i) naissance et diffusion du christianisme dans l
TRANSCRIPT
1
Site académique Aix-Marseille Histoire et Géographie
Nadine BAGIONNI-LOPEZ - 28/12/2005
Le christianisme en classes de sixième et de seconde
Approches didactiques, outils pédagogiques
Introduction __________________________________________________________________________ 3
I) Naissance et diffusion du christianisme dans l’Antiquité : problématiques historiques .... 4 Bibliographie scientifique _______________________________________________________________ 4
A) La Judée et les Juifs du second Temple, creuset du message chrétien .................................... 5 1. L’espérance messianique. _____________________________________________________________ 6 2. Le monothéisme ____________________________________________________________________ 6 3. Eschatologie : le salut individuel ________________________________________________________ 7 4. Les apocalypses _____________________________________________________________________ 8
B) L’invention du christianisme aux Ier
et IIe siècles ...................................................................... 9
1. La Palestine aux Ier
et IIème
siècles _______________________________________________________ 9 2. Jésus ou traces de Jésus ? ____________________________________________________________ 10 3. Les textes du Nouveau Testament ______________________________________________________ 11 4. La naissance du christianisme : de la secte juive à l’universalisme ____________________________ 12
C) Christianisme et Empire : deux universels............................................................................... 13 1. Le christianisme devient une religion identifiée, à part entière et universelle _____________________ 14 2. Le christianisme répond aux inquiétudes de son époque _____________________________________ 15 3. Le christianisme répond aux exigences du pouvoir impérial__________________________________ 16
D) Annexes : textes de la Bible........................................................................................................ 18 1. Le judaïsme porte en germe le message du christianisme ____________________________________ 18
L’espérance messianique ____________________________________________________________ 18 • La lignée de David______________________________________________________________ 18 • Le règne éternel et universel du messie ______________________________________________ 19 • L’espérance messianique dans le christianisme ________________________________________ 21
Monothéisme et prosélytisme _________________________________________________________ 22 • Hénothéisme et monothéisme _____________________________________________________ 22 • Les prosélytes _________________________________________________________________ 23 • Le Dieu d’Israël dans le Nouveau Testament _________________________________________ 23
Eschatologie : le salut individuel ______________________________________________________ 24 • Le shéol ______________________________________________________________________ 24 • L’individualisation des récompenses ________________________________________________ 24 • La résurrection des corps _________________________________________________________ 25 • Les livres des Maccabées ________________________________________________________ 26
Les apocalypses ___________________________________________________________________ 27 • Ezéchiel, préhistoire des apocalypses _______________________________________________ 27 • Daniel, modèle des apocalypses ___________________________________________________ 28
2. Le christianisme dans ou hors du judaïsme ? _____________________________________________ 30 Intertextualité entre l’Ancien testament et le Nouveau Testament _____________________________ 30
• Citations _____________________________________________________________________ 30 • Typologie ____________________________________________________________________ 30
Le christianisme doit-il rester dans le judaïsme ? __________________________________________ 31 • Tensions entre pauliniens et jacobites _______________________________________________ 31 • Les jacobites : le christianisme courant du judaïsme ____________________________________ 32 • Les pauliniens : l’universalité du message chrétien. ____________________________________ 32
Sortir du judaïsme __________________________________________________________________ 33 Répandre la parole parmi les Nations ___________________________________________________ 34
• Le prophétisme ________________________________________________________________ 34 • La Pentecôte __________________________________________________________________ 34 • L’ouverture aux Gentils : la conversion du centurion Corneille par Pierre ___________________ 34
II) Approches didactiques, propositions pédagogiques .......................................................... 37
A) Problèmes posés par cette étude dans les classes du secondaire ............................................ 37 1. Clarifier l’objet de l’étude ____________________________________________________________ 37 2. Difficultés des élèves dans la démarche historique sur cette question __________________________ 38
2
B) Programmes, programmation annuelle et transposition didactique ..................................... 38 1. Les programmes ___________________________________________________________________ 38
Classe de sixième __________________________________________________________________ 38 Classe de seconde __________________________________________________________________ 39
2. Problématique générale et programmation annuelle ________________________________________ 40 Classe de sixième __________________________________________________________________ 40 Classe de seconde __________________________________________________________________ 41
3. Quelles problématiques pour la leçon sur le christianisme ? __________________________________ 42 Classe de sixième __________________________________________________________________ 42 Classe de seconde __________________________________________________________________ 43
C) Quelques pistes pour des applications pédagogiques .............................................................. 43 1. Classe de sixième __________________________________________________________________ 43
Dans un milieu juif, un culte nouveau naît au Ier
siècle : deux heures __________________________ 43 Il rencontre un contexte favorable à sa diffusion du II
e au IV
e siècles __________________________ 45
L’adhésion des empereurs consacre son succès au IVe siècle ________________________________ 46
Evaluation ________________________________________________________________________ 46 2. Classe de seconde __________________________________________________________________ 46
Dans un milieu juif, un culte nouveau naît au Ier
siècle : deux heures __________________________ 47 Il rencontre un contexte favorable à sa diffusion du II
e au IV
e siècles __________________________ 48
L’adhésion des empereurs consacre son succès au IVe siècle ________________________________ 48
Evaluations _______________________________________________________________________ 49 Conclusion __________________________________________________________________________ 49
Annexes pédagogiques ............................................................................... Erreur ! Signet non défini. Classe de sixième : naissance et diffusion du christianisme dans l’Antiquité (chronologie)Erreur ! Signet non défini. Classe de sixième : les courants du christianisme à la fin du I
er siècle et les livres du Nouveau TestamentErreur ! Signet
non défini. Classe de sixième : les premiers chrétiens, convertir les païens ou rester une secte juive ?Erreur ! Signet non défini. Classe de sixième : Récits de la nativité de Jésus _______________________ Erreur ! Signet non défini. Classe de sixième : christianisme et cultes à mystères, récits d’initiation _____ Erreur ! Signet non défini. Classe de sixième : le triomphe du christianisme au IV
e siècle _____________ Erreur ! Signet non défini.
Classe de sixième : christianisme et empire, deux universels (contrôle) ______ Erreur ! Signet non défini. Classe de seconde : Juifs et chrétiens dans l’Antiquité (chronologie) ________ Erreur ! Signet non défini. Classe de seconde : les courants du christianisme à la fin du I
er siècle et les livres du Nouveau TestamentErreur ! Signet
non défini. Classe de seconde : la Bonne Nouvelle (en grec, l’Evangile) ______________ Erreur ! Signet non défini. Classe de seconde : récit de la nativité de Jésus (évangile selon Mathieu) ____ Erreur ! Signet non défini. Classe de seconde : récit de la nativité de Jésus (évangile selon Luc) ________ Erreur ! Signet non défini. Classe de seconde : les premiers chrétiens, convertir les païens ou rester une secte juive ?Erreur ! Signet non défini. Classe de seconde : christianisme et cultes à mystères, récits d’initiation ____ Erreur ! Signet non défini. Classe de seconde : le triomphe du christianisme au IV
e siècle ____________ Erreur ! Signet non défini.
Classe de seconde : naissance du christianisme (contrôle) ________________ Erreur ! Signet non défini. Classe de seconde : la foi dans l’Antiquité tardive, paganisme et christianisme (contrôle)Erreur ! Signet non défini.
3
Introduction
Cette étude sur l’enseignement du christianisme en 6e et en 2nde prend la suite d’un premier travail, « Les
Hébreux en classe de 6e, nouvelles problématiques », paru dans La Durance n°67 en décembre 20051.
Comme le précédent, ce travail sur l’apparition du christianisme se donne pour ambition d’intégrer le fruit
des recherches récentes, de faire la part de l’histoire sociale et de l’histoire des idées et des mentalités, et de
proposer des prolongements didactiques. Il s’agit d’intégrer l’enseignement du fait religieux dans une
histoire plus générale, de ne pas considérer la religion ou le fait religieux comme un invariant et d’éviter
l’histoire providentielle. Le concile Vatican II déjà rappelait que la vérité des écrits bibliques ne résulte pas
d’un historien positif, mais du fait que l’Eglise, s’appuyant sur la tradition la plus ancienne, les reconnaît
comme inspirés par l’Esprit Saint. Plus généralement et pour tout historien, la religion est un artefact, lié à
l’époque et à la société dans laquelle il est apparu. C’est ce à quoi nous invitent les instructions officielles
des programmes de 6e : Le programme d’histoire de sixième est consacré au monde Antique ; les élèves découvrent l’Egypte, le peuple de
la Bible, la Grèce, Rome, les débuts du christianisme. Ils apprennent les mots qui disent la vie des hommes, leurs
croyances, leur organisation politique et sociale. Les objectifs patrimoniaux et de formation impliquent que la plus
grande partie de l’horaire disponible soit consacrée à la Grèce, à Rome et à la dimension historique des religions
juive et chrétienne2.
Il ne s’agit ni d’étudier « Jésus et son message » et encore moins « sa vie, son œuvre », mais bien de
découvrir avec les élèves comment, dans quel contexte historique, social, culturel et politique est née et s’est
développée cette religion : ne pas enseigner une histoire providentielle mais une histoire laïcisée dans le
cadre de l’enseignement laïque.
Je commencerai par un rappel scientifique sur la question qui exposera les problématiques historiques que
j’utiliserai dans la transposition didactique et la mise en œuvre pédagogique3.
1 http://www.histgeo.ac-aix-marseille.fr/durance/new_dur/num_067.htm 2 C’est moi qui souligne. 3 Je remercie pour leur aide et leur patience Céline Peynichou et Hervé Bismuth.
4
I) Naissance et diffusion du christianisme dans l’Antiquité : problématiques
historiques
Bibliographie scientifique
Dictionnaire de la Théologie chrétienne, Encyclopædia Universalis, 1998.
Les premiers temps de l'Église : de saint Paul à saint Augustin, articles publiés dans Le Monde de la Bible et
présentés par Marie-Françoise Baslez, Gallimard, 2004.
Aux origines du christianisme, articles publiés dans Le Monde de la Bible et présentés par Pierre Geoltrain,
Gallimard, 2000.
Evangiles apocryphes, réunis et présentés par France Quéré, Seuil, 1983.
The sixth century, end or beginning? edited by Pauline Allen and Elizabeth Jeffreys, Brisbane, 1996.
BASLEZ, M.-F., Bible et Histoire, Fayard, 1998.
BORDREUIL, P., BRIQUEL-CHATONNET F., Le temps de la Bible, Fayard, 2000.
CHELINI J., Histoire religieuse de l’Occident médiéval, Hachette, 1991.
DANIELOU J., L’Eglise des premiers temps (des origines à la fin du IIIe siècle), Seuil, 1963.
DUCELLIER A., L’Eglise byzantine, entre pouvoir et esprit (313-1204), Desclée, 1990.
HARL M., DORIVAL G., MUNNICH O., La Bible grecque des Septante, 1988.
LORIOT X., BADEL Ch. (dir.), Sources d’histoire romaine (Ie siècle av. J.-C. début duy Ve siècle ap. J.-C.),
Larousse, 1993.
MANGO, C, Byzantium : the Empire of New Rome, London, 1980.
MARROU, H. I., Décadence romaine ou Antiquité tardive ?, Seuil, 1977.
MOMIGLIANO A.D., Sagesses barbares, les limites de l’hellénisation, Cambridge University Press, 1976,
trad. Maspero, 1979.
PETIT, P., La Crise de l’Empire (des derniers Antonins à Dioclétien), coll. « Histoire générale de l’Empire
romain », Seuil, 1974.
SARTRE, M., D’Alexandre à Zénobie, Histoire du Levant antique, IVe siècle av. J.-C. – IIIe siècle ap. J.-C.,
Fayard, , 2001.
SIRINELLI J., Les Enfants d’Alexandre, la littérature et la pensée grecque 334 av JC - 519 ap. J.-C.,
Fayard, 1993.
TROCME E., L’Enfance du christianisme, Noêsis ed., 1997, réed Hachette Pluriel, 1999.
VIDAL-NAQUET P., « Flavius Josèphe ou du bon usage de la trahison ». Préface à Flavius Josèphe, La
Guerre des Juifs, traduction de P. Savinel, 1976.
VIDAL-NAQUET P., Flavius Josèphe et la guerre des Juifs, Bayard, 2005.
Bibles
La Bible de Jérusalem, Editions du Cerf, 1955
Septuaginta, edidit Alfred RAHLFS, Stuttgart, 1935.
Novum Testamentum Graece et Latine, editit Nestle-Aland, Deutsche Bibelgesellschaft, Stuttgart, 1984.
Bible de Jérusalem (Bible catholique) : http://www.biblia-cerf.com/BJ/
Traduction de la Bible par Louis Segond en 1910 révisée en 2002 (Bible protestante) : http://www.la-
bible.net/bible/segond1910/table.html
Moteur de recherche biblique : http://spcm.org/bibles/chercher_mot.php
Textes latins et grecs en ligne
Bibiotheca Classica Selecta : http://bcs.fltr.ucl.ac.be/Traduc02.html
Textes latins traduits : http://bcs.fltr.ucl.ac.be/SLinf4.html
Textes grecs traduits : http://www.weblettres.net/languesanc/?page=traductionsg
Auteurs chrétiens : http://www.jesusmarie.com/
Les prochaines pages ne prétendent pas à l’exhaustivité. La littérature sur le christianisme est d’une
extraordinaire abondance. L’historiographie n’a pas connu le renouvellement qu’a connu l’histoire des
5
premiers Hébreux avec les découvertes archéologiques faites en Cisjordanie depuis 19674. Pour autant on ne
fait plus l’histoire de Jésus et du christianisme aujourd’hui comme autrefois. Les historiens utilisent
aujourd’hui toutes les sources qu’elles soient archéologiques ou scripturaires (livres du Nouveau Testament,
écrits intertestamentaires et apocryphes, littérature juive et païenne) et replacent cette période dans l’histoire
générale du judaïsme et de l’Empire romain. D’autre part les fruits de la recherche sur l’Empire romain ont
aussi bénéficié à l’histoire du premier christianisme.
La présente étude commence avec le second Temple pour y trouver les éléments qui ont permis la naissance
du christianisme, et finit avec Constantin et le triomphe de cette nouvelle religion. Le christianisme est le
fruit de la rencontre entre trois éléments : le judaïsme devenu religion monothéiste au retour d’exil,
l’hellénisme après Alexandre, synthétiseur culturel de l’orient de la Méditerranée, et l’Empire romain qui,
après Actium, se pense unificateur des peuples et l’histoire de ces peuples. On ne peut comprendre « Jésus et
son message » sans replacer ce message dans le contexte de la Judée et de l’Empire entre le IVe siècle av. J.-
C. et le Ve siècle ap. J.-C. : le christianisme est une construction collective de plusieurs individus (de Jésus et
Paul jusqu’à Constantin et aux Pères de l’Eglise) et de plusieurs sociétés sur plusieurs siècles.
A) La Judée et les Juifs du second Temple, creuset du message chrétien
Il convient de commencer cette étude bien avant la naissance de Jésus pour dresser le portrait de la société et
de la période dans laquelle son message a évolué. On appelle second Temple cette période de l’histoire juive
entre la reconstruction du Temple à Jérusalem au retour d’exil de Babylone au Ve siècle av. J.-C., et sa
destruction par les armées romaines en 70. Elle nous est connue grâce à la multiplicité des sources écrites, la
Bible bien sûr, mais aussi des sources grecques et latines, et juives hors de la Bible (Philon d’Alexandrie,
Flavius Josèphe, la Lettre d’Aristée et toute la littérature intertestamentaire) et les sources archéologiques.
C’est à cette époque que les Juifs5 sont confrontés à d’autres cultures et à d’autres pouvoirs que ce soit les
Juifs de Judée ou les Juifs de la Diaspora dont le nombre grossit tout au long de la période. La tradition
biblique s’ouvre ; la Bible est traduite en grec à Alexandrie au IIe siècle av. J.-C. (Bible d’Alexandrie ou
Septante). Une cinquantaine d’autres écrits sont ajoutés au corpus biblique6. C’est que la Bible, ta bibla en
grec, n’est pas un livre, c’est une bibliothèque dont la pluralité est inscrite jusque dans le pluriel de son
signifiant. Durant toute cette période, elle n’est ni un livre unique, ni un livre fixé. À Qûmran, les manuscrits
proposaient trois versions du texte biblique : celle qui deviendra au VIe siècle la Bible massorétique (la Bible
hébraïque), celle qui a inspiré la traduction grecque de la Septante à Alexandrie, et une version du
Pentateuque samaritain pour les fidèles du temple du mont Gazirim7. Certains livres de la Bible sont rédigés
en grec : le deuxième livre des Maccabées, la Sagesse de Salomon et des compléments aux livres d’Esther,
de Daniel, de Jérémie, et aux Psaumes. D’autres sont passés par des traductions : le Siracide ou
Ecclésiastique a d’abord été écrit en hébreu par Jésus Ben Sirach, puis traduit en grec par le petit-fils de
l’auteur. Il est cité en hébreu jusqu’au IVe siècle par les rabbins, puis n’existe plus que dans sa version
grecque et latine. Ce n’est que depuis 1896 et la découverte de manuscrits médiévaux au Caire puis les
découvertes archéologiques à Qûmran et à Massada que l’on a pu reconstituer des versions du texte hébreu,
avec des variantes.
4 Cependant les découvertes de Qumrâm et de Nag Hammadi ont été fondamentales dans l’historiographie de ces dernières années
sur le sentiment religieux en Judée au Ier siècle et en Egypte au IVe siècle. 5 J’écris Juif avec majuscule lorsqu’il s’agit d’un peuple et juif avec minuscule lorsqu’il qu’il s’agit d’une religion. La chute du
second Temple en 70 constitue à cet égard un événement décisif. Pour les périodes avant l’exil, j’utilise le mot Hébreux. 6 Certains de ces livres sont reçus dans la Bible hébraïque, d’autres non. Parmi ceux qui n’y sont pas reçus, certains sont
canoniques dans la tradition de l’Eglise catholique et d’autres deutérocanoniques ou apocryphes. L’on trouvera un tableau
synthétique des canons vétéro-testamentaires des différentes confession sur :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_livres_de_la_Bible. 7 L’uniformité et stabilité de la tradition manuscrite de la Bible massorétique — nous dépendons de la tradition médiévale puisque
la plus ancienne bible hébraïque date de 1009 — a longtemps fait illusion. En réalité ce monolithisme est le fruit de l’élimination
des formes concurrentes. Le ou les modèles qui ont servi à la traduction de la Septante ont de nombreuses variantes par rapport à
la Bible massorétique, tout comme le Pentateuque samaritain qui servait dans une communauté marginale et dont on conserve un
nombre restreint de manuscrits. Ces traditions coexistaient, les fouilles de 1947 à Qûmran ont a cet égard changé notre regard sur
le texte antique et son utilisation, il n’y avait pas de version unique et ces différentes versions coexistaient.
6
Depuis le retour d’exil, le judaïsme subit une contradiction et une crise : les deux institutions majeures, le
Temple avec son culte et ses prêtres, et la Torah comme Loi, sont définitivement normalisés et institués.
Mais à la différence de l’époque préexilique des royaumes d’Israël et de Juda devenue époque de référence,
il est impossible de maîtriser cet ensemble au moyen d’un pouvoir politique adéquat, c’est-à-dire par la
royauté. La restauration royale des Asmonéens et des Iduméens accentue la crise : le cumul des fonctions de
roi et de grand prêtre et l’indignité de certains grands d’entre eux, datant d’avant même la restauration
royale, désigne dorénavant le Temple aux critiques. La royauté douteusement juive d’Hérode et de ses
successeurs, malgré la restauration grandiose du Temple, renforce la polémique vis-à-vis du sanctuaire
central. Comme toutes les civilisations à la période hellénistique, le judaïsme rencontre les autres
civilisations, et surtout l’hellénisme après la conquête d’Alexandre (333 av. J.-C.), puis la domination
romaine (63 av. J.-C., prise du Temple par Pompée). La Judée dont le statut politique change peu, mais dont
la position stratégique est essentielle entre royaumes Lagide et Séleucide, bascule du monde proche oriental
dans le monde méditerranéen. Cette rencontre ne se fait pas sans heurts : la révolte des Maccabées en Judée
contre la domination grecque séleucide a des motifs religieux et politiques. Cette révolte n’est pas une
simple rébellion dans un royaume hellénistique ; la faible intervention des rois séleucides dans le conflit le
montre. Elle révèle aussi les clivages à l’intérieur de la société juive et les contradictions entre Juifs
hellénistes intégrés et Juifs du « mouvement des pieux » (Hassidim).
La révolte des Maccabées n’est pas la seule marque de résistance à l’hellénisation que l’on trouve au
Proche-Orient. La production d’une littérature de combat sous la forme d’oracles politiques8 est la marque
de cette époque. C’est également une période de rencontres, de mélanges, à la fois une lutte contre
l’hellénisme (par exemple contre les réformes du grand prêtre Jason sous la domination Séleucide) et forte
influence de celui-ci. L’unité littéraire du Proche-Orient s’est construite sur la base d’un internationalisme
de fait, celui des langues internationales9, l’araméen ou le grec, et de la culture, l’hellénisme. Les dynasties
asmonéennes et iduméennes, autonomes mais dépendantes des rois hellénistiques puis de Rome, ont joué
plusieurs cartes, celle de l’hellénisme et celle du nationalisme.
Les textes bibliques de la période du second Temple contiennent quatre axes majeurs, ouvrant la voie aux
messages du christianisme : l’espérance messianique, le passage au salut individuel, le passage au
monothéisme qui induit une ouverture à l’universel et enfin le message apocalyptique, révélation au sens
propre — c’est son sens en grec — de la fin des temps et du salut. On trouvera en annexe les extraits de la
Bible en rapport avec ces quatre thèmes.
1. L’espérance messianique.
Précisons tout d’abord l’équivalence de trois termes : messie en hébreu, christos en grec et oint en français
ont le même sens, celui de la consécration royale. C’est le geste accompli pour la première fois par Samuel
envers Saül puis envers David. La fonction première de l’onction est la désignation humaine et divine du roi.
Avec la disparition de la royauté, l’onction devient allégorique, et « l’oint du Seigneur » passe du domaine
terrestre à une espérance de restauration plus ou moins lointaine et allégorique. Ainsi Cyrus, roi étranger,
devient aussi « oint du Seigneur » puisqu’il permet le retour des exilés.
C’est dans Isaïe et les Psaumes que le messie, cet oint devient l’espérance d’une restauration divine, non
plus pour le peuple juif seul comme dans Michée, mais pour l’humanité entière. Dès lors le trône de David
devient allégorique comme son onction, la descendance de David se confondant avec la filiation divine. Le
messie, le fils de l’homme devient juge des derniers temps dans la littérature apocalyptique. Le messie est
donc passé d’un personnage terrestre, la monarchie d’avant l’exil, à la divinité des visions eschatologiques.
2. Le monothéisme
Le monothéisme n’est pas constitutif de la religion des Hébreux : la Bible a été écrite à plusieurs époques et
laisse apparaître l’évolution religieuse de ceux qui l’ont écrite. Les découvertes archéologiques ont
8 En Egypte, les Prophéties patriotiques annoncent le retour d’un Pharaon idéal et l’Oracle du potier qu’après une période de
calamités, les dieux partiront d’Alexandrie pour rejoindre Memphis. En Perse, L’Oracle d’Hystaspes annonce la destruction des
méchants et de l’ouest, tandis qu’un dieu enverra un roi libérateur pour les justes. . Les apocalypses juives font partie de cet
ensemble littéraire. 9 J’utilise tout au long de l’exposé les mots nation(al) et international dans le contexte de l’époque par commodité. Ils n’ont rien à
voir avec le sens qu’ils ont pris depuis le XIXe siècle.
7
clairement montré que les royaumes d’Israël et de Juda étaient polythéistes jusqu’à une époque tardive ;
Yahvé était par exemple adoré en même temps qu’une parèdre, la déesse Asherah et les Baal comptaient de
nombreux lieux de culte. Le premier tournant est celui de la réforme du roi Josias (639-609 av. J.-C.) qui a
tenté d’éradiquer ces cultes et d’imposer une religion hénothéiste10. La découverte du Livre de la Loi lors de
la rénovation du Temple n’est pas une découverte réelle, elle marque en réalité le début de la rédaction de la
Bible.
C’est durant l’exil à Babylone que s’opère la dernière transformation de cette religion : l’hénothéisme
devient monothéisme et le culte de Yahvé, essentiellement royal, devient un culte national. Au retour d’exil,
après l’édit de Cyrus de 539 av. J.-C. et lors de la reconstruction du Temple par le gouverneur Néhémie et le
prêtre Esdras au Ve siècle av. J.-C., la Bible est mise en forme définitivement ainsi que son contenu
idéologique : monothéisme affirmé, rejet des autres dieux et des autres cultes et de leurs adorateurs, alliance
divine avec le peuple élu et Dieu jaloux qui punit ceux qui rompent son alliance. L’on retrouve la création de
ce monothéisme spéculatif et absolu, niant explicitement l’existence d’autres dieux dans le Deutéro-Isaïe.
Le monothéisme affirmant l’existence d’un dieu unique pour tous induit-il l’universalité du culte de Yahvé ?
Au moment du second Temple, le judaïsme ne se pose en tout cas pas comme religion universelle. Il y a des
convertis, les prosélytes, comme l’attestent de nombreux passages de la Bible, et d’autres témoignages, par
exemple Flavius Josèphe. Le judaïsme se fait même missionnaire sous les rois asmonéens dans les terres
qu’ils gouvernent par souci politique d’unification nationale : en témoignent la destruction du temple
concurrent du mont Gazirim et la conversion de force des Edomites et des Ituréens11. Le passage au
judaïsme pour ces populations se marque à partir de cette époque, et seulement de cette époque, par la
circoncision : les Iduméens furent circoncis de force. Mais le judaïsme reste d’abord une religion nationale,
que ce soit pour les Juifs de Judée ou ceux de la Diaspora. La conversion des Goyim12 n’est pas à l’ordre du
jour. De la même manière, le judaïsme est considéré par les Goyim, les Nations, comme religion nationale ;
c’est à ce titre que les Lagides ont fait traduire la Torah, livre de la loi d’un peuple, ou que le judaïsme est
reçu comme religion licite par Rome. C’est le christianisme qui s’extraira du cadre national pour viser
l’universel.
3. Eschatologie : le salut individuel
Les livres de la Bible rédigés avant le Ve siècle av. J.-C. ne traitent pas du salut après la mort. Les punitions
divines s’abattent sur terre pour ceux qui ont trahi l’Alliance ou ont adoré d’autres dieux : d’Adam aux rois
d’Israël et de Juda, la liste est longue des infidélités et du châtiment du Dieu jaloux. Ce châtiment est
rarement individuel (Caïn, Onan, Saül, Achab et Jézabel), il est surtout collectif (le Déluge, la tour de Babel,
la destruction de Sodome, l’errance dans le Sinaï, l’éclatement du royaume de Salomon, la faute d’Achar
après la prise de Jéricho, la destruction de Samarie et celle de Jérusalem). Il s’abat en général sur le peuple
dirigé par de mauvais rois ou de mauvais chefs qui trahissent l’alliance de Yahvé. La question de la vie
après la mort se pose peu : tous les morts vont au shéol, un néant où leur sort est identique, un pays de
ténèbres et de chaos.
Le changement de perspective s’opère après le retour d’exil et sous la domination grecque. La punition ou le
salut changent de monde et s’opèrent dans une perspective eschatologique. De collective la punition devient
individuelle. Le messie devient le sauveur et juge des temps derniers. La fréquence du titre de « sauveur »
(sôter) dans les titulatures royales hellénistiques, a pu aussi influencer celle du messie juif. Le salut passe
aussi du collectif à l’individuel, de la punition ou de la récompense du peuple à celle des individus pour
leurs mérites en particulier par les œuvres : les livres de Tobie et du Siracide, exclus du canon juif, sont
particulièrement éclairants. La prière, le jeûne, la justice et surtout l’aumône sont valorisés pour la personne
10 Idée selon laquelle on réserve sa dévotion et son culte à un seul dieu, sans nier l’existence des autres. On peut dire aussi
monolâtre. 11 Mais pas les Moabites qui sont hors de la « Terre promise » et dont la conversion est explicitement interdite par Deutéronome
XXIII, 4. Le programme d’extension des rois asmonéens a-t-il été une tentative de reconstitution de la « Terre promise » ? 12 J’utilise le mot Goyim, les Nations de l’Ancien Testament, pour le contexte juif, et le mot Gentils pour le contexte chrétien par
commodité et par respect de la tradition. Mais ceci n’est pas sans poser de nombreux problèmes : par exemple dans Galates 1, 16
le texte grec écrit ἒθνοι que la Vulgate traduit par Gentes, ce que les traductions en français rendent soit par païens soit par
Gentils. Mais les écrits de Paul en écrivant ἒθνοι traduisent bien l’hébreu Goyim.
8
qui les pratique. La relation à Dieu prend un caractère individuel13 et la récompense est donnée sur terre
(Tobie) ou au ciel (Siracide). Cette évolution du salut qui passe du collectif à l’individuel trahit en outre une
influence des philosophes grecs. La Sagesse de Salomon, rédigée en grec au Ier siècle av. J.-C., est nettement
influencée par l’esprit philosophique hellénique. Au IIIe siècle av. J.-C., Jésus Ben Sirach, l’auteur du
Siracide, apparaît comme un lecteur des philosophes grecs : il affirme la libre détermination de la volonté
humaine, le péché n’étant pas envoyé par Dieu mais résultant d’un choix humain, Dieu récompensant
chacun selon ses œuvres.
La croyance en la résurrection des corps est affirmée pour la première fois au IIIe siècle av. J.-C. dans le
Deutéro-Isaïe puis au IIe siècle dans le livre de Daniel. Le deuxième livre des Maccabées marque un
tournant : l’intervention divine se fait sous la forme d’un miracle dans l’histoire (Héliodore en Maccabées II,
3) et le martyr devient une forme du salut (la mère et ses sept fils en Maccabées II, 7). La résurrection des
morts, y compris de la chair, s’y trouve fortement affirmée. La Sagesse de Salomon affirme l’immortalité de
l’âme pour les justes et l’anéantissement pour les impies, une vie de souffrance mais vécue saintement
devant être récompensée. Dès le IIe siècle, les principaux modèles eschatologiques repris par le christianisme
sont en place dans le monde juif, en Palestine et dans la Diaspora : individualisation du rapport à Dieu,
résurrection, récompense ou châtiment après la mort des bienfaits ou des mauvaises actions accomplis sur
terre, jugement dernier de l’humanité, valorisation du martyr pour la foi.
4. Les apocalypses
Ce que l’on appelle littérature apocalyptique se rapporte à toute une masse d’écrits juifs du IVe siècle av. J.-
C. au IIe siècle ap. J.-C. La plupart sont considérés comme des apocryphes : Livre d’Hénoch14, Livre des
Jubilées, Apocalypse d’Abraham, Testament d’Adam, Testament de Moïse, Testament des douze
patriarches… l’utilisation des pseudonymes place souvent ces écrits sous le patronage de héros médiateurs
de l’histoire juive et de l’histoire de l’humanité. Le livre de Daniel dans l’Ancien Testament, les passages
apocalyptiques des évangiles synoptiques et l’Apocalypse de Jean dans le Nouveau Testament seront reçus
comme canoniques dans l’Eglise catholique. Cette abondante littérature a été écrite en hébreu, en araméen
ou en grec et représente toutes les tendances du judaïsme ancien. Elle n’est d’ailleurs pas propre au
judaïsme, cependant les apocalypses juives ont eu un processus d’élaboration original qui leur donne un
caractère propre. Le livre d’Ezéchiel, avec ses visions des roues célestes, du char divin, du Temple et de la
Jérusalem futurs fait figure d’archéologie de la littérature apocalyptique. L’exil à Babylone, la disparition de
la royauté, la destruction puis la reconstruction du Temple ont marqué une crise de l’idéal de rédemption
reposant sur le Temple. Les visions des apocalypses mettent alors en scène un Temple céleste et une
interprétation de l’histoire que l’on retrouvera dans les textes du Nouveau Testament. C’est surtout à partir
de la crise morale et religieuse du temps des Maccabées que cette littérature se développe. Le livre de
Daniel, écrit par un Juif pieux proche des Hassidim vers 165 av. J.-C., en est le meilleur témoignage et a
particulièrement influencé le répertoire symbolique et le langage religieux de la pensée juive et de la pensée
chrétienne.
Le mot apokalypsis signifie révélation en grec : il s’agit de révéler l’état et le statut définitif des choses
terrestres et célestes à la fin de l’histoire. Le livre de Daniel met en scène un jeune page juif et ses
compagnons à cour du roi de Babylone. La fosse aux lions fait partie des épisodes célèbres : la sortie de
Daniel, indemne grâce à sa fidélité à Dieu, préfigure la résurrection pour les premiers chrétiens. Ses visions
mettant en scènes les quatre bêtes et les quatre royaumes puis le Fils de l’Homme peuvent se lire comme
une interprétation de l’histoire — la succession des quatre empires et le triomphe du messie — et comme
une cosmologie, une histoire universelle annonçant la fin des temps. Cette description de la fin des temps
prend sa place dans l’évolution de l’eschatologie juive de la période du second Temple : Israël est le centre
de l’histoire du monde, la longue suite d’épreuves dont la présente, la plus terrible — la lutte contre les
Grecs — ne fait que préparer le rachat du peuple persécuté par Dieu. La fin est proche, le temps du jugement
où Dieu rétablira tout ce qui est juste. L’histoire a un sens, le combat entre le Bien et le Mal fait partie du
plan divin pour l’humanité dans lequel tout événement historique prend sa place jusqu’à la victoire finale
des justes.
13 Dans le livre de Tobie la présence de Dieu passe par l’intervention de l’ange Raphaël. On notera également l’influence de la
cosmogonie perse avec la bataille des anges et des démons. 14 Le Livre d’Hénoch est reçu dans le canon copte.
9
Les livres de la Bible de l’époque hellénistique sont pour beaucoup d’entre eux des œuvres politiques de
circonstance écrites par des notables proches du pouvoir. Ils n’en sont pas moins les supports d’une
théologie nouvelle. La littérature juive de l’époque du second Temple porte en elle les principaux axes de ce
qui sera le message évangélique. L’espérance messianique, le salut individuel, le monothéisme universel et
le message apocalyptique appartiennent déjà au discours juif avant Jésus. Pourtant ce discours reste aussi un
discours national : les Maccabées racontent la lutte des Juifs contre l’Etat grec, les apocalypses, les textes
messianiques annoncent le retour d’un royaume juif. L’universalisme est en germe dans le monothéisme, le
judaïsme s’ouvre aux autres cultures comme toutes les « sagesses barbares » (A. Momigliano), mais il reste
d’abord l’identité d’un peuple en Palestine ou dans la Diaspora. Le christianisme réalisera ce qui est déjà
présent dans ce judaïsme du second Temple et assumera le message d’universalité en intégrant celui de
l’hellénisme et de l’Empire gréco-romain. Cette synthèse est le fruit de l’histoire du christianisme depuis
Jésus jusqu’à Constantin.
B) L’invention du christianisme aux Ier et IIe siècles
C’est dans une Palestine secouée de crises que vécut et mourut un personnage nommé Jésus. Les Evangiles
le présentent comme un Juif ayant prêché à des Juifs et comme le fondateur d’une secte juive qui le
reconnaît comme le messie et croit en sa résurrection. Ces crises se terminent par la guerre des Juifs et la
destruction du Temple. C’est bien cet événement qui marque la fondation du christianisme comme religion
autonome alors qu’il est expulsé du judaïsme. Dès lors il peut se poser comme religion universelle au sein
d’un Empire ayant les mêmes prétentions qu’elle et répondre aux inquiétudes d’une population ayant soif de
salut puis épouser les exigences d’un pouvoir impérial qui devient absolu et d’allure quasi-divine.
La question de la fondation et du fondateur du christianisme peut-elle avoir un sens ? L’élaboration de cette
religion réellement nouvelle, révolutionnaire, est faite des contextes successifs de son évolution, de secte
juive à religion catholique (universelle) et impériale.
1. La Palestine aux Ier et IIème siècles
Ces deux premiers siècles sont une période de tensions sociales associées à une crise d’identité. Les tensions
sociales sont dues aux inégalités croissantes entre la petite paysannerie endettée et exploitant des parcelles
trop petites, et les grands propriétaires fonciers, souvent la famille et les amis du roi. Les petits paysans sont
peu à peu éliminés des terres les plus riches au profit des grandes propriétés foncières et du lotissement des
vétérans. Là-dessus se greffe une lourde fiscalité et la réalité de l’esclavage pour dettes ; la révolte en 66
commencera entre autres par l’incendie des bureaux de l’enregistrement et la libération des esclaves. Même
si la situation est en réalité plus complexe — il existe aussi une classe de moyens propriétaires — cette
situation se lit dans les évangiles qui opposent volontiers très riches et très pauvres.
