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Les origines de l'approche systémique - 1 – Cet article a été rédigé par le Professeur Etienne Dessoy dans un livre qui s’intitule L’homme et son milieu. Vous pouvez vous procurer ce livre auprès du Service de Psychologie Systémique(Secrétariat de Martine Stassart) B33 Bd du Rectorat 4000 LIEGE au prix de 13 €. LES ORIGINES DE L’APPROCHE SYSTEMIQUE * Bruno est un garçon de 10 ans qui éprouve des difficultés à l’école : ses résultats sont catastrophiques, il double sa troisième année. De plus, il est encoprésique et énurétique, ce qui pose beaucoup de problèmes relationnels en classe. Il manque manifestement d’initiative et réclame constamment l’aide de quelqu’un pour des tâches qu’un enfant de son âge doit normalement pouvoir accomplir. Son langage est très pauvre et il s’exprime avec beaucoup de difficultés. Le P.M.S. consulté demande que Bruno soit examiné par un centre de santé mentale. Un rendez-vous est pris et c’est avec sa grande soeur Jeanne qu’il vient à la consultation du pédopsychiatre et de la psychologue. L’examen médical ne révèle rien de particulier. L’examen psychologique fait un inventaire de la personnalité de Bruno : QI, tests projectifs, tests psychométriques, test d’agressivité, etc., on le situe aussi sur une échelle piagétienne. Les conclusions du rapport établissent qu’il s’agit d’un enfant immature, mais non débile, souffrant manifestement d’une carence affective. On évoque une personnalité dissociée (tantôt bébé, tantôt enfant de son âge) avec un tonus psychomoteur déficient, et un retard manifeste de langage. Le traitement d’un tel problème pourrait, selon les centres, aller d’une rééducation logopédique, à des séances de psychomotricité, en passant par une psychothérapie de l’enfant, voire une demande d’entrée dans une institution thérapeutique pour un court séjour. En ce qui concerne Bruno, c’est une logopède qui le prend en charge. A l’issue de la 3ème séance de rééducation, la logopède s’étonne du fait que ce soit toujours la grande soeur qui se charge de conduire Bruno au Centre. Elle va vers elle dans le but de faire plus ample connaissance. Elle apprend qu’ils sont deux enfants, Bruno et sa soeur Jeanne de 18 ans. A la naissance de Bruno, les parents, très occupés par leur entreprise commerciale, attendent de Jeanne qu’elle se charge du petit frère. Jeanne a 8 ans et elle reçoit Bruno comme un merveilleux * Il s'agit d'une série de conférences données à l'hôpital de la Citadelle à Liège en 1994.

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Les origines de l'approche systémique

- 1 – Cet article a été rédigé par le Professeur Etienne Dessoy dans un livre qui s’intitule L’homme et son milieu. Vous pouvez vous procurer ce livre auprès du Service de Psychologie Systémique(Secrétariat de Martine Stassart) B33 Bd du Rectorat 4000

LIEGE au prix de 13 €.

LES ORIGINES DE L’APPROCHE SYSTEMIQUE*

Bruno est un garçon de 10 ans qui éprouve des difficultés à l’école : ses résultats sont catastrophiques, il double sa troisième année. De plus, il est encoprésique et énurétique, ce qui pose beaucoup de problèmes relationnels en classe. Il manque manifestement d’initiative et réclame constamment l’aide de quelqu’un pour des tâches qu’un enfant de son âge doit normalement pouvoir accomplir. Son langage est très pauvre et il s’exprime avec beaucoup de difficultés. Le P.M.S. consulté demande que Bruno soit examiné par un centre de santé mentale.

Un rendez-vous est pris et c’est avec sa grande soeur Jeanne qu’il vient à la consultation du pédopsychiatre et de la psychologue. L’examen médical ne révèle rien de particulier. L’examen psychologique fait un inventaire de la personnalité de Bruno : QI, tests projectifs, tests psychométriques, test d’agressivité, etc., on le situe aussi sur une échelle piagétienne.

Les conclusions du rapport établissent qu’il s’agit d’un enfant immature, mais non débile, souffrant manifestement d’une carence affective. On évoque une personnalité dissociée (tantôt bébé, tantôt enfant de son âge) avec un tonus psychomoteur déficient, et un retard manifeste de langage.

Le traitement d’un tel problème pourrait, selon les centres, aller d’une rééducation logopédique, à des séances de psychomotricité, en passant par une psychothérapie de l’enfant, voire une demande d’entrée dans une institution thérapeutique pour un court séjour. En ce qui concerne Bruno, c’est une logopède qui le prend en charge.

A l’issue de la 3ème séance de rééducation, la logopède s’étonne du fait que ce soit toujours la grande soeur qui se charge de conduire Bruno au Centre. Elle va vers elle dans le but de faire plus ample connaissance. Elle apprend qu’ils sont deux enfants, Bruno et sa soeur Jeanne de 18 ans. A la naissance de Bruno, les parents, très occupés par leur entreprise commerciale, attendent de Jeanne qu’elle se charge du petit frère. Jeanne a 8 ans et elle reçoit Bruno comme un merveilleux * Il s'agit d'une série de conférences données à l'hôpital de la Citadelle à Liège en 1994.

Les origines de l'approche systémique

- 2 – Cet article a été rédigé par le Professeur Etienne Dessoy dans un livre qui s’intitule L’homme et son milieu. Vous pouvez vous procurer ce livre auprès du Service de Psychologie Systémique(Secrétariat de Martine Stassart) B33 Bd du Rectorat 4000

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cadeau, comme une vraie poupée vivante. Aussi, va-t-elle prendre sa nouvelle charge très à coeur et plus le temps passe, plus Jeanne va devenir la personne indispensable pour Bruno. La famille étendue (les grands-parents, les oncles et les tantes), considère Jeanne comme le modèle parfait de la jeune fille dévouée et on la montre en exemple. Est-elle heureuse ? Elle ne se pose pas la question, toute sa vie est tournée vers l’éducation de son petit frère : à 10 ans, il faut encore l’habiller, lui lacer ses souliers, lui faire ses tartines et ses devoirs. Mais si l’école n’avait pas signalé le problème au PMS, Jeanne n’aurait pas remarqué que Bruno n’était pas comme les autres enfants de son âge. Elle termine ses humanités mais n’a aucun projet d’avenir, elle n’a jamais eu un petit ami et elle sort peu de la maison.

Cette discussion ouvre des perspectives à la logopède qui tout à coup considère le problème de Bruno sous un nouveau jour. Au lieu de voir un cortège de problèmes qu’elle devrait solutionner un à un, elle se pose la question de savoir si les comportements de Bruno ne seraient pas à mettre en relation avec les comportements de Jeanne. En d’autres mots, la logopède estime que les comportements de Bruno ont peut-être un sens par rapport aux comportements de sa soeur.

