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Mémoire de fin d'études présenté pour l'obtention du Master d’Ecole d’Ingénieur Option : Développement Agricole et Rural au Sud (DARS) Spécialité : Ressources, Systèmes Agricoles et Développement (RESAD) Déterminants agronomiques et de l’action collective dans la transition agroécologique : contribution à la conception d’un outil d’analyse. Applications aux cas du CIVAM Empreinte (Languedoc- Roussillon) et du CIVAM Oasis (Champagne-Ardenne) Par Casilde GRATACOS Année de soutenance : 2015 Organismes d’accueil : UMR Innovation (INRA) et FNCUMA

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Mémoire de fin d'études

présenté pour l'obtention du Master d’Ecole d’Ingénieur

Option : Développement Agricole et Rural au Sud (DARS)

Spécialité : Ressources, Systèmes Agricoles et Développement (RESAD)

Déterminants agronomiques et de l’action collective dans la transition agroécologique : contribution à la

conception d’un outil d’analyse.

Applications aux cas du CIVAM Empreinte (Languedoc-Roussillon) et du CIVAM Oasis (Champagne-Ardenne)

Par Casilde GRATACOS

Année de soutenance : 2015

Organismes d’accueil : UMR Innovation (INRA) et FNCUMA

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Mémoire de fin d'études

présenté pour l'obtention du Master d’Ecole d’Ingénieur

Option : Développement Agricole et Rural au Sud (DARS)

Spécialité : Ressources, Systèmes Agricoles et Développement (RESAD)

Déterminants agronomiques et de l’action collective dans la transition agroécologique : contribution à la

conception d’un outil d’analyse.

Applications aux cas du CIVAM Empreinte (Languedoc-Roussillon) et du CIVAM Oasis (Champagne-Ardenne)

par Casilde GRATACOS

Année de soutenance : 2015

Mémoire préparé sous la direction de :

Stéphane DE TOURDONNET

Présenté le : 30/10/2015

devant le jury :

Pierre GASSELIN

Stéphane DE TOURDONNET

Anne-Claire PIGNAL

Organisme d'accueil : UMR Innovation

et FNCUMA

Maîtres de stage :

Pierre GASSELIN

Véronique LUCAS

Roberto CITTADINI

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RESUME

Le « projet agroécologique pour la France » lancé en 2012 par le Ministère de l’Agriculture place l’agroécologie au cœur des enjeux politiques, scientifiques et environnementaux actuels.

La Fédération Nationale des Coopératives d’Utilisation du Matériel Agricole (FNCUMA) constate depuis peu que les collectifs d’agriculteurs qu’elle accompagne, sont au cœur de différentes formes d’actions collectives, parfois afin d’appuyer leur transition vers des systèmes agroécologiques. Au travers du projet CapVert, la FNCUMA souhaite caractériser ces nouvelles formes organisationnelles afin de mieux les accompagner. Dans ce but, la FNCUMA et les organisations agricoles partenaires, proposent à travers le projet CapVert de construire des outils facilitant le renouvellement de leurs pratiques d’accompagnement.

Dans ce cadre, ce stage a consisté à concevoir un outil d’analyse permettant d’apprécier l’influence des actions collectives sur les transitions agroécologiques. Ce mémoire fait état d’un travail réalisé en binôme. Une revue bibliographique a d’abord permis d’enrichir la grille d’analyse conçue lors du précédent stage. Les nouvelles variables visent à repérer les dimensions à l’œuvre dans une transition agroécologique ainsi que les ressources mobilisées par les groupes pour lever les contraintes à leurs transitions. La nouvelle grille d’analyse a été validée grâce à une mise à l’épreuve sur quatre terrains. Une dernière phase a consisté à élaborer un protocole d’utilisation du nouvel outil à destination des institutions accompagnant les collectifs en transition.

Ce mémoire présente l’analyse et la discussion des résultats obtenus sur deux études de cas, en Champagne-Ardenne et en Languedoc-Roussillon. Pour créer les conditions favorables au développement de systèmes agroécologiques, il apparaît nécessaire de soutenir les collectifs d’agriculteurs et les structures qui les accompagnent, pour permettre de nouveaux apprentissages et le renouvellement des compétences.

Mots clés : Accompagnement, action collective, agroécologie, changement de

pratiques, CapVert, Coopération Agricole de Production (CAP), outil d’analyse, transition agroécologique

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ABSTRACT

The "agro-ecological project for France,” launched in 2012 by the Ministry of Agriculture, places agro-ecology at the heart of the current political, scientific and environmental debate.

The National Federation of Cooperatives for the Use of Agricultural Equipment (FNCUMA) noted recently that the collectives that it supports are at the center of different forms of collective action, supporting their transition towards agro-ecological systems. Through the CapVert project, FNCUMA wishes to identify these new organizational forms in order to better support them. To this end, FNCUMA and partner agricultural organizations have offered to create tools to facilitate the renewal of their support practices through CapVert

In this context, this internship was designed to develop an analytical tool for assessing the impact of collective action on agro-ecological transition. This thesis work was completed in pairs. A literature review of core concepts and the issues surrounding them allowed for the enrichment of the analytical framework developed in the previous internship. The new variables are aimed to identify the multiple dimensions at work during agro-ecological transition as well as the resources mobilized by groups to remove constraints and move forward in their transition. This new analytical tool has been validated through tests at four different test sites. The last step consisted of developing a protocol for using the new tool among institutions supporting collectives in transition.

This paper presents an analysis and discussion of the results obtained at two case sites, in Champagne-Ardenne and Languedoc-Roussillon. In order to create favorable conditions for the development of agro-ecological systems, it seems necessary to support the collective farmers and support structures that allow for the development of new skills and learning.

Key words: Support, collective action, agro-ecology, changes in farming

practices, CapVert, Cooperation Agricole de Production (CAP), analytical tool,

agro-ecological transition.

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AVERTISSEMENT AU LECTEUR

Ce stage ayant été réalisé en binôme, un certain nombre de parties ont été produites et rédigées en commun. Chaque titre de partie réalisée entièrement en commun est annoté avec un astérisque « * ».

Le contenu et les opinions de ce mémoire n’engagent que leur auteur. Elles ne

reflètent donc pas les positions des acteurs interrogés ou des membres du projet CapVert.

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REMERCIEMENTS

Mes remerciements vont d’abord à mes maîtres de stage, Pierre Gasselin, Roberto Cittadini et Véronique Lucas, dont l’encadrement a été précieux tout au long de ce travail. Merci pour leur patience, leurs conseils et leurs nombreuses relectures. Un grand merci à Roberto qui m’a accompagnée pendant ma première phase de terrain, sans qui je n’aurais pas pu réaliser ce mois fantastique.

Merci à Stéphane, mon tuteur pédagogique, qui a su répondre à mes questions et

orienter mon travail. Merci aux éleveurs du CIVAM Empreinte pour avoir partagé leurs expériences, leur

temps et m’avoir fait découvrir le pastoralisme. Merci pour les bons moments et découvertes musicales lors du festival chez Frédéric.

Merci aux agriculteurs du CIVAM Oasis pour avoir pris le temps de me recevoir, de

m’expliquer leur travail et leur histoire. Merci à ceux qui ont accepté de faire le déplacement pour s’entretenir avec moi.

Merci aux animateurs des CIVAM, Didier et Barthélémy, pour leur bienveillance, leur

temps et pour m’avoir introduite auprès de leur groupe et guidée dans mes phases de terrain. Merci à ma binôme, Clara, sans qui ce travail n’aurait pas pu être aussi riche et

intéressant. Merci pour tes conseils avisés et ces soirées rédaction qui nous ont rendu agréable cette dernière ligne droite.

Merci à Claire et Charles-Henri d’avoir pris le temps de me relire et me conseiller

quand j’avais des doutes. Merci à Yoann, Manon et tous les autres qui ont été présents pendant ces deux mois de

rédaction à Montpellier.

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TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION .............................................................................................................................. 12

Contexte général et institutionnel* ........................................................................................... 13

Contexte général : le triptyque de la transition agroécologique, de l’action collective et de l’accompagnement* ......................................................................................................... 13

La transition agroécologique, un concept polysémique au centre des préoccupations scientifiques et politiques* .................................................................... 13

L’action collective comme outil pour faciliter la transition* ........................... 14

Renouveler les pratiques d’accompagnement pour soutenir ces nouvelles formes de coopération* ................................................................................................... 15

Contexte du projet* ......................................................................................................... 16

L’origine du projet* .......................................................................................... 16

CapVert, un projet de recherche-développement* ........................................... 17

Problématisation de l’étude : l’enrichissement de l’outil d’analyse* ....................................... 18

Le processus de conception de l’outil d’analyse....................................................................... 20

La méthodologie générale : une position d’ingénierie de la conception qui suppose d’être instruit par les productions de la recherche et du terrain* .............................................. 20

Le point de départ : la révision d’un outil existant* ........................................................ 21

L’enrichissement de l’outil : une démarche pour construire de nouvelles variables d’analyse* ................................................................................................................................. 21

Une phase de bibliographie personnelle et orientée* ....................................... 21

Un processus de co-construction permis par une relation étroite avec le comité de suivi* .......................................................................................................................... 22

Mise à l’épreuve sur deux terrains .................................................................................. 22

Le choix des terrains : le processus de candidature CapVert* ......................... 22

Description des terrains .................................................................................... 24

Retour de terrain* ............................................................................................................ 26

Résultats .................................................................................................................................... 27

Un nouvel outil de diagnostic* ....................................................................................... 27

Les nouvelles variables* ................................................................................... 27

Un nouveau protocole d’utilisation des nouvelles variables* .......................... 29

Etudes de cas : CIVAM Empreinte et CIVAM Oasis ..................................................... 35

Le CIVAM Empreinte : le pastoralisme comme modèle d’élevage et mode de vie 35

Le CIVAM Oasis ou comment « intégrer l’environnement comme facteur de production agricole » ? ................................................................................................... 42

Analyses et discussion .............................................................................................................. 50

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Approche comparative des deux études de cas : qu’apprennent-elles au sujet de la transition agroécologique et des dynamiques collectives ? ...................................................... 50

Quels enseignements tirer de l’analyse croisée des deux études de cas ? ........ 50

Discussion des produits du nouvel outil d’analyse ......................................................... 54

Les intérêts de l’outil pour l’analyse des transitions agroécologiques en contexte collectif ............................................................................................................. 54

Limites de l’outil d’analyse .............................................................................. 55

D’un outil d’analyse à un outil d’accompagnement * .................................................... 56

Les caractéristiques d’un outil pensé pour l’accompagnement * ..................... 56

Discussion des pistes d’instrumentation ........................................................... 57

Limites de la méthodologie ............................................................................................. 59

L’étude et la qualification des transitions agroécologiques .............................. 59

L’étude et la caractérisation des actions collectives ......................................... 61

CONCLUSION .................................................................................................................................. 63

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES ........................................................................................... 64

ANNEXE 1 : Grille d’analyse complète ............................................................................................ 68

ANNEXE 2 : Guides d’entretien ........................................................................................................ 83

ANNEXE 3 : Extrait de l’étude de Le Cunff (2014) « Analyser les données et produire des éléments de synthèse » ....................................................................................................................... 97

ANNEXE 4 : Correspondance entre les variables et le guide d’entretien........................................ 102

ANNEXE 5 : Illustrations des outils de classement ......................................................................... 104

ANNEXE 6 : Un exemple de monographie individuelle ................................................................. 112

ANNEXE 7 : Méthodes utilisées pour réaliser des typologies de raisons, de conditions et de transitions agroécologiques .............................................................................................................. 120

ANNEXE 8 : Justification du qualificatif « agroécologique » ......................................................... 124

ANNEXE 10 : Monographie du groupe CIVAM Empreinte ........................................................... 136

ANNEXE 11 : Monographie du groupe CIVAM Oasis................................................................... 156

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SIGLES ET ACRONYMES

AB : Agriculture Biologique

ASA : Associations Syndicales Autorisées

CAP : Coopération Agricole de Production

CASDAR : Compte d'Affectation Spécial pour le Développement Agricole et Rural

CEN : Conservatoire d’Espaces Naturels

CETA : Centre d’Etudes des Techniques Agricoles

CIPAN : Cultures Intermédiaires Pièges A Nitrate

CIVAM : Centre d’Initiatives pour Valoriser l’Agriculture et le Milieu rural

CoPil : Comité de Pilotage

CS : Comité Scientifique

CSO : Comité de Suivi Opérationnel

DDTM : Direction Départementale des Territoires et de la Mer

DRAAF : Direction Régionale de l'Alimentation de l'Agriculture et de la Forêt

FDSEA : Fédérations Départementales des Syndicats d'Exploitants Agricoles

FNCIVAM : Fédération Nationale des Centres d'Initiatives pour Valoriser l'Agriculture et le Milieu rural

FNCUMA : Fédération Nationale des Coopératives d’Utilisation du Matériel Agricole

FRAB : Fédération Régionale d’Agrobiologistes

GEDA : Groupe d’Etudes et de Développement Agricole

GIEE : Groupement d’Intérêt Economique et Environnemental

IAE : Infrastructures Agro-Ecologiques

INRA : Institut National de la Recherche Agronomique

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LPO : Ligue de Protection des Oiseaux

MAAF : Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt

MCAE : Mobilisation Collective pour l’AgroEcologie

PAC : Politique Agricole Commune

PPS : Produits Phytosanitaires

SPEA : Systèmes de Production Economes et Autonomes en Intrants

TCS : Techniques Culturales Simplifiées

TVB : Trame Verte et Bleue

UMR : Unité Mixte de Recherche

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LISTE DES FIGURES

Figure 1 : Chronologie du processus de recherche-action mené par la FNCUMA (Lucas et al., 2014) ................................................................................................................... 17

Figure 2 : Schéma conceptuel des objets d’étude ......................................................... 19

Figure 3 : Localisation des groupes pilotes du projet CapVert .................................... 23

Figure 4 : Les méthodes d'analyses proposées ............................................................. 34

Figure 5 : Les dates clefs depuis la création du CIVAM Empreinte ............................ 35

Figure 6 : Les transitions agroécologiques des types 1 et 2 ......................................... 38

Figure 7 : Les transitions agroécologiques des types 3 et 4 ......................................... 39

Figure 8 : Les différents niveaux d'action collective au sein et autour du CIVAM Empreinte ................................................................................................................................. 40

Figure 9 : Les transitions agroécologiques de type 1 et 2 ............................................ 44

Figure 10 : Les transitions agroécologiques s’appuyant sur la re-conception, type 3 .. 45

Figure 11 : Les transitions agroécologiques s’appuyant sur la re-conception, type 4 .. 46

Figure 12 : Les transitions agroécologiques s’appuyant sur la re-conception, type 5 .. 47

Figure 13 : Les transitions agroécologiques s’appuyant sur la re-conception, type 4 168

Figure 14 : Schéma des organisations du réseau du CIVAM Oasis ........................... 177

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 : Organisation de la variable 1.1 .................................................................. 27

Tableau 2 : Organisation de la variable 2.1 .................................................................. 28

Tableau 3 : Organisation de la variable 2.2 .................................................................. 28

Tableau 4 : Organisation de la variable 3 ..................................................................... 29

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INTRODUCTION

Le modèle de l’agriculture productiviste d’après-guerre est aujourd’hui largement critiqué. Les nombreux constats de ses impacts négatifs tant au niveau environnemental (Duru et al., 2014) que social (Even, 2009) incitent l’agriculture à se réformer. L’International Assessment of Agricultural Science Knowledge and Technology for Development (IAASTD), marque la reconnaissance de la nécessité de changer de modèle agricole. Cette évaluation internationale incite à « trouver des moyens d’utiliser les connaissances, les sciences et les technologies agricoles pour (…) promouvoir un développement équitable et durable sur les plans écologique, social et économique » (IAASTD, 2008).

En France, le constat est marqué en 2012, par la nouvelle politique du Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt (MAAF). Cette dernière est incarnée par le plan d’action national « produire autrement ». Le Ministre Stéphane Le Foll affiche, dans son projet agro-écologique pour la France (Le Foll, 2013), l’objectif de mobiliser les agriculteurs pour faire de la France le leader de l’agro-écologie. Pour appuyer le développement d’une agriculture conciliant performance économique et environnementale, le Ministre invite à s’appuyer sur les démarches collectives.

Pour ce faire, les Groupements d’Intérêt Economique et Environnemental (GIEE) sont créés en 2015. L’objectif est de permettre une reconnaissance officielle par l’Etat de l’engagement collectif d’agriculteurs dans la modification ou la consolidation de leurs pratiques en visant une performance économique, environnementale et sociale. Ces GIEE constituent l’un des outils structurants du projet agro-écologique pour la France.

Pour faciliter leurs processus de changements, les agriculteurs sont donc incités à se regrouper. Si le rôle de l’action collective dans le soutien de la transition agroécologique est questionné et étudié (Guillou et al. 2013 ; Lucas, 2013), il en est de même pour les acteurs accompagnant les collectifs d’agriculteurs (Guillou et al., 2013). Accompagner la transition des groupes d'agriculteurs passera ainsi par un conseil agricole renouvelé (Guillou et al., 2013).

C’est dans ce contexte que s’intègre le projet CapVert. Celui-ci fait le constat de l’existence en France de formes d’action collective contribuant à créer des conditions facilitant la mise en place de pratiques agroécologiques. Les deux stages donnant lieu à la présente étude ont pour objectif de contribuer à l’analyse des dynamiques collectives en lien avec les transitions agroécologiques, en enrichissant un outil d’analyse conçu en 2014 lors de la première phase du projet.

Pour ce faire, l’étude s’est d’abord appuyée sur un corpus bibliographique présentant les principaux concepts et enjeux de l’action collective et de la transition agroécologique. Ce corpus a permis de construire une grille d’analyse de ces dynamiques, validée par la suite par une mise à l’épreuve sur le terrain, à travers l’étude de quatre groupes d’agriculteurs. Après un rappel du contexte de l’étude et de la démarche mise en œuvre, le présent mémoire présente les résultats et propose enfin une discussion de ces derniers.

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Contexte général et institutionnel*

Contexte général : le triptyque de la transition agroécologique, de

l’action collective et de l’accompagnement*

La transition agroécologique, un concept polysémique au centre des

préoccupations scientifiques et politiques*

Le nouveau projet politique pour la France du Ministère de l’Agriculture*

Le modèle de l’agriculture productiviste et industrielle d’après-guerre est largement critiqué aujourd’hui. De nombreux constats d’impacts négatifs de ce modèle tant au niveau environnemental (Duru et al., 2014) que social (Even, 2009), voient le jour, face auxquels des réglementations se multiplient en France et en Europe. Ainsi, des efforts sont faits pour tendre vers une agriculture qui répondrait aux trois piliers social, environnemental et économique de la « durabilité ».

C'est dans ce sens qu'en 2012, le Ministère de l’Agriculture lance un plan d’action national pour inciter les systèmes agricoles à « produire autrement » et ce, sous le nom de « projet agroécologique pour la France » (Le Foll, 2012). Concrètement, un outil structurant voit le jour : le « Groupement d’Intérêt Economique et Environnemental » (GIEE). Ce dernier correspond à un collectif d’agriculteurs reconnu par l’État et qui s’engage dans des projets dont les objectifs sont de développer des pratiques agricoles qualifiées « d’agroécologiques » répondant aux trois piliers de la durabilité. Le projet du Ministère s'accompagne d'un soutien et d'une reconnaissance de ces GIEE, notamment via un accès facilité ou prioritaire à certaines aides existantes.

De multiples tentatives de définitions dans les milieux scientifiques*

Le terme « agroécologie » nécessite d’être explicité du fait de son caractère polysémique. Son utilisation dans les publications scientifiques pour désigner un nouveau modèle agricole offre des définitions variées. Le terme renvoie à la fois à une discipline scientifique, à un ensemble de pratiques agricoles et à un mouvement social (Schaller, 2013). Du point de vue de la discipline, l’agroécologie se situe à la croisée des sciences agronomiques et de l’écologie (INRA, 2013). Au niveau des pratiques agricoles, c’est l’application de l’écologie aux agro-écosystèmes (Altieri, 1983 ; Gliessman, 1998). Les mouvements sociaux se réclamant de l’agroécologie se caractérisent par l’opposition à l’industrialisation de l’agriculture et à ses conséquences socio-économiques et environnementales néfastes (Stassart et al., 2012).

Dans ses travaux, la doctorante Véronique Lucas (Lucas, 2013) cite François Léger (Léger, 2013) qui constate, parmi les nombreuses tentatives de définition, une polarisation entre deux tendances principales. La première associe la transition agroécologique à une transition technologique. La recherche en écologie et en agronomie peuvent contribuer à développer des techniques agricoles qui limiteraient les impacts négatifs sur l'environnement. Ces techniques viseraient l’amélioration des performances de l’écosystème et de ses processus internes. La deuxième tendance définit la transition agroécologique comme étant une remise

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en cause de l’agriculture industrielle, tant au niveau de son régime sociotechnique, que de ses fondements socio-culturels et économiques. Cette transition s’appuie plutôt sur des logiques de participation et d’autonomie des différents acteurs se trouvant dans cette volonté de changement.

Une appropriation du terme « agroécologie » non normative au sein du projet

CapVert*

Les agriculteurs membres des réseaux impliqués dans le projet CapVert ont des pratiques qui se situent entre ces deux pôles. Les acteurs du projet s’accordent sur la complexité à définir l’agroécologie et ne proposent pas de définition commune, même si le principe d’aller vers une gestion plus durable et plus résiliente des systèmes agricoles et agroalimentaires (Lucas, 2014) est partagé par tous. Il est surtout convenu de parler de « transition agroécologique » afin de prendre en compte la diversité des formes que peut prendre cette gestion dans le temps et l’espace, qu’elle soit réalisée grâce à des changements écologiques, productifs, socioéconomiques et institutionnels. Le refus de l'uniformisation est posé.

L’action collective comme outil pour faciliter la transition*

L’action collective peut se définir comme un groupe de différents acteurs travaillant ensemble dans un cadre « institutionnel » formalisé de règles, d’accords, de contrats (Sabourin et al., 2003). Ils mettent en commun des objets et outils (matériels ou immatériels) et agissent selon des normes et des règles. L’action collective permettrait entre autres, de se défendre face à une menace, de s’adapter ou de répondre à un besoin auquel il serait difficile de faire face seul (Lanneau, 1975).

Dans le contexte de modernisation agricole de la seconde moitié du XIXème siècle, les dynamiques collectives initiées étaient plutôt spécialisées: les Coopératives d’Utilisation de Matériel Agricole (CUMA) encadraient le machinisme, les coopératives de commercialisation et d’approvisionnement se chargeaient de la vente et de l’accès aux intrants tandis que les groupes de développement étaient en charge de la construction et de la diffusion des connaissances. Désormais, plusieurs fonctions de l’action collective semblent s’hybrider dans diverses formes de coopération (Lucas, 2014). Par exemple, une même forme de coopération peut regrouper de l’investissement partagé, une organisation du travail en commun, la construction de connaissances et de partenariats avec des acteurs non agricoles, des stratégies permettant de partager des risques économiques etc... Le rôle de l’action collective dans le soutien de la transition agroécologique est ainsi questionné et étudié dans ses multiples fonctions (Guillou et al., 2013 ; Lucas, 2013). L’orientation choisie par le Ministère français de l’Agriculture et de certains conseils régionaux est de soutenir l’action collective pour appuyer la transition agroécologique. L’outil GIEE considère en effet les collectifs d’agriculteurs comme les acteurs centraux du projet agroécologique. Cependant, ces actions collectives évoluent (passage d’une action collective segmentée à une action plus ou moins hybride au cours du XXe siècle), et prennent des formes diverses et complexes au sein du territoire (Lucas, 2013). C’est dans ce contexte que s’intègre le projet CapVert. Celui-ci vise à

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envisager la diversité et la complexité de ces nouvelles formes sociales et organisationnelles pour mieux les soutenir dans leurs transitions agroécologiques.

Renouveler les pratiques d’accompagnement pour soutenir ces nouvelles formes de coopération*

Les organisations de développement qui encadraient les agriculteurs jusqu’à présent

sont ainsi confrontées à de nouvelles formes d’organisation. La transition agroécologique implique un changement de pratiques agricoles. Ces changements sont complexes, puisqu’il s’agit parfois de changer l’ensemble d’un système et pas seulement des techniques élémentaires, impliquant pour les agriculteurs des apprentissages importants (Albaladejo et al., 2010). De nombreux travaux ont pointé l’importance des dynamiques collectives et d’accompagnement dans les transitions en agriculture comme ceux réalisés par J.P Darré, Compagnone, Mante et Gerowitt ou Schenk (Albaladejo et al., 2010).

Les pratiques d’accompagnement ont évolué, allant d’une logique diffusionniste à une logique d’autonomisation. La première se caractérise plutôt par une posture d’expert et/ou de professionnel qui diffuse ses connaissances à l’accompagné de manière verticale et descendante. La seconde est davantage engagée dans un processus horizontal de partage où l’accompagnant se met au même niveau que l’accompagné, en favorisant l'interaction (Gasselin et al., 2013).

Les organisations de développement du secteur agricole français présentent elles aussi une diversité de pratiques d’accompagnement. Cette diversité s’explique notamment par le poids de l’héritage historique, qui a conservé une organisation de l’accompagnement segmentée par grands domaines de compétences (machinisme, itinéraires techniques des cultures, élevage...), par secteurs (gestion des ressources humaines, comptabilité, installation…) ou encore par bailleurs de fond (fonds européens, régionaux…).

Dans un contexte d’enchâssement des formes d’interactions entre pairs engagés dans des transitions agroécologiques complexes, il apparaît nécessaire de renouveler les pratiques d’accompagnement, afin de les adapter au mieux à ces nouvelles formes sociales.

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Contexte du projet*

L’origine du projet*

La Fédération Nationale des Coopératives d’Utilisation du Matériel Agricole

(FNCUMA) est témoin depuis peu de nouvelles formes d’actions collectives dont l’objectif semble aller au-delà du simple partage de matériel. Ces recompositions de l’action collective prennent différentes formes et adoptent de nouvelles fonctions.

Ce constat conduit la FNCUMA à formuler en 2012 un nouveau projet politique, dans lequel elle réaffirme sa vision de l’innovation en agriculture. Celle-ci affirme que c’est dans les relations de proximité et dans les échanges entre pairs que naît l’innovation : « Plus que jamais, qu’elle prenne la forme d’une CUMA ou non, la coopération locale entre agriculteurs est assurément une voie d’avenir. Car notre vision de l’agriculture, c’est bien celle où les agriculteurs, dans leur diversité, s’organisent pour renforcer l’autonomie de leur projet et améliorer leur qualité de vie en s’appuyant sur des groupes locaux. » (FNCUMA, 2012). La FNCUMA affirme ainsi sa volonté d’accueillir dans son réseau ces nouvelles formes coopératives de proximité afin de mieux les accompagner.

Afin de mieux accompagner ces nouveaux collectifs, la FNCUMA a proposé à différentes structures concernées par le phénomène, de caractériser ces nouvelles formes sociales afin de favoriser des échanges et des réflexions communes. Cette collaboration a pris la forme d’un cycle de rencontres tout au long de l’année 2012 où le thème de la Coopération Agricole de Production (CAP) a fait l’objet d’études et de débats (Figure 1). La FNCUMA définit alors la CAP comme étant la mutualisation par les agriculteurs de tout ou partie de leurs stratégies de production avec cependant des formes juridiques variées. Les cycles de rencontres ont rassemblé les partenaires suivants : FNCUMA, Coop de France, Trame, Fédération Nationale d’Agriculture Biologique (FNAB), Fédération Nationale des Centres d'Initiatives pour Valoriser l'Agriculture et le Milieu rural (FNCIVAM), Gaec&Sociétés ainsi qu’une institution de recherche, l’Unité Mixte de Recherche (UMR) « Innovation » sous la triple tutelle de l’INRA (Institut National de la Recherche Agronomique), du CIRAD (Centre International de Recherche Agronomique et de développement) et de Montpellier SupAgro.

Suite à ces journées d’études et de débats, l’année 2012 s’est clôturée par un colloque national sur la CAP, mobilisant un public plus large que celui ayant participé aux journées d’étude ainsi que le Ministère de l’Agriculture. Ce colloque a encouragé la FNCUMA à formuler un projet avec les partenaires cités plus haut

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CapVert, un projet de recherche-développement*

L’année 2013 est celle de la formulation du projet de recherche-développement, de sa soumission et de sa sélection par le CASDAR (Compte d'Affectation Spécial pour le Développement Agricole et Rural) dans le cadre de son programme : « Appel à projets d'innovation et de partenariat ». D’une durée de 3 ans (2014-2016), le projet baptisé « CapVert » vise alors à caractériser les formes sociales créées par les agriculteurs (notamment la CAP) pour faciliter le développement de leurs pratiques agroécologiques, ainsi qu’à produire des outils d'accompagnement facilitant leur émergence. Ce projet intègre la thèse de doctorat de la sociologue Véronique Lucas, qui devient salariée de la FNCUMA au démarrage de cette thèse en milieu professionnel.

L’année 2014 marque la première phase du projet et fait l’objet d’un stage (Le Cunff, 2014) autour de la conception et de la mise à l’épreuve d’un outil de diagnostic. Cet outil a pour but de comprendre les changements de pratiques et les nouvelles configurations et modalités de l’action collective au sein des CAP. Basé sur des entretiens avec les agriculteurs et les acteurs qui les accompagnent, cet outil fournit des représentations schématiques d’une CAP et identifie les enjeux auxquels chacun est confronté. L’outil a été mis à l’épreuve sur deux terrains (deux groupes pilotes1, l'un situé en Languedoc-Roussillon et l'autre en Nord-Pas-de-Calais).

L’année 2015 est celle de la seconde phase. Elle s’articule autour de deux nouveaux stages dont l’objectif est de renforcer l’outil, notamment sur les dimensions techniques du changement de pratiques. Le projet CapVert fait l’objet d’une collaboration entre plusieurs partenaires dont l’organisation de travail se compose de trois comités responsables de tâches différentes :

1 Les groupes pilotes sont les collectifs d’agriculteurs sélectionnés pour participer au projet. Le processus de

sélection est détaillé en partie 3.4

Figure 1: Chronologie du processus de recherche-action mené par la FNCUMA

(Lucas et al., 2014)

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-le Comité de Pilotage (Copil), qui impulse la mise en œuvre des actions et veille à la cohérence du projet, -le Comité de Suivi Opérationnel (CSO), dont le rôle est moteur pour la conduite des actions, -le Comité Scientifique (CS), un espace de débat entre les acteurs de la recherche et du développement, sur les questions qui surviennent au cours du projet L’encadrement des stages est effectué par un comité de suivi qui associe l’ensemble

des animateurs des groupes d’agriculteurs2 (Didier Gomes, Barthélémy Chenaux, Fanny Auclair, Julien Noguiez, Charlotte Aymond), les deux chercheurs et la doctorante qui sont les maîtres de stage (Pierre Gasselin, Véronique Lucas, Roberto Cittadini), la coordinatrice générale du projet (Catherine Gaubert, puis Anne-Claire Pignal de la FNCUMA) et les personnes référentes des réseaux partenaires Trame (Adrien Boulet) et CIVAM (Lore Blondel).

Même si le document de projet n’explicite pas d’hypothèses, le collectif de travail CapVert pose certaines idées fortes à la base du projet. Il considère notamment que les modalités de coopération entre les agriculteurs engagés dans des pratiques agroécologiques diffèrent des formes classiques d'organisation entre pairs et se caractérisent par une certaine diversité. Ces nouvelles formes d’actions collectives peuvent servir de support à la transition vers des pratiques agroécologiques. Il apparaît donc nécessaire de repenser les modalités des politiques publiques et de l'accompagnement par rapport aux formes d'organisation « traditionnelles ».

Problématisation de l’étude : l’enrichissement de l’outil d’analyse*

Si le projet CapVert porte sur les trois objets d’étude que sont l’accompagnement, l’action collective et la transition agroécologique, les deux stages s’attachent plus spécifiquement à interroger les dimensions techniques et organisationnelles de la transition agroécologique dans les groupes étudiés (Figure 2). Le concept de la transition agroécologique a été approprié au cours de l’étude et sera traité dans la suite comme étant le passage entre deux logiques de pratiques agricoles. D’une part, il y aurait la logique productive de l’agriculture intensive en intrants externes et d’autre part la mobilisation des processus écologiques comme partie intégrante du système productif. L’action collective pourrait intervenir sous des formes renouvelées afin de faciliter la transition. Pour soutenir ces nouvelles formes sociales qui favoriseraient des transitions agroécologiques, l’accompagnement doit donc se renouveler et porter son attention à la fois sur les changements de pratiques et sur les formes organisationnelles.

2 Ces collectifs d’agriculteurs, au nombre de quatre, font l’objet des études de cas de terrain

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Un des objectifs des stages était de consolider et mettre à l’épreuve un outil d’analyse

à partir d’un prototype existant, dans la perspective de l’instrumenter en outil d’accompagnement. L’étude repose donc sur la problématique suivante :

« Comment compléter l’outil préexistant pour rendre compte des différents facteurs influençant les changements de pratiques dans un contexte de reconfiguration

de l’action collective ? »

Répondre à cette problématique suppose de répondre à des questionnements intermédiaires.

D’une part, enrichir cet outil d’analyse implique de caractériser les déterminants de la

mise en place de pratiques agroécologiques et parmi eux, l’influence de l’action collective : -Quelles sont les dimensions sociales et techniques qui interviennent dans les

changements de pratiques vers une transition agroécologique ? -Quelles sont les actions collectives, et leurs caractéristiques, associées à ces

changements de pratiques ? D’autre part, il s’agit de s’interroger sur l’outil d’analyse : -Quelles sont les dimensions que devrait comporter un outil d’analyse des dynamiques

de changements dans une exploitation agricole ? Dans un collectif d’agriculteurs ? -Quel serait le protocole d’utilisation de cet outil d’analyse ? -Comment améliorer ce protocole suite à sa mise à l’épreuve sur le terrain, et ce, dans

la perspective d’une instrumentation pour l’accompagnement du collectif ? Le travail pour répondre à cette problématique s’est construit selon un cadre d’étude

prenant en compte simultanément deux niveaux. Considérant que l’influence du groupe sur l’individu a autant d’importance que l’influence de l’individu sur le groupe, les changements de pratiques sont étudiés à l’échelle de l’exploitation agricole et à l’échelle du groupe

Figure 2 : Schéma conceptuel des objets d’étude

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Le processus de conception de l’outil d’analyse

La méthodologie générale : une position d’ingénierie de la conception qui suppose d’être instruit par les productions de la recherche et du

terrain*

Ce travail d’ingénierie de la conception a impliqué d’être dans une posture d’éveil et

d’attention, notamment vis à vis des signaux faibles ou peu perceptibles dans un contexte d’étude de dynamiques émergentes. Ce travail a consisté à améliorer un outil d’analyse permettant de mettre en évidence les hypothèses du projet CapVert et ce, en étant conscient que ces hypothèses ont été formulées à partir d’un phénomène émergent et peu étudié.

Pour mener à bien ce travail, une démarche itérative a été adoptée. Celle-ci s’est notamment caractérisée par des « allers-retours » permanents entre deux étapes. Ces dernières se sont respectivement nourries, complétées et enrichies au fur et à mesure de l’avancée de l’étude.

La première étape a concerné l’amélioration de l’outil. La première phase a été la découverte de l’outil d’analyse élaboré l'année précédente. Ensuite une phase de recherche bibliographique conceptuelle a été menée et des séances de travail avec la doctorante en sociologie Véronique Lucas ont été mises en place. Ces séances ont permis d’envisager, selon une approche socio-historique, les différents positionnements des organisations de développement agricole en France (leur émergence, les modèles agricoles ainsi que les diverses définitions de l’agroécologie qu’elles défendent, les méthodes d’accompagnement propres au réseau de chacune d’elles...).

Enfin, des réunions avec les encadrants de stage et le comité de suivi ont été organisées pour mettre en débat les avancées et partager les différents avis. Ces multiples éléments ont permis d’améliorer l’outil en y intégrant à chaque fois de nouvelles variables d’analyse. L’enrichissement de la grille d’analyse s’est donc fait de façon progressive, au travers d'entretiens avec les agriculteurs, de dires d'experts (acteurs du projet) et de lectures spécialisées.

La deuxième étape de notre itinéraire méthodologique a concerné la mise à l’épreuve sur le terrain des nouvelles variables de l’outil. Une fois l’outil complété, des bibliographies liées aux contextes des zones d’études ont été constituées. Pour chacun des deux stages, deux phases de terrains ont permis de tester les nouvelles variables, chaque terrain d’étude étant constitué d’un groupe d’agriculteurs engagé dans des transitions agroécologiques. Ce test a

permis d’une part, d’établir un protocole d’utilisation de l’outil d’analyse et d’autre part, de l’améliorer d’un point de vue pratique (détermination de ses limites et de ses avantages en situation réelle).

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Le point de départ : la révision d’un outil existant*

Le point de départ de notre étude est l’outil conçu en 2014 (Le Cunff, 2014) et dont les forces et faiblesses ont été identifiées par les partenaires du projet. L’outil est jugé performant pour aider à la compréhension des dynamiques organisationnelles et sociales, mais les dimensions agronomiques du changement de pratiques sont jugées insuffisantes pour comprendre les déterminants techniques des transitions agroécologiques. La première phase de travail a alors consisté à prendre connaissance de l’outil conçu en 2014 en rencontrant Maëlig Le Cunff, en lisant son mémoire et en discutant avec les encadrants. Des premières pistes de réflexions ont ainsi été dégagées sur le travail à effectuer afin de produire des variables permettant de cerner les logiques productives des agriculteurs.

L’enrichissement de l’outil : une démarche pour construire de nouvelles

variables d’analyse*

Une phase de bibliographie personnelle et orientée*

Bibliographie contextuelle : enjeux de l’action collective et de la transition agroécologique dans les zones d’étude*

La bibliographie contextuelle a servi à accumuler des connaissances sur les zones d’étude. Dans les contextes agricoles, ont notamment été étudiés les aspects historiques, socio-économiques, géographiques et politiques (politiques publiques, institutions de développement agricole). Une attention particulière a été portée sur les éléments concernant les enjeux de l’agroécologie et des actions collectives. Les recherches sont donc personnelles à chacune des stagiaires, pour leurs deux terrains respectifs. Les synthèses bibliographiques sont essentiellement constituées d’ouvrages spécialisés, de littérature grise et de sites internet d’institutions concernées (Agrest, Direction Départementale des Territoires et de la Mer – DDTM - Observatoire Agricole, Chambres d'agriculture). Des documents et des informations recueillis auprès des animateurs des groupes étudiés ont également été une source de données.

Bibliographie conceptuelle*

Cette bibliographie vise à appréhender les différents concepts alimentant la réflexion au sujet des variables d’analyse à rajouter dans l’outil. Ainsi, la lecture de cette bibliographie a été guidée par la recherche de facteurs ayant une influence sur les pratiques agricoles.

La bibliographie conceptuelle s’est élaborée à partir de documents suggérés par les encadrants. Un premier corpus a d’abord permis de se familiariser sur les concepts du projet CapVert à savoir les notions d’accompagnement et d’outils d’accompagnement d’une part (Paul, 2003 ; Gasselin, 2013), et les notions d’action collective et d’agroécologie d’autre part (Lucas, 2013 ; Le Cunff, 2014 ; Lucas et al.,2014).

Un deuxième corpus décliné en plusieurs thématiques a ensuite été suggéré. Le premier thème concerne les interactions entre l’agroécosystème et l’agriculteur, concept formalisé sous le nom de « co-production » par le sociologue hollandais Van Der Ploeg (Ploeg, 2014). Le deuxième terme concerne les « farming style » aussi proposé par le même

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auteur pour décrire les logiques productives des agriculteurs, en particulier dans leur rapport au marché et à la technique (Ploeg, 2000). Il a ensuite été étudié la question de l’influence des conceptions personnelles de l’agriculteur (Lémery, 2003 ; Compagnone et al., 2011 ; Dedieu et Vandenbulck, 2014) puis les concepts de la CAP et du milieu socio-professionnel de l’agriculteur (Nicourt et Cabaret, 2010).

Enfin, la thématique du régime sociotechnique encadrant l’agriculteur et le concept de « verrouillage » à l’échelle du territoire ont été abordés (Lamine et al., 2010 ; Moraine et al., 2012)

Bibliographie thématique*

Cette bibliographie personnelle s’intéresse aux objets (techniques notamment) travaillés par les groupes d’agriculteurs étudiés. Il s’agit par exemple du pastoralisme pour le CIVAM Empreinte, de la biodiversité et des infrastructures agroécologiques en grandes cultures pour le CIVAM Oasis et des techniques culturales simplifiées pour le GEDA 35 (Groupe d’Etudes et de Développement Agricole) et la Fédération des CUMA 640. Cette bibliographie a permis de s’imprégner des enjeux relatifs à ces thématiques et aux acteurs qui les portent dans les zones d’étude. Ces connaissances permettent de préparer les entretiens avec les différents acteurs.

Un processus de co-construction permis par une relation étroite avec le

comité de suivi*

L’interaction entre les différents acteurs du projet tout au long du processus a fait partie intégrante de la méthodologie générale. En plus des interactions avec les animateurs des groupes pilotes, cinq réunions ont été organisées avec le comité de suivi. Ces dernières ont notamment permis : - de constituer un groupe de travail en impliquant et en mobilisant activement et physiquement les acteurs du projet, - de mettre en dialogue des acteurs de la recherche et d’autres acteurs de terrain, - de co-construire des questions, des réponses, des hypothèses, des réflexions et de confronter des avis différents, - de partager le vocabulaire pour construire un référentiel commun, - de valider le travail effectué et de planifier les étapes suivantes.

Mise à l’épreuve sur deux terrains

Le choix des terrains : le processus de candidature CapVert*

Le projet CapVert a lancé un appel à candidature (juillet 2014) pour sélectionner les

groupes pilotes. Les candidatures ont été ouvertes aux réseaux partenaires du projet et à leurs collectifs « engagés [dans] des pratiques agricoles durables [qui s’appuient] sur des coopérations avec d’autres collègues ».

