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ACADÉMIE MAÇONNIQUE PROVENCE
Mythes, légendes et
rites initiatiques Solange Sudarskis
s
SAMEDI 26 septembre 2020
MYTHES et LÉGENDES,
RITES et RITUELS
en FRANC-MAÇONNERIE
Solange Sudarskis
3
Mythes et légendes, rites et rituels en Franc-Maçonnerie
L’histoire d’Hiram, révélée dans la fameuse divulgation de Samuel Prichard
La Maçonnerie Disséquée1, publiée avec des indications de pratiques rituelles à
Londres en 1730, a fait l’objet d’innombrables essais d’interprétations. Il est
même convenu de considérer ce drame comme un mythe fondateur de la Franc-
Maçonnerie. La suite anecdotique de l’assassinat du Maître se poursuit et se
dévoile au cours de plusieurs degrés au-delà du 3ème
. Chaque phase de la narration2
se retrouve dans de nombreux Rites, elle est exprimée au cours des rituels de ces
degrés. C’est cette imbrication des notions de mythe ou de légende, de rite et de
rituel qui a alimenté notre réflexion.
.
Et tout d’abord, quand on raconte l’histoire maçonnique d’Hiram, est-ce
une légende ou un mythe ?
Nous ne pouvons répondre sans que nous définissions au préalable ce que
nous entendons par ces mots.
La légende, du latin legenda, c’est ce qui doit être lu. De manière populaire le
mot «légende» est devenu un récit traditionnel reposant, dans certains cas, sur des
faits historiques qui ont été transformés et embellis par des croyances, ou par
l'imagination, ou par l'invention poétique. C’est un récit d’événements, ou de
personnages, qui ont un caractère vraisemblable relatant de faits qui ont eu lieu ou
qui auraient pu avoir lieu, contrairement aux contes et aux fables3 qui se déroulent
1 Masonry Dissected
2 On appelle ces phases des mythèmes.
3 Nous ne trouvons que deux fables dans toute la Bible :
- celle des arbres choisissant un roi (Jug 9:8,15) Un jour les arbres se mirent en campagne pour se donner un roi. Ils dirent à l’olivier: "Sois
notre roi."
L’olivier leur répondit: "Quoi! Je renoncerais à mon suc, que Dieu et les hommes prisent en
moi, pour aller me fatiguer à gouverner les arbres?"
Et les arbres dirent au figuier: "Viens, toi, régner sur nous."
Le figuier leur répondit: "Quoi! Je renoncerais à ma douceur et à ma production exquise pour
me fatiguer à gouverner les arbres?"
Et les arbres dirent à la vigne: "Viens, toi, règne sur nous."
dans le monde de l'imaginaire pur et qui laissent, sans inquiéter plus qu'il n'en faut,
pressentir un dénouement heureux. Le message du conte est «que la lutte contre
les graves difficultés de la vie est inévitable et fait partie intrinsèque de l’existence
humaine, mais que si, au lieu de se dérober, on affronte fermement les épreuves
attendues et souvent injustes, on vient à bout de tous les obstacles et on finit par
remporter victoire4.»
Le conte nous emmène parfois dans des contrées où le temps de la montre n'existe
pas5.
Venons-en au mythe sans chercher toutefois à en épuiser toutes les
considérations, au demeurant inépuisables.
Dans son étymologie, le mythe s’apparente à la légende puisque le mot
vient du grec muthos, récit, fable ou parole. Comme la légende, le mythe fait
partie de la tradition orale des peuples. Le mythe met en scène des personnages,
des animaux, voire des végétaux qui ont des pouvoirs surnaturels mais avec des
comportements et des sentiments humains. Il est tenu, par certains, pour
absolument vrai, même s’il peut n’être considéré, par d’autres, que comme une
fiction. Il est récité dans des circonstances bien précises, ce qui le distingue de la
fable, du conte et de toutes les histoires inventées. Si la légende rapporte, le mythe
demande des explications.
Chaque détail est chargé d’une signification intense. Récit anonyme et collectif, le
mythe remplit une fonction6.
La vigne leur répondit: "Quoi! Je renoncerais à mon jus, qui réjouit Dieu et les hommes, pour
me fatiguer à gouverner les arbres?"
Alors les arbres dirent ensemble au buisson d’épines: "Viens donc, toi, et règne sur nous."
Et le buisson répondit aux arbres: "Si c’est de bonne foi que vous m’élisez pour votre roi, venez
vous abriter sous mon ombre; sinon, qu’un feu sorte du buisson, et dévore les cèdres du Liban!
- et celle des épousailles du buisson et du cèdre (2Rois 14:9) : Et Joas, roi d'Israël, fit dire à Amatsia, roi de Juda: L'épine du Liban envoya dire au cèdre du
Liban: Donne ta fille pour femme à mon fils! Et les bêtes sauvages qui sont au Liban passèrent
et foulèrent l'épine. 4 Pour Bruno Bettelheim
5À écouter sur
https://deltaradio.fr/2019/07/123-soleil-29-28-juin-2019-podcast-radiodelta-au-pays-des-
merveilles/ 6 «L'interprétation allégorique des mythes a été, par plusieurs érudits savants, en particulier par
Creuzer, liée à l'hypothèse d'un corps de prêtres ancien et hautement instruit, ayant leur origine
soit en Égypte soit en Orient, et communiquant aux grossiers et barbares Grecs connaissances
religieuses, physiques et historiques, sous le voile des symboles.» note de bas de page n°160 des
textes de Albert G. Mackey, MD, Le symbolisme de la Franc-maçonnerie, Illustrer et expliquer
sa science et sa philosophie, ses légendes, mythes et symboles.
https://translate.google.com/translate?hl=fr&prev=_t&sl=en&tl=fr&u=https://www.sacred-
texts.com/mas/sof/sof30.htm%2328#28
5
Une typologie des fonctions de la mythologie la présente comme : « une tentative
primitive et maladroite d'expliquer le monde de la nature7; une manifestation de
fantaisie poétique remontant aux temps préhistoriques et incomprise par la suite8;
un recueil d'instructions à base allégorique destiné à former l'individu en fonction
du groupe9; un rêve collectif, symptomatique des impulsions archétypes enfouies
au plus profond de la psyché de l'homme10
; le véhicule traditionnel des
connaissances métaphysiques les plus élevées de l'humanité11
; ou comme la
Révélation de Dieu à ses Enfants12
.»13
Si les mythes ont servi à donner du sens au monde énigmatique de l’homme
préscientifique, à partir de l’Antiquité, ils ont plutôt été perçus comme des
fabulations, reléguant les mythes dans le domaine de la poésie et de l’imaginaire.
D’ailleurs, les premiers écrivains chrétiens utilisaient le mot «mythe» pour
signifier «mensonge». Cependant, la pensée scientifique n’a pas réussi à faire
disparaître les mythes malgré la tension entre leurs potentiels métaphysique14
et
l’exigence de leur validation dans un discours rationnel et cohérent15
.
Remarquons que dans les sociétés où les mythes sont encore vivants, les
indigènes séparent soigneusement les mythes «histoires vraies» des fables ou
contes «histoires fausses». Les Anciens considèrent comme histoires vraies toutes
celles qui sont relatives aux origines du monde, c'est-à-dire toutes celles qui
traitent du sacré ou du surnaturel. Dans les histoires fausses, en revanche, le sujet
est profane. C'est la raison pour laquelle on ne peut pas raconter indifféremment
les mythes. Dans certaines traditions ils ne peuvent être racontés que devant les
initiés. Généralement, les vieux instructeurs communiquent les mythes aux
récipiendaires à l’initiation durant une période d'isolement, en présence des
anciens, c’est-à-dire souvent en présence des morts. Le mythe et le rite constituent
ainsi, ensemble, deux dimensions essentielles, emblématiques, d’une tradition
partagée, d’une identité.
On peut distinguer les mythes qui racontent la naissance des dieux (la
théogonie), ceux qui expliquent l’origine du monde (la cosmogonie), ceux qui
7 Frazer
8 Müller
9 Durkheim
10 Jung
11 Coomaraswamy
12 L’Église
13 Joseph Campbell, Le Héros aux mille et un visages, p.326,
http://www.venerabilisopus.org/fr/livres-samael-aun-weor-gnostiques-sacres-spiritualite-
esoterisme/pdf/200/252_campbell-joseph-le-heros-aux-mille-et-un-visages.pdf 14
Muthos 15
Logos
explorent le sort de l'homme après la mort (eschatologie) et d’autres, tels les
mythes de la naissance et de la renaissance (ceux de éternel retour), les mythes du
héros civilisateur ou culturel (tel celui Prométhée) ou encore les mythes de
fondation (comme la fondation de Rome par Romulus et Remus)16
.
Très schématiquement on pourrait donc dire que le mythe est transmis au
cours des rites d'initiation, alors que le conte ou la légende peuvent être narrés en
toute occasion et à tout public. Le mythe répond de façon symbolique aux grandes
questions soulevées par l'origine, il définit et explique les rapports entre les
hommes et les dieux, entre les vivants et les morts ; il a trait aux origines, à un
commencement ou à une transformation. La plupart des mythes se réfèrent à une
époque révolue, à un temps primordial que les Anciens considèrent comme la
matrice du temps présent. C’est donc un récit atemporel qui transcende l’histoire.
Ajoutons que le mythe crée dans l’esprit de l’auditeur et du spectateur une
alchimie si particulière que d’éminents spécialistes comme Lévis Strauss et Carl
Gustav Jung ont voulu l’étudier, tant sous l’angle de l’anthropologie que de la
psychologie. Ces représentations mentales sont des archétypes17
qui ont une action
dynamique sur notre comportement. Ils appartiennent pour certains spécialistes à
notre inconscient collectif, les images qui y sont décrites étant si anciennes
qu’elles sont communes à de nombreuses civilisations pourtant distantes les unes
des autres.
Pour ceux qui ne considèrent pas la psychologie comme déterminante dans
la science sacrée, le mythe est perçu comme la trace, la preuve, d’une tradition
primordiale, commune à toutes les civilisations et qui ne touche pas au
soubassement de la conscience, mais bien au contraire se réfère à une
supraconscience qui fait le rapprochement entre microcosme et macrocosme. Cette
compréhension de l’univers est affirmée par le précurseur des métaphysiciens,
Jacob Boehme, pour lequel «l’homme doit se regarder et s’apercevoir qu’il est un
microcosme dans le macrocosme de l’univers». Cette affirmation devient à la fois explication ontologique de l’homme et
eschatologique du monde.
Les herméneutiques, les interprétations de ces mythes, prennent plusieurs
directions. La plus admise, la plus répandue, c'est l'herméneutique moralisatrice.
Les créateurs de mythes ont voulu enseigner des vérités morales tout comme dans
les mythes maçonniques qui ont des visées pédagogiques.
16
Voir Annexe 1 pour l’évocation de quelques mythes et légendes. 17
Au sens large, l’archétype est l’image primordiale, l’image mère, celle qui alimente les
images «personnelles» et qui les nourrit à partir d’un même fond «archaïque», qu’exploitent
mythologies et religions.
7
Nous y voilà ! Existerait-il plusieurs Mythes en FM ?
Dans la Franc-Maçonnerie, il y a ce qu’on appelle les «légendes» présentées
lors des initiations aux différents degrés qui rentrent dans cette définition des
mythes ; la «mise en action» de ces «légendes» montre bien qu’elles sont
véritablement incorporées aux rites-mêmes dont il est absolument impossible de
les séparer18
; nous pourrions les appeler des légendes « mythiquement
maçonniques». La Franc-Maçonnerie a ajouté à son origine historique des origines
légendaires et symboliques plus anciennes, support du travail initiatique de ses
membres. Elles y sont spécifiquement factices, constituées d'un juste mélange de
réel et d'idéal, de faits historiques et d’inventions d’allégories. Beaucoup de détails
ont été introduits ou inventés, même de façon anachronique, aux cours des
différents degrés, pour donner forme à une idée symbolique19
. Les mythes
maçonniques, distincts d'un récit strictement historique, doivent leur origine à
l'intention des précurseurs, non pour satisfaire la soif naturelle de vérité historique,
mais plutôt pour toucher les sentiments, pour illustrer une vérité philosophique ou
religieuse, on peut même en dire que ce sont des apologues20
.
Parmi ces narrations de légendes, retenons les Manuscrits des Anciens Devoirs
(Old Charges) où, faisant suite à la partie des règlements, il y a le plus souvent une
partie exposant l’histoire du métier, ou de la corporation, sous forme de légendes
appelées «légend of the craft»21
. L’histoire de la maçonnerie de métier est
largement légendaire : chaque corps du bâtiment avait ses légendes qui étaient
transmises oralement jusqu’au XIVe
siècle, jusqu’à ce que les clercs, en
Angleterre, entreprennent de les rédiger. Ainsi, à cette époque, Le Regius (1390)
18
René Guénon, Aperçus sur l’Initiation,
p.121 https://www.index-rene-guenon.org/Access_book.php?sigle=AI&page=121 19
Voir en Annexe 5 le rapprochement d’évènements bibliques et des rituels. 20
L'apologue est un discours narratif, à visée argumentative, didactique et allégorique, qui
renferme des enseignements dont on tire une morale pratique. Le transfert d'une idée dans un
récit fictif à valeur symbolique permet de la rendre attrayante. On peut retenir pour illustrer ce
genre d’histoires : Ésope, L'Aigle et la renarde, VIe siècle av. J.-C. ; François Rabelais,
L'Abbaye de Thélème, L'Éducation, dans Gargantua, XVIe ; Savinien Cyrano de Bergerac,
Histoire comique des États et Empires de la Lune, 1657 ; La Fontaine, la plupart de ses Fables,
1662 ; Charles Perrault, ses contes dont Le Petit Chaperon rouge, 1697 (le loup, dans les textes
hermétiques, est toujours pris pour le symbole du Mercure des Sages, l'agent mystérieux capable
d'ouvrir les métaux, de les rendre philosophiques, propres à servir dans la suite du processus)… 21
Le plus ancien de ces Manuscrits, le Régius, daté entre 1390 et 1425, stipule que la profession
«Maçonnerie» a commencé avec Euclide en Égypte, elle serait arrivée en Angleterre sous le
règne du roi Ædelstan. Un peu plus tard, le Cooke Manuscrit au XVe s. évoque Jabal, fils de
Lamech et raconte comment sa connaissance est parvenue à Euclide ; elle serait due aux enfants
d'Israël quand ils étaient en Égypte, et ainsi de suite pour un chemin compliqué jusqu'à Ædelstan
au Xe siècle. Ces documents se trouvent sous la forme de rouleaux de papier et parchemin
manuscrits, chaque unité ayant été soit cousue ou collée ensemble, soit constitués de feuilles
olographes cousues ensemble sous forme de livre, plus récemment sous forme de livre imprimé.
fait naître la maçonnerie en Égypte, après qu’Euclide y eût inventé la géométrie ;
son introduction en Angleterre serait due au roi Athelstan dans le deuxième tiers
du Xe siècle. Le Manuscrit Cooke, quant à lui, (vers 1400) reprend la version en y
incorporant une foule de nouveaux détails divers sur l’invention de la géométrie
(par Jabel, fils de Lamech), sur les deux colonnes retrouvées après le Déluge par
Pythagore et Hermès le philosophe (Trismégiste), sur la tour de Babel et sur les
coutumes données aux maçons français par Charles II, ou les «Devoirs» donnés
aux Anglais par Saint-Alban.
James Anderson, dans la fameuse Constitution de 172322
, les récupère23
pour sa
partie «historique».
Avec l’en-tête de sa compilation «Pour être lu», Anderson les place donc
d’emblée dans le récit légendaire. Faisant remonter les
origines de la Franc-Maçonnerie à Adam, 4000 ans av.
J.C.24
, il y retrace l’évolution fabuleuse de la
Maçonnerie au fil des siècles et des civilisations,
attribuant des fonctions maçonniques aux grands
personnages25
de l’Égypte, de la Mésopotamie,
d’Assyrie, chez les Hébreux, les Grecs, les Romains, au
cours des dynasties d’Europe de l’Ouest. Ici, il faut
entendre par «maçonnique» ce qui a fonction de
construction.
En 1736, en France, le chevalier de Ramsay rattache la franc-maçonnerie aux
Croisés. D'autres, un peu plus tard, transformeront cette référence en une référence
symbolique au Saint Empire romain germanique, ou à l'Ordre du Temple (en
Allemagne, en Angleterre et en France). Suite à la parution en France du Séthos de
l'abbé Jean Terrasson en 1731 puis à la redécouverte de l'Égypte antique par les
22
LA CONSTITUTION, L'Histoire, les Lois, Charges, Ordres, Règlements, et Usages, de la Très
Vénérable Fraternité des Francs-Maçons Acceptés ; d'après leurs Archives générales, et leurs
Fidèles Traditions de nombreux Siècles, 1723. https://www.jepense.org/constitutions-
danderson-texte-integral/ 23
Il les appelait les «Constitutions gothiques». N’oublions pas Les Vieilles Constitutions de
l’ancienne et honorable Société des Maçons libres et acceptés (The Old Constitutions
belonging to the ancient and honourable Society of free and accepted Masons), imprimées, et
vendues, six pence pour une trentaine de pages, à Londres par J. Roberts, installé à Warwick-
Lane. Sa date de publication (1722), précède d’une année celle du Livre des Constitutions dites
du pasteur James Anderson.
(https://freemasonry.bcy.ca/history/old_charges/roberts_constitutions_1722.pdf) 24
C’est pour cela que certains maçons ajoutent 4000 ans à partir du 1er
mars à la date profane
pour obtenir l’année de la vraie lumière. 25
Par exemple : Adam, Seth, Noé, Sem, Japhet, Moïse, Salomon, Nabuchodonosor, Zérubbabel,
Thalès Milésius, Pythagore, Euclide, Ptolémée Philadelphe, Cyrus, Zoroastre, Confucius,
Touthmôsis et Bouddha ,Vitruve, Archimède, Platon, Charlemagne, Jules César, Henry Yevele,
le Roi Athelstan et son fils le Prince Edwin, le Roi James VI d'Écosse, les Rois Charles Ier et II,
James II, de nombreux Architectes inspirés du même heureux Génie»…
9
occidentaux, c'est tout naturellement que certains rituels maçonniques déplacèrent
l'origine symbolique à l'époque de la construction des pyramides.
Il s’agit toujours de l'art de bâtir et des valeurs dont il se réclame.
Pour en revenir à la Franc-Maçonnerie actuelle, au fil des cérémonies de se
succèdent des représentations théâtrales, souvent des mimodrames, et des récits
qui intègrent des thématiques alchimiques, cosmologiques, architecturales,
chevaleresques, vétérotestamentaires et néotestamentaires… qui mettent en scène
les thèmes existentiels tels que la mort, la naissance, la renaissance, la construction
de l’être et du temple, la rivalité, la trahison, le jugement et le châtiment, la
conquête, les batailles, l’exil, l’héroïsme26
… Ces thèmes sont à la fois particuliers
dans leurs récits et universels dans leur substance. Ces légendes mythiques
viennent dire l’aventure extraordinaire de l’individuation qui est celle de
l’avènement du Soi dans l’homme réalisé.
«Les instructions de la Franc-
Maçonnerie nous sont données en deux modes;
par le symbole et par la légende. Le symbole
est un matériau et la légende une représentation
mentale27
», créant des significations et en
même temps nous contraignant à les expliquer
et à les déchiffrer. On peut dire que les
légendes racontées au cours des différentes
initiations maçonniques sont bien des mythes
parce que la mythicité est caractérisée par les
traits suivants : 1) une exploration
systématique dans les différents domaines de
l’humain et le projet de la définir dans des cas
particuliers ; 2) la prééminence de la totalité de
la narration sur ses éléments, qui prennent leur
sens par rapport à elle ; 3) le fait de soumettre
ces données à un traitement analytique qui, en
les remettant dans le système dont elles font
partie, devra en révéler des sens non immédiatement observables28
. Ainsi, le
mythe doit être traité comme activité génératrice de sens et la compréhension de
26
J.-L. Brun. Efficience narrative et la transmission des formes de vie : une approche
anthroposémiotique de l’autopoièse dans les pratiques ritualisées, Université de Limoges, 2017. 27
Albert Galatin Mackey, Encyclopédia of Freemasonry. 28
Lévi-Strauss 1984 «On a convenu de traiter tout discours mythique comme une sorte de
métalangage, dont les unités constitutives seraient des thèmes ou des séquences eux-mêmes
son contenu passe nécessairement par «par la prise en compte, entre autres, du
virtuel, du possible, de l'invisible qui entament l'objet».
Bien sûr, la plus importante et signifiante légende-mythique pour la Franc-
Maçonnerie est celle du 3ème
degré, celle d’Hiram29
qui, quelles que soient ses
variantes d’interprétations, est inséparable d’un contexte historique et culturel en
lequel des motifs légendaires se heurtent et se rencontrent. Le récit a conservé
l'idée générale d'une résurrection, d’une régénération ou d’une restauration de
quelque chose d’inférieur à une sphère ou une fonction supérieure. C’est un mythe
complexe car composite30
, qui renvoie à d’autres récits traditionnels et peut être
décomposé en plusieurs thèmes mythiques.
Le premier auquel on peut penser est celui de la construction.
Dans la morphogenèse du corpus des mythes de ce type, la construction des
Temples de Jérusalem occupe la place principale en tant qu’érection d’un bâtiment
dédié aux vertus, mais on y trouve aussi les Pyramides, le tabernacle, la Tour de
Babel, la chambre du milieu et de l’escalier lui donnant accès31
, le 3ème
Temple, la
Cathédrale gothique, la Jérusalem céleste32
, et «tous les temples auxquels nous
pouvons participer en tant que nous appartenons à la grande famille humaine33
».
Le mythe du temple est à lui seul ce que l’on peut appeler un mythocosme
Le mythe de la construction en Maçonnerie s’active et se féconde dans un
mouvement plus ample que l’on peut nommer le constructivisme maçonnique,
c’est-à-dire la construction /déconstruction /reconstruction à la fois d’un humain
debout, d’un édifice spirituel et d’un monde meilleur34
, déterminant toujours des
contraintes et des limites.
Nous devrions accepter les mythes qui rattachent la Franc-Maçonnerie au Temple,
non pas comme des faits historiques, mais comme des allégories ; non pas comme
privés de signification, à la façon des phonèmes de la langue, et ne prenant sens que par leur
articulation en système.» 29
Voir les Annexes. 30
On parle d’holarchie qui est une hiérarchie de holons, c'est-à-dire d'éléments qui sont à la fois
un tout en eux-mêmes et une partie d'un système plus vaste ; mot créé par Arthur Koestler dans
son livre The Ghost in the Machine. 31
Mackey chapitre XXVI La légende des escaliers sinueux https://www.sacred-
texts.com/mas/sof/sof28.htm#26 32
Il existerait à travers la Bible une sorte d'archétype de maître-artisan, ou maître architecte,
illustré par divers avatars qui, assez forcément, ont un "air de ressemblance" : Noé, qui construit
l'arche destinée à perpétuer les races humaines et animales à l'occasion du Déluge; Phaleg, qui
édifie la Tour de Babel; Betsaléel, réalisateur du Tabernacle; Hiram, "architecte" ou "expert-
décorateur" du temple de Salomon; Zorobabel, qui dirigera l'édification du second Temple de
Jérusalem; sans parler de la "vision du temple" évoquée par Ézéchiel. 33
https://vimeo.com/217063089 34
Y. Hivert-Messaca https://yveshivertmesseca.wordpress.com/2016/06/16/linitiation-
maconnique-entre-tradition-et-modernite-2/
11
un acte de foi35
, mais comme des symboles36
, et nous devrions prendre ces
allégories et ces symboles pour ce que leurs créateurs ont voulu qu'ils fussent,
comme les bases d'un système de morale37
. Le Temple ne préexiste pas : ce sont
les Maçons qui le construisent, à la fois collectivement et individuellement38
.
On peut dire que l’étude du Temple,
l’enseignement traditionnel qui s’y rattache et
la pratique des rituels autour de son espace-
temps, épuisent en grande partie le contenu de
l’initiation par la Franc-Maçonnerie
lithocentrique. La construction n’a-t-elle pas
donné son nom à la Maçonnerie ? Ainsi, dès
que l’on évoque la Franc-Maçonnerie et bien
avant de pouvoir affirmer quoi que ce soit à
son sujet, une image métaphorique surgit,
celle du Temple, vision globale et immédiate
de l’imago mundi, réalité à la fois cosmique et
humaine, macrocosmique et microcosmique.
«Si le Temple de Salomon39
a été choisi pour symbole, c'est parce que le
Symbolisme qui nous occupe fut construit à une époque où le Judéo-Christianisme
35
«Si, par incrédulité, on ramène chacun de ces êtres à la mesure de la vraisemblance, et cela en
usant de je ne sais quelle grossière sagesse, on n’aura pas le temps de beaucoup flâner. Pour
moi, qui essaie de savoir qui je suis (de me connaître moi-même, selon la formule de Delphes),
je n’ai pas le temps de m’occuper d’autre chose. Je donne donc à ces fables leur congé et, à leur
sujet, je m’en rapporte à la tradition ; je le disais à l’instant, ce n’est point elles que j’examine,
c’est moi-même.» Paroles de Socrate dans Phèdre de Platon. 36
La fonction symbolique s’articule en ses sept aspects essentiels : 1) Sa nature : elle possède
une portée ontologique, de l’être, qui n’est pas seulement subjective, poétique ou
anthropologique. 2) Sa direction : elle « circule » de haut en bas, permettant ainsi de distinguer
l’ordre de l’être, et l’ordre du connaître. 3) Son expression : tout y est donné en bloc dès le
départ, puis découvert par un processus d’approfondissement. 4) Son architectonique : à la fois
fermement structurée, et indéfiniment ouverte. 5) Sa vie intérieure : animée par une différence
ontologique entre le symbolisé et le symbolisant. 6) Sa référence absolue : elle désigne une
transcendance non symbolisable, qui est en quelque sorte le « plafond » du symbolisme. 7) Sa
correspondance avec des états humains, car la connaissance est continûment assimilée et
intériorisée : chaque étape ayant des corollaires dans un niveau d’intelligibilité et dans un stade
de la réalisation humaine. 37
A. Preuss, Étude sur la Franc-maçonnerie américaine, 1908, p. 258 accessible sur :
http://www.masoniclib.com/images/images0/871293063007.pdf 38
On consultera des compléments de réflexions sur le temple avec la thèse de François Gruson
Pratique rituelle et forme de l’espace : le temple maçonnique : forme, type et signification sur
https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01497949/file/GRUSON_Francois_Texte.pdf 39
«Pourquoi le Temple de Salomon ? Parce que la franc-maçonnerie et la tradition opérative ont
été l'apanage des lecteurs de la Bible et que la destruction du Temple de Salomon a été un
événement dont l'Antiquité a connu, en raison de la dispersion des Juifs. Mais aussi parce que
Salomon est un Roi dont le prestige est devenu mythique. Nous sommes en pleine culture
était dominant ; c'est aussi parce que la Bible insiste plus que tout autre livre
sacré sur le rôle du Temple40
».
Autour des proportions géométriques du Temple, s’ajoute le symbolisme des
outils et d’objets qui furent requis
pour sa construction41
que l’on
retrouve sur les Tableaux de Loge
et qui doivent être considérés
comme appartenant à la classe des
symboles mythiques ou légendaires.
«Parce qu’il provoque le
déploiement du Sacré dans la
séparation, le dispositif
maçonnique fait monde. Faire
monde ici signifie qu’il convoque
en son sein, outre les Francs-
Maçons eux-mêmes – à la fois
objets et sujets de ce dispositif – des
réseaux hétérogènes d’objets, dont
l’usage est proprement détourné
vers un renvoi cohérent de
significations qui ne prennent leur
sens précisément qu’à la lumière du
Sacré et du Transcendant42
».
S’ajoute aussi des narrations légendaires qui entourèrent sa construction43
, comme
celle de l’animal shamir, légende peu connue, évoquée dans de vieux rituels,
méditerranéenne, et le monothéisme impliquait l'unicité du Temple de référence. Le polythéisme
pouvait, lui, montrer plus de temples que de cités». Jean Mourgues, Lettres fraternelles du
travail maçonnique en Loge de Perfection, p.23,
https://glnc.org/document/mourgues%204_14.pdf 40
Rituel 12ème
degré, Grand Maître architecte, REAA 41
Ciseau, maillet, équerre, compas, règle, niveau, fil à plomb, perpendiculaire, truelle, pierre
sous toutes ses formes, colonnes, pavé mosaïque, planche à tracer… qui permettent la taille, la
géométrisation et la vérification. 42
Marc-Henri Cassagne, Une Voie sacrée, un voyage symbolique à travers les objets maçonniques, article paru dans le n°107 de la Revue Villard de Honnecourt, Paris, 2e trimestre 2018. 43
On raconte dans le Talmud (un des textes fondamentaux du judaïsme rabbinique et la base de
sa «Loi») l'histoire célèbre d'un cohen, un prêtre, qui avait trouvé une pierre qui se détachait du
sol du Mont du Temple et qui s'était rendu compte qu'elle marquait le lieu où l'Arche était
cachée. En cours de route pour aller raconter sa découverte, il mourut. Cette narration aurait-elle
inspiré le 13ème
degré du REAA ? https://www.lamed.fr/index.php?id=1&art=20
13
pratiquement abandonnée de nos jours et qui fait l’objet en Annexe d’une étude
particulière44
.