La logopède se dit : “Jeanne n’est pas la mère de Bruno”. Une mère est constamment confrontée à la question du changement de son enfant qui réclame par exemple plus de liberté. Les parents ont souvent une longueur de retard, mais ils sont contraints de changer leur définition de parents. On n’est pas le même parent d’un garçon de 10 ans que d’un garçon de 25 ans.

Or, en ce qui concerne Jeanne, son mandat ou sa fonction est de demeurer celle qui doit s’occuper constamment d’un petit Bruno car si Bruno change et grandit comme les autres enfants, Jeanne perd la seule fonction par laquelle tout le monde la reconnaît. Tout se passe alors comme si le temps se figeait et que l’évolution naturelle de Bruno comportait trop de risques. Voilà le raisonnement que se faisait la logopède tout en parlant avec Jeanne.

Elle découvre un petit système bien rôdé qui tourne sur lui-même depuis des années avec d’un côté les comportements de Bruno qui sont repérés au DSM III R et de l’autre côté les comportements de Jeanne qui relèvent plutôt de la normopathie. L’un est officiellement malade et susceptible de soin, l’autre pas.

La logopède poursuit sa réflexion mais subitement elle craint que, si elle améliore la situation de Bruno et qu’elle l’aide à grandir vraiment, Jeanne risque de ne pas le supporter et de faire “quelque chose” elle-

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- 3 – Cet article a été rédigé par le Professeur Etienne Dessoy dans un livre qui s’intitule L’homme et son milieu. Vous pouvez vous procurer ce livre auprès du Service de Psychologie Systémique(Secrétariat de Martine Stassart) B33 Bd du Rectorat 4000

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même pour rétablir l’ancien équilibre : par exemple tomber malade. A moins, pense-t-elle, que ce soit le père ou la mère qui manifeste un symptôme qui permettra à Jeanne d’investir à nouveau dans le domaine de l’aide, ...à moins qu’il ne se passe rien, se dit-elle finalement.

Cette réflexion donna suffisamment de courage à la logopède pour transformer son plan de rééducation en impliquant activement la grande soeur dans le processus de changement. En cela, la logopède, sans peut-être le savoir, devenait une systémicienne avertie parce qu’elle avait compris que ce qui était surtout à soigner ce n’était ni Bruno ni Jeanne mais la relation qui les unissait.

Voilà une première manière de mettre en perspective, d’un part,

une approche comportementale ou intrapsychique de Bruno dans laquelle l’enfant est vu comme un cas dont les comportements sont inexplicables et, d’autre part, une approche systémique du même problème où les comportements de Bruno apparaissent congruents et logiques avec le contexte qui le sollicite à demeurer un petit enfant s’il veut garder l’amour de sa soeur. Que faire d’autre que ce qu’il fait quand on a 10 ans et qu’il faut se montrer bébé ? Inversement, les comportements de Bruno contraignent Jeanne à demeurer la grande soeur attentive même si celle-ci ne veut plus de cette fonction; même si elle s’engageait dans une psychothérapie personnelle, Jeanne éprouverait beaucoup de difficultés à “lâcher” ce petit frère si démuni.

L’exemple met donc en évidence deux manières très différentes de regarder la réalité : - la première cherche la cause du problème et sa solution à l’intérieur de Bruno; elle découpe l’enfant en secteur et chaque test révèle une partie de sa réalité. C’est une manière classique de respecter la méthode scientifique que de rechercher l’étiologie de la maladie, c’est-à-dire sa cause en tant qu’origine du problème. - la seconde manière de comprendre la réalité est de s’attacher à ce qui fait lien entre les éléments du contexte de telle manière qu’apparaisse un système ou une organisation. C’est alors chercher le modèle qui donne sens au phénomène observé.

Il est piquant de constater que ces deux manières d’expliquer le monde, la maladie et la science - soit par la cause première explicative soit par le modèle qui réunit les éléments - sont aussi vieilles que les premiers écrits des philosophes grecs. C’est aux origines de cette dualité que nous allons à présent nous attacher.

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LIEGE au prix de 13 €.

I. LES ORIGINES LOINTAINES1 Mon propos aujourd’hui nous plonge à l’aube de la pensée européenne, à l’époque de la Grèce antique, pour y saisir les enjeux de la pensée scientifique naissante. Il ne s’agira pas, à proprement parler, des origines de l’approche systémique mais plutôt d’un éclairage historique qui, par certains côtés, révèle déjà le débat contemporain entre, d’une part, une pensée linéaire et causaliste qui analyse le réel en ses composants à la recherche de l’élément explicatif, de la cause du phénomène ou du problème et, d’autre part, une perspective systémique ou organisationnelle qui établit des liens entre les éléments dans le but de décrire le modèle qui donne sens au phénomène observé. La théorie des quatre éléments.

Une des premières écoles de philosophie en occident est celle des milésiens. Il s’agit principalement de centres de spiritualité qui interrogent la destinée de l’homme en même temps que son rapport à son environnement. Le maître de cette école est THALES DE MILET (640-548). Il est à la recherche d’une explication du monde : “quel est, se demande-t-il, l’élément explicatif du monde à partir duquel il est possible de reconstruire le monde ?”. Pour lui, tous les phénomènes physiques trouvent leur explication dans l’existence d’une substance première qui est l’eau. L’eau dont il s’agit est une eau de vie, elle est la source unique de la mouvance et de l’universelle fécondité.

Son disciple, ANAXIMANDRE, pense que le monde est davantage

déterminé dans sa structure et dans ses proportions. A l’origine de toute chose Anaximandre suppose, pour le dire d’abord simplement, une sorte de réservoir surabondant , l’Apeiron, où sont réunies toutes les qualités contraires: le chaud et le froid, l’humide et le sec, le léger et le lourd, etc. Il professe que toutes ces oppositions façonnent les choses visibles. Exprimé autrement, la nature est, pour lui, le siège de couples d’opposition; ainsi la terre est en équilibre au centre de l’univers parce que des forces égales agissent sur elle selon toutes les directions de

1. Nous nous sommes inspirés, pour ce chapitre, de Ph. Devaux (1950) et de J. Schotte (1982a et

1982b)

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l’espace. Anaximandre postule qu’un dispositif règle l’égalité des forces. Ce dispositif, d’essence radicalement différente des éléments du couple qu’il contrôle, pourrait jouer le rôle que joue l’ordinateur dans le cas des modèles actuels d’équilibration. L’énoncé de cette conception montre l’intense dynamisme qu’Anaximandre imagine dans n’importe quel système, même et surtout quand il paraît stable et équilibré.

