en quoi l’album écho permet il de développer l’estime de soi chez...
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« En quoi l’album écho permet-il de développer l’estime
de soi chez l’enfant allophone ? »
Option : Français Langue d’Enseignement et diversité culturelle
Professeurs : Marichal Elisabeth & Croiselet Dominique
Travail de fin d’études en vue de l’obtention du titre de
« Bachelier en institutrice préscolaire »
par Estelle Füssen
Année scolaire 2016-2017
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REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier toutes les personnes qui m’ont aidée, de près ou de loin, lors de la
réalisation de mon travail de fin d’études.
Tout d’abord Mesdames Marichal et Croiselet, responsables du module « Français
Langue d’Enseignement et diversité culturelle » ainsi que l’ensemble de l’équipe pédagogique
de l’Ecole Normale Catholique du Brabant Wallon.
Je remercie aussi tous les acteurs de l’enseignement que j’ai eu l’occasion de rencontrer
durant mon parcours : les maîtres de stage, les enseignants, les directions, les écoles de stages
qui m’ont consacré du temps et conseillée.
Les derniers remerciements vont à ma famille et mes amis, qui ont été un véritable pilier
lors de ma formation.
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Table des matières
Introduction générale ............................................................................................................................ 4
Première partie : Cheminement personnel professionnalisant ......................................................... 5
Avant l’ENCBW : ................................................................................................................................... 5
Première année de formation ................................................................................................................... 6
Deuxième année de formation ................................................................................................................. 6
Troisième année de formation ................................................................................................................. 7
Bilan de ces trois années de formation .................................................................................................... 9
Deuxième partie : Développement de la problématique .................................................................. 10
Introduction ........................................................................................................................................... 10
Contexte de stage................................................................................................................................... 10
1 Public cible lors de l’exploitation de l’album-écho ........................................................................ 11
1.1 Qu’est-ce qu’une personne dite « allophone » ?.............................................................................. 11
1.2 La pauvreté et la précarité : approche méthodologique et épistémologique. .................................. 12
1.3 Choc culturel ; familles rondes et école carrée ................................................................................ 13
1.4 Conflit de loyauté ............................................................................................................................ 14
1.5 Conclusion ....................................................................................................................................... 15
2. Développement du langage ............................................................................................................. 16
2.1 La place du langage en pédagogie Freinet....................................................................................... 18
3. L’estime de soi ................................................................................................................................. 19
3.1 Qu’est-ce que l’estime de soi ? ........................................................................................................ 19
3.2 Evolution de l’estime de soi chez l’enfant ...................................................................................... 19
4. L’album écho ................................................................................................................................... 22
4.1 Qu’est-ce que l’album écho ? .......................................................................................................... 22
4.2 Comment élaborer un album écho ? ................................................................................................ 22
4.3 Mise en œuvre des albums échos .................................................................................................... 25
4.4 Et après ? ......................................................................................................................................... 26
Troisième partie : Conclusion ............................................................................................................ 27
Bibliographie ........................................................................................................................................ 29
Annexes ................................................................................................................................................ 30
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Introduction générale
Durant le stage optionnel « FLE : Français Langue d’Enseignement et diversité
culturelle », j’ai vécu une expérience au sein d’une école à discrimination positive pratiquant
la pédagogie Freinet. Dans ma classe de stage, mon intérêt s’est immédiatement porté vers les
enfants allophones. Mon but premier était d’aider ces enfants en particulier à développer leur
langue orale à l’aide d’un outil ludique. C’est ainsi que j’ai décidé, avec l’appui de ma maître
de stage, d’exploiter l’album écho. De par la courte durée de stage, je n’ai pu apercevoir de
réels progrès langagiers. J’ai néanmoins observé énormément de fierté, et une nette évolution
de l’estime de soi, ce qui m’a amené à me poser la question qui sera développée tout au long de
ce travail :
« En quoi l’album écho permet-il de développer l’estime de soi d’un enfant allophone ? »
Ce travail est composé de trois parties. Vous trouverez dans la première, un récit détaillé
de mon cheminement personnel professionnalisant. Je vous y ferai part de réflexions et
décisions prises avant et pendant ma formation, ainsi que des évènements ayant contribué à
construire mon identité enseignante et mon profil professionnel en général.
Dans la deuxième partie, j’estime tout d’abord intéressant de vous décrire mon contexte
de stage. Cette description vous permettra de mieux comprendre les démarches de recherches
que j’ai entreprises. Ensuite, afin de mieux connaître le public que j’ai ciblé lors de mon stage,
je me penche sur des concepts autour des termes « allophone », « pauvreté » et « précarité ».
Ces recherches m’ont amenée à étudier de plus près le choc culturel existant entre familles et
écoles. Par la suite, consciente des difficultés éventuelles de mon public, j’ai choisi de
m’intéresser au développement du langage oral et de l’estime de soi chez le jeune enfant. Pour
terminer, j’aborde l’outil pédagogique m’ayant permis d’entreprendre ce travail : l’album écho.
Chaque apport théorique est illustré par des exemples tirés de ma pratique de stage, afin de vous
permettre une lecture plus agréable et compréhensible.
Ce travail sera conclu en troisième partie par la réponse synthétique de ma question de
recherche.
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Première partie : Cheminement personnel professionnalisant
Avant l’ENCBW :
Il faut savoir que la majorité de mes études s’est faite en école néerlandophone, et ce,
de la maternelle jusqu’à ma 4ème année secondaire incluse. Dû à un manque de confiance en
moi de par des lacunes de vocabulaire, je ne savais pas vers quelle option me diriger une fois
arrivée en 5ème secondaire en enseignement francophone. Vu mon esprit créatif et mon aisance
dans divers domaines touchant à l’art, je me suis tournée vers la section artistique. J’y ai vécu
deux années extraordinaires autour de ma passion.
J’ai constaté une fois mon CESS acquis et mon diplôme en poche que les débouchés
dans le secteur de l’art étaient fort limités. De plus, ne possédant pas de réel don, je ne parvenais
pas à m’imaginer pouvoir vivre de mon art.
Fraîchement diplômée, me voilà en proie aux doutes. Ne sachant que faire de ma vie
professionnelle mais voulant combiner mon envie de proximité humaine et d’entraide, je me
lance sans certitudes dans des études d’assistante sociale. Il m’aura fallu un mois et un rendez-
vous avec un conseiller en orientation avant de constater mon envie et le besoin de travailler
avec des enfants. J’entreprends, sans tarder, durant la même année, de nouvelles études pour
devenir institutrice primaire.
Mon année s’achève sans trop de gloire. Je me sens découragée. En une année que
j’estimais perdue, je me suis essayée à deux formations différentes, et je n’étais toujours pas
convaincue.
En discutant longuement avec mon entourage, je constate avoir laissé de côté ma passion
liée à l’art. Je me suis donc décidée à trouver un métier me permettant de réunir mes deux
envies ; me replonger dans l’art, en passant de la peinture, au chant, jusqu’au théâtre, et
travailler dans le domaine de l’enfance. La perspective de devenir institutrice préscolaire
semblait correspondre le plus à ce que je souhaitais. En me référant au modèle des différentes
conceptions du métier d’enseignant de Paquay (1994)1, j’étais à ce moment-là, une « personne »
en projet d’évolution professionnelle.
1 Les références à Paquay sont en lien avec la roue de Paquay. Voir annexe 1
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Première année de formation
À mon arrivée à l’ENCBW, je ne connaissais personne et manquais cruellement de
confiance en moi. J’étais malgré tout motivée. Peu à peu, j’ai évacué le stress qui me paralysait,
notamment en retrouvant des cours déjà rencontrés lors de ma formation d’institutrice primaire,
et en étant dispensée de deux unités. Cela m’a fait du bien pour la simple et bonne raison que
mon année perdue me permettait de reprendre une nouvelle année moins chargée.
Les semaines ont filé et les premières journées didactiques sont arrivées à grande
vitesse. C’est à ce moment-là que j’ai été confrontée au métier pour la première fois. Je suis
entrée en relation avec les enfants, je me suis rapprochée d’eux et j’ai appris à les connaître.
J’ai réussi avec succès le stage en collaboration avec mon binôme. Avec ce dernier s’est
développé la facette d’« acteur social » (Paquay, 1994). Par cette réussite, j’ai repris confiance
en moi et j’ai dès lors compris que j’avais, cette fois, fait le bon choix dans mes études. J’ai
ainsi continué de développer une facette rencontrée précédemment dans cette réflexion
personnelle, c’est-à-dire, ma propre « personne » (Paquay, 1994).
Deuxième année de formation
Ma première année de formation s’étant terminée par une superbe moyenne, je décide
de me lancer un défi pour cette nouvelle deuxième année. L’envie m’est venue de m’engager
en tant qu’« acteur social » (Paquay, 1994) en me proposant comme déléguée « développement
durable ». Ce nouveau rôle m’a permis de m’intégrer et de m’engager au sein de la cellule
développement durable, d’écouter, d’être écoutée, de collaborer et d’endosser quelques
responsabilités. J’ai énormément apprécié ce rôle au sein de l’ENCBW qui m’a permis de
devenir plus autonome et de dépasser ma peur de l’inconnu.
Lors du premier quadrimestre, j’ai vécu pour la première fois la pédagogie du projet.
Une découverte riche de sens. En stage, j’ai pu perfectionner ma pratique enseignante en tant
que « technicien » (Paquay, 1994) et m’essayer à cette nouvelle pédagogie avec laquelle je me
sentais à l’aise. Mes deux stages furent une expérience incroyable où j’ai pu prendre en main
une classe pour laquelle j’avais non seulement de l’importance, mais aussi de l’affection. De
plus, j’ai pu à mon plus grand bonheur, la voir progresser et évoluer.