La crise d’identité est identique à celle qui opposa Juifs hellénistes et mouvement des pieux à la période des
Maccabées. L’hellénisme gagne du terrain en particulier dans les classes dirigeantes et chez les Juifs
instruits. Les rois iduméens profondément hellénisés vivent entourés de Grecs. Jusqu’où cette hellénisation
remet-elle en cause le respect de la Torah ? Ses progrès, cette culture universelle de l’empire gréco-romain,
si séduisante, semblent irrépressibles. Rajoutons que partout, même en Judée, mais encore plus en Galilée,
les Juifs sont mêlés aux païens. Après 70 et encore plus après 135, les Juifs deviennent minoritaires en Judée
et en Galilée. Cette dernière région où toutes les traditions évangéliques font naître et évoluer Jésus et son
entourage, est par ailleurs éloignée du Temple, mal pacifiée et connue pour son brigandage, et elle subit une
pression moindre des autorités politiques et religieuses. De son côté, la Diaspora a dû aussi inventer des
formes de cohabitation au milieu des Goyim. Fortement hellénisée, elle a perdu l’usage de l’hébreu :
l’araméen s’est déjà imposé, avec le grec, comme langue vernaculaire. Dans ce contexte, certains Juifs avant
70 envisagent déjà un repli identitaire sur des normes de plus en plus exigeantes qui coupent les Juifs des
Goyim. Il n’est pas impossible que parmi les causes de la condamnation de Jésus par les autorités juives
figure son refus de l’exclusion des païens et son discours intégrateur. On peut voir de même dans la
condamnation de Jacques « frère du Seigneur » en 62, un raidissement et un repli des autorités du Temple
dominées par les rigoristes sadducéens qui ont pu se sentir menacés par cette nouvelle secte qu’on nomme
déjà les chrétiens, à un moment de tensions extrêmes entre Juifs et païens et entre les différents courants du
judaïsme.
10
Tous ces éléments créent des tensions politiques et religieuses. À la suite de Flavius Josèphe, source majeure
de nos connaissances sur cette époque, les historiens ont mis en avant le rôle des sectes juives15 dans la crise
du Ie siècle et le déclanchement de la révolte en 66. Dans la Palestine du Ier siècle, certains groupes travaillés
par la littérature apocalyptique et l’espérance messianique attendent l’événement extraordinaire qui
annoncera la libération des Juifs comme les esséniens retirés à Qumrân. Ce sont certains de ces groupes qui
seront les moteurs de la révolte de 66. C’est aussi au nombre de ces sectes que l’on peut compter celle de
Jean le Baptiste et les premiers adeptes qui virent dans Jésus le messie.
La révolte de 66-70, son échec en 70 (prise de Jérusalem) et 73 (chute de Massada), puis l’échec de la
révolte de Bar-Kokhba en 135 signent la fin du culte sacrificiel et de l’espoir de son renouveau. La
continuation et la réforme du judaïsme se feront sans Temple, hors de Palestine, sous l’impulsion des rabbis
pharisiens, la Torah et ses commentaires dans les Talmud servant dorénavant de base au judaïsme
rabbinique.
2. Jésus ou traces de Jésus ?
Je commencerai par un détour méthodologique en citant Jacques Le Goff qui s’interroge dans sa biographie
sur Saint Louis : « Le Saint Louis de nos documents a-t-il existé ? Et comme c’est le seul qui s’offre à nous,
Saint Louis a-t-il existé ? »16. Cette interrogation que pose J. Le Goff sur ce personnage dont nul ne doute
qu’il ait existé pose la question des sources biographiques et du travail de l’historien. Cette question se pose
avec encore plus d’acuité pour Jésus. Son existence historique n’est remise en cause par aucun historien
sérieux, mais ceux-ci sont cependant réduits à travailler sur les traces laissées par ce personnage. Et celles-ci
posent plus de questions qu’elles n’en résolvent. Les sources archéologiques ne sont pas probantes. Le
christianisme n’a pas laissé de traces identifiées avant le IIIe siècle17. Si les textes du Nouveau Testament
sont la mémoire du christianisme, ils n’ont pas été produits pour écrire l’Histoire mais pour témoigner d’une
foi. Reconstituer la vie de Jésus de la naissance à la sa mort reste illusoire et artificiel. Nous ne connaissons
Jésus, prédicateur galiléen, de langue araméenne et de culture hébraïque qu’à travers des textes écrits en
grec. Ces textes sont pour la plupart postérieurs de deux générations à la mort de Jésus, postérieurs aussi à la
destruction du Temple de Jérusalem (70) qui déracina le christianisme primitif de son contexte juif. Les
sources extérieures au Nouveau Testament18 sont aussi tardives et posent autant de problèmes. En définitive,
Jésus n’aura marqué l’histoire de son temps que par sa mort qui est bien connue et bien datée. Pour Tacite et
pour Josèphe, qui écrivent entre 80 et 100, la figure du Christ a déjà dépassé celle de Jésus. Seul cet
événement nous est connu avec certitude. Pour le reste, les seules sources restent les textes
néotestamentaires.
15 Flavius Josèphe appelle philosophies les trois grandes sectes juives : pharisiens, sadducéens et esséniens. Mais il existe encore
quantité d’autres groupes, piétistes, baptistes et zélotes parmi lesquels les sicaires qui prônent l’action violente contre l’occupant
romain. Le judaïsme est divers, pluriel, sans orthodoxie.
Sur les sectes juives : SARTRE, Maurice : op.cit, 2001, pp. 560-565 et BASLEZ, M.-F., op. cit., 1998, pp. 140-151. 16 Le Goff Jacques, Saint Louis, Bibliothèque des Histoires, éd. Gallimard, Paris, 1996, réed. Quarto Gallimard, 2004, p.442. 17 Pourtant l’archéologie biblique est ancienne ! Hélène, mère de Constantin qui inventa les reliques de la Passion fut-elle la
première archéologue en Terre Sainte ? 18 Tacite Annales XV, 44, Suétone Vie des Douze Césars 25,4 et 26, 2, Flavius Josèphe Antiquités Juives, XX,197-203 et XVIII,
63-64, 16:08, Talmud de Babymone Sanhédrin, 43a.
Les deux textes de Josèphe posent beaucoup de problèmes en particulier le Testimonium Flavianum :
Vers ces temps-là un homme sage est né, s’il faut l’appeler un homme. Il accomplissait notamment des actes
étonnants et est devenu un maître pour des gens qui acceptaient la vérité avec enthousiasme. Et il est parvenu à
convaincre beaucoup de juifs et de grecs. Le Christ c’était lui. Et quand, par suite de l’accusation de la part des gens
notables parmi nous, il avait été condamné par Pilate à être crucifié, ceux qui l’avaient aimé dès le début n’ont pas
cessé. Il leur est apparu le troisième jour de nouveau vivant selon les paroles des divins prophètes qui racontent ceci
et mille autres merveilles à son sujet. Et jusqu’aujourd’hui le peuple qui s’appelle chrétien d’après lui n’a pas
disparu.
Antiquités juives, XVIII, 63-64
Il ne fait nul doute que les textes de Josèphe ont été interpolés par la tradition chrétienne. Cette interpolation est-elle partielle ou
totale ? Il y a débat. L’œuvre de Flavius Josèphe, ignorée du judaïsme traditionnel, a été conservée par les chrétiens qui l’ont
maintes fois recopiée et traduite. Son témoignage a été considéré par le christianisme comme le cinquième évangile pour plusieurs
raisons : tout d’abord à cause des passages concernant Jésus mais surtout, par son récit dans la Guerre des Juifs de la chute de
Jérusalem et du Temple après la crucifixion, Josèphe témoigne que le Verus Israël a remplacé l’ancien, la nouvelle Alliance
l’ancienne.
11
Les quatre évangiles ne racontent pas les mêmes épisodes de la vie de Jésus. Les quatre récits de la Passion
sont différents, les récits de la nativité et de l’enfance de Jésus dans Luc et Mathieu divergent et comportent
de nombreuses incohérences avec ce que nous savons par ailleurs : par exemple le recensement sous
Quirinus tel que le décrit Luc est un événement reconstruit et incohérent19. La naissance de Jésus à Bethléem
le désigne dans l’héritage davidique. Les évangiles ne sont ni des biographies, ni des témoignages pour
l’histoire, ce sont des actes de foi rédigés plusieurs décennies après la Bonne Nouvelle (l’évangile en grec)
c’est-à-dire la résurrection de Jésus. De toute manière, dans l’Antiquité, les biographies étaient
démonstratives et non documentaires : les évangiles, chacun à sa façon, révèlent le Christ en projetant sur sa
vie l’acte de foi de sa résurrection.
3. Les textes du Nouveau Testament
L’écriture des textes du Nouveau Testament s’étale sur plusieurs décennies. Les premiers sont les épîtres de
Paul écrites environ vingt ans après la mort de Jésus, les plus récents datent des années 120. Des textes
apocryphes ont été aussi produits pendant et après toute la période de rédaction du Nouveau Testament20. La
première question à poser est celle des rédacteurs. La tradition de l’Eglise depuis le IIe siècle attribue les
quatre évangiles à quatre témoins et auteurs inspirés : Matthieu et Jean (deux apôtres), Marc (le secrétaire
de Pierre) et Luc (un des compagnons de Paul). Les Actes des Apôtres sont attribués à Luc et les épîtres à
divers apôtres ou à leurs disciples. La recherche moderne a conduit à revoir ce jugement. Tout d’abord une
grande partie de ces écrits, comme les apocryphes, se rattachent à la tradition pseudépigraphique juive ;
dans l’Ancien Testament les Sagesses ne sont pas de Salomon, les Psaumes ne sont pas de David, car écrire
sons le nom d’un autre c’est revendiquer une légitimité et se placer sous son patronage21. S’il ne fait pas de
doute que les premières épîtres de Paul rédigées vers 50 sont bien de sa main, il semblerait que ses dernières
lettres pastorales auraient été écrites dans les années 90, par ses proches, après sa mort. Par exemple, la
critique attribue l’Epître aux Hébreux à Apollos, un juif alexandrin prédicateur à Ephèse et les Epîtres aux
Corinthiens à Clément, évêque de Rome à la fin du siècle. Les épîtres de Jacques, de Pierre et de Jude
semblent aussi tardives et tout aussi pseudépigraphiques. Les Actes des Apôtres ont été composés après 70
dans le contexte de la reconstruction du christianisme après la chute du Temple. Les évangiles sont des
œuvres plus tardives encore qui ont collecté une vaste tradition orale, fruit de communautés constituées. Ce
sont des œuvres de synthèse mettant par écrit les réflexions théologiques des différents cercles du
christianisme primitif.
Le premier christianisme s’est d’abord développé sur la transmission orale du message évangélique, soutenu
par une parole prophétique. Puis, autant dans le judaïsme d’après la destruction du Temple que dans la
tradition chrétienne en train de se construire, les prophètes sont devenus suspects à la fin Ier siècle. Ce
qui leur fit perdre leur légitimité dans la transmission de la parole fut que ces personnages, outre qu’ils
étaient ressentis comme de faux prophètes, sont apparus également comme des vagabonds et des
perturbateurs. Dans cette fin du Ie siècle, le prophétisme disparaît sauf dans les hérésies millénaristes. C’est
alors qu’ont été fixés, c’est-à-dire rédigés et choisis, les textes du Nouveau Testament par la deuxième
génération apostolique sous le patronage des apôtres. Ce choix fait la part belle à Paul, car il est le fruit de
l’histoire du christianisme à ses débuts.
19 Reconstruit car il mêle différents éléments de l’histoire romaine, incohérent car aucun recensement n’obligeait à un déplacement
de population. Son sens est théologique : lever l’interdiction de recensement formulée par la Torah et affirmer l’universalisme
ouvert par la naissance du messie puisque ce recensement est le « premier » et concerne « tout le monde habité ». D’autre part, la
soumission de Joseph à ce recensement est une affirmation du loyalisme du rédacteur à l’égard de l’Empire. 20 Le canon des évangiles est fixé à la fin du IIe siècle pour l’essentiel, mais les apocryphes n’ont pas pour autant cessé d’être
rédigés. Les plus tardifs datent du VIe siècle (le Pseudo-Matthieu), les plus anciens datent du judéo-christianisme (Evangile des
Hébreux). Ceux du IIe siècle, les plus nombreux, ont souvent été rédigés dans des milieux christiano-païens (le Protoévangile de
Jacques par exemple). Les évangiles gnostiques (Evangile de Thomas) dont les manuscrits de Nag-Hammadi nous ont révélé
l’ampleur, sont plus savants et datent des IIe et IIIe siècles.
Même si l’Eglise les a très tôt rejetés, ils ont inspiré l’iconographie et la piété jusqu’à nos jours : la grotte de la Nativité, l’âne et le
bœuf de la crèche, la vie de Marie, d’Anne et de Joachim et foule de personnages secondaires qui ont peuplé l’univers des
peintres, des auteurs, et de la piété savante et populaire sont tirés des évangiles apocryphes. 21 C’est déjà ce que fait l’hébreu biblique lui-même, à une époque où la notion d’auteur est bien évidemment introuvable, lorsqu’il
définit par exemple les psaumes comme des psaumes à David (ledavid) et non de David (chel david). Les rabbins admettent eux-
mêmes que les psaumes ont été composés par plusieurs auteurs, dont David.
12
Dans la littérature évangélique, les aspects biographiques de la vie de Jésus sont au service du message
théologique. Ils répondent tout d’abord aux canons littéraires de leur époque ; ainsi les miracles sont à la fois
des stéréotypes de la littérature grecque et des rappels du passé biblique. Ils sont porteurs du message
messianique (par exemple les récits de l’enfance) et évangélique (par exemple la résurrection de Lazare qui
annonce celle de Jésus). Surtout la littérature néo-testamentaire est nourrie de réminiscences de l’Ancien
Testament car la religion nouvelle s’enracine dans la révélation biblique. De même les personnages qui
entourent Jésus servent le propos théologique ; Marie de Magdala dans Jean, premier témoin de la
Résurrection, « apôtre des apôtres » illustre la foi amoureuse mais incomplète, le vrai apôtre restant « le
disciple bien aimé ». Il faut ensuite faire la part de la tradition et de l’exégèse, qui, dès la production des
textes, a regroupé, recoupé, interprété, ceux-ci22. Ainsi et pour reprendre le même personnage, Marie-
Madeleine est un personnage composite créé à partir de dix-huit citations tirées des quatre évangiles et de
trois personnages a priori distincts (Marie sœur de Marthe et Lazare, la pécheresse dans la maison du
Pharisien et Marie de Magdala parmi les saintes femmes au tombeau). Elle apparaît rapidement dans la
tradition chrétienne comme un seul personnage, son « officialisation » étant le fait du pape Grégoire le
Grand au VIe siècle23.
Si ces écrits relatent la trace de Jésus, cette trace est difficile à suivre. Leurs indications nous informent
d’abord sur les rédacteurs et leurs intentions, c’est-à-dire les groupes qui fondèrent le christianisme. Les courants du christianisme à la fin du Ier siècle et
les lieux et dates supposés de rédaction des textes du Nouveau Testament24 Courants et personnages
de références
Lieux Langues des
groupes25
Textes du Nouveau Testament
Pétriniens
(Pierre « l’apôtre du seigneur »)
Galilée et
Antioche
Araméen et
grec
Marc (avant 70 ou Marc rédigé à Rome ?)
Matthieu (source Q pour les deux évangiles)
Première et deuxième épîtres de Pierre (la
deuxième est datée vers 125)
Jacobites
(Jacques « frère du seigneur »)
Jérusalem Araméen Epître de Jacques (80-90)
Epître de Jude (vers 90)
Epître aux Corinthiens (vers 95)
Pauliniens
(Paul « l’apôtre des Gentils »)
Rome Grec Epîtres pastorales de Paul (85-90)
Epître aux Ephésiens (85-90)
Antioche et
hellénistes
palestiniens
Grec Epître aux Romains (vers 50)
Luc, Actes des Apôtres (vers 80-90) (ou Luc
a-t-il rédigé à Rome ?)
Epître aux Hébreux (86-96)
Johanniques
(Jean « le disciple bien-aimé »)
Samarie et Asie
Mineure
Grec et
araméen
Jean (Jean, Epîtres de Jean, Apocalypse)
4. La naissance du christianisme : de la secte juive à l’universalisme
L’émergence du christianisme comme nouvelle religion ne se fait pas avant le deuxième siècle. Jusqu’en 70
le christianisme n’est qu’une secte parmi d’autres au sein du judaïsme. A en croire ce que disent eux-mêmes
les évangiles, Jésus n’a jamais prétendu fonder une religion nouvelle : il prêche le royaume de Dieu aux
Juifs et à eux seuls, il n’a fondé aucune institution si ce n’est le groupe des douze autour de lui. Les révoltes
de 70 avec la destruction du Temple et celle de Bar Bokhba en 135 avec la dispersion définitive des juifs et
la transformation de Jérusalem en Ælia Capitolina ont été des éléments moteurs de l’émergence du
christianisme comme religion autonome. Cette séparation a été progressive. Elle est le fruit de facteurs
externes, parmi lesquels la réforme du judaïsme par les Pharisiens après 70 et la création du judaïsme
rabbinique qui a progressivement expulsé les tendances hétérodoxes26, et de facteurs internes, comme le
22 L’ensemble des paroles attribuées à Jésus, les logia, ne se trouvent pas toutes dans les évangiles canoniques. Ces agrapha —
authentiques ou non selon les critiques — se trouvent dans d’autres textes du Nouveau Testament, dans des variantes de
manuscrits ou chez les Pères de l’Eglise. Pour les évangiles apocryphes voir note supra. 23 La tradition orientale continue de distinguer les autres Marie de la Magdaléenne. On vénérait son tombeau à Ephèse. 24 Ce tableau très simplifié fait l’impasse sur les nombreux débats concernant ces textes, en particulier leurs dates. Il se base pour
l’essentiel sur l’introduction de Pierre Geoltrain (Aux origines du christianisme, op. cit. p.XLV-XLVI). 25 Il s’agit bien de la langue pratiquée dans le groupe du christianisme primitif et non de la langue de rédaction des textes du
Nouveau Testament ; tous ont été écrits ou transmis en grec. 26 La charge contre les Pharisiens dans Matthieu en porte la marque.
13
poids grandissant des adeptes d’origine païenne. Il faut aussi prendre en compte l’importance de la Diaspora
juive et particulièrement de la ville d’Antioche où se trouve une très grosse communauté juive, ville où est
apparu le mot chrétien. Rappelons que Paul de Tarse et Luc médecin d’Antioche sont des Juifs de la
Diaspora. De plus, tout comme le judaïsme, le christianisme apparaît dès le début comme pluriel.
Alors que les chrétiens au Ier siècle sont encore une tendance, une secte juive, ces chrétiens comme on les
appelle en grec, ces nazoréens comme on les appelle en araméen, sont partagés en différents courants
marquant les tensions et les contradictions qui les divisent. La question essentielle qui divise les hellénistes
et les Hébreux sont d’une part la conversion et la fréquentation des incirconcis et d’autre part l’adaptation
au modèle hellénique (philosophie, rhétorique, langue). Ces questions de la séparation ou du mélange c’est-
à-dire celle de l’hellénisation était déjà celle qui divisait les Juifs hellénistes et les Juifs Hassidim à la
période maccabéenne. Car au Ier siècle se convertir au judaïsme, que ce soit complètement avec circoncision
comme les prosélytes ou incomplètement comme les craignant-Dieu, implique un changement de mode de
vie, une naturalisation dans une communauté ethnique. La question de la communauté de table entre
chrétiens circoncis et incirconcis est primordiale dans les Actes des Apôtres, voir le passage sur la
conversion du centurion Corneille (Actes 10) et lors du concile de Jérusalem (Actes 15), voir également chez
Paul les débats entre Pierre et Paul à Antioche (Galates 2). Se pose aussi la question de la circoncision des
convertis et celle du respect de la Torah (la question des alliances illégitimes en fait partie).
Du côté des Hébreux se trouve le courant de Jacques, les judéo-chrétiens. Du côté des hellénistes, le courant
paulinien, les pagano-chrétiens. Les pétriniens se situent entre les deux. C’est finalement le courant
paulinien qui triomphe au IIer siècle. L’échec et la disparition des judéo-chrétiens seraient à mettre au
compte des massacres liés aux guerres de 70 et de 13527 mais aussi de leur expulsion du judaïsme lors de la
création du judaïsme rabbinique28. Ce triomphe du courant de Paul est marqué par son importance dans le
canon scriptural et son rôle de premier plan dans les Actes. La tradition de la Grande Eglise travaillée aussi
par les autres courants du christianisme se fixe au IIe siècle et tend par l’autorité donnée au Christ et aux
douze apôtres à contrebalancer le poids de Paul, à le noyer dans le groupe des apôtres : c’est le récit des
Actes, rédigé après 70, qui fait de la Pentecôte la création d’un mission universelle par le groupe des douze,
c’est de même la tradition ecclésiastique qui attribue à ce moment-là la fondation du christianisme à Jésus.
C) Christianisme et Empire : deux universels
Entre le IIe et le IVe siècles, le christianisme, sorti définitivement du judaïsme, s’intègre dans l’Empire et
offre, à ses habitants et aux structures du pouvoir, les outils mentaux et idéologiques pour expliquer leur
époque, répondre à leurs angoisses et opérer les mutations qui créent une civilisation nouvelle.
C’est à partir de la deuxième moitié du IIe siècle et aux siècles suivants que sont rédigés les apologies, les
hagiographies et les martyrologues, en attendant l’âge d’or de la littérature chrétienne au IVe siècle avec les
Pères de l’Eglise et les histoires ecclésiastiques. La première de ces histoires, celle d’Eusèbe de Césarée,
rédigée vers de 312, est pour nous une source majeure sur cette époque. Pourtant ce sont des sources qu’il
faut réinterpréter à la lumière des intentions des auteurs, les buts apologétiques étant toujours primordiaux.
De même les sources païennes sont tournées vers la polémique. L’archéologie n’est pas probante avant les
IIIe et IVe siècles : auparavant les lieux de réunion sont des maisons privées et la présence chrétienne ne
modifie en rien l’aspect du paysage urbain29. En ce qui concerne les persécutions, l’historiographie
27 De la même manière, l’absence totale de sources sur le christianisme primitif en Egypte est peut-être due au caractère judaïsant
de cette Eglise qui a partagé le sort du judaïsme égyptien à la suite du soulèvement de 115-117 et subi une répression sanglante. 28 Ces églises judéo-chrétiennes ont certainement subsisté de manière très minoritaire après 135. Les judéo-chrétiens ont été à la
fois rejetés par le judaïsme qui s’institutionnalise et par les chrétiens qui ne peuvent admettre la mixité de groupes qui suivent le
Christ et la Torah alors que le christianisme s’est autoproclamé Verus Israel après la chute du Temple. La rupture entre l’Eglise
des Juifs et l’Eglise des Gentils ne s’est pas produite lors du concile de Jérusalem entre Paul et Jacques mais plus tard,
progressivement, pour des motifs culturels plus que doctrinaux. On pense que les derniers groupes résiduels ont disparu lors de
l’arrivée de l’Islam. 29 Les catacombes apparaissent à Rome à la fin du IIe siècle et au IIIe siècle. Ce nouveau mode funéraire touche à la fois les païens,
les juifs et les chrétiens pour diverses raisons y compris pratiques (le manque de place). Il est parfois difficile de distinguer les
sépultures chrétiennes des sépultures païennes d’autant plus que les répertoires iconographiques sont proches et s’influencent
mutuellement. En aucun cas les catacombes ne furent des lieux de culte. Aux IVe et Ve siècles le culte des martyrs entraîne
l’extension de ces lieux de sépulture, un nombre grandissant de chrétiens désirant se faire enterrer à proximité des corps saints. Le
changement des pratiques funéraires à la fin du Ve siècle entraînera leur abandon progressif.
14
chrétienne s’appuyant sur les hagiographies élaborées à partir du IIe siècle n’a cessé de dénoncer
l’intolérance de Rome. Les historiens modernes s’efforcent depuis quelque temps de retourner ce schéma du
persécuté et du persécuteur pour essayer de comprendre le point de vue des autorités romaines et de définir
le délit religieux dans l’Etat romain.
1. Le christianisme devient une religion identifiée, à part entière et universelle
La tradition hagiographique connaît cinq apôtres missionnaires, Pierre, Paul, Thomas, André et Jean. Les
missions de Paul au Ier siècle sont les mieux connues grâce aux épîtres et aux Actes. Il ne faut cependant pas
prendre tous ces récits des voyages de Paul au pied de la lettre. Outre que l’harmonisation de ces récits avec
les épîtres est loin d’être évidente, la durée nécessaire des déplacements est peu conciliable avec les parcours
décrits. Luc fait monter Paul de Jérusalem à Rome, la capitale du monde païen et centre de l’oikoumène, en
passant par Antioche, l’Asie Mineure et la Grèce. Il s’agit bien d’un voyage symbolique, celui du passage de
l’évangile des Juifs aux Gentils, mettant en évidence l’aveuglement des Juifs et l’accueil des païens. Les
notations historiques et géographiques sont subordonnées à ce projet théologique.
C’est à partir du IIe siècle que le christianisme se définit comme religion autonome hors du judaïsme et à
visée universelle, et au IIIe siècle qu’il émerge de façon massive dans l’Empire. Les auteurs chrétiens ne sont
dorénavant plus des juifs, mais des païens convertis qui écrivent et raisonnent dans le monde gréco-romain.
Les apologistes du IIe siècle (Justin, Tatien, Théophile d’Antioche) tentent de faire découvrir le
christianisme dans le cadre mental qui est le leur et polémiquent avec les païens avec les mêmes outils
qu’eux, ceux de la rhétorique. Ils définissent la place du christianisme dans l’Empire : la « troisième nation »
qui doit transcender les autres dans l’universel tout en restituant les points de contact et les filiations avec les
païens et leur histoire. De la même façon, du côté des païens, le christianisme est dorénavant identifié hors
du judaïsme. Les premiers auteurs (Tacite, Pline) étaient attentifs aux troubles que provoquaient les
chrétiens puis à la fin du IIe siècle la polémique est passée au plan philosophique. Ce qui choque dans le
christianisme chez ces intellectuels païens (Lucien, Celse connu par le Contre Celse d’Origène, Marc-
Aurèle) c’est son monothéisme offensif et exclusiviste, une sorte d’impérialisme religieux, alors que le
monothéisme juif était national et circonscrit à un peuple et que son ancienneté le rendait licite.
Pour les autorités, les chrétiens dérangent car ils bousculent l’ordre établi des cultes, culte impérial et culte
civique et les refusent, dans des sociétés qui ne considéraient aucun culte incompatible avec les autres a
priori. Le judaïsme monothéiste est considéré comme religion licite au titre de religion nationale alors que le
christianisme est déclaré illicite en tant qu’expression d’une secte intolérante. Les premières persécutions
ont pour but le maintien de l’ordre en punissant les fauteurs de troubles (par exemple les émeutes
provoquées par Paul à Ephèse). Puis le christianisme devenu identifié, il devient persécuté en tant que tel
malgré les démonstrations de loyalisme politique de la plupart des chrétiens. Il est d’abord condamné sur ses
pratiques comme l’avaient été les associations dionysiaques par le senatus-consulte de 186 av. J.-C. lors du
scandale des Bacchanales ; assimilé à une association de malfaiteurs, il se voit reprocher ses réunions
secrètes et nocturnes, des détournements de fonds et des captations d’héritages et même l’anthropophagie.
En bref on reproche surtout aux chrétiens, après leur manque de tolérance, leur manque de transparence. Les
persécutions s’amplifient avec l’accusation de lèse-majesté ce qui inclut les menaces sur la sécurité de
l’Etat ; le refus de rendre un culte à l’image impériale relève de ce crime.
Il ne faut pas non plus exagérer leur ampleur. Là encore la tradition martyrologique en donne une vision
déformée. Par exemple, les persécutions de Néron et de Domitien se limitèrent à Rome tandis qu’au même
moment en Orient le christianisme ne fut nullement inquiété et prospéra ; ce sont les apologistes du IIe siècle
qui ont assimilé persécution et tyrannie en s’inspirant de l’historiographie sénatoriale. Il ne faut pas non plus
exagérer la cruauté des persécutions : les empereurs et les gouverneurs provinciaux disposaient de toute
façon des condamnés pour les jeux de l’amphithéâtre. Le but était le spectacle, bien entendu, mais aussi
l’exemplarité pour le public30. En fait c’est seulement à certaines périodes du IIIe siècle que la persécution a
été systématique et à grande échelle alors que l’Empire traverse une crise profonde et manque de disparaître.
30 Il est remarquable que la condamnation des jeux de l’amphithéâtre par les auteurs chrétiens (Tertullien, Augustin) comme chez
les philosophes porte sur leur influence néfaste sur les spectateurs et non sur leur aspect sanguinaire. Les jeux furent d’ailleurs une
véritable passion au Bas-Empire, et les combats ne furent interdits qu’en 404. Les courses de chars continuèrent à Byzance.
La cruauté dans les martyrologues est d’abord un témoignage de la foi. Dans La passion des saintes Perpétue et Félicité par
exemple, le martyr et l’agonie d’un groupe de chrétiens vers 203 en Afrique est décrit avec beaucoup de détails d’une grande
15
2. Le christianisme répond aux inquiétudes de son époque
Le IIIe siècle est à la fois le siècle des plus fortes persécutions et celui de l’essor définitif du christianisme
devenant une religion de masse. A partir du règne de Marc-Aurèle et jusqu’à celui de Dioclétien, l’Empire
subit des crises très fortes : guerres et invasions constantes, peste, instabilité du pouvoir avec des périodes
d’anarchie, appauvrissement général et crise économique, dépérissement de la civilisation urbaine et
ruralisation. Dans ce siècle de crise, les populations connaissent de nouvelles inquiétudes. De nouvelles
formes de religiosité touchent tous les milieux. En ces temps de guerres, de troubles et d’oppression sociale,
les masses se réfugient dans l’eschatologie. Le syncrétisme peut être sommaire et irréfléchi et exprime une
religiosité multiforme. Celui des élites et des philosophes tend au monothéisme sous des formes qui vont de
la simple juxtaposition de tous les aspects du dieu suprême à la hiérarchisation de ses forces. Le syncrétisme
de l’époque sévérienne est le fruit d’un esprit de cosmopolitisme, un triomphe des religions orientales et des
cultes à mystères qui visent à comparer et confondre les dieux31. Puis il tend vers le monothéisme à la fin du
siècle avec l’idée de l’unité d’un Être infini et transcendant. Dans ce cadre, l’empereur Valérien essaie
d’imposer le culte du Sol Invictus. Ces tendances unitaristes s’accompagnent d’une recherche du salut
individuel ; les cultes à mystères (Isis, Mithra, Cybèle…) connaissent alors un succès grandissant.
À la fin du IIIe siècle, l’école philosophique néo-platonicienne fait la synthèse païenne de cette théologie qui
vise la quête du divin et de l’éternité et le besoin de transcendance. Ses auteurs (Plotin, Porphyre, Jamblique)
dotent les païens d’un système théologique unitaire pour combattre le christianisme sur ses propres
positions32. Parallèlement à ces spéculations théologiques, la production littéraire reprend les mêmes
thèmes : la Vie d’Apollonios de Tyane de Philostrate de Lemnos, une hagiographie moralisante sur un
pythagoricien du Ie siècle, les Oracles chaldéens ou l’Hermès Trismégiste qui font la part belle au
syncrétisme et au merveilleux nous renseignent sur cet idéal de vie ascétique. Cette époque de croyances
retrouvées est aussi celle de l’astrologie, des sciences occultes, des miracles et de la fin du positivisme
autant chez les païens que chez les chrétiens qui croient à la présence et à l’influence d’un monde invisible.
De même, dans tous les milieux, cette présence quotidienne de l’occultisme qui marque la religiosité de
l’époque s’accompagne d’une morale sexuelle renforcée liée à une mise en valeur de la conjugalité et de la
virginité. Dorénavant ce qui fait débat entre les païens et les chrétiens c’est la vérité de leur choix et non
leurs conceptions du monde qui convergent. Cette seconde spiritualité de l’Antiquité33 réunit toute la société
dans la croyance dans le salut par un dieu ou une divinité uniques ou unifiantes.
Durant le IIIe siècle, poussé par cette seconde spiritualité, le christianisme devient un acteur essentiel de la
vie de l’Empire. En tant qu’organisation de masse, la seule — les cultes orientaux n’ayant jamais eu cette
ambition — il se structure en Eglise, ce qui implique une structure matérielle et un appareil doctrinal. Il
touche tous les milieux, toutes les classes sociales, toutes les professions. Sa hiérarchie se constitue et sa
structure temporelle accumule un patrimoine et des bâtiments propres qui deviennent visibles et
identifiables. Les rites se précisent et l’Eglise doit définir les points de la doctrine qui font débat sous la
cruauté. Mais c’est un texte eschatologique : dans un rêve, la sainte voit son combat contre le diable et Jésus qui l’attend au ciel
avec les élus. 31 L’Empereur Alexandre Sévère avait regroupé sur son oratoire Apollonios, le Christ, Abraham, Orphée et Alexandre le Grand
(Histoire Auguste, Alexandre Sévère, 28-30). 32 Vers 270 Porphyre rédige Contre les chrétiens où il tente de démontrer leur imposture. Dans ce texte dont il ne reste que des
fragments, il s’y montre grand connaisseur de l’Ecriture, ce qui prouve que les textes chrétiens étaient dorénavant répandus dans
tous les milieux lettrés. L’autre réfutation célèbre envers les chrétiens est celle de Hiéroclès (Le discours vrai) qui dénonce
l’exclusivisme du christianisme et défend la tendance syncrétiste païenne ; Jésus doit être vu comme un thaumaturge à l’égal
d’Apollonios, et l’auteur ne nie pas ses miracles mais sa divinité. La critique du christianisme n’est donc plus celle du IIe siècle
qui voyait dans les chrétiens des ignares. Le christianisme de son côté se sent assez fort pour refuser le compromis qui proposerait
de ne voir dans son dieu qu’une émanation du dieu suprême. 33 On distingue traditionnellement dans l’Antiquité trois temps dans l’histoire religieuse :
— L’époque de la cité en Grèce et à Rome où le sacré est partout, celui qui crée des liens entre les hommes, ces « animaux
politiques » (Aristote).
— L’époque hellénistique et le Haut-Empire qui voient triompher le scepticisme lié à l’individualisme et à la recherche du
bonheur. Les dieux de la cité reculent, le sacré est affadi, la paideia est la valeur suprême.
— L’Antiquité tardive où les préoccupations religieuses passent au premier plan, celles du salut dans une théologie unitariste d’un
dieu transcendant.
16
pression des hérésies34 lors de conciles et de synodes. La littérature chrétienne intègre la culture gréco-
romaine en continuant d’approfondir les outils de la rhétorique et de la philosophie ; Origène et Clément
d’Alexandrie utilisent les réflexions du platonisme. L’universalisme chrétien a intégré celui de la paideia.
Lorsqu’Eusèbe de Césarée rédige vers 300 sa Chronique universelle, il tente de démontrer l’antériorité de
Moïse sur les sagesses païennes. Il reprend aussi, en les assumant, les curiosités de l’historiographie païenne
y compris l’evhémérisme, dans le souci d’éclairer le passé de l’humanité tout entière. Les mythes païens
eux-mêmes sont mis au service du message évangélique35, et l’art chrétien emprunte aux répertoires
iconographiques de la mythologie et réinterprète les figures du paganisme36 avant d’inventer
progressivement sa propre iconographie.
Ce ne sont en aucun cas les persécutions qui empêchent un nombre de plus en plus grand d’adeptes de se
convertir. Au contraire, le christianisme a su les intégrer et les sublimer par le culte des martyrs (martyria =
témoignage). Rares en réalité, elles ne sont systématiques qu’à la fin du IIIe siècle sous la poussée d’un
sursaut national à l’heure des périls : la première sous Dèce en 250-251 qui oblige tous les habitants de
l’Empire à sacrifier aux dieux, puis de 257 à 260 sous Valérien de manière sanglante. La « petite paix de
l’Eglise » de 260 à 303 permet au christianisme de s’étendre et de se renforcer : la persécution qui
commence avec Dioclétien en 303 et s’achève en 311 n’empêchera pas son triomphe inéluctable. Il sera
porté à partir de 313 par le pouvoir impérial avec Constantin.