ANAXIMENE, le dernier des milésiens, fit connaître la doctrine de

ses prédécesseurs, mais pour lui la substance fondamentale et première n’est ni l’eau, ni l’Apeiron, mais l’air, car de l’air vient les autres substances: l’air raréfié donne le feu, l’air condensé, l’eau, voire la terre.

HERACLITE est fidèle à la pensée des milésiens, il prône lui-même

la théorie physique d’une substance première, mais il en diffère par le choix de la substance : pour lui, c’est le feu qui est la source de la formation de l’univers.

Par ailleurs, Héraclite est convaincu que les choses sont instables et en mouvement, “on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve” dit-il. Ce mobilisme qui caractérise sa philosophie, il l’explique par le caractère profondément antagoniste des éléments du monde. Il dit “la guerre est mère de toute chose”, la lutte, l’opposition, la contradiction règnent partout. Derrière ce jeu des contraires qui s’opposent perpétuellement et des antagonismes les plus aigus (il est là le mouvement), se cache une harmonie profonde et il interprète cette harmonie secrète comme le principe unitaire de toute multiplicité et comme le principe multiplicitaire de toute unité. On ne s’étonnera donc pas que, pour Héraclite, rien n’ait de valeur en soi, que toutes les valeurs soient relatives

Avec Héraclite, l’antagonisme des qualités, déjà entrevu dans l’Apeiron, se précise. Il développe un idée dont la base est la confrontation des différences, l’antagonisme, la lutte entre les éléments dont il ressort l’unité des phénomènes visibles. L’harmonie visible sous-tend un mouvement perpétuel de lutte entre les aspects antagonistes des éléments.

Aujourd’hui, beaucoup d’auteurs en systémique et dans le courant auto-organisationnel citent Héraclite en exergue de leurs propres écrits tant sa pensée connote celle d’aujourd’hui. La recherche du modèle

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L’école de PYTHAGORE s’inscrit à la suite de ces auteurs qualifiés

de présocratiques. Comme les autres écoles de philosophie, il s’agit essentiellement d’un centre de spiritualité qui étudiait aussi les mathématiques car, pour Pythagore, les nombres sont la source de toute chose. Cette école marque l’avènement décisif de l'arithmétique en occident (le théorème dit “de Pythagore” avait été découvert mille ans auparavant à Babylone) où l'articulation structurale s'exprime en nombres, ceux-ci, et c’est une grande nouveauté, désignant essentiellement des relations et des proportions .

En fait, toute l'histoire de la pensée européenne de ces deux

derniers millénaires a commencé avec le débat qui opposa les pythagoriciens à leurs contradicteurs et qui s'exprime selon l'alternative suivante: faut-il se demander de quoi sont faits la terre, le feu, l'eau et l’air ou quel est le modèle qui les associe? Pythagore prit le parti d'analyser le modèle et, bien que ce parti ait toujours été en position d'infériorité, il poursuivit obstinément son chemin avec des relèves successives: les gnostiques d'abord, les alchimistes ensuite, la médecine homéopathique, etc.

Le choix du “modèle” comme constitutif de ce qui a une valeur a suscité la recherche de la proportion parfaite, fondement de l’antique Théorie de l'Harmonie. Cette théorie donne existence à une forme, à un système ou à un pattern avant la lettre, dont le fameux nombre d’or est un exemple de relation parfaite qui conduit à une expression particulièrement esthétique.

Pythagore développe donc l’idée d’Héraclite et même celle d’Anaximandre lorsqu’il cesse de considérer la substance en elle-même (les nombres), pour considérer les relations qui les unissent. Du côté de la médecine

ALCMEON DE CROTON est le chef de file d’une corporation médicale fortement influencée par la tradition pythagoricienne. EMPEDOCLE est une figure marquante de cette école parce que sa théorie soutient que la matière primordiale éternelle dont toute chose est constituée se compose, non pas d’un élément, mais des quatre éléments ou “racines”: le feu, l’eau, l’air et la terre. Il s’agit de la première expression d’une théorie quaternaire des éléments. Entre les éléments,

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- 7 – Cet article a été rédigé par le Professeur Etienne Dessoy dans un livre qui s’intitule L’homme et son milieu. Vous pouvez vous procurer ce livre auprès du Service de Psychologie Systémique(Secrétariat de Martine Stassart) B33 Bd du Rectorat 4000

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Empédocle souligne qu’il n’existe aucune prérogative : “les quatre éléments sont de même rang et de même dignité”.

En médecine, aux quatre éléments correspondent les quatre humeurs cardinales dont vous avez entendu parler dans vos études: la bile, l’atrabile, le flegme et le sang. La santé est définie par l'équilibre des humeurs et la maladie par l'absence ou la prédominance de l'une d'entre elles.

C’est à partir de ces idées que la médecine grecque, à laquelle le

nom d’HIPPOCRATE est attaché, fonde le modèle classique de la maladie, en élaborant la première tentative scientifique de décrire une dialectique entre la santé et la maladie. L’idée de base est l’harmonie qui équilibre en permanence des forces plus ou moins instables qui régulent la présence active des quatre humeurs. Corrélativement, ces médecins développent l’idée de dysharmonie qui signifie une rupture dans l’équilibre qui présidait à la santé de la personne et qui explique la maladie. Il s’agit d’une conception complexe de la santé et de la maladie que l’on ne retrouve plus nécessairement aujourd’hui en médecine où l’on parle plus volontiers d’organes malades isolés de leur contexte. Ainsi, la nosotaxie moderne ne met pas volontiers en relation l’ensemble des éléments de la maladie, comme le fait l’homéopathie; elle décrit une succession de maladies d’organes, alors que la médecine antique avait déjà le souci de situer la souffrance et le dysfonctionnement dans un contexte.

Comme la médecine d’aujourd’hui, la médecine antique est intimement liée à la conception du monde de son époque, qui voit toutes choses reliées entre elles, dans un cosmos où l’homme, en tant que microcosme, participe à l’harmonie générale, jusqu’à incorporer les forces cosmiques qui le traversent et qui le font participer aux macro-cosmos qui englobe le tout. Dans cette conception, la maladie est une rupture de l’équilibre toujours instable, une dysharmonie ou encore la prédominance d’une force sur l’autre. On retrouve dans l’approche systémique la même préoccupation de considérer un ensemble d’éléments ou d’événements et d’en décrire les liaisons, les équilibres et, le cas échéant, les ruptures d’équilibre qui provoquent la maladie d’un membre du système en même temps qu’un dysfonctionnement de ce système. Deux idées-mères : Harmonia et Periechon