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Au deuxième quadrimestre, je me souviens m’être particulièrement appliquée dans un
travail au sein de l’unité P2060, « Entrer en relation : gérer des situations problématiques ». J’ai
choisi délibérément de m’écarter des sujets proposés en abordant la thématique de la précarité,
celle-ci me tenant particulièrement à cœur. Après plusieurs recherches, j’ai pris conscience que
la petite enfance est une période clé de la vie où bien des choses se développent ; l'acquisition
du langage, l'estime et la confiance en soi, les interactions sociales, etc. Les bases développées
à ce moment-là déterminent dans une large mesure le parcours éducatif de l’enfant, sa vie
sociale, sa santé, incluant son bien-être physique et mental, et prédisposent ainsi de son futur.
C’est en prenant conscience de ces éléments que j’ai décidé de m’intéresser de plus près aux
familles précarisées, et de chercher des possibles solutions et réponses à « comment
accompagner au mieux un enfant précarisé dans sa scolarité ». C’est ainsi que j’ai touché à la
facette de « praticien réflexif » selon Paquay (1994).
C’est à partir de ce moment que vint mon intérêt pour un possible voyage à l’étranger
en troisième année. J’avais envie d’aller à la rencontre d’enfants vivant sous le seuil de pauvreté.
La fin d’année approchant, mon envie de partir s’est concrétisée. Le Maroc m’avait été
décrit comme une destination chaleureuse et accueillante, ces valeurs me correspondant, je me
suis empressée d’envoyer ma lettre de motivation.
Troisième année de formation
Dès le début d’année, j’ai eu la chance de pouvoir vivre une rentrée en classe maternelle
dans mon nouveau lieu de stage. J’y ai senti la profession me gagner. L’accueil y fut chaleureux
et je n’en remercierai jamais assez le corps enseignant. Je ne me sentais plus du tout stagiaire.
Je sentais que je faisais partie intégrante de l’équipe, car je pouvais participer aux concertations,
partager des idées d’activités et de thèmes avec les enseignantes, et être proche des parents.
Voici un exemple m’ayant marqué lors d’un moment de proximité avec ces derniers : Une
maman est venue me demander si je pouvais aborder le thème de la mort avec son enfant, car
le papa de son mari était décédé. Aucun des parents ne parvenait à mettre des mots sur cet
événement douloureux, c’est pourquoi ils m’ont accordé leur confiance afin d’aborder le sujet
avec l’enfant. J’ai pu satisfaire à leur demande lors d’un atelier philosophique. Tous ces
éléments combinés ont affirmé ma facette d’ « acteur social » (Paquay, 1994).
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Lors de mon premier stage en troisième maternelle, ma maître de stage a été tout
bonnement exceptionnelle : elle m’a permis d’oser et de m’essayer pour apprendre, à me
remettre en question, à rebondir sur des situations, à ne pas avoir peur de me tromper, etc. J’ai
par conséquent peaufiné la facette de « praticien réflexif » (Paquay, 1994). Malgré des obstacles
d’ordre personnels rencontrés lors de ce long mois, j’étais grandement motivée de par tous les
facteurs positifs qui m’entouraient. Les enfants ont été extraordinaires, ma maître de stage a été
présente tout du long et, pour clore en beauté, mes superviseurs ont été ravis.
Pour mon deuxième stage, je m’étais lancée le défi de réaliser celui-ci au Maroc, plus
précisément à Marrakech. Défi réussi ! J’ai découvert non seulement une autre pédagogie et
culture, mais aussi un sens humain bien plus présent que ce que je peux observer ici, en
Belgique. Ce voyage m’a permis de découvrir une culture dont je ne connaissais pas grand-
chose mis à part quelques stéréotypes. La culture marocaine est chaleureuse, bienveillante,
aimante, et j’en passe. La plupart des habitants vit sous le seuil de pauvreté et malgré cela
partage, aide, offre, ... Les gens qui n’ont rien donnent tout. Je n’oublie d’ailleurs pas l’accueil
chaleureux des institutrices, des directeurs et des habitants, ainsi que les
‘’bonjours’’/‘’bonsoirs’’ polis et amicaux, les compliments gratuits sans arrières pensées, et les
nombreux repas partagés et offerts gracieusement. Bien que je n’aie pas adhéré à certaines
méthodes, j’ai fini par me calquer partiellement sur la pédagogie du pays, tout en me respectant
et en gardant mes principes basés sur la bienveillance et le respect. J’ai appris à nager à contre-
courant en d’autres termes. Cette rencontre et ce choc de cultures m’a fait grandir et réfléchir
en tant que « praticien réflexif » (Paquay, 1994).
Une fois rentrée en Belgique, j’ai enchaîné avec les stages de psychomotricité. Je me
suis réconciliée avec ce domaine en pratiquant la psychomotricité relationnelle. Une vraie
découverte ! J’ai vécu ce stage plus sereinement que les autres années en entrant différemment
en relation avec les enfants.
Ensuite est venu le stage optionnel qui m’a permis de rédiger ce TFE. Mes motivations
quant à intégrer cette option sont explicitées dans l’introduction de cette deuxième partie de
travail.
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Bilan de ces trois années de formation
Aujourd’hui, lorsque je vois le chemin parcouru depuis ma première année de formation,
je me vois changée, grandie. Je me souviens d’une Estelle peu confiante, ayant peur de ne pas
comprendre, et de mal faire. Trois ans plus tard, la formation m’a permis de gagner en maturité
et de prendre confiance en moi, d’acquérir de la pratique, et de me préparer à entrer dans la vie
professionnelle. Je développé la facette de praticien artisan (Paquay, 1994) notamment en ayant
acquis de l’expérience en stage. Je suis persuadée que cette facette évoluera chaque année grâce
à l’acquisition d’expérience dans le métier.
Je suis consciente que la fin d’année se rapproche et je me sens fin prête à entrer dans
le métier. J’ai hâte de faire part de ma créativité, ma bienveillance, mes idées, mon amour des
enfants, ma patience, mes savoirs, et j’en passe … La motivation, l’inventivité et l’indulgence
des équipes éducatives rencontrées en stage et à l’ENCBW ont contribué à m’épanouir chaque
jour un peu plus dans le domaine de l’enseignement préscolaire.
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Deuxième partie : Développement de la problématique
Introduction
Depuis le début de ma formation, je m’intéresse tant aux enfants allophones, qu’aux
enfants issus de milieux précarisés ou d’horizons divers. Comme expliqué plus tôt dans la
première partie de ce TFE, dans le cadre d’un travail en deuxième année, je me suis mise en
recherche des possibles solutions et réponses à « comment accompagner au mieux un enfant
précarisé dans sa scolarité ». Plus tard, en troisième année, j’ai réalisé un stage court au Maroc
où j’ai vécu un dépaysement culturel, social et économique. Il me paraissait dès lors évident de
me diriger vers l’option « FLE : Français Langue d’Enseignement et diversité culturelle » dont
l’un des objectifs principaux était de « Proposer aux étudiants de se former à
l’accompagnement d’un public spécifique d’enfants allophones, tant au niveau de
l’apprentissage de la langue française qu’au niveau de vécus culturels différents. »2
Contexte de stage
Mon stage optionnel s’est déroulé à Genappe dans une école à discrimination positive3
pratiquant la pédagogie Freinet (annexe 2). Ma classe comptait 24 enfants d’accueil-1ière issus
de milieux très variés. Lors de ce stage se sont opérés des choix en étroite collaboration avec
ma maître de stage. Quoi de plus évident pour moi que de me fier à une institutrice connaissant
sa classe sur le bout des doigts et étant une précieuse ressource d’avis et d’informations utiles
à ce travail. Ensemble, nous avons convenu qu’il serait pertinent de prendre en charge les
enfants allophones afin de leur permettre de développer davantage l’expression orale. Pour cela,
ma maître de stage m’a proposé d’exploiter un des nombreux outils pédagogiques destinés à
cet effet : l’album écho. S’appuyant sur des photos des enfants en activité, cet outil me semblait
être une idée ludique, originale et surtout utile au développement langagier des enfants. Si n’ai
pas perçu d’énormes progrès en termes de langage, j’ai néanmoins pu constater énormément de
fierté. Cette observation en particulier m’a amenée à me poser la question qui sera développée
tout au long de ce travail :
« En quoi l’album écho permet-il de développer l’estime de soi chez l’enfant allophone ? »
2 David, J., Dechamps. M., Labalue, F., Cuvelier, F., Ketels, J., Pollet., Ginevro, D., Van Ooteghem, L., Benkadour, H.,
Marchial, E., & Goies, I. (2016-2017). Spécialisations optionnelles. Bloc 3PS. Unité d’enseignement P3070 F & I. Document
non publié, Ecole Normale Catholique du Brabant-Wallon, Louvain-La-Neuve.
3 Les écoles dites à "discrimination positive" « bénéficient d'un soutien particulier afin de remédier aux inégalités sociales.
Généralement ces écoles comptent une forte population d'élèves appelés "primo-arrivants". C’est-à-dire, des personnes
d'origine étrangère (…) arrivées en Belgique depuis moins d'un an.» Service Public Fédéral Belge. (s.d) Egalité des chances.
https://www.belgium.be/fr/formation/enseignement/droits_et_devoirs/egalite_des_chances. Consulté le 01 juin 2017
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1 Public cible lors de l’exploitation de l’album-écho
Comme dit précédemment, mon intérêt s’est porté majoritairement vers les enfants
allophones, c’est-à-dire, 6 enfants sur les 24 de ma classe. Afin de préserver leur anonymat, je
présenterai ces enfants lors de mon travail sous les pseudonymes suivants : Marie, Isabelle,
Louis, Maxime, Isaac, et Lila.