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Six groupes pilotes ont été sélectionnés (Figure 3) selon les critères suivants : avoir une diversité de groupes (vis-à-vis de l’ancienneté, la taille, le fonctionnement, le type de structure, la nature du changement et la position géographique du groupe), présenter des situations tant favorables que défavorables à la reconception de l’action collective, présenter des questionnements de reconception de systèmes vers des systèmes agroécologiques, et avoir des groupes issus de différents réseaux. Les six groupes-pilotes sélectionnés sont issus de différentes régions de France et sont invités, collectivement pendant la durée du projet, à partager leurs expériences, repérer les freins et leviers rencontrés dans leurs démarches, et expérimenter de nouvelles méthodologies d’accompagnement afin d’améliorer l'efficacité de leur dynamique collective.

Pour la présente étude, les quatre groupes retenus par le comité de CapVert sont les CIVAM (Centres d’Initiatives pour Valoriser l’Agriculture et le Milieu rural) Empreinte et Oasis pour l’une des stagiaires et le groupe GEDA35 et la Fédération des CUMA 640 pour l’autre stagiaire.

Figure 3 : Localisation des groupes pilotes du projet CapVert

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Description des terrains

Un terrain méditerranéen tourné vers l’élevage extensif : le CIVAM Empreinte

Formé à l’origine en 2007 par le regroupement d’éleveurs du Haut Languedoc, le CIVAM Empreinte revendique l’élevage en plein air intégral et le pastoralisme comme réponse à plusieurs enjeux du territoire régional. Les éleveurs de ce groupe se répartissent entre les départements de l’Aude et de l’Hérault. Douze des quinze membres se situent en zone méditerranéenne tandis que trois se situent en zone de moyenne montagne. L’élevage des ruminants représente environ 15% de la production agricole régionale et se situe en zones de montagne et défavorisée, qui couvrent la moitié du territoire régional3. A travers ses activités, le CIVAM répond à plusieurs enjeux auxquels est confronté le territoire.

La déprise rurale et la fermeture des milieux : la modernisation de l’agriculture au cours de la moitié du XXe siècle a conduit à la concentration de l’activité agricole sur les terres jugées les plus fertiles et les plus faciles à travailler. Les territoires de moyenne montagne et des zones sèches méditerranéennes ont ainsi progressivement été abandonnés, donnant lieu à la fermeture des paysages et à la diminution l’activité sociale et économique4. Le modèle promu par le CIVAM Empreinte repose sur le pâturage de ces milieux semi-naturels. Ce dernier contribue ainsi au maintien de l’activité agricole et à son ancrage territorial, par la vente directe (10 éleveurs sur 11) qui favorise l’économie locale, mais il contribue également au maintien des milieux ouverts5. Ceux-ci sont reconnus pour abriter une biodiversité faunistique et floristique riche, puisqu’’un habitat naturel sur deux et plus de 30 % des espèces d’oiseaux, recensés comme présentant un intérêt au niveau européen y sont présents6.

L’autonomie des exploitations : grâce à l’élevage en plein air intégral, les éleveurs du groupe revendiquent une installation de leur activité avec un faible niveau d’endettement, permis par la quasi absence d’investissement dans des bâtiments et/ou du matériel. Les systèmes alimentaires reposant majoritairement sur le pâturage de parcours, l’autonomie fourragère des exploitations permet aux éleveurs de consommer très peu d’intrants (énergie, foin, concentrés…). La commercialisation en vente directe et le label « agriculture biologique » (10 éleveurs sur 11) permettent de valoriser justement les produits et faire reconnaître leur qualité auprès des consommateurs. C’est également un moyen de communiquer sur les pratiques agricoles et promouvoir l’élevage extensif. Le manque de références techniques sur ces types de système d’élevage extensif conduit le groupe à multiplier les rencontres pour échanger autour des pratiques des membres.

Plusieurs enjeux liés à l’agriculture et à l’agroécologie en Languedoc Roussillon ont 3 Principales caractéristiques de l’agriculture régionale, http://draaf.languedoc-

roussillon.agriculture.gouv.fr/Principales-caracteristiques-de-l 4 Candidature à la reconnaissance comme GIEE du CIVAM Empreinte. Source :

http://www.draaf.languedoc-roussillon.agriculture.gouv.fr/Reconnaissance-des-9-premiers 5 Surfaces à végétation spontanée naturelle, peu embroussaillées et non arborées, peu ou non

mécanisables : causses, pelouses, garrigues et landes ouvertes (CEN LR - Conservatoire d’Espaces Naturels du Languedoc Roussillon)

6 CEN LR

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été identifiés par la DRAAF7. Parmi ces derniers, les enjeux spécifiques à l’élevage font de l’autonomie fourragère et d’une meilleure valorisation des productions, une priorité. Le CIVAM Empreinte intégrant ces différents enjeux, a ainsi été labélisé GIEE en août 2015. La démarche collective qu’il entreprend est reconnue comme favorisant les pratiques agroécologiques de ses membres. Les transitions agroécologiques identifiées chez ses membres correspondent à plusieurs principes de l’agroécologie tels que définis par Stassart et al.(2012) et sont décrites dans l’Annexe 8.

Un terrain céréalier du Nord Est de la France : le CIVAM Oasis

Constitué en 2008 par une quinzaine d’individus (dont 50% d’exploitations agricoles céréalières), le CIVAM Oasis s’intéresse aux interactions entre agriculture et biodiversité. Répartis dans les départements de l’Aube et de la Marne en Champagne-Ardenne, les agriculteurs membres du CIVAM souhaitent contribuer à la réintroduction de la biodiversité en plaine céréalière. S’appuyer sur la biodiversité fonctionnelle est une des entrées choisies par le CIVAM pour accompagner ses membres à la construction de systèmes de production économes et autonomes en intrants. De la même manière que pour le CIVAM Empreinte, le manque de références locales a conduit le CIVAM Oasis à s’appuyer sur l’échange et le partage de savoirs entre les membres, pour produire collectivement de connaissances sur la biodiversité. A travers ses activités, le CIVAM répond à plusieurs enjeux environnementaux auxquels est confronté le territoire.

La biodiversité en zone de grandes cultures : le territoire sur lequel s’étend le groupe est caractérisé par une zone céréalière d’openfield située dans la plaine champenoise, reliant deux ensembles écologiques distincts que sont la forêt d’Argonne à l’est, la vallée de la Marne8. Une petite partie du groupe se situe dans l’Aube, au sud-ouest de cette zone, dans un espace également caractérisé par un paysage agricole céréalier. Ces zones sont en partie classées Natura 2000 car elles constituent des réserves de biodiversité. La modernisation agricole de la seconde moitié du XXe siècle a en effet conduit à une homogénéisation paysagère de la région, ayant pour conséquence principale la réduction importante des espaces naturels non cultivés au profit d’une mise en (mono)culture de céréales. Ces impacts négatifs sont aujourd’hui un des enjeux de la politique régionale en matière d’environnement. La région a ainsi porté son intérêt, dans le cadre de la trame verte et bleue9, sur la mise en place des corridors écologiques les reliant, assurant ainsi une cohérence paysagère.

Des systèmes de production économes et autonomes (SPEA) : la réduction de l’usage des produits phytosanitaires est un autre enjeu pour la région. La Marne est en effet classée en

7 Plan Régional de l'Agriculture Durable (PRAD), adopté par le Préfet le 12 mars 2012. 8 De La Teyssonniere A., 2014, « Diagnostic agraire réalisé auprès du CIVAM de l’OASIS (Châlons-

en-Champagne, Marne), Etude du développement des systèmes de production économes et autonomes en Champagne »

9 Une mesure du Grenelle de l’Environnement, utilisée comme un outil d’aménagement du territoire qui vise à reconstituer un réseau écologique cohérent, à l’échelle nationale. Il s’agit de corridors reliant des réservoirs de biodiversité. Source : http://www.developpement-durable.gouv.fr/-La-Trame-verte-et-bleue,1034-.html

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zone vulnérable de la directive Nitrates10 depuis 1991 et est devenu un laboratoire de conceptions de systèmes de cultures économes en intrants. Le réseau CIVAM s’est également saisi de cette question et développe des outils pour l’accompagnement de ses collectifs vers le SPEA.

Le CIVAM Oasis est le premier collectif de la région à recevoir le label GIEE. A l’instar du CIVAM Empreinte, la démarche collective qu’il met en place est reconnue comme favorisant les pratiques agroécologiques de ses membres. Les transitions agroécologiques identifiées chez ses membres correspondent aux principes de l’agroécologie (Stassart et al., 2012) et sont décrites dans l’Annexe 8.

Retour de terrain*

L’outil d’analyse a été enrichi dans un premier temps à partir des dires d’experts et en

fonction des lectures. Dans un deuxième temps, la mise en pratique sur le terrain visait à le mettre à l’épreuve mais également à l’enrichir. En effet, le travail de conception d’un outil d’analyse d’un phénomène peu étudié donne une importance considérable à l’expérience de terrain qui permet de se saisir au mieux de la réalité des processus. Cette phase du travail s’est organisée en deux étapes.

La première est celle de l’amélioration de l’outil lui-même, via l’identification des limites, des avantages et des conditions pour son utilisation en situation réelle. Les analyses des études de cas ont ainsi permis de mieux maîtriser le sujet et de réinterroger la pertinence de chacune des variables. Cela a abouti à la modification ou au déplacement de certaines de ces variables. « L’adaptabilité de l’outil » a pu être mise à l’épreuve grâce à la réalisation de ces « tests » sur des terrains différents et par le travail en binôme (quatre terrains et deux usagers différents).

La deuxième étape a été celle de l'élaboration progressive d’un protocole d’utilisation. L’outil d’analyse étant destiné à être transformé en outil pour l’accompagnement, l’expérience de terrain a servi de test pour déterminer le déroulé des différentes étapes. Rencontrer l’animateur sur son lieu de travail et l’opportunité de participer à des temps collectifs entre lui et son groupe a permis d’apprécier la réalité concrète du métier d’accompagnateur. Cela a notamment amené à dimensionner les étapes du protocole d’utilisation à plusieurs niveaux (nombres, pertinence, temps de réalisation des différentes étapes, modifications...)

10 Directive européenne (1991) visant à protéger la qualité de l'eau en prévenant la pollution des eaux

souterraines et superficielles par les nitrates provenant de sources agricoles et en promouvant l'usage des bonnes pratiques agricoles. Ces programmes incluent essentiellement des mesures agronomiques de gestion de l’azote (enregistrement des pratiques de fertilisation, limitation ou fractionnement des apports, couverture des sols par une CIPAN en période de lessivage…) mais aussi l’implantation de bandes enherbées ou boisées permanentes de 5 m le long de tous les cours d’eau. Source : http://zonestampons.onema.fr/enjeux/contexte-reglementaire

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Résultats

La construction d’une nouvelle grille d’analyse et sa mise à l’épreuve sur le terrain permettent d’obtenir deux produits : d’une part un outil de diagnostic révisé avec son protocole d’utilisation et d’autre part l’analyse de deux groupes d’agriculteurs qui s’orientent vers des pratiques agroécologiques. Cette partie présente ces deux résultats.

Un nouvel outil de diagnostic*

Les nouvelles variables*

Des nouvelles variables ont été identifiées afin de compléter l’outil préexistant. Ainsi, l’ancienne grille d’analyse a été enrichie en y intégrant (ou modifiant des variables déjà présentes, telle que la V1.1) quatre nouvelles variables numérotées V1.1, V2.1, V2.2 et V3 suivant l’ordre de la grille complète. Cette dernière, présentée en Annexe 1 renseigne précisément les sous-variables, en détaillant leurs objectifs et renseignant quelques éléments illustratifs. Ici sont présentés de manière synthétique les objectifs généraux et les sous-variables associées aux nouvelles variables (Tableau 1, Tableau 2, Tableau 3, Tableau 4).

Tableau 1: Organisation de la variable 1.1

Variables Objectifs généraux Sous-variables

V1.1 Acteurs de l’action collective

- Caractériser les actions collectives

- Connaître la place, le rôle, l’architecture et la géographie du réseau et comprendre

l’influence qu’il a sur les transitions agroécologiques (ou indirectement sur les

actions collectives qui les facilitent)

V1.1.1 – Différenciation des acteurs individuels

V1.1.2 Lien avec d’autres parties prenantes

V.1.1.3. Les arrangements (co-activités)

Un groupe est composé d’individus en lien entre eux et avec d’autres individus

externes. Il s’agit de recenser les différents acteurs (agricoles ou non agricoles) avec lesquels le producteur est en lien, et caractériser de la nature de ces liens. A travers le recensement des acteurs avec lesquels les agriculteurs sont en lien, les variables permettent d’envisager la densité et la composition des réseaux socioprofessionnels de chacun des membres. Elles permettent également d’appréhender comment et pourquoi les agriculteurs s’appuient sur une diversité de formes d’action collective pour progresser dans leurs changements de pratiques agricoles

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Tableau 2: Organisation de la variable 2.1

Variables Objectifs généraux Sous-variables

V2.1 Trajectoire des changements de

pratiques

- Identifier les changements de pratiques

- Comprendre les différentes logiques d'action expliquant les changements de pratiques

depuis l'installation

- Comprendre les ressources (dont l’action collective) qui ont été mobilisées dans les

évolutions des actes techniques

V2.1.1. Type de changement technique et organisationnel dans l’exploitation agricole

: contribution à l’agroécologie V2.1.2. Actions techniques au cœur du

changement V2.1.3. Origines et sources d’informations V2.1.4. Formes et modalités d’implication

dans l’action collective

V2.1.5. Contexte général

V2.1.6. Contexte personnel marquant V2.1.7. Qualifications des changements par

l’agriculteur La variable 2.1 s’intéresse à l’évolution des pratiques agricoles depuis l’installation.

Il s’agit ici de lister les changements successifs qui sont intervenus depuis l’installation du producteur, en renseignant les sous-variables, qui, elles, représentent les facteurs ayant une influence sur ces changements. Ces dernières permettent d’abord d’appréhender la manière dont se réalise un changement d’ordre technique ou organisationnel au sein d’une exploitation agricole et ce, en mettant en lumière l’enchaînement voire l’imbrication dans le temps des différentes logiques d’action. Les diverses rationalités, expliquant les pratiques et les choix techniques, sont synonyme ici de logiques d’actions. Les sous-variables invitent également à considérer, dans l’analyse des changements de pratiques, qu’il existe plusieurs rationalités expliquant ces changements. Elles permettent enfin de considérer l’action collective en étudiant quel type d’action collective est mobilisée pour quel type de changement technique et comment elles ont été sollicitées dans l’ensemble des ressources mobilisées (comment, par exemple, un groupe de pairs peut influencer ou conforter les pratiques individuelles).

Tableau 3 : Organisation de la variable 2.2

Variables Objectifs généraux Sous-variables

V2.2 Fonctionnement

global de l’exploitation

- Comprendre la logique d’action globale actuelle et les évolutions futures

envisagées

- Comprendre le cadre de contraintes et d’opportunités du système de production

- Comprendre comment ce cadre influence

les changements de pratiques

V.2.2.1. Caractéristiques globales de l’exploitation

agricole (main d’œuvre, foncier, intrants, …)

V2.2.2. Caractéristiques du milieu biophysique

V2.2.3. L’organisation du travail

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La variable V2.2 s’intéresse à trois dimensions afin de se saisir du fonctionnement global de l’exploitation. D’une part elle étudie les caractéristiques fonctionnelles et

structurelles de l’exploitation agricole (sous-variable 1) et ceci permet de comprendre comment fonctionne l'exploitation au temps de l'entretien et ce qui détermine les choix techniques et objectifs de l’agriculteur (donc sa logique productive actuelle). Ensuite, elle s’intéresse aux caractéristiques du milieu biophysique dans lequel s’intègre l’exploitation (sous-variable 2). Enfin, elle considère les questions d’organisation du travail (sous-variable 3) et invite à envisager le travail comme une dimension influençant le changement de pratiques (et inversement).

Tableau 4 : Organisation de la variable 3

Variables Objectif général Sous-variables

V3 Le dialogue entre l’action collective et

la transition agroécologique

- Comprendre la place et le rôle du groupe dans les pratiques actuelles de l’agriculteur et leur évolution depuis

son adhésion

V3.1.1 La contribution de l’agriculteur au groupe

V3.1.2. Fonctions de l’action collective

V3.1.3. Le moteur de la dynamique de groupe au-delà des épreuves de

l’action collective V3.1.4. L'accompagnement dont

bénéficie le groupe La variable V3 s’intéresse au point de vue de l’agriculteur sur le groupe, sur sa

dynamique et sur l’accompagnement dont le groupe bénéficie. Les sous-variables visent à appréhender la place et le rôle de chacun dans le groupe, les jeux de pouvoir ou les conflits, les facteurs d’homogénéité et d’hétérogénéité du groupe. Elles permettent également de mettre en lumière les fonctions implicites du groupe (décalage entre la fonction affichée par le groupe et les fonctions que chacun attribue à ce groupe).

Un nouveau protocole d’utilisation des nouvelles variables*

De la même manière que pour les variables, le nouveau protocole du nouvel outil d’analyse comporte des éléments de l’ancien protocole. Une compilation entre l’ancien protocole et le nouveau a été réalisée. Le protocole final se structure comme suit :

-la réalisation d’un échantillonnage qui conduit à avoir la liste des membres du groupe et des acteurs externes qui peuvent apporter des éléments d’information sur le groupe,

-la réalisation des enquêtes (gardé de l’ancien protocole), -l’organisation de la retranscription (gardé de l’ancien protocole), -des outils d’aide au classement de données des situations individuelles, (apports de la

présente étude) -des outils de synthèse des situations individuelles (apports de la présente étude) -des outils de synthèse des situations individuelles et de groupe (gardé de l’ancien

protocole et apports de la présente étude).

Echantillonnage raisonné*

Premièrement, il convient de réaliser un échantillonnage raisonné, c’est-à-dire de

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rencontrer les membres du groupe de manière à avoir une représentation de sa diversité car le nombre de membres peut être important et le temps peut manquer. Pour représenter la diversité, il est possible de s’appuyer sur les facteurs d’hétérogénéité des membres du groupe à interroger. Ces facteurs peuvent être le système de production, l’ancienneté dans le groupe et/ou l’implication dans le groupe ainsi que l’implication dans le changement de pratiques.

Importance des acteurs externes*

Il est intéressant d’interroger des membres extérieurs au groupe pour connaître leurs opinions sur le groupe et sa dynamique et éclairer, si besoin, son fonctionnement et son ouverture vers l’extérieur. Les acteurs externes offrent un regard autre, qui est intéressant voire complémentaire aux regards des membres du groupe. Ces acteurs externes peuvent par exemple être des agriculteurs, des responsables de centres techniques, d’institutions agricoles... Les liens formés entre des acteurs externes et le groupe peuvent provenir de l’appartenance à une même organisation par exemple.

Réalisation des enquêtes : l’entretien compréhensif semi directif*

Lors de la réalisation des enquêtes, il convient d’adopter une posture particulière. Puisque notre postulat et celui du projet est que les individus agissent en fonction du sens qu’ils donnent à la réalité, il convient de privilégier la démarche compréhensive. Cette dernière tente de restituer le sens du point de vue de celui qui parle (appelée « sociologie compréhensive » par Max Weber [1971]). Les entretiens semi-directifs sont des entretiens où les questions principales sont inscrites dans le guide d’entretien, comme point de départ à la discussion. Celles-ci sont des questions dites « ouvertes », c’est-à-dire qu’elles invitent la personne interrogée à raconter. Il convient donc de laisser la personne s’exprimer le plus possible tout en orientant la conversation afin de renseigner l’ensemble des variables. La personne qui interroge est en position d’écoute attentive et tente de comprendre le sens du discours et le sens que la personne donne aux pratiques (agricoles notamment) qu’elle décrit, et cela, en tachant de n'avoir aucun à priori sur ses dires et réponses (Darré, 2004).

Organisation de la retranscription*

Il convient ensuite de retranscrire les entretiens. Ceux-ci ont été enregistrés à l’aide d’un dictaphone ou simplement compilés sous forme sténographique. Ils peuvent être retranscrits d’abord de manière brute, en respectant le déroulement de l’entretien, puis de manière organisée thématique, en surlignant des passages selon un code couleur ou par le classement de blocs de texte.

Analyser les données*

Deux méthodes sont proposées. La première est celle proposée par Le Cunff (2014)

qui consiste à renseigner sous forme rédigée dans les monographies les éléments

correspondants à chaque variable présente dans la grille d’analyse, puis sous forme de

schémas de la CAP (Annexe 3). La seconde est celle proposée par la présente étude

(Figure 4).

Il a été mobilisé plusieurs outils (pouvant être utilisés séparément) qui permettent de mener le classement de données, étape intermédiaire facilitant l’analyse transversale. Cette

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étape intermédiaire peut être évitée selon le temps imparti et la connaissance du groupe. Par exemple, pour un accompagnateur en phase de découverte de son groupe, il peut être intéressant de s’attarder sur la compréhension des situations individuelles. Dans le cas où celui-ci possède déjà une bonne connaissance de son groupe et des individualités qui le composent, cette étape intermédiaire peut être évitée.

Chaque outil de classement (ou d’analyse) peut être complété par l’information obtenue avec une ou plusieurs variables (Figure 4) dont le détail est présent Annexe 1. Chacune des informations relatives à une variable peut être obtenue suivant un thème abordé lors de l’entretien (Annexe 4).

Ces deux types d’outils, de classement et d’analyse, correspondent à deux niveaux : les situations individuelles et les dynamiques de groupe. En voici le détail et le protocole.

4.1.2.5.1 Le classement individuel thématique : un premier niveau d’analyse des situations individuelles*

Ce classement peut s’effectuer avec les outils suivants (qui sont présentés et illustrés en Annexe 5) :

-Un schéma de fonctionnement de l’exploitation. Il s’agit de la description de l'exploitation agricole au moment de l’entretien, décrivant le système dans sa globalité : l’assolement, les rotations, les grands modes de conduite technique, la main d’œuvre, le foncier, le milieu biophysique (climat, type de sol, de relief…), les intrants et produits sortants de l’exploitation et les prestations de service s’il y en a.

-La trajectoire des changements. Elle peut être simplifiée ou détaillée. Une trajectoire simplifiée représente les événements clés des changements de pratiques le long d’un axe temporel. Une trajectoire détaillée exige un niveau minimum de classement des informations et ce, par variables (type de changement technique et organisationnel dans l'exploitation agricole, contexte personnel marquant, accompagnement, sources d’informations, actions concrètes techniques, formes et modalités d’implications dans l’action collective, perceptions de l’objet, contexte général). Des couleurs peuvent être utilisées pour chaque grand type de changement et pour les éléments essentiels.

-Le ou les itinéraires techniques globaux. Il s’agit de ceux conduits pour la rotation majoritaire de l’exploitation et où il y a eu un changement technique en lien avec une transition agroécologique, avec spécification du changement (passage de la charrue au déchaumeur par exemple).

-Les perceptions et opinions de l’agriculteur sur le groupe et l’accompagnement dont celui-ci bénéficie sont renseignées par exemple avec la date d’adhésion et le contexte de la rencontre, les motivations de l’adhésion, ce que l’agriculteur pense apporter au groupe et inversement, les relations privilégiées dans le groupe, les relations extérieures ou en partenariats avec le groupe, les attentes particulières quant au groupe et l’accompagnement et enfin l’appréciation de ce qui fait la dynamique et la cohésion du groupe.

-La cartographie du réseau des relations socioprofessionnelles de l’agriculteur: il s’agit ici d’identifier les liens de l’agriculteur avec l’extérieur (quelles structures, quelles personnes, quel type de relations).

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4.1.2.5.2 Les monographies individuelles : produire des éléments de synthèse des

situations individuelles*

Cette étape consiste à compiler l’information obtenue grâce aux outils de classement par une analyse rédigée. Selon le temps imparti et la connaissance des individus du groupe, cette étape peut être réalisée directement sans passer par les outils de classement.

L’analyse restitue la description de l'exploitation agricole, la trajectoire des changements initiés par l’agriculteur et met en lumière les recompositions de l’action collective et les transitions agroécologiques. Ces monographies individuelles sont donc organisées en trois parties : l’introduction, présentant l'agriculteur (trajectoire personnelle, professionnelle, idées et volontés de changement de pratiques en lien avec une transition agroécologique depuis l’installation...), l’analyse des transitions agroécologiques et enfin, celle des actions collectives identifiées. Pour chacune de ces parties, il s’agit de mettre en discussion et en interprétation :

- le « comment » : comment cette transition s’est-elle déroulée ? Comment l’agriculteur a-t-il fait pour réaliser cette transition / prendre part à cette action collective ?

- le « pourquoi » : dans quel but l’agriculteur a-t-il réalisé cette transition / a-t-il pris part à cette action collective ?

Une conclusion peut enfin répertorier les conditions ou ressources sociotechniques qui ont été mobilisées pour mener à bien les changements de pratiques identifiées. Un exemple de monographie individuelle est en Annexe 6.

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4.1.2.5.3 Les monographies de groupe : produire des éléments de synthèse des

dynamiques du groupe*

Enfin, il s’agit de réaliser une analyse transversale du groupe sous la forme d’une monographie organisée en différentes parties. La monographie de groupe restitue sous forme de synthèse les informations en s’inspirant des variables de la grille d’analyse (Annexe 10 et 11). Bien que la grille d’analyse s’organise de manière séquencée et fragmentée (deux grands pôles : dimensions sociales et organisationnelles de l’action collective et dimensions agronomiques des changements de pratiques) la synthèse, elle, doit combiner les différents éléments. Une proposition d’organisation de la monographie est formulée ci-dessous.

En premier lieu, il convient de restituer l’histoire globale de la formation du groupe,

en récapitulant les principales étapes qui ont marqué son histoire et lui ont donné un tournant décisif. Ceci peut s’effectuer grâce aux informations relatives à la variable V1 (Figure 4).

En deuxième lieu, il convient de caractériser le groupe sous trois angles. Le premier angle concerne l’objectif global du groupe tel que reconnu et affirmé par les membres du groupe. Les raisons expliquant l’adhésion peuvent être différentes selon les individus, mais il s’agit ici de la finalité générale du groupe. Le deuxième angle concerne le fonctionnement

du groupe. Ses activités et ses règles de fonctionnement sont décrites et révèlent le type d’accompagnement dont ce dernier bénéficie. Cet accompagnement est mis en perspective avec les enjeux auxquels le groupe est confronté. Le troisième angle traite de l’ouverture du groupe, c’est-à-dire de ses limites et des conditions d’adhésion. Les conditions d’adhésion sont ainsi interrogées à savoir la façon dont elles sont définies, déterminées, et leurs évolutions potentielles.

En troisième lieu, la monographie de groupe porte sur l’analyse croisée des transitions agroécologiques. Cette analyse permet de dégager les grandes logiques d’action des agriculteurs et donc de se saisir de la diversité des transitions et de leurs divers cheminements opérés à l’échelle du groupe.

Il s’agit d’étudier les transitions agroécologiques sous l’angle du « pourquoi » et du « comment » à l’échelle du groupe. Dans la mesure où tous les paramètres sont liés (transitions, raisons, motivations, conditions…) cette étude est complexe et une simplification peut s’avérer nécessaire. Afin d’aider cette synthèse, une entrée analytique, non exclusive d’autres perspectives, peut consister à regrouper les transitions agroécologiques qui ont le même objet (par exemple le travail du sol, la diversification des productions, la couverture de sol...). On gardera cependant en tête qu’une telle segmentation de l’analyse peut masquer des dimensions qui ne sont pas spécifiques aux objets et/ou risque de faire perdre de vue certains caractères systémiques des changements.

L’analyse transversale se fait alors à partir de deux critères : les raisons ou objectifs qu’expriment les agriculteurs pour justifier leur engagement dans la transition d’une part, et d’autre part les ressources mobilisées (qui ont été exprimées de manières explicites ou non) pour permettre ou faciliter cette transition.

Pour cela, il s’agit de lister l’ensemble des raisons et l’ensemble des ressources mobilisées recensées dans les monographies individuelles. Il convient ensuite de réaliser des

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typologies des raisons et des typologies des ressources en fonction de la transition agroécologiques. Il est possible de réaliser ces typologies à l’aide de la méthode du traitement graphique de Bertin. Cela peut donner lieu également, à la construction de schéma de types de transitions. (Annexe 7).

En dernier lieu, la monographie de groupe porte sur l’analyse croisée des recompositions des actions collectives. La méthode pour réaliser cette synthèse de groupe est détaillée par Le Cunff (2014) et rappelé en Annexe 3.

Figure 4 : Les méthodes d'analyse proposées

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Etudes de cas : CIVAM Empreinte et CIVAM Oasis

Le CIVAM Empreinte : le pastoralisme comme modèle d’élevage et mode de vie

L’histoire et les caractéristiques du CIVAM

A l’origine, un groupe d’éleveurs de bovins rustiques en Languedoc-Roussillon

Jean-Marie Welch se regroupe à la fin des années 1990 avec d’autres éleveurs Héraultais de Galloway, une race rustique de bovins écossais, menée en plein air intégral. Ce regroupement naît du constat de l’inadéquation de l’offre de services des institutions classiques de développement agricole (Chambre d’Agriculture, instituts de formation professionnelle…). Elles ne permettraient pas le développement de ces systèmes d’élevage particuliers. Ces éleveurs ont en effet le point commun d’élever des races rustiques de manière extensive et en plein air intégral : les éleveurs s’appuient sur la rusticité de la race pour l’alimenter au maximum à partir du pâturage des ressources naturelles locales. Ce système permet une installation à faible investissement et des exploitations peu capitalisées (peu de matériel, d’intrants, de bâtiments…). Ce groupe se structure surtout autour de l’entraide et des échanges pour répondre aux défis auxquels ils font face. Suite à la rencontre avec un salarié de la FDCIVAM (Fédération Départementale des CIVAM de l’Hérault), ils créent le CIVAM Empreinte à partir de 2004.

Le CIVAM promeut l’élevage extensif de races rustiques en plein air intégral. Les thématiques étudiées dans le groupe sont en partie orientées par les financements dont dépend le CIVAM (financement du poste de l’animateur et financement des activités, intervenants etc). La Figure 5 retrace les dates clefs dans l’histoire du CIVAM. Les partenariats, les animateurs et les vagues d’adhésions sont représentées et permettent une vision globale des thèmes abordés. L’agrandissement du CIVAM repose sur les réseaux des membres.

Figure 5 : Les dates clefs depuis la création du CIVAM Empreinte

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Objectifs et principes du groupe

A l’échelle du groupe, des principes sont portés d’une voix unique par le CIVAM. Ces principes sont fédérateurs et constituent le cœur des actions du CIVAM :

Les échanges entre éleveurs pour créer du lien social et valoriser les expériences de chacun (conseil technique grâce à des intervenants spécialistes, diagnostics écopastoraux11)

La communication sur l’élevage pastoral auprès d’un public scolaire (écoles, lycées, formations agricoles et agronomes) en produisant des outils de communication pour faire évoluer, à termes, le contenu des formations (jugées inadaptées pour des éleveurs qui souhaiteraient s’installer avec un système extensif voire en plein air intégral)

La commercialisation en vente directe pour valoriser une viande à conformation particulière et communiquer auprès des consommateurs sur la qualité de cette viande

Fonctionnement et organisation du groupe

Le CIVAM Empreinte a un statut d’association loi 1901. Il fonctionne comme un groupe d’échanges, où le partage de l’information et des expériences, dans une dynamique collective, permet de développer des initiatives et améliorer ses pratiques. Les thèmes abordés lors des temps collectifs sont décidés en amont, par les éleveurs. L’animateur se charge de récolter les souhaits des éleveurs et d’organiser des journées thématiques en proposant éventuellement des intervenants pertinents pour le sujet. Il a en effet une une activité de veille sur des formations (aromathérapie, …) ou des évènements d’intérêt (Sommet de l’Elevage 2015). D’autres temps collectifs sont dédiés à la présentation des nouveaux membres. Ce temps permet l’interconnaissance entre les membres et la création de référentiels communs.

L’agroécologie dans le CIVAM Empreinte : différents types de pastoralisme

Parmi les 10 éleveurs rencontrés, 5 ont rapporté des changements techniques (relevant

de l’agroécologie, selon les principes de Stassart 12 en Annexe 8) depuis leur installation. L’autre moitié des éleveurs rencontrés a peu opéré de changements techniques dans ses pratiques ou s’est installé récemment. Ces éleveurs suivent toutefois la même logique d’autonomie alimentaire et appliquent déjà les principes agroécologiques. Les producteurs interrogés cherchent à approfondir le pastoralisme, trois d’entre eux cherchent à diversifier les productions, tandis que deux autres cherchent à diversifier leurs activités.

Le groupe promeut en effet un modèle d’élevage fondé sur le pastoralisme ou le plein air intégral et ce, dès l’adhésion (réglée par une charte depuis 2014). Ainsi, il existe un certain degré d’homogénéité des pratiques d’élevage entre les membres. Les variantes qui existent sont liées à plusieurs facteurs : la race (ovin, caprin, bovin) implique pour certains une garde quotidienne (caprin E4-E1 ovin E4-E6-E10), quand d’autres vont uniquement laisser pâturer le troupeau dans des parcs clôturés (bovin, E9-E8-E7-E5-E3-E2). Les milieux biophysiques

11 Etude qui vise à comprendre les interactions entre les dynamiques des végétations naturelles et les pratiques de

pastorale. 12 (Stassart et al., 2012)

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dans lesquels s’intègrent les exploitations sont différents. Ils peuvent occasionner des calendriers de pâturages différents, plus ou moins contraints selon le type de végétation (garrigues, tourbières, bois) et son abondance (durée de la fenêtre de pousse de l’herbe). Toutefois, il existe des invariants dans les pratiques (reproduction, santé animale, alimentation, commercialisation en vente directe) qui tendent vers le modèle d’élevage promu.

La relation à l’animal semble en effet être une composante essentielle des élevages Empreinte. Tous les éleveurs pratiquent ainsi une reproduction fondée sur la lutte

naturelle, où les mâles reproducteurs sont toute l’année avec le troupeau (sauf deux producteurs bovins qui les séparent pour faciliter le contrôle des mises bas) avec parfois des tabliers autour des mâles ovins et caprins. La santé animale est contrôlée le plus possible à

l’aide de produits naturels et est, pour beaucoup, garantie par la conduite en plein air intégral. L’organisation de l’alimentation des troupeaux consiste à l’exploitation saisonnière des parcours.

La réalisation des trajectoires individuelles des éleveurs rencontrés permet de construire une typologie des transitions agroécologiques à l’œuvre dans le CIVAM. Dans les changements de pratiques rapportés, deux grands types de transitions ont été identifiées, en s’appuyant sur deux critères : les objectifs poursuivis par les éleveurs en réalisant la transition et les moyens leur ayant permis de la réaliser. Le premier grand type de transition est l’orientation vers un système davantage pastoral. C’est le cas de deux types de transitions identifiées (figure 6) : le type 1, qui consiste à changer de race pour une race plus rustique, qui valorise davantage les ressources naturelles et consomme moins d’intrants externes. Le type 2 consiste à faire augmenter la part de pâturage dans la ration alimentaire, au détriment des compléments. Le deuxième grand type de transition est la diversification des productions et

des activités (figure 7). Deux types de transitions correspondent à cette logique : le type 3, consistant à l’introduction d’un nouvel atelier d’élevage, et le type 4, consistant à développer un atelier de transformation ou une activité d’accueil.

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La raison principale expliquant les transitions vers plus de pastoralisme est la

recherche d’autonomie alimentaire et notamment fourragère des troupeaux. Les éleveurs tentent ainsi d’augmenter la part des besoins du troupeau satisfaite grâce aux ressources de la ferme. La maîtrise du système fourrager est alors centrale et peut s’appuyer sur plusieurs leviers. Le premier correspond à la transition agroécologique 1 qui consiste à changer pour

une race plus rustique, qui valorise davantage les ressources naturelles et requiert moins de compléments. C’est le cas pour trois éleveurs, de race caprine (E1), bovine (E2) et porcine (E3). Ces changements ont été permis par la recherche d’informations auprès d’un réseau (associations d’éleveurs caprins dans le cas d’E1) et par l’action collective. Les éleveurs E1,

E2, E3 s’appuient sur la commercialisation en vente directe pour valoriser ces races rustiques qui présentent des conformations particulières, non adaptées pour les ateliers de découpe classiques. L’éleveur E3 a pu faire évoluer la race porcine vers plus de rusticité, en installant cet atelier avec un jeune éleveur, dans le cadre d’une Société Civile d’Exploitation Agricole (SCEA).

L’autonomie alimentaire peut également être augmentée en diminuant la part de

compléments de la ration du troupeau. Deux éleveurs (E5, E4) ont réalisé ce changement de manière brutale, en partie afin de réduire leurs charges et leur temps de travail. C’est suite à une visite du groupe Empreinte sur leur exploitation qu’ils ont initié ce changement. Les éleveurs du groupe leur ont fait remarquer qu’ils pouvaient davantage exploiter leurs parcours et pâturages et ainsi diminuer la part de ration distribuée (foin pour E5 et céréales pour E4). Au contraire, dans le cas du producteur E2, ce changement se fait de manière plus progressive (depuis 3ans) et à l’échelle du troupeau entier. Cela a été permis par l’entraide et par le soutien technique du CIVAM Empreinte. Enfin, le départ en estive représente une potentielle

Figure 6 : Les transitions agroécologiques des types 1 et 2

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source de changement pour deux producteurs. L’éleveuse E4 a en effet testé pour la première fois cet été (été 2015) l’estive collective. C’est lors de la visite de l’estive d’un autre membre du CIVAM qu’elle s’est laissée convaincre. Un autre membre (éleveur E6) du CIVAM a également le projet de mener son troupeau en estive, dès qu’il aura stabilisé son système. Dans les deux cas, cette troisième voie représente pour les éleveurs un moyen d’avoir du temps libre et se distancer par rapport à un quotidien exigeant (« je veux le développer car le

métier est très prenant(…) l’estive permet de souffler » E6).

Autrement, des éleveurs suivent une logique de diversification des activités et des productions (Figure 7). La diversification des productions (type 3), chez les éleveurs interrogés, a été motivée par le souhait de satisfaire une demande des clients de la vente directe. Dans les trois cas, il s’agit d’introduire un nouvel atelier d’élevage : de porc plein air et de poules pondeuses (E4), de poules pondeuses (E1) ou de porc plein air et d’oies (E3). Dans le cas de l’éleveur E3, l’introduction du nouvel atelier a été facilitée par la création d’une Société Civile d’Exploitation Agricole (SCEA), dans le cadre de l’installation d’un jeune éleveur. Pour les éleveuses E1 et E4, la vente directe est un moyen permettant cette diversification, en sécurisant la production.

D’autres éleveurs ont diversifié leurs activités, en introduisant notamment un atelier

de transformation (viande de porc ou production de vin). D’autres producteurs optent pour une diversification d’activités via l’agrotourisme. L’activité d’accueil à la ferme relève moins directement de l’activité agricole au sens strict mais elle permet un ancrage local et une intégration au territoire qui semblent souhaités par les éleveurs.

Les transitions agroécologiques identifiées sont schématisées de façon linéaire et

Figure 7 : Les transitions agroécologiques des types 3 et 4

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simplifiée mais peuvent se combiner dans le temps et l’espace. De la même manière, les raisons et les ressources mobilisées pour les transitions sont complexes et évoluent dans le temps. Les éleveurs modifient progressivement leurs pratiques, en réalisant des changements successifs, couronnés de succès ou d’échecs, mais qui contribuent à faire progresser le système vers plus de pastoralisme et/ou vers un modèle agricole qui n’a pas uniquement des fondements techniques.

Enfin, il apparaît deux constantes parmi les ressources mobilisées par les éleveurs. La première est le recours à des institutions et organisations publiques (CEN-Conservatoire d’Espaces Naturels, PNR-Parc Naturel Régional). Elles sont souvent sollicitées pour le

soutien administratif (subventions de la PAC-Politique Agricole Commune), l’accès au foncier, déterminant pour la pratique du pastoralisme. (Office National des Forêts-ONF, Conservatoire d’Espaces Naturels-CEN) et sa gestion (plans et diagnostics pastoraux). Une deuxième constante est le recours à l’action collective.

Les actions collectives : un enchâssement de réseaux et d’organisations autour du CIVAM

Le tableau ci-dessous recense les actions collectives auxquelles les membres du CIVAM interrogés prennent part ou les réseaux auxquels ils appartiennent. Ces derniers sont distingués en fonction du niveau qu’ils concernent : il peut s’agir d’actions entre une même organisation et plusieurs membres du groupe, des actions concernant l’ensemble du groupe ou des actions liées aux réseaux individuels des membres.

Figure 8 : Les différents niveaux d'action collective au sein et autour du CIVAM Empreinte

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Les objets de l’action collective recensés favorisent directement ou indirectement la progression dans un système pastoral déjà en place. Pour chaque niveau d’action collective, des raisons et des conditions facilitant l’action collective ont pu être mises en évidence.

Les relations reliant plusieurs membres du groupe à une organisation extérieure (groupes de développement, associations) décrivent les réseaux ou lieux où peuvent se rencontrer les membres du CIVAM, en dehors du CIVAM. Dans le cas des groupes

d’échanges, il s’agit de lieux de rencontre entre producteurs ou entre des producteurs et des citoyens non agricoles. Ces relations permettent un soutien technique, économique et social, pour progresser (CIVAM) ou démarrer son système (ADEAR-Association pour le Développement de l'Emploi Agricole et Rural, Terres Vivantes). L’intégration dans ces groupes d’échanges a souvent été permise par l’appartenance préalable à un réseau, étant donné que ces groupes sont en lien et échangent entre eux. L’héritage familial peut également permettre d’intégrer ces réseaux à l’installation, si les parents en étaient déjà membres (les parents des éleveurs E9, E8, E7 étaient membres fondateurs du CIVAM).