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Pour nous faire une idée plus concrète de la manière dont les

anciens pensaient, interrogeons certaines idées-mères qui ont forgé notre civilisation et qui continuent à nous influencer. Ainsi l’idée d’harmonia. Elle a d’abord un sens concret, matériel, en même temps qu’un sens plus abstrait. Elle désigne tout autant les crochets qui attachent les planches d’un bateau que l’idée générale d’harmoniser des événements ou des concepts. Léo Spitzer, un philologue spécialiste de la sémantique historique, commente le sens du mot “harmonia” à partir du terme allemand de “Stimmung”. Cette idée est difficilement traduisible en français, elle signifie pour un allemand le CONTACT qui unit la personne avec son environnement; cette liaison se fait de telle manière qu’il s’agit d’un seul et même phénomène: il n’y a pas d’un côté la personne et de l’autre l’environnement, il n’y a pas un sujet et un objet, car le contact qui se produit soude instantanément la personne avec l’environnement qu’il s’agisse d’un paysage, ou d’une autre personne (ex: s’abîmer dans la contemplation d’un coucher de soleil, la relation amoureuse, être bien là, etc.). C’est en ce sens que l’on peut comprendre la liaison, ou mieux, l’accord de l’homme avec son cosmos. Nous sommes ici bien en deçà de l’opposition dualiste “objet-sujet” fondatrice du positivisme et de la science.

L’idée de “periechon” exprime d’une autre façon la même

conception générale. Elle signifie “milieu” , “milieu ambiant”, “ambiance”, “ce qui tient à l’entoure et qui donne une certaine tenue en tenant”. C’est une abstraction chaude, en ce qu’elle signifie tenir à l’entoure comme la terre entoure la mer. Le cosmos entoure tous les vivants, et en cela le cosmos est lui-même vivant. Elle signifie aussi “être au soin de, être dans la courbure de...” et cette activité réciproque entre le macro- et le microcosme est dite de sympathie et elle ira jusqu’à l’idée que se déploie autour de l’homme un véritable “milieu d’amour” qui fait la connaissance même, celle dont Claudel dira qu’elle est une co-naissance. L’histoire de l’idée de Periechon

Le passage du terme “periechon” en latin pose le problème de la traduction. La Rome Antique fractionne l'idée unique en plusieurs parties, et le concept d'univers ne rend plus l'accent spécifique de celui

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de “cosmos” ou de “monde”, c'est-à-dire “l'embrassement qui comprend tout”.

Le Moyen Age traduit “periechon” par “ambiens” (allant autour) et

si l'idée retrouve sa connotation chaude et enveloppante, “l'ardent éther” de la cosmologie grecque ne s'y ressent plus.

La Renaissance est marquée par la révolution copernicienne. Avec

Copernic, l’homme perd la place centrale, il n’est plus le centre du monde autour de qui tournent les planètes, le soleil et les étoiles. Le soleil le détrône et le relègue avec la terre dans la banlieue du ciel. Le monde héliocentrique de Copernic reste néanmoins encore centré (autour du soleil) et solidement entouré d'une sphère extrême “se contenant elle-même et toutes choses” écrit Lovejoy (cité par J. Schotte, 1982, p. 651).

Alors que la Renaissance laisse souvent croire à un heureux retour vers le passé antique, vers des certitudes établies, la littérature de l’époque nous laisse penser que la conception du monde devient tragique, il suffit pour s’en convaincre de citer Hamlet, Don Juan, Faust, Don Quichotte, etc., et cet aspect tragique de la renaissance annonce une crise majeure qui s’ouvre au XVIIème siècle.

L'homme et la terre au centre du monde (conception antique)

Conception héliocentrique de Copernic

terre

les astres

soleil

terre

C’est en effet au XVIIème siècle que la pensée scientifique apparaît et elle supplantera durant quatre siècles la pensée antique. Durant ce XVIIème siècle apparaît une nette coupure, un désaccord total au sein d’un milieu devenu fonctionnel, tel un élément (ou un facteur) devenu le moyen d'une fin. Il ne s'agit plus d'un équilibre d’éléments à la fois contraires et complémentaires, ni d'un embrassement comprenant le tout.

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Avec I. Newton, Cl. Bernard, H. Taine et A. Comte, pour ne citer que ceux-là, l'homme a perdu son milieu, qui est relayé par un univers infini, froid et aux lois rigides. Le milieu est devenu un étranger, et de surcroît une menace pour l'homme parce qu’il le détermine entièrement de l'extérieur; pensons au milieu interne de Cl. Bernard qui doit impérativement se protéger du milieu externe bien souvent hostile à l’homme (par exemple se protéger des microbes). Nietzsche qualifiera cette conception du rapport de l’homme avec le monde de “théorie de névrosé”.

Pendant ces quatre siècles, le monde connut le plus formidable

développement de son histoire. Les découvertes scientifiques et leurs applications n’ont cessé de doter les hommes de moyens matériels de plus en plus extraordinaires, grâce aux applications de la méthode scientifique issue du positivisme. Cette méthode a largement fait ses preuves, du moins en ce qui concerne l’investigation des éléments naturels. Mais en ce qui concerne l’homme, il en va tout autrement. Ces quatre siècles marquent un arrêt, voire une régression dans la conception que l’on se fait de l’homme et surtout de l’homme en relation avec son environnement. L’étude de l’homme s’est développée de manière inversement proportionnelle aux développements des sciences de la nature et de leurs technologies.

C’est au XIXème siècle, et pour la première fois chez les frères

GONCOURT, que réapparaît l'idée selon laquelle l'homme “appartient à son milieu comme un homme à sa demeure et que se recrée l'expression “l'ambiance des milieux” dans le sens dont Heidegger dira que “l'homme est au monde”” (J. Schotte, 1982), faisant de l’un et de l’autre l'habitant et sa coquille, où se retrouve la chaude étreinte du periechon. On voit donc réapparaître au XIXème siècle, quelques idées semblables à celles des anciens.

A cette époque, la philosophie de SCHELLING influença la

médecine et la biologie; sa thèse soutient que le déséquilibre même est source de productivité; l’instabilité est vue comme le moteur et le pivot de la santé et de la maladie; grâce à la maladie, l’homme atteint à des possibilités de lui-même qu’il n’aurait pas vues ou pas pu atteindre sans la maladie (cette époque se plaît à lier la production artistique et le tempérament mélancolique, ainsi que le génie et la folie). Freud lui-même dit que “la névrose est un privilège humain” et V. von

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Weiszäcker énonce que “dans l’assomption de sa névrose, l’homme s’élève au-dessus du normopathe”. Nietzsche employait l’expression : “la santé est la capacité de soutenir un nombre le plus grand possible de maladies”. Il s’agit en fait d’une conception romantique de l’homme et de sa maladie qui marque une opposition à la rigidification scientiste de l’époque. Ces idées n’eurent pas de grands prolongements; si nous les reprenons, c’est pour souligner que ces philosophes, biologistes, et médecins - que l’on peut qualifier de romantiques - renouent d’une certaine façon avec les idées-mères du passé et que leur démarche montre un souci systémique avant la lettre, lorsqu’ils relient les phénomènes et recherchent des équilibres plutôt que d’isoler uniquement la substance qui serait en cause, ou l’organe malade en lui-même.