3. Le christianisme répond aux exigences du pouvoir impérial
Au IIIe siècle, l’Empire a réussi à faire face aux périls mais au prix de transformations. La monarchie passe
du principat au dominat et devient militaire, absolue et quasi-divine. Cette transformation du pouvoir
impérial se lit dans les pratiques (costume, cérémonial, marques d’adoration, proskynèse), et dans les
représentations (les statues des empereurs sont dorénavant des colosses qui tiennent en main le sceptre et le
globe, symboles de la puissance universelle). Cet absolutisme s’accompagne d’une bureaucratie et d’un
appareil d’Etat renforcés qui s’apparentent de plus en plus au début du IVe siècle à une tyrannie fiscale et
financière. L’ancienne aristocratie n’est plus un corps intermédiaire entre l’Empereur et ses sujets. Elle a été
remplacée par une fonction publique docile et hiérarchisée, investie par le pouvoir impérial. Cette
bureaucratie éloigne encore plus les sujets de leur souverain. Celui-ci n’est plus adoré à titre individuel mais
comme le représentant d’une force divine qui assure l’unité et la prospérité de l’Empire. Dioclétien a rétabli
l’autorité de l’Etat, c’est Constantin qui lui fournit les cadres idéologiques en faisant du christianisme la
religion officielle de l’Empire. Cet Etat, cette monarchie absolue, étend son emprise au domaine religieux,
faisant se superposer l’universalisme de l’Empire et l’universalisme de la nouvelle religion, l’unicité du
Dieu transcendant et l’unicité d’un empereur au-dessus de la commune humanité, épiphanie de la
souveraineté divine.
Le légendaire du triomphe du christianisme donne à Constantin un rôle de premier plan : de la bataille du
pont Milvius à l’Edit de Milan en 313 jusqu’au baptême sur son lit de mort en 337, l’histoire de l’Eglise
retient l’image d’un empereur fondateur. Sous son règne Eusèbe de Césarée et Lactance élaborent une
véritable théologie politique faisant de l’Empire universel une préfiguration du royaume de Dieu, et de
l’empereur l’apôtre du dehors dont la royauté est modelée sur celle du Dieu unique. À ce titre, Constantin
préside le premier concile œcuménique (en grec : « qui concerne l’ensemble du monde habité ») à Nicée en
34 Au IIIe siècle et au début du IVe siècle : le montanisme qui refuse l’alimentation carnée et le mariage, le donatisme qui refuse
l’indulgence aux clercs qui ont apostasié lors des persécutions, le manichéisme qui explique que le monde est régi par les
principes du bien et du mal, le gnosticisme qui nie l’existence matérielle de Jésus et dévalue le monde matériel créé par un Dieu
mauvais. Et encore le docétisme, l’encratisme, le sabellianisme qui annoncent les grandes hérésies trinitaires et christologiques
des IVe siècle-Ve siècles. 35 On trouve ainsi dans l’Enéide l’annonce de la vierge qui accouche d’un sauveur, la mort volontaire d’Hercule annonce celle du
Christ (Tertullien), la mort du dieu Pan (le dieu tout) a eu lieu sous Tibère sous le règne duquel est mort Jésus … les païens autant
que les prophètes juifs ont prophétisé le Christ et l’évangile.
Il a fait surgir chez les Grecs les plus réputés d’entre eux, pour en faire des prophètes qui parleraient leur langue.
Clément d’Alexandrie, Stromates VI, 5, 42. 36 Les figures et allégories du paganisme sont reprises directement dans leur interprétation païenne : les Dioscures figurent la
concorde, le Phénix la résurrection, le paon dont la chair est réputée incorruptible l’immortalité… La représentation du Christ
emprunte aux modèles païens elle aussi : on trouve ainsi le Christ sous la forme du Christ-phénix, du Christ-Orphée ou du Christ
solaire. Le Christ sous la forme du Bon Pasteur est copié sur un Hermès criophore, le banquet funéraire est emprunté directement
au modèle païen et l’Orante aux images de la piété figurant sur les monnaies impériales.
17
325. Tout au long du IVe siècle, le pouvoir impérial resserre son emprise dans le domaine religieux37 :
intervention dans la théologie et législation répressive contre les hérésies, le judaïsme et le paganisme.
Officialisé et partie intégrante du pouvoir, le christianisme doit se définir, se normaliser. Les IVe et Ve
siècles sont ceux des grandes hérésies trinitaires et christologiques à l’occasion desquelles le dogme doit être
défini lors de conciles38. Le Credo ou symbole de Nicée est rédigé à cette occasion. L’Eglise devenue
structure d’Etat, s’organise et encadre la société. La distinction entre clercs et laïcs commencée au IIIe siècle
s’affine, et la hiérarchie ecclésiastique se met en place, se coulant dans les cadres administratifs de l’Etat
romain39. Les évêques sont des fonctionnaires impériaux. L’emprise sur la société se marque aussi par la
christianisation du temps et de l’espace. Dès 321 Constantin légifère sur le repos dominical puis le
calendrier s’étoffe avec les fêtes du temps pascal et de la nativité40. La construction de basiliques marque le
paysage urbain en particulier à Constantinople. Ce type de bâtiment était déjà courant dans l’Antiquité, il
s’agissait de salles de réunion ou de marchés couverts. Mais les besoins de ce culte nouveau qui doit réunir
l’assemblée des fidèles — l’ecclésia qui a donné église — exige ce type d’édifice car le temple païen n’était
que la demeure du dieu. Avec le culte funéraire des saints se multiplient aussi les martyrions et les
pèlerinages.
Ces IVe et Ve siècles sont enfin l’âge d’or de la patristique grecque et latine. Ces Pères de l’Eglise sont non
seulement de grands auteurs dans la culture gréco-romaine, mais ils la revendiquent définitivement comme
partie intégrante du christianisme. Dans le même temps s’accélère la lutte contre le paganisme avec l’arrêt
des financements puis l’interdiction des sacrifices, nocturnes en 353, de tous les sacrifices en 392, et pour
finir la fermeture de l’école d’Athènes en 529. A la fin du Ve siècle, il n’y a presque plus de païens,
d’hellènes. Le paganisme ancien est mort de lui-même, périmé. En ces Ve et VIe siècles, l’Etat est devenu un
gouvernement des scribes. Les cités disparaissent en Occident avec les barbares, déjà christianisés pour la
plupart, plus lentement en Orient au VIIe siècle lors de la montée des périls qui marque la fin de la cité
antique et des élites intellectuelles41. C’est dorénavant le christianisme qui doit porter l’héritage de la
civilisation gréco-romaine.
Le christianisme est le fruit de trois universels emboîtés : le monothéisme juif, création tardive et incomplète
du second Temple, la paideia de la cité grecque qui conquiert le monde avec Alexandre, et l’Empire romain
dont la domination politique se veut œcuménique42. Il est le fruit des conditions historiques de son
élaboration. Le judaïsme du second Temple invente l’eschatologie apocalyptique et le messianisme dans un
contexte de crise politique et culturelle. Le proto-christianisme rejeté par le judaïsme s’ouvre aux Gentils et
se proclame universel. Les populations de l’Empire romain étaient sensibilisées au monothéisme et à la
transcendance avant même leur conversion au christianisme, mais ce dernier avait un appareil théologique et
idéologique plus complet que les sectes orientales et philosophiques concurrentes. Enfin l’appareil d’Etat,
sortant de la crise du IIIe siècle, s’est servi de cet appareil idéologique et l’a utilisé à son profit. C’est de ces
trois éléments que naît au IVe siècle cette civilisation originale, celle de l’Antiquité tardive dont l’héritage
est recueilli par le christianisme.
37 Cette tendance amène en Orient au césaropapisme où le religieux est subordonné au politique. La situation en Occident est
différente avec les invasions barbares et la chute de Rome au Ve siècle : dans le domaine latin Augustin pose les bases d’une
distinction entre la cité de Dieu et la cité des hommes. 38 L’arianisme prêche la supériorité du Père, seul Dieu. Le nestorianisme et le monophysisme affirment que le Christ a une seule
nature, pour les premiers uniquement humaine, pour les seconds uniquement divine. Les conciles œcuméniques sont ceux de
Nicée (325) contre l’arianisme, Constantinople (381) à propos de l’Esprit Saint, Ephèse (431) contre le nestorianisme et
Chalcédoine (451) contre le monophysisme. C’est à l’occasion du concile d’Ephèse qu’est défini le culte marial. 39 La géographie épiscopale se moule sur celle des cités et des municipes. Il y a cinq patriarcats : Rome, Jérusalem, Antioche,
Alexandrie et Constantinople. C’est autour des patriarcats orientaux que se polarisent les conflits doctrinaux. Dès le début Rome
affirme sa primauté, mais Constantinople devenue capitale impériale en 330 est favorisée par le pouvoir impérial et affirme sa
prééminence. 40 La fixation de la date de Pâques pose problème jusqu’à nos jours entre les différentes Eglises. La date de Noël a été calquée sur
celle de la fête du Sol Invictus à la fin décembre, les évangiles ne donnant aucune indication sur une date quelconque. Les fêtes de
Pâques et de la Pentecôte sont à l’origine des fêtes juives, la mi-carême et les bombances de la période de Noël viennent du
paganisme : la temporalité chrétienne est une prolongation, à peine métamorphosée, de l’héritage antique. 41 La renaissance byzantine qui commence à la fin du VIIIe siècle s’appuie sur l’héritage antique sans en connaître les conditions
matérielles et intellectuelles. Pour une bonne part ce sera répétition des modèles antiques, de manière sclérosante. 42 C’est par exemple le terme employé dans l’édit de Caracalla à propos de la citoyenneté romaine.
18
L’étude du christianisme après le VIe siècle sort de l’objet de cette étude. Celle-ci se borne aux cadres fixés
par les programmes (Les débuts du christianisme et la fin de l'Empire romain en Occident et les héritages de
l'Antiquité en classe de sixième et Naissance et diffusion du christianisme en classe de seconde). Nous avons
vu que cette religion, comme tous les phénomènes humains, est le fruit des sociétés dans laquelle elle existe.
Le christianisme antique qu’il s’agit d’étudier avec les élèves n’est pas le christianisme contemporain. Il
appartient à son temps même si des traits identiques se retrouvent à toutes les époques dans tous les
christianismes. Pas plus qu’il ne s’agissait d’étudier le judaïsme contemporain dans la leçon sur les Hébreux,
il ne faut croire ou faire croire que l’on peut étudier un invariant religieux, même comme composante
majeure de la civilisation occidentale.
D) Annexes : textes de la Bible
Les documents au centre du programme d'histoire
Les documents (textes, images, monuments) ne sont pas une " illustration " des thèmes proposés. Ces documents
sont de nature patrimoniale. Ils doivent être étudiés pour eux-mêmes comme des éléments du programme. […]
Seule la Bible permet d'approcher l'originalité de la religion des Hébreux. […] L'usage du document est ainsi
multiple : les élèves liront de manière suivie de larges extraits des textes proposés […].
Programmes d’histoire, classe de 6e
Dans l’esprit et la lettre des programmes, je propose en annexe de l’exposé scientifique de larges extraits de
la Bible. Reproduits ici à l’intention des collègues, ils devront être, pour être utilisés avec les élèves,
retravaillés, en particulier utilisés en extraits plus courts. Les annexes pédagogiques proposent l’utilisation
de certains d’entre eux ainsi que d’autres documents.
1. Le judaïsme porte en germe le message du christianisme
L’espérance messianique
• La lignée de David
David et sa descendance sont les oints de Yahvé. C’est la lignée du messie, c’est-à-dire celle qui doit régner
sur Israël, que son règne soit présent (Samuel II) ou futur (Michée et Psaumes 132). Dans Samuel II, David
est choisi par Yahvé mais oint par les hommes.
Les hommes de Juda vinrent et là, ils oignirent David comme roi sur la maison de Juda […] Tous les anciens
d'Israël vinrent donc auprès du roi à Hébron, le roi David conclut un pacte avec eux à Hébron, en présence de
Yahvé, et ils oignirent David comme roi sur Israël.
Samuel II, 2-4 et 5, 3
« Et quand tes jours seront accomplis et que tu seras couché avec tes pères, je maintiendrai après toi le lignage issu
de tes entrailles et j'affermirai sa royauté. C'est lui qui construira une maison pour mon Nom et j'affermirai pour
toujours son trône royal. Je serai pour lui un père et il sera pour moi un fils : s'il commet le mal, je le châtierai avec
une verge d'homme et par les coups que donnent les humains. Mais ma faveur ne lui sera pas retirée comme je l'ai
retirée à Saül, que j'ai écarté de devant toi. Ta maison et ta royauté subsisteront à jamais devant moi, ton trône sera
affermi à jamais. " Natân communiqua à David toutes ces paroles et toute cette révélation. Alors le roi David entra
et s'assit devant Yahvé, et il dit : " Qui suis-je, Seigneur Yahvé, et quelle est ma maison, pour que tu m'aies mené
jusque-là ? Mais cela est encore trop peu à tes yeux, Seigneur Yahvé, et tu étends aussi tes promesses à la maison de
ton serviteur pour un lointain avenir. Voilà le destin de l'homme, Seigneur Yahvé. Que David pourrait-il te dire de
plus, alors que tu as toi-même distingué ton serviteur, Seigneur Yahvé ! […] Oui, Seigneur Yahvé, c'est toi qui es
Dieu, tes paroles sont vérité et tu fais cette belle promesse à ton serviteur. Consens donc à bénir la maison de ton
serviteur, pour qu'elle demeure toujours en ta présence. Car c'est toi, Seigneur Yahvé, qui as parlé, et par ta
bénédiction la maison de ton serviteur sera bénie à jamais. »
Samuel II, 7
19
Et toi Bethléem43 , Éphrata,
le moindre des clans de Juda,
c'est de toi que me naîtra
celui qui doit régner sur Israël ;
ses origines remontent au temps jadis,
aux jours antiques.
Michée 5, 1.
L’esprit d’enfance
Cantique des montées.
Garde mémoire à David
[…]
Yahvé l'a juré à David,
vérité dont jamais il ne s'écarte
"C'est le fruit sorti de tes entrailles
que je mettrai sur le trône fait pour toi.
Si tes fils gardent mon alliance,
mon témoignage que je leur ai enseigné,
leurs fils eux-mêmes à tout jamais
siégeront sur le trône fait pour toi."
Car Yahvé a fait choix de Sion,
il a désiré ce siège pour lui
"C'est ici mon repos à tout jamais,
là je siégerai, car je l'ai désiré.
[…]
Là, je susciterai une lignée à David,
j'apprêterai une lampe pour mon messie;
ses ennemis, je les vêtirai de honte,
mais sur lui fleurira son diadème."
Psaumes 132
• Le règne éternel et universel du messie
La royauté ayant disparu, le messie n’est plus simplement le roi oint d’Israël, mais aussi le roi qui régnera
sur les Nations. Son identité devient plus floue : la référence davidique existe encore dans Psaumes 110 et
dans Isaïe 7 et 9. Par glissement dans Isaïe 45, le messie devient Cyrus, le roi étranger qui a permis le retour
de Babylone.
Enfin, dernière évolution, c’est Yahvé lui-même qui porte l’espérance messianique que ce soit le fils de
Yahvé (Psaumes 2) ou la maison de Yahvé (Isaïe 2). Dans Daniel, il est nommé « fils d’homme » (voir
infra). Le règne du messie peut s’imposer aux Nations par la force (Psaumes 2) ou par la paix (Isaïe 2). On
reconnaît enfin dans Isaïe des thèmes qui réapparaîtront dans les évangiles à propos de Jésus : l’enfant-
messie dont la mère est une jeune fille, la libération des faibles de l’oppression, la paix et la justice.
Ainsi parle Yahvé à son oint, à Cyrus.
Isaïe 45, 1
Le drame messianique
Pourquoi ces nations qui remuent,
ces peuples qui murmurent en vain?
Des rois de la terre s'insurgent, des princes conspirent contre Yahvé
et contre son Messie
"Faisons sauter leurs entraves,
débarrassons-nous de leurs liens !"
Celui qui siège dans les cieux s'en amuse,
Yahvé les tourne en dérision.
Puis dans sa colère il leur parle,
dans sa fureur il les épouvante
"C'est moi qui ai sacré mon roi
43 Bethléem est la ville natale de David.
20
sur Sion, ma montagne sainte."
J'énoncerai le décret de Yahvé
Il m'a dit : "Tu es mon fils,
moi, aujourd'hui, je t'ai engendré.
Demande, et je te donne les nations pour héritage,
pour domaine les extrémités de la terre ;
tu les briseras avec un sceptre de fer,
comme vases de potier tu les casseras."
Et maintenant, rois, comprenez,
corrigez-vous, juges de la terre !
Servez Yahvé avec crainte,
baisez ses pieds avec tremblement ;
qu'il se fâche, vous vous perdez en chemin
d'un coup flambe sa colère.
Heureux qui s'abrite en lui !
Psaumes 2
Le sacerdoce du Messie
De David. Psaume.
Oracle de Yahvé à mon Seigneur : "Siège à ma droite,
tant que j'aie fait de tes ennemis l'escabeau de tes pieds."
Ton sceptre de puissance, Yahvé l'étendra
depuis Sion, domine jusqu'au cœur de l'ennemi.
A toi le principat au jour de ta naissance,
les honneurs sacrés dès le sein, dès l'aurore de ta jeunesse.
Yahvé l'a juré, il ne s'en dédira point
"Tu es prêtre à jamais selon l'ordre de Melchisédech."44
A ta droite, Seigneur,
il abat les rois au jour de sa colère ;
il fait justice des nations, entassant des cadavres,
il abat les têtes sur l'immensité de la terre.
Au torrent il s'abreuve en chemin,
c'est pourquoi il redresse la tête.
Psaumes 110
Il arrivera dans la suite des temps
que la montagne de la maison de Yahvé
sera établie en tête des montagnes
et s'élèvera au-dessus des collines.
Alors toutes les nations afflueront vers elle,
alors viendront des peuples nombreux qui diront :
" Venez, montons à la montagne de Yahvé,
à la maison du Dieu de Jacob,
qu'il nous enseigne ses voies et que nous suivions ses sentiers. "
Car de Sion vient la Loi
et de Jérusalem la parole de Yahvé.
Il jugera entre les nations, il sera l'arbitre de peuples nombreux.
Ils briseront leurs épées pour en faire des socs
et leurs lances pour en faire des serpes.
On ne lèvera plus l'épée nation contre nation,
on n'apprendra plus à faire la guerre.
Maison de Jacob, allons, marchons à la lumière de Yahvé.
L'éclat de la majesté de Yahvé.
Isaïe 2, 2-5
44 Melchisédech roi et prêtre apparaît en Genèse 14 et bénit Abraham. Dans l'Epître aux Hébreux, Melchisédech est la
préfiguration du Christ lui-même.
21
Écoutez donc, maison de David !
est-ce trop peu pour vous de lasser les hommes,
que vous lassiez aussi mon Dieu ?
C'est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe :
Voici, la jeune femme est enceinte,
elle va enfanter un fils
et elle lui donnera le nom d'Emmanuel.
Isaïe 7, 13-14
Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière,
sur les habitants du sombre pays, une lumière a resplendi.
Tu as multiplié la nation, tu as fait croître sa joie;
ils se réjouissent devant toi comme on se réjouit à la moisson,
comme on exulte au partage du butin.
Car le joug qui pesait sur elle, la barre posée sur ses épaules,
le bâton de son oppresseur,
tu les as brisés comme au jour de Madiân.
Car toute chaussure qui résonne sur le sol, tout manteau roulé dans le sang,
seront mis à brûler, dévorés par le feu.
Car un enfant nous est né, un fils nous a été donné,
il a reçu le pouvoir sur ses épaules et on lui a donné ce nom :
Conseiller-merveilleux, Dieu-fort,
Père-éternel, Prince-de-paix,
pour que s'étende le pouvoir dans une paix sans fin
sur le trône de David et sur son royaume,
pour l'établir et pour l'affermir dans le droit et la justice.
Dès maintenant et à jamais,
l'amour jaloux de Yahvé Sabaot fera cela.
Isaïe 9, 1-6
• L’espérance messianique dans le christianisme
Celui-ci est appelé Christos ce qui en grec veut dire oint, (messie ou messiah en hébreux). De nombreux
textes du Nouveau Testament reprennent l’espérance messianique contenue dans l’Ancien Testament. Ils
situent Jésus dans la descendance de David ; cette généalogie théologique se lit dans les trois évangiles
synoptiques. Dans Mathieu, Jésus descend par Joseph d’Abraham et de David ; la référence est Israël en
trois temps de quatorze générations. Dans Luc, Jésus descend par Joseph de David, des patriarches, de Noé
et d’Adam donc de Dieu ; la référence est l’ensemble de l’humanité. La perspective passe du peuple juif à
l’universel.
Commencement de l'Évangile de Jésus Christ, Fils de Dieu. Selon qu'il est écrit dans Isaïe le prophète : Voici que
j'envoie mon messager en avant de toi pour préparer ta route.
Marc 1, 1-2
Livre de la genèse de Jésus Christ, fils de David, fils d'Abraham :
Abraham engendra Isaac, Isaac engendra Jacob, Jacob engendra Juda et ses frères,
Juda engendra Pharès et Zara, de Thamar, Pharès engendra Esrom, Esrom engendra Aram,
Aram engendra Aminadab, Aminadab engendra Naasson, Naasson engendra Salmon,
Salmon engendra Booz, de Rahab, Booz engendra Jobed, de Ruth, Jobed engendra Jessé,
Jessé engendra le roi David. David engendra Salomon, de la femme d'Urie,
Salomon engendra Roboam, Roboam engendra Abia, Abia engendra Asa,
Asa engendra Josaphat, Josaphat engendra Joram, Joram engendra Ozias,
Ozias engendra Joatham, Joatham engendra Achaz, Achaz engendra Ézéchias,
Ézéchias engendra Manassé, Manassé engendra Amon, Amon engendra Josias,
Josias engendra Jéchonias et ses frères ; ce fut alors la déportation à Babylone.
Après la déportation à Babylone, Jéchonias engendra Salathiel, Salathiel engendra Zorobabel.
Zorobabel engendra Abioud, Abioud engendra Éliakim, Éliakim engendra Azor,
Azor engendra Sadok, Sadok engendra Akhim, Akhim engendra Élioud,
Élioud engendra Éléazar, Éléazar engendra Matthan, Matthan engendra Jacob,
Jacob engendra Joseph, l'époux de Marie, de laquelle naquit Jésus, que l'on appelle Christ. Le total des générations
est donc : d'Abraham à David, quatorze générations ; de la déportation de Babylone au Christ, quatorze générations.
22
Mathieu 1, 1-18
Et Jésus, lors de ses débuts, avait environ trente ans, et il était, à ce qu'on croyait, fils de Joseph, fils d'Héli, fils de
Matthat, fils de Lévi, fils de Melchi, fils de Jannaï, fils de Joseph, fils de Mattathias, fils d'Amos, fils de Naoum, fils
d'Esli, fils de Naggaï, fils de Maath, fils de Mattathias, fils de Séméin, fils de Josech, fils de Joda, fils de Joanan, fils
de Résa, fils de Zorobabel, fils de Salathiel, fils de Néri, fils de Melchi, fils d'Addi, fils de Kosam, fils d'Elmadam,
fils d'Er, fils de Jésus, fils d'Éliézer, fils de Jorim, fils de Matthat, fils de Lévi, fils de Syméon, fils de Juda, fils de
Joseph, fils de Jonam, fils d'Éliakim, fils de Méléa, fils de Menna, fils de Mattatha, fils de Nathan, fils de David, fils
de Jessé, fils de Jobed, fils de Booz, fils de Sala, fils de Naasson, fils d'Aminadab, fils d'Admin, fils d'Arni, fils de
Hesron, fils de Pharès, fils de Juda, fils de Jacob, fils d'Isaac, fils d'Abraham, fils de Thara, fils de Nachor, fils de
Sérouch, fils de Ragau, fils de Phalec, fils d'Éber, fils de Sala, fils de Kaïnam, fils d'Arphaxad, fils de Sem, fils de
Noé, fils de Lamech, fils de Mathousala, fils de Hénoch, fils de Iaret, fils de Maleléel, fils de Kaïnam, fils d'Énos,
fils de Seth, fils d'Adam, fils de Dieu.
Luc 3, 23-38
Comme Jésus s'en allait de là, deux aveugles le suivirent, qui criaient et disaient : " Aie pitié de nous, Fils de David
! "
Mathieu 9, 27.
Paul, serviteur du Christ Jésus, apôtre par vocation, mis à part pour annoncer l'Évangile de Dieu, que d'avance il
avait promis par ses prophètes dans les saintes Écritures, concernant son Fils, issu de la lignée de David selon la
chair, établi Fils de Dieu avec puissance selon l'Esprit de sainteté, par sa résurrection des morts, Jésus Christ notre
Seigneur.
Romains, 1, 1-4
Monothéisme et prosélytisme
• Hénothéisme et monothéisme
Les plus anciens passages de l’Ancien Testament décrivent une religion hénothéiste : l’épisode du prophète
Elie contre les prophètes des Baal dans Rois I, 19 apparaît lui aussi comme une forme nette de
l’hénothéisme. Tu ne te prosterneras pas devant ces dieux et tu ne les serviras pas, car moi Yahvé, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux
qui punis la faute des pères sur les enfants, les petits-enfants et les arrière-petits-enfants pour ceux qui me haïssent,
mais qui fais grâce à des milliers pour ceux qui m'aiment et gardent mes commandements.
Exode 20, 5-6
Écoute, Israël45: Yahvé notre Dieu est le seul Yahvé. Tu aimeras Yahvé ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme
et de tout ton pouvoir.
Que ces paroles que je te dicte aujourd'hui restent dans ton cœur ! Tu les répéteras à tes fils, tu les leur diras aussi
bien assis dans ta maison que marchant sur la route, couché aussi bien que debout ; tu les attacheras à ta main
comme un signe, sur ton front comme un bandeau ; tu les écriras sur les poteaux de ta maison et sur tes portes.
Deutéronome 6, 4-9
Le monothéisme apparaît avec netteté seulement après le retour d’exil. Dès lors, Yahvé est envisagé comme
dieu unique pour tous, les Juifs comme les Nations.
Avant moi aucun dieu n'a été formé
et après moi il n'y en aura pas.
Moi, c'est moi Yahvé,
et en dehors de moi il n'y a pas de sauveur.
Isaïe 43, 10-11
Ainsi parle Yahvé, roi d'Israël,
Yahvé Sabaot, son rédempteur :
Je suis le premier et je suis le dernier,
à part moi, il n'y a pas de dieu.
Isaïe 44, 6
A la face de Yahvé, car il vient,
car il vient pour juger la terre ;
45 Le Shema Israël est la prière centrale des offices dans le judaïsme
23
il jugera le monde en justice
et les peuples en sa vérité.
Psaumes 96, 13.
• Les prosélytes
La question de la conversion des Goyim et celle de l’universalisme n’a jamais été envisagée par le judaïsme.
C’est le christianisme qui promettra la conversion de tous et se projettera comme religion universelle, reçue
par tous et pour tous.
Cependant de nombreux passages de l’Ancien et du Nouveau Testament montrent la conversion des Goyim,
mais le prosélytisme reste marginal. Les deux textes de l’Ancien Testament mettent en scène des
conversions spectaculaires dans un contexte fictif. Dans les Actes des Apôtres, la question de la conversion
des païens est centrale entre pauliniens et jacobites. On distingue parmi ces païens les « craignants-Dieu » et
les prosélytes ceux qui ont franchi le pas de la circoncision c’est-à-dire d’une conversion impliquant une
naturalisation dans une communauté ethnique. Notons aussi que ces prosélytes viennent de zones de
contact : Césarée, ville judéo-grecque de la Judée maritime, Antioche, ville grecque où réside une des plus
grandes communautés de la Diaspora, et Gaza.
On fit donc venir Achior [chef de l’armée des Ammonites] de chez Ozias. Sitôt arrivé, à la vue de la tête
d'Holopherne que tenait un des hommes de l'assemblée du peuple, il tomba la face contre terre et s'évanouit. On le
releva. Il se jeta alors aux pieds de Judith et, se prosternant devant elle, s'écria "Bénie sois-tu dans toutes les tentes
de Juda et parmi tous les peuples; ceux qui entendront prononcer ton nom seront saisis d'effroi !” […] Achior,
voyant tout ce qu'avait fait le Dieu d'Israël, crut fermement en lui, se fit circoncire et fut admis définitivement dans
la maison d'Israël.
Judith 14, 6-10
Héliodore [général grec] ayant offert un sacrifice au Seigneur et fait les plus grands vœux à celui qui lui avait
conservé la vie, prit amicalement congé d'Onias [le Grand Prêtre] et revint avec son armée auprès du roi. Il rendait
témoignage à tous des œuvres du Dieu très grand qu'il avait contemplées de ses yeux.
Maccabées II 3, 35-36
La proposition plut à toute l'assemblée, et l'on choisit Étienne, homme rempli de foi et de l'Esprit Saint, Philippe,
Prochore, Nicanor, Timon, Parménas et Nicolas, prosélyte d'Antioche.
Actes 6, 5
Il partit donc et s'y rendit. Justement un Éthiopien, un eunuque, haut fonctionnaire de Candace, reine d'Éthiopie, et
surintendant de tous ses trésors, qui était venu en pèlerinage à Jérusalem, s'en retournait, assis sur son char, en lisant
le prophète Isaïe. L'Esprit dit à Philippe : " Avance et rattrape ce char. "Philippe y courut, et il entendit que
l'eunuque lisait le prophète Isaïe. Il lui demanda : " Comprends-tu donc ce que tu lis ? " - " Et comment le pourrais-
je, dit-il, si personne ne me guide ? " Et il invita Philippe à monter et à s'asseoir près de lui.
Actes 8, 27-31
Il y avait à Césarée un homme du nom de Corneille, centurion de la cohorte Italique. Pieux et craignant Dieu, ainsi
que toute sa maison, il faisait de larges aumônes au peuple juif et priait Dieu sans cesse.
Actes 10, 1-2
• Le Dieu d’Israël dans le Nouveau Testament
L’affirmation monothéiste des rédacteurs du Nouveau Testament passe par les schémas de l’Ancien
Testament. L’interdiction de sacrifier aux idoles est une récurrence et l’utilisation des anciennes formules
marque nettement la continuité des rédacteurs.
Jésus répondit : " Le premier c'est : Écoute, Israël46, le Seigneur notre Dieu est l'unique Seigneur,
Marc 12, 29
[Jésus prêche] : « Je suis le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob ? Ce n'est pas de morts mais de
vivants qu'il est le Dieu ! »
Mathieu 22, 32
46 Jésus cite le Shema Israël, voir supra.
24
Paul alors se leva, fit signe de la main et dit : " Hommes d'Israël, et vous qui craignez Dieu, écoutez. Le Dieu de ce
peuple, le Dieu d'Israël élut nos pères et fit grandir ce peuple durant son exil en terre d'Égypte. Puis, en déployant la
force de son bras, il les en fit sortir et, durant quarante ans environ, il les entoura de soins au désert. Ensuite, après
avoir exterminé sept nations dans la terre de Canaan, il les mit en possession de leur pays : quatre cent cinquante ans
environ. Après quoi, il leur donna des juges, jusqu'au prophète Samuel. Par la suite, ils demandèrent un roi, et Dieu
leur donna Saül, fils de Cis, de la tribu de Benjamin : quarante ans. Après l'avoir écarté, Dieu suscita pour eux
David comme roi. C'est à lui qu'il a rendu ce témoignage : J'ai trouvé David, fils de Jessé, un homme selon mon
cœur, qui accomplira toutes mes volontés. C'est de sa descendance que, suivant sa promesse, Dieu a suscité pour
Israël Jésus comme Sauveur.
Actes 13, 16-23.
Eschatologie : le salut individuel
• Le shéol
Dans l’Ancien Testament, le séjour des morts est le shéol et ceux-ci y subissent un sort égal. Nulle part il
n’est question d’un Enfer ou d’un Paradis où se régleraient les comptes de cette vie. La reconnaissance
divine, qu’elle soit pour récompenser ou pour punir, se passe dans ce monde-ci. Le shéol est un séjour
d’anéantissement, sans retour, d’où Yahvé est absent47.
Et ils durent si peu les jours de mon existence !
Place-toi loin de moi, pour me permettre un peu de joie,
avant que je m'en aille sans retour
au pays des ténèbres et de l'ombre épaisse,
où règnent l'obscurité et le désordre,
où la clarté même ressemble à la nuit sombre.
Job 10, 20-22.
Reviens, Yahvé, délivre mon âme,
sauve-moi, en raison de ton amour.
Car, dans la mort, nul souvenir de toi
dans le shéol, qui te louerait ?
Psaumes 6, 5-6
Les vivants savent au moins qu'ils mourront, mais les morts ne savent rien du tout. Il n'y a plus pour eux de salaire,
puisque leur souvenir est oublié. Leur amour, leur haine, leur jalousie ont déjà péri, et ils n'auront plus jamais part à
tout ce qui se fait sous le soleil.
[…]
Tout ce que ta main trouve à faire, fais-le
tant que tu en as la force,
car il n'y a ni œuvre, ni réflexion, ni savoir, ni sagesse
dans le Shéol où tu t'en vas.
Ecclésiaste 9, 5-10
• L’individualisation des récompenses
De collective (le peuple), la relation à Dieu devient individuelle, que ce soit pour être récompensé ou pour
être puni. Les mérites se trouvent principalement dans les œuvres. Dans Tobie, la récompense est immédiate
et ici-bas, dieu agissant par l’intermédiaire d’un ange. Elle est différée dans le Siracide, après la mort dans
Daniel et dans Sagesse de Salomon (voir infra).
Vous saurez donc que, lorsque vous étiez en prière, toi et Sarra, c'était moi qui présentais vos suppliques devant la
Gloire du Seigneur et qui les lisais; et de même lorsque tu enterrais les morts. Quand tu n'as pas hésité à te lever, et
à quitter la table, pour aller ensevelir un mort, j'ai été envoyé pour éprouver ta foi, et Dieu m'envoya en même temps
pour te guérir, ainsi que ta belle-fille Sarra. Je suis Raphaèl, un des sept Anges qui se tiennent toujours prêts à
47 Cette vision pessimiste de l’au-delà où la vie se limite finalement à ses bornes terrestres se retrouve chez les Grecs et les
Romains de l’Antiquité classique. Elle est accompagnée de la poursuite du bonheur individuel puisqu’il n’y a rien à espérer après
la mort, la beata vita que l’on retrouve aussi dans l’Ecclésiaste.
Vivons, ma Lesbie, et aimons-nous ; et moquons-nous comme d'un as des murmures de la vieillesse morose. Le
soleil peut mourir et renaître ; nous, lorsqu'une fois est morte la flamme brève de la vie, il nous faut tous dormir
dans la nuit éternelle. Vivons, ma Lesbie, et aimons-nous ; et moquons-nous comme d'un as des murmures de la
vieillesse morose. Le soleil peut mourir et renaître ; nous, lorsqu'une fois est morte la flamme brève de la vie, il
nous faut tous dormir dans la nuit éternelle.
Catulle 5, 4-6
25
pénétrer auprès de la Gloire du Seigneur." Ils furent remplis d'effroi tous les deux; ils se prosternèrent, et ils eurent
grand-peur. Mais il leur dit : "Ne craignez point, la paix soit avec vous. Bénissez Dieu à jamais. Pour moi, quand
j'étais avec vous, ce n'est pas à moi que vous deviez ma présence, mais à la volonté de Dieu : c'est lui qu'il faut bénir
au long des jours, lui qu'il faut chanter. Vous avez cru me voir manger, ce n'était qu'une apparence. Alors, bénissez
le Seigneur sur la terre, et rendez grâce à Dieu. Je vais remonter à Celui qui m'a envoyé. Ecrivez tout ce qui est
arrivé."
Tobie 12, 12-20
Tout cela est un bien pour les bons,
mais pour les pécheurs cela devient un mal.
Il y a des vents créés pour le châtiment
et dans sa fureur il en a fait des fléaux,
à l'heure de la consommation ils déchaînent leur violence
et assouvissent la fureur de leur Créateur.
Le feu, la grêle, la famine et la mort,
tout cela a été créé pour le châtiment.
Les dents des fauves, les scorpions et les vipères,
l'épée vengeresse pour la perte des impies,
tous se font une joie d'exécuter ses ordres,
ils sont sur la terre prêts pour le cas de besoin,
le moment venu ils n'enfreindront pas sa parole.
C'est pourquoi dès le début j'étais décidé,
j'ai réfléchi et j'ai écrit
"Les œuvres du Seigneur sont toutes bonnes,
il donne sa faveur à qui en a besoin, à l'heure propice.