Les actions collectives strictement internes au groupe relèvent, en dehors des activités propres au CIVAM (réunions, visites de fermes) de l’entraide entre les membres. Celle-ci consiste à des échanges de matériel, des achats (aliments, animaux) et de l’aide via du travail en commun (chantier de fenaison) ou des conseils. Au-delà de l’interconnaissance permise par le CIVAM, ces relations peuvent être favorisées par la proximité géographique comme le montre la carte de la monographie complète en Annexe 10 (échanges de matériel, aides ponctuelles, chantier commun entre E1 et X par le passé) et/ou la proximité du système d’élevage (E5 et E2 élèvent des bovins Aubrac, E8 et E7 des bovins Galloway, E3, E4 et un futur membre du CIVAM élèvent tous des porcins en plein air, E4 et X sont bergers). Le CIVAM permet de révéler des besoins communs et des compétences complémentaires facilitant ces relations d’entraide.

Les relations entre un membre et l’extérieur relèvent des réseaux individuels. Ces réseaux sont dits individuels car ils n’impliquent pas plus d’un membre du CIVAM à la fois. Les interactions à l’intérieur de ces réseaux visent à pérenniser l’activité agricole (accès au foncier13, commercialisation en circuit-court, formes d’entraide) ou l’initier (financement participatif, accès au foncier, création d’une SCEA).

CONCLUSION : les spécificités du CIVAM Empreinte

Le manque de reconnaissance des modes d’élevage pratiqués par les éleveurs et l’inadéquation des services offerts par les institutions classiques (dont les établissements d’enseignement) agricoles, les conduisent à construire des lieux de réassurance mutuelle. Le CIVAM Empreinte est ainsi un lieu de construction identitaire autour du pastoralisme, qui fait la promotion d’un modèle agricole mais également d’un modèle social, où la qualité de vie, les conditions de travail et la proximité à l’animal et la nature sont importantes et source de satisfaction et de fierté.

13 Dans le tableau (Figure 8), le Groupement Foncier Agricole (GFA) a permis à l’éleveur E10 d’accéder à du

foncier en location, il s’agit d’un type de société civile conçu pour résoudre certains problèmes fonciers.

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Accompagner les transitions agroécologique dans le CIVAM Empreinte, c’est accompagner les éleveurs vers plus de pastoralisme c’est-à-dire vers l’amélioration de la valorisation des ressources, où il semble fondamental d’accompagner au changement de regard, de perception sur la valeur d’une ressource pâturée. Le groupe est ainsi un lieu qui permet des apprentissages, l’acquisition de nouveaux savoir-faire, de nouvelles techniques d’observations et d’usage de ces ressources.

Le groupe Empreinte est générateur de plusieurs formes d’action collective mais leurs moteurs semblent davantage être la promotion d’un modèle d’élevage et d’un mode de vie que les changements de pratiques. Toutefois, c’est à travers ces promotions que le CIVAM génère des changements de pratiques à l’échelle individuelle, qui s’appuient sur des formes de coopérations relevant de l’entraide ou de la production de connaissances. D’autres formes relèvent plus de la mise en réseau qui permet d’avancer d’un point de vue technique, administratif ou du point de vue de l’accès au foncier.

Le CIVAM Oasis ou comment « intégrer l’environnement comme facteur de production agricole » ?

A l’origine, un collectif mixte d’amis agriculteurs et non agriculteurs, partageant des intérêts pour les questions environnementales

Quentin Delachapelle chargé de mission à la DRAAF (Direction Régionale de l'Alimentation de l'Agriculture et de la Forêt) et Stéphane Mainsant, agriculteur depuis 2000, se découvrent un intérêt commun pour l’écologie et font le constat qu’aux problématiques agricoles et environnementales, ils ne trouvent pas de réponse dans les associations environnementalistes ni dans l'accompagnement proposé aux agriculteurs dans la profession. Avec d’autres agriculteurs et citoyens ruraux de la Marne et de l’Aube, ils profitent alors de de l’actualité du Grenelle de l’Environnement pour constituer le CIVAM Oasis et réaliser des suivis scientifiques de la trame verte et bleue14 afin de montrer l’intérêt agronomique de la biodiversité en grandes cultures. Dès 2008, ils initient le projet « Arc-En-Ciel », fondateur du CIVAM, dont l’objectif est de connaître le rôle des infrastructures agro-écologiques (IAE) sur la biodiversité ordinaire en observant ces IAE (haies et bandes enherbées) présentes sur les fermes. Il consiste alors à réaliser des suivis de biodiversité dans les parcelles. Les dates clés du CIVAM sont retracées dans la monographie complète (Annexe 11). D’un intérêt pour l’observation de la biodiversité ordinaire puis fonctionnelle, le CIVAM a tenté de démontrer les bénéfices de cette dernière en grandes cultures. Il s’agit désormais de s’intéresser collectivement au lien entre cette biodiversité et les pratiques agricoles. Le CIVAM, actuellement en phase d’expansion, porte davantage sa réflexion sur les systèmes de cultures économes en intrants.

14 Une mesure du Grenelle de l’Environnement, utilisé comme un outil d’aménagement du territoire qui vise à

reconstituer un réseau écologique cohérent, à l’échelle nationale. Il s’agit de corridors reliant des réservoirs de biodiversité. Source : http://www.developpement-durable.gouv.fr/-La-Trame-verte-et-bleue,1034-.html

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Les caractéristiques du CIVAM

Objectifs et principes du groupe

Le CIVAM Oasis est le regroupement de céréaliers et de citoyens ruraux de la Marne et de l’Aube autour des problématiques de la biodiversité en milieu agricole sur le territoire de Champagne Ardenne. Le CIVAM a pour finalité de favoriser les conditions permettant aux agriculteurs d’intégrer l’environnement comme facteur de production agricole.

Fonctionnement et organisation du groupe

Le CIVAM Oasis fonctionne comme un groupe d’échanges, où le partage de l’information et des expériences, dans une dynamique collective, permet de développer des initiatives et tester de nouvelles pratiques (systèmes de production autonomes et économes). Le principe est donc de réunir les agriculteurs afin de débattre et mettre en commun et en discussion les problèmes qu’ils se posent. L’animateur du groupe coordonne, anime les débats et tente de faire émerger des initiatives communes.

Les réunions en collectif permettent d’échanger sur des thèmes fixés par les agriculteurs (administrateurs, animateur mais aussi autres membres) et peuvent accueillir des intervenants spécialistes d’une thématique précise.

Ouverture et limites du groupe

Le CIVAM affiche volontairement une ouverture maximale. Tous les citoyens ou types d’acteurs peuvent adhérer, en venant aux réunions. Le CIVAM n’affiche pas de ligne politique ni de principes exclusifs afin d’éviter de dissuader des adhésions. Comme il se donne pour but de construire collectivement « des outils permettant au maximum de

personnes de changer » (Président du CIVAM oasis), il n’affiche pas de moyens restrictifs pour parvenir aux changements de pratiques.

Une diversité de transitions agroécologiques dans le CIVAM Oasis

Une diversité de manières de s’engager dans le changement de pratiques

Le CIVAM se donne pour objectif, à travers sa récente labélisation en GIEE15, d’accompagner les agriculteurs vers l’agro-écologie, l’autonomie et l’économie. Les trajectoires des changements de pratiques des agriculteurs montrent une diversité de moyens d’y parvenir. Ces moyens peuvent être classés grâce à la grille ESR « Efficience, Substitution, Re-conception », dont l’explication est détaillée dans la monographie complète (Annexe 11).

15 Groupement d’Intérêt Economique et Environnemental, label fondé en 2014 comme outil emblématique du

nouveau projet politique pour la France du ministère de l’agriculture, orienté vers l’agroécologie.

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Différentes raisons expliquent l’engagement des agriculteurs dans les changements de pratiques. Les changements engagés et l’avancée dans chacun d’eux peut se lire à l’aune des ressources sociales, organisationnelles et techniques dont disposent les agriculteurs. Ainsi, ces deux facteurs ont été retenus pour construire (Annexe 7) cinq grands types de transitions agroécologiques au sein du CIVAM. Les différents types de trajectoires identifiés sont représentés sous forme de schémas en fonction des raisons (en vert) et des ressources mobilisées (en rouge). Il s’agit d’une représentation simplifiée des raisons qui ont été initiatrices d’une transition et des leviers qui ont permis d’avancer dans celle-ci

La transition de type 1 (Figure 9) diffère lorsque celle-ci est motivée par des préoccupations économiques ou par un souci environnemental. Les producteurs P6 et P8 réduisent les intrants par souci économique : il s’agit de respecter un cahier des charges (itinéraire technique) sous contrat pour l’un alors que l’autre, récemment installé, est dans un contexte de fort endettement. Cela explique des pratiques assurantielles, où les traitements sont supprimés seulement s’ils n’affectent pas les rendements. Les groupes d’échanges (GEDA) et leurs conseillers permettent aux agriculteurs de sélectionner sans risques les produits à supprimer. Les producteurs P7, P2 et P10 ont déclaré16 être motivés par la réduction des pollutions liées aux intrants. Une des ressources nécessaires semble être l’accès à divers matériels (désherbage mécanique notamment), facilité par la mutualisation des charges et l’échange de matériel (P7 et P2). L’accès aux connaissances apparaît également fondamental (formations, groupes d’échanges).

16 Les catégories ne reposent pas uniquement sur les déclarations des agriculteurs, mais s’appuient également sur les pratiques qu’ils mettent en œuvre, en cohérence avec leurs déclarations.

Figure 9 : Les transitions agroécologiques de type 1 et 2

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La trajectoire de conversion à l’agriculture biologique montre que les ressources mobilisées pour la conversion sont similaires : ils s’expliquent par un manque de références (nécessaires formations et informations sur les références locales produites dans les groupes d’échanges) et un accès nécessaire à une diversité de matériel. La conversion implique une maîtrise progressive des nouvelles pratiques (tant leur maîtrise technique que celle de la réponse du milieu).

Les différences observées dans l’aménagement d’infrastructures agro-écologiques (IAE) semblent en partie liées aux raisons qui les sous-tendent (Figure 10). Dans un cas, le souci environnemental a incité les producteurs P2, P7, P10 à aménager ces IAE tandis que dans les deux autres, il était secondaire voire inexistant. Ils ont donc eu recourt à des formations et à des groupes d’échanges pour faire entrer pleinement les IAE comme un facteur de production. Dans les deux autres cas, c’est la participation à des groupes d’échanges comme le CIVAM, qui permet a posteriori, de penser les IAE comme un levier possible pour la réduction des PPS (produits phytosanitaires). Le producteur P3 n’avait pas initialement l’objectif de réduire les intrants par souci environnemental, ce qui explique qu’il ait une surface minimale réglementaire. Dans le cadre de la directive nitrate17, les bandes enherbées sont obligatoires depuis 2001, lorsqu’une parcelle est à proximité d’un cours d’eau,

17Directive européenne (1991) visant à protéger la qualité de l'eau en prévenant la pollution des eaux

souterraines et superficielles par les nitrates provenant de sources agricoles et en promouvant l'usage des bonnes pratiques agricoles. Source : http://zonestampons.onema.fr/enjeux/contexte-reglementaire

Figure 10 : Les transitions agroécologiques s’appuyant sur la re-

conception, type 3

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afin d’éviter les transferts de polluants vers les nappes. Les IAE représentent une alternative intéressante pour le producteur P1 puisqu’il a récemment initié une conversion à l’AB.

L’engagement dans les techniques culturales simplifiées (TCS) est majoritairement

motivé par les mêmes objectifs (Figure 11). La différenciation des trajectoires se fait cependant en fonction des moyens matériels dont disposent les agriculteurs mais également selon les contraintes pédoclimatiques des parcelles. Deux producteurs convertis à l’AB (P4,

P1) sont ainsi retournés du semis direct au travail superficiel (sans retournement dans un cas, labour agronomique avec retournement dans l’autre). Certains sols sont sensibles à la compaction et les contraintes du mode de production biologique rendent difficile la gestion des adventices sans labour. Le point de départ pour tous est un labour classique, profond avec retournement des couches. Il peut s’en suivre un passage au TCS travail profond (un labour [15-30cm] mais sans retournement). C’est le cas des producteurs P2, P3 et P9, qui ont ensuite changé pour pratiquer le semis direct sous couverts, selon différentes modalités pour chacun. D’un labour classique, certains producteurs sont passés à un travail superficiel. Les producteurs P8 et P5 pratiquent le non labour afin d’économiser du temps (labour chronophage, coûteux). Dans tous les cas, la condition nécessaire pour les TCS est l’accès à un matériel spécifique, permis par la mutualisation, l’auto-construction ou la

Figure 11 : Les transitions agroécologiques s’appuyant sur la re-conception, type 4

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copropriété). L’entraide et l’appartenance à un réseau semblent essentielles pour la poursuite vers le semis direct sous couvert (SCV) et le travail en bande (cultures en rang). L’échange de semences avec d’autres producteurs facilite le SCV pour le producteur P3. S’informer grâce aux groupes dédiés aux TCS mais aussi grâce aux magazines et forums internet est aussi une ressource (P2, P3).

Deux grandes manières de diversifier l’assolement se distinguent : l’introduction de nouvelles productions à l’échelle de l’exploitation, et l’association de cultures, à l’échelle de la parcelle (Figure 12).

Pour la plupart des producteurs, la transition vers les cultures associées est initiée par l’introduction de cultures intermédiaires, souvent liées à la Directive Nitrates qui promeut la couverture du sol en hiver pour limiter le lessivage des nitrates. Ces Cultures Intermédiaires Pièges A Nitrate (CIPAN), sont d’abord monospécifiques (moutarde) puis plurispécifiques. Cette diversification peut être liée à un passage au SCV (P3, P1, P8), qui implique de travailler et raisonner l’intérêt des couverts végétaux, ou liée à un atelier d’élevage (prairies plurispécifiques pour P3, P5). Les producteurs se sont appuyés sur les ressources financières (aides) et l’entraide (échanges de semences) pour semer des couverts diversifiés. Au contraire, certains producteurs (P1, P8), ont pu, par moment, retourner vers des couverts d’une seule culture (souvent la moutarde), car les mélanges préconisés ne se développaient pas correctement. D’autres ressources sont apparues nécessaires, comme l’appartenance à un réseau (formations, groupes d’échanges, P4, P10)

Figure 12 : Les transitions agroécologiques s’appuyant sur la re-conception, type 5

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L’introduction de nouvelles productions est un autre moyen de diversifier l’assolement. Dans les cas des producteurs P4, P7, P10, l’introduction de l’élevage sert à augmenter à l’autonomie de la ferme. Produire une partie de ses intrants permet de réduire les coûts importants des fertilisants organiques, obligatoires dans le cadre de la conversion biologique de P4 et P10. Cela peut être permis par des installations futures (fils, épouses, P4, P7) pour initier l’atelier d’élevage ou par la formation dédiée à la vente directe (VD), pour pérenniser l’activité. Etre constitué en GAEC (P7) ou en groupement d’employeurs (P3) semble également avoir été une condition favorable.

Pour l’introduction de nouvelles cultures, l’opportunité de contrats auprès des coopératives est souvent un facteur décisif. Pour d’autres, les débouchés se créent en valorisant par la VD (P4, P10). L’accès à une diversité de matériel facilite la diversification, et est permise par la réduction des coûts (copropriété, CUMA, GAEC). Pour les producteurs P3, P5 et P10, la mutualisation du travail a facilité la transition (culture en commun-P5 avec P10, banque de travail associée à une CUMA-P3).

Il existe des situations de coexistence de différentes transitions au sein d’une même exploitation, et ce pour la totalité des producteurs rencontrés. Ces transitions s’hybrident quand elles répondent aux mêmes objectifs, qu’elles s’appuient sur les mêmes ressources ou qu’elles répondent à des logiques agronomiques similaires.

Les actions collectives : un enchâssement de réseaux et d’organisations autour du

CIVAM Oasis

Le tableau en Annexe 11 recense les actions collectives auxquelles les membres du

CIVAM interrogés18 prennent part. Celles-ci sont distinguées en fonction du niveau qu’elles concernent : il peut s’agir d’action entre plusieurs membres du groupe et des organisations extérieures, des actions concernant l’ensemble du groupe ou des actions liées aux réseaux individuels des membres. L’étude de chaque niveau d’action collective s’appuie sur les raisons données par les agriculteurs pour s’y engager et les ressources qui les ont facilités.

Les relations reliant plusieurs membres du groupe à une organisation extérieure (groupes de développement, associations, coopératives) permettent majoritairement aux agriculteurs d’accéder à de l’information, des formations ou des expérimentations (cultures associées, matériel). Il s’agit de réseaux portant des thématiques techniques au sujet desquelles les agriculteurs souhaitent progresser : les TCS, l’agriculture biologique (FRAB) ou la réduction d’intrants (DEPHY Ecophyto19). La participation à ces réseaux est largement permise par un réseau socioprofessionnel déjà structuré.

Les actions collectives strictement internes au groupe relèvent de l’entraide. Ces

18 Les actions collectives recensées ne sont pas exhaustives et ne concernent que celles citées par les agriculteurs pendant les entretiens (10 agriculteurs, juin 2015).Les lettre majuscules représentent des membres du CIVAM qui n’ont pas été interrogés mais cités lors des entretiens.

19 Le réseau DEPHY est un instrument national pour atteindre les objectifs du plan Ecophyto 2018, qui vise à réduire l’utilisation des produits phytosanitaires d’ici 2018.

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échanges ont été favorisés par la participation au CIVAM qui fait apparaître des problématiques communes. Les conditions semblant nécessaires aux actions collectives recensées sont l’interconnaissance, la révélation de besoins complémentaires ou de préoccupations communes (exemple des échanges de pailles fumier en cas de problème d’approvisionnement, ou des échanges de semences en cas de couverts végétaux en TCS). Des projets communs à l’ensemble du groupe débutent (réflexion collective en soutien à un membre) mais le GIEE s’est constitué récemment et les actions collectives semblent nécessiter du temps pour émerger. L’interconnaissance entre tous les membres est en cours mais la distance géographique peut représenter un frein, même lorsque les conditions pour l’action collective sont réunies. Les producteurs P2 et P10 ont par exemple un intérêt commun pour les IAE, la biodiversité et utilisent tous les deux les leviers de l’agriculture biologique pour réduire les PPS, mais résident loin l’un de l’autre, comme le montre la carte de la monographie complète (Annexe 11).

Les actions collectives entre un membre et l’extérieur relèvent des réseaux

individuels. Ces réseaux n’impliquent pas plus d’un membre du CIVAM. Si celles-ci ne sont pas initialement destinées à s’engager dans les transitions agroécologiques, elles préexistent et sont des moyens facilitant les transitions. C’est le cas notamment des producteurs ayant mutualisé les facteurs de production (matériel, foncier, travail). Les économies réalisées peuvent permettre de financer un salaire supplémentaire pour la création d’activité via l’embauche (P3, P2). S’agissant d’activités effectuées dans le cadre de l’exploitation, la condition la plus récurrente semble être la proximité géographique. Les actions collectives d’entraide nécessitent une flexibilité et une proximité (déplacer le matériel pour les échanges, mise à disposition d’une parcelle pour les apiculteurs). Cette proximité est également sociale

dans le sens où l’interconnaissance ou une expérience antérieure de mutualisation peut-être un moyen facilitant ces échanges.

CONCLUSION : les spécificités du CIVAM Oasis

L’appartenance à plusieurs réseaux apparaît être un moyen de trouver des informations et des compétences inexistantes dans les institutions agricoles classiques. Les connaissances, liées à de nouvelles pratiques ou encore au rôle de la biodiversité, sont peu développées dans les instances agricoles. Les agriculteurs s’engageant dans ces transitions ont donc besoin de mobiliser une diversité de relations, d’arrangements et de réseaux (en quantité et en diversité). Adhérer au CIVAM est alors un moyen de pénétrer dans ces réseaux.

Bien que les agriculteurs s’appuient sur d’autres réseaux que le CIVAM, il semble être un lieu unique à plusieurs titres. D’abord, le CIVAM semble être l’unique groupe d’agriculteurs où sont évoquées les questions de biodiversité et d’IAE, à partir d’une posture particulière, propre au réseau CIVAM. Ce dernier, en plus d’aborder des questions qui ne sont pas purement agricoles (biodiversité), les questions de biodiversité en agriculture sans envisagées comme des opportunités pour augmenter leur autonomie plutôt que des contraintes. Enfin, l’hétérogénéité de ses membres le rend également singulier, dans la mesure où il est un lieu de rencontre entre une diversité de profils, qui n’ont pas toujours l’habitude d’échanger.

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Analyses et discussion

Approche comparative des deux études de cas : qu’apprennent-elles au

sujet de la transition agroécologique et des dynamiques collectives ?

Quels enseignements tirer de l’analyse croisée des deux études de cas ?

Les deux CIVAM présentent des points communs

Des groupes d’échanges pour produire des connaissances et faciliter la transition. Selon les principes de Stassart et al., 2012, les transitions portées par les groupes respectent certains principes l’agroécologie. Les deux CIVAM ont un fonctionnement similaire puisqu’il s’agit de groupe d’échanges créés et gouvernés par et pour des agriculteurs souhaitant mettre en commun leurs expériences, leurs doutes, leurs difficultés etc. Ils développent tous deux un réseau important et diversifié avec d’autres associations, notamment à travers des partenariats privilégiés avec la recherche (convention cadre entre l’INRA et le réseau CIVAM).

L’accompagnement d’un groupe implique ainsi l’accompagnement des réseaux individuels des membres du groupe. La caractérisation des différents réseaux auxquels les agriculteurs prennent part est nécessaire car elle indique les ressources qu’ils mobilisent (en dehors du groupe) et les individus avec lesquels ils discutent et par lesquels ils sont éventuellement influencés.

Les techniques d’accompagnement sont propres au réseau CIVAM, qui se fonde sur une tradition d’éducation populaire, où la priorité est donnée à la création des conditions pour une parole libre et des débats présentant diverses positions. L’hétérogénéité au sein d’un groupe est donc bienvenue.

Les deux collectifs affichent, par des réunions accessibles à tous, une ouverture à

l’ensemble les citoyens (ruraux, agriculteurs, non agriculteurs…) intéressés ou concernés par les problématiques qu’ils traitent. La participation d’autres acteurs (institutions de développement agricole, public scolaires, techniciens…) est favorisée. Cela semble favoriser le débat public, notamment pour des questions qui ne concernent pas uniquement les agriculteurs (biodiversité, préservation de l’environnement).

Et préservent leurs singularités

Les deux CIVAM traitent différemment de l’autonomie. Au sein du CIVAM Empreinte, l’autonomie est promue par tous et semble renvoyer à la même définition (autonomie vis-à-vis des filières, autonomie financière, décisionnelle). Au sein du CIVAM Oasis, il y a différentes visions de l’autonomie et du modèle agricole promu. L’entrée biodiversité du CIVAM a autorisé une forte hétérogénéité des systèmes de production des membres, qui se trouvent ainsi dans des logiques de production différentes et mobilisant des référentiels différents. La question de l’autonomie dans le CIVAM Oasis semble pour la majorité renvoyer à des questions économiques, notamment de réduction d’intrants. Une minorité de membres semble cependant avoir des définitions plus proches de celles portées par le réseau national des CIVAM (autonomie décisionnelle, des conceptions différentes de la performance économique).

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Cela peut être mis en relation avec l’encadrement dans des contextes agricoles

différents. Dans le cas du CIVAM Oasis, les producteurs sont intégrés dans une agriculture se caractérisant par un encadrement aval et amont par des institutions, des normes et des règles très différentes de celles du CIVAM Empreinte. A titre d’exemple, les contraintes liées à l’insertion dans des filières longues et structurées par différents niveaux coordonnés entre eux, réduisent les marges de manœuvre des agriculteurs. Ces verrouillages à l’échelle du système agri-alimentaire20 et mettent en lumière des freins à certains changements de pratique. Dans le cas de la réduction d’intrants en céréaliculture, Lamine et al., 2010, montrent, par une approche socio-historique, comment s’est construit une trajectoire d’intensification impliquant progressivement un vaste ensemble d’acteurs à tous les niveaux de la filière et dans les institutions concernées, et se « verrouillant » au fil du temps, en empêchant certains retours en arrière du fait de l’interdépendance des acteurs, des institutions et des pratiques, et cela malgré les impasses qui peuvent caractériser cette trajectoire. Ainsi, le cahier des charges peut contraindre à cultiver une certaine variété de blé difficile à désintensifier mais appréciée par les meuniers et boulangers (Lamine et al., 2010). Dans le cas du CIVAM Empreinte, les installations hors cadre familial sont majoritaires, avec un encadrement assez faible par les institutions agricoles classiques (syndicat, coopérative, Chambre d’agriculture, conseil technique privé). Le recours à la vente en circuit court, au financement participatif pour la constitution de troupeau ou encore à une installation peu encadrée car relativement peu classique puisque ne nécessitant pas d’investissements lourds dans une diversité de matériels et/ou de bâtiments coûteux, sont autant de raisons qui justifient un encadrement très faible par rapport aux producteurs du CIVAM Oasis.

Malgré cela, un constat est commun parmi les producteurs, l’inadéquation du régime sociotechnique dominant pour avancer dans la transition. Les compétences des agriculteurs et du conseil doivent être renouvelées, de nouveaux apprentissages réalisés, et peu de structures classiques agricoles sont capables de donner des réponses aux questions que les agriculteurs se posent. Ainsi, à travers les groupes d’échanges CIVAM et d’autres formes d’actions collectives, les agriculteurs se donnent des moyens pour avancer dans la transition.

Quels enseignements tirer des actions collectives?

L’étude des deux CIVAM met en lumière des conditions communes facilitant les actions collectives, au-delà du type de l’action collective. L’interconnaissance semble être décisive pour mener tout type d’action collective (groupe d’échange, entraide, mutualisation d’un facteur de production…). L’interconnaissance peut être permise par la proximité géographique, l’appartenance à un même réseau ou par une expérience antérieure de mutualisation, qui elle favorise la confiance dans la possibilité de s’organiser pour mener une activité en commun. L’entraide et la mutualisation des facteurs productifs sont plus particulièrement favorisés par la proximité géographique et la complémentarité des besoins, des compétences ou encore des préoccupations. La mutualisation des facteurs de production

20 Défini comme l’ensemble englobant les filières de production, de transformation, de distribution, mais aussi la

sélection variétale, la recherche, le conseil technique, les politiques publiques et les instances de régulation (Lamine et al., 2010)

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peut également être facilitée par la proximité dans les systèmes de production. Dans le cas d’individus et de systèmes très hétérogènes, un tiers peut jouer le rôle de passerelle et de mise en réseau. Cela peut être le cas d’un CIVAM ou d’une autre organisation. L’éventualité de recevoir un soutien financier peut enfin être interrogée comme condition facilitant l’action collective. Le label GIEE encourage en effet le regroupement d’agriculteurs et l’émergence d’initiatives collectives, au travers d’un meilleur accès à des subventions.

L’étude des deux CIVAM met en lumière des motivations communes expliquant l’émergence des actions collectives. Six fonctions ont été dénombrées mais leur importance dépend de la situation de chacun. Ces perceptions sont donc l’expression de situations individuelles, subjectives, n’autorisant pas, en plus d’un échantillon réduit, à les hiérarchiser. La fonction de soutien technique est tout de même citée à l’unanimité par les 20 agriculteurs rencontrés. Ces derniers l’expriment en évoquant le nécessaire accès à l’information, aux conseils, aux expérimentations ou aux diagnostics. Ces deux dernières expressions sont moins souvent exprimées directement comme relevant de l’action collective mais semblent assurer l'initiation de l'activité agricole (apprendre le métier avec un agriculteur expérimenté) ou sa pérennisation (progresser dans une technique). La fonction économique répond majoritairement à la réduction des charges ou à l’accès à un matériel spécifique et/ou coûteux, la fonction ergonomique répond au souhait de faciliter l’organisation du travail. La fonction sociale apparaît importante pour les agriculteurs, qui l’expriment en évoquant le besoin d’échanger avec d'autres producteurs ayant des valeurs communes, dans un contexte de convivialité permettant la réassurance mutuelle. Cette fonction est parfois pratiquée de telle sorte (participation à des associations locales, collectivités) qu’elle semble servir à intégrer l'exploitation au territoire pour avoir un ancrage fort avec les dynamiques sociales locales. La fonction politique, militante (influencer les politiques publiques en faveur du modèle pratiqué) a surtout été citée par les agriculteurs du CIVAM Empreinte et au sujet du CIVAM Empreinte.

Les transitions agroécologiques, quels enseignements tirer ?

Les conditions communes aux deux CIVAM : nécessaires et indépendantes du

type de transition

L’accompagnement technique a semblé fondamental pour confirmer l’engagement dans une transition. Il peut aider les agriculteurs à être informés des nouvelles techniques via des formations, du conseil privé ou collectif. Les expérimentations volontaires ou involontaires permettent le test et l’évaluation, lesquelles semblent être des activités nécessaires à la validation de la technique par l’agriculteur. Une nouvelle technique implique en effet une appropriation de sa part suite à l’information sur la technique (adaptation au contexte et à son cadre de contraintes). L’action collective sous forme de mutualisation des moyens de production pour certains (assolement en commun, groupement d’employeurs), ou sous forme d’entraide (échanges de ressource, conseils et réassurance) peuvent faciliter la réorganisation des systèmes productifs. L’action collective et/ou la réorganisation des systèmes peuvent être facilités par l’accès à un réseau diversifié afin de mobiliser diverses compétences ou faciliter la commercialisation en circuit court. Enfin, la pluriactivité des

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foyers a pu apparaître comme un moyen permettant de sécuriser les sources de revenus et parer aux aléas d’une activité aux revenus bas ou variables (dans le cas du CIVAM Empreinte notamment). De la même manière, les subventions semblent représenter une aide non négligeable dans le revenu net des agriculteurs et notamment des éleveurs.

Dans le cas spécifique du CIVAM Oasis, assurer une capacité financière peut être une condition indispensable pour certaines transitions, notamment dans le cas des TCS, pour lesquels l’accès à un matériel et à sa maîtrise semblent indispensables. Cette condition pouvant être relativisée en combinant plusieurs moyens comme la mutualisation ou l’échange de matériel entre pairs. Une combinaison de conditions semble nécessaire. Par exemple, si passer aux TCS nécessite l’accès à un matériel spécifique et onéreux, la diminution de l’usage des herbicides dans le cadre des TCS peut être davantage conditionnée par l’accès à l’information (Landel, 2015).

Finalement, l’étude des ressources mobilisées et des conditions favorisant leur mobilisation par les agriculteurs, conduit à l’identification de certaines contraintes. Au niveau territorial, dans le cas du CIVAM Oasis, il a pu être observé que la forte spécialisation du territoire semble conduire à la réduction des moyens de valorisation des productions. Dans le cas d’associations de cultures ou de mélanges de variétés, il existe une contrainte de la part des coopératives qui autorisent des cultures en mélanges seulement pour les variétés pour lesquelles elles ont des contrats. De plus, le tri des variétés doit être réalisé par l’agriculteur (valorisation différente si l’on retrouve par exemple des résidus d’une culture dans une autre). Les complémentarités agriculture élevage sont rendues difficiles à cause de la très faible présence d’élevage sur le territoire, notamment en lien avec sa spécialisation en grandes cultures. La faible densité des exploitations, liée à la forte concentration d’exploitations de grandes tailles, semble pénaliser les échanges de proximité, parfois nécessaires. Au niveau territorial, dans le cas du CIVAM Empreinte, la principale contrainte rapportée est celle de l’accès au foncier et notamment à son partage avec d’autres usages (exemples des pâturages des éleveurs du CIVAM Empreinte situées sur des terres communales ou privées). Créer les conditions favorables au développement du pastoralisme semble nécessiter un effort de coordination entre les acteurs, à l’instar de l’initiative du Pacte Pastoral en Cévennes21.

Plus largement, des contraintes liées à l’inadéquation du régime sociotechnique semblent se situer pour les agriculteurs rencontrés, au niveau des formations (initiales, continues), des systèmes de subventions de la PAC qui semblent inadaptés à certains systèmes (notamment pour le pastoralisme, quand certaines ressources ne sont pas reconnues comme telles, ou quand les contrôles interviennent à des périodes où les parcours ne semblent pas avoir été pâturés alors que la subvention est donnée à hauteur de ce qui est pâturé). Il semble enfin que les institutions agricoles classiques accompagnant les agriculteurs ne répondent pas à leurs interrogations techniques en lien avec leurs transitions

21 D’abord à l’initiatives d’éleveurs pastoraux, cette expérience collective a ensuite réuni les acteurs du territoire

pour qu’ils s’organisent autour de la défense du pastoralisme, considéré d’intérêt général. Le Pacte, formalisé par un texte proposé à la Communauté de commune, repose sur plusieurs valeurs telles que la négociation entre les élus et la population, l’intégration du pastoralisme à l’identité du territoire… source : Fiche Des démarches collectives pour une agriculture durable, ADMM.

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agroécologiques et les nouveaux apprentissages qui les accompagnent (comme évoqués précédemment au chapitre 5.1).

Ces contraintes rappellent la notion de verrouillage technologique étudiée par certains auteurs (Landel, 2015 ; Lamine, 2010). Cette dernière, selon Landel, « désigne une

situation dans laquelle une technologie A peut être adoptée de façon durable au détriment

d’une technologie B, et ce même si la technologie B apparaît par la suite comme étant la plus efficace (Arthur, 1989) (…) Les travaux en termes de verrouillage technologique montrent

l’importance des facteurs institutionnels et des ressources cognitives pour expliquer les situations d’inertie et les obstacles au changement. Parmi ces différentes ressources cognitives (idées, cadres cognitifs et normatifs encadrant la pratique…), les connaissances sont une ressource cruciale pour les acteurs, aussi bien pour le débat public et l’élaboration des politiques publiques que pour les agriculteurs qui cherchent à changer de modèle

technique » (Landel, 2015, pp.59-60). L’accompagnement semble alors confronté à l’enjeu de pouvoir lever ces verrous,

qui, pour les agriculteurs, se manifestent à l’échelle individuelle comme à l’échelle du groupe. Pour l’accompagnement collectif, il apparait alors essentiel de favoriser les échanges entre les agriculteurs et entre les différents modèles agricoles présents pour permettent des synergies. L’accompagnement doit ainsi être adapté aux situations individuelles personnalisées mais aussi s’appuyer sur le groupe comme le réaffirment certains auteurs (Dedieu, 2010). En ce sens, l’outil conçu pendant l’étude donne des pistes pour la compréhension des logiques des agriculteurs, et l’identification des ressources nécessaires pour lever les éventuelles contraintes.

Discussion des produits du nouvel outil d’analyse

Les intérêts de l’outil pour l’analyse des transitions agroécologiques en contexte collectif

Les variables ajoutées à l’outil ont été révisées suite à leurs mises à l’épreuve sur les terrains. Les intérêts de la nouvelle grille d’analyse et du protocole qui l’accompagne sont donc instruits dans le descriptif complet de la grille (Annexe 1). Plus globalement, l’intérêt de l’outil réside dans l’ambition qu’il a d’analyser les transitions agroécologiques à l’œuvre dans un groupe d’agriculteurs.

L’outil permet de comprendre les logiques individuelles et les dynamiques du

groupe. Ces deux échelles enrichissent la réflexion et la perspective de l’accompagnement. Encourager à s’intéresser aux situations individuelles permet également de dépasser les limites qu’il peut y avoir à considérer seulement le groupe comme une entité globale. Considérer qu’il peut être représenté par une seule voix conduit à rendre invisible les éventuels jeux de pouvoir ayant lieu ou conduire à une forme « d’enclicage » (Olivier de Sardan, 2003). Défini comme un piège difficile à éviter lors d’une enquête individuelle, « le chercheur est sans cesse en danger d'être "encliqué" c’est à dire d'être identifié et de s'identifier à une "clique", à un sous-groupe, et où il ne peut facilement passer du point de vue d'un groupe d'acteurs locaux à un autre : le risque est soit de rester extérieur aux différents

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points de vue locaux, soit d'être enfermé dans un seul d'entre eux » (Olivier de Sardan, 2003). Cela pourrait également être le cas dans l’étude d’un seul groupe, qui regroupe des individus qu’on peut considérer a priori différents, portant des intérêts différents (des groupes stratégiques différents qu’il convient d’identifier). Considérer que le groupe doit être représenté dans sa diversité permet également de donner la parole à ceux qui s’expriment le moins. La constitution des sous-groupes ayant des parcours complémentaires ou différents est une piste pour mettre à profit au sein collectif les situations individuelles. Il est possible de confronter les succès et échecs de chacun, même quand ils ne le soulignent pas eux même (on peut considérer que certains accompagnateurs soient instruits de la situation et puissent ainsi susciter la parole). L’intérêt de la variable trajectoire pour l’accompagnement est ainsi de permettre de penser les ruptures et les changements de direction afin d’aider à la construction du chemin du changement en s’appuyant sur le groupe. Il s’agit d’une fonction de l’accompagnement dont l’importance a été soulignée par ailleurs (Duru, 2014).

L’outil a l’intérêt de mettre en lumière les dimensions non techniques qui interviennent dans le changement de pratiques. A l’image des CIVAM, il apparaît nécessaire que l’accompagnement ne soit pas seulement un accompagnement technique. A la lumière des différentes rationalités expliquant les stratégies des agriculteurs, connaître les individus et leurs ressources, leur projet de vie, personnel et professionnel apparaît important pour les accompagner de manière satisfaisante, dans la pérennisation de leur activité.

Avec la variable V3.1 « Perceptions de l’accompagnement et du groupe » l’accompagnateur envisage comment mieux piloter la dynamique collective, en comprenant et en prenant en compte la diversité qui la caractérise. Autrement, les limites du groupe peuvent être mal connues, dans un contexte de recompositions des actions collectives au sein et aux frontières du groupe. L’outil permet de re-questionner les limites et leurs fondements et ainsi d’apporter des éclairages sur cette question. Sa valeur réside dans l’approche qu’il a de susciter le questionnement, tout en restant ouvert.

Enfin, le travail de recherche mené dans le cadre du projet CapVert s’inscrit dans un contexte de faible visibilité des arrangements collectifs entre agriculteurs. Il existe trois raisons ayant concouru à leur invisibilité statistique (Lucas et al., 2015) : les outils des politiques publiques agricoles ont longtemps été fondés sur le chef d'exploitation et l'unicité de l'exploitation, certains de ces arrangements ne font pas l’objet de déclaration juridique (telles que les banques de travail), et in fine les sciences sociales, pour comprendre les changements techniques, ont plus étudié le système d’exploitation à l’échelle de la famille et du système de production qu’à l’échelle de l’action collective. Certains auteurs (Lucas et al., 2015) constatent alors « une carence de grilles d'analyse des dynamiques collectives agricoles ». L’outil, en rendant visibles les arrangements collectifs entre agriculteurs, contribue ainsi à répondre à la finalité du projet CapVert.

Limites de l’outil d’analyse

L’absence de certaines variables ne permet pas une analyse technico-économique.

En effet, la variable 2.2 s’intéresse au fonctionnement global de l’exploitation mais aucune donnée ne concerne les performances techniques ou économiques. De la même manière, l’absence totale de variables quantitatives peut rendre incomplète la compréhension des

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rationalités économiques des agriculteurs. Le choix de ne se focaliser que sur un changement technique peut représenter un

biais qui ne permet pas toujours d’étudier l’ensemble des changements techniques et organisationnels dans une perspective systémique. L’option méthodologique choisie pour la grille d’analyse consiste à détailler un changement technique perçu comme central (par l’enquêteur et/ou déclaré comme tel par l’agriculteur) après le récit de l’histoire de la trajectoire de l’agriculteur. Or, il peut s’avérer impossible de comprendre la logique sous-jacente à un seul changement sans prendre garde à reprérer tous les impacts qu’il peut avoir sur les autres ateliers du système d’activités. Le changement technique s’étudie de manière systèmique. A chaque changement technique précis identifié, il convient de le mettre en

perspective avec toutes les autres composantes du système.

D’un outil d’analyse à un outil d’accompagnement *

Afin de faciliter la prochaine mise en discussion de l’outil, pour son utilisation dans une démarche d’accompagnement des dynamiques collectives vers l’agroécologie, cette partie propose des pistes de réflexion en trois temps. D’abord, l’outil est évalué à la lumière des caractéristiques des outils pensés pour l’accompagnement (Dalmais et al., 2013). Elle discute ensuite des propositions concernant l’utilisation de l’outil, issues du travail précédent (Le Cunff, 2014). Enfin, elle donne de nouvelles pistes d’utilisation, issues des réflexions permises par la présente de l’étude.

Les caractéristiques d’un outil pensé pour l’accompagnement *

Cette partie s’appuie sur les caractéristiques d’un outil d’accompagnement, décrites par Dalmais et al., 2013. Elle tente de voir comment l’outil respecte ces caractéristiques.

« L’outil ne doit pas impacter la qualité d’écoute réciproque de l’accompagné et de l’accompagnateur (parce que trop distrayant ou complexe à utiliser) »

Il est proposé de réaliser des entretiens de type semi directif où l’agriculteur est invité à raconter. En ce sens, la capacité d’écoute de l’accompagnateur est sollicitée et mobilisée puisqu’il adopte une posture compréhensive (le protocole d’utilisation, du moins, l’y invite).

« L’outil doit permettre de reconnaitre la singularité de l’accompagné (son histoire, ses ressources, ses idées, ses envies…) ». Une partie importante de la grille d’analyse se consacre à la compréhension des logiques et des situations individuelles. Parmi les variables d’analyse, la variable V2.1 « Trajectoire des changements de pratiques sur l'exploitation agricole » concerne notamment l’histoire de l’agriculteur, ses objectifs, ses rencontres, ses perceptions et les ressources qu’il mobilise.