La mort est bien évidemment, par rapport au mythe d’Hiram, un des grands
autres thèmes mythiques de la Franc-Maçonnerie que
l’on peut considérer comme une école de préparation à
la mort45
. C’est dans les cérémonies de réception des
divers degrés que la mort est le plus souvent et le plus
explicitement représentée ou évoquée par des
simulacres ; on y trouve entre autres :
. la mise en scène d’un crâne, indice de la future mort
de l’impétrant lors d’un séjour chtonien pendant
lequel il rédige son testament, crâne que l’on
retrouve sur le plateau du Vénérable ;
. des scènes dramatiques d’un meurtre crapuleux ;
. un gisant placé en plein centre du temple, ou une
tombe supposant les tribulations d’un cadavre ;
. des os et des larmes ;
. une urne contenant le cœur d’Hiram ;
. la décapitation ou des tortures létales, vengeances accomplies sur les assassins ;
. et, à tous les degrés, des supplices mortels, variés, menaçant ceux qui
divulgueraient les secrets qui leur ont été confiés.
Retenons, de manière très simplifiée, que par cette importante thématique
initiatique de la mort, il y a nécessité d’une transformation de l’ancienne
personnalité pour conduire le cherchant à une vie nouvelle plus morale et plus
spirituelle.
On trouve, bien sûr, également les Mythes cosmiques.
Ils datent d’à partir du mésolithique, c'est-à-dire d’environ 10000 à 12000 ans. La
notion de cycle va alors imprégner de nombreux mythes qui furent inspirés par
l'astronomie et le mouvement des astres. La distinction entre le passé et l'avenir
s'efface pour laisser place à une vision plus globale du temps, une vision de
l'éternel retour46
. Des religions cosmiques ont été d'autant plus suivies que
l'existence des peuples dépendait des conditions climatiques et météorologiques.
Les éléments terre, eau, feu et air prenaient ainsi des places de premier plan dans
44
Voir l’Annexe 2 45
Socrate dit : «Les vrais philosophes s’exercent à mourir et qu’ils sont, de tous les hommes,
ceux qui ont le moins peur de la mort.» (Platon, Phédon) 46
Cependant, en représentant le temps comme une progression linéaire d'évènements, plutôt que
comme une éternelle répétition, le «Judéo-Christianisme suggère la possibilité de progrès
46.
Voir Annexe 1 Éternel retour
les préoccupations des habitants. Remarquons que, de tous les symboles
cosmiques, les mystères et cultes concernant la Terre ont été davantage célébrés
que ceux des autres éléments47
.
M- Avec les heures d’ouverture et de fermeture des tenues, la présence des
deux luminaires, le ciel étoilé, les paroles du rituel concernant le vénérable placé à
l’orient comme un soleil, les Offices dans leur
rapprochement avec le symbolisme des planètes,
l’orientation de la loge, le chandelier à sept branches
représentant les divinités planétaires empruntées à
Babylone, les fêtes johanniques48
liées au culte solaire, la
Franc-Maçonnerie est bien positionnée au cœur
d’allégories cosmiques. Comme le dit Alain Pozarnik :
«Les lumières de la manifestation du cycle solaire ont été
le support de nombreuses réjouissances et de mystérieuses initiations donnant, à
ceux qui savent lire la nature, la conscience du destin humain sur terre.»
La relation entre le plan terrestre et le ciel dans le cadre cosmogonique enfante la
vie sous l’égide de la Lumière dont la loge est témoin.
S- Dans la plupart des mythes solaires, il y a un héros frappé à mort par un
monstre, un génie, un assassin. Ce héros a une épouse et un fils. Il est le soleil, sa
femme est la terre, son fils l’homme. Malgré leurs divergences de récit, ces
mythes arrivent tous à la même finalité : tantôt le héros ressuscite, tantôt il est tué,
vengé et remplacé par son fils. Le franc-maçon, fils de la veuve, reprend la place
d’Hiram Abi, son père.
Cela est également manifeste dans la marche d'Hiram pour se soustraire aux coups
des assassins car c’est précisément ce que fait le soleil.
Ainsi son assassinat, pris dans le style figuré ou
allégorique, est, comme la mort et la résurrection de
l’Osiris des Égyptiens, du Mithra des Perses, du Bacchus
Dionysos des Grecs ou de l'Atys des Phrygiens49
, un fait
de l'imagination des prêtres astronomes, qui avaient pour
but la peinture de l'absence provisoire de la lumière du
soleil sur la terre.
47
Éliane Brault, Psychanalyse de l’initiation maçonnique
http://humanisme.canalblog.com/archives/2019/04/26/37289163.html 48
L’expression «Maçonnerie johannite» a été introduite par le Révérend Dr George Oliver
(1783-1870) pour désigner le système de maçonnerie dont les deux saints Jean sont reconnus
comme les patrons, et à qui les Loges sont dédicacées. Ce système contredisait celui du
Révérend Dr Samuel Hemming (1768-1828), auteur du rituel de «synthèse» adopté par la
Grande Loge Unie d’Angleterre, lors de sa création, en 1813, par la fusion des Modernes et des
Anciens, et dans lequel la dédicace des Loges est faite à Moïse ou à Salomon. 49
Cela se révèle par une méthode prosopographique (étude des biographies des personnages
semblables).
15
D’après Jean-Marie Ragon, Hiram est une personnalisation du soleil qui parcourt
le zodiaque50
. Les douze signes du zodiaque seraient les 9 maîtres plus les trois
assassins… Il ajoute que les trois assassins de la légende hiramique sont les signes
zodiacaux suivants : Balance, Scorpion et Sagittaire formant l’Automne à la fin
duquel, c’est-à-dire au solstice d’hiver, le soleil renaît dans le rallongement de sa
lumière diurne. Hiram est alors l’archétype du soleil sous des traits humains qui,
apparaissant à l’Orient, court au Midi, poursuit sa course vers l’Occident et se
régénère au Septentrion.
Sous cette légende allégorique, qui rejoint le mythe de la mort, se cache
l'expression de la grande et profonde loi de la palingénésie : celui qui est né doit
mourir pour naître à nouveau, pour se régénérer.
Dans cette vision des rites solaires, chaque individu serait donc porteur, en
lui, d’un morceau de conscience de l'Univers.
Un autre thème mythique parait essentiel dans l’histoire d’Hiram : celui de
La parole perdue. Toutes les traditions parlent d'un âge heureux où les êtres
pensants, dans la paix et dans l'innocence, vivaient dans le sein de la vérité. Dans
cet âge, dont nul voile ne couvrait la réalité, une parole universelle pénétrait
uniformément tous les degrés de l'intelligence. La parole perdue serait donc le
substrat de cette sagesse originelle51
. La Franc-Maçonnerie en a conservé le
souvenir, mais d’une manière subtile et ses membres espèrent, d’une initiation à
l’autre, pouvoir remonter à la sagesse fondamentale qui est censée leur être
dévoilée à l’issue de leur ultime initiation. Bien sûr, la parole perdue interroge
davantage sur son sens.
En vérité, ce n’est que l’expression de la parole qui est perdue. Comme la
vérité platonicienne, elle est toujours dans le monde des idées, sa recherche est une
quête en tant que parole cachée. C’est, dans les pierres, les peintures, les
parchemins, les alphabets et les langages, dans leur sauvegarde, sous ce
camouflage, que des enseignements ésotériques ont été ainsi transmis à travers le
temps.
Au RÉAA, l'expression «Parole Perdue» n'est jamais employée seule, elle
accompagne les mots vérité et lumière. «- Que cherchiez-vous dans vos voyages ?
- La Vérité et la Parole Perdue» Le rituel explique : «nous déplorons aussi la
perte de la vraie parole dont nous sommes maintenant privés ... Vous avez encore
bien des degrés à gravir avant d'approcher la Vraie Lumière et de découvrir la
50
Bien sûr il n’est pas que cela. 51
Voir Annexe 3 Que peut-être la parole perdue ?
Parole connue des seuls initiés.» La parole perdue y est donc présentée comme
accessible.
Bien sûr, au-delà de ces principaux thèmes mythiques évoqués à propos d’Hiram,
il y en a d’autres à explorer ; chaque élément a le pouvoir d’évoquer
d’innombrables autres parties absentes comme celles du meurtre fondateur, du
Phoenix, des personnages qui doivent mourir pour renaître, du maître, etc…
À ce stade une question s’impose : quel est le mode de transmission de ces
mythes en FM ?
Les mythes sont le mode récitatif du symbole, le rite en est son mode actif,
c’est ce qui permet de le vivre. Le mythe, comme le rite, est un mode
d’expression propre à un groupe, à une société, à un moment donné. Le mythe a
donc une fonction identitaire. Son apprentissage, sa transmission dans le cadre
d’une éducation, ou d’une tradition, crée un type très particulier de lien entre
l’individu et le collectif, un lien où la part de l’imaginaire et du sentiment devient
particulièrement importante. Ce lien, les penseurs grecs (surtout les
néoplatoniciens) lui ont donné un nom : le symbole.
Considérant l’étymologie védique rita du mot «rite» signifiant «ce qui est
conforme à l’ordre», conforme à l’ordre cosmique particulièrement, le rite
relierait l’individu à l’univers. Par-là l’importance, pour certains rites, du Grand
Architecte De L’Univers et surtout de la géométrie52
, comme méthode de
conception de toutes choses53
. Le rite va ouvrir une lecture plurielle du monde,
établissant entre tous les aspects de la création des liens de correspondance, base
de toute pensée symbolique.
Mais le mot rite est aussi issu du latin ritus, traduit par «selon les règles». Les
rites maçonniques seraient ainsi des prescriptions de conduite prédéfinies qui
indiquent comment se comporter selon les visées de la Franc-Maçonnerie, règles
instituées hic et nunc, c’est-à-dire ne pouvant être appréciés qu’en tenant compte
du lieu et de l’époque de leur établissement54
.
M- C’est pourquoi, quiconque tenterait, par ses recherches, de visiter l’histoire
maçonnique, restera déconcerté par la multitude des rites qui ont existé ou existent
encore. Bien plus, ces rites peuvent nous paraître si différents les uns des autres
que la réalité ultime, déjà bien difficile à saisir de la Franc-Maçonnerie, peut
52
Notamment avec la lettre G 53
Michael Rapp, À propos des origines de la Franc-Maçonnerie,
https://www.facebook.com/GLNF.officiel/videos/193821401905094/ 54
«Mais cela n’implique pas qu’ils aient signifié, pour les Anciens, quelque chose d’analogue à
ce que nous croyons entendre. La récurrence d’une structure narrative n’implique pas récurrence
du sens. Celui-ci relève en chaque cas du contexte culturel particulier où s’énonce (en des
termes particuliers) le récit.» Exercices de Mythologie, p.150, par Phillipe Borgeaud, éd. Labor
Et Fides, 2004.
17
subitement sembler inaccessible55
. Jean-Marie Ragon, dans son livre Tuileur
général de la Franc-maçonnerie ou Manuel de l'initié56
, inventorie déjà, vers
1861, 75 maçonneries, 52 rites avec une nomenclature de plus de 1400 grades au-
delà du 3ème
, chacun apportant des rituels différents avec des nuances à chacun des
degrés. La connaissance de tous ces rites relève d’une gageure. On pourrait même
se demander si cette variété des rites n’entacherait pas l’universalité de la
Franc-Maçonnerie ?
Au niveau du vécu de certains maçons, sans doute, en tout cas, pas dans
notre conception de la Franc-Maçonnerie pour laquelle les rites n’en sont qu’un
médium. Si la Franc-Maçonnerie est le verbe, c’est-à-dire l’intention ontologique,
les divers rites maçonniques en seraient sa parole, c’est-à-dire sa propagation
polymorphe. On constate l’universalité de la Franc-Maçonnerie dans tous ses rites
car on y retrouve, comme constante, «des pratiques solennelles de séparation par
lesquelles l'esprit rompt radicalement avec les attitudes, les attachements et les
formes de vie correspondant au stade de développement qu'il s'agit de
dépasser57
».
Au-delà de cette polyphonie, la Franc-Maçonnerie demeure un corps
philosophico-spirituel qui engendre de l’égrégore et une sociabilité démocratique
génératrice d’effets sociaux, dans lesquels le travail en loge introduit un
continuum entre le cultuel (rite, symbolisme) et le culturel (idées produites)58
.
Une certitude, la Franc-Maçonnerie transforme les êtres qu’elle reçoit quelle que
soit l’obédience fréquentée, quel que soit le rite suivi.
Certainement, car l’initiation maçonnique, comme sa grande famille
anthropologique, est une accession à un stade nouveau, s’opérant par étapes, par
des cérémonies particulières en référence à un discours mythique, avec un double
55
Les Rites anglais ignorent le cabinet de réflexion et les épreuves par les éléments, le Rite
Français Groussier se caractérise par un dépouillement exemplaire, le Rite Écossais Rectifié est
profondément ancré dans les références chrétiennes comme le Rite de Memphis-Misraïm l’est
dans la symbolique égyptienne avec d’innombrables variantes issues des Rites de Schroeder, de
Fessler, ou de Ruchon, des emprunts au Rite Écossais Rectifié ou au Rite Français ou des
apports qui proviennent d’aménagements plus locaux dus à des ajouts, des suppressions, des
retouches d’écriture. 56
http://bibnum.sceaux.fr/sites/bibnum.sceaux.fr/files/sites/default/files/fonds/Voltaire/92071620
1_VOL_0393405.pdf, (page 343). 57
Joseph Campbell, Le héros aux mille visages, p.20, http://www.venerabilisopus.org/fr/livres-
samael-aun-weor-gnostiques-sacres-spiritualite-esoterisme/pdf/200/252_campbell-joseph-le-
heros-aux-mille-et-un-visages.pdf 58
Yves Hivert-Messeca, Le paysage maçonnique français actuel, http://expositions.bnf.fr/franc-
maconnerie/arret/04-8b.htm
but la socialisation et la symbolisation59
. Chaque intervalle entre deux grades fait
éclore des expériences en vue d’acquérir les qualités spirituelles qui édifient sa
conscience et sa volonté.
Les consécrations d’un grade à un autre, quel que soit le rite, «intègrent dans un
système symbolique évolutif chaque nouvelle phase remodifiant la phase
précédente en requalifiant le contexte dramaturgique de l’adepte et les éléments
signifiants qui le structurent, … il additionne les significations liées aux divers
contextes que crée le rituel, au lieu de les séparer ou de les faire évincer les unes
après les autres60
».
D’ailleurs, quel que soit le rite, la cérémonie d’attribution d’un grade est à la
fois une pratique, un développement et un corpus, c’est-à-dire un processus qui
apparaît structuré en trois phases qui, normalement, devraient se dérouler dans des
chambres différentes, même si cela n’est quasiment jamais réalisé faute de
disponibilité de locaux.
Ainsi, excepté pour la singularité du premier degré, ces phases sont :
La Phase 1 se situe dans l’espace-temps de la LOGE du degré N du franc-maçon
où il y a vérification des potentialités de celui-ci, donnant viatique pour
poursuivre. Entré impétrant, une fois accepté le franc-maçon devient récipiendaire.
La Phase 2 se situe dans l’espace-temps du MYTHE fondateur du grade N+1 Il y
est développé par sa narration au récipiendaire, et par le vécu de personnages du
mythe, au cours de jeux de rôles alternatifs manifestant l’enseignement du grade ;
cette époptie61
véhicule la légende du mythe par l’incarnation et les épreuves. À ce
moment-là, il existe un phénomène d’assimilation par une identification
psychologique qui s’établit entre la personne qui fait le jeu de rôle et l’archétype
mythique62
.
La Phase 3 se situe dans l’espace-temps de la LOGE au degré N+1, où la
transmission des arcanes du nouveau degré est dévolue au récipiendaire pour lui
permettre, à partir de ces arcanes, un travail personnel par la méditation. Le franc-
59
Y. Hivert-Messeca, L’initiation maçonnique entre tradition et modernité, 2016. Lire
l’excellentissime article de l’auteur sur :
https://yveshivertmesseca.wordpress.com/2016/06/16/linitiation-maconnique-entre-tradition-et-
modernite-2/ 60
Céline Bryon-Portet, Étude sémiotique d’une communication fondée sur la contextualisation
et les processus : du rôle des représentations symboliques et pratiques rituelles de la franc-
maçonnerie, https://www.unilim.fr/actes-semiotiques/1833 61
Genre littéraire de la nouvelle fantastique pour donner la représentation théâtrale des mythes
pour un l’enseignement d'un secret à partir des jeux scéniques. 62
On parle d’interaction goffmanienne. Erving Goffman a mis en évidence le rôle moteur de la
relation à l’œuvre dans l’interaction. Ce ne sont ni les structures qui déterminent les acteurs, ni
les acteurs qui engendrent les structures, mais une relation cognitive qui constitue le moteur
d’un processus de subjectivation et de socialisation. (Céline Bonicco, Goffman et l’ordre de
l’interaction : un exemple de sociologie compréhensive,
https://journals.openedition.org/philonsorbonne/102)
19
maçon est devenu néophyte dans ce nouveau grade. Cette phase compte toujours
un serment solennel.
La cérémonie initiatique peut être différente selon les rites, mais son déroulement
consiste toujours en une série d'épreuves qui mènent, symboliquement, l'impétrant
d'un état d'obscurité, d'aliénation et d'enfermement à un état d'illumination,
d'ouverture et de liberté.
Cela est confirmé, philosophiquement parlant, par Mircea Eliade pour qui
l’initiation équivaut à une mutation ontologique du régime existentiel. Les trois
étapes que le récipiendaire aura vécues dans le rituel de passage, «séparation,
initiation, renouveau» correspondent à la chute, l’exil et la rédemption. La réussite
aux épreuves empiriques va redéfinir à chaque fois l’impétrant comme franc-
maçon, un homme ou une femme, dont les nouveaux rôles et la nouvelle identité
justifieront qu’il ose jouir d’une existence rénovée, non plus celle que lui
imposaient les filiations charnelles et les hasards destinaux, mais celles
découvertes par lui seul qui le rend frère ou sœur de l’humanité depuis les
origines. L’initiation maçonnique est une des initiations auxquelles peut le mieux
s'appliquer le vers inspiré par les mystères d'Éleusis : heureux celui des mortels
qui a vu ces rites.
Malgré cette diversité des rites maçonniques, observons qu’aujourd'hui les
rites maçonniques les plus répandus à travers le monde sont : le Rite d'York
(principalement aux États-Unis), le Rite Émulation (en majorité au Royaume-Uni
et dans les anciennes colonies britanniques), le Rite Écossais Ancien et Accepté
(dans le monde entier, surtout en ce qui concerne son système de hauts grades
maçonniques), le Rite Français (principalement en France, au Brésil, et en Europe
continentale), le Rite Écossais Rectifié (surtout dans les pays francophones). Les
différences entre tous ces rites sont généralement minimes en ce qui concerne les
trois premiers degrés fondamentaux de la Franc-Maçonnerie, et ne deviennent
substantielles qu'au niveau des degrés additionnels et facultatifs nommés «hauts-
grades» ou «side degrees» ou ordres de Sagesse. Parce que la visée d’un mythe est
aussi un enseignement moral, les diverses références mythologiques choisies par
les rites (le mythe est l’idée exprimée par le rite), montrent un œcuménisme
ontologique sur les interrogations humaines fondamentales, la vie, la naissance et
la mort.
Au fait, c’est quoi un rite maçonnique ?
En Franc-Maçonnerie, le mot rite recouvre plusieurs acceptions que l’on
trouve orthographié différemment63
.
1- Le mot désigne, de façon générale, l’ensemble des pratiques maçonniques.
2- C’est le nom par lequel est désigné un ensemble cohérent et stable de rituels
et de pratiques maçonniques, spécifiques dans leur réalisation à un Ordre. En ce
sens, selon l’encyclopédie de Mackey, un rite est une méthode pour conférer la
lumière maçonnique par une collecte et une distribution des degrés. Cet ensemble
porte un nom toujours écrit avec une majuscule (REAA, RF, ROPM).
3- C’est une séquence de formes à l’intérieur d’un rituel (rite de la cérémonie
d’initiation 1er degré).
On en vient à se demander comment se fait la mise en œuvre d’un rite ?
C’est le rituel qui organise cette mise en œuvre.
Le rituel, du latin rituales libri (livres traitant des rites) est un fréquentatif,
une formalisation des éléments du rite, pour qu’il se déroule toujours d’une
manière identique. Du point de vue formel, le rituel est donc essentiellement un
ensemble textuel et gestuel manifestant l’aspect cérémoniel d’un évènement qui y
est attaché. Les rituels dont la pratique est appelée rituélie, fixant les détails d’une
tenue maçonnique64
, sont un ensemble de gestes répétés, invariables et
symboliques, et de paroles prononcées par les officiers, réglées comme des lois65
par des textes, la doxème. En général, le rituel est un formalisme générateur de
symbolisme qui possède un contenu sous-jacent dont l’intention, pour morale,
sociale et caritative qu’elle soit, a pour visée le sacré en tant que séparation d’avec
le monde profane. Les pulsions individuelles sont canalisées par le rituel qu’un
besoin humain élémentaire tend à justifier par le mythe et à marquer dans l’esprit
du groupe par des s y m b o l e s . C’est pourquoi on peut dire que le rituel permet
une fermeture de la porte de communication entre le sacré et le profane, tandis
que le symbole va l’ouvrir ; simultanément, le rituel sépare, le symbole réunit.
63
P. Langlet propose trois écritures : Rite, rite et Rit qui apportent des précisions. Rite - avec
une majuscule - désigne ainsi le Rite maçonnique en général ; Rit désigne une forme
particulière du Rite maçonnique, son style, on parle aussi de régime (Rit Français, Rit Écossais
Ancien et Accepté,…) ; et rite - avec une minuscule - concerne la partie d’un Rit comme
l’ouverture des travaux. «Nous avons ainsi utilisé trois orthographes différentes, «Rite», «rite»
et «Rit», que le français autorisait, quand on écrit habituellement rite dans tous les cas». Philippe
Langlet, Les deux colonnes de la Franc-Maçonnerie, La pierre et le sable, Thèse pour
l’obtention du grade de docteur ès Lettres, 2008, accessible sur : http://aurore.unilim.fr/ori-oai-
search/notice/view/unilim-ori-25281.
Nous utilisons l’écriture rite avec minuscule pour parler des rites en général, Rite avec une
majuscule pour les noms des différents rites. 64
Par exemple : Marquer le début et la fin d'une réunion maçonnique ; Recevoir (ou initier) un
nouveau membre au sein de l'organisation ; Transmettre un nouveau grade ou une dignité à un
membre ; Installer un membre à un poste défini dans l'organisation maçonnique. 65
Culture populaire et rituels, http://plasly.chez.com/culture.htm
21
Le rituel est à considérer comme une sorte de règle de jeu, un code de signes
verbaux et non verbaux66
qui, au-delà de la signification littérale des actes et
croyances, permet de découvrir leurs significations plus profondes.
Les rituels sont des énoncés symboliques sur l’ordre social, sur les valeurs
fondamentales d’une société, des énoncés non analysables en termes rationnels. Si
le mythe est essentiellement récit, dans l’expérience symbolique du rituel qui s’y
rattache, en revanche, nous n’avons pas à en chercher intellectuellement le sens, il
est là, rendu sensible. Ici tout est symbole.
Le symbolisme permet d’effacer toute référence ancienne dogmatique. Il propose
de parvenir à basculer du biologique au spirituel sans passer par la mort physique ;
comme l’écrivait naguère René Guénon «Veut-il, peut-il permettre à l’homme de
dépasser les possibilités de l’état humain, de rendre effectivement possibles les
états supérieurs, de construire l’être au-delà de tout état conditionné quel qu’il
soit ?67
»
Au XVIIe siècle, les rituels maçonniques, beaucoup plus simples que ceux
du siècle suivant, n'étaient pas censés être écrits et n'étaient jamais imprimés. Ils
ne sont connus de nos jours que grâce à un très
petit nombre de notes manuscrites ayant échappé
à la règle et au temps, ainsi que par quelques
anciennes divulgations. L'étude de ces documents
montre, outre de sensibles différences déjà
existantes68
, que les rituels ont évolué depuis
assez considérablement dans différents pays et au
fil du temps.
Au XVIIIe siècle, après la réorganisation
des pratiques consécutives à la fondation des
premières Grandes Loges, les Ancients et les
Moderns utilisent des rituels assez similaires, qui
ne se distinguent que par un certain nombre de
points remarquables, tels que la place de certains
éléments symboliques, la manière de transmettre les mots de passe, ou une
référence plus ou moins importante à la religion chrétienne.
Cependant, dès les années 1740, on voit apparaître des divergences, à côté des
rituels traditionnels des trois premiers degrés, sous la forme de plusieurs centaines
66
Sémiologie : science qui étudie la vie des signes verbaux et non verbaux au sein de la vie
sociale. 67
René Guénon aussi appelé Abd al-Wâhid Yahyâ, Aperçus sur l’initiation p.29 sur
http://classiques.uqac.ca/classiques/guenon_rene/Apercus_sur_initiation/Apercus_sur_initiation.
html 68
Harry Carr dans son ouvrage An Examination of the Early Masonic Catechisms de 1946
compare 16 catéchismes divulgués entre 1696 et 1730 (https://theeducator.ca/wp-
content/uploads/2018/02/Examination-of-the-Early-Masonic-Catechisms.pdf)
de rituels de degrés additionnels dits de «hauts grades», side degrees, dont
beaucoup n'étaient que des variantes les uns des autres, et même dont certains
restèrent à l'état de projets ou ne furent en réalité jamais vraiment pratiqués.
Aujourd’hui, outre le rituel de l'initiation, les rituels d'ouverture et de fermeture
des travaux de la loge apparaissent très importants. Ils se déroulent de manière
immuable, à travers un texte figé, lu comme un jeu de questions et réponses entre
le vénérable, le premier et le second surveillants, lesquels usent chacun de leur
maillet, dont les coups ponctuent gestes et acclamations. Apparition et disparition
progressives de la lumière constituent la toile de fond de ces travaux. À
l'ouverture, la rupture avec le monde profane est consommée. Les maçons se
situent alors dans un autre espace (que ce soit sur le parvis du temple, à l’intérieur
de celui-ci, dans une grotte voûtée souterraine, à la cour du roi, ou dans une
carrière, etc.) et dans un autre temps dont les limites varient en fonction des
degrés ; en loge bleue cet espace de temps est de midi à minuit.
Il existe aussi d’autres rituels qui viennent émailler la vie d’une loge, ceux
prévus pour les banquets d’ordre, les fêtes des solstices d'été et d'hiver centrés sur
la symbolique de la lumière, les tenues funèbres en souvenir des frères et sœurs
disparus, les cérémonies de reconnaissance conjugale entre époux, les cérémonies
d'adoption des enfants de maçons, les tenues d’intégration ou d’affiliation et aussi
pour les tenues blanches.
Toutefois, l’enseignement ne découle pas de l’acquisition de connaissances
transmises, mais de la pratique assidue des rituels, qui peu à peu imprègnent
23
l’esprit de ceux qui les pratiquent. C’est en cela que l’on dit qu’ils sont, non
seulement performants, mais aussi agissants69
.
Lorsqu'il atteint ses objectifs, le rituel est l'outil fondamental de la méthode
maçonnique. Le rituel maçonnique doit remplir sa mission d’exaucement des
âmes, et d’élévation de l’esprit, de projection d’une intention qui veut modifier
l’être qui y participe vers l’universalité, le libre examen, la méritocratie, l’éthique
pour produire quelque chose de supérieur70
. La Franc-Maçonnerie va mettre en
œuvre dans ses rituels des techniques symboliques, ces techniques reposent sur la
loge elle-même et sur le tableau de loge, lequel devient un athanor de la
représentation d’un réel à la fois apparent et caché.
Mais surtout, le rituel est efficace parce qu'il est répétitif ; la répétition d'un acte
lui confère sa valeur didactique. Ceci parait être une évidence car c'est le
fondement de l'apprentissage.
Un éclairage est apporté par le biologiste Rupert Sheldrake qui a émis une
hypothèse intéressante. Cette hypothèse, appelée «causalité formative», laisse
entendre que tout cheminement d’évolution individuel impliquerait l'apparition, au
fur à mesure des répétitions des mêmes schèmes, d’une mémoire collective
agissant sur le comportement des autres membres de son groupe71
.
Autrement dit, pour le franc-maçon, le rituel serait d'autant plus efficace
qu’il serait pratiqué selon des formes répétitives ; efficacité qu'il tirerait de sa
présence au cours de la transmission des rituels traditionnels, et cela hors de tout
processus d'apprentissage direct. Pour que le rituel accomplisse sa «magie», la
formation physique, émotionnelle et mentale du sacrement doit non seulement être
«aussi bonne que possible», mais implique également une intention positive et une
coopération parfaite de chaque participant. Une des conditions de l'efficacité du
rituel, pour être irradié de son idéal intellectuel, moral, bienveillant et spirituel,
dépendrait donc des capacités d'alignement de chacun sur la tradition des rituels
pratiqués par le passé et cela ne se ferait que dans la stricte observance des rituels
qui sont invariablement répétés ?
