rapport risque systemique

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  • 8/2/2019 Rapport Risque Systemique

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    Rapport

    sur le risque systmique

    Jean-Franois Lepetit

    Avril 2010

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    SommaireIntroduction ....................................................................................................................................4

    PARTIE 1 :IDENTIFIERLERISQUESYSTEMIQUE ..............................................................8

    1. Quest-ce que le risque systmique ? ............................................................................................92. Comment se propage le risque systmique ? ..............................................................................12

    2.2 Identifier les institutions dimportance systmique .........................................................122.3

    Identifier les facteurs de propagation du risque systmique............................................14

    2.2.1 Les limites des moyens de rsolution des pouvoirs publics peuvent contribuer aggraver la crise...................................................................................................................152.2.2 De nombreux Etats se sont engags dans lamlioration de leurs dispositifsnationaux de rsolution de crise .............................................................................................15

    3. Do vient le risque systmique ? ...............................................................................................193.1 Comprendre le moteur daccumulation du risque systmique.........................................19

    3.1.1 Le degr de concurrence des activits financires est-il suffisant ?.........................203.1.2 Les risques du secteur financier sont-ils correctement tarifs ? ...............................22

    3.2 Identifier les activits systmiques ..................................................................................263.2.1 Activits de crdit.....................................................................................................263.2.2 Activits dassurance................................................................................................323.2.3 Activits de march ..................................................................................................373.2.4 Activits de gestion dactifs .....................................................................................48

    PARTIE 2 : PREVENIR ET GERER LERISQUESYSTEMIQUE..........................................55

    1. Supervision du risque systmique...............................................................................................571.1 Justification dune supervision systmique .....................................................................571.2 Organisation dune supervision systmique ....................................................................581.3 Contenu dune supervision systmique ...........................................................................60

    2. Rgulation du risque systmique ................................................................................................622.1 Rgulation permanente : corriger les incitations accumuler du risque systmique ......62

    2.1.1 Rduire les possibilits darbitrage dans la rgulation micro-prudentielle ..............622.1.2 Taxer les externalits ngatives des activits systmiques.......................................70

    2.2 Rgulation ponctuelle : pnaliser les prises de risque systmique ..................................80

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    2.2.1 Eviter les mesures permanentes pouvant tre contournes ......................................802.2.2 Privilgier des mesures temporaires imposes par les superviseurs.........................82

    3. Rsolution du risque systmique.................................................................................................853.1 Dvelopper des rgimes efficaces et harmoniss de rsolution de crise .........................86

    3.1.1 Le dispositif franais de gestion des dfaillances dinstitutions financiresapparat plutt satisfaisant au regard des standards internationaux .......................................873.1.2 Certaines amliorations du dispositif franais pourraient nanmoins treenvisages...............................................................................................................................88

    3.2 Rsoudre les questions spcifiques aux groupes transfrontires .....................................903.2.1 Des instruments utiles mais de porte limite et dont les effets indirects nedoivent pas tre sous-estims .................................................................................................913.2.2 Des instruments indispensables terme pour grer efficacement des crisestransfrontires.........................................................................................................................93

    3.3 Clarifier le financement de la rsolution de crise ............................................................96

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    Introduction

    La crise que nous traversons est un vnement dune rare gravit, qualifie de systmiquecompte tenu de la diversit de ses manifestations et de lampleur de ses consquences.

    Les grandes banques qui incarnaient le succs des principales places financires ont tconfrontes des difficults indites, ayant men certaines dentre elles la faillite. Lesgouvernements et les banques centrales sont intervenus massivement pour restaurer la stabilitfinancire et soutenir le financement de lconomie. Malgr la ractivit des pouvoir publics,le monde a t plong dans une rcession violente, particulirement svre dans lesconomies dveloppes.

    Sous limpulsion du G20, des chantiers ambitieux de rgulation financire ont t lancs afinde tirer les enseignements de cette crise.

    Le Ministre ma confi une mission sur le risque systmique afin notamment dexaminerlide dune taxation internationale du secteur financier. Loin dpuiser le dbat engag sur cesujet, ce rapport a pour objectif de nourrir les travaux internationaux en cours.

    La premire partie du rapport est consacre lanalyse du risque systmique. Il semble eneffet indispensable de poser en des termes communs la problmatique complexe du risque

    systmique, avant denvisager des rponses de politique publique.Le risque systmique est un risque de dgradation brutale de la stabilit financire, provoqu

    par une rupture dans le fonctionnement des services financiers et rpercut sur lconomierelle. On peut identifier les institutions financires susceptibles dtre mises en difficult parune crise systmique et de propager ces difficults vers dautres acteurs. Mais pour identifierlorigine du risque systmique, il faut analyser, activit par activit, les diffrents mcanismesdincitation, notamment financires, qui peuvent conduire les acteurs accumuler de faonrationnelle, en dehors de toute erreur de gestion, des risques imparfaitement mesurs par largulation financire classique. Autrement dit, le risque systmique ne se rduit pas lasomme des risques individuels pris par les acteurs financiers : dans certaines activits,

    notamment les activits de march au sens large et certaines activits de gestion dactifs, lesrisques pris sont suprieurs aux risques que mesurent les rgulateurs micro-prudentiels.

    A la demande du ministre, le rapport aborde galement le rle de la concurrence dans ladynamique du risque systmique. En labsence de donnes empiriques et de travauxacadmiques rcents sur ce sujet, il na pas t possible de raliser dans le cadre de cettemission un diagnostic approfondi de la concurrence dans le secteur financier. Mais lanalysedes caractristiques de certaines activits financires, notamment les activits de march, meten vidence une tendance structurelle la concentration. Les liens entre concurrence etstabilit financire ne sont toutefois pas univoques : lexistence dun grand nombre dacteursne protge pas ncessairement du risque systmique et les marges dgages sur certaines

    activits peuvent a contrario constituer des coussins dabsorption des chocs. Les situations de

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    rente de certains acteurs posent avant tout une question de distribution des revenus danslconomie. Ces analyses prliminaires montrent en tout tat de cause que la concurrence dansle secteur financier pose des questions complexes et ngliges jusquici dans les chantiers dergulation financire. Lanalyse de ce sujet ne pourra progresser que si les institutionsinternationales en charge de la supervision macro-prudentielle (conseil de stabilit financire,

    fonds montaire international) sen saisissent.

    La deuxime partie du rapport recommande les pistes dactions qui pourraient tre envisages,en matire de supervision, de rgulation et de rsolution du risque systmique.

    En matire de supervision, il convient de poursuivre les rformes engages visant dfinirune fonction de supervision macro-prudentielle cest--dire systmique, supervision dont lerle est prcisment de dtecter dans lensemble du secteur financier laccumulation derisques mal apprhends par les rgulateurs micro-prudentiels ou lis des positionsdominantes sur certains marchs et den tirer des recommandations lattention des

    superviseurs micro-prudentiels. Cette fonction nest pas clairement tablie au niveauinternational : le conseil de stabilit financire semble le mieux plac pour lassumer, aveclappui du fonds montaire international, du comit de Ble et de lOrganisation internationaledes commissions de valeurs. La concurrence dans le secteur financier doit en outre faireclairement partie des proccupations du superviseur macro-prudentiel. Au niveau europen,les pouvoirs du futur comit europen du risque systmique vis--vis des agenceseuropennes de supervision et des superviseurs nationaux devront tre rapidement renforcs.

    En matire de rgulation, linstauration dune taxation du secteur financier dfinie au niveauinternational permettrait de complter la rgulation micro-prudentielle condition quelle soitcible sur les comportements risque. Les travaux prliminaires mens conduisent identifieren tant que base taxable la plus pertinente les instruments de march potentiellementilliquides. Cette assiette serait le meilleur complment de lensemble des mesures dergulation financire dj envisages, notamment par le comit de Ble. Le rapport privilgielaffectation du produit de cette taxe au budget gnral des tats plutt qu un fonds dersolution car cette solution apparat mieux mme de limiter lala moral. En parallle deces mesures permanentes de rgulation, les superviseurs doivent pouvoir adopter des mesures

    plus ponctuelles, comme des surcharges en capital sur certaines activits, voire desrestrictions au dveloppement de certaines activits, afin de limiter les prises de risquesexcessives des acteurs placs dans leur champ de contrle.

    En matire de rsolution, llaboration de rgimes spciaux de gestion des dfaillances desinstitutions financires, notamment transfrontires, apparat ncessaire. Elle permettrait dediversifier les capacits dintervention des pouvoirs publics confronts la question du too

    big to fail , en privilgiant des solutions de reprise de tout ou partie des activits duneinstitution dfaillante par dautres acteurs privs, plutt quun soutien direct de ltat. Cesrgimes spciaux de rsolution doivent tre mis en uvre de manire coordonne, au niveaueuropen au moins, et doivent aller de pair avec un renforcement des capacits dintervention

    prventive des fonds de garantie des dpts.