Même si des situations individuelles sont peu représentées dans le groupe, les variables permettent de leur donner une place. L’outil incite à dépasser les suppositions ou a priori et aide ainsi à ne pas négliger les individualités discrètes ou muettes. L’outil invite à considérer toutes les singularités en posant le postulat qu’elles sont importantes pour comprendre le groupe (notamment dans le cas d’un utilisateur qui serait l’accompagnateur du groupe). Dans le cas d’un utilisateur extérieur qui n’est pas dans la capacité à s’entretenir avec tout le groupe, le protocole d’utilisation invite à procéder à un échantillonnage raisonné

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permettant de donner à voir et à comprendre la diversité. « L’outil doit permettre de débattre et d’avoir un dialogue sur la représentation

qu’il donne de l’accompagné. Ses références doivent être modifiables et il doit évoluer au cours du temps ». Toutes les représentations schématiques à l’échelle individuelle et collective produites (trajectoires, transitions, CAP, réseaux) peuvent être des supports de restitution et/ou de discussions avec les agriculteurs accompagnés. Ces supports sont ainsi invités à être modifiés au cours du temps, en respectant les évolutions de la réalité qu’il décrit.

« L’outil ne propose pas de prescription préétablie et n’est pas normatif ». Dans sa tentative de compréhension des situations individuelles, l’outil incite à rester ouvert. Il ne s’accompagne pas de définition normative de l’agroécologie et de l’action collective et permet donc d’embrasser la diversité des situations. Cela permet également de ne pas passer à côté d’une réalité qui, si elle devait rentrer dans une case préétablie, ne pourrait être repérée, malgré l’intérêt qu’elle peut présenter.

« L’outil doit être une boîte blanche : il laisse apparents les éléments nécessaires à

son fonctionnement ». L’architecture de la grille d’analyse est claire et donne pour chaque variable une définition, une illustration et explicite ce qu’elle permet (« modèle explicatif »). Le protocole d’utilisation est garant d’une cohérence tout au long de la démarche. Il clarifie les postures à adopter et avec lesquelles a été créé l’outil. Il clarifie les méthodes de récolte et d’analyse de données proposées, qui ont par ailleurs été réfléchies pour être cohérentes entre elles mais également facilement appropriables ou modifiables. L’outil aspire ainsi à être adaptable aux compétences de l’utilisateur et aux situations.

Discussion des pistes d’instrumentation

Discussion des pistes issues de l’étude précédente*

Il apparaît intéressant de discuter les premières pistes d’utilisation (instrumentation) de

l’outil, issues du travail précédent (Le Cunff, 2014). Chaque proposition de l’étude est discutée ci-dessous.

« L’outil pourrait en effet être remobilisé dans la relation d’accompagnement, en étant par exemple présenté par l’accompagnateur au groupe. Il prendrait alors un rôle dans le processus d’accompagnement (…) Il est d’ores et déjà possible de proposer quelques pistes de réflexion concernant ces conditions : cette remobilisation de la

représentation produite par l’outil ne peut se faire sans l’assentiment préalable des acteurs concernés ; il ne s’agit pas de donner l’analyse en lecture aux membres du groupe, sinon de la présenter dans une forme de restitution ; il convient enfin de

réfléchir à la nature et au niveau de détail des éléments restitués, et il peut être

nécessaire de garder certaines données confidentielles.

La représentation synthétique de la CAP peut être utilisée comme support de la

présentation. » Grâce aux conditions citées ci-dessus, une remobilisation de l’outil est envisageable sous deux formes. La représentation schématique de la CAP et de ses réseaux

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peut en effet s’avérer intéressante dans une perspective de « co-construction d’une vision partagée entre les membres du groupe » (Le Cunff, 2014). Cela peut permettre de donner une vision globale du groupe pour mieux orienter l’accompagnement comme le suggère l’étude précédente, en précisant peut-être qu’il peut être intéressant pour se faire, de s’appuyer sur les objectifs que se donne le groupe mais aussi sur les fonctions que chacun lui attribue (parfois différentes). Cela peut aussi mieux l’armer dans ses moyens et arguments de communication (demande de subventions, création de partenariats..). Enfin, cela peut être un moyen pour le groupe et pour l’accompagnateur de mieux situer le groupe dans son environnement social (avec qui est-il vraiment en lien ? Pourquoi ? Quelles associations ou partenariats sont à construire ?). A l’échelle du groupe, il peut être intéressant de mieux cibler les individus partageant des intérêts communs, de faire naître des complémentarités et des actions collectives insoupçonnées. Il est également suggéré qu’en faisant « le point sur l’existant et [en identifiant] des points faibles », l’outil permet l’amélioration du fonctionnement et de l’organisation du groupe.

« Le produit de cette remobilisation, s’il est formalisé par exemple en un nouveau schéma, pourrait également être réutilisé ultérieurement dans l’accompagnement du

projet. Ce nouvel artéfact pourrait en effet être mis à jour périodiquement, par

l’accompagnateur de manière autonome ou en concertation avec les membres du groupe (…) le tout dans un dispositif moins lourd que le diagnostic initial ».Cette proposition paraît intéressante et faisable dans la mesure où la construction du schéma est simple et appropriable facilement par l’accompagnateur et par le groupe. Cela renforce leurs interactions et les possibilités de débat.

« Les représentations schématiques pourraient très bien faire office de support de

discussion entre les accompagnants, et être utilisées pour partager et mettre en débat les

analyses issues de l’utilisation de l’outil. De la sorte, l’outil serait un moyen d’apporter de la cohérence à l’accompagnement global de la CAP par la construction d’une conscience partagée de la dynamique accompagnée. » Il paraitrait en effet intéressant, dans un contexte de multiplication des structures accompagnatrices, de confronter les enseignements tirés de l’analyse du groupe. Puisque celle-ci montre qu’il peut exister une diversité de transitions agroécologiques ou changements de pratiques, qui ont tendance à s’appuyer sur une diversité de ressources, cela pourrait permettre de mieux définir ce que chaque structure peut apporter. Cela pourrait permettre d’éviter les situations de doublons, s’enrichir des complémentarités de chacune, accroître finement la compréhension des besoins et ainsi mieux orienter les producteurs dans les possibilités qui s’offrent à eux.

Propositions de pistes issues de la présente étude

Dans la continuité des propositions d’instrumentation à l’échelle collective, il pourrait être intéressant de mettre en réflexion au sein d’un groupe des situations de trajectoires. En s’appuyant sur l’outil proposé pour construire des typologies de trajectoires (Annexe 7), cela permettrait de discuter des conditions du changement. Ces trajectoires, construites sous forme de schémas, sont simples à élaborer de manière collective et pourrait favoriser les interactions ou susciter des débats. Elles figurent les ressources que les producteurs mobilisent

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pour faciliter leur changement de pratique. Une trajectoire individuelle, intéressant plusieurs membres du groupe, pourrait être diffusée en réunion, pour repérer quelles ressources sont mobilisables et sous quelles conditions. Il peut s’agir de mobiliser une institution ou une personne ressource, mutualiser un matériel, l’auto-construire, réaliser une formation… La question de la réunion pourrait avoir comme objet « Qu’est-ce que signifie une conversion au pastoralisme ? Une diversification d’activités ? Que doit-on en tirer en termes d’acquisition de technicité, d’achat matériel, de changement de statuts ? Quels sont les besoins en termes de connaissances, de mise en réseaux…? ». L’identification des ressources peut autant servir pour avancer dans la transition individuellement que pour se donner les moyens d’avancer collectivement. Le repérage des ressources permettrait également de resituer le groupe parmi les ressources mobilisables, et ainsi questionner sa fonction pour la réorienter si besoin.

Réfléchir aux leviers permettant aux agriculteurs de se donner les moyens d’avancer dans la transition devrait favoriser les coopérations même au-delà du groupe et ainsi inciter à créer des coopérations à l’échelle du territoire (coopérations permettant la commercialisation, la construction de filières locales, d’échanges de ressources, de dispositifs locaux de gestion des ressources naturelles etc.). L’outil met en effet en lumière les réseaux que mobilisent les membres du groupe pour avancer dans la transition. Il conviendrait donc de les coordonner entre eux pour rendre ces multiples coopérations plus efficaces. Aussi, cette coordination et vigilance des réseaux constitueraient un levier pour inclure les agriculteurs qui ne sont pas encore engagés au niveau des transitions, mais qui sont en lien avec le groupe.

Limites de la méthodologie

L’étude et la qualification des transitions agroécologiques

Pour qualifier les transitions d’agroécologiques, l’étude s’est appuyée les principes de Stassart et al., 2012, en s’appliquant pour chacune des transitions, à évaluer le respect de chacun des principes. Toutefois, cette méthodologie comporte plusieurs limites.

D’abord, un changement de pratique peut être positif chez un agriculteur, et être

négatif chez un autre ou encore un changement peut s’avérer respecter seulement quelques principes. Par exemple, le semis direct sous couverts respecte plusieurs principes mais peut provoquer des externalités négatives (usage de glyphostate pour beaucoup d’agriculteurs). Ainsi, il apparaît difficile d’affirmer qu’une transition est agroécologique en soi dans la mesure où elle est à étudier à la lumière de l’ensemble des pratiques du producteur. Raisonner technique par technique est proscrit puisque les pratiques sont toutes liées entre elles au niveau de l’agrosystème (les TCS modifient les pratiques de fertilisation, de lutte phytosanitaire etc.). Elle est égalment difficilement mesurable : est-il possible de dire à quel point une transition est agroécologique ? A partir de combien de principes considère-t-on une transition comme agroécologique ?

Ensuite, une transition peut respecter des principes seulement en théorie. L’étude se fonde uniquement sur le discours des agriculteurs. Les effets bénéfiques des transitions qu’ils engagent n’ont pas été prouvés, que ce soit par des expérimentations ou des mesures quantitatives sur les parcelles. Par exemple, au niveau de la mise en place des infrastructures

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agro-écologiques, les effets sur la biodiversité n’ont pas été constatés par tous les agriculteurs. L’étude de terrain n’a pas permis d’enquêter l’ensemble des producteurs de

chaque CIVAM (10/15 producteurs pour Empreinte, 10/17 producteurs pour Oasis) par manque de temps ou de disponibilité des agriculteurs. L’analyse des dynamiques collectives du groupe est susceptible d’être incomplète. Notamment dans le cas d’Empreinte, dans la mesure où certains agriculteurs malgrè leur position centrale, n’ont pas été enquêtés.

L’étude des trajectoires mobilise un travail de mémoire de la part des

agriculteurs et cela peut comporter des biais. Retracer les changements ayant eu lieu par le passé s’avère être un exerice difficile et peut mener à un récit incomplet. De plus, dans un contexte de questionnements sur la conduite technique globale actuelle, les explications des changements dans le passé peuvent donner lieu à des raccourcis ou des confusions. L’analyse des différents actes techniques caractérisant l’enchaînement des changements, peut ainsi mener à une confusion entre la logique actuelle de l’agriculteur, et la logique passée qui expliquait le changement à l’époque où il a eu lieu. Il aurait été intéressant de pouvoir échanger de nouveau avec les agriculteurs et confirmer avec eux la compréhension des différentes logiques ou stratégies que leur trajectoire décrit. Une restitution individuelle des résultats, sous forme de présentation du schéma de la trajectoire, aurait pu valider les résultats et questionner l’agriculteur sur d’éventuelles incompréhensions. Malheureusement, ces dernières apparaissent parfois après l’étude transversale des autres situations individuelles. La comparaison enrichie bien souvent l’analyse, faisant émerger des questions plus précises sur les conditions et contexte du changement.

Les formats des entretiens n’ont permis de détailler qu’un seul changement technique. D’une durée de 3h environ, les entretiens avec les agriculteurs n’ont pas autorisé à approfondir chaque changement technique identifié dans leur trajectoire (de l’installation à la période actuelle). Le choix s’est donc porté sur un changement technique apparaissant comme central à partir de deux critères. D’abord, selon les thèmes portés par les groupes (pastoralisme dans le cas du CIVAM Empreinte, infrastructures écologiques dans le cas du CIVAM Oasis), le changement est connu a priori, et l’attention s’est tournée sur l’évaluation de l’influence du groupe sur le changement. Ensuite, le changement a été pressenti, lors du récit de l’agriculteur, comme central et permettant de respecter certains principes agroécologiques. Dans le cas du CIVAM Oasis, dont l’hétérogénéité des systèmes de production a été connue dès les échanges avec l’animateur, cela a pu conduire à adopter une entrée plus large, notammant par le récit de la trajectoire de l’agriculteur, puis seulement à s’intéresser aux rôles qu’avaient pu jouer le groupe dans l’installation effective d’infrastructures agro-écologiques et dans les tentatives de réduction d’intrants. Dans le cas du CIVAM Empreinte, l’attention s’est surtout portée sur les changements techniques liés au pastoralisme. Or, dans ce groupe, les dynamiques collectives sont à la base de changements qui ne sont pas toujours techniques ou liés au pastoralisme. Des changements interviennent sur d’autres ateliers d’élevage par exemple.

Enfin, il est recommandé dans la variable 2.2.1 « Caractéristiques globales de l’exploitation agricole » de renseigner les systèmes de culture. Or le format des entretiens

n’a pas permis d’approfondir chaque système de culture identifié, mais seulement

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l’itinéraire technique d’une culture sur laquelle un changement considéré comme central a été identifié. Il est envisageable qu’elle soit réalisée plus facilement par un accompagnateur ou un utilisateur de la grille d’analyse qui a l’occasion de s’entretenir plusieurs fois avec les agriculteurs.

L’étude et la caractérisation des actions collectives

Les variables spécifiques aux recompositions des actions collectives se situent dans l’outil d’analyse de départ et ont déjà été validées lors du stage précédent. Cela a pu entraîner une appropriation difficile de ces variables sur le terrain comme lors de l’analyse. L’objectif de l’étude était d’enrichir l’outil avec de nouvelles variables et de les mettre à l’épreuve sur le terrain. Le choix s’est alors porté sur l’approfondissement des nouvelles variables et leur test sur deux études de cas. Bien que le guide d’entretien de l’étude comprenne les questions issues du stage précédent, notamment dans une perspective d’importante récolte de données concernant l’action collective, l’analyse a davantage porté sur les transitions agroécologiques. Le retour du terrain a en effet consisté à trouver des méthodes d’analyse pertinentes pour qualifier simultanément les interactions entre les processus de transitions agroécologiques et les actions collectives. Ce choix méthodologique et le temps imparti ont impacté l’analyse détaillée et approfondie des recompositions des interactions sociales. Cela pourrait expliquer les difficultés à qualifier de CAP les deux

groupes étudiés. Cela semble pointer l’importance de l’appropriation d’une grille d’analyse lorsque celle-ci est construite par un tiers. Il aurait été intéressant de pouvoir élaborer un document figurant la correspondance entre le guide d’entretien de départ et la grille d’analyse de départ. Dans la perspective de construction d’outils pour une utilisation par un tiers, cela souligne la nécessité de se préoccuper voire de s’assurer des conditions de leur remobilisation.

Il apparaît ainsi difficile d’affirmer que les deux CIVAM constituent des CAP. La définition de la CAP étant « la mutualisation par les agriculteurs de tout ou partie de leurs stratégies de production avec cependant des formes juridiques variées », les CIVAM ne semblent pas orientés vers la mutualisation des stratégies de production agricole. Ces derniers se positionnent plutôt comme des groupes d’échanges, même si l’analyse issue des monographies montre qu’ils peuvent faire émerger des changements de pratiques individuels et, de manière plus anecdotique, des complémentarités ou affinités donnant lieu à des coopérations de type échanges de semences, échanges paille fumier ou achat de matériel en commun. Cela s’explique dans le cas du CIVAM Empreinte par le fait que ce dernier ne se soit pas structuré autour d’un changement de pratiques. Ceux-ci ne sont pas les moteurs de la majorité des actions collectives recensées. Les éleveurs pratiquent déjà un modèle d’élevage alternatif homogène (tel qu’il est défini par le groupe). Les moteurs de l’action collective sont la communication et la promotion de ce modèle pastoral. Bien qu’il y ait des diagnostics des systèmes de chacun pour connaître leurs marges de progression, et que cela peut inciter une modification des pratiques vers plus de pastoralisme, les actions liées aux transitions sont davantage individuelles. Il ne semble pas y avoir d’actions collectives avec comme finalité la mutualisation des stratégies de production agricole, comme l’indique la définition de la CAP (Coopérative Agricole de Production) de la FNCUMA et du projet

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CapVert. Dans le cas du CIVAM Oasis, le groupe poursuit davantage l’objectif de faire émerger des coopérations, pour l’avancée dans les problématiques agroécologiques portées par le CIVAM. Ce projet est d’actualité (les entretiens ont souligné que le groupe ne fait qu’émerger des actions individuelles pour l’instant, comme un céréalier implantant des haies sur ses parcelles ou un céréalier conventionnel opposé à l’AB testant une pratique biodynamique). Les deux CIVAM étudiés se caractérisent par une situation où ils sont au centre de plusieurs réseaux qui s’enchâssent (comme le montrent les schémas des réseaux dans les deux monographies). Cela explique que les monographies se soient davantage portées sur les réseaux, pour connaître les spécificités des CIVAM. Ces spécificités sont étudiées pour répondre aux questions « pourquoi les producteurs adhérent-ils au CIVAM s’ils participent à plusieurs groupes d’échanges par ailleurs ? ». Dans les deux cas, les CIVAM ont montré leur singularité parmi la multitude de réseaux dans lesquels les agriculteurs s’inscrivent.

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CONCLUSION

Bien que l’étude comporte des limites, elle permet, entre autre, de montrer l’intérêt de la coopération entre agriculteurs pour avancer dans la transition. Les contraintes rencontrées par les agriculteurs dans leurs transitions mettent en lumière la nécessité, pour contribuer au développement de systèmes agroécologiques :

- de soutenir les collectifs que les agriculteurs créent, - d’accompagner les coopérations entre ces collectifs d’agriculteurs et d’autres

acteurs du développement agricole, - de favoriser une analyse systémique à différentes échelles pour appréhender ces

dynamiques et les soutenir, dans la perspective d’un développement territorial cohérent,

- d’appuyer les structures chargées d’accompagner ces collectifs, en leur donnant les moyens de renouveler leur métier et leurs méthodes

En effet, si la nécessité de cette transition semble aujourd’hui reconnue et souhaitée par la société et les pouvoirs publics, cette transition reste à construire22. Elle commence à se construire par des collectifs engagés dans le changement, qui semblent avoir besoin de multiplier les formes de coopérations et s’appuyer sur différents réseaux, autres que les institutions agricoles classiques. Ce phénomène semble ainsi confirmer la remise en cause du modèle diffusionniste dominant du conseil agricole.

Les agriculteurs engagés dans la transition ont recours à de multiples formes d’action collective, qui n’ont pas toute un statut juridique clair et qui évoluent rapidement selon les contraintes qui émergent. L’étude a permis d’approfondir les connaissances au sujet de ce phénomène émergent, complexe et dont les contours sont flous. Dans ce contexte, le GIEE est-il un outil pertinent et efficace pour accompagner la transition ? Il apparaît que ce dernier, sans une remise en cause du régime sociotechnique dominant, ne peut suffire, comme le réaffirment certains (Lucas, 2013). Le GIEE pourrait cependant servir dans la coordination des innovations sur un même territoire. Cet outil soutiendrait les initiatives, en valorisant les services rendus par ces systèmes respectant les principes agroécologiques (Lucas, 2013). Ainsi, ces collectifs, contribueraient à l’intérêt général, tout en poursuivant leur intérêt particulier.

Dans la suite du projet CapVert, l’outil conçu servira de base à une réflexion collective entre les accompagnateurs des réseaux partenaires du projet. Ce travail de réflexion conduira à une appropriation de l’outil afin qu’il devienne un outil d’accompagnement opérationnel des collectifs s’engageant dans la transition agroécologique

22 Comme le réaffirme la FNCIVAM sur son site internet, en évoquant son ambition d’accompagner les

agriculteurs vers l’agriculture durable.

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ANNEXE 1 : Grille d’analyse complète

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Modifications effectuées sur l’ancienne grille d’analyse

ANCIENNE GRILLE D’ANALYSE

V Les e o positio i édites de l’a tio olle tive

V . A teu s de l’a tio olle tive V1.1.1- Différenciation des acteurs individuels

V1.1.2- Lie ave d’aut es pa ties p e a tes

V . P o essus de l’a tio olle tive

V1.2.1- Expériences antérieures de mutualisation

V1.2.2- O jets de l’a tio olle tive

V1.2.3- Modalités de mutualisation

V1.3 Normes et règles

V1.3.1- Mode de régulation

V1.3.2- Co t ai tes li es à l’a tio olle tive => dans V.3.1.3

V1.3.2- Ouverture du groupe

V1.4 Préoccupations extérieures => dans V1.1.2

V2 Le dialogue e t e l’a tio olle tive et la ise e pla e de p ati ues ag oé ologi ues => supprimé

V2.1 Trajectoire du changement de pratiques

V2.1.1- Motivations initiales du changement de pratiques => dans V2.1.2 / V2.1.4 / V2.1.3

V2.1.2- Processus de changement de pratiques => dans V2.1 (V2.1.1 principalement)

V2.1.3- Co t i utio des ouvelles p ati ues à l’ag o ologie => dans V2.1.1

V2.1.4- Reve di atio d’u e ag o ologie => dans V2.1.7

V2.2 Gestion de la connaissance

V2.2.1- Origine de la connaissance => dans V2.1.3

V2.2.2- Appropriation de la connaissance => dans V2.1.2

V2.3 Fo tio s et diffi ultés de l’a tio olle tive

V2.3.1- Fo tio s de l’a tio olle tive => dans V3.1.2

V2.3.2- Ep euves de l’a tio olle tive => dans V.3.1.3

V2.4 Re o figu atio di e te de l’a tio olle tive => da s V.

NOUVELLE GRILLE D’ANALYSE

V Les e o positio i édites de l’a tio olle tive

V . A teu s de l’a tio olle tive V1.1.1- Différenciation des acteurs individuels

V1.1.2- Lie ave d’aut es pa ties p e a tes – préoccupations extérieurs

V . P o essus de l’a tio olle tive

V1.2.1- Expériences antérieures de mutualisation

V1.2.2- O jets de l’a tio olle tive

V1.2.3- Modalités de mutualisation

V1.3 Normes et règles

V1.3.1- Mode de régulation

V1.3.2- Co t ai tes li es à l’a tio olle tive

V1.3.3- Ouverture du groupe

V La t a sitio ag oé ologi ue à l’é helle i dividuelle

V2.1 Trajectoire des changements de pratiques

V2.1.1- T pe de ha ge e t te h i ue et o ga isatio el da s l’e ploitatio ag i ole : o t i utio à l’ag o ologie

V2.1.2- Actes techniques centraux qui ont porté sur le changement

V2.1.3- O igi e et sou es d’i fo atio s

V2.1.4- Formes et odalit s d’i pli atio da s l’a tio olle tive

V2.1.5- Contexte général

V2.1.6- Contexte personnel marquant

V2.1.7- Qualifi atio s des ha ge e ts pa l’ag i ulteu

V2.2 Fo tio e e t glo al de l’exploitatio V2.2.1- Caractéristiques globales de l’e ploitatio ag i ole V2.2.2- Caractéristiques du milieu biophysique

V2.2.3- Organisation du travail

V Le dialogue e t e l’a tio olle tive et la t a sitio ag oé ologi ues

V. . La o t i utio de l’ag i ulteu au g oupe

V.3.2- Fo tio s de l’action collective

V.3.3- Le moteur de la dynamique de groupe au-delà des p euves de l’a tio olle tive

V.3.4- L'accompagnement dont bénéficie le groupe

V. Re o figu atio di e te de l’a tio olle tive

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Le tableau ci-dessus fait apparaître les modifications qui ont eu lieu entre l’ancienne grille d’analyse et la nouvelle. Aucune variable issue du travail précédent (Le Cunff, 2014) n’a été supprimée. Chacune se trouve dans la nouvelle grille, sous la même forme ou intégrée à une autre variable. Les variables issues du travail précédent, quand elles n’ont pas été modifiées, apparaissent en italique dans la grille décrite ci-après.

V1-Les recomposition inédites de l’action collective à l’échelle du groupe et ou de la CAP

V1.1- Acteurs de l’action collective Définition : Un groupe ou une CAP est composée d’individus en lien entre eux et avec

d’autres individus externes. Explication/illustration : Il s’agit de recenser des différents acteurs (agricoles ou non

agricoles) avec lesquels le producteur est en lien. Ce qu’elles permettent : A travers le recensement des acteurs avec lesquels les

agriculteurs sont en lien, les différentes variables permettent d’envisager la densité et la composition des réseaux socioprofessionnels de chacun des membres. Elles permettent également d’appréhender comment et pourquoi les agriculteurs s’appuient sur une diversité de formes d’action collective pour progresser dans leurs changements de pratiques agricoles..

V1.1.1- Différenciation des acteurs individuels

Ce qu’elle permet Cette variable doit permettre de mesurer l’hétérogénéité au sein du groupe. On utilise pour ce faire 3 niveaux d’analyse (Explication/illustration) :

- Le système productif. On peut différencier des systèmes de production en termes de

SAU, de type de main d’œuvre (salariée, familiale, entraide), de niveau d’équipement (matériel et infrastructures), de système technique (plus ou moins chimisé, plus ou moins

autonome en intrants, plus ou moins mécanisé, irrigué ou pluvial), de type de productions et

de diversité (en nombre de productions différentes). Enfin, on peut envisager le cas échéant

de comparer les systèmes productifs en termes de complémentarité des productions. Par

exemple, un système dans lequel les excréments animaux sont utilisés pour la fertilisation des

parcelles pourra être caractérisé par une forme de complémentarité. Il en est de même pour

un système où les différentes productions s’incluent dans une même rotation. -L’exploitation agricole. On peut comparer à ce niveau les statuts juridiques, les types

de commercialisation (plus ou moins d’intermédiaires, plus ou moins locale ou distante) et la taille (SAU/UTH).

-L’agriculteur. On peut différencier les agriculteurs par leur statut d’adhésion à la MSA, leur âge et par leur composition familiale.

Définition : L’hétérogénéité peut s’observer à chacun de ces 3 niveaux, et le groupe étudié est qualifié par son homogénéité ou son hétérogénéité. L’analyse de ces sous-variables

doit permettre de visualiser différents profils entre les membres du groupe et de les nommer.

Ces profils doivent notamment mettre en avant différentes logiques de production.

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V1.1.2- Lien avec d’autres parties prenantes

Ce qu’elle permet : Cette variable mesure, au-delà des limites du groupe

d’agriculteurs, la diversité des parties prenantes impliquées dans la CAP et leurs caractéristiques vis-à-vis du groupe.

(Explication/illustration) : Il convient alors : -De répertorier les réseaux et arrangements dont les agriculteurs sont partie

prenante. Pour cela, il convient de lister l'ensemble des arrangements entre les agriculteurs du groupe, entre les agriculteurs du groupe avec d'autres agriculteurs ou acteurs extérieurs. Ces arrangements peuvent s’appeler des co-activités. Voici une liste de co-activité possible : co-propriété, échange de matériels, échange de main d’œuvre, coups de main ponctuels, entraide, chantiers en commun (fenaison, récolte par exemple), banque de travail, échange de paille et de fumier, échange de semences fermières, contacts privilégiés avec certains agriculteurs pour des recherches d'informations, échange de parcellaire, foncier en commun (estives en groupement pastoral par exemple), assolement en commun, achats en commun d'intrants informels, groupement formel d'achats d'intrants, adhésion à une CUMA, atelier en commun (troupeau en commun par exemple), atelier de transformation collectif, magasin de producteurs, adhésion à une association ou à un groupe d'irriguants, adhésion à un groupe de développement (GEDA/GVA, CETA, CIVAM, GAB par exemple), adhésion à un réseau en agriculture de conservation (Base, APAD par exemple) ou un autre réseau alternatif (Réseau Semences Paysannes par exemple), adhésion à un club privé (centre de gestion, de coopérative, de consultants, de négociants par exemple), adhésion à un groupe génétique, un groupe de croissance animale, un syndicat agricole, une coopérative, un groupement de producteurs, un groupement de filières (AOC/IGP, autres signes de qualité par exemple).

- D’appréhender les interconnaissances qu’ont les agriculteurs au sein du groupe, c’est à dire des lieux ou contextes où se rencontrent les membres du groupe. Il peut s'agir de rencontres liées à l'appartenance à une même coopérative (réunions pré-récolte pour connaître les demandes de la coopérative par exemple), à un même syndicat, à une même association, à une même boutique de producteurs. Ce sont des lieux de dialogues, d’échanges, d’expériences, où l’agriculteur, par le biais des dialogues va confronter, confirmer ou infirmer ses expériences de co-production individuelles.

- D’identifier le type de relation qu’entretient l’agriculteur avec les parties prenantes. Par exemple, il peut y avoir d’éventuelles relations de dépendance où l’agriculteur n’est plus maître de certaines décisions au niveau du processus productif.

- De renseigner les avis des personnes extérieures sur du groupe, notamment celles

qui appartiennent aux parties prenantes. Ces avis peuvent être positifs, c’est-à-dire que les

personnes extérieures portent un intérêt pour le groupe. A titre d’exemples, il peut être

envisagé la volonté d’agriculteurs d’intégrer le groupe, celle d’autres formes d’action collective de créer des alliances avec le groupe, ou encore à l’intérêt d’autres acteurs économiques pour engager des partenariats avec le groupe. Ces avis peuvent aussi être

négatifs, c’est-à-dire que les personnes extérieures sont méfiantes vis-à-vis du groupe.

- De mettre en évidence l’intérêt des parties prenantes à collaborer avec le groupe et

inversement (ce que chacun y gagne).

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V1.2 Processus de l’action collective

V1.2.1- Expériences antérieures de mutualisation

On s’attache ici à décrire les expériences antérieures des acteurs de l’action collective en matière de travail et d’organisation à plusieurs. Il s’agit d’en établir un recensement global afin de ne pas négliger celles qui sont indirectement liées aux transitions agroécologiques (et dont le lien ne serait pas visible au premier abord). Ce lien entre ces expériences antérieures de mutualisation et les transitions agroécologiques peut s’établir après avoir renseigné les sous-variables présentes dans la variable V2 : « La transition agroécologiques à l’échelle individuelle ».

V1.2.2- Objets de l’action collective

Ce qu’elle permet : On s’intéresse avec cette variable à ce sur quoi porte l’action collective. Pour identifier et nommer les objets de l’action collective, on propose donc ci-dessous un ensemble complémentaire de grilles de lecture, inspiré de travaux sur l’action collective (Bosc et al, 2003).

Explication/illustration : - L’objet de l’action collective peut être un bien matériel ou immatériel. Dans un souci

de précision, il est possible d’aller plus loin que ce premier distinguo. Ainsi, au niveau des biens matériels, on peut encore différencier les ressources productives (compost, fourrages,

etc.), des autres facteurs de production (équipement, bâti et foncier agricole). En ce qui

concerne les biens immatériels, il est possible de distinguer le travail et les ressources

financières (crédit, marché de vente) des autres ressources (savoirs, savoir-faire,

compétences, informations, innovations).

- L’objet de l’action collective peut ensuite être d’utilisation individuelle ou collective. Ainsi, le parc matériel d’une CUMA sera utilisé de manière individuelle, tandis

que le foncier mis en commun dans le cadre d’un assolement commun pourra être qualifié d’utilisation collective.

- Enfin, l’action collective peut porter sur l’accès et l’utilisation, la production, ou la gestion de l’objet. On peut ainsi citer à titre d’exemple l’accès à une infrastructure ou à de

l’information, la production de fourrages ou de connaissances, la gestion de foncier.

V1.2.3- Modalités de mutualisation

Ce qu’elle permet : L’objectif de cette variable est de situer le groupe par rapport aux

expériences de mutualisation passées par chacun de ses membres. Cela permettra de

repérer les éventuels « bonds » dans la mutualisation et leurs implications en termes de

changement pour l’agriculteur. Selon Lanneau (1975), l’exploitation agricole oscille en permanence entre désir d’autonomie et nécessité du recours à autrui pour satisfaire un nouveau besoin. L’agriculteur, selon un arbitrage entre ces 2 tendances, choisit donc de coopérer avec des pairs de manière plus ou moins poussée. Lanneau effectue alors une

hiérarchisation des différentes formes de coopération, depuis l’individualisme jusque la coopération globale, reprise et complétée par Thomas (2012). C’est cette hiérarchisation en

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paliers que l’on nommera ici échelle de mutualisation (figure ci-dessous).

Figure: Echelle de mutualisation

Explication/illustration : On identifie alors 3 modalités de mutualisation : l’action, la

détention et la décision. Ces modalités s’appliquent aux différents objets possibles de l’action collective. Par la mutualisation de l’action, les acteurs consentent à déléguer une partie des

interventions sur l’objet. Par exemple, dans un chantier en commun de labour et de semis chacun des 2 acteurs consent à déléguer une des 2 tâches à l’autre. On peut ensuite illustrer la mutualisation de la détention avec la copropriété de matériel agricole. Enfin, la décision

peut également être mutualisée : dans un assolement en commun, on aura ainsi co-décision

sur le choix des variétés implantée, le moment et le type des interventions, ainsi que la date de

récolte.

V1.3 Normes et règles

V1.3.1- Mode de régulation

Ce qu’elle permet : On cherche avec cette variable à décrire le fonctionnement qu’a le groupe. Le groupe peut fonctionner de manière implicite, sous la forme d’arrangements informels ; son fonctionnement peut être régulé par un statut juridique, par un contrat, un

cahier des charges, ou encore par un système de péréquation (banque de travail, péréquation

des bénéfices et des pertes). Explication/illustration : Il s’agit ici d’identifier les moyens qui permettent de réguler

le fonctionnement du groupe. L’accompagnement peut être un de ces moyens : il peut jouer un rôle dans la mise en place d’un statut ou dans l’explicitation de règles implicites de fonctionnement.

V1.3.2- Ouverture du groupe

Ce qu’elle permet : Cette variable mesure la possibilité pour le groupe de s’agrandir ou de s’ouvrir à d’autres acteurs, et tente au-delà d’en comprendre les déterminants. Trois facteurs peuvent influencer l’ouverture du groupe : le déterminisme lié à sa formation, des

contraintes d’ordre matériel et des contraintes liées aux règles de fonctionnement. Explication/illustration : - Le déterminisme lié à sa formation : l’origine du groupe, le(s) réseau(x) au(x)quel(s)

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il appartient peuvent se traduire par des valeurs partagées, dans l’objet de l’action collective ou de manière plus implicite ; ils peuvent en ce sens restreindre l’ouverture du groupe à un certain public.

- Des contraintes d’ordre matériel : l’ouverture du groupe peut être rendue indispensable pour la réalisation d’un investissement important ; à l’inverse, des contraintes telles que des débouchés commerciaux restreints ou des surfaces limitées, peuvent rendre

l’élargissement du groupe difficile voire impossible. - Des contraintes liées aux règles de fonctionnement : le respect d’un cahier des

charges, la hauteur d’un investissement de départ ou le temps de travail dédié au groupe peuvent être des facteurs limitant les possibilités de développement du groupe.

V2 La transition agroécologique à l’échelle individuelle

V2.1 Trajectoire des changements de pratiques

Définition : Un changement de pratique, d’ordre technique ou organisationnel, induit un enchaînement voire l’imbrication dans le temps de différentes logiques d’action.

Explication/illustration : Il s’agit de lister les changements successifs qui sont intervenus depuis l’installation du producteur, en renseignant les sous-variables qui représentent les facteurs ayant une influence sur ces changements.

Ce qu’elle permet : Les sous-variables permettent d’appréhender la manière dont se réalise un changement d’ordre technique ou organisationnel au sein d’une exploitation agricole. Elles invitent à rester ouvert et à considérer dans l’analyse des changements de pratiques qu’il existe plusieurs rationalités expliquant ces changements. Elles permettent également de considérer comment l’action collective est sollicitée dans l’ensemble des ressources mobilisées (comment par exemple un groupe de pairs peut influencer ou conforter les pratiques individuelles). Elles permettent enfin d’identifier quel type d’action collective est mobilisée pour quel type de changement technique.

V2.1.1- Type de changement technique et organisationnel dans l’exploitation agricole :

contribution à l’agroécologie

Définition : Lors d’un changement de pratique, les manières de travailler de l’agriculteur sont nouvelles ou modifiées par rapport à un référentiel (quel changement par rapport à quelle pratique et par rapport à quand ?). Les changements peuvent être de type organisationnel (main d'œuvre, matériel, modification du fonctionnement d’un atelier, changement de filière) ou porter sur la structure de l’exploitation (nouvelle acquisition foncière). A partir de là, il est possible d’analyser le degré de changement du système productif induit par le changement de pratique et de le caractériser par rapport à l’agroécologie. Deux outils peuvent être utilisés (Explication/illustration) :

D’une part, il y a la grille « Efficience, Substitution, Re-conception » (ESR), qui

distingue 3 niveaux de rupture à partir d’une situation initiale (Bidaud, 2013), la situation avant le changement de pratiques en ce qui nous concerne.

- L’augmentation de l’efficience du système productif. Le changement de pratiques induit l’optimisation du fonctionnement du système initial, par la réduction de la

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consommation et du gaspillage de certaines ressources rares et coûteuses. Par exemple, le

raisonnement de l’utilisation d’intrants agira sur l’efficience du système. - La substitution de certains éléments du système. Le fonctionnement du système ne

change pas, mais certains des éléments qui le composent sont remplacés par d’autres dont l’impact environnemental est moindre. Au sein du système productif, la substitution peut opérer au niveau des productions, de l’équipement, ou encore de la technique. On peut citer comme exemples le remplacement du désherbage chimique par du désherbage mécanique en

production végétale, ou celle du maïs par le sorgho ensilage pour la production animale.

- La re-conception du système productif. Dans ce cas, c’est l’intégralité du système qui est repensé pour répondre à de nouvelles exigences. Il s’agit par exemple d’une modification des rotations en grandes cultures, ou de la transition d’un système fourrager

ensilage maïs à un système prairial en production animale.

D’autre part, les principes de Stassart et al. (2012) peuvent être utilisés afin de justifier si les changements intervenus répondent ou non (et comment) aux principes de l’agroécologie.

Ce qu’elle permet : Cette variable permet de décrire sur quoi porte le changement dans l’exploitation et donc ses conséquences. Il est alors possible d’évaluer les contributions de ces dernières à l’agroécologie à l’aide d’outils. Cette variable permet également d'aller au-delà du discours, de voir ce qui a réellement changé, de constater la différence entre ce qui a été dit et ce qui a été fait. C'est grâce aux questions posées sur les itinéraires techniques en lien avec des transitions agroécologiques que l’on peut déceler les informations de « pratiques réelles ». L’itinéraire technique doit correspondre à un enchaînement logique d’opérations, qui est relevé et questionné par l’utilisateur. Ainsi, par exemple, si l’agriculteur ne laboure pas, il faut connaître sa stratégie de désherbage.

V2.1.2- Actes techniques centraux qui ont composé le changement

Définition : Le changement de pratique passe par plusieurs étapes d’actes techniques intermédiaires.

Explication/illustration : Les actes techniques sont par exemple l’introduction d’une nouvelle culture, l’achat d’un nouveau matériel de précision, l’association de cultures, l’expérimentation.

Ce qu’elle permet : Cette variable permet d’apprécier la manière et la façon par laquelle l'agriculteur s'est approprié l’information et les connaissances sans oublier le rôle au

niveau de la CAP. Dans tous les cas, l’adoption de la pratique nécessite une appropriation de la connaissance au niveau du groupe. Cela suppose l’existence d’une instance ou de processus permettant réception et mise en dialogue de la connaissance qu’il convient de caractériser. Dès lors, selon la typologie utilisée par Compagnonne pour des propositions

techniques issues de la diffusion (Compagnone et al, 2011), l’appropriation de la pratique peut être complète, sa mise en œuvre peut être partielle dans un arrangement réversible, et il peut enfin y avoir recomposition de la pratique avec des connaissances d’autres origines.

V2.1.3- Origine et sources d’informations

Définition : L’information, qui mène à une connaissance, peut influencer ou être à

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l’initiative d’un changement de pratique. Cette information peut accompagner l’agriculteur. Explication/illustration : - Le changement peut être provoqué par un processus de captation de la connaissance.

Par exemple, lors d’une conférence, d'une intervention d'un expert dans le cadre d'un groupe de développement, d'une formation professionnelle, d'une réunion entre pairs, d'une discussion avec un collègue. Il s’agit dans ce cas de déterminer quelles ont été les discussions, sur quel thème, sur quel sujet, avec qui et quand... Il importe aussi de déterminer comment la relation que l’agriculteur entretient avec d'autres personnes a pu l’influencer (relation commerciale, professionnelle, amicale, familiale...) ou quelles sources d’informations non verbales ont été à l’origine de sa réflexion ainsi que la façon dont il y a eu accès (radio, journaux, internet...).

- On peut dans ce cas différencier le caractère individuel ou collectif de la

connaissance initiale : elle peut en effet être issue de l’expérience d’un agriculteur, comme d’une expérimentation menée de manière collective par un groupe de réflexion.

- Il convient enfin d’identifier le rôle de chacun dans l’accès à la connaissance. Ainsi, le groupe peut réaliser de manière autonome un travail de veille, tandis que

l’accompagnement peut également être facilitateur dans l’accès à la connaissance (organisation de visites d’expériences, alimentation du groupe sur tel ou tel domaine).

L’accompagnement s’envisage ici sur la façon dont l’agriculteur s’est appuyé pour faciliter son changement. Il faut prendre en considération que cela peut s’hybrider : une réunion a pu être le point de départ d’une réflexion sur une nouvelle pratique et en même temps cette réflexion a été une manière de l’accompagner en le renseignant sur cette nouvelle pratique.

Ce qu’elle permet : Cette variable permet de savoir ce qui ou qui est à l'origine de l’information et de la connaissance et qui a incité le changement et la façon dont ce changement a été accompagné.

V2.1.4- Formes et modalités d’implication dans l’action collective

Définition : Le recours à l’action collective pour appuyer un changement peut prendre différentes formes et modalités.