La stricte observance ! Mais avec quelle pureté originelle ? C’est comme se
poser la question de l’origine de l’identité française, la réponse devient trop vite
69
Ils sont dits «performatifs» : J Hautefort, L'axe théurgique de la Franc-Maçonnerie, Le
troisième monde (Briah), http://hautsgrades.over-blog.com/article-l-axe-theurgique-de-la-franc-
maconnerie-112564117.html 70
Yves Hivert-Masseca,
https://www.hiram.be/protestants-et-francs-macons-en-pays-de-
france/?fbclid=IwAR1Cli4AReovFtt21fxiz4c9PpTNW8NDDmv31YLqjnJx9U4A3rUqCqJQ-Sk 71
Dr. Rupert Sheldrake - Morphogenetic Fields of Body and Mind - Quantum University. https://www.youtube.com/watch?v=HYC8N5W_bKA
idéologique. Alors, restons nuancés, n’écartons pas la transversalité des apports et
relisons, par exemple, la thèse de Philippe Langlet, Les deux colonnes, la pierre et
le sable pour y trouver une analyse objective.
Disons que si la Tradition est toute entière conservée depuis plus ou moins
longtemps dans les écrits, les rites et les dévoilements, il semble prouvé que la
transmission même si elle duplique sans fautes certaines informations,
insensiblement en altère ou en dégrade d'autres. Enfin, certaines données subissent
des modifications sensibles, des glissements surtout du fait des traductions. Mais
surtout, le rituel n'échappe pas lui-même aux lois de l'évolution de la société ;
l’abandon de la référence au GADLU par le GODF en 1877 en est un exemple.
Dans tous les cas, partant d'opérations simples de répétition, la fonction rituelle
aboutit à l'intégration des connaissances infusées. Finalement, c'est dire que le
rituel, par passage des justes degrés, par multiplication et augmentation, donnera,
par bonne pratique, la possibilité aux frères et sœurs d'évoluer vers leur élévation.
Le rituel permet d’opérer une libération intérieure pour alléger le lourd de la
matérialité et de la faiblesse de l’être pour le conduire vers la spiritualité, il est un
barrage contre le passionnel, barrage qui permet un dégagement de l'esprit pour
qu’il se tourne vers l’amour. Il peut même constituer un guide pour l'acte juste et
la parole juste, bien que pour Marie-Hélène Gonnin, le rituel, à l’épreuve de la
psychanalyse, montre une survalorisation des valeurs morales, humanistes,
humanitaires, individuelles, et fraternelles, cachant surtout ce qui pourrait surgir
comme pulsions72
.
Le rituel, est indéniablement un apprentissage comportemental, il possède
des valeurs fondées sur l’expérience du symbolisme, tirant du chaos l'évolution
qui formera les idées du franc-maçon. En tant que pierre d’un édifice social qui le
dépasse, il participera du perfectionnement global de l’humanité73
. Soulignons en
ce sens que, fondamentalement, le processus initiatique est un accomplissement et
une transformation de l’exotérisme74
et non pas sa négation, son oubli ni même sa
négligence. Le rituel propose une éducation de la nature humaine d’une portée
morale utilitariste dans le sens de conciliation entre les tendances naturelles et
l’impératif moral75
. Il est rapprochement du franc-maçon de la loge avec l’homme
72
À propos du livre « Hiram et Freud » de Jacques Fontaine et Marie-Hélène Gonnin, à partir de
7’ ; https://www.youtube.com/watch?v=eYPDJ762MRs 73
On lira, sur ce sujet, le travail remarquable de Philippe Langlet : Les deux colonnes de la
Franc-Maçonnerie La pierre et le sable, sa thèse présentée pour l’obtention du grade de docteur
ès Lettres sur . http://aurore.unilim.fr/theses/nxfile/default/c4daf619-ac7c-4305-811b-
a2910b4679c6/blobholder:0/2008LIMO2014.pdf 74
René Guénon, Initiation et réalisation spirituelle, Éditions Traditionnelles, 1952, ch. VI,
Nécessité de l’exotérisme traditionnel, p. 6 1. 75
Annick Stevens, Les philosophes des Lumières, vers 36’.
https://www.youtube.com/watch?v=wO077lXgOmI&list=PLE4wBQ5ZJXgyDEmew-
VxPbm23ler9IUmT&fbclid=IwAR32M0PxGZd7su92VBzkS-
RLUObpWlgOLKgUAPmy4d1CEd2BHW_se5l9if8
25
(ou de la femme) de la société profane jusqu’à en réduire l’écart, faute de quoi,
d’ailleurs, il induirait des comportements schizophréniques.
Reconnaissons que le sens n’est pas tout entier dans un instant du
déroulement d’un rituel ou dans un seul geste rituélique, plusieurs étapes,
plusieurs gestes recouvrent une même réalité. La méthode maçonnique et ses
rituels76
ne laissent rien au hasard. Chaque symbole ritualisé a obligatoirement un
lien avec le principe. À défaut, les rituels maçonniques ne seraient que mise en
scène folklorique d’assemblées d’honnêtes bourgeois privilégiant l’entre soi et
confondant la lumière avec la fée électricité !77
Dans un rituel maçonnique, d’un côté il y a la liturgie textuelle, si je puis employer
ce mot, de l’autre la gestuelle se complétant l’une l’autre. À ce propos, quelle
importance accorder à la gestuelle dans le rituel ?
La gestuelle est une discipline se traduisant par un véritable langage
corporel qui s’adresse au franc-maçon lui-même et aux autres. Les expressions du
corps sont des sortes d’idéogrammes signifiants, c’est-à-dire qu’ils sont une forme
de langage initiatique78
complétant la parole et se surajoutant à elle pour des
énoncés symboliques en accord avec le signifié admis par le rituel. La dimension
de cette gestuelle, intentionnellement signifiante79
, est indéniable comme si
chaque instant de la présence en tenue devait être une prise de conscience
permanente, prise de conscience éclairée par l’interprétation symbolique de
chaque geste pour en faire sens éthique ou spirituel. Dans tous les cas,
l’intelligence du rituel n’est pas de demander une perfection du geste mais de
mettre dans le geste une perfection d’intention.
Il existe une inextricable collection de rites, donc de rituels, avec d’autant
plus d’éléments d’expressions de la gestuelle maçonnique que tout cela a évolué,
de surcroît, pour chaque degré, au cours de l’Histoire maçonnique80
. Malgré cette
76
Rituélie : parties élémentaires du phénomène initiatique. 77
Les gants blancs et le travail dans la lumière,
http://www.ecossaisdesaintjean.org/article-les-gants-blancs-et-le-travail-dans-la-lumiere-
117245822.html 78
On complètera par la lecture de l’excellent article Étendue du langage initiatique signé Éric
R. feu membre de La Grande Loge Symbolique travaillant au Rite Écossais Primitif (GLSREP).
http://www.ecossaisdesaintjean.org/2015/11/etendue-du-langage-initiatique.html 79
Comprendre l’importance du «cadrage» avec l’article de Céline Bryon-Portet : Étude
sémiotique d’une communication fondée sur la contextualisation et les processus : du rôle des
représentations symboliques et pratiques rituelles de la franc-maçonnerie, 2010 sur
https://www.unilim.fr/actes-semiotiques/1833 80
La comparaison des manuscrits maçonniques de la période 1696-1730 par Harry Car met en
évidence les différents attouchements, signes et mots de la Maçonnerie «primitive».
pléthore de gestes cadrés dans les divers rituels maçonniques, on peut en dégager
quelques grandes catégories.
L’étude de la gestualité81
au cours d’une tenue pourrait être envisagée par
une typologie isolant chacune des parties du corps, chacun des sens, mais aussi
chacun des viscères, en considérant comment ces éléments constitutifs d’un geste
sont mis en œuvre pour une finalité propre à chaque degré, avec toutes les
variantes propres à chaque rite. Une autre typologie pourrait être également
envisagée selon la finalité des gestes, selon leurs principes sous-jacents, ceux de
l’éveil spirituel, ceux de la mise en relation fraternelle avec les autres, ceux
conduisant à l’action sociétale. Je retiendrai pour ma part quatre grandes familles
de gestes, ceux des postures, ceux de la reconnaissance, ceux des déplacements et
ceux de ce que j’appellerai l’audio-gestuelle, mais cela mériterait un trop long
exposé pour les évoquer en détail maintenant. J’en donne juste une formule latine
personnelle pour les résumer es recte et corporem inhabita82
! Sois droit et habite
ton corps !
Pour conclure, soulignons la nécessité absolue des pratiques rituelles qui
implique d’être un creuset matriciel, c’est-à-dire que l’on y vive intérieurement et
constamment une expérience évolutive y compris à l’extérieur du temple. Rien ni
personne ne peut remplacer le vécu initiatique, cette entrée courageuse et risquée
dans le labyrinthe de la conscience, entrée risquée même s’il est vrai que nous
sommes pourvus d’outils pour nous aider et surtout encouragés par la fraternité
bienveillante des FF et des SS
C’est le moment de rappeler que la Franc-Maçonnerie, comme toute autre voie
initiatique, est une science de l’esprit de même que le bouddhisme, la kabbale,
l’alchimie ou le soufisme, pour ne prendre que quelques exemples. La
construction d’une humanité idéale se fait malgré tout à chaque instant de la vie et
partout dans le monde, par le travail persévérant.
L’initiation a permis au franc-maçon d’entrer sur le chemin qu’il doit parcourir
seul, car c’est à lui seul qu’il appartient de «suivre sa voie», à lui seul qui, par ses
efforts et sa patience, son intelligence, son amour et sa volonté, de passer de
l’initiation «virtuelle» à l’initiation «réelle», de transformer une promesse en une
réalité, un chemin de connaissance en un chemin de vie qui ont, en point commun,
http://www.omdhs.syracusemasons.com/sites/default/files/philosophy/Carr%2C%20%20Harry
%20-%20Examination%20of%20the%20Early%20Masonic%20Catechisms.pdf 81
Gestualité, terme récent (1960) pour indiquer le caractère des gestes, mouvements et postures,
ibid. 82
Sois droit et habite (restaure) ton corps. Plotin, Ennéades : «Rentre en toi-même, et examine-
toi. Si tu n’y trouves pas encore la beauté, fais comme l’artiste qui retranche, enlève, polit,
épure, jusqu’à ce qu’il ait orné sa statue de tous les traits de la beauté. Retranche ainsi de ton
âme tout ce qui est superflu, redresse ce qui n’est point droit, purifie et illumine ce qui est
ténébreux, et ne cesse pas de perfectionner ta statue…»
27
une signification essentielle: l’éveil de la Conscience par la volonté83
. «La
métaphysique c’est des concepts, la spiritualité est une expérience.»84
Vous aurez compris que nous avons voulu dire que l’initiation maçonnique
par son orthopraxie rituelle nous oriente vers la lumière, synonyme de conscience
éclairée et vers le développement de nos facultés cognitives pour devenir témoin
d’intelligibilité et de fraternité en dehors du temple ; c’est une voie initiatique,
artisanale, ancestrale et personnelle où toute connaissance nouvelle devient un
outil de la connaissance et du comportement à venir. C’est un parcours de vie, un
voyage d'expérience personnelle enveloppé dans un travail de groupe85
. Le rôle de
la Franc-Maçonnerie est de transmettre une influence spirituelle à l’intérieur de la
forme la plus élevée du mouvement qui est la vie humaine à condition, toutefois,
pour le franc-maçon d’accepter, de chercher et de persévérer.
Au fait, pour répondre à la question du début «Quand on raconte l’histoire
maçonnique d’Hiram, est-ce une légende ou un mythe», je dirais que si on raconte
l’histoire, ou même si je la lis, cela pourrait n’être que le récit d’une fiction de
crimes et châtiments. Mais, cette histoire devient un MYTHE où le héros est le
franc-maçon lui-même86
, dès lors qu’est vécue l’expérience numineuse, intime,
où la narration cesse pour laisser place à l’accueil dans l’en soi transparent à la
transcendance - silencieux, immobile, aligné et rectifié - au mystère de la vie, dans
cet effort indéfini vers le sens de ce qui échappe à la représentation et, cependant,
qui s'y révèle.
Et vous, qu’en pensez-vous ?
83
R. Guénon, Aperçus sur l’Initiation, Chapitre XXX, Initiation effective et initiation virtuelle,
1946, p. 225, téléchargeable sur :
http://classiques.uqac.ca/classiques/guenon_rene/Apercus_sur_initiation/Apercus_sur_initiation.
html 84
André Comte-Sponville https://vimeo.com/217063314 85
Kristine Wilson-Slack 33 o
https://www.universalfreemasonry.org/en/article/effect-of-masonic-ritual-part-v 86
Le périple de presque tous les grands héros mythiques se déroule selon un enchainement bien
déterminé : il commence par un «appel à l'aventure» poussant le héros à abandonner son pays et
ses proches. Au cours de son voyage, il devra franchir un premier obstacle, souvent aidé d'un
maître ou d'un guide spirituel, épreuve dont il sortira grandi. Se succéderont alors d'autres
épreuves qu'il franchira victorieux, s'affranchissant graduellement de l'aide de son mentor, pour
accomplir finalement l'objet de sa quête, atteindre une apothéose qui représentera
symboliquement l'émancipation. Le héros retourne enfin au pays, complètement transformé par
l'expérience initiatique de son épopée.
Si l'histoire rapporte de bonnes actions à propos de gens de bien, l'auditeur
ému est incité à imiter le bien; et si elle évoque de mauvaises actions au
sujet d'hommes mauvais, néanmoins, l'auditeur ou le lecteur pieux et
craignant Dieu, en évitant ce qui est criminel et vicieux, brûle de rechercher
pour sa part plus adroitement encore ce qu'il a appris être bien et digne de
Dieu.
Saint Bède Le Vénérable, VIIIe siècle
29
Annexe 1 – Quelques mythes et légendes Extraits du Dictionnaire vagabond de la pensée maçonnique, Éd. Dervy
Adonis
Adonis est le type de héros de toutes les initiations. Les femmes grecques se
faisaient un pieux devoir de pleurer aux cérémonies commémoratives de la mort
d'Adonis, tué par un sanglier furieux. Cette légende illustre le rite solaire où le
soleil féconde d’abord la nature pendant le printemps et l'été. Après cette époque,
cet astre perd ses facultés productives. Voilà pourquoi, dans l'automne, Adonis
allant à la chasse, est terrassé par un sanglier (symbole de l'hiver), qui le mutile et
le prive de ses facultés génératrices. Avant d'être rendu à Vénus, qui déplore sa
perte, ce dieu, dont la mutilation et la mort ne sont qu'une fiction, doit passer les
six autres mois de l'année avec la Vénus (ou la nature) de l'hémisphère inférieur,
cette femme des constellations, placée sur les sphères, devant le serpent, prœ
serpens, d'où vient le nom de Proserpine. Voilà donc le soleil du printemps ou de
l'été, mourant en automne, pour revenir au printemps suivant.
Bazalliel (ou Betsaléel)
Le Manuscrit Graham de 1726, catéchisme maçonnique, rapporte trois récits
légendaires dont celui de Bazalliell qui prend place entre celui de Noé et celui
d’Hiram.
Dans les Constitutions d’Anderson de 1738 apparaît un certain constructeur,
Betsaléel, qui pourrait bien être le Bazalliell du manuscrit Graham, lequel
renverrait alors au Beçalel (nom qui signifie «à l’ombre de Dieu») artisan
expérimenté du Tabernacle et de ses accessoires, de l’Arche, de ses ornements et
des vêtements sacerdotaux. Il était doté de la sagesse divine, versé dans la Torah,
le Talmud et la science des lettres, ancêtre de Salomon et compagnon d’Oholiav
(le Aholia des Constitutions de 1738 et, peut-être, le Alboyn du Graham) avec
lequel il a contemplé le sanctuaire céleste sur le Sinaï.
Betsaléel (אל צל apparaît dans la Bible (Exode 35, 30 à 35) comme le premier (ב
constructeur du temple mobile des Hébreux abritant le tabernacle dans le désert.
Outre sa capacité à exécuter «toutes sortes d'ouvrages, pour concevoir des projets,
pour travailler l'or, l'argent et le bronze, pour tailler des pierres à enchâsser, pour
sculpter le bois de manière à réaliser toutes sortes d'ouvrages», il savait, dit le
Talmud, combiner les lettres par lesquelles furent créés le ciel et la terre. Il eut
ainsi la responsabilité de la fabrication du pectoral (poche à oracles qui renfermait
l’Ourim et le Toummim, c’est-à-dire les moyens de divination qui guidaient les
règnes des rois d’Israël) et de l’éphod du grand prêtre (‘hochen éphod, פאו שח דו .(ן
C’est avec le shamir87
qu’il aurait pu graver le pectoral [sculpture généralement
attribuée à Moïse].
Il réalisa aussi la ménora selon le modèle montré à Moïse au moment de la
révélation du Sinaï (Exode 25,31 : Tu feras un chandelier d'or pur ; ce chandelier
sera fait d'or battu; son pied, sa tige, ses calices, ses pommes et ses fleurs seront
d'une même pièce). Ce candélabre devait être fait en un seul bloc d’or, seul un
artisan hors du commun aurait pu exécuter une telle prouesse.
C’est grâce à trois vertus que le premier temple fut construit par Betsaléel car il est
écrit en Exode 31,3 : «Je [dieu] l’ai rempli de l’esprit d’Élohim en sagesse, en
intelligence et en savoir», vertus que l’on retrouve en Hiram dans I Roi 7, 14
«rempli de sagesse, d’intelligence et de savoir». On peut rapprocher les capacités
de Betsaléel de celles d’Hiram dans le 2ème
Livre des Chroniques 12-13 : «je
t’envoie donc maintenant un spécialiste doué d’intelligence, Houram-Abi, fils
d’une femme danite et d’un père tyrien, qui sait travailler l’or, l’argent, le bronze,
le fer, la pierre, le bois, la pourpre, le violet, le lin et le carmin, exécuter toute
sculpture et réaliser tout projet qui lui sera confié.»
Sans transition avec la légende de Noé, le Manuscrit Graham raconte que pendant
le règne du roi Alboïn naquit Betsaléel, qui fut appelé ainsi par Dieu avant même
d'être conçu dans la matrice. Et ce saint homme sut par inspiration que les titres
secrets et les attributs principiels de Dieu étaient protecteurs, et il bâtit en
s'appuyant dessus, de sorte qu'aucun esprit infernal et destructeur n'osa prétendre
renverser l'œuvre de ses mains. Aussi ses ouvrages devinrent si fameux que les
deux plus jeunes frères du roi Alboïn, déjà nommé, voulurent être instruits par lui
de sa noble manière de construire. Il y consentit à la condition qu'ils ne la révèlent
pas sans que quelqu'un soit avec eux pour composer une triple voix. Ainsi ils
s'engagèrent par serment et il leur enseigna les parties théoriques et pratiques de la
maçonnerie. Alors les salaires des maçons augmentèrent dans ce royaume, des
maçons furent comptés parmi les rois et les princes.
Cependant, Betsaléel à l'approche de la mort voulut être enterré dans la vallée de
Josaphat et que fut gravée une épitaphe selon son mérite. Ceci fut accompli par ces
deux princes et il fut gravé : ci-gît la fleur de la maçonnerie, supérieure à
beaucoup d'autres, compagnon d'un roi et frère de deux princes. Ci-gît le cœur qui
sut garder tous les secrets, la langue qui ne les a jamais révélés.
Alors, après sa mort les habitants de ce pays crurent que les secrets de la
maçonnerie étaient complètement perdus parce qu'on n'en entendait plus parler car
personne ne les connaissait, à part ces deux princes qui s'étaient engagés par
serment à ne pas les révéler sans quelqu'un d'autre pour former une triple voix.
L’intérêt de cette légende est l’affirmation que seule fut perdue l’expression de la
parole, mais que cette parole existe toujours et que chaque maître en est
dépositaire.
87
Voir Annexe 2
31
Cabiri (Les)
Les Cabiris étaient des dieux dont le culte était d'abord établi dans l'île de
Samothrace, où les Mystères de Cabiric étaient pratiqués. Les dieux appelés les
Cabiri étaient à l'origine deux, et ensuite quatre, ils sont supposés, par Bryant, faire
référence à Noé et à ses trois fils ; les Mystères de Cabiric étant une modification
du culte de la déesse-lune (Astartée ou Ishtar) à laquelle on consacrait des arcs en
bois d’acacia.
Dans ces mystères, il y eut une cérémonie appelée la «mort cabrique», dans
laquelle se représentaient au milieu des gémissements et des larmes et de la
réjouissance subséquente des initiés, la mort et la restauration à la vie de
Cadmillus, le plus jeune des Cabiri. La légende raconte qu'il avait été tué par ses
trois Frères qui s'enfuirent ensuite avec ses parties viriles dans un panier mystique.
Son corps, couronné de fleurs, fut enterré au pied du mont Olympus. Clément
d'Alexandrie parle de la légende comme du mystère sacré d'un frère tué par ses
frères ou dans l'original comme frater trucidatus a fratribus. Certains auteurs
supposent que les trois Cabiri, ou Corybantes, symbolisent le soleil, la lune et la
terre, censée être tuée dans l'éclipse, et citent les mots d'Hésiode - «Taché de sang
et tombant entre les mains de deux corps célestes.»
Le Casmillus tué avait la même signification que le dieu solaire osirien dans les
livres phéniciens, babyloniens et égyptiens. Le sang, auquel il est fait référence
dans la version phrygienne des rites cabiriques rappellerait les cosmogonies avec
quelques références curieuses qui peuvent caractériser la circoncision, le baptême
de sang mythique, et le Taurobolium ou le baptême de taureaux
Les écrivains maçonniques nous disent que l'Initié a symboliquement plongé ses
mains dans le sang du Casmillus tué. Ces dieux assassinés, comme dans le cas
d'Osiris et d'Adonis, souffrent généralement dans les parties génératives, indiquant
le transfert du principe de vie, et il est mythologiquement dit que lorsque les deux
autres dieux ont tué Casmillus, ils se sont enfuis avec un coffre contenant ses
parties génitales en Étrurie, où nous avons sans doute un avis de colonisation.
Les dieux cabiriques étaient considérés comme les instructeurs de l'humanité dans
toutes les connaissances utiles; les rites magiques, la construction, la fusion et le
travail des métaux, la construction navale, la musique, etc., étaient dénommés
Technites ou artificiers. Sanconiathon dit qu'Ouranos était le père des sculpteurs,
tout comme Hiram le père ou Abiv des maçons, les métallurgistes, les sculpteurs
et les teinturiers, et en vérité un Cabir88
.
88
Approfondir avec le texte de John Yarker, The Arcanes Schools, 1909, https://legende-
hiram.blogspot.com/search/label/YARKER%20The%20Arcane%20Schools%20%28Part%201
%29
Il est généralement supposé que ces mystères ont été institués en l'honneur d'Atys,
le fils de Cybèle ou Déméter, dont Cadmillus était seulement un autre nom. Selon
Macrobius, Atys était une des appellations du soleil, et nous savons que les
mystères ont été célébrés à l'équinoxe vernal. Ils durèrent trois jours, pendant
lesquels ils représentaient dans la personne d’Atys, ou de Cadmillus (Le plus jeune
des Cabiri), la mort énigmatique du soleil en hiver, et sa régénération au
printemps. Selon toute probabilité, dans l'initiation, le candidat traversait un drame
dont le sujet était la mort violente. La «mort cabrique» était, en fait, une légende,
comme on peut le comprendre, très analogue en esprit à celle du troisième degré
de la Franc-Maçonnerie hiramique.
Déméter-Cérès
Cette déesse est en fait une divinité unique honorée par tout l’univers, mais sous
différentes formes, sous divers noms, par différences cérémonies. Les Phrygiens,
les premiers nés des hommes l’appellent la Pessinontienne mère des Dieux ; les
Athéniens, Minerve Cécropienne ; les Chypriens, Vénus Paphienne ; les Crètois,
Diane Dictynne ; les Siciliens, Proserpine Scygienne ; les Éléusiniens, l’ancienne
Déesse Cérès ; elle est surnommée Cabiria par les Thébains ; par d’autres, Junon ;
par d’autres encore, Bellone ; quelques-uns, Hécate ; quelques autres, Rhamnusie.
Mais les Égyptiens, qui sont instruits de l’ancienne doctrine, l’honorent avec des
cérémonies qui lui sont propres et l’appellent de son véritable nom, la Reine Isis.
Déméter, dont le nom, sans doute une altération d'un mot grec qui signifie de
"terre-mère", était la déesse de l'agriculture et des moissons. Elle représentait la
terre cultivée et féconde contrairement aux autres déesses comme Gaia ou Rhéa
qui personnifiait la terre en tant que matière. C'est elle qui facilitait la germination
et la pousse des plantes.
Fille de Cronos et Rhéa, elle fait partie des douze Olympiens même si elle
préférait résider à Éleusis au contact de la terre plutôt que sur l'Olympe.
Elle fut assimilée par les Romains sous le nom de Cérès qui était une divinité
latine très ancienne associée aux moissons. Anciennement en Attique, les morts
s’appelaient les céréaliens.
Quand Hadès, souverain des morts, enleva sa fille Perséphone pour en faire son
épouse, Déméter partit à sa recherche et négligea les récoltes de la terre. En
prenant la forme d'une vieille femme nommée Doso, elle erra pendant neuf (9)
jours. Se rendant compte qu'une famine menaçait les mortels, Zeus se décida à
envoyer Hermès au royaume d'Hadès pour lui demander de rendre Perséphone à sa
mère. Mais Perséphone avait mangé six pépins de la grenade offerte par Hadès, en
guise de dernière ruse pour la garder avec lui ; la tradition voulait que quiconque
mangerait dans le royaume des morts ne puisse le quitter. Zeus s'entendit pour que
Perséphone passe les six mois cultivables sur la terre avec sa mère et les six mois
du reste de l'année avec son époux. C'est de ce mythe de Perséphone qu'est né le
cycle des saisons dans la mythologie grecque.
33
Son culte est fondé sur le rythme des saisons; il est à la source des Mystères
d'Éleusis. Le secret de ses Mystères était très bien gardé et sa divulgation était
punie de la peine de mort ; Eschyle faillit en être condamné.
Démeter était aussi particulièrement vénérée par les femmes, par exemple lors des
Thesmophories à Athènes, cérémonie qui reçut son nom de l'épithète de la déesse
Thesmophoros (la Législatrice) et qui était réservée aux femmes ; celles-ci
rendaient un culte à la fertilité aussi bien pour elles-mêmes que pour la cité ;
Aristophane en fait le sujet de sa comédie, Les Thesmophories.
Les temples de Démeter, appelés mégara, se trouvaient souvent dans les forêts.
Bernard Dov Hercenberg remarque, dans son article Le mythe de Déméter et la
tension entre la séparation tentée et la séparation impossible, que le mouvement
de retour qui est présent dans le mythe de Déméter n’est pas sans rappeler certains
paramètres de l’Aufhebung hégélienne et de l’Überwindung nietzschéenne. Non
seulement parce que cet éternel retour implique une confrontation au négatif mais
parce que ces allers et retours se font par des mouvements de montée et de
descente. Car Perséphone est celle qui répétitivement s’enfonce dans le sein de la
terre pour aller vers le royaume d’Hadès et répétitivement remonte à ciel ouvert
retrouver sa mère. Le mouvement de Perséphone pour faire face à la négativité
s’accomplit par d’incessantes montées et descentes qui, en somme, font le tour de
la négativité d’une part, de la vie et de la lumière d’autre part. Ces descentes et ces
remontées permettent une reconnaissance des différences et une prise en compte
du tout. Elles articulent une connaissance dont l’une des caractéristiques est, d’une
certaine façon, un «surmontement» du négatif et de la différence. Dans ce sens,
elles ne sont pas sans évoquer les montées et les descentes dont parle la
philosophie depuis Platon à propos du rapport entre le sensible et le suprasensible.
Dionysos
Dionysos est le seul dieu grec né d'une mère mortelle. Dès Homère et Hésiode, il
est présenté comme le fils de Zeus et de Sémélé, fille du roi de Thèbes Cadmos et
d'Harmonie. Sémélé, poussée par Héra, jalouse, déguisée en sa nourrice, demande
à contempler Zeus, dont elle est enceinte, dans toute sa majesté. Zeus, ayant
promis, doit se présenter muni de sa foudre qui tue sur le champ Sémélé. Zeus tire
alors son fils du ventre de sa mère et, s'entaillant la cuisse, y coud l'enfant pour
mener sa gestation à terme. C'est l'origine de l'expression «être né de la cuisse de
Jupiter», la cuisse pouvant être une désignation euphémique pour les organes
sexuels, Dionysos alors pourrait être considéré comme issu directement du sperme
de Zeus.
