous la responsabilité du chef de ce service. Les différents services sont : le service appui partenaires (divisé en fonction des zones géographiques), le service information et éducation au développement, la récolte de fonds, le service administration et finances et le secrétariat. 4� Opérateurs : Les membres de l’organisation sont amenés à effectuer un nombre élevé de tâches différentes avec une grande autonomie d’action, une possibilité de prise d’initiative ou de proposition importante. Les personnes présentent dans l’ensemble un haut niveau de qualifications. 5� Communication interne : La communication, dans l’ensemble, se passe de manière informelle, tant entre les personnes, qu’entre les départements : peu de choses sont formalisées pour que les gens se rencontrent mais ce n’est pas nécessaire car la structure est petite, bien que la physique du bâtiment, toute en verticalité, ne facilite pas la communication directe entre les services. La communication entre le siège de SOS Faim Belgique et les représentations locales ou l’association luxembourgeoise a principalement lieu par mail et des visites, missions ou rencontres sont organisées quelques fois par an, en Belgique, au Luxembourg ou sur le terrain. Des temps formels sont également aménagés : une réunion « Agenda » hebdomadaire a lieu tous les lundis matin (en Belgique ainsi qu’au Pérou) afin que chaque membre de l’équipe informe les autres de ce qui s’est passé lors de la semaine écoulée et de ce qui est prévu pour la semaine à venir ; une réunion des chefs de services existe également, mais uniquement sur le papier à ce jour. Dans certains départements, les membres se sont également aménagés un temps de réunion, soit de

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manière hebdomadaire, soit de manière plus espacée (par exemple, les comités appui partenaires). Depuis peu s’organisent également des temps de rencontre à midi, les « midis de Virginie », afin de discuter de thématiques diverses qui touchent à l’objet social de l’organisation. L’équipe est également en train de remettre sur pied une newsletter destinée à SOS Faim Belgique et SOS Faim Luxembourg afin d’en faire un outil d’information électronique mensuel. Le site internet est également conçu pour être une source d’informations, tant en externe qu’en interne. En Amérique Latine, la communication avec les partenaires est fréquente et se passe en majorité par mail ou téléphone. Les responsables de projets visitent également les partenaires, trois à quatre fois par an. L’équipe rédige aussi environ quatre fois par an un feuillet d’information sur les évènements de SOS Faim et sur les problématiques qui les intéressent, ce feuillet est également distribué auprès des partenaires. 6� Prise de décision : La prise de décision suit un schéma assez semblable dans l’ensemble de l’organisation. Les décisions stratégiques se passent formellement au niveau de l’assemblée générale et du conseil d’administration, en dehors de l’équipe permanente, même si elle peut apporter des éléments ou influencer la prise de décision. Les décisions managériales sont également prises au niveau du conseil d’administration. Les décisions opérationnelles sont prises au niveau des départements, par le coordinateur ou par la personne concernée. Chacun dispose dans son domaine d’une grande liberté de prise de décision, et le conseil d’administration fait un travail de suivi. Certaines décisions plus importantes sont prises de manière collégiale (par exemple, la décision de commencer ou d’arrêter un partenariat se prend de manière collégiale au sein du Comité Appui Partenaires, après que les représentations locales (dans le cas de la Bolivie et du Pérou) aient effectué une première sélection). Mais si le principe démocratique « une personne = une voix » est d’application dans les processus de prise de décision collégiale, le pouvoir d’influence de chaque membre de l’organisation, selon son expérience, son ancienneté ou sa position dans l’organisation joue dans ce processus. 7� Formalisation : Le degré de formalisation augmente de plus en plus mais davantage sous des impulsions extérieures. L’organisation entreprend actuellement un travail de mise en commun et de formalisation par écrit de procédures existantes. Il existe pour le moment surtout des procédures formalisées là où il y a des risques (par exemple, procédures de contrôle interne et de fonctionnement). SOS Faim possède également un document général qui a peu évolué et qui reprend la stratégie, les axes de travail prioritaires, les aires géographiques et la logique de partenariat. En Amérique Latine, peu de choses sont clairement formalisées mais ce qui l’est permet aux collaborateurs de pouvoir se référer à un cadre clair. 8� Environnement : L’environnement est globalement plus menaçant depuis une dizaine d’années pour les ONG en général, du fait de la remise en question par diverses parties prenantes, de la dégradation de l’image de celles-ci auprès du public et d’une exigence d’une plus grande professionnalisation au détriment de la dimension politique. Le climat avec la coopération belge s’est lui amélioré. Les ONG sont également davantage mises en concurrence que par le passé, tant entre elles (notamment en ce qui concerne les financements de l’Union Européenne) que par rapport à d’autres acteurs (bureaux d’études par exemple). Le contexte politique de l’Amérique Latine influence l’image que les pays du Nord ont des pays d’Amérique Latine et peut avoir une incidence sur les financements octroyés. Cependant, l’aspect potentiellement instable d’un point de vue politique, social ou économique des pays dans lesquels œuvre l’ONG revêt tout de même peu d’importance par rapport aux actions de l’ONG, peut-être du fait de l’amélioration, de la stabilisation de cet environnement. Il

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reste cependant que les zones du Sud du Pérou dans lesquelles intervient SOS Faim sont des zones d’extrême pauvreté. 9� Acteurs externes : Les acteurs externes donnent un cadre dans lequel SOS Faim doit jouer et dont l’ONG doit tenir compte (d’ailleurs, elle fonctionne beaucoup aux échéances imposées par l’extérieur). Mais globalement, leurs influences sont positives, parfois contraignantes, mais nécessaires. Formellement, la dépendance financière de l’organisation par rapport aux bailleurs de fonds peut présenter un grand potentiel d’instabilité. Cependant, la réalité est plus confortable si l’on porte un regard rétrospectif. La dépendance est davantage en termes de méthodologie ou d’exigences : l’augmentation des contraintes administratives augmente en effet la pression. L’organisation est peu sensible aux effets de mode et ceci n’a jamais été un facteur limitant. Les bailleurs ont donc peu d’influence sur le contenu mais apportent plutôt des contraintes administratives. La concurrence avec le secteur privé quant aux activités de l’ONG augmente, qui va dans le sens de la marchandisation. Un certain secteur privé marque son intérêt pour appuyer des ONG pour diverses raisons. Faut- il les diaboliser ou s’en formaliser ? Leur influence sur l’ONG même est cependant assez faible : SOS Faim a quelques partenariats avec le secteur marchand (notamment pour les publications) et un membre du conseil d’administration siège dans le Corporate Funding Programme20. En Amérique latine, l’ONG entretient des relations avec des banques ou fonds d’investissement privés qui travaillent dans la microfinance. Au Nord, SOS Faim entretient de nombreuses relations avec d’autres ONG par le biais des fédérations d’ONG, de forums, séminaires ou conférences. Elle travaille également en collaboration avec d’autres ONG (en ce moment, avec une ONG française dans le cadre de la campagne « Souveraineté alimentaire »). Sur le terrain, les représentations manquent peut-être de visibilité et il y a peu de collaborations avec d’autres ONG. L’influence des gouvernements (en tant que gouvernements et non bailleurs dans le cas de la DGCD par exemple) est très faible. En Amérique latine, les gouvernements ont peu d’influence sur SOS Faim car c’est une ONG internationale. 10� Environnement culturel : Des éléments culturels interviennent dans le travail et dans les relations entre le siège et le terrain. En Belgique, certains soulignent le côté latino un peu verbeux, répétitif, qui prend beaucoup d’espace pour dire ou écrire les choses, ou le fait que la hiérarchie y est plus importante ; d’aucuns pensent également que le fait que l’ONG au siège soit constituée en majorité de Belges influence l’organisation, la communication et la coordination qui se passent de manière plus informelle, avec peu de réunions formalisées par exemple (en comparaison à d’autres pays comme la France notamment) et permet d’être très orienté « terrain » et « partenaires », même si cela entraîne parfois un manque de communication. En Amérique Latine, ils mettent en avant l’orientation vers l’aide au pays en état de pauvreté et la bonne organisation de leurs collaborateurs belges. 11� Contextes de travail : Les contextes de travail au Nord et au Sud sont différents ; les équipes ont des perceptions différentes des pressions qui pèsent sur l’organisation. Au siège, les personnes sont davantage en première ligne par rapport aux bailleurs de fonds. D’une part, les contraintes liées aux échéances ne sont donc pas les mêmes et l’équipe du siège sera plus attentive aux exigences et à ces contraintes ; d’autre part, la préoccupation de la survie est quotidienne car la récolte de fonds a lieu 20 Le Corporate Funding Programme (http://www.cfp.be) est une association belge qui se veut le lieu d’une réflexion commune entre entreprises et ONG pour stimuler le dialogue entre ces acteurs, notamment par l’intermédiaire de la récolte de fonds pour les projets des ONG.

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au Nord et la pression des bailleurs les sensibilise à la nécessité de rechercher des fonds. Sur le terrain, les représentations subissent davantage de pressions des partenaires du fait de leur proximité. Si les équipes du Sud sont impliquées dans l’élaboration des rapports pour les bailleurs, elles ressentent cependant moins la pression. 12� Missions : Les membres s’accordent sur la mission bien que chacun la définit en ses termes. La mission, qui est double, part du constat que les relations Nord-Sud ne sont pas égales et est liée à la question de la réduction de la pauvreté en mettant le développement humain au centre. Il s’agit : i) de soutenir, techniquement et financièrement, et dans une logique de partenariat, des acteurs du Sud (organisations paysannes, syndicats, associations de producteurs, etc.), porteurs de changement dans leur société, qui contribuent à l’amélioration du niveau de vie de leurs populations et travaillent pour leur permettre d’accéder à l’exercice de leurs droits fondamentaux (économiques, sociaux, politiques, culturels, logement, santé, alimentation, éducation, etc.) ; ii) de réaliser un travail plus politique au Nord de sensibilisation, d’information, de mobilisation et de lobbying pour influencer les décisions ou les décideurs et faire changer le système de relations Nord-Sud. 13� Autres objectifs : L’ONG n’a pas un objectif de croissance formalisé, elle semble avoir trouvé une taille de croisière satisfaisante mais elle poursuit plutôt un objectif de consolidation, de renforcement de la structure actuelle. L’ONG a cependant un objectif de développement institutionnel au niveau européen à travers des stratégies diversifiées. Les objectifs d’efficience et d’efficacité ne conduisent pas la gestion de SOS Faim bien qu’ils soient des balises vers lesquelles il faut tendre. Ce qui guide la gestion, c’est la recherche de la qualité dans le travail et un souci de toujours s’améliorer en interne. L’ONG reste modeste en termes de contrôle de l’environnement et essaie avec ses moyens d’être présente où il faut ; mais l’ONG adopte une stratégie de positionnement relativement proactive par rapport à son environnement (par exemple, elle va entrer dans un processus de réflexion prospective pour anticiper les scénarii futurs). 14� Structure d’objectifs : Les objectifs liés à l’organisation (croissance, survie, efficience, contrôle de l’environnement) sont toujours recentrés sur la mission, ils sont implicitement poursuivis au service de la mission pour maintenir les projets. Cependant, la structure SOS Faim a peut-être tendance à trop mettre le partenaire en avant, au risque de négliger sa propre visibilité, ce qui pourrait être préjudiciable tant pour l’organisation que pour la mission (par exemple, si une récole de fonds ne rapporte pas assez parce que la notoriété de SOS Faim en tant qu’organisation est faible). 15� Financement : Les sources de financements de l’ONG sont principalement la DGCD, l’Union Européenne, le public via une récolte de fonds et des dons, et le Corporate Funding Programme. L’ONG travaille actuellement avec un ratio fonds propres/chiffre d’affaires de l’ordre de 15 à 20%. Cela offre l’avantage d’un volume d’activités important mais limite quelque peu leur marge de manœuvre. On ne peut pas parler d’instabilité financière, cependant la récolte de fonds est de plus en plus difficile, ce qui pourrait avoir des effets sur la capacité à mobiliser des fonds publics. Globalement, l’ONG est donc en situation de stabilité financière mais elle doit rester attentive si elle veut garder une certaine marge d’initiative propre. 16� Allocation des ressources : Certaines règles existent pour l’allocation des ressources et elles sont toujours à l’avantage de la mission. Outre ces quelques règles, les arbitrages dans l’allocation des ressources aux différents postes ou entre les missions se font de manière assez intuitive sans tensions

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excessives. L’organisation essaie de privilégier le fait de répondre à la dynamique des partenaires, ce qui permet de respecter les besoins mais peut apporter des inconvénients si la demande dépasse les ressources. Par ailleurs, l’organisation veille à rester cohérente avec ses lignes d’action afin de gérer au mieux la tension entre viabilité organisationnelle et accomplissement de la mission. 17� Pratiques de gestion : L’ONG ne montre pas de réticences vis-à-vis des pratiques de gestion, certains pensent que ce sont davantage les individus qui montrent une certaine résistance à des changements dans le déroulement de leur travail par l’introduction de nouveaux outils ou la formalisation de pratiques de gestion. Mais les individus doivent s’adapter et ces réticences restent faibles. L’ONG a quant à elle rapidement incorporé des outils de gestion dans son fonctionnement. Les outils et pratiques sont inspirés de ce qui se fait ailleurs en termes de procédures pour organiser le travail dans l’équipe et revoir les procédures en place ; ils viennent aussi de l’expérience de l’ONG, de son histoire, de l’expérience personnelle de ses membres et de leur bon sens. Les outils et pratiques semblent adaptés car SOS Faim parvient à maintenir une certaine qualité de travail et à attirer des collaborateurs avec des bons profils. Certains éléments du fonctionnement en Belgique sont reproduits dans les représentations en Amérique latine mais la culture locale joue et la personnalité des représentants influencent ceux-ci (par exemple, la hiérarchie est plus marquée et plus formalisée en Amérique Latine). 18� Politique de GRH : Il existe une politique de gestion des ressources humaines claire, dans le sens où chacun sait ce que l’on attend de lui, mais elle n’est pas formalisée dans tous ses aspects (certains éléments le sont comme le règlement de travail, les barèmes des salaires, etc.). La politique de GRH est établie au niveau du conseil d’administration. En ce qui concerne la gestion, chaque chef de département s’en occupe avec référence au secrétaire général. La responsable du département administration et finances prend en charge les aspects financiers de la GRH et un secrétariat social s’occupe des aspects administratifs. 19� Profils salariés : L’équipe permanente est constituée uniquement de personnes salariées. Celle-ci est caractérisée par un noyau stable, plutôt ancien, autour duquel gravite un ensemble d’individus, généralement plus jeunes, qui présente une forte rotation. Un vide générationnel se crée, tant au niveau de l’équipe permanente qu’au niveau du conseil d’administration, dans lequel les plus engagés deviennent âgés. Le même genre de configuration se dessine au Pérou. L’équipe permanente, en Belgique et en Amérique latine, rassemble de multiples compétences (ingénieur agronome, juriste, économiste, marketing, sciences politiques, etc.) et des profils différents, la plupart ayant tout de même une expérience dans le développement ou l’aide humanitaire. L’âge moyen en Belgique est de 45-50 ans, la moyenne des plus jeunes tournant aux alentours des 30 ans. Il y a parité hommes-femmes. 20� Bénévoles : Un réseau de bénévoles gravite également autour de l’organisation. Très peu de bénévoles travaillent au siège, ceux-ci font plutôt des actions ponctuelles. Ils sont attirés grâce à un travail de sensibilisation mené auprès des universités ou lors d’évènements ou de manifestations. Il est difficile de fidéliser les bénévoles, il y a donc une certaine volatilité mais un noyau dur reste tout de même fidèle. Les bénévoles sont en relation avec les salariés lors de réunions ou autres évènements, mais ce n’est pas très régulier. 21� Motivations du personnel : Les motivations du personnel à s’engager dans l’ONG sont les suivantes (sans critère de classification) : volonté de travailler dans la coopération et/ou plus

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particulièrement dans une ONG, dégoût du monde de l’entreprise, donner plus de sens à son travail, y retrouver ce que l’on trouve dans le bénévolat, se sentir utile, pouvoir contribuer à ces dynamiques d’amélioration des conditions de vie de communautés ou populations défavorisées, grande ouverture et rencontres que permet ce travail, mission de l’ONG, actions entreprises et logique d’intervention, structure de SOS Faim et climat de travail, cause défendue, travail porteur de valeurs auquel ils croient, retour en Belgique après une expérience dans ce secteur mais à l’étranger. 22� Incitants : Les incitants mis en œuvre chez SOS Faim pour motiver le personnel sont les suivants (selon les personnes interrogées) : responsabilisation de chacun pour la bonne marche de l’ONG et des actions (même si le personnel pourrait être davantage stimulé à aller au-delà) ; reconnaissance de la part de l’organisation, des instances et des donateurs ; conditions de travail respectueuses de la personne humaine ; objet social ; militantisme, nouveaux challenges ou changements qui permettent d’innover et de faire évoluer les choses. Il n’y a cependant pas de stimulants en termes de salaires ou de primes, cela est notifié dans une charte. 23� Recrutement et sélection : La procédure de recrutement est établie mais n’est pas écrite. En général, l’ONG publie une annonce avec un profil de poste via ACODEV ou un autre journal selon le poste à pourvoir. Le chef du département qui recrute et le directeur cotent les CV et effectuent une première sélection ensemble. Les candidats retenus sont invités à une réunion d’informations afin de leur expliquer précisément en quoi consiste le poste et quelles sont les conditions. Les personnes encore intéressées sont ensuite évaluées (test ou travail à réaliser). Les personnes retenues sur base de cette évaluation sont ensuite convoquées à un entretien avec le chef du département qui recrute et le secrétaire général. S’il y a encore des doutes, le président du conseil d’administration peut rencontrer les personnes, sinon une offre est proposée au candidat présentant le profil le plus intéressant. La procédure est très similaire en Amérique Latine. Certaines personnes ont également été engagées sur base de candidatures spontanées, soit qui sont arrivées au bon moment, soit qui ont été gardées par l’organisation qui a ensuite rappelé la personne. Dans la mesure du possible, les personnes engagées doivent présenter un profil hybride (compétences et engagement, fibre sociale) et adhérer aux valeurs organisationnelles. 24� Gestion des départs : La gestion des départs se fait au cas par cas, l’organisation s’accommode de la situation. Les motifs de départ sont multiples et divers. Jusqu’à aujourd’hui, les seules personnes licenciées l’ont été sur des éléments comportementaux en décalage avec les valeurs organisationnelles. 25� Formations : Le personnel, tant en Belgique qu’en Amérique Latine, a la possibilité de suivre des formations, l’organisation y est favorable et dispose d’un budget alloué à cela. Certaines formations sont organisées en interne pour l’ensemble de l’organisation avec des formateurs extérieurs. D’autres membres partent en formations ponctuelles en externe (séminaires, conférences, cours de langue, etc.). Cependant, la question se pose du retour sur investissement des formations des plus jeunes qui ne restent pas assez longtemps pour que l’organisation puisse réellement récolter les fruits de son investissement. 26� Gestion des carrières : Il n’y a pas de gestion des carrières car la hiérarchie est trop plate et la petite taille de la structure ne permet pas d’offrir de nombreuses perspectives. Il pourrait y avoir une mobilité horizontale mais ce n’est pas facile car chaque département demande des compétences

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différentes. La plupart des membres interrogés quant à la suite de leur carrière professionnelle l’imaginent soit chez SOS Faim, soit dans le milieu des ONG. 27� Evaluations : Les évaluations ne sont pas formalisées, il revient à chaque responsable de département de déterminer quand il faut faire le point avec son équipe. Cependant, parmi les personnes interrogées, aucune n’avait déjà été évaluée. Certaines en ressentent le besoin, d’autres se posent la question de l’utilité des évaluations dans une petite structure peu hiérarchisée. 28� Culture organisationnelle : Il existe des éléments pour asseoir une certaine culture organisationnelle (chartes, journées de rassemblement régulières telles qu’un forum de réflexion associant les permanents, l’assemblée générale et le conseil d’administration sur diverses thématiques, des rencontres entre les représentations locales et les instances, des groupes de réflexion spécifiques, etc.). Selon les collaborateurs, les valeurs véhiculées par l’organisation sont les suivantes : esprit social, préoccupations pour les personnes défavorisées, transparence, partenariat, respect de la personne humaine à tous les niveaux, respect des partenaires et des pays du Sud, confiance mutuelle, volonté d’avancer, pérennité sociale et économique, long terme, durabilité, qualité de vie dans le travail, respect de l’autonomie des partenaires, écoute, disponibilité, accompagnement. 29� Professionnalisation : Les membres de l’ONG sont tous convaincus de la nécessité de la professionnalisation : il faut de la rigueur et du professionnalisme et ce qui peut renforcer la qualité du travail est toujours bienvenu. Cependant, l’ONG doit trouver son juste équilibre pour ne pas perdre de son implication politique et sociale, pour ne pas oublier les valeurs fondatrices, telles que le respect de l’humain, qui font que le secteur associatif n’est pas le secteur marchand, pour que les résultats d’efficacité n’en viennent pas à remplacer les relations humaines, pour ne pas perdre son âme. SOS Faim a évolué vers plus de professionnalisme en introduisant des outils, pratiques, mécanismes. La professionnalisation est gérée de manière très intuitive. 30� Freins à la professionnalisation : Les freins à la professionnalisation mis en évidence par les membres de l’équipe sont les suivants. La professionnalisation demande des fonds à injecter dans la gestion, dans les outils de communication, dans les ressources humaines, le manque de ressources peut donc être un frein. La volonté de respecter l’individu peut nourrir certaines craintes de passer à un système de gestion plus élaboré en termes de GRH notamment. Le conservatisme ou la résistance au changement est également un frein, bien que l’évolution de la société incite à s’adapter. La confrontation des registres militants et professionnels n’est pas un frein car les membres gardent les pieds sur terre et que ces registres n’entrent pas en contradiction. 31� Risques de la professionnalisation : Les risques de la professionnalisation soulignés par les personnes interrogées sont les suivants : perdre de vue la fin ultime, tout concentrer sur les moyens, peur que la mission ne soit plus un projet commun malgré une volonté de travailler ensemble, se concentrer sur le résultat et perdre la vision de long terme. Le risque de bureaucratisation est ressenti comme limité dans l’ONG car celle-ci reste souple. Si la part attribuée à des fonctions bureaucratiques a augmenté, elle semble se stabiliser depuis cinq, six ans. Chez SOS Faim, environ un tiers du temps de travail des collaborateurs est consacré à la bureaucratie. Le bouleversement de l’ordre social n’est pas un risque non plus, du fait notamment de la rotation élevée des jeunes. La tendance à professionnaliser aussi les structures au sud peut poser problème pour les organisations qui n’ont pas les moyens d’arriver au niveau d’exigences requis.

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32� Concept de développement : Les membres de l’organisation ont bien entendu chacun leur propre définition du développement. Quelques points de convergences peuvent être mis en évidence : durabilité, long terme, il participe à un effort de correction d’inégalités, développement économique et social, développement humain dans une société, développement culturel, développement de la communauté, permettre à des gens ou à des organisations d’améliorer leurs conditions de vie en agissant sur les domaines sociaux, économiques et environnementaux, donner aux pays les moins aisés les moyens de vivre correctement, ensemble des aspects qui font que les êtres humains peuvent évoluer et faire évoluer leur propre société. 33� Rôle du Nord et du Sud dans une démarche de développement : L’approche menée par SOS Faim considère que les gens sont acteurs de leur propre développement, les initiatives doivent donc venir d’eux. Dans ce contexte, selon les personnes interrogées, le rôle réservé au Nord est le suivant : donner les moyens au Sud pour exprimer ses bonnes idées, permettre une meilleure situation économique du Sud, apports en informations, apports financiers et techniques, mises en réseaux,… Le rôle dévolu au Sud est le suivant : utiliser les énergies et les ressources (notamment humaines) locales, apports en informations, appropriation des processus, faire un travail auprès des pouvoirs publics pour une restructuration de l’aide, pour une augmentation des investissements, pour un renforcement des gouvernements régionaux, pour un meilleur appui gouvernement.