Il ne faut pas dire : "Ceci est moins bon que cela!"
car tout en son temps sera reconnu bon.
Et maintenant de tout cœur, à pleine bouche, chantez,
et bénissez le nom du Seigneur!"
Siracide 39, 27-35
• La résurrection des corps
C’est dans le Deutéro-Isaïe au IIIe siècle av. J.-C. qu’elle est envisagée pour la première fois ; le shéol n’est
plus la seule perspective offerte après la mort. Ce thème est repris avec succès par la littérature
apocalyptique dans la description de la fin des temps qui est proche où Dieu réglera les comptes au profit
des justes.
Le plus récent des livres de l’Ancien Testament, la Sagesse de Salomon, annonce la vision chrétienne du
salut. La réflexion porte sur la récompense donnée aux justes (la vision éternelle de Dieu) et la punition des
impies après leur mort.
Tes morts revivront, tes cadavres ressusciteront.
Réveillez-vous et chantez, vous qui habitez la poussière,
car ta rosée est une rosée lumineuse,
et le pays va enfanter des ombres.
Isaïe 26, 19
En ce temps se lèvera Michel, le grand Prince qui se tient auprès des enfants de ton peuple. Ce sera un temps
d'angoisse tel qu'il n'y en aura pas eu jusqu'alors depuis que nation existe. En ce temps là, ton peuple échappera :
tous ceux qui se trouveront inscrits dans le Livre.Un grand nombre de ceux qui dorment au pays de la poussière
s'éveilleront, les uns pour la vie éternelle, les autres pour l'opprobre, pour l'horreur éternelle. Les doctes
resplendiront comme la splendeur du firmament, et ceux qui ont enseigné la justice à un grand nombre, comme les
étoiles, pour toute l'éternité.
Daniel 12, 1-3
Ainsi raisonnent-ils [les impies], mais ils s'égarent,
car leur malice les aveugle.
Ils ignorent les secrets de Dieu,
ils n'espèrent pas de rémunération pour la sainteté,
ils ne croient pas à la récompense des âmes pures.
Oui, Dieu a créé l'homme pour l'incorruptibilité,
il en a fait une image de sa propre nature;
c'est par l'envie du diable que la mort est entrée dans le monde
26
ils en font l'expérience, ceux qui lui appartiennent !
Les âmes des justes sont dans la main de Dieu.
Et nul tourment ne les atteindra.
Aux yeux des insensés ils ont paru mourir,
leur départ a été tenu pour un malheur
et leur voyage loin de nous pour un anéantissement,
mais eux sont en paix.
S'ils ont, aux yeux des hommes, subi des châtiments,
leur espérance était pleine d'immortalité;
pour une légère correction ils recevront de grands bienfaits.
Dieu en effet les a mis à l'épreuve et il les a trouvés dignes de lui ;
comme l'or au creuset, il les a éprouvés,
comme un parfait holocauste, il les a agréés.
Au temps de leur visite, ils resplendiront,
et comme des étincelles à travers le chaume ils courront.
Ils jugeront les nations et domineront sur les peuples,
et le Seigneur régnera sur eux à jamais.
Ceux qui mettent en lui leur confiance comprendront la vérité
et ceux qui sont fidèles demeureront auprès de lui dans l'amour,
car la grâce et la miséricorde sont pour ses saints
et sa visite est pour ses élus.
Mais les impies auront un châtiment conforme à leurs pensées,
eux qui ont négligé le juste et se sont écartés du Seigneur.
Car malheur à qui méprise sagesse et discipline
vaine est leur espérance,
sans utilité leurs fatigues,
sans profit leurs œuvres ;
leurs femmes sont insensées,
pervers leurs enfants,
maudite leur postérité !
Sagesse 2, 21-24 et 3, 1-12
Mais les justes vivent à jamais,
leur récompense est auprès du Seigneur,
et le Très-Haut a souci d'eux.
Aussi recevront-ils la couronne royale magnifique
et le diadème de beauté, de la main du Seigneur ;
car de sa droite il les protégera,
et de son bras, comme d'un bouclier, il les couvrira.
Sagesse 5, 15-16
• Les livres des Maccabées
Ecrits sous les rois asmonéens, ces livres politiques sont à tendance nationaliste. Par beaucoup d’aspects, ils
annoncent le christianisme : affirmation marquée de la résurrection des corps et valorisation du martyr
comme voie du salut. Les buts d’édification et de propagande sont évidents. Les longs récits du miracle dans
l’épisode d’Héliodore (Maccabées II 3), du martyr d’Eléazar (Maccabées II 6) et de celui des sept frères et
de leur mère se rapprochent aussi du roman hellénistique par l’utilisation du suspense, du merveilleux et de
la dramatisation. Le récit ci-dessous se déroule durant la persécution des Juifs sous Antiochos IV Epiphane.
Il arriva aussi que sept frères ayant été arrêtés avec leur mère, le roi voulut les contraindre, en leur infligeant les
fouets et les nerfs de bœuf, à toucher à la viande de porc interdite par la loi. L'un d'eux se faisant leur porte-parole :
"Que vas-tu, dit-il, demander et apprendre de nous? Nous sommes prêts à mourir plutôt que d'enfreindre les lois de
nos pères." Le roi, hors de lui, fit mettre sur le feu des poêles et des chaudrons. Sitôt qu'ils furent brûlants, il
ordonna de couper la langue à celui qui avait été leur porte-parole, de lui enlever la peau de la tête et de lui trancher
les extrémités, sous les yeux de ses autres frères et de sa mère. […]
Lorsque le premier eut quitté la vie de cette manière, on amena le second [sic] pour le supplice. […] Au moment de
rendre le dernier soupir : "Scélérat que tu es, dit-il, tu nous exclus de cette vie présente, mais le Roi du monde nous
ressuscitera pour une vie éternelle, nous qui mourons pour ses lois."
Après lui on châtia le troisième. Il présenta aussitôt sa langue comme on le lui demandait et tendit ses mains avec
intrépidité ; il déclara courageusement : "C'est du Ciel que je tiens ces membres, mais à cause de ses lois je les
méprise et c'est de lui que j'espère les recouvrer de nouveau." Le roi lui-même et son escorte furent frappés du
courage de ce jeune homme qui comptait les souffrances pour rien.
27
Ce dernier une fois mort, on soumit le quatrième aux mêmes tourments et tortures. Sur le point d'expirer il s'exprima
de la sorte : "Mieux vaut mourir de la main des hommes en tenant de Dieu l'espoir d'être ressuscité par lui, car pour
toi il n'y aura pas de résurrection à la vie."
[le cinquième puis le sixième fils]
Eminemment admirable et digne d'une illustre mémoire fut la mère qui, voyant mourir ses sept fils dans l'espace
d'un seul jour, le supporta courageusement en vertu des espérances qu'elle plaçait dans le Seigneur. Elle exhortait
chacun d'eux, dans la langue de ses pères, et, remplie de nobles sentiments, elle animait d'un mâle courage son
raisonnement de femme. Elle leur disait : "[…] le Créateur du monde, qui a formé le genre humain et qui est à
l'origine de toute chose, vous rendra-t-il, dans sa miséricorde, et l'esprit et la vie, parce que vous vous méprisez
maintenant vous-mêmes pour l'amour de ses lois."
Elle se pencha donc vers [son plus jeune fils] et, mystifiant le tyran cruel, elle s'exprima de la sorte dans la langue de
ses pères : "[…] Je t'en conjure, mon enfant, regarde le ciel et la terre et vois tout ce qui est en eux, et sache que
Dieu les a faits de rien et que la race des hommes est faite de la même manière. Ne crains pas ce bourreau, mais, te
montrant digne de tes frères, accepte la mort, afin que je te retrouve avec eux dans la miséricorde."
A peine achevait-elle de parler que le jeune homme dit "Qu'attendez-vous? Je n'obéis pas aux ordres du roi, j'obéis
aux ordres de la Loi qui a été donnée à nos pères par Moïse. […] Quant à nos frères, après avoir supporté une
douleur passagère, en vue d'une vie intarissable, ils sont tombés pour l'alliance de Dieu, tandis que toi, par le
jugement de Dieu, tu porteras le juste châtiment de ton orgueil. Pour moi, je livre comme mes frères mon corps et
ma vie pour les lois de mes pères, suppliant Dieu d'être bientôt favorable à notre nation et de t'amener par les
épreuves et les fléaux à confesser qu'il est le seul Dieu. Puisse enfin s'arrêter sur moi et sur mes frères la colère du
Tout-Puissant justement déchaînée sur toute notre race!"
Le roi, hors de lui, sévit contre ce dernier encore plus cruellement que contre les autres, le sarcasme lui étant
particulièrement amer. Ainsi trépassa le jeune homme, sans s'être souillé, et avec une parfaite confiance dans le
Seigneur. Enfin la mère mourut la dernière, après ses fils.
Maccabées II 7, 1-42
Les apocalypses
Tout autant que les livres de Maccabées, les apocalypses sont une littérature politique. Mais le combat se
passe dans l’avenir, celui de la fin du monde qui verra le triomphe de Yahvé et de son peuple et qui achève
ainsi histoire du monde dans laquelle tout est replacé dans le plan divin pour l’humanité qui vise à la victoire
des justes.
• Ezéchiel, préhistoire des apocalypses
Le livre d’Ezéchiel apparaît comme une préfiguration de la littérature apocalyptique. La vision du sage qui
voit le futur et le triomphe des justes est une figure récurrente des apocalypses ; Ezéchiel, alors qu’Israël
subit la déportation à Babylone, voit la reconstruction de Jérusalem et du Temple, les lieux du règne de
Yahvé sur l’humanité, et le triomphe de son peuple. Les visions fantastiques des roues et des animaux
préfigurent les visions de Daniel et des autres apocalypses.
Vision du char de Yahvé
La trentième année, au quatrième mois, le cinq du mois, alors que je me trouvais parmi les déportés au bord du
fleuve Kebar, le ciel s'ouvrit et je fus témoin de visions divines. Le cinq du mois - c'était la cinquième année d'exil
du roi Joiakîn - la parole de Yahvé fut adressée au prêtre Ézéchiel, fils de Buzi, au pays des Chaldéens, au bord du
fleuve Kebar. C'est là que la main de Yahvé fut sur lui.
Je regardai : c'était un vent de tempête soufflant du nord, un gros nuage, un feu jaillissant, avec une lueur autour, et
au centre comme l'éclat du vermeil au milieu du feu. Au centre, je discernai quelque chose qui ressemblait à quatre
animaux dont voici l'aspect : ils avaient une forme humaine. Ils avaient chacun quatre faces et chacun quatre ailes.
Leurs jambes étaient droites et leurs sabots étaient comme des sabots de bœuf, étincelants comme l'éclat de l'airain
poli. Sous leurs ailes, il y avait des mains humaines tournées vers les quatre directions, de même que leurs faces et
leurs ailes à eux quatre. Leurs ailes étaient jointes l'une à l'autre; ils ne se tournaient pas en marchant : ils allaient
chacun devant soi. Quant à la forme de leurs faces, ils avaient une face d'homme, et tous les quatre avaient une face
de lion à droite, et tous les quatre avaient une face de taureau à gauche, et tous les quatre avaient une face d'aigle48.
[…]
Je regardai les animaux; et voici qu'il y avait une roue à terre, à côté des animaux aux quatre faces. L'aspect de ces
roues et leur structure avait l'éclat de la chrysolite. Toutes les quatre avaient même forme; quant à leur aspect et leur
structure : c'était comme si une roue se trouvait au milieu de l'autre. Elles avançaient dans les quatre directions et ne
se tournaient pas en marchant. Leur circonférence était de grande taille et effrayante, et leur circonférence, à toutes
les quatre, était pleine de reflets tout autour. […]
48 Les quatre vivants sont identifiés aux quatre évangélistes dans la tradition chrétienne depuis les commentaires d’Irénée au IIIe
siècle.
28
Au-dessus de la voûte qui était sur leurs têtes, il y avait quelque chose qui avait l'aspect d'une pierre de saphir en
forme de trône, et sur cette forme de trône, dessus, tout en haut, un être ayant apparence humaine.
Et je vis comme l'éclat du vermeil, quelque chose comme du feu près de lui, tout autour, depuis ce qui paraissait être
ses reins et au-dessus; et depuis ce qui paraissait être ses reins et au-dessous, je vis quelque chose comme du feu et
une lueur tout autour ; l'aspect de cette lueur, tout autour, était comme l'aspect de l'arc qui apparaît dans les nuages,
les jours de pluie. C'était quelque chose qui ressemblait à la gloire de Yahvé. Je regardai, et je tombai la face contre
terre; et j'entendis la voix de quelqu'un qui me parlait.
Ezéchiel 1.
[Yavhé abandonne le Temple suite aux péchés des Hébreux (11). Puis il amène le prophète dans une vallée pleine
d’ossements desséchés, qui reprennent vie sous l’action de la parole divine. Enfin il lui montre le reconstruction du
Jérusalem et du Temple.]
Vision du temple et de la Jérusalem célestes
La vingt-cinquième année de notre captivité, au commencement de l'année, le dix du mois, quatorze ans après que la
ville eut été prise, en ce jour même, la main de Yahvé fut sur moi. Il m'emmena là-bas : par des visions divines, il
m'emmena au pays d'Israël et me déposa sur une très haute montagne, sur laquelle semblait construite une ville, au
midi. Il m'y amena, et voici qu'il y avait un homme dont l'aspect était comme celui de l'airain. Il avait dans la main
un cordeau de lin et une canne à mesurer, et il se tenait dans le porche. L'homme me dit : " Fils d'homme, regarde
bien, écoute de toutes tes oreilles et fais bien attention à tout ce que je vais te montrer, car c'est pour que je te le
montre que tu as été amené ici. Fais connaître à la maison d'Israël tout ce que tu vas voir. "
Ezéchiel 40, 1-4.
[Suivent les descriptions du temple et de Jérusalem, finissant par :]
Périmètre total : dix-huit mille coudées. Et le nom de la ville sera désormais : " Yahvé est là. "
Ezéchiel 48, 35.
• Daniel, modèle des apocalypses
Le livre de Daniel a été rédigé peu avant 165 av. J.-C., date de la délivrance du Temple par Judas
Maccabées. On y trouve deux visions sur le même thème, la succession de quatre empires. Ce sont des
réinterprétations de l’histoire. Celle-ci a un sens, le combat du bien contre du mal jusqu’à la fin des temps
qui est proche.
La première vision est le rêve de Nabuchodonosor en Daniel 2 ; il contient la fameuse image de la statue
composite aux pieds d’argile dont Daniel interprète le sens. Cette symbolique des métaux emprunte à
l’imaginaire oriental mais aussi à Hésiode.
La deuxième vision avec son interprétation se trouve en Daniel 7-12. Ce ne sont plus les quatre métaux qui
se succèdent mais quatre bêtes qui marquent la succession des empires. Cette symbolique des animaux
renvoie à un imaginaire traditionnel oriental et à l’astrologie babylonienne : le lion figure les pays du sud
(Babylone), l’ours ceux du nord (la Médie), la panthère l’est (la Perse) et la bête innomée, la plus perverse,
l’empire grec. La vision continue ensuite avec l’affrontement d’animaux fantastiques figurant la succession
des royaumes hellénistiques jusqu’aux malheurs présents, la profanation du Temple (Daniel 11) puis enfin
la mort du persécuteur et le triomphe des forces du bien, la résurrection et la rétribution des justes dans un
jugement dernier (Daniel 12). La vision du fils de l’homme en Daniel 7, 13 est-elle celle du messie ?
La littérature apocalyptique se pose clairement en littérature de combat : il s’agit de soutenir le combat face
à l’hellénisme et face à la persécution, la longue suite d’épreuves ne fait que préparer le rachat du peuple par
Yahvé.
En l'an un de Balthazar, roi de Babylone, Daniel vit un songe et des visions de sa tête, sur sa couche. Il rédigea le
rêve par écrit. Début du récit Daniel dit : J'ai contemplé des visions dans la nuit. Voici les quatre vents du ciel
soulevaient la grande mer; quatre bêtes énormes sortirent de la mer, toutes différentes entre elles. La première était
pareille à un lion avec des ailes d'aigle. Tandis que je la regardais, ses ailes lui furent arrachées, elle fut soulevée de
terre et dressée sur ses pattes comme un homme, et un coeur d'homme lui fut donné. Voici : une deuxième bête, tout
autre, semblable à un ours, dressée d'un côté, trois côtes dans la gueule, entre les dents. Il lui fut dit : "Lève-toi,
dévore quantité de chair." Ensuite, je regardai et voici : une autre bête pareille à un léopard, portant sur les flancs
quatre ailes d'oiseau; elle avait quatre têtes, et la domination lui fut donnée. Ensuite je contemplai une vision dans
les visions de la nuit. Voici : une quatrième bête, terrible, effrayante et forte extrêmement; elle avait des dents de fer
énormes : elle mangeait, broyait, et foulait aux pieds ce qui restait. Elle était différente des premières bêtes et portait
dix cornes.
Tandis que je considérais ses cornes, voici : parmi elles poussa une autre corne, petite; trois des premières cornes
furent arrachées de devant elle, et voici qu'à cette corne, il y avait des yeux comme des yeux d'homme, et une
bouche qui disait de grandes choses!
Tandis que je contemplais
29
Des trônes furent placés
et un Ancien s'assit.
Son vêtement, blanc comme la neige;
les cheveux de sa tête, purs comme la laine.
Son trône était flammes de feu,
aux roues de feu ardent.
Un fleuve de feu coulait,
issu de devant lui.
Mille milliers le servaient,
myriade de myriades, debout devant lui.
Le tribunal était assis,
les livres étaient ouverts.
Je regardais; alors, à cause du bruit des grandes choses que disait la corne, tandis que je regardais, la bête fut tuée,
son corps détruit et livré à la flamme de feu. Aux autres bêtes la domination fut ôtée, mais elles reçurent un délai de
vie, pour un temps et une époque.
Je contemplais, dans les visions de la nuit
Voici, venant sur les nuées du ciel,
comme un Fils d'homme.
Il s'avança jusqu'à l'Ancien
et fut conduit en sa présence.
A lui fut conféré empire,
honneur et royaume,
et tous peuples,
nations et langues le servirent.
Son empire est un empire éternel
qui ne passera point,
et son royaume ne sera point détruit.
Moi, Daniel, mon esprit en fut écrasé et les visions de ma tête me troublèrent. Je m'approchai de l'un de ceux qui se
tenaient là et lui demandai de me dire la vérité concernant tout cela. Il me répondit et me fit connaître l'interprétation
de ces choses "Ces bêtes énormes au nombre de quatre sont quatre rois qui se lèveront de la terre. Ceux qui
recevront le royaume sont les saints du Très-Haut, et ils posséderont le royaume pour l'éternité, et d'éternité en
éternité." Puis je demandai à connaître la vérité concernant la quatrième bête, qui était différente de toutes les autres,
terrible extrêmement, aux dents de fer et aux griffes de bronze, qui mangeait et broyait, et foulait aux pieds ce qui
restait; et concernant les dix cornes qui étaient sur sa tête et l'autre corne poussa et les trois premières tombèrent, et
cette corne avait des yeux et une bouche qui disait de grandes choses, et elle avait plus grand air que les autres
cornes. Je contemplais cette corne qui faisait la guerre aux saints et l'emportait sur eux, jusqu'à la venue de l'Ancien
qui rendit jugement en faveur des saints du Très-Haut, et le temps vint et les saints possédèrent le royaume. Il dit
"La quatrième bête
sera un quatrième royaume sur la terre,
différent de tous les royaumes.
Elle mangera toute la terre,
la foulera aux pieds et l'écrasera.
Et les dix cornes : de ce royaume,
dix rois se lèveront et un autre se lèvera après eux;
il sera différent des premiers
et abattra les trois rois;
il proférera des paroles contre le Très-Haut
et mettra à l'épreuve les saints du Très-Haut.
Il méditera de changer les temps et le droit,
et les saints seront livrés entre ses mains
pour un temps et des temps et un demi-temps.
Mais le tribunal siégera et la domination lui sera ôtée,
détruite et réduite à néant jusqu'à la fin.
Et le royaume et l'empire
et les grandeurs des royaumes sous tous les cieux
seront donnés au peuple des saints du Très-Haut.
Son empire est un empire éternel
et tous les empires le serviront et lui obéiront."
Ici finit le récit.
Moi, Daniel, je fus grandement troublé dans mes pensées, ma mine changea et je gardai ces choses dans mon coeur.
Daniel 7
30
L’Apocalypse de Jean est la seule apocalypse canonique du Nouveau Testament. Elle fait pourtant aussi
partie de cet ensemble littéraire apparu au retour d’exil ; les communautés chrétiennes de la fin du Ier siècle
étaient confrontées à des épreuves et des défis comparables à ceux des crises de l’exil, du retour d’exil et de
l’hellénisme. Elle s’y rattache aussi par les très nombreuses citations et allusions aux textes prophétiques de
l’Ancien Testament : vint deux références à Jérémie, quarante-trois à Ezéchiel, cinquante à Isaïe, quinze à
Zacharie. Ces références sont intégrées et réinterprétées à la lumière du message évangélique, la
Résurrection.
2. Le christianisme dans ou hors du judaïsme ?
Intertextualité entre l’Ancien testament et le Nouveau Testament
• Citations
Le christianisme d’abord dans le judaïsme, puis, dégagé du judaïsme, se veut le verus Israël ; c’est donc
l’Ancien Testament dans son ensemble qui reste parole inspirée et qui prend sa place dans l’histoire du
Salut. Beaucoup de textes du Nouveau Testament citent le texte archéo-testamentaire à la lettre.
Modèles :
Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné?
Psaumes 22, 2
Dans ma soif ils m'abreuvaient de vinaigre.
Psaumes 69, 22
Citations :
Et vers la neuvième heure Jésus clama en un grand cri : " Éli, Éli, lema sabachtani ? ", c'est-à-dire : " Mon Dieu,
mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? " Certains de ceux qui se tenaient là disaient en l'entendant : " Il appelle
Élie, celui-ci ! " Et aussitôt l'un d'eux courut prendre une éponge qu'il imbiba de vinaigre et, l'ayant mise au bout
d'un roseau, il lui donnait à boire. Mais les autres lui dirent : " Laisse ! que nous voyions si Élie va venir le sauver !
" Or Jésus, poussant de nouveau un grand cri, rendit l'esprit.
Matthieu 27, 47, 51 (le texte quasi-identique dans Marc 15, 33-37)
Modèle :
La pierre qu'ont rejetée les bâtisseurs est devenue la tête de l'angle ; c'est là l'œuvre de Yahvé, ce fut merveille à nos
yeux.
Psaumes 118, 22-23
Citation :
Et n'avez-vous pas lu cette Écriture : La pierre qu'avaient rejetée les bâtisseurs, c'est elle qui est devenue pierre de
faîte ; c'est là l'œuvre du Seigneur et elle est admirable à nos yeux ? "
Marc 12, 11-12
• Typologie
Certains miracles du texte évangélique sont des rappels bibliques : la multiplication des pains qui est
racontée dans les quatre évangiles est un rappel de la manne céleste, certains récits de guérison sont des
rappels des miracles des prophètes (Elie et Elisée par exemple). C’est surtout la typologie qui est
massivement présente dans le Nouveau Testament. C’est Paul qui invente le terme, typos en grec veut dire
exemple, dans ce passage :
Car je ne veux pas que vous l'ignoriez, frères : nos pères ont tous été sous la nuée, tous ont passé à travers la mer,
tous ont été baptisés en Moïse dans la nuée et dans la mer, tous ont mangé le même aliment spirituel et tous ont bu
le même breuvage spirituel - ils buvaient en effet à un rocher spirituel qui les accompagnait, et ce rocher c'était le
Christ. Cependant, ce n'est pas le plus grand nombre d'entre eux qui plut à Dieu, puisque leurs corps jonchèrent le
désert. Ces faits se sont produits pour nous servir d'exemples, pour que nous n'ayons pas de convoitises mauvaises,
comme ils en eurent eux-mêmes.
1 Corinthiens 10, 1-6
La typologie consiste à mettre en correspondance les récits archéotestamentaires et les épisodes de la vie de
Jésus.
31
De même, en effet, que Jonas fut dans le ventre du monstre marin durant trois jours et trois nuits, de même le Fils de
l'homme sera dans le sein de la terre durant trois jours et trois nuits.
Matthieu 12, 40.
Par la foi, Abraham, mis à l'épreuve, a offert Isaac, et c'est son fils unique qu'il offrait en sacrifice, lui qui était le
dépositaire des promesses, lui à qui il avait été dit : C'est par Isaac que tu auras une postérité. Dieu, pensait-il, est
capable même de ressusciter les morts ; c'est pour cela qu'il recouvra son fils, et ce fut un symbole.
Hébreux 11, 18-20
Ce procédé sera repris par les écrivains chrétiens dès le IIe siècle et par les Pères de l’Eglise. Aux épisodes
de l’Ancien Testament répondent ceux du Nouveau Testament, leur mise en correspondance permettant de
discerner le plan divin pour l’humanité réalisé dans la venue du Christ. Le répertoire typologique s’enrichit
ainsi d’une foule d’exemple permettant de dresser un réseau de correspondances de plus en plus fouillées.
Quelques exemples :
— Le déluge préfigure le baptême et Noé est une figure du Christ triomphant de la mort. Le bois de l’arche
évoque celui de la croix.
— Isaac est la figure du sacrifice offert par son père Abraham, comme le Père offre le fils à l’humanité.
Isaac porte le fagot du sacrifice comme le christ porte sa croix.
— La traversée de la mer Rouge évoque le baptême, la sortie d’Egypte libère de l’esclavage, comme le
baptême libère du péché.
Le christianisme doit-il rester dans le judaïsme ?
• Tensions entre pauliniens et jacobites
Ces tensions dans le christianisme primitif entre les différents courent portent sur deux points : le respect à la
lettre de la Loi et la conversion et la fréquentation des Gentils. Les jacobites prônent un respect intégral de la
Loi ce qui implique que la fréquentation des Gentils est limitée à cause des règles de pureté. Les pauliniens
franchissent le pas de la conversion des Gentils. Les pétriniens se situent dans l’entre-deux (Galates 2). Dans
les Actes Jacques bénéficie en fait de sa prééminence comme chef de l’Eglise de Jérusalem et frère du
Seigneur : il impose ses conclusions lors du concile de Jérusalem. Dans le texte d’Actes 21 il oblige Paul à
témoigner de sa judéité et impose les obligations légales aux païens convertis.
En ces jours-là, comme le nombre des disciples augmentait, il y eut des murmures chez les Hellénistes contre les
Hébreux49. Dans le service quotidien, disaient-ils, on négligeait leurs veuves.
Actes 6, 1
[Le concile de Jérusalem] Cependant certaines gens descendus de Judée enseignaient aux frères : "Si vous ne vous
faites pas circoncire suivant l'usage qui vient de Moïse, vous ne pouvez être sauvés." Après bien de l'agitation et une
discussion assez vive engagée avec eux par Paul et Barnabé, il fut décidé que Paul, Barnabé et quelques autres des
leurs monteraient à Jérusalem auprès des apôtres et des anciens pour traiter de ce litige.
Actes 15, 1-2
Mais quand Céphas [Pierre] vint à Antioche, je lui résistai en face, parce qu'il s'était donné tort. En effet, avant
l'arrivée de certaines gens de l'entourage de Jacques, il prenait ses repas avec les païens ; mais quand ces gens
arrivèrent, on le vit se dérober et se tenir à l'écart, par peur des circoncis.
Galates 2, 12-13
A notre arrivée à Jérusalem, les frères nous reçurent avec joie. Le jour suivant, Paul se rendit avec nous chez
Jacques, où tous les anciens se réunirent. Après les avoir salués, il se mit à exposer par le détail ce que Dieu avait
fait chez les païens par son ministère. Et ils glorifiaient Dieu de ce qu'ils entendaient. Ils lui dirent alors : " Tu vois,
frère, combien de milliers de Juifs ont embrassé la foi, et ce sont tous de zélés partisans de la Loi. Or à ton sujet ils
ont entendu dire que, dans ton enseignement, tu pousses les Juifs qui vivent au milieu des païens à la défection vis-
à-vis de Moïse, leur disant de ne plus circoncire leurs enfants et de ne plus suivre les coutumes. Que faire donc ?
Assurément la multitude ne manquera pas de se rassembler, car on apprendra ton arrivée. Fais donc ce que nous
allons te dire. Nous avons ici quatre hommes qui sont tenus par un vœu. Emmène-les, joins-toi à eux pour la
purification et charge-toi des frais pour qu'ils puissent se faire raser la tête. Ainsi tout le monde saura qu'il n'y a rien
de vrai dans ce qu'ils ont entendu dire à ton sujet, mais que tu te conduis, toi aussi, en observateur de la Loi. Quant
49 Les Hellénistes sont les pagano-chrétiens, les Hébreux les judéo-chrétiens.
32
aux païens qui ont embrassé la foi, nous leur avons mandé nos décisions : se garder des viandes immolées aux
idoles, du sang, des chairs étouffées et des unions illégitimes. "
Le jour suivant, Paul emmena donc ces hommes et, après s'être joint à eux pour la purification, il entra dans le
Temple, où il annonça le délai dans lequel, les jours de purification terminés, on devrait présenter l'oblation pour
chacun d'entre eux.
Actes 21, 17-26
• Les jacobites : le christianisme courant du judaïsme
Le salut passe par le respect de la Loi et par les œuvres (comme dans Tobie et le Siracide). Les références
sont Abraham, converti et circoncis (Genèse), et Rahab, païenne intégrée au peuple hébreu (Josué). Par ces
références, Jacques plaide en faveur d’un christianisme à l’intérieur du judaïsme y compris pour les
convertis venus du paganisme qui doivent rentrer dans l’Alliance. Matthieu (1, 5) cite encore Rahab parmi
les ancêtres de Jésus.
Celui, au contraire, qui se penche sur la Loi parfaite de liberté et s'y tient attaché, non pas en auditeur oublieux, mais
pour la mettre activement en pratique, celui-là trouve son bonheur en la pratiquant.
Jacques 1, 25
Au contraire, on dira : " Toi, tu as la foi, et moi, j'ai les œuvres ? Montre-moi ta foi sans les œuvres ; moi, c'est par
les œuvres que je te montrerai ma foi. Toi, tu crois qu'il y a un seul Dieu ? Tu fais bien. Les démons le croient aussi,
et ils tremblent.Veux-tu savoir, homme insensé, que la foi sans les œuvres est stérile ? Abraham, notre père, ne fut-il
pas justifié par les œuvres quand il offrit Isaac, son fils, sur l'autel ? Tu le vois : la foi coopérait à ses œuvres et par
les œuvres sa foi fut rendue parfaite. Ainsi fut accomplie cette parole de l'Écriture : Abraham crut à Dieu, cela lui
fut compté comme justice et il fut appelé ami de Dieu."
Vous le voyez : c'est par les œuvres que l'homme est justifié et non par la foi seule. De même, Rahab, la prostituée,
n'est-ce pas par les œuvres qu'elle fut justifiée quand elle reçut les messagers et les fit partir par un autre chemin ?
Comme le corps sans l'âme est mort, de même la foi sans les œuvres est-elle morte.
Jacques 2, 20-26
• Les pauliniens : l’universalité du message chrétien.
La venue du messie constitue une rupture car l’Alliance d’Abraham s’étend désormais à toute l’humanité
sans distinction, franchissant la barrière essentielle entre les Juifs et les Grecs. Dorénavant le respect de la
Loi se fait selon le cœur, la foi, et non selon son respect à la lettre ; la Loi elle-même est dépassée.
En effet, dans le Christ Jésus ni circoncision ni incirconcision ne comptent, mais seulement la foi opérant par la
charité.
Galates 5, 6
Avant la venue de la foi, nous étions enfermés sous la garde de la Loi, réservés à la foi qui devait se révéler. Ainsi la
Loi nous servit-elle de pédagogue jusqu'au Christ, pour que nous obtenions de la foi notre justification. Mais la foi
venue, nous ne sommes plus sous un pédagogue. Car vous êtes tous fils de Dieu, par la foi, dans le Christ Jésus.
Vous tous en effet, baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ : il n'y a ni Juif ni Grec, il n'y a ni esclave ni
homme libre, il n'y a ni homme ni femme ; car tous vous ne faites qu'un dans le Christ Jésus. Mais si vous
appartenez au Christ, vous êtes donc la descendance d'Abraham, héritiers selon la promesse.
Galates 3, 23-29
Là, il n'est plus question de Grec ou de Juif, de circoncision ou d'incirconcision, de Barbare, de Scythe, d'esclave,
homme libre ; il n'y a que le Christ, qui est tout et en tout.
Colossiens 3, 11
La circoncision, en effet, te sert si tu pratiques la Loi ; mais si tu transgresses la Loi, avec ta circoncision, tu n'es
plus qu'un incirconcis. Si donc l'incirconcis garde les prescriptions de la Loi, son incirconcision ne vaudra-t-elle pas
une circoncision ? Et celui qui physiquement incirconcis accomplit la Loi te jugera, toi qui avec la lettre et avec la
circoncision es transgresseur de la Loi. Car le Juif n'est pas celui qui l'est au-dehors, et la circoncision n'est pas au-
dehors dans la chair, le vrai Juif l'est au-dedans et la circoncision dans le cœur50, selon l'esprit et non pas selon la
lettre : voilà celui qui tient sa louange non des hommes, mais de Dieu.
Romains 2, 25-29
50 Paul reprend et renverse une expression du Deutéronome 10, 16, profession de foi hénothéiste où Yahvé est présenté comme
dieu de la nation élue.
33
Sortir du judaïsme
Les missions de Paul dans les Actes mettent en évidence un schéma récurrent : Paul prêche aux juifs puis
rejeté par eux, prêche aux païens qui l’accueillent. Au bout de sa mission, dénoncé à Jérusalem où il est
monté comme son seigneur Jésus, il est arrêté par les juifs. Citoyen romain, il finit sa mission à Rome,
capitale de l’oikoumène et déclare le passage définitif de l’évangile aux païens, les juifs ne l’ayant pas
écouté. Ils [Paul et ses compagnons] arriv�rent ˆ Antioche de Pisidie. Le jour du sabbat, ils entr�rent ˆ la synagogue et
s'assirent. Apr•s la lecture de la Loi et des Proph•tes, les chefs de la synagogue leur envoy•rent dire : " Fr•res, si
vous avez quelque parole d'encouragement ˆ dire au peuple, parlez." Paul alors se leva, fit signe de la main et dit :
"Hommes d'Isra‘l, et vous qui craignez Dieu, Žcoutez. [Paul expose longuement les fondements de la foi
chrŽtienne]
Et, ˆ leur sortie, on les invitait ˆ parler encore du m�me sujet le sabbat suivant. Apr�s que l'assemblŽe se fut
sŽparŽe, nombre de Juifs et de prosŽlytes qui adoraient Dieu suivirent Paul et BarnabŽ, et ceux-ci, dans leurs
entretiens, les engageaient ˆ rester fid�les ˆ la gr‰ce de Dieu. Le sabbat suivant, presque toute la ville s'assembla
pour entendre la parole de Dieu. A la vue de cette foule, les Juifs furent remplis de jalousie, et ils rŽpliquaient par
des blasph�mes aux paroles de Paul. S'enhardissant alors, Paul et BarnabŽ dŽclar�rent : "C'Žtait ˆ vous d'abord
qu'il fallait annoncer la parole de Dieu. Puisque vous la repoussez et ne vous jugez pas dignes de la vie Žternelle, eh
bien ! nous nous tournons vers les pa•ens. Car ainsi nous l'a ordonnŽ le Seigneur : Je t'ai Žtabli lumi•re des nations,
pour que tu portes le salut jusqu'aux extrŽmitŽs de la terre." Tout joyeux ˆ ces mots, les pa•ens se mirent ˆ glorifier
la parole du Seigneur, et tous ceux-lˆ embrass�rent la foi, qui Žtaient destinŽs ˆ la vie Žternelle. Ainsi la parole du
Seigneur se rŽpandait dans toute la rŽgion. Mais les Juifs mont•rent la t•te aux dames de condition qui adoraient
Dieu ainsi qu'aux notables de la ville ; il suscit�rent de la sorte une persŽcution contre Paul et BarnabŽ et les
chass•rent de leur territoire.
Actes 13, 15-50
[Paul est à Corinthe] Chaque sabbat, il discourait à la synagogue et s'efforçait de persuader Juifs et Grecs. Quand
Silas et Timothée furent arrivés de Macédoine, Paul se consacra tout entier à la parole, attestant aux Juifs que Jésus
est le Christ. Mais devant leur opposition et leurs paroles blasphématoires, il secoua ses vêtements et leur dit : " Que
votre sang retombe sur votre tête ! Pour moi, je suis pur, et désormais c'est aux païens que j'irai. " Alors, se retirant
de là, Paul se rendit chez un certain Justus, homme adorant Dieu, dont la maison était contiguè à la synagogue.