    Jattire lattention du Ministre sur quelques ides directrices la lumire desquelles ce rapportt rdig:

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    - la prvention et la gestion du risque systmique concerne toutes les autorits : lesgouvernements, les banques centrales et les superviseurs financiers. Le rle de la

    politique montaire nest pas trait dans ce rapport qui sest concentr sur les solutionsrglementaires et fiscales. Mais les autorits doivent veiller la cohrence densembledes rponses apportes la problmatique du risque systmique ;

    - le risque systmique est un enjeu par essence international. Les actions envisages tanten matire de prvention que de rsolution ne peuvent avoir defficacit que si elles

    procdent dune approche internationale concerte. En particulier, une taxation noncoordonne au niveau international en termes dassiette, de taux et daffectation seraitcontre-productive au regard de lobjectif de matrise du risque et de respect duneconcurrence quitable entre places financires. Tel est lenjeu immdiat du dbatinternational qui samorce ;

    - le risque systmique est principalement analys dans ce rapport travers lescomportements des acteurs financiers. La distinction entre institutions et marchs

    systmiques relevant dune approche davantage micro-prudentielle a t juge peuoprante dans lanalyse du risque systmique. Les institutions financires sont desacteurs de march, quand bien mme les marchs et les institutions financires

    peuvent relever de superviseurs distincts. Lorganisation et la rgulation des marchssont un enjeu systmique dans la mesure o elles conditionnent les stratgies desacteurs financiers et permettent dagir sur les comportements dacteurs non rgulscomme certains fonds. Mais lapprciation de limportance systmique dun marchsans lien avec les comportements de ses intervenants ne semble pas pertinente ;

    - il ne faut pas renoncer ladoption de mesures de prvention du risque systmique.Face la complexit du risque systmique, au confluent de la macroconomie et de largulation financire, on pourrait tre tent de renoncer llaboration de mesuresefficaces de prvention et concentrer les efforts sur les mesures de gestion du risquesystmique. On ne peut en effet nier que les manifestations du risque systmique sontet resteront en partie imprvisibles. Mais le renoncement toute dmarche prventivereviendrait nier lexistence de comportements risque qui conditionnent ledclenchement dune crise systmique et dont certains avaient t identifis commesources de vulnrabilit du secteur financier avant la crise ;

    - la problmatique du too big to fail nest pas strictement la mme que celle durisque systmique. Le risque systmique saccumule dans le secteur financier du fait

    de comportements risque. Certaines institutions sont plus vulnrables que dautres.Mais une institution financire ne devient too big to fail que si les autorits publiques estiment, dans un contexte donn, quelles doivent la soutenir en cas dedifficults, pour des raisons qui ne se limitent pas ncessairement au maintien de lastabilit financire. Lapprciation du caractre too big to fail dun tablissementest et doit rester la seule discrtion des autorits publiques. En revanche, la mise en

    place de rgimes de rsolution permettrait dlargir les marges de manuvre desautorits publiques pour grer de faon ordonne les dfaillances de nimporte quelleinstitution financire, y compris celles qui pourraient tre considres comme too

    big to fail ;

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    - lefficacit dune taxe comme outil de rgulation systmique, complmentaire desrgles prudentielles, dpend de lassiette choisie. Si lassiette nest pas cible sur descomportements risque, alors elle contribue faiblement la rduction du risquesystmique mais procde dune autre logique, comme la redistribution des revenus oulassurance. Ce rapport nexplore que les voies dune taxation du secteur financier

    dont lobjectif serait de corriger les comportements risque du secteur financier. Il nesappuie pas sur un tat des lieux de la fiscalit applicable au secteur financier pourapprcier son niveau de contribution au financement des politiques publiques. Cetravail, qui na dintrt que sil est conduit au niveau international, est en cours deralisation par le FMI ;

    - il convient dtre vigilant sur limpact cumul de lensemble des mesures dergulation financire en cours dlaboration. Selon lassiette et le calibrage dune taxedu secteur financier, son cot pourrait tre rpercut sur les agents conomiques. Cetimpact sajouterait celui des autres mesures de rgulation dj en cours dadoption,notamment par le comit de Ble. La conduite dune tude dimpact

    macroconomique globale de lensemble des mesures envisages, intgrant la taxationdu secteur financier, est un pralable indispensable la mise en uvre dune tellemesure.

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    1.Quest-ce que le risque systmique ?La crise financire rcente pose avec acuit la question de la prvention et de lagestion du risque systmique. La notion de risque systmique nest pas nouvelle, elle

    recouvre des problmatiques anciennes comme celle de lexistence dun prteur endernier ressort. Mais lanalyse du risque systmique li aux comportements desinstitutions financires relevait principalement jusquici de la sphre acadmique, sansrelles dclinaisons en matire de rgulation financire. Lampleur des consquencesde la crise du subprime sur la sphre financire et lconomie relle a replac le risquesystmique au cur des travaux internationaux de rgulation financire. Le G20 dePittsburgh sest ainsi engag dfinir dici fin 20101 des mesures spcifiques de

    prvention et de rsolution de crise pour les institutions financires systmiques.

    Lidentification du risque systmique suppose de dfinir la crise systmique. A

    dfaut dune dfinition acadmique largement reconnue, les diffrentes enceintesinternationales ont travaill une dfinition commune2 : la crise systmique est unerupture dans le fonctionnement des services financiers (i) cause par la dgradation detout ou partie du systme financier et (ii) ayant un impact ngatif gnralis surlconomie relle. Le risque systmique est donc le risque de matrialisation de cetterupture dans le fonctionnement des services financiers susceptible daffecterlensemble du secteur ainsi que lconomie relle.

    Le risque systmique peut galement tre apprhend travers la notiondexternalits ngatives. On parle dexternalits ngatives pour qualifier une situation

    dans laquelle lactivit dun agent conomique a un impact ngatif sur la situation dunautre agent sans que le premier supporte les dommages engendrs au second. Alchelle du secteur financier, le risque systmique correspondrait donc aux cots quefait supporter le secteur financier lconomie relle en cas de crise systmique. Cettenotion a galement un sens au sein mme du secteur financier dans la mesure o lafaillite dun tablissement financier, au-del de limpact direct quelle a sur sesactionnaires et ses cranciers, peut fragiliser les autres institutions financires en raisonde ses interconnexions. Ainsi lensemble du systme financier et lconomie rellesont susceptibles dtre affects par la matrialisation dun risque pris par un seultablissement. Il convient ds lors didentifier la part des risques financiers de nature

    systmique qui menacent lensemble de la collectivit et qui gnrent des cots qui nesont pas supports par les agents lorigine de ces risques.

    Lidentification du risque systmique est complexe. Elle ne repose sur aucun cadrerglementaire prtabli. Les premiers travaux internationaux ont cependant permisdcarter les approches simplificatrices :

    1 Selon les termes du communiqu (en anglais): Addressing cross-border resolutions and systemicallyimportant financial institutions by end-2010() .2

    Guidance to Assess the Systemic importance of financial institutions, markets and instruments, 20 Octobre2009, FMI BRI CSF.

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    1/ Le risque systmique ne peut tre dfini partir dun seul critre.Lanalyse de la crise financire rcente ne permet pas de dterminer un critre simpleet unique commun lensemble des institutions financires dont les difficults auraient

    pu nuire lensemble du secteur financier. Par exemple, la taille des institutionsfinancires ne constitue pas le seul critre permettant didentifier les entitsdimportance systmique. Dune part, les risques des institutions financires ne semesurent pas laune de leur taille de bilan compte tenu du poids de leurs expositionshors bilan et des diffrences de rfrentiels comptables. Dautre part, une taille plusgrande peut saccompagner dune plus grande diversification des risques (commecest le cas pour les banques universelles par exemple) et donc dune plus grandersilience aux chocs. A contrario, les hedge funds ou les monoliners qui restent desacteurs de taille intermdiaire peuvent dans certains cas tre systmiques en raison ducaractre concentr de leur activit. La situation macroconomique et les cyclesfinanciers constituent galement des lments importants dans lmergence des crisessystmiques. Une tude de la rserve fdrale de Cleveland regroupe ces facteurscomplmentaires la taille en quatre catgories (contagion, corrlation, concentration,conditions et contexte)3.

    2/ lanalyse du risque systmique ne peut se limiter aux banques. Si lesecteur bancaire a enregistr les plus lourdes pertes dans la crise du subprime, denombreux acteurs non bancaires ont jou un rle important dans le dclenchement et la

    propagation de cette crise. On peut citer les hedge funds qui ont t lorigine de lafragilisation de certaines grandes banques comme UBS et Bear Stearns . En mai 2007UBS annonait ainsi la fermeture de Dillon Read la suite de 125M$ de pertes lies aurisque immobilier amricain subprime. De mme Bear Stearns a t contraint en juin2007 de recapitaliser hauteur de 3,2Mds$ deux hedge funds en grave difficult surlesquels la banque tait trs expose. On peut galement citer les difficults delassureur AIG qui sest retrouv dans lincapacit de faire face aux appels de margesde ses contreparties sur un portefeuille de CDS slevant 440Mds$ et a fait lobjetdune opration de sauvetage massive par les autorits amricaines. On peut enfin citerles rehausseurs de crdits ou monoliners (FSA, AMBAC, MBIA, etc.) auprsdesquelles les institutions financires avaient achet des garanties financires : ladgradation de notation des rehausseurs pendant la crise a conduit les institutionsfinancires contreparties enregistrer de lourdes dprciations sur les portefeuilles oces rehausseurs intervenaient en garantie.

    Lidentification du risque systmique suppose une analyse approfondie desactivits de lensemble du secteur financier. En labsence de critre pouvantdistinguer de faon binaire celles des institutions financires qui sont systmiques etcelles qui ne le sont pas, le risque systmique ne peut tre identifi qu partir duneanalyse dtaille des activits et des stratgies financires, toutes catgories juridiquesconfondues. On ne peut exclure a priori une catgorie dacteurs financiers du champdanalyse du risque systmique, sous peine de ne pas lapprhender correctement.

    3

    On systematically important institution and progressive sustemic mitigation , Policy discussion paper,Federal Reserve Bank of Cleveland, J. B. Thomson, 2009.

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    Le dclenchement dune crise systmique nat dun choc qui se propage l'ensemble du secteur financier. Ce choc peut rsulter du dysfonctionnent dunmarch ou dune institution financire. Il peut galement provenir dune situation dedsquilibres macroconomiques. Mais tout choc ne dclenche pas ncessairement unecrise systmique. Celle-ci suppose que le choc soit propag lensemble du secteurfinancier, puis l'conomie relle. Une telle propagation nintervient que dans le caso le systme financier sest progressivement fragilis par laccumulation de risques

    pouvant laffecter globalement.