1.2. Les résultats objectifs

Après la synthèse des observations de l’ONG SOS Faim, je propose de reprendre ces éléments

et de les intégrer dans le cadre d’analyse pour mettre en évidence les résultats objectifs21. Cet exercice permet de traiter de manière systématique chaque hypothèse de travail énoncée dans la construction du modèle d’analyse en regard des observations afin de les confirmer ou de les infirmer après une mise à l’épreuve des faits.

• Première hypothèse : la configuration

La première hypothèse soutient qu’une ONG ne présente pas systématiquement une configuration missionnaire, qu’elle mêle des caractéristiques d’autres configurations organisationnelles et qu’à ce titre la mobilisation idéologique ne joue plus seule le rôle de ciment de l’organisation. Voyons dès lors les traits de la structure organisationnelle de SOS Faim afin de déterminer de quelle configuration elle s’approche.

Notons tout d’abord que SOS Faim a fortement évolué ces dix dernières années, dans le sens d’une professionnalisation de la structure et des pratiques (observation 2), processus accepté en théorie mais pour lequel l’organisation doit trouver un équilibre afin de ne pas altérer son identité (observation 29). L’ONG est ainsi passée d’un modèle de gestion en râteau, plutôt rigide, à une forme structurelle départementalisée plus souple. Les ressources humaines ont également changé de visage : l’équipe a évolué vers une certaine bipolarité, présentant un pôle plus « ancien » et plus stable et un autre plus « jeune » et plus volatile (observation 2).

21 Pour faciliter la lecture, voir le modèle d’analyse (p. 37) ainsi que les annexes B, C et D.

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Les opérateurs de SOS Faim sont polyvalents et réalisent un grand nombre de tâches différentes (observation 4). Cependant, les postes de chacun nécessitent des compétences spécialisées, ce qui explique par exemple la difficulté de mettre en place des processus de mobilité horizontale (observation 26). Le personnel dispose par ailleurs d’une grande latitude dans l’organisation de leur travail, d’une certaine autonomie d’action, d’un réel pouvoir d’initiative et d’une possibilité de suggestion et de recommandation importante vis-à-vis de leurs supérieurs ou de leurs collègues, que ce soit dans la conception ou dans l’exécution des projets (observation 4). Ces observations sont signes d’une division horizontale forte et verticale faible.

La structure est caractérisée par une décentralisation en départements. Les départements, de petite taille, sont organisés sur base des activités exercées par SOS Faim ou par fonctions (secrétariat, service appui partenaires, service éducation au développement, service relations donateurs, service administration et finances) (observation 3). Il s’agit donc d’une départementalisation par input. Par ailleurs, le nombre d’échelons hiérarchiques est peu élevé et le nombre de départements est important par rapport à la taille de l’ONG, ce qui révèle une différenciation horizontale forte et verticale faible.

Dans une structure de taille moyenne et en présence d’opérateurs qualifiés disposant d’un degré d’autonomie important, SOS Faim a mis en place des mécanismes de coordination adéquats, tant entre les opérateurs qu’entre les départements. Ces mécanismes reposent très peu sur la formalisation et sont davantage de l’ordre de la communication informelle (ajustement mutuel, relations interpersonnelles) ou de l’idéologie organisationnelle (observations 5, 7 et 28). En effet, peu de procédures sont formalisées en termes de transmission de l’information ou de coordination. Dans les représentations locales par exemple, des normes de procédures administratives et comptables sont édictées, un manuel de fonction a été formalisé et des directives ont été énoncées pour la reddition des comptes en Belgique, mais ces procédures formalisées restent d’une importance marginale en termes de transmission de l’information en regard de tout ce qui a lieu de manière informelle. Une réunion d’équipe hebdomadaire est fixée (en Belgique et dans les représentations locales) et certains services organisent par ailleurs des réunions occasionnelles. D’autres outils sont en place ou en cours de mise en œuvre, tels qu’une newsletter interne ou les rapports qui remontent vers le siège. Il est cependant clair que le degré de formalisation, encore limité à ce jour, augmente peu à peu, mais souvent sous l’effet d’une impulsion extérieure (contraintes des bailleurs, législation, …) (observations 5 et 7). Par ailleurs, en ce qui concerne l’idéologie organisationnelle (ou culture organisationnelle, soit un ensemble de valeurs mises en exergue afin d’inspirer le travail), elle joue un rôle d’une part au niveau des individus en termes d’implication et d’adhésion, d’autre part au niveau des relations entre départements afin de réduire les divergences de points de vue et de recentrer le travail de chaque département autour des valeurs chères à l’organisation. A ce titre, la charte, les journées de rassemblement, les groupes de réflexion, ... sont des « outils » utilisés pour asseoir cette culture organisationnelle (observation 28).

L’ONG use également d’un autre mécanisme de coordination du travail : la standardisation des qualifications. En effet, les opérateurs sont recrutés par SOS Faim pour leur niveau de qualification et le contenu de leurs compétences (observation 23). Ils mènent généralement des activités dans la lignée de leur formation ou de leurs expériences professionnelles. Et s’il y a des aspects de leur travail qui sont spécifiques à l’organisation, celle-ci peut prendre en charge une partie de cette standardisation en laissant à chaque opérateur la possibilité de suivre des formations (observation 25).

SOS Faim est une ONG ancienne de taille moyenne (observation 1) qui œuvre sur le « marché » de la coopération au développement. L’environnement est globalement plus menaçant, plus hostile depuis une dizaine d’années, bien que les relations avec la DGCD se soient améliorées. Les ONG, parmi lesquelles SOS Faim, sont de plus en plus mises en concurrence, tant avec d’autres ONG (du Nord et du Sud) qu’avec de nouveaux acteurs qui se positionnent dans le secteur de la

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coopération au développement (acteurs publics ou privés). La dépendance financière de l’ONG vis-à-vis des bailleurs de fonds est à relativiser : en adoptant un regard rétrospectif, la situation s’avère stable (observation 8). Par ailleurs, le fonctionnement par programmes quinquennaux confère une relative stabilité à court, voire moyen terme pour l’organisation (observations 8 et 15). De plus, les demandes susceptibles d’être adressées aux ONG sont multiples et diverses, ce qui révèle une hétérogénéité certaine du « marché ». Enfin, le métier des ONG se complexifie, les confrontant de plus en plus à la nécessité de recourir à des opérateurs qualifiés pour rassembler les compétences nécessaires et s’insérer dans la vague de professionnalisation (observations 2 et 29), ce qui est signe d’un marché complexe.

Les buts de mission sont prédominants (observation 12): ils sont d’abord à la base de la création de l’association, mais ils continuent à inspirer le travail de l’ONG, ils commandent les décisions importantes ou ils animent les discours vers l’extérieur. Par ailleurs, les buts de mission participent également à la réalisation des buts de système, tels que celui de récolte de fonds par exemple. En effet, la mission de l’organisation et ses résultats sur le terrain sont sources de motivation pour attirer de « bons » profils dans l’organisation ou pour encourager d’éventuels donateurs à soutenir les projets de l’association ; les buts de mission participent également à l’image que l’organisation renvoie vers l’extérieur, notamment vers les bailleurs de fonds ou le grand public. D’autres objectifs sont poursuivis, tels que le développement institutionnel en Europe ou la consolidation. L’ONG adopte par ailleurs une attitude proactive, tout en restant modeste, en termes de contrôle de l’environnement (observation 13). Ces buts de système sont poursuivis au service de la mission, ce qui peut entraîner un manque de visibilité pour la structure SOS Faim. Le système de buts paraît relativement intégré : SOS Faim parvient à gérer la tension entre mission et viabilité organisationnelle en restant cohérente par rapport à ses lignes d’action et en définissant clairement des règles pour l’allocation des ressources, règles qui sont toujours à l’avantage de la mission (observations 14 et 16).

En ce qui concerne les processus de prise de décision (observation 6), chacun détient le pouvoir de décision pour décider à son niveau. Les décisions stratégiques sont du ressort du conseil d’administration et de l’assemblée générale (bien que l’équipe permanente puisse influencer ces décisions). Les décisions managériales sont prises au niveau du conseil d’administration (au sein duquel siège le secrétaire général). Et les décisions opérationnelles sont de la responsabilité des départements, de l’équipe permanente. Certaines décisions importantes au niveau des départements sont prises de manière collégiale bien que chacun ait plus ou moins d’influence selon son ancienneté, sa fonction, son expérience. Considérant la question de la localisation du pouvoir, il y a décentralisation du pouvoir étant donné que les décisions sont largement préparées au sein de l’équipe permanente, le conseil d’administration et l’assemblée générale veillant à la cohérence de ces décisions avec les lignes directrices de l’organisation et donnant son approbation finale. Particulièrement, j’aurais tendance à situer le pouvoir au niveau de l’équipe permanente, particulièrement à hauteur du premier et deuxième niveaux de direction. En effet, « l’assemblée générale veille à ce que SOS Faim garde le cap sur ses objectifs sociaux et économiques de lutte contre la pauvreté dans les pays du Sud » et « le conseil d’administration approuve les stratégies proposées par le secrétaire général, supervise leur réalisation et est particulièrement attentif à la gestion des ressources financières et humaines de SOS Faim. »22 Les décisions sont donc en grande partie prises ou préparées au niveau de l’équipe permanente, tandis que l’assemblée générale et le conseil d’administration ont davantage un rôle de suivi ou d’approbation des décisions ou propositions émises par l’équipe. Dans ce sens, ces deux instances peuvent être considérées comme faisant preuve

22 http://www.sosfaim.org (site consulté en mai 2007)

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de loyauté, ce qui ne les empêche pas de s’impliquer et de prendre leurs responsabilités. Quant à la localisation du pouvoir au sein de l’équipe permanente, elle se situe plutôt vers les premier et deuxième niveaux de direction qui regroupent aussi les personnes ayant la plus longue expérience au sein de l’organisation, voire au sein du secteur. A nouveau, les autres membres peuvent être qualifiés de loyaux, sans que cela ne remette en question leurs possibilités ou capacités permanentes de suggestions à l’égard du reste de l’équipe.

Au vu de ces résultats, de quelle(s) configuration(s) organisationnelle(s) se rapproche l’ONG SOS

Faim ? Il ressort des éléments mis en évidence ci-dessus deux configurations principales : la configuration missionnaire et la configuration professionnelle. Particulièrement les éléments se rattachant à la configuration professionnelle sont présents dans les traits relatifs à la structure d’organisation, à la division et à la coordination du travail entre opérateurs ou entre départements. Par contre, les caractéristiques relatives à la configuration missionnaire prédominent surtout au niveau des buts, des relations entre les personnes (via la culture organisationnelle) ou de la localisation du pouvoir. Il ressort dès lors que SOS Faim ne présente aucunement une configuration pure et ces deux configurations semblent intégrées de manière harmonieuse En résumé, le fonctionnement de l’organisation tend vers une structure professionnelle animée par des valeurs fortes qui sous-tendent la réalisation des missions de l’organisation.

L’hypothèse soutenant qu’une ONG de développement ne présente pas uniquement les caractéristiques de la configuration missionnaire est donc en partie vérifiée chez SOS Faim. En effet, il apparaît très clairement que la structure d’organisation se professionnalise, renforçant ses compétences et adoptant une série de pratiques ou d’outils propres à la configuration professionnelle. Cependant, les valeurs tiennent encore un rôle important dans la définition des objectifs ou dans les relations entre les personnes. Ainsi, la culture organisationnelle joue encore le rôle de ciment, de cohésion et de moteur de l’implication des opérateurs. Par ailleurs, certaines valeurs qui relèvent traditionnellement du registre du professionnalisme, telles que rigueur, transparence, durabilité font désormais partie de la culture organisationnelle, aux côtés de valeurs propres au registre militant telles que l’esprit social, le respect de la personne humaine, le respect des partenaires et des pays du Sud. SOS Faim se professionnalise mais veille à ce que cette professionnalisation n’ait pas lieu au détriment du capital idéologique ou valoriel de l’organisation.

• Seconde hypothèse : la structure d’objectifs

La seconde hypothèse de travail s’attache à la structure particulière d’objectifs qui découle de la finalité sociale de l’ONG de développement et du fait que celle-ci poursuit simultanément des objectifs sociaux et économiques. Cette structure particulière se caractérise par une tension entre les buts de mission et les buts de système, soit entre l’accomplissement de la mission et la viabilité organisationnelle. Chez SOS Faim, cette hypothèse ne se vérifie pas. En effet, le système de buts paraît relativement intégré : différentes pratiques ou circonstances font que l’organisation parvient à gérer de manière positive cette coexistence.

Parmi ces pratiques, le fait que l’organisation se soit fixée des règles claires et précises pour l’allocation des ressources, règles qui sont toujours à l’avantage de la mission, participe à la gestion de cette tension. De plus, l’ONG veille à toujours rester cohérente par rapport à ses lignes d’action directrices afin d’éviter tout détournement de la mission. Par ailleurs, la relative stabilité financière aide également l’organisation à mieux assimiler la tension entre ces objectifs divergents car la survie de l’organisation est moins remise en question par des impératifs financiers de court terme. Enfin, SOS

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Faim ne tombe pas dans le travers de certaines associations de n’engager des cadres que dans une perspective de professionnalisation de la gestion, ce qui à terme peut altérer l’identité, la spécificité de l’organisation en termes de capital philanthropique. L’ONG veille en effet à recruter dans la mesure du possible des profils hybrides qui mêlent compétences et engagement.

Le fait que cette hypothèse ne soit pas vérifiée dans le cas de SOS Faim ne remet pas en cause l’existence d’une structure particulière d’objectifs et le fait que ces objectifs peuvent entrer en conflit dans une ONG de développement. Cela montre toutefois qu’il est possible d’assimiler cette tension en adoptant certains outils ou pratiques.

• Troisième hypothèse : les contextes de travail Nord et Sud

La troisième hypothèse concerne les contextes de travail des équipes au Nord et au Sud. Elle soutient que la tension est perçue ou vécue différemment selon le contexte de travail du fait de pressions de l’environnement (bailleurs, donateurs, bénéficiaires) qui pèsent davantage sur les structures au Nord ou au Sud.

Dans le cas de SOS Faim, il est vrai que certaines pressions se ressentent davantage selon que l’équipe travaille au siège ou sur le terrain (observation 11). Au siège, les équipes sont en première ligne par rapport aux bailleurs de fonds ; les contraintes liées notamment aux échéances par rapport aux bailleurs sont donc vécues de manière plus intense, et la préoccupation de la survie de l’organisation, de la récolte de fonds, de l’obtention de financements est quotidienne au Nord. Sur le terrain, les équipes sont en première ligne par rapport aux partenaires, aux bénéficiaires. Si ceux-ci ne font pas pression de manière explicite, les collaborateurs de SOS Faim sont cependant quotidiennement en prise avec les réalités de terrain qui peuvent favoriser ou au contraire entraver le bon déroulement des projets. Les équipes de terrain sont également impliquées dans l’élaboration des rapports pour les bailleurs, mais ils ne s’imposent pas le même niveau d’exigence qu’au Nord car ils ressentent moins la pression des bailleurs. Enfin, les représentations locales sont exemptées de toute recherche de financements ou récolte de fonds pour la réalisation des projets, ce volet-là est intégralement pris en charge par l’équipe du siège.

Il convient dès lors de souligner que les pressions qui s’exercent dans un contexte Nord ou Sud ne sont pas identiques, que l’équipe au Nord est davantage sensibilisée à des aspects de survie institutionnelle, tandis que les représentations locales sont sans cesse confrontées aux réalités du terrain et à des aspects projet. Cependant, l’hypothèse selon laquelle, de ce fait, la tension entre viabilité organisationnelle et accomplissement de la mission peut se cristalliser entre l’équipe au Nord et les équipes au Sud n’est pas vérifiée dans le cas de SOS Faim. D’une part, l’équipe du siège est très fort sensibilisée aux réalités de terrain et reste au courant du déroulement des projets, des difficultés, des succès, via des contacts quotidiens avec les représentations locales, par le biais des missions assez fréquentes sur le terrain et grâce à la présence de représentants du Sud dans l’assemblée générale. D’autre part, les représentations locales sont quant à elles sensibles au travail de récolte de fonds effectué au Nord et le représentant des antennes locales se rend également en Belgique pour des visites au siège. Certains membres de l’organisation s’accordent cependant sur le fait que les représentants des antennes locales devraient peut-être être davantage associés à la rédaction des rapports à l’attention des bailleurs (physiquement par un séjour au siège à ces périodes-là) afin de les sensibiliser encore plus aux échéances, aux contraintes, aux exigences imposées par les bailleurs institutionnels.

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• Quatrième hypothèse : les acteurs

La quatrième hypothèse suppose que chaque individu, porté par des dimensions propres, perçoit la coexistence ou la tension entre mission et viabilité organisationnelle de manière différente. Dès lors, il accorde sa priorité à un objectif plutôt qu’à un autre et apporte une réponse différente à cette tension en termes d’implication par exemple. Pour reprendre les termes de G. Stangherlin (2005), cette hypothèse est en partie liée aux motivations à s’engager pour un autre lointain et aux ressources détenues par chacun pour mener son cheminement vers le « militantisme », vers un engagement dans une ONG de développement.

Les équipes permanentes de SOS Faim sont uniquement constituées de personnes salariées. Elles sont caractérisées par un noyau stable d’ « anciens » et un groupe plus volatile de plus « jeunes ». Les individus sont généralement très qualifiés et possèdent des compétences diverses. Chacun présente un profil différent et de ce fait porte un regard différent sur la mission de l’organisation. En effet, les individus ont d’abord des formations très différentes, ce qui les sensibilise davantage à certains aspects plutôt qu’à d’autres ; ils possèdent également leur propre expérience professionnelle, leur propre bagage d’aptitudes, bien que la majorité possède une expérience dans le développement ou l’aide humanitaire (observation 19). La majorité du personnel détient donc des « ressources », notamment acquises lors d’expériences dans le Sud, nécessaires à l’engagement. Par ailleurs, les motivations du personnel (observation 21) sont orientées « mission » : coopération, ONG, développement, utilité, cause collective, sens de l’action, engagement, … sont des termes qui reviennent lorsque l’on interroge les collaborateurs sur les raisons de leur présence dans l’ONG. Les individus sont donc animés par les valeurs de l’organisation et ils portent complètement la mission de l’organisation. Par ailleurs, si chacun est convaincu de la nécessité de professionnaliser, il reste que toutes les personnes interrogées émettent cependant quelque réserve par rapport à un excès de professionnalisation qui nuirait à l’identité de l’ONG (observation 29).

A nouveau, cette hypothèse ne peut être formellement infirmée ou confirmée. De mes observations, les profils engagés chez SOS Faim présentent non seulement les compétences requises mais également l’engagement nécessaire à leur implication dans les missions de l’organisation. Cependant, les entretiens menés avec les individus ne m’ont pas permis de dégager davantage les dimensions propres de chacun. Il aurait fallu procéder par récit de vie, s’attarder sur la trajectoire de chacun, passer plus de temps avec chaque personne pour déceler si chacun en tant qu’individu et en fonction de la manière dont il perçoit les objectifs de l’organisation a une influence ou non sur la structure ou les pratiques en place. Pourtant, cette hypothèse me semble plausible dans la mesure où il est possible, par exemple, de mettre en évidence des évolutions en termes de structure et de pratiques de GRH survenues après le changement de direction il y a une dizaine d’années. De même, le fonctionnement de la représentation locale à Lima ressemble sous certains aspects à celui de Bruxelles, mais la personnalité du représentant a quelque peu modelé la structure de l’antenne (observation 17).

• Cinquième hypothèse : la conception du développement

Enfin, la dernière hypothèse explore l’influence que peut avoir une certaine conception du développement soutenue par l’ONG sur la structure et les pratiques de gestion. Elle suppose que cette conception du développement ou les valeurs que l’organisation associe à une démarche de développement peut influencer le fonctionnement de l’organisation et les pratiques en place. Dans le cas de SOS Faim, les valeurs associées à une démarche de développement relèvent du partenariat, de

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l’autonomie des partenaires, du respect de la personne en tant qu’être humain, de l’appropriation par les acteurs du Sud du processus de développement, de la rigueur et de la transparence. L’être humain est au centre de leur action et de leur discours. Il n’est donc pas étonnant de trouver une structure et des pratiques de gestion respectueuses de la personne, qui laisse à chacun une autonomie d’action, une marge d’initiative, une possibilité de suggestion. Il n’est pas étonnant non plus que les relations interpersonnelles soient préférées à des mécanismes de coordination standardisés, systématisés, procéduriers où l’informel n’aurait plus sa place. Il est aussi évident que la culture organisationnelle joue ce rôle de ciment de l’organisation pour rassembler les équipes Nord et les représentations locales. Il n’est pas surprenant enfin que l’ONG favorise le professionnalisme par souci de rigueur et de transparence envers l’extérieur, mais également envers les collaborateurs de SOS Faim. Dans les grandes lignes, cette hypothèse est donc vérifiée mais elle nécessiterait d’être encore creusée en se penchant davantage sur la logique d’intervention de SOS Faim dans le Sud afin de mettre en évidence les liens entre les modalités d’action au Sud et les pratiques de gestion de la structure. Cet exercice contribuerait, à mon sens, à mettre en évidence les spécificités des ONG de développement dont il faut tenir compte lorsque l’on s’interroge sur leurs pratiques de gestion.

• Synthèse : le modèle de gestion des ressources humaines

Les hypothèses traitées de manière systématique, voyons dans un premier temps quel modèle de GRH peut être dégagé des observations pour ensuite considérer l’influence des autres facteurs sur les pratiques.

Une politique de GRH existe mais celle-ci n’est pas formalisée dans tous ses aspects. La politique est établie au niveau du conseil d’administration qui délègue la gestion des ressources humaines à la structure permanente (secrétaire général et/ou responsables de département). La gestion financière et administrative est partagée entre le service administration et finances et un secrétariat social (observation 18).

Les profils des personnes (observations 18 et 19) sont différents mais la plupart possèdent néanmoins une expérience professionnelle ou bénévole dans le développement, l’aide humanitaire ou l’associatif. L’association emploie également un réseau de bénévoles pour des tâches ponctuelles et ceux-ci ne sont pas énormément en contact avec les salariés.

En ce qui concerne le recrutement et la sélection du personnel, une procédure non formalisée par écrit est établie (observation 23) ; celle-ci est appliquée pour le recrutement de toute catégorie de personnes. Cette procédure de recrutement est décentralisée au niveau des départements avec référence au secrétaire général pour certains moments de la sélection. Les acteurs impliqués dans le recrutement sont donc le secrétaire général et le chef du département qui recrute (le conseil d’administration s’il subsiste des doutes). L’ONG veille, dans la mesure du possible, à recruter des profils hybrides, qui mêlent compétences et adhésion aux valeurs de l’organisation. Il y a donc peu de planification des besoins en ressources humaines et le processus de sélection est axé sur l’adéquation du candidat avec les missions de l’organisation.

La gestion des départs (observation 24) se passe au cas par cas. Les motifs des départs volontaires sont divers et il est important de souligner qu’en cas de licenciement, la raison consiste souvent en une inadéquation ou un décalage entre les comportements de l’individu et les valeurs organisationnelles.