Crispus, le chef de synagogue, crut au Seigneur avec tous les siens. Beaucoup de Corinthiens qui entendaient Paul
embrassaient également la foi et se faisaient baptiser. Une nuit, dans une vision, le Seigneur dit à Paul : " Sois sans
crainte. Continue de parler, ne te tais pas. Car je suis avec toi, et personne ne mettra sur toi la main pour te faire du
mal, parce que j'ai à moi un peuple nombreux dans cette ville. " Il séjourna là un an et six mois, enseignant aux gens
la parole de Dieu.
Actes 18, 4-11
Ils [les notables juifs de Rome] prirent donc jour avec lui et vinrent en plus grand nombre le trouver en son logis.
Dans l'exposé qu'il leur fit, il rendait témoignage du Royaume de Dieu et cherchait à les persuader au sujet de Jésus,
en partant de la Loi de Moïse et des Prophètes. Cela dura depuis le matin jusqu'au soir. Les uns se laissaient
persuader par ses paroles, les autres restaient incrédules. Ils se séparaient sans être d'accord entre eux, quand Paul
dit ce simple mot : "Elles sont bien vraies les paroles que l'Esprit Saint a dites à vos pères par la bouche du prophète
Isaïe : Va trouver ce peuple et dis-lui : vous aurez beau écouter, vous ne comprendrez pas ; vous aurez beau
regarder, vous ne verrez pas. C'est que l'esprit de ce peuple s'est épaissi : ils se sont bouché les oreilles, ils ont fermé
les yeux, de peur que leurs yeux ne voient, que leurs oreilles n'entendent, que leur esprit ne comprenne, qu'ils ne se
convertissent. Et je les aurais guéris !51 " Sachez-le donc : c'est aux païens qu'a été envoyé ce salut de Dieu. Eux du
moins, ils écouteront. "
Actes 28, 23-28
La rupture se prolonge par une mise à distance du judaïsme. Elle est surtout sensible dans les écrits
johanniques les plus tardifs : peur des juifs et juifs infidèles, acteurs de leur propre excommunication.
Après cela, Jésus parcourait la Galilée ; il n'avait pas pouvoir de circuler en Judée, parce que les Juifs cherchaient à
le tuer.
Jean 7, 1
Ses parents dirent cela parce qu'ils avaient peur des Juifs ; car déjà les Juifs étaient convenus que, si quelqu'un
reconnaissait Jésus pour le Christ, il serait exclu de la synagogue.
Jean 9, 22
51 Isaïe 6, 9-10
34
Je connais tes épreuves et ta pauvreté - tu es riche pourtant - et les diffamations de ceux qui usurpent le titre de Juifs
- une synagogue de Satan plutôt !
Apocalypse 2, 9
On vous exclura des synagogues. Bien plus, l'heure vient où quiconque vous tuera pensera rendre un culte à Dieu.
Jean 16, 2
Répandre la parole parmi les Nations
• Le prophétisme
Un nombre important de textes montrent la première diffusion du christianisme par le biais du prophétisme.
C’est ce mode de diffusion de l’évangile que l’on voit dans le texte de la Pentecôte et celui de la conversion
du centurion Corneille où l’esprit saint remplit les membres de l’assistance qui se mettent à prophétiser.
Dans le récit de la Pentecôte, Pierre cite même Joël à propos de la dimension extatique de toute prophétie
qui s’autorise une communication immédiate avec Dieu. Dans 1 Timothée, l’autorité dans les premières
communautés est détenue collégialement par des anciens (presbytes, les prêtres) qui sont des charismatiques. Descendus chez Philippe l'évangéliste, qui était un des Sept, nous demeurâmes chez lui. Il avait quatre filles vierges
qui prophétisaient.
Actes 21, 8
[Paul est à Ephèse] A ces mots, ils se firent baptiser au nom du Seigneur Jésus ; et quand Paul leur eut imposé les
mains, l'Esprit Saint vint sur eux, et ils se mirent à parler en langues et à prophétiser.
Actes 19, 6-7
Ne néglige pas le don spirituel qui est en toi, qui t'a été conféré par une intervention prophétique accompagnée de
l'imposition des mains du collège des presbytes.
1 Timothée 4, 14
• La Pentecôte
Elle marque la création de l’Eglise dans la tradition du christianisme. Pourtant le récit porte aussi la marque
de son rédacteur, Luc, compagnon de Paul, et de l’époque de sa rédaction, après la chute du Temple. Le
courant paulinien a triomphé, le christianisme est sorti du judaïsme, rejeté par celui-ci et la conversion vise
désormais les païens. L’expérience de glossolalie est devenue le don des langues avec la création de la
mission universelle.
Le jour de la Pentecôte étant arrivé, ils se trouvaient tous ensemble dans un même lieu, quand, tout à coup, vint du
ciel un bruit tel que celui d'un violent coup de vent, qui remplit toute la maison où ils se tenaient. Ils virent
apparaître des langues qu'on eût dites de feu ; elles se partageaient, et il s'en posa une sur chacun d'eux. Tous furent
alors remplis de l'Esprit Saint et commencèrent à parler en d'autres langues, selon que l'Esprit leur donnait de
s'exprimer. Or il y avait, demeurant à Jérusalem, des hommes dévots de toutes les nations qui sont sous le ciel. Au
bruit qui se produisit, la multitude se rassembla et fut confondue : chacun les entendait parler en son propre idiome.
Ils étaient stupéfaits, et, tout étonnés, ils disaient : " Ces hommes qui parlent, ne sont-ils pas tous Galiléens ?
Comment se fait-il alors que chacun de nous les entende dans son propre idiome maternel ? Parthes, Mèdes et
Élamites, habitants de Mésopotamie, de Judée et de Cappadoce, du Pont et d'Asie, de Phrygie et de Pamphylie,
d'Égypte et de cette partie de la Libye qui est proche de Cyrène, Romains en résidence, tant Juifs que prosélytes,
Crétois et Arabes, nous les entendons publier dans notre langue les merveilles de Dieu ! "Tous étaient stupéfaits et
se disaient, perplexes, l'un à l'autre : " Que peut bien être cela ? " D'autres encore disaient en se moquant : " Ils sont
pleins de vin doux ! " Pierre alors, debout avec les Onze, éleva la voix et leur adressa ces mots : " Hommes de Judée
et vous tous qui résidez à Jérusalem, apprenez ceci, prêtez l'oreille à mes paroles. Non, ces gens ne sont pas ivres,
comme vous le supposez ; ce n'est d'ailleurs que la troisième heure du jour. Mais c'est bien ce qu'a dit le prophète : Il
se fera dans les derniers jours, dit le Seigneur, que je répandrai de mon Esprit sur toute chair. Alors vos fils et vos
filles prophétiseront, vos jeunes gens auront des visions et vos vieillards des songes52.
Actes 2, 1-17
• L’ouverture aux Gentils : la conversion du centurion Corneille par Pierre
Au-delà de l’aspect historique du récit qui est invérifiable, le propos du rédacteur, Luc, est théologique. La
longueur du récit montre l’importance qu’il en donne. Pierre dans le récit devient l’instrument de Dieu (il
agit aveuglément sur ordre divin et Corneille reçoit la visite d’un ange). Cette intervention divine permet de
52 Joël 3,1.
35
justifier la conversion des païens et le passage définitif du message du salut aux Gentils. Les actes de Pierre
annoncent les actes de Paul personnage principal des Actes, il se place comme l’apôtre de la transition entre
Jésus et Paul (qui n’a pas connu Jésus) : les conversions de Paul ne sont pas une initiative malheureuse
envers les païens, mais relèvent d’une origine divine. Les hésitations de Pierre se situent encore une fois sur
les problèmes de pureté rituelle, particulièrement lors des repas. La deuxième pentecôte qui clôt le récit
atteint cette fois-ci les incirconcis.
Il y avait à Césarée un homme du nom de Corneille, centurion de la cohorte Italique. Pieux et craignant Dieu, ainsi
que toute sa maison, il faisait de larges aumônes au peuple juif et priait Dieu sans cesse.
Il eut une vision. Vers la neuvième heure du jour, l'Ange de Dieu - il le voyait clairement - entrait chez lui et
l'appelait : " Corneille ! "Il le regarda et fut pris de frayeur. "Qu'y a-t-il, Seigneur ? " demanda-t-il. -" Tes prières et
tes aumônes, lui répondit l'Ange, sont montées devant Dieu, et il s'est souvenu de toi. Maintenant donc, envoie des
hommes à Joppé et fais venir Simon, surnommé Pierre. Il loge chez un certain Simon, un corroyeur, dont la maison
se trouve au bord de la mer. "Quand l'ange qui lui parlait fut parti, Corneille appela deux de ses domestiques ainsi
qu'un soldat pieux, de ceux qui lui étaient attachés, et après leur avoir tout expliqué, il les envoya à Joppé.
Le lendemain, tandis qu'ils faisaient route et approchaient de la ville, Pierre monta sur la terrasse, vers la sixième
heure, pour prier. Il sentit la faim et voulut prendre quelque chose. Or, pendant qu'on lui préparait à manger, il
tomba en extase. Il voit le ciel ouvert et un objet, semblable à une grande nappe nouée aux quatre coins, en
descendre vers la terre. Et dedans il y avait tous les quadrupèdes et les reptiles, et tous les oiseaux du ciel. Une voix
lui dit alors : "Allons, Pierre, immole et mange." Mais Pierre répondit : "Oh non ! Seigneur, car je n'ai jamais rien
mangé de souillé ni d'impur !" De nouveau, une seconde fois, la voix lui parle : "Ce que Dieu a purifié, toi, ne le dis
pas souillé." Cela se répéta par trois fois, et aussitôt l'objet fut remporté au ciel.
Tout perplexe, Pierre était à se demander en lui-même ce que pouvait bien signifier la vision qu'il venait d'avoir,
quand justement les hommes envoyés par Corneille, s'étant enquis de la maison de Simon, se présentèrent au portail.
Ils appelèrent et s'informèrent si c'était bien là que logeait Simon surnommé Pierre. Comme Pierre était toujours à
réfléchir sur sa vision, l'Esprit lui dit : "Voilà des hommes qui te cherchent.Va donc, descends et pars avec eux sans
hésiter, car c'est moi qui les ai envoyés." Pierre descendit auprès de ces hommes et leur dit : "Me voici. Je suis celui
que vous cherchez. Quel est le motif qui vous amène ?" Ils répondirent : "Le centurion Corneille, homme juste et
craignant Dieu, à qui toute la nation juive rend bon témoignage, a reçu d'un ange saint l'avis de te faire venir chez
lui et d'entendre les paroles que tu as à dire." Pierre les fit alors entrer et leur donna l'hospitalité.
Le lendemain, il se mit en route et partit avec eux ; quelques-uns des frères de Joppé l'accompagnèrent. Il entra dans
Césarée le jour suivant. Corneille les attendait et avait réuni ses parents et ses amis intimes. Au moment où Pierre
entrait, Corneille vint à sa rencontre et, tombant à ses pieds, se prosterna.
Mais Pierre le releva en disant : "Relève-toi. Je ne suis qu'un homme, moi aussi." Et tout en s'entretenant avec lui, il
entra. Il trouve alors les gens qui s'étaient réunis en grand nombre, et il leur dit : "Vous le savez, il est absolument
interdit à un Juif de frayer avec un étranger ou d'entrer chez lui. Mais Dieu vient de me montrer, à moi, qu'il ne faut
appeler aucun homme souillé ou impur. Aussi n'ai-je fait aucune difficulté pour me rendre à votre appel. Je vous le
demande donc, pour quelle raison m'avez-vous fait venir ?" Corneille répondit : " Il y a maintenant trois jours, j'étais
en prière chez moi à la neuvième heure et voici qu'un homme surgit devant moi, en vêtements resplendissants.
Il me dit : "Corneille, ta prière a été exaucée, et de tes aumônes on s'est souvenu auprès de Dieu. Envoie donc quérir
à Joppé Simon, surnommé Pierre. Il loge dans la maison du corroyeur Simon, au bord de la mer." Aussitôt je t'ai
donc fait chercher, et toi, tu as bien fait de venir. Nous voici donc tous devant toi pour entendre ce qui t'a été prescrit
par Dieu."
Alors Pierre prit la parole et dit : "Je constate en vérité que Dieu ne fait pas acception des personnes, mais qu'en
toute nation celui qui le craint et pratique la justice lui est agréable." Il a envoyé sa parole aux Israélites, leur
annonçant la bonne nouvelle de la paix par Jésus Christ : c'est lui le Seigneur de tous.
Vous savez ce qui s'est passé dans toute la Judée : Jésus de Nazareth, ses débuts en Galilée, après le baptême
proclamé par Jean ; comment Dieu l'a oint de l'Esprit Saint et de puissance, lui qui a passé en faisant le bien et en
guérissant tous ceux qui étaient tombés au pouvoir du diable ; car Dieu était avec lui. Et nous, nous sommes témoins
de tout ce qu'il a fait dans le pays des Juifs et à Jérusalem. Lui qu'ils sont allés jusqu'à faire mourir en le suspendant
au gibet, Dieu l'a ressuscité le troisième jour et lui a donné de se manifester, non à tout le peuple, mais aux témoins
que Dieu avait choisis d'avance, à nous qui avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d'entre les morts ; et il
nous a enjoint de proclamer au Peuple et d'attester qu'il est, lui, le juge établi par Dieu pour les vivants et les morts.
C'est de lui que tous les prophètes rendent ce témoignage que quiconque croit en lui recevra, par son nom, la
rémission de ses péchés53."
Pierre parlait encore quand l'Esprit Saint tomba sur tous ceux qui écoutaient la parole. Et tous les croyants circoncis
qui étaient venus avec Pierre furent stupéfaits de voir que le don du Saint Esprit avait été répandu aussi sur les
païens. Ils les entendaient en effet parler en langues et magnifier Dieu. Alors Pierre déclara : "Peut-on refuser l'eau
du baptême à ceux qui ont reçu l'Esprit Saint aussi bien que nous ?" Et il ordonna de les baptiser au nom de Jésus
Christ. Alors ils le prièrent de rester quelques jours avec eux.
Actes 10
53 Ce passage contient le kerygme, proclamation de la Bonne Nouvelle.
37
II) Approches didactiques, propositions pédagogiques
A) Problèmes posés par cette étude dans les classes du secondaire
1. Clarifier l’objet de l’étude
L’étude du fait religieux dans les classes de l’enseignement secondaire a pris une grande importance depuis
plus d’une dizaine d’années à plusieurs titres. Les premières inflexions des programmes scolaires dans cette
direction (classes de Français et d’Histoire) étaient surtout motivées, il y a une quinzaine d’années, par la
déculturation progressive de la société laïque qui restreignait peu à peu l’intelligence d’un nombre croissant
de référents littéraires, culturels, historiques. Les motivations suivantes sont plus récentes, et sont dues en
partie à l’effondrement des idéologies du siècle à partir des années 1980 :
— L’école reflète les préoccupations de toute société, et la société occidentale en ce début du XXIe siècle
donne plus d’importance à la religion, aux croyances et l’attachement identitaire par la religion qu’elle n’en
a donné au cours des décennies précédentes. Il est donc normal que l’école accompagne ces évolutions et
réponde aux questions que se posent les élèves, accompagne leurs préoccupations, leur donne du sens et les
replace dans l’histoire générale de l’humanité.
— D’autre part, dans l’esprit des rédacteurs des programmes, l’accent mis sur ces chapitres a eu un sens en
Education Civique au moment des débats sur l’appartenance religieuse au sein de l’école laïque à la
française54.
C’est donc dans un tel contexte pluriel qu’ont été rédigés les programmes de sixième en 1995 et de seconde
en 200055. La valeur patrimoniale de la Bible soulignée à deux reprises dans les programmes de sixième doit
être perçue dans ce sens.
Or l’étude du fait religieux pose des problèmes insolubles dans les classes si l’on se contente d’en faire une
approche patrimoniale. Certes le christianisme est une « composante majeure de la civilisation
occidentale », mais peut-on étudier cette composante majeure simplement à travers « [sa] naissance et [sa]
diffusion [dans l’Antiquité] »56 ? Il y a une différence entre l’étude du christianisme (ou plutôt des
christianismes) dans l’Occident contemporain et l’étude du christianisme antique car ce ne sont pas tout à
fait les mêmes religions. Toutes les religions sont les reflets des sociétés qui les portent et de leur histoire, le
christianisme ne fait pas exception. L’étude scientifique qui précède a tenté d’exposer dans quel contexte
historique a émergé cette nouvelle religion entre le Ve siècle av. J.-C et le IVe siècle. Elle n’est pas restée
figée dans son moule antique : le Moyen-Age, les Réformes, les crises contemporaines, la déchristianisation,
le concile Vatican II pour l’Eglise romaine l’ont profondément transformée. Le christianisme dès ses débuts
n’était ni figé ni unifié malgré ses intentions d’universalité, et n’a l’a jamais été. Dès lors est-ce possible
d’étudier une composante de la civilisation occidentale à partir de sa naissance et sa première diffusion ?
Est-ce possible de ne pas faire une histoire téléologique ? Je pense que oui, mais à la seule condition de
rester honnête avec soi-même et avec les élèves, c’est-à-dire ne jamais affirmer que l’on étudie un invariant
appelé christianisme. Dans ce cadre, l’enseignant ne peut faire que de l’histoire, c’est-à-dire étudier le
contexte historique, social, idéologique, politique dans lequel naît et se diffuse le phénomène. Les
propositions pédagogiques qui vont suivre n’ont pour seule ambition l’étude de la naissance et de la
diffusion du christianisme dans l’Antiquité et en aucun cas du christianisme d’autres époques, en particulier
contemporaines. Sa valeur de « composante majeure de la civilisation occidentale » est qu’une partie de
l’humanité contemporaine a foi dans ce qui est l’objet de l’étude et que notre culture — malgré la
déchristianisation — repose sur des références qui en sont issues.
L’intérêt de l’étude est de montrer la construction de cet objet historique. Celle-ci n’est pas providentielle,
mais est la résultante de l’histoire du peuple juif et de l’Empire romain. Pas plus que les historiens, le
professeur d’Histoire ne peut raconter la vie de Jésus, personnage historique, de la naissance à la mort. Il ne
54 « Les finalités civiques sont, par ailleurs, étroitement liées aux finalités culturelles. Pour autant, les moments historiques
proposés par le programme ne sont pas des modèles ; ils doivent permettre de développer l'esprit critique, la tolérance et la
reconnaissance de l'autre. » Programme de seconde, 2000. 55 On peut citer encore les programmes de cinquième publiés en 1997 (le chapitre « L’Eglise » est passé devant « Les cadres
politiques et la société » dans l’étude de « La Chrétienté occidentale ») ou ceux de première Bac Professionnel publiés en 1995
(l’étude du « Fait religieux depuis l850 » est un des trois chapitres à étudier dans « L'évolution des pratiques socio-culturelles »). 56 Programme de seconde, 2000.
38
peut non plus lui donner le titre de Messie, donc de Christ. L’on peut en revanche étudier l’espérance
messianique dans l’histoire juive et la concrétisation de cette espérance dans les communautés chrétiennes,
et donc appeler Christ le personnage appelé aussi Jésus dans les évangiles. Pour cela il faut aborder en
classe les textes des évangiles non comme des récits biographiques mais comme la synthèse d’un acte de foi.
C’est au prix de toutes ces clarifications que l’élève peut acquérir une réelle démarche historique, laquelle
pourra lui permettre de réfléchir de manière autonome.
2. Difficultés des élèves dans la démarche historique sur cette question
En dehors des difficultés habituelles pour faire appréhender à des élèves des périodes aussi éloignées dans le
temps et dans les mentalités, l’étude du christianisme pose deux grands types de difficultés didactiques :
celles qui sont dues à la foi et celles issues à notre environnement culturel.
— Le christianisme est une religion vivante à laquelle souscrivent un certain nombre de nos élèves. Croire
en la résurrection de Jésus et le considérer comme le Christ c’est-à-dire le Messie de Dieu est le fondement
de l’acte de foi dans le christianisme. Il sera donc hors de question de heurter les consciences en affirmant
que Jésus a été ou n’a pas été ressuscité. C’est hors de l’objet de l’étude pédagogique.
— Jésus est considéré comme l’un des cinq grands prophètes par les musulmans sous le nom d’Issa57. Il est
présent dans le Coran. Pour la plupart des musulmans, le Coran a été écrit par Mahomet directement inspiré
par Dieu et pour certains il est sacrilège d’en faire la critique. Cela explique une certaine réticence à l’étude
et la critique d’un texte sacré comme la Bible pour certains de nos élèves.
— La littérature grand public, le cinéma ont l’habitude de présenter la vie de Jésus relatée par les évangiles
comme un récit historique. Il en est de même pour la vie des premiers chrétiens dont les vies sont édifiantes
et les martyrs sans nuance. Les péplums ont marqué les représentations de l’Antiquité alors qu’ils véhiculent
de nombreux clichés. Leur influence est majeure dans l’élaboration des stéréotypes alors que c’est
précisément le doute et la nuance qui seront au cœur de cette étude.
— L’étude du christianisme en classe de seconde que je propose commence avec celle du judaïsme antique.
Les résonances contemporaines déjà évoquées à propos des Hébreux en classe de sixième58 sont aussi
délicates et les confusions aussi communes.
Enfin, il faut souligner l’inculture religieuse de beaucoup d’élèves, y compris de ceux qui s’affirment
croyants. Cette inculture se présente à tous les niveaux et peut créer un lourd handicap pour qui travaillerait
trop dans l’implicite ; pour beaucoup de nos élèves, le personnage principal de Noël est le père Noël qui
comme chacun le sait, porte une barbe blanche et un habit rouge, et Pâques est la fête du chocolat sous
diverses formes. C’est pourquoi il ne faut rien laisser au hasard, et toujours expliciter ce qui semblerait
l’évidence.
B) Programmes, programmation annuelle et transposition didactique
1. Les programmes
Classe de sixième
V. LES DÉBUTS DU CHRISTIANISME (3 à 4 heures)
On présente Jésus dans son milieu historique et spirituel, et les Évangiles comme la source essentielle des croyances
chrétiennes. Des cartes permettent de montrer la diffusion du christianisme qui, d'abord persécuté, devient la
religion officielle de l'Empire romain.
- Cartes : la Palestine au temps de Jésus, les voyages de Paul, l'Empire romain.
- Repères chronologiques : début de l'ère chrétienne (vie de Jésus), IVe siècle ap. J.C. (conversion de Constantin).
- Documents : le Nouveau Testament, les premiers monuments chrétiens (catacombes, basilique).
CONCLUSION : LA FIN DE L'EMPIRE ROMAIN EN OCCIDENT ET LES HÉRITAGES DE
L'ANTIQUITÉ (2 à 3 heures)
- Carte : les invasions barbares.
- Repère chronologique : Ve siècle ap. J.C. (la chute de Rome).
- Document : le calendrier chrétien.
57 Trois autres prophètes majeurs sont juifs (Abraham-Ibrahim, Nouh-Noé et Moussa-Moïse), le dernier étant Mohammed. 58 Nadine Baggioni-Lopez, « Les Hébreux en classe de sixième, nouvelles problématiques », La Durance, décembre 2005
(http://histgeo.ac-aix-marseille.fr/a/nlo/d001.htm).
39
Les relations entre l'Empire et les Barbares sont étudiées globalement, en montrant la dislocation de l'Empire en
Occident et sa survie en Orient. Le professeur vérifie que les élèves maîtrisent les repères chronologiques et
culturels majeurs étudiés pendant l'année, en présentant un bilan des héritages des civilisations de l'Antiquité.
Le texte des Instructions Officielles de ces deux leçons dans les programmes de sixième pose moins de
problèmes que celui sur les Hébreux. J’en soulèverai toutefois deux :
— « Début de l'ère chrétienne (vie de Jésus) » : ce repère est simple mais faux. L’émergence du
christianisme a pris plusieurs décennies après sa mort. C’est précisément ce à quoi va s’attacher cette leçon,
monter sa naissance progressive dès lors qu’il se définit comme religion autonome à caractère universel.
— « La carte […] des voyages de Paul » : dans les Actes, les voyages de Paul, moins réels que symboliques
(cf. supra), sont incompatibles avec d’autres sources. Peuvent-il être cartographiés sans l’appui du texte et
de son sens théologique ?
En ce qui concerne les manuels scolaires, beaucoup se contentent de reprendre le pittoresque et le folklore
de la vie de Jésus et des apôtres, et de paraphraser l’Ecriture, ce que ne demandent pas les programmes59. Par
exemple le manuel édité par Hatier en 2004 titre la première leçon « Jésus et son message » et déroule la
biographie de Jésus dans deux paragraphes sur trois. Puis à la page suivante, sous le titre « dossier », publie
six extraits des quatre évangiles dans l’ordre biographique de la vie de Jésus avec comme chapeau : « La vie
de Jésus nous est essentiellement connue grâce aux quatre évangiles rédigés au Ier siècle après Jésus-Christ.
Ils forment la première partie du Nouveau Testament. » Dans un style parfois moins caricatural, la plupart
des manuels sont du même tonneau biographique. Par exemple, le manuel édité par Hachette en 2000
consacre la moitié du résumé du chapitre à la vie de Jésus. Tous tracent la carte des voyages de Paul sans les
précautions que je viens de rappeler. L’iconographie est empruntée soit à l’Antiquité tardive, soit à la longue
histoire de la peinture chrétienne du Moyen-Age à nos jours sans commentaire autre que leurs dates. Par
exemple le manuel édité par Magnard en 2000 illustre la Résurrection et le Jugement Dernier, vu comme des
éléments de la vie de Jésus, par deux peintures italiennes du XVe siècle. Il est vrai que l’iconographie la plus
ancienne date du IIIe siècle mais il semble imprudent de mélanger ainsi les styles et les époques.
Sur la diffusion du christianisme, ce sont les persécutions et les martyrs qui sont les plus développés. On ne
trouve presque rien sur les raisons de son succès si ce n’est le courage des martyrs et l’admiration qu’ils
suscitèrent. Les illustrations montrant des scènes de cirque sont souvent des mosaïques dont nul ne sait s’il
s’agissait de chrétiens ou non puisque… les chrétiens étaient mis à mort comme tous les autres condamnés.
La légende des illustrations ne le précise jamais et met plutôt en avant dans les textes, les images et les
leçons la cruauté des persécuteurs. Les manuels se contentent en réalité de reprendre à leur compte la
tradition hagiographique de l’histoire ecclésiastique (dans le manuel Hatier on trouve même une peinture du
XIXe siècle du meilleur goût pompier et sulpicien à la fois).
Classe de seconde
Une approche de la religion chrétienne, composante majeure de la civilisation occidentale ;
II - Naissance et diffusion du christianisme
- Le contexte religieux et historique de la naissance du christianisme
- La diffusion du christianisme jusqu'à la fin du IVe siècle
Le programme invite à une présentation du cadre géographique et du contexte historique et culturel (l'Empire
romain, la situation de la Palestine dans l'Empire, le monothéisme juif), pour mettre en évidence filiations et
ruptures. L'étude d'extraits du Nouveau Testament permet de souligner l'originalité du message chrétien transmis
par les apôtres - par rapport à la religion juive et aux religions antiques - et de faire comprendre l'origine du dogme
et des pratiques religieuses qui structurent pour longtemps la vie de l'Occident chrétien. L'élève doit également
percevoir l'élaboration progressive du christianisme et son organisation en Église (prêtres, évêques, conciles...). Le
second point, consacré à la diffusion du christianisme, religion à vocation universelle, pose les problèmes essentiels
des relations de l'Église et du pouvoir : comment une religion, dont les adeptes ont été parfois persécutés, devient
une religion tolérée, puis la religion d'État de l'Empire. Entrées possibles : le message chrétien dans des extraits des
Évangiles ou d'autres textes de la Bible, l'expansion du christianisme à travers les voyages de Paul de Tarse...
Je ne renouvelle pas ce que j’ai écrit ci-dessus à propos des voyages de Paul. Comment interpréter aussi ce
que proposent les Instructions Officielles à savoir « L'étude d'extraits du Nouveau Testament [qui] permet
59 Christine Colaruotolo se livre dans un article de La Durance d’octobre 2004 (http://histgeo.ac-aix-
marseille.fr/pedago/religion/cola_001.htm) a une critique encore plus sévère des manuels scolaires de sixième et de cinquième.
40
de souligner l'originalité du message chrétien transmis par les apôtres » ? Outre le caractère légendaire des
missions de la plupart d’entre eux, ou le silence des sources, peut-on leur attribuer l’élaboration du message
chrétien ? La rédaction du Nouveau Testament s’est faite après la période apostolique dans des conditions
spécifiques (expulsion du judaïsme et débats au sein des courants chrétiens). Quant à l’élaboration du
message chrétien, celui-ci a évolué et s’est étoffé tout au long de la période jusqu’à son instrumentalisation
par le pouvoir impérial. C’est précisément la dialectique entre sociétés et élaborations de programmes
idéologiques qui est au cœur de l’étude et qu’il s’agit de faire entrevoir aux élèves.
En ce qui concerne les manuels scolaires, c’est l’hétérogénéité qui domine. Cependant, comme pour les
manuels de sixième, je concentrerais mes remarques sur les chapitres concernant la naissance du
christianisme. La plupart d’entre eux consacrent au moins une page à la vie de Jésus. La seule précaution
qu’ils prennent est de préciser que les sources principales restent les évangiles, mais après cette précaution
oratoire, la vie de Jésus est racontée de la naissance à la mort. Par exemple le manuel édité chez Hatier en
2006 narre la vie de Jésus en trois paragraphes, illustrés par une cartographie60 : naissance et enfance,
prédication et mort. C’est une paraphrase de l’Ecriture. Avec les mêmes méthodes, certains manuels (Hatier
et Nathan éditions 2006) présentent une leçon « Le message de Jésus »61.
La vie et la mission des premiers apôtres sont racontées selon le récit des Actes, Pentecôte comprise. Les
textes du Nouveau Testament sont rarement présentés dans leur diversité, encore plus rarement introduits
individuellement. Je ne renouvelle pas les remarques sur l’iconographie, qui sont les mêmes que pour les
manuels de sixième.
2. Problématique générale et programmation annuelle
Classe de sixième
Il s’agit non pas de juxtaposer l’étude de civilisations très exotiques (et qui plaisent aux élèves), mais de
donner un sens aux civilisations. Je propose, dans la façon dont j’aborde le programme, que l’on tourne
autour de ce qu’une civilisation se raconte à elle-même pour justifier son existence et la manière qu’elle a de
s’organiser en fonction de ce qu’elle se raconte. En un mot, son idéologie. Ce sont ces constructions
idéologiques qui ont permis que ces civilisations laissent des traces dans notre patrimoine (la pyramides, la
Bible, les mythes grecs, la démocratie, la citoyenneté…).
• Naissance de l’agriculture et de l’écriture. Les groupes humains deviennent plus grands, il se crée des
sociétés, des pouvoirs qui ont besoin d’un outil pour échanger, s’organiser et se raconter : l’écriture.
• L’Égypte. Une théocratie qui explique le monde et une bureaucratie qui en émane. Elles encadrent la
société et justifient le prélèvement de la rente foncière et de la force de travail sous forme de corvées.
• Les Hébreux et les juifs. La construction d’une religion monolâtre puis monothéiste et la rédaction d’un
livre, la Bible, référent d’une monarchie dans un contexte obsidional puis d’une société sans indépendance
politique, puis sans unité géographique.
Les Grecs. Ici pas de pouvoir central mais une civilisation qui trouve son unité dans la culture (au sens
large). L’adhésion à cette culture, la paideia, crée la condition de Grec, et sur d’autres critères émane la
condition de citoyen. Ces deux identités créent la légitimité.
À partir des conquêtes d’Alexandre, la civilisation grecque rencontre les autres civilisations, et la culture (la
paideia) n’est plus celle qui appartient à un peuple, mais celle qui intègre d’autres peuples :
— en Égypte, la civilisation grecque élabore une synthèse limitée aux cités de type grec ; ailleurs, les rois
grecs reprennent la légitimité pharaonique dans une société qui reste immobile ;
— chez les Juifs, la civilisation grecque est source à la fois de synthèse et de conflit car les deux légitimités
s’estiment en concurrence.
60 Tous les manuels présentent une carte de la Palestine, avec localisation des lieux de la vie de Jésus. 61 « Les évangiles nous racontent les actes et les paroles de Jésus […] Jésus est venu enseigner une « bonne nouvelle » (évangile
en grec) à tous les hommes. Il délivre d’abord un message d’amour […] Jésus s’adresse à tous […] ce message n’est pas
seulement destiné aux Juifs […]. »
Histoire Seconde, Hatier éditeur, 2006, p.48
Je ne commente pas toute la page faute de place. On ne connaît ni les paroles, ni les actes, ni la pensée de Jésus. Ce que l’on
connaît est le Nouveau Testament, dont les textes sont parfois contradictoires. Je m’arrête juste sur la dernière phrase : comment
peut-on écrire ceci, et ignorer les débats à l’intérieur du christianisme primitif sur la conversion des Gentils, débat central qui
débouche sur la création du christianisme comme religion originale après 70 !
41
• Les Romains. Cette civilisation évolue au fur et à mesure de ses rencontres avec les autres. L’évolution
politique en est le reflet : une oligarchie légitimée par un ensemble de citoyens devient un empire
providentiel apte à résoudre les crises créées par les conquêtes. Celles-ci permettent la création d’un empire
qui se voit universel, et donc intégrateur (reprise du projet hellénistique). La légitimité politique de cet
empire engendre une civilisation de synthèse de l’Antiquité : la civilisation gréco-romaine qui est un modèle
culturel.
• Le Christianisme. Dernière synthèse à la fois culturelle puis politique : le monothéisme des Juifs, la culture
gréco-romaine et l’universalisme politique des Romains. Le christianisme est une synthèse de l’Antiquité
dans un outil idéologique. Je propose de réunir les deux leçons « Les débuts du christianisme » et « La fin de
l'Empire romain en occident et les héritages de l'Antiquité » en une seule puisque le triomphe du
christianisme se déroule durant cette période avec la création d’une civilisation propre, celle de l’Empire
tardif, l’Empire chrétien.
Classe de seconde
La leçon « naissance et diffusion du christianisme » prend place dans les thèmes d’approche chronologique
discontinue étudiés en début d’année. La problématique annuelle porte sur les « fondements du monde
contemporain », et les instructions officielles désignent ces thèmes comme les « moments historiques qui
sont des jalons importants dans l'élaboration de la civilisation contemporaine et qui constituent souvent des
ruptures majeures (ruptures culturelles, politiques, économiques et sociales) »62.
Cette approche chronologique discontinue pose des problèmes aux enseignants et aux élèves qui n’y voient
pas toujours de la cohérence. C’est pourquoi j’esquisserai tout de suite quelques problématiques issues de la
leçon sur le christianisme à réinvestir en transversalité dans les autres leçons. Elle permet d’étudier la
création d’une nouvelle religion et les étapes de sa transformation. Le fait religieux est étudié comme un
objet historique construit, fruit des sociétés dans lesquelles il évolue. Il est aussi vu dans sa plasticité c’est-à-
dire comme phénomène qui évolue et se transforme. C’est sur ces deux bases, construction de l’objet
historique religion et plasticité du fait religieux, qu’il est possible de travailler de manière plus ou moins
appuyée lors des autres leçons de la première partie du programme.
• « Un exemple de citoyenneté dans l'Antiquité : le citoyen à Athènes au Ve siècle avant J.-C. »
Le fait religieux est abordé dans son aspect de religion civique (les cultes poliades). L’on met l’accent sur
les aspects rituels des cultes qui ont une fonction de rassemblement et un but politique. Tous ces aspects
peuvent être réinvestis dans la leçon sur le christianisme qui a les mêmes spécificités.
Aspects rituels : le christianisme en se fondant dans la société gréco-romaine reprend la tradition de l’art
grec dans ses formes et dans ses sujets. D’autre part, les rituels du culte chrétien empruntent aux formes des
cultes antiques (sacrifice sur l’autel, processions…).
Fonction de rassemblement : l’assemblée des fidèles est bien l’Eglise (l’ecclésia). Le monument est la
basilique, la salle de réunion ou le marché couvert au centre de la cité.