Il faut véritablement attendre le XXème siècle pour qu’apparaisse

progressivement l’idée d’organisation, c’est-à-dire de la liaison des parties entre elles et avec le tout. Pour la première fois, une conception scientifique renoue partiellement avec l’idée-mère de periechon. En effet, en dénonçant la méthode classique qui isole les éléments les uns des autres afin de les étudier séparément, elle postule au contraire que l’étude scientifique d’un phénomène doit s’envisager par la recherche de l’organisation de ses éléments constitutifs.

Le XXème siècle, là où notre courte rétrospective aboutit, s’est

nourri de la pensée hégélienne. Vous vous souvenez du principe : thèse - antithèse - synthèse, où non seulement il y a mise en évidence des contraires (cfr. Anaximandre) mais aussi proposition d’une synthèse possible entre des éléments opposés (Héraclite en évoquait déjà l’idée).

Je voudrais citer ici KORZYBSKY dont la pensée s’inscrit au départ d'une critique radicale de la logique d'Aristote (logique formelle), critique déjà formulée par B. RUSSELL dans sa “logique mathématique”. Korzybsky propose une représentation de l'humanité qui considère l'homme en tant qu'“organisme-comme-un-tout-dans-un-environnement” et il envisage les conditions psychologiques et même physiologiques d'une logique non-aristotélicienne dont les développements s'attachent à la réforme de multiples sciences.

La même opposition au scientisme s'observe chez F. BRENTANO, précurseur de la phénoménologie contemporaine.

D’autres grands courants de pensée, organisationnels avant la lettre, se sont développés à partir, par exemple, de F. DE SAUSSURE, de

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J. PIAGET, dont l'épistémologie et la théorie de l'apprentissage sont moins structuralistes qu'organisationnelles au sens fort du terme et de FREUD, dont certaines reformulations contemporaines mettent en évidence une pensée de type processif qui apparaît entre autres choses à propos du concept de pathogenèse opposable à celui d'étiologie (J. Schotte, Kinable, Lekeuche).

Enfin, pour nous arrêter, citons déjà la pensée “écologique” de G. BATESON qui fonde malgré lui la thérapie familiale systémique, en n'oubliant ni WHITEHEAD, ni EINSTEIN (plus médiéval que Newton), ni les autres scientifiques qui depuis l'aube du siècle ont repensé autrement les fondements de leurs sciences. Cet énorme brassage d'idées baigne, tout en la créant, la pensée contemporaine à laquelle se nourrit le courant qui se nomme lui-même auto-organisationnel. (E. Morin en a vulgarisé les idées dans “La méthode”). Histoire de l’idée de communication

La sémantique historique nous éclaire sur l’évolution des mots et des idées non pour orner notre esprit ou briller dans les salons mais bien plus pour permettre de nous situer concrètement dans le monde d’aujourd’hui par rapport à notre héritage culturel. En guise de conclusion, je voudrais évoquer l’évolution d’un autre mot qui nous suivra tout au long du cours, celui de “communication”. (Y. Winkin: “la nouvelle communication”).

En latin, le verbe “communicare” signifie partager, mettre en commun; il signifie aussi l’union des corps.

Au X-XIIème siècle, le sens est fort proche de communier et communion. Le substantif “communier” signifie “propriétaire en commun”, participant à une milice (les communiers flamands).

Du XIVème siècle, et jusqu’au XVIème, les termes communiquer et communication sont utilisés en langue française.

Au XVIème siècle apparaît le sens de “faire partage d’une nouvelle”.

Au début du XVIIème siècle, communiquer signifie également “transmettre”, par exemple, une maladie.

Au XVIIIème siècle, les usages signifiant “partager” passent au second plan pour faire place aux usages centrés autours de “transmettre”, de passer de A à B (train, télégraphe, média). On constate que du cercle où un est en tout, on passe au segment, à la transmission

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objective d’information. Aujourd’hui, c’est le sens de transmission qui prévaut dans le

langage commun, ce qui représente une rupture totale avec le passé. On retrouve à propos de ce mot, l’essentiel de ce que nous avons dit de l’évolution du periechon. “Communiquer” se lie dorénavant à une théorie de la communication et à la cybernétique.

Nous montrerons qu’en réincorporant à la théorie des systèmes des idées comme celles d’ambiance, de contact et d’humeur, nous renouerons avec le sens primaire de “communicare” signifiant “éprouver une communion”.

Les sciences humaines ont également suivi le mouvement engendré

par la perspective positiviste, et plutôt que de demeurer une partie de la philosophie, elles se dotèrent d’un statut scientifique. Ceci explique la naissance des Ecoles, puis des Instituts, enfin des Facultés de psychologie au sein des universités. Les premiers laboratoires de psychologie expérimentale (Wundt, Fechner, Michotte) soulignent que chaque université réfère l’étude de l’homme à un modèle scientifique élaboré par d’autres sciences: certaines universités ont choisi comme point d’ancrage la biologie et la physiologie, d’autres la physique. En ce qui concerne la perspective systémique, nous verrons qu’elle n’échappe pas à cette extrapolation, puisque l’étude des communications humaines s’appuie d’abord sur les découvertes de la cybernétique.

Nous tenterons cependant de cerner davantage la problématique spécifique de l’homme en société en nous initiant d’abord aux travaux des pionniers, puis en montrant en quoi cette approche classique est trop apparentée à une perspective qui n’a pas grand chose à voir avec la nature humaine et nous tenterons de nourrir la pragmatique de la communication et le courant auto-organisationnel en réinsérant dans leur discours deux événements qu’ils occultent: d’une part, les phénomènes d’ambiance et d’humeur, d’autre part les phénomènes de culture, en montrant comment ils influencent profondément le registre des communications. Cette manière de reconsidérer les systèmes et les organisations humaines, nous remettra en conjonction avec les idées-mères de periechon et harmonia, non plus cependant un periechon retrouvé tel qu’il était il y a plus de vingt siècles, mais une idée enrichie par des apports scientifiques qui n’annulent plus, comme cela se fit à partir du XVIIème siècle, la liaison essentielle de l’homme avec son environnement, tel que chacun d’entre nous l’éprouve profondément au quotidien.

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Cette brève introduction historique a montré que la jeune

systémique dont on parle tant aujourd’hui n’est pas une nouvelle poudre à lessiver ou un nouveau produit à consommer mais plutôt une manière de penser le monde et le réel qui s’inscrit résolument dans notre héritage culturel.