Au niveau de la culture organisationnelle et de l’intégration (observation 28), des éléments sont mis en place pour rappeler au personnel les valeurs de l’organisation et susciter l’adhésion à cette culture. D’aucuns pourraient penser que le fait d’insister sur cette culture organisationnelle implique un

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attachement institutionnel fort envers l’organisation. Cette affirmation est cependant à nuancer selon l’expérience ou l’ancienneté : en effet, alors que les personnes de la « génération des anciens » n’excluent pas du tout de continuer, voire terminer, leur carrière dans SOS Faim, la « génération des plus jeunes » nourrit déjà d’autres projets et s’imagine ailleurs (mais souvent dans le même secteur) dans un avenir plus ou moins proche.

Le processus de formation (observation 25) est peu systématisé. L’ONG fonctionne au cas par cas, selon les demandes, et donne la possibilité à ceux qui le souhaitent de suivre une formation. Les formations sont relativement diversifiées dans les contenus (elles visent cependant surtout à développer les connaissances des opérateurs) et dans les modalités (en interne ou en externe, séminaires, cours, colloques, …).

L’évaluation (observation 27) est rare, et lorsqu’elle est pratiquée, elle est organisée sur un mode informel. Certains ressentent la nécessité de mettre en place un processus d’évaluation, d’autres se posent la question de son utilité.

La gestion des carrières (observation 26) est inexistante : la structure de taille modeste offre peu de perspectives étant donné sa hiérarchie assez plate. Les personnes sont prévenues d’emblée que les possibilités d’avancée ou de promotion sont limitées.

Le système de rémunérations est fixé et suit les barèmes. Une charte notifie par ailleurs l’interdiction d’octroyer toute forme d’incentives sous forme de primes ou d’augmentations de salaire (observation 22).

Le temps de travail respecte l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Cela participe aux conditions de travail agréables que l’ONG met en place.

Pour récapituler, les pratiques de gestion des ressources humaines sont très peu formalisées par écrit. Toutefois, il convient de souligner deux éléments : d’une part, si les pratiques ne sont pas mises par écrit, elles sont cependant systématisées ; d’autre part, les personnes ne sont pas laissées dans le flou, elles savent tout de même ce que l’organisation attend d’elles. Le fait que ces pratiques ne sont pas formalisées participe également à les rendre flexibles, modulables, adaptables à des contextes particuliers. Ces pratiques ne sont pas différenciées selon les catégories de personnes et elles reflètent certaines valeurs chères à l’organisation telles que l’équité, le respect de la personne humaine, la qualité de travail, le partenariat, la transparence, la confiance mutuelle, etc.

Au vu de ces considérations, à quel modèle de gestion des ressources humaines proposé par J. Nizet et F. Pichault les pratiques de GRH en place dans l’ONG SOS Faim renvoient-elles ? Une série de traits tels que la gestion des effectifs, l’intégration du personnel et les formations (en partie) se rapprochent du modèle valoriel. Les autres pratiques ne peuvent être assimilées à aucun autre modèle de GRH dominant.

Qu’en est-il dès lors de l’articulation entre configuration et modèle de GRH ? La configuration

missionnaire renvoie plutôt à la mise en place d’un modèle valoriel, ce qui est en effet le cas pour une partie des pratiques de GRH. La configuration professionnelle quant à elle renvoie davantage à un modèle conventionnaliste, dont les caractéristiques ne se rencontrent pas chez SOS Faim. Ce modèle laisse en effet aux professionnels une grande maîtrise sur la plupart des dimensions de GRH et insiste sur le fait que les pratiques de GRH sont définies de manière collégiale, à la suite de débats entre les collaborateurs. Il y a donc un certain décalage entre d’un côté l’hybridation de deux configurations, missionnaire et professionnelle, et d’un autre côté un modèle de GRH qui peut être exclusivement qualifié de valoriel à ce jour. Il est tout de même intéressant de noter que l’organisation évolue et prend de plus en plus en considération ces questions, poussée notamment par des demandes de la part des

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nouvelles recrues, pour introduire davantage de pratiques de gestion des ressources humaines (par exemple, des évaluations ou une systématisation des formations).

Quant aux autres facteurs mis en évidence qui peuvent avoir une influence sur les pratiques de gestion, qu’en est-il ? Tout d’abord, dans le cas de SOS Faim, la structure particulière d’objectifs ne se caractérise pas par une tension entre accomplissement de la mission et viabilité organisationnelle. Néanmoins, elle influence les pratiques de gestion des ressources humaines, par exemple les pratiques de recrutement et de sélection du personnel qui encouragent à engager des profils hybrides (engagement et compétences). Par ailleurs, les pressions qui pèsent plus lourdement sur les équipes selon qu’elles travaillent au Nord ou au Sud n’impliquent pas la mise en œuvre de pratiques de gestion spécifiques dans chaque structure afin de répondre à ces pressions. De plus, les acteurs jouent leur rôle dans la construction de la structure et des pratiques de gestion mais cet aspect peut encore être creusé. Enfin, on peut supposer que la manière dont l’organisation conçoit le développement influence les valeurs que celles-ci véhicule, notamment dans l’organisation du travail, la coordination entre les opérateurs, la mobilisation de ceux-ci, etc.

Section 2. Le cas Iles de Paix Le deuxième cas observé est l’ONG Iles de Paix, dont le siège se trouve à Huy. Cette

organisation travaille actuellement avec des partenaires au Mali, au Burkina Faso et en Equateur. Celle-ci s’est donné comme objectifs l’amélioration des conditions de vie des populations du Sud par le renforcement de la sécurité alimentaire, le renforcement des compétences et des organisations ainsi que l’ouverture du Nord aux réalités du Sud.

2.1. Les observations

1� Historique et activités : Iles de Paix (IDP) a été fondée en 1962 par le Père Dominique Pire et est une ONG de taille moyenne dans le milieu des ONG belges. Elle soutient des dynamiques locales en zone rurale et appuie, techniquement et sur le plan organisationnel, les efforts de la population d’une zone délimitée pour améliorer ses conditions de vie. Elle participe également au renforcement des compétences d’analyse, de décision et de gestion des communautés et au renforcement institutionnel des organisations par un appui principalement méthodologique. L’ONG s’investit aussi dans l’éducation et la sensibilisation du Nord aux réalités du Sud, par le biais de publications, d’animations et autres outils. Actuellement, deux représentations locales existent, l’une en Equateur, l’autre au Burkina Faso. 2� Evolutions : Des évolutions majeures se sont opérées, surtout depuis le changement de direction qui s’est produit il y a une dizaine d’années. D’une part, les relations avec l’extérieur ont été dans le sens d’une amélioration et d’une plus grande interaction avec les acteurs externes. D’autre part, la structure est passée d’un mode centralisé où tout passait par le secrétaire général à un mode décentralisé avec des départements, qui laisse à ceux-ci et aux représentations locales plus de responsabilités. Les équipes ont été remodelées (si aujourd’hui, les personnes engagées ne sont plus militantes à 100%, l’organisation n’est tout de même pas tombée dans l’autre extrême) et renforcées en termes de compétences, elles se sont professionnalisées ; et l’équipe au siège s’est agrandie, notamment dans le département projet. Par ailleurs, en termes d’activités et de logique d’intervention, le volume financier a doublé, le nombre de projets a augmenté, de nouvelles représentations se sont

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créées et l’ONG examine des pistes pour en ouvrir encore deux. IDP est aussi entrée dans une logique de planification pluriannuelle et a donc commencé à raisonner sur plusieurs années. L’ONG a également multiplié ses modes de collaboration avec toute sorte d’acteurs (organisations de second degré, organisations paysannes, paysans seuls, autorités locales) et a modifié son mode d’implantation, dans la mesure où elle travaille maintenant dans des zones avec une implantation autour de laquelle gravitent plusieurs projets. De plus, en ce qui concerne les outils de gestion, une nette sophistication des outils de contrôle, des outils informatiques et de la bureautique peut être soulignée. Globalement, l’ONG n’a eu de cesse d’évoluer vers plus de professionnalisme. 3� Chantiers en cours : Aujourd’hui, l’ONG est entrée dans une phase de réflexion et de formalisation par rapport à divers chantiers qui vont dans le sens d’une uniformisation des pratiques au sein de toute l’organisation, représentations locales comprises. Ces différents chantiers concernent : l’actualisation de la stratégie d’intervention IDP dans le monde (avec des variantes locales), la constitution d’un organigramme avec descriptifs de tâches pour que chacun sache quel est son rôle, la formalisation d’un manuel de procédures et la mise à niveau de la politique salariale. 4� Restructuration antenne locale : En Equateur, en 2005, après une phase d’agrandissement de la zone d’intervention, IDP a mis en évidence la nécessité de réduire les zones d’action et de restructurer l’équipe de terrain afin de rester cohérent avec la logique d’intervention IDP. Cette constatation est née en interne après un atelier de réflexion stratégique avec toute l’équipe sur le terrain et a été également soulignée dans une évaluation externe des actions réalisées. Le choix des zones a été opéré sur base des critères suivants : critères institutionnels (selon la charte d’intervention), réalisations dans chaque zone, programmes qui arrivaient à terme, dynamiques locales en place, potentiel, logistique, volonté des acteurs, climat serein entre acteurs,… Ainsi, trois zones d’intervention ont été conservées afin de ramener les actions à quelque chose de plus réaliste par rapport aux ressources, surtout humaines, disponibles dans l’équipe. Cette phase de transition est quelque peu délicate car pas bien ressentie par tous les membres de l’équipe de terrain. 5� Organigramme : L’organisation présente les instances classiques de la plupart des associations : une assemblée générale, un conseil d’administration et une structure permanente. La forme structurelle est plutôt pyramidale, décentralisée, avec des départements. A la tête de la structure permanente, le secrétaire général, qui ne fait pas partie du conseil d’administration, assume une fonction de direction. Chaque département est coordonné par un responsable et est constitué de quelques employés. 6� Opérateurs : Les membres des différentes équipes IDP sont amenés à réaliser des tâches diverses et disposent, globalement, d’une grande marge de liberté pour organiser leur travail. Ils sont dans l’ensemble hautement qualifiés. 7� Communication interne : La communication interne, dans les départements ou entre les départements, se fait en grande partie de manière informelle, et lorsque les choses doivent rester figées, le personnel utilise l’intranet, l’outil de communication le plus utilisé. Certains temps informels permettent aux gens de se rencontrer, comme la pause café du matin. D’autres temps, formels ceux-là, sont également aménagés : des réunions de tout le personnel du siège sont organisées deux à trois fois par an ; une réunion mensuelle rassemble le secrétaire général et les responsables de départements (le Bureau). Il revient ensuite à chaque responsable de département de diffuser

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l’information dans sa cellule ; certains départements se sont également aménagés des temps formels de rencontre, à des fréquences différentes selon les cas.

La communication entre le siège et le terrain a lieu principalement par mail et est régulière et abondante, tant d’un point de vue opérationnel qu’administratif ou financier. Des informations et documents remontent du terrain vers le siège mensuellement (rapports mensuels ou trimestriels, PV de réunions, contrats avec bénéficiaires, contrats avec personnel, suivi comptable, etc.). Des missions du siège sur le terrain ont lieu trois à quatre fois par an : missions de suivi, de planification et préparation du budget ou missions ayant trait à une thématique particulière. La coordinatrice de la représentation équatorienne vient en moyenne une fois par an en Belgique et les expatriés rentrent également une fois par an pour un débriefing. Par contre, il y a très peu de contacts entre les différents terrains mais il y a une volonté affirmée d’augmenter ces échanges.

En Equateur, des réunions sont également prévues : une réunion mensuelle de toute l’équipe a lieu, une réunion mensuelle de zone est prévue qui rassemble la coordinatrice, l’équipe de la zone et les départements transversaux, et il y a un souhait de formaliser une réunion mensuelle de l’équipe administrative avec la coordinatrice. Des temps informels existent également, mais les membres de l’équipe pourraient encore augmenter la part d’informel dans leur communication.

8� Prise de décision : Les processus de prise de décision sont bien établis et ils permettent une grande concertation au sein de toute l’organisation. Les décisions stratégiques reviennent à l’assemblée générale ; les décisions managériales sont prises par le conseil d’administration et/ou le secrétaire général. Les décisions opérationnelles sont prises par le secrétaire général, les responsables de départements ou les opérateurs. Une série de décisions plus importantes est prise de manière collégiale, telles que celles de l’AG ou du CA, ou la décision d’ouvrir une nouvelle zone. Notons que le Bureau est un organe consultatif et non décisionnel. Dans l’ensemble, les équipes sont à maintes reprises consultées, ce qui permet d’enrichir le débat et implique que les décisions sont portées par tous. En ce qui concerne les représentations locales, elles disposent d’un pouvoir de décision normal dans l’exécution des projets, et les contacts quotidiens entre le siège et le terrain font que chacun discerne ce qui est de son ressort. Les décisions de commencer ou d’arrêter un projet sont souvent prises lors d’une mission mais après un premier contact entre les communautés et la représentation locale et un rapport de celle-ci à l’attention du siège. En Equateur, la prise de décision reste encore très formalisée : la structure locale passe d’un organigramme en râteau vers un organigramme où la coordinatrice coordonne des équipes avec des responsables d’équipes qui prennent les décisions. Selon certains, il existe une nécessité sur le terrain de redéfinir les rôles et responsabilités de chacun clairement. 9� Formalisation : La formalisation est un processus en cours mais un équilibre doit être trouvé afin qu’un excès de formalisation n’entraîne pas des comportements déviants ou peu souhaitables. L’organisation fonctionne actuellement beaucoup sur la coutume. Plusieurs chantiers sont en cours : l’harmonisation de la politique salariale en tenant compte des différences contextuelles, la formalisation d’un manuel de procédures, l’uniformisation de l’organigramme avec des job descriptions (car les différentes structures sont de taille plus ou moins équivalentes avec plus ou moins les mêmes postes) et l’actualisation de la charte d’intervention IDP commune à toute l’organisation. L’objectif de ce processus est d’harmoniser les flux d’informations et d’arriver à un partage de concepts, sans gommer les spécificités locales. Pour ce faire, le dialogue et l’implication en cascade de tous les acteurs sont essentiels, afin d’arriver à un tronc de procédures communes, dont une partie sont spécifiques à chaque contexte et une autre reste non légiférée. Dans l’organisation, il semblerait que les plus jeunes

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soient plus demandeurs pour formaliser que les anciens qui préfèrent laisser une grande marge au bon sens. 10� Environnement : L’environnement, globalement, n’est pas menaçant, notamment grâce à la stabilité financière de l’ONG et de l’image favorable dont elle jouit auprès du public belge. L’ONG se revendique pluraliste et apolitique. En Equateur, malgré qu’il existe encore des poches de pauvreté, un ensemble de paramètres économiques, sociaux et politiques montrent que le pays suit une voie globalement positive. D’un point de vue économique, le pays montre une grande vitalité économique et une croissance positive, une classe moyenne génère un marché interne très important, et l’Equateur augmente son intégration dans des marchés régionaux, et de ce fait ses exportations. La dollarisation récente a fait mal aux gens mais stimule l’économie du pays car la stabilité de la monnaie permet aux opérateurs économiques de davantage se projeter dans l’avenir. D’un point de vue social, une conscience populaire émerge, les gens sont réveillés et ne se laissent plus mener en bateau sans réagir. D’un point de vue politique, il existe un ensemble de partis qui défendent leurs opinions et se mobilisent. Cependant, les politiques, coincés dans des mandats très courts, se heurtent d’un côté à la nécessité de prendre des réformes, d’un autre côté aux résistances aux changements de la part des populations. 11� Acteurs externes : L’organisation entretient de très bonnes relations avec les acteurs externes. Leurs influences ne sont pas déstabilisantes dans la mesure où l’organisation est totalement indépendante et autonome. L’organisation n’est de ce fait pas directement impliquée par les décisions des bailleurs de fonds, car elle a les moyens de ne pas les suivre en cas de désaccord. Elle peut donc, sans contrainte, orienter ses projets en fonction des réalités qu’elle observe et focaliser les actions sur le terrain, sans contraintes administratives lourdes. IDP entretient quelques partenariats avec le secteur privé, dans le cadre de la campagne notamment, et a d’ailleurs rédigé une note sur le rapprochement entre l’institution et le secteur privé. IDP signe une convention avec les gouvernements des pays où elle intervient et l’ONG veille à entretenir des bonnes relations avec leurs ambassades en Belgique.

Les relations qu’entretient IDP avec les autres ONG sont parfois plus ambigües. En Belgique, il n’y a aucune concurrence ou tension en termes financiers ou des idées ; mais certaines frictions peuvent apparaître au point de vue des valeurs ou des méthodes. IDP est parfois taxée de libéralisme ou perçue comme néo-réactionnaire par d’autres ONG. Sur le terrain, les relations avec d’autres ONG locales, nationales ou internationales sont très faibles, voire insuffisantes. Avec les ONG sur le terrain, IDP n’entretient pas vraiment une relation de complémentarité ou de synergie dans le sens où peu de collaborations se mettent en place et IDP veille à ce que ses actions et les actions d’autres ONG actives dans la même zone d’intervention ne se chevauchent pas. 12� Environnement culturel : L’environnement culturel dans lequel baigne IDP est fait de pluriculturalité. Certaines personnes interrogées soulignent des mentalités très différentes, d’autres par contre relativisent en avançant l’argument que les équipes locales, étant donné qu’elles travaillent en ville, ont une culture urbaine finalement assez proche de la culture occidentale. En Belgique, le personnel a également mis en évidence les traits suivants de la culture latino : le fait que ceux-ci sont très sensibles, voire susceptibles, oblige à soigner son langage et la manière dont les messages sont transmis ; la pression politique ou familiale sur l’individu est plus forte, ce qui peut inciter à prendre des décisions qui ne sont pas les meilleures ; la formalité est importante ; la distinction entre vie privée et vie professionnelle est moins ténue qu’en Belgique (par exemple, les personnes discutent davantage de leur vie privée, familiale et extraprofessionnelle, cela peut s’expliquer par le fait qu’ils habitent une petite

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ville, ils se connaissent donc aussi en dehors et le fait de partir en mission ensemble dans le cadre du travail renforce les liens). Enfin, si ces traits culturels peuvent avoir une influence sur la gestion, certains relativisent et trouvent que finalement cela dépend davantage des personnes que des cultures nationales. 13� Contextes de travail : Les contextes de travail au Nord et au Sud présentent également des différences. Au Nord, la préoccupation financière est plus importante et les équipes sont en première ligne par rapport aux niveaux d’exigences du public et des bailleurs de fonds. Le public de manière globale questionne également beaucoup IDP sur de nombreuses thématiques plus ou moins proches du développement et de la coopération au développement, sujets sur lesquels l’ONG n’a pas forcément de position institutionnelle. L’équipe au siège est également moins en prise avec les réalités du terrain, moins proches des résultats. Au Sud, les équipes n’ont pas la pression de la recherche de financements à partir du Sud mais la pression des populations est plus importante. Les équipes sont aussi plus proches de ce à quoi l’action IDP sert, de la nature du travail, des résultats. Les équipes de terrain et les partenaires doivent également répondre à un niveau élevé d’exigences du siège d’un point de vue de la gestion administrative et financière, ce à quoi ils ne sont peut-être pas habitués. Cependant, l’espace est relativement ouvert à l’intervention d’une ONG et les équipes locales ne subissent pas de pressions des autorités locales ou nationales. Certains expliquent ces différences dans les contextes de travail par la pression organisationnelle, par des différences de mentalités et par le fait que les partenaires n’ont pas l’habitude de ce degré d’exigences par rapport à d’autres associations. 14� Missions : Les membres s’accordent sur la mission et chacun la définit dans ses termes. IDP a défini dans une charte sa vision (« l’inaccessible rêve ») et sa mission, c’est-à-dire le cheminement en termes de valeurs, d’objectifs, de méthodes vers cette vision du monde. La vision propose un monde où chacun a l’occasion de développer ses capacités dans un contexte favorable. La mission, quant à elle, se veut faire progresser des gens qui le souhaitent par rapport à une échelle de valeurs, par rapport à des objectifs humains, matériels, économiques, sociaux, ce dans une démarche structurelle, sur le long terme. Il s’agit donc de jouer un rôle de facilitateur, d’accompagnateur pour appuyer des populations dans des contextes défavorisés à surmonter leurs obstacles (économiques, sociaux, etc.) dans le respect d’un système de valeurs et selon un système de méthodes donné. Concrètement, IDP cherche à rendre les populations plus à même de mener leur propre développement, ce grâce à un renforcement des dynamiques économiques locales, rurales et via un renforcement des capacités individuelles et/ou collectives des populations, ces deux éléments devant fonctionner ensemble afin de garantir un succès franc. Par ailleurs, IDP mène également un travail d’information et de sensibilisation des populations du nord aux réalités du sud. 15� Autres objectifs : D’autres objectifs sont également poursuivis afin de mieux accomplir la mission. Cependant les personnes interrogées ont toutes insisté sur le fait qu’IDP est exclusivement orientée vers sa mission. Par rapport à ces autres objectifs davantage liés à l’organisation, certaines divergences de point de vue par rapport entre les gens existent. D’une part, la survie institutionnelle est une nécessité afin de travailler dans la durée, développer d’autres projets dans d’autres zones et garder des capacités pour faire face aux difficultés éventuelles et répondre aux engagements pris. Dans cette optique, IDP dispose de réserves gérées de telle manière que l’ONG peut poursuivre les projets au moins pour trois ans pour assurer la continuité des actions sur le terrain même si un bailleur lâche IDP. Il y a donc là une prise de conscience très forte et une volonté explicite de la part des instances. D’autre

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part, concernant un objectif de croissance ou non, les avis divergent. Certains affirment que l’ONG n’a pas une volonté de grandir au-delà des zones aujourd’hui approchées ; d’autres soutiennent qu’IDP a une réelle volonté de voir se développer ses activités et d’augmenter le nombre de projets car elle a la capacité financière de le faire et la reconnaissance des gens qui la soutiennent, et ce afin de faire profiter plus de gens de leur expérience. Dans cette optique, IDP examine des pistes pour ouvrir de nouvelles représentations locales en Amérique Latine (Pérou) et en Afrique (Mali). Par ailleurs, l’efficience et l’efficacité ne sont pas des objectifs mais des éléments de stratégie conscients et assumés vis-à-vis des bénéficiaires et des donateurs car ces derniers ont droit à une performance. Cependant, ces objectifs ne sont pas toujours atteints du fait du volume d’activités à gérer et de la petitesse de l’équipe. Il y a une réelle volonté d’évoluer vers l’efficacité à travers la professionnalisation du personnel et la mise en place d’outils de contrôle et de suivi avec des indicateurs réellement opérationnels mais il est difficile de traduire en indicateurs le développement, l’évolution d’une communauté. Il y a également une volonté d’efficience, d’intervenir de la manière la plus optimale. Cependant, ces éléments sont difficiles à apprécier et tout est question de regard, du vécu et de l’expérience de celui qui porte ce regard. Enfin, le contrôle de l’environnement n’est pas un objectif mais une option adoptée. La récolte de fonds qui permet d’obtenir soixante pour cent de fonds propres, participe à ce contrôle de l’environnement. 16� Financement : La situation financière de l’ONG est tout à fait stable, elle fonctionne avec près de soixante pour cent de fonds propres et quarante pour cent de cofinancements. Actuellement, les sources de financements de l’organisation sont : le public (par le biais de la campagne de récolte de fonds annuelle), la DGCD, le Fonds belge de survie, la Région wallonne, le Luxembourg, les Régions wallonne et bruxelloise par le biais des subsides à l’emploi. 17� Pratiques de gestion : L’ONG ne montre aucune réticence vis-à-vis des pratiques de gestion, c’est plutôt au niveau individuel que les gens peuvent montrer quelque résistance au changement, mais c’est un processus qu’ils doivent accepter. Les pratiques de gestion viennent de l’expérience personnelle et de la maison, ou sont empruntées plutôt au secteur privé qu’au secteur public. Certains disent d’ailleurs que l’ONG est gérée comme une petite PME, d’autres pensent que les besoins des ONG en termes de gestion ne sont pas si différents de ceux des autres organisations. Le modèle de gestion de la structure en Belgique est très compartimenté et les responsabilités de chacun sont clairement définies afin que chacun remplisse les tâches qui lui sont assignées et que la mécanique tourne de manière fluide. En Equateur, le style de gestion est plus autoritaire, les responsabilités ne sont pas aussi clairement établies, de nombreuses décisions passent encore par la coordinatrice. Cela peut entraîner d’une part une sous-utilisation des compétences et capacités d’autres membres de l’équipe, d’autre part le fait que l’équipe cherche davantage le consensus, même sur des points plus institutionnels. 18� Politique de GRH : L’ONG ne dispose pas encore d’une politique formalisée en matière de gestion des ressources humaines mais celle-ci s’impose pour répondre aux revendications naissantes et aux modifications dues à un agrandissement de l’équipe. Ce processus est actuellement en chantier sur différents points : l’uniformisation de la politique salariale, la mise à niveau de l’organigramme avec des descriptions de fonction et la possibilité de formaliser des entretiens de fonctionnement ou d’évaluation dans l’organisation. Il semble que les plus anciens sont peut-être moins demandeurs pour la formalisation de pratiques telles que les évaluations par exemple. Les objectifs de ce processus de formalisation sont d’harmoniser les pratiques au sein de toute l’organisation, tant en Belgique que sur le

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terrain afin de créer une structure IDP homogène pour limiter les risques de dérive locale en termes de clientélisme notamment, fixer des normes institutionnelles de référence opposables au tiers, renforcer la cohésion et favoriser les échanges entre les antennes dans un climat d’équité.