Explication/illustration : Une action collective peut par exemple être la location d'un semoir à un autre agriculteur, un groupement d'employeurs, la copropriété d'un matériel, un assolement en commun... Il peut s’agir d’une action collective au sein du groupe ou avec des individus extérieurs au groupe.

Ce qu’elle permet : Cette variable permet de savoir, dans l’évolution de l'exploitation, quelle a été la place de l'action collective et quelles formes elle a pris (apprentissages, freins...). Elle permet également d’en savoir plus sur le réseau de l’agriculteur et quelle action collective a pu faciliter les changements.

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V2.1.5- Contexte général

Définition : Le contexte général peut influencer les changements à l'œuvre dans l'exploitation.

Explication/illustration : Il peut s'agir du contexte économique, politique, réglementaire, européen. Les filières peuvent par exemple constituer des freins au développement de pratiques agricoles (concept de verrouillage de Lamine et al. 2010). Ces freins peuvent être difficiles à contourner dans la mesure où l’interdépendance entre acteurs est très forte.

Ce qu’elle permet : Cette variable identifie quel sont ces éléments de contexte qui ont influencé un changement de pratique.

V2.1.6- Contexte personnel marquant

Définition : Le contexte personnel de l’agriculteur peut avoir une influence sur ses pratiques ou sur l'organisation de son travail. L’expérience personnelle de l’agriculteur, son cadre de ressources (cognitives, économiques..) et son ménage (vie privée) sont des facteurs qui influencent ses pratiques.

Explication/illustration : Un changement peut trouver sa source au-delà de l'exploitation ou des actes techniques. Par exemple, un enfant qui entre dans un collège situé loin de la résidence peut impliquer une réorganisation du temps de travail. Il peut également survenir, dans la famille de l'exploitant, un cas de maladie qui incitera alors à ne plus utiliser de produits phytosanitaires de synthèse.

Ce qu’elle permet : Cette variable permet d’identifier les éléments du contexte personnel de l’agriculteur qui ont influencé ou même impulsé le changement de pratiques.

V2.1.7- Qualifications des changements par l’agriculteur

Définition : L’agriculteur donne un sens à ses pratiques et son discours peut donner des indices sur sa logique. Le changement de pratique peut aussi avoir comme conséquence de créer une norme. La création de sens peut alors s’étendre au niveau du groupe.

Explication/illustration : Il s’agit de s’intéresser à la manière dont l’agriculteur qualifie, nomme, explique le changement. Un changement peut être aussi intervenu grâce à un système de pensée ou à l'application d'une éthique. La perception que l’agriculteur a de ses pratiques peut également être saisie dans la manière dont il se compare à d’autres. Les références faites à un modèle d’agriculture peuvent indiquer la vision qu’a le groupe de l’agroécologie. Dans la multitude des modèles inspirés de l’agroécologie, on peut citer l’agriculture raisonnée, l’agriculture de conservation, l’Agriculture Biologique (AB), l’Agriculture Ecologiquement Intensive (AEI), l’agriculture durable, l’agriculture paysanne, la biodynamie (Demeter), l’agriculture naturelle, la permaculture, les modèles de Pierre Rabhi ou de Claude Bourguignon.

Ce qu’elle permet : Cette variable permet de s’interroger sur le rattachement de l’agriculteur ou du groupe à une définition normative concernant l’agroécologie.

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V2.2 Fonctionnement global de l’exploitation

V2.2.1- Caractéristiques globales de l’exploitation agricole Définition : Le fonctionnement d’une exploitation agricole est complexe et sa

compréhension peut s’établir en détaillant ses caractéristiques fonctionnelles à l’instant T de l’entretien. Les différentes stratégies reflètent les conditions dans lesquelles les agriculteurs opèrent, leurs perspectives et leurs projets d’avenir (Ploeg, 2003).

Explication/illustration : - La variable étudie les caractéristiques fonctionnelles comme les modes généraux de

conduite technique, notamment les systèmes de culture23 et les systèmes d’élevage24. Il s’agit par exemple de renseigner les stratégies phytosanitaires, celles de fertilisation, les intrants, les produits, les débouchés pour chaque système de culture identifié. Dans le cas de système d’élevage, il s’agit de renseigner les modes d’exploitation parcellaire, les stratégies de reproduction, d’alimentation, de santé. Les caractéristiques structurelles sont celles concernant le foncier (type, taille, situation), la main d'œuvre (type, nombre), le matériel et les bâtiments.

- Le concept de « farming style » propose d’analyser la logique productive de chaque agriculteur à partir de deux dimensions structurantes pour contribuer à définir un style d’agriculture : le rapport et le recours à la technologie d’un côté et la relation avec les marchés pour la mobilisation de ressources de l’autre. Il y a alors quatre logiques qui se profilent (adaptation artisanale, expansion continue, suréquipement, logique basée sur l’économie d’intrants et de charges financières).

Ce qu’elle permet : la variable permet d’étudier les pratiques agricoles et d’élevage et favorise ainsi la compréhension de la logique productive de l’agriculteur, c’est à dire ce qui détermine ses choix techniques. Elle permet d’envisager le cadre d’opportunités et de contraintes dans lequel travaille l’agriculteur. Dans la perspective d’une transition agroécologique, l’étude de la capacité adaptative et des marges de manœuvres d’un système de production semble importante. En effet, cela permet à l’échelle du groupe de comprendre les déterminants de l'hétérogénéité interne au groupe, notamment la distance plus ou moins grande ou la progressivité plus ou moins rapide pour arriver à un système de production agroécologique.

V2.2.2- Caractéristiques du milieu biophysique

Définition : les caractéristiques du climat, de la végétation, du relief ou encore des sols

23 Un système de culture est l'ensemble des modalités techniques mises en œuvre sur des parcelles cultivées de manière identique. Chaque système se définit par la nature des cultures et leur ordre de succession, les itinéraires techniques appliqués à ces différentes cultures (Sebillote, 1990).

24 Un système d’élevage est l’ensemble des ateliers et des techniques mises en œuvre pour produire des animaux ou produits dérivés. Ces systèmes sont compatibles avec l’objectif de l’agriculteur et les contraintes de son exploitation (l’espace, les productions végétales, les modes de valorisation Lhoste, 1984).

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sont partie intégrante du système agricole. Cet agroécosystème est le support des pratiques agricoles et ne peut donc pas être déconnecté de leurs études. Ce cadre peut prendre plus ou moins d’importance selon le degré d'ancrage des pratiques au niveau des processus écologiques. Il s’agit alors de rendre compte du dialogue et des interactions entre les pratiques de l’agriculteur et les réponses du milieu.

Explication/illustration : il s’agit de rendre compte comment l’agriculteur cherche à faire évoluer ses pratiques agricoles vers davantage de durabilité : s’il tend à s'appuyer sur les ressources et facteurs de production locaux ou « internes » pour s’adapter aux atouts et/ou contraintes du milieu environnant. L’agriculteur peut, par exemple chercher à optimiser les ressources et fonctionnalités agroécologiques de son milieu, lesquelles sont conceptualisées par la notion de « capital écologique ». Le capital écologique est évolutif puisque les ressources peuvent être mobilisées de plusieurs manières (Ploeg et al. 2004 ; Stuiver et al., 2004).

Ce qu’elle permet : cette variable permet de comprendre comment s’intègrent les contraintes et les opportunités qu’offre ou impose le milieu biophysique à l’exploitation et quelles sont les influences sur le changement de pratique.

V2.2.3- Organisation du travail

Définition : l'introduction de pratiques agroécologiques induit des processus de réorganisation au sein des systèmes de production (Lucas, 2015). Ceux-ci génèrent de nouvelles contraintes d'organisation et de logistique, ainsi qu'un surcroît de travail peu automatisable comme par exemple le travail d'observation, d'expérimentation, d'agencement, de coordination et de mise en cohérence de l'ensemble des activités de l'exploitation (Lucas, 2015).

Explication/illustration : il peut s’agir de la manière dont sont réparties les tâches ou comment sont organisées les priorités entre les différents ateliers. Travailler la dimension ergonomique est importante et peut se faire à travers l'étude des conceptions du temps de travail comme l’ont préconisé certains auteurs (Dedieu et al., 2010). Selon ces perceptions du travail (temps de travail, temps de loisirs), les modes d'organisation et les logiques de travail (logique productive mais aussi logique d’activités agricoles ou non agricoles) vont différer selon les producteurs. Par exemple, un agriculteur qui peut avoir comme priorité sa vie familiale ou ses activités de loisirs organisera alors ses tâches de manière adéquate et intelligente pour maîtriser son calendrier. Au contraire, une conception peut être difficile et subie, là où la séparation entre le temps de travail et le temps autre que travaillé semble impossible à déterminer et à délimiter.

Ce qu’elle permet : cette variable permet de comprendre les réorganisations du travail qu’impliquent les mises en œuvre de changements de pratiques. Ces changements pourraient expliquer que les producteurs s’appuient sur des formes de coopération entre pairs pour faciliter ces surcharges de travail (Lucas, 2015).

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V3 Le dialogue entre l’action collective et la transition agroécologiques

V3.1 Perceptions de l’accompagnement et du groupe V.3.1.1- La contribution de l’agriculteur au groupe

Définition : lorsqu’il appartient à un groupe, un individu a une place, tient un rôle et apporte ses contributions au groupe.

Explication/Illustration : afin d’étudier cet élément, de telles questions peuvent être posées : comment l’agriculteur voit-il sa place dans le groupe ? Pense-t-il avoir les conditions nécessaires afin de contribuer et de bien participer ? Est-il capable de pouvoir exprimer ses attentes, ses problèmes, ses questions, ses doutes, ses expériences ? Peut-il parler de « collectif » ? Quel est son sentiment d'appartenance à ce collectif ? Quelles sont les actions qu’il définit comme relevant du groupe ?... La manière dont l’agriculteur s'interroge ou la façon dont il qualifie les actions du groupe peut être révélatrice de son opinion.

Ce qu’elle permet : cette variable permet d'avoir l’opinion de l’agriculteur sur son positionnement dans le groupe et de connaître son rapport au groupe. Elle permet éventuellement de mesurer l’importance que peut avoir le groupe parmi le réseau de l’agriculteur.

V.3.1.2- Fonctions de l’action collective

Définition : le collectif et l’action collective apportent plusieurs fonctions à l’acteur individuel et/ou au groupe. Il convient de bien différencier les objets des fonctions de l’action collective. Il est alors précisé qu’à un objet peuvent être associées plusieurs fonctions. Dans le cas d’un groupe de gestion en commun du pâturage, l’objet est le pâturage tandis que la fonction peut être la complémentarité des compétences ou la réalisation d’économies d’échelle.

Explication/Illustration : sont différenciées : - Les fonctions explicites des fonctions implicites. Les fonctions explicites de l’action

collectives sont exprimées dans le discours des membres du groupe. Elles peuvent correspondre pour partie aux motivations initiales de l’action collective. Les fonctions implicites sont quant à elles issues soit de l’analyse (l’étude de la trajectoire de l’agriculteur peut suggérer des actions qui ont été facilitées par l’adhésion au groupe), soit du discours des acteurs extérieurs au groupe. Il peut également s’agir de fonctions exprimées au niveau individuel alors qu'elles ne le sont pas au niveau du groupe.

- Les fonctions internes des fonctions externes. Les fonctions internes de l’action collective bénéficient uniquement aux membres du groupe, tandis que les fonctions externes bénéficient aussi à des niveaux d’organisation supérieurs à la société ou à l’environnement. A valeur d’exemple peut être cité le rôle d’amortisseur d’une organisation dans une filière ou la contribution au paysage.

Ce qu’elle permet : au niveau individuel, cette variable renseigne l’opinion de l’agriculteur sur ce que le groupe lui apporte. Au niveau du groupe, cette variable permet à l’animateur de pointer des différences entre ce que le groupe pense communiquer à l'extérieur

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et les raisons qui les incitent à rester dans le groupe ou bien encore repérer ceux qui peuvent être en accord ou dans une position différente. Cette variable permet enfin d’envisager le groupe comme réponse à la complexité induite par la mise en place de pratiques agroécologiques, autrement dit comme validant l’agroécologie.

V.3.1.3- Le moteur de la dynamique de groupe au-delà des épreuves de l’action collective

Définition : il existe une ambivalence dans l’action collective : celle-ci profère des

avantages, mais ces derniers sont également associés à des coûts et des contraintes pour

l’acteur individuel. En dépit du fait qu'un groupe soit hétérogène (selon différents critères) et que l’action collective engendre des contraintes, le groupe peut fonctionner et avoir une certaine cohésion.

Explication/Illustration - Dépassement des épreuves : il s’agit dans un premier temps de s’intéresser aux

différents types de difficultés que l’action collective peut engendrer : les asymétries d’information, les passagers clandestins, la sélection adverse, la montée en hétérogénéité sont autant d’épreuves auxquelles le groupe peut être confronté. Il faut ensuite caractériser les processus de résolution associés, autrement dit la manière par laquelle elles sont dépassées : la montée en hétérogénéité peut, par exemple, être dépassée par une segmentation du groupe, ou bien par un schisme, une cassure et par l’apparition d’une nouvelle organisation.

- Equilibre coût/bénéfice : en plus de s’intéresser aux diverses difficultés que l’action collective engendre, il s’agit de prendre en compte ce qu’apporte le groupe aux membres et d’établir une analyse de l’équilibre qui s’instaure. Par exemple, un agriculteur adhérant à une CUMA pour un matériel peut avoir comme contraintes un engagement contractuel et un accès limité à ce matériel. Mais l’avantage est que l’accès à ce matériel qui est plus performant est un investissement moindre que s'il avait été obtenu individuellement.

Ce qu’elle permet : cette variable cherche à savoir ce qui explique comment le groupe fonctionne, en dehors de son hétérogénéité ou hors des contraintes que l’action collective peut engendrer. Qu'est-ce qui fait la cohésion du groupe ? Quelles sont les raisons qui expliquent son fonctionnement?

V.3.1.4- L'accompagnement dont bénéficie le groupe

Définition : un groupe d’agriculteurs, s’il est structuré au sein d’une organisation, peut avoir à disposition un animateur qui se charge de l’accompagnement de ce groupe.

Explication/Illustration : il s’agit d’appréhender la façon dont les membres du groupe perçoivent cet accompagnement : s’il est suffisant, comment il pourrait être amélioré, quelles sont les différentes attentes de chacun, les propositions des uns et des autres, les éléments avec lesquels on est accord ou pas et pourquoi, ce qui est positif, les activités qu'il serait souhaitable d'organiser, de réaliser, ce qui convient ou non ....

Ce qu’elle permet : cette variable permet de saisir comment l’agriculteur perçoit l’accompagnement : s’il est adapté à sa situation et quelles sont ses propositions en fonction de ses attentes. Ces informations peuvent être utiles pour améliorer l’accompagnement et comprendre où sont les leviers d’action à favoriser pour accompagner au mieux une action

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collective.

V.4 Reconfiguration directe de l’action collective

Dans le cas d’un changement de pratiques mis en place dans une organisation préexistante, il convient enfin d’interroger les transformations dans l’action collective (au niveau des acteurs, des processus et des normes et règles) induites par la mise en place des

pratiques.

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ANNEXE 2 : Guides d’entretien

Présentations utilisées pour introduire l’entretien lors des études de cas de terrain

Guide d’entretien : Membre du groupe

Bonjour, je suis étudiante en école d’agriculture et je réalise un stage de fin d’études avec l’INRA et la Fédération nationale des CUMA. Mon stage s’insère dans un projet nommé CapVert qui vise à étudier l’évolution des pratiques agricoles. En étudiant les changements de pratiques, notre travail permettra d’améliorer l’accompagnement collectif des agriculteurs qui souhaitent changer leurs pratiques. Ainsi, je suis venue à (terrain d’étude) pour rencontrer les agriculteurs membres du groupe (groupe étudié) afin de discuter des différentes pratiques agricoles et des évolutions des exploitations agricoles antérieures ou à venir. Les entretiens durent généralement entre 1h et 1h30. Avez-vous ce temps-là à m’accorder pour me parler de votre exploitation agricole ? J’ai l’habitude de travailler avec un dictaphone ; cela vous-dérange-t-il ? C’est simplement au cas où je n’arrive pas à noter toutes les informations que vous me donnez durant l’entretien. Bien entendu, tout ce qui sera dit restera confidentiel.

Guide d’entretien : Agriculteur externe (administrativement) au groupe (à

remplacer dans la présentation ci-dessus)

Mon stage s’insère dans un projet qui vise à étudier l’évolution des pratiques agricoles dans le territoire. En étudiant les changements de pratiques, notre travail vise à améliorer l’accompagnement collectif des agriculteurs qui souhaitent changer leurs pratiques. Ainsi, je suis venue à (terrain d’étude) pour rencontrer les agriculteurs du territoire afin de discuter des différentes pratiques agricoles et des évolutions des exploitations agricoles antérieures ou à venir.

Guide d’entretien : Acteur externe (à remplacer dans la présentation ci-dessus)

Mon stage s’insère dans un projet qui vise à étudier l’évolution des pratiques agricoles au sein du territoire. Ainsi, je suis venue à (terrain d’étude) pour rencontrer les agriculteurs afin de discuter des différentes pratiques agricoles et également pour discuter avec les autres acteurs du territoire, en lien avec eux. Pouvez-vous me présenter votre structure et me parler de vos activités en lien avec l’agriculture ? Les entretiens durent généralement entre 1h et 1h30. Avez-vous ce temps-là à m’accorder ?

Guide d’entretien : Animateur (à remplacer dans la présentation ci-dessus)

En plus de s’intéresser à l’analyse des recompositions de l’action collective liées à la transition agroécologique, mon stage s’intéresse à l’accompagnement de ces nouvelles dynamiques. Au travers des réunions précédentes, on a pu évoquer vos attentes en termes de compréhension des nouvelles recompositions sociales et organisationnelles à l’œuvre dans votre groupe. Dans la perspective de la conception d’un outil d’analyse, comme le prévoit le stage, je vais maintenant m’intéresser à l’accompagnement que vous pratiquez

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Guide d’entretien : membres du groupe

Introduction à l’entretien

Stage INRA / Déroulement de l’entretien / Enregistrement

Thème 1 : Caractéristiques globales (structurelles et fonctionnelles) de l’exploitation Pouvez-vous me présenter votre exploitation et vos activités?

Les tirets ci-dessous sont les thèmes au sujet desquels il est nécessaire de faire des relances,

si l’information n’est pas directement donnée dans le discours de l’enquêté.

1.1 Caractéristiques structurelles

Parcellaire - Superficie totale et SAU - Répartition : carte - Foncier : propriété, location, type de bail, durée… - Juridique : GAEC, EARL… - Date d’installation

Main d’œuvre - Familiale - Salariée : temporaires, saisonniers, permanents, ponctuels - Entraide - Prestation de service

Milieu biophysique - Sol : type de sol (par groupes de parcelles), pédologie (profondeur, structure, texture,

calcaire/acide, comportements-conditions hydriques) - Climat : précipitations, saisons, épisodes climatiques violents ou récurrents - Ensoleillement, vent - Topographie : situation des parcelles

1.2 Caractéristiques fonctionnelles

Mode de conduite général des cultures - Cultures principales, secondaires (assolement : surface par culture, évolutions) - Rotations - Type : conventionnel, bio - Débouchés par production

Mode de conduite général de l’élevage

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- Taille des troupeaux - Race : type de race, raisons de sélection - Type d’alimentation : concentrés, ensilage, pâturage - Gestion fourragère : autonomie, achat, vente - Pratiques de reproduction - Pratique de gestion de la santé animale - Débouchés - Intrants, filière d’approvisionnement : fourrages, produits vétérinaires

Thème 2 : Evolutions du système de production

Pouvez-vous me raconter l'évolution de votre exploitation depuis votre installation ? 2.1 Les changements de pratiques et les dimensions intervenant dans ces derniers

- Objet du changement : organisation d’un atelier, nouvelle technique, nouvelle culture - Date - Comment : sources d’informations, actes techniques concrets, action collective - Raisons, objectifs (stratégie) - Conséquences : au niveau organisationnel, agronomique, de l’action collective… - Difficultés / Facilités rencontrées - Résolutions

2.2 Changement technique central (production végétale)

Ex : pour le blé, pouvez-vous me décrire comment vous le cultivez ?

Ex : comment et à quel moment vous préparez votre sol ? Gérez-vous la fertilisation…

Travail du sol, préparation du sol

- Période - Comment (= Avec Quoi ? Avec qui ? Cb de tps ?) - Conditions De Faisabilité ? - Pareil Partout ? (= Où ? Quel groupe de parcelle ?)

Gestion de la fertilisation :

- Stratégie (Raisonnée, Préventive…) - Type - Origine - Période - Fréquence - Comment (= Avec Quoi, Qui, Cb De Tps), Quantité/Culture - Partout Pareil ?

Gestion maladies et ravageurs

- Stratégie - Produits - Quantité

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- Comment - Période - Fréquence - Périodes critiques

Gestion des adventices

- Stratégie - Type : chimique, mécanique - Quand - Comment

Filières

- Débouché de chaque culture - Circuit d’approvisionnement (semence, produits phytosanitaires…)

2.2 Changement technique central (production animale)

Gestion du pâturage/Alimentation

- Dates de mise en stabulation/pâturage - Type d’alimentation globale pour chaque période (en stabulation/ au pâturage) - Zonage et caractéristique (nom des îlots) - Contraintes par ilot (ex : plateau venteux ; accès à l’eau)

Reproduction

- Date de mise à reproduction et type (IA, montée naturelle) - Date de mise bas - Gestion du renouvellement (achat extérieur ?) - Achat des reproducteurs

Santé

- Stratégie : curatif, préventif

Commercialisation

- Période(s) de l’année - Type de filière

Envisagez-vous d'autres changements ou évolutions sur votre exploitation dans les mois et années à venir ? Pouvez-vous me raconter comment vous envisagez de les conduire ?

- Changement de culture/équipement/troupeau - Augmentation/diminution de main d’œuvre - Achat/vente/location de terre, équipement, troupeau - Conversion, réduction ou suppression de produits, d’opérations culturales

Thème 3 : Eléments sur le groupe

Pouvez-vous me raconter comment l’histoire du groupe et comment le groupe fonctionne ?

- Identité des membres

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- Date - Occasion de sa création (évènement, réponse à appel d’offre) - Statut, règles - Activités - Qu’est-ce qui fait selon vous que le groupe fonctionne ?

- Présence de leaders Pouvez-vous me parler de votre expérience de changement dans le groupe ?

- Raisons de l’adhésion / Comment en avez-vous entendu parler ? - Apport/bénéfice du groupe (des idées, solutions, éléments de réflexion ? en lien avec

le changement de pratiques) - Conditions favorables ou défavorables pour contribuer au groupe, exprimer ses idées,

problèmes, doutes… - Objets de l’action collective : accès à l’information, à des expérimentations, à du

matériel, mutualisation - Difficultés de travailler ensemble

Pouvez-vous me dire avec quels individus ou structures le groupe est-il en lien ? - Type de relation : formalisée, règles, intérêt (partenariat, projets) - Ouverture du groupe : règles d’adhésion, objectif d’ouverture, raisons - Contraintes des différents partenariats

Pouvez-vous me décrire l’accompagnement dont le groupe bénéficie ? - Activités - Fréquence et organisation réunions, taux de participation - Qu’attendez-vous de l’accompagnement du groupe (de l’expertise, du financement, de

l’expérimentation…) - Bénéfices (connaissances, mutualisation...) - Suggestions d’amélioration ? attentes particulières ? - Nature de l’interaction bilatérale avec l’accompagnateur - Formes d’accompagnement collectif - Evolution de l’accompagnement (différents objectifs, accompagnateurs…)

Thème 4 : L’agriculteur et son réseau Est-ce que vous travaillez avec d’autres personnes, extérieures au groupe? Quels sont les autres agriculteurs avec qui vous cherchez à discuter pour améliorer votre réflexion ? À quelles occasions vous arrive-il de les rencontrer ?

Ex de coactivités

- Co-propriété, échange de matériels - Echange de main d’œuvre, coups de main ponctuels, entraide, chantiers en commun

(fenaison, récolte), banque de travail - Echange paille-fumier, échange de semences fermières - Contacts privilégiés avec certains agriculteurs pour des recherches d'infos - Echange parcellaire, foncier en commun (estives en groupement pastoral, …)

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- Achats en commun d'intrants, groupement d'achat d'intrants - CUMA - Assolement en commun, atelier en commun (troupeau en commun) - Association/groupe d'irrigants - Atelier de transformation collectif, magasin de producteurs, - Groupes de développement : GEDA, CETA, CIVAM, GAB - Réseau distant : en agriculture de conservation (base, apad…), alternatif (réseau

semences paysannes...) - Club privé : du centre de gestion, de la coopérative, de consultants, de négociants - Groupe génétique, groupe croissance animale - Syndicat agricole - Coopérative - groupement de producteurs, de filière, d'AOC/IGP/Signes de qualité

Pratiquez – vous des activités non-agricoles ?

- Responsabilités / mandats professionnels, politiques, dans l’associatif, loisir

Thème 5: Informations complémentaires sur trajectoire personnelle (Si non renseigné avant)

- Contexte familial d'origine

- Formation

- Activités professionnelles avant l'installation

- Situation familiale actuelle - Date d’arrivée sur la commune (origine géographique) - Profession parents (agriculteurs ? reprise de ferme ?) - Activité de l’épouse ou du mari

Conclusion de l’entretien Demande de contacts / Remerciements / Proposition retour par envoi mémoire

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Guide d’entretien – Autre agriculteur

Introduction à l’entretien

Stage INRA / Objectif entretien / Déroulement de l’entretien / Enregistrement

Thème 1 : Caractéristiques globales (structurelles et fonctionnelles) de l’exploitation Pouvez-vous me présenter votre exploitation et vos activités?

Les tirets ci-dessous sont les thèmes sur lesquels il est nécessaire de faire des relances, si

l’information n’est pas directement donnée dans le discours de l’enquêté.

1.3 Caractéristiques structurelles

Parcellaire - Superficie totale et SAU - Répartition : carte - Foncier : propriété, location, type de bail, durée… - Juridique : GAEC, EARL… - Date d’installation

Main d’œuvre - Familiale - Salariée : temporaires, saisonniers, permanents, ponctuels - Entraide - Prestation de service

Milieu biophysique - Sol : type de sol (par groupes de parcelles), pédologie (profondeur, structure, texture,

calcaire/acide, comportements-conditions hydriques) - Climat : précipitations, saisons, épisodes climatiques violents ou récurrents - Ensoleillement, vent - Topographie : situation des parcelles

1.4 Caractéristiques fonctionnelles

Mode de conduite général des cultures - Cultures principales, secondaires (assolement : surface par culture, évolutions) - Rotations - Type : conventionnel, bio - Débouchés par production

Mode de conduite général de l’élevage

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- Taille des troupeaux - Race : type de race, raisons de sélection - Type d’alimentation : concentrés, ensilage, pâturage - Gestion fourragère : autonomie, achat, vente - Pratiques de reproduction - Pratique de gestion de la santé animale - Débouchés - Intrants, filière d’approvisionnement : fourrages, produits vétérinaires

Thème 2 : Evolutions du système de production

Pouvez-vous me raconter l'évolution de votre exploitation depuis votre installation ? 2.1 Les changements de pratiques et les dimensions intervenant dans ces derniers

- Objet du changement : organisation d’un atelier, nouvelle technique, nouvelle culture - Date - Comment : sources d’informations, actes techniques concrets, action collective - Raisons, objectifs (stratégie) - Conséquences : au niveau organisationnel, agronomique, de l’action collective… - Difficultés / Facilités rencontrées - Résolutions

2.3 Changement technique central (production végétale)

Ex : pour le blé, pouvez-vous me décrire comment vous le cultivez ?

Ex : comment et à quel moment vous préparez votre sol ? Gérez-vous la fertilisation…

Travail du sol, préparation du sol

- Période - Comment (= Avec Quoi ? Avec qui ? Cb de tps ?) - Conditions De Faisabilité ? - Pareil Partout ? (= Où ? Quel groupe de parcelle ?)

Gestion de la fertilisation :

- Stratégie (Raisonnée, Préventive…) - Type - Origine - Période - Fréquence - Comment (= Avec Quoi, Qui, Cb De Tps), Quantité/Culture - Partout Pareil ?

Gestion maladies et ravageurs

- Stratégie - Produits - Quantité

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- Comment - Période - Fréquence - Périodes critiques

Gestion des adventices

- Stratégie - Type : chimique, mécanique - Quand - Comment

Filières

- Débouché de chaque culture - Circuit d’approvisionnement (semence, produits phytosanitaires…)

2.3 Changement technique central (production animale)

Gestion du pâturage

- Dates de mise en stabulation/pâturage - Zonage et caractéristique (nom des îlots) - Contraintes par ilot (ex : plateau venteux ; accès à l’eau)

Reproduction

- Date de mise à reproduction et type (IA, montée naturelle) - Date de mise bas - Gestion du renouvellement (achat extérieur ?) - Achat des reproducteurs ?

Alimentation

- Type d’alimentation globale pour chaque période (en stabulation/ au pâturage)

Santé

- Stratégie ; curatif, préventif

Commercialisation

- Période(s) de l’année - Type de filière

Envisagez-vous d'autres changements ou évolutions sur votre exploitation dans les mois et années à venir ? Pouvez-vous me raconter comment vous envisagez de les conduire ?

- Changement de culture/équipement/troupeau - Augmentation/diminution de main d’œuvre - Achat/vente/location de terre, équipement, troupeau - Conversion, réduction ou suppression de produits, d’opérations culturales

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Thème 3 : Eléments sur le groupe

Pouvez-vous me raconter comment vous connaissez ce groupe ? Comment il fonctionne ?

- Périmètre, limites

- Identité des membres - Objets de mise en commun - Historique - Ce que permet le groupe, apports au changement de pratiques - Fonctionnement - Statut, règle

Pouvez-vous me dire avec quels individus ou structures ce groupe est-il en lien ? - Relations/partenariats avec d’autres parties prenantes - Type de relation : formalisée, règles, intérêt - Rôle par rapport au changement de pratiques, à la connaissance

Pouvez-vous me dire comment vous voyez sa dynamique, son évolution ? - Intérêt d’une éventuelle adhésion, à quelles conditions - Type de relation, intérêt, contraintes, conditions

Thème 4 : L’agriculteur et son réseau Est-ce que vous travaillez avec d’autres personnes, extérieures au groupe? Quels sont les autres agriculteurs avec qui vous cherchez à discuter pour améliorer votre réflexion ? À quelles occasions vous arrive-il de les rencontrer ?

Ex de coactivités

- Co-propriété, échange de matériels - Echange de main d’œuvre, coups de main ponctuels, entraide, chantiers en commun

(fenaison, récolte), banque de travail - Echange paille-fumier, échange de semences fermières - Contacts privilégiés avec certains agriculteurs pour des recherches d'infos - Echange parcellaire, foncier en commun (estives en groupement pastoral, …) - Achats en commun d'intrants, groupement d'achat d'intrants - CUMA - Assolement en commun, atelier en commun (troupeau en commun) - Association/groupe d'irrigants - Atelier de transformation collectif, magasin de producteurs, - Groupes de développement : GEDA, CETA, CIVAM, GAB - Réseau distant : en agriculture de conservation (base, apad…), alternatif (réseau

semences paysannes...) - Club privé : du centre de gestion, de la coopérative, de consultants, de négociants - Groupe génétique, groupe croissance animale - Syndicat agricole - Coopérative - groupement de producteurs, de filière, d'AOC/IGP/Signes de qualité

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Pratiquez –vous des activités non-agricoles ? - Responsabilités / mandats professionnels, politiques, dans l’associatif, loisir

Thème 5: Informations complémentaires sur trajectoire personnelle (Si non renseigné avant)

- Contexte familial d'origine

- Formation

- Activités professionnelles avant l'installation

- Situation familiale actuelle - Date d’arrivée sur la commune (origine géographique) - Profession parents (agriculteurs ? reprise de ferme ?) - Activité de l’épouse ou du mari

Conclusion de l’entretien Demande de contacts / Remerciements/ Proposition retour par envoi mémoire

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Guide d’entretien – Autre acteur

Introduction entretien

Stage INRA / Objectif entretien / Déroulement de l’entretien / Enregistrement

Thème 1 : Présentation des activités

Pouvez-vous me présenter votre structure et vos activités en rapport avec l’agriculture?

Les tirets ci-dessous sont les thèmes au sujet desquels il est nécessaire de faire des

relances, si l’information n’est pas directement donnée dans le discours de l’enquêté. - Liens avec les agriculteurs

- Activités réalisées - Liens avec le changement de pratiques - Pourquoi, implications pour les agriculteurs, difficultés pour le changement - Définitions / principes de l’agroécologie défendus

Thème 2 : Eléments sur le groupe

Pouvez-vous me parler du travail que vous réalisez avec ce groupe ? Comment voyez-vous le travail et la dynamique de ce groupe ?

- Origine, contexte et raisons de l’apparition - Rôle, apport au groupe : changement de pratiques, action collective, connaissances - Type de relation : formalisation, règles, intérêts, contraintes, conditions - Evolutions à venir - Difficultés, enjeux, défis à relever - Rapport du groupe aux dynamiques locales : rôle, influence, intérêt, contraintes,

conditions

Travaillez-vous avec d’autres formes d’organisations collectives dans le territoire ? Conclusion de l’entretien

Demande de contacts / Remerciements

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Guide d’entretien – Animateur

Introduction

Objectif entretien / Déroulement / Enregistrement

Thème 1 : L’accompagnement Pouvez-vous me décrire en quoi consiste votre accompagnement ? Les tirets ci-dessous sont les thèmes au sujet desquels il est nécessaire de faire des

relances, si l’information n’est pas directement donnée dans le discours de l’enquêté. - Objet de l’accompagnement - Activités proposées - Caractéristiques des interactions bilatérales - Formes d’accompagnement collectif

Pouvez-vous me raconter comment se passe la gestion de l’association, si cela fait

partie de vos responsabilités ? - Question du financement - Enjeux du groupe (politique…) - Partenariats

Thème 2 : Eléments sur le groupe Pouvez-vous me raconter l’histoire du groupe ?

- Objectif initial - Date de création, occasion de création (évènement, réponse à appel d’offre) - Nouveaux objectifs au fil du temps

Pouvez-vous me raconter comment le groupe fonctionne ?

- Identité des membres ? - Statut, règles - Activités

Pouvez-vous me raconter comment est gérée l’hétérogénéité du groupe ?

- Facteurs de l’hétérogénéité - Présence de leaders - Cohésion du groupe au-delà de l’hétérogénéité - Difficultés, bénéfices

Thème 3 : Eléments sur les changements de pratiques et le groupe Pouvez-vous me parler de l’expérience de changement du groupe ?

- Raisons expliquant l’adhésion des membres - Accès à l’information, à des expérimentations, à du matériel… - Influences du groupe sur les changements de pratiques individuels - Difficultés de travailler ensemble

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- Définitions / principes de l’agroécologie défendus

Pouvez-vous me raconter les relations que le groupe entretient avec d’autres acteurs ou d’autres agriculteurs ?

- Type de relation : formalisée, règles, intérêt (partenariat, projets) - Ouverture du groupe : règles d’adhésion, ambition de s’ouvrir, raisons - Contraintes / bénéfices des différents partenariats

Conclusion de l’entretien

Demande de contacts / Remerciements/ Proposition retour par envoi mémoire

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ANNEXE 3 : Extrait de l’étude de Le

Cunff (2014) « Analyser les données et

produire des éléments de synthèse »

(pages 18 – 21)

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Analyser les données

Nous e o a do s de p o de à la da tio d’u o pte-rendu, qui fait office de

premier suppo t d’a al se. L’a al se peut alo s o e e pa la ele tu e a tive de l’e t etie , ave u su lig age des l e ts s oli ues et v lateu s de la situatio . L’utilisatio d’u ode à ouleu s, ep se ta t espe tive e t les odalit s d’a tio colle tive et les p ati ues ag o ologi ues, peut s’av e utile. Pou les ag i ulteu s, il est possi le d’i lu e u e t oisi e ouleu à e ode, pe etta t de ett e e elief les a a t isti ues de l’e ploitatio et la logi ue d’a tio i dividuelle.

L’ tape suiva te est l’appli atio de la g ille d’a al se au g oupe Annexe D).

L’utilisateu peut e seig e ha u e des va ia les à pa ti des do es olt es e e t etie s, e o se va t l’a o at des pe so es e tio es, leu o ta t e pla par une lettre choisie de manière aléatoire.

Au niveau de chaque variable (Figure 6 , l’id e est de d i e da s u p e ie te ps la situatio o se v e e s’appu a t su les te es de la d fi itio de la va ia le et l’illust atio de ette d fi itio . Cela pe et da s u se o d te ps d’a al se la situatio à l’aide du od le e pli atif de la va ia le.

La g ille d’a al se se p se te do o e u guide, ui o ie te l’utilisateu de l’outil su la faço de o dui e l’a al se. Selo le te ps i pa ti, elle peut faire office de

support rédactionnel du diagnostic ou uniquement être utilisée comme support

d’o ga isatio d’id es. Elle peut e e se s t e o pl t e de a i e i t g ale e t

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dig e, ou sous fo e st og aphi ue. Da s les as, l’ tape suiva te est la production par

l’utilisateu d’u e s th se à l’a al se. Produire des éléments de synthèse

Pou s th tise l’a al se, il est essai e d’appo te des l e ts des iptifs, de a i e à e ue les l e ts a al ti ues soie t o p he si les. Il s’agit alors de

présenter le groupe en le resituant par rapport au contexte dans lequel il se met en place, et

e e pli ita t e u’il vise et ses o igi es. La s th se e pose e suite deu s h as de la CAP tudi e. Il est alo s essai e d’e pli ite e u’est la CAP et qui en fait partie. Ayant

comme élément central le groupe réalisant un changement de pratiques, la CAP est un

e hâsse e t d’o ga isatio s et d’a a ge e ts u issa t des ag i ulteu s. Ces organisations et ces arrangements font partie de la CAP car ils exercent une certaine

influence sur le groupe, sur le changement de pratiques, ou bien car ils apparaissent

i dispe sa les à la alisatio de l’a tivit d’u ou de plusieu s e es du g oupe. La CAP peut gale e t fai e i te ve i des a teu s d’un autre type, caractérisables par leurs liens

avec les autres éléments de la CAP.

Le premier schéma est un schéma des ensembles. Il permet de replacer le groupe

da s l’e hev t e e t o ga isatio el a a t isti ue de la CAP. Cha u de es e se les est associé à une action collective, et doit être explicitement nommé (Figure 7). Il peut être

intéressant, pour compléter ce schéma, de préciser les statuts juridiques quand il y en a, le

o e d’a teu s faisa t pa tie de ha ue e se le et so a e de ation ou le cas

échéant la plus ancienne affiliation parmi les membres du groupe. Il est également possible

de ep se te leu pe a ilit , ave à et effet iveau de pe a ilit : l’e se le est fe , il peut s’ la gi sous o ditio s, ou est totale e t ouve t à l’ la gisse e t.

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Le second schéma représente les relations entretenues par les acteurs, les uns avec

les autres. Il permet de visualiser les liens entre les membres du groupe et les liens

u’e t etie e t le g oupe et ses e es ave d’aut es pa ties p e a tes Figu e 8 . O he he a à ep se te le se s ou la ip o it de es lie s, ai si u’à diff e ie leu

nature dans une typologie. Les types de liens suivants ont observés sur le terrain : amitié,

entraide, prêt, don, prestation de service, adhésion, conseil, accompagnement ou encore

fi a e e t. Cela o stitue ie sû u e t pologie o e haustive, et il ’est pas o plus exclu que plusieurs types de liens se cumulent entre 2 acteurs.

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Ces s h as pe ette t d’ide tifier et de nommer les différents acteurs de la CAP,

d’o se ve les hevau he e ts e t e les o ga isatio s et les a a ge e ts, ais peuve t aussi contribuer à mettre en évidence le rôle pivots de certains acteurs ou des situations

d’isole e t et de dista e. Enfin, la synthèse doit présenter les difficultés potentielles

auxquelles le groupe pourrait être confronté, et les défis à relever, qui auront été évalués

pa l’i te diai e de la g ille d’a al se. Cette s th se pe et fi ale e t d’ide tifie des zo es à enjeux, qui constituent de

ouveau ha ps possi les de l’a o pag e e t. Elle off e gale e t le o e de i le de nouveaux acteurs, déterminants pour le fonctionnement du groupe ou pour la mise en

œuv e du ha ge e t de p ati ues, u’il peut t e judicieux de prendre en compte dans le

p o essus d’a o pag e e t.