    Ainsi, les dsquilibres mondiaux expliquent en partie la crise financire rcente.Deux coles saffrontent pour expliquer lorigine de cette crise: la premire souligne laresponsabilit de laccumulation des dsquilibres mondiaux et la seconde metlaccent sur les dfaillances de la rgulation financire. Ce dbat rvle en ralit queles facteurs macroconomiques et financiers sont troitement lis dans ledclenchement dune crise systmique. La crise trouve en partie ses origines danslendettement excessif des agents privs de certaines conomies occidentales avancesdans la phase dexpansion conomique du dbut des annes 2000, jusqu atteindredes niveaux qui ntaient plus soutenables. Ce phnomne a particulirement touchles mnages amricains: la crise du subprime sest ainsi dclenche lt 2007 lasuite du retournement du march immobilier amricain. Ces niveaux dendettementont t rendus possibles par labondance des liquidits mondiales et lassouplissementdes conditions doctroi de crdit favoris par la faiblesse des taux dintrts. Leretournement du march immobilier amricain sest propag au secteur financier par lecanal de la titrisation qui fera lobjet de dveloppements ultrieurs plus approfondis.Lanalyse des vulnrabilits macroconomiques du systme financier fait donc partieintgrante de lidentification du risque systmique

    Le risque systmique est un risque de nature macro-conomique, qui nest pasclairement identifi dans la rglementation financire la diffrence des risquesmicro-conomiques plus classiques (risque de taux, risque de crdit, etc.). Lerisque systmique est un risque de dgradation brutale de la stabilit financire,

    provoqu par une rupture dans le fonctionnement des services financiers, et

    rpercut sur lconomie relle. On ne peut pas exclure a priori dinstitutionsfinancires du champ danalyse du risque systmique.

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    2.Comment se propage le risque systmique ?2.1 Identifier les institutions dimportance systmiqueLes ministres de lconomie du G20 se sont accords sur des critresdidentification des institutions et des marchs dimportance systmique (cf.encadr 1), en novembre 2009, sur la base de propositions conjointes du fondsmontaire international (FMI), de la banque de rglement des diffrends (BRI) et duconseil de stabilit financire (CSF). Ces critres didentification taient vus comme le

    pralable ncessaire la poursuite des travaux demands par le G20. Le documentconjoint FMI-BRI-CSF a t labor sur la base dun questionnaire renseign par lesautorits financires nationales.

    Encadr 1Critres didentification des firmes et marchs dimportance systmique

    FMI-BRI-CSF

    3 principaux critres ont t retenus. Ce choix est illustr dans le document conjoint FMI-BRI-CSF traverstrois tudes de cas dinstitutions financires ayant rencontr de graves difficults pendant la crise financirercente (Northern Rock, Lehman Brothers et AIG). Ces 3 critres peuvent tre dfinis de la faon suivante :

    - la taille : il sagit dapprcier le volume des services financiers fournis par une entit individuelle ou ungroupe. La taille au sens de lidentification du risque systmique est une notion exhaustive et recouvre les

    expositions autrement dit les risques en bilan et hors bilan de lentit observe. Ainsi le total de bilan net deLehman Brothers, 4 banque dinvestissement amricaine, slevait en normes comptables amricaines 340Mds$ la fin du 2 trimestre 2008, pour un total dactifs de 600Mds$. Lapprciation de la taille duneentit doit se fonder sur une approche conomique plus que comptable.

    - labsence de substituabilit : il sagit dapprcier la dpendance relative du systme financier aux servicesfinanciers fournis par une entit individuelle, afin dapprcier la rsilience du systme la disparition de cetteentit. Labsence de substituabilit peut tre notamment identifie grce des indicateurs de concentrationcomme lindex Hirschman-Herfindahl qui mesure la distribution des parts de march dans le secteur financier.4.

    - linterconnexion : il sagit dapprcier les liens directs et indirects entre institutions financires qui vontfaciliter la propagation du risque systmique et sa contagion lconomie relle. On peut noter par exemple lenombre et la diversit des contreparties dAIG (particuliers, entreprises non financires, collectivits publiques

    amricaines, banques commerciales et dinvestissement internationales, money market funds et entreprisesdassurance5) comme facteur de son importance systmique.

    Ces critres trs flexibles constituent un outil utile dapprciation par lesautorits de supervision de la vulnrabilit des firmes et des marchs une crisesystmique. Le document conjoint FMI-BRI-CSF relve le caractre intrinsquement

    4

    Pages 19 et 20 du background paper des travaux FMI-BRI-CSF5 Page 24 du background paper des travaux FMI-BRI-CSF

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    volutif et relatif du risque systmique, (i) dans le temps - les volutionsmacroconomiques jouent un rle essentiel dans la dynamique du risque systmique -,et (ii) dans lespace - lidentification du risque systmique est conditionne par soncadre gographique dapprciation. Sur ce dernier point en effet, une institutionfinancire peut tre identifie comme dimportance systmique au niveau national,cest--dire que sa dfaillance ou sa faillite aurait un impact ngatif significatif surlconomie relle nationale, alors que la mme institution financire ne serait pasidentifie comme dimportance systmique au niveau international. Les critresdapprciation de limportance systmique dune institution ou dun march sont doncncessairement flexibles. Cest la raison pour laquelle le FMI, la BRI et le CSF ont

    privilgi des critres qualitatifs. Cette approche laisse par consquent aux autorits desupervision charges didentifier le risque systmique une large margedinterprtation, juge ncessaire car elle apparat comme la seule garantie dune priseen compte de la relativit temporelle et gographique du risque systmique.

    Ces critres appellent toutefois plusieurs commentaires :

    1/ Ils mriteraient dtre davantage prciss. Le critre de taille doit treapprci au regard de la concentration des activits de lentit observe: une grandeinstitution financire dont les risques sont trs diversifis peut tre moins vulnrablequune petite institution financire dont les risques sont peu diversifis. Autrement dit,le critre de grands risques (un-diversified size) serait plus pertinent que le critrede taille6. Ainsi, en matire dassurance, la taille permet une meilleure diversificationdes risques et donc un meilleur profil global de risques. De mme, le critredinterconnexion doit tre prcis afin de permettre une meilleure hirarchisation desinstitutions dimportance systmique : au-del du nombre dinterconnexions duneinstitution, il faut identifier le sens de ces interconnexions afin de dterminer si ellesconduisent ou pas une meilleure allocation des risques pour cette institution. Enfin,lapprciation de labsence de substituabilit dune institution financire pourrait trecomplte par des critres de temporalit : selon les activits concernes, lasubstituabilit peut intervenir dans un dlai plus ou moins rapproch de la dfaillancedune entit sans porter atteinte la stabilit financire.

    2/ Leur pertinence pour apprcier la vulnrabilit systmique dun marchest limite. Les critres retenus sont davantage oprationnels pour identifier lesinstitutions que les marchs dimportance systmique. En particulier, les critresdinterconnexion et de non substituabilit sont dune application difficile pour lesmarchs. Cela na toutefois quune importance limite car lanalyse du risquesystmique du point de vue des marchs est complmentaire et pas concurrente delanalyse du risque systmique du point de vue des acteurs de ces marchs. Derrirechaque march, ce sont bien des acteurs qui conduisent des stratgies financires plusou moins risques. Lenjeu systmique des marchs est donc davantage danalyserdans quelle mesure leur organisation peut favoriser les comportements risque desintervenants de ces marchs.

    6 Pages 24 et 25 du rapport du Geneva association systemic risk working group

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    3/ Lutilisation de ces critres reste ambige. Ils sont destins aux autoritsde supervision afin de leur permettre dapprcier avec flexibilit la vulnrabilit desinstitutions et des marchs une crise systmique. Mais le FMI, la BRI et le CSF ne

    prcisent pas lutilisation qui doit tre faite de cette apprciation. Lessuperviseurs devraient-ils tenir jour une liste des institutions et des marchsdimportance systmique ? Cette liste serait-elle destine aux gouvernements afin deles clairer sur les entits too big to fail quils devront soutenir en cas de crise? Ouresterait-elle un outil de supervision sur la base duquel pourrait tre dfinies desmesures prudentielles spcifiques? La ncessaire stricte confidentialit de cette listesemble consensuelle : la publication dune telle liste serait en effet de nature crer degraves distorsions entre les institutions identifies comme dimportance systmiquedun ct et les institutions non identifies comme dimportance systmique de lautre,au dtriment de la stabilit financire. Quand bien mme lutilisation des critresdapprciation de la vulnrabilit systmique nest pas compltement tranche,ltablissement dune liste des institutions dimportance systmique parat emporterdavantage dinconvnients que davantages car son usage ne pourrait tre que trsrestreint.

    4/ Ces critres ne permettent ni de comprendre ni de dtecter lorigine durisque systmique. Les critres labors par le FMI, la BRI et le CSF visent identifier les institutions et les marchs dimportance systmique, savoir les entitsdont la dgradation ou la dfaillance conduit augmenter le risque systmique et

    propager la crise. Le document conjoint prcise dailleurs que ces critres nont pasvocation servir au calibrage de mesures prudentielles. Il sagit dtablir avant toutdes pratiques communes didentification des firmes dimportance systmique, lusage des superviseurs micro-prudentiels mais aussi et surtout des superviseurschargs de la supervision macro-prudentielle (voir dfinitions prcises de ces notions

    page 56).

    2.2 Identifier les facteurs de propagation du risquesystmique

    Les capacits de rsolution7 de crise des pouvoirs publics ont une influence sur lerisque systmique. Ds lors que les difficults dune institution financiredimportance systmique au sens des critres internationaux (grande, interconnecte et

    peu substituable) ne peuvent tre matrises et contenues, ces difficults se propagent

    7 La rsolution de crise rassemble les moyens de gestion des dfaillances sous toutes leurs formes dinstitutionsfinancires afin dassurer la stabilit financire, la continuit des services et la revitalisation du secteur financier(voir consultation publique sur un cadre europen pour la gestion de crise transfrontalire dans le secteur

    bancaire doctobre 2009).