Dans une autre version, la version orphique du mythe, Dionysos-Zagreus est le fils
de Perséphone et de Zeus. Héra, jalouse, demande aux titans (Cronos, Océan,
Japet ...) de se débarrasser du nouveau-né. Les géants attirent l'enfant Dionysos-
Zagreus avec des jouets (qui resteront mystiques : la toupie, le rhombe, les osselets
et le miroir), le massacrent et le découpent en morceaux qu’ils font cuire dans un
chaudron et qu’ils consomment. Athéna ramasse pourtant son cœur dans un coffre
et le donne à Zeus au moyen duquel il féconde ensuite Sémélé. Dionysos est
ensuite ressuscité.
Quelle que soit la version, Dionysos connaît deux naissances, ce qui explique l'une
de ses épithètes «le deux fois né».
Il y a une tradition pour dire que la tragédie grecque, dans sa forme la plus
ancienne, n'avait pas d'autre objet que les souffrances de Dionysos. Pour
Nietszche, dans son livre La naissance de la tragédie, l'art est en même temps ce
qui rend supportable l'horreur face au devenir : «Lui seul est à même de plier ce
dégoût pour l'horreur et l'absurdité de l'existence à se transformer en
représentations capables de rendre la vie possible.»
Éternel retour (L’)
Une histoire symbolique est une histoire combinée de telle sorte que l'évolution
des personnages indique exactement l'évolution de la nature. Les mythologues
modernes ont montré que toutes les histoires qui se rapportent aux divinités
hindoues, égyptiennes, grecques, romaines et même au Christ n'étaient que des
peintures plus ou moins parfaites de la marche du soleil ; de là le nom de mythes
solaires donné à tous ces récits.
Selon Mircea Eliade, historien des religions, l’univers subit la loi d’un éternel
recommencement. L’histoire du monde se déroule de façon cyclique. Les
astronomes babyloniens avaient découvert que les révolutions des planètes, les
révolutions annuelles du soleil et de la lune sont des sous-ensembles d’une même
période commune, la grande année, au terme de laquelle le soleil, la lune et les
planètes reprennent leur position initiale par rapport aux étoiles fixes. Ils en
avaient conclu que la vie de l’univers repasse éternellement par les mêmes phases.
La notion de cycle va alors imprégner de nombreux mythes qui furent inspirés par
l'astronomie et le mouvement des astres. La distinction entre le passé et l'avenir
s'efface pour laisser place à une vision plus globale du temps, une vision de
l'éternel retour pressenti par ces peuples anciens et contemporains.
Dans toutes les sociétés, il existe une conception de la fin et du début d’une
période temporelle, fondée sur les rythmes biologiques et sur la régénération de la
vie. L’homme a besoin de fixer des repères dans l’écoulement du temps. Ainsi,
toute nouvelle année est une reprise du temps à son commencement, reproduisant
la création du monde, le retour à l’unité primordiale, le passage du chaos à l’ordre.
Le passé cesse d’être irréparable, ce qui a été peut être revécu et le monde peut se
réenchanter. Cette conception est présente dans l’Égypte ancienne, dans les rites à
mystères des Grecs anciens, en Inde et en Extrême-Orient, dans les traditions
celtes et en Amérique précolombienne.
L'idée générale de temps cyclique est probablement apparue pour la première fois
dans la pensée hindoue. Le Samsâra, l'écoulement, désigne la transmigration des
35
âmes, le cycle des renaissances, dont le principal moteur est le karma. Les
hommes sont alors destinés à renaître perpétuellement jusqu'à ce qu'ils atteignent
l'éveil, l'illumination. Dans cette conception de la vie, la mort n’est qu'un simple
passage d’une existence à une autre.
La doctrine de la transmigration des âmes était étroitement associée aux
orphiques, et aux adeptes du philosophe et mathématicien Pythagore. Selon ses
enseignements, l'âme, à peine sortie du corps, se retrouve comme en prison dans
un autre corps. Elle est condamnée à se réincarner sans cesse à cause d'une
souillure primitive. Le cycle des réincarnations est sans fin pour ceux qui ne sont
pas initiés.
Dans L'Égypte ancienne, le mythe de l'éternel retour est celui du disque solaire,
des crues du Nil, des jours et des saisons. Même au-delà de la mort, on retrouve ce
mythe, car il y a une unité cosmique ; la loi de Thot rapportée par les textes des
sarcophages commence ainsi : «Tout est cycle. Je recommence à vivre après ma
mort. Je ressuscite après la mort.»
Aujourd’hui encore, de nombreux rites agraires, mimant cette renaissance,
perdurent en Europe. Toute la doctrine est présente dans Ainsi parlait
Zarathoustra de Nietzsche : «Toutes les choses reviennent éternellement, et nous-
mêmes avec elles. Tout s'en va, tout revient ; éternellement roule la roue de l'être.
Tout meurt et tout refleurit, éternellement se déroule l'année de l'être.»
La question philosophique, et métaphysique, qui se noue derrière est, d’une part,
celle du temps cyclique, indéfini, impensable en sa fin et donc structuré en une
circularité qui va d’une création à un chaos ultime, où tout se refond et se refonde
figuré par un cercle, d’autre part, celle d’une théologie, d’une finalité terminale,
figurée par une progression linéaire. L’entrée dans un temps historicisé est
inaugurée d’abord par la transgression d’Adam et Ève, ensuite par la sortie
d’Égypte. Parallèlement, la représentation du temps cosmique est maintenue grâce
à l’importance accordée aux cycles du calendrier et aux rituels (shabbat, jachère,
jubilé). C’est avec la Bible que naît l’idée d’un temps qui se déploie à partir d’un
commencement et qui va vers une fin. La théologie chrétienne, dès les premiers
conciles, tente de valoriser une linéarité qu’elle oppose aux représentations
cycliques des civilisations dites «païennes», ruinant les représentations cycliques
agricoles et fondant un temps historique unique.
Goriyâ
Assez semblable à l’histoire d’Œdipe mais dont l’issue se résout par la parole et
non par le meurtre, le mythe himalayen de Goriyâ. 89Le roi du Kumaon a sept épouses mais pas d’enfant. Il va à la chasse dans la
forêt, où il rencontre une femme d’une force extraordinaire qui puise de l’eau à
89
Extrait de l’article Les structuralismes et les mythes par John Leavitt
une source. Le serviteur du roi dit à la femme de se mettre à l’écart, pour qu’il
puisse prendre de l’eau pour le roi. La femme révèle sa nature divine. Le roi,
impressionné, la ramène pour en faire sa huitième épouse. C’est la déesse Kâli ou
Kâlindra.
La nouvelle reine tombe enceinte et, au moment de la naissance, les sept co-
épouses, jalouses, subtilisent le bébé et le remplacent avec une pierre. Kâlindra est
exilée ; les marâtres essaient de tuer le garçon de plusieurs façons, mais chaque
fois il s’en sort sain et sauf. Finalement, elles font appel à un forgeron venu de la
plaine pour faire une boîte de fer dans laquelle elles enferment l’enfant et jettent le
tout dans la rivière Kâli. Miracle : la boîte de fer flotte sur les vagues, à l’amont,
vers les hautes vallées de l’Himalaya, se tournant pour monter la rivière Gori, la
Blanche. La boîte est repêchée par un pêcheur des hautes vallées. Il la rapporte
chez lui et sa femme et lui, qui n’ont pas d’enfants, découvrent le petit et le
mettent sur les genoux de madame la Pêcheuse : le lait jaillit de ses seins. Ils
adoptent le garçon, à qui ils donnent le nom de Goriyâ, celui de la rivière Gori.
Les pêcheurs font venir un menuisier pour faire un cheval de bois pour leur enfant.
Son jeu préféré sera de chevaucher ce cheval de bois, qui acquiert des pouvoirs
magiques et vole dans l’air.
Un jour, Goriyâ chevauche son cheval qui traverse le ciel et atterrit près de la
capitale, à côté d’une source où les sept reines sont en train de puiser de l’eau. « Ô
reines, dit le petit, écartez-vous pour que mon cheval de bois puisse boire! » « Qui
dans tout ce monde, demandent les reines, a jamais entendu parler d’un cheval de
bois qui boit de l’eau? » « Ô reines aveugles, répond le garçon, qui dans tout ce
monde a jamais entendu parler d’une femme qui donne naissance à une pierre? »
Les reines reconnaissent que c’est l’enfant du roi et s’enfuient. Les nouvelles de
cet échange parviennent au roi, qui demande que l’enfant comparaisse devant lui ;
l’enfant demande que la reine Kâlindra soit invitée aussi. On met l’enfant sur les
genoux de la reine et le lait jaillit de ses seins. Goriyâ est reconnu comme prince
héritier du royaume, sa mère regagne sa place comme reine, et les marâtres sont
punies.
Héraclès
Alcmène, une mortelle, avait promis d'épouser Amphitryon, Zeus profita de
l'absence d'Amphitryon pour se métamorphoser à sa ressemblance et séduire la
Princesse. Le dieu se transforma si bien en Amphitryon que lorsqu'il se présenta à
Alcmène, celle-ci ne s'aperçut de rien, et l'aima éperdument, elle en conçut
Héraklès.
https://www.erudit.org/fr/revues/as/2005-v29-n2-as1018/011894ar/
37
Héraklès, nommé tout d'abord Alcée (le puissant) ou Palaémon (le lutteur), ne vit
le jour qu'après une gestation prolongée de quelques heures par la jalousie d’Héra.
Sa naissance retardée le priva ainsi du pouvoir que Zeus lui destinait sur le
royaume de Mycènes. Le dieu obtint cependant d'Héra la promesse que ce fils
qu'elle considérait comme illégitime, deviendrait un dieu lorsqu'il aurait accompli
douze travaux particulièrement difficiles, tous destinés à chasser de la création les
perversions contrariant l'ordre et l'harmonie de la terre. Ainsi, malgré ces
vicissitudes, le héros naquît à la fois par la volonté de Zeus et par celle du principe
d'Héra, manifestation de la Grande Déesse. Par ruse le nourrisson fut allaité au
sein d'Héra endormie, afin que le fils divin devienne un immortel. Informée de cet
allaitement involontaire, la déesse pardonna difficilement ce qu'elle considérait
comme un affront, et pour se venger suscita de redoutables ennemis au fils
d'Alcmène, utilisant de nombreux stratagèmes pour tenter de l'empêcher de mener
à bien ses douze épreuves. Elle fut donc à la fois dispensatrice de l'immortalité du
héros et responsable de la difficulté qu'il eut de vivre cet apanage réservé
d'ordinaire aux seuls dieux de l'Olympe.
En accomplissant les douze célèbres travaux, le héros, fils du Ciel Lumineux et de
la Terre, mais nourri du lait d'éternité, fut ainsi amené à diviniser totalement ce
qu'il avait de terrien par sa mère, Alcmène, et à élever sa conscience du plan
terrestre au plan spirituel en satisfaisant aux exigences de la sœur/épouse de Zeus,
Héra (la protectrice), afin de personnifier définitivement la gloire d'Héra par son
nom même Héra-klès.
Le temps de réalisation des travaux fut de douze années, soit un temps
correspondant à une révolution complète, un cycle, de la planète Jupiter autour du
Soleil. La démarche héracléenne est ainsi parfaitement associée au principe qui l'a
fait naître, à la fois sur un plan terrestre, douze mois, et sur un plan céleste, douze
ans. Ayant achevé ses douze travaux, Héraklès est devenu un connaissant et il
peut, en toute conscience, se diriger vers le passage qu'est devenue la mort à ses
yeux.
La liste canonique des douze travaux est fixée à l'époque hellénistique, en se
référant à la liste des travaux représentés sur les douze métopes sculptés du temple
de Zeus à Olympie, datant de la première moitié du Ve siècle av. J.-C. Ils
représentent chacun un signe du zodiaque : étouffer le lion de Némée à la peau
impénétrable et rapporter sa dépouille ; tuer l'hydre de Lerne, dont les têtes
tranchées repoussaient sans cesse ; battre à la course la biche de Cérynie aux
sabots d'airain et aux bois d'or, créature sacrée d'Artémis ; ramener vivant l'énorme
sanglier d'Érymanthe ; nettoyer les écuries d'Augias qui ne l'avaient jamais été ;
tuer les oiseaux du lac Stymphale aux plumes d'airain ; dompter le taureau crétois
de Minos que celui-ci n'avait pas voulu rendre à Poséidon ; capturer les juments de
Diomède mangeuses d'hommes ; rapporter la ceinture d'Hippolyte, fille d'Arès et
reine des Amazones ; vaincre le géant aux trois corps Géryon, et voler son
troupeau de bœufs ; rapporter les pommes d'or du jardin des Hespérides que
gardait Ladon ; descendre aux Enfers et enchaîner Cerbère le chien aux trois
têtes.90
Hiram
Le mythe d’Hiram, dans ce qui est appelé le grade de maître, est connu de toutes
les religions de l’Antiquité. Il peut se résumer ainsi : un dieu ou un roi bienfaiteur
est tué par ceux qui auraient dû écouter son message. Les initiés, d’abord affligés,
n’acceptent pas un tel malheur et tentent d’effacer ce crime en ressuscitant leur
maître spirituel qui revit en chaque nouvel initié. Le mythe d’Osiris servit
probablement de prototype à l’ensemble des versions de la légende d’Hiram.
La légende symbolique du troisième degré est devenue mythème91
de ce grade.
Les légendes de la pierre sont nombreuses. Il faut verser du sang (animal ou
humain) pour assurer la construction de l’édifice.
Ragon raconte dans Orthodoxie maçonnique les origines de l’usage de la légende
d’Hiram en Franc-maçonnerie. En 1646, une société de Rose-Croix, formée
d'après les idées de La nouvelle Atlantis de Bacon, s'assemble dans la salle de
réunion des free-masons à Londres. Elias Ashmole et les autres frères de la Rose-
Croix, ayant reconnu que le nombre des ouvriers de métier était surpassé par celui
des ouvriers de l'intelligence, pensèrent que le moment était venu de renoncer aux
formules de réception de ces ouvriers, qui ne consistaient qu'en quelques
cérémonies à peu près semblables à celles usitées parmi tous les gens de métier,
lesquelles avaient, jusque-là, servi d'abri aux initiés pour s'adjoindre des adeptes.
Ils leur substituèrent, au moyen des traditions orales dont ils se servaient pour les
aspirants aux sciences occultes, un mode écrit d'initiation calquée sur les anciens
mystères et sur ceux d'Égypte et de Grèce ; le premier grade initiatique fut écrit tel
à peu près que nous le connaissons. Ce premier degré ayant reçu l'approbation des
initiés, le grade de compagnon fut rédigé en 1648 et celui de maître peu de temps
après. Mais, la décapitation de Charles Ier en 1649 et le parti que prit Ashmole en
faveur des Stuart apportèrent de grandes modifications à ce troisième et dernier
grade devenu biblique.
Pour mémoire, dans le Manuscrit Graham de 1726, trois légendes y sont narrées,
la troisième concerne Hiram achevant le Temple mais ne mourant pas de mort
violente. Ce n’est qu’en 1730, sur fond d’opposition religieuse, que la Grande
Loge d’Angleterre, en majorité anglicane, remplace le corps de Noé mort par le
cadavre d’un meurtre, Hiram. Ainsi, par idéologie anglicane, la légende d’Hiram
90
Pour une interprétation zodiacale et christique des travaux d’Hercule lire le texte d’Alice Ann
Bailey à partir de la page 8474/8668 en accès sur :
http://mariada.free.fr/Alice%20Ann%20Bailey%20-%20Les%2025%20Livres%20-
%20edition%20electronique%20Girolle.pdf 91
Le mythème est exprimé par l’ensemble des rites et rituels (le ritème). Le rituel est le média
entre les membres du groupe et son mythème.
39
occulta l’interprétation calviniste, allant même jusqu’à identifier les calvinistes
aux assassins du maître bâtisseur.
La légende, qui deviendra le mythe fondateur de la Franc-Maçonnerie spéculative
et l'origine probable du 3e degré, n'est ainsi décrite pour la première fois qu'en
1730, dans Masonry Dissected de Prichard, texte entremêlant le récit de la légende
avec des indications de pratiques rituelles. L’importance de la divulgation de
Prichard n’est pas seulement de révéler pour la première fois un système en trois
grades, culminant avec le grade de maître, The Master’s Part, son originalité
profonde était de proposer la première version connue et cohérente de la légende
qui, désormais, constitue le cœur du grade de maître.
On trouve dans les sources maçonniques de très nombreuses variantes de la
légende d’Hiram telle qu’elle est rapportée par les rituels des différents rites.
Cependant, à l’analyse, on repère des points communs à tous les rites qui
structurent le récit et la mise en scène du mythe dans les rituels.
Le cadre de la légende est le chantier du Temple de Salomon, vers la fin des
travaux.
Hiram en est l'architecte. Il inspecte régulièrement le chantier. Il possède un
secret.
Les ouvriers du chantier sont divisés en trois catégories, celles des grades
maçonniques : apprentis, compagnons et maîtres.
Trois ouvriers criminels tentent d'extorquer son secret à Hiram sans attendre
de pouvoir le recevoir de manière régulière. Pour cela, ils se postent aux trois
portes du Temple.
Chacun d'eux bloque successivement le passage à Hiram et exige que celui-
ci révèle son secret. Chaque fois Hiram refuse et cherche une autre issue. Chaque
fois un des conjurés le frappe. Le troisième coup est fatal.
Les criminels emportent alors le corps hors du Temple et l'enfouissent.
Salomon ordonne qu'on recherche le corps. Il envoie pour ce faire un certain
nombre de frères [sœurs].
On retrouve le corps d'Hiram. Un végétal, généralement l'acacia, marque
l'emplacement de la tombe. La découverte du corps donne lieu à une formule
rituelle d'exclamation. Ceux qui l'ont retrouvé retournent chercher Salomon.
Celui-ci procède à l'exhumation du corps qui, après deux tentatives
infructueuses, est relevé au moyen des cinq points parfaits de la maîtrise (les cinq
points de la fraternité pour les rites anglo-saxons).
Se produisent à ce moment-là deux substitutions : le récipiendaire, qui avait joué
le rôle d'Hiram pendant la cérémonie, remplace le maître assassiné, et le secret
d'Hiram, qui n'est pas retrouvé, est remplacé par une parole substituée.
La légende d'Hiram en elle-même s'arrête ici pour les loges bleues des rites
continentaux, mais elle connaît des prolongements dans le degré de maître chez les
anglo-saxons ainsi que dans certains hauts grades maçonniques qui relatent,
notamment, la manière dont les coupables seront punis et la poursuite du chantier
du Temple de Salomon.
Agricol Perdiguier, compagnon menuisier, à propos du Devoir pratiqué par les
Enfants de Salomon écrit en 1839 : «On fait courir sur eux une vieille fable où il
est question d’Hiram selon les uns, ou d’Adoniram selon les autres ; on y voit des
crimes et des châtiments, mais je laisse cette fable pour ce qu’elle vaut92
.»
Diverses hypothèses, circonstances ou concepts ont été évoqués à partir de cette
légende : la mort réelle d’Hiram Abif ; le mythe d’Osiris ; une allégorie du soleil
couchant ; l’expulsion d’Adam du paradis ; la mort d’Abel ; l’entrée de Noé dans
l’Arche ; le parcours annuel du soleil ponctué par les équinoxes et solstices (les
trois meurtriers seraient alors les trois mois de l’année où le soleil décline) ; la
mort et la résurrection du Mithra des Perses, du Bacchus des Grecs et de l'Atys des
Phrygiens, dont ces peuples célébraient la passion ; la mort et la résurrection du
Christ, les trois assassins de maître Hiram n’étant autres que le grand prêtre juif
Caïphe, le roi de Galilée Hérode, et le gouverneur romain de Judée Ponce-Pilate ;
la persécution des Templiers et la mort de Jacques de Molay ; la mort de Charles
Ier Stuart ; une allégorie inventée par Cromwell à l’encontre des Stuart ; le meurtre
de l’archevêque de Canterbury Thomas Becket ; une invention des Jacobites pour
aider la maison des Stuart ; une représentation de l’Âge d’Or ; le drame de la
génération-régénération ; la résurrection comme dogme général ; la descente
d'Énée aux Enfers ; la révolte de Korè, Dathan et Abiram contre Moïse ; Adoram,
le préposé aux impôts du roi Roboam ; la légende de Christian Rosenkreutz ; les
rites d'initiation chamaniques (notamment en Sibérie et en Australie) ; l'Œuvre au
Noir dans le processus alchimique de préparation de la pierre philosophale (selon
René Guénon, Hiram est la transposition symbolique de la Materia Prima des
alchimistes) ; l’équivalence entre Hermès (Trismégiste) et Hiram.
Dans tous les cas, on peut comprendre cette légende à travers deux récits
différents, celui du «martyre d’un héros» d’une part, et celui du «saint fondateur»
d’autre part dans une visée hagiographique [dans une intention édifiante], comme
le dit Philippe Langlet.
La Bible fait mention de deux Adoniram או ד ו L’un qui participa aussi aux .דפי
travaux du Temple en tant que surveillant des coupeurs de bois du Liban (I Rois 5,
28) et un autre Adoniram או ד ו en I Rois, 4,6 (que l’on retrouve en Il Chroniques דפי
10, 18 sous le nom de Adhoram או ו et qui fut assassiné sous le règne de (םי
Roboam, fils de Salomon, alors qu'il collectait des impôts. Son nom est également
écrit Adoram, Hadoram.
Au sujet d'Adoniram, préposé à la perception des impôts et qui fut assassiné93
, il
est dit qu' «en 1480, on découvrit à Sagonte un corps d'une grandeur prodigieuse ;
92
On consultera les textes historiques (par ordre chronologique) sur le site : http://legende-
hiram.blogspot.fr. 93
I Rois, 4 :6 I Rois, 5 : 28
41
qu'il y avait sur la pierre qui le couvrait, l'inscription suivante, dont la traduction
nous est donnée par Billerus ; Villalpondus la regarde comme authentique : HIC
EST TUMULUS ADONIRAM SERVI REGIS SOLOMONIS QUI VENIT UT EXIGERET
TRIBUTUM ET MORTUUS EST DIE»94
.
On trouve dans la Bible un autre Hiram (או sans autre histoire qu’il fut le chef (םד
Hiram, un des chefs d’Édom (Gen, 36 :43).
Hiram et les mauvais compagnons
On retrouve, de façon à peu près analogue à travers tous les rites maçonniques
hiramiens, l’histoire des mauvais compagnons que l’on peut narrer ainsi. Les
mauvais compagnons qui étaient accoutumés à se glisser parmi les maîtres pour en
recevoir le salaire, se voyant frustrés par
l’organisation d’Hiram pour la paye,
résolurent de se la procurer à n'importe
quel prix que ce fut. Et voyant bien
qu'ils ne pourraient l'avoir qu'en ayant
la parole, la passe et l'attouchement du
maître, ils tinrent conseil ensemble de
la façon qu'ils s’y prendraient pour la
capter. Ils ne trouvèrent point d'autre
moyen que celui de se la faire donner
de gré ou de force et décidèrent de
soutirer le mot de passe à Hiram ou de
l’assassiner. Ils l’attendent à la sortie du
temple et alors que Hiram se présente à la porte de l’Occident, le maçon tente de le
forcer à livrer le secret. Hiram refuse, il est frappé à l’épaule avec une règle.
Hiram s’enfuit vers la porte du Midi où le charpentier, après un même scénario, lui
donne un coup de levier ou d’équerre. Hiram se sauve une fois encore vers la porte
de l’Orient où le mineur l’achève d’un coup de maillet. Les trois compères
emportent le corps dans un lieu retiré où ils l’ensevelissent, puis ils creusent deux
autres fosses, l’une pour ses habits, l’autre pour sa canne.
Il y a trois rebelles typiques : le rebelle à la nature, le rebelle à la science, le rebelle
à la vérité. Ils étaient figurés dans l'enfer des Anciens par les trois têtes de Cerbère.
Ils sont figurés dans la Bible par Coré, Dathan et Abiron. Les Templiers les
nomment Squin de Florian, Noffo Dei et l'inconnu qui les trahirent.
94
Claude-André Vuillaume, Manuel maçonnique, ou Tuileur des divers rites de maçonnerie
pratiqués en France, dans lequel on trouve l'étymologie et l'interprétation des noms et des mots
mystérieux donnés dans chacun des degrés des différents rites : précédé d'un Abrégé des règles
de la prononciation de la langue hébraïque ... ; et suivi du Calendrier lunaire, selon le style
hébraïque, à l'usage des institutions maçonniques, p.60
Selon la doctrine des maîtres, les mauvais compagnons sont aussi l’ambition, le
mensonge et l’ignorance, ou bien l’erreur, le fanatisme et l’orgueil. Ils sont encore
l’envie, l’avarice et l’orgueil : l’envie, qui empoisonne toute jouissance et cherche
à détruire celle du prochain ; l’avarice, qui nous rend souvent injustes et presque
toujours insensibles aux malheurs d’autrui ; l’orgueil, qui s’irrite de tout et ne
pardonne jamais (dans l’Antiquité cela portait un nom : l’hubris, ὕϐρις, c’était
le plus grand des crimes puni par le châtiment de Némésis, divin et irrévocable
puisqu’il entraîne l’anéantissement pur et simple de l’individu). Des passions
funestes par lesquelles l’homme est souvent aveuglé.
Dans la légende d’Hiram maçonnique, les scélérats sont désignés par des noms qui
varient suivant les rites ; on trouve Jubelas, Jubelos, Jubelum (Guide des maçons
écossais 1810 : «Jubelas, à la porte du sud. Jubelos, à celle de l'ouest. Jubelum, à
celle de l'est» ou Holem, Sterkin et Hoterfut, ou Abiram, Miphiboseth du nom d'un
prétendant ridicule et infirme à la royauté de David (Histoire de la magie, Éliphas
Levi, 1860), Phanor, Amrou et Habirama (qui signifie celui qui renverse le père) le
mineur, appelé aussi Méthoushaël, de son autre nom Hoben, des apprentis ou
compagnons, de corps de métier différents, furieux de s’être vus refuser la
maîtrise. Mackey, dans son Dictionnaire écrit : nous avons les trois «JJJ» dans le
York et les rites américains. Dans l'Adonhiramite système nous avons Romvel,
Gravelot, et Abiram. Dans le Rite Écossais, nous trouvons les noms donnés dans
les anciens rituels comme Jubelum Akirop, parfois Abiram, Jubelo Romvel, et
Jubela Gravelot. Schterke et Oterfilt sont dans certains des rituels allemands,
tandis que d'autres rituels écossais ont Abiram, Romvel et Hobhen. Pour le rite de
Pérignan, on trouve Kunkel, Gravelot et Abyram Akirop qui en est le mot de
passe, et dans le catéchisme du second élu nommé élu de Pérignan, «Romvel à la
porte de l'Occident, armé d'une règle, Gravelot à celle du Nord, armé d'un maillet
et Abiram à celle du Midi, armé d'un levier. Ce fut lui qui le renversa par terre et
le laissa mort».
Leurs noms portent en eux la scélératesse qui les fait agir. «Phanor, Amrou et
Méthousaël avaient pris la fuite ; mais reconnus pour de faux frères, ils périrent de
la main des ouvriers, dans les États de Maaca, roi du pays de Geth, où ils se
cachaient sous les noms de Sterkin, d'Oterfut et de Hoben». Les Rose-Croix de
Kilwinning nomment les trois assassins Gain, Hakan et Heni. Jean-Marie Ragon
écrit dans Cours philosophique et interprétatif des initiations anciennes et
modernes : «nous y trouvons la plus grande confusion ; ce sont tantôt Sterkin ou
Stolckin, Zéomet, Eléham ; tantôt Johaben ou Johabert, Elechior, Tercy ; tantôt
Toffet (de thopel, ruina), Tabaor (tebach, occisio), Edom (sanguineus).» La Bible
hébraïque les appelle Akirof, Strakine et Astrafal [sic], tandis que les traditions
islamiques les dénomment Amrou, Phanor et Métoushaël (Dictionnaire des
gnostiques et des principaux initiés de Wautier). Le Templier y voit Squin de
Florian, Noffo Dei Florentin, et l'Inconnu sur les dépositions desquels Philippe le
Bel accusa l'ordre devant le Pape, ou bien encore les trois abominables, Philippe le
43
Bel, Clément V et Noffo Dei Florentin. Le Maçon couronné, leur substituent
Judas, Caïphe et Pilate, les trois auteurs de la mort de Jésus.
Rite York. On connaît le nom des mauvais compagnons (Jubela, Jubelo, Jubelum)
parce qu’ils manquent à l’appel, ils sont tous trois originaires de Tyr. Sont présents
sur le chantier les compagnons expressément nommés (Amos, Caleb, Ezra,
Joshua, Hezekiah, Nathan, Samuel Isaiah, Aholiab, Gédéon, Haggui, Daniel). En
anglais, les 3 assassins d’Hiram sont nommés collectivement les Juwes. L'auteur
Stephen Knight a accusé la Franc-Maçonnerie d'être derrière les meurtres de Jack
l'éventreur à cause de la phrase trouvée sur un mur après le meurtre de Catherine
Eddowes : «The Juwes are the men that Will not be Blamed for nothing.»