La politique de GRH est établie au niveau du conseil d’administration. La gestion, quant à elle, revient à différents acteurs. D’une part, le service administration et finances s’occupe des aspects légaux, financiers et administratifs. Un secrétariat social s’occupe du personnel en Belgique ; IDP par contre assure elle-même le secrétariat social du personnel expatrié. L’administration du personnel de terrain se fait sur le terrain mais le siège doit être en mesure de les conseiller si nécessaire. D’autre part, chaque responsable de département gère sa propre équipe pour les autres aspects (évaluations, formations, visibilité de carrière, etc.), avec référence au secrétaire général. 19� Profils des ressources humaines : L’organisation compte environ vingt personnes en Belgique et soixante à quatre-vingts sur le terrain (Afrique et Amérique Latine). Les catégories de ressources humaines présentes dans l’ONG sont les suivantes : une majorité d’employés, une ouvrière, du personnel expatrié (mais qui n’a pas le statut de coopérant), des bénévoles, et IDP travaille de manière ponctuelle avec des indépendants pour des missions d’évaluation externe par exemple. En Belgique, la moyenne d’âge de l’équipe tourne aux alentours des 30-40 ans (elle a chuté ces dernières années) et il y a une certaine parité hommes-femmes. Certains mettent en évidence plusieurs profils dans l’organisation : d’une part les anciens qui ont connu le Père Pire et qui sont complètement imprégnés des valeurs fondatrices, d’autre part ceux qui n’ont pas connu le Père Pire mais qui ont la flamme, qui ne travaillent pas uniquement pour gagner leur vie, enfin ceux qui font bien leur travail de salariés. Les personnes montrent des profils assez divers, avec des formations diverses (commercial, expert-comptable, agronome, ingénieur industriel, etc.) et des backgrounds différents également (certains ont toujours travaillé dans le milieu du développement, d’autres ont une expérience dans le privé, etc.). La rotation du personnel est relativement élevée, mais reste plus faible qu’en Equateur, sans que cela ne pose réellement de problème. La politique d’uniformisation de certaines pratiques de gestion répond également au fait que certains membres sur le terrain ne se sentent pas vraiment IDP, n’ont pas la perception que toute l’organisation, tant le siège que les représentations locales, sont dans le même bateau. 20� Bénévoles : L’association s’adjoint l’aide de bénévoles pour différentes tâches. D’une part, deux bénévoles réguliers sont impliqués dans la gestion quotidienne, l’un au service administration et finances, l’autre au service génie rural. Ces bénévoles sont liés par une convention de bénévolat ; ils ne travaillent non suite à une volonté explicite d’engager des bénévoles pour ces tâches mais plutôt suite à des circonstances particulières. En effet, l’ONG trouve toujours difficile de faire la part des choses entre l’argent gagné et le temps perdu à expliquer pour des fonctions assez précises et plutôt techniques. D’autre part, un groupe de bénévoles, également liés par une convention de bénévolat, travaille avec le service éducation au développement et fait des animations dans les écoles. Par ailleurs, un réseau de près de cinq cents bénévoles organise la campagne et la coordonne au niveau régional. Enfin, des milliers de bénévoles battent le pavé pour vendre les modules IDP lors du week-end de la campagne annuelle de récolte de fonds. L’association insiste sur la nécessité de respecter et de se soucier de tous les bénévoles. Plusieurs éléments participent à la motivation et à l’implication de ceux-ci : la convivialité, la reconnaissance de l’individu et de son travail, la mise à leur disposition d’un espace d’expression, l’image forte que renvoie l’ONG qui leur procure une certaine fierté, les voyages de bénévoles sur le terrain, etc. Les bénévoles sont surtout attirés via les réseaux de relations (amis, familles, etc.), et si au début de l’histoire d’IDP, ils s’engageaient pour trente ans, aujourd’hui il y davantage de volatilité.

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21� Motivations du personnel : Les motivations à s’engager chez IDP selon les personnes interrogées sont les suivantes : la possibilité de travailler dans la mise en œuvre de projets qui génèrent des changements essentiels (sécurité alimentaire, éducation de base, soins de santé de base, revenus de base, etc.) pour les populations au sud, l’équilibre intéressant et l’environnement idéal qu’offre l’ONG qui travaille à l’échelle humaine, se donne le temps pour obtenir des résultats, peut voir les choses évoluer et est proche des gens, les défis proposés, la taille de l’équipe, le travail que l’on sait utile et reconnu. 22� Incitants : Les incitants en place dans l’ONG pour impliquer et motiver le personnel, selon les personnes interrogées, sont les suivants : la responsabilisation de chacun dans le projet commun, les défis quotidiens ou à relever à plus long terme (tels que la phase actuelle de changement et les différents chantiers en cours au niveau organisationnel), la rigueur et l’exigence caractéristiques de l’association, les conditions de travail et de retraite correctes, le climat agréable, la garantie d’une qualité de travail, la reconnaissance et la valorisation du travail de chacun, l’implication de chacun dans diverses tâches. Il n’y a donc aucun incitant en termes de salaire. En Equateur par contre, il n’est pas difficile de retenir les gens grâce aux salaires proposés et aux manques d’opportunités ailleurs dans ce domaine. 23� Recrutement et sélection : La procédure de recrutement est assez similaire dans la plupart des cas, bien qu’elle ne soit pas formellement écrite. Le département qui veut engager une personne rédige un profil du poste recherché et le soumet au secrétaire général ; une annonce paraît par différents canaux selon les cas (presse, ACODEV, bouche à oreille, …) ; le responsable du département effectue une première sélection (tri sur CV, entretien, examen des candidats) et les deux ou trois personnes retenues rencontrent le secrétaire général qui valide (ou non) la décision du responsable de département. L’idéal est de recruter des personnes avec un profil hybride (compétences et engagement) mais ce n’est pas toujours facile, notamment à cause des salaires car les exigences se rapprochent du privé sans que les salaires suivent. Si l’ONG privilégie la sélection de profils hybrides, il reste que selon les fonctions, l’une ou l’autre dimension prime. L’ONG part aussi du principe que des personnes qui n’ont pas la flamme peuvent l’ « acquérir » en baignant dans l’organisation. Certains notent également qu’il est essentiel que les personnes plus haut placées dans la hiérarchie fassent montre d’un profil hybride, tandis que pour les postes au bas de l’échelle hiérarchique, c’est moins grave. Globalement, les qualités attendues des collaborateurs sont les suivantes : compétence, professionnalisme, capacité d’écoute, patience, qualités humaines dans les relations, empathie, une certaine polyvalence. 24� Gestion des départs : La gestion des départs se fait au cas par cas et est toujours motivée, justifiée. Les départs sont soit des contrats qui arrivent à terme sans possibilité de réaffectation, soit des départs volontaires, soit des licenciements avec ou sans prestation de préavis, selon les cas et le degré de confiance. Dans le cas d’un licenciement, la décision est toujours précédée d’entretiens préalables pour tenter de résoudre le problème et éviter cette solution. Quand la décision d’un licenciement est prise, celle-ci est immédiatement communiquée au reste de l’équipe. Il est possible de licencier quelqu’un qui n’a pas les compétences mais qui adhère complètement au système de valeurs, cependant certains facteurs jouent dans la décision, tels que l’âge de la personne ou son passé dans l’association.

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25� Formations : Il n’y a pas de politique de formation structurée dans l’ONG dans la mesure où il n’y a pas de formation systématique et c’est géré au cas par cas, en réaction à une demande formulée par un collaborateur. Une enveloppe est allouée à ce poste, et rarement dépensée dans son intégralité, et IDP se montre favorable et prête à distraire du temps de travail pour la formation de ses collaborateurs. Si un besoin se fait sentir, l’organisation se renseigne d’abord en interne si un autre collaborateur peut aider la personne en difficulté. Si les compétences requises pour former le collaborateur ne sont pas trouvées en interne, la personne est envoyée en formation individuelle en externe. Les formations collectives sont très rares et certains suivent des formations permanentes (mises à jour, recyclages, etc.). En Equateur, la coordinatrice dispose d’un excellent réseau de contacts de gens compétents dans divers domaines qui peuvent ponctuellement renforcer les compétences de l’équipe si cela s’avère nécessaire. Certains collaborateurs trouvent que la formation est une faiblesse chez IDP et qu’il faudrait davantage prendre le temps pour la formation ou l’autoformation. 26� Gestion des carrières : Il n’y a pas de gestion des carrières proprement dite étant donné que l’association offre peu de perspectives de carrière et que la mobilité dans l’organisation, tant verticale qu’horizontale, est limitée. 27� Evaluations : L’ONG n’a pas encore mis en place de système structurel d’évaluation, mais c’est un chantier en cours qui évolue vers une évaluation des interactions entre personnes et organisation, donc des compétences et du savoir-être. Actuellement, seuls deux départements (administration et finances, éducation au développement) organisent des entretiens d’évaluation ou entretiens de fonctionnement. Chaque responsable de département organise cela à sa façon (l’un souhaite que le secrétaire général soit présent, l’autre préfère lui faire un débriefing). En Equateur, aucune évaluation n’est organisée. Il n’y a pas non plus d’évaluation des responsables des départements par le secrétaire général. 28� Culture organisationnelle : Les valeurs chères à l’ONG et qui fondent la culture organisationnelle sont consignées dans la charte. Celles-ci sont véhiculées par tout un chacun et rappelées à différents moments, par exemple lors des réunions plus ou moins trimestrielles du personnel en Belgique qui ont pour objectif d’informer, de socialiser mais également de mettre de rappeler les valeurs fondatrices de l’organisation. Les valeurs véhiculées par l’organisation, selon les personnes interrogées, sont les suivantes : professionnalisation, transparence, dialogue, transparence dans le dialogue, respect de l’autre, respect de soi-même, dignité, honnêteté de l’organisation et de ses membres, sérieux, on peut lui faire confiance, intelligence de la démarche, engagement pour la réalisation des objectifs, sens de l’équipe (mais pourrait encore être renforcé). 29� Professionnalisation : Les personnes interrogées reconnaissent le bien-fondé de la professionnalisation. Selon eux, cette démarche est indispensable pour que les activités atteignent leurs objectifs, et que l’action de développement ne soit pas de l’amateurisme ou de la pure charité. Elle est aussi positive dans la mesure où elle permet de travailler avec des professionnels locaux et d’utiliser ainsi les ressources locales. Cependant, il faut veiller que ce processus de professionnalisation ne sape pas les bonnes intentions. 30� Freins à la professionnalisation : Certains freins à la professionnalisation ont été mis en évidence : le poids du bénévolat quand celui-ci devient trop influent et la difficulté de trouver le bon compromis entre professionnalisme et intérêt pour l’action. La rareté des ressources et d’éventuelles

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tensions entre professionnels et militants ne sont pas un frein dans l’ONG. En ce qui concerne le processus de professionnalisation au sud, une difficulté peut résider dans le peu d’habitudes des partenaires à un tel degré d’exigences. 31� Risques à la professionnalisation : Les risques à la professionnalisation mis en évidence par les personnes interrogées sont les suivants : le fait de restreindre la gestion du développement dans les mains de techniciens et de l’isoler du grand public ; le fait de ne pas étendre la professionnalisation à des domaines tels que la communication ou l’éducation au développement ; le fait que ce processus ne soit pas collectif et ne soit mis en œuvre que par des professionnels ; le fait que la professionnalisation au sud n’implique que les élites de la société et que ce processus d’une part ne soit pas vécu collectivement, d’autre part ne permette pas de propager un état d’esprit professionnel. Le fait de tendre vers une bureaucratie ne leur semble pas être un risque car IDP s’efforce de rester souple et flexible, malgré une certaine rigidification. L’organisation ne travaille pas dans un schéma figé et si une idée ou une opportunité intéressante se présente, elle n’hésite pas à la saisir. 32� Concept de développement : Chaque personne interrogée sur sa propre conception du développement apporte bien entendu une réponse très personnelle. Cependant, certains aspects redondants peuvent être soulignés : amélioration des conditions de vie des personnes défavorisées qui possèdent un potentiel, permettre à chaque être humain d’avoir une vie décente, processus qui permet aux populations d’atteindre leurs aspirations individuelles et/ou collectives, qu’elles soient d’ordre économique, sociale, culturel, etc. ; amélioration des conditions de vie pour une communauté donnée et qui s’exprime en fonction de sa culture, de ses propres valeurs. 33� Rôle du Nord et du Sud dans une démarche de développement : Certaines personnes interrogées se pose la question de savoir si le Nord et le Sud ont réellement un rôle distinct à mener, il faut plutôt essayer de multiplier les échanges Nord-Sud dans le respect de l’autre, il faut un dialogue permanent avec les gens dans le respect mutuel. D’autres collaborateurs mettent en évidence des rôles pour chacun. Ainsi, les rôles réservés au Nord sont les suivants : accompagnement de manière permanente mais sans prendre de décisions à la place des communautés locales, éducation au développement au Nord, sensibilisation. Les rôles réservés au Sud sont les suivants : se prendre en main, avoir envie, chercher le dialogue.

2.2. Les résultats objectifs

La synthèse des observations terminée, structurons ces éléments afin de les intégrer dans le

modèle d’analyse et de voir dans quelle mesure ce modèle convient à la réalité de terrain qu’est l’ONG Iles de Paix. A nouveau, chaque hypothèse de travail formulée dans la construction du modèle d’analyse est abordée de manière systématique afin de voir si les relations hypothétiques énoncées se vérifient ou non.

• Première hypothèse : la configuration

La première hypothèse de travail concerne la structure d’organisation et les configurations organisationnelles dont l’organisation se rapproche. Elle soutient que les ONG de développement ne présentent pas systématiquement une configuration missionnaire caractérisée par une forte mobilisation

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idéologique. Ces organisations mêlent également des caractéristiques d’autres configurations. Voyons dès lors les traits de la structure organisationnelle d’Iles de Paix afin de déterminer de quelle(s) configuration(s) elle s’approche.

Il convient dans un premier temps de souligner l’évolution d’Iles de Paix ces dix dernières années vers une structure décentralisée, départementalisée et plus professionnelle (renforcement des compétences des équipes, sophistication des outils de gestion, …) (observation 2). Par ailleurs, l’ONG traverse une phase de réflexion et de formalisation de certaines pratiques de gestion dans le but d’une uniformisation au sein de toute l’organisation, y compris les représentations locales (observation 3). Enfin, l’antenne locale de Riobamba (Equateur) est également dans une période de restructuration suite à une réduction de la zone d’intervention (observation 4).

Les opérateurs d’Iles de Paix (observation 6), en général très qualifiés, effectuent des tâches diverses mais restent tout de même cantonnés à leur domaine de compétences. L’évolution de la structure a d’ailleurs amené un renforcement des compétences des équipes. Les individus disposent également d’une grande marge de liberté pour organiser leur travail. La division du travail peut donc être qualifiée de forte d’un point de vue horizontal et faible d’un point de vue vertical.

La structure d’Iles de Paix est caractérisée par une départementalisation sur base des activités de l’organisation : secrétariat, département administration et finances, département projets, département éducation au développement, département campagne. Il s’agit donc d’une départementalisation par input. Par ailleurs, la structure est pyramidale mais le nombre d’échelons hiérarchiques reste peu élevé, ce qui révèle une différenciation horizontale forte et verticale faible.

La communication interne (observation 7) entre les opérateurs et entre les départements se passe en grande partie de manière informelle. L’intranet est l’outil de communication le plus utilisé, notamment pour garder trace de l’information. Des temps formels et informels sont aménagés afin de diffuser l’information (réunions, missions, groupes de réflexion, …). Notons que les réunions qui réunissent tout le personnel du siège sont rares, de l’ordre de trois à quatre fois par an. Mais le secrétaire général ainsi que les responsables de chaque département se réunissent mensuellement. Il revient ensuite à chaque responsable de département de jouer le rôle d’intermédiaire entre son département et la direction afin de faire circuler l’information dans les deux sens. Ces mécanismes de coordination reposent donc sur l’ajustement mutuel ou sur les relations interpersonnelles.

De plus, un autre mécanisme de coordination repose sur la standardisation des qualifications : IDP a en effet opéré un renforcement des compétences de chaque équipe et les opérateurs sont engagés pour les compétences qu’ils ont acquises soit durant leur formation, soit lors de leurs expériences professionnelles précédentes. L’ONG prend ensuite en charge une partie de cette standardisation via des formations octroyées à l’individu (pour compléter ou affiner ses compétences dans certains domaines spécifiques à l’organisation).

Par ailleurs, Iles de Paix reste fidèle aux principes édictés par son fondateur. Ainsi, l’ONG a rédigé une charte qui reprend notamment les valeurs qui lui sont chères, et les réunions ou rassemblements organisés au cours de l’année sont toujours prétextes à rappeler ces valeurs qui inspirent le travail d’Iles de Paix (observation 28). L’idéologie organisationnelle participe donc également à la coordination entre opérateurs ou départements.

Finalement, bien que l’ONG fonctionne encore beaucoup sur la coutume, un autre mécanise de coordination commence à prendre de l’importance, il s’agit de la standardisation des procédés. En effet, la structure en Belgique a évolué ces dernières années vers un modèle de gestion compartimenté tel que chaque collaborateur sait clairement les tâches et responsabilités qui lui incombent (en Amérique Latine, la situation n’est pas aussi claire). Par ailleurs, le travail de formalisation encore en cours vise notamment à la rédaction d’un manuel de procédures ainsi qu’à la constitution d’un

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organigramme avec descriptions de fonctions pour que chacun sache quel est son rôle dans l’organisation par rapport aux autres individus (observation 3).

Iles de Paix est une ONG ancienne de taille moyenne dans le champ des ONG belges (observation 1). Elle œuvre sur le « marché » de la coopération au développement. Selon l’ONG, l’environnement n’est globalement pas menaçant, peu hostile, notamment grâce à la stabilité financière de l’organisation et à sa totale autonomie et indépendance. La campagne Iles de Paix procure en effet à l’organisation assez de fonds propres pour lui permettre de contrôler son environnement (observation 16). De plus, comme pour SOS Faim, les demandes susceptibles d’être adressées aux ONG sont multiples et diverses, ce qui révèle une hétérogénéité certaine du « marché ». Enfin, le métier des ONG se complexifie, les confrontant de plus en plus à la nécessité de recourir à des opérateurs qualifiés pour rassembler les compétences nécessaires et s’insérer dans la vague de professionnalisation, ce qui est signe d’un marché complexe.

Toutes les personnes qui travaillent au sein d’Iles de Paix insistent sur le fait qu’Iles de Paix est exclusivement tournée vers sa mission, les buts de mission y sont prédominants (observation 14). En effet, ceux-ci sont d’abord à la base de la création de l’association, ce sont également eux qui commandent les décisions importantes ou inspirent les discours de l’ONG. Par ailleurs, les buts de mission participent également à la réalisation de certains buts de système comme la récolte de fonds ou le recrutement de profils compétents. D’autres objectifs sont également poursuivis (observation 15), mais au service de la mission uniquement, tels que la survie institutionnelle, la croissance au-delà des zones d’intervention actuelles, la professionnalisation ou l’efficience. L’organisation parvient à gérer l’éventuelle tension qui peut naître entre les buts de mission et les buts de système et le système de buts est tout à fait intégré. Des règles sont édictées pour l’allocation des ressources, allocation qui se fait en fonction des axes stratégiques. Par ailleurs, c’est une volonté explicite de constituer des réserves afin d’assurer la survie institutionnelle, et par conséquent la durabilité des activités.

Le processus de prise de décision tel qu’il est organisé chez Iles de paix permet une grande concertation au sein de toute l’organisation et les équipes permanentes sont très souvent consultées, ce qui facilite l’adhésion des collaborateurs aux décisions. Formellement, les décisions stratégiques reviennent à l’assemblée générale, les décisions managériales sont prises par le conseil d’administration et/ou le secrétaire général (qui n’est pas membre du conseil d’administration) et les décisions opérationnelles sont décentralisées au niveau des départements (responsables et/ou opérateurs) avec référence au secrétaire général.

Au vu de ces observations, de quelle(s) configuration(s) organisationnelles Iles de Paix se

rapproche-t-elle ? L’ONG présente d’abord des caractéristiques de la configuration missionnaire, notamment au niveau de la coordination et surtout des buts prédominants. Par ailleurs, certains traits liés aux caractéristiques du personnel ou de la structure se rapprochent également de la configuration professionnelle. Enfin, contrairement à SOS Faim, Iles de Paix affiche une volonté nette de formalisation, de standardisation, notamment des procédés, ce qui montre un rapprochement avec la configuration bureaucratique. Iles de Paix n’est donc pas une configuration pure mais tend vers une structure professionnelle en processus de formalisation où la culture organisationnelle ainsi que l’attachement aux valeurs et à la mission restent très forts.

Dès lors, l’hypothèse supposant qu’une ONG de développement mêle des caractéristiques de plusieurs configurations est confirmée dans le cas d’Iles de Paix. Il apparaît en effet que l’organisation d’une part se professionnalise, recourant notamment à une main d’œuvre très qualifiée et valorisée pour le contenu de sa formation ; d’autre part, la structure se formalise par la mise en place de mécanismes de coordination qui standardisent les relations, les flux d’informations au sein de

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l’organisation. Cependant, la partie de l’hypothèse qui soutient que la mobilisation idéologique n’est plus le seul ciment dans cette configuration hybride n’est pas vérifiée dans le cas d’Iles de Paix. Même s’il y a certains collaborateurs qui ne se sentent pas entièrement portés par la mission de l’organisation (ceux qui sont qualifiés de « salariés qui effectuent correctement leur travail de salariés » (observation 19)), la majorité du personnel possède toute de même cette flamme, ils sont animés par la mission et adhèrent complètement aux valeurs de l’organisation. La mobilisation idéologique joue donc encore ce rôle de ciment et amoindrit l’éventuelle tension qui peut naître entre les différents objectifs de l’organisation.