1.1 Qu’est-ce qu’une personne dite « allophone » ?
Le terme « allophone » est utilisé pour parler d’une personne dont la langue maternelle
est distincte de la langue majoritairement parlée dans le pays dans lequel elle se trouve4. En
Belgique, par exemple, un enfant allophone est tout simplement un enfant dont la langue
première n’est ni le français, ni le néerlandais.
Prenons dans ma classe comme exemple concret : Marie, Isabelle, Lila et Isaac. Leurs
parents sont nés au Maroc et ne parlent pas français à la maison. La langue maternelle de ces
enfants est l’arabe mais la langue parlée dans l’école est le français, qu’ils ne comprennent pas
et ne maîtrisent pas. Ces facteurs font d’eux des enfants dit « allophone ».
Louis, lui, vient du Vietnam. Et la famille de Maxime quant à elle vient d’Irak. En ce
qui concerne ce dernier, j’ai appris plus tard par ma maître de stage que lui et ses parents
vivaient en situation de précarité depuis qu’ils avaient quitté ce pays. Étant amenée plus tard à
côtoyer tous types de familles, il me semble important de me pencher un instant sur les termes
« pauvreté » et « précarité », afin d’apprendre non seulement à ne pas émettre de jugements
trop hâtifs, mais également d’enrichir mon lexique, car bien que liés, ces termes sont à dissocier.
Les recherches suivantes ont été reprises en partie de mon travail purement théorique :
Comment accompagner l'enfant vivant dans une situation de précarité dans son parcours
scolaire.5 Elles sont cette fois agrémentées d’un vécu pratique, d’observations et liens avec ma
classe de stage.
4 Larousse. (s.d). Allophone. En ligne http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/allophone/2427 consulté le 01
juin 2017
5 Füssen, E. (2015-2016). Comment accompagner l'enfant vivant dans une situation de précarité dans son
parcours scolaire. Travail réalisé dans le cadre de l’unité d’enseignement P2060 : Entrer en relation : gérer des
situations problématiques en bachelier instituteur préscolaire non publié, école Normale Catholique du Brabant-
Wallon, Louvain-La-Neuve.
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1.2 La pauvreté et la précarité : approche méthodologique et épistémologique.
Qu'est-ce que la pauvreté ?
L'ouvrage du Groupe InterUniversitaire Recherche et Pauvreté6 explique dans une
définition globale que la pauvreté caractérise la situation d’une personne, d'un groupe de
personnes ou d’une société qui ne possède pas les moyens suffisants lui permettant de se
développer normalement et de contenter ses besoins essentiels. Elle évoque aussi l’accès aux
aliments, à l’eau potable, aux habits, aux habitats, à l'électricité, et de façon générale à
l’ensemble des conditions de vie, y compris l'accès aux soins de santé et aux apprentissages.
Qu’est-ce que la précarité ?
La précarité est l'incertitude de conserver ou récupérer une situation ''acceptable'' dans
le futur. Elle a de multiples dimensions : l’irrégularité dans les revenus, les situations familiales,
les conditions d'habitation, le rapport à l’école et à l'apprentissage, les soins de santé, etc. La
précarité constitue donc un ensemble de risques qui peuvent conduire à une situation de
pauvreté.
«(..) L'insécurité qui en résulte peut être plus ou moins étendue et avoir des
conséquences plus ou moins graves et définitives. Elle conduit le plus souvent à la grande
pauvreté quand elle affecte plusieurs domaines de l'existence qu'elle tend à se prolonger dans
le temps et devient persistante (...)» Wresinski (1987, p.14)
De qui parle-t-on ?
On parle de familles défavorisées, du quart-monde, issues de l’immigration, ordinaires,
ou encore en grande pauvreté. Afin de ne pas pointer du doigt des insuffisances et de mettre
l’accent plutôt sur une condition socio-économique induisant de nombreuses insécurités de vie
qui fragilise les familles, et qui rend leur vie précaire, la brochure de la fondation Roi Baudouin7
explique que les sociologues choisissent de parler de « familles issues de milieux défavorisés ».
D’autres préfèrent parler de foyers « dévalorisés », n’ayant pas de chance dans la vie, ou ne
trouvant pas leur place dans la société.
6 Groupe InterUniversitaire Recherche et Pauvreté. (1996) La connaissance des pauvres. Louvain-la-Neuve:
Éditions Travailler le social. 7 Jeunejean, T., Chevalier, A., Grosjean, S., Teller, M., (2014) Écoles maternelles et familles en situation de
précarité: Ensemble pour accompagner l’enfant dans son parcours scolaire. Bruxelles: Éditions de la Fondation
Roi Baudouin.
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Quelles conclusions puis-je tirer face à ma classe de stage ?
Il m’est impossible, en tant que stagiaire, de dire avec certitude si les familles
rencontrées durant mon stage correspondent réellement à ces descriptions. Bien qu’attisée par
la curiosité, j’estimais déplacé de faire intrusion dans la vie intime des parents en posant des
questions d’ordre financières et privées. Ma maître de stage, connaissant très bien la situation
des familles, a respecté ces dernières en ne m’en disant pas plus. Trop de facteurs me sont
inconnus que pour me permettre d’étiqueter par moi-même ces parents de « pauvre » ou en
« situation précaire ». Je suis d’avis que la pauvreté ou précarité ne se voit pas forcément au
premier coup d’œil et qu’il ne faut pas tirer de conclusions trop hâtives.
Si je ne peux confirmer par mes observations que les enfants étaient en situation
précaire, je peux néanmoins affirmer avoir vu se dérouler quelques chocs de cultures.
1.3 Choc culturel ; familles rondes et école carrée
L’aspect culturel que j’aimerais aborder n’est pas celui « d’une forme d’appartenance
à un groupe ethnique plus ou moins défini qui détermine un certain nombre de référents cultu-
rels musicaux ou artistiques, mais aussi certaines manières d’entrer en relation, de marquer la
politesse, etc.»8 mais plutôt la rencontre entre deux univers distincts : le système scolaire et la
sphère familiale.
Dans son ouvrage9, Moreau explique le choc que peut engendrer l’écart de culture entre
la famille et l’école. Elle utilise respectivement les images « rondes » et « carrées » pour
expliquer et différentier ces deux systèmes. (Annexe 3)
La forme ronde est octroyée à la famille afin de « symboliser sa nature communautaire
et évoquer son caractère naturel et spontané. La Famille est une communauté, c’est-à-dire un
groupe dont la qualité dépend essentiellement de la satisfaction de ses membres (…) » Mouraux
(2012, p.18). La forme carrée est concédée, quant à elle, à l’école et « n’implique nullement
l’idée de rigidité ou de sévérité ; elle veut indiquer qu’elle est une construction sociale, (…)
voulue, pensée et organisée par la société. (…) elle vise à instruire les jeunes et les sociabiliser
afin de les former à remplacer leurs aînés dans toutes les fonctions. » Mouraux (2012, p.30)
8 Jeunejean, T., Chevalier, A., Grosjean, S., Teller, M., (2014) Écoles maternelles et familles en situation de
précarité: Ensemble pour accompagner l’enfant dans son parcours scolaire. Bruxelles: Éditions de la Fondation
Roi Baudouin. 9 Mouraux,D., (2012). Entre rondes familles et école carrée… L’enfant devient élève. (1er éd). Bruxelles; Groupe
De Boeck
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Exemples de choc-culturel observés en classe de stage
Le premier exemple qui me vient à l’esprit est le retard constant d’Isabelle. Cette petite
fille est entrée pour la première fois à l’école durant mon stage. Lors de la première semaine,
pas un jour ne s’est déroulé sans que l’enfant ait une à deux heures de retard le matin.
Lorsqu’elle arrivait, elle ne parvenait pas à quitter sa maman. Celle-ci s’excusait du dérange-
ment et du retard en expliquant que la petite avait énormément de mal à se lever le matin, et
qu’elle ressentait le besoin de la laisser dormir plus longtemps. Ce à quoi, je pense, une per-
sonne lambda aurait répondu d’aller se coucher plus tôt. Ma maître de stage quant à elle a fait
face à ce choc culturel en adoptant un langage « rond » : en expliquant qu’elle était d’accord
que la petite prenne petit à petit ses marques, mais qu’il était important qu’elle intègre au plus
vite la classe dès l’accueil pour de multiples raisons. Il s’agit notamment d’un moment mar-
quant la transition entre l’école et la maison, où l’enfant sociabilise, communique, joue et ap-
prend avec ses pairs. De par cette attitude bienveillante et sans reproches, ma maître de stage a
permis à la maman de comprendre l’enjeu de la situation et de suivre son conseil.
Le deuxième exemple concerne Maxime que j’ai pu voir repousser à plusieurs reprises
la main d’une petite fille lorsque celle-ci a voulu se ranger avec lui dans le rang. Bien qu’ayant
montré et explicité patiemment mes attentes, Maxime ne s’est exécuté que lorsqu’un petit gar-
çon s’est présenté à lui. Plus tard, j’apprenais de par ma collègue, stagiaire, que la grande sœur
de Maxime avait refusé de réaliser une activité en groupe. Elle avait expliqué que ses parents
lui interdisaient de parler aux garçons. Dès lors se pose à moi une question face à ce choc
culturel en particulier : le terme « conflit de loyauté » a-t-il sa place dans cette situation ?