Albert Pike relie le nom des criminels à une triade d’étoiles regroupées dans la
constellation de la Lyre et attire l’attention sur le fait qu’un ancien dieu chaldéen,
Baal (Beth, Lamed), désigné comme une incarnation du démon par les juifs,
apparaît, lui aussi, dans les trois noms Jubela, Jubelo, et Jubelum.
Gérard de Nerval, dans Les nuits du Ramazan, rapporte un témoignage : J'ai
reconnu que le premier est maçon, parce qu'il a dit : j'ai mêlé le calcaire à la
brique, et la chaux tombera en poussière. Le second est charpentier ; il a dit : j'ai
prolongé les traverses des poutres, et la flamme les visitera. Quant au troisième, il
travaille les métaux, voici quelles étaient ses paroles : j'ai pris dans le lac
empoisonné de Gomorrhe des laves de bitume et de souffre; je les ai mêlées à la
fonte. En ce moment, une pluie d'étincelles a éclairé leurs visages. Le maçon est
Syrien et se nomme Phanor ; le charpentier est Phénicien, on l'appelle Amrou ; le
mineur est Juif de la tribu de Ruben, son nom est Méthousaél.
MM. Ils sont nommés dans un rituel du rite de Misraïm de 1820 : Hakibouth (à la
porte du midi), Hahemdath (à celle d’occident) et Haghebouroth (à celle de
l’orient), noms hébreux qui signifient orgueil, ambition et cupidité.
Les trois mauvais compagnons qui assaillent le maître sont les avatars de l'erreur
symbolisée par le renversement du symbolisme de la règle (image de la vérité), du
fanatisme symbolisé par l'équerre (image de la rectitude), de l'autorité du Maillet
mais autorité que l'on tente d'usurper par l’orgueil.
Les scélérats utilisent des outils, sans la connaissance de ceux-ci, pour tuer le
Maître Bâtisseur. Le premier outil, la règle utilisée sans le compas par le félon,
c’est l’imagination exaltée qui poursuit jusqu’à l’infini ses propres envies, en
dehors de toute réalité. Le deuxième outil, le levier populaire (ou l'équerre selon
les rites, ou le rouleau dans le Rituel Luquet) devient l'instrument de la tyrannie
entre les mains de la multitude et attente, plus encore qu’à la règle, à la royauté de
la sagesse et de la vertu. Le troisième coup létal est donné avec le maillet, l’outil
du Vénérable ! Ceci fait référence à la dualité du savoir et de la nature. Cet aspect
de la légende nous apprend que le savoir altéré ou contrefait ne sert plus à la
construction mais à la destruction. «Nous allons nous émanciper de l'esclavage
mental parce que alors que d'autres pourraient libérer le corps, aucun sauf nous-
mêmes ne peut libérer l'esprit. L'esprit est votre seul souverain, souverain.
L'homme qui n'est pas capable de se développer et d'utiliser son esprit est
forcément l'esclave de l'autre homme qui utilise son esprit.» (Marcus Garvey).
Pour la plupart des rites qui retiennent l’aspect moral de la légende, les assassins
d'Hiram sont les vices qui empêchent de parvenir à un état de perfection, les neufs
maîtres à la recherche du corps d’Hiram sont les vertus et les devoirs
maçonniques.
Il ne faudrait pas écarter l’interprétation de la mort d’Hiram comme celle du cycle
solaire et alors les trois compagnons sont les signes zodiacaux d'hiver, ceux qui
donnent la mort à Hiram : la Balance, le Scorpion et le Sagittaire qui, vers le
milieu de l'automne, occupent ces trois points du ciel, en sorte que le premier se
trouve vers le déclin ou à l'occident, le second à son ascension droite au midi, et le
dernier commence à paraître au levant, ce qui est figuré par la porte d'orient où
Hiram meurt ; comme le soleil meurt dans le Sagittaire et renaît immédiatement ou
recommence une année nouvelle dans le Capricorne. Les trois assassins
correspondent aux trois signes d'automne, qui causent la mort de l'astre du jour. Le
nom Abi Balah (meurtrier du père), que porte le plus coupable, désigne
suffisamment le Sagittaire, constellation qui donne en effet la mort au soleil, père
de toutes choses (rerum omnium pater).
Avec Jean Marie Ragon (Cours philosophique et interprétatif des initiations
anciennes et modernes), c'est ici le lieu de remarquer l'effet perpétuel des sens
équivoques de la plupart des mots dans les traductions ; nous citerons, pour
exemple, les deux mots tuer et ressusciter. Tuer est traduit du mot latin occidere,
d'où nous avons fait occident, et ce mot si usuel ne représente à notre esprit ni
meurtre, ni assassinat, ni rien de révoltant, parce que l'occident, en style
allégorique, est l'être, le temps, ou le point du monde qui tue, parce qu'il fait
disparaître le soleil, et alternativement tous les astres ; de même, par une
métamorphose hardie, nous trouvons le mot resurgere, traduit par le mot
ressusciter, quoique ce verbe latin n'ait jamais signifié revenir à la vie, mais bien
se lever une seconde fois, se lever de nouveau, ce qui convient parfaitement au
soleil.
Mais faut-il pour autant condamner à mort les mauvais compagnons ? Un
plaidoyer très argumenté, notamment au plan initiatique, peut être consulté sur :
http://www.ledifice.net/7077-C.html.
Innana
Les anciens textes sumériens décrivent plusieurs divinités, masculines et
féminines, mais une déesse était vénérée plus que toutes autres divinités, pendant
des milliers d'années. C'est Inanna, la Grande Déesse adorée depuis le début de la
culture sumérienne. Elle s'est transformée en Ishtar plus tardivement en
Mésopotamie, en Anat et Atargatis en ancienne Syrie, en Ashtoreth et Astarté à
Canaan et Israël, en Aphrodite à Chypre, en Athéna et Aphrodite en Grèce.
45
Un ancien poème provenant de Nipur, un centre culturel et spirituel à Sumer,
rapporte l'histoire de la descente d'Inanna dans le monde d'en bas. Au milieu de
son règne en tant que reine des Cieux et de la Terre, Inanna décide de descendre
dans le Monde d'en bas, le royaume de la mort gouverné par sa sombre sœur,
Ereshkigal. Prévoyante, elle donne instructions à sa ministre, la déesse Ninshubar,
d'attendre son retour dans trois jours. Si au bout de trois jours elle n'était toujours
pas revenue, Ninshubar se lamenterait en battant le tambour pour elle. Inanna doit
passer par sept portails dans sa descente. À chaque portail, elle est forcée
d'abandonner des éléments de construction de son identité culturelle et sociale.
Lorsqu'elle atteint enfin la dernière chambre caverneuse où se trouve Ereshkigal,
elle est complètement nue et abaissée.
Les sept portes à travers lesquelles Inanna passe et descend dans le Monde d'en
bas rappellent les sept niveaux de la ziggurat, comme les septs chakras du corps
psychique hindou, et représentent les sept niveaux de conscience. Inanna doit
descendre du plus haut niveau de sa divinité jusqu'à l'état le plus primitif de
conscience.
Ereshkigal et les sept juges du Monde d'en bas entourent l'impuissante déesse et
posent leur jugement contre elle. Parce qu'elle a traversé le royaume des morts,
elle aussi doit mourir. Elle est tuée et son cadavre est suspendu sur un crochet à
viande. Après trois jours et trois nuits, Ninshubar se met à se lamenter, battant son
tambour, se plaignant aux dieux afin qu'Inanna revienne. Enki, le dieu de l'eau et
de la sagesse, envoie deux esprits asexués qui libèrent Inanna en lui donnant la
nourriture et l'eau de vie. Lorsqu'Inanna est ressuscitée, elle peut retourner chez
elle, mais à une condition : elle doit trouver quelqu'un pour la remplacer dans le
Monde d'en bas.
Sa renaissance préfigure dans les rites de résurrection des cultes à mystères qui ont
fleuri dans le monde classique et dans lesquels les initiés recevaient leur vie
nouvelle grâce au corps et au sang d'une divinité. Ce concept est symboliquement
repris dans les rites de communion chrétiens.
Maître Jacques
Le compagnonnage du Devoir (ou du Saint-Devoir de Dieu comme on le nomme
parfois) prétend avoir été créé par un personnage fabuleux nommé Maître Jacques.
Dans l'antique tradition des Compagnons passants de la fraternité dite des «enfants
de Maître Jacques», et chez les actuels Compagnons passants des devoirs, Jacques
est un pyrénéen originaire de Carte. Il fut mandé par Hiram de Tyr, pour le compte
du roi Salomon, afin de construire le Temple de Jérusalem aux alentours de 900
avant Jésus-Christ. C'est un jars, un maître tailleur de pierres, initié à la nature de
la pierre et la légende note bien qu'il taillait la pierre depuis l'âge de quinze ans.
Cette même légende donne Maître Jacques comme responsable de la colonne
Jakin et peut-être également de la colonne Boaz du premier Temple de Jérusalem.
Pour Perdiguier, il bâtit deux colonnes dodécagones, la colonne Vedrera et la
colonne Macaloe. Sur ces colonnes étaient sculptées diverses scènes de l’Ancien
Testament : la chute d’Adam et Ève, le songe de David ainsi que des épisodes de
la vie de Maître Jacques lui-même.
Certains légendaires racontent que, le Temple achevé, Jacques quitta la Judée en
compagnie d’un autre maître, Soubise, avec lequel il se brouilla bientôt et dont il
se sépara. Le navire qui portait Soubise aborda à Bordeaux. Jacques débarqua à
Marseille avec ses treize compagnons et ses quarante disciples. Il voyagea encore
trois années pendant lesquelles il eut à se défendre contre les embûches des
disciples de Soubise qui un jour l’assaillirent et le jetèrent dans un marais ; il
parvint à se cacher derrière des joncs. Ses disciples arrivèrent et le secoururent.
Enfin Jacques se retira en Provence dans l’ermitage de la Sainte-Baume. L’histoire
de sa fin paraît avoir été calquée sur le récit de la Passion du Christ. Un de ses
disciples, l’infâme Jéron (nommé aussi Jamais), le trahit. Un matin, alors qu’il
était en prières dans un lieu écarté, Jéron vint le trouver, lui donna le baiser de la
paix, c’était le signal convenu. Cinq assassins se jetèrent sur Maître Jacques et le
percèrent de cinq coups de poignard. Il vécut cependant encore quelques heures et
put, avant d’expirer, faire ses adieux aux compagnons tardivement accourus. Au
moment de mourir, il donna le baiser de paix à ses frères et leur recommanda de le
donner aux futurs initiés afin que la tradition ne soit pas interrompue : «s’ils sont
fidèles à leur Devoir, je les protègerai.»
Maître Jacques, assimilé à Osiris, fut symboliquement découpé en morceaux, son
chapeau alla aux chapeliers, sa tunique aux tailleurs, son manteau aux menuisiers,
sa ceinture aux charpentiers, son bourdon aux charrons et ses sandales aux
serruriers. Ce qui fut dispersé c’est ce qu’il représentait : tous les corps de métiers.
Mithra
Mithra est une divinité indo-européenne. Plusieurs documents hittites confirment
son existence dès le IIe millénaire avant J.-C.
Le nom Mithra est formé du persan mithri ou mether qui signifie Seigneur, titre
que donnent au dieu Mithra quantité d’inscriptions, en particulier Julien l’apostat
qui l’appelait tantôt Roi de toutes choses, tantôt Seigneur, ici témoin, là père et
quelque fois protecteur. Les Gaulois avaient la même idée que les Perses et les
Romains, ils qualifiaient le soleil de Seigneur de l’Empire romain.
En l'absence de textes sur le mithraïsme, écrits par les adeptes eux-mêmes, les
principales sources d'information exploitables sont les images sacrées trouvées
dans les mithræa.
Mithra naît d’une roche féconde, la Pétra géneratrix, au pied d’un arbre sacré,
près d’une source cultuelle, avec un bonnet phrygien sur la tête, un couteau de
chasse dans une main et un flambeau dans l’autre. Des bergers, venus adorer
l’enfant dieu, prirent soin de lui et lui offrirent du bétail et des fruits de la terre.
47
Étant nu, il coupe les feuilles d’un figuier et s’en fait un pagne, cueille les fruits et
les mange. Puis il se met en marche pour affronter les puissances qui peuplent
l’univers.
Il rencontre le taureau primordial qui paissait dans les montagnes, décide de le
monter mais, dans le galop sauvage de la bête, Mithra tombe et s’accroche aux
cornes de l’animal. La bête épuisée, Mithra l’attache et la charge sur ses épaules.
Ce voyage avec le taureau se nomme Transitus.
Quand Mithra arrive dans la grotte, un corbeau envoyé par le Soleil lui annonce
qu'il devrait faire un sacrifice. Flanqué de deux dadophores (qui portent des
torches), Cautès et Cautopatès, représentant respectivement le lever et le coucher
du soleil, un genou sur le taureau, Mithra plante un couteau dans sa gorge tournant
les yeux vers le corbeau, messager du Soleil. Touché au cœur le taureau
s’effondre. De la colonne vertébrale du taureau sort du blé, et de son sang coule du
vin.
Furibond, l’esprit du mal Angra Mayniu se déchaîne contre les bienfaits du
taureau qu’il décide d’anéantir, en envoyant des animaux impurs pour détruire la
source de la vie. Arrivent alors le chien qui mange le grain, le scorpion qui serre
les testicules de la bête avec ses pinces, le serpent buvant le sang de la blessure.
Mais la Lune, fidèle compagne du Soleil, avec son aide, rassemble et purifie la
semence du taureau pour parachever le travail de Mithra, donnant naissance à
toutes sortes d’animaux utiles. Furieux, Angra Mayniu, dépêche une multitude de
calamités contre les hommes dont un déluge destiné à rayer l’humanité de la
création. Heureusement Mithra veillait et avertit un homme qui construit une
arche solide pour sauver les créations terrestres.
À court d’imagination, l’esprit du mal Angra Mayniu, cesse provisoirement toutes
tentatives contre les hommes.
Après avoir accompli la mission que le dieu Ahura Mazda lui avait confiée,
Mithra participe, avec son vieil ami le Soleil à un dernier banquet solennel, ou il
mange le pain et bu le vin. Ensuite il s’élève au ciel où il continuera de vivre
veillant sur les hommes et les protégeant du mal.
Quant au taureau sacrifié il fut élevé au ciel où il devint une constellation.
Le mythe de Mithra n’est pas sans rappeler des éléments d’autres traditions.
Comme il leur est antérieur, on peut se poser la question de l’influence de ce
mythe sur celles de la création, du déluge, du solstice, de l’eucharistie, de
l’ascension et pourquoi pas de la Franc-maçonnerie.
Nêr
Hénoch, après avoir visité la création et discuté avec dieu, est retourné auprès de
sa famille afin de régler ses affaires et transmettre les livres qu'il a écrits à son
peuple. Dieu lui avait donné 30 jours avant de le rappeler à lui. Après moult
conseils, préceptes et exhortations, Hénoch parti, ce fut Mathusalem qui devint
prêtre et remplaça son père Hénoch. À la mort de Mathusalem, c'est Nêr qui
devint prêtre.
Ce dernier avait une femme, Sophonim. Celle-ci trop âgée pour enfanter, délaissée
par son prêtre d'époux depuis qu'il fut désigné comme prêtre par dieu, était malgré
tout enceinte. Nêr finit par le découvrir, échangea quelques mots avec son épouse
qu'il accusa, bien sûr, d'infidélité. Celle-ci lui expliqua qu'elle ignorait tout de son
état. Elle finit par tomber aux pieds de Nêr, morte. Nêr, fortement perturbé appela
son frère Noé. Celui-ci rassurant, proposa d'aider Nêr à creuser une tombe en
secret pour son épouse décédée et, surtout, sa grossesse qui arrivait à terme. Les
deux hommes étendirent Sophonim sur un lit, l'habillèrent de noir et partirent
creuser une tombe.
Or, de retour dans la pièce où ils avaient laissé le corps de Sophonim, ils
découvrirent un jeune enfant. Ce dernier, venant de naître, se tenait assis, parlait et
louait dieu. Les deux hommes lavèrent et habillèrent l'enfant de vêtements de
sacerdoce (prêtre). Ils changèrent Sophonim pour la revêtir de plus beaux
vêtements, et lui construire un autre tombeau plus glorieux et moi anonyme. Enfin,
ils appelèrent l'enfant Melchisédech. «Et Noé dit à son frère : «Garde l'enfant en
cachette jusqu'au moment favorable, parce que le peuple est devenu méchant sur
toute la terre, et de quelque façon ; le voyant, ils le feront mourir».
Nêr s'occupa ainsi de Melchisedech. Or, le temps était passé, la destruction
promise par dieu étant inéluctable, Nêr demanda à dieu de sauver l'enfant du
massacre à venir. Dieu lui répondit «[…] mais pour l'enfant n'ait pas de souci, Nêr,
parce que moi, dans peu de temps, j'enverrai mon archistratège Michel, et il
prendra l'enfant et le placera dans le jardin d'Éden […] et il sera mon prêtre des
prêtres, je le sanctifierai ; et je le changerai en un grand peuple qui me
sanctifiera.» Nêr bénit dieu t : «[…] parce que ta parole a donné un grand prêtre
dans la matrice de Sophonim ma femme. Car je n'ai pas de descendance et cet
enfant me tiendra lieu de descendance, il deviendra comme mon fils, et tu le
compteras parmi tes serviteurs [….] et Mélchisedech sera la tête des prêtres dans
une autre race.»
Quarante jours après cet échange, l'Ange Michel fut envoyé, comme prévu,
récupérer l'enfant. Dans un premier temps, Nêr ne le reconnut pas, refusa de le
remettre craignant que l'enfant soit tué par le «peuple pervers95
».
Noé
Noé aurait vécu 950 ans, ayant eu trois fils : Sem, Cham et Japhet. Son histoire est
contée dans la Bible (Genèse 6 à 9).
Comme les héros sumériens qui avaient pour nom Ziusudra (Vie prolongée),
Atrahasis (Très sage) ou Utnapistim (celui qui a trouvé la vie), avant le déluge,
Noé rassembla ce qui était épars dans l’arche (téva, תבם), caisse flottante pour
95
http://misraim3.free.fr/judaisme/Le_Livre_des_Secrets_d_Henoch.pdf page 21)
49
sauver le vivant de la création du déluge annoncé. Il aurait peut-être aussi emporté
des connaissances écrites ou symboliques assurant la transmission essentielle d’un
savoir autant spirituel, culturel que technique et scientifique, un résumé des
principales connaissances de son époque. Il est à remarquer que les bâtisseurs
d’empire naissent dans une corbeille flottant sur les eaux (Osiris dans un coffre-
panier sur le Nil, Sargon fondateur de l’empire d’Akkad sur l’Euphrate, Moïse sur
la mer des roseaux, Romulus et Rémus sur le Tibre). Le sarcophage est en même
temps une corbeille pleine de vie. Se reporter sur
https://www.youtube.com/watch?v=QcgoXyGToWY&feature=youtu.be&t=1s.
Une tablette mésopotamienne d'argile, présentée au British Museum de Londres,
vient bousculer ce que l'on savait du mythe. En décryptant les 60 lignes en
cunéiforme (la plus ancienne écriture du monde) présentes sur ses deux faces,
Irving Finkel, éminent assyriologue britannique, a en effet découvert que celle-ci
recélait un trésor : la description détaillée de la construction même de l'arche,
destinée à sauver de la noyade un couple de chaque espèce présente sur Terre,
plus de mille ans avant celle figurant dans le livre de la Genèse. Et, surprise :
l'arche est... ronde, c’était un coracle. Pour la première fois, les dimensions
précises de l'embarcation, sa taille et sa forme sont clairement décrites. Avec cette
particularité remarquable qui veut que le héros nommé Atrahasis, sorte de proto-
Noé babylonien, façonna une arche ronde. Dans cette tablette, le dieu Enki
apprend ainsi à Atrahasis que la base de l'embarcation doit couvrir une superficie
de 3600 m2 et que son diamètre est de 70 m
96.
De l’arche nautique à l’Arche d’Alliance, les Hébreux ont emporté leur Dieu pour
l’installer dans le Saint des saints du Temple de Jérusalem, fixateur et
centralisateur de sainteté. Ce lien est inscrit dans les dimensions de la téva qui
répondaient à une géométrie sacrée. La Torah rapporte les dimensions de l’arche
de Noé ; sa hauteur faisait 30 coudées, sa largeur 50 et sa longueur 300 coudées
(Gen 6,15). Cela permet de les rassembler avec la lettre vav (le flux vital) pour
donner le mot, de quatre lettres équivalant à lashon, la langue en hébreu (לשדח,
laméd ל valeur 30, noun valeur 50, shin ש valeur 300 et vav valeur 6). Dans ce
sens, les dimensions de l’arche (la téva ב ם , qui veut dire aussi le «mot»)
répondent à une géométrie sacrée liée à celles du tétragramme YHVH. En effet, en
multipliant les deux premières lettres du Tétragramme, (Yod par Hé, 10x5=50), on
96
explique Irving Finkel qui a dû effectuer de longs calculs de conversion pour transcrire les
unités de mesure antiques (consulter un exposé très clair de la narration babylonienne du déluge
et de la construction de l’arche sur :
https://www.youtube.com/watch?v=zH9W8yAIPb8 et sur
https://www.youtube.com/watch?v=7JG1m6uPMQc)
Et pourquoi ne pas poursuivre l’incompréhension de l’arche de Noé tout en s’amusant sur ? :
http://www.nioutaik.fr/index.php/2011/03/18/613-larche-de-noe-cest-vraiment-nimporte-
quoi%3C/a).
obtient la dimension en largeur de l’arche. Celle des trois premières lettres Yod
par Hé par Vav (10x5x6 =300) donne la longueur de cette construction. Enfin, la
multiplication des deux dernières lettres du Tétragramme (Vav par Hé, 6 x 5 =
30) correspond à la hauteur de la Téva.
L’arche, qui ouvrait les portes sur une nouvelle humanité, est également en
relation avec le Beith Ha Miqdash, le Saint Temple. La compartimentation en trois
parties de la Téva le confirme ; elle reproduisait les trois divisions du Temple de
Jérusalem : le Saint des Saints, le Lieu Saint et la Cour.
L'iconographie chrétienne a pris l'Arche de Noé pour symbole de l'Église. Dans les
bas-reliefs et les vitraux des églises du Moyen Âge, l'Arche est souvent
représentée sous la forme d'un navire que surmonte une maison; quelques
personnages montrent la tête aux fenêtres, Noé laisse échapper une colombe.
En 1936 fut découvert le Manuscrit de Graham datant de 1726 qui serait la copie
d’un document plus ancien rapportant cette légende de Noé qui ne figure pas dans
la Bible. Sem, Cham, et Japhet s’approchèrent de la tombe de leur père Noé,
espérant découvrir le secret sauvé des eaux qu’aurait détenu celui-ci. Ils se mirent
d’accord pour adopter comme secret, s’ils ne trouvaient le véritable secret, la
première chose qui tomberait sous leur regard. Ils ne trouvèrent qu’un cadavre en
cours de décomposition, ils tirèrent un doigt qui se détacha de lui-même, puis le
poignet, puis le coude ; ils relevèrent le corps mort et le soutinrent en plaçant
pied contre-pied, genou contre genou, poitrine contre poitrine et joue contre joue.
Puis ne sachant que faire, ils reposèrent le cadavre et l’un dit «il y a de la moelle
dans cet os», le second dit «l’os est desséché», le troisième dit «ça pue». Ils
prononcèrent le nom considéré aujourd’hui comme mot de substitution MB.
La traduction de marrow in the bone, «la moelle dans l’os» serait l’une des
origines du mot substitué et peut s’expliquer symboliquement par «la sève qui est
dans l’arbre», la lumière est intérieure et elle transcende la forme apparente de la
mort.
Une des raisons qui a fait abandonner Noé au profit d'Hiram, pourtant presque
inconnu dans la Bible, est sans doute que l’acte héroïque d’Hiram, qui préfère la
mort plutôt que de dévoiler les secrets, est plus prestigieux, ou tout du moins plus
efficace, que le cas de Noé qui, lui, est mort de vieillesse.
Odin
Odin est le dieu principal de la mythologie nordique. Son rôle, comme pour la
plupart des dieux nordiques, est complexe, étant donné ses fonctions multiples :
dieu du savoir, de la victoire et de la mort. Dans une moindre mesure, il est
également considéré comme le patron de la magie, de la poésie, des prophéties, de
la guerre et de la chasse.
Odin est représenté comme un homme âgé, barbu et borgne. Il est une divinité
polymorphe. Il se déplace sur un cheval à huit jambes nommé Sleipnir, armé de sa
lance Gungnir. Lorsqu'il est dans son palais, la Valhöll, les deux corbeaux Hugin
51
(la pensée) et Munin (la mémoire) lui racontent à l'oreille ce qu'ils ont vu des neuf
mondes. De plus, deux loups, Geri et Freki, restent à ses pieds. Son trône,
Hlidskjalf, lui permet de voir tout ce qui existe dans les neuf mondes. Mimir est un
géant, incarnation de la mémoire dans la mythologie germanique. «Odin voulait
connaître les runes et les révéler. Les runes, ces signes mystérieux, écriture secrète
et magique, symboles d’une connaissance interdite auxquelles les dieux n’avaient
pas accès. Neuf jours et neuf nuits, il médita dans l’ombre protectrice d’Yggdrasil.
Puis il demanda aux autres dieux de réaliser son désir. C’était un véritable
sacrilège que de réclamer ce pouvoir interdit aux dieux, aussi refusèrent-ils. Alors
Odin demanda l’arbitrage des Nomes. Les gardiennes des portes sombres, après
réflexion, lui furent favorables, mais elles lui imposèrent de terribles conditions.
Odin accepta le sacrifice, en toute connaissance de cause. Il se pencha sur la
fontaine de Mimir. Comme il ne voyait rien, il sacrifia son œil droit, qui tomba
dans la source sacrée. Alors il vit. Il vit les temps infinis, la profondeur de la
mémoire, le passé et le futur des hommes. Puis, il se perça le flanc de sa lance et
les dieux le pendirent, la tête en bas, par un pied, sur l’if sacré où il était né. Tous
les bourgeons de l’arbre se mirent à saigner. Pendant neuf terribles nuits de
souffrance, le dieu borgne resta suspendu à Yggdrasil. Neuf nuits, comme il faut
neuf mois pour faire un homme... Alors que les ténèbres cédaient la place au
soleil, le dieu fut illuminé par la lumière des runes enfin révélées. En découvrant
les runes, Odin devint «le prince du pouvoir gravé». Odin enseigna qu’il faut
utiliser les runes dans toutes les circonstances de la vie, car elles sont un guide,
une aide, elles sont l’espoir des désespérés, les fidèles compagnes du cœur brisé
par la solitude».
Il était un Dieu ase de la sagesse et une des deux divinités envoyées en échange de
la paix aux Vanes. Mais ces derniers, en réalisant qu’ils avaient été bernés,
décapitèrent le Dieu et envoyèrent sa tête aux Ases. Toutefois, Odin l’enduisit
d’une mixture d’herbes pour qu’elle ne pourrisse pas et il l’enchanta de sortilèges.
Une fois ramenée à la vie, la tête était capable de parler et de révéler des secrets
occultes, de nombreuses vérités que personne d’autre ne connaît. Odin la plaça
sous les racines d’Yggdrasil près du puits au même nom que la tête momifiée. Il
devient ainsi le gardien de la Mimisbrunn, la «source de Mimir», source qui
renferme la sagesse et l’intelligence.
Œdipe
Dans la mythologie grecque, Œdipe était le fils de Laïos et de Jocaste. Pour
échapper à la prédiction d'Apollon, qui prétendait qu'il serait tué par son propre
fils, Laïos ordonna à un serviteur d'abandonner l'enfant sur le Mont Cithéron, avec
ses deux pieds cloués, pour qu'il soit dévoré par les bêtes sauvages. Mais, au lieu
de cela, le serviteur le confia à un berger qui plus tard le donna au roi de Corinthe
Polybe et à sa femme Mérope, sans descendance. Ils l'appelèrent Œdipe (Oidipous
signifiant pieds enflés) et l'élevèrent comme leur fils. Œdipe grandit et des
rumeurs laissent entendre qu'il n'est pas le fils de ses parents. Il presse Mérope de
lui dire la vérité, mais les réponses de cette dernière sont énigmatiques. Il consulte
alors la Pythie de Delphes (son voyage à Delphes, qu'il entreprit seul, avait pour
but de lui permettre d'entendre l'oracle d'Apollon, le dieu de la Lumière et de la
Vérité) qui prédit, sans lever le secret de ses origines, qu'il tuera son père et
épousera sa mère.