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ANNEXE 4 : Correspondance entre les

variables et le guide d’entretien

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Tableau de correspondance entre le guide d'entretien et les variables d'analyse

Thème du guide d'entretien

"membre du groupe" Variables renseignées Sous-variables renseignées Sous-variables renseignées

1 : Caractéristiques de l'exploitation

V La t a sitio ag o ologi ue à l’ helle individuelle

V . Fo tio e e t glo al de l’e ploitatio

V2.2.1- Caractéristiques globales de l’e ploitatio ag i ole

V2.2.2- Caractéristiques du milieu biophysique

V2.2.3- Organisation du travail

V Les e o positio i dites de l’a tio collective

V . A teu s de l’a tio olle tive V1.1.1- Différenciation des acteurs individuels

2 : Evolutions du système de

production

V La t a sitio ag o ologi ue à l’ helle individuelle

V2.1 Trajectoire des changements de pratiques

V2.1.1- T pe de ha ge e t te h i ue et o ga isatio el da s l’e ploitatio ag i ole : o t i utio à l’ag o ologie

V2.1.2- Actes techniques centraux qui ont porté sur le changement

V2.1.3- O igi es et sou es d’i fo atio s

V2.1.4- Fo es et odalit s d’i pli atio da s l’a tio olle tive

V2.1.5- Contexte général

V2.1.6- Contexte personnel marquant

V2.1.7- Qualifi atio s des ha ge e ts pa l’ag i ulteu

V Le dialogue e t e l’a tio olle tive et la transition agroécologique

V.3.2- Fo tio s de l’a tio olle tive

3 : Eléments sur le groupe

V1 Les recompositions inédites de l’a tio collective

V . A teu s de l’a tio olle tive V1.1.2- Lie ave d’aut es pa ties p e a tes–préoccupations extérieures

V . P o essus de l’a tio olle tive

V1.2.1- Expériences antérieures de mutualisation

V1.2.2- O jets de l’a tio collective

V1.2.3- Modalités de mutualisation

V1.3 Normes et règles

V1.3.1- Mode de régulation

V1.3.2- Co t ai tes li es à l’a tio olle tive

V1.3.3- Ouverture du groupe

V Le dialogue e t e l’a tio olle tive et la transition agroécologique

V. . La o t i utio de l’ag i ulteu au g oupe

V.3.2- Fo tio s de l’a tio olle tive

V.3.3- Le moteur de la dynamique de groupe au-delà des

p euves de l’a tio olle tive

V.3.4- L'accompagnement dont bénéficie le groupe

V. Re o figu atio di e te de l’a tio olle tive

4 : L'agriculteur et son réseau

V Les e o positio s i dites de l’a tio collective

V . A teu s de l’a tio olle tive V1.1.2- Lie ave d’aut es pa ties p e a tes–préoccupations extérieures

V . P o essus de l’a tio olle tive V1.2.1- Expériences antérieures de mutualisation

V La t a sitio ag o ologi ue à l’ helle individuelle

V2.1 Trajectoire des changements de pratiques V2.1.3- O igi e et sou es d’i fo atio s

V2.1.4- Formes et odalit s d’i pli atio da s l’a tio olle tive

V Le dialogue e t e l’a tio olle tive et la transition agroécologique

V.3.2- Fo tio s de l’a tio olle tive

5 : Informations complémentaires

sur la trajectoire personnelle

V2 La transition ag o ologi ue à l’ helle individuelle

V2.1 Trajectoire des changements de pratiques V2.1.6- Contexte personnel marquant

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ANNEXE 5 : Illustrations des outils de

classement

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Schéma de l'exploitation agricole

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La trajectoire détaillée (extrait)

Page 107: Mémoire de fin d'études - CIVAMressources.civam-oasis.fr/pdf/2017-08/memoire_cgratacos...Mémoire de fin d'études présenté pour l'obtention du Master d’Ecole d’Ingénieur

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La trajectoire simplifiée

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L’itinéraire technique : principaux changements mis en évidence

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L’accompagnement

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Le réseau socio-professionnel

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ANNEXE 6 : Un exemple de

monographie individuelle

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La transition agroécologique

L’agriculteur s’installe sur la ferme familiale en 1995 dans l’Aube, sur un domaine de

1000ha regroupant 3 fermes. Il reprend les parts de son père dans la porcherie de naisseurs-engraisseurs hors sol, proche de l’exploitation. L’installation est mûrement réfléchie car l’agriculteur a pris soin de travailler d’abord 3ans en tant qu’ouvrier agricole en Seine-et-Marne, puis 7ans en tant que salarié agricole sur l’exploitation. Avant de reprendre la ferme de son père, il va également se former autour de la gestion des ressources humaines, puisque l’exploitation, regroupée avec deux autres fermes, comprend une dizaine de salariés. Au départ, les 3 fermes ont un fonctionnement distinct, où chacun a ses salariés et son matériel. L’exploitation cultive les céréales de manière classique (selon un mode conduite technique assurantielle). L’élément déclencheur du changement de pratiques est la pression de

l’opinion publique qui dénonce les agriculteurs comme responsables des dégâts environnementaux constatés dans les années 1990. Cette pression est renforcée par la PAC de 1992 et le slogan de l’époque « pollueur payeur », imposant un nouveau cadre de pratiques agricoles, visant à diminuer la surproduction. Une Opération Groupée d’Aménagements Respectueux de l’Environnement (OGARE) est proposée en 1999 par la Chambre d’agriculture aux agriculteurs du territoire de la Barbuise. La Barbuise est un ruisseau à 5km de la commune dans laquelle se situe l’exploitation. Afin de protéger ce cours d’eau des pollutions, la Chambre propose un accompagnement pour planter des haies, des bandes enherbées et des jachères fixes. L’agriculteur est finalement le seul à s’y intéresser et le projet n’aboutit pas. Cependant, cela a constitué un déclic pour ce dernier qui va entamer une longue période de mise en place d’infrastructures agroécologiques (IAE) sur la ferme. Cela va être rendu possible grâce à l’embauche d’un responsable environnement pour la mise en place des IAE et leur gestion. L’embauche d’un salarié dédié à cette tâche est rendue possible par la mutualisation progressive des moyens de production entre les 3 fermes: la constitution d’un groupement d’employeurs entre les 3 chefs d’exploitation va succéder à la mise en commun et l’achat d’un nouveau parc matériel. Ainsi, la mutualisation des charges permet d’investir par ailleurs dans le salaire d’un responsable à mi-temps, ce dernier travaillant 10% du temps sur les deux autres fermes. Les IAE vont occuper 25ha sur les 381ha initiaux, et vont mettre 5ans à se mettre en place. La gestion de ces IAE et notamment des arbres des haies amène à penser plus largement à l’échelle du territoire et des corridors écologiques. En 2000, l’exploitation est certifiée HVE (Haute Valeur Environnementale, équivalent au cahier des charges de l’agriculture dite raisonnée). Cette première phase de la transition s’accompagne de lectures personnelles (revues, ouvrages, internet) et des connaissances du responsable environnement. Ce dernier est un agriculteur, passionné d’écologie et autodidacte.

Une seconde phase (2005) s’articule autour de nouvelles pratiques pour réduire les

produits phytosanitaires, impactant la biodiversité fonctionnelle recherchée, favorisée dans la première phase. En effet, favoriser les prédateurs des ravageurs de cultures paraît incompatible avec l’usage de pesticides. L’agriculteur fait donc évoluer ses pratiques vers la réduction des produits phytosanitaires. Cela nécessite en premier lieu de renouveler le

matériel : l’objectif est d’aller vers plus de performance et de précision afin de traiter de façon localisée. Ainsi, en 2011, l’agriculteur achète une bineuse avec une rampe de localisation à guidage mécanique. En 2014, il profite de la nécessité de renouveler la bineuse

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pour en acheter une nouvelle, cette fois-ci avec une rampe de localisation à guidage optique. Cette dernière permet de pratiquer le « désherbinage » et d’économiser 2/3 de la quantité de produit herbicide en traitant seulement au niveau du rang. Au niveau des pesticides, au lieu d’acheter des graines de betteraves déjà traitées, il traite ces semences lui-même, avec du purin d’orties (contre les pucerons). C’est en effet la culture la plus rentable qui lui permet par ailleurs de supprimer ou de réduire fortement les traitements sur les autres cultures. Ainsi, il mêle technologie et modes de lutte phytosanitaire naturels: il reste en cohérence avec sa démarche, tout en limitant les risques économiques pour pouvoir pérenniser ces changements. Il a pu grâce au « désherbinage » réduire de 60% sa consommation d’herbicides sur betteraves, bien que cela ait constitué un investissement lourd (il est le seul des 3 associés à utiliser ce nouvel outil, ses associés n’étant pas dans une démarche de réduction d’intrants et préférant passer moins de temps dans les champs grâce au pulvérisateur). Dans une démarche de réduction des produits phytosanitaires (PPS), l’agriculteur n’applique (progressivement) plus de fongicides ni de pesticides. Cela nécessite un temps d’observation long et rigoureux mais qui lui permet par exemple de ne pas traiter quand il observe la présence de ravageurs : sur le blé l’an dernier par exemple, il a été obligé de traiter car les conditions météorologiques ont causé un décalage entre le cycle biologique du ravageur et celui du prédateur. Ne plus traiter passe également pour lui par le fait de renforcer l’état et la santé des plantes et du sol. La réflexion qu’a l’agriculteur a changé: il considère qu’il peut se permettre de ne plus utiliser de PPS dans la mesure où il dispose d’un réservoir de biodiversité fonctionnelle, auxiliaire conséquent et de plusieurs manières de renforcer la résilience du système sol-plante. Pour cela, il a assisté à des formations offertes par la Chambre d’agriculture de l’Aube, concernant les modes de lutte contre les ravageurs en système de production biologique. La formation sur l’usage des extraits de plantes lui a fait découvrir le purin d’orties cité plus haut, ou encore l’extrait de menthe poivrée contre les pucerons et la macération huileuse d’ail contre les vers (la tordeuse du petit pois). Au niveau de la fertilisation, il utilise désormais des extraits de prèles, et de consoude. Cela permet de dynamiser et renforcer les tissus des plantes en apportant des éléments qui manquent au sol. L’azote contenu dans le purin d’orties a aussi un effet dynamisant. Ces préparations à base de produits naturels viennent remplacer les oligoéléments utilisés dans l’ancien système et l’agriculteur n’apporte plus d’engrais minéral. L’apport en engrais organique est facilité (depuis son installation) grâce au lisier de la porcherie à laquelle il est associé. De la même manière, la diversification des couverts végétaux permet de diminuer l’apport en fertilisation azotée: la moutarde en mélange avec des radis, de la phacélie et du sarrasin, permet d’augmenter le stock en azote du sol avant les cultures de betterave et d’orge de printemps. On peut imaginer que les couverts non récoltés de fèveroles-sarrasin-trèfle blanc avant le colza permettent également une réduction d’engrais.

Pour résumer, les transitions agroécologiques :

Dans quels buts ?

Les IAE Une écologisation de la ferme nécessaire pour continuer son métier :

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l’agriculteur souffre beaucoup de la pression de l’opinion publique qui rend responsable les agriculteurs des pollutions et divers dégâts environnementaux. A la fin des années 90s, soit il changeait, soit il arrêtait son métier. Il était en effet convaincu de la véracité des accusations de l’opinion publique. La dégradation de l’état d’une source d’eau proche de chez lui est un des exemples qui lui donne envie de changer.

Réduire le recours aux PPS : les IAE sont un refuge pour la faune auxiliaire, prédatrice des ravageurs pour lesquels il utilise des PPS. En organisant ces IAE de manière bien précise (longueur, distance entre les bandes enherbées pour permettre la recolonisation des carabes de l’intérieur des parcelles), il peut se permettre de changer ses pratiques et faire de ces IAE une solution alternative aux PPS, voire en faire un élément du système de production. La réduction des PPS

Les motivations sont citées ci-dessus. La diminution de l’apport minéral

Diminuer le risque de pollution

Comment ont-elles eu lieu ? Quelles conditions à leur émergence ?

Les IAE L’opportunité donnée par la Chambre d’agriculture de faire une OGARE est

l’élément déclencheur : Une opération groupée d’aménagements respectueux de l’environnement (OGARE) est proposée en 1999 par la Chambre d’agriculture aux agriculteurs du territoire de la Barbuise. La Chambre propose un accompagnement pour planter des haies, des bandes enherbées et des jachères fixes. Il a donc un déclic et apprend comment il peut de nouveau être à l’aise dans son métier d’agriculteur : installer des IAE et améliorer l’état de l’écosystème local.

Une mutualisation des moyens de production permettant l’embauche d’un spécialiste de l’écologie : l’intérêt pour l’écologie est une chose, mais les compétences en sont une autre et l’agriculteur ne les a pas. Ainsi, grâce à la mutualisation des facteurs de production qu’il a avec ses associés, il peut se permettre d’investir dans le salaire d’un responsable environnement, qu’il embauche à mi-temps sur sa ferme. Ils feront ensemble les installations d’IAE et le responsable se charge de leur gestion.

Une reconnaissance de la part de la société civile et des institutions : Il a été pionnier dans l’écologisation des pratiques et de sa ferme sur son territoire. L’agriculteur a donc été seul dans ce qu’il vivait au quotidien, dans ses questionnements, ses doutes. Un facteur important est la reconnaissance de la société et des institutions : par la certification HVE, la visite d’un des responsables du CRPF, de la LPO (Ligue de Protection des Oiseaux), des lycées et BTS agricoles, on lui témoigne de l’intérêt pour ses pratiques. Il a retiré plusieurs hectares de la production, c’est donc un manque à gagner, destiné à l’amélioration des ressources naturelles pour la société. Une reconnaissance de sa part permet de le conforter dans ce qu’il a entrepris.

Une sensibilité personnelle et du temps dédié à la formation : L’agriculteur a conscience qu’il s’agit de réapprendre son métier. Il va donc se former, soit par des

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lectures personnelles, des magazines, des ouvrages d’écologie, d’agronomie, de biologie, mais aussi via des formations pour adultes, proposées par la Chambre.

Une réassurance et un progrès via les pairs : la participation au groupe CIVAM fait découvrir à l’agriculteur qu’il n’est pas le seul à s’être lancé dans la démarche des aménagements pour la biodiversité. Cela le rassure et lui permet de progresser, en échangeant avec les autres agriculteurs. La réduction des PPS

Renouveler le matériel : l’objectif est d’aller vers plus de performance et de précision afin de traiter de façon localisée. Ainsi, en 2011, l’agriculteur achète une bineuse avec une rampe de localisation à guidage mécanique. En 2014, il profite de la nécessité de renouveler la bineuse pour en acheter une nouvelle, cette fois-ci avec une rampe de localisation à guidage optique. Cette dernière permet de pratiquer le « désherbinage » et d’économiser 2/3 de la quantité de produit herbicide en traitant seulement au niveau du rang.

La mutualisation des moyens de production : L’achat de ce matériel coûteux est possible grâce aux économies permises par la mutualisation des moyens de production

Hybrider ses pratiques en mêlant technologie et mode de luttes phytosanitaires naturels: L’agriculteur abandonne les graines de betteraves déjà traitées pour traiter ces semences lui-même, avec du purin d’orties (contre les pucerons). Le purin est amené avec le désherbinage, permis par l’achat d’un outil très pointu (bineuse avec rampe de localisation à guidage optique). Il a aussi recours à des extraits de plantes (l’extrait de menthe poivrée contre les pucerons et la macération huileuse d’ail contre la tordeuse du petit pois). Au niveau de la fertilisation, il utilise des extraits de prèles, et de consoude pour dynamiser et renforcer les tissus des plantes en apportant des éléments qui manquent au sol. L’azote contenu dans le purin d’ortie a aussi un effet dynamisant. Ces préparations à base de produits naturels viennent remplacer les oligoéléments utilisés dans l’ancien système et l’agriculteur n’apporte plus d’engrais minéral. Ces utilisations de produits naturels sont renseignées dans ses lectures mais surtout les formations offertes aux producteurs bios par la Chambre d’agriculture (mais accessibles à tous les agriculteurs). La diminution de l’apport minéral

L’achat de parts dans une porcherie : permet d’appliquer du lisier, d’augmenter donc la part d’engrais organiques par rapport aux engrais minéraux. Il a juste dû racheter les parts de son père.

Le renforcement des plantes: il utilise des extraits de prèles, et de consoude. Cela permet de dynamiser et renforcer les tissus des plantes en apportant des éléments qui manquent au sol. L’azote contenu dans le purin d’ortie a aussi un effet dynamisant

La diversification des couverts végétaux : permet de diminuer l’apport en fertilisation azotée. La moutarde en mélange avec des radis, de la phacélie et du sarrasin, permet d’augmenter le stock en azote du sol avant les cultures de betterave et d’orge de printemps. On peut imaginer que les couverts de fèveroles-sarrasin-trèfle blanc avant le colza permettent également une réduction d’engrais.

Le soutien technique pour l’expérimentation, l’information et maximiser la

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rentabilité : le CETA et les groupes d’échanges en son sein sont un soutien technique non négligeable (continuer à être rentable grâce à du conseil technique classique) et permettent par exemple l’essai d’outil de précision (fertilisation et drone). On pense notamment à la betterave, la culture la plus rentable qui lui permet par ailleurs de prendre des risques sur les autres cultures.

Les recompositions de l’action collective

Peu de temps après l’installation, la constitution d’un groupement d’employeurs

permet à l’agriculteur de mutualiser les frais, économiser les charges et d’investir dans le salaire du responsable environnement à mi-temps. On peut donc dire que la première phase de la transition, consistant à l’aménagement du paysage et d’IAE est en partie permise par la mutualisation des facteurs de production (terre, matériel, main d'œuvre). Toutefois, cette phase de mise en place des IAE ne concorde pas avec la création de formes d’action collective. Les évolutions de la ferme sont menées de manière individuelle, avec comme seul appui le salarié. En effet, les deux autres associés ne s’intègrent pas dans des démarches de réductions d’intrants ni dans la visée de préserver l’environnement. La relation étroite qu’il entretient avec le salarié à mi-temps est tout de même support de discussions, d’échanges et d’apprentissages sur l’écologie, son rôle sur l’agronomie etc. L’association avec un apiculteur en 2007 lui permet d’installer un rucher dit environnemental sur ses parcelles: il s’en sert comme témoin de l’effet de ses pratiques sur les abeilles et autres pollinisateurs. Cet apiculteur, avec lequel il entretient également des liens étroits, l’informe sur la gestion des ruches, le conseille et complète les connaissances que l’agriculteur tire de ses lectures personnelles.

Les pratiques de réductions d’intrants s’accompagnent davantage du recours à

d’autres producteurs: l’association avec un apiculteur permet de suivre l’impact de ses pratiques sur les abeilles, mais elle est aussi l’occasion de discuter avec quelqu’un qui a des préoccupations communes. Des membres du CIVAM, adhérents à l’association Terr’avenir qui aide à la certification à la norme ISO 14001, vont venir faire la partie pratique de leur formation sur la ferme de l’agriculteur. Il est en effet le seul de la zone à avoir des haies et des arbres aussi vieux, permettant de voir l’évolution d’IAE en grandes cultures de Champagne crayeuse, à moyen terme. L’adhésion au CIVAM dans le cas de l’agriculteur marque la fin de la solitude dans l’engagement dans le changement de pratiques: jusqu’à présent, il était seul (dans son environnement social) à témoigner de l’intérêt pour l’écologie. Ses associés ne le soutenaient pas et ses seuls d’échanges étaient ceux avec le responsable environnement et l’apiculteur. Mais la suppression de 25ha de production, le redécoupage du parcellaire avec 10km de linéaires, 13ha de jachères, sont restées des pratiques plus que marginales, partagées avec aucun autre agriculteur. La rencontre au CIVAM d’agriculteurs qui ont également supprimé des cultures rentables ou des hectares de la production, est une donnée non négligeable, qui lui apporte un soutien psychologique et social. Le CIVAM est également un lieu où il rencontre des agrobiologistes mais aussi des producteurs conventionnels engagés dans la voie de l’écologisation des pratiques: il peut donc partager les contraintes ou contradictions que peuvent rencontrer les agriculteurs conventionnels ayant recourt à des pratiques agricoles issues de l’agriculture biologique.

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Pour résumer, les actions collectives:

Dans quels buts ?

La mutualisation des facteurs de production Rationaliser l’organisation du travail et réaliser des économies : la

mutualisation s’est faite de manière progressive entre les 3 fermes. La constitution d’un groupement d’employeurs entre les 3 chefs d’exploitation va succéder à la mise en commun et l’achat d’un nouveau parc matériel. L’association avec un apiculteur

Des ruches témoins de l’impact des pratiques sur l’environnement : il installe un rucher environnemental pour suivre l’impact de ses pratiques sur les abeilles. C’est aussi l’occasion de discuter avec quelqu’un qui a des préoccupations communes. Adhésion au CIVAM

Un lieu d’échange entre pairs unique sur le thème de l’écologie : le CIVAM apparaît comme le premier lieu d’échanges sur les thématiques environnementales. Il cherche à « se tenir au courant de l’évolution de la trame verte et bleue sur son territoire ». Il permet à l’agriculteur de pouvoir discuter de ses doutes, ses erreurs, apprendre des expérimentations des autres, se rassurer et se sentir moins seul (caractère pionnier de son système, transition engagée avant les autres).

La recherche de subventions pour financer les IAE : pour l’agriculteur, le GIEE est une source potentielle de financement. Il découvre l’intérêt pour le système de paiements pour services environnementaux dans l’actualité mais ne « trouve pas à qui envoyer la facture ». C’est aussi pour cette raison qu’il participe plus activement aux activités du CIVAM depuis sa labélisation GIEE.

Comment ont-elles eu lieu ? Quelles conditions à leur émergence ?

La mutualisation des facteurs de production Une formation aux ressources humaines : Avant de reprendre la ferme de son

père, il va également se former autour de la gestion des ressources humaines, puisque l’exploitation, regroupée avec deux autres fermes, comprend une dizaine de salariés. On peut donc imaginer qu’il a déjà un intérêt et une connaissance pour le travail en collectif.

Une expérience antérieure de mutualisation : L’agriculteur reprend la ferme familiale après y avoir travaillé 7ans en tant que salarié agricole. Il connaît donc déjà les deux autres associés. La mutualisation est progressive : cela permet de laisser du temps aux exploitants pour s’entendre et se connaître. Peut-être est-ce aussi pour cette raison que cela fonctionne depuis longtemps et qu’il y a un respect mutuel de l’évolution de chacun : l’agriculteur est le seul à avoir des préoccupations environnementales, mais le travail est organisé de manière à ce que chacun ait une marge de manœuvre pour faire évoluer son système de production dans son sens. L’association avec un apiculteur

Des préoccupations environnementales communes Adhésion au CIVAM

Une notoriété dans la zone : c’est via la ligue de protection des oiseaux qui

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s’est intéressée à sa ferme pour réaliser des comptages de biodiversité, qu’il a connu le CIVAM.

Un intérêt et des valeurs communs : l’entente fonctionne bien car l’agriculteur a trouvé des agriculteurs avec lesquels échanger sur le thème de la gestion des IAE, de la démarche de réduction d’intrants. L’hétérogénéité du groupe est une richesse.

Les conditions sociotechniques de la transition

La gestion des IAE a été facilitée par un accompagnement financier, grâce à un

contrat d’agriculture durable, consistant à des aides publiques pendant 5ans, en l’échange de certaines garanties de pratiques agricoles. Le soutien peut aussi prendre la forme d’une reconnaissance sociale : c’est le cas par l’intermédiaire de visites de scolaires, ou de groupes d’élèves BTS venant visiter les IAE sur sa ferme. On peut aussi citer une forme de reconnaissance institutionnelle, avec l’exemple du centre régional de la propriété foncière. Un des responsables du CRPF est en effet volontairement venu le conseiller sur la gestion des arbres présents sur son exploitation, tout en lui rappelant l’intérêt d’avoir mis en place ces IAE. On peut aussi citer la ligue de protection des oiseaux (LPO), qui est venue mesurer la biodiversité sur sa ferme : c’est aussi une forme de reconnaissance puisque ces institutions viennent étudier chez lui, lui témoignant de l’intérêt et lui prouvant qu’il a eu raison d’avoir le courage d’entreprendre ces restructurations du paysage. La certification HVE est également un moyen de se conforter dans l’intérêt de changer de pratiques et de s’intéresser à l’écologie. Elle est une forme de validation, de reconnaissance de la société, qu’il devait obtenir suite à la pression subie dans les années 1990, qui avait fait peser la menace d’un arrêt total de l’activité agricole.

Actuellement, l’accompagnement recherché est non plus sur des connaissances fondamentales en écologie mais sur un soutien financier pour amortir les investissements engendrés (attentes principales pour le GIEE). La rencontre avec le CIVAM est décisive car il est le premier lieu d’échanges sur les thématiques environnementales, et permet à l’agriculteur de pouvoir discuter de ses doutes, ses erreurs, apprendre des expérimentations des autres, se rassurer et se sentir moins seul (caractère pionnier de son système, transition engagée avant les autres). Enfin, le CETA et les groupes d’échanges en son sein sont un soutien technique non négligeable (continuer à être rentable grâce à du conseil technique classique) et permettent par exemple l’essai d’outil de précision (fertilisation et drone). Le soutien offert par la Chambre d’agriculture de l’Aube est non négligeable également: il a assisté à des formations, concernant les modes de lutte biologique contre les ravageurs, qui lui ont permis de réduire de façon conséquente ses traitements chimiques. Il a également reçu des formations (pour adultes) au sujet de la communication non violente, qui lui ont permis, selon lui, de prendre des risques avec plus d’aisance: la gestion du risque dans le cadre de démarche de réductions d’intrants semble en effet importante et résider beaucoup dans la gestion psychologique de la peur, des doutes etc. Ses cours du soir en philosophie ont alimenté ses réflexions sur son métier: à travers la démarche de réductions d’intrants, il trouve et donne du sens à son métier d’agriculteur.

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ANNEXE 7 : Méthodes utilisées pour

réaliser des typologies de raisons, de

conditions et de transitions

agroécologiques

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Méthode du traitement graphique de Bertin

Ce que permet la méthode

Cette méthode permet de dégager des similitudes au sein d’un ensemble de données et ainsi de former des « groupes » de modalités (modalités qui correspondent aux raisons ou bien aux conditions de réalisation dans notre cas) en fonction des sujets (les agriculteurs). Ceci permet alors de construire des « typologies ».

La méthode autorise une analyse transversale et permet de rendre compte que certaines raisons (attachées à un objectif) peuvent être liées les unes aux autres. Par exemple, un objectif d’amélioration de la structure d'un sol peut être couplé à celui de l’augmentation du taux de matière organique. En compilant différents objectifs, certaines préoccupations de l’agriculteur deviennent identifiables. Ainsi, l’agriculteur peut être davantage préoccupé par les difficultés de travail engendrées par une mauvaise structure du sol que par les coûts d’usure du matériel.

Les raisons pour lesquelles cette méthode a été choisie

Cette méthode de traitement graphique de Bertin a été choisie car elle s'avère fiable (voir les travaux antérieurs, tels ceux de Lerouw et al, 2007 ; Sirben (2009) ; Boulanger (2010). Elle s’avère pertinente pour des petites quantités de données, notamment lors de situations où le nombre d’individus est supérieur au nombre de variables. D'autre part, elle ne requiert que peu de temps pour être mise en œuvre, ce qui la rend facile d’appropriation et d’utilisation.

Fonctionnement de la méthode

Cette méthode fonctionne sur le principe de discriminations visuelles. Pour chaque transition agroécologique identifiée, il s’agit de construire une typologie d’agriculteurs, soit en fonction des raisons, soit en fonction des conditions qui expliquent ce qu’ils font.

Les modalités (raisons ou conditions) sont situées en colonne et les sujets en ligne. Le chiffre 1 est attribué à chaque modalité à laquelle correspond positivement le sujet (une couleur est attribuée à chaque modalité si elle correspond négativement au sujet). L’objectif est de déplacer les lignes et les colonnes afin de regrouper les couleurs et de visualiser des groupes homogènes formés par les couleurs. Le tableau ci-dessous illustre cette méthode. La Figure ci-dessous, tirée du livre de Bertin, montre de façon plus précise cette façon de faire (Bertin, 1977 p. 32-33).

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Exemple pour une transition agroécologique A :

Tableau: Exemple de création de typologie pour une transition agroécologique identifiée, en

fonction des raisons

Sujets/

Modalités

Agriculteur

1

Agriculteur

2

Agriculteur

3

Agriculteur

4

Agriculteur

5

Agriculteur

X

Raison 1 1 1

Raison 2 1 1 1 1

Raison 3 1 1 1 1 1 1

Raison X … … … … … …

Type 1 Type 2 Type 3

Figure : Méthode détaillée d'analyse graphique de Bertin (1977)

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La méthode de réalisation des schémas de trajectoires :

Grâce aux types de conditions et types de raisons identifiées par la méthode graphique

de Bertin, il est possible de réaliser un schéma qui, pour chaque transition agroécologique, figure les différentes trajectoires empruntées par les membres du groupe.

Le schéma peut être réalisé à la main ou bien sur un logiciel de dessin (ou type

powerpoint). Dans le cas des CIVAM Oasis et Empreinte, les schémas ont été réalisés comme suit : pour chaque type de transition (diversification des productions, réduction des intrants…), il convient d’abord de faire démarrer une flèche inscrivant la raison initiale expliquant l’engagement (réduire les charges, respecter une réglementation…). Les flèches peuvent ensuite se séparer selon les moyens ou ressources ayant permis d’arriver aux pratiques agricoles actuelles (conversion à l’AB, diversification de l’assolement…), différentes selon les membres. On pourra dessiner des traits en pointillés pour les changements en cours, contre des traits pleins pour des changements terminés. Sur chaque flèche représentant une transition, il peut être marqué des points de rupture ou point de passage, représentant les pratiques intermédiaires. Par exemple, dans le passage au semis direct sous couvert, l’agriculteur a pu d’abord expérimenter le non labour.

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ANNEXE 8 : Justification du qualificatif

« agroécologique »

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Les transitions agroécologiques dans le CIVAM Empreinte

Caractérisation des transitions : pourquoi les qualifie-t-on d’agroécologiques ? Deux grands types de transitions agroécologiques ont été identifiés au sein du CIVAM

Empreinte. Ces transitions peuvent être qualifiées d’agroécologiques en regard des principes de l’agroécologie publiés dans Stassart et al., 2012 (ci-après). Pour chaque transition identifiée, les raisons pour lesquelles elles répondent à certains principes sont explicitées.

Grands types de

transition

Sous-type de transition

L’orientation vers un système davantage

pastoral

TYPE 1 : Changer pour une race plus rustique TYPE 2 : Intégrer plus de pastoralisme en augmentant la part de

parcours dans la ration alimentaire La diversification des

productions et des

activités

TYPE 3 : Introduire un nouvel atelier d'élevage TYPE 4 : Développer une nouvelle activité (transformation,

accueil)

Transitions agroécologique de type 1 et 2

L’orientation vers un système davantage pastoral (changer pour une race plus rustique, intégrer plus de pastoralisme en augmentant la part de parcours dans la ration alimentaire)

Les transitions 1 et 2 respectent le principe 2 car la diminution de la part des fourrages

produits permet une économie en intrants, dans le cas de l’arrêt de la récolte des foins (pour les éleveurs E5, E1). La diminution par conséquent des engrais chimiques peut respecter ainsi le principe 2.

Les transitions 1 et 2 respectent le principe 4 dans la mesure où le pastoralisme contribue à ouvrir les milieux, ralentir l’enfrichement et favorise la recolonisation d’espèces, (notamment héliophiles), inféodées à cette réouverture. Cet enrichissement d’espèces se fait dans le temps comme dans l’espace, puisque les troupeaux nécessite de se déplacer sur de vastes espaces de parcours. Les milieux ouverts pastoraux méditerranéens et subméditerranéens seraient des réservoirs de biodiversité, puisqu’ils abriteraient, selon le Conservatoire d’Espaces Naturels (CEN) des espèces patrimoniales de la faune et de la flore25.

Les transitions 1 et 2 respectent également le principe 5 car le pastoralisme implique une forme de coévolution entre le troupeau et les milieux pâturés (évolution de la composition floristique selon les prélèvements effectués) et offre plusieurs services écologiques clefs. Par exemple, le pâturage prévient le risque incendie (éclaircissements et réduction des broussailles, particulièrement inflammables) et conserve les espèces inféodées aux milieux ouverts (pelouses, prairies permanentes dont la diversité d’espèces en fait des zones de biodiversité reconnue26).

25 Selon le Conservatoire d’Espaces Naturels du Languedoc Roussillon, près d’un habitat naturel sur deux et plus

de 30 % des espèces d’oiseaux, recensés comme présentant un intérêt au niveau européen y sont présents. La conservation de ce patrimoine est intimement liée au maintien du pastoralisme.

26 Duru M., Theau, J.-P., Jouany C., Cruz P., 2011, « Optimiser les services fourragers des prairies permanentes, Des outils pour caractériser et gérer la diversité floristique », Résultats des recherches du département Inra – Sad, n° 2011/36

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Pour intégrer davantage de parcours à la ration alimentaire, les éleveurs valorisent et s’appuient davantage sur l’agro-biodiversité. La ration alimentaire est plus complexe que l’état initial, où la part de compléments et des fourrages distribués était plus importante. L’éleveur doit composer avec une diversité de végétations spontanées pour parvenir à une ration équilibrée, en accord avec les besoins du troupeau. Ainsi, changer pour une race plus rustique et augmenter la part de pâturage respectent le principe 6 et le principe 8. Pour valoriser l’agro-biodiversité, les éleveurs cherchent à valoriser au maximum les ressources alimentaires locales, en adoptant une gestion adaptative et écologique : la diversité des végétations est maintenue grâce à un prélèvement planifié en fonction des saisons, des états de la végétation et des conditions biophysiques, qui vise à renouveler cette diversité. Quant à l’autonomie du principe 6, celle-ci correspond à une autonomie en intrants, permise par la diminution de l’achat d’aliments mais aussi par la diminution des frais vétérinaires quand le plein air contribue à une meilleure santé de l’animal comme certains l’ont rapporté27.

Le changement de race dénote d’un pilotage multicritère du système de production (principe 7). Pour certains éleveurs, changer de race pour plus de rusticité, même lorsque ça implique une chute de productivité, répond au souhait d’être plus autonome. Il peut s’agir d’une économie en temps de travail (éleveurs E1, E2, E3) et en intrants (éleveurs E1, E2, E3). Ces économies en intrants (permis par l’augmentation de la part de pastoralisme, transition de type 2) sont une manière, pour les éleveurs E1 et E2 par exemple, de ne plus être dépendants du chronophage et coûteux chantier de fenaison. Quand ce chantier n’est pas directement mené par les éleveurs, l’approvisionnement peut s’avérer difficile et coûteux comme certains l’ont rapporté.

Le principe 9 est respecté car le pastoralisme est également une forme d’élevage marginale à l’échelle nationale. Elle est un moyen d’exploiter des zones défavorables et abandonnées par la plupart des autres activités agricoles. Ce mode d’élevage, tel que pratiqué par les éleveurs du CIVAM, repose également sur un faible niveau d’intrants, en rapport aux modes classiques d’élevage (intensif, en bâtiment).

Les transitions 1 et 2, pour les éleveurs qui s’y sont engagés, ont fait l’objet d’échanges dans le cadre du CIVAM. Ce dernier accueille des intervenants extérieurs (instituts techniques, établissements d’enseignement supérieur, association naturaliste) pour accompagner les éleveurs dans la gestion de leur parcours (calendrier de pâturage, diagnostic écologique des parcours). Le CIVAM travaille également avec le milieu de la recherche (convention cadre avec l’INRA du réseau CIVAM, participation au projet CapVert porté en partie par l’INRA). Mais le CIVAM accueille également un public non spécialiste lors de ses réunions, comme les consommateurs ou des citoyens ruraux préoccupés par le développement rural. Ainsi, les principes 10 et 11 semblent respectés. En valorisant une diversité de compétences, et en communiquant sur les intérêts et enjeux du pastoralisme auprès du grand public et un public scolaire, les transitions réalisées dans le cadre des activités du CIVAM respectent le principe 13.

Le principe 12 est respecté par la majorité des éleveurs du CIVAM engagés dans les transitions 1 et 2 (sauf le producteur E5) car pour valoriser les races rustiques, ces derniers

27 L’éleveur E5 a ainsi constaté que son troupeau était en meilleure santé (« plus de vitalité») grâce au plein air et

au pâturage de lentisques, qui permettrait de diminuer le recours au vermifuge.

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commercialisent leurs productions en vente directe. Cela leur confère une autonomie vis-à-vis des filières et des fluctuations des prix du marché global.

Transitions agroécologique de type 3

L’introduction d’un nouvel atelier d’élevage

La transition 3 respecte le principe 4 dans la mesure où elle permet d’augmenter la diversité d’espèces présente sur l’exploitation et son environnement.

Il est possible que cette transition respecte le principe 6 dans les exploitations où le nouvel atelier d’élevage présente des complémentarités28 avec l’atelier d’élevage principal. Par exemple, l’éleveuse E4 garde un troupeau de chèvres et de brebis, en expliquant l’intérêt de la complémentarité de leurs prélèvements. Alors que les chèvres prélèvent « de façon aérienne » (ligneux, broussailles), les brebis vont prélèvent de manière plus grossière, « par terre ».

La transition 3 paraît respecter les principes 7 dans la mesure où ajouter une nouvelle production permet de diversifier ses sources de revenus, et ainsi minorer les risques par rapport à une source unique de revenus. Cela permet d’augmenter la résilience de l’exploitation en cas de crise liée à une production.

La transition 3 respecte le principe 9 dans la mesure où certains des nouveaux ateliers d’élevage sont menés de manière extensive (« porc plein air » pour les éleveurs E3, E4), en mode de production biologique (éleveur E3) ou à faible niveaux d’intrants (E4).

La transition 3 respecte le principe 12 car les nouveaux ateliers d’élevage sont commercialisés en vente directe. Cela permet aux éleveurs une plus grande autonomie dans les choix des productions, de la transformation, et cela lève les contraintes des filières classiques (certaine conformation pour les ateliers de découpe classiques). Cela permet également de sécuriser leurs productions tout en les mettant en valeur auprès des consommateurs, qui payent un prix ajusté au coût réel de la production. Au niveau du territoire, cela permet de maintenir des emplois localement et dynamiser la vie économique et sociale du territoire.

Transition agroécologique de type 4

Développer une nouvelle activité (transformation ou accueil) La transformation peut participer à l’augmentation de l’autonomie des producteurs

dans la mesure où le producteur est davantage rétribué par rapport à la valeur ajoutée créée. De plus, les produits issus de la transformation sont commercialisés en vente directe. Ainsi, la transition 4 respecte en partie le principe 12.

28 L’étude n’a pas permis d’approfondir les conduites zootechniques des ateliers d’élevage secondaires. Les

interactions qu’il y a entre les différents ateliers sont donc méconnus.

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L’introduction d’une activité d’accueil peut respecter le principe 11 et le principe 13

dans la mesure où les échanges qui ont lieu pendant les visites permettent de conscientiser une diversité de public (citoyens-consommateurs, scolaires, étudiants…) sur les enjeux (social, paysager, écologique) du pastoralisme et de l’agriculture paysanne en générale. Les activités d’accueil pour certains éleveurs du CIVAM sont en effet réalisées dans le cadre d’associations militantes pour le développement de ce type d’agriculture (CIVAM Racine pour les éleveurs X et E1). La diversité de public accueilli est alors un moyen de partager ses connaissances et ouvrir des débats dans différentes sphères (académique, civile voire politique dans le cas de l’éleveuse E4 qui a mis en place une activité touristique via un partenariat avec le Conseil Général de l’Aude) où chacun peut apporter des connaissances.

L’introduction d’une activité d’accueil respecte le principe 12 car elle peut être une source de revenus différente, renforçant ainsi l’autonomie des producteurs, qui pour organiser ces activités, ne dépendent pas des marchés globaux. La gouvernance de ces systèmes paraît horizontale, où les arrangements sont directs entre touristes et producteurs. Elle permet également de dynamiser la vie économique et sociale du territoire.

Les transitions agroécologiques dans le CIVAM Oasis

Caractérisation des transitions : pourquoi les qualifie-t-on d’agroécologiques ?

Cinq grands types de transitions agroécologiques ont été identifiés au sein du CIVAM Oasis. Ces transitions peuvent être qualifiées d’agroécologiques en regard des principes de l’agroécologie publiés dans Stassart et Al. 2012 (ci-après). Pour chaque transition identifiée, les raisons pour lesquelles elles répondent à certains principes sont explicitées.

Transition agroécologique de type 1

Réduction des produits phytosanitaires (PPS) et des fertilisants: bas volume, fertilisation raisonnée

La réduction des PPS respecte le principe 2 puisqu’elle garantit les conditions de sols favorables à la croissance des plantes, par deux moyens. La réduction des PPS augmente l’activité biologique du sol, en diminuant les produits dommageables à son fonctionnement (pesticides). La réduction de la fertilisation chimique peut respecter le principe si et seulement si la situation initiale causait du lessivage (dégradation des sols) ou que la réduction des apports ne conduit pas à une insuffisance des apports dans le système (équilibre nécessaire avec les nutriments exportés lors de la récolte) comme a pu le rapporter le producteur P7 lors

Grands types de transition

agroécologique

Sous-type de transition agroécologique

Efficience TYPE 1 : Réduction des produits phytosanitaires et des fertilisants: bas volume, fertilisation raisonnée

Substitution TYPE 2 : La conversion à l’agriculture biologique Re-conception TYPE 3 : Les infrastructures agro-écologiques

TYPE 4 : Les Techniques Culturales Simplifiées TYPE 5 : La diversification de l’assolement

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d’une de ses tentatives de réduction d’engrais. La diminution des PPS respecte le principe 4 car celle-ci dénote d’une plus grande

tolérance de la présence d’adventices dans les parcelles. Elle participe par-là à augmenter dans l’espace (parcelle) et le temps (évolution dans la composition des adventices) la diversité génétique et spécifique.

Cette augmentation de la biodiversité végétale peut s’accompagner de l’augmentation de la biodiversité faunistique (au sein et autour de la parcelle), qui peut permettre des interactions biologiques bénéfiques (régulations des ravageurs par exemple). En ce sens, la réduction des PPS respecte le principe 5. Deux agriculteurs procèdent par exemple à une lutte phytosanitaire avec des produits naturels afin de maintenir la biodiversité, notamment fonctionnelle. Ils favorisent ainsi la population des carabes, auxiliaire de cultures, qui diminuent la pression des ravageurs comme les limaces ou les pucerons29. De cette manière, le principe 6 est indirectement respecté, bien que la réduction des PPS n’ait pas pour objectif premier la valorisation de l’agro-biodiversité, celle-ci en est une externalité positive.

Les réductions des PPS et de la fertilisation respectent le principe 7 puisqu’elles sont parfois motivées par l’adaptation à des éventuels durcissements réglementaires. Elles sont également un moyen d’améliorer l’adaptation face à des pénuries de ressources (pétrole et fertilisants de synthèse notamment). Elles relèvent donc de choix de pilotage sur les moyens et long termes de l’agroécosystème. C’est le cas par exemple du producteur P6, qui tente de diminuer le recours au glyphosate sur certaines parcelles à cause du rejet qu’en fait la société (« les gens n’en veulent pas »).