Nous avons développé notre point de vue à partir de la naissance

de la philosophie grecque. Nous aurions pu le faire souvent avec plus de bonheur si nous avions envisagé d’autres civilisations, par exemple la philosophie chinoise ou la philosophie africaine qui n’a jamais cessé de considérer l’homme et la vie d’un point de vue communautaire.

II. LES ORIGINES CONTEMPORAINES Gregory Bateson

Son grand-père, d’origine irlandaise, fait ses études à Cambridge, bastion conservateur, où il a une réputation de réformiste. Sa femme est d’ailleurs une des première suffragettes anglaises.

Leur fils, William, est zoologiste, il enseigne à Cambridge. Nous sommes à la fin du XIXème siècle et les idées de Darwin (“L’origine des espèces” date de 1859) perturbent beaucoup d’esprits en remettant en cause l’histoire chrétienne, certains dogmes et surtout le livre de “La genèse”. William n’est pas chrétien, c’est un humaniste qui s’oppose à Newton dont il juge les idées trop simplistes..

William a trois fils, John, Martin et Grégory (le prénom du moine Mendel, généticien que William admirait beaucoup): - John suit les traces de son père et devient biologiste mais il meurt à la guerre en 1918; - Martin est un artiste, ses parents l’encouragent dans cette voie mais suite, semble-t-il, à un chagrin d’amour, il se suicide au jour et à l’heure de la mort de son frère John; - reste le petit Grégory, qui n’est guère investi par sa famille. Déjà enfant, il s’intéresse à la biologie: à l’école primaire, il pratique des observations de plantes et d’animaux. Il devient donc biologiste, mais il est réfractaire à la manière dont cette science est enseignée à l’université.

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L’histoire raconte l’anecdote suivante: un jour, un armateur invita Grégory à faire une croisière dans les Caraïbes pour que le jeune biologiste nomme le nom des poissons que le milliardaire pêcherait. Il accepta et ce fut ainsi qu’il prit contact pour la première fois avec des populations exotiques et qu’il aurait décidé d’orienter sa carrière vers l’anthropologie naissante. L’anthropologie à cette époque C’est aux alentours des années 1930 que Bateson et sa femme, Margaret Mead, se rendent en Nouvelle Guinée, précisément à Bali où Bateson étudie les populations et les rites qu’elles mettent en action. Il étude la “cérémonie du Naven”, rite auquel il consacre son premier ouvrage qu’il publie en 1936. Ce livre n’eut, à l’époque, aucun succès; pourtant il y propose une nouvelle manière de penser et de pratiquer l’anthropologie.

A cette époque, on distingue deux grandes écoles en anthropologie: - l’école française, avec Durkheim comme chef de file. Celui-ci confère à la société “le pouvoir transcendantal d'organiser, de l'extérieur, nos pensées les plus durables, les plus sacrées et dénie au seul individu toute capacité de dépasser par lui-même le seuil des représentations sensibles”. (A. Bensa, 1988, p.154). Cette conception fait de la personne un élément dernier et même une composante résiduelle vu l'instabilité et la fragilité des sensations, des perceptions, etc. En fait, Durkheim conçoit la personne comme une simple partie de la totalité sociale. - l’école américaine (anthropologie culturelle) dont les représentants les plus importants sont Malinowski, R. Bénédict, M. Mead, et R. Linton. A l'opposé de Durkheim, l'anthropologie culturelle américaine situe la personne, ses besoins d'ordre affectif, ses capacités et ses aptitudes cognitives à la base de tous les phénomènes sociaux et culturels. Pour eux, la personne occupe une place centrale, au point que Linton fonde l'étude de la culture sur une théorie des besoins biologiques et psychiques des individus (R. Linton, 1965, p.11). A partir de cette place privilégiée de la personne, les auteurs définissent la culture comme l'ensemble des relations entre les personnes.

Bateson critique la position des deux écoles d'anthropologie, il refuse la dichotomie stérilisante qui oppose individu et société comme

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deux entités autonomes. D'une part, il refuse une psychologie des besoins qui met entre parenthèses le caractère culturel et appris des sentiments ou des idées des gens. D'autre part, il refuse tout autant l'attitude qui consiste à porter uniquement son attention sur les structures sociales car elles ne montrent pas la manière dont l'organisation sociale impose un système de valeurs aux personnes.

En réalité, Bateson s'attache à une saisie multidimensionnelle et globale des conduites qui jette les bases de la systémique moderne. Sa méthode est la suivante: 1° il propose que l'ethnographe décrive d'abord, en dehors de toute

psychologie, des fragments de CONDUITES coutumières entre les personnes. Il s'attache aux conduites les plus visibles: les attitudes corporelles, les expressions verbales, et les comportements ritualisés, ainsi qu'aux émotions et aux sentiments qui leur sont associés;

2° il propose ensuite de dégager les relations qui unissent ces fragments dans un schème logique. Il est attentif aux contextes sociaux, aux normes, règles et lois, aux contextes affectifs et aux ambiances dans lesquelles se développent les situations (l’ETHOS et l’EIDOS de la société étudiée). La grande nouveauté consiste à comprendre que les comportements sont avant tout signifiants dans l'INTERACTION, (et non plus en eux-mêmes) “Le caractère balinais, une analyse photographique” (25.000 photos et 7 km de pélicules à trier);

3° c'est à partir de ces matériaux qu’il se fait une idée de la structure culturelle à partir d’une théorie des systèmes. Il rompt ainsi avec l'idée que le sujet puisse être un “en-soi”. Selon

lui, la personne doit être pensée comme un système de relations, des plus immédiates aux plus larges et cette manière de pratiquer l’anthropologie, il la décrit tout au long de la “Cérémonie du Naven” (1936).

Dans ce cadre, l'intégration des mouvements les plus variés, comme les attitudes standardisées, sont assurées par un petit nombre de schèmes corporels, verbaux, esthétiques, etc., caractéristiques de la culture étudiée et garants d'une bonne communication entre les personnes qui s'en reconnaissent membres: “(..) lenteur ou rapidité des gestes, direction du regard, accent et tournure de phrase, oppositions privilégiées de teintes, hiérarchies des odeurs et des goûts, etc. Ces indicibles classements définissent le style, ou la 'sensation de culture', que Bateson, dès son premier travail de terrain, a voulu théoriser avec la notion d'ethos (dont P.Bourdieu, reprend l’idée sous les termes

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d'hexis et plus largement d'habitus). En résumé, l'approche batesonienne des usages sociaux du corps chez les Iatmuls ou les Balinais, loin de réduire la personne à n'être que l'exécutant obéissant de l'ordre social, fait d’elle un acteur riche d'expressions affectives et intellectuelles.