Son parcours le conduit ensuite près du Mont Cithéron où il avait été exposé à la
mort lorsqu'il était enfant. Ce lieu néfaste représente en réalité la remise en acte de
ce qui s’était produit des années auparavant, à cet endroit précis, dans des
circonstances qui furent gravées dans sa mémoire de manière ineffaçable. Se
rappelant la malédiction fatale de la prophétesse, Œdipe entend résonner la
sentence de mort énoncée par son père. Œdipe fut pris de vertige, ce qui confirme
l’émergence du traumatisme précoce. En sortant du temple, il revit la dissociation
des émotions générées par l'acte brutal, raison pour laquelle il lui sembla que son
cœur devenait pierre. Au carrefour, un vieil homme arrogant et vindicatif qui se
trouve devant Œdipe n'est autre que Laïos, son bourreau, entouré de ses hommes
de main. Le fils est maintenant un guerrier porté par l'énergie de sa rage si
longtemps réprimée. Il peut revivre l'extrême violence qui lui fut infligée par ces
mêmes protagonistes et résoudre enfin l'origine même de sa névrose. Lorsque son
père lève sa main, il se soustrait à la mort en assommant celui-ci et en tuant ses
gardes du corps. Son emportement fatal révèle, en fait, la brutale cruauté de l'ordre
patriarcal incarné par le père.
Comme Freud qui pensa Œdipe à partir de celui de Sophocle, le psychiatre
japonais Kosawa aborda le complexe d’Ajase à partir d’un personnage tiré d’un
récit du moine bouddhiste Shinran qui vécut au XIIe siècle. On y retrouve
l’ambivalence, le meurtre, le destin et une notion connue sous l’expression
«rancune prénatale».
En reprenant ce type de motif allégué dans ces légendes, les mauvais compagnons,
qui tuent le maître, ne seraient-ils pas des travailleurs opprimés par un mauvais
patron qui refusait toute augmentation de salaire ? Ne seraient-t-ils pas les révoltés
d’un ordre pesant, injuste et fermé ? Les rites de restructuration et de purification
ne relèvent-ils pas d’un sentiment de culpabilté, voire d’une psychose
obsessionnelle ?
Osiris
Une des narrations les plus complètes du mythe d'Osiris est celle de Plutarque97
,
dans son De Iside et Osiride dont il a eu, on ne sait comment, une connaissance
plus complète qu'aucune source égyptienne, y compris celle des Textes des
Pyramides. Les autres sources possibles sont : le Livre des Morts, les textes d'une
97
https://arbredor.com/ebooks/IsisOsiris.pdf
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stèle qui se trouve au Louvre, d'autres textes divers de l'Égypte antique, les
recherches de spécialistes de l'Égypte ancienne. Les mystères égyptiens ont été
célébrés en l'honneur d'Isis et d'Osiris, les premiers symbolisés par la Lune et les
seconds par le Soleil. Nous avons peu de détails authentiques, mais nous savons
qu'Isis correspond au grec Déméter et au latin Cérès, et Osiris au grec Dionysos et
au latin Bacchus.
Alors qu'il revient victorieux d'une longue campagne de conquêtes, Seth profite
des fêtes organisées à cette occasion pour inviter son frère Osiris à un banquet. Au
cours de la soirée, il le met au défi de s’allonger dans un grand coffre. Lorsque ce
dernier y fut couché, Seth l’enferme et jette le coffre dans le Nil.
Isis, la Sœur-Épouse d’Osiris, part à la recherche de son âme afin de le ramener à
la vie. Isis déchire ses vêtements et parcourt le monde à la recherche du coffre
dans lequel «le Bienveillant» a été enfermé. Cependant de retour, elle ne ramènera
pas Osiris car ceux qui descendent en ces lieux ne peuvent pas revenir et c’est
seulement l’amour d’Isis, symbole de la régénération et de la vie éternelle qui
permettra de retrouver le corps. Durant le voyage d’Isis aux enfers, le coffre
contenant le corps, entraîné par la mer, atteint les côtes de Phénicie où il s’échoue
aux pieds d’un acacia, ou d’un tamaris, selon les versions. La quête dura si
longtemps que le tronc de l’acacia recouvrit la boite contenant le corps d’Osiris.
Le roi de Byblos, occupé à faire construire son nouveau palais, fait abattre l'arbre
afin d’en faire l’une des deux colonnes qui doivent en décorer l’entrée. Isis entend
parler de l’odeur qui s’échappait du tronc alors qu’on le coupait. Elle en comprend
aussitôt la signification et se rend en Phénicie où on lui remet la colonne
prodigieuse. Elle ouvre la colonne de bois et en retire le cercueil de son époux
qu'elle arrose de ses larmes. Elle le ramène en Égypte et le cache au fond des
marais afin que Seth ignore que le corps a été retrouvé. Mais au cours d’une
chasse, ce dernier découvre le coffre. Furieux qu’Osiris soit encore entier malgré
le temps écoulé, il décide de découper le cadavre en quatorze morceaux qu'il
disperse à travers le pays. Le nombre de morceaux du corps d'Osiris varie selon les
sources, de quatorze à quarante-deux. Les deux versions du Papyrus Jumilhac
mentionnent quatorze morceaux collectés par Isis en douze jours, ce qui
correspond à la durée de la fête du labour. Selon Diodore de Sicile, Typhon (autre
nom de Seth, frère d'Osiris, principe du mal, des ténèbres et de la stérilité) découpa
le corps de sa victime en vingt-six morceaux, un par conjuré. On donna à chacun
une apparence momiforme avant de l'ensevelir. Enfin, la géographie sacrée
d'Edfou mentionne autant de morceaux que de nomes (circonscriptions
administratives de l’Ancienne Égypte), soit quarante-deux. Le corps démembré
d'Osiris, dont l'inondation refait l'unité, se confond ainsi avec la terre d'Égypte. Ici,
les quatorze morceaux représentent ceux qui sont retirés à la lune, dans la phase
descendante, jusqu'à sa disparition totale. La quête d'Isis et la reconstitution du
corps illustrent, au contraire, la phase ascendante, jusqu'à la réapparition de la
pleine lune, reconstituée, l'œil oudjat.
Isis se met à la recherche des morceaux. Elle les retrouve tous à l’exception du
sexe, dévoré par un oxyrhinque (ou un brochet du Nil). Aidé par Anubis, Thot et
Nephtys, elle recompose le corps démantelé en douze parties et le momifie.
Ramené à la vie par ces pratiques et désormais à l'abri de la mort, Osiris se retire
dans les mondes souterrains, il laisse alors le trône du monde visible à son fils
Horus qui deviendra le modèle des rois à venir.
C'est au 17ème
jour du mois d'Athyr que la mythologie égyptienne place la mort
d'Osiris : c'est l'époque où la pleine lune est surtout visible. Aussi les
Pythagoriciens appellent-ils ce jour «interposition», et ont-ils pour le nombre 17
une complète répugnance. En effet, entre le carré seize (4x4) et le rectangle dix-
huit (6x3), qui sont les seuls nombres de surfaces planes dont les périmètres se
trouvent égaux à leurs aires, vient tomber le nombre dix-sept qui disjoint ces deux
nombres, s'interpose entre eux et divise leur rapport en deux parties inégales.
Ainsi, sorti de sa gangue d’acacia, dépecé et recomposé, avec l’aide de trois
autres divinités, Osiris sera relevé et momifié (le papyrus du Livre des Morts
d'Ani, découvert à Thèbes en 1887 par Wallis Budge comporte une invocation toute
spéciale : Hommage à toi, ô seigneur de l'Acacia). C’est seulement à l’issue de
cette restructuration et de cette préparation à l’éternité qu’Osiris pourra reprendre
son voyage. Ses os sont d’argent, ses chairs d’or, ses cheveux de lapis-lazuli.
Platon, Thalès, Eudoxe, Apollonius et Pythagore avaient rapporté d’Égypte ce
principe, vrai ou faux, que dans l’économie de l’univers la vie sort du sein du
trépas ; ce principe fut présenté sous l’allégorie d’Osiris expirant pour renaître
sous le nom d’Horus.
Le 3ème
grade se nommait en Égypte «porte de la mort». Le cercueil d’Osiris, dont
l’assassinat était supposé récent, s’élevait au milieu de l’emplacement où se faisait
la cérémonie. On demandait à l’aspirant s’il avait pris part au meurtre d’Osiris. Il
était frappé, ou on feignait de le frapper, à la tête d’un coup de hache, il était
renversé, couvert de bandelettes de momie, des éclairs brillaient, le mort supposé
était entouré de feu. Assimilé à Dionysos, Osiris illustrait la théologie néo-
orphique : la cosmogonie conçue comme un autosacrifice de la divinité, comme la
dispersion de l’Un dans le Multiple, suivie par la «résurrection», c'est-à-dire par le
rassemblement du Multiple dans l’Unité primordiale.
Osiris fut très tôt comparé au grain de blé enseveli (mourant), germant et
réapparaissant à la lumière solaire, prêt à être la nourriture essentielle des
hommes. De nombreuses illustrations représentent la momie du dieu couverte de
grains de blé, ou de jeunes tiges de blé émanant de son corps allongé. Parce qu'il
était l'image des cycles de la nature, on creusa dans la pierre des formes d'Osiris
que l'on remplissait de terre, et dans lesquelles on répandait des grains de blé afin
qu'il pousse dans le secret du tombeau. Ainsi, mis en terre en même temps que le
défunt, le blé, symbole vital d'Osiris, était pour le disparu la certitude de sa
55
renaissance future, l'assurance de la continuité de sa vie, puis de sa résurrection
lumineuse. C'est pourquoi, dans le papyrus funéraire de Nu, Osiris déclare : «Je
suis le Seigneur des hommes qui ressusciteront des morts.» C'est une telle image
symbolique qu'utilisera le Christ lorsqu'il se comparera lui-même au grain de blé
devant mourir pour renaître et produire de nouveaux grains au centuple. Certains
gnostiques utilisèrent cette parole pour affirmer que le Christ avait suivi la totalité
du parcours initiatique osirien afin de devenir à son tour un Osiris spirituel, un être
de Lumière.
La mise en œuvre du mythe d'Hiram Abif, dans les rites égyptiens de la Franc-
Maçonnerie, est une opération de magie opératoire destinée à faire revivre à tous
les maîtres maçons ce que les prêtres-initiés égyptiens ritualisaient dans la grande
pyramide afin de transférer l'esprit du pharaon défunt (Osiris) au nouveau pharaon
désigné pour en faire un nouvel Horus.
Perséphone (Proserpine)
Perséphone occupe une place importante dans les cultes de nombreuses villes, en
particulier ceux d'Éleusis, de Thèbes et de Mégare, ainsi qu'en Sicile et en
Arcadie.
Divinité infernale, elle est aussi à l'origine une déesse du blé, comme sa mère
Déméter. Chez les Grecs, la fertilité du sol est étroitement liée à la mort, et les
grains de semence sont conservés dans l'obscurité pendant les mois d'été pour la
germination, avant les semailles de l'automne. Ce retour de la vie après
l'ensevelissement est symbolisé par le mythe de Perséphone, enlevée, puis
restituée qui a donné naissance aux rites des mystères d'Éleusis. Pour les fidèles, le
retour sur terre de la déesse est une promesse formelle de leur propre résurrection.
La rupture d'une relation naturelle et fusionnelle entre Perséphone et sa mère, la
déesse des moissons Déméter, est l'occasion d'une réflexion sur une problématique
centrale à tout processus d'émergence : la confrontation à l’éloignement.
L'enlèvement de la jeune fille par son oncle, le roi des morts, le refus de la Korê
(la jeune fille) de s'unir à lui, le compromis trouvé entre la volonté d'Hadès et les
incessantes résistances de la mère et de la fille face à la coupure, conduisent à une
interrogation sur le travail du négatif, plus précisément sur la tension entre
séparation nécessaire et séparation impossible et sur le sens de cette tension pour
le processus créateur.
Renaud de Montauban
La légende du maître d’œuvre Renaud de Montauban, bâtisseur de la cathédrale de
Cologne est très proche du mythe d’Osiris. Trahi et assassiné par des ouvriers, il
fut jeté dans le fleuve. Les poissons se rassemblèrent pour sortir son corps hors des
eaux, corps illuminé par trois cierges. Une autre légende raconte que ce fut une
femme, allusion à Osiris, qui découvrit le corps. Dans le Tiers Livre, Rabelais
évoque la légende de Renaud de Montauban qui aurait tué un neveu de
Charlemagne et se serait réfugié sur le chantier de la future cathédrale de
Strasbourg. Il se serait conduit comme un excellent ouvrier mais, victime de la
jalousie de ses collègues, aurait été assassiné. Ce thème est semblable dans la
Maçonnerie du XVIIIe siècle au meurtre d’Hiram, l’architecte en chef de Salomon.
Tammouz
Tammouz ou Tammuz, Dumuzi chez les Sumériens, est le dieu de la végétation,
symbole de la mort et de la renaissance de la nature.
Chaque année pendant l'été il meurt, entrainé vers les enfers par les sept démons
Gallus. Alors, la sécheresse et la désolation règnent sur terre. Mais Ishtar son
épouse ira l’y rechercher.
Ishtar, déesse de l'amour et de la guerre, qui régit la vie et la mort, épouse le
berger Tammouz qui devint ainsi le souverain de la cité. Un jour, Ishtar (Innana)
décide de descendre aux Enfers, séjour des morts, pour supplanter sa sœur aînée,
pour y abolir la mort. Elle réussit à pénétrer dans le palais de sa sœur, mais doit se
dépouiller de tous ses vêtements et abandonner tout son pouvoir. Sa sœur la fixe
alors du regard de la mort et son corps devient inerte. Des messagers venus du
monde d'en-haut parviennent à la rejoindre, mais les sept juges de l'enfer la
retiennent en disant: «Qui donc, descendu aux enfers, est jamais remonté de l'enfer
sans dommage ? Si Ishtar veut remonter des enfers, qu'elle fournisse un
remplaçant». Le remplaçant sera son mari Tammouz. Devant les lamentations de
Tammouz, la souveraine des enfers, regrettant la perte de son époux, obtient des
dieux l'autorisation de son retour cyclique parmi les vivants pour redonner à la vie
sa puissance fertile ; il ne restera qu'une moitié de l'année dans le monde des morts
et sa sœur le remplacera pour l'autre moitié.
Quand l'agriculture et l'élevage furent des faits acquis, et à mesure que le rôle du
mâle dans la génération apparut comme un élément vital, on adjoignit à la
Genitrix, qu'elle fut appelée Terre-Mère ou reine des cieux ou autrement, un époux
destiné à jouer le rôle essentiel de procréateur, même si en Mésopotamie, il n'était
que le serviteur ou le fils de la Déesse, productrice de toute vie. Dans les
communautés agricoles comme celles des vallées du Tigre et de l'Euphrate,
lorsque le culte de la naissance fut rattaché au cycle saisonnier et aux rites de la
végétation, la Déesse-Terre fut considérée comme détenant la fécondité de
l'ensemble de la nature et devint ainsi chargée du renouveau périodique du sol,
renouveau qui se produisait après les froids de l'hiver ou la sécheresse de l'été. En
conséquence, elle prenait la forme d'une déesse aux aspects multiples, au caractère
à la fois maternel dont Ishtar n’est que l’un des noms.
La nécessité allégorique exigeait l'union de la déesse qui incarnait la fertilité en
général avec le dieu qui personnifiait le pouvoir créateur du printemps. Selon le
cycle normal des saisons, il mourait et passait dans le séjour de nuit et de la mort,
d'où les mortels ordinaires ne peuvent pas revenir. En Mésopotamie, la terre-mère
57
était la source intarissable de la vie nouvelle. C'est elle qui permettait à la
végétation de se renouveler, qui veillait sur les récoltes et qui présidait à la
propagation de la race humaine comme à celle des espèces animales. Sous son
aspect d'Inanna-Ishtar, par ses noces avec Doummouzi-Tammouz, dieu qui
incarnait le renouveau printanier, elle symbolisait et même produisait
effectivement le renouveau de la végétation, qui délivrait la terre d'une stérilité
néfaste. Mais cette union ne devenait effective qu'après la lutte perpétuellement
renouvelée entre les deux forces naturelles opposées : celle de la fécondité et celle
de la stérilité. Une fois cette lutte victorieusement terminée par le triomphe du
bien, Tammouz sauvé du royaume de la mort et rendu à la lumière dans tout
l'épanouissement de sa virilité, la vie se répandait à nouveau sur la terre. C'est du
retour de «l'enfant ressuscité» de la Déesse que dépendait l'élan nouveau qui
faisait jaillir de la terre desséchée le flux vital.
Ce mythe permettait d'expliquer aux humains la succession des saisons et les
différentes modifications de la nature au cours du déroulement de l'année ; à
l'automne et en hiver, Tammouz est absent parmi les vivants, à son retour au
printemps et en été, la vie réapparaît sur terre.
Après sa mort et sa résurrection, il sera mis au rang des dieux. Son culte se
répandit en Syrie, en Phénicie et jusqu'en Judée, et il portera alors aussi les noms
d'Adonis, Eshmoûn, Simon, Doumouzi.
De façon générale, on visionnera avec plaisir les documents «Les grands mythes»
sur https://www.youtube.com/results?search_query=les+grands+mythes
59
Annexe 2 – Qu’est-ce que le shamir ?
Le shamir, de l’araméen chamira, «comme un silex», était un organisme
surnaturel. Le shamir était-il un minéral, une plante ou un animal ?
Dans une légende abyssinienne, il est supposé avoir été une sorte de bois ou
d’herbe.
En hébreu biblique, le mot shamir (א ד a été utilisé dans deux sens : soit une (ש
pointe faite d’une substance très dure comme le diamant (Jérémie 17,1 ; Zacharie
7,12) soit des épines acérées (Isaïe 5,6 …). Le Talmud puis, plus tard, de grands rabbins ont décrit comment le shamir, en
passant le long de la surface d’une pierre, peut la fendre de manière parfaite en
deux morceaux. Le Talmud affirme que c’est le «regard» d’une créature vivante
qui provoquait la cassure de bois ou de pierre. Selon Rabbi Ba’hya, le shamir
aurait été utilisé par Betsaléel (לו פ ל du temps de la construction du Tabernacle (ו
afin de graver les noms des tribus sur les pierres précieuses enchâssées dans le
pectoral du Grand prêtre. Le bâton de Moïse éventuellement fait en shamir aurait
ainsi pu fendre cette roche en deux pour en faire couler l’eau. Son essence
surnaturelle venait du fait qu’il aurait été créé au crépuscule, la veille du premier
shabbat, pendant les Six Jours de la Création. John Yarker, dans un article sur Le rite d’York et l’ancienne Maçonnerie en
général, remarque qu’«en vérité, des ouvriers complotèrent illégalement pour
extorquer d’Hiram Abif un secret, celui de l’animal étonnant qui avait le pouvoir
de couper les pierres. Le secret qui a été perdu par les trois Grands Maîtres est
celui de l'insecte shermah (shamir), qui a été employé pour donner un parfait
polissage aux pierres». Considérant cette remarque de Yarker, le secret opératoire
du shamir serait-il «ce qui a été perdu» ?
De même, dans la présentation du Rituel Wooler, qui ressemble au texte de
Yarker, on lit dans un catéchisme du troisième degré : «Après la construction du
Temple, les ouvriers du plus haut degré, connus sous le nom de «Most
«Excellent», ont accepté les grands secrets concernant le noble In… Sh…, qui
était ce qui constituait le secret des trois Grands Maîtres et [pour] lequel HAB fut
tué» ; l'utilisation d'abréviations prouvant le caractère autrefois ésotérique, ou
supposé tel, de l'information.
Dans son Miscellanea Latomorum, le Dr William Wynn Westcott propose un
passage d'un vieux rituel qui parle précisément du secret de l’insecte shamir et des
trois Grands Maîtres. Cette tradition maçonnique est ignorée de nos jours
Ce shamir miraculeux aurait été spécialement créée au début du monde pour cette
utilisation opératoire. Selon cette légende, quand Salomon demanda aux rabbins
comment construire le Temple sans utiliser d'outil de fer, pour se conformer, bien
sûr, à l'injonction du Deutéronome (Exode, 20,21 ; Si toutefois tu m'ériges un autel
de pierres, ne le construis pas en pierres de taille; car, en les touchant avec le fer,
tu les as rendues profanes), ils attirèrent son attention sur le shamir par lequel
Moïse avait gravé le Nom des tribus sur le pectoral du grand prêtre.
Ranulf Higden (1300-1363), dans son Polychronicon, cite la légende du ver de
fendillement de pierre, qu'il nomme thamir.
Dans l’Encyclopédie juive on trouve cette légende qui raconte que, sur la
recommandation des rabbins et afin de ne pas utiliser le fer, Salomon taillait les
pierres au moyen du shamir, un animal, un ver dont le seul contact fendait la
pierre. On retrouve cette légende également dans
la littérature arabe et même dans le Coran.
Dans la littérature talmudique, il existe de
nombreuses références à Shamir. Des qualités
inhabituelles lui ont été attribuées. Par exemple, il
pourrait désintégrer quoi que ce soit, même dur
comme des pierres. Parmi ses possessions,
Salomon la considérait comme la plus
merveilleuse. Le roi Salomon était désireux de posséder le Shamir parce qu'il en
avait entendu parler. La connaissance du Shamir
est en fait attribuée par des sources rabbiniques à
Moïse. Après avoir beaucoup cherché le Shamir
de la taille d'un grain d'orge, il a été trouvé dans un
pays lointain, au fond d'un puits, transmis à
Salomon, mais étrangement, il perdra ses capacités
et est deviendra inactif plusieurs siècles plus tard,
à peu près au moment où le Temple de Salomon a
été détruit par Nabuchodonosor.
Étonnant et curieux Shamir ? Qu’est-ce donc ?
On suppose que la légende est basée sur une corruption du mot
Smiris, le grec pour l'émeri, qui a été utilisé par les antiques graveurs dans leurs
œuvres et médaillons, et que le nom de Shamir est simplement la forma hébreu du
mot grec98
.
Selon les auteurs médiévaux, Rachi, Maimonides et d'autres, Shamir était
une créature vivante, un ver ; soutenant que Shamir ne pouvait pas être un minéral
parce qu'il était actif. Ce ver magique était doté du pouvoir de modifier la pierre, le
fer et le diamant, par son simple regard. Par ailleurs, les sources rabbiniques ont
transmis la description de la gravure des noms des douze tribus sur les douze
pierres précieuses de la cuirasse du grand-prêtre (le pectoral) ; Moïse le fit non pas
par sculpture, mais en écrivant avec un certain fluide et en les «montrant» à
Shamir, ou en les exposant à son action. De l'avis des auteurs modernes,
l'expression «montré à Shamir» indique clairement que c'était le regard d'un être
98
Mackey, Encyclopédie de la Franc-maçonnerie.
61
vivant qui a effectué la division de bois et de pierres. On admet cependant que
dans les sources talmudiques et midrashiques, on ne dit jamais explicitement que
le Shamir était une créature vivante. 3 Alors Shamir/ schamir/ samur, comme on en
trouve l’expression, un ver de la taille d’un grain, ou autre chose, une pierre selon
les différentes sources littéraires ?
Une vieille source, La Légende de Soliman et testament de Salomon99
, ouvrage
écrit en grec, probablement au début du troisième siècle de l'ère actuelle, se réfère
à Shamir comme une «pierre verte», le shamir serait une pierre de cristal vert de
grande puissance. Le nom dérive probablement de samir/ épine ou tranchant. Un
seul shamir est reconnu avoir existé. Il est sculpté en forme de coléoptère,
scarabée de l’espèce sacer ateuchus. C’est la raison pour laquelle on a confondu le
shamir avec un insecte.
Mais comment une pierre verdâtre aurait-t-elle pu couper le plus dur des diamants
avec son seul regard ?
Reprenons ce que raconte Louis Guinzberg, en 1909, dans Les légendes des juifs,
qui, inspiré par l’exégèse rabbinique, rapporte l’histoire de manière très
fantastique : le shamir fut créé au crépuscule du sixième jour avec d’autres choses
extraordinaires. Il n’était pas plus grand qu’un grain d’orge et possédait le pouvoir
remarquable de tailler les diamants les plus durs. C’est pour cette raison qu’il
aurait été utilisé par Betsaléel (לו פ ל et non Moïse, du temps de la construction ,(ו
du Tabernacle pour graver les pierres du pectoral porté par le grand prêtre100
.
D’abord on traça à l’encre les noms des douze tribus sur les pierres qui devaient
être serties dans le pectoral ensuite le shamir fut conduit sur les lignes tracées et
celles-ci furent ainsi gravées. Circonstance miraculeuse, le tracé ne porta aucune
particule de pierre. On avait également utilisé le shamir pour tailler les pierres
dont fut construit le Temple, car la loi interdisait d’utiliser des ustensiles de fer
pour tout ouvrage destiné au Temple. Pour le conserver, il ne faut placer le shamir
dans aucun réceptacle de fer, ni d’aucun métal, il le ferait éclater. On le conserve
enveloppé dans une couverture de laine qui à son est tour est placée dans une
corbeille de plomb remplie de son d’orge. Le shamir fut gardé au Paradis jusqu’au
jour où Salomon eut besoin de lui. Il envoya l’aigle pour y chercher le ver.
La manière dont Shamir était gardé en sûreté peut nous donner un indice: «Le
Shamir ne peut être mis dans un vase de fer pour la garde, ni dans aucun vaisseau
métallique: il éclaterait un tel récipient. Il est gardé enveloppé dans de la laine à
l'intérieur d'une boîte de plomb rempli de son d'orge. Cette phrase est tirée du
chapitre 48b du Talmud de Babylone et contient un indice important ; car, avec la
99
D’après les chroniques de Tabari Med Ibn Djarir, Sabine Baring-Gould, Ahimaaz bin Tsadok, Louis Ginzberg,
John D. Seymour. page 10 note 31
https://books.google.fr/books?id=-oEaEmuYFPoC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false 100
http://www.minimannamoments.com/sapphire-ten-sayings-part-2-and-a-rebel-lion/
connaissance actuelle nous pouvons facilement deviner qui ou plutôt ce qu’était
Shamir : c'était une substance radioactive ; les sels de radium, par exemple,
agissant sur certaines autres substances chimiques, peuvent émettre une
luminescence de couleur jaune-vert.
Cela expliquerait comment le pectoral du grand-prêtre avait été gravé : les lettres
étaient écrites à l'encre, et les pierres étaient exposées l'une après l'autre au
«regard» ou au rayonnement du Shamir. Cette encre devait contenir du plomb en
poudre ou des oxydes de plomb. Les parties des pierres qui n'étaient pas protégées
par le plomb se désintégrèrent sans laisser de particules de poussière qui, selon ce
Talmud, paraissaient particulièrement merveilleuses. Les parties protégées par de
l'encre de plomb se dressaient en relief sur la surface des pierres précieuses101
.
La possession la plus précieuse de Salomon, son Shamir, n'a pas survécu avec le
temps, il est devenu inactif. La version habituelle de l'histoire, «le Shamir
disparu», ne correspond pas à la traduction exacte du texte hébreu. Le mot batel
utilisé pour décrire la fin, ou la disparition, de Shamir n'a qu'une seule
signification : "Pour devenir inactif.". Dans les quatre cents ans qui ont passé de la
construction du premier Temple à sa destruction par Nabuchodonosor en -587, une
substance radioactive aurait pu devenir inactive102
.
Le secret d’Hiram serait-il celui de l’utilisation d’une sorte de laser
radioactif103
que les mauvais compagnons auraient voulu arracher à Hiram ?
101
La plupart des gemmes, tels que le diamant, le saphir, l’émeraude ou la topaze, sont
décolorés par la radioactivité. D’autres pierres précieuses, comme l’opale, sont constituées de
cristaux de silice hydratée. Le rayonnement alpha les désintègre en rompant la liaison avec l’eau
; celle-ci se volatilise sans laisser de résidu. 102
Le radium perd environ un pour cent de sa radioactivité tous les 25 ans 103
Pour compléter cet aspect lire le texte La physique moderne et le chamir sur
http://www.lamed.fr/index.php?id=1&art=1424&mode=print)
Et pour des représentations de l’animal Schamir - shamira, and the building of king Solomon's
temple sur : https://thesunkeepers.net/22-blog-posts/sacred-texts,-ancient-studies-myth/10
63
Annexe 3 – Qu’est-ce que la parole perdue ?
La quête souvent évoquée de la Parole perdue est celle de la révélation première.
Le symbolisme de la langue primordiale en est un autre synonyme. Selon la
tradition musulmane, il s'agit de la langue syriaque, ou solaire, expression
transparente de la lumière reçue dans le centre spirituel primordial. Il est
significatif que la langue paradisiaque ait été comprise des animaux.
L'introduction chamanique au langage des animaux est un symbole du retour à
l'état édénique. Plus précisément encore, cette langue est parfois celle des oiseaux.
Or, la langue des oiseaux est une langue céleste ou angélique, symboliquement
analogue à la langue syriaque, et qui ne peut être perçue que par l'atteinte de
certains états spirituels».
Les mystères des sociétés initiatiques de l'Antiquité perpétuaient les premières
traditions du genre humain et les nouveaux acquis des corps savants pour élever,
au-dessus de leurs semblables, des initiés jugés aptes à en faire un usage utile pour
tous. Cet enseignement leur était donné de bouche à oreille après avoir pris
l'engagement, par un serment menaçant, de ne le transmettre à d'autres initiés que
sous les mêmes formes et conditions. Il est raconté qu'ils étaient possesseurs de
secrets scientifiques redoutables et bienfaisants dont leur haute morale imposait le
respect. Des initiés s'éteignirent, emportant dans la mort les secrets qui leur
avaient été confiés ; les initiations furent interrompues. Ainsi, les secrets des rites
initiatiques pour l'intromission des pharaons, véritables mystères de la lignée
royale d’Égypte, furent définitivement perdus à la mort du roi Sekenenrê Taâ qui
mourut sans les avoir dévoilés à son ennemi qui voulait les lui arracher.