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    dautres institutions et amplifient la crise systmique. Cest la problmatique du too big to fail : faute de savoir grer les consquences de la faillite dune institutionfinancire dimportance systmique, celle-ci devient too big to fail et les pouvoirs

    publics sont contraints de la soutenir.

    2.2.1Les limites des moyens de rsolution des pouvoirs publics peuventcontribuer aggraver la crise

    La crise a montr que la faillite dinstitutions dimportance systmique pouvaitaggraver la crise ds lors que ses consquences pour lensemble du secteur financierntaient pas correctement matrises. Les vnements qui ont accompagn lesdfaillances de Fortis, de Lehman Brothers et des banques islandaises illustrent quel

    point labsence dun cadre appropri de rsolution de dfaillance peut tredommageable pour la stabilit financire du systme dans son ensemble. En effet, dansleur gestion de la crise rcente, les Etats ont eu tendance isoler les actifs nationauxdun groupe dont lactivit est internationale (ringfencing) et appliquer desinstruments nationaux de rsolution lchelon de chaque entit, au lieu de rechercherune solution lchelle du groupe. Or, le fait disoler des actifs locaux risque souventdentraver, plutt que de faciliter, la rsolution dun problme touchant un groupetransfrontire. Dans certains cas, ce type de mesure entrane un alourdissement des

    pertes pour le groupe dans son ensemble. Lincitation quont les tats se coordonneret sabstenir disoler des actifs nationaux au cours dune crise transfrontire estlimite par leur besoin de protger les intrts des parties concernes lchelonnational (notamment les cranciers, les contribuables et le systme de garantie desdpts). Cet obstacle la coopration dans la rsolution de la dfaillance dun groupetransfrontalier est li au caractre strictement territorial de la lgislation en matiredinsolvabilit. Si cette lgislation est nationale, les autorits nationales ont un intrtlgitime de mme quun puissant intrt politique protger, en les isolant, lesactifs nationaux dune banque en difficult, afin de protger les dposants et demaximiser les actifs disponibles pour les cranciers de lentit nationale.

    2.2.2De nombreux Etats se sont engags dans lamlioration de leursdispositifs nationaux de rsolution de crise

    Dans les pays les plus touchs par la crise, la principale rponse apporte jusquici laproblmatique du too big too fail par les pouvoirs publics a t de renforcer leurcapacit grer la rsolution voire la faillite ordonne dinstitutions financires.

    Au Royaume Uni, la loi bancaire entre en vigueur en fvrier 2009 a notammentvis (i) amliorer le dispositif de prvention des dfaillances bancaires et (ii) mettre en place un nouveau rgime de rsolution bancaire.

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    Le volet de prvention des dfaillances bancaires renforce les pouvoirs de la FinancialServices Authority (FSA), superviseur des groupes et des marchs financiers, et de laBanque dAngleterre avec : (i) la mise en place au sein de la Banque dAngleterre dunsous-comit ddi la stabilit financire (Financial Stability Committee) qui faitnotamment des recommandations au conseil dadministration sur a/ sa stratgie enmatire de stabilit financire ; b/ lexercice de ses pouvoirs de stabilisation dans lecadre du nouveau rgime de rsolution bancaire (SRR) ; (ii) la mise en place par laFSA dun rgime de supervision accru lorsquun tablissement financier prsente desrisques particuliers.

    Le nouveau rgime de rsolution bancaire ( special resolution regime ) comprend :

    (i) de nouveaux pouvoirs entre les mains de la Banque dAngleterre et duTreasury (aprs que la FSA a activ le nouveau rgime) : a/ transfert de tout ou

    partie de ltablissement bancaire au secteur priv, qui peut intervenir sansaccord pralable des actionnaires et sans dcision de justice ; b/ transfert de toutou partie de ltablissement bancaire un gestionnaire de transition contrl parla puissance publique (bridge bank), pouvant tre la banque dAngleterre quiserait actionnaire 100%, et donnerait des orientations stratgiques, dans le butde faciliter sa vente au secteur priv ; c/ transfert temporaire au secteur public(nationalisation temporaire), sous la responsabilit du Treasury : dernier recours,en cas de menace grave pour la stabilit financire, ou lorsque le gouvernement aoctroy la banque dfaillante une assistance financire significative ;

    (ii) plusieurs dispositions visent sauvegarder un minimum les droits desactionnaires : a/ avec la mise en place dun code of practice publi par leTreasury, permettant de prciser sur quels fondements les autorits peuventmettre en uvre les nouveaux pouvoirs prcits ; b/ avec lindemnisation desactionnaires en cas de transfert de la banque dfaillante au secteur priv, ungestionnaire de transition, ou au secteur public un fonds dindemnisation (bankresolution fund) pour les actionnaires sera mis en place, et les compensationsseront dtermines par un valuateur indpendant, processus utilis pour lesactionnaires de Northern Rock.

    LAllemagne envisage galement la mise en place dun rgime spcial dersolution des crises reposant sur les deux instruments suivants :

    (i) lattribution lautorit en charge de la rsolution (lOffice fdral destabilisation des marchs financiers FMSA), de pouvoirs juridiques exorbitantsdu droit commun lui permettant de grer, dans lurgence et sans laccord desactionnaires, le transfert de tout ou partie dune banque en difficult unacqureur priv ou une bridge bank dtenue par ltat ;

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    (ii) la mise en place d'un fonds de rsolution financ ex ante par le secteur bancairesur la base de l'importance systmique des banques ; ce fond aurait vocation financer des mesures de garanties publiques ou dapport en fonds propresncessaires la rsolution ordonne dune banque en difficult.

    Au tats-Unis, plusieurs propositions actuellement en discussion au Congrsvisent renforcer les pouvoir et le financement de lautorit de rsolution (leFederal Deposit Insurance Coorporation -FDIC).

    Ces initiatives nationales peuvent tre salues. Si les crises systmiques sontinternationales, les pouvoirs et moyens de rsolution, dordre rgalien, sont nationauxet il relve de la responsabilit de chaque Etat de les mettre en uvre. Elles restentcependant disparates et on peut regretter que ces annonces aient t faites avant quuneconcertation internationale pralable nait abouti, dans la mesure o les principalesdifficults de rsolution rencontres pendant la crise concernaient des structurestransfrontires en labsence de procdures un minimum harmonises dun Etat lautre. Le conseil de stabilit financire a mis en place un groupe spcifique afin dedfinir des standards internationaux en matire de rsolution de crise, afin notammentdlaborer un socle doutils de rsolution commun tous les Etats. La Commissioneuropenne a engag la mme dmarche au niveau europen.

    Les travaux internationaux se sont concentrs jusquici sur lidentification des entitsdites dimportance systmique, cest--dire des institutions et des marchs qui sontsusceptibles dtre mis en difficult par une crise systmique et de propager cesdifficults dautres acteurs. Ces institutions et ces marchs dimportance systmiquesont les canaux de transmission et daggravation du risque systmique.

    Ces critres dimportance systmique (taille, interconnexions, non substituabilit) sontutiles mais incomplets. Leur utilisation oprationnelle par les rgulateurs reste cestade ambige. En outre ces critres sappliquent mal aux marchs. Cette dernirecritique doit toutefois tre relativise dans la mesure o les marchs sont le cadredactivit des institutions financires: lorganisation des marchs, et son impact surles comportements des acteurs, est en ce sens davantage un enjeu danalyse de risquesystmique que les marchs eux-mmes. Par ailleurs, les capacits de rsolution parles Etats des dfaillances dinstitutions financires conditionnent la propagation durisque systmique. En labsence de moyens efficaces pour contenir et grer lesdifficults dun tablissement, celles-ci se propagent dautres tablissements.

    Les capacits de rsolution de crise posent galement la problmatique du too big to fail . Faute de capacits de rsolution de crise, les marges dintervention despouvoirs publics vis--vis des institutions financires en difficult sont limites : soitils laissent linstitution faire faillite et risquent daggraver la crise, soit ils organisentle sauvetage de linstitution concerne renforant la perception dun fort ala moral

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    dans le secteur financier. Plusieurs Etats ont ainsi pris linitiative de renforcer leursoutils de rsolution de crise, afin de diversifier les capacits dintervention des

    pouvoirs publics confronts la question du too big to fail .

    Cependant ces travaux et initiatives ne permettent pas ce stade de comprendre lescomportements qui, dans le secteur financier, peuvent tre lorigine dune crisesystmique.

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    3.Do vient le risque systmique ?3.1 Comprendre le moteur daccumulation du risque

    systmique

    Le secteur financier dgage des rendements globalement plus levs que lesautres secteurs de lconomie. Les investisseurs retiennent comme principalindicateur de la performance dune entreprise la rentabilit de ses capitaux propres (enanglais return on equity ou ROE), cest--dire le rapport entre le rsultat net et lescapitaux propres investis par les actionnaires. Au-del des performances individuellesdes entreprises, on peut mettre en vidence des profils de rentabilit caractristiques

    des diffrents secteurs de lconomie. Les comparaisons ralises, sur la base dedonnes pr-crise, tendent montrer que la rentabilit du secteur financier avant lacrise tait globalement suprieure celle des autres secteurs de lconomie (cf. tableau1). Ces comparaisons doivent toutefois tre interprtes avec prudence car le secteurfinancier nest pas homogne. Les diffrents mtiers et lignes dactivits dgagent desROE trs diffrents. Mais en labsence dharmonisation des primtres dactivits en

    particulier sagissant des activits de banque de financement et dinvestissement -, lesanalyses plus granulaires de la rentabilit des services financiers manquent derobustesse.

    La crise ne semble pas avoir affect cette tendance ce stade. Aprs une fortechute en 2008, la rentabilit des services financiers notamment des banques sestrapidement redresse en 2009, grce notamment la revalorisation des portefeuilles detrading et au maintien dun niveau bas des taux dintrt.

