naissance du christianisme - bnf

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Naissance du christianisme « Au commencement était le Verbe et le Verbe était auprès de Dieu et le Verbe était Dieu. » (Jean 1, 1) Après le retour de l’Exil, le peuple juif se rassemble dans l’attente d’un Messie annoncé dans la Bible qui viendrait restaurer la monarchie du roi David. À la fin du I er siècle avant notre ère, la Palestine est devenue une province de l’Empire romain ; il y règne une forte agitation politique et une effervescence spirituelle qui se manifeste par l’apparition de divers courants religieux. C’est dans ce contexte d’occupation romaine et de questionnement politique et religieux que naît Jésus, entre –6 et –3. On sait très peu de choses sur son enfance et sur sa personne, hormis ce qu’en disent les Évangiles. Or, les Évangiles (en grec « bonne nouvelle ») sont des témoignages de foi dont le contenu, s’inscrivant résolument dans une perspective religieuse, présente essentiellement les trois années de prédication publique de Jésus. Le message de celui-ci déclenche les passions, à la fois parmi le peuple et parmi les autorités religieuses. Se présentant comme l’envoyé de Dieu, le « Messie », celui qui doit amener « la chute et le relèvement d’un grand nombre en Israël » (Luc 2, 32-34), Jésus est reconnu par nombre de ses compatriotes comme celui qui doit accomplir la prophétie et délivrer le peuple d’Israël du joug romain. Mais s’il prétend n’être pas « venu abolir [la Loi] mais [l’]accomplir » (Matthieu 5, 17), il la réinterprète en mettant en avant l’unique commandement de l’amour et du pardon. Il prêche l’humilité, la charité et le partage. Son discours tourné vers les plus humbles séduit d’autant plus qu’il élargit le royaume de Dieu à l’ensemble des nations. Après sa crucifixion, ceux des juifs qui croient en sa résurrection et en l’aspect rédempteur de son sacrifice sont les premiers convertis. On les appelle « judéo-chrétiens » – du mot Christ (« sauveur ») : ils voient en lui le Fils de Dieu. En plaçant Jésus comme descendant direct d’Adam et d’Abraham, ainsi que l’indiquent les généalogies des Évangiles de Luc et de Matthieu, le christianisme s’inscrit dans la lignée du judaïsme. Mais il bouleverse le rapport entre Dieu et les hommes en conférant au monothéisme une dimension inédite à travers le mystère de l’Incarnation (Dieu fait homme en Jésus-Christ) et de la Trinité (un Dieu unique en trois personnes : Dieu le Père, Jésus le Fils et le Saint-Esprit). Les livres du christianisme La Bible chrétienne est divisée en deux parties : l’Ancien Testament et le Nouveau Testament. L’Ancien Testament, désigné sous ce nom à partir du II e siècle de notre ère, ne suit pas exactement l’ordre de la Bible hébraïque (il contient même sept livres non reconnus par le canon hébreu) ; il est édifié à partir de la Septante, une traduction de la Bible en grec faite à Alexandrie au I er siècle av. J.-C. Le Nouveau Testament est écrit en grec au I er siècle apr. J.-C. Il est constitué des quatre Évangiles (« bonne nouvelle ») – qui relatent la vie et l’enseignement de Jésus –, des Actes des Apôtres, des Épîtres – relatifs à la vie des premières communautés chrétiennes – et de l’Apocalypse, récit prophétique de la fin du monde. L’arbre de Jessé : une généalogie du Christ Les Évangiles de Matthieu et de Luc attestent une filiation entre judaïsme et christianisme : les deux textes comportent une généalogie du Christ, l’une remontant à Abraham et l’autre à Adam, et aboutissant toutes deux à Joseph. L’arbre s’élevant de Jessé, père de David, jusqu’à Jésus, fait référence à une tradition fondée sur une prophétie d’Isaïe : « un rejeton sortira de la souche de Jessé » (Isaïe, 1). On peut y voir Marie, mère de Jésus, bien qu’elle n’apparaisse pas dans la généalogie des Évangiles (la descendance ne se faisant que par les hommes) : sa présence est en effet devenue essentielle dans l’univers de la piété médiévale. Bible des capucins Champagne, dernier quart du xii e siècle. BNF, Manuscrits, latin 16746, f. 7 v°-8. De l’Ancien au Nouveau Testament Dans le christianisme, l’interprétation de l’Ancien Testament (ou Bible hébraïque) se fait à la lumière du Nouveau. Les Pères de l’Église inventèrent la typologie, un mode de lecture qui établit des liens systématiques entre les deux textes. Pour les chrétiens, l’épisode du sacrifice d’Abraham se lit et se comprend au regard du sacrifice de Jésus sur la Croix. Ainsi, ces deux vignettes nous montrent en miroir Jésus portant sa croix et Isaac portant le fagot du sacrifice saisis dans une même posture sacrificielle, l’un annonçant l’autre. Miroir de l’humaine salvation France, milieu du XV e siècle, BNF, Manuscrits, français 188, f. 26 v°. L’épopée de la traduction latine Cette bible carolingienne s’ouvre sur une série d’images mettant en scène la figure rayonnante de saint Jérôme, traducteur de la Bible en latin au IV e siècle. Cette épopée de la traduction biblique qui mena Jérôme en Palestine témoigne de l’importance de la version latine de la Bible, la Vulgate, version officielle de l’Église romaine jusqu’au milieu du xx e siècle. Première Bible de Charles le Chauve Tours, vers 846, BNF, Manuscrits, latin 1, f. 3 v°. De Moïse à Jésus Ce riche parchemin pourpré, écrit à l’encre dorée, date du VI e siècle ; c’est un des plus anciens textes du Nouveau Testament conservés aujourd’hui. L’illustration représente le miracle de la multiplication des pains, qui aurait été annoncé dans l’Ancien Testament : aux deux extrémités de l’image, les figures de David et de Moïse déroulent les passages de la Bible où l’événement serait annoncé. Évangile selon Matthieu, dit Codex Sinopensis Syrie/Palestine, seconde moitié du VI e siècle, BNF, Manuscrits, supplément grec 1286, f. 15. Tétraévangile syriaque, dit « de Mardin » ou « Parisiensis Syrus ». Il existe au sein du christianisme différentes Églises et différentes traditions dont la diversité s’explique par la diffusion « en étoile » du christianisme, à partir de son berceau proche-oriental, et par les ruptures dogmatiques qu’ont pu susciter les grands conciles de l’Église primitive. Ce parchemin appartient à l’Église chrétienne orientale, unie autour de la langue syriaque (« araméen chrétien ») et présente dans de nombreux pays, du Proche-Orient à l’Asie. Syrie du Nord, VII e -XII e siècle, BNF, Manuscrits orientaux, syriaque 33, f. 3 v°-4.