• Seconde hypothèse : la structure d’objectifs

La seconde hypothèse de travail soutient que les ONG de développement présentent une structure particulière d’objectifs qui peut se caractériser par une tension entre des objectifs sociaux d’un côté, et des objectifs économiques de l’autre. Dans le cas d’Iles de Paix, cette hypothèse ne se vérifie pas. En interrogeant les collaborateurs sur l’existence ou non d’une tension entre des impératifs d’accomplissement de la mission et des impératifs de viabilité organisationnelle, ceux-ci me répondaient que ces objectifs étaient poursuivis de manière simultanée par l’organisation mais qu’ils n’entraient d’aucune manière en conflit. Cette tension a en effet été complètement assimilée par l’organisation du fait de circonstances particulières ou de l’adoption de pratiques ou de mécanismes divers.

D’abord, les instances de l’organisation ont adopté une attitude très proactive vis-à-vis de la survie institutionnelle, considérée comme essentielle pour pérenniser les activités de l’organisation sur le terrain. Ainsi, l’organisation met en réserve de quoi assurer la poursuite des projets pour une période déterminée en cas de souci. Par ailleurs, l’ONG présente une situation financière tout à fait stable, ce qui la confronte moins à des impératifs financiers de court terme. De plus, l’ONG dispose d’une totale autonomie et indépendance, notamment financière, ce qui lui permet sans aucune contrainte d’orienter ses projets en fonction des réalités de terrain et des axes stratégiques définis par l’organisation. Iles de Paix dispose dès lors de davantage de latitude pour gérer cette tension.

A nouveau, le fait que cette hypothèse ne se vérifie pas dans le cas d’Iles de Paix ne remet pas en cause l’existence de cette tension dans des structures peut-être plus petites, moins rôdées, disposant de moins de ressources et présentant une plus grande instabilité au niveau de leurs financements par exemple.

• Troisième hypothèse : les contextes de travail Nord et Sud

La troisième hypothèse s’attache à l’influence des contextes de travail des équipes au Nord et au Sud sur les pratiques de gestion. Elle soutient que la coexistence entre ces différentes logiques est perçue de manière différente selon que l’on opère au Nord ou au Sud du fait des pressions qui pèsent plus lourdement sur l’une ou l’autre structure.

Dans le cas d’Iles de paix, il est vrai que certaines pressions se ressentent plus ou moins selon que l’opérateur travaille au siège ou dans une représentation locale (observation 13). Dans les représentations locales, une série de pressions peuvent favoriser ou entraver le déroulement des projets, pressions vécues de manière très différente par l’équipe au siège. Par exemple, la pression familiale ou sociale peut influencer la prise de décision, les opérateurs sont quotidiennement en prise avec les réalités du terrain ou confrontés aux pressions des communautés locales. Par ailleurs, le siège opère lui aussi une certaine pression pour pousser les équipes locales à un degré d’exigence élevé, notamment dans les aspects financiers, comptables et administratifs, pression auxquelles les équipes locales ne sont peut-être pas habituées. De plus, bien que très sensibles au travail conséquent fourni

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par le service « Campagne », les représentations locales ressentent beaucoup moins la pression de la recherche de financements étant donné que ce volet est entièrement assumé par l’équipe au siège.

Au siège par contre, l’équipe est en première ligne par rapport à la recherche de financements. Cette préoccupation, et le souci de répondre au niveau d’exigences des donateurs (le public) et des quelques bailleurs, sont donc quotidiens. Par contre, l’équipe est moins confrontée directement aux réalités de terrain et aux pressions des bénéficiaires.

Il apparaît dès lors clairement que les pressions qui s’exercent ne sont pas les mêmes dans un contexte Nord ou dans un contexte Sud, chaque équipe étant plus ou moins proches de préoccupations projet ou de préoccupations institutionnelles. Cependant, l’hypothèse selon laquelle d’une part le risque de détournement de la mission est plus fort au Nord, d’autre part la tension entre mission et viabilité peut se cristalliser entre l’équipe Nord et les équipes Sud ne se vérifie pas chez Iles de Paix. Premièrement, l’équipe du siège est très fort sensibilisée à ce qui se passe sur le terrain et dans les représentations locales via des contacts quotidiens par mail ou par téléphone et des missions fréquentes. Elle se tient ainsi au courant du déroulement des projets et des difficultés rencontrées. L’équipe au Nord n’est donc pas complètement déconnectée des réalités de terrain et des aspects projet, et elle porte complètement l’objectif d’accomplissement de la mission. Deuxièmement, les équipes locales et les communautés locales sont quant à elles fort sensibilisées au travail de récolte de fonds entrepris par le service « Campagnes ». Cette sensibilisation a lieu d’une part lors des visites des représentants des antennes locales au siège, d’autre part lors des voyages de bénévoles sur le terrain par exemple.

• Quatrième hypothèse : les acteurs

La quatrième hypothèse concerne les individus. Elle suppose que chaque acteur, porté par des dimensions propres, perçoit différemment la tension entre mission et viabilité et l’assimile différemment, ce qui peut influencer son comportement.

Les équipes permanentes d’Iles de Paix sont constituées de personnes salariées, que ce soit en Belgique ou sur le terrain. Ces individus présentent des profils très différents, en termes de formation (ce qui leur donne un regard spécifique sur chaque situation), de compétences ou d’expérience professionnelle. Une grande partie des collaborateurs cependant a un passé (voire un présent) soit dans la coopération au développement, soit plus largement dans le secteur associatif, en tant que salariés ou en tant que bénévoles. Même si certains ont relevé le fait que les personnes aujourd’hui ne sont plus aussi militantes qu’avant, la majorité des collaborateurs d’Iles de Paix peuvent tout de même être qualifiées de personnes engagées. Une partie des collaborateurs, dont certains se trouvent à des endroits stratégiques en termes de décision par exemple, ont également des expériences professionnelles plus ou moins longues dans le secteur privé. Ceux-ci ont dès lors amené au sein de l’organisation un bagage, une expérience fortement orientée « gestion ».

A nouveau, cette hypothèse ne peut être formellement infirmée ou confirmée. Les entretiens menés avec les collaborateurs d’Iles de Paix ne m’ont pas permis de dégager les dimensions propres de chacun. Il aurait fallu procéder par récit de vie, s’attarder sur la trajectoire de chacun pour déterminer si en tant qu’individu et en fonction de la manière dont chaque collaborateur perçoit les objectifs de l’organisation, celui-ci a une influence ou non sur la structure ou les pratiques en place. Cette hypothèse me semble toutefois plausible dans la mesure où il est possible, par exemple, de mettre en évidence de nettes évolutions en termes de structure et de pratiques de GRH survenues après le changement de direction il y a une dizaine d’années.

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• Cinquième hypothèse : la conception du développement

La dernière hypothèse suppose que la conception du développement et les valeurs que l’ONG associe à une démarche de développement peuvent avoir une incidence sur la structure et les pratiques de gestion des ressources humaines en place dans l’organisation. Dans le cas d’Iles de Paix, les valeurs associées à un processus de développement sont les suivantes : partenariat, professionnalisme, respect de la personne et de ses aspirations, respect de la culture locale, dialogue, respect mutuel, accompagnement, appropriation par les communautés locales.

A priori, cette hypothèse semble confirmée dans le sens où l’organisation met effectivement en place des pratiques de gestion respectueuses de la personne, qui laisse une grande latitude aux opérateurs afin que ceux-ci puissent réellement s’approprier leur travail, etc.. Néanmoins, elle nécessiterait d’être encore creusée en se penchant davantage sur la logique d’intervention d’Iles de Paix dans le Sud pour mettre en évidence les liens entre les modalités d’action au Sud et les pratiques de gestion de la structure. Cet exercice contribuerait, à mon sens, à mettre en évidence les spécificités des ONG de développement dont il faut tenir compte lorsque l’on s’interroge sur leurs pratiques de gestion.

• Synthèse : le modèle de gestion des ressources humaines

Les différentes hypothèses de travail traitées de manière systématique, je propose de mettre en évidence le modèle de GRH en place dans l’organisation sur base des observations, pour ensuite dégager des cohérences avec les configurations organisationnelles et voir dans quelle mesure les autres facteurs influencent ou non les pratiques de gestion des ressources humaines.

Iles de Paix ne dispose pas encore de politique de GRH formalisée dans tous ses aspects mais

elle s’impose petit à petit pour répondre aux attentes des collaborateurs (observation 18). L’organisation a ainsi entamé une série de chantiers : uniformisation de la politique salariale, mise à niveau de l’organigramme avec descriptifs de fonctions et possibilité de formaliser des entretiens d’évaluation. Les personnes impliquées dans les aspects « ressources humaines » sont : le conseil d’administration pour la définition de la politique de GRH, le service administration et finances (ainsi qu’un secrétariat social) pour les aspects financiers et administratifs et chaque responsable de département avec référence au secrétaire général pour la gestion proprement dite (observation 18).

Les profils des personnes sont très divers. Les salariés qui composent l’équipe permanente présente une forte diversité en termes de formations et d’expériences professionnelles, mais beaucoup possèdent tout de même une expérience dans la coopération au développement, ou le secteur associatif de manière plus large, soit en tant que salarié, soit en tant que bénévole (observation 19). L’organisation s’adjoint également l’aide de bénévoles pour différentes tâches : deux bénévoles sont impliqués dans la gestion quotidienne, un groupe de bénévoles travaille en collaboration avec le service éducation au développement, un réseau plus large de bénévoles s’occupe de la coordination de la campagne au niveau régional, enfin des milliers de bénévoles se mobilisent lors du week-end de la campagne pour la récolte de fonds (observation 20).

Pour le recrutement et la sélection du personnel, la procédure est similaire dans la plupart des cas bien qu’elle ne soit pas formellement écrite (observation 23). Iles de Paix reconnaît que l’idéal est d’engager des personnes avec un profil hybride (compétences et engagement). Etant donné que cela ne s’avère pas toujours facile, l’ONG considère que, selon la fonction, l’une ou l’autre dimension est prédominante (et un collaborateur engagé peut toujours acquérir la flamme en baignant dans

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l’organisation). Le processus de sélection reste cependant fort axé sur l’identification à la mission. La procédure de recrutement est une procédure décentralisée avec référence au secrétaire général. Différents canaux sont utilisés pour le recrutement : le réseau relationnel, le bouche-à-oreille, le site ACODEV, la presse, etc. L’organisation ne possède actuellement pas de définitions précises de tous les postes existants dans Iles de Paix mais ce processus de formalisation est en chantier afin d’arriver à une uniformisation des profils de fonction, tant en Belgique que dans les représentations locales.

Les départs, volontaires ou non, sont gérés au cas par cas (observation 24). Les motifs de départ sont divers. Particulièrement, les raisons des licenciements sont également multiples : incompétence, décalage entre les valeurs de l’organisation et le comportement de la personne, non adéquation avec la fonction. Dans le cas d’un licenciement, l’ONG cherchera toujours une solution pour essayer d’éviter le licenciement si c’est possible. La procédure de licenciement est centralisée aux mains de la direction.

Des éléments sont mis en place pour asseoir la culture organisationnelle (observation 28), qui participe à l’établissement d’un esprit-maison propre à Iles de Paix. Par exemple, les valeurs chères à l’organisation sont reprises dans un charte et celles-ci sont rappelées au personnel, ainsi qu’aux autres parties prenantes, lors de différents évènements (réunion de personnel au Nord, rassemblement de bénévoles, réunion de restitution avec les communautés locales au Sud, etc.). Dans l’ensemble, le personnel adhère complètement aux valeurs de l’organisation et se sent portés par celles-ci. Certains montrent un fort attachement institutionnel pour l’ONG. A ce sujet, le travail d’uniformisation des pratiques au sein de toute l’organisation, représentations comprises, a également pour objectif de renforcer l’attachement institutionnel, le sentiment de se sentir « Iles de Paix », notamment dans les représentations au Sud (observation 19).

Iles de Paix n’a pas de politique structurée en termes de formations (observation 25). Celles-ci sont gérées au cas par cas, sur demande de la personne qui en ressent le besoin. Les formations sont diverses en termes de contenus et de modalités. L’organisation cherchera toujours à privilégier une formation en interne par quelqu’un de l’ONG si le manque peut être comblé par ce biais-là. Dans le cas contraire, la personne est envoyée en formation externe. La plupart des formations visent à développer les connaissances des professionnels.

Il n’y a pas de gestion des carrières du fait du peu de perspectives que l’organisation offre en termes de mobilité ou de promotion (observation 26).

L’évaluation (observation 27) n’a pas encore été formalisée et standardisée dans l’ensemble de l’organisation, mais la possibilité d’arriver à un système structuré qui permette une évaluation des compétences et du savoir-être est envisagée. Actuellement, seuls deux services pratiquent l’évaluation, chacun à sa manière, selon des modalités différentes.

Le système de rémunérations est très clair, cette question est d’ailleurs clarifiée très vite avec le collaborateur : les salaires sont fixés selon des barèmes et il n’y a pas possibilité d’obtenir des incentives sous forme de primes ou d’une augmentation de salaire.

Pour récapituler, la gestion des ressources humaines est encore assez peu formalisée à ce jour mais des chantiers sont en cours en vue d’une uniformisation des pratiques. Celles-ci restent encore flexibles à ce jour, mais la formalisation pourrait engendrer une certaine rigidité à l’avenir. Le modèle de GRH qui découle de ces observations est hybride : Iles de Paix présentent certaines caractéristiques du modèle valoriel dans lequel la fonction de GRH est implicite, peu formalisée et renvoie toujours à l’adhésion aux valeurs, à l’identification à la mission. Par ailleurs, le processus de formalisation en cours semble faire tendre le modèle de GRH vers un modèle objectivant, où la systématisation et l’uniformisation des différentes dimensions de GRH est plus forte, à la différence que les critères

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employés ne seront pas impersonnels mais définis sur base de l’expérience de l’organisation et ancrés dans les contextes culturels spécifiques.

Qu’en est-il dès lors de l’articulation entre configuration et modèle de GRH ? La configuration

missionnaire renvoie en effet à un modèle valoriel, ce qui est le cas pour une partie des pratiques chez Iles de paix. La configuration professionnelle quant à elle renvoie plutôt à un modèle conventionnaliste dans lequel les professionnels ont une grande marge de manœuvre dans la définition et la mise en place des pratiques de GRH. Ce modèle cependant n’apparaît pas dans l’ONG. Enfin, la configuration bureaucratique implique généralement la mise en œuvre d’un modèle objectivant, ce vers quoi Iles de Paix semble se diriger à la différence fondamentale qu’Iles de Paix ne compte pas mettre en place des critères d’objectivation prédéfinis de manière impersonnelle. L’objectif de cette démarche de formalisation est d’harmoniser les pratiques, sans gommer les spécificités locales.

A nouveau, comme dans le cas de SOS Faim, un certain décalage peut être mis en évidence entre d’un côté une hybridation entre trois configurations, missionnaire, professionnelle et bureaucratique ; d’un autre côté, un modèle de gestion des ressources humaines qui combinent des pratiques des modèles valoriel et objectivant, sans intégrer le modèle conventionnaliste. Cependant, l’organisation le reconnaît, elle est en pleine évolution, notamment du fait de nouvelles revendications et de l’agrandissement de l’équipe.

Quant aux autres facteurs qui peuvent avoir une influence sur les pratiques de gestion, qu’en est-il ? Dans le cas d’Iles de Paix, la structure particulière d’objectifs ne se caractérise pas par une tension entre accomplissement de la mission et viabilité de l’organisation. Cette tension est complètement assimilée par l’organisation. De plus, les contextes de travail différents au Nord et au Sud n’impliquent pas fondamentalement des pratiques de gestion différentes du fait des pressions qui pèsent plus lourdement sur les structures selon qu’elles travaillent au Nord ou au Sud. Par ailleurs, les acteurs jouent un rôle dans la construction de la structure et dans la mise en place des pratiques de gestion, cependant cet aspect peut encore être creusé. Enfin, l’hypothèse selon laquelle la conception du développement et les valeurs que l’organisation associe à une démarche de développement peut influencer, au moins implicitement, le choix des pratiques ne peut être confirmée formellement.

Ces deux études de cas constituent dès lors la partie pratique de ce mémoire, la mise à l’épreuve

des faits. Sans revenir sur chaque hypothèse développée ci-dessus, il apparaît que le modèle d’analyse élaboré sur base de la revue de littérature n’est ni entièrement infirmé, ni entièrement confirmé. Certains relations hypothétiques sont à nuancer, voire encore à creuser. Il est clair cependant que les résultats obtenus sont liés aux deux organisations choisies pour l’étude de cas et qu’il est impensable de généraliser ces résultats au secteur des ONG de développement. Je propose dès lors dans le chapitre suivant de discuter ces résultats en regard du contexte organisationnel dans lequel ils ont été mis en évidence.

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CONCLUSIONS

Discussion des résultats et apprentissages

Chapitre 5 – La discussion des résultats

Chapitre 6 – La conclusion générale

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CHAPITRE 5

LA DISCUSSION DES RÉSULTATS

Le chapitre précédent présentait les études de cas réalisées afin de tester le modèle d’analyse

élaboré sur base des hypothèses de travail. Comme signalé dans le chapitre méthodologique, ce modèle peut en effet s’appliquer a priori à n’importe quelle ONG de développement, il a donc fallu opérer un choix afin de confronter le modèle à une réalité observable.

Ainsi, il a été décidé de s’attarder sur deux études de cas, SOS Faim et Iles de Paix. Cependant, alors que ce mémoire a plusieurs fois souligné la grande diversité des ONG de développement, il apparaît clairement que restreindre l’analyse à deux entités implique d’une part une réduction de la prétention représentative, d’autre part le fait que les résultats obtenus sont liés aux organisations choisies. Ce chapitre propose dès lors de discuter les résultats à la lumière des caractéristiques des ONG étudiées afin de les relativiser, de les mettre en perspective, de les confronter au contexte de cette recherche, pour ensuite tenter de dégager les grands traits d’une nouvelle configuration organisationnelle associée à un modèle de gestion des ressources humaines plus appropriée aux réalités des ONG de développement.

Commençons par mettre en évidence quelques caractéristiques des ONG de développement

étudiées qui peuvent expliquer en partie les résultats obtenus. Tout d’abord, il convient de souligner que les deux entités choisies, chacune dans sa propre

mesure, ne sont pas réticentes à l’introduction de pratiques de gestion au sein de la structure et qu’elles ont accepté la nécessité d’un processus de professionnalisation. Ces organisations ont toutes deux été proactives pour l’introduction d’outils de gestion performants, notamment en termes de suivi financier. Les pratiques de gestion introduites viennent généralement de l’expérience de l’ONG, de son histoire, de l’expérience personnelle ou professionnelle de ses membres, du bon sens ou sont empruntées au secteur privé. Le professionnalisme, la rigueur, la transparence faisant partie du système valoriel de ces deux ONG, celles-ci ont dépassé cette vision qui veut que ce qui émane du secteur privé va à l’encontre des objectifs militants de l’ONG de développement.

Abordant le processus de professionnalisation, il est intéressant de noter également que l’un des axes d’action des deux ONG étudiées consiste dans le renforcement des compétences et capacités, notamment en gestion, de leurs partenaires au Sud ainsi que dans la professionnalisation des structures. La professionnalisation se pose dès lors dans ces ONG comme une nécessité, un axe de travail, voire un « devoir » par rapport à leur logique d’action.

Par ailleurs, les deux ONG choisies ont déjà une longue expérience dans la coopération au développement, elles ont une bonne « assise » dans le paysage des ONG belges. Ce sont des organisations d’une certaine taille et relativement stable d’un point de vue financier notamment. Contrairement à toute une série de petites ONG belges qui se posent chaque jour la question du lendemain, Iles de Paix et SOS Faim peuvent davantage se concentrer sur leurs activités. Je pense que ces deux ONG ont déjà pu consolider leur structure, ce qui leur permet d’envisager l’avenir plus sereinement. Dès lors, cette tension entre accomplissement de la mission et viabilité organisationnelle est mieux assimilée au sein de la structure.

De plus, bien que les deux ONG se soient adjointes les compétences de professionnels, elles ont gardé leur fibre militante, les valeurs traversant la structure de part en part. Les personnes interrogées

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m’ont toutes semblé engagées, portées par la mission, sensibilisées aux valeurs de l’organisation. Chaque ONG possède un esprit-maison bien à elle et on sent très fort cette culture militante, cette culture d’engagement. L’idéologie organisationnelle joue encore très fort son rôle de ciment, de moteur de l’implication, et surtout elle permet sans cesse de re-centrer les activités autour de la mission pour que le projet devienne ou re-devienne l’élément fédérateur qui rassemble, « le principe universellement supérieur, capable de transcender l’hétérogénéité des attentes. » (Valéau, 2003, p. 20)

Du reste, Iles de Paix et SOS Faim, malgré leur évolution restent des structures à taille humaine et qui travaillent à échelle humaine. Le climat de travail de ces organisations, tant au Nord qu’au Sud reste informel, respectueux des avis de chacun et propice à la concertation, à l’échange de points de vue, à des discussions riches. Ces caractéristiques confèrent aux deux ONG la flexibilité, la souplesse nécessaire pour réagir dans un contexte évolutif.

En outre, dans l’articulation entre la structure Nord (siège) et les représentations locales, ces deux ONG présentent certainement l’avantage d’être implantée depuis un certain nombre d’années maintenant, et surtout d’avoir à la tête des représentations locales des personnes de confiance qui connaissent bien la « maison », que ce soit pour Iles de Paix ou SOS Faim. Cet élément rend le dialogue plus facile et la compréhension des contextes de travail de l’un et de l’autre plus aisée.

Enfin, les deux ONG étudiées sont des organisations qui fonctionnent bien, qui montrent des résultats positifs, qui proposent une démarche intéressante axée sur la participation et qui reçoit l’approbation d’acteurs du Sud pour sa flexibilité notamment. L’une des forces dans le travail effectué par ces deux ONG réside dans les « personnes », dans les partenaires du Sud, qui par leur optimisme, leur détermination, leur volonté d’avancer et de se prendre en main poussent les ONG à questionner leurs pratiques pour un appui toujours plus professionnel et adéquat.

Dans ce contexte favorable marqué par ces diverses spécificités, il est certainement plus facile de gérer une éventuelle tension entre accomplissement de la mission et viabilité organisationnelle, ce qui explique en partie pourquoi le modèle d’analyse n’est pas complètement vérifié.

Forts des résultats obtenus dans la partie précédente et gardant en tête les spécificités des ONG

étudiées énoncées ci-dessus, voyons dans quelle mesure il est possible de synthétiser les résultats afin de dégager une nouvelle configuration organisationnelle qui intègre un modèle de gestion des ressources humaines cohérent par rapport aux nouvelles dimensions structurelles introduites et aux autres facteurs d’influence.