    Tableau 1 : Rendement des capitaux investis avant la crise (ROE en %), 20060 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20

    Banquecommerciale (diversifie)Banquedemarch(investissement/courtage)

    Banquedemarch(diversifie)Acier

    TravauxpublicsetinfrastructuresCommerce dedtail

    MatriellectriqueHtellerie

    NTICetautresservicesBtimentetingnieurie

    Grandedistribution

    Source : Reuters. Moyenne sectorielle mondiale des indices slectionns (nomenclature GICS).

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    Les rmunrations leves des oprateurs de march sont en partie la rsultantede cette forte rentabilit du secteur financier. Au-del des interrogations thiquessur la distribution des revenus au sein dune mme socit, ces niveaux dermunrations refltent directement la forte rentabilit du secteur financier. Lesoprateurs de march ne pourraient percevoir de bonus levs si les profits globauxdistribuables des entreprises financires ntaient pas eux-mmes levs. A linverse,la perspective mme de niveaux levs de rmunration peuvent inciter les oprateursde march la recherche de profits immdiats, potentiellement plus risqus pourlentreprise. Cest la raison pour laquelle le G20 de Pittsburgh de septembre 2009 aadopt des principes dencadrement de ces rmunrations, afin notamment de lesassoir sur des objectifs de performance de moyen terme (rgles de diffr) devant tredclins dans des dispositifs nationaux contraignants. Le Royaume Uni et la Franceont par ailleurs dcid de taxer les bonus des oprateurs de march verss au titre delexercice 2009. La France se distingue dans les enceintes internationales, avec la miseen uvre la plus avance ce jour des principes dencadrement internationaux 8.

    En premire analyse, le profil de rentabilit du secteur financier se justifie par safonction conomique. La fonction premire du secteur financier est en effet decouvrir, de mutualiser et de grer les risques que les agents conomiques ne peuvent

    pas assumer seuls. Autrement dit, le secteur financier accumule des risques au servicedu bon fonctionnement du systme conomique. Les banques grent les risques decrdit, de march et de transformation (elles prtent des chances plus longues queleurs maturits de refinancement) indispensables au financement de lconomie. Lesassureurs grent les risques de pertes financires des agents en cas de sinistres. Les

    profits suprieurs dgags par les acteurs financiers par rapport aux acteurs nonfinanciers en priode de croissance apparaissent donc justifis, car ces profits ontvocation rmunrer les risques supports par leurs actionnaires, pouvant conduire des pertes svres en cas de matrialisation des risques conomiques la charge desentreprises financires (dfaut dune entreprise, catastrophe naturelle, etc.).

    En seconde analyse, on peut toutefois se demander si le niveau de cette rentabilitna pas dautres origines : insuffisance de la concurrence, prise de risquesexcessive.

    3.1.1Le degr de concurrence des activits financires est-il suffisant ?Les conditions dune concurrence pure et parfaite sont-elles remplies? Lalittrature acadmique en matire de concurrence porte essentiellement sur lconomieindustrielle ; les travaux de recherche relatifs la concurrence dans services financierssont peu nombreux. Cela sexplique en partie par le fait que le march pertinent pouranalyser le niveau de concurrence dans certaines activits financires est devenumondial (banque de financement et dinvestissement, gestion alternative par exemple)et quaucune institution internationale en dehors peut-tre de lOCDE nassure la

    8

    Les tableaux davancement comparatifs ont t publis par le Conseil de Stabilit Financire dans sa revueinternationale : Peer Review Report on Compensation , 30 mars 2010.

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    collecte et le traitement de donnes en la matire. Il nen va pas de mme pour lesactivits financires pour lesquelles le march pertinent est domestique (banque dedtail, commercialisation des produits dassurances par exemple) : pour ces activits, ilexiste un contrle de la concurrence national. Sagissant des activits financiresorganises au niveau mondial, les caractristiques des marchs pertinents suggrentque la concurrence ne serait pas suffisante. Les conditions de concurrence pure et

    parfaite ne sont notamment pas remplies : (i) les acteurs sont parfois peu nombreux 5institutions reprsentent 70% du march du prime brokerage9 (cf. tableau 2) ; (ii) les

    produits ne sont pas tous homognes : il sagit notamment de produits drivschangs de gr--gr (seuls environ 0,5% des contrats drivs sur taux de change et12% de ceux sur taux dintrt sont changs sur marchs organiss 10); (iii) il existede fortes asymtries dinformation entre les acteurs et des phnomnes de renteinformationnelle ; (iv) lentre et la sortie ne sont pas compltement libres compte tenudes cots dentre sur les activits les plus sophistiques les cots techniques ethumains pour dvelopper des salles de march sont levs. Le seul critre deconcurrence pure et parfaite apparemment satisfait est celui de la mobilit des facteursde production : le facteur travail des activits financires est trs mobile, do lancessit dune approche internationale pour encadrer les rmunrations desoprateurs de march. Lorganisation de certaines activits financires internationalessophistiques rappelle les thories de loligopole naturel. Une partie des profitsdgags par les activits financires correspondrait ds lors des phnomnes derentes.

    Tableau 2 : part de march des 5 premiers acteurs, selon le march

    9 Leprime brokerage recouvre les services financiers spcialiss des banques pour les investisseurs, notammentles hedge funds, afin de leur permettre dexercer leurs activits. Outre les oprations classiques dintermdiationsur les marchs financiers, leprime brokeroffre des services de prts emprunts de titres, mais aussi des

    financements adapts aux oprations avec effet de levier.

    21

    10 Source : BRI, dc. 2008. Calculs de la mission bass sur les montants notionnels des contrats drivs.

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    Comment expliquer que les rgulateurs tiennent si peu compte des positionsconcurrentielles des acteurs financiers ? Sans doute parce que les liens entreconcurrence et stabilit financire ne sont pas univoques. Il ny a pas de lien de cause effet direct et automatique entre les positions dominantes dacteurs financiers sur unmarch et les comportements risques. Lexistence de rentes peut affaiblir ladiscipline de march et favoriser le relvement des marges mais naugmente pasncessairement les comportements risque. La faiblesse de la concurrence est parfoismme cite comme un facteur de rsilience du secteur financier: les situations de rentegnrent des profits constitutifs de coussins dabsorption des pertes enregistres.Cependant, la lumire des rcents travaux internationaux (cf. critres didentificationdes institutions dimportance systmique du CSF-BRI-FMI), on peut considrer quelabsence de substituabilit de certains acteurs qui occupent des positions dominantesest un facteur de vulnrabilit systmique devant appeler une vigilance accrue dessuperviseurs.

    3.1.2Les risques du secteur financier sont-ils correctement tarifs ?La rmunration dun oprateur financier est proportionnelle aux risques pris sur uneactivit dtermine avec une contrepartie dtermine. Cest lquilibre bien connu durendement/risque. La rmunration perue doit permettre loprateur de couvrir les

    pertes quil peut tre amen supporter en cas de matrialisation dun risque. Leniveau de rentabilit des activits financires repose donc sur la mesure, autrement ditla tarification des risques pris par loprateur. Trois catgories dacteurs influencent lamesure de ces risques: (i) les investisseurs, cest dire le march, qui exigent encontrepartie des financements apports, en gnral sous forme de dette ou de capital,une rmunration qui correspond leur estimation des risques supports ; (ii) lesrgulateurs qui imposent aux acteurs financiers quils supervisent des contraintesrglementaires et prudentielles en fonction des risques estims.

    Les risques du secteur financiers sont-ils correctement tarifs par les marchs?On peut citer au moins deux lments qui laissent penser que les marchs pourraientne pas tarifer correctement les risques du secteur financier. Tout dabord, lacomplexit des activits financires place la grande majorit des investisseurs dans unesituation dasymtrie dinformation importante vis--vis des acteurs financiers : cetteasymtrie dinformation peut conduire les investisseurs sous-estimer les risquesquils prennent en devenant actionnaire ou crancier dune institution financire etexiger une rmunration plus faible, ce qui joue la hausse de la rentabilit dgage

    par cette institution financire. Les agences de notation ont prcisment pour rle detraiter en continu les informations financires afin dclairer au mieux les choix desinvestisseurs: les mthodes de notation des agences ne prennent cependant pas encompte tous les risques, notamment insuffisamment le risque de liquidit. Ensuite, lesinvestisseurs peuvent tre incits sous-estimer les risques pris sur des institutionsfinancires sils estiment que celles-ci sont too big to fail et bnficient duneforme de garantie implicite des pouvoirs publics. Des travaux acadmiques ont tent

    de mettre en vidence cet avantage dont bnficient certains acteurs financiers

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    travers notamment un moindre cot de refinancement11sur les marchs. La solidit desdonnes empiriques utilises semble toutefois insuffisante ce stade pour objectivercet avantage.

    Les risques du secteur financier sont-ils correctement tarifs par les rgulateurs ?Le fonctionnement des activits financires repose sur lhypothse dabsencedarbitrage12 ( no free lunch ). Autrement dit pour mener la mme activit, il ne peutexister deux mesures concurrentes des risques associes correspondant deux niveauxde rentabilit possibles. Ds lors quune activit dgagerait une rentabilitexceptionnelle compte tenu dune tarification prudentielle moindre des risques, celle-cine pourrait tre que temporaire car tous les acteurs financiers se prcipiteraient pour ladvelopper et feraient chuter sa rentabilit13. Or larbitrage rglementaire existe bel et

    bien, compte tenu des imperfections de la supervision qui nest gographiquement pasuniforme et ne couvre pas lensemble des acteurs financiers. Ds lors, les institutionsfinancires peuvent mener des activits qui, du fait dune moindre tarification

    prudentielle (en fonds propres et en liquidit), dgagent des profits plus importants.

    Comprendre lorigine du risque systmique suppose de sintresser aux incitationsqui conduisent les institutions financires accumuler des risques sur certainssegments dactivits. Au-del de lidentification des institutions susceptibles de

    propagerla crise systmique, il convient didentifier les comportements, les stratgieset les business models qui sont susceptibles de provoquer la crise systmique. Ledclenchement dune crise systmique ne procde pas de la seule accumulation desrisques dans le secteur financier ; le rle des dsquilibres macroconomiquesmondiaux est tout aussi important. Mais cette dynamique daccumulation des risques

    par le secteur financier le fragilise et le rend vulnrable au dclenchement dunecrise systmique.