1.4 Conflit de loyauté
Comme dit précédemment, l’école et la famille sont des univers distincts qui n’ont par-
fois ni la même culture ni les mêmes modes de fonctionnement. La brochure de la fondation
Roi Baudouin10 (2014, p.50) explique qu’un conflit surgit lorsque des groupes d’appartenance
entrent en désaccord. Un conflit de loyauté risque d’émerger d’un enfant si les modes de fonc-
tionnement de ses deux lieux d’appartenance s’opposent et se dénigrent réciproquement. Pour-
tant, en entrant dans une école, dans sa classe et les apprentissages, il se doit de se transformer
en écolier. C’est là qu’intervient la condition de base pour qu’un enfant accepte de faire son
métier d’élève : « la triple autorisation ».
10 Jeunejean, T., Chevalier, A., Grosjean, S., Teller, M., (2014) Écoles maternelles et familles en situation de
précarité: Ensemble pour accompagner l’enfant dans son parcours scolaire. Bruxelles: Éditions de la Fondation
Roi Baudouin.
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Qu’est-ce que la triple autorisation ?
Comme l’explique si bien Mouraux11 (2012, p.70), un enfant issu d’une famille éloignée
de la culture scolaire doit, pour réussir :
1. S’autoriser à apprendre hors de la maison, sans ses parents et loin d’eux
2. Sentir que ses parents l’autorisent à le faire
3. Autoriser ses parents à rester ce qu’ils sont.
Revenons à Maxime, qui pour rappel, ne donne pas la main aux filles. Le terme « conflit
de loyauté » a tout à fait sa place dans cette situation d’après moi car il fait face à un dilemme ;
à qui obéir ? Aux parents qui ne veulent pas qu’on ait des contacts avec le sexe opposé, ou à
l’école qui demande à se ranger rapidement en binôme, peu importe qui on a en face de soi ?
Pour dépasser ce conflit de loyauté entre l’école et la famille, l’enfant doit se donner la triple
autorisation en :
1. Se persuadant qu’il est bon, bien, et juste de donner la main à une fille à l’école.
2. Se convaincant que ses parents l’y autorisent.
3. Admettant qu’ils continuent à l’interdire à la maison.
1.5 Conclusion
Qu’une personne soit allophone, en situation de précarité ou de pauvreté, il est selon
moi impératif qu’elle se sente respectée. Mouraux (2012, p.68) insiste, elle aussi, sur le fait que
toute collaboration « implique de respecter la nature et la fonction de l’autre sans la
contraindre à devenir semblable à soi. (…) Familles et école doivent rester ce qu’elles sont et
concevoir que l’enfant a besoin de chacune, telle qu’elle est. »
Toujours d’après l’auteure (2012, pp.114-117), l’aptitude des instituteurs à manier le
langage « rond » et « carré », avec des raisonnements issus des deux logiques, compose un des
atouts prépondérants dans la communication avec les parents. Le travail primordial à mener
avec ces derniers réside à les conduire à autoriser leurs enfants à apprendre à l’école. Pour les
en convaincre, il s’agit de faire découvrir, énoncer toutes les richesses « carrées » de l’école.
11 Mouraux, D., (2012). Entre rondes familles et école carrée… L’enfant devient élève. (1er éd). Bruxelles: Groupe
De Boeck
16
2. Développement du langage
Une grande difficulté que j’ai pu rencontrer durant le stage optionnel concerne le
développement langagier, car comme dit à plusieurs reprises durant ce travail, la langue
française n’était pas la langue maternelle de mon public cible. J’ai par exemple pu constater
qu’il était difficile pour certains de comprendre et d’appliquer des consignes, ou encore de
prendre part à des conversations. J’ai émis l’hypothèse prudente que les difficultés langagières
des enfants allophones rencontrés en stage étaient dues un manque de vocabulaire. Par
conséquent, je me suis mise en recherche afin de pouvoir infirmer ou de confirmer cette théorie.
Selon Bouchard (2009, pp.191-192), à l'inverse de l’écriture et la lecture, le langage
s’acquiert dans toutes les cultures naturellement, à condition de disposer d’un « équipement
neurologique et physique intègre et fonctionnel. » L’enfant doit être exposé dès sa naissance
aux différents sons de sa langue, par le biais de diverses situations d’interactions sociales
sécurisantes et stimulantes. L’enrichissement du vocabulaire est permis notamment grâce à
l’interaction et l’ouverture sur le monde. Sans ces conditions sociales, le langage ne peut être
acquis par l’enfant.
En ce qui concerne les enfants allophones de ma classe de stage, la question quant à
maîtriser leur langue maternelle ne se pose pas. Mais en ce qui concerne la langue française,
c’est tout autre chose. Bien que parlée à l’école, je sais de par ma maître de stage que la plupart
d’entre eux n’est pas stimulée à parler la langue de Molière à la maison. Il me paraît important
de décrire brièvement le développement du langage chez l’enfant, afin d’en comprendre
certains aspects, dont la progression de l’acquisition du vocabulaire.
D’après Bouchard (2009, pp.193-210), le développement du langage comporte deux
facettes constituées de quatre composantes. Ces composantes langagières se développent
simultanément chez l’enfant et s’influencent mutuellement les unes et les autres.
La première facette est la « compréhension », qui se rapporte à la quantité de mots
compris par l’enfant. La deuxième est la « production » qui renvoie quant à elle à la quantité de
mots dits. Le langage est une dimension du développement qui varie énormément d’un enfant
à l’autre, mais Bouchard (2009, pp.196-207) explique qu’en général, l’enfant comprend ses
premiers mots vers 9 mois et les prononce vers 12 mois. Vers 11 mois il intègre entre 3 et 122
mots. 50 premiers mots émergent entre 12 et 18 mois. Entre 18 et 24 mois surgit une
accélération fulgurante du développement de son langage. L’enfant connait, à partir de ce
moment-là, aux alentours de 100 mots.
17
En ce qui concerne les quatre composantes, celles-ci sont : les sons, les mots, les phrases
et la communication (Bouchard, 2009, pp.361-369). Les sons utilisés par l’enfant pour
s’exprimer renvoient à la phonologie. Entre 3 et 4 ans, l’enfant perfectionne l’élocution des
sons et dispose d’une panoplie de mots pour composer des phrases complètes qui contiennent
un sujet, un verbe, et un complément. Les mots que l’enfant comprend et utilise pour
communiquer renvoient au vocabulaire, alors que l’acquisition du sens de ces mots concerne la
sémantique. C’est vers 4-5 ans que l’enfant s’intéresse au sens des mots, en demandant
notamment ce que quelque chose veut dire. Le développement synchronisé des mots et des
phrases, soit de la sémantique et la syntaxe, stimule une communication de plus en plus habile
et précise chez l’enfant. Entre 3 et 4 ans, la plupart des enfants ont acquis les structures
syntaxiques de base de leur langue. Les habiletés à converser se développent nettement :
l’enfant communique à des fins variées comme pour exprimer ses besoins, demander quelque
chose etc. Ce qui fait référence à la pragmatique, c’est à dire l’utilisation que fait l’enfant du
langage en fonction du contexte social. Ces habiletés pragmatiques recouvrent non seulement
cet usage, mais touchent aussi, entre autre, à la maîtrise des règles de politesse comme dire
merci, attendre son tour avant de parler, maintenir un sujet de conversation, etc. Ce sont ces
capacités pragmatiques qui permettent le succès de la communication.
Confirmation, ou infirmation de mon hypothèse de départ ?
Pour rappel, mon hypothèse était la suivante : « les difficultés langagières des enfants
allophones rencontrés en stage étaient dues à un manque de vocabulaire ». Voici un exemple
qui confirme ma pensée : j’ai observé que Maxime, Lila et Isabelle ne parvenaient pas à décrire
des clichés d’eux-mêmes lorsque je leur ai demandé de me raconter ce qu’ils voyaient. J’ai bien
tenté de me répéter et de reformuler ma question, mais sans succès. Je pense pourtant qu’ils
comprenaient la consigne, car ils pointaient du doigt ce qu’ils voyaient sur la photo, et me
montraient dans la classe ce à quoi ils voulaient faire référence. De plus, lorsque je proposais
une phrase pas trop longue qui pouvait correspondre à la description de la photo comme « C’est
toi qui joue avec une voiture ? », ils hochaient pour la plupart la tête en signe d’approbation.
Voyant cela, j’ai essayé dans le doute de raconter des bobards tels que « Tu danses sur de la
musique ? », « C’est Louis qui mange des tartines ? ». De ce fait, j’ai pu apercevoir de la
confusion dans leurs yeux, ils ne me disaient plus « oui ». Le manque me paraît clair, bien qu’ils
comprennent une certaine quantité de mots, de par des lacunes de vocabulaire, ils ne parvenaient
pas à trouver les mots pour décrire la photo.
18
En ce qui concerne Marie, Isaac et Louis, je constate d’après mes notes d’observations
qu’ils ont tout de même acquis un petit bagage lexical. Voici quelques exemples de phrases
citées par ceux-ci lorsqu’ils ont tenté, dans la même situation que le fait précédent, de décrire
des photos que j’avais prises d’eux pour la confection de l’album écho : « Là, moi fais des
légos », « Isaac fait avec les voitures », « Je montre les copains », « Louis fait la dînette », etc.
Bien que certaines phrases ne soient pas très étoffées ou grammaticalement correctes, elles sont
constituées d’un sujet, d’un verbe et d’un complément. De plus, personnellement, je trouve ces
phrases tout à fait compréhensibles.