Les deux ONG étudiées ont montré qu’elles ne peuvent être caractérisée par une configuration pure, ce qui reflète leur complexité, et notamment l’hétérogénéité des logiques qui les animent. Particulièrement, il a été souligné que ces deux ONG présentent notamment des éléments de la configuration missionnaire et de la configuration professionnelle23, ce qui à mon sens fait montre de l’évolution de ces organisations vers une structure plus professionnelle. En effet, la configuration missionnaire, bien qu’elle soit encore d’actualité, correspond tout à fait au modèle de gestion tel qu’il était en place il y a une dizaine d’années dans ces deux organisations, modèle caractérisé par une forme centralisée dans le chef du directeur, une importance nette des valeurs pour guider le travail, une organisation de petite taille et très informelle. Aujourd’hui, une autre configuration prend toute son importance, c’est la configuration professionnelle, notamment du fait de l’évolution du personnel et du renforcement des compétences. A mon sens, les ONG de développement sont aujourd’hui poussées vers une configuration hybride qui allie professionnalisme et valeurs. Toutefois cette hybridation a lieu 23 Je n’aborde pas dans cette section le fait que l’une des ONG étudiées présente également des caractéristiques de la configuration bureaucratique étant donné que cela ne s’applique qu’à une des organisations et que ce n’est pas la configuration dominante dans cette ONG.

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sans que l’organisation ne glisse complètement vers la configuration professionnelle étant donné qu’à mon sens, il y aura toujours des garde-fous (donateurs, grand public, bénéficiaires) pour s’assurer que la mission et le capital valoriel restent au centre de l’organisation.

Néanmoins, au vu des résultats, il semble que le modèle de gestion des ressources humaines n’ait pas suivi cette évolution vers une configuration hybride missionnaire et professionnelle. Le modèle de GRH paraît en décalage avec des ressources humaines qui présentent des profils caractérisés par l’engagement et les compétences et qui en tant que professionnels peuvent également montrer des revendications quant à leur métier, à leur travail. En effet, des dimensions comme la formation ou l’évaluation par exemple sont peu institutionnalisées dans les ONG étudiées. Les résultats soulignent que les ONG étudiées soignent particulièrement la sélection des nouveaux collaborateurs, veillant dans la mesure du possible à engager des personnes compétentes qui sont portées par la mission, ainsi que la culture organisationnelle afin de susciter l’adhésion aux valeurs et l’identification à la mission. Selon moi, les deux autres dimensions à privilégier et à institutionnaliser (ce qui ne signifie pas formaliser dans des cadres rigides) sont la formation et l’évaluation. Les autres dimensions sont en effet soit appropriées telles qu’elles se passent actuellement (par exemple la gestion des entrées et départs des effectifs, l’intégration), soit elles sont plus difficiles à systématiser dans le cas des ONG de développement (par exemple, un système de promotion).

Finalement, étant donné que les ONG de développement évoluent vers une configuration hybride qui mêle des caractéristiques missionnaires et professionnelles, elles se doivent d’adopter un modèle de gestion des ressources humaines plus ou moins formalisé selon l’histoire de l’organisation, son expérience, sa structure propre, sa logique d’intervention afin de prendre également en considération d’autres attentes des ressources humaines professionnelles par rapport à leur travail ou à leur évolution professionnelle personnelle, tout en gardant la mission et l’adhésion aux valeurs comme principe fédérateur.

Pour terminer, je propose quelques réflexions ou questions par rapport à cette question de la

tension entre viabilité organisationnelle et mission, et de son influence sur les pratiques de gestion. Il convient de souligner que les variables structurelles sont le fruit d’une expérience, d’un vécu,

d’une construction par les acteurs au fil du temps. Dès lors, face à la particularité de chaque organisation, dans ce cas-ci de chaque ONG de développement, un élément qui à mon sens peut aider dans la gestion de cette tension entre logiques différentes, voire divergentes, est la définition au préalable d’une vision stratégique à moyen, voire long terme, qui pose a priori les arbitrages à faire et fasse état de lignes directrices d’action. Cette vision stratégique peut en effet guider des choix difficiles et clarifier certaines situations problématiques.

Finalement, la nécessité d’adopter une logique institutionnelle pour pérenniser les activités de l’organisation ne peut être mise en doute. Mais il est du devoir des ONG de veiller à ne pas bureaucratiser à outrance, rigidifier excessivement les structures au risque de perdre de leur flexibilité, de leur souplesse, de leur réactivité qui les caractérisent.

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CHAPITRE 6

CONCLUSION GÉNÉRALE

J. Defourny (2006b) concluait l’an dernier un colloque sur la gestion des ressources humaines en

économie sociale en soulignant que le tiers-secteur « a mis le temps pour « ouvrir » les organisations : la poursuite des valeurs a été tellement dominante que les autres pratiques ont longtemps convergé vers une rationalité en valeurs ». Aujourd’hui, la professionnalisation des ONG de développement est une réalité, bien qu’elle cherche encore ses marques, et une nécessité. S’il faut reconnaître la difficulté de professionnaliser des aspects humains dans un contexte spécifique profondément ancré dans des valeurs, « il n’est pas surprenant que la professionnalisation des associations constitue, pour elles, un processus lourd d’implications économiques et managériales : qu’il s’agisse de se convertir aux rigueurs de la gestion formalisée des ressources ou d’adapter l’organisation interne à la bonne gouvernance des relations de travail. » (Vedelago, Valéau et Quéinnec, 2004, p. 129) Il convient cependant de rappeler que la gestion des ressources humaines est aussi un moyen au service de la réalisation des objectifs de l’organisation.

La professionnalisation est un processus évolutif, une période de changement qui permet « d’économiser des ressources pour aider mieux, ou aider plus » (Quéinnec et Haddad, 2004, p. 209). Il devient donc urgent de dépasser cette vision manichéenne qui veut que la professionnalisation soit assimilée à un processus néfaste, défavorable, préjudiciable, tandis que le militantisme est associé à la sauvegarde des valeurs. La professionnalisation est actuellement une réalité, et sa gestion doit se faire de manière réfléchie afin de conserver le caractère hybride des ONG de développement et de ne pas s’éloigner des valeurs qui l’animent. Face à ce défi, la posture à adopter se doit d’être réflexive et d’ouvrir le dialogue au sein de l’organisation. D’autant plus que toutes sortes de résistances peuvent s’exprimer explicitement ou implicitement à l’encontre de cette période de transition. Les attitudes à adopter sont alors multiples, mais insuffler une culture de changement et s’assurer de la participation et de l’adhésion des membres sont quelques nécessités pour aider à gérer cette transition au mieux.

Finalement, ce qui réconcilie professionnalisme et militantisme, accomplissement de la mission et viabilité organisationnelle, c’est la responsabilité et le service : « Dès lors que les uns et les autres [les professionnels et les militants] ont solidairement conscience de délivrer un service à des personnes en situation de besoin, leur responsabilité envers lesdites personnes est tout aussi solidairement engagée. » (Vedelago, Valéau et Quéinnec, 2004, p. 136)

Dans ce contexte, le travail à réaliser en termes de gestion des ressources humaines est encore

immense pour mettre en évidence les pratiques dans le secteur. Il a été souligné à maintes reprises la diversité des ONG de développement, notamment en termes de taille, de structure d’organisation ou de fonctionnement. Ce mémoire-recherche ne pouvait donc prétendre à vocation représentative dans un champ organisationnel aussi vaste. Par conséquent, le fait que les organisations étudiées, SOS Faim et Iles de Paix, ne cadrent pas complètement avec le modèle d’analyse ne remet pas en cause, à mon sens, son applicabilité dans d’autres ONG de développement présentant des structures peut-être plus petites, moins rôdées, disposant de moins de ressources et présentant une plus grande instabilité au niveau de leurs financements par exemple. Cependant, si ce mémoire ne pouvait amener à une généralisation des résultats, il a cependant le mérite d’avoir mis en évidence des pratiques de gestion dans deux ONG, et surtout d’avoir structuré ces observations et la réflexion quant à la structure

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d’organisation, aux pratiques de gestion des ressources humaines et à l’articulation entre structure et modèle de GRH dans un cadre théorique connu.

Toutefois, la réflexion peut se poursuivre afin d’éclairer encore cette problématique, tant d’un

point de vue méthodologique pour donner une capacité de lecture plus fine des ONG de développement, que d’un point de vue de la recherche afin d’apporter d’autres opinions, d’autres regards pour soulever de nouvelles questions et éclairer cette problématique.

Au niveau de la méthodologie d’abord, des focus group ou ateliers collectifs avec des représentants de plusieurs ONG pourraient par exemple être organisés afin d’augmenter la diversité et confronter différents points de vue. Une enquête statistique du même ordre que celle d’ACODEV pourrait également être menée dans un objectif de systématisation des informations récoltées et de mise en évidence de relations entre différentes variables (structurelles, contextuelles, etc.). Ce travail pourrait notamment servir de base à un débat sur les pratiques de GRH dans le secteur ou à une évaluation de ces pratiques.

Par ailleurs, la réflexion peut se poursuivre en formulant quelques pistes de recherche dans le cadre de la problématique du management, et particulièrement de la gestion des ressources humaines des ONG de développement, pistes qui peuvent apporter un autre regard sur la problématique. P. Ryfman souligne à juste titre que « la recherche sur le milieu des ONG se heurte à divers obstacles. Ils tiennent bien sûr à des objectifs spécifiques différents pour les chercheurs de ceux poursuivis par les associations, ainsi qu’aux craintes, plus ou moins fantasmées, que suscitent les discours des premiers, trop vite taxés de théorisations déconnectées des réalités de terrain. Pourtant, les ONG ne devraient pas redouter de devenir objets de recherche. » (2004, p. 80). Et j’ajoute que la tâche des chercheurs est encore vaste pour fournir aux dirigeants des ONG et à leurs équipes un cadre de réflexion et d’action qui leur procure une certaine méthodologie et les encadre dans le processus de professionnalisation et dans leurs questionnements quant à la GRH. Cependant, afin que les théorisations ne soient pas déconnectées des réalités du terrain, elles doivent s’effectuer en étroite collaboration avec les praticiens et les personnes de terrain.

Les champs de recherche à explorer concernent entre autres la gestion, la sociologie des organisations, la (psycho-)sociologie, l’économie, afin d’analyser et de théoriser les pratiques et le fonctionnement des ONG de développement. Quelques questions à explorer sont par exemple : Les théories des organisations développées dans le cadre du secteur public ou privé classique s’appliquent-elles au cas des ONG de développement ? Quelles structures d’organisations prédominent et quelle est leur efficacité ? A l’heure de la professionnalisation, quels sont les moteurs d’implication des salariés et des bénévoles ? Comment les caractéristiques spécifiques des ONG de développement influencent leurs pratiques de gestion en général (gestion des ressources humaines, mais aussi gestion financière, marketing, gouvernance, etc.) ? Quelle est l’influence de la multiplicité des stakeholders dans la gestion de la tension entre mission et viabilité organisationnelle ? Quel est le rôle de chaque acteur dans la gestion de cette tension selon son expérience personnelle ? Voilà quelques questions non exhaustives qui peuvent ouvrir le champ de recherche et qui témoignent de l’ampleur de la tâche.

Et je laisse le mot de la fin à E. Quéinnec et L. Haddad qui dépeignent les enjeux de la professionnalisation : « Concilier profession et engagement militant, verticalité et transversalité, rationalité procédurale et interpersonnalité, agenda rigoureux et improvisation décisionnelle, organisation formelle et audace stratégique, telle est donc, en substance, la teneur du défi associatif. Celui-ci se nourrit d’une gestion des dilemmes, génératrice d’une ambiguïté considérable. » (2004, p. 195)

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GLOSSAIRE

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GLOSSAIRE

• Bénévolat : La différence entre volontariat et bénévolat est ténue. D’aucuns considèrent que

l’élément qui fait la différence entre le bénévole et le volontaire est la possibilité pour le volontaire d’être indemnisé ou défrayé. Cependant, cette opinion n’est pas partagée par tous et la loi du 3 juillet 2005 relative aux droits des volontaires « désigne dorénavant par un seul et même vocable, celui de volontaire, des personnes anciennement qualifiées de bénévoles ou de volontaires, du moment qu’elles réunissent les caractéristiques fixées par ses différentes dispositions. » (Henkinbrant, 2007, p. 57)

• Coopérant : Aujourd’hui, la loi belge confère un statut assorti de droits et de devoirs au « coopérant

ONG ». Certaines conditions doivent en effet être remplies pour pouvoir partir comme coopérant et le respect de ces conditions octroie certains avantages au coopérant lié à ce statut. (Belgique, DGCD, p. 26)

• Economie sociale : L’économie sociale est une dénomination du troisième secteur. Elle regroupe

les activités économiques exercées par des sociétés, principalement coopératives, des mutualités et des associations dont l’éthique se traduit par les principes suivants : (i) finalité de service aux membres ou à la collectivité plutôt que de profit ; (ii) autonomie de gestion ; (iii) processus de décision démocratique ; (iv) et primauté des personnes et du travail sur le capital dans la répartition des revenus. » (Defourny et Develtere, 1999, p. 38)

• Organisation non gouvernementale : Le terme « organisation non gouvernementale » s’avère

difficile à définir du fait de la diversité des organisations qu’il englobe. Cependant, alors que peu de législations nationales n’accordent une reconnaissance spécifique aux ONG, la Belgique fait partie des quelques pays ayant légiféré à ce propos et confère à ces organisations un statut sous forme d’un agrément renouvelable. Les conditions à remplir pour obtenir cet agrément sont les suivantes :

� être constituée, conformément à la loi du 27 juin 1921 modifiée en 2002 sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations, soit en association sans but lucratif, soit en établissement d’utilité publique, soit en société à finalité sociale ;

� avoir comme principal objet social la coopération au développement ; � avoir une expérience pertinente et actuelle dans le domaine ; � avoir une approche planifiée ; � être autonome ; � être à même d’assurer la continuité de son fonctionnement ; � avoir une majorité des membres des organes de direction qui soient de nationalité belge ; � mener des activités conformes aux objectifs de la coopération internationale belge ; � gérer une comptabilité transparente.

• Secteur non-marchand : Selon une approche théorique, le secteur non marchand peut être

appréhendé à partir de deux critères : le critère de la « finalité », c’est-à-dire à but de lucre ou non, et le critère des « ressources » (marchandes, non marchandes ou mixtes). Le secteur non marchand regroupe alors les organisations à but non lucratif employant des ressources

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exclusivement non marchandes ou mixtes (marchandes et non marchandes). Pratiquement, les organisations appartenant au secteur sont les ASBL, les associations de fait, les fondations, les mutuelles, les services publics et les entreprises publiques. Au sens large, le secteur non marchand concerne toute branche d’activité ; au sens restreint, l’Administration publique et les activités soumises au marché en sont exclues. (Defourny, 2006a)

• Stakeholders : Individus ou groupes d’individus qui dépendent de l’organisation pour remplir leurs

propres objectifs et dont l’organisation, à son tour, dépend. (Johnson et Scholes, 2002, p. 206). Ce terme, traduit par « parties prenantes » en français, fait donc référence, au sens le plus large, à l’ensemble des individus susceptibles d’être affectés ou d’affecter les activités de l’organisation.

• Tiers-secteur : Le terme « tiers-secteur » est la dénomination la plus largement acceptée au

niveau international pour désigner les initiatives ou activités qui ne relèvent ni du secteur public, ni du secteur privé. Cette notion fait donc référence à un ensemble diversifié d’organisations se trouvant entre le marché et l’Etat, et qui ne sont strictement ni des organisations publiques ou parapubliques, ni des entreprises privées ayant comme finalité première la recherche de profit.

• Volontariat : Le volontariat tel que défini dans la loi du 3 juillet 2005 relative aux droits des

volontaires (article 3) concerne toute activité : (i) qui est exercée sans rétribution, ni obligation ; (ii) qui est exercée au profit d’une ou plusieurs personnes autres que celle qui exerce l’activité, d’un groupe ou d’une organisation ou encore de la collectivité dans son ensemble ; (iii) qui est organisée par une organisation autre que le cadre familial ou privé de celui qui exerce l’activité ; (iv) et qui n’est pas exercée par la même personne et pour la même organisation dans le cadre d’un contrat de travail, d’un contrat de services ou d’une désignation statutaire » (Henkinbrant, 2007, p. 60)

85

BIBLIOGRAPHIE

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LA BIBLIOGRAPHIE

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90

Annexe A – Les défis des ONG de développement

Annexe B – La synthèse des configurations de J. Nizet et F. Pichault

Annexe C – La synthèse des modèles de GRH de J. Nizet et F. Pichault

Annexe D – La grille de lecture contingente pour la GRH de J. Nizet et F. Pichault

Annexe E – Le programme des entretiens et rencontres avec « SOS Faim »

Annexe F – Le programme des entretiens et rencontres avec « Iles de Paix »

Annexe G – Le guide d’entretien « Belgique »

Annexe H – El cuestionario « SOS Faim – America del Sur »

Annexe I - El cuestionario « Islas de Paz – America del Sur »

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LES ANNEXES

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ANNEXE A – LES DEFIS DES ONG DE DEVELOPPEMENT

Challenges Bases du problème Implications pour le secteur

Internes

Amateurisme Le personnel est mobilisé par des valeurs et des croyances. Les activités demandent des compétences techniques. Organisation, besoins managériaux.

Ressources humaines peu compétentes. Capacité organisationnelle limitée. Impact et efficience opérationnelle limités

Focus restreint Les ONG se concentrent sur un groupe ou une problématique. Le cadre valoriel polarise les différences. Tendance à stéréotyper les étrangers au projet.

Aveugles à un contexte plus large. Difficulté à se développer au-delà d’un concept initial. Travaux, projets croisés limités.

Rareté matérielle Les ressources sont mobilisées par les valeurs. Les bénéficiaires ont peu de ressources. D’autres secteurs ont plus de ressources. La dépendance envers les donateurs réduit l’autonomie.

Les services volontaires limitent la capacité. Programmes difficiles à augmenter. Les bénéficiaires pauvres restent dépendants.

Fragmentation Diversité des valeurs, des objectifs, des stratégies. Concurrence pour des ressources rares. Stéréotypie idéologique des autres.

Aveugles à des intérêts partagés. Peu d’influence mutuelle ou de synergie. Petite voix sur des problèmes à large échelle.

Paternalisme Les dirigeants contrôlent les ressources clés. Accent sur des fondateurs charismatiques.

Dépendance envers les dirigeants. Echec pour rendre les membres plus aptes.

Externes

Légitimité publique et responsabilité Le public ne reconnaît pas le secteur. Peu de responsabilité envers les stakeholders. Support légal et culturel limité.

Peu de soutien populaire, critiqués. Peuvent mal utiliser les ressources. Base faible pour des investissements de long terme.

Relations avec les gouvernements Sources et critiques alternatives. Concurrents pour les ressources des donateurs. Sources d’innovation et services.

Stéréotypie et antagonisme. Le succès augmente la sensibilité politique. Les contraintes politiques réduisent les impacts.

Relations avec le monde des affaires Sources alternatives de services. Critiquent les défauts des affaires. Rejettent la coopération comme co-optation.

Stéréotypie et antagonisme. Philanthropie du monde des affaires minimisée. Manque d’alliances entre secteurs.

Relations internationales Ressources et modèles étrangers. Des priorités étrangères façonnent l’action.

Questions sur l’identité et l’autonomie des ONG. Fuite des cerveaux vers les ONG internationales.

(Source : Brown et Kaleogonkar, 2002, p. 23)

92

ANNEXE B – LA SYNTHÈSE DES CONFIGURATIONS DE J. NIZET ET F. PICHAULT

Configuration entrepreneuriale

Configuration missionnaire

Configuration bureaucratique

Configuration adhocratique

Configuration professionnelle

1. La structure

Division du travail verticale forte ; horizontale

plutôt faible

verticale faible ; horizontale

faible

verticale forte ; horizontale

forte

verticale faible ; horizontale

faible

verticale faible ; horizontale

forte

Coordination du travail

entre opérateurs

supervision directe standardisation des normes,

ajustement mutuel

standardisation des procédés

ou des résultats

ajustement mutuel standardisation des

qualifications

Qualification des

opérateurs

faible généralement élevée ;

importance du niveau plus

que de la compétence

spécifique

faible élevée élevée, importance

particulière de la compétence

spécifique

Mode de

départementalisation

plutôt par input plutôt par output par input par output à la fois par input et par

output

Taille des départements petite petite grande petite généralement grande

Différenciation verticale faible horizont forte ; verticale faible verticale forte horizontale forte horizontale forte

Liaison entre unités pas de mécanismes reposant

sur la formalisation ; ceux

reposant sur les relations

interpersonnelles et les

représentations peu élaborés

mécanismes reposant sur les

représentations mentales, en

particulier la mobilisation

idéologique

exclusivement des

mécanismes reposant sur la

formalisation : planification

des activités ou contrôle des

performances

mécanismes très développés,

principalement ceux reposant

sur les relations

interpersonnelles : postes de

liaison, groupes de projet,

structure matricielle

essentiellement des

mécanismes reposant sur les

relations interpersonnelles :

postes de liaison et comités

permanents

2. Le contexte

Âge jeune intermédiaire vieille jeune peu spécifique

Taille petite en principe petite grande petite peu spécifique

Technologie peu élaborée, production à

l’unité

peu spécifique moyennement élaborée,

production de masse

très élaborée : notamment en

continu

peu spécifique

Marché instable, simple stable, complexe, peu hostile stable, simple instable, complexe, peut

également être hétérogène

stable, complexe

93

3. Les buts

Mission et/ou système prédominance de buts de

mission qui correspondent

aux préoccupations et valeurs

du directeur ; importance de

la survie

prédominance d’un ou de

plusieurs but(s) de mission

prédominance des buts de

système comme buts

opérants ; les buts de mission

peuvent être officiels : il y a

alors décalage entre buts

officiels et opérants

principalement buts de

mission, mais également buts

d’efficience

différents buts de mission

correspondant aux

préoccupations

professionnelles des

différents groupes

d’opérateurs

Degré d’opérationnalité faible ; il suffit que les buts

soient clairs aux yeux du

directeur

la capacité des buts de

mission à mobiliser les

membres est plus importante

que leur opérationnalité

très élevé généralement intermédiaire la variété des buts des

professionnels se traduit en

buts organisationnels peu

opérationnels

Système de buts relativement intégré, surtout

du point de vue du directeur

très intégré modérément intégré ;

tensions possibles entre buts

de système ou entre certains

buts de système et certains

buts de mission

modérément intégré ;

tensions possibles entre

différents buts de mission, de

même qu’entre les buts de

mission et le but d’efficience

conflictuel : conflits entre les

buts des différentes

catégories de professionnels

4. Le pouvoir

Localisation du pouvoir chez le sommet stratégique,

qui est aussi propriétaire, et

qui contrôle toutes les étapes

des décisions stratégiques,

parfois également des

décisions managériales ou

même opératoires

chez le sommet stratégique et

les analystes de l’idéologie

chez le sommet stratégique et

chez les analystes de la

technostructure

décentralisation des décisions

managériales et opératoires

dans des équipes réunissant

opérateurs, ligne

hiérarchique, technostructure

et logistique ; centralisation

des décisions stratégiques

principalement chez les

professionnels et dans le bas

de la ligne hiérarchique ; le

sommet stratégique exerce

une influence en gérant les

conflits

Attitudes des autres

acteurs

les acteurs autres que le

sommet stratégique sont soit

loyaux, soit non impliqués

les autres acteurs sont loyaux

aux normes et missions

organisationnelles ; mais un

certain pouvoir peut s’exercer

sur des décisions de moindre

importance

les opérateurs sont non

impliqués ; ils interviennent

par le biais des syndicats qui

exercent plus de pouvoir que

dans les autres configurations

les propriétaires sont réduits à

la non-implication et les

associations d’employés sont

soit absentes, soit non

impliquées

les propriétaires sont réduits à

la non-implication et les

associations de travailleurs

sont inexistantes ou non

impliquées (à l’exception des

associations professionnelles)