    Ce travail didentification de lorigine du risque systmique consiste mettre envidence, activit par activit, les diffrentes formes dincitations qui peuventconduire les acteurs financiers accumuler de faon rationnelle, et en dehors detoute erreur de gestion, des risques.

    Ces incitations peuvent venir des investisseurs eux-mmes qui, ayant une mauvaise perception des risques supports, nexigent pas une rmunration approprie (cf. page 22 les risques sont-ils correctement tarifs par le march ?). En labsence debase de donnes ou dtudes acadmiques solides, il nest pas possible ce stadedapprofondir davantage cette analyse. Mais toutes les mesures permettant de rduirelaperception de march selon laquelle les institutions financires seraient too big

    11 Voir les travaux de Dean Baker et Travis Mac Arthur, the value of the too big to fail big bank subsidy ,Center for economic and policy research, Septembre 2009.12 On qualifie darbitrage rglementaire loptimisation de la rentabilit dune opration par la recherche dune

    sous-estimation du risque rellement pris13 Regulatory arbitrage and model sophistication in the financial crisis, Novembre 2009, Antoine Frachot

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    to fail (voir plus loin en partie 2 les propositions en matire de rsolution)renforcent de fait les incitations des investisseurs matriser davantage les risquesdes institutions financires auxquelles ils sont exposs et dont ils auront supporterles pertes en cas de dfaillance.

    Ces incitations peuvent aussi provenir de lorganisation des activits financires (cf. pages 20 et 21 le degr de concurrence des activits financires est-il suffisant ?).Mais faute de travaux conclusifs sur ce sujet, on ne peut infrer un lien mcanique decause effet entre les situations de rente de certains acteurs et leurs comportements risque.

    Surtout, les failles dans la tarification des risques des activits financires par lesrgulateurs (cf. page 23 les risques sont-ils correctement tarifs par les rgulateurs ?)

    peuvent inciter les acteurs accumuler ces risques. Il convient ds lors didentifier prcisment celles de ces activits financires dont les risques ne sont pascorrectement couverts et dgagent de ce fait des rendements excessifs constitutifs dece quon pourrait appeler un excess return rglementaire. Cette sous-tarificationdes risques aurait deux principales origines possibles :

    - les failles dans la rgulation micro-prudentielle qui laisse des possibilitsdarbitrage rglementaire permettant aux acteurs de ne pas prendre encharge tous les risques correspondant aux activits quils mnent. Il peutsagir darbitrage rglementaire entre le champ rgul et le champ nonrgul de la supervision : la gestion alternative des hedge funds, nonrgule, est par exemple un arbitrage rglementaire par rapport auxactivits de march des banques et aux activits de gestion traditionnelle.

    Il peut galement sagir darbitrage rglementaire au sein mme du champde supervision des activits financires : cest le cas notamment desactivits de crdit.

    - les limites intrinsques de la rgulation micro-prudentielle qui nestimequimparfaitement le risque systmique. Les outils de mesure micro-

    prudentielle ne prennent pas correctement en compte les vnements rarescomme le risque systmique. Cest notamment le cas de la value at risk, ou

    VAR, utilise pour mesurer les risques de march. Des travauxacadmiques ont t mens pour tenter de mesurer la contributionmarginale des acteurs financiers au risque systmique14 mais ilsnapparaissent ce stade pas suffisamment aboutis pour fondertechniquement de nouvelles mesures prudentielles. Plus fondamentalement,

    face la complexit des actifs et des interconnexions quils impliquent, latarification, travers des mesures micro-prudentielles, de la contributionmarginale de chaque acteur financier au risque systmique paratextrmement dlicate mettre en place.

    14 Voir notamment les travaux dAdrian Tobias et Markus Brunnermeier sur la CoVar , aot 2009

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    3.2 Identifier les activits systmiques3.2.1Activits de crdit Organisation des activits de crdit. Les activits de crdit sont au cur du mtier

    bancaire. La conduite des activits de crdit suppose une capacit de transformation,cest--dire la possibilit de dtenir des actifs plus longs que ses passifs, et secaractrise par un risque de liquidit justifiant une possibilit daccs aux facilits derefinancement des banques centrales. Deux phnomnes corollaires ont marqulvolution des activits de crdit depuis une vingtaine danne :

    - le dveloppement de modles concurrents dorganisation du crdit :dun ct, le modle dintermdiation classique, dans lequel les crdits sont

    accords par une banque commerciale qui les porte jusqu chance enpartie grce aux dpts de ses clients; de lautre, le modle de la titrisation,dans lequel les crdits, produits par un intermdiaire bancaire, sontrevendus des investisseurs sous la forme dmission de titresreprsentatifs de ces crdits ou dun portefeuille de crdits. Aux tats-Unis,o ce dernier modle est le plus dvelopp, on considre que les deux tiersdes crdits immobiliers sont dsormais ports via des titres financiers15. Cemodle permet de diversifier les financements, mais au prix dunecomplexit croissante, les titres de dette reprsentatifs des crdits tant engnral structurs (c'est--dire dcoups par tranches en fonction du risque

    port et du rendement affich).

    - lessor corollaire dactivits de crdit en dehors du primtre desupervision bancaire: au-del de la diversit des catgories juridiques

    bancaires autorises (tablissements de crdits franais, building societiesbritanniques, bank holding companies amricaines, etc.), les activits decrdit se sont dveloppes dans des entits non bancaires non rgules. On

    parle dun shadow banking system16 regroupant des entits prenant desrisques de transformation et de liquidit, sans accs au refinancement des

    banques centrales : conduits, special purpose vehicles (SPV), investment

    banks amricaines, mutual funds. Ce shadow banking system a connu unessor particulirement marqu aux Etats-Unis (cf. tableau 3).

    15Source: The Shadow Banking System: Implications For Financial Regulation, T. Adrian et H.S. Shin, Financial Stability

    Review (Banque de France), n13, septembre 2009.16 Voir page 21 de la Turner Review de mars 2009

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    Tableau 3 :Actifs sous forme de crdits immobiliers dtenus par type dagent17,tats-Unis (milliers de milliards de dollars)

    Source : T. Adrian et H.S. Shin, article prcit.

    Concurrence. Le crdit par intermdiation bancaire classique sorganise

    principalement lchelon national et fait par consquent lobjet dun contrlenational de la concurrence adapt.

    Dans le cadre du march intrieur europen, il existe en outre un contrle de laconcurrence adapt pour les groupes menant des activits de crdit dans plusieurs paysde lUE. Le CSF18 relve par ailleurs que la crise a dans certains pays, notamment auxEtats-Unis et au Royaume Uni, renforc la concentration bancaire dans les activits decrdit (cf. tableau 4).

    17 Note de lecture : les banques commerciales (Commercial banks), les coopratives de crdits (Credit unions) etles caisses dpargne (Savings institutions) constituent le systme bancaire classique. Les agences parapubliquesamricaines (GSE ou Agencies) et leurs vhicules hors-bilan (mortgage pool) comme les metteurs dABS( Assets Back Securities Issuers) constituent le systme bancaire alternatif, qui refinancent les crdits

    exclusivement par missions de titres.

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    18 Note du secrtariat du CSF du 22 dcembre 2009, Changing conditions in the financial services

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    Tableau 4

    Le niveau de concurrence dans le secteur de la banque de dtail en France dpend dun

    grand nombre de facteurs. Un nombre lev doprateurs, un maillage fin du territoireet larrive des banques en ligne constituent des facteurs a priori favorables laconcurrence, mais leur impact doit tre relativis en raison du maintien dune situationconcentre: 5 groupes ralisent plus de 80% des crdits lconomie.

    En raison deffets qualit et dcarts de demande de consommation de servicesfinanciers entre pays, il semble difficile de tirer des conclusions dfinitives descomparaisons menes par la Commission europenne sur la tarification bancaire et leniveau de concurrence en France. Les donnes disponibles sur lvolution des prix desservices financiers aux mnages depuis 2000, indiquent nanmoins clairement queceux-ci progressent moins vite que lensemble des prix : les dpenses des mnages enservices financiers facturs sont passes de 0,67% des dpenses de consommation en2000 0,53% en 200819. Les comparaisons europennes confirment le caractremodr de la hausse des prix des services bancaires en France. Cette volutionmoyenne ne prjuge pas dventuelles hausses plus importantes de tarification pourcertaines banques ou certains types de produits.

    Ltude de lensemble des marges des banques (commissions et marge dintrt)savre dlicat. Il convient de rappeler que la marge dune banque ne peut pas tre

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    19 Les services bancaires facturs sont les commissions bancaires. Source : INSEE, comptabilit nationale

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    dfinie aussi simplement que celle dune entreprise, dune part parce que lemcanisme bancaire de transformation des maturits oblige dfinir prcisment lecot de la ressource, dautre part parce que cette marge doit non seulement payerl'ensemble des frais gnraux de la banque mais galement couvrir le risque avant decontribuer aux profits.

    Il est notamment essentiel que les banques valuent le cot du risque son justeniveau. En priode de ralentissement conomique, laccroissement des risques peutalors conduire une augmentation justifie de la marge bancaire brute 20. Cependant,une tarification des crdits un niveau trop lev peut galement contraindre lefinancement de lconomie. Les taux pratiqus par les banques de dtail en France

    pour les crdits nouveaux refltent aujourdhui de faon satisfaisante les conditions demarch et semblent lgrement infrieurs ceux pratiqus dans la zone euro,notamment pour les crdits immobiliers.

    Le degr de concurrence dans les activits de crdit hors la sphre bancaire rgule

    (shadow banking system) na fait lobjet daucune tude connue.