But politique : la religion des Juifs avant 70 est déjà une religion politique : religion royale avant l’exil, puis
religion de la reconstruction nationale au retour d’exil. Elle est encore un instrument de pouvoir et de
prestige pour les rois iduméens et asmonéens. C’est aussi la religion nationale et c’est en tant que telle
qu’elle est tolérée par les conquérants successifs de la Judée. Des attitudes obsidionales sont induites par
cette caractéristique. C’est enfin comme religion ethnique qu’elle se redéfinit dans le judaïsme rabbinique
après 70.
Le christianisme n’est pas apolitique non plus : il doit se positionner par rapport à l’Empire et l’Empire se
positionne par rapport à lui. Au IVe siècle, il est récupéré par l’Empire et instrumentalisé comme objet
politique. Le christianisme redevient en sorte ce qu’est le culte poliade dans l’Athènes du Ve siècle avant J.-
C.
• « La Méditerranée au XIIe siècle : carrefour de trois civilisations. »
Parmi ces trois civilisations définies par leur religion, deux sont chrétiennes. La troisième, l’Islam, est aussi
une religion monothéisme. Le judaïsme est présent, également. Plusieurs thèmes de la leçon sur le
christianisme peuvent être réinvestis dans cette leçon.
62 Programme de seconde, 2000.
42
La plasticité du fait religieux : il y a deux christianismes différents et concurrents qui se revendiquent de la
même légitimité. Ces christianismes n’ont plus, ni la même forme, ni les mêmes buts que le christianisme
antique.
Le religieux légitime le politique : continuité depuis Athènes et Constantin.
Concurrence des légitimités : la légitimité que revendiquent à la fois les christianismes et l’Islam est celle
que nous avons étudiée dans la leçon précédente. Elle est religieuse et politique : l’héritage de l’Empire
romain est par exemple une légitimité revendiquée plusieurs fois. C’est par cette entrée des héritages
légitimant que l’on peut étudier la place de Jérusalem dans l’imaginaire et comme champ de bataille.
• « Humanisme et Renaissance. »
Deux axes peuvent être envisagés simultanément ou séparément.
L’humanisme, puis la Réforme ont eu comme ambition de revenir aux sources du christianisme : relecture
savante de la Bible, traduction en langue vulgaire, place centrale du texte originel. C’est précisément cette
nouvelle approche qui a créé un nouveau christianisme, celui de la Réforme. La Réforme catholique a eu
d’autres ambitions, mais l’idée de retour aux sources figure aussi dans son projet63. Ces nouveaux
christianismes ne sont ni plus éloignés, ni plus proches que les précédents du christianisme originel.
La peinture religieuse de la Renaissance ne cherche pas à figurer l’image réelle des personnages de l’histoire
sainte. Elle représente les personnages et les idées de son temps. Il est possible de reprendre de manière
transversale une figure (le Christ, la Vierge, la représentation du Salut…) vue précédemment dans l’art
antique et/ou dans l’art médiéval (roman et byzantin).
Enfin le poids politique dans les phénomènes religieux peut-être encore une fois évoquée : place des princes
allemands dans le succès de la Réforme, rôle politique du Pape, relais des souverains catholiques dans la
Réforme catholique, guerres religieuses.
• Les deux dernières parties du programme (« La Révolution et les expériences politiques en France jusqu'en
1851 » et « L'Europe en mutation dans la première moitié du XIXe siècle ») se prêtent moins à étudier en
transversalité le fait religieux si ce n’est par allusions. Par exemple sur le lien du politique et du religieux à
propos de la hiérarchie des ordres garantie par le roi, de la Constitution Civile du Clergé (l’Etat légifère et
ordonne l’Eglise), de la déchristianisation ou de l’Etat napoléonien (c’est bien le pape qui le sacre par
exemple).
3. Quelles problématiques pour la leçon sur le christianisme ?
Classe de sixième
Les leçons sur le christianisme et sur la fin de l’Empire romain sont les dernières de l’année en sixième.
C’est à cette occasion que l’on fera une synthèse des thèmes abordés sur l’année avec la classe et qu’on
approfondira le thème majeur, la construction des idéologies : ce qu’est une religion, à la fois une manière
d’aborder le divin, qui explique le monde, et une manière de construire et d’expliquer le lien social. La
synthèse sera encore faite en étudiant l’interaction des civilisations qui se sont succédées autour du bassin
méditerranéen dans l’Antiquité ; cela donne donc l’occasion de révisions et de redites sur « les héritages de
l’Antiquité ».
Les séquences précédentes étaient la présentation de civilisations (Egyptiens, Hébreux, Grecs, Romains)
avec éventuellement des ponts entre elles. Le christianisme n’est pas une civilisation en tant que telle, c’est
une synthèse dans un contexte donné, le judaïsme du second Temple puis l’Empire tardif. Il faut lier le
contexte et la construction du phénomène : le cours portera à la fois sur :
— l’étude du message chrétien, sa diffusion et son triomphe.
— les aspects chronologiques et événementiels qui y sont liés (crise du judaïsme hellénistique jusqu’à la
destruction du Temple, seconde religiosité de l’Antiquité, redressement constantinien de la monarchie
impériale).
63 Cette volonté de retour à la pureté primitive est encore celle qui anime des constituants lors de la rédaction et des débats sur la
Constitution Civile du Clergé en 1790.
43
Classe de seconde
J’ai tenté ci-dessus de relier la leçon sur le christianisme aux autres leçons du programme de seconde.
Contrairement à la classe de sixième, cette leçon se situe en début d’année scolaire ; elle donne donc
l’occasion de poser des concepts revus dans la suite de l’année (voir supra).
Comme en sixième, la problématique portera sur le contexte et la construction du phénomène.
C) Quelques pistes pour des applications pédagogiques
Je propose ici deux séquences, l’une en classe de sixième, l’autre en classe de seconde. Elles se ressemblent
et l’on y retrouve presque les mêmes documents64 mais avec des longueurs et des niveaux de difficultés
différents mais le plan est identique. Je développe davantage l’explication pédagogique et le nombre de
documents dans la première partie que dans les deux suivantes. L’approche pédagogique y est plus classique
et mérite moins que l’on s’y attarde. Enfin, je propose beaucoup plus de documents et d’exercices qu’il n’est
possible d’en étudier avec une classe, surtout dans la première partie. Il faudra opérer un choix parmi ceux-
ci.
1. Classe de sixième
La séquence que je propose ici se déroule en trois leçons pour six heures de cours puisqu’il s’agit de deux
chapitres du programme (« Les débuts du christianisme » et « La fin de l'Empire romain en occident et les
héritages de l'Antiquité »). Il faudra compter encore une heure pour l’évaluation. Une chronologie65 et une
carte servent de supports pour replacer les documents et les événements, dans leur contexte, le temps et
l’espace. De même il sera important de faire des rappels de certaines des leçons précédentes :
— les Hébreux et les Juifs dans l’Antiquité, et en particulier la partie sur le second Temple qui synthétisait
des connaissances sur les Hébreux et sur la Grèce.
— Rome puisque la leçon « La fin de l'Empire romain en occident et les héritages de l'Antiquité » porte sur
l’Empire et que celui-ci est en toile de fond de toute la période.
Une des principales difficultés vient des types de documents à utiliser en classe. Jusqu’au IIIe siècle, le
christianisme n’a laissé ni trace archéologique ni trace iconographique. Les représentations du Christ et les
illustrations des évangiles ou des autres textes de la Bible datent du IIIe siècle pour les plus anciens. En
réalité, les seuls documents qui nous renseignent sur les débuts du christianisme sont des textes. Ce sont
avec eux et uniquement eux que travailleront les élèves, avec, à l’appui, la chronologie et la carte de
localisation des principaux lieux évoqués dans la leçon (Jérusalem, la Galilée, Nazareth, Bethléem,
Antioche, l’Asie Mineure, Rome, Constantinople et Alexandrie). En sixième, certains passages trop
difficiles ont été enlevés des textes : bien peu d’élèves peuvent comprendre les références
archéotestamentaires dans un extrait des évangiles, et les expliquer risque de brouiller le message plus que
de l’éclairer. Les documents iconographiques et archéologiques ne peuvent être utilisés qu’à partir des
leçons qui traitent des IIe, IIIe et IVe siècles, périodes où le christianisme a produit des images et des
monuments et où il ne sera pas anachronique de les produire comme documents à étudier.
Dans un milieu juif, un culte nouveau naît au Ier siècle66 : deux heures
Documents : trois fiches.
• Chronologie allant de 500 av. J.-C. à 500 ap. J.-C. servant tout au long de la séquence, tableau des livres du
Nouveau Testament avec des questions, et extrait des Actes sur la Bonne Nouvelle.
• Fiche titrée « Les premiers chrétiens : convertir les païens ou rester une secte juive ? » avec un texte
extrait des Actes sur la conversion du centurion Corneille par Pierre et des questions sur le texte.
• Fiche de format A3 avec deux extraits des évangiles (Mathieu et Luc) sur la nativité de Jésus et un
questionnaire comparatif.
64 L’on trouvera l’intégralité des documents pédagogiques en annexe. 65 La chronologie et la carte servent aussi de support et de commencement à l’étude comme dans la séquence proposée par Chantal
Février dans La Durance en décembre 1996 (http://histgeo.ac-aix-marseille.fr/pedago/religion/fevr_001.htm). Daniel Dalet en
revanche, dans un article paru dans La Durance en avril 2005 (http://histgeo.ac-aix-marseille.fr/a/dda/d004.htm) et titré de
manière provocatrice « La vie de Jésus a peu d’intérêt », propose de déstructurer la chronologie pour une mise à plat des traces, en
remontant des traces archéologiques, les plus récentes, aux traces fondatrices, littéraires, du Nouveau Testament. 66 Je reprends les titres donnés par Chantal Février à l’ébauche de séquence qu’elle proposait dans La Durance (op. cit.).
44
Pour tous les textes, le vocabulaire est expliqué avec des notes et tout au long des leçons, les élèves ont à
disposition une carte de localisation (dans le manuel scolaire ou sur une carte murale).
Objectifs : replacer des textes dans leur contexte historique, géographique, littéraire et idéologique à l’aide
d’un tableau, d’une carte et d’une chronologie. Comprendre un texte de nature théologique. Lire et
comprendre un texte narratif, en dégager le message théologique. Comparer deux textes narratifs proches et
en dégager des messages différents, les comparer.
Déroulement :
• Sur la première fiche, le professeur fait observer aux élèves la chronologie pour retrouver ce qu’ils ont déjà
vu lors des leçons sur les Hébreux et sur le second Temple. Les élèves colorient sur celle-ci les périodes de
rédaction de la Bible, du Nouveau Testament et des Talmuds. La naissance du christianisme doit être
replacée dans son contexte : rédaction de la Bible, judaïsme et crise du judaïsme.
Puis les élèves doivent répondre aux questions sur le tableau des livres du Nouveau Testament. La
correction se fait dans la foulée. Elle permet de dégager deux problèmes : celui des dates de la rédaction de
ces textes et celui de leur contexte historique.
Le professeur raconte alors rapidement à la classe ce contexte historique, la Judée au Ier siècle : rôle des
sectes, révolte juive, destruction du Temple et dispersion, création du judaïsme rabbinique et expulsion des
chrétiens hors du judaïsme. La Diaspora et la destruction du Temple avaient déjà été évoquées lors de la
leçon sur le second Temple.
L’exercice suivant porte sur le texte des Actes qui permet de voir l’acte de foi du christianisme, la Bonne
Nouvelle67. Les élèves répondent au questionnaire de guidage, la correction est collective.
Un bref résumé écrit au tableau, sous le titre « Le christianisme est issu du judaïsme à l’époque romaine »,
et copié par les élèves dans leur cahier, permet de fixer ce qui a été dit à la fois sur la destruction du Temple
et sur l’espérance messianique qui a été réalisée pour les chrétiens.
Pour finir, les élèves lisent le texte extrait des Actes sur la conversion du centurion Corneille et répondent
aux questions. L’intérêt de ce texte est double car il permet :
— De marquer le passage du christianisme de secte juive à religion prosélyte en direction les Gentils donc le
passage à l’universel.
— De reprendre ce qui a été vu dans documents précédents : le caractère juif du premier christianisme, la
Bonne Nouvelle qu’il proclame, la conversion des Gentils, objet de débats entre chrétiens, et la sortie du
judaïsme.
Ce texte, postérieur à la destruction du Temple, justifie la conversion des païens. C’est ce basculement qu’il
faut mettre en évidence en soulignant bien le caractère de justification que ce texte a dans les milieux
pauliniens.
• Travail à la maison : à la fin de la première heure, le professeur distribue la fiche sur les récits de la
Nativité dans Mathieu et Luc avec un travail pour la fois suivante : la classe est divisée en deux et les élèves
de chaque groupe doivent lire un texte (Mathieu ou Luc) et répondre aux questions sur ce texte. Il doivent :
— Replacer le texte dans son contexte à l’aide d’un tableau déjà étudié.
— Souligner des passages, ce qui leur permet de les mettre en valeur, mais surtout les oblige à une lecture
attentive.
— Remplir un tableau en copiant des passages du texte qui permettent de l’expliquer.
La correction de l’exercice permet de travailler à plusieurs niveaux et de synthétiser ce qui a été vu
auparavant :
— En comparant ces textes qui divergent dans leur récit mais qui sont canoniques, les élèves peuvent
exercer leur esprit critique : un évangile n’est pas un récit biographique d’autant plus que le merveilleux fait
partie du récit et que les généalogies de Jésus sont d’abord des affirmations messianiques. Il ne faut pas les
prendre à la lettre, comme des vérités révélées.
67 L’étude ce texte présente plusieurs intérêts didactiques : — ce discours de Pierre est en fait inséré dans le long récit de la
conversion de Corneille. Ce dernier sera étudié juste après ; — il permet de prendre connaissance de l’acte de foi du christianisme,
résumé ici de manière très synthétique, sans s’attarder sur la vie de Jésus.
45
— On retrouve, dans ces récits de la Nativité, l’annonce de la Bonne Nouvelle et les débats sur la conversion
des païens (le christianisme est-il une secte juive ou une religion universelle ?) déjà vus dans l’extrait des
Actes. L’on pourra aborder leur caractère messianique et l’évolution de ce messianisme (messie pour qui ?
messie comment ?) grâce aux réponses du tableau « comparer les deux textes ».
— Pour remplir la dernière case du tableau, les élèves doivent s’appuyer sur ce qu’ils ont trouvé au-dessus.
Ils peuvent s’aider de la dernière colonne du tableau sur les courants du christianisme et de ce qui a été vu
dans récit de la conversion de Corneille (d’autant plus que l’un des évangiles est attribué à Luc, l’auteur des
Actes). L’ensemble est replacé dans son contexte avec la chronologie. Les deux évangiles n’ont pas les
mêmes buts, ni le même public : pour Mathieu, Jésus reste d’abord le messie du peuple juif, pour Luc, Jésus
est le messie de l’humanité (les Nations) par-delà son rôle de messie des Juifs68.
Les élèves copient sur leur cahier un bref résumé au tableau sous le titre « Naissance du christianisme dans
la Judée du Ier siècle ».
Il rencontre un contexte favorable à sa diffusion du IIe au IVe siècles
Documents :
• Fiche titrée « Christianisme et cultes à mystères : récits d’initiation » avec deux textes à comparer (Apulée
et Justin) à l’aide d’un questionnaire.
• Deux œuvres d’art, l’une païenne et l’autre chrétienne. On trouve une iconographie abondante dans les
manuels de seconde. Ceux qui ont été édités par Magnard (éditions de 1996, de 2001 et de 2005) par
exemple sont particulièrement bien faits. Par exemple :
— Un Hermès criophore et la figure du bon pasteur.
— Orphée et le Christ-Orphée ou le Christ solaire.
— Un banquet et une scène de l’eucharistie.
— Un banquet funéraire païen et un autre chrétien.
— Une orante et une figure de la piété des monnaies impériales.
— Une figure de maître et une autre du Christ enseignant.
Objectifs : Lire et comprendre des textes. Observer des œuvres d’art. Comparer, mettre en relation les
documents. Relier à des événements situés dans une chronologie.
Déroulement : tous les documents et tous les événements sont replacés dans la chronologie qui sert de fil
rouge sur toute la séquence.
• Le professeur commence par décrire les crises de la fin du IIe siècle et du IIIe siècle et ce qui engage les
populations dans une spiritualité différente des cultes traditionnels (la seconde spiritualité de l’Antiquité).
Puis, les élèves travaillent seuls sur la fiche avec les textes et la correction est collective. S’ils sont en
difficulté, il est possible de couper la classe en deux et de laisser chaque élève travailler sur un seul texte, la
comparaison des deux textes se faisant lors de la correction. Les questions 2 à 4 portent sur la forme de ces
cultes, les questions 5 et 6 sur le fond.
Puis les élèves doivent comparer deux œuvres d’art. Le professeur les guide dans leur approche soit par un
questionnaire, soit par des questions à l’oral dans un cours dialogué. Ces questions portent à la fois sur les
sujets et sur la forme de ces œuvres : les artistes sont des hommes de leur temps et de leur milieu, ils
continuent à travailler dans un style classique. Les thèmes païens sont repris et christianisés. Les élèves
peuvent comparer avec les sculptures gréco-romaines classiques qui se trouvent dans le manuel. Le
professeur rédige ou fait rédiger un résumé « Les Romains se convertissent au christianisme » que les élèves
copient dans leur cahier.
68 Beaucoup d’éléments sont éclairant à ce sujet :
— Les généalogies : Mathieu remonte à Abraham, Luc à Adam.
— Les titres donnés à Jésus et ses missions : dans Mathieu Jésus « sauvera son peuple de ses péchés », il est « Roi des Juifs ».
Dans Luc le discours de Syméon est particulièrement clair sur le caractère devenu universel de sa mission. Mais pour Luc Jésus
reste aussi le messie du peuple juif (« Trône de David », « Maison de Jacob »…).
— Le repère chronologique dans Mathieu est national (règne du roi Hérode), dans Luc il est tourné vers l’Empire romain (édit de
César Auguste), c’est-à-dire les païens et l’Empire universel. Rappelons que le recensement tel que décrit par Luc est un
événement reconstruit et incohérent (voir supra).
Les différences de perspectives de ces deux évangiles s’expliquent par leur date (Mathieu s’appuie sur les mêmes sources que
Marc qui a été rédigé peu avant la destruction du Temple, alors que Luc est postérieur d’au moins dix ans) et par les courants du
christianisme auxquels ils appartiennent, ainsi que par les destinataires de chacun de ces deux textes.
46
L’adhésion des empereurs consacre son succès au IVe siècle
Documents :
• Fiche titrée « Le triomphe du christianisme au IVe siècle » avec un tableau à double entrée sur les fêtes
chrétiennes et l’organigramme de l’organisation de l’Eglise dans l’Antiquité tardive.
• Deux représentations, l’une impériale, l’autre christique (par exemple un christ et un empereur en majesté
ou une cour impériale et une cour céleste).
Au risque de l’anachronisme, mais pas de la confusion de sens, des œuvres de l’époque protobyzantine
peuvent servir de documents. Par exemple dans les mosaïques de Ravenne la figure impériale est centrale et
la cour céleste est à l’image de la cour impériale (mosaïques de Justinien de Saint-Vital, de la procession des
saints de Saint-Apolinaire-le-Neuf, ou du Christ en majesté de Saint-Apolinaire-in-Classe).
• Photographie d’une basilique et un plan de situation dans la cité.
Objectifs : Lire et comprendre un tableau à double entrée et un organigramme. Observer des œuvres d’art.
Comprendre l’utilisation d’un bâtiment. Comparer, mettre en relation les documents. Relier à des
événements situés dans une chronologie.
Déroulement : tous les documents et tous les événements sont replacés dans la chronologie qui sert de fil
rouge sur toute la séquence.
• Le professeur commence par décrire la légende de la conversion de Constantin, puis fait un récit
chronologique de la tétrarchie, de son échec, de la victoire de Constantin et des persécutions de la fin du IIIe
siècle. Enfin il décrit l’inexorable triomphe du christianisme tout au long du IVe siècle jusqu’à l’interdiction
progressive des cultes païens.
Il distribue ensuite la fiche avec le tableau et l’organigramme. La correction se fait au fur et à mesure. Pour
la dernière question, les élèves doivent se rappeler ce qu’ils ont appris au cours de l’année.
L’exercice suivant consiste à comparer l’image de l’empereur (et éventuellement de sa cour) avec celle du
Christ (et de la cour céleste) : les élèves doivent remarquer les ressemblances et s’interroger à la fois sur
l’instrumentalisation de l’image divine à des fins politiques (le pouvoir) et, inversement, sur les
contaminations de l’image impériale sur les représentations du Dieu unique. Le professeur rédige ou fait
rédiger un résumé « L’empereur devient un empereur chrétien : il est le chef de l’Eglise » que les élèves
copient dans leur cahier.
Enfin, le professeur présente aux élèves une basilique avec un plan de la cité. Il montre la place centrale que
tient désormais le lieu de culte chrétien, alors que les autres cultes sont interdis et donc bannis de la cité. Le
christianisme encadre le temps avec le calendrier et quadrille l’espace. On peut aussi comparer la basilique
aux temples païens (culte intérieur ou extérieur au bâtiment, temple demeure du dieu ou rassemblement des
fidèles) et évoquer son archéologie — à l’origine, la basilique est un lieu de réunion ou un marché
couvert — et son nom, basilique signifie impérial.
Evaluation
Je ne propose dans les annexes qu’un seul contrôle noté en tant que tel. Cependant, les fiches de sixième,
voire celle de seconde, une fois simplifiées, peuvent servir de support à des évaluations.
Le contrôle que je propose reprend un thème majeur de la séquence, l’universalité, déclinée sur son versant
chrétien mais aussi païen et impérial. Quatre textes sont présentés : l’Hymne à Hélios-Roi et le Credo
exposent la théologie monothéiste, l’Epître aux Colossiens et la Vie de Constantin l’application dans
l’universalisme de ce monothéisme devenant appui de la monarchie. Ils ont été fortement tronqués (y
compris à l’intérieur des phrases) mais pas dénaturé pour être compris par des élèves de sixième. Ce contrôle
évalue des savoirs (monothéisme, Salut…) et des savoirs-faire puisqu’il s’agit d’un exercice souvent
proposé, la comparaison de textes.
2. Classe de seconde
La séquence que je propose ici se déroule en trois leçons pour cinq heures de cours. Certains documents et
exercices proposés ici sont les mêmes qu’en classe de sixième sauf qu’ils sont donnés en versions plus
complètes : j’ai par exemple laissé dans les récits de la nativité les références archéotestamentaires. Rien
n’empêche en revanche de fournir les documents des élèves de sixième à une classe qui serait
47
particulièrement faible, ou à certains élèves en très grande difficulté. Le plan sera le même et, de la même
façon, la chronologie et la carte serviront de supports pour replacer les documents dans leur contexte.
N’ayant pas eu de leçons auparavant sur le judaïsme, les élèves disposent d’une chronologie qui remonte en
1000 av. J.-C. ; comment parler de l’espérance messianique sans situer le règne mythique de David ou le
retour d’exil de Babylone ? ou de la rédaction de la Bible sans en connaître la durée et le contexte ?
Dans un milieu juif, un culte nouveau naît au Ier siècle : deux heures
Documents : quatre fiches.
• Fiche avec une chronologie allant de 1000 av. J.-C. à 500 ap. J.-C. et un tableau des livres du Nouveau
Testament avec des questions.
• Fiche sur la Bonne Nouvelle comprenant six textes (un des Actes et cinq textes de l’Ancien Testament).
• Fiche titrée « Les premiers chrétiens : convertir les Gentils ou rester une secte juive ? » présentant un
extrait des Actes sur la conversion du centurion Corneille par Pierre, avec des questions.
• Fiche de format A3 avec deux extraits des évangiles (Mathieu et Luc) sur la nativité de Jésus.
Pour tous les textes, le vocabulaire est expliqué avec des notes et tout au long des leçons, les élèves ont à
disposition une carte de localisation (dans le manuel scolaire ou sur une carte murale).
Objectifs : replacer des textes dans leur contexte historique, géographique, littéraire et idéologique à l’aide
d’un tableau, d’une carte et d’une chronologie. Comprendre un texte de nature théologique. Découvrir
derrière un récit narratif les intentions d’un auteur en matière théologique, politique ou idéologique.
Comparer des textes :
— Relever dans cinq textes des éléments trouvés dans un autre texte.
— Dégager des messages différents dans deux textes narratifs proches, et les comparer.
Déroulement :
• Les élèves commencent en travaillant sur la première fiche : ils colorient sur la chronologie les périodes de
rédaction de la Bible, du Nouveau Testament et des Talmuds. Le professeur leur fait observer la chronologie
et relever les dates et les contextes de rédaction de la Bible et leur fait un récit succin de l’histoire des
Hébreux et des Juifs au premier millénaire av. J.-C. On insistera sur l’absence de royauté indépendante
depuis la chute de Jérusalem en 586 qui a nourri l’attente messianique et sur les tensions créées par
l’hellénisation à partir du IIIe siècle av. J.-C. Les élèves peuvent faire des comparaisons avec la séquence
précédente sur « le citoyen à Athènes au Ve siècle avant J-C. » (voir supra). Ils remplissent ensuite le
questionnaire sur le tableau des livres du Nouveau Testament. La correction se fait dans la foulée. Elle
permet de dégager deux problèmes : celui des dates de rédaction de ces textes et celui de leur contexte
historique.
Après ce préalable, les élèves peuvent aborder les textes eux-mêmes. Ils remplissent seuls la fiche « La
Bonne Nouvelle (en grec l’évangile) » et la correction est collective. Chacun des extraits de l’Ancien
Testament est lui aussi replacé dans son contexte historique à l’aide de la chronologie. Enfin, ils étudient le
texte extrait des Actes sur la conversion du centurion Corneille et (voir séquence de sixième).
Pour résumer la leçon, les élèves doivent répondre sur leur cahier aux questions suivantes : « Quelles sont
les tensions politiques et religieuses en Judée au Ier siècle ? Quelle est la réponse politique d’une partie des
Juifs ? Quelle est la réponse religieuse ? »
• Travail à la maison : à la fin de la première heure, le professeur distribue la quatrième fiche (extraits des
évangiles sur la Nativité) avec le travail pour la fois suivante : la classe est divisée en deux et les élèves de
chaque groupe doivent lire un texte (Mathieu ou Luc) et répondre aux questions sur ce texte (voir supra). Le
tableau comparatif ci-dessous est tracé au tableau et copié par les élèves sur leur cahier. La nativité de Jésus : comparer deux évangiles
Mathieu Luc
Qui est Jésus ?
Quelle est sa mission ?
Qui sont ses ancêtres
remarquables ?
Quel repère chronologique est
donné par l’auteur ?
48
Quel événement oblige Marie et
Joseph à changer de lieu ?
Pour quel(s) peuple(s) Jésus est-il le
Messie ?
La correction de l’exercice se fait en classe et sert de conclusion. L’intérêt pédagogique et scientifique est le
même qu’avec les sixièmes. On peut cependant aller plus loin avec les secondes, en particulier avec les
citations des prophètes dans Mathieu qui permettent de faire le lien avec ce qui a été vu sur l’attente
messianique et la continuité avec le prophétisme juif.
Il rencontre un contexte favorable à sa diffusion du IIe au IVe siècles
Documents :
• Fiche titrée « Christianisme et cultes à mystères : récits d’initiation » avec deux textes à comparer (Apulée
et Justin) à l’aide d’un questionnaire.
• Deux œuvres d’art, l’une païenne et l’autre chrétienne (voir supra).
Objectifs : Lire et comprendre des textes. Observer des œuvres d’art. Comparer, mettre en relation les
documents. Relier à des événements situés dans une chronologie.
Déroulement : tous les documents et tous les événements sont replacés dans la chronologie qui sert de fil
rouge sur toute la séquence.
• Le professeur commence par décrire les crises de la fin du IIe siècle et du IIIe siècle et ce qui engage les
populations dans une spiritualité différente des cultes traditionnels (la seconde spiritualité de l’Antiquité).
Puis, les élèves travaillent seuls sur la fiche avec les textes et la correction est collective. S’ils sont en
difficulté, il est possible de couper la classe en deux et de laisser chaque élève travailler sur un seul texte, la
comparaison des deux textes se faisant lors de la correction.
Puis les élèves doivent comparer deux œuvres d’art. Le professeur les guide dans leur approche soit par un
questionnaire, soit par des questions à l’oral dans un cours dialogué. Ces questions portent à la fois sur les
sujets et sur la forme de ces œuvres (voir supra). Les élèves peuvent aussi comparer avec les sculptures
grecques du Ve siècle av. J.-C. au chapitre précédent dans le manuel. Pour finir, ils doivent répondre sur leur
cahier à la question suivante qui servira de résumé : « Quel contexte favorable a trouvé le christianisme
avant de convertir les populations de l’Empire ? »
L’adhésion des empereurs consacre son succès au IVe siècle
Documents :
• Fiche titrée « Le triomphe du christianisme au IVe siècle » avec un texte d’Eusèbe de Césarée sur le concile
de Nicée et un tableau à double entrée sur les fêtes chrétiennes.
• Deux représentations, l’une impériale, l’autre christique (voir supra).
• Photographie d’une basilique et un plan de situation dans la cité.
Objectifs : Lire et comprendre un texte et un tableau à double entrée. Observer des œuvres d’art.
Comprendre l’utilisation d’un bâtiment. Comparer, mettre en relation les documents. Relier à des
événements situés dans une chronologie.
Déroulement : tous les documents et tous les événements sont replacés dans la chronologie qui sert de fil
rouge sur toute la séquence.
• Le professeur commence par décrire la légende de la conversion de Constantin, puis fait un récit
chronologique de la tétrarchie, de son échec, de la victoire de Constantin et des persécutions de la fin du IIIe
siècle. Enfin il décrit l’inexorable triomphe du christianisme tout au long du IVe siècle jusqu’à l’interdiction
progressive des cultes païens.
Il distribue ensuite la fiche. Les élèves répondent aux questions et les réponses sont mises en commun. Il
peut développer davantage sur l’origine des fêtes chrétiennes et sur leur déroulement dans l’Antiquité (par
exemple Pessah/Pâques : fête agraire du printemps devenue fête royale à la fin de la monarchie de Juda, puis
fête de la libération de l’esclavage lors du retour d’exil, fête nationale, et enfin fête de la Résurrection,
centrale dans la liturgie chrétienne).
49
Les deux exercices suivant portent l’un sur l’image de l’empereur comparée à celle du Christ et l’autre sur le
plan de la basilique (voir supra).
Les élèves enfin répondent sur leur cahier aux questions suivantes qui serviront de résumé : « Pourquoi
l’empereur devenu chrétien a-t-il vu son pouvoir renforcé ? Quelles sont les transformations du
christianisme en devenant religion officielle ? »
Evaluations
Je propose dans les annexes deux contrôles notés en tant que tels. Cependant, les fiches de seconde (celles
de sixième pour certains élèves en grande difficulté ?) peuvent servir de support à des évaluations.
Le premier porte sur le début de la séquence avec deux textes, l’un extrait des Actes, l’autre de l’Epître aux
Colossiens. Ces textes sont centrés sur la personne de Paul. Les élèves doivent y comprendre comment est
exprimée la mission (à tous les sens du mot) universelle du christianisme. Le texte sur Paul à Antioche de
Pisidie a des similitudes avec celui de la conversion de Corneille. Il est extrait lui aussi des Actes et c’est un
texte reconstruit et démonstratif marquant le passage de l’évangile aux Gentils. C’est en contextualisant le
document que les élèves peuvent l’identifier. C’est un exercice difficile auquel les élèves doivent s’entraîner
dès la première année du lycée.
Le deuxième contrôle porte sur la fin de la séquence avec deux textes théologiques à d’affirmation
monothéiste (le Credo) ou syncrétiste (L’hymne à Hélios-Roi). Dans ces textes difficiles, les élèves doivent
retrouver les principaux axes de la croyance vus dans les leçons. La dernière question est un travail de
rédaction plus proche de la récitation de la leçon.
Conclusion
Les exercices que je propose dans le présent mémoire peuvent paraître compliqués pour des élèves de
sixième ou de seconde. La longueur et l’abondance des textes en particulier. Rien n’empêche de les adapter,
de les simplifier en fonction du niveau des classes, qui, quelles qu’elles soient, ne doivent pas nous dispenser
d’être ambitieux.
Je soulignais plus haut les aspects en Education civique que revêtent ces parties des programmes d’histoire.
Ils ne sont pas abordés en tant que tels dans les séquences que je propose ici. Rien n’empêche cependant
d’envisager des prolongements en Education civique ou en ECJS sur les questions de la religion, de
l’identité religieuse, individuelle ou collective, du culte ou des aspects du culte en reprenant les
problématiques abordées dans les leçons d’histoire. Par exemple sur la religion objet historique reflétant les
préoccupations de ses fidèles, les élèves peuvent voir qu’il n’y a pas d’invariant religieux et que toute
religion évolue avec son époque. Il est possible dans ce cadre d’analyser les pratiques (ou les non pratiques)
religieuses contemporaines ou d’avoir une démarche réflexive pour les élèves.
50
ANNEXES PEDAGOGIQIES
Les courants du christianisme à la fin du Ier siècle
Et les livres du Nouveau Testament
Courants et
personnages
de références
Lieux Textes du Nouveau Testament
(et dates de rédaction)
Position par rapport au judaïsme
Jacobiens
(Jacques « frère du
seigneur » mort en
62)
Jérusalem Epître de Jacques (80-90)
Epître de Jude (vers 90)
Epître aux Corinthiens (vers 95)
Le christianisme doit rester dans
le judaïsme et respecter la Loi
Pauliniens
(Paul « l’apôtre69 des
Gentils » mort en 64)
Rome Epîtres pastorales de Paul (85-
90)
Epître aux Ephésiens (85-90)
Le christianisme a dépassé la
Loi et doit s’ouvrir aux païens
(les Gentils ou Nations)
Antioche et
hellénistes
palestiniens
Epître aux Romains (vers 50)
Evangile selon Luc, Actes des
Apôtres (vers 80-90).
Epître aux Hébreux (86-96)
Pétriniens
(Pierre « l’apôtre du
seigneur » ou « le
premier des apôtres »
mort en 64)
Galilée et
Antioche
Evangile selon Marc (avant 70)
Evangile selon Matthieu
(s’inspire de Marc)
Première et deuxième épîtres de
Pierre (la deuxième est datée vers
125)
Courant qui hésite entre
Jacobiens et Pauliniens.
Johanniques
(Jean « le disciple
bien-aimé » mort
vers 90 ?)
Samarie et
Asie
Mineure
Evangile selon Jean, Epîtres de
Jean, Apocalypse
Rédigés à la fin du Ier siècle
Rejet des juifs, le christianisme
religion pour tous
1- Quel est le premier livre qui a été rédigé ? ………………………………………………
Le premier évangile ?………………………………………………………………………
Combien de temps après la mort de Jésus ?………………………………………………
2-Quel a été le dernier livre qui a été rédigé ? ………………………………………………
Le dernier évangile ?………………………………………………………………………
Combien de temps après la mort de Jésus ?…………………………………………………
3- Les auteurs “officiels” des livres sont-ils toujours les auteurs réels ? …………………
………………………………………………………………………………………………
4- A l’aide la chronologie, trouve l’événement fondamental pour le judaïsme au Ier siècle :
………………………………………………………………………………………………
Quelles sont ses conséquences pour le christianisme et le Nouveau Testament : …………
………………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………
69 Apostolos = envoyé en grec. Dans le Nouveau Testament, les apôtres sont les douze compagnons de Jésus. Judas en a été exclu
et Paul de Tarse devient le douzième apôtre qui n’a pas connu Jésus.
51
Les courants du christianisme à la fin du Ier siècle
Et Les livres du Nouveau Testament
Courants et
personnages
de références
Lieux Livres du Nouveau Testament
(et date de rédaction)
Position par rapport au
judaïsme
Jacobiens
(Jacques « frère du
seigneur » mort
en 62)
Jérusalem Epître de Jacques (80-90)
Epître de Jude (vers 90)
Le christianisme doit
rester dans le judaïsme et
respecter la Loi juive.
Pauliniens
(Paul « l’apôtre70
des Gentils » mort
en 64)
Antioche et
Juifs
hellénisés en
Judée
Epître aux Romains (vers 50)
Evangile selon Luc, Actes des
Apôtres (vers 80-90).
Le christianisme doit
s’ouvrir aux païens (les
Gentils ou Nations) et les
croyant peuvent
Rome Epîtres de Paul (85-90) ne plus respecter la Loi
juive.
Pétriniens
(Pierre « l’apôtre
du seigneur » mort
en 64)
Galilée et
Antioche
Evangile selon Marc et Evangile
selon Matthieu (avant 70) Première
et deuxième épîtres de Pierre (la
deuxième est datée vers 125)
Courant qui hésite entre
Jacobiens et Pauliniens.