(Source : Nizet et Pichault, 1995, p. 232-234)

94

ANNEXE C – LA SYNTHÈSE DES MODÈLES DE GRH DE J. NIZET ET F. PICHAULT

Modèle arbitraire Modèle valoriel Modèle objectivant Modèle individualisant Modèle conventionnaliste

Effectifs

(entrées)

Peu de planification, importance

des échos informels et des

recommandations à l’intérieur

de réseaux de connaissances

Processus de sélection axé sur

l’identification à la mission

Planification quantitative, plus

d’importance accordée au

recrutement qu’à la sélection,

faible turnover

Gestion prévisionnelle des

compétences, forte importance

de la sélection, recours à

l’appréciation par stimulation

Accès réglementé ; recrutement

et sélection par les

professionnels, validés en

collège, de façon décentralisée

Effectifs (sorties) Renvois arbitraires Départs volontaires et rejets

pour cause de non-adhésion

aux valeurs (turnover élevé)

Préretraites, licenciements

collectifs, alternatives

négociées dans de conventions

collectives (réduction salariale,

diminution du temps de travail)

Départs volontaires pour mieux

répondre aux aspirations

professionnelles, actions

d’accompagnement

(essaimage, outplacement,

reconversion, …)

Départs très rares, sous la

pression des pairs ou par

décision volontaire

Intégration et

culture

Loyalisme, esprit-maison,

prégnance des cultures

professionnelles

Culte du don de soi, de

l’abandon à la mission, culture-

projet souvent réaffirmée par un

processus d’identification

Respect de l’autorité formelle et

des règles

Culture d’entreprise forte

(culture-projet)

Attachement institutionnel

faible, clivages corporatifs et/ou

disciplinaires, respect du

« projet professionnel »

Formation Centrée sur les savoirs et les

savoir-faire, transmission sur le

tas, faible institutionnalisation,

faible importance dans la

masse salariale, centrée sur le

court terme

Faiblement institutionnalisée

mais cruciale, axée sur les

savoirs et savoir-faire pertinents

pour l’action (efficacité) et sur

l’auto-questionnement des

membres (savoir-être)

Centrée sur les savoirs et

savoir-faire, mode transmissif,

forte institutionnalisation,

importance moyenne dans la

masse salariale, centrée sur le

court terme

Centrée sur le savoir-être, forte

institutionnalisation, alternance

de formes (transmissif, sur le

tas), importance dans la masse

salariale, centrée sur le long

terme, organisation qualifiante

Essentiellement aux mains des

professionnels, qui en

définissent les critères de

légitimité (participation à des

colloques, membership de

sociétés savantes)

Evaluation Base imprécise, mode informel,

intervention dans la vie privée,

critères implicites, effets peu

perceptibles

Fondée sur le dévouement

et/ou le respect de la doctrine,

appréciés à la suite d’une inter-

évaluation tacite et

consensuelle, sans influence

directe sur la promotion

Permanente, fondée sur une

description de fonctions,

recourant à des critères

standardisés (échelle de

notation, incidents critiques

prédéterminés), sans influence

nécessaire sur la promotion

Fondée sur un bilan de

compétences, recours à des

critères négociés au cas par

cas, avec une influence directe

sur la mobilité

Fondée sur la reconnaissance

professionnelle par les pairs,

recourant à des critères dont la

définition est soumise à débats,

sans influence directe sur la

promotion

95

Promotion Arbitraire, peu de possibilités Rare, sur base du loyalisme

affiché mais jamais

automatique, considérée

comme un service rendu,

limitée dans le temps pour

éviter la poursuite d’intérêts

personnels

À l’ancienneté ou sur la base de

concours, avec mise au point

d’une classification de fonctions

Nomination directe au mérite

(liée à l’évaluation), plan de

carrière personnalisé

Sur la base d’élections par les

pairs avec, pour les postes à

responsabilité, un système de

mandats limités dans le temps

afin d’éviter les dérives

autocratiques

Rémunération Salaire à la pièce ou à la tâche

autonome, salaire au temps

aléatoire

Question considérée comme

peu légitime, car motivation

censée résulter de la mission

poursuivie, coexistence

problématique de situations

statutaires diverses

Salaire au temps réglementé ou

salaire au rendement déterminé

a priori

Salaire individualisé avec partie

variable, déterminée a

posteriori, accompagnée

d’incentives (sports, activités

culturelles) et d’une mise à

disposition de divers services

(assurances, conseils)

Salaire négocié à l’entrée, puis

inséré dans un système

barémique, mais autorisation de

rendre des services rémunérés

à l’extérieur

Temps de travail Heures supplémentaires

compensées par des

arrangements informels,

assouplissement travail/temps

libre

Indifférenciation du temps de

travail/temps libre, question

considérée comme peu légitime

par rapport à la poursuite des

valeurs

Uniforme, nette séparation

temps de travail/temps libre

(heures supplémentaires

réglementées), travail posté,

temps partiel « subi », horaire

décalé, conventions collectives

Aménagé (horaires flexibles,

job sharing, retraite à la carte,

congé de formation, pause

carrière, télétravail, semaine

condensée, temps partiel

« choisi »)

Totalement hors contrôle

institutionnel, possibilités de

travail à domicile ou à

l’extérieur à l’initiative des

professionnels

Communication Informelle, ascendante et

descendante par contact direct,

réseau centralisé

Collégiale, axée sur le rappel

constant des valeurs, à

caractère persuasif, informelle

et conviviale

Formelle, hiérarchico-

fonctionnelle (notes, rapports,

réunions de service), réseau

centralisé

Latérale et informelle,

articulation entre

communication interne et

externe, utilisation intensive des

technologies de l’information

Latérale et collégiale, fortement

orientée vers l’extérieur

Participation Faible (exécution des

instructions)

Faible (consultation sur les

orientations doctrinaires)

Éventuellement via l’information

et la consultation

Codécision sur le plan

opérationnel

Codécision, y compris sur le

plan stratégique

Relations

professionnelles

Inexistantes Inexistantes (souvent évitées) Principe de la

délégation/représentation

Principe de l’expression directe Principe de l’éthique

professionnelle

(Source : Nizet et Pichault, 2000, p. 154-157)

96

ANNEXE D – LA GRILLE DE LECTURE CONTINGENTE POUR LA GRH DE J. NIZET ET F. PICHAULT

Modèle arbitraire Modèle valoriel Modèle objectivant Modèle individualisant Modèle conventionnaliste

Configuration Configuration entrepreneuriale Configuration missionnaire Configuration bureaucratique Configuration adhocratique Configuration professionnelle Législation sociale et marché du travail

Faible prégnance de la législation sociale sur le marché du travail ; faible qualification de la main d’œuvre

Force de travail jeune et fortement qualifiée

Forte prégnance de la législation sociale sur le marché du travail, intervention publique importante ; faible qualification de la main d’œuvre

Faible disponibilité de la main d’œuvre sur le marché du travail ; forte prégnance d’une législation sociale organisant la décentralisation de la négociation ; force de travail jeune et fortement qualifiée

Faible prégnance de la législation sociale sur le marché du travail ; force de travail jeune et fortement qualifiée

Marché des biens et services

Fortement instable, imprévisible, dynamique ; pression concurrentielle intense, marché hostile

Non hostile Situation de déclin des activités ; forte stabilité et hostilité du marché ; pression concurrentielle intense

Fortement instable, imprévisible, dynamique ; non hostile

Fortement stable ; non hostile

Contexte culturel Valorisant le climat social agréable, l’épanouissement dans le travail, la satisfaction des motivations individuelles, l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle

Valorisant la distance à l’autorité élevée et l’évitement de l’incertitude

Valorisant l’individualisme, la prise de risque, la recherche d’autonomie, la poursuite d’un intérêt personnel ainsi que le défi, la performance et la réussite professionnelle

Valorisant la prise de risque

Technologie Production de masse ; système d’information centralisé

Production unitaire ou en continu ; système d’information intégré

Stratégie d’affaires (business)

Orientée vers la qualité et/ou l’innovation

Orientée vers le leadership des coûts et/ou la flexibilité numérique

Orientée vers la flexibilité organisationnelle, la qualité et/ou l’innovation

Stratégie de groupe (corporate)

Privilégiant la focalisation, amenant à une précarisation des pratiques de GRH chez les partenaires externes

Privilégiant la focalisation sur un métier de base

(Source : synthèse réalisée à partir de Nizet et Pichault, 2000, p. 167-197)

97

ANNEXE E – LE PROGRAMME DES ENTRETIENS ET RENCONTRES AVEC « SOS FAIM »

Me 19 avril 2006 Premier contact avec Marc Mees et Aurore de Crombrugghe pour expliquer le projet de mémoire

Ve 14 juillet 2006 Entretiens au siège (Bruxelles) avec :

- Laurent Biot, appui aux partenaires du programme andin

- Freddy Destrait, secrétaire général

- Virginie Pissort, responsable campagnes

- Marianne Lebeau, responsable du service financier

- Sabine Chevalier, responsable du service récolte de fonds

Ma 18 juillet 2006 Entretien au siège (Bruxelles) avec Marc Mees, coordinateur du service appui aux partenaires

Me 26 juillet 2006 Arrivée à Lima, Pérou.

Entrevue avec Wilfredo Necochea, représentant de l’antenne locale, pour planifier le séjour.

Rédaction du guide d’entretien « Amérique du Sud ».

Je 27 juillet 2006 Lecture de documents et de rapports

- rapport d’activités 2004 de SOS Faim ;

- mailing aux donateurs ;

- règlement de travail de SOS Faim ;

- Quel avenir pour Défis Sud ?

Ve 28 juillet 2006 Lecture de documents et de rapports

- Quel avenir pour Défis Sud ? (suite) ;

- Rapport de suivi d’une ONG belge, 2006 ;

- Evaluación de las antenas, Groupe One.

Sa 29 juillet 2006 Lecture de documents et de rapports

- Evaluación de las antenas, Groupe One (suite) ;

- Dossier de control interno – SOS FAIM ;

- SOS Faim – Informativo Perú-Bolivia (quelques numéros).

Di 30 juillet 2006 Lecture de documents et de rapports

- Evaluación de las antenas, Groupe One (suite et fin) ;

- Informes financieros (au 31 décembre 2005) ;

- Estados financieros (au 31 décembre 2005 et 2004).

Mise à jour du guide d’entretien « SOS Faim - Pérou » sur base des lectures.

Lu 31 juillet 2006 8h45 à 9h30 : Mise à jour du guide d’entretien « SOS Faim – Pérou » sur base des lectures

9h30 à 11h45 : Agenda (Réunion hebdomadaire avec toute l’équipe)

Après-midi :

- Mise à jour du guide d’entretien « SOS Faim – Pérou » sur base des lectures ;

- Réalisation du guide d’entretien « Partenaires ».

98

Ma 1er août 2006 Entretiens à Lima avec :

- Wilfredo Necochea, Representante (début)

- Antonio, Oficial proyectos (Plan Perú)

- Viviana Migliori, Asistente administrativa y traductora

Réalisation du guide d’entretien “Partenaires” (suite et fin)

Me 2 août 2006 Visite de terrain : Naranjillo, cooperativa agraria industrial de cacao (Tingo Maria)

- Rencontre informelle avec José Antonio Mejía Polanco, gérant de la coopérative

- Visite du siège d’exploitation de la coopérative :

Visite de la fabrique de cacao avec explication détaillée par le chef de la fabrique

du processus de transformation

Visite de la fabrique de café avec explication détaillée par le chef de la fabrique du

processus de transformation

- Rencontre informelle avec le Président de la coopérative et la personne en charge de

la commercialisation des produits

- Entretien formel avec José Antonio Mejía Polanco, gérant de la coopérative

Je 3 août 2006

Visite de terrain : Naranjillo, cooperativa agraria industrial de cacao (Tingo Maria)

- Visite du siège administratif de la coopérative

- Retour au siège d’exploitation

- Mise en ordre des notes prises pendant le séjour

- Entretien avec Germen Velazquez, Oficial proyectos (UE)

Ve 4 août 2006 Retour vers Lima.

Week-end Mise en ordre de mes notes, retranscription de certains entretiens.

Lu 7 août 2006 Agenda (réunion hebdomadaire avec toute l’équipe)

Entretiens à Lima avec :

- Marcela Candela Muñoz, contadora

- Grover Necochea Tello, logístico

Retranscription des entretiens

Lecture d’articles sur l’Amérique Latine et le Pérou en particulier.

Ma 8 août 2006 Entretien à Lima avec Wilfredo Necochea, Representante (suite et fin)

Lecture d’articles divers (AL, gestion, …)

Rencontre avec un autre partenaire : Café Perú, au siège administratif à Lima.

Rencontre avec Jeni Funolez et Américo Espejo Mayta, respectivement gérant et

président du conseil d’administration.

Me 9 août 2006 Mise en ordre de mes notes d’entretien, retranscription des entretiens, dernières lectures.

17h : Goûter “à la belge” pour les remercier.

Je 10 août 2006 Rencontre avec Laurent Biot, appui aux partenaires du programme andin (SOS Faim Belgique) et

Wilfredo Necochea pour un synthèse de la visite.

99

ANNEXE F – LE PROGRAMME DES ENTRETIENS ET RENCONTRES AVEC « ILES DE PAIX »

Je 4 mai 2006 Premier contact avec Luc Langouche au siège (Huy) pour expliquer le projet de mémoire et

discuter des aspects méthodologiques

Je 6 juillet 2006 Entretiens au siège (Huy) avec :

- Martine Hansotte, responsable du département administration et finances

- Moha Heni, responsable campagne

- Laurent Deutsch, responsable du département éducation au développement

Je 20 juillet 2006 Entretiens au siège (Huy) avec :

- Pierre Laviolette, responsable des projets Amérique Latine

- Luc Langouche, secrétaire général

Lu 28 août 2006 Arrivée à Riobamba, Equateur.

Entretien avec Nely Montero, Vinicio Mena et William Guncay afin de présenter mon projet

de recherche et de fixer le calendrier de mon séjour chez eux.

Lectures de documents et rapports divers :

- Estudio de los mecanismos de financiamiento de las actividades productivas

en tres zonas de trabajo de Islas de Paz – Ecuador

- Stratégie d’intervention d’Iles de Paix (version provisoire)

- Carta 2000 de Islas de Paz

- Rapport de mission : Equateur (du 9 au 28 novembre 2005)

- Informe : Misión de evaluación de los resultados e impactos de las

intervenciones de Islas de Paz en las parroquias de Pangor y Columbe (début)

Ma 29 août 2006 Lectures de documents et rapports divers :

- Informe : Misión de evaluación de los resultados e impactos de las

intervenciones de Islas de Paz en las parroquias de Pangor y Columbe (suite

et fin)

- Evaluación del programa de crédito Islas de Paz en la parroquia de Pangor

(Ecuador)

- ONG, entreprises & secteur privé. Positionnement institutionnel d’Iles de Paix

(2003)

Me 30 août 2006 Lectures de documents et rapports divers :

- Planificación anual 2005. Islas de Paz. Ecuador.

- Manual de Procedimientos (version provisoire)

- Informe de la misión en la Fundación Islas de Paz en Ecuador. Junio-Julio

2004. Evaluación del programa de manejo de los recursos naturales en tres

zonas de intervención: Pangor, Columbe y Molleturo.

- Islas de Paz. Escuela de formación campesina. Perfil

Mise à jour du guide d’entretien « Iles de Paix - Equateur » sur base des lectures diverses.

100

Je 31 août 2006 Entretiens à Riobamba avec :

- Vinicio Mena, responsable du terroir de Pallantaga ;

- Defas Valery, responsable du terroir de Molleturo ;

- Nataly Del Pozo, responsable administration et finances ;

Ve 1er septembre 2006 Entretien à Riobamba avec :

- Olivier Genard, expatrié ;

- Juan Carlos Garcia, Responsable du terroir de Chillanes.

Etablissement du questionnaire « Partenaires »

Sa 2 septembre 2006 Visite du terroir de Chillanes : Participation à la réunion de restitution aux communautés des

résultats de la phase d’exploration de la zone de Chillanes.

Lu 4 septembre 2006 Entretiens à Riobamba avec : William Guncay, Responsable Service Information et

communication

Préparation des visites de terrain pour les jours suivants.

Ma 5 septembre 2006 Visite du terroir de Columbe :

- Discussion avec un groupe de paysans qui suivaient une formation en

boulangerie.

- Visite de la boulangerie de Llinllín Santa Fe ;

- Visite de la fromagerie de Llinllín Pucará ;

- Visite de la boutique agropastorale de Llinllín ;

- Visite du magasin de femmes de Columbe 3-4.

Me 6 septembre 2006 Visite du terroir de Pangor :

- Visite de la fromagerie familiale de …

- Visite de la « Casa Campesina » de la paroisse de Pangor ;

- Visite de la communauté El Tablón et du système d’irrigation ;

- Visite de la communauté de Achin El Rosario : système d’irrigation, quesería,

Je 7 septembre 2006 Préparation de l’entrevue avec Nely Montero : questionnaire spécifique, synthèse, etc.

Entretien-débriefing avec Nely Montero, représentante d’Iles de Paix en Equateur.

101

ANNEXE G – LE GUIDE D’ENTRETIEN « BELGIQUE »

L’organisation et son contexte

• Quelles sont vos responsabilités au sein de l’organisation ? • Concrètement, que faites-vous au jour le jour ? Comment se déroule une journée-type ? • Combien de personnes sont sous votre responsabilité ? Qui est votre supérieur hiérarchique ? • Comment se déroule la communication entre les membres de l’organisation ? Comment les

informations circulent-elles ? • Le degré de formalisation est-il élevé ? (point de vue processus, fonctionnement interne, profils des

fonctions, etc.) • Comment les informations circulent-elles entre les départements ? • Comment définiriez-vous la forme structurelle de l’organisation ? plutôt plane ? plutôt pyramidale ?

• Depuis combien de temps existe l’organisation ? • Les mentalités ont-elles évolué ? Y a-t-il eu des périodes de changements majeurs ? Une nouvelle

vague de dirigeants a-t-elle pris le flambeau alors que les pères fondateurs se sont retirés ? Cela a-t-il apporté des évolutions en termes de structure d’organisation et de pratiques de GRH ?

• Comment décririez-vous l’environnement dans lequel évolue l’ONG ? • Comment décririez-vous les spécificités des contextes de travail au Nord et au Sud ? • Comment définiriez-vous le marché sur lequel opère l’organisation ? • Ce marché est-il stable ? • Quel degré de compétences est nécessaire pour opérer sur le « marché » ? • L’organisation est-elle fortement dépendante du marché ? • La demande du marché est-elle plutôt hétérogène ? • Les cultures nationales ont-elle une forte influence sur les activités de l’organisation ? • L’organisation fait-elle face à une certaine instabilité financière ?

• Comment définiriez-vous la mission de l’organisation ? • Quels autres objectifs sont poursuivis par l’organisation ? (en termes de survie, efficience, contrôle

de l’environnement, croissance) • Quelles sont, selon vous, les priorités de l’organisation ? • Pouvez-vous mettre une évidence une tension entre ces différents objectifs ? A quel niveau ? • Quelles sont les activités de l’organisation ? Implémenteur ? Partenaire ? Catalyseur ?

• Comment se prennent les décisions (stratégiques, managériales, opérationnelles) ? La décision est-elle collective ? Jusqu’à quel point ?

• A qui appartient le pouvoir de décision ? Qui prend les décisions ? • Quelle est l’influence des acteurs externes sur l’organisation ? (bailleurs de fonds, gouvernements,

autres ONG, secteur privé, …) • Comment définiriez-vous les relations de pouvoir entre acteurs internes ? • Qui décide de soutenir quel projet ? • Jusqu’à quel point les acteurs de terrain ont un pouvoir de décision ? • Le processus de prise de décision suit-il la règle une personne = une voix ?

102

• Le modèle de gestion est-il réellement démocratique ? Quels en sont les atouts et limites du processus de décision ?

• Peut-on parler d’une politique de GRH claire dans le sens où elle serait décrite clairement dans les documents qui régissent le fonctionnement interne de l’organisation?

• Qui s’occupe de GRH dans l’organisation ? Ces personnes possèdent-elles des qualifications en GRH ou ont-elles acquis les compétences nécessaires « sur le tas » ?

• Quels sont les objectifs de la GRH dans cette organisation ? • Peut-on parler de réticences vis-à-vis des pratiques de gestion en général ? Des pratiques de GRH

en particulier ? Cela a-t-il évolué ? • Quelles catégories de RH sont présentes ? salariés, indépendants, bénévoles, coopérateurs, … ? • Quels types de contrat ? CDD, CDI, intérim, postes subsidiés, etc. • Dans les bénévoles, sont-ils passifs, actifs, élus ? Investis dans la gestion quotidienne ou dans la

production des services proposés ? Quelles sont les tâches et fonctions qu’ils assument ? • Comment attirer les bénévoles et les gérer au quotidien (formation, évaluation, motivation, …) ? • Comment se passent les relations entre bénévoles et salariés ? Quelles représentations les salariés

ont-ils des bénévoles ? Quelles représentations les bénévoles ont-ils des salariés ? Quels outils pour améliorer cette relation ?

• Combien de personnes travaillent dans l’organisation ? Et quel est le ratio bénévoles/salariés ? • Qu’en est-il de la relation Nord-Sud ? Qu’est-ce qui est mis en place pour améliorer cette relation ? • La diversité des RH se révèle-t-elle parfois être un frein ? Si oui, dans quel sens ? • Parmi les différentes fonctions de la GRH, lesquelles sont traitées dans l’organisation ? Quelles

pratiques de gestion sont mises en place ? De manière formelle, structurée ou informelle, au gré des besoins et des personnes ? o Se doter en personnel :

planification RH ; recrutement et sélection o Développer son personnel :

profils de fonction, gestion des compétences, formations, évaluation de la performance : système d’évaluation en place ? quelles modalités ? gestion des carrières

o Garder son personnel : motivation/implication, conditions et climat de travail, politique salariale, gestion du temps de travail, gestion des départs

o Communication et gestion du changement : communication interne, culture d’organisation : quelles sont les valeurs mises en avant ? Quels outils sont mis en place pour définir les valeurs et construire une culture d’entreprise ? (charte, dossier d’accueil pour les nouveaux, réunions d’équipes régulières, journées de rassemblement, …) Personnellement, adhérez-vous totalement à toutes les valeurs de l’organisation ? gestion de la diversité,

103

• La tension entre système et mission est-elle présente dans ces différentes fonctions de la GRH ? Comment cette tension est-elle gérée ?

o Se doter en personnel : planification des RH essaye d’équilibrer les différents profils dans l’organisation ? recrutés pour leurs compétences ou leur adhésion aux valeurs ?

o Développer son personnel : évaluation sur base d’indicateurs de performance économique ou d’indicateurs plus complexes qui tiennent compte de la finalité sociale de l’organisation ? Formation pour renforcer les compétences ou le savoir-être ?

o Garder son personnel : imaginable de licencier une personne économiquement peu rentable mais fortement impliquée dans le projet social ?

o Communication et gestion du changement : communication interne, culture d’entreprise, gestion de la diversité, styles de leadership

• Enfin, les outils de la GRH mis en place dans l’organisation vous semblent-ils adaptés au contexte de l’organisation ? D’où viennent ces pratiques ? secteur privé ? secteur public ? intuition ?