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Page 1: Naissance du christianisme - BnF

Naissance du christianisme« Au commencement était le Verbe et le Verbe était auprèsde Dieu et le Verbe était Dieu. » (Jean 1, 1)

Après le retour de l’Exil, le peuple juif serassemble dans l’attente d’un Messie annoncédans la Bible qui viendrait restaurer lamonarchie du roi David. À la fin du Ier siècleavant notre ère, la Palestine est devenue uneprovince de l’Empire romain ; il y règne uneforte agitation politique et une effervescencespirituelle qui se manifeste par l’apparition dedivers courants religieux. C’est dans cecontexte d’occupation romaine et dequestionnement politique et religieux quenaît Jésus, entre –6 et –3. On sait très peu dechoses sur son enfance et sur sa personne,hormis ce qu’en disent les Évangiles. Or, lesÉvangiles (en grec « bonne nouvelle ») sontdes témoignages de foi dont le contenu,s’inscrivant résolument dans une perspectivereligieuse, présente essentiellement les troisannées de prédication publique de Jésus. Lemessage de celui-ci déclenche les passions, àla fois parmi le peuple et parmi les autorités

religieuses. Se présentant comme l’envoyé deDieu, le « Messie », celui qui doit amener « lachute et le relèvement d’un grand nombre enIsraël » (Luc 2, 32-34), Jésus est reconnu parnombre de ses compatriotes comme celui quidoit accomplir la prophétie et délivrer lepeuple d’Israël du joug romain. Mais s’ilprétend n’être pas « venu abolir [la Loi] mais[l’]accomplir » (Matthieu 5, 17), il laréinterprète en mettant en avant l’uniquecommandement de l’amour et du pardon. Ilprêche l’humilité, la charité et le partage. Sondiscours tourné vers les plus humbles séduitd’autant plus qu’il élargit le royaume de Dieuà l’ensemble des nations. Après sacrucifixion, ceux des juifs qui croient en sarésurrection et en l’aspect rédempteur de sonsacrifice sont les premiers convertis. On lesappelle « judéo-chrétiens » – du mot Christ(« sauveur ») : ils voient en lui le Fils de Dieu.En plaçant Jésus comme descendant directd’Adam et d’Abraham, ainsi quel’indiquent les généalogies des Évangiles deLuc et de Matthieu, le christianisme s’inscritdans la lignée du judaïsme. Mais il bouleversele rapport entre Dieu et les hommes enconférant au monothéisme une dimensioninédite à travers le mystère de l’Incarnation(Dieu fait homme en Jésus-Christ) et de laTrinité (un Dieu unique en trois personnes :Dieu le Père, Jésus le Fils et le Saint-Esprit).