Johanniques
(Jean « le disciple
bien-aimé » mort
vers 90 ?)
Samarie et
Asie Mineure
Evangile selon Jean, Epîtres de
Jean, Apocalypse
Rédigés à la fin du Ier siècle
Rejet des juifs, le
christianisme religion
pour tous.
1- Quel est le premier livre qui a été rédigé ? ………………………………………………
Combien de temps après la mort de Jésus ?………………………………………………
2-Quel a été le dernier livre rédigé ? ………………………………………………………
Combien de temps après la mort de Jésus ?…………………………………………………
3- A l’aide la chronologie, trouve l’événement fondamental pour le judaïsme au Ier siècle :
………………………………………………………………………………………………
Quelles sont ses conséquences pour le christianisme : ……………………………………
………………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………
70
Apostolos = envoyé en grec. Dans le Nouveau Testament, les apôtres sont les douze compagnons de Jésus. Judas en a été exclu
et Paul de Tarse devient le douzième apôtre qui n’a pas connu Jésus.
52
La Bonne Nouvelle du christianisme
[L’apôtre Pierre parle de sa foi] Vous savez ce qui
s'est passé dans toute la Judée : Jésus de Nazareth, ses
débuts en Galilée, après le baptême proclamé par Jean
; comment Dieu l'a oint71 de l'Esprit Saint et de
puissance […]. Lui, qu'ils sont allés jusqu'à faire
mourir en le suspendant à la croix, Dieu l'a ressuscité
le troisième jour et lui a donné de se manifester, non à
tout le peuple, mais aux témoins que Dieu avait choisis
d'avance, à nous qui avons mangé et bu avec lui après
sa résurrection d'entre les morts ; et il nous a enjoint de
proclamer au Peuple et d'attester qu'il est, lui, le juge
établi par Dieu pour les vivants et les morts.
[…]Quiconque croit en lui recevra, par son nom, la
rémission de ses péchés."
Actes des Apôtres, 10.
D’après le texte :
1- Ce qui s’est passé après sa mort :
……………………………………
………………………………………
3- La Bonne Nouvelle pour ceux quoi
croient en Jésus : …………………
……………………………………
………………………………………
4- Qui est le Christ (= le Messie) ?
…………………………………
…………………………………
………………………………………
71 Christos en grec qui se dit messie en hébreu veut dire oint (consacré par une huile sacrée).
53
Les premiers chrétiens : convertir les Gentils ou rester une secte
juive ?
Les Actes des Apôtres, écrits par Luc, secrétaire de Paul et médecin à Antioche, décrivent la vie et l’action
des compagnons de Jésus, les apôtres. Mais le véritable héros est Paul de Tarse, douzième apôtre, mais qui
n’a pas connu Jésus.
Il y avait à Césarée un homme du nom de Corneille, centurion de la cohorte Italique. Pieux et craignant Dieu, ainsi que toute sa
maison, il faisait de larges aumônes au peuple juif et priait Dieu sans cesse.
Il eut une vision. Vers la neuvième heure du jour, l'Ange de Dieu - il le voyait clairement - entrait chez lui et l'appelait : "
Corneille ! "Il le regarda et fut pris de frayeur. " Qu'y a-t-il, Seigneur ? " demanda-t-il. - "Tes prières et tes aumônes, lui répondit
l'Ange, sont montées devant Dieu, et il s'est souvenu de toi. Maintenant donc, envoie des hommes à Joppé et fais venir Pierre. Il
loge dans la maison qui se trouve au bord de la mer. " Quand l'ange qui lui parlait fut parti, Corneille appela deux de ses
domestiques ainsi qu'un soldat pieux, de ceux qui lui étaient attachés, et après leur avoir tout expliqué, il les envoya à Joppé. Le lendemain, tandis qu'ils faisaient route et approchaient de la ville, Pierre monta sur la terrasse, vers la sixième heure, pour prier.
Il sentit la faim et voulut prendre quelque chose. Or, pendant qu'on lui préparait à manger, il tomba en extase. Il voit le ciel ouvert
et un objet, semblable à une grande nappe nouée aux quatre coins, en descendre vers la terre. Et dedans il y avait tous les
quadrupèdes et les reptiles, et tous les oiseaux du ciel. Une voix lui dit alors : " Allons, Pierre, immole et mange. " Mais Pierre
répondit : " Oh non ! Seigneur, car je n'ai jamais rien mangé de souillé ni d'impur !72
" De nouveau, une seconde fois, la voix lui
parle : " Ce que Dieu a purifié, toi, ne le dis pas souillé. " Cela se répéta par trois fois, et aussitôt l'objet fut remporté au ciel.
Tout perplexe, Pierre était à se demander en lui-même ce que pouvait bien signifier la vision qu'il venait d'avoir, quand justement
les hommes envoyés par Corneille, s'étant enquis de la maison près de la mer, se présentèrent au portail. Ils appelèrent et
s'informèrent si c'était bien là que logeait Pierre. Comme Pierre était toujours à réfléchir sur sa vision, l'Esprit lui dit : "Voilà des
hommes qui te cherchent.Va donc, descends et pars avec eux sans hésiter, car c'est moi qui les ai envoyés." Pierre descendit
auprès de ces hommes et leur dit : "Me voici. Je suis celui que vous cherchez. Quel est le motif qui vous amène ? "Ils répondirent
: "Le centurion Corneille, homme juste et craignant Dieu, à qui toute la nation juive rend bon témoignage, a reçu d'un ange saint
l'avis de te faire venir chez lui et d'entendre les paroles que tu as à dire. " Pierre les fit alors entrer et leur donna l'hospitalité.
Le lendemain, il se mit en route et partit avec eux ; quelques-uns des frères de Joppé l'accompagnèrent. Il entra dans Césarée le
jour suivant. Corneille les attendait et avait réuni ses parents et ses amis intimes. Au moment où Pierre entrait, Corneille vint à sa
rencontre et, tombant à ses pieds, se prosterna.
Mais Pierre le releva en disant : "Relève-toi. Je ne suis qu'un homme, moi aussi." Et tout en s'entretenant avec lui, il entra. Il
trouve alors les gens qui s'étaient réunis en grand nombre, et il leur dit : "Vous le savez, il est absolument interdit à un Juif de
frayer avec un étranger ou d'entrer chez lui. Mais Dieu vient de me montrer, à moi, qu'il ne faut appeler aucun homme souillé ou
impur. Aussi n'ai-je fait aucune difficulté pour me rendre à votre appel. Je vous le demande donc, pour quelle raison m'avez-vous
fait venir ?" Corneille répondit : "Il y a maintenant trois jours, j'étais en prière chez moi à la neuvième heure et voici qu'un homme
surgit devant moi, en vêtements resplendissants.
Il me dit : "Corneille, ta prière a été exaucée, et de tes aumônes on s'est souvenu auprès de Dieu. Envoie donc quérir à Joppé
Pierre. Il loge dans la maison au bord de la mer. "Aussitôt je t'ai donc fait chercher, et toi, tu as bien fait de venir. Nous voici donc
tous devant toi pour entendre ce qui t'a été prescrit par Dieu."
Alors Pierre prit la parole et dit : "Je constate en vérité que Dieu ne fait pas acception des personnes, mais qu'en toute nation celui
qui le craint et pratique la justice lui est agréable." Il a envoyé sa parole aux Israélites, leur annonçant la bonne nouvelle de la paix
par Jésus Christ : c'est lui le Seigneur de tous. [Pierre annonce la Bonne Nouvelle, voir texte déjà donné] Pierre parlait encore quand l'Esprit Saint tomba sur tous ceux qui écoutaient la parole. Et tous les croyants circoncis
73 qui étaient
venus avec Pierre furent stupéfaits de voir que le don du Saint Esprit avait été répandu aussi sur les païens. Ils les entendaient en
effet parler en langues et magnifier Dieu. Alors Pierre déclara : "Peut-on refuser l'eau du baptême à ceux qui ont reçu l'Esprit Saint
aussi bien que nous ? " Et il ordonna de les baptiser au nom de Jésus Christ. Alors ils le prièrent de rester quelques jours avec eux.
Actes des Apôtres 10
• A l’aide du tableau des textes du Nouveau Testament trouver la date et le courant du christianisme où a été
rédigé ce texte.
• Décrire les deux personnages principaux (milieu, nationalité, religion…). Quel intérêt a l’auteur de mettre
en scène ces personnages-là ? (s’aider du tableau des textes du Nouveau Testament).
• Sous quelles formes les interventions divines se présentent-elles ?
• Quelles réticences a Pierre vis-à-vis des Gentils et comment sont-elles levées ?
• Quel rite permet d’être juif ? Quel rite permet de devenir chrétien ? • Souligner dans le texte la phrase montrant que le christianisme devient une religion universelle.
72 Pierre ne veut pas manger des viandes non-casher, c’est-à-dire impures pour les Juifs. Les reptiles et certains quadrupèdes,
comme, par exemple le cochon, ne sont pas cacher (Lévitique 11). 73 Circoncision : excision du prépuce sur le pénis. Elle est le signe de l’Alliance (avec Dieu) dans la loi juive.
54
Les premiers chrétiens : convertir les Païens ou rester une secte
juive ?
Les Actes des Apôtres, écrits par Luc, le secrétaire
de Paul, décrivent la vie et l’action des compagnons
de Jésus, les apôtres, et surtout de Paul, le douzième
apôtre mais qui n’a pas connu Jésus. Il y avait à Césarée un homme du nom de Corneille, centurion
de la cohorte Italique. Pieux et craignant Dieu, il faisait de
larges aumônes au peuple juif et priait Dieu sans cesse. Il eut
une vision : l'Ange de Dieu - il le voyait clairement - entrait
chez lui et l'appelait : « Corneille ! »Il le regarda et fut pris de
frayeur. « Qu'y a-t-il, Seigneur ? » demanda-t-il. – « Tes
prières et tes aumônes, lui répondit l'Ange, sont montées
devant Dieu, et il s'est souvenu de toi. Maintenant donc,
envoie des hommes à Joppé et fais venir Pierre. Il loge dans
la maison qui se trouve au bord de la mer. »
Le lendemain, tandis que les envoyés de Corneille faisaient
route et approchaient de la ville, Pierre monta sur la terrasse,
vers la sixième heure, pour prier. Il sent la faim et veux
prendre quelque chose. Il tombe alors en extase et voit le ciel
ouvert et un objet, semblable à une grande nappe nouée aux
quatre coins, en descendre vers la terre. Et dedans il y avait
tous les quadrupèdes et les reptiles, et tous les oiseaux du ciel.
Une voix lui dit alors : « Allons, Pierre, mange-les ! » Mais
Pierre répondit : « Oh non ! Seigneur, car je n'ai jamais rien
mangé de souillé ni d'impur74
! » De nouveau, une seconde
fois, la voix lui parle : « Ce que Dieu a purifié, toi, ne le dis
pas souillé. »
Tout perplexe, Pierre était à se demander en lui-même ce que
pouvait bien signifier la vision qu'il venait d'avoir, quand
justement les hommes envoyés par Corneille, se présentèrent
au portail. Comme Pierre était toujours à réfléchir sur sa
vision, l'Esprit lui dit : « Voilà des hommes qui te
cherchent.Va donc, descends et pars avec eux sans hésiter, car
c'est moi qui les ai envoyés. » Pierre descendit auprès de ces
hommes qui lui dirent : « Le centurion Corneille, homme juste
et craignant Dieu, a reçu d'un ange saint l'avis de te faire
venir chez lui et d'entendre les paroles que tu as à dire. »
Le lendemain, il se mit en route et partit avec eux ; quelques-
uns des chrétiens de Joppé l'accompagnèrent. A Césarée
Corneille les attendait et avait réuni ses parents et ses amis
intimes. Au moment où Pierre entrait, Corneille vint à sa
rencontre et, tombant à ses pieds, se prosterna. Mais Pierre le
releva en disant : « Relève-toi. Je ne suis qu'un homme, moi
aussi. » Il entre et trouve alors les gens qui s'étaient réunis en
grand nombre, et il leur dit : « Vous le savez, il est
absolument interdit à un Juif d’aller avec un étranger ou
d'entrer chez lui. Mais Dieu vient de me montrer, à moi, qu'il
ne faut appeler aucun homme souillé ou impur. Aussi n'ai-je
fait aucune difficulté pour me rendre à votre appel. Je vous le
demande donc, pour quelle raison m'avez-vous fait venir ? »
Corneille répondit : « Il y a maintenant trois jours, j'étais en
prière chez moi lorsqu’un homme surgit devant moi, en
vêtements resplendissants et me dit : "Corneille, ta prière a
été exaucée, et de tes aumônes on s'est souvenu auprès de
Dieu. Envoie donc chercher Pierre. "Aussitôt je t'ai donc fait
chercher, et toi, tu as bien fait de venir. Nous voici donc tous
devant toi pour entendre ce qui t'a été prescrit par Dieu. »
Alors Pierre prit la parole et dit : « Je constate en vérité que
Dieu ne fait pas de différence entre les gens, mais qu'en toute
nation celui qui le craint et pratique la justice lui est
agréable. » Il a envoyé sa parole aux Juifs, leur annonçant la
bonne nouvelle de la paix par Jésus Christ : c'est lui le
Seigneur de tous. [Pierre annonce la Bonne Nouvelle, voir
texte déjà donné]
Pierre parlait encore quand l'Esprit Saint tomba sur tous ceux
qui écoutaient la parole. Et tous les croyants circoncis75 qui
étaient venus avec Pierre furent stupéfaits de voir que le don
du Saint Esprit avait été répandu aussi sur les païens. Ils les
entendaient en effet parler en langues et magnifier Dieu.
Alors Pierre déclara : « Peut-on refuser l'eau du baptême à
ceux qui ont reçu l'Esprit Saint aussi bien que nous ? » Et il
ordonna de les baptiser au nom de Jésus Christ. Alors ils le
prièrent de rester quelques jours avec eux. Actes des Apôtres 10
• A l’aide du tableau des textes du Nouveau Testament. Date du texte : …………………………………
Courant du christianisme : …………………………………………………………………………………
• Décrire les deux personnages principaux.
Pierre Corneille
Sa nationalité
Sa religion
Son métier Pêcheur en mer
Son rôle dans la diffusion de
la Bonne Nouvelle
• Décrire une des interventions divines :
• Quelles sont les réticences de Pierre vis-à-vis des païens ? ………………………………………………
………………………………………………………………………………………………………………
Qui lui dit de les fréquenter ? ………………………………………………………………………………
• Rite pour être juif : …………………………………………………………………………………………
Rite pour devenir chrétien : ………………………………………………………………………………… • Souligner dans le texte la phrase montrant que le christianisme devient une religion universelle.
74 Pierre ne veut pas manger des viandes non-casher, c’est-à-dire impures pour les Juifs. 75 Il s’agit donc de Juifs. Voir la note de vocabulaire dans l’exercice sur la Nativité.
55
Naissance du christianisme : contrôle
Ils [Paul et ses compagnons] arrivèrent à Antioche de Pisidie76. Le jour du sabbat77, ils entrèrent à la synagogue et s'assirent. Après
la lecture de la Loi et des Prophètes78, les chefs de la synagogue leur envoyèrent dire : « Frères, si vous avez quelque parole
d'encouragement à dire au peuple, parlez. »
Paul alors se leva, fit signe de la main et dit : « Hommes d'Israël, et vous qui craignez Dieu, écoutez. Le Dieu de ce peuple, le
Dieu d'Israël élut nos pères et fit grandir ce peuple. […] Dieu suscita pour eux David comme roi. […] C'est de sa descendance
que, suivant sa promesse, Dieu a suscité pour Israël Jésus comme Sauveur. […] Frères, vous les enfants de la race d'Abraham, et
vous ici présents qui craignez Dieu, c'est à vous que ce message de salut a été envoyé. En effet, les habitants de Jérusalem et leurs
chefs ont accompli sans le savoir les paroles des prophètes qu'on lit chaque sabbat. Sans trouver en lui aucun motif de mort, ils
l'ont condamné et ont demandé à Pilate de le faire périr. Et lorsqu'ils eurent accompli tout ce qui était écrit de lui, ils le
descendirent du gibet et le mirent au tombeau. Mais Dieu l'a ressuscité ; pendant de nombreux jours, il est apparu à ceux qui
étaient montés avec lui de Galilée à Jérusalem, ceux-là mêmes qui sont maintenant ses témoins auprès du peuple. Et nous, nous
vous annonçons la Bonne Nouvelle : la promesse faite à nos pères, Dieu l'a accomplie en notre faveur à nous, leurs enfants : il a
ressuscité Jésus. [Paul cite l’Ancien Testament] Sachez-le donc, frères, c'est par lui que la rémission des péchés vous est annoncée.
L'entière justification [de vos péchés] que vous n'avez pu obtenir par la Loi de Moïse, c'est par Lui [Jésus] que quiconque79 croit,
l'obtient. […] » Et, à leur sortie, on les invitait à parler encore du même sujet le sabbat suivant. Après que l'assemblée se fut séparée, nombre de
Juifs et de prosélytes80
qui adoraient Dieu suivirent Paul et Barnabé, et ceux-ci, dans leurs entretiens, les engageaient à rester
fidèles à la grâce de Dieu. Le sabbat suivant, presque toute la ville81
s'assembla pour entendre la parole de Dieu. A la vue de cette
foule, les Juifs furent remplis de jalousie, et ils répliquaient par des blasphèmes aux paroles de Paul. S'enhardissant alors, Paul et
Barnabé déclarèrent : « C'était à vous d'abord qu'il fallait annoncer la parole de Dieu. Puisque vous la repoussez et ne vous jugez
pas dignes de la vie éternelle, eh bien ! nous nous tournons vers les païens. Car ainsi nous l'a ordonné le Seigneur : Je t'ai établi
lumière des nations, pour que tu portes le salut jusqu'aux extrémités de la terre. »Tout joyeux à ces mots, les païens se mirent à
glorifier la parole du Seigneur, et tous ceux-là embrassèrent la foi, qui étaient destinés à la vie éternelle. Ainsi la parole du
Seigneur se répandait dans toute la région. Mais les Juifs montèrent la tête aux dames de condition qui adoraient Dieu ainsi qu'aux
notables de la ville ; il suscitèrent de la sorte une persécution contre Paul et Barnabé et les chassèrent de leur territoire.
Actes des Apôtres 13, 15-50
Les réponses doivent être rédigées.
Attention le texte contient des pièges, il faut le lire plusieurs fois !
1- A l’aide des documents du cours présenter le texte (auteur, date, courant du christianisme).
2- Dans le premier discours de Paul, relève les éléments qui montrent qu’il s’adresse à des juifs. Quelle est
la Bonne Nouvelle dans ce discours ?
3- Montre que la dernière phrase de ce discours est déjà une ouverture aux païens. 4- Vers qui se tournent Paul et Barnabé, une fois rejetés par les juifs ? Quelle est la raison de ce rejet ?
5- Quelle est la Bonne Nouvelle pour les païens ? 6- Ce texte, comme celui de la conversion de Corneille par Pierre, est un texte reconstruit, qui veut démonter
quelque chose. Que veut-il démontrer ? Pourquoi ? (Regarder à nouveau les réponses à la question 1).
Là, il n'est plus question de Grec ou de Juif, de
circoncision ou d'incirconcision82, de Barbare, de
Scythe, d'esclave, homme libre ; il n'y a que le Christ,
qui est tout et en tout.
Paul, Epître aux Colossiens83 3, 11
7- Quelles sont les distinctions essentielles que fait
Paul parmi les hommes ?
8- Explique l’extrait de l’Epître aux Colossiens à
l’aide du texte des Actes des Apôtres.
76 En Turquie actuelle. Les juifs du texte sont donc des juifs de la Diaspora. 77 Le jour sacré des juifs. La synagogue est le lieu de prière. 78 Il s’agit donc de la Bible (la Loi ou Loi de Moïse est la Torah). 79 Quiconque : tout le monde, n’importe qui. 80 Les prosélytes sont des païens convertis au judaïsme. 81 Donc les païens aussi ! 82 Le circoncis est un juif, l’incirconcis est un Gentil. 83 Une épître est une lettre. Paul écrit à une communauté chrétienne.
56
La Bonne Nouvelle (en grec, l’évangile)
La Bonne Nouvelle du christianisme
[L’apôtre Pierre parle de sa foi] Vous savez ce qui s'est passé
dans toute la Judée : Jésus de Nazareth, ses débuts en Galilée,
après le baptême proclamé par Jean ; comment Dieu l'a oint84 de
l'Esprit Saint et de puissance, lui qui a passé en faisant le bien et
en guérissant tous ceux qui étaient tombés au pouvoir du diable ;
car Dieu était avec lui. Et nous, nous sommes témoins de tout ce
qu'il a fait dans le pays des Juifs et à Jérusalem. Lui, qu'ils sont
allés jusqu'à faire mourir en le suspendant au gibet, Dieu l'a
ressuscité le troisième jour et lui a donné de se manifester, non à
tout le peuple, mais aux témoins que Dieu avait choisis d'avance,
à nous qui avons mangé et bu avec lui après sa résurrection
d'entre les morts ; et il nous a enjoint de proclamer au Peuple et
d'attester qu'il est, lui, le juge établi par Dieu pour les vivants et
les morts. C'est de lui que tous les prophètes rendent ce
témoignage que quiconque croit en lui recevra, par son nom, la
rémission de ses péchés."
Actes des Apôtres, 10.
D’après le texte :
1- Miracles de son vivant : ………………
……………………………………………
……………………………………………
2- Miracle après sa mort : …………………
……………………………………………
3- La Bonne Nouvelle pour ceux quoi
croient en Jésus : …………………………
……………………………………………
……………………………………………
4- Qui est le Christ (= le Messie) ? ………
……………………………………………
……………………………………………
……………………………………………
Des références dans l’Ancien Testament
L’espérance messianique Le temps du Salut pour les justes
Yahvé l'a juré à David,
vérité dont jamais il ne s'écarte
"C'est le fruit sorti de tes entrailles
que je mettrai sur le trône fait pour toi.
[…]
Là, je susciterai une lignée à David,
j'apprêterai une lampe pour mon messie;
ses ennemis, je les vêtirai de honte,
mais sur lui fleurira son diadème."
Psaume 132 (Ve siècle av. J.-C.)
Le peuple85 qui marchait dans les ténèbres a vu une grande
lumière,
sur les habitants du sombre pays, une lumière a resplendi.
Tu as multiplié la nation, tu as fait croître sa joie;
ils se réjouissent devant toi comme on se réjouit à la
moisson,
[…]
Car […] le bâton de son oppresseur,
tu les as brisés […]
Car un enfant nous est né, un fils nous a été donné,
il a reçu le pouvoir sur ses épaules et on lui a donné ce
nom :
Conseiller-merveilleux, Dieu-fort,
Père-éternel, Prince-de-paix,
pour que s'étende le pouvoir dans une paix sans fin
sur le trône de David et sur son royaume,
pour l'établir et pour l'affermir dans le droit et la justice.
Dès maintenant et à jamais,
l'amour jaloux de Yahvé Sabaot fera cela.
Isaïe 9 (Ve siècle av. J.-C.)
En ce temps se lèvera Michel86, le grand Prince qui se tient
auprès des enfants de ton peuple. Ce sera un temps d'angoisse
tel qu'il n'y en aura pas eu jusqu'alors depuis que ta nation
existe. En ce temps-là, ton peuple échappera : tous ceux qui se
trouveront inscrits dans le Livre.Un grand nombre de ceux qui
dorment au pays de la poussière87 s'éveilleront, les uns pour la
vie éternelle, les autres pour l'opprobre, pour l'horreur
éternelle. Les doctes resplendiront comme la splendeur du
firmament, et ceux qui ont enseigné la justice à un grand
nombre, comme les étoiles, pour toute l'éternité.
Daniel 12 (IIe siècle av. J.-C.)
Les âmes des justes sont dans la main de Dieu.
Et nul tourment ne les atteindra.
Aux yeux des insensés ils ont paru mourir,
leur départ a été tenu pour un malheur
et leur voyage loin de nous pour un anéantissement,
mais eux sont en paix.
S'ils ont, aux yeux des hommes, subi des châtiments,
leur espérance était pleine d'immortalité;
pour une légère correction ils recevront de grands bienfaits.
Sagesse de Salomon 2 (Ie siècle av. J.-C.)
Mais les justes vivent à jamais,
leur récompense est auprès du Seigneur,
et le Très-Haut a souci d'eux.
Aussi recevront-ils la couronne royale magnifique
et le diadème de beauté, de la main du Seigneur ;
car de sa droite il les protégera,
et de son bras, comme d'un bouclier, il les couvrira.
Sagesse de Salomon 5 (Ie siècle av. J.-C.)
A l’aide de la chronologie, relie chacun de ses textes à l’histoire des juifs.
84 Christos en grec veut dire oint qui se dit messie en hébreu. Le roi David a été oint, c’est-à-dire consacré par une huile sacrée. 85 Dans l’Ancien Testament nation et peuple (singulier) veulent dire le peuple juif, les peuples (en latin Gentes qui a donné les
Gentils) ou les Nations (pluriel) veulent dire les païens. 86 Michel est le chef des anges. 87 Les morts.
58
Christianisme et cultes à mystères : récits d’initiation
Dans l’Âne d’or, Apulée, auteur latin, raconte sous forme de fable la découverte et l’initiation d’un dévot au culte d’Isis. A la fin
du récit, le héros, enfin délivré du sort qui l’avait transformé en âne, est initié à tous les degrés de ce culte à mystère. Enfin le grand prêtre annonce que le moment est venu [de mon initiation] ; et sur-le-champ, suivi de la sainte cohorte, il me
conduit au bain le plus proche. Quand je m'y fus plongé selon l'usage, après avoir appelé sur moi la miséricorde divine, il me
purifia par une complète ablution88
, et me ramena au temple. Il me fit prosterner aux pieds de la déesse, et me communiqua sous le
secret ce que la parole ne saurait rendre. Le grand prêtre écarte ensuite les profanes89
, me fait revêtir d'une robe de lin écru, et, me
prenant par la main, m'emmène dans le plus profond du sanctuaire. J'ai touché aux portes du trépas ; mon pied s'est posé sur le
seuil de Proserpine. Au retour, j'ai traversé tous les éléments. Dans la profondeur de la nuit, j'ai vu rayonner le soleil. Dieux de
l'enfer, tous ont été vus par moi face à face, et adorés de près90
. Voilà ce que j'ai à vous dire, et vous n'en serez pas plus éclairés.
Mais ce que je puis découvrir sans sacrilège, le voici:
« Divinité sainte, source éternelle de salut, protectrice adorable des mortels, qui leur prodigues dans leurs maux l'affection d'une
tendre mère; pas un jour, pas une nuit, pas un moment ne s'écoule qui ne soit marqué par un de tes bienfaits. Sur la terre, sur la
mer, toujours tu es là pour nous sauver ; pour nous tendre, au milieu des tourmentes de la vie, une main secourable. Vénérée dans
le ciel , respectée aux enfers, par toi le globe tourne, le soleil éclaire, l'univers est régi, l'enfer contenu. À ta voix, les sphères se
meuvent, les siècles se succèdent, les immortels se réjouissent, les éléments se coordonnent. Un signe de toi fait souffler les vents,
gonfler les nuées, germer les semences, éclore les germes. Ton image sacrée restera profondément gravée dans mon âme, et
toujours présente à ma pensée. »
Cette invocation terminée, je me jetai au cou du grand prêtre, devenu pour moi un second père. Je le couvris de mes baisers, et le
suppliai d'excuser mon impuissance à reconnaître son incomparable bonté.
Apulée, L’âne d’or XI 21-25 (IIe siècle)
Dans l’Apologie, Justin, auteur grec, expose à l’empereur pourquoi les chrétiens détiennent la vérité et les raisons pour lesquelles
il ne faut pas les persécuter.
Nous allons maintenant vous exposer comment, rendus à la vie par Jésus-Christ, nous sommes par lui consacrés à Dieu ; Tous
ceux qui se sont laissés persuader de la vérité de nos doctrines et de nos paroles, sont conduits au lieu où est l'eau, et là, de la
même manière que nous avons été régénérés, ils sont régénérés à leur tour ; car ils sont lavés dans l'eau au nom de Dieu, père de
l'univers, de Jésus-Christ, notre Sauveur, et du Saint-Esprit. [C’est] le moyen d'effacer les péchés, de convertir et de faire éviter le
mal. Cette ablution se nomme illumination, parce que ceux qui la reçoivent sont illuminés intérieurement.
Quand celui qui s'est associé à notre foi et à notre croyance a reçu l'ablution nous le conduisons dans le lieu où sont rassemblés
ceux que nous nommons nos frères. Là commencent les prières ardentes dans l'espoir d'obtenir, avec la connaissance que nous
avons de la vérité, la grâce de vivre dans la droiture des oeuvres et dans l'observance des préceptes, et de mériter ainsi le salut
éternel. Quand la prière est terminée, nous nous saluons tous d'un baiser de paix ; ensuite on apporte à celui qui est le chef des
frères, du pain, de l'eau et du vin. Quand le chef des frères a fini les prières, ceux que nous appelons diacres distribuent à chacun
des assistants le pain, le vin et l'eau. Nous appelons cet aliment Eucharistie, et personne ne peut y prendre part, s'il ne croit la
vérité de notre doctrine, s'il n'a reçu l'ablution pour la rémission de ses péchés et sa régénération, et s'il ne vit selon les
enseignements du Christ. Les démons n'ont pas manqué d'imiter cette institution dans les mystères de Mithra ; car on apporte à
l'initié du pain et du vin, sur lesquels on prononce certaines paroles que vous savez, ou que vous êtes à même de savoir.
Le jour du soleil91, comme on l'appelle, tous ceux qui habitent les villes ou les campagnes se réunissent dans un même lieu, et on
lit les récits des apôtres ou les écrits des prophètes, selon le temps dont on peut disposer. Si nous nous rassemblons le jour du
soleil, c'est parce que ce jour est celui où Dieu, tirant la matière des ténèbres, commença à créer le monde, et aussi celui où
Jésus-Christ notre Sauveur ressuscita d'entre les morts ; car les Juifs le crucifièrent la veille du jour de Saturne, et le lendemain
de ce jour, c'est-à-dire le jour du soleil, il apparut à ses disciples, et leur enseigna ce que nous avons livré à vos méditations.
Justin Apologie, 65-67 (IIe siècle)
1- A l’aide de la chronologie présenter ces deux textes dans leur contexte historique.
2- Décrire, y compris dans leurs aspects matériels, l’initiation à ces deux cultes. En quoi le premier est-il un
culte à mystères ? Et le second ? (montrez à l’aide de citation des deux textes).
3- Montrer que les deux communautés religieuses sont vues comme des familles.
4- Démontrer que ces deux textes sont des affirmations monothéistes ; monothéiste pur pour le premier,
unitariste pour le second (l’unitarisme ou syncrétisme vise à réunir tous les dieux en un seul).
5- Démontrer que ces deux textes promettent la même chose concernant le Salut (la vie après la mort).
88 Ablution = bain. Il s’agit dans le second texte du baptême. 89 Profane = celui qui n’est pas initié. 90 Lors de l’initiation, le fidèle se voit simuler sa propre mort puis sa résurrection. Proserpine est la déesse des enfers, le séjour des
morts. 91 Le dimanche. On trouve encore ce nom en anglais dans le mot Sunday. Le jour de Saturne est le samedi (Saturday en anglais).
59
Christianisme et cultes à mystères : récits d’initiation
L’Âne d’or est une fable : à la fin du récit, le héros, enfin délivré du sort qui l’avait transformé en âne, est initié à tous les degrés
du culte d’Isis qui est un culte à mystère inspiré de l’Egypte. Enfin le grand prêtre annonce que le moment est venu [de mon initiation] ; et sur-le-champ, il me conduit au bain le plus proche.
Quand je m'y fus plongé selon l'usage, après avoir appelé sur moi la miséricorde divine, il me purifia par une complète ablution92
,
et me ramena au temple. Il me fit prosterner aux pieds de la déesse, et me communiqua sous le secret ce que la parole ne saurait
rendre. Le grand prêtre écarte ensuite les profanes93
, me fait revêtir d'une robe de lin écru, et, me prenant par la main, m'emmène
dans le plus profond du sanctuaire.
« Divinité sainte, source éternelle de salut, protectrice adorable des mortels, qui leur prodigues dans leurs maux l'affection d'une
tendre mère; pas un jour, pas une nuit, pas un moment ne s'écoule qui ne soit marqué par un de tes bienfaits. Sur la terre, sur la
mer, toujours tu es là pour nous sauver ; pour nous tendre, au milieu des tourmentes de la vie, une main secourable. Vénérée dans
le ciel , respectée aux enfers, par toi le globe tourne, le soleil éclaire, l'univers est régi, l'enfer contenu. À ta voix, les sphères se
meuvent, les siècles se succèdent, les immortels se réjouissent, les éléments se coordonnent. Un signe de toi fait souffler les vents,
gonfler les nuées, germer les semences, éclore les germes. Ton image sacrée restera profondément gravée dans mon âme, et
toujours présente à ma pensée. »
Cette invocation terminée, je me jetai au cou du grand prêtre, devenu pour moi un second père. Je le couvris de mes baisers, et le
suppliai d'excuser mon impuissance à reconnaître son incomparable bonté.
Apulée, L’âne d’or XI 21-25 (IIe siècle)
Dans l’Apologie, Justin, présente à l’empereur la religion et le culte chrétiens.
Nous allons maintenant vous exposer comment, nous sommes consacrés à Dieu ; Tous ceux qui se sont laissés persuader de la
vérité de nos paroles, sont conduits au lieu où est l'eau, et là, de la même manière que nous avons été régénérés, ils sont
régénérés à leur tour ; car ils sont lavés dans l'eau au nom de Dieu, père de l'univers, de Jésus-Christ, notre Sauveur, et du Saint-
Esprit. [C’est] le moyen d'effacer les péchés, de convertir et de faire éviter le mal. Cette ablution se nomme illumination, parce
que ceux qui la reçoivent sont illuminés intérieurement.
Quand celui qui s'est associé à notre foi et à notre croyance a reçu l'ablution nous le conduisons dans le lieu où sont rassemblés
ceux que nous nommons nos frères. Là commencent les prières ardentes dans l'espoir d'obtenir la grâce de vivre dans la droiture et
de mériter ainsi le salut éternel. Quand la prière est terminée, nous nous saluons tous d'un baiser de paix ; ensuite on apporte à
celui qui est le chef des frères, du pain, de l'eau et du vin. Quand le chef des frères a fini les prières, ceux que nous appelons
diacres distribuent à chacun des assistants le pain, le vin et l'eau. Nous appelons cet aliment Eucharistie, et personne ne peut y
prendre part, s'il ne croit la vérité de notre doctrine, s'il n'a reçu l'ablution pour la rémission de ses péchés et sa régénération, et s'il
ne vit selon les enseignements du Christ. Les démons n'ont pas manqué d'imiter cette institution dans les mystères de Mithra ; car
on apporte à l'initié du pain et du vin, sur lesquels on prononce certaines paroles que vous savez, ou que vous êtes à même de
savoir.
Le jour du soleil94, comme on l'appelle, tous ceux qui habitent les villes ou les campagnes se réunissent dans un même lieu, et on
lit les récits des apôtres ou les écrits des prophètes, selon le temps dont on peut disposer.
Justin Apologie, 65-67 (IIe siècle)
1- Présenter ces deux textes dans leur contexte historique à l’aide de la chronologie.
………………………………………………………………………………………………………………
2- Quelle cérémonie permet d’être initié ? Isis : ……………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………………………
Christianisme : ………………………………………………………………………………………………
3- Montrer que les deux communautés religieuses sont vues comme des familles.
Isis : …………………………………………………………………………………………………………
Christianisme : ………………………………………………………………………………………………
4- Montrer que ces deux cultes ne sont pas publics mais à mystères.
Isis : …………………………………………………………………………………………………………
Christianisme : ………………………………………………………………………………………………
5- Démontrer que ces deux textes sont des affirmations monothéistes ou unitaristes (un dieu commande les
autres). Isis : ……………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………………………
Christianisme : ………………………………………………………………………………………………
6- Démontrer que ces deux textes promettent la même chose concernant le Salut (la vie après la mort).
Isis : …………………………………………………………………………………………………………
Christianisme : ………………………………………………………………………………………………
92 Ablution = bain. Il s’agit dans le second texte du baptême. 93 Profane = celui qui n’est pas initié. 94 Le dimanche. On trouve encore ce nom en anglais dans le mot Sunday (sun day).