Le secret est dit «royal» par son origine divine transitant par le roi, celui qui dans
les trois ordres initiatiques a la responsabilité d’aménager l’espace ; c’est le Roi-
bâtisseur qui détient le secret suite à l’enseignement reçu de son prédécesseur, il
est relié au divin par son sacre. Par la remise de plans que lui fit l'Éternel, David
aurait détenu le secret initiant la construction du Temple maison du divin, mais
c'est Salomon héritant des plans qui le construisit en déléguant une partie de
l’œuvre et du chantier à Hiram. À sa mort allégorique le secret fut perdu.
La destruction de la bibliothèque d'Alexandrie, créée par Ptolémée Soter 4 siècles
avant notre ère (dont les six cent mille volumes furent anéantis en trois incendies
consécutifs), les autodafés de l’Inquisition et des tyrans sont des paroles perdues
de la science et de l'histoire. Les hautes connaissances philosophiques, morales ou
scientifiques transmises oralement ou enregistrées par l'écriture furent détruites,
elles sont tout autant une parole perdue.
Selon la thèse de Platon (faisant parler Socrate), l’homme a connu la vérité avant
son incarnation dans le monde sensible, quand l’âme n’était pas encore prisonnière
du corps, quand il était dans le monde des Idées. Le travail de remémoration,
l’anamnèse est la recherche d’une vérité déjà connue en dépassant le sensible pour
accéder à l’intelligence de l’idée (vraie) qui fut perdue et oubliée. Ce retour vers la
re-connaissance est illustré par la sortie de la caverne. Cette structure ternaire de
la théorie de Platon, (connaissance - oubli ou chute - re-connaissance ou re-
naissance ou résurrection) a fondé une postérité métaphysique qui perdure, tout
particulièrement dans la pensée chrétienne mais aussi dans l’allégorie de la parole
perdue du Maître.
L'expression la parole perdue apparaît dans des rituels du 3e degré, où l'on parle
aussi de la perte des secrets véritable du maître maçon. Il semble toutefois que les
deux expressions soient relativement interchangeables ; ainsi le document Prichard
de 1743 et l'instruction au 3e degré au rite écossais de la Mère Loge Écossaise de
l'Orient d'Avignon de 1774 disent-ils :
«Q : Pourquoi vous a-t-on fait voyager ? - R : Pour chercher ce qui a été perdu. Q :
Qu'est ce qui a été perdu ? - R : la parole de Maître. Q : Comment la parole fut-elle
perdue ? - R : Par la mort de notre respectable maître Hiram.»
Un homme meurt, refusant de livrer un banal mot de passe pour se faire payer,
connu de tous les maîtres, et un secret dont il était détenteur, par ailleurs, disparaît.
Le secret n’est donc pas le mot de passe. Alors, est-ce un savoir que lui seul
possède ? Est-ce une partie d’un mot à prononcer avec d’autres pour qu’il soit
complet et efficient ? La parole d’Hiram serait-elle autre chose que celle d’un seul
homme ? Que peut-être cette parole pour le franc-maçon d’aujourd’hui ?
N’oublions pas que le mot Hiram porte en lui-même des mystères et parmi ses
nombreuses traductions de l’hébreu, il peut aussi être lu comme HaReM qui
désigne la chose cachée.
Un savoir personnel ?
Quel serait ce savoir ?
- Au Rite York, à la mort d’Hiram, il est dit : «Il n'y a pas de plans sur la
planche à tracer pour permettre aux ouvriers de poursuivre leur travail, et le G :. M
:. H :. A :. a disparu». Sur la planche, le maître d’œuvre modifie le plan selon
lequel la construction du Temple devra s'effectuer. Cette planche sert en
permanence de point de repère pour l’ouvrage qui va être réalisé au fur à mesure
de l’avancée des travaux. Lorsque l’ouvrage est terminé, il doit se superposer
exactement au tracé qui est sur la planche. La conception théologique de l'art de la
construction peut se résumer en une recherche de médiété parfaite entre la beauté
pure qui n'appartient qu'à Dieu et le miroir que doit lui offrir, par son œuvre,
l’architecte afin qu'elle se révèle aux yeux des hommes. Il s’agissait d’œuvrer sur
la matière pour la laisser être pénétrée par l’énergie universelle afin que cette
65
harmonie soit transmise aux hommes. Concrètement, ce qui fut perdu serait-ce
cette capacité architecturale de concevoir l’édifice et de terminer l’œuvre ?
- Mais allons plus loin. Hiram, a été envoyé par le roi de Tyr à Salomon pour
ses savoirs aussi particuliers que ceux que possédait Betsaléel, le constructeur de
l’Arche d’alliance du désert : il était habile pour les ouvrages en or, en argent, en
airain et en fer, en pierre et en bois, en étoffes teintes en pourpre et en bleu, en
étoffes de byssus et de carmin, et pour toute espèce de sculptures et d'objets d'art
qu'on lui donne à exécuter (II Chroniques, 2, 13 et 14).
C’est grâce à 3 vertus que le premier temple fut construit par Betsaléel car il est
écrit en Exode 31,3 : «Je [dieu] l’ai rempli de l’esprit d’Élohim en sagesse, en
intelligence et en savoir», vertus que l’on retrouve en Hiram dans I Roi 7, 14
«rempli de sagesse, d’intelligence et de savoir». Ces trois vertus, concepts,
attributs divins, types de forces, ou niveaux de conscience, sont les processus à
l'œuvre des structures vivantes, correspondant aux 3 séphiroth : Hokhmah,
la sagesse ; Tébouna (alias Binah), l’intelligence ; Daath, le savoir, la
connaissance.
La somme de leurs valeurs guématriques, après réduction, est équivalente à ce qui
relie les 2 colonnes Yakin et Boaz qu’Hiram a fondues. La parole perdue serait-
elle l’esprit d’Élohim, cette capacité de création, comme celle du Maharal de
Prague avec son Golem, dont aurait été doté Hiram ?
- La connaissance des pouvoirs d’un animal fabuleux, le shamir104
?
Le partage de la Connaissance ?
Et si la «parole» était un ensemble d’éléments répartis entre plusieurs détenteurs
dont la méconnaissance d’un seul entraînerait l’inefficacité du tout ? Un morceau
de code en somme, un morceau de symbole !
Dans la légende, de fait, trois personnes forment un triangle : Salomon, le roi de
Tyr et Hiram, les trois grands maîtres, chacun assigné à un rôle particulier et
indispensable dans la construction du Temple. La légende dit que le Roi Salomon,
Hiram Abiff, Roi de Tyr (1 Rois: 7:13), et Hiram Abi de la tribu de Dan (2 Chr.:
2:13) se sont réunis pour concevoir les plans de la construction du Temple,
Salomon conçut, Hiram de Tyr fournit les moyens et Hiram réalisa l’œuvre. Nous
apprenons que le grand savoir devait être gardé par ces trois personnes jusqu'au
parachèvement du Temple. La parole leur aurait-elle été confiée en trois parties.
Chaque membre du ternaire serait détenteur du mot sacré ou d’une fraction de
celui-ci. Il fallait le concours des «trois premiers Grands-Maîtres», de sorte que
l’absence ou la disparition d’un seul d’entre eux rendait cette communication
impossible, et cela aussi nécessairement qu’il faut trois côtés pour former un
triangle. Cela veut dire que chaque membre du triangle constitue la pointe d’une
104
Voir Annexe 2
figure doté d’un centre commun. Ce centre, c’est le point de concordance des trois
sensibilités magique, spirituelle et rationnelle qu’ils incarnent. Ce centre est donc
l’essence de l’homme et de la nature c’est-à-dire l’essence de la vie qui se traduit
concrètement en force de vie ou élan vital.
Comment se fait-il que, sachant que la parole ne pouvait être que par la réunion du
3 (le roi Salomon, le roi de Tyr et Hiram), comment se fait-il qu'aucun d'entre eux
n'ait pensé à transmettre sa propre connaissance à un disciple pour que la chaîne
ne se brise pas en cas de disparition? Était-ce se croire immortel ?
Une connaissance primordiale ?
Toutes les traditions parlent d'un âge heureux où les êtres pensants, dans la paix et
dans l'innocence, vivaient dans le sein de la vérité. Dans cet âge, dont nul voile ne
couvrait la réalité, une parole universelle pénétrait uniformément tous les degrés
de l'intelligence. La quête souvent évoquée de la Parole perdue est celle de la
révélation première. Le symbolisme de la langue primordiale en est un autre
synonyme. Selon la tradition musulmane, il s'agit de la langue syriaque, ou solaire,
expression transparente de la lumière reçue dans le centre spirituel primordial. Il
est significatif que la langue paradisiaque ait été comprise des animaux.
L'introduction chamanique au langage des animaux est, à l'inverse, un symbole du
retour à l'état édénique. Plus précisément encore, cette langue est parfois celle des
oiseaux. Or, la langue des oiseaux est une langue céleste ou angélique,
symboliquement analogue à la langue syriaque, et qui ne peut être perçue que par
l'atteinte de certains états spirituels».
Une prononciation «agissante» ?
Les exégètes des rituels assimilent la prononciation du Tétragramme à la
«parole perdue». Elle devait être trisyllabique. La syllabe est l’élément réellement
indécomposable de la parole prononcée, même si elle s’écrit naturellement en
quatre lettres. En effet, quatre (4) se rapporte ici à l’aspect «substantiel» de la
parole et 3 à son aspect «essentiel». Il est d’ailleurs à remarquer que le mot
substitué lui-même, dans sa prononciation rituelle, sous ses différentes formes, est
toujours composé de trois syllabes qui sont énoncées séparément. On trouve dans
Le vrai catéchisme des frères francs-maçons rédigé suivant le code mystérieux et
approuvé de toutes les loges justes et régulières un long développement, par
questions/réponses expliquant ce que l’on entend par la parole perdue, la véritable
prononciation de l’éternel et ses mots substitués105
.
Considérant que chez les Hébreux, le grand prêtre, le Cohen Gadol, était seul
détenteur de la prononciation recta dictio et totale du mot sacré qu'il vocalisait une
fois par an dans le saint des saints, cela pourrait vouloir dire que la parole ne fut
105
À découvrir à partir de la page 52, sur http://www.freemasons-
freemasonry.com/Rituel%20Luquet.pdf.
67
pas perdue et que si Salomon la substitua, c'est qu'il pensait que son Maître
d'œuvre avait cédé à la pression de ses agresseurs en la dévoilant : il fallut donc
changer cette parole. C’est ce que laisse aussi entendre le rituel Misraïm : le roi
Salomon qui craignait que le maître dans les douleurs de l’agonie et espérant se
soustraire à la mort n’eût laissé échapper les mots et les signes de la maîtrise…
Dans ce même registre, on remarquera que lors de la destruction du Temple de
Jérusalem et de la dispersion du peuple juif, la véritable prononciation du Nom
tétragrammatique fut perdue ; il y eut bien un nom substitué, celui d’Adonaï, mais
il ne fut jamais regardé comme l’équivalent réel de celui qu’on ne savait plus
prononcer. En effet, la transmission régulière de la prononciation exacte du
principal nom divin, désigné comme ha-Shem ou le Nom par excellence, était
essentiellement liée à la continuation du sacerdoce dont les fonctions ne pouvaient
s’exercer que dans le seul Temple de Jérusalem ; serait-ce le centre spirituel de
la tradition qui fut perdu ? Le degré de Royal Arche raconte : avec une
recherche systématique ils ont trouvé, près de l'endroit où ils ont trouvé le grand
triangle, un morceau de marbre sur laquelle étaient gravés certains hiéroglyphes
dont ils ont pris la possession et qu'ils ont porté à Salomon. Salomon a envoyé
quelques prêtres instruits qui ont déchiffré ces caractères et ils ont vérifiés qu'il
s'agissait des ruines du temple d'Énoch, construction d'avant l'inondation du
déluge qui avait balayé tout sauf ces neuf voûtes. Selon la légende, le haut prêtre
a examiné les caractères du socle d'or et les a trouvés pour être le nom
inexprimable de Dieu. Les Hiéroglyphes représentent la manière de prononcer le
nom du plus haut, et ils ont été composés par Énoch, en souvenance du temps où il
avait reçu l'initiation de certains secrets de la signification des trois lettres
mystiques. Ce nom a été perdu et maintenant retrouvé. Alors le haut prêtre leur a
expliqué que la promesse de Dieu à Noah, à Moïse et à David, de révéler le nom
de dieu sur un socle d'or avait été accomplie. Mais qu'il était interdit de l'écrire,
qu'il était seulement permis de le marquer en lettres pour leur consolation, mais
qu'en aucun cas il ne fallait le prononcer et le parler. Le haut prêtre a composé un
code pour crypter ce nom. Ce code était si complexe que la logique seule ne
suffisait pas. Le haut prêtre a employé un système de décalage de chaque lettre
selon une série de nombres successifs. Une partie de la clef au chiffre a été
indiquée dans deux des trois écrits saints. Les trois écrits saints étaient travaillés
par Hiram Abif qui les avait faits selon la prévision originale donnée par le haut
prêtre. Les écrits saints étaient des inscriptions de roulement. Seulement le haut
prêtre et son aide ont su les messages secrets qu'ils contenaient. En outre, le haut
prêtre a donné l'ordre à Hiram Abif de graver cinq écrits différents. Les écrits
étaient censés être insérés dans le mur du Saint des Saints (Sanctum
Sanctorium). Le Roi Solomon aurait établi un passage secret sous la terre menant
à partir de ses appartements retirés au temple d'Énoch resté divisé en neuf voûtes
séparées comme avant. La neuvième voûte devait être l'endroit pour un dépôt des
originaux de toutes les choses contenues en copie dans le Sanctum Sanctorum,
comme l'arche de l'engagement, un pot de Manna, la Tige d'Aaron, le Livre de la
loi, et le triangle sacré d'Énoch, qui a été enterré dans le même lieu. Le peuple
utilisait alors un autre nom de dieu. Quelques étudiants juifs, désireux de connaître
la nature et la prononciation du nom saint, ont conspiré et ont eu recours à la
violence envers l'architecte en chef Hiram Abbif pour connaitre l'endroit où le
trésor est caché, les brutes l'ont frappé avec un coup sur le front, qui l'a étendu
sans vie à leurs pieds. Après cet événement, le haut prêtre a fermé le passage.
Les initiateurs de la tradition maçonnique, qui connaissaient la recherche
zoharique106
, incorporèrent le thème de la recherche d’une chose perdue (dans le
cas présent, le Mot du Maître) pour représenter la recherche du Christ. Pour Arthur
Edward Waite (cf.Verbum Christus Est), le Mot de Maître perdu est «Christ».
Selon la tradition cabalistique chrétienne, le nom de Dieu cache le nom secret de
Jésus. En incluant le caractère hébreu ש (Shin qui, par sa forme, est considéré
comme faisant allusion à la Trinité) dans le nom de Dieu, Yod He Vau He, le nom
de Jésus apparaît, YHSVH, Yeheshuah ou Jeheshua. Pic de la Mirandole et
Johannes Reuchlin attribuaient des pouvoirs considérables au Pentagrammaton
(IHSVH), qui représentait pour eux le Nom Sacré Chrétien, tout comme le
Tétragrammaton (IHVH) était le nom sacré des Juifs. Ce nom contenait le pouvoir
et la force sur toute chose et il était supposé permettre aux cabalistes d’accomplir
des œuvres extraordinaires au-delà de la force humaine et d’exercer une
domination sur la nature107
.
Les mystères des sociétés initiatiques de l'Antiquité perpétuaient les premières
traditions du genre humain et les nouveaux acquits des corps savants pour élever,
au-dessus de leurs semblables, des initiés jugés aptes à en faire un usage utile pour
tous. Cet enseignement leur était donné de bouche à oreilles après avoir pris
l'engagement, par un serment menaçant, de ne le transmettre à d'autres initiés que
sous les mêmes formes et conditions. Il est raconté qu'ils étaient possesseurs de
secrets scientifiques redoutables et bienfaisants, dont leur haute morale
imposait le respect, mais susceptibles, étant détournés de leur action bénéfique,
d'être transformés dans un but malfaisant. Les initiations furent interrompues ; des
initiés s'éteignirent, emportant dans la mort les secrets qui leur avaient été confiés.
Les secrets des rites initiatiques pour l'intromission des pharaons, véritables
106
Les anciens cabalistes chrétiens de la Renaissance soutenaient que la recherche d’un nom
perdu dans la tradition du Zohar n’était rien d’autre que la recherche d’un chemin pour trouver
le Christ. Un exposé intitulé The Grand Mystery Laid Open, publié en 1726, contenait déjà des
références à la kabbale : Have the six Spiritual Signs any Names ? Yes, but are not divulged to
any new admited Member, because they are Cabalistical ? 107
Henrik Bogdan, L’influence cabalistique sur l’élaboration du grade de Maitre en Franc-
maçonnerie, http://www.lustres-a-
pampilles.fr/232%20archives/La%20l%E9gende%20ma%E7onnique%20d%27Hiram%20_%20
la%20prononciation%20perdue%20du%20nom%20de%20Dieu%20_%20YHWH_YHsWH.pdf
69
mystères de la lignée royale d’Égypte, furent définitivement perdus à la mort du
roi Sékenenrê Taâ qui mourut sans les avoir dévoilés à son ennemi qui voulait les
lui arracher.
Dans certains cas, au lieu de la perte d’une langue, il est parlé seulement de celle
d’un mot, tel qu’un nom divin par exemple, caractérisant une certaine tradition et
la représentant en quelque sorte synthétiquement ; et la substitution d’un nouveau
nom remplaçant celui-là marquera alors le passage d’une tradition à une autre.
Quelquefois aussi, il est fait mention de «pertes» partielles s’étant produites, à
certaines époques critiques, dans le cours de l’existence d’une même forme
traditionnelle : lorsqu’elles furent réparées par la substitution de quelque
équivalent, elles signifient qu’une réadaptation de la tradition considérée fut alors
nécessitée par les circonstances ; dans le cas contraire, elles indiquent un
amoindrissement plus ou moins grave de cette tradition auquel il ne peut être
remédié ultérieurement108
.
La plupart des hiéroglyphes égyptiens, nous conte le rituel Misraïm des travaux de
maître de 1820, présentaient des êtres animés formés quelquefois de parties
appartenant à des êtres forts peu ressemblant par leurs formes extérieures et par
leur inclinations ; les combinaisons numériques et géométriques dans leur résultat
étaient hiéroglyphique ; les nombres 3, 4, 7, 9, et le générateur Un étaient des
emblèmes respectés. Cette Tradition secrète fut transmise par les sages de la
Chaldée aux égyptiens, puis à Moïse jusqu’à Salomon. À la suite d’une
indiscrétion, il fut convenu que les anciens hiéroglyphes seraient remplacés par
des figures d’instruments propres à la construction matérielle.
Que peut-être la parole perdue pour un franc-maçon d’aujourd’hui ?
Les remarques que nous venons de faire montrent que la parole perdue serait soit
un savoir, soit une prononciation, soit une connaissance spirituelle ou magique soit
encore la trace du passage d’une tradition à une autre. La parole perdue du franc-
maçon me paraît un peu différente. Nous ne pouvons faire l'erreur des mauvais
compagnons qui croyaient que le secret du maître maçon relevait de la
communication d'un savoir ; notre recherche est bien différente puisqu'elle se
place sur le plan de la Connaissance, celui de l'être et du spirituel, de l'immanence
et de la transcendance.
Dans l’exotérisme judaïque, le mot qui est substitué au Tétragramme qu’on ne sait
plus prononcer est un autre nom divin, Adonaï, qui est formé également de quatre
lettres, mais qui est considéré comme moins essentiel ; il y a là quelque chose qui
108
La mort d’Hiram et la Parole perdue de René Guénon : https://legende-
hiram.blogspot.fr/2016/05/1948-la-mort-dhiram-et-la-parole-perdue.html
implique qu’on se résigne à une perte jugée irréparable, et qu’on cherche
seulement à y remédier dans la mesure où les conditions présentes le permettent
encore. Dans l’initiation maçonnique, au contraire, le «mot substitué» est une
question qui ouvre la possibilité de retrouver la «parole perdue», donc de restaurer
l’état antérieur à cette perte109
. «L'histoire mythique de la franc-maçonnerie nous
apprend qu'il existait jadis un MOT d'une valeur supérieure et revendiquant une
profonde vénération; que cette Parole n'était connue que de peu; qu'il était enfin
perdu; et qu'un substitut temporaire a été adopté. Mais comme la philosophie
même de la maçonnerie nous enseigne qu'il ne peut y avoir de mort sans
résurrection, - pas de décomposition sans restauration ultérieure, - sur le même
principe, il s'ensuit que la perte de la Parole doit supposer sa récupération
éventuelle.110
»
La parole perdue met en relief la nécessité d’une nouvelle perception et d’un
nouveau langage relatif à la notion d’essence et de présence au-delà de la forme.
Elle n’est pas à comprendre comme uniquement une perte dans la transmission,
mais comme le commencement d’un apprentissage d’autres éléments de langages.
Il nous reste à nous interroger sur comment trouver cette parole ou comment lui en
substituer une autre de même puissance.
109
Rite émulation
V.- (au ler
S.) Qu'est-ce donc qui est perdu ? 1er
S . - Les véritables secrets des MM. MM.
V.- (au 2e S.) Comment se sont-ils perdus ? 2° S. - Par la mort prématurée de notre M.
H.A.V .
V.- (au ler
S.) Où espérez-vous les trouver ? l er
S.- Au Centre
V. - (au 2e S.) qu'est-ce que le Centre ? 2
e S.- Un point à l'intérieur d'un cercle qui se
trouve à une distance égale de toutes les parties de la circonférence.
V.- (au ler
S.) Pourquoi au centre ? ler
S.- Parce que c'est le point où le M.M, ne peut
faillir.
V.- Nous vous aiderons à réparer cette perte. 110
Mackey Le symbolisme de la Franc-maçonnerie, Illustrer et expliquer sa science et sa
philosophie, ses légendes, mythes et symboles, chapitre XXXI sur :
https://translate.google.com/translate?hl=fr&prev=_t&sl=en&tl=fr&u=https://www.sacred-
texts.com/mas/sof/sof33.htm%2331#31
71
Annexe 4 - Qu’est-ce qu’ «Hiram» ?
Hiram a fait l’objet d’innombrables essais d’interprétations quant au personnage,
mais on peut se demander ce que l’on a voulu exprimer à travers son utilisation
maçonnique parmi lesquelles voici quelques propositions.
Un personnage de légende
La légende, du latin legenda, lecture publique, est un récit traditionnel où le
réel est déformé et embelli. Contrairement aux contes qui se déroulent dans le
monde de l'imaginaire, les légendes ont un caractère vraisemblable et font le récit
d'évènements qui ont eu lieu ou qui auraient pu avoir lieu.
La légende contient des éléments du merveilleux et repose dans certains cas sur
des faits historiques qui ont été transformés par des croyances, ou par
l'imagination populaire, ou par l'invention poétique.
La forme de la légende est simple et son objet essentiel est le miracle.
À l'origine, la légende racontait la vie des saints. De nos jours, il s'agit de récits
merveilleux d'un événement passé fondé sur une tradition authentique mais
souvent modifiée au fil du temps. À la différence du mythe, la légende ne repose
pas sur les divinités.
Le drame de la légende d’Hiram nous est révélé dans la fameuse divulgation de
Samuel Prichard, Masonry Dissected, La Maçonnerie Disséquée, publiée à
Londres en 1730.
Un personnage inspiré du Texte biblique
Le mot Hiram, en hébreu, est constitué de trois lettres : Heth, Resch, Mem. Les
lames du Tarot qui correspondent à ces lettres sont : Heth La Justice, Resch Le
Jugement, Mem La Mort (la camarde). HiRaM peut, aussi, être lu dans cette
langue comme HaReM qui désigne la «chose cachée», le «lieu obscur» ou comme
Ir'HaM signifiant «la vie élevée» ou «l’élévation après la mort».
Hiram, personnage mythique, incarne pour la Franc-Maçonnerie un syncrétisme
de ces êtres qui doivent mourir pour ressusciter, pour fonder un courant de
Tradition.
Le maître Hiram, cet ouvrier sublime, doué d'intelligence et d'un rare savoir,
surnommé Hiram Abif, selon les interprètes, signifierait «envoyé de Dieu». La
tribu de Nephtali dont il est originaire est celle des forgerons (1R 7 ; 14) dont on
sait qu’ils sont, de toutes traditions, ceux qui créent le monde par leur maîtrise des
entrailles de la Terre.
1Rois
7:13 Le roi Salomon fit venir de Tyr Hiram,
1Rois
7:14
fils d'une veuve de la tribu de Nephthali, et d'un père Tyrien, qui
travaillait sur l'airain. Hiram était rempli de sagesse, d'intelligence, et
de savoir pour faire toutes sortes d'ouvrages d'airain. Il arriva auprès du
roi Salomon, et il exécuta tous ses ouvrages.
1Rois
7:40
Hiram fit les cendriers, les pelles et les coupes. Ainsi Hiram acheva tout
l'ouvrage que le roi Salomon lui fit faire pour la maison de l'Éternel ;
1Rois
7:45
les cendriers, les pelles et les coupes. Tous ces ustensiles que le roi
Salomon fit faire à Hiram pour la maison de l'Éternel étaient d'airain
poli.
L'homme Hiram, fils d'une veuve, est présenté comme le dernier forgeron
descendant hypothétique de Tubalcaïn qui en était le premier. À ce titre, il serait le
dernier porteur des secrets de la création, le dernier des descendants du frère de
Noé. C'est pourquoi le Roi homonyme l’envoya à Salomon afin de construire le
Temple de l'Éternel (2Ch 2, 12) car il est bien évident que les descendants du
créateur de l’Arche, porteur de la première alliance, ne peuvent pas être étrangers
à la construction de la demeure de pierre qui accueillera Dieu.
C’est grâce à 3 vertus que le premier temple fut construit par Betsaléel car il est
écrit en Exode 31,3 : «Je [dieu] l’ai rempli de l’esprit d’Élohim en sagesse, en
intelligence et en savoir», )מה חכ בונה) )ב דעת() (ובת וב vertus que l’on retrouve en Hiram
dans I Roi 7, 14 «rempli de sagesse, d’intelligence et de savoir» )ם- םעםת ב פת םו - דו
ם פת םןכו מלפ -דו (פת דלד
Une représentation emblématique Du Maître
Cet aspect est marqué par l’article défini «LE» qui fait du maître Hiram le maître
par excellence.
Le nom d’Hiram, ou Hiram Abif, n’est jamais clairement formulé dans les textes
anciens des Olds Charges, mais seulement dans les plus tardifs de ces manuscrits.
Dans les Old Charges, le maître maçon, quel que soit son nom, est toujours
présenté comme le fils d’Hiram, le roi de Tyr ; ainsi dans le Cooke on trouve :
Salomon employait 80000 maçons, le fils du roi de Tyr était le maître maçon.
Ce prétendu fils d’Hiram de Tyr apparaît sous plusieurs pseudonymes dans les
différentes versions, peut-être des noms de substitution pour garder secret le
véritable nom : Aynon, Amnon, Annas, Benaïm, Hiram de Tickus… Le Manuscrit
Dowland’s évoque : [Hiram de Tyr] avait un fils, appelé Aynon, qui était maître
de géométrie et Grand Maître de tous ses maçons et maître de toute la gravure et la
sculpture et de tous les types de Maçonnerie du Temple. Dans la version de 1750
73
de la Fortitude (Old Charges), rapportant la correspondance entre les rois Salomon
et Hiram de Tyr, Hiram avait envoyé le bois d’œuvre et il avait un fils nommé
Houram qui était maître de géométrie et qui fut Grand Maître de tous les maçons
qui étaient au Temple. Le Inago Jones, reprenant un récit de Flavius Josèphe, fut
le premier à donner au constructeur le double nom d’Hiram Abif.
Le Dumfries, comme les Constitutions d’Anderson, donne au maître constructeur
son nom, sa lignée et sa condition, encore évoqués dans les rituels contemporains,
bien que les récits bibliques ne le présentent que comme un fondeur.
Dans le Rite ancien et primitif de Memphis Misraïm, il est dit : le Maçon que nous
pleurons est notre Maître, que l'on nommait Imotep en Égypte et Hiram-Abi à Tyr.