Diminuer la fertilisation implique également de s’appuyer davantage sur les ressources du milieu dans lequel s’inscrit l’agroécosystème. Cela implique d’élaborer des systèmes de cultures qui reposent davantage sur la disponibilité variable dans le temps et l’espace, de certains nutriments pour les cultures. En ce sens, la réduction de la fertilisation peut respecter le principe 8. C’est le cas pour le producteur P7 qui n’applique des engrais de fonds que lorsqu’une culture exige un élément en particulier et que le sol en est carencé.

Le bas volume de PPS et de fertilisants est un moyen d’explorer des situations éloignées des optima (principe 9) ou des conduites assurantielles30, encore dominantes dans la région du CIVAM Oasis. L’application de produits naturels dans la lutte phytosanitaire (pratiquée par le producteur P2) est plutôt utilisée par les producteurs en agriculture biologique, laquelle est un mode de production agricole encore minoritaire en Champagne-Ardenne31.

Le principe 11 est respecté puisque les agriculteurs pratiquant le bas volume ont suivi des formations (chambre d’agriculture), des conférences d’intervenants ou des expérimentations grâce aux groupes d’échanges (GEDA, CETA). Ces temps d’échanges sont alors un espace de débat où chacun est invité à poser ses questions et partager son opinion.

29 Sources : entretiens avec les deux agriculteurs ; fiche de communication « carabes » du CIVAM. 30 On appelle ici « assurantiel » les modes de conduite technique qui sont dans une logique de minimisation des

pertes de rendement, à travers le recours important aux intrants de synthèses. 31 Source : entretien avec un chargé de mission à la FRAB Champagne-Ardenne (Fédération Régionale

d’Agrobiologistes) en juin 2015. Moins de 1,5% de la surface agricole utile régionale est dédiée à la production biologique en 2012 selon les statistiques de l’agence bio (http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/indicateurs-indices/f/498/1328/surfaces-agriculture-biologique.html)

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La conversion à l’agriculture biologique, transition de type 2, respecte les mêmes principes que la transition de type 1. Elle s’appuie sur les mêmes principes même si elle peut être considérée comme un niveau d’avancement plus important dans la réduction d’intrants selon la grille ESR (Annexe 11). Elles respectent d’autres principes comme le principe 8 (valorisation au maximum des ressources du milieu, en comptant sur leur variabilité et complémentarité). Elle respecte également le principe 12 pour les producteurs P4 et P10 convertis à l’AB, dans la mesure où ils pratiquent la vente directe. Cette dernière leur permet en effet de s’autonomiser vis-à-vis du marché (coopératives) et de créer du lien social avec les consommateurs. La vente directe est également un moyen de reconnecter le système de production au territoire en ayant un rayon de distribution local (les marchés, foires ou livraisons de paniers sont localisés en Champagne Ardenne).

Transition agroécologique de type 3

Les infrastructures agro-écologiques (IAE) L’aménagement d’IAE respecte le principe 1 car ces dernières, grâce à leurs racines

qui maintiennent le sol et favorisent l’infiltration32, limitent l’érosion et le lessivage. Ces dernières restituent également les nutriments au sol et la matière organique lors de leur broyage ou leur fauche (fauche de bandes enherbées notamment).

Les IAE respectent le principe 2 car les systèmes racinaires des plantes des bandes enherbées ou des haies améliorent la structure du sol en favorisant la macroporosité.

Les IAE respectent le principe 3 car ces dernières augmentent la couverture du sol et contribuent ainsi à la lutte contre l’érosion33 éolienne (microrelief), hydrique (maintien de la matière organique) et l'évapotranspiration (maintien de la matière organique). La gestion microclimatique est assurée par exemple par les haies brise-vent ou autres IAE dont la végétation absorbe les variations de températures ou d’hygrométrie34.

Les IAE respectent le principe 4 car sont composées d’espèces végétales variées (spontanées et semées). Avec le temps, on constate une augmentation du nombre d’espèces car la fauche diminue la pression de l’espèce principale et permet la colonisation d’autres espèces35.

Les IAE respectent le principe 5 car l’installation de nouvelles espèces végétales (exemple des vivaces de milieu calcaires, orchidées) s’accompagnent de l’installation de nouvelles espèces animale (exemple du papillon Azuré Bleu Céleste). Les IAE offrent un refuge et des ressources alimentaires pour la faune auxiliaire36 (insectes pollinisateurs, prédateurs des ravageurs). Elles permettent ainsi une régulation biologique et écologique des ravageurs.

32 Source : Fiches techniques de la biodiversité en zones de grande culture, CIVAM Oasis. Fiche « le rôle des

aménagements » 33 Source : Fiches techniques de la biodiversité en zones de grande culture, CIVAM Oasis. Fiche « le rôle des

aménagements ». 34 Source : Fiches techniques de la biodiversité en zones de grande culture, CIVAM Oasis. Fiche « le rôle des

aménagements ». 35 Source : Actes du colloque Agriculture et Biodiversité, CIVAM Oasis, 2010. 36 Source : Fiches techniques de la biodiversité en zones de grande culture, CIVAM Oasis. Fiche « le rôle des

aménagements ».

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Les IAE respectent le principe 7 car elles sont implantées et gérées de manière à permettre une régulation biologique sur le moyen terme. Une haie arborée ou arbustive se développe en plusieurs années. Les services attendus s’étalent sur le moyen terme. En luttant contre l’érosion, en favorisant le recyclage de biomasse et la disponibilité des nutriments, elles favorisent la résilience de l’agroécosystème, notamment face à de chocs climatiques37.

Les IAE respectent le principe 8 car celles-ci abritent des espèces spontanées (dès le départ ou avec le temps) qui sont adaptées aux conditions biophysiques locales. Les espèces évoluent dans le temps dans le sens d’une augmentation de la diversité faunistiques et floristique.

Le CIVAM est un lieu d’échanges qui favorise les partenariats entre agriculteurs, ruraux et chercheurs. Le projet Arc-En-Ciel a été l’occasion de co-construire avec l’INRA (mais également d’autres partenaires) des références techniques sur l’intérêt des IAE (du point de vue de la biodiversité comme ses répercussions agronomiques). Ainsi, la mise en place d’IAE dans le cadre du CIVAM respecte le principe 10.

Les IAE respectent le principe 11 car les activités du CIVAM (projet Arc-En-Ciel, casdar MCAE, GIEE) se dédient à trouver collectivement des solutions, des alternatives aux PPS, notamment en produisant des connaissances sur les IAE et leur gestion. Le CIVAM implique des citoyens, des producteurs, des techniciens (chambre d’agriculture, associations naturalistes) et des chercheurs (INRA).

Via ses activités, le CIVAM implique une diversité de publics, avec lesquels il souhaite réfléchir à l’usage et l’intérêt de la biodiversité agricole. En partageant leurs différentes expériences avec une diversité de publics, les producteurs participent à l’élaboration de références et ainsi, de savoirs de différentes natures. En ce sens, les IAE respectent le principe 13.

Transition agroécologique de type 4

Les Techniques Culturales Simplifiées (TCS) Les TCS (arrêt du labour + semis direct sous couverts) respectent le principe 1 car en

arrêtant le labour, le taux de matière organique est maintenu voir augmenté. L’activité biotique du sol est non perturbée et permet une minéralisation favorisant la disponibilité des nutriments.

Les TCS (arrêt du labour + semis direct sous couverts) respectent le principe 2 car le maintien de la matière organique (permis par l’arrêt du labour) contribue à l’amélioration des propriétés physiques du sol et à l’augmentation de l’activité biologique. La diminution de l’usage de matériel dédié au labour permet la réduction des dépenses énergétiques.

Les TCS (semis direct sous couverts) respectent le principe 3 car elles contribuent à l’augmentation de la couverture du sol qui permet la limitation de l’érosion éolienne (microrelief), hydrique (maintien de la matière organique) et l'évapotranspiration (maintien de la matière organique). Il y a ainsi instauration d’un microclimat qui tempère les variations climatiques (température, hygrométrie) à l’échelle de la parcelle.

37 Source : Fiches techniques de la biodiversité en zones de grande culture, CIVAM Oasis. Fiche « le rôle des

aménagements ».

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Les TCS (semis direct sous couverts) respectent le principe 4 si les couverts sont plurispécifiques. La diversité floristique, par rapport à état initial (sol nu), est ainsi augmentée.

Les TCS (semis direct sous couverts) respectent le principe 5 car les couverts végétaux recouvrent plusieurs fonctions écologiques: le recyclage des éléments minéraux (les éléments nutritifs résiduels sont prélevés par le couvert pour sa croissance au lieu d’être lessivés vers les eaux souterraines), la conservation du sol et amélioration de sa structure (macro et microporosité), le stockage de carbone (contenu dans la matière organique), le contrôle des pollutions (limitation du lessivage), l’étouffement des adventices et la fixation d’azote.

Les TCS (semis direct sous couverts) respectent le principe 6 quand les couverts végétaux sont plurispécifiques. Leur diversité accroît les possibilités de services écologiques rendus. Il peut s’agir de couverts en mélanges qui favorisent une certaine faune (gibier, faune auxiliaire, insectes pollinisateurs) assurant une régulation biologique des ravageurs (pucerons, limaces, campagnols).

Les TCS (non labour et semis direct sous couverts) respectent le principe 11 lorsque les producteurs les pratiquant sont insérés dans les réseaux dédiés aux TCS. Il peut s’agir du réseau BASE38 (Biodiversité, Agriculture, Sol & Environnement), qui fonctionne comme un groupe d’échanges, et réalise des tours de plaine chez des membres pour favoriser le partage d’expériences. Le forum interne du réseau, agricool, est également une source d’information où les membres échangent leurs questions et solutions. Le réseau fait également intervenir des techniciens ou chercheurs, en tant qu’intervenants extérieurs, lors de conférences ou réunions-tours de plaine. Les producteurs P3 et P6 sont intégrés dans ce réseau. Le producteur P3, avec le producteur P2, font partis du groupe Vivescia Agrosol, qui s’intéresse aux TCS et fait également échanger des agiculteurs et des techniciens ou des chercheurs. Le groupe GEDA départemental thématique « fertilité des sols », dont font partie les producteurs P8 et P6 est également un groupe d’échanges faisant intervenir des experts (techniciens ou chercheurs).

Transition agroécologique de type 5

La diversification de l’assolement (nouvelles productions végétales ou animales, cultures associées)

La diversification de l’assolement par l’introduction d’un atelier d’élevage respecte le

principe 1 car l’augmentation des apports organiques favorise le recyclage de la matière organique et optimise ainsi la disponibilité des nutriments via l’apport de fumier.

La diversification de l’assolement respecte le principe 2 car elle permet de diminuer les doses d’engrais grâce aux reliquats, à l’effet précédent (P7), aux complémentarités légumineuses-céréales lors d’associations de cultures (P10, P4), ou grâce au fumier d’un nouvel atelier d’élevage (producteurs P4, P10, P7, P3). L’apport de fumier via l’élevage favorise également la faune du sol et l’amélioration des propriétés structurales du sol. La diversification de l’assolement permet égalemennt de rompre avec le cycle des ravageurs, de

38 Association qui regroupe des professionnels passionnés par l’agriculture de conservation, soucieux de réfléchir

à leurs pratiques et curieux de comprendre le fonctionnement de l’écosystème du sol agricole. (Source : http://asso-base.fr/)

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créer un effet barrière lors de mélanges de variétés plus ou moins résistantes, entraînant ainsi une diminution potentielle des PPS.

La diversification de l’assolement respecte le principe 3 car dans le cas de l’association culture-élevage, la complémentarité des deux ateliers permet une meilleure valorisation des ressources du milieu. En diversifiant avec des couverts plurispécifiques ou des cultures associées, augmenter la couverture du sol (parcelles pluristratifiées) augmente et réduit ainsi l’érosion et l’évapotranspiration.

La diversification de l’assolement respecte le principe 4 car elle permet d’augmenter la diversité génétique et spécifique dans l’espace et le temps, par rapport à une situation antérieure de monoculture.

Les trois modalités de diversification de l’assolement respectent le principe 5. Les complémentarités entre les cultures associées ou les différents ateliers, permettent une meilleure valorisation des ressources du milieu et assurent plusieurs fonctions écosystémiques : le recyclage des éléments minéraux (besoins différenciés selon les espèces), l’amélioration des propriétés physiques du sol (création de porosités par les systèmes racinaires explorant différents profondeurs), le stockage de carbone dans les sols (dans le cas de couverts végétaux en engrais verts), la régulation des bioagresseurs (les variétés en mélanges permettent de créer des effets barrières grâce à d’éventuelles variétés résistantes en perturbant le cycle des ravageurs). Le producteur P4 exprime ainsi que le « mélange de variétés [tamponne] le

risque de rendements, de maladies, d’attaques d’insectes par rapport à une monoculture. Il

permet de stabiliser les rendements ». C’est également un moyen de s’adapter à des « sols très

hétérogènes au sein d’une même parcelle ». La diversification de l’assolement respecte le principe 6 car il permet l’augmentation

de l’agro-biodiversité, dans le cas de nouvelles cultures en association ou en pure. La diversification de l’assolement respecte le principe 7, par l’association de cultures,

car elle permet d’assurer des fonctions écosystémiques bénéfiques à moyen-long terme, qui ne répondent pas uniquement à des impératifs à court terme de production. Les couverts végétaux ne sont par exemple pas récoltés. La diversification des sources de revenus permet une meilleure résilience et adaptation face à des crises économiques ou à la volatilité des prix. L’introduction d’un atelier d’élevage permet d’être plus autonome dans la production d’intrants et conduit ainsi une moindre dépendance aux achats extérieurs. Un producteur (P4) en conversion biologique évoque la difficulté de la conversion notammant en ce qui concerne la fertilisation : « du chimique à l’organique, la réaction du sol n’est pas du tout la même. Chez nous, c’est la partie la plus complexe car on n’a pas d’animaux. On achète des fertilisants organiques sur le marché mais c’est cher », ainsi pour parer à ce problème de coût, son fils s’installera sur l’exploitation avec un atelier d’ élevage bovin et cela pouura accroître l’autonomie de la ferme.

En explorant diverses profondeurs de sol, en ayant des besoins différents en éléments fertilisants, les deux modalités de diversification de l’assolement (nouvelles cultures ou cultures associées) respectent le principe 8 car elles permettent meilleure valorisation spatio-temporelle des ressources du milieu.

La diversification de l’assolement respecte le principe 9 dans le cas d’agriculteurs engagés dans des systèmes de production biologique. Il semble nécessaire pour ces derniers de multiplier le nombre de cultures (ou l’introduction de l’élevage) pour respecter les

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contraintes du cahier des charges : l’interdiction de produits phytosanitaires et fertilisants de synthèse rend nécessaire l’apport organique (via un nouvel atelier d’élevage ou via l’augmentation de la part de légumineuses), l’alternance de cultures d’hiver et de printemps pour la lutte contre les ravageurs. Un agriculteur (P10) en conversion à l’AB note qu’il complexifie ses rotations pour « changer les équilibres minéraux dans le sol », « nettoyer les

parcelles en semant d’autres familles de plantes ». De même, « les mélanges sont une bonne

transition, pour limiter les risques, diversifier les apports ». Dans le cas des cultures associées, la diversification de l’assolement respecte le

principe 10 . Le CIVAM a en effet réalisé des expérimentations d’association de céréales-légumineuses, chez l’un des membres, dans le cadre de son partenariat avec l’INRA de Nancy. Le CIVAM a échangé avec l’INRA sur le protocole à mettre en œuvre et un chercheur s’est déplacé pour commenter les résultats en groupe.

Pour pallier aux difficultés mises en avant lors du temps collectif de présentation des résultats de l’expérimentation, les agriculteurs du CIVAM, avec leur animateur et le chercheur de l’INRA, tentent collectivement de trouver des pistes de solutions. Le principe

11 serait ainsi respecté ici, le rôle du CIVAM étant de réflechir et échanger pour surmonter les difficultés et permettre la diversification de l’assolement (un des moyens pour parvenir au SPEA). Certains membres du CIVAM ont recours à l’action collective pour faciliter l’introduction de nouvelles cultures. Le producteur P3 a par exemple créée une banque de travail pour la culture du chanvre. Le producteur P4 pour la culture et le tri du lentillon a crée une CUMA avec ses collègues avec lesquels il a acheté un matériel optique de tri. Les producteurs P3 et P5 cultivent ensemble quelques hectares de menthe poivrée.

La diversification de l’assolement respecte le principe 12 pour certains producteurs qui valorisent les nouvelles productions à travers la transformation (P4) et/ou la vente directe (P4, P10).

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ANNEXE 10 : Monographie du groupe

CIVAM Empreinte

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Le CIVAM Empreinte : le pastoralisme comme modèle d’élevage et

mode de vie

L’histoire du CIVAM

Jean-Marie Welch se regroupe à la fin des années 1990 avec d’autres éleveurs de Galloway, une race rustique de bovins écossais, menée en plein air intégral. Ce regroupement naît du constat de l’inadéquation de l’offre de services des institutions classiques de développement agricole (Chambre d’Agriculture, instituts de formation professionnelle…). Elles ne permettraient pas le développement de ces systèmes d’élevage particuliers. Ces éleveurs ont en effet le point commun d’élever des races rustiques de manière extensive et en plein air intégral : les éleveurs s’appuient sur la rusticité de la race pour l’alimenter au maximum à partir du pâturage des ressources naturelles locales. Ce système permet une installation à faible investissement et des exploitations peu capitalisées (peu de matériel, d’intrants, de bâtiments…). Ces cinq éleveurs tentent de s’insérer dans les réseaux autour de ce thème, en se rendant notamment à des réunions (à l’Agence Française de Pastoralisme39 par exemple), à la fois pour récolter des informations et pour communiquer sur leur existence et sur leurs pratiques.

Ce groupe se structure surtout autour de l’entraide et des échanges pour répondre aux défis auxquels ils font face. Il s’agit notamment de l’installation et de la commercialisation. Pour la première, le réseau intervient en aide à la constitution d’un troupeau auprès d’agriculteurs récemment installés (système de cheptel-bail40). Pour la seconde, le groupe investit collectivement (dès le début des années 2000) dans une boutique de producteurs pour commercialiser en vente directe. Cela permet de pallier à la non conformation des carcasses des bovins Galloway (cette race rustique est en effet de petite taille et ainsi mal conformées pour les ateliers de découpe classiques). Jean-Marie Welch et un autre éleveur vont créer l’Association des éleveurs de Galloway du Sud de la France pour avoir accès à des demandes de subventions. Se constituer en groupe est également un moyen de travailler en commun : les membres travaillent par exemple au désherbage du canal du Rhône par le pâturage, contre rémunération (décennie 1990). Ils vont également tenter, sans succès, de contractualiser collectivement un CTE (Contrat Territorial d’Exploitation). Suite à la rencontre d’un responsable des CTE à leur boutique de producteurs à Mèze, ils vont être mis en contact avec un salarié de la FRCIVAM (Fédération Régionale des CIVAM) en 2000 et vont lancer la création du CIVAM Empreinte à partir de 2004. Entre 2004 et 2007, il s’agit alors de rassembler des éleveurs et des citoyens intéressés pour d’échanger autour des finalités du groupe.

Le CIVAM promeut l’élevage extensif de races rustiques en plein air intégral. Les

39 Créé en 1984, ce réseau regroupe des spécialistes issus des différents secteurs professionnels liés au

pastoralisme en France et à l'international. Elle a pour objet de favoriser l'échange et la communication entre tous les acteurs du pastoralisme, de promouvoir le pastoralisme et d'apporter une expertise auprès des instances en charge des politiques relatives aux activités pastorales. Source : http://www.pastoralisme.net

40 Cheptel-bail: fournir des animaux contre un remboursement progressif chaque année (par un équivalent en animal, aliment ou service)

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thématiques étudiées dans le groupe sont en partie orientées par les financements dont dépend le CIVAM (financement du poste de l’animateur et financement des activités, intervenants etc). Cela explique que les thématiques traitées et approfondies en groupe évoluent en fonction de la participation à certains projets (Figure1).

Figure 1: Les dates clefs depuis la création du CIVAM Empreinte

La Figure retrace les dates clefs dans l’histoire du CIVAM. Les partenariats, les animateurs et les vagues d’adhésions sont représentées et permettent une vision globale des thèmes abordés. La constitution du CIVAM s’est faite grâce au réseau du président41 et au travail de communication de l’animateur. L’agrandissement du CIVAM – depuis sa constitution – repose cependant sur les réseaux des membres. Les activités du CIVAM, largement menées en partenariat avec des intervenants extérieurs, se sont d’abord orientées vers les problématiques de circuits courts (projet Equal CROC 2008 avec l’INRA) puis vers celles de l’élevage en région de moyenne de montagne. En intégrant le réseau ADMM, « Agriculture Durable de Moyenne Montagne », certains membres du CIVAM participent à des journées d’échanges entre producteurs du Massif Central (Auvergne, Languedoc-Roussillon, Limousin, Rhône-Alpes) et à la production d’outils de communication sur l’intérêt de leurs pratiques d’élevage (fiches thématique, monographie d’exploitation). Le réseau ADMM est un « réseau de paysans et de structures qui les accompagnent dans leurs réflexions et leurs démarches vers une agriculture durable avec les spécificités de moyenne montagne ». Il totalise 9 structures associées depuis 200942

Le réseau ADméd, pour "Agricultures Durables en Méditerranée", est un ensemble d’actions proposées en région Languedoc-Roussillon et Provence-Alpes-Côte d’Azur dans le réseau des CIVAM. Le projet ADméd est né en 2010 d’une structuration d’actions communes autour de la durabilité des agricultures. L’objectif est de faire émerger avec les agriculteurs-trices les problématiques de la zone méditerranéenne, d’accompagner des groupes et de travailler avec eux sur des leviers d’actions concrets43. Les actions menées sont les suivantes :

41 Il était, avant la création du CIVAM, en contact avec des structures de différentes natures : des botanistes

(intérêt pour les tourbières pâturées par le troupeau), l’établissement d’enseignement supérieur Montpellier SupAgro (diplôme soutenu en 2004)…

42 Source : http://www.agriculture-moyenne-montagne.org/ 43 Source : http://ad-mediterranee.org/Projet-ADMED

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- Réflexions et actions collectives, pour gagner en autonomie et en économie dans les pratiques : diagnostics de fermes, échanges entre pairs, accompagnement de groupes, actions de formation...

- Valorisation des expériences remarquables en place sur les territoires : journées de visite, mise en relation, diffusion de supports de communication...

Les caractéristiques actuelles du CIVAM

Objectifs et principes du groupe

Le CIVAM Empreinte est le regroupement d’éleveurs extensifs de l’Hérault et de l’Aude autour des problématiques du pastoralisme sur le territoire du Languedoc-Roussillon. Celui-ci fonctionne comme un groupe d’échanges, où le partage de l’information et des expériences, dans une dynamique collective, permet de développer des initiatives et améliorer ses pratiques.

A l’échelle du groupe, des principes sont portés d’une voix unique par le CIVAM. Ces principes sont fédérateurs et constituent le cœur des actions du CIVAM :

- Les échanges entre éleveurs pour créer du lien social et valoriser les expériences de chacun (conseil technique grâce à des intervenants spécialistes, diagnostics écopastoraux44)

- La communication sur l’élevage pastoral auprès d’un public scolaire (écoles, lycées, formations agricoles et agronomes) en produisant des outils de communication pour faire évoluer, à termes, le contenu des formations (jugées inadaptées pour des éleveurs qui souhaiteraient s’installer avec un système extensif voire en plein air intégral)

- La commercialisation en vente directe pour valoriser une viande à conformation particulière et communiquer auprès des consommateurs sur la qualité de cette viande

Les objectifs du CIVAM sont alors, à termes, de faciliter l’installation et le développement d’élevages extensifs en plein air intégral, en montrant l’intérêt économique (peu de dépenses), écologique (peu de dépenses énergétiques, peu d’intrants chimiques, préservation de milieux fragiles et/ou abandonnés45, conservation de la biodiversité…) et social (insertion dans le territoire, liens aux consommateurs, bien-être au travail…) de ces systèmes. Il s’agit également, d’améliorer la viabilité des élevages et la qualité de vie des éleveurs (plaquette du CIVAM).

A l’échelle individuelle néanmoins, les entretiens mettent en lumière différentes fonctions attribuées au groupe. Celles-ci s’entendent comme les motivations qui ont été et/ou sont, à l’origine des adhésions des membres. Quatre fonctions principales semblent se distinguer:

- La fonction de réassurance : les éleveurs expriment le besoin d’échanger, dans la convivialité, avec d'autres producteurs ayant des valeurs communes. Le groupe

44 Etude qui vise à comprendre les interactions entre les dynamiques des végétations naturelles et les pratiques

de pastorale. 45 Certains éleveurs exploitent des zones qui sont abandonnées par l’élevage classique et l’agriculture en

général, car jugées défavorables (zone de relief, boisées, garrigues, zones humides…). Les éleveurs du groupe tentent au contraire de montrer que leur système d’élevage peut valoriser ces espaces, à travers des races rustiques qui parviennent à valoriser des ressources (alimentaires) non suspectées.

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semble être un moyen de se sentir moins isolé (dans ses pratiques, ou localement). Le groupe apporte la reconnaissance des modes d’élevage pratiqués par les éleveurs que ces derniers n’ont pas auprès des institutions agricoles classiques.

« Ça c’est qu’on a vraiment besoin…on est dans nos fermes, éloignés…et là d’un seul coup, une communauté de valeurs et de pratiques s’incarne. » (Eleveuse E4) « Même deux réunions par an ça m’apporte beaucoup car localement il y a peu

d’échanges. » (Eleveuse E9) - Le soutien technique : l’expérience des membres et les conseils d’intervenants

extérieurs facilitent la prise de recul sur ses propres pratiques. Le CIVAM est souvent cité comme un lieu d’échanges unique sur l’élevage pastoral.

« [Empreinte] apporte une ouverture… Les échanges m’ont fait prendre conscience de ce que je faisais car j’ai grandi là-dedans mais sans prendre vraiment conscience de

ce que je faisais… Ça m’a permis d’affiner mon propre travail, mes choix. » (Eleveuse E9)

- La fonction de communication : parler de ses pratiques d’élevage avec des étudiants ou des groupes scolaires est un moyen de montrer l’intérêt de ces systèmes d’élevage particuliers.

- La fonction politique : certains éleveurs ont évoqué le souhait d’influencer les politiques publiques en faveur du pastoralisme. Il peut s’agir de mettre en œuvre les conditions nécessaires à son développement en s’intéressant par exemple au foncier, à la place de cet élevage parmi les autres usages des mêmes ressources (parcours, friches…)

Bien que les fonctions soient communes à tous les éleveurs (rencontrés), l’importance relative de chacune diffère selon les individus. Par exemple, la maîtrise de son système d’élevage grâce à l’expérience (ancienneté, reprise de la ferme familiale), permet de comprendre que la fonction principale du groupe pour certains est plutôt la fonction politique (éleveurs E3, X) ou la fonction de communication (éleveurs E1, E8). Au contraire, certains éleveurs récemment installés (éleveurs E6, E10) ont davantage besoin de soutien technique. Il est également possible que les fonctions se mélangent et que leur importance varie dans le temps. Chez deux éleveurs par exemple (E2, E5), bien que le soutien technique ait été important à leur adhésion car source de changements de pratiques, les fonctions de communication et politique sont plutôt celles mises en avant actuellement.

Fonctionnement et organisation du groupe

Le CIVAM Empreinte a un statut d’association loi 1901. Il se compose d’un conseil d’administration, d’un trésorier, d’un président, d’un secrétaire. Bien que ce ne soit pas toujours le cas dans les CIVAM, le groupe Empreinte a un animateur à mi-temps, salarié par la Fédération Régionale des CIVAM du Languedoc Roussillon (FRCIVAM-LR). Il n’existe pas, dans la pratique, de distinction entre les responsabilités des membres. Les conseils d’administration sont ouverts à ceux qui sont disponibles et qui souhaitent participer. Ce fonctionnement horizontal permet une flexibilité et une implication de chacun selon son intérêt pour un sujet en particulier.

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Le CIVAM Empreinte fonctionne comme un groupe d’échanges. Les thèmes abordés lors des temps collectifs sont décidés en amont, par les éleveurs. L’animateur se charge de récolter les souhaits des éleveurs et d’organiser des journées thématiques chez un des membres. Il peut proposer éventuellement des intervenants pertinents pour le sujet. D’autres temps collectifs sont dédiés à la présentation des nouveaux membres. Les éleveurs du CIVAM se réunissent chez le nouvel adhérent et celui-ci présente son exploitation et ses pratiques durant la journée. Ce temps permet l’interconnaissance entre les membres et la création de référentiels communs.

La démarche collective du CIVAM s’appuie également sur le partage d’informations entre les membres et l’animateur. L’animateur a une activité de veille et échange régulièrement des informations sur des formations (aromathérapie, gestion du temps de travail…) ou des évènements d’intérêt (participation du CIVAM au Sommet de l’Elevage 2015 par exemple).

A travers des partenariats avec des organisations techniques (Conservatoire d’Espaces Naturels, Institut de l’Elevage-LIDELE, SCOPELA46), scientifiques (INRA), et des établissements scolaires (Montpellier SupAgro, SupAgro Florac), le CIVAM s’appuie également sur des compétences extérieures. Des diagnostics écopastoraux (SCOPELA), à la demande des éleveurs, permettent d’orienter les pratiques d’alimentation et la gestion écologique des pâturages47. Leurs résultats sont restitués en groupe avec l’animateur, l’intervenant et font l’objet de débat. ). Ces partenariats diversifiés permettent au CIVAM et ses partenaires de promouvoir et pratiquer l’interdisciplinarité. Pour développer le pastoralisme, il s’agit alors de décloisonner et partager différentes pratiques de travail avec les écologues, les naturalistes et les zootechniciens. En travaillant par exemple avec le CEN, dans le cadre du projet Life+Mil’Ouv48, le CIVAM participe à ce décloisonnement.

Le CIVAM accueille par ailleurs une diversité de publics (consommateurs, étudiants, porteurs de projets d’installation en agriculture) afin de communiquer régulièrement sur le pastoralisme.

Ouverture et limites du groupe

Le CIVAM semble ouvert à tous. Tous les citoyens peuvent participer aux réunions. Pour adhérer officiellement, les éleveurs payent une cotisation annuelle. Dans les faits cependant, la cotisation ne représente par un gage d’adhésion. Certains membres interrogés ont par exemple participé aux réunions du CIVAM pendant une année, avant d’adhérer.

46 SCOPELA est une association regroupant des techniciens, qui traite de la conduite et de l'alimentation des

troupeaux, de la conception de systèmes d'élevage herbagers et pastoraux, et de la gestion contractuelle de la biodiversité des milieux naturels. Source : http://www.scopela.fr/

47 La démarche que suivent les diagnostics consiste à favoriser des ajustements de la gestion pastorale par l’observation des impacts du troupeau sur la végétation. Elle revendique l’intérêt agronomique des végétations dites pauvres en identifiant des objectifs concrets d’état de végétation à atteindre, par et pour la conduite du troupeau. Source : Agreil C., Guérin G., Mestelan P., « Espaces naturels », n° 36 octobre 2011

48 Le projet vise à « parler de pastoralisme et de biodiversité, et d’en parler auprès des éleveurs, techniciens, étudiants, enseignants en partant du principe qu’on peut concilier pratiques pastorales et maintien des

espaces naturels et de la biodiversité. C’est un projet d’information et de communication» (chargé de projet au CEN, entretien du 10/06/2015).

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D’autres, payent une cotisation mais ne participent plus ou peu aux activités. Les entretiens avec les membres permettent d’envisager une évolution dans le temps

du degré d’ouverture du groupe. A sa formation, la logique était d’intégrer le plus de personnes intéressées par la thématique de l’élevage bovin en plein air intégral. Très rapidement, l’ouverture à l’ensemble des races a permis de nouvelles adhésions. Aujourd’hui, le CIVAM est intégré dans un large réseau et accueille beaucoup d’individus lors de ses réunions. Il semblerait que les membres soient dans une logique de semi ouverture. La création d’une charte, décrite ci-dessous par une éleveuse, renforce cette hypothèse.

« Les actifs sont intègres. On a voulu avec Didier [l’animateur] faire une charte, qu’il a faite très bien. Il a vu nos attentes, on lui a dit, on a fait une trame avec nos souhaits.

Par exemple, pas d’OGM, pas d’inséminations artificielles […] Il doit y avoir une

certaine éthique mais sans être fermé non plus …Un type qui chemine vers, qui veut changer c’est bon ». Les adhésions récentes de membres qui participent activement au CIVAM ont abouti à

la création de liens d’amitiés et de relations étroites entre certains. Les entretiens suggèrent que les limites du groupe, définies par les éleveurs, sont conditionnées par leur degré de participation. En clair, les membres du groupe les plus régulièrement cités sont les membres les plus actifs, qui participent à la majorité des activités. D’autres sont cités comme appartenant au groupe, même sans être présents régulièrement. Leur ancienneté dans le groupe ou bien leur militantisme (éleveur Z)49 leur confère un statut particulier.

Les enjeux de l’accompagnement Ainsi, un premier enjeu de définition des limites du groupe apparaît pour

l’accompagnement. Comme il a été suggéré précédemment, il est complexe de définir les contours du CIVAM uniquement via ses adhérents officiels. Il existe une « logique Empreinte », décrite dans la charte mais aussi partagée sous forme de contrat implicite entre les membres. Cela peut occasionner des désaccords sur le degré de pastoralisme ou la nature des pratiques de certains. En outre, les limites du CIVAM pourraient être définies, non pas par les membres, mais par les activités qu’ils mènent. L’animateur du CIVAM a ainsi rapporté que certains membres estampillaient des actions comme relevant du CIVAM car se situant dans ses thématiques (pastoralisme..). Trois membres ont par exemple réalisé une transhumance cet été, sans la participation de l’animateur dans cette décision ou pendant l’activité. Mais, comme le questionne l’animateur, « auraient-ils pu faire cette transhumance

sans se connaître via Empreinte ? ». Il semble qu’il existe une diversité de manières de définir les limites du CIVAM. Cette doit être appréhendée par et pour l’accompagnement, pour envisager des activités pertinentes selon les groupes de personnes ou d’intérêts identifiés.

49 Il a été fait référence de ces éleveurs lors d’entretiens (mai 2015). Ils n’ont pas été directement interrogés

(éleveurs représentés par des lettres).

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L’agroécologie dans le CIVAM Empreinte : différents types de

pastoralisme

Parmi les 10 éleveurs rencontrés, 5 ont rapporté des changements techniques (relevant de l’agroécologie, selon les principes de Stassart et al., 2012) en Annexe 8 depuis leur installation. L’autre moitié des éleveurs rencontrés a peu opéré de changements technique dans ses pratiques ou s’est installé récemment. Ces éleveurs suivent toutefois la même logique d’autonomie alimentaire à travers le pastoralisme.

Le groupe promeut en effet un modèle d’élevage fondé sur le pastoralisme ou le plein air intégral et ce, dès l’adhésion (existence d’une charte depuis 2014). Ainsi, il existe un certain degré d’homogénéité des pratiques d’élevage entre les membres. Les variantes qui existent sont liées à plusieurs facteurs : la race (ovin, caprin, bovin) implique pour certains une garde quotidienne (caprin E4-E1 ovin E4-E6-E10), quand d’autres vont uniquement laisser pâturer le troupeau dans des parcs clôturés (bovin, E9-E8-E7-E5-E3-E2). Les milieux

biophysique dans lesquels s’intègrent les exploitations sont différents. Ils peuvent occasionner des calendriers de pâturages différents, plus ou moins contraints selon le type de végétation (garrigues, tourbières, bois) et son abondance (durée de la fenêtre de pousse de l’herbe). Toutefois, il existe des invariants dans les pratiques qui tendent vers le modèle d’élevage promu, c’est-à-dire autonome, mais qui n’ont pas pour objet des changements techniques.

Il s’agit par exemple des pratiques de reproduction, de santé animale, d’alimentation et de commercialisation. La relation à l’animal semble en effet être une composante essentielle des élevages Empreinte. Les éleveurs évoquent souvent le pastoralisme comme un moyen de « suivre les dynamiques naturelles » (E8) et de favoriser ainsi le « bien-être animal » (E10). La proximité avec leur troupeau est caractéristique: que ce soit par la garde pour les bergers (caprins, ovins) ou par un tour d’exploitation quotidien pour un suivi rapproché des bêtes (bovins). Tous les éleveurs pratiquent ainsi une reproduction fondée sur la lutte naturelle, où les mâles reproducteurs sont toute l’année avec le troupeau (sauf deux producteurs bovins qui les séparent pour faciliter le contrôle des mises bas) avec parfois des tabliers autour des mâles ovins et caprins. La santé animale est contrôlée le plus possible à l’aide de produits naturels et est, pour beaucoup, garantie par la conduite en plein air intégral. L’organisation de l’alimentation des troupeaux, en élevage pastoral, consiste à l’exploitation saisonnière des parcours. Les éleveurs non représentés sur les schémas des transitions suivent également cette logique. Pour tous, il s’agit de faire correspondre les périodes de besoins les plus élevés (gestation, lactation) sur les périodes de bonne disponibilité fourragère (printemps, automne). En termes de commercialisation, 9 des 10 éleveurs rencontrés pratiquent la vente directe (en AMAP, en boutique de producteurs, ou en livraisons de caissettes). Un producteur vend à un maquignon, car sa pluriactivité ne lui permet pas de prendre du temps pour la commercialisation.

« C’est un métier de boucher (…) Puis faut écouler 20 bêtes et j’ai autre chose à faire, j’ai la vigne aussi. » (E3) La réalisation des trajectoires individuelles des éleveurs rencontrés permet de

construire une typologie des transitions agroécologiques à l’œuvre dans le CIVAM. Dans les changements de pratiques rapportés, deux grands types de transitions ont été identifiées

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(Figure ), en s’appuyant sur deux critères : les objectifs poursuivis par les éleveurs en réalisant la transition et les moyens leur ayant permis de la réaliser.

Grands types de

transition

Sous-type de transition

L’orientation vers un système davantage

pastoral

TYPE 1 : Changer pour une race plus rustique TYPE 2 : Intégrer plus de pastoralisme en augmentant la part de

parcours dans la ration alimentaire La diversification des

productions et des

activités

TYPE 3 : Introduire un nouvel atelier d'élevage TYPE 4 : Développer une nouvelle activité (transformation,

accueil)

Figure 2: Tableau récapitulatif des transitions agroécologiques identifiées dans le CIVAM

Empreinte

Le premier grand type de transition est l’orientation vers un système davantage

pastoral. C’est le cas de deux types de transitions identifiées : le type 1, qui consiste à changer de race pour une race plus rustique, qui valorise davantage les ressources naturelles et consomme moins d’intrants externes. Le type 2 consiste à faire augmenter la part de pâturage dans la ration alimentaire, au détriment des compléments. Le deuxième grand type de transition est la diversification des productions et des activités. Deux types de transitions correspondent à cette logique : le type 3, consistant à l’introduction d’un nouvel atelier d’élevage, et le type 4, consistant à développer un atelier de transformation ou une activité d’accueil.

Figure 3: Les transitions agroécologiques des types 1 et 2

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La raison principale expliquant les transitions vers plus de pastoralisme (Figure3) est la recherche d’autonomie alimentaire et notamment fourragère des troupeaux. Les éleveurs tentent ainsi d’augmenter la part des besoins du troupeau satisfaite grâce aux ressources de la ferme. La maîtrise du système fourrager est alors centrale et peut s’appuyer sur plusieurs leviers. Le premier correspond à la transition agroécologique 1 qui consiste à changer pour

une race plus rustique, qui valorise davantage les ressources naturelles et requiert moins de compléments. C’est le cas pour trois éleveurs, de race caprine (E1), bovine (E2) et porcine (E3). Pour l’éleveuse E1, le changement de race a d’abord porté sur des chèvres Saanen et Alpines. Conduites en garde (3h/jour), ces dernières produisent du lait en quantité mais nécessitent pour cela une complémentation importante en foin de luzerne et en orge. Pour plus de rusticité et une meilleure qualité du lait, l’éleveuse E1 et son mari achètent un troupeau de race Massif Central, qui nécessite moins de complémentation mais produit moins de lait. Ne désirant plus produire de foin, le couple choisi de constituer un troupeau de race Rove, issue du milieu Méditerranéen et ainsi adaptée au pâturage exclusif des garrigues. Le passage à des races plus rustiques permet d’augmenter le temps de garde (de 3h pour les Massif Central à 7h actuellement pour les Rove) et diminuer les besoins en compléments. Pour une meilleure qualité de vie, les éleveurs ont fait le choix de passer de la bi-traite à la monotraite et de diminuer le nombre de chèvres à la traite. Bien que la production de lait ait diminué, la qualité est meilleure (un lait plus gras) et la vente en Associations pour Le Maintien d'une Agriculture Paysanne (AMAP) permet d’augmenter la valorisation des produits (par rapport à la vente en marché, plus chronophage). En termes de reproduction, les boucs de race Rove sont au troupeau toute l’année (plus de séparation et d’effet bouc). L’éleveur E2 est actuellement en transition entre un troupeau croisé de races Charolais-Aubrac et un troupeau pur de race Aubrac. Pour cela, il diminue progressivement la taille du troupeau de Charolaises, en augmentant son taux de renouvellement (de 5 à 30%) et en réorganisant son parcellaire. Il construit de nouvelles clôtures pour multiplier le nombre de parcs de petites tailles et assurer des rotations fréquentes. Cela permet de maîtriser davantage la pression de pâturage (maîtrise de la dynamique de la végétation pour assurer sa pérennité). Les moyens de commercialisation ont également évolué : d’une vente en coopérative pour 100% des productions, l’éleveur commercialise aujourd’hui 50% de ses productions en vente directe. Cela concerne les bovins Aubrac, les bovins Charolais étant toujours vendus en coopérative.