J’ai noté lors du module optionnel qu’il faut toujours partir de la réalité et du vécu de
l’enfant, afin de lui permettre d’apprendre tout d’abord des mots proches de lui, du quotidien
(Marichal, 2017). En effet, les mots « légos », « voitures », « copains », « dînette » font partie
intégrante du quotidien de la classe. Combien de fois n’ai-je pas entendu ma maître de stage
demander aux enfants : « Les copains, il est l’heure de ranger ! On range les voitures et le coin
dînette. » ou encore « Attention, il y a encore des légos parterre. »
2.1 La place du langage en pédagogie Freinet
En me référant au projet pédagogique de la ville de Genappe (annexe 2), je constate que
la pédagogie Freinet a de nombreux atouts. En plus d’être une pédagogie prônant « la libre
expression et le tâtonnement expérimental (…) qui incite l’enfant à beaucoup expérimenter,
observer, comparer et imaginer des théories avant de les vérifier »12, elle est aussi une
pédagogie mettant en place des moments de dialogues, d’échanges, de présentations, etc. J’ai
en effet pu constater dans ma classe de stage que le développement du langage est mis en avant
dès le matin. Chaque enfant est invité lors des préambules à apporter un trésor et à parler de
celui-ci, à exprimer ses découvertes, ses impressions, etc.
En quoi cela est pertinent pour un enfant allophone ?
Je pense que la pédagogie Freinet permet à tous les enfants, qu’ils soient allophones ou
non, de toucher un panel plus vaste de mots très variés. L’enfant peut enrichir son vocabulaire
en écoutant les autres, mais peut aussi montrer fièrement ses découvertes, inventions, ce qui
influence énormément le prochain concept abordé dans ce travail : « l’estime de soi ».
12 Constans, N., & Letellier, S. (2017). Les écoles différentes. La méthode Freinet, mode d’emploi. En ligne
http://www.enfant.com/votre-enfant-5-11ans/ecole-elementaire/la-methode-freinet-mode-d-emploi.html, con-
sulté le 05 juin.
19
3. L’estime de soi
Je stipule que les apports théoriques ont été rédigés avec l’aide et la collaboration
précieuse de De Weerd Florence et Lambrecht Bettina. Il me paraît important d’aborder cette
théorie afin de maîtriser avec justesse le terme d’estime de soi et de comprendre l’évolution de
celle-ci chez l’enfant.
3.1 Qu’est-ce que l’estime de soi ?
Selon Duclos, dans L’estime de soi un passeport pour la vie, (2010, pp.8-29), l’estime
de soi est « la conscience de sa valeur personnelle dans différents domaines. Il s’agit, en
quelque sorte, d’un ensemble d’attitudes et de croyances qui nous permettent de faire face à la
réalité et au monde ». C'est sur base de la connaissance de soi (concept de soi)13 que l'enfant
sera capable d'intérioriser le sentiment de sa valeur personnelle (estime de soi).
Beaucoup de personnes jugent de leur valeur uniquement sur des résultats, leur
apparence physique ou leur réputation. Leur estime dépend alors du jugement ou de
l’approbation des autres (Duclos, 2010, p.23). Il faut par conséquent trouver un juste équilibre
entre l’« être » et le « paraître ».
3.2 Evolution de l’estime de soi chez l’enfant
Dans son ouvrage14, l’auteur explique dans les pages 40-41 que vers 18 mois, l’enfant
veut décider afin de prouver qu’il est capable. Entre 2 et 3 ans, il réclame son autonomie. Son
estime de soi passe dès lors par la capacité des parents à le reconnaître différemment. A 3-4
ans, apparaissent des peurs et des stratégies de manipulation et de séduction. L’enfant a besoin
de se mettre en avant, cherche à être valorisé, reconnu.
Duclos (2010, pp.25-29) explique qu’on ne parle d’estime de soi réelle qu’à partir de 7-
8 ans, lorsque l’enfant peut juger de sa valeur personnelle. Avant 7-8 ans, la pensée de l’enfant
est encore égocentrique, ce qui l’empêche d’avoir un jugement critique face à lui-même, ou en
d’autres termes, d’être objectif. Il se peut que lors d’une activité, l’enfant se surestime. À
l’inverse, il peut se dévaloriser ou se sous-estimer, et manque alors cruellement d’estime de lui
ce qui rend son jugement subjectif.
13 Voir annexe 4 : Concept de soi 14 Duclos, G. (2010). L’estime de soi un passeport pour la vie. Montréal : Editions du CHU Sainte Justine.
20
3.3 Les éléments-clés de l’estime de soi
Une bonne estime de soi, selon Duclos (2010, p.51) nécessite quatre éléments-clés : le
sentiment de confiance, de connaissance de soi, d’appartenance et de compétence.
Le sentiment de confiance
Duclos (2015, p.27) énonce que le sentiment de confiance se développe chez l’enfant à
partir du lien d’attachement créé avec ses parents. Dans le cours de psychologie du
développement15, nous avons découvert qu’un attachement sécurisant nécessite 3
caractéristiques dans la séquence répétée dans les soins prodiguée à un enfant : la régularité, la
constance et la fiabilité (Cuvelier, 2014-2015). Cela permet à l’enfant de se rassurer. « Il perçoit
l’adulte qui lui prodigue les soins comme une personne fiable et digne de confiance » (Duclos,
2015, p.22). Un exemple de développement de sentiment de confiance dans ma pratique en
stage optionnel me vient à l’esprit :
Lorsque je suis arrivée pour la première fois en classe, je me suis immédiatement jointe
aux enfants. Beaucoup d’entre eux appréciaient ma présence et sollicitaient mon aide ou ma
participation, ce qui n’était pas le cas de Maxime qui partait jouer plus loin lorsque je
l’approchais. J’ai supposé qu’il se méfiait de moi. Voulant lui prouver ma bienveillance, tout
en respectant la distance qu’il avait installée, j’ai tenté une approche subtile de temps à autre.
J’ai observé que tous les matins, Maxime aimait jouer à la dînette. Alors, lorsqu’il faisait tomber
un objet, je le ramassais pour lui. Lorsqu’il me regardait, je lui adressais un sourire. Lorsqu’il
réalisait une activité, je le félicitais. Peu à peu, j’ai senti la confiance le gagner. Lors des derniers
jours de stage, ma patience a été récompensée, car à ma grande surprise, Maxime me servait
des petits plats confectionnés au coin dînette !
La connaissance de soi
Selon Duclos (2015, p.48) l’enfant développe les bases de la connaissance de soi
lorsqu’il se définit et se distingue des personnes importantes pour lui, et se découvre comme
être unique. Cela « se transformera plus tard en un sentiment d’identité ». Il s’agit des bases de
l’estime de soi. L’enfant doit apprendre à se connaître, (concept de soi et à l’identité), avant de
pouvoir se reconnaître (estime de soi).
15 Cuvelier, F. (2014-2015). UE B1_P1070 L’enfant, son développement, ses apprentissages I – Psychologie du
développement. Recueil inédit, École Normale Catholique du Brabant-Wallon.
21
J’ai cru comprendre que mon public cible avait une relativement bonne connaissance de
lui-même lorsque je l’ai mis au défi de retrouver des photos qui le représentait. Lorsque je
demandais pourquoi il savait que c’était lui, et pas un autre, l’enfant me montrait soit les
similitudes entre lui et sa photo, soit me disait « Moi garçon, pas fille, ça Marie, pas Louis ».
Le sentiment d’appartenance
D’après Duclos (2015, p.74), l’appartenance à un groupe est un besoin de l’être humain.
Celle-ci grandit au fur et à mesure que l’enfant se développe car il s’ouvre progressivement à
un monde social et cherche à vivre des relations avec les autres. Entre 3 et 5 ans, le bambin
« réclame la présence d’enfants du même âge que lui », de ce fait il réclame un sentiment
d’appartenance, qui se trouve être un « antidote au sentiment de solitude » (Duclos, 2015, p.74).
Dans ma classe, je n’ai pas vu d’enfant s’exclure, ou être repoussé. Chacun avait l’air
de faire partie intégrante d’un groupe, et donc de vivre le sentiment d’appartenance.
Contrairement à ce que j’imaginais, les enfants allophones ne sont pas forcément exclus. Je
pensais que de par leurs difficultés à communiquer, ils n’auraient pas beaucoup d’amis ou de
relations. Mais dans ma classe, j’ai pu observer plusieurs situations m’indiquant le contraire.
Louis, par exemple, a une amie (non allophone) en particulier avec qui il réalise des activités,
mange et joue. Isabelle qui, je le rappelle, est arrivée en cours d’année et pleurait lorsque sa
maman s’en allait après l’avoir déposée le matin, n’a pas tardé à se faire des amis qui, me
semble-t-il, touchés par ses pleurs, se sont empressés de la réconforter et de l’inviter à jouer.
Le sentiment de compétence
Le sentiment de compétence naît lors de réussites. Pour permettre celles-ci, il faut que
les activités proposées aux enfants se situent dans sa zone de proximale de développement16.
L’instituteur doit motiver et encourager l’enfant à l’autonomie afin que celui-ci prenne
conscience de ses possibilités et de sa valeur personnelle. (Duclos, 2015, p. 87)
J’ai aperçu ce sentiment, par exemple, lorsque j’ai lancé un défi aux enfants. Je
demandais de faire tenir au moins ’’x’’ objets en équilibre, et après plusieurs essais, ils y sont
fièrement parvenus. J’ai pris en photo cette réussite et l’ai intégrée dans l’album écho. Ce succès
mis en avant a contribué à développer encore plus ce sentiment de compétence.
16« La zone proximale de développement fait référence à l’écart qui existe entre ce qu’un enfant peut accomplir
de lui-même, et le niveau potentiel qu’il pourrait atteindre avec l’aide d’un adulte ou d’un pair expert. »
(Bouchard, 2009, p.165)
22
4. L’album écho
À nouveau, les apports théoriques ont été rédigés avec l’aide et la collaboration de De
Weerd Florence et Lambrecht Bettina.