    Tarification des risques

    Les activits de crdits sont exposes diffrents risques tarifs sur la base dergles relativement harmonises, sauf pour

    http://www.vernimmen.net/html/glossaire/definition_marge.htmlhttp://www.vernimmen.net/html/glossaire/definition_marge.html
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    mis par titrisation sont moins chargs en fonds propres et en liquidit quun prtbancaire classique. Larbitrage rglementaire ainsi mis en uvre par les banques estdautant plus flagrant lorsquelles souscrivent elles-mmes directement les titres mis,qui sont ds lors enregistrs en portefeuille de ngociation (trading book) alors que lescrdits classiques sont enregistrs en portefeuille bancaire (banking book)21. Dans cecas, la titrisation engendre donc une forme dexcess return rglementaire (cf. encadr2).

    Encadr 2 excess return rglementaire des activits de titrisation de crdit

    Une titrisation de crdit consiste transfrer un portefeuille de crdits dans un conduit dconsolid refinanc defaon autonome mais exposant la banque originatrice un risque rsiduel de liquidit et de crdit dont le coten fonds propres prudentiels est plus faible que si les crances taient restes inscrites au bilan deltablissement. On peut identifier deux formes darbitrage rglementaire associes cette opration detitrisation:

    1. La titrisation directe: transfert dun portefeuille de crdit un vhicule de titrisation financ de faonautonome

    Considrons une banque disposant dun portefeuille de prts de 10Mds 10 ans octroys des contrepartiesnotes entre BBB+ et BB-, pondres en mthode avance Ble 2 100%.

    Si la banque garde ce portefeuille en bilan :- elle devra allouer un montant de fonds propres tier one gal 4% de lencours nominal pondr soit

    400M ;- elle refinancera ces prts de 10 ans par des ressources de moyen-long terme, plus chres que des

    refinancements court terme, afin de ne pas dgrader son ratio de transformation.

    Si la banque transfert ce portefeuille un vhicule de titrisation (fonds commun de crance en droit franais ouSpecial Purpose Vehicule) :

    - elle devra allouer un montant de fonds propres tier one bien infrieur, gal 40M si les garantiesdonnes aux investisseurs (de liquidit et de rehaussement de crdit) sont pondres 10% ;

    - elle ne supportera plus de cots de refinancement en direct, le vhicule se refinanant de faonautonome et moins cher, par exemple par des missions de papier commercial de court terme enlabsence de limites de transformation.

    En procdant la titrisation de son portefeuille de crdit, la banque a conomis 360M de fonds propreset lintgralit des cots de refinancement du portefeuille. Si le fond se refinance de faon totalementautonome, du point de vue de la banque cette conomie en fonds propres et en liquidit est en partie

    justifie car il y a bien transfert effectif. Mais si la liquidit du vhicule qui chappe aux contraintes detransformation est en partie assure par la banque, il y a arbitrage rglementaire gnrant un profit galau rsultat de la gestion actif-passif du vhicule, suprieur celui que la banque aurait ralis dans sespropres livres.

    21 La rglementation prudentielle bancaire distingue dun ct le portefeuille bancaire qui rassemble les positionsde moyen long terme dtenues jusqu chance et auquel sapplique les exigences de fonds propres dfinies au

    titre du risque de crdit, et, de lautre ct, les positions de court terme soumises des exigences prudentielles autitre du risque de march.

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    2. La titrisation indirecte : transfert dun portefeuille de crdit un vhicule de titrisation financ en partie par labanque originatrice via son trading book

    Considrons lhypothse o la mme banque transfert un mme portefeuille de crdit de 10Mds un vhiculede titrisation et achte hauteur de 10Mds les titres (Asset Backed Securities) mis pour le financer.Si la banque classe ces titres dans son portefeuille de trading :

    - elle devra allouer des fonds propres tier one calculs partir de la VAR au titre dun risque de march,cest--dire 3 4 fois moins de fonds propres que pour un risque de crdit, soit moins de 100M defonds propres ;

    - elle refinancera court terme dans de meilleures conditions financires par mise en pensioncetencours dont lhorizon est celui de la liquidation potentielle de la position, fix 10 jours ouvrs par lesuperviseur bancaire, et non plus lhorizon du portefeuille de crdits.

    A travers cette opration, la banque a arbitr les exigences rglementaires normales dune opration decrdit (conomie dau moins 300M de fonds propres et de cots de refinancement), alors que les risquesnont pas t transfrs. Cet arbitrage rglementaire est amplifi lchelle du systme bancaire dans sonensemble, lorsque les titres mis sont rachets non par la banque originatrice mais par une autre banque : ilsagit dune titrisation indirecte lchelle du systme bancaire

    Les activits de crdit sont-elles systmiques ?

    Lintermdiation bancaire classique apparat peu systmique sous rserve dunrgime efficace de gestion du risque de liquidit. La tarification des principauxrisques associs lintermdiation bancaire classique (crdit, taux, concentration)noffre pas de possibilits darbitrage rglementaire pouvant conduire laccumulation grande chelle de risque systmique. Cela ne veut pas dire que les activits de crdit

    ne peuvent pas tre lorigine dune crise. Des erreurs de gestion peuvent conduireune banque la faillite. De mme, un retournement macroconomique peut plongerlensemble des activits de crdit dans de graves difficults. Mais le cadre prudentieldes activits de crdit, sous rserve quil soit rigoureusement appliqu par les banquessous le contrle des superviseurs, ne conduit pas des comportements risque au-deldes risques mesurs par la rglementation. En revanche, en labsence de rglesharmonises de gestion des risques de liquidit et de transformation, les activits decrdit prsentent une vulnrabilit systmique : plusieurs institutions financires ontt mises en difficult pendant la crise rcente du fait dune mauvaise gestion de cesrisques.

    La titrisation de crdits en tant qualternative sous-tarife de lintermdiationbancaire apparat davantage systmique. Le rendement suprieur dgag par latitrisation de crdits est un moteur daccumulation de risques de crdits imparfaitementmesurs par la rglementation. Cette dynamique systmique est dautant plus marquequune partie importante des risques est de fait reste concentre dans le systme

    bancaire au lieu dtre transfre des investisseurs. Les banques souscrivent en effetpour compte propre les parts de titrisations ou reprennent les parts souscrites par desinvestisseurs pour en soutenir la liquidit. De plus, les banques sont souvent amenes,

    pour des raisons de rputation, reprendre aux investisseurs les parts de titrisation des

    vhicules non consolids auxquels elles ont transfr leurs crdits. La rcente crise du

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    subprime a mis en lumire cette spirale qui a conduit de nombreuses banques reprendre dans leur bilan les crances titrises et dgrader leurs ratios prudentiels enlabsence de fonds propres suffisants pour couvrir ces expositions.

    3.2.2Activits dassuranceOrganisation des activits dassurance.

    Le mtier de lassurance consiste transfrer le risque dun individu une collectivitdassurs ; cette mutualisation des risques est dautant plus efficace quelle repose surun grand nombre de personnes permettant une diversification suffisante entreindividus, type de risques ou zones gographiques. La rassurance permet quant elleaux entreprises dassurance de rduire leurs propres expositions aux risques et rendassurables certaines activits conomiques (cas de lassurance des grands risquesindustriels ou des catastrophes naturelles).

    Le secteur de lassurance se diffrencie des autres secteurs conomiques parlinversion du cycle de production les primes dassurance sont collectes avant laralisation de la prestation par lassureur ; le prix du produit dassurance doit donc tredtermin avant den connatre son cot rel. Ce dcalage peut tre de longue dure,

    par exemple dans le cas de lassurance-vie ou de certaines branches dassurance-dommage (assurance-construction, RC mdicale).

    ConcurrenceLes activits dassurance sont globalement concurrentielles tant au plan nationalquau plan international.

    Comme dans le domaine bancaire, lanalyse concurrentielle pour les activits de dtailsenvisage plutt au niveau national tandis que les activits wholesale , savoir larassurance, doivent tre examines au niveau international. Sur les deux niveaux, lasituation apparat quilibre :

    - en France, en assurance-vie, le plus gros assureur-vie (CNP) dtient 16,3%de part de march et les deux suivants (Crdit agricole et Axa) autour de10% ; les cinq premiers acteurs rassemblent 49,7% du march en 2008, etles dix premiers 73,6%. La concurrence seffectue principalement entre ladistribution bancaire (cinq rseaux, dont CNP via LBP, parmi les dix

    premiers) et les rseaux dassurance classiques (salaris, agents etcourtiers) ;

    - en assurance non-vie, les quatre premiers acteurs ont entre 10 et 15% depart de march, au total 56,5% pour les cinq premiers et 77,3% pour les dix

    premiers. L encore, la concurrence seffectue par le biais de rseaux

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    fortement diffrencis, offrant un large choix aux assurs : mutuelles sansintermdiaires, agents, courtiers, bancassureurs. Les obstacles la mobilitnexistent pas, mais la possibilit de changement de contrat annuel nexclut

    pas une politique de fidlisation : la duration des contrats auto se situe entre5 et 8 ans selon les entreprises. Certains segments dactivit, en matiredassurances obligatoires et de responsabilit civile professionnelle (BTP,mdecins, professions du chiffre) peuvent tre moins concurrentielles,accroissant ainsi limportance relative des assureurs concerns, mme silssont de petite taille ;

    - la rassurance est une activit mondiale : la concurrence est assez vivemme si les deux leaders Munich Re et Swiss Re dominent trs largementle secteur (environ 30 Mds de primes mises chacun, contre 18 pour letroisime, Berkshire Hathaway, et autour de 10 pour les deux suivants,Hannover Re et SCOR). Les rassureurs de petite taille participent

    pleinement de cette concurrence internationale. En outre, le cycle descatastrophes naturelles ou des autres risques (terrorisme, etc.) peut conduire une remise en cause des positions commerciales acquises. Toutefois, laconcentration des risques doit tre examine avec attention car les situations

    peuvent tre trs varies dune entit lautre : si un segment dactivit ouun assureur significatif, par exemple, dpendaient exclusivement dun oudeux rassureurs, limportance de ces derniers serait bien suprieure leur

    part de march globale.