Les livres du christianisme

La Bible chrétienne est divisée en deuxparties : l’Ancien Testament et leNouveau Testament. L’AncienTestament, désigné sous ce nom à partirdu IIe siècle de notre ère, ne suit pasexactement l’ordre de la Bible hébraïque(il contient même sept livres nonreconnus par le canon hébreu) ; il estédifié à partir de la Septante, unetraduction de la Bible en grec faite àAlexandrie au Ier siècle av. J.-C. LeNouveau Testament est écrit en grec auIer siècle apr. J.-C. Il est constitué desquatre Évangiles (« bonne nouvelle ») –qui relatent la vie et l’enseignement deJésus –, des Actes des Apôtres, desÉpîtres – relatifs à la vie des premièrescommunautés chrétiennes – et del’Apocalypse, récit prophétique de la findu monde.

L’arbre de Jessé : une généalogie du Christ

Les Évangiles de Matthieu et de Lucattestent une filiation entre judaïsme etchristianisme : les deux textescomportent une généalogie du Christ,l’une remontant à Abraham et l’autre àAdam, et aboutissant toutes deux àJoseph. L’arbre s’élevant de Jessé, pèrede David, jusqu’à Jésus, fait référence àune tradition fondée sur une prophétie

d’Isaïe : « un rejeton sortira de la souchede Jessé » (Isaïe, 1). On peut y voirMarie, mère de Jésus, bien qu’ellen’apparaisse pas dans la généalogie desÉvangiles (la descendance ne se faisantque par les hommes) : sa présence esten effet devenue essentielle dansl’univers de la piété médiévale.

Bible des capucins Champagne, dernier quart du xiie siècle. BNF, Manuscrits, latin 16746, f. 7 v°-8.

De l’Ancien au Nouveau

Testament

Dans le christianisme,l’interprétation de l’AncienTestament (ou Biblehébraïque) se fait à lalumière du Nouveau. LesPères de l’Église inventèrentla typologie, un mode delecture qui établit des lienssystématiques entre les deuxtextes. Pour les chrétiens,l’épisode du sacrifice

d’Abraham se lit et secomprend au regard dusacrifice de Jésus sur laCroix. Ainsi, ces deuxvignettes nous montrent enmiroir Jésus portant sa croixet Isaac portant le fagot dusacrifice saisis dans unemême posture sacrificielle,l’un annonçant l’autre.

Miroir de l’humaine salvationFrance, milieu du XVe siècle, BNF,Manuscrits, français 188, f. 26 v°.

L’épopée de la traduction

latine

Cette bible carolingiennes’ouvre sur une séried’images mettant en scène lafigure rayonnante de saintJérôme, traducteur de laBible en latin au IVe siècle.Cette épopée de latraduction biblique qui mena

Jérôme en Palestinetémoigne de l’importance dela version latine de la Bible,la Vulgate, version officiellede l’Église romaine jusqu’aumilieu du xxe siècle.

Première Bible de Charles leChauveTours, vers 846, BNF, Manuscrits,latin 1, f. 3 v°.

De MoĂŻse Ă  JĂ©sus

Ce riche parchemin pourpré,écrit à l’encre dorée, date duVIe siècle ; c’est un des plusanciens textes du NouveauTestament conservésaujourd’hui. L’illustrationreprésente le miracle de lamultiplication des pains, quiaurait été annoncé dans

l’Ancien Testament : auxdeux extrémités de l’image,les figures de David et deMoïse déroulent les passagesde la Bible où l’événementserait annoncé.

Évangile selon Matthieu, dit CodexSinopensisSyrie/Palestine, seconde moitié duVIe siècle, BNF, Manuscrits, supplément grec 1286, f. 15.

Tétraévangile syriaque,

dit « de Mardin » ou

« Parisiensis Syrus ».

Il existe au sein duchristianisme différentesÉglises et différentestraditions dont la diversités’explique par la diffusion« en étoile » du christianisme,à partir de son berceauproche-oriental, et par lesruptures dogmatiques qu’ont

pu susciter les grandsconciles de l’Église primitive.Ce parchemin appartient àl’Église chrétienne orientale,unie autour de la languesyriaque (« araméenchrétien ») et présente dansde nombreux pays, duProche-Orient à l’Asie.

Syrie du Nord, VIIe-XIIe siècle,BNF, Manuscrits orientaux, syriaque 33, f. 3 v°-4.