4.1 Qu’est-ce que l’album écho ?
Boisseau (2010) explique dans son ouvrage17 qu’il s’agit d’un outil pédagogique conçu
dans le but d’aider l’enfant à progresser dans l’acquisition d’un langage oral. Il s’appuie sur des
photographies illustrant l’enfant en activité. L’enfant réagit verbalement aux photos, et
l’enseignant lui renvoie un feedback, c’est-à-dire, un écho de son message à un niveau de
complexité supérieure. De ce fait, l’album écho vise ; une maîtrise du langage oral en se basant
sur des expériences, un enrichissement des compétences lexicales et syntaxiques à partir de
réalisations personnelles et à l’acquisition d’un langage compréhensible par les auditeurs. De
plus, en interaction avec l’adulte, l’enfant s’entraîne à se décrire et à raconter ce qu’il fait (album
écho de première personne) et ce que font les autres (album écho de troisième personne).
4.2 Comment élaborer un album écho ?
D’après Boisseau (2010) la réalisation d’un album écho comporte quatre phases. Celles-
ci seront décrites selon sa théorie, et illustrées à l’aide d’exemples tirés de ma pratique en stage.
1) Prise de photos lors d’une activité choisie au préalable
L’auteur préconise de tirer six à douze clichés des enfants en activités variées : six à huit
pour les enfants de 3 ans, huit à dix pour ceux de 4 ans, et dix à douze pour les 5 ans. Pour les
petits tels que mon public cible (environ 3 ans), il est fondamental de favoriser des photos
correspondant à des thèmes qui les captivent et les passionnent, comme par exemple lors d’une
activité motrice réussie, une recette culinaire fort appréciée, un goûter d’anniversaire, etc. Ces
types d’activités renvoient à plusieurs sentiments favorisant l’estime de soi, développés
précédemment durant ce travail, tels que le sentiment de compétence ou encore d’appartenance.
J’ai, pour ma part, choisis de prendre 6 photos de chaque enfant allophone. Ne parlant
pas ou très peu, j’estimais suffisant et satisfaisant s’ils pouvaient me décrire ce nombre
minimum. Voici ci-après quelques clichés :
17 Boisseau, P., & Tartare-Serrat, C., (2010). Les albums échos. Paris : Editions RETZ.
23
Sur les clichés de gauche, nous retrouvons Isaac
et Lila qui réalisent une construction en équilibre.
Chacun fut fière de lui lorsque cette dernière tint en
équilibre, ou qu’elle atteignit une hauteur
considérable. Cette réussite permettant ainsi de
développer leur sentiment de compétence.
A droite, Isaac et Marie présentent fièrement leur
« trésor » lors des préambules. Lors de ce moment, ils
ont non seulement développé leur sentiment de
compétence parce qu’ils ont pu présenter un objet dont
ils sont fiers, mais aussi leur sentiment d’appartenance
car ils le présentent à l’entièreté du groupe classe.
2) Découverte des photos par les enfants et collecte de leurs réactions
La visée de cette phase est de faire réagir oralement chaque enfant aux photos. Il s’agit
de recueillir les premiers jets spontanés de l’enfant, avant toute influence de l’adulte, pour noter
ce dont il est d’emblée capable. L’enfant découvre pour commencer les photos et l’enseignant
provoque par la suite les réactions verbales avec des questions favorisant la formulation des
actions.
Pour ma part, j’ai présenté à l’enfant son album déjà constitué
de photos, mais vierge de texte, afin qu’il se rende compte qu’on ne
peut pas le lire. De ce fait, j’ai demandé, ici à Isaac, de me décrire ce
qu’il voyait. Voici notre échange :
I : « Photo, moi, Isaac »
Moi : « C’est toi sur la photo Isaac ? Et qu’est-ce que tu fais ? »
I : « Jouer »
Moi : « Ah et à quoi est-ce que tu joues ?
I : « Légos »
24
3) Mise au point d’un texte de l’oral en écho de leur production
L’album écho est constitué de photos de l’enfant accompagnées chacune d’un petit texte
de l’oral reprenant ses propositions spontanées mais quelques peu complexifiées. Il s’agit de
composer pour chaque cliché un feedback basé dans l’essai approximatif de l’enfant et
répondant aux objectifs langagiers qu’on peut raisonnablement concevoir pour lui, c’est-à-dire
dans sa zone proximale de développement.
En ce qui concerne mon public cible, il faut savoir que tous les enfants ne sont pas
parvenus à s’exprimer clairement. Lila, par exemple, s’est contentée de pointer sa photo du
doigt, et ensuite elle-même. A chaque photo qu’elle découvrait, elle répétait « Lila ». De ce
fait, je ne pense pas avoir tort en disant qu’elle s’était reconnue. Face à ses lacunes en
vocabulaire, j’ai proposé des petites phrases courtes permettant de l’enrichir, telles que : « C’est
moi, Lila. Je joue. » ou « Je mange un biscuit. » ou encore « Je colorie avec un crayon. ». Les
mots choisis faisaient partie du quotidien de la classe et lui permettront, je l’espère, d’acquérir
plus facilement ce vocabulaire.
Contrairement à Lila, d’autres enfants possédaient un plus grand bagage lexical. Avec
certains, j’ai pu jouer à des jeux de reconnaissance. Lorsqu’un enfant me disait, en voyant sa
photo, qu’il s’agissait de lui sur celle-ci, je demandais par exemple : « Ah bon, c’est toi ? Ce
n’est pas Lila ? » ce qui donnait place à des objections ou des rires en guise de réponse. Ces
réactions me montraient que les enfants se sentaient en sécurité, et avaient développé leur
sentiment de confiance envers moi. Voici ci-après quelques exemples de phrases émises par les
enfants possédant quelques notions de vocabulaire :
Phrases des enfants Phrases complexifiées
« Je fais graand graaand légo » « Je fais une grande tour avec des légos. »
« Isaac voiture. » « C’est moi, Isaac. Je joue avec la voiture. »
« Moi fais la poussette de bébé. » « Je pousse la poussette du bébé. »
« Louis là, dînette. » « Là, c’est moi, Louis. Je joue à la dînette. »
Dans la colonne de gauche j’ai repris le premier jet des enfants, et celle de droite
concerne les phrases retravaillées et enrichies. Vous constaterez que les phrases corrigées
reprennent les propositions des enfants, mais sont quelques peu complexifiées, comme le
suggérait Boisseau.
25
4) Confection de l’album écho
Cette dernière phase implique la mise en forme de l’album. Il est
tout à fait possible d’effectuer cette étape lors d’un atelier avec les enfants,
ou de la réaliser soi-même pour eux. Lors de cette étape, on installe sous
chaque photo le petit texte oral d’accompagnement confectionné lors de la
précédente phase. Parce que le stage ne durait que 2 semaines, j’ai décidé
de le confectionner moi-même, afin de garder du temps pour l’exploitation
de l’outil. Voici, à droite, une page tirée de l’album écho de Maxime.
4.3 Mise en œuvre des albums échos
Boisseau18 présente de multiples manières d’exploiter l’album écho. L’album écho de
première personne peut, par exemple, être mobilisé par les enfants en interaction avec l’adulte.
L’auteur propose que, lors d’un moment d’accueil, les enfants s’installent dans un coin où sont
rangés les albums, et s’entraînent à les raconter avec l’aide d’un adulte. Ce dernier invite à
chaque page l’enfant à raconter ce qu’il fait sur la photo. L’enfant parle en premier, et l’adulte
suit pour aider de temps à autre l’enfant à faire émerger son message. Lorsque l’enfant a
terminé, l’enseignant pose un feedback qu’il puise dans le texte de l’album.
Me concernant, j’ai totalement adopté cette proposition. La première fois où les enfants
ont découvert l’album, nous étions installés dans un coin paisible, loin du bruit et des allées et
venues des enfants. Lorsqu’Isabelle, Marie, Maxime, Louis, Lila et Isaac ont découvert, lors de
l’accueil, chacun à leur tour leur album, ils étaient ravis. Certains pointaient du doigt leur photos
tout sourire, d’autres présentaient fièrement leur album aux autres enfants. Voyant cela, j’ai
laissé un temps de découverte et de manipulation libre aux enfants. Par la suite, je sentais que
les enfants avaient tous envie de me parler, de me raconter « l’histoire » de leur album. Je leur
ai proposé individuellement de me raconter leur histoire, que j’écoutais avec attention, tout en
prenant des notes pour garder trace de leur éventuelle évolution lexicale. Lila me fit rire car elle
s’exprimait très vite dans sa langue maternelle et je ne comprenais pas un mot de ce qu’elle me
racontait. Je lui rendais un sourire, la complimentais et lui renvoyait un feedback. Ainsi, je
pouvais l’aider non seulement à développer son sentiment de compétence, mais aussi son estime
de soi et son langage oral.
18 Boisseau, P., & Tartare-Serrat, C., (2010). Les albums échos. Paris : Editions RETZ.
26
Chaque matin, jusqu’à la fin du stage, j’ai exploité l’album-écho avec chaque enfant. Je
n’ai noté que très peu d’amélioration lexicale, mais leur enthousiasme ne baissait pas pour
autant. Je suis consciente du manque de temps que j’avais et n’exclus pas qu’il soit possible de
faire progresser un enfant allophone dans son développement langagier à l’aide de l’album
écho. J’ai tout de même réfléchi à des situations de progression. J’aurais par exemple aimé
m’essayer à une autre proposition de Boisseau19, celle-ci étant :
La présentation autonome par l’enfant de son album.