    Tarification des risques

    Les assureurs supportent des risques de passifs spcifiques mais un risque deliquidit limit. Le modle conomique particulier de lassurance implique que larentabilit de lactivit de lassureur nest connue qu terme ; elle dpend par ailleursdvnements alatoires, qui ncessitent la constitution de provisions techniquesrefltant les obligations des assureurs envers les assurs ; en outre, afin d'absorber des

    pertes lies des vnements imprvus, des exigences en capital sont requises par lergulateur. Les assureurs supportent donc un risque de solvabilit spcifique leur

    passif, correspondant au risque de sous-valuation des engagements pris auprs des

    assurs (insuffisance des provisions techniques) et au risque de ne pas pouvoir faireface aux imprvus (insuffisance des rserves de capital). Le financement du secteurrepose sur des revenus en partie prvisibles et de long terme qui le met gnralement labri des crises de liquidit.

    Les assureurs conduisent lactif une stratgie dinvestissement de long termepouvant jouer un rle contra-cyclique dans le secteur financier. Du fait du volumedes investissements quils ralisent en regard des provisions constitues mais aussi deleur horizon de dtention long, les assureurs jouent par dfinition un rle

    dinvestisseur institutionnel majeur. Le portefeuille dactifs dtenus en propre par les

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    assureurs europens (donc hors contrats en units de compte, dont le risque est portpar les assurs) slevait ainsi 6 000 milliards deuros en 2009, dont environ 55%dtenus en obligations. Ce sont par ailleurs des acteurs importants sur le march des

    produits drivs. Nanmoins, lhorizon de dtention des assureurs fait que leurstratgie dinvestissement est essentiellement oriente sur le long terme ; lesrallocations au sein de leur portefeuille diversifi sont par consquent dotes duneforte inertie : peu sensibles aux variations de court terme des marchs, les assureurs

    jouent en principe un rle dabsorbeur de chocs. Ils sont par ailleurs dautant moins mme de ressentir les brusques mouvements de march quils diversifient leurs actifs.Lactivit assurantielle donne en thorie aux acteurs qui lexercent un positionnementcomplmentaire de celui des banques, et leur donnent un positionnement contra-cyclique. Cela ne veut pas dire que les assureurs sont protgs des chocs, mais parconstruction leur business models ne les conduit pas prendre des positionsspculatives risques.

    Le principal risque lactif des mtiers dassurance est un risque de taux. Lesassureurs, qui sont parmi les principaux acheteurs dobligations dEtat, sont expossau risque de taux que ce soit sous forme dune baisse prolonge des taux, quiamenuise les rendements servis aux assurs, ou, inversement, dune brusque remonte(krach obligataire) qui peut entraner des moins-values. Ds lors, dans certainessituations de march, ils peuvent entrer dans un cercle vicieux o, pour remplir desengagements vis--vis des assurs (engagements garantis et/ou vague de rachat decontrats dassurance-vie), ils soldent leurs portefeuilles dactifs au prix de moins-values et parviennent difficilement couvrir leur exigence de marge, ce qui accrot ladfiance des assurs et acclre leurs rachats de contrats.

    Certaines branches dactivits peuvent se caractriser par une sous-estimationcollective du risque. Aux Etats-Unis, le march des variable annuities contrats enUC comportant des garanties en cas de baisse des cours a ainsi fait subir auxassureurs de trs lourdes pertes pendant la crise financire. La complexit desmontages financiers lis aux garanties des contrats na pas pu permettre aux assureursdestimer correctement leur propre besoin de couverture : afin doffrir les garantiesassocies ce type de contrat, les assureurs ont en effet besoin de se couvrir eux-mmes, ce qui peut devenir trs coteux, voire impossible, en cas de tension sur lesmarchs financiers.

    En Europe, le rgime prudentiel europen Solvabilit 1 relve dune approchefrustede tarification des risques des activits dassurance. Ce rgime impose unecouverture en fonds propres dune fraction des provisions mathmatiques pour la vie(1% pour les units de compte dont le risque est port par les assurs, 4% pour lescontrats en euros), une fraction des primes de 16% pour la non-vie. La sous-tarification est manifeste dans le domaine de lassurance non-vie. Les acteurs demarch ont intgr cette sous-tarification puisque la plupart dentre eux rpondent 2fois ou plus aux exigences rglementaires en fonds propres. Le mtier de lassurance

    consistant tarifer les contrats en fonction des risques, et linversion du cycle de

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    production imposant la prudence aux acteurs, cette sous-tarification prudentielle napas conduit des prises de risque excessives ce stade.

    La directive Solvabilit 2 prvoit un rgime prudentiel complet visant apprhender tous les risques propres aux activits dassurance (cf. encadr 3). Lesexigences en fonds propres devraient fortement augmenter, en particulier en non-vie(triplement ou quadruplement, selon les groupes).

    Encadr 3Solvabilit 2 une rforme complte du rgime prudentiel europen de lassurance

    Lassurance europenne est rgie par des directives anciennes datant des annes 1970 et qui concernentessentiellement les exigences de marge de solvabilit22 des assureurs une rforme dampleur limite de cesexigences (Solvabilit 1) a t adopte en 2002. Une rnovation du cadre prudentiel tait donc ncessaire :Solvabilit II permettra un examen global de la situation des entreprises dassurance et instaurera pour la

    premire fois des exigences de solvabilit plus sophistiques, fondes sur une valuation du risque conomique.

    La directive Solvabilit 2 offrira un nouveau cadre prudentiel au secteur de lassurance selon uneapproche en 3 piliers ,comparable celle de Ble 2 pour la banque.

    Le premier pilier porte sur les exigences quantitatives en capital. Elles sont au nombre de deux :

    - Le Capital de Solvabilit Requis (SCR) principal indicateur en matire de solvabilit est une exigencefonde sur les risques. Le SCR doit couvrir tous les risques quantifiables d'un assureur ou d'un rassureur, lactif comme au passif (alors que Solvabilit 1 ne traite que du passif), et prendra en considrationl'ensemble des techniques de rduction des risques (rassurance, couverture par des instruments financiersentre autres).

    - Le Minimum de Capital Requis (MCR) est une exigence plus faible mais dont le non respect dclenche uneintervention du superviseur.

    Le deuxime pilier concerne les exigences qualitatives (gestion des risques, activits de supervision, ).

    Le troisime pilier porte sur les informations fournir aux autorits de supervision et au public il vise plus detransparence.

    Les risques darbitrage rglementaire en matire dassurance proviennentessentiellement dun manque dharmonisation des rgles au niveau

    international :

    - la rglementation prudentielle des activits dassurance nest pas harmonise auniveau international. Lentre en vigueur de Solvabilit 2 pourrait thoriquemententraner des arbitrages entre la rglementation europenne et dautresrglementations. Le caractre strict de lapprciation de lquivalence de lasupervision sera donc crucial ;

    22

    La marge de solvabilit est le montant de capitaux rglementaires qu'une entreprise d'assurance est tenue dedtenir pour faire face aux vnements imprvus.

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    - les risques darbitrage rglementaire sont plus prgnants en matire derassurance, activit encadre seulement depuis 2005 par une directive europenne.Dans cette activit dite de B2B , la localisation gographique est relativementindiffrente, et nombre de rassureurs sont installs aux Bermudes ;

    - enfin les risques de certaines activits proches de lassurance sont mal mesurs parla rgulation micro-prudentielle. Il sagit notamment des activits de ventes degaranties financires qui peuvent faire lobjet darbitrages entre rglementation

    bancaire et rglementation assurances (cas du portefeuille de CDS dAIG). Cesactivits sont notamment menes aux Etats-Unis par des entits peu ou pas rgulescomme les rehausseurs de crdit.

    Les activits dassurance sont-elles systmiques ?

    Les caractristiques des activits dassurance ne permettent pas de les qualifierde systmiques. Quand bien mme les entreprises dassurance peuvent tredimportance systmique au sens des critres CSF-FMI-BRI et contribuer propagerune crise systmique, les caractristiques intrinsques de leurs activits limitentlaccumulation de risques en dehors dune rgulation prudentielle approprie. Ainsi, la suite des attentats contre le World Trade Center en 2001, le secteur a subi un choc la fois sur ses passifs, compte tenu des rglements effectuer, et sur ses actifs, comptetenu de la crise des marchs financiers qui sen est suivie, sans provoquer de rupturedans le fonctionnement des services financiers. Les sinistres ont t rgls sur longuedure (en 2004, seuls 40% avaient t effectivement pays), permettant auxrassureurs concerns de redresser leur situation.

    On peut notamment relever que les assureurs sont plus faiblement exposs aurisque de contagion systmique. Contrairement aux banques, la dfaillance duneentreprise dassurance est moins susceptible de provoquer la dfaillance dune autreentreprise dassurance.Le risque de contagion ne peut donc se faire que par des liensindirects, par exemple, si la faillite dun assureur entache la rputation de lensembledu secteur ou si un rassureur fait dfaut. Le risque dun rachat massif des contrats( run ) est en outre limit : contrairement au secteur bancaire o les particuliers

    peuvent clturer leurs comptes tout moment, les assurs ne peuvent pas mettre fin leur contrat avant terme que dans des cas trs particuliers.

    La faible substituabilit de certains acteurs de lassurance est cependant un sujetde vigilance. Cest le cas notamment en matire de rassurance. Mme si laconcurrence est forte sur ce march, on ne peut exclure que la faillite de lun desacteurs majeurs de la rassurance entrane des difficults srieuses pour les entreprisesdassurance contreparties. Il convient toutefois de nuancer cette analyse, car une trsfaible part des engagements est aujourdhui rassure (5,6% pour la non-vie et 2,4%

    pour la vie), et Solvabilit 2 incitera les assureurs diversifier leurs rassureurs. Enoutre, par le pass, les capacits de rassurance aprs une catastrophe