• Pourriez-vous mettre en évidence des problèmes de gestion récurrents ? Acteur – Individu

• Pourriez-vous me faire le récit de votre vie professionnelle depuis le début de votre carrière ? • Depuis combien de temps travaillez-vous dans l’organisation ? • Quelles ont été vos motivations premières à entrer dans cette organisation ? • Et aujourd’hui, comment expliciteriez-vous vos motivations ou les raisons qui expliquent votre

implication, votre mobilisation dans l’organisation ? • D’un point de vue professionnel, consacrez-vous tout votre temps à cette organisation ? • Si non, comment occupez-vous le reste de votre temps, d’un point de vue professionnel ? • Quels sont vos objectifs professionnels personnels ? • Quelles sont vos priorités d’un point de vue professionnel ? • Comment imaginez-vous la suite de votre carrière professionnelle ? • Quels leviers sont mis en place pour favoriser la motivation et l’implication des personnes ? • Moyenne d’âge dans l’entreprise ? • Ration hommes/femmes ? • Diversité culturelle ? Développement et professionnalisation

• Qu’est-ce que le développement ? • Pour vous, quel doit être le rôle du Nord ? Et le rôle du Sud ? • Quelle est l’attitude à adopter ou adoptée par rapport au Sud ? • Que pensez-vous de la démarche de professionnalisation ? • Quels sont les freins inhérents à sa mise en œuvre ?

o Rareté des ressources, manque de moyens ⇒ pertinent ? acceptable ? souhaitable ? o Culture : confronte deux registres (militantisme et professionnalisme) ⇒ tensions ?

• Quid du Sud et de la transposition d’une expérience ? comment tenir compte des spécificités ? • Risques encourus ?

o Résultats par rapport à elles-mêmes o Tend vers une bureaucratie ? o Bouleversement de l’ordre social ?

104

ANNEXE H – EL CUESTIONARIO “SOS FAIM - AMÉRICA DEL SUR”

El contexto de la organización

• ¿Cómo puede describir el entorno político, social y económico de la ONG? ¿Esta estable?

¿inestable? ¿amenazador? • ¿Cuál influencia tienen las orientaciones políticas del gobierne peruano sobre las actividades de la

ONG y de los partenarios? ¿Cree que el nuevo Presidente va a cambiar las cosas? • ¿Cuáles relaciones tiene la antena con los gobiernos regionales y central? ¿Tienen actividades

comunes? • ¿Cómo puede describir las especificidades del contexto de trabajar en Peru comparado al contexto

en Bélgica? ¿Cuáles son las presiones y las obligaciones que pesan sobre la estructura en Perú? • ¿Cuáles especificidades de la cultura peruana influencian el trabajo en la ONG en Peru? • ¿Y cuáles especificidades de la cultura belga influencian el trabajo de la ONG en Bélgica y en Peru

y las relaciones entre la sede y la antena? • ¿Desde cuanto tiempo exista la oficina en Peru? ¿En cuales circunstancias ha nacido la oficina en

Lima? • ¿Desde cuanto tiempo trabaja en la ONG? • ¿Durante esto tiempo, puede evidenciar algunos cambios mayores?

o ¿En las actividades de la ONG? o ¿En la lógica de intervención? o ¿En la estructura de la ONG? ¿Particularmente en Peru? o ¿En las practicas de gestión? ¿Particularmente en las practicas de gestión de recursos

humanos?

Los objetivos de la organización

• ¿Cuál es la misión de la ONG? • SOS Faim es una ONG de desarrollo, ¿cuál es su definición del desarrollo? • ¿Cuáles papeles deban representar las estructuras del Norte y las estructuras del Sur en el

desarrollo? ¿Qué deben hacer las estructuras del Norte y que deben hacer las estructuras del Sur en el desarrollo en general?

• He leído que los objetivos de SOS Faim son paralelos con los objetivos nacionales. ¿Es una voluntad de la ONG o una coincidencia?

• ¿Cuales otros objetivos mas pragmáticos son perseguidos por la organización como un objetivo de sobrevivencia? ¿Un objetivo de eficiencia? ¿Un objetivo de crecimiento? ¿Por que estos objetivos son perseguidos? ¿Para cumplir la misión o para ellos mismos?

• ¿Puede poner en evidencia una tensión entre los imperativos del cumplimiento de la misión y los imperativos de viabilidad de la estructura? ¿A cuales niveles esta tensión esta presente?

La estructura de la organización

• ¿Cuales son sus responsabilidades en la ONG? (cf. Evaluación) • ¿Cuál es su formación?

105

• ¿Cuáles son los otros empleos que ha tenido antes de trabajar en la ONG? • ¿Como y para que ha solicitado esto empleo? • ¿Cuáles son sus objetivos profesionales? • ¿Cómo imagina la continuación de su carrera profesional? • ¿Qué hace diario? ¿Cómo se pasa un día-tipo? • Wilfredo: ¿Cuál es su papel en la asamblea general de SOS Faim? • ¿De cuál margen de libertad, de manejo disponen los empleados en el desempaño de su función?

¿Y con respecto a la manual de procedimientos, es todo descrito? • ¿Cómo se pasa la toma de decisiones en la antena? ¿Quién toma las decisiones y como? ¿Esta la

decisión colectiva? • ¿Hay suficiente relaciones y encuentros entre las antenas y la sede en Bruselas? • ¿Tiene la sede en Bruselas una buena idea de las realidades del campo? • ¿Tiene contactos con la antena de Bolivia? ¿Por que? ¿Tienen actividades comunes hoy? • ¿Tiene contactos con los equipos en África? • ¿Cuál es la influencia de los actores externos sobre la ONG? Por ejemplo, ¿los socios capitalistas?

¿los gobiernos? ¿los otras ONG en Peru o en América del Sur? ¿O otros actores externos? • ¿El facto que debe implicarlos en las temáticas “genero” y “medio ambiente” es una voluntad o una

obligación para continuar de recibir financiaciones? • ¿Quién ha encargado la evaluación de las antenas? • ¿Hay una grande reunión con representantes de las antenas y de la sede para debatir del informe

de la evaluación? ¿Qué ha estado comenzado o cambiado desde la evaluación? ¿Es el plano operativo para las recomendaciones en marcha?

Las practicas de gestión, particularmente las prácticas de los recursos humanos

• ¿Son muchas prácticas de gestión formalizadas en la ONG? ¿Desde cuando? • ¿Qué piensa de esta formalización? • ¿Se acompaña esta formalización con una profesionalización de la estructura y del personal? • ¿Qué piensa de esta profesionalización? ¿Ayuda la racionalización a volver la carga de trabajo

más soportable? • ¿Si consideramos la tensión entre la cumplimiento de la misión y la viabilidad de la ONG, que

piensa de estas formalización y profesionalización? • ¿Hay una tensión para el subsidio de los recursos entre la misión y los imperativos de

profesionalización? • ¿Tiene una política clara de gestión de los recursos humanos? • ¿Quién se ocupa de la gestión de los recursos humanos? • ¿Quién se ocupa de cuidar de la conformidad de la antena con las disposiciones legales? • ¿Cuáles son los estatuyes de las personas que trabajan en la ONG en Peru? ¿Todos son

empleados? • ¿Cómo se pasa la contratación y la selección de los nuevos empleados? • ¿La llegada del asistente de proyectos ha permito de reducir la carga de trabajo? • ¿Tiene descripciones de los perfiles de función? • ¿Las personas son más bien especialistas o generalistas? • ¿Cuáles calidades son esperadas con sus colaboradores? • ¿Tiene la oportunidad de seguir algunas formaciones? ¿Cuál es su política de formación para los

empleados de la antena?

106

• ¿Tiene evaluaciones en interno de los resultados del equipo? ¿Individuales o colectivas? • ¿Esta difícil de retener las personas que trabajan en la ONG? • ¿Cuáles son las motivaciones de los empleados de trabajar en la ONG? • ¿Y personalmente, cuales son sus motivaciones de trabajar en la ONG? • ¿Es la rotación del personal elevada? ¿O el personal se estabiliza? • ¿Hay una distancia importante entre los antiguos y los nuevos? • ¿Cuál es la política salarial? • ¿Cómo se pasan las marchas voluntarios o los despidos de los empleados? ¿Son frecuentes? • ¿Cuáles son los motivos más frecuentes de las marchas voluntarios? ¿Y de los despidos? • ¿Tiene un reglamento de trabajo como en Bruselas? • ¿Son algunos procedimientos redundantes? • ¿Piensa que la antena es demasiado picapleitos o piensa que la antena necesita esto? • He leído que no hay una planificación anual. ¿Es verdad? ¿Cómo sabe lo que debe hacer? • ¿Esta una cultura de organización presente? ¿Cuales son los valores más importantes para la

ONG en Perú? • ¿Se adhieren todas personas de la antena a estos valores? • ¿Puede poner en evidencia una tensión entre el cumplimiento de la misión y la viabilidad de la

organización en la gestión de los recursos humanos? • ¿De donde vienen las prácticas de gestión y el modelo de gestión que son presentes en la antena

en Perú? Las herramientas de información y otros documentos

• ¿Quién escribe el informe de actividades? ¿Es una colaboración entre la sede de Bruselas y las

antenas? • ¿Son los informes a producir mensualmente, bimensualmente y trimestralmente pesados

administrativamente? ¿Cuál carga de trabajo representa esto? • ¿Cuál es la implicación de la antena Perú en la redacción de las publicaciones de la ONG (Défis

Sud, Zoom Microfinance, News, Dynamiques paysannes, …)? • ¿Cuál es la implicación de la antena Perú en el contenido del sitio Web? • ¿Piensa a hacer una página “América del Sur” en el sitio Web? • ¿Ha leído el informe de la evaluación de las herramientas de información de SOS Faim? ¿Qué

piensa? • ¿Cuáles publicaciones lee aquí en Perú? • ¿Cuál es la implicación de los partenarios en el contenido de las publicaciones de SOS Faim? • ¿Quién decide de llevar tal o cual campaña en Bélgica, por ejemplo la campaña por la leche

africana? ¿Hay una colaboración entre la sede y las antenas o los partenarios? • ¿Quién escribe los artículos de los Informativos Perú – Bolivia? • ¿Quién ha escrito la manual de procedimientos? ¿La antena en Perú? ¿La sede en Bruselas? ¿Es

una colaboración? ¿La antena de Bolivia tiene el mismo? • ¿Es la manual de procedimientos la puesta por escrito de procedimientos informales? • ¿Quién establece los Planes estratégicos multianuales y anuales?

Las actividades y las relaciones con los partenarios

• ¿Son las relaciones con los partenarios frecuentes?

107

• ¿Cuáles son las relaciones de la antena con los partenarios en Ecuador y Chile? ¿Las relaciones pasan por la antena Perú o directamente por la sede en Bruselas?

• ¿Son los integrantes de SOS Faim en las instancias (consejo, asamblea general) de algunos partenarios?

• ¿Quién hace las auditorias externas? • ¿Para las auditorias y el apoyo técnico, trabajan también con peritos locales? • ¿Quién da las formaciones para los partenarios? ¿Quién decide quien puede seguirlas? • ¿Tiene une voluntad de profesionalizar las estructuras de los partenarios? ¿Qué significa

“profesionalizar” y para que? • La antena tiene una evaluación muy positiva de la DGCD. Sin embargo, ¿puede evidenciar

problemas o faltas? ¿Puede poner estos problemas en relación con problemas de gestión en la antena o en los partenarios?

• ¿Cuáles son los problemas mayores que tropiezan en la realización de los proyectos? • ¿Son las misiones o las visitas de campo suficiente frecuentes para tener una buena idea de las

realidades del campo? • ¿Quién se ocupa de la concepción de los proyectos? ¿La sede? ¿La antena? ¿en colaboración? • ¿Cuáles son las ventajas y desventajas de las colaboraciones con otras ONG, con universidades,

etc.? • He leído algunas veces en la evaluación de las antenas algo sobre “los criterios de perfil bajo”.

¿Qué significa “el perfil bajo”? ¿Cuáles son estos criterios? • ¿Cuánto tiempo la antena trabaja con un partenario en media? • ¿Cuántos partenarios tiene en este momento? ¿Cuántos en Perú? ¿Cuántos en Chile? ¿Cuántos

en Ecuador? ¿Y sabe cuantos en Bolivia? • ¿Qué representa el seguimiento de un partenario? • ¿Cuántas solicitudes de partenarios recibe en media? ¿Y cuantas son aceptadas? • ¿Da la prioridad a los partenarios del Perú con respecto a aquellos del Ecuador o Del Chile? • ¿Quién se ocupa del acompañamiento de los partenarios del Ecuador y Chile? ¿La sede en

Bruselas o la antena en Perú? • ¿Hay reuniones de los partenarios desde 2004? ¿Cuáles son los resultados? • ¿Cuántas veces va a visitar el campo? ¿Cuántas misiones a año hace? • ¿Tiene medidas de impacto como indicadores por ejemplo? • ¿Cuáles son las perspectivas futuras de la antena en Perú? • ¿Cómo se pasa la comunicación entre la ONG y los partenarios?

108

ANNEXE I – EL CUESTIONARIO “ISLAS DE PAZ - AMÉRICA DEL SUR”

El contexto de la organización

• ¿Cómo puede describir el entorno político, social y económico de la oficina en Ecuador? ¿Cuales

son las condiciones económicos, políticos y sociales en Ecuador • ¿Cómo puede describir las características del contexto de trabajar en Ecuador? ¿Cuáles son las

presiones que pesan sobre la oficina en Ecuador? • ¿Cuáles características de la cultura ecuatoriana influencian el trabajo de la oficina en Ecuador? • ¿Y cuáles características de la cultura belga influencian el trabajo de la oficina en Ecuador? • ¿Desde cuanto tiempo exista la oficina en Ecuador? ¿En cuales circunstancias ha nacido la oficina

en Riobamba? • ¿Desde cuanto tiempo trabaja en la ONG? • ¿Durante esto tiempo, puede evidenciar algunos cambios mayores?

o ¿En las actividades de la ONG? o ¿En la lógica de intervención? o ¿En la estructura de la ONG? ¿Particularmente en Ecuador? o ¿En las practicas de gestión? ¿Particularmente en las practicas de gestión de recursos

humanos? • ¿Cuál influencia tienen las orientaciones políticas del gobierno ecuatoriano sobre las actividades de

la ONG y de los partenarios? • ¿Cuales relaciones tiene la oficina con el gobierno ecuatoriano? • He leído que en 2004, algunas actividades han estado reducidas a causa de las elecciones

municipales. ¿Cual influencia tienen los acontecimientos políticos sobre las actividades de la ONG? • ¿Cuáles relaciones tiene la oficina con los autoridades regionales y locales? ¿Tienen actividades

comunes? ¿Porque no/si? • ¿Hay a veces problemas con las autoridades locales en la puesto en marcha de proyectos o

actividades? • ¿Cuales relaciones tiene la oficina con los otros ONG nacionales o internacionales que trabajan en

la región también? ¿Hay mas bien formas de colaboración o de competencia? Los objetivos de la organización

• ¿Cuál es la misión de la ONG? • ¿Cual es el papel de Islas de Paz en Ecuador? ¿Es un actor que hace proyectos? ¿Un partenario?

¿O une facilitator, un catalizador? • ¿Cuales objetivos otros que la misión son perseguidos por la organización? Por ejemplo, un

objetivo de sobrevivencia? ¿Un objetivo de eficiencia? ¿Un objetivo de crecimiento? ¿Por que estos objetivos son perseguidos? ¿Para cumplir la misión o para ellos mismos?

• ¿Según usted, cuales son las prioridades de la ONG? ¿Y de la oficina? ¿Han las prioridades cambiado o evolucionado?

• Islas de Paz es una ONG de desarrollo, ¿cuál es su definición del desarrollo? • ¿Y que es la cooperación al desarrollo?

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• Hay estructuras de desarrollo en el Norte y en el Sur. ¿Según usted, cuáles papeles tienen las estructuras del Norte y las estructuras del Sur en el desarrollo en general?

• ¿Puede poner en evidencia una tensión entre los imperativos del cumplimiento de la misión y los imperativos de viabilidad de la oficina? ¿A cuales niveles esta tensión esta presente?

La estructura de la organización

• ¿Cuales son sus responsabilidades en la ONG? • ¿Que hace diario? ¿Como se pasa un día-tipo? • ¿Puede contarme la historia de su vida profesional desde sus estudios hasta hoy? (formación?

otros empleos que ha tenido) • ¿Cuáles son sus objetivos profesionales y cómo imagina la continuación de su carrera profesional? • ¿Cuantas personas están bajo su responsabilidad? ¿Quien es su superior? • ¿De cuál margen de libertad, de manejo dispone en el desempaño de su función? ¿Y en general

para todos les empleados? • ¿Tiene reuniones regulares con el equipo? ¿A que frecuencia? ¿Con quien? • ¿Tiene reuniones cada semana con todo el equipo de la oficina? ¿Por que si/no? • ¿Como se pasa la comunicación entre las personas de la oficina? ¿Como la información circula? • ¿Cuando se encuentra el personal de manera formal? ¿De manera informal? • ¿Cómo se pasa la toma de decisiones en la oficina? ¿Quién toma las decisiones y como? ¿Esta la

decisión colectiva? • ¿Hasta donde la oficina en Ecuador tiene un poder de decisión? • ¿Como se pasan las relaciones con la sede en Bélgica? ¿Están bastante frecuentes? • ¿Tiene la sede en Bélgica una buena idea de las realidades del campo? • ¿Cómo se pasa la comunicación con las personas en Bélgica? ¿Como la información pasa del

Ecuador en Bélgica y de Bélgica en Ecuador? • ¿Tiene contactos con las oficinas en África? ¿Por que? • ¿Como se pasa la puesto en marcha de la nueva estructura y de los cambios previstos? ¿Donde

están los cambios? • ¿Quien ha decidido de hacer estos cambios? ¿De donde viene esta nueva estructura? • ¿Que piensa de estos cambios? ¿Cual es su impresión sobre el rompimiento importante y la

reorganización? ¿Tiene la impresión de haber despilfarrado recursos, tiempo y su energía? • ¿La estructura no va a estar demasiado descentralizada con los tres oficinas de zona? • ¿Que piensa de la evaluación de Bruno Kervyn y Rafael Rojas? • ¿No hay tenido una evaluación del funcionamiento y de la estructura de la oficina en Ecuador? Las practicas de gestión, particularmente las prácticas de los recursos humanos

• ¿Son muchas prácticas o comportamientos formalizados en la ONG? ¿Desde cuando? • ¿Qué piensa de esta formalización? • ¿Quien ha iniciado la redacción del manual de procedimiento? ¿Por qué y para quien? ¿Quien lo

escribe? ¿Todo el equipo esta implicado en la redacción? • ¿Permite de clarificar los papeles y responsabilidades de los empleados? • ¿Pone en orden comportamientos o practicas ya existentes? • ¿Se acompaña la formalización de la oficina con una profesionalización de la estructura y del

personal?

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• ¿Qué piensa de esta profesionalización? • ¿Hay una tensión para el subsidio de los recursos entre la misión y los imperativos de

profesionalización? • ¿Tiene una política clara, formalizada, escrita de gestión de los recursos humanos? • ¿Quién se ocupa de la gestión de los recursos humanos? ¿Tienen estas personas calificaciones en

la gestión de los recursos humanos o han aprendido en curso? • ¿Cuáles son los estatuyes de las personas que trabajan en la ONG en Ecuador? ¿Todos son

empleados? • ¿Como y para que ha solicitado esto empleo? • ¿Como se pasa su contratación? ¿En general, cómo se pasa la contratación y la selección de los

nuevos empleados? • ¿Tiene descripciones de los perfiles de función? • ¿Las personas son más bien especialistas o generalistas? • ¿Cuáles calidades son esperadas con sus colaboradores? • ¿Tiene la oportunidad de seguir algunas capacitaciones? ¿Cuales? ¿Cuál es la política de

capacitacion para los empleados de la antena? • ¿Tiene evaluaciones en interno de los miembros del equipo de la oficina o de los resultados del

equipo? ¿Individuales o colectivas? ¿Formalizadas o no? • ¿Esta difícil de retener las personas que trabajan en la ONG? ¿Es la rotación del personal

elevada? • ¿Cuáles son las motivaciones de los empleados de trabajar en la ONG? • ¿Y personalmente, cuales son sus motivaciones de trabajar en la ONG? • ¿Cómo se pasan las marchas voluntarios o los despidos de los empleados? ¿Son frecuentes? • ¿Cuáles son los motivos más frecuentes de las marchas voluntarios? ¿Y de los despidos? • ¿Cuales son los valores más importantes para la ONG? ¿Y para la oficina en Ecuador? ¿Se

adhieren todas personas de la antena a estos valores? • ¿De donde vienen las prácticas de gestión y el modelo de gestión que son presentes en la antena

en Ecuador? ¿De Bélgica? ¿Del sector privado ecuatoriano? Las herramientas de información y otros documentos

• ¿Quién escribe el informe de actividades? ¿Es una colaboración entre la sede y las oficinas

locales? • ¿Cuál es la implicación de la antena Ecuador en la redacción de las publicaciones de Iles de Paix

en Bélgica? • ¿Cuál es la implicación de la antena Ecuador en el contenido del sitio Web? • ¿Cuáles publicaciones de Iles de Paix lee aquí en Ecuador? • ¿Cuales publicaciones están producidas en Ecuador? ¿Para quien? ¿Sobre qué? Las actividades y las relaciones con los partenarios

• ¿Son las relaciones con los partenarios frecuentes? ¿Son las misiones o las visitas de campo

suficiente frecuentes para tener una buena idea de las realidades del campo? • ¿Cuántas veces va a visitar el campo? ¿Cuántas misiones a año hace? • ¿Cómo se pasa la comunicación entre la ONG y los partenarios?

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• ¿Como la ONG decide de apoyar tal o cual partenario? ¿Como se pasa la identificación de un nuevo partenario? ¿Quien decide? ¿Cual es la estrategia de identificación de los nuevos partenarios? ¿Esta estrategia es la misma para todas la oficinas locales o considera la especificidades del Ecuador?

• ¿Quien escribe y planifica los proyectos? • ¿Que ha cambiado en la planificación anual? • La planificación anual es una planificación ex ante, un poco como un marco logico. ¿Por qué este

eleccion? ¿No es demasiado fijado? • En la planificación anual, ¿quien dibuja las representaciones del espacio? ¿Estan representaciones

de la realidad o representaciones de la percepción que las persones tienen de su medio de vida? • ¿Quien concebe el modelo deseable? • ¿Quien establece el cronograma, el plan operativo y la planificación anual? • ¿El “ordenamiento territorial” ayuda realmente a la planificación anual? • ¿En media, cuanto tiempo dura una colaboración? • ¿Como hace para tener en cuenta las especificidades de cada zona o comunidad en la realización

de los proyectos? • ¿Cual es su definición del “Self-Help”? • ¿Como se pasa la retirada de una zona? ¿Cuanto tiempo dura? ¿Cual es la implicación de los

partenarios en este proceso? • ¿Cuales capacitaciones reciben los partenarios? ¿Quién da estas capacitaciones? ¿Quién decide

quien puede seguirlas? ¿En concreto, como se pasan las capacitaciones? • ¿Están las capacitaciones dado solamente en una zona o hay capacitaciones que reúnen personas

de algunas zonas? • ¿Quién hace las auditorias externas de las tiendas por ejemplo? ¿Para las auditorias y el apoyo

técnico, trabajan también con peritos locales? • ¿Cuáles son los problemas mayores que tropiezan en la realización de los objetivos? ¿Y cuales

son las cosas favorables? • ¿Qué representa el seguimiento-evaluación de los partenarios? • ¿Cuales indicadores están utilizados en las evaluaciones de impacto y de resultados? • ¿Es la política de subsidios mas clara? cuales son los criterios? • ¿Cuáles son las perspectivas futuras de la antena en Ecuador?