Lorsque l’enfant s’améliore peu à peu, il est bon de mettre ses progrès en valeur, ce qui
permet, encore une fois, de développer son sentiment de compétence. De plus, lorsqu’il peut
raconter son récit devant les autres, il peut se sentir apprécié et intégré au groupe classe,
développant ainsi son sentiment d’appartenance. L’idéal, d’après l’auteur, serait de filmer
l’enfant afin qu’il puisse se revoir réussir sa performance. Rien de tel, selon moi, pour faire
grimper l’estime de soi !
4.4 Et après ?
Si mon stage avait duré plus longtemps, j’aurais aimé que les enfants puissent reprendre
leur album écho à la maison pour le « lire », le raconter à leurs parents. Je pense que cela aurait
permis non seulement à l’enfant d’être fier de montrer son album écho, qui je le rappelle, est
illustré de photos de l’enfant en activité à l’école, mais en plus d’être stimulé à parler français
à la maison. D’un outil, il aurait alors été possible, d’après moi, de faire d’une pierre deux
coups : développer l’estime de soi, et développer le langage oral !
19 Boisseau, P., & Tartare-Serrat, C., (2010). Les albums échos. Paris : Editions RETZ.
27
Troisième partie : Conclusion
Au départ, j’ai commencé mon stage optionnel dans l’optique de développer le langage
« parlé » chez l’enfant allophone par le biais d’un outil ludique et pédagogique destiné à cet
effet : l’album écho. Parce que la durée de stage était trop courte, je n’ai pu constater de réelles
avancées en termes de langage. Toutefois, une observation m’a questionnée. Voyant de la fierté
dans les yeux des enfants, je me suis posée la question ayant permis la rédaction de ce TFE :
« En quoi l’album écho permet-il de développer l’estime de soi chez l’enfant allophone ?».
Pour commencer ce travail, il me paraissait nécessaire de connaître le public auquel
j’avais eu affaire. Ainsi, après plusieurs recherches, je retiens qu’un enfant allophone est un
enfant dont la langue maternelle n’est pas la langue du pays dans lequel il vit. De plus, cet
enfant, comme tout autre, peut éventuellement vivre au sein de sa famille, une situation de
pauvreté ou de précarité. Il me paraît évident en tant que future institutrice de ne pas juger ces
familles. Toutefois, des jugements, chocs de cultures et quiproquos peuvent apparaître entre
l’école et la famille, qui, je rappelle, sont des univers distincts qui n’ont parfois ni la même
culture ni les mêmes modes de fonctionnement. Si les modes de fonctionnement des deux lieux
d’appartenance de l’enfant s’opposent et se dénigrent réciproquement, un conflit de loyauté
risque d’émerger. En tant que future institutrice, je comprends qu’il est important, afin
d’entretenir une relation positive avec la famille, de s’adapter au public que l’on a en face de
soi et de tenter d’adopter le même langage que la famille. Il faut user de bienveillance et de
patience, apprendre et chercher à la comprendre. L’enfant doit, lui aussi, comprendre qu’il a le
droit d’apprendre hors de la maison, que ses parents l’autorisent à le faire même s’ils ne sont
pas là, et qu’il doit autoriser ses parents à rester ce qu’ils sont. On parle dans ce cas de triple
autorisation.
Par la suite, consciente des difficultés éventuelles de mon public, j’ai choisi de
m’intéresser au développement du langage oral chez l’enfant. Mes recherches ont confirmé que
mon public cible avait pour difficulté principale, des lacunes en vocabulaire. Quoi de plus
évident puisque celui-ci n’a pas été exposé dès la naissance aux différents sons de la langue
française, et n’est pas stimulé à la parler à la maison. Cependant, la pédagogie de l’école permet,
en installant une panoplie de moments autour du langage, à tous les enfants, qu’ils soient
allophones ou non, de toucher un panel plus vaste de mots très variés. L’enfant peut faire part
de ses expériences, et peut aussi montrer fièrement ses découvertes, inventions, ce qui influence
énormément son estime de soi.
28
Cette estime de soi, je le rappelle, nécessite quatre éléments-clés : le sentiment de
confiance, de connaissance de soi, d’appartenance et de compétence. Je constate qu’à lui seul,
l’album écho a la capacité de développer chacun de ses sentiments et ainsi à développer son
estime de soi.
Tout d’abord, l’enseignant, à force de régularité, fiabilité, et constance, permet de créer
un lien d’attachement sécurisant avec l’enfant. Si l’enfant parle à l’adulte, c’est qu’il a
développé le sentiment de confiance, une première composante de l’estime de soi. L’enfant
allophone ne peut développer ce sentiment que s’il s’est donné une triple autorisation. Ensuite,
les images représentées dans l’album écho illustrent l’enfant en activité. L’enfant se
reconnaissant, développe la connaissance de soi, une deuxième composante de l’estime de soi.
Ces activités, quant à elles, font référence à une réussite, un jeu préféré ou apprécié, permettant
à l’enfant de se voir dans une situation qui a suscité de la fierté, du plaisir, et ainsi, développer
son sentiment de compétence. Ce dernier est une troisième composante l’estime de soi. De
plus, l’enfant peut, s’il le souhaite, présenter son album à ses amis, et si l’album écho est de
troisième personne, plusieurs enfants peuvent être représentés, en activité, sur le cliché.
L’enfant allophone, en contact avec les autres, peut enrichir son vocabulaire, évincer le
sentiment possible d’exclusion, qui, je pense, est un sentiment bouleversant beaucoup d’enfants
« différents » et incompris. Ces aspects sociaux développent son sentiment d’appartenance, une
quatrième et dernière composante de l’estime de soi.
Pour conclure, ce stage a fait naître en moi une envie de dépassement. Un projet me
tenant à cœur en tant que future institutrice préscolaire, serait de faire prendre à l’album écho
plus d’ampleur. Pour avoir plus d’impact sur les enfants allophones et leur famille, j’aimerais
qu’à l’avenir, lorsque j’exploiterai cet outil au sein de ma classe, l’enfant puisse reprendre son
album écho à son domicile pour le « lire », le raconter à ses parents, partager le monde qu’est
l’école, à la maison. Je pense sincèrement que cela permettrait non seulement à l’enfant d’être
fier de montrer son album écho, qui je le rappelle, est illustré de photos de l’enfant en activité
à l’école, mais en plus d’être stimulé à parler français à la maison. Il serait possible d’après moi
que l’enfant développe alors non seulement son estime de soi, mais aussi son langage oral. Une
nouvelle question, qui ne restera dès lors pas sans réponse, me vient à l’esprit : « Permettrais-
je ainsi un choc culturel moins important ? »
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Bibliographie
Documents de l’ENCBW
- Croiselet,D. & Marichal, E., (2016-2017) Unité s’enseignement 3070 : formation en Français Langue
d’Enseignement et diversité culturelle. Bloc 3. Notes de cours, Ecole Normale Catholique du Brabant
Wallon, Louvain-la-Neuve.
- David, J., Dechamps. M., Labalue, F., Cuvelier, F., Ketels, J., Pollet., Ginevro, D., Van Ooteghem, L.,
Benkadour, H., Marchial, E., & Goies, I. (2016 – 2017). Spécialisation optionnelles. Bloc 3PS. Unité
d’enseignement P3070 F & I. Document non publié, école Normale Catholique du Brabant-Wallon,
Louvain-La-Neuve.
Ouvrages édités
- Boisseau, P., (2005). Enseigner la langue orale en maternelle. Paris : Editions RETZ & CRDP
académie de Versailles
- Boisseau, P., & Tartare-Serrat, C., (2010). Les albums échos. Paris : Editions RETZ.
-,Bouchard, C., & Fréchette, N. (2009). Le développement global de l'enfant de 0 à 5 ans en contextes
éducatifs. Québec : Presses de l'Université́ du Québec.
- Duclos, G. (2010). L’estime de soi un passeport pour la vie. Montréal : Editions du CHU Sainte Justine.
- Duclos, G. (2015). Quand les tout-petits apprennent à s’estimer.... Montréal : Editions du CHU Sainte
Justine.
- Groupe InterUniversitaire Recherche et Pauvreté. (1996) La connaissance des pauvres. Louvain-la-
Neuve: Éditions Travailler le social.
- Jeunejean, T., Chevalier, A., Grosjean, S., Teller, M., (2014) Écoles maternelles et familles en situation
de précarité: Ensemble pour accompagner l’enfant dans son parcours scolaire. Bruxelles: Éditions de
la Fondation Roi Baudouin.
- Paquay, L., Altet M., Charlier E., Perrenaud P. (1996), Former des enseignants professionnels :
Quelles stratégies ? Quelles compétences ?, Bruxelles, De Boeck Supérieur
- Mouraux,D., (2012). Entre rondes familles et école carrée… L’enfant devient élève. (1er éd).
Bruxelles; Groupe De Boeck.
- Wresinski, J.,( 1987) Grande pauvreté et précarité économique et sociale. Paris: Journal Officiel, p
14.
Sites internet
- Constans, N., & Letellier, S. (2017). Les écoles différentes. La méthode Freinet, mode d’emploi.
En ligne http://www.enfant.com/votre-enfant-5-11ans/ecole-elementaire/la-methode-freinet-mode-d-
emploi.html, consulté le 05 juin.
- Service Public Fédéral Belge. (s.d) Egalité des chances.
https://www.belgium.be/fr/formation/enseignement/droits_et_devoirs/egalite_des_chances. Consulté le
01 juin 2017
- Ville de Genappe. (s.d). La pédagogie Freinet. En ligne
https://genappefreinet.files.wordpress.com/2017/05/projet.pdf consulté le 04/05/2017
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Annexes
Annexe 1 : Référentiel de compétences professionnelles de l’enseignant selon
Paquay (1994)
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Annexe 2 : La pédagogie Freinet20
Qu’est-ce que la pédagogie Freinet et pourquoi ?