Un personnage de mystification
La plus curieuse supposition sur l’identité d’Hiram a été faite par la misandre
Céline Renooz dans son livre L’ère de la vérité (Histoire de la pensée humaine,
évolution morale de l’humanité à travers les âges et chez tous les peuples), paru
en 1925, affirmant qu’en fait une femme, la fille du roi de Tyr, était cachée sous le
nom d’Hiram. S’appuyant sur le texte hébreu de la Bible marqué par la
féminisation des adjectifs qui qualifient le roi David, Renooz considère tout aussi
curieusement qu’en vérité David fut une reine, du nom de Daud, qui créa la ville
de Jérusalem et entreprit d’y faire construire un Temple. La reine Daud ne fut pas
seule à fonder l'Institution secrète qui devait se propager jusqu’à travers la Franc-
Maçonnerie. Elle eut deux collaboratrices, deux Reines-Mages (ou Magiciennes),
avec qui fut formé le triptyque sacré que les trois points de l'Ordre ont représenté
depuis. L'une est Balkis, reine d'Éthiopie (appelée la reine de Saba), l'autre est une
reine de Tyr, que l'on a cachée derrière le nom d'Hiram, cette reine de Tyr étant
Élissar ou Didon. Pour Renooz, la légende d'Hiram et les anciennes traditions
laissent entrevoir ce que fut le rôle de Salomon : c'est lui qui attaqua et renversa la
puissance féminine et instaura la royauté masculine sur les ruines de la
gynécocratie.
Un mythème
C’est-à-dire un mythe fondateur d’une société, choisi par celle-ci auquel ses
membres ne peuvent qu’adhérer sans la remettre en cause. Le mythème est
exprimé par l’ensemble des rites et rituels (le ritème), média entre les membres du
groupe et son mythème.
Une fiction morale
1- Un manichéïsme
Chaque circonstance du funeste événement, que les maçons commémorent dans
leurs travaux, fait connaître les vertus devant être pratiquées. Sa sortie glorieuse
du tombeau, que l'on retrace, en fait connaître la récompense. Hiram, allant
assidûment au Temple pour y faire sa prière, après la retraite des ouvriers,
enseigne aux maçons qu'en cette qualité ils doivent encore plus que les autres un
pur hommage à l'Être Suprême. Hiram, assassiné par trois Compagnons qui
veulent lui arracher le Mot de Maître pour en usurper la paie, fait connaître le
danger des passions violentes qui peuvent porter aux plus grands désordres si on
ne les réprime pas, l'injustice de ceux qui, sans prendre la peine de faire sur eux-
mêmes le travail nécessaire, voudraient arracher aux autres leurs découvertes et
s'en approprier les fruits. Hiram est le symbole de l'homme de grande valeur qui,
malgré les tentations et les persécutions, remporte la victoire sur ses faiblesses et
ses passions, se rapprochant de la perfection humaine. Il est aussi le symbole de
l’homme fidèle au devoir, même si le devoir est inflexible comme la fatalité,
exigeant comme la nécessité et impératif comme la destinée. Il est, surtout,
symbole du franc-maçon qui préfère mourir plutôt que de faillir à la tâche pour
laquelle il est assermenté.
2- La fraternité comme code moral. C’est l’explication qu’en donne le
«catéchisme des trois coups distincts» de 1760 : Premièrement, main contre main,
signifie que je tendrai toujours la main à un Frère pour l’aider, tant que cela sera
en mon pouvoir. Deuxièmement, pied contre-pied, signifie que je n’aurai jamais
peur de m’écarter de mon chemin pour rendre service à un frère. Troisièmement,
genou contre genou, signifie que lorsque je m’agenouille pour faire ma prière, je
ne dois jamais oublier de prier aussi bien pour mon frère que pour moi-même.
Quatrièmement, poitrine contre poitrine sert à montrer que je garderai les secrets
de mon frère comme les miens propres. Cinquièmement la main gauche qui
soutient le dos signifie que je serai toujours prêt à soutenir un frère tant que cela
sera en mon pouvoir.
Une parabole christique
Hiram, dégagé de son linceul funéraire et sortant glorieusement de son tombeau,
est appelé à une nouvelle vie, entouré des vertus qu'il a constamment pratiquées et
qui lui assurent l'immortalité à laquelle doivent aussi aspirer tous ceux de ses
avatars qui sauront l'imiter.
À travers les textes fondateurs, il apparaît clairement que le rituel maçonnique
représentait une liturgie judéo-chrétienne dont les éléments servent de support à
l’instruction spirituelle et d’encouragement à la pratique spirituelle d’une manière
analogue aux liturgies religieuses des églises chrétiennes.
1- L’interprétation christique. On ne peut ignorer l’influence réelle d’une
culture religieuse catholique dans la Maçonnerie française du XVIIIe siècle. La
posture de relèvement et d’accueil du nouveau Mest une invitation à déchiffrer
le sens de la légende d’Hiram dont la première version parut en 1730 dans
l’ouvrage de Samuel Prichard intitulé «La Maçonnerie disséquée». C’était une
divulgation du rituel de la Grande loge de Londres de 1730. Analysant les deux
75
sources immédiates de cette légende (le Graham de 1726 et le Wilkinson de 1727),
il est permis de montrer que la figure d’Hiram était une figure allégorique
renvoyant à une réalité bien précise : Jésus. Et c’est en ce même sens allégorique
sans équivoque que le rituel de la Grande loge de Londres reprit la figure d’Hiram,
la superposant à celle de Noé, pour élaborer sa légende, afin d’entamer une
herméneutique biblique à l’abri des clergés. La légende maçonnique d’Hiram
n’avait rien d’irréel ou d’irrationnel, elle n’avait rien d’arbitraire ou d’artificiel car
elle exprimait une interprétation spirituelle, et non charnelle, de la résurrection des
morts tout en invitant les maçons à s’interroger sur la notion mystérieuse
d’attouchement corporel.
2- Le rappel ecclésiologique et spirituel du calvinisme. La doctrine calviniste
exprimant les fondements de la foi presbytérienne fut présentée et définie en cinq
points, mieux en cinq contre-points de la réfutation de l’arminianisme au synode
de Dordretch en 1618. Ces cinq points, résumés par l’acronyme anglais tulip
(Total depravity, Unconditonal election, Limited atonement, Irresistible grace,
Perseverance of the saints), portaient essentiellement sur le primat et les modalités
de la grâce et constituaient par-là les clefs de la rédemption en vue du salut éternel.
3- La kabbale permet, à partir du mot de maître substitué de proposer une
suggestion pour la parole perdue : le constructeur est le tétragramme par l’esprit
saint.
Un mythe solaire
Hiram est, sous le rapport astronomique, l'emblème du soleil, le symbole de sa
marche apparente. Sous cette légende allégorique, se cache l'expression de la
grande et profonde loi de la palingénésie111
qui exige la mort violente de
l'initiateur comme complément de l'initiation.
Dans la plupart des mythes ou légendes solaires, il y a un héros frappé à mort par
un monstre, un génie, un assassin. Ce héros a une épouse, un fils. Il est le soleil,
sa femme est la terre, son fils l’homme. Malgré leurs divergences de récit, ces
mythes arrivent tous à la même finalité : tantôt le héros ressuscite, tantôt il est
vengé et remplacé par son fils.
Le franc-maçon, en tant que fils de la veuve, est l’enfant qui devient homme en
prenant la place d’Hiram.
Une époptie
L’époptie est un genre littéraire de la nouvelle fantastique pour donner la
représentation théâtrale des mythes et l’enseignement d'un secret à partir de jeux
111
Apparaît au XVIe
siècle, emprunté au grec palingenesia, de même sens, lui-même composé à partir de
palin, en arrière, et genesis, naissance. Renaissance, résurrection d'un être après une mort réelle ou symbolique. On
évoque la palingénésie du phénix (ou phoenix).Il se dit, en termes de philosophie, soit du retour éternel des mêmes
événements, soit de la renaissance des mêmes individus dans l'humanité, soit de l'accès de l'âme à une vie
supérieure.
La cérémonie de passage au grade de maître est une palingénésie.
scéniques. Les cérémonies d'initiation paraissent toujours suivre, dans l'Antiquité,
un ordre déterminé.
La première étape était constituée par les rites préalables de purification.
L'initiation se prolongeait par l'époptie. Il semble que, du moins pour les mystères
(pour les confréries, il s'agissait plutôt d'un secret magique pour amener la pluie,
nourrir le feu), ces représentations consistaient à tuer l'individu (Osiris coupé en
morceaux, Bacchus déchiré par les bacchantes) pour le faire ressusciter à une vie
nouvelle. Il est donc compréhensible que la mort et la résurrection des dieux de la
végétation aient pu symboliser ces morts et ces résurrections initiatiques et que les
mythes de la plante qui dépérit en hiver pour renaître au printemps aient fourni les
divers scénarios de ces représentations (Mircea Eliade). Le nouvel initié devait
alors jurer de garder le secret sur ce qu'il avait vu et appris ; il recevait souvent un
autre nom. Les cérémonies de clôture qui suivaient étaient publiques, avec des
jeux et des danses qui manifestaient la joie du retour du myste à la vie.
Jacqueline de Romilly a mis en évidence la fonction psychologique et sociale de la
tragédie grecque qui permettait d’extérioriser la violence via un phénomène
d’identification du spectateur à l’acteur-personnage et de l’évacuer ainsi hors des
murs de la cité.
Le rituel maçonnique accomplit une purification assez semblable grâce au
spectacle visuel qu’il livre. Il va même plus loin que la tragédie si l’on considère
que tous les spectateurs sont également des acteurs de la pièce qui se joue, le geste
se joignant à l’observation.
L’interprétation Alchimique.
C’est essentiellement le Rite de l'Étoile Flamboyante dont on retrouve trace dans
le Système philosophique des Anciens Mages égyptiens revoilé par les prêtres
Hébreux sous l'emblème maçonnique vers 1750 qui développa en Franc-
Maçonnerie cette interprétation. Ce Rite est réellement alchimique. Son
catéchisme est une description du Grand Œuvre avec en parallèle l'explication
alchimique des principaux symboles maçonniques.
Un rébus kabbalistique, élixir de vie
Dans la famille des mots substitués, «Mahhabone» apparaît ainsi que la légende
d’Hiram pour la première fois dans la divulgation «Three Distinct Knocks» (les
trois coups distincts) en 1760. C’est ce mot de substitution que retiendra le RÉAA.
Que cache-t-il ?112
1) La solution exotérique
C’est la solution facile, celle qui cache la vraie solution, et qui a bien joué son rôle
puisque c’est la seule qui a été plus ou moins bien perçue jusqu’ici.
Elle est donnée par la transcription en caractères latins : «Mahhabone»
112
Analyse reprise à partir du texte Nouvelle approche Historique et Symbolique du Mot de
Maître trouvé sur https://www.ledifice.net/7093-2.html
77
Si on rajoute, aux quatre lettres hébraïques de base (mhbn), celles qui sont
suggérées par la transcription, on aboutit à la forme :
mä hab-bônë Mah-Ha-Bone םב ם ם
Cette forme est composée des trois mots hébreux suivants :
- «Mah» (מ ה) qui est un pronom interrogatif pouvant se traduire par «que», «quoi»
et éventuellement (mais c’est un sens approximatif) «pourquoi». Ce pronom
qualifie toujours une chose et jamais une personne (on ne peut donc absolument
pas le traduire par «qui», sauf pour demander «ce» qu’elle est comme dans
Samuel 29:3, «Qu’est-ce que c’est que ces Hébreux ?»( ו םפאם אד בו ם םםד ) - «Ha» (ה) qui est soit l’article défini «le, la, les», parfois à vocation
démonstrative (ce, cette, ces), soit un adverbe interrogatif qui introduit le
questionnement. Le choix entre ces trois hypothèses est délicat ; tout au plus
l’absence de redoublement du «b» dans la transcription en lettres latines
(redoublement qui est toujours la règle après l’article défini) orienterait vers le
choix d’une construction interrogative double de la forme [....] מה ה
- «Bone» (בםדח ou חדב) dont on a le sens est, «constructeur». C’est bien la forme
défective, sans la mater lectionis113
«Waw», support de la voyelle «o», qui est
écrite dans TDK.
Les traductions possibles sont donc «Qu’est-ce que le constructeur ?», «Qu’est-ce
que ce constructeur ?» ou, plus probablement, «Qu’est-ce ? Est-ce un
constructeur?»
De plus les règles de prononciation des voyelles en hébreu donnent
immédiatement la raison de la prononciation «Mohabon» à la place de
«Mahabon». En effet, lorsque le pronom interrogatif «Mah» est séparé, il forme un
mot indépendant composé d’une syllabe dite «fermée»
(consonne+voyelle+consonne) et portant obligatoirement un accent tonique. La
voyelle (-) est alors un «qamats gadol» se prononçant comme un «a» long.
La formation du mot composé «mahhabone» transforme le pronom interrogatif
séparé «Mah» en pronom interrogatif préfixé qui perd ainsi son accent tonique,
reporté sur la fin du mot ; la syllabe fermée devient atone et la voyelle devient
alors un «qamats hatuf» se prononçant comme un «o» court.
Notre forme moderne «Mohabon», à part la chute de la voyelle finale, n’est donc
pas aussi fautive qu’on le pense souvent, à condition de prononcer toutes les
consonnes, sans rendre la diphtongue «on».
113
L’hébreu utilise un abjad, un alphabet ne notant que des consonnes. Les voyelles des mots ne sont rendues qu'à
la lecture ou bien par des signes auxiliaires d'emploi rare. On parle donc pour de tels systèmes d'écriture d'une
scriptio defectiva, «écriture défective» : la graphie est en effet la plupart du temps incomplète et nécessite du lecteur
qu'il connaisse déjà un mot donné pour le lire correctement. Les voyelles longues des abjads sont cependant
souvent notées au moyen d’une mater lectionis (consonnes jouant un rôle vocalique). Ainsi, par exemple, en hébreu
les lettres «waw» ו est utilisée pour représenter les voyelles «o» ou «ou».
2) La solution ésotérique
À lire la solution exotérique, on reste sur sa faim ; le mot sacré de Maître est censé être un mot
«substitué» rappelant l’ancien mot de Maître celui que l’on retrouve plus tard, c’est-à-dire le
Tétragramme, l’ineffable nom divin, םדם
Une première piste est la forme «défective» utilisée par TDK. Elle est composée de quatre
lettres, ce qui nous fait immanquablement penser à quatre autres lettres, celles du Tétragramme.
Mais, à part le chiffre quatre, n’y aurait-il pas une autre relation ?
- Lecture de premier niveau : appliquée au nom du divin םדם:
La guématrie simple attribue une valeur numérique à chacune des vingt-deux lettres hébraïques,
ce qui donne : 10+5+6+5 soit un total de 26
La petite guématrie fait de même mais ne tient compte que du niveau des unités (10 et 100
deviennent 1, comme 20 et 200 deviennent 2, etc.) : 1+5+6+5 soit un total de 17
En appliquant cette technique au mot de Maître reconstitué précédemment, on obtient pour ם ם
:בח
. En guématrie simple = (40+5) + (5) + (2 + 50 + 5) = 45 + 62 = 107 équivalent guématrique de
17, valeur en petite guématrie de
«םדם»
. En petite guématrie = (4 + 5) + (5+2+4+5) = 26 valeur en guématrie simple de «םדם».
De plus, si l’on fait la différence entre les valeurs des mots (ם) et (םבם), on obtient : 62 - 45 =
17, valeur en petite guématrie de «םדם». Faire cette différence, c’est quantifier le chemin à
parcourir pour aller du questionnement «mah» à la nature du constructeur «habone» ; la réponse
est Dieu.
Mieux encore, le deuxième mot vaut en petite guématrie :
.Le constructeur» est donc Dieu .17 = 5 + 5 + 2 + 5 = םבם
Ce premier niveau de lecture est donc parfaitement cohérent et renvoie dans tous ses aspects à la
perception du divin.
- Lecture de second niveau :
Il existe une autre forme de guématrie, très utilisée dans la kabbale pour la compréhension du
nom divin : C’est la guématrie simple déployée, qui écrit explicitement chaque lettre composant
le mot avant de faire le calcul numérique ; ainsi, «Yod» qui s’écrit «Yod» + «Waw» + «Dalet»
vaut dans ce cas 10 + 6 + 4 = 20 et non pas 10.
Le tétragramme apparaît ainsi sous quatre formes déployées, 45, 52, 63 et 72, nombre qui ont un
rôle considérable dans la kabbale, en relation avec l’arbre séphirotique.
Il faut d’abord se rappeler que, dès les premières mentions d’un mot de Maître (Manuscrit
Sloane 3329, daté d’environ 1700, question «Maha», réponse «Byn»), le mot s’est prononcé en
deux parties ce qui a conduit ensuite à l’utilisation des lettre M et B comme symbole de ce mot
de Maître.
On est donc invité à séparer le mot ם ב en deux fragments, commençant
respectivement par les lettres M () et B (ב).
79
En écriture défective du TDK, ם ב devient alorsb ב + ם dont les
guématrie simples respectives sont (40+5) = 45 et (2+50) = 52. On voit immédiatement que ces deux fragments sont identiques aux noms de deux des
déploiements numériques du Tétragramme, le shem «MAH» (ם ) de valeur 45 et le shem
«BEN» ( ב) de valeur 52.
Notre mot de Maître est donc composé de deux équivalents numériques du Tétragramme ; mais
l’écriture «défective» intentionnelle de TDK, de même que le «Nun» non final et le décalage des
voyelles nous incitent à penser qu’il manque des lettres.
Puisque le nom divin est censé être caché et substitué par le mot de Maître, ne serait-ce pas
justement les lettres du Tétragramme (ם ד ם ) qui manquent ?
L’une d’entre-elles, le «Hé» (ם) est déjà présente ; le «Hé» symbolise le souffle divin, le
questionnement ; elle appelle les trois autres (cf. «la règle des trois» ci-après) qui forment à elles
seules le nom «Yeho», (ם ד ) une abréviation extrêmement courante dans la littérature
hébraïque pour signifier le Tétragramme. Cette approche du nom divin divisé en «Hé» (h)
d’une part, et «Yod-Hé-Vav» (yhv) d’autre part, est aussi un des classiques de la Kabbale,
détaillé dans le Tiqouné Zohar: «La lettre Hé, c’est la présence (chékhina) en exil. Sa perfection
et sa vie, c’est la rosée. C’est-à-dire les trois lettres yod-hé-vav. Le hé (quatrième lettre du nom),
c’est la présence qui n’est pas comptée dans la rosée. Mais les lettres yod-hé-vav ont une valeur
numérique de 39 et elles complètent la présence de leur puisement de toutes les sources
supérieures».
Ce texte se comprend mieux quand on sait que «Yod-Hé-Vav» déployé en «indice aleph»
donne 39 qui est la valeur du mot «rosée» en hébreu ; c’est aussi celle du «nom en mouvement»,
le «kouzou» [guématrie par décalage d’une lettre dans l’alphabet] :
YHWH (םדם) → KWZW (כדזד), ainsi que de «YHWH EHAD» (Dieu est un, 26 + 13 = 39).
Ce texte du Tiqouné Zohar est fondamental car il introduit la notion de cassure, de la fracture en
Dieu, qui est à la base de multiples rites de la pratique hébraïque.
Le mot substitué a certainement été influencé par cette approche : en effet en intercalant les trois
lettres du Tétragramme abrégé dans les quatre lettres du mot de Maître on obtient : («MAH» +
«BEN»)
Mot substitué («MAH» «BEN» ) ם ב
Tétragramme abrégé (Yeho) י ה ו
Mot recomposé י ה ב ו ם
Ce mot «recomposé» à partir de l’union du Tétragramme et de deux de ses principaux
équivalents numériques se lit très facilement en hébreu ; c’est une construction interrogative
classique : mî hab-bônë ? מ י ה ב ו נ ה : Qui est le Constructeur ?
Le rébus est ainsi construit qu’en apportant la réponse, «Dieu» ( ם ד ם ), on crée la question qui
sollicite cette même réponse, par la fusion de la trinité divine (les deux «shem» et le
tétragramme abrégé) dans l’unité (la question-réponse).
Ce type de procédé, où c’est la question qui donne la réponse, est extrêmement courant dans la
kabbale : un des plus connus, est celui d’Exode 3:13 où Moïse demande son nom à Dieu en ces
termes : א פי ל ם ו ם פ ם - ו , ו א – לד דו פ
Littéralement : «et dire eux à moi quel nom de lui ? Quoi dire à eux ?» Traduction : «et s’ils me
disent : quel est son nom ? Que leur dirais-je ?». La réponse est dans la question, lettres finales
des quatre mots centraux : ם ד ם . De plus, la valeur en guématrie simple du mot
«recomposé» abonde dans le même sens :
qui peut se réduire à 1, l’Unité Divine 118 = 40+10+5+2+6+50+5 = «מ י ה ב ו נ ה»
Le choix de deux des équivalents numériques du Tétragramme pour former le mot de Maître ne
semble pas avoir été fait au hasard ; le mot «Mah» et le mot «Ben» sont les deux seuls noms qui
ont une signification autre que numérique : «Mah» = quoi ? et «Ben» = fils. Or, pour les
chrétiens, le troisième terme «Yeho», abréviation du Tétragramme, représente Dieu le Père.
On est ainsi en présence d’une trinité d’aspect chrétien, réunissant le «Père», le «Fils» et le
«Quoi ?», assimilable à l’Esprit Saint ; C’est par le Saint-Esprit [= le questionnement] qu’un
homme peut comprendre la parole de Dieu : la Bible (1 Corinthiens 2:9-14).
Tous ces aspects du ternaire, cachés au sein même du mot sacré de Maître, éclairent aussi d’un
nouveau jour la nécessité d’être trois pour prononcer le mot sacré, mention présente dès les plus
anciennes divulgations, comme dans Mason’s Examination (1723) : «Si vous voulez devenir un
bon Maître Maçon, observez bien la Règle des Trois».
On comprend ainsi mieux pourquoi les Ancients tenaient particulièrement à leur
mot de Maître «Mahhabone» ; en effet, le mot choisi par les Moderns,
«Machbenah», n’avait pas du tout la même puissance symbolique.
81
Annexe 5 – Évènements bibliques et rituels114
114
Article Les âges du Monde par Jacob Perlman dans la revue Renaissance Traditionnelle n°
195-196 à partir de la page 260. https://storage.googleapis.com/mtl-assets/rt/195-196/RT-195-
196-gratuit.pdf
83
Bibliographie très sommaire
Abbé Pérau, L’ordre des francs-maçons trahi et le secret des Mopses révélé,
1758 https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3110864/
Bègue-Clavel François-Timoléon, Histoire pittoresque de la Franc-Maçonnerie et
des Sociétés Secrètes Anciennes et Modernes,
https://arbredor.com/ebooks/HistoirePittoresqueFM.pdf
Boucher Jules, La symbolique maçonnique, Chap. X Les Paroles, Dictionnaire
des mots sacrés et des mots de passe, éd. Dervy, 1948.
Brun Jean-Louis. Efficience narrative et la transmission des formes de vie : une
approche anthroposémiotique de l’autopoièse dans les pratiques ritualisées,
Université de Limoges, 2017.
https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01679341/document
Bryon-Portet Céline, Étude sémiotique d’une communication fondée sur la
contextualisation et les processus : du rôle des représentations symboliques et
pratiques rituelles de la franc-maçonnerie.
Carr Harry, The Early Masonic Catechisms
https://theeducator.ca/wp-content/uploads/2018/02/The-Early-Masonic-
Catechisms-by-Harry-Carr.pdf
Campbell Joseph, Le héros aux mille et un visages,
http://www.venerabilisopus.org/fr/livres-samael-aun-weor-gnostiques-sacres-
spiritualite-esoterisme/pdf/200/252_campbell-joseph-le-heros-aux-mille-et-un-
visages.pdf
Eliade Mircea, Le Sacré et le Profane, éd. Gallimard, coll. folio essais
Guénon René, Aperçus sur l’Initiation, 1946
http://classiques.uqac.ca/classiques/guenon_rene/Apercus_sur_initiation/Apercus_
sur_initiation.html
Guénon René, Initiation et réalisation spirituelle, Nécessité de l’exotérisme
traditionnel, Éditions Traditionnelles, 1952
Hivert-Messeca Yves, L’initiation maçonnique entre tradition et modernité,
2016.
https://yveshivertmesseca.wordpress.com/2016/06/16/linitiation-maconnique-
entre-tradition-et-modernite-2/
Hivert-Messeca Yves, La franc-maçonnerie face à ses mythes, 2011,
3https://www.glnf.fr/upload/provinces/national/files/conferences/150628conferenc
eYvesYvertMesseca.pdf
Langlet Philippe, Les deux colonnes de la Franc-Maçonnerie, La pierre et le
sable, http://aurore.unilim.fr/ori-oai-search/notice/view/unilim-ori-25281.
Leibniz, Nouveaux Essais sur l'entendement humain, Éd. Flammarion, coll. «GF»,
1966
Plutarque, Isis et Osiris, https://arbredor.com/ebooks/IsisOsiris.pdf
Preuss Arthur, Étude sur la Franc-maçonnerie américaine, 1908
http://www.masoniclib.com/images/images0/871293063007.pdf
Ragon Jean-Marie, Cours philosophique et interprétatif des initiations anciennes
et modernes, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k113262p/
Ramsay, Second discours https://www.glfriteecossaisprimitif.org/?page_id=470
Sudarskis Solange, Dictionnaire vagabond de la pensée maçonnique, 2017 ; La
gestuelle maçonnique, 2020 aux Éd. Dervy,
Yarker John, The Arcanes Schools, 1909, https://legende-
hiram.blogspot.com/search/label/YARKER%20The%20Arcane%20Schools%20
%28Part%201%29
85
Résumé
Si les légendes et les mythes appartiennent au registre des récits, on peut
considérer que les mythes ont besoin de conditions initiatiques pour devenir des
explications ontologiques de l’homme et eschatologiques du monde.
L’évocation des mythes en Franc-Maçonnerie porte surtout sur celui d’Hiram, qui
induit des thèmes mythiques : la construction autour du Temple, la mort, les
mythes cosmiques, la parole perdue.
La compréhension des mythes maçonniques est éclairée par un aperçu de la notion
de rite car c’est par le rite que s’opère le mode actif du mythe. L’exposé se
poursuit avec une succincte exploration de la notion de rituel, véritable
organisation du rite. Au contenu textuel du rituel s’ajoute, de façon indispensable,
une codification gestuelle qui peut être appréhendée à travers les postures, les
gestes de reconnaissance, les déplacements, l’audiogestuelle.
Fondée sur la mise en œuvre collective de mythes qui lui sont à la fois particuliers
dans leurs récits et universels dans leur substance, la Franc-Maçonnerie demeure
une voie initiatique, artisanale, ancestrale et personnelle.
En Annexes
Quelques mythes et légendes
Adonis, Bazalliel (ou Betsaléel), Les Cabiri, Déméter-Cérès, Dionysos, L’éternel
retour, Goriyâ, Héraclès, Hiram, Hiram et les mauvais compagnons, Innana,
Maître Jacques, Mithra, Noé, Odin, Œdipe, Osiris, Perséphone (Proserpine),
Renaud de Montauban, Tammouz.
Qu’est-ce que le shamir ?
Qu’est-ce que la parole perdue ?
Qu’est-ce qu’ «Hiram» ?
87
Table des matières des Annexes
Annexe 1 – Quelques mythes et légendes ....................................... 29
Adonis ............................................................................................................. 29
Bazalliel (ou Betsaléel) ................................................................................... 29
Cabiri (Les) ..................................................................................................... 31
Déméter-Cérès ................................................................................................ 32
Dionysos .......................................................................................................... 33
Éternel retour (L’) ........................................................................................... 34
Goriyâ .............................................................................................................. 35
Héraclès ........................................................................................................... 36
Hiram .............................................................................................................. 38
Hiram et les mauvais compagnons ................................................................. 41
Innana .............................................................................................................. 44
Maître Jacques................................................................................................. 45
Mithra .............................................................................................................. 46
Nêr ................................................................................................................... 47
Noé .................................................................................................................. 48
Odin ................................................................................................................. 50
Œdipe .............................................................................................................. 51
Osiris ............................................................................................................... 52
Perséphone (Proserpine) ................................................................................. 55
Renaud de Montauban .................................................................................... 55
Tammouz ........................................................................................................ 56
Annexe 2 – Qu’est-ce que le shamir ? ............................................. 59
Annexe 3 – Qu’est-ce que la parole perdue ? ................................ 63
Un savoir personnel ? ...................................................................................... 64
Le partage de la Connaissance ? ..................................................................... 65
Une connaissance primordiale ? ..................................................................... 66
Une prononciation «agissante» ? .................................................................... 66
Que peut-être la parole perdue pour un franc-maçon d’aujourd’hui ? ........... 69
Annexe 4 - Qu’est-ce qu’ «Hiram» ? .............................................. 71
Un personnage de légende .............................................................................. 71
Un personnage inspiré du Texte biblique ....................................................... 71
Une représentation emblématique Du Maître ................................................. 72
Un personnage de mystification ..................................................................... 73
Un mythème .................................................................................................... 73
Une fiction morale .......................................................................................... 73
Une parabole christique .................................................................................. 74
Un mythe solaire ............................................................................................. 75
Une époptie ..................................................................................................... 75
L’interprétation Alchimique. .......................................................................... 76
Un rébus kabbalistique, élixir de vie .............................................................. 76
Annexe 5 – Évènements bibliques et rituels ................................... 81
Bibliographie très sommaire ........................................................... 83