En même temps que Bateson s’attache à nous montrer comment les comportements sont avant tout signifiants dans l’interaction, il étudie les modalités de ces interactions qu’il appelle schismogenèse complémentaire et schismogenèse symétrique. En fait, Bateson conçoit l'équilibre d'un système social à partir des processus symétrique et complémentaire: c'est, dit-il, la rencontre de ces processus opposés qui établit l'équilibre d’une communauté.

Mais la rééquilibration du système par l'adjonction d'un mode complémentaire dans un mode symétrique et inversement est un phénomène observable que Bateson ne peut pas encore expliquer au moment du “Naven”. Il dut attendre les développements de la cybernétique pour formaliser l'idée que les deux processus ne peuvent s'équilibrer qu'à la condition de voir s’établir entre eux une relation fonctionnelle circulaire. C'est avec cette question sans réponse qu’il quitte la Nouvelle Guinée. Il se rend aux USA en 1939 pour mettre au point son second livre : “Le caractère balinais”.

Dans les années 1942, une fondation américaine réunit des

chercheurs dont on dira plus tard qu’ils ont fondé la cybernétique. Ces réunions sont connues sous le nom de “conférences MACY”; Norbert Wiener (mathématicien, professeur au MIT), Mc. Culloch, Shannon (théorie de l’information Bell Tel) forment le noyau de base. Sont invités également des sociologues, des neurologues, des psychologues (notamment Kurt Lewin et Skinner) et des anthropologues. C’est à ce titre que Bateson et surtout Margaret Mead, mieux connue du public scientifique, sont invités à prendre part à ces cycles de conférence et à s’initier à la cybernétique, entre autres au fameux concept de rétroaction (feed-back), qui fournit à Bateson l’explication de son processus schismogénétique.

A l’écoute de ces idées nouvelles, Bateson dut reconsidérer la question de la téléologie ou de la finalité d’un processus et sortir l'idée de sa conception mystique qui philosophiquement était étroitement reliée au problème de la nature transcendantale des formes et des modèles. La cybernétique permit à Bateson de concevoir que la fin d'un processus peut être considérée comme un “projet” et que celui-ci peut être invoqué comme explication du processus qui l'a précédé: “[L]'étude

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formelle du phénomène de rétroaction (feed-back) a tout de suite changé tout cela: dans ses termes, nous aurions affaire à des modèles mécaniques de circuits causaux qui tendent à atteindre (si les paramètres du système sont appropriés) des positions d'équilibre ou des états stables. Mon livre "La Cérémonie du Naven" a été écrit en observant rigoureusement le tabou de l'explication téléologique: la fin ne peut jamais être invoquée comme explication du processus. ” (G.Bateson, 1977, p. 173).

A la chaîne causale classique :

Bateson propose la boucle rétroactive:

Symétrie Complémentarité Symétrie Complémentarité etc.

Symétrie Complémentarité

La cybernétique

Deux ouvrages ponctuent l’entrée de la communication dans le monde scientifique: celui de Norbert Wiener “Cybernetics” sous-titre: “le contrôle et la communication chez l’animal et dans la machine” (1948) et celui que son élève, Claude Shannon, publie un an plus tard, “The mathematical theory of communication”

Le mot cybernétique renvoie à l’idée de gouverne, gouvernement, gouvernail. Dans son principe, la cybernétique est la théorie de la commande (pilotage et contrôle) des systèmes dont l’organisation comporte de la communication. Dans cette perspective, l’information communiquée devient programme: elle constitue des “instructions” ou “ordres” qui enclenchent, inhibent ou coordonnent les opérations.

Dès le début de la cybernétique (le couplage d’un ordinateur et d’un radar pour commander la course d’un engin antiaérien), le problème de la commande est posé en terme intra-machinaux. Une commande automatique se détermine dans les ordinateurs, machines spécifiques traitant l’information. A chaque fois, des informations sur l’action en cours nourrissent en retour (par feed-back) le système, et lui permettent d’atteindre son but.

L’ordinateur se développe donc en devenant capable d’élaborer des stratégies adaptées à des circonstances variables, de contrôler

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l’application de programmes, de prendre des décisions en fonction de situations problématiques, de percevoir et même d’apprendre.

Alors que les moteurs se sont développés en développant de la puissance énergétique, les ordinateurs se développent en développant de la compétence organisationnelle.

Ce modèle de la machine cybernétique s’est appliqué avec le succès que l’on sait à l’être vivant. On a considéré l’homme comme une machine contrôlée et gouvernée par un “programme” inscrit dans l’ADN, le dispositif des gènes dans le noyau des cellules, l’appareil neuro-cérébral pouvant désormais être considéré comme des ordinateurs traitant de l’information. En fait, la biologie moléculaire avait trouvé dans la cybernétique l’armature générale où intégrer ses opérations biochimiques, et la cybernétique avait trouvé dans la biologie moléculaire la preuve vivante de sa validité organisationnelle. La théorie générale des systèmes.

Parallèlement aux travaux de Wiener, un groupe de chercheurs animé par le biologiste autrichien-canadien LUDWIG VON BERTALANFFY, tente d’élaborer une “théorie générale des systèmes” (1968 en anglais). Il constate que beaucoup de disciplines réfléchissent en terme de système d’éléments plutôt qu’en terme d’éléments isolés (système solaire, systèmes sociaux, systèmes écologiques, etc.) et il cherche à énoncer des principes généraux applicables à tout système, sans se préoccuper s’ils sont de nature physique, biologique, ou sociologique. Un système est défini comme un complexe d’éléments en interaction, ces interactions étant de nature non aléatoire.

“Théorie générale des systèmes” et “cybernétique” vont progressivement s’interpréter l’une l’autre pour engendrer ce qu’on appelle aujourd’hui la “systémique” (cfr. J. de Rosnay: Le macroscope)

Ces travaux eurent un énorme retentissement dès le début des années 1950, lorsque ces idées s’appliquèrent aux robots. Mais cet excès d’imagination anthropomorphique et ces analogies entre l’homme et la machine éclipsèrent quelque peu la cybernétique du champ social; celle-ci se cantonna alors dans le domaine de l’ingénieur où elle atteindra sa maturité dans la sérénité.

Néanmoins deux grands domaines de la recherche en science humaine profitèrent de ce champ d’investigation ouvert par Wiener et von Bertalanffy: le behaviorisme dont vous connaissez les applications

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au conditionnement opérant (Skinner) et l’approche systémique qui se développa à partir des travaux de Grégory Bateson.