Au départ, c’est une volonté commune de placer l’enfant au centre des apprentissages. C’est
aussi une envie de laisser le choix aux enfants, de leur permettre de s’exprimer et aussi d’avoir
confiance en eux. C’est avant tout la certitude qu’un travail individualisé est plus efficace qu’un
travail collectif. Mais dans un cadre de travail structuré, avec des exigences à atteindre
(compétences à atteindre, évaluations, CEB) et un suivi individualisé.
Travailler en pédagogie Freinet, c’est faire entrer la vie dans la classe en mettant en place des
moments de dialogues, d’échanges, de présentations, de coopération, moments où les enfants
sont acteurs par rapport à leur production ou celle des autres.
Pour que chacun :
• Apprenne à son rythme
• Construise ses connaissances en interaction avec d’autres
• Développe son sens critique, son autonomie et accède à une réelle prise de responsabi-
lités dans une classe vivante et ouverte sur le monde
Comment la pédagogie Freinet se manifeste-t-elle ?
En maternelle :
C’est dans le respect du développement de l’enfant, de son rythme et de la méthode naturelle
d’apprentissage que diverses activités lui sont proposées. Les enfants sont placés le plus
souvent possible dans des situations de verticalité, ce qui favorise la coopération, le transfert
d’acquis, la communication. Hormis les classes à deux niveaux ; des projets sont menés en
verticalité complète, de la classe d’accueil à la troisième maternelle, par exemple le projet arts,
le spectacle de la fancy fair,…
20 Ville de Genappe. (s.d). La pédagogie Freinet. En ligne
https://genappefreinet.files.wordpress.com/2017/05/projet.pdf consulté le 04/05/2017
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- L’institutrice favorise l’autonomie, le libre choix et les manipulations sous forme d’ateliers
permanents ou ponctuels, ludiques et créatifs.
- Le développement du langage et de l’expression est mis en avant par le quoi de neuf (avec
l’apport de trésors et leur présentation aux autres), la lecture d’albums, des mises en commun
régulières et des ateliers spécifiques. Chaque enfant est invité, selon son rythme, à s’exprimer
sur son vécu, ses impressions, ses découvertes,…
-L'enfant découvre, s'adapte, se socialise, il approche les outils des grands au fil de l'année
toujours dans le plus grand respect de chacun.
Chez les enfants de 3 à 6 ans :
-C’est en partant de la communication que les projets débouchent sur des apprentissages. Le
quoi de neuf du matin permet à chacun de montrer, de dire, expliquer un « trésor ». Le conseil
de classe, les mises en commun enrichissent les échanges.
- L’expression est développée, au travers des communications mais également au travers de la
créativité, par exemple l’expression corporelle, le théâtre, la peinture,…
- Les ateliers permanents, ludiques, techniques,… développent grâce au tâtonnement expéri-
mental, à la coopération, à la reproduction, de nouveaux acquis et l’enrichissement des con-
naissances.
- Les projets, les fichiers, le marché des savoirs, permettent un cheminement vers l’autonomie,
la gestion, la coopération tout en développant des compétences variées. Lors de ces activités,
l’enfant va structurer et transférer ses acquis.
- Des sorties dans notre ville et notre campagne, permettent une ouverture des portes de l’école
sur le monde. Le cycle 5/8 partage par exemple des projets comme une sortie découverte nature
à Villers-la-Ville, la gestion du poulailler, des séances d’échanges et un projet artistique. Nous
participons aux activités de l’école : conseil d’école, projets artistiques,…
- Des activités sportives sous formes de cours de psychomotricité donnés par les enseignantes
maternelles en lien avec les projets, les activités ou un maître de psychomotricité. L’approche
de la médiation en pleine conscience et de la sophrologue par des activités adaptées aux jeunes
enfants.
- Dans le cadre du projet de l’école autour de la langue française, notre objectif principal se
portera sur l’enrichissement du vocabulaire et le savoir parler.
En bref, les enfants sont constamment mis au travail par des situations de vie, des défis, des
envies. Cela motive les apprentissages de manière fonctionnelle. Ils évoluent dans un
encadrement structuré. Le cahier de vie de l’enfant fait le lien entre la maison et l’école, le
cahier de communication fait le lien entre les enseignants et les parents. Nous rappelons que
tout cela est possible dans le respect de chacun, enfants, parents, et membres de l'équipe
éducative mais également celui de la charte des règles de vie.
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Annexe 3 : Les caractéristiques de apprentissages du milieu « école », et du milieu
« famille » 21
21 Jeunejean, T., Chevalier, A., Grosjean, S., Teller, M., (2014) Écoles maternelles et familles en situation de
précarité: Ensemble pour accompagner l’enfant dans son parcours scolaire. Bruxelles: Éditions de la Fondation
Roi Baudouin.
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Annexe 4 : Le concept de soi
La partie théorique qui suit fut également rédigée avec l’aide et la collaboration de Lambrecht
Bettina et De Weerd Florence.
Le concept de soi de 0 à 3 ans
D’après Bouchard et Fréchette (2009, p.119) l’enfant, tout-petit, prend conscience peu
à peu qu’il est un être à part entière tout en construisant son lien d‘attachement avec ses parents.
Il va se construire « un premier modèle interne de son concept de soi » (2009, p.117). Ce dernier
se développera durant l’enfance et l’adolescence.
Définition
Bouchard et Fréchette (2009, p.120) citent dans leur ouvrage pour définir le concept de
soi : « C’est l’ensemble riche et complexe des perceptions que la personne a d’elle-même,
lequel est influencé à la fois par ses expériences personnelles et par l’image que les autres lui
renvoient ».
Les trois composantes du concept de soi
Selon les mêmes auteures (2009, p.120), le concept de soi a trois composantes : le moi
existentiel, le moi différentiel et le moi sexué. Elles font référence à Lewis pour définir les deux
premiers termes qui se développent dès le plus jeune âge de l’enfant.
- Le moi existentiel est le fait que « l’enfant prend conscience qu’il est une personne
physiquement distincte des autres » (2009, p.120). L’enfant est un être différent de la figure
d’attache et il s’en rend compte par les gestes.
- Le moi différentiel est le fait que « l’enfant doit apprendre à se définir et à se distinguer des
autres par des caractéristiques qui lui sont propres » (2009, p.121).
Le troisième concept est développé plus loin dans ce travail car il n’apparaît pas entre 0 et 3
ans.
Qu’implique le concept de soi ?
Certes, le concept de soi implique que les petits enfants comprennent « l’apparence de
leur corps » et aussi leurs « émotions ». L’enfant manifeste des émotions de manière intense.
Il les vit donc pleinement. Cependant, il est incapable de les identifier. Cela est dû au fait qu’il
n’a pas le vocabulaire nécessaire pour mettre des mots sur ses émotions.
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Le concept de soi de 3 à 5 ans
Bouchard et Fréchette (2009 ; pp.269-276) précisent qu’entre 3 et 5 ans, « le concept de soi
s’élabore, se raffine et se confirme ». L’enfant se définit lui-même à partir de caractéristiques
extérieures. Par exemple, « je suis une fille avec des cheveux blonds. » Il met l’accent sur les
apparences plutôt que sur ses qualités ou ses défauts, ce qu’il fera plus tard.
Le regard des autres prend une place de plus en plus importante et influence l’estime de soi,
« conscience que l’enfant a de sa propre valeur ». Il faut faire attention alors aux messages
envoyés à l’enfant. Si on répète, par exemple, à l’enfant qu’il est un incapable, il finira plus que
probablement par le croire. De plus, la comparaison sociale, c’est-à-dire, « l’évaluation que
l’enfant se fait de lui-même en se comparant aux autres membres de son groupe »1 influence le
développement du concept de soi. Il s’articule autour de trois axes : la maîtrise des émotions,
la composante sociale du concept de soi et l’identité de genre.
La maîtrise des émotions est un processus d’intériorisation influencé par la progression
au niveau cognitif et du langage. D’une part, l’enfant sera capable de nommer les émotions
ressenties et de comprendre ce que les autres attendent de lui. D’autre part, il apprendra les
règles sociales concernant leur expression.
La composante sociale du concept de soi est le sentiment d’appartenance à un groupe,
qui est essentiel à la construction du concept de soi chez l’enfant. Cela lui permet de développer
un sentiment d’utilité et de responsabilité, tout en se sentant reconnu et important pour les
autres.
L’enfant développe son concept de soi, l’axe du moi sexué à partir d’une identité de
genre, il s’agit des « représentations qu’une personne entretient à l’égard d’elle-même »
(Bouchard, Fléchette, 2009, p. 273). Cela implique qu’il reconnaît l’appartenance à son sexe
biologique, et il est en mesure de remplir les rôles sociaux prescrits dans sa culture. Entre 18 et
24 mois, il est dans la conscience du genre. Il sait que l’univers est divisé en deux catégories :
les hommes et les femmes, et que certains objets vont plus aux hommes et d’autres aux femmes.
Entre deux ans et trois ans, l’enfant est dans l’identification du genre, il prend conscience qu’il
appartient à un des deux sexes grâce aux critères extérieurs. Entre 3 et 5 ans, il est dans la
stabilité du genre. Il est capable de reconnaître la permanence et l’irréversibilité de son sexe.
Entre 5 et 6 ans, il est dans la consolidation du genre. Il se sent capable d’appartenir
physiquement et psychologiquement à son sexe.