62
Le triomphe du christianisme au IVe siècle
Alors [Constantin] réunit la phalange de Dieu95 en un concile œcuménique96. Il convoqua les évêques en leur adressant des lettres
très honorifiques ; le siège du concile fut choisi de la façon la plus heureuse : une ville qui portait le nom de la victoire, Nicée. Et
lorsqu’ils furent tous présents, il apparut clairement que leur réunion était l’œuvre de Dieu. Car eux que séparaient non seu lement
les divergences de leurs opinions, mais aussi les distances des régions, des lieux, des provinces, on les voyait maintenant
assemblés en un même endroit. L’empereur donna la parole aux présidents du concile. L’empereur prêta l’oreille à tous avec une
grande attention, enregistra avec soin les thèses des uns et des autres, puis, reprenant à son tour les arguments échangés par les
deux parties, il finit à force de persévérance par les mettre d’accord. Non seulement le concile n’eut plus qu’une seule voix pour
exprimer la foi, mais il convint également du jour où tous devaient célébrer la fête du sauveur97.
Eusèbe de Césarée, Vie de Constantin, III, 6-7 (vers 330)
1- Présenter le texte dans son contexte historique à l’aide de la chronologie.
………………………………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………………………
2- Pourquoi y a-t-il besoin de réunir les évêques ? Quelles sont les décisions qui sont prises ?
………………………………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………………………
3- Qui les réunit et fait aboutir les débats ? Commenter.
………………………………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………………………
Calendrier hebdomadaire et annuel chrétien Fête chrétienne Période Apparition Célèbre D’où vient cette fête
Dimanche Au IIe siècle
Officialisé par
Constantin en 321
Résurrection de Jésus Fête du soleil
Lendemain du sabbat juif
Noël 25 décembre Officialisé par
Constantin en 321
Naissance de Jésus Fête solaire romaine
institué par l’empereur
Aurélien au IIIe siècle
Pâques Premier dimanche de la
nouvelle lune du
printemps
Fixé par le concile de
Nicée (325)
Résurrection de Jésus Fête juive
Carême 40 jours avant Pâques IVe siècle Préparation à Pâques Jeûnes des fêtes païennes
Ascension 40 jours après Pâques IVe siècle Montée de Jésus au ciel
Pentecôte 50 jours après Pâques IVe siècle Envoi de l’Esprit Saint
sur les apôtres
Fête juive
Assomption de la
Vierge
15 août IVe siècle Montée au ciel de Marie Diverses fêtes de déesses
dont celle d’Isis
Fêtes de saints et de
martyrs
Dates diverses Fin du IVe siècle Culte des martyrs et des
reliques
Culte des morts avec
banquet funéraires
1- Que célèbrent les fêtes chrétiennes ?
………………………………………………………………………………………………………………
2- Commenter leur date d’apparition et leur origine.
………………………………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………………………
3- Quel est l’intérêt de l’établissement d’un calendrier de plus en plus étoffé ?
………………………………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………………………
95 L’armée de Dieu ce qui veut dire l’ensemble des évêques. Un concile est une réunion d’évêques. 96 Œcuménique = universel. Signifie ici l’ensemble de l’Empire romain Se dit aussi catholique en grec.
Un concile œcuménique est censé rassembler l’ensemble des évêques du monde, donc ceux de l’Empire pour un romain. 97 La date de Pâques qui célèbre la résurrection de Jésus.
63
Le triomphe du christianisme au IVe siècle
Calendrier hebdomadaire et annuel chrétien Fête chrétienne Période Apparition Célèbre D’où vient cette fête
Dimanche Au IIe siècle
Officialisé par
Constantin en 321
Résurrection de Jésus Fête du soleil
Lendemain du sabbat juif
Noël 25 décembre Officialisé par
Constantin en 321
Naissance de Jésus Fête solaire romaine
institué par l’empereur
Aurélien au IIIe siècle
Pâques Premier dimanche de la
nouvelle lune du
printemps
Fixé par le concile de
Nicée (325)
Résurrection de Jésus Fête juive
Carême 40 jours avant Pâques IVe siècle Préparation à Pâques Jeûnes des fêtes païennes
Ascension 40 jours après Pâques IVe siècle Montée de Jésus au ciel
Pentecôte 50 jours après Pâques IVe siècle Envoi de l’Esprit Saint
sur les apôtres
Fête juive
Assomption de la
Vierge
15 août IVe siècle Montée au ciel de Marie Diverses fêtes de déesses
dont celle d’Isis
Fêtes de saints et de
martyrs
Dates diverses Fin du IVe siècle Culte des martyrs et des
reliques
Culte des morts avec
banquet funéraires
1- Quels personnages sont célébrés dans les fêtes chrétiennes ?
…………………………………………… ………………………………………………………………………………………………………………
2- A quel siècle sont-elles surtout apparues ? ………………………………………………………………
Lier ce constat à des événements de la chronologie : ………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………………………
Eglise
Ecclesia = assemblée des fidèles
DiacresDiaconos = serviteur
Prêtres
Presbyteros = ancien
Evêque
Episcopos = surveillantConcile
Concilium = assemblée
(d’évêques)
Empereur
L’organisa tion de l’Eglise de l’Antiquité ta rdive
Concile œcuménique
Assemblée de tous les évêques de l’Empire
Cinq patriarches
(les évêques de Rome, Cosntantinople,
Jérusalem, Antioche et Alexandrie)
3- Quel type d’organisation a pris l’Eglise au IVe siècle ? …………………………………………………
4- Qui commande ? Quel intérêt y trouve-t-il ? ……………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………………………
64
5- Rapprocher ce type d’organisation d’autres civilisations vue cette année en histoire : …………………
………………………………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………………………
65
Christianisme et empire, deux universels : contrôle
Texte 1 : Extrait du Nouveau Testament
Là, il n'est plus question de Grec ou de Juif,
de circoncision ou d'incirconcision, de
Barbare, de Scythe, d'esclave, homme libre ;
il n'y a que le Christ, qui est tout et en tout.
Paul, Epître aux Colossiens 3, 11
écrit vers 80 (?)
Texte 2 : L’empereur Julien (361-363) a voulu rétablir le paganisme comme
religion d’Etat.
Nous dirons donc que du dieu unique, provient, unique lui aussi, le roi Hélios98,
destiné à être l’intermédiaire des dieux dont il occupe le centre. A l’univers
sensible, il apporte toutes sortes de biens, mais encore recèle la cause toujours
jeune et immuable de la vie des corps éternels99.
Julien, Hymne à Hélios-Roi, 25 décembre 362
Texte 3 : Un historien du IVe siècle raconte le concile de Nicée100 en 325.
Alors [l’empereur Constantin] réunit l’ensemble des évêques en un concile œcuménique101. Il convoqua les évêques. Et lorsqu’ils
furent tous présents, il apparut clairement que leur réunion était l’œuvre de Dieu. Car eux que séparaient les distances des régions,
des lieux, des provinces, on les voyait maintenant assemblés en un même endroit. L’empereur donna la parole aux présidents du
concile. L’empereur prêta l’oreille à tous avec une grande attention, enregistra avec soin les thèses des uns et des autres, puis,
reprenant à son tour les arguments échangés par les deux parties, il finit à force de persévérance par les mettre d’accord. Non
seulement le concile n’eut plus qu’une seule voix pour exprimer la foi, mais il convint également du jour où tous devaient célébrer
la fête du sauveur102.
Eusèbe de Césarée, Vie de Constantin, III, 6-7 (vers 330)
Texte 4 : Ce concile a dû définir le dogme (ce auquel on doit croire) chrétien. Le Credo, ce qui veut dire je crois en latin, est
l’acte de foi du christianisme.
Nous croyons en un seul Dieu, le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, de toutes les choses visibles et invisibles. Nous
croyons en un seul Seigneur, Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu, qui pour nous les hommes et pour notre salut, est descendu des
cieux et s'est incarné par le Saint-Esprit dans la vierge Marie et a été fait homme. Il a été crucifié pour nous, il a souffert et il a été
mis au tombeau ; il est ressuscité des morts le troisième jour, conformément aux Écritures103 ; il est monté aux cieux où il siège à
la droite du Père. De là, il reviendra dans la gloire pour juger les vivants et les morts, et son règne n'aura pas de fin. Nous croyons
une seule Église, sainte, catholique et apostolique. Nous confessons un seul baptême pour la rémission des péchés ; nous attendons
la résurrection des morts et la vie du monde à venir. Amen.
Credo ou Symbole de Nicée, 325
1- Souligner dans les textes 2 et 4 des formules qui prouvent que les auteurs sont monothéistes (une demi-ligne au maximum).
Les deux auteurs ont-ils la même religion ? ………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………………………
Que promettent ces deux religions à leurs adeptes ? ……………………………………………………
………………………………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………………………
2- Explique avec les textes 1 et 3 que le message chrétien s’adresse à tout le monde (ne pas copier) :
Texte 1 : ……………………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………………………
Texte 3 : ……………………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………………………
3- Qui préside le concile œcuménique de Nicée ? …………………………………………………………
Quel rôle se donne-t-il dans l’Eglise catholique ? …………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………………………
Quel intérêt y a-t-il pour son pouvoir ? ……………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………………………
Rapprocher cette réponse d’une autre civilisation vue cette année en histoire : …………………………
………………………………………………………………………………………………………………
98 Hélios veut dire soleil en grec. 99 Cette phrase affirme l’éternité de l’âme qui existe avant la naissance et après la mort. La résurrection des corps est-elle sous-
entendue dans la formule « la vie des corps éternels » ? 100 Un concile est une réunion d’évêques. Nicée est une ville près de Constantinople. 101 Œcuménique = universel. Signifie ici l’ensemble de l’Empire romain. 102 La date de Pâques qui célèbre la Résurrection de Jésus. 103 Les Ecritures sont la Bible. Il s’agit ici des prophètes de l’Ancien Testament.
66
Les évangiles (en grec, la Bonne Nouvelle)
La nativité de Jésus : comparer deux évangiles Mathieu Luc Qui est Jésus ?
Quelle est sa mission ?
Qui sont ses ancêtres remarquables ?
Quel repère chronologique est donné par l’auteur ?
Quel événement oblige Marie et Joseph à changer de lieu ?
Pour quel(s) peuple(s) Jésus est-il le Messie ?
67
Récits de la nativité de Jésus
Abraham engendra Isaac, Isaac engendra Jacob,
[…] Jessé engendra le roi David. David engendra
Salomon, […] Josias engendra Jéchonias et ses frères
; ce fut alors la déportation à Babylone. Après la
déportation à Babylone, Jéchonias engendra
Salathiel, […], Jacob engendra Joseph, l'époux de
Marie, de laquelle naquit Jésus, que l'on appelle
Christ. Or telle fut la genèse de Jésus Christ. Marie, sa mère, était
fiancée à Joseph : or, avant qu'ils eussent mené vie commune,
elle se trouva enceinte par le fait de l'Esprit Saint. Joseph, son
mari, qui était un homme juste et ne voulait pas la dénoncer
publiquement, résolut de la répudier sans bruit. Alors qu'il avait
formé ce dessein, voici que l'Ange du Seigneur lui apparut en
songe et lui dit : " Joseph ne crains pas de prendre chez toi
Marie, ta femme : car ce qui a été engendré en elle vient de
l'Esprit Saint ; elle enfantera un fils, et tu l'appelleras du nom de
Jésus : car c'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. " Une
fois réveillé, Joseph fit comme l'Ange du Seigneur lui avait
prescrit : il prit chez lui sa femme ; et il ne coucha pas avec elle
jusqu'au jour où elle enfanta un fils, et il l'appela du nom de
Jésus.
Jésus étant né à Bethléem de Judée, au temps du roi Hérode,
voici que des mages venus d'Orient arrivèrent à Jérusalem en
disant : " Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons
vu, en effet, son astre à son lever et sommes venus lui rendre
hommage. " L'ayant appris, le roi Hérode s'émut, et tout
Jérusalem avec lui. Il assembla tous les grands prêtres avec les
scribes du peuple, et il s'enquérait auprès d'eux du lieu où devait
naître le Christ. " Alors Hérode manda secrètement les mages, se fit préciser par
eux le temps de l'apparition de l'astre, et les envoya à Bethléem
en disant : " Allez vous renseigner exactement sur l'enfant ; et
quand vous l'aurez trouvé, avisez-moi, afin que j'aille, moi
aussi, lui rendre hommage. " Sur ces paroles du roi, ils se mirent
en route ; et voici que l'astre, qu'ils avaient vu à son lever, les
précédait jusqu'à ce qu'il vînt s'arrêter au-dessus de l'endroit où
était l'enfant. A la vue de l'astre ils se réjouirent d'une très
grande joie. Entrant alors dans le logis, ils virent l'enfant avec
Marie sa mère, et, se prosternant, ils lui rendirent hommage ;
puis, ouvrant leurs cassettes, ils lui offrirent en présents de l'or,
de l'encens et de la myrrhe. Après quoi, avertis en songe de ne
point retourner chez Hérode, ils prirent une autre route pour
rentrer dans leur pays.
Après leur départ, voici que l'Ange du Seigneur
apparaît en songe à Joseph et lui dit : " Lève-toi,
prends avec toi l'enfant et sa mère, et fuis en Égypte ;
et restes-y jusqu'à ce que je te dise. Car Hérode va
rechercher l'enfant pour le faire périr. " Il se leva,
prit avec lui l'enfant et sa mère, de nuit, et se retira
en Égypte ; et il resta là jusqu'à la mort d'Hérode.
Alors Hérode, voyant qu'il avait été joué par les
mages, fut pris d'une violente fureur et envoya mettre
à mort, dans Bethléem et tout son territoire, tous les
enfants de moins de deux ans. Quand Hérode eut cessé de vivre, voici que l'Ange du Seigneur
apparaît en songe à Joseph, en Égypte, et lui dit : " Lève-toi,
prends avec toi l'enfant et sa mère, et mets-toi en route pour la
L'ange Gabriel fut envoyé par Dieu à une vierge fiancée à un
homme du nom de Joseph ; et le nom de la vierge était Marie. Il
entra et lui dit : " Réjouis-toi, comblée de grâce, le Seigneur est
avec toi. " A cette parole elle fut toute troublée, et elle se
demandait ce que signifiait cette salutation. Et l'ange lui dit : "
Sois sans crainte, Marie ; car tu as trouvé grâce auprès de Dieu.
Voici que tu enfanteras un fils, et tu l'appelleras du nom de
Jésus. Il sera grand, et sera appelé Fils du Très-Haut. Le
Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son ancêtre ; il
régnera sur la maison de Jacob pour les siècles et son règne
n'aura pas de fin. "
Or, il advint, en ces jours-là, que parut un édit de César
Auguste, ordonnant le recensement de tout le monde habité. Et
tous allaient se faire recenser, chacun dans sa ville. Joseph aussi
monta de Galilée, de la ville de Nazareth, en Judée, à la ville de
David, qui s'appelle Bethléem - parce qu'il était de la maison et
de la lignée de David - afin de se faire recenser avec Marie, sa
fiancée, qui était enceinte. Or il advint, comme ils étaient là,
qu’elle devait accoucher. Elle enfanta son fils premier-né,
l'enveloppa de langes et le coucha dans une crèche, parce qu'ils
manquaient de place dans la salle. Il y avait dans la même région des bergers qui vivaient aux
champs et gardaient leurs troupeaux durant les veilles de la nuit.
L'Ange du Seigneur se tint près d'eux et leur dit : " Soyez sans
crainte, car voici que je vous annonce une grande joie, qui sera
celle de tout le peuple : aujourd'hui vous est né un Sauveur, qui
est le Christ Seigneur, dans la ville de David. Et ceci vous
servira de signe : vous trouverez un nouveau-né enveloppé de
langes et couché dans une crèche. "
Et il advint, quand les anges les eurent quittés pour le
ciel, que les bergers se dirent entre eux : " Allons
jusqu'à Bethléem et voyons ce qui est arrivé et que le
Seigneur nous a fait connaître. " Ils vinrent donc en
hâte et trouvèrent Marie, Joseph et le nouveau-né
couché dans la crèche. Ayant vu, ils firent connaître
ce qui leur avait été dit de cet enfant ; et tous ceux
qui les entendirent furent étonnés de ce que leur
disaient les bergers. Et lorsque furent accomplis les huit jours pour sa circoncision,
il fut appelé du nom de Jésus, nom indiqué par l'ange avant sa
conception puis selon la Loi de Moïse, [ses parents]
l'emmenèrent à Jérusalem pour le présenter au [Temple du]
Seigneur. Et voici qu'il y avait à Jérusalem un homme du nom
de Syméon. Cet homme était juste et pieux ; il avait été
divinement averti par l'Esprit Saint qu'il ne verrait pas la mort
avant d'avoir vu le Christ du Seigneur. Il vint donc au Temple,
et quand les parents apportèrent le petit enfant Jésus, il le reçut
dans ses bras, bénit Dieu et dit :
" Maintenant, Souverain Maître, tu peux, selon ta parole, laisser
ton serviteur s'en aller en paix ; car mes yeux ont vu ton salut,
que tu as préparé à la face de tous les peuples, lumière pour
éclairer les Nations et gloire de ton peuple Israël. "
Et Jésus, lors des débuts [de sa prédication], avait environ trente
ans, et il était, à ce qu'on croyait, fils de Joseph, […], fils de
David, fils de Jessé, […], fils de Jacob, fils d'Isaac, fils
d'Abraham, fils de Thara, […], fils de Sem, fils de Noé, […],
fils de Seth, fils d'Adam, fils de Dieu.
Evangile selon Luc 1-3.
68
terre d'Israël ; car ils sont morts, ceux qui en voulaient à la vie
de l'enfant. " Il se leva, prit avec lui l'enfant et sa mère, et rentra
dans la terre d'Israël. Il se retira dans la région de Galilée et vint
s'établir dans une ville appelée Nazareth.
Evangile selon Mathieu 1-2
69
Comprendre les textes : Vocabulaire des mots en italiques :
Christ, messie, oint : Christos en grec se dit
messie en hébreu. En français oint (oindre).
Le roi David a été oint, c’est-à-dire
consacré par une huile sacrée.
Bethléem : ville natale du roi David selon
la Bible.
Roi Hérode : roi des Juifs mais soumis aux
Romains. Règne de 37 av. J.-C. à 1 ap. J.-
C.
Temple de Jérusalem ou Temple du
Seigneur : temple central de la religion
juive. Le culte y est assuré par les grands
prêtres avec les scribes du peuple.
Trône de David : l’ancienne royauté sur le
royaume de Juda (les Juifs).
Maison de Jacob : le peuple juif.
Le peuple (Israël) : l’ensemble des Juifs
Circoncision : excision du prépuce sur le
pénis. Elle est le signe de l’Alliance (avec
Dieu) dans la loi juive.
Loi de Moïse : la Torah, Loi juive donc la
Bible hébraïque.
Nations : les païens. Ici cela veut dire le
monde entier. Les Nations sont appelées
aussi les Gentils (Gentes = les peuples en
latin) ou les peuples.
Dans les deux textes souligner (un demi-ligne maximum) :
• En bleu les appellations de Dieu.
• En rouge les passages indiquant que Jésus est un Juif dans un milieu
juif.
• Répondre à l’aide du tableau des livres du Nouveau Testament (fiche
dans le cahier) :
Mathieu — Date :
……………………………………………………………
—Lieu :
………………………………………………………………………
— Courant du christianisme :
…………………………………………………
Luc : — Date :
………………………………………………………………
—Lieu :
………………………………………………………………………
— Courant du christianisme :
…………………………………………………
Comparer les deux textes Mathieu Luc
Qui est Jésus ?
(voir ses surnoms et ses titres dans le texte)
(premier et troisième
paragraphes)
(premier et troisième
paragraphes)
Quelle est sa mission ?
(recopier des morceaux du texte)
(deuxième paragraphe)
(premier et avant-dernier
paragraphes)
Qui sont ses ancêtres remarquables (en gras dans la
généalogie) ?
Quel repère chronologique est donné par l’auteur ? (troisième paragraphe)
(deuxième paragraphe)
Quel événement oblige Marie et Joseph à
déménager ?
(avant-dernier paragraphe)
(deuxième paragraphe)
Pour quel(s) peuple(s) Jésus est-il le Messie ?
(à faire en classe)
(à faire en classe)
70
La nativité de Jésus (évangile selon Luc)
L'ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, du nom de Nazareth, à une vierge fiancée à un homme du nom de
Joseph, de la maison de David ; et le nom de la vierge était Marie. Il entra et lui dit : " Réjouis-toi, comblée de grâce, le Seigneur
est avec toi. " A cette parole elle fut toute troublée, et elle se demandait ce que signifiait cette salutation. Et l'ange lui dit : " Sois
sans crainte, Marie ; car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici que tu concevras dans ton sein et enfanteras un fils, et tu
l'appelleras du nom de Jésus. Il sera grand, et sera appelé Fils du Très-Haut. Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son
père ; il régnera sur la maison de Jacob pour les siècles et son règne n'aura pas de fin104. "
Mais Marie dit à l'ange : " Comment cela sera-t-il, puisque je ne connais pas d'homme ? " L'ange lui répondit : " L'Esprit Saint
viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c'est pourquoi l'être saint qui naîtra sera appelé Fils de
Dieu. Marie dit alors : " Je suis la servante du Seigneur ; qu'il m'advienne selon ta parole ! " Et l'ange la quitta.
Or, il advint, en ces jours-là, que parut un édit de César Auguste, ordonnant le recensement de tout le monde habité. Ce
recensement, le premier, eut lieu pendant que Quirinius était gouverneur de Syrie105. Et tous allaient se faire recenser, chacun dans
sa ville. Joseph aussi monta de Galilée, de la ville de Nazareth, en Judée, à la ville de David, qui s'appelle Bethléem - parce qu'il
était de la maison et de la lignée de David106 - afin de se faire recenser avec Marie, sa fiancée, qui était enceinte. Or il advint,
comme ils étaient là, que les jours furent accomplis où elle devait enfanter. Elle enfanta son fils premier-né, l'enveloppa de langes
et le coucha dans une crèche, parce qu'ils manquaient de place dans la salle.
Il y avait dans la même région des bergers qui vivaient aux champs et gardaient leurs troupeaux durant les veilles de la nuit.
L'Ange du Seigneur se tint près d'eux et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa clarté ; et ils furent saisis d'une grande crainte.
Mais l'ange leur dit : " Soyez sans crainte, car voici que je vous annonce une grande joie, qui sera celle de tout le peuple :
aujourd'hui vous est né un Sauveur, qui est le Christ Seigneur, dans la ville de David. Et ceci vous servira de signe : vous
trouverez un nouveau-né enveloppé de langes et couché dans une crèche. " Et soudain se joignit à l'ange une troupe nombreuse de
l'armée céleste, qui louait Dieu, en disant :
" Gloire à Dieu au plus haut des cieux et sur la terre paix aux hommes objets de sa complaisance ! "
Et il advint, quand les anges les eurent quittés pour le ciel, que les bergers se dirent entre eux : " Allons jusqu'à Bethléem et
voyons ce qui est arrivé et que le Seigneur nous a fait connaître. " Ils vinrent donc en hâte et trouvèrent Marie, Joseph et le
nouveau-né couché dans la crèche. Ayant vu, ils firent connaître ce qui leur avait été dit de cet enfant ; et tous ceux qui les
entendirent furent étonnés de ce que leur disaient les bergers. Quant à Marie, elle conservait avec soin toutes ces choses, les
méditant en son cœur. Puis les bergers s'en retournèrent, glorifiant et louant Dieu pour tout ce qu'ils avaient entendu et vu, suivant
ce qui leur avait été annoncé.
Et lorsque furent accomplis les huit jours pour sa circoncision107, il fut appelé du nom de Jésus, nom indiqué par l'ange avant sa
conception.
Et lorsque furent accomplis les jours pour leur purification, selon la Loi de Moïse, ils l'emmenèrent à Jérusalem pour le présenter
au [Temple du] Seigneur, selon qu'il est écrit dans la Loi du Seigneur108. Et voici qu'il y avait à Jérusalem un homme du nom de
Syméon. Cet homme était juste et pieux ; il avait été divinement averti par l'Esprit Saint qu'il ne verrait pas la mort avant d'avoir
vu le Christ109 du Seigneur. Il vint donc au Temple, poussé par l'Esprit, et quand les parents apportèrent le petit enfant Jésus pour
accomplir les prescriptions de la Loi à son égard, il le reçut dans ses bras, bénit Dieu et dit :
" Maintenant, Souverain Maître, tu peux, selon ta parole, laisser ton serviteur s'en aller en paix ; car mes yeux ont vu ton salut, que
tu as préparé à la face de tous les peuples, lumière pour éclairer les Nations110 et gloire de ton peuple Israël. "
Et quand ils eurent accompli tout ce qui était conforme à la Loi du Seigneur, ils retournèrent en Galilée, à Nazareth, leur ville.
Cependant l'enfant grandissait, se fortifiait et se remplissait de sagesse. Et la grâce de Dieu était sur lui.
Et Jésus, lors de ses débuts, avait environ trente ans, et il était, à ce qu'on croyait, fils de Joseph, […], fils de David, fils de Jessé,
[…], fils de Jacob, fils d'Isaac, fils d'Abraham, fils de Thara, […], fils de Sem, fils de Noé, […], fils de Seth, fils d'Adam, fils
de Dieu.
Evangile selon Luc 1-3.
• A l’aide du tableau des textes du Nouveau Testament trouver la date et le courant du christianisme où a été
rédigé ce texte.
• Souligner de bleu les appellations de Dieu
• Souligner de rouge les indices que Jésus est un Juif dans un milieu juif.
• Remplir le tableau de comparaison avec l’Evangile selon Mathieu.
104 Voir la généalogie à la fin du texte. 105 Il n’y nulle trace de ce genre de recensement dans l’histoire romaine. 106 La Bible fait naître le roi David à Bethléem. 107 La circoncision est le signe de l’Alliance (avec Dieu) dans la loi juive. 108 Il s’agit de la Torah, la Loi juive donc la Bible hébraïque. 109 Christos en grec veut dire oint qui se dit messie en hébreu. Le roi David a été oint, c’est-à-dire consacré par une huile sacrée. 110 Dans la Bible, les Nations appelées aussi les Gentils (Gentes = les peuples en latin) ou les peuples sont les païens. Ici cela veut
dire le monde entier.
71
La foi dans l’Antiquité tardive : paganisme et christianisme
Le concile de Nicée111 en 325, convoqué et présidé par l’empereur Constantin a dû définir le dogme (ce auquel on doit croire)
chrétien. Le Credo, ce qui veut dire je crois en latin, est l’acte de foi du christianisme. Nous croyons en un seul Dieu, le P•re tout-puissant, crŽateur du ciel et de la terre, de toutes les choses visibles et invisibles. Nous croyons en un seul Seigneur, JŽsus-Christ, le Fils unique de Dieu, nŽ du P•re avant tous les si•cles, Dieu venu de Dieu,
lumi•re issue de la lumi•re, vrai Dieu issu du vrai Dieu, engendrŽ et non crŽŽ, d'une m•me substance que le P•re112
et par qui
tout a ŽtŽ fait ; qui pour nous les hommes et pour notre salut, est descendu des cieux et s'est incarnŽ113
par le Saint-Esprit dans la
vierge Marie et a ŽtŽ fait homme. Il a ŽtŽ crucifiŽ pour nous sous Ponce-Pilate, il a souffert et il a ŽtŽ mis au tombeau ; il est
ressuscitŽ des morts le troisi�me jour, conformŽment aux ƒcritures114
; il est montŽ aux cieux o� il si�ge ˆ la droite du P�re. De
lˆ, il reviendra dans la gloire pour juger les vivants et les morts, et son r•gne n'aura pas de fin. Nous croyons en l'Esprit-Saint, qui
r�gne et qui donne la vie, qui proc�de du P�re, qui a parlŽ par les Proph�tes115
, qui avec le P�re et le Fils est adorŽ et
glorifiŽ ; nous croyons une seule ƒglise, sainte, catholique et apostolique116
. Nous confessons un seul bapt�me pour la rŽmission
des pŽchŽs ; nous attendons la rŽsurrection des morts et la vie du monde ˆ venir. Amen.
Credo ou Symbole de NicŽe, 325
L’empereur Julien (361-363) dit l’Apostat (celui qui renie Dieu) a voulu rétablir le paganisme comme religion d’Etat. Entouré de
philosophes, des néoplatoniciens païens, lui-même philosophe, il nous a laissé des œuvres exposant le paganisme de la fin de
l’Antiquité.
Nous dirons donc que du dieu unique, de l’Un du monde intelligible provient, unique lui aussi, le roi Hélios117, destiné à être
l’intermédiaire des dieux intelligents dont il occupe le centre, exerçant sous maintes formes sa médiation conciliatrice, amicale,
pacificatrice. Il rassemble dans l’unité les derniers avec les premiers ; il détient le pouvoir médiateur de parfaire, de rassembler,
d’infuser la vie, de sublimer l’essence118 ; à l’univers sensible, il apporte toutes sortes de biens, non seulement parce que sa
rayonnante clarté prête à cet univers une beauté resplendissante, mais encore parce qu’il lui accorde conjointement l’essence des
anges solaires et recèle la cause inengendrée des êtres en formation, à laquelle s’ajoute, antérieure à celle-ci, la cause toujours
jeune et immuable de la vie des corps éternels119.
Julien, Hymne à Hélios-Roi, 25 décembre 362
Attention, ce sont deux textes difficiles car il traitent de théologie (science des choses divines). Lorsque vous
ne comprenez pas un passage, le passer pour se centrer sur l’essentiel dans le texte.
1- Présenter ces deux textes dans leur contexte historique. Présenter et comparer les deux auteurs (le premier
auteur est un auteur collectif).
2- Trouver dans le premier texte les traces de l’origine juive du christianisme.
3- Trouver dans le deuxième texte les traces du polythéisme antique.
4- Démontrer que ces deux textes sont des affirmations monothéistes. Monothéiste pur pour le premier,
unitariste pour le second (l’unitarisme ou syncrétisme vise à réunir tous les dieux en un seul).
5- Démontrer que ces deux textes promettent la même chose concernant le Salut (la vie après la mort).
6- Rédiger quelques lignes sur le paganisme et le christianisme durant l’Empire tardif (IIIe-IVe siècles).
111 Un concile est une réunion d’évêques. Nicée est une ville près de Constantinople. 112 Ces deux lignes sont pour combattre l’hérésie arienne qui présente Jésus inférieur à Dieu le père et donc de nature (substance)
humaine avant sa nature divine. Le Credo définit en fait la Trinité, Dieu présent sous trois formes, le Père, le Fils et le Saint-
Esprit, égales dans la divinité. Ces débats de christologie, sur la nature du Christ, ont déchiré les chrétiens entre eux du IIIe au VIIe
siècle. 113 Incarné veut bien dire fait chair, chair humaine. 114 Les Ecritures sont la Bible. Il s’agit ici des prophètes de l’Ancien Testament. 115 Les prophètes de l’Ancien Testament inspirés par le Saint-Esprit. 116 Une seule Eglise pour lutter contre la dispersion créée par les hérésies. Catholique en grec veut dire universel. Apostolique veut
dire fondé par les apôtres. 117 Hélios veut dire soleil en grec. 118 L’essence est la nature profonde d’un dieu ou d’un homme. 119 Cette phrase affirme l’éternité de l’âme qui existe avant la naissance et après la mort. La résurrection des corps est-elle sous-
entendue dans la formule « la vie des corps éternels » ?
72
Récit de la nativité de Jésus (évangile selon
Mathieu)
Livre de la genèse de Jésus Christ, fils de David, fils d'Abraham :
Abraham engendra Isaac, Isaac engendra Jacob, […] Jessé engendra le roi David. David engendra Salomon, […] Josias
engendra Jéchonias et ses frères ; ce fut alors la déportation à Babylone. Après la déportation à Babylone, Jéchonias engendra
Salathiel, […], Jacob engendra Joseph, l'époux de Marie, de laquelle naquit Jésus, que l'on appelle Christ.
Le total des générations est donc : d'Abraham à David, quatorze générations ; de David à la déportation de Babylone, quatorze
générations ; de la déportation de Babylone au Christ, quatorze générations.
Or telle fut la genèse de Jésus Christ. Marie, sa mère, était fiancée à Joseph : or, avant qu'ils eussent mené vie commune, elle se
trouva enceinte par le fait de l'Esprit Saint. Joseph, son mari, qui était un homme juste et ne voulait pas la dénoncer publiquement,
résolut de la répudier sans bruit. Alors qu'il avait formé ce dessein, voici que l'Ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : "
Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ta femme : car ce qui a été engendré en elle vient de l'Esprit Saint ;
elle enfantera un fils, et tu l'appelleras du nom de Jésus : car c'est lui qui sauvera son peuple120 de ses péchés. " Or tout ceci advint
pour que s'accomplît cet oracle prophétique du Seigneur :
Voici que la vierge concevra et enfantera un fils, et on l'appellera du nom d'Emmanuel, ce qui se traduit : " Dieu avec nous "121.
Une fois réveillé, Joseph fit comme l'Ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui sa femme ; et il ne coucha pas avec elle
jusqu'au jour où elle enfanta un fils, et il l'appela du nom de Jésus.
Jésus étant né à Bethléem de Judée, au temps du roi Hérode122, voici que des mages venus d'Orient arrivèrent à Jérusalem en
disant : " Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu, en effet, son astre à son lever et sommes venus lui rendre
hommage. " L'ayant appris, le roi Hérode s'émut, et tout Jérusalem avec lui. Il assembla tous les grands prêtres avec les scribes du
peuple, et il s'enquérait auprès d'eux du lieu où devait naître le Christ. " A Bethléem de Judée, lui dirent-ils ; ainsi, en effet, est-il
écrit par le prophète :
Et toi, Bethléem, terre de Juda,
tu n'es nullement le moindre des clans de Juda ;
car de toi sortira un chef
qui sera pasteur de mon peuple Israël.123 " Alors Hérode manda secrètement les mages, se fit préciser par eux le temps de l'apparition de l'astre, et les envoya à Bethléem en
disant : " Allez vous renseigner exactement sur l'enfant ; et quand vous l'aurez trouvé, avisez-moi, afin que j'aille, moi aussi, lui
rendre hommage. " Sur ces paroles du roi, ils se mirent en route ; et voici que l'astre, qu'ils avaient vu à son lever, les précédait
jusqu'à ce qu'il vînt s'arrêter au-dessus de l'endroit où était l'enfant. A la vue de l'astre ils se réjouirent d'une très grande joie.
Entrant alors dans le logis, ils virent l'enfant avec Marie sa mère, et, se prosternant, ils lui rendirent hommage ; puis, ouvrant leurs
cassettes, ils lui offrirent en présents de l'or, de l'encens et de la myrrhe. Après quoi, avertis en songe de ne point retourner chez
Hérode, ils prirent une autre route pour rentrer dans leur pays.
Après leur départ, voici que l'Ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph et lui dit : " Lève-toi, prends
avec toi l'enfant et sa mère, et fuis en Égypte ; et restes-y jusqu'à ce que je te dise. Car Hérode va
rechercher l'enfant pour le faire périr. " Il se leva, prit avec lui l'enfant et sa mère, de nuit, et se retira en
Égypte ; et il resta là jusqu'à la mort d'Hérode.
Alors Hérode, voyant qu'il avait été joué par les mages, fut pris d'une violente fureur et envoya mettre à mort, dans Bethléem et
tout son territoire, tous les enfants de moins de deux ans.
Quand Hérode eut cessé de vivre, voici que l'Ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph, en Égypte, et lui dit : " Lève-toi,
prends avec toi l'enfant et sa mère, et mets-toi en route pour la terre d'Israël ; car ils sont morts, ceux qui en voulaient à la vie de
l'enfant. " Il se leva, prit avec lui l'enfant et sa mère, et rentra dans la terre d'Israël. Il se retira dans la région de Galilée et vint
s'établir dans une ville appelée Nazareth ; pour que s'accomplît l'oracle des prophètes : Il sera appelé Nazôréen124.
Evangile selon Mathieu 1-2
• A l’aide du tableau des textes du Nouveau Testament trouver la date et le courant du christianisme où a été
rédigé ce texte.
• Souligner de bleu les appellations de Dieu
• Souligner de rouge les indices que Jésus est un Juif dans un milieu juif.
• Remplir le tableau de comparaison avec l’Evangile selon Luc.
120 Dans tout le texte le mot peuple renvoie au peuple juif. 121 Citation de Isaïe 7, 14 : le prophète Isaïe décrit l’espérance qu’un messie rendra au peuple juif le royaume de Juda. 122 Le roi Hérode, roi des Juifs mais soumis aux Romains règne de 37 av. J.-C. à 1 ap. J.-C. 123 Citation de Michée 5 1-3 : le prophète Michée décrit la naissance du roi David à Bethléem. 124 Jeu de mot entre la ville de Nazareth et nazoréen pieux en araméen.