Finalement, la cybernétique apporte un certain nombre de concepts enrichissants: 1° A l’idée classique d’interaction, elle apporte celle de rétroaction (ou feed-back) 2° Elle enrichit l’idée de processus par celle de boucle. 3° L’idée de stabilité est mieux comprise par celle de régulation. 4° A la causalité, elle préfère celle de finalité (non plus une finalité externe transcendante (Dieu ou le Hasard) mais une finalité interne au processus qui émerge de l’organisation en question).

Tous ces concepts sont désormais indispensables pour concevoir les phénomènes physiques, biologiques et anthropo-sociaux. Le plus important est d’avoir lié tous ces termes de façon organisationnelle et d’avoir ainsi donné naissance à la première science générale ayant pour objet l’organisation.

Plus récemment, von Foerster (d’origine autrichienne, vivant aux U.S.A.) a inventé ce qu’on appelle la seconde cybernétique ou la seconde thermodynamique en mettant en évidence le phénomène d’auto-référence, c’est-à-dire la participation active de l’observateur dans ce qu’il observe, au point qu’on peut considérer qu’ils ne forment qu’un seul système (on retrouve ici l’enveloppement des idées du periechon et d’harmonia). Depuis la naissance du positivisme (XVIIème), il était pourtant interdit de penser ainsi. Le principe même de l’objectivité devait être respecté: il consistait en une séparation radicale entre l’observateur et son sujet d’étude. Ce principe a de grandes répercutions notamment en psychothérapie.

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Bateson et la psychiatrie, le début de Palo Alto, petite ville Californienne

Les conférences Macy soulèvent un enthousiasme exceptionnel chez tous les participants qui diront plus tard que chacun d’entre eux avait le sentiment de participer à un événement historique : la création d’un nouveau cadre de référence conceptuel pour l’investigation scientifique des sciences de la vie.

Ils assistaient à la naissance de la cybernétique et à l’ébauche de ses développements, notamment en science humaine, puisque la systémique s’inscrit en droite ligne dans la foulée de cette nouvelle science.

Bateson ne retourna pas à Bali; ses travaux et sa participation aux conférences Macy, qui reprennent après la guerre, le firent inviter curieusement par des psychiatres. Le premier fut Ruesch, responsable d’un hôpital psychiatrique pour les vétérans de la guerre, où Bateson va entamer ses recherches sur la schizophrénie du point de vue de la communication. Progressivement d’autres chercheurs viendront grossir le groupe: Jackson, Haley, Fisch, Watzlawick, Weikland, Beavin, V. Satir et bien d’autres.

En 1956, il publie “Vers une théorie de la schizophrénie”, où il invente l’idée de double lien.

L’anthropologue G. Bateson est un chercheur qui tente de formuler une théorie générale de la communication en s’appuyant sur des données aussi disparates que des dialogues entre ventriloques et leurs poupées, des observations de loutres au jeu ou des études du comportement des schizophrènes, sans oublier ses études sur la communication des dauphins, des poulpes ou même des araignées.

La création d’une école.

Ray Birdwhistell et Edward Hall, deux anthropologues en relation avec Bateson, cherchent à étendre le domaine traditionnel de la communication en y introduisant la gestualité (kinésique) et l’espace interpersonnel (proxémique)

Erving Goffman, un sociologue, est fasciné par la façon dont les faux pas, les coulisses ou les asiles révèlent, telles des déchirures, la trame du tissu social.

Progressivement, ils forment un groupe homogène auquel se joignent Don Jackson, Beavin et le philosophe-psychologue

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Paul Watzlawick. Ces personnes ne forment pas une école, il se voient rarement, mais communiquent par texte et téléphone, c’est pourquoi Y. Winkin parle d’eux en terme de “collège invisible”.

Malgré lui Bateson fit école. Celle-ci porte le nom de la ville où il

étudia la communication chez le schizophrène, Palo Alto; cette ville de Californie fut un temps la Mecque des systémiciens, et Paul Watzlawick fut le chantre des idées qui s’y développèrent.

Qui était intéressé par la pensée un peu biscornue de Bateson? Quelques psychiatres. C’est donc le souci de mieux s’y retrouver en psychiatrie et particulièrement dans le domaine de la schizophrénie qui poussa ces chercheurs, dès 1956, à écrire un article qui eut un retentissement extraordinaire : “Vers une théorie de la schizophrénie” . En fait, ces auteurs venaient d’inventer le concept de double lien. Il s’intéressaient essentiellement aux communications humaines et aux effets qu’elles produisaient sur le psychisme humain, ils venaient de créer ce que depuis on appelle la pragmatique de la communication.

P. WATZLAWICK eut la bonne idée de nous présenter une remarquable synthèse des idées de Bateson et de ses collaborateurs dans le livre devenu un must: “une logique de la communication”.

BIBLIOGRAPHIE

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Behavioral Science, 1, 4, pp. 251-264. 3. Bateson G. (1977): Vers une Ecologie de l’Esprit, T. I, Paris, Seuil. 4. Bensa A. (1988): “Individu, structure, immanence. Grégory Bateson et l’Ecole française de

sociologie”, in Y. Winkin (éd.), Bateson: premier état d’un héritage, Paris, Seuil, pp. 153-170. 5. de Rosnay (1975): Le macroscope. Vers une vision globale, Paris Seuil, coll. Points. 6. Devaux Ph. (1950): De Thalès à Bergson: introduction historique à la philosophie. Sciences et

Lettres Liège. 7. Kinable J. (1984): Les abords de psychopathie, Louvain-la-Neuve, Cabay. 8. Melon J., Lekeuche Ph. (1982): Dialectique des pulsions, Louvain-la-Neuve, Cabay. 9. Linton R (1965): Le fondement culturel de la personnalité, Paris, Dunod, 1965. 10. Morin E. (1977): La méthode. T. I: La nature de la nature, Paris, Seuil. 11. Morin E. (1980): La méthode. T. II: La vie de la vie, Paris, Seuil. 12. Morin E. (1986): La méthode. T. III: La connaissance de la connaissance/1, Paris, Seuil. 13. Schotte J. (1982a): “Comme dans la vie en psychiatrie ... Les perturbations de l’humeur comme

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14. Schotte J. (1982b): Questions approfondies de psychologie clinique, notes personnelles, cours de questions approfondies de psychologie clinique, Université Catholique de Louvain.

15. Schotte J. (1990): “Le contact: d’un prélude”, in J. Schotte (éd.), Le contact, Bruxelles, De Boeck, Bibliothèque de pathoanalyse, pp. 11-13.

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16. Watzlawick P., Beavin H., Jackson D. D.(1972): Une logique de la communication, Paris, Seuil. 17. von Bertalanffy L. (1968): Théorie générale des systèmes, Paris, Dunod 18. Wiener N. (1948-1962): Cybernétique et société, Paris, Plon. 19. Winkin Y.(1981): La nouvelle Communication, Paris, Seuil, pp. 11-109.