Ces changements ont été permis par la recherche d’information auprès d’un réseau (associations d’éleveurs caprins dans le cas d’E1) et par l’action collective. Les éleveurs E1,

E2, E3 s’appuient sur la commercialisation en vente directe pour valoriser ces races rustiques qui présentent des conformations particulières, non adaptées pour les ateliers de découpe classiques. L’éleveur E3 a pu faire évoluer la race porcine vers plus de rusticité, en installant cet atelier avec un jeune éleveur, dans le cadre d’une Société Civile d’Exploitation Agricole (SCEA).

L’autonomie alimentaire peut également être augmentée en diminuant la part de

compléments de la ration du troupeau (transition de type 2). Deux éleveurs (E5, E4) ont réalisé ce changement de manière brutale, en partie afin de réduire leurs charges et leur temps de travail. C’est suite à une visite du groupe Empreinte sur leur exploitation qu’ils ont initié ce changement. Les éleveurs du groupe leur ont fait remarquer qu’ils pouvaient davantage exploiter leurs parcours et pâturages et ainsi diminuer la part de ration distribuée (foin pour

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E5 et céréales pour E4). Dans le cas de l’éleveur E5, son système initial reposait sur la fauche et la distribution de foin une grande partie de l’année. Cela occasionnait un chantier de fenaison impliquant d’importantes dépenses en énergie (fuel), en temps et peu de rentabilité (emprunts pour le matériel neuf), étant donné que les bénéfices de la vente de viande servaient à investir dans le matériel, le fuel et rembourser les emprunts. Suite à la visite d’Empreinte, il vend son matériel et n’augmente pas son chargement comme il l’avait prévu. Au lieu d’augmenter son troupeau à 40 bovins, afin d’augmenter sa production, pensant augmenter son produit brut, l’éleveur maintient un troupeau à 25 têtes. Ce dernier s’est rendu compte qu’il augmentait ainsi ses bénéfices par rapport à la situation antérieure, car son système actuel requiert très peu de consommations intermédiaires et d’amortissements. Dans le système initial de l’éleveuse E4, la ration alimentaire des agneaux non sevrés (sous la mère), était composée de lait, de compléments et de pâturages (herbe). L’éleveuse a décalé les agnelages de sorte à faire coïncider la période de croissance des agneaux sur le pic de végétation. Ainsi, au lieu d’être nourris au foin de luzerne et aux compléments (céréales, orge) en bâtiment (absence d’herbe), les agneaux pâturent tant qu’ils sont sous la mère. La part de leurs besoins satisfaits par la mère augmente et cette dernière, même si elle mobilise davantage ses réserves corporelles pour la lactation, les reconstitue à l’herbe ultérieurement. Le poids des agneaux et la qualité de la viande sont un point d’attention central dans le système ovin viande de l’éleveuse. Au contraire, dans le cas du producteur E2, ce changement se fait de manière plus progressive (depuis 3ans) et à l’échelle du troupeau entier. Il tente de réorienter son système d’élevage depuis l’installation. Il a en effet repris l’exploitation d’un éleveur qui élevait des bovins charolais, dont la ration alimentaire était largement composée de foin (6 à 8 mois sur 12). Pour diminuer ce rapport, il a d’abord constitué un troupeau d’une race plus rustique (Aubrac), qu’il a constitué grâce au financement participatif et qu’il valorise grâce à la vente directe. Dans un objectif d’autonomie alimentaire élevée, l’éleveur réduit le chargement pour l’adapter aux ressources de l’exploitation. Cela a été permis par l’entraide, via à la mise en pension temporaire de génisses chez un voisin. La participation aux activités du CIVAM Empreinte représente également une ressource importante pour appuyer sa transition, notamment en lui fournissant un soutien technique. Les diagnostics énergétiques et de durabilité lui servent de repères pour évaluer les évolutions permises par les changements de pratique mis en place. En proposant des pistes de solutions, d’amélioration, ces diagnostics complètent ses connaissances techniques pointues liées à son expérience professionnelle et sa formation initiale en zootechnie.

Le départ en estive représente une potentielle source changement pour deux producteurs. L’éleveuse E4 a en effet testé pour la première fois cet été (été 2015) l’estive collective. C’est lors de la visite de l’estive d’un autre membre du CIVAM qu’elle s’est laissée convaincre (« Je me suis convaincue, je m’inquiétais…des maladies des autres, laisser

mon troupeau à quelqu’un d’autre»). En confiant une partie du troupeau à d’autres bergers (dont des membres du CIVAM), elle semble accepter de modifier ses priorités (« m’autoriser de lâcher la garrigue l’été, moins ouvrir les milieux, être moins présente pour les oiseaux car ça a toujours été mon idée à la base »). L’estive peut être bénéfique puisqu’elle permet de diminuer temporairement une charge de travail et permet un temps d’échanges avec d’autres éleveurs. Un autre membre (éleveur E6) du CIVAM a également le projet de mener son troupeau en estive, dès qu’il aura stabilisé son système. Cet éleveur de brebis s’est récemment

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installé et souhaite pouvoir avoir du temps libre l’été pour partir en vacances et voyager. Il s’appuierait pour cela sur un groupement pastoral50 qui permettrait une estive collective, où les troupeaux sont gardés par un ou plusieurs bergers salariés. Dans les deux cas, cette troisième voie représente pour les éleveurs un moyen d’avoir du temps libre et se distancer par rapport à un quotidien exigeant (« je veux le développer car le métier est très prenant(…) l’estive permet de souffler » E6). Ce départ en estive pourrait impliquer des réorganisations dans la conduite des troupeaux (l’éleveur E6 évoque par exemple l’éventuelle nécessité de décaler des dates d’agnelages). S’il est un moyen de conserver durablement le métier de berger, le départ en estive collective permet également de pratiquer une nouvelle forme de pastoralisme.

Figure4: Les transitions agroécologiques des types 3 et 4

Autrement, des éleveurs suivent une logique de diversification des activités et des productions (Figure 4). La diversification des productions (type 3), chez les éleveurs interrogés, a été motivée par le souhait de satisfaire une demande des clients de la vente directe. C’est en échangeant avec les clients en boutique (E3) ou lors des livraisons de caissettes (E3, E1, E4) que les éleveurs voient un intérêt à diversifier leur offre de produits. Dans les trois cas, il s’agit d’introduire un nouvel atelier d’élevage : de porc plein air et de poules pondeuses (E4), de poules pondeuses (E1) ou de porc plein air et d’oies. Dans le cas de l’éleveur E3, l’introduction du nouvel atelier a été facilitée par la création d’une Société Civile d’Exploitation Agricole (SCEA), dans le cadre de l’installation d’un jeune éleveur.

« Comme on a lancé la Galloway plein air, je veux lancer le cochon… montrer

50 Un regroupement d’éleveurs valorisant collectivement des surfaces pastorales et agréé par l’Etat. Le groupement pastoral (loi pastorale 1972) permet d’organiser collectivement les conditions techniques de pâturage de façon durable dans le temps mais aussi de constituer un interlocuteur unique et reconnu auprès des partenaires locaux. Source : Centre d'Etudes et de Réalisations Pastorales Alpes Méditerranée pour la gestion des espaces naturels par l'élevage (CERPAM), http://www.cerpam.fr/accompagnementgp.html

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qu’avec 30 hectares, des châtaigniers et des chênes verts inexploités, faire du bon cochon sans antibios et dehors, c’est possible.» (E3, président du CIVAM) Il a récemment mis en place un élevage de volailles, qu’il valorise par

l’autoconsommation mais qu’il destine, en cas de succès, à la vente. Il est envisageable que les échanges avec les producteurs du CIVAM et notamment l’éleveur E3, aient influencé ou conforté l’éleveuse E4 dans le choix du nouvel atelier d’élevage. En effet, elle a introduit des poules pondeuses mais également un élevage porcin en plein air intégral, comme le producteur E3, auquel elle achète d’ailleurs du riz pour ses porcs. Il est possible de supposer qu’ils échangent ainsi sur la conduite des porcs en plein air. Pour les éleveuses E1 et E4, la vente directe (AMAP, livraison de caissettes) est à l’origine de la diversification (souhait de la clientèle) mais aussi un moyen permettant cette diversification, en sécurisant la production.

D’autres éleveurs ont diversifié leurs activités, en introduisant notamment un atelier

de transformation. Dans le cas de l’éleveur E5, il possédait dès l’installation deux hectares de vignes, mais il ne produisait du vin que pour son loisir et en vendait une partie à un voisin agriculteur. Grâce à l’aide d’amis œnologues expérimentés, il s’est formé progressivement à la vinification. Il déclarera dès l’an prochain, en 2016, la mise en bouteille pour la vente sur le marché biologique. Le producteur E3 a le projet d’introduire un atelier de transformation de la viande de porc. Sa mise en place sera facilitée par l’expérience que l’éleveur a acquise, avec l’aide d’une collègue de l’ancien atelier de découpe qu’ils avaient créé avec l’Association des éleveurs de Galloway du Sud de la France (antérieur à la création du CIVAM). Avec cette collègue, il élabore des recettes de cuisine, des plats cuisiniers, des conserves, du saucisson. Il s’est également appuyé sur un centre technique, pour s’informer sur les matériels de transformation.

D’autres producteurs optent pour une diversification d’activités via l’agrotourisme. L’activité d’accueil à la ferme relève moins directement de l’activité agricole au sens strict mais elle permet un ancrage local et une intégration au territoire qui semblent souhaités par les éleveurs. Dans le cas des éleveurs E1 et X, il s’agit de l’accueil pédagogique de scolaires. Ces deux éleveurs le font dans le cadre du CIVAM Racine, qui regroupe au niveau départemental des agriculteurs désireux de contribuer à l'éducation à l'environnement. Ces derniers accueillent des groupes d'enfants, d'adolescents ou d'adultes et leur font découvrir leur métier et leurs pratiques. Ces formes d’accueil (social, grand public, scolaire) peuvent donner lieu à des rémunérations. L’éleveur E8 pratique depuis son installation l’élevage d’ânes randonneurs pour le développement du tourisme de randonnées. Il a depuis, avec l’aide de sa compagne, développé une activité d’accueil à la ferme. Avec l’achat d’une tente de prospecteur et d’une yourte, le couple rend possible aux randonneurs de passer une nuit sur la ferme. Dans le cas de cet éleveur, la ressource mobilisée qui semble principale est le fait d’avoir un conjoint travaillant en dehors de l’exploitation, qui assure une ressource

financière mensuelle et qui a la possibilité de dégager du temps pour prendre en charge la nouvelle activité. L’éleveuse E4 a proposé51, en partenariat avec le Conseil Général de

51 L’éleveuse n’a pas rapporté cette activité pendant l’entretien mais le site internet de la ferme et une autre

étude réalisée chez elle, mentionnent cette activité respectivement en 2011 et 2012. Source : Lemoine E., Souchon M., Vibert C., 2011, « Evaluation de la durabilité du système d’exploitation, Méthode EDAMA » ; http://bellesgarrigues.org/brebis-et-biodiversite/visites-a-la-ferme/

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l’Aude, d’accueillir le grand public sous forme de « petits déjeuners avec le troupeau ». Elle y propose une description de la ferme, de son environnement et de l’intérêt du pâturage des brebis, suivi d’un déjeuner au milieu des collines. Celui-ci se termine enfin par un temps d’échange entre la bergère et les touristes. Dans l’avenir, l’éleveur E10 souhaiterait développer des balades pastorales, une fois son système stabilisé. Son expérience professionnelle dans le tourisme rural et en gîtes peuvent s’avérer être des atouts.

Les transitions agroécologiques identifiées sont schématisées de façon linéaire et

simplifiée. Or, ces dernières peuvent se combiner dans le temps et l’espace. Les raisons et les ressources mobilisées pour les transitions sont en réalité plus complexes et évoluent dans le temps. Les éleveurs modifient (en majorité) progressivement leurs pratiques, en réalisant des changements successifs, couronnés de succès ou d’échecs, mais qui contribuent à faire progresser le système vers plus de pastoralisme. Que les changements aient été rapportés ou non, le processus semble généralisable à l’ensemble des éleveurs interrogés. Les éleveurs évoquent fréquemment l’absence de changements techniques majeurs, mais il semblerait, qu’en dehors des éleveurs récemment installés qui l’expriment explicitement, les réunions avec le CIVAM permettent (même) à ceux ayant atteint une relative maîtrise du système, de faire évoluer les pratiques de gestion des pâturages.

« Il n’y pas d’atelier ayant vraiment marqué mon système ou mes choix techniques.

Sauf au niveau du girobroyage (...) Il y a aussi de méthode des parcs grenouille de

Cyril Agreil (…) Contrairement à ce qu’on pense, la vache mange pas que le plus facile (…) Et c’était fort intéressant, je me posais pas la question » (E9) Comme l’exprime cet éleveuse, les réunions du CIVAM permettent de faire évoluer

les pratiques, en changeant par exemple les perceptions des ressources, et ce de manière consciente ou inconsciente.

Des pratiques ne sont pas représentées sur les schémas des trajectoires car elles ne relèvent pas du domaine du changement technique. Cependant, elles correspondent au modèle agricole promu par le CIVAM Empreinte, qui n’a en effet pas uniquement des fondements techniques. Le CIVAM évoque des thèmes qui ne sont pas en lien avec la technique mais qui pourraient répondre à certains principes socio-économiques de l’agroécologie (Stassart et al., 2012), et notamment au principe d’autonomie. Il s’agit des thèmes comme les conditions de travail, la transmissibilité de l’exploitation (éviter un excès de capitalisation), ou encore à l’autonomie vis-à-vis des filières. L’autonomie promue semble en outre être celle de pouvoir choisir son système de production et de mettre en œuvre les moyens pour le défendre, auprès des consommateurs par la vente directe, auprès d’un public scolaire via des activités ou des outils de communication diffusés par le CIVAM.

Les transitions, telles que représentées sur les schémas, ne soulignent pas la coexistence entre plusieurs transitions agroécologiques, bien qu’elle soit pour une majorité des producteurs une réalité. Tous les producteurs interrogés cherchent à approfondir le pastoralisme, trois d’entre eux cherchent à diversifier les productions, tandis que deux autres cherchent à diversifier leurs activités.

Enfin, il apparaît que parmi les ressources mobilisées par les éleveurs, il apparait deux constantes. La première est le recours à des institutions et organisations publiques. Elles

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sont souvent sollicitées pour le soutien administratif dans le montage de dossier de subventions de la PAC-Politique Agricole Commune (notamment pour des Mesures Agro-Environnementales, MAE). Que ce soit pour une formation (Chambre d’agriculture) ou pour la contractualisation d’une MAE (CEN-Conservatoire d’Espaces Naturels, PNR-Parc Naturel Régional), ces organisations sont peu nombreuses à proposer ce soutien (peu d’établissements certifiés pour contracter une MAE). Cela qui leur confère une place importante parmi les ressources mobilisées par les éleveurs. Elles interviennent également en aide à l’accès au foncier, déterminant pour la pratique du pastoralisme. L’Office National des Forêts (ONF) et le CEN contractent des conventions pluriannuelles de pâturage avec les éleveurs et parfois des propriétaires fonciers (exemple d’une convention tripartite entre le CEN, un camp militaire et l’éleveur E6). Ces deux institutions viennent également en aide à la gestion du foncier à travers par exemple des plans pastoraux ou des diagnostics, où sont préconisées certaines pratiques pour pérenniser les ressources pastorales. Une deuxième constante est le recours à l’action collective. Elle est une ressource fréquemment mobilisée par les éleveurs mais sous différentes formes. Celle-ci prend notamment la forme d’arrangements, d’entraide entre les éleveurs.

Les actions collectives : un enchâssement de réseaux et

d’organisations autour du CIVAM

Le tableau ci-dessous (Figure) recense les actions collectives auxquelles les membres du CIVAM interrogés prennent part ou les réseaux auxquels ils appartiennent. Ces derniers sont distingués en fonction du niveau qu’ils concernent : il peut s’agir d’actions entre une même organisation et plusieurs membres du groupe, des actions concernant l’ensemble du groupe ou des actions liées aux réseaux individuels des membres.

Figure 5: Les différents niveaux d'action collective au sein et autour du CIVAM Empreinte

Les objets de l’action collective recensés favorisent directement ou indirectement la

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progression dans un système pastoral déjà en place. Pour chaque niveau d’action collective, des raisons et des conditions facilitant l’action collective ont pu être mises en évidence.

Les relations reliant plusieurs membres du groupe à une organisation extérieure (groupes de développement, associations) décrivent les réseaux ou lieux où peuvent se rencontrer les membres du CIVAM, en dehors du CIVAM. Un éleveur a par exemple été redirigé vers Empreinte par le CIVAM Bio de l’Hérault. Dans le cas des groupes d’échanges, il s’agit de lieux de rencontre entre producteurs ou entre des producteurs et des citoyens non agricoles. Ces relations permettent un soutien technique, économique et social, pour progresser (CIVAM) ou démarrer son système (ADEAR-Association pour le Développement de l'Emploi Agricole et Rural, Terres Vivantes). Certains de ces groupes ont vocation à faciliter le développement agricole et rural d’un territoire (plateforme agroécologique, ADEAR, ADMM). La plateforme agroécologique est un collectif de citoyens (éleveurs, chercheurs, journaliste, animateurs, associations…) souhaitant favoriser le développement rural et le développement d'une agriculture agroécologique, notamment le pastoralisme, dans la communauté de communes du Grand Orb. L’ADEAR et Terres Vivantes ont davantage été sollicités par les éleveurs pour les accompagner dans leur l’installation hors cadre familial. Ils organisent des réunions ou des sessions de formations où les producteurs, à l’échelle d’un département, sont susceptibles de se rencontrer et d’échanger. Ainsi, des arènes ont pu permettre des adhésions au CIVAM : c’est le cas par exemple pour les éleveurs adhérents du CIVAM Racine. L’intégration dans ces réseaux ou groupes d’échanges est souvent permis par l’appartenance préalable à un réseau (ADMM, CIVAM, Plateforme agroécologique), étant donné que ces groupes sont en lien et échangent entre eux. L’héritage familial peut également permettre d’intégrer ces réseaux à l’installation, si les parents en étaient déjà membres (association des éleveurs de Galloway du Sud de la France antérieure à la création du CIVAM, pour les éleveurs E9, E8 et E7).

Les actions collectives strictement internes au groupe relèvent, en dehors des activités propres au CIVAM (réunions, visites de fermes) de l’entraide entre les membres. Celle-ci consiste à des échanges de matériel, des achats (aliments, animaux) et de l’aide via du travail en commun (chantier de fenaison) ou des conseils. Au-delà de l’interconnaissance permise par le CIVAM, ces relations peuvent être favorisées par la proximité géographique (échanges de matériel, aides ponctuelles, chantier commun entre E1 et X par le passé) et/ou la proximité du système d’élevage (E5 et E2 élèvent des bovins Aubrac, E8 et E7 des bovins Galloway, E3, E4 et un futur membre du CIVAM élèvent tous des porcins en plein air, E4 et X sont bergers). Le CIVAM permet de révéler des besoins communs et des compétences

complémentaires facilitant ces relations d’entraide. Toutefois, la distance géographique peut représenter un frein, même lorsque les conditions pour l’action collective sont réunies.

« C’est un peu un écueil du groupe car on est très dispersés, très différents, très

nombreux. On est tous minimum à 30 minutes les uns des autres. Je suis toute seule

dans mon coin. » (E4)

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Figure 6: Localisation des exploitations agricoles du CIVAM Empreinte

Ainsi, des éventuels sous-groupes se dessinent (Figure 6), soit par la proximité

géographique entre les membres soit par la densité des échanges à l’intérieur de ce sous-groupe. On peut citer trois sous-groupes. Deux sous-groupes peuvent être identifiés parmi les exploitations situées dans le département de l’Hérault. Le groupe composé des éleveurs E8, E3, E7 qui se situent au nord-est de Béziers et le groupe des éleveurs E1, E2, E10, E5, X, qui se situent plutôt au nord-ouest. Ces derniers ont récemment adhéré au CIVAM et rapportent des liens d’amitié qui expliquent qu’ils sont fréquemment en interaction et qu’ils s’entraident comme le montrent les exemples cités plus haut. E1 et X résident et travaillent en effet dans la même commune. Cela a pu permettre les formes d’interactions mentionnées plus haut (entraide, discussion et réalisation par le passé de chantiers communs). En plus d’une proximité en termes de système d’élevage, les éleveurs E5-E2, E8-E7 et E10-X sont voisins. Cela facilite leurs interactions (discussions, conseils) et leurs échanges, avec respectivement l’échange d’un taureau Aubrac pour les premiers, celui d’un chien pour les seconds et l’achat de foin entre les derniers.

Toutefois, la proximité géographique n’est pas systématique un facteur expliquant l’émergence de forme d’action collective. Les trois exploitations figurant en rouge sur la carte sont les trois éleveurs de l’Aude. Leurs exploitations sont relativement proches, surtout en comparaison aux autres membres du groupe. Ces derniers n’ont toutefois pas rapporté d’échanges particuliers en dehors des activités du CIVAM.

Les relations entre un membre et l’extérieur relèvent des réseaux individuels. Ces réseaux sont dits individuels car ils n’impliquent pas plus d’un membre du CIVAM à la fois.

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Les interactions à l’intérieur de ces réseaux visent à pérenniser l’activité agricole (accès au foncier52, commercialisation en circuit-court, formes d’entraide) ou l’initier (financement participatif, accès au foncier, création d’une SCEA). L’appartenance à des associations semble être un moyen de défendre le modèle agricole plus large défendu par Empreinte (et le réseau CIVAM), celui de l’agriculture durable, paysanne, mais localement, et à un niveau individuel. La reconnaissance de l’intérêt du pastoralisme pour la chasse, pour la lutte contre l'incendie ou encore pour la fertilisation des vignes, a permis aux éleveurs Empreinte d’entretenir des relations d’entraide avec des voisins viticulteurs, chasseurs, des collectivités territoriales ou encore l’ONF.

Figure 7: Schéma des organisations du réseau du CIVAM Empreinte

Le schéma ci-dessus (Figure7) schématise les réseaux auxquels appartiennent ou ont appartenu plusieurs membres du CIVAM53. Il s’agit des organisations du premier niveau d’action collective (groupes d’échanges, commercialisation) et des associations et organisations publiques sollicitées par plusieurs membres du CIVAM.

Il peut être distingué 3 types de réseaux : Des réseaux ayant un recouvrement partiel avec le CIVAM : il peut s’agir des

groupes d’échanges, qui par leur fonctions, offrent des ressources complémentaires à celles proposées par le CIVAM. Ces ressources permettent de pérenniser l’activité, par le soutien à la commercialisation et à la structuration de filière (CIVAM Bio) ou encore par un soutien technique (ADMM). L’enchâssement de ces réseaux souligne la nécessité pour les producteurs de faire appel à différentes structures pour faire évoluer leur système. La plateforme agroécologique recouvrement de manière conséquente le CIVAM car cette dernière s’est constituée autour des problématiques de deux éleveurs du groupe. Cette

52 Dans le tableau (Figure ), le Groupement Foncier Agricole (GFA) a permis à l’éleveur E10 d’accéder à du

foncier en location, il s’agit d’un type de société civile conçu pour résoudre certains problèmes fonciers. 53 Pour l’appartenance des acteurs non interrogés à des réseaux, en plus des dires d’acteurs, ont été

consultés les sites internet des organisations. Il y figure parfois leurs adhérents (site internet des CIVAM Racine, CIVAM bio Aude, ADméd, ADMM…).

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dernière partage les mêmes ambitions qu’Empreinte, c’est-à-dire, le développement d’une agriculture respectueuse de l’environnement, intégrée à son milieu social. Peut-être vient-elle compléter la dimension territoriale vers laquelle tend Empreinte puisqu’elle est dédiée à un projet sur le territoire de l’intercommunalité du Grand Orb. Ce collectif vise à inciter des politiques publiques favorables au développement du pastoralisme en s’inspirant du pacte pastoral des Cévennes54. Il s’agit d’une démarche collective à l’initiative d’un groupe d’éleveurs, qui a mobilisé les acteurs du territoire pour soutenir leur activité pastorale face à la compétition croissante avec les usages non agricoles.

Des réseaux permettant aux adhérents de diffuser leurs idées : ces réseaux sont des arènes pour porter les ambitions d’Empreinte à travers les membres qui y participent. C’est notamment le cas pour les éleveurs Y, X, Z, dans les structures telles que l’ADEAR de l’Aude, Terres Vivantes, la Confédération Paysanne « Ils reversent à l’agenda des discussions de divers espaces des éléments d’Empreinte et vice-versa » (animateur du CIVAM). Les boutiques de producteurs sont également des lieux où sont portées des idées en faveur d’un certain mode d’élevage (biologique avec sous sans certification selon les cas), auprès d’autres producteurs et auprès des consommateurs. De plus, il y a des manifestations ou réseaux auxquels le CIVAM participe, comme le projet UE Life+Mil’Ouv avec la participation de l’animateur (animation de formation pour l’accompagnement au changement), ou le Sommet de l’Elevage (Clermont Ferrand, 2015), ou encore l’Agence française de Pastoralisme (le CIVAM participe au comité de suivi) qui sont un autre moyen de communiquer.

Des réseaux ressources (associations et organisations publiques) : Elles ne sont pas des formes d’organisation collective gouvernées par les agriculteurs mais ces institutions publiques sont des lieux ressources que mobilisent les éleveurs pour progresser vers davantage de pastoralisme. Ces organisations semblent accessibles plus aisément. Leur caractère public (Chambres d’agriculture, PNR, ONF) ou d’intérêt public (CEN) leur confère une portée plus large. Elles sont sollicitées pour le soutien administratif (dossier de subventions), l’accès et/ou la gestion du foncier.

CONCLUSION : les spécificités du CIVAM Empreinte

Le manque de reconnaissance des modes d’élevage pratiqués par les éleveurs et l’inadéquation des services offerts par les institutions classiques (dont les établissements d’enseignement) agricoles, les conduisent à construire des lieux de réassurance mutuelle. Le CIVAM Empreinte est ainsi un lieu de construction identitaire autour du pastoralisme, qui fait la promotion d’un modèle agricole mais également d’un modèle social, où la qualité de vie, les conditions de travail et la proximité à l’animal et la nature sont importantes et source de satisfaction et de fierté.

Accompagner les transitions agroécologique dans le CIVAM Empreinte, c’est

accompagner les éleveurs vers plus de pastoralisme c’est-à-dire vers l’amélioration de la valorisation des ressources. Le changement de regard, de perception sur la valeur d’une

54 Consultable sur le site ADMM : http://agriculture-moyenne-montagne.org/rubrique12.html « Des démarches

collectives pour une agriculture durable, le Pacte Pastoral en Cévennes »

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ressource pâturée semble être fondamental pour ces transitions. Le groupe est ainsi un lieu qui permet des apprentissages, l’acquisition de nouveaux savoir-faire, de nouvelles techniques d’observations et d’usage de ces ressources.

« Les autres agriculteurs du CIVAM m’ont dit « y’a rien de mangé sur tes parcours, elles ne mangent pas dessus ». J’ai tout changé. C’est grâce au CIVAM empreinte. C’est qu’une question de regard du troupeau : c’est difficile de voir qu’il y a à manger et de ne pas donner à manger…Jean-Marie [éleveur du CIVAM], ses bêtes mangent de la bruyère, donc moi ici je

peux leur donner à manger. » (E5) « C’est surtout la vision de l’agriculteur qui doit changer: j’étais toujours inquiet mais je voyais que les bêtes maigrissaient pas donc j’ai accepté le changement, ça m’a pris une bonne année. » (E5) « La vision du groupe Empreinte sur le pâturage est très intéressante, ça m’a donné plus

confiance dans la ressource présente » (E4) « Empreinte permet de mettre des mots sur des connaissances empiriques » (E9)

Le groupe Empreinte est générateur de plusieurs formes d’action collective. Les moteurs de l’action collective semblent plutôt être la promotion du modèle d’élevage pastoral et d’un mode de vie, plus que les changements de pratiques. Les éleveurs ne revendiquent d’ailleurs pas d’attachement à l’agroécologie. De manière indirecte cependant, le groupe d’échanges que constitue le CIVAM parvient à faire progresser des éleveurs dans leur système (diagnostic, échanges entre éleveurs, interventions de techniciens). Dans les formes d’actions collectives qu’il génère, les formes d’interactions sociales entre les membres relèvent de l’entraide et de la production de connaissances. D’autres formes relèvent plus de la mise en réseau qui permet d’avancer d’un point de vue technique, administratif (subventions MAE) ou du point de vue de l’accès au foncier (l’éleveur E6 a trouvé du foncier grâce à Empreinte, qui lui a fait connaître le CEN et la sœur d’un des éleveurs a installé sur ses terres un membre récent d’Empreinte).

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ANNEXE 11 : Monographie du groupe

CIVAM Oasis

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Le CIVAM Oasis ou comment « intégrer l’environnement comme facteur de production agricole » ?

L’histoire du CIVAM

A l’origine, un collectif mixte d’amis agriculteurs et non agriculteurs, partageant des intérêts pour les questions environnementales

Quentin Delachapelle et Stéphane Mainsant se sont connus et sont devenus amis lors d’une formation sur les problématiques agroenvironnementales au centre de formation professionnel l’Epine. Ils se retrouvent tous deux administrateurs au Conservatoire d’Espaces Naturels (CEN) en 2003. Ils se découvrent un intérêt commun pour l’écologie et surtout une envie de mener des actions concrètes. Stéphane est agriculteur depuis 2000 et Quentin est chargé de mission à la DRAAF (Direction Régionale de l'Alimentation de l'Agriculture et de la Forêt) pour l’intégration de l’agriculture durable dans les formations.

Stéphane est engagé dans une association de protection de l’avifaune (la Ligue de Protection des Oiseaux, LPO) avec laquelle il participe à des projets de suivi de biodiversité sur des fermes: Quentin l’aide au montage des projets grâce à son réseau professionnel. Cependant, ils constatent qu’aux problématiques agricoles et environnementales, ils ne trouvent pas de réponse dans les associations environnementalistes ni dans l'accompagnement proposé aux agriculteurs dans la profession (groupes d'études et de développement agricole-GEDA, Chambres, Coop, etc.). Ils s’interrogent sur l’éventualité de créer leur propre association : l’idée est alors de profiter de l’actualité du Grenelle de l’Environnement pour faire un suivi scientifique de la trame verte et bleue55 montrer son intérêt agronomique.

Pour constituer l’association, Quentin et Stéphane réunissent des personnes de leur réseau socioprofessionnel lié aux thématiques du développement rural et de l’environnement. Ils parviennent à fédérer 12 personnes (50% agricole, 50% non agricole) et initient des prises de contact avec les réseaux GEDA, les coopératives mais seule la Fédération Nationale des CIVAM (FNCIVAM) répond à l’appel. Quentin connaissant les CIVAM via la DRAAF, voit tout de suite l’intérêt d’appartenir à un réseau national plus large (« se sentir moins isolés », Président du CIVAM) et qui partage les mêmes valeurs.

En effet, les CIVAM sont des associations unissant le monde rural, créant des liens entre les agriculteurs et les non agriculteurs. Dès 2008, ils initient le projet fondateur du CIVAM.

Ce projet, « Arc-En-Ciel », porte le nom de l’exploitation pilote, celle de Stéphane, car il se fonde sur les infrastructures agro-écologiques (IAE) déjà en place sur sa ferme (haies et bandes enherbées dès l’an 2000, dans le cadre d’un contrat territorial d’exploitation, CTE56). L’objectif du projet est de connaître le rôle de ces IAE sur la biodiversité ordinaire. Il

55 Une mesure du Grenelle de l’Environnement, utilisé comme un outil d’aménagement du territoire qui vise à

reconstituer un réseau écologique cohérent, à l’échelle nationale. Il s’agit de corridors reliant des réservoirs de biodiversité. Source : http://www.developpement-durable.gouv.fr/-La-Trame-verte-et-bleue,1034-.html

56 Outil développé par la loi d’orientation agricole de juillet 1999. Il vise à encourager le développement de l’agriculture durable. Il se présente sous forme d’un contrat moral, d’une durée de 5ans, engageant

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consiste alors à réaliser des suivis de biodiversité dans les parcelles : chez Stéphane, qui est le site pilote du projet, mais aussi chez d’autres agriculteurs, qui ont déjà des IAE (en Champagne Humide, chez Quentin, la présence d’un réseau hydrographique développé permet la préservation et l’entretien des haies). D’autres (2 fermes) en implantent parallèlement au projet. Pour les appuyer dans la mise en place de ces dispositifs expérimentaux, les membres font appel à leur réseau et sont soutenus par la DREAL (Direction régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement) et le Conseil régional Champagne-Ardenne d’abord, puis par des associations naturalistes (LPO Champagne Ardenne, Centre Permanent d'Initiatives pour l'Environnement-CPIE de Soulaines, ReNard – Regroupement des Naturalistes Ardennais).

Forts de ces expériences, le CIVAM remporte le prix national « les champs de

biodiversité » en 2010. Il offre des financements par la société LU France et la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité (FRB). Ils permettent d’embaucher un animateur, Corentin Blot. Le prix permet de créer un partenariat avec l’INRA, qui recherche également des références sur la biodiversité en grandes cultures. Avec la Chambre d’agriculture, le partenariat s’explique par des intérêts communs pour les expérimentations au sein des parcelles. En effet, la Chambre d’agriculture travaille depuis 2004 sur les SDCI systèmes de culture innovants. A travers des expérimentations au sein des groupes GEDA, celle-ci tente de produire des références et des méthodes pour réduire l’usage des produits phytosanitaires (PPS). Dans ce cadre, celle-ci suit également les bandes enherbées de certains membres du CIVAM de l’Oasis. Pour capitaliser les premiers résultats, le CIVAM organise avec ses partenaires un colloque en 2010.

Dans le cadre du partenariat avec l’INRA, le projet intègre une thèse (« Elaboration d’indicateurs d’impact des pratiques de gestion des bordures de champs sur le niveau de régulation exercé par les organismes auxiliaires terrestres sur les populations de phytophages invertébrés »), un stage (« relation entre la biodiversité fonctionnelle des végétaux d’une bande enherbée avec les traits de vie liés à la prédation exercée par les carabidae auxiliaires des cultures ») et se conclu par un colloque présentant les résultats en 2013. Intitulé « agriculture et biodiversité, de l’aménagement pour la biodiversité à la réduction globale d’intrants, quelles pistes et outils pour les groupes d’agriculteurs ? », les conclusions du projet permettent de faire évoluer les réflexions du CIVAM.

D’un intérêt pour l’observation de la biodiversité ordinaire puis fonctionnelle, le CIVAM est désormais convaincu des bénéfices de cette dernière (Figure). Il s’agit désormais de s’intéresser au lien entre cette biodiversité et les pratiques agricoles, dans un contexte de collectif, de co-construction.

l’agriculteur dans certaines pratiques contre rétribution financière.

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Figure1: Evolution des préoccupations et des partenariats du CIVAM

Le CIVAM, actuellement en phase d’expansion, s’oriente vers les systèmes de cultures économes en intrants

L’intégration au Réseau Agriculture Durable (RAD) de la FNCIVAM, qui coordonne le pôle Systèmes de Production Economes et Autonomes(SPEA), a sans doute influencé cette évolution. Le RAD a en effet développé le SPEA sur plusieurs systèmes, dont les grandes cultures. La constitution en CIVAM permet ainsi des échanges entre les différents pôles et échelons du réseau national. Il s’agit désormais pour le CIVAM d’intégrer la biodiversité comme facteur de production, c’est-à-dire dans les choix de pilotage de l’exploitation.

Suite au projet Arc-En-Ciel, le CIVAM avance dans sa réflexion et fait émerger de nouvelles questions, notamment en termes de travail et de compréhension: « Comment transposer nos réflexions et nos résultats de la parcelle au territoire ? De la biodiversité à l’écologie du paysage ? De l’aménagement type bande enherbée au système d’exploitation ? D’une approche agro-écologique à une approche économique de nos exploitations ? » (Actes du Colloque Agriculture & Biodiversité, avril 2014). Pour, le CIVAM entreprend de répondre à ces questionnements via le projet « Mobilisation Collective pour l’AgroEcologie » (MCAE). Le CIVAM est lauréat de ce Casdar et débute le projet « Aménagements agroécologiques et systèmes économes en intrants en plaine céréalière » (2014-2016). Toutefois, le territoire du CIVAM (Marne) ne correspond pas exactement à celui de l’appel à projet et pour y répondre, les agriculteurs du CIVAM vont tenter d’appeler la

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participation d’autres agriculteurs, dans le territoire plus vaste de la région Champagne Ardenne. Ils vont donc contacter des agriculteurs sensibles à la problématique des SPEA (systèmes de production économes en intrants) qu’ils croisent dans d’autres réseaux (groupe GEDA, groupe Chambre d’agriculture, CETA [Centre d’Etudes des Techniques Agricoles], réunions de coopératives). Quatre nouveaux membres vont donc officiellement intégrer le CIVAM (pour les besoins administratifs de la réponse à l’appel à projet), confirmant leur participation aux activités (leur présence avant pouvait se caractériser comme ponctuelle, à une réunion qui les intéresse plus qu’une autre ou selon leur emploi du temps etc.).De nouveaux partenaires s’ajoutent aux partenaires historiques: le CPIE de la Meuse, l’association Argonne PNR, l’association Terr’Avenir, l’exploitation agricole du lycée de Somme-Vesle. L’association Terr’Avenir accompagne les agriculteurs dans la certification environnementale ISO 14 00157. Son président est en effet membre du CIVAM.

Dans le cadre des activités du projet Casdar MCAE, le CIVAM accueille une stagiaire (mars-septembre 2014) pour un diagnostic agraire sur le SPEA. Il y a ainsi 13 agriculteurs engagés officiellement pour travailler sur le thème de l’agroécologie et des SPEA, dont les exploitations sont localisées en figure 2. Le territoire du CIVAM s’étale ainsi à de Chalons en Champagne à la forêt d’Argonne à l’ouest) et au sud de Chalons à Troyes.

Dans le cadre du projet agro-écologique pour la France du Ministère de l’Agriculture, les GIEE constituent le premier outil de cette nouvelle loi d’avenir. Ils s’apparentent à des collectifs d’agriculteurs, engagés dans le changement de pratiques. Le CIVAM se saisit de cette opportunité et répond à l’appel à projet lancé par la région. Le CIVAM obtient labélisation GIEE grâce aux activités qu’ils mènent dans le cadre du Casdar MCAE. Le CIVAM se propose de travailler autour de 4 axes qui s’articulent chacun autour de plusieurs actions :

Axe 1 : La mise en place d'un réseau d'aménagement agro-écologiques au sein du

parcellaire agricole Axe 2 : L'adoption de pratiques favorables aux économies d'intrants (pesticides et

engrais) et à la relocalisation du cycle des matières (complémentarité cultures / élevage, associations culturales, allongement des rotations, implantation de légumineuses, couvert végétaux, agroforesterie, …)

Axe 3 : La mise en évidence des impacts économiques sur le long terme des orientations "techniques"

Axe 4 : L'amélioration de la perception et de l'appréhension par les agriculteurs de leur propre métier et avenir à travers la mise en réseau associée à la transition vers l'agro-écologie.

57 La norme ISO 14001 est relative à la mise en place d'un Système de Management Environnemental (SME).

Publiée en 1996, celle-ci permet la définition d’objectifs pour l’amélioration des performances environnementales d’une organisation. Source : http://www.ecocert.com/iso-14001

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Les caractéristiques du CIVAM

Objectifs et principes du groupe

Le CIVAM Oasis est le regroupement de céréaliers et de citoyens ruraux de la Marne et de l’Aube autour des problématiques de la biodiversité en milieu agricole sur le territoire de Champagne Ardenne. Celui-ci fonctionne comme un groupe d’échanges, où le partage de l’information et des expériences, dans une dynamique collective, permet de développer des initiatives et tester de nouvelles pratiques (systèmes de production autonomes et économes).

Le CIVAM a pour finalité de faire émerger des projets collectifs et des initiatives entre différents acteurs du territoire, pour permettre aux agriculteurs d’intégrer l’environnement comme facteur de production agricole.

Les entretiens visent, entre autre, à recueillir les avis des membres et d’identifier les différentes fonctions attribuées au groupe. Différentes motivations ont été et/ou sont à l’origine des adhésions des membres. Trois fonctions principales semblent se distinguer:

- Un lieu d’échange entre pairs unique sur le thème de l’environnement : pour beaucoup, le CIVAM apparaît comme le premier lieu d’échanges sur les thématiques (agro)environnementales. La plupart des membres rencontrés cherchent en effet à se tenir au courant de l’évolution de la trame verte et bleue, les solutions alternatives permettant d’utiliser les processus écologiques comme outil agronomique. Il permet aux agriculteurs de pouvoir discuter de leurs doutes, leurs erreurs, apprendre des expérimentations des autres, se rassurer etc.

- Retrouver du lien social avec ses pairs: pour certains, il s’agit de retrouver un lieu de discussions avec des agriculteurs après une certaine déconnexion. Celle-ci a pu s’opérer entre des voisins bios et conventionnels, ou avec des agriculteurs n’ayant pas entamé de transition agroécologique et qui sont réticents à l’échange (voire qui critiquent et déconsidèrent les tentatives d’écologisation des pratiques).

- La recherche de subventions: pour certains, la labélisation du CIVAM en GIEE est une source potentielle de financement. Beaucoup réfléchissent le GIEE comme un système de PSE (Paiements pour Services Environnementaux).

Fonctionnement et organisation du groupe

Le CIVAM Oasis fonctionne comme un groupe d’échanges. Le principe est donc de réunir les agriculteurs afin de débattre et mettre en commun et en discussion les problèmes qu’ils se posent. Le rôle de la parole, de sa distribution est fondamental. L’animateur du groupe est présent lors de ces réunions pour coordonner et animer le débat. Il tente de faire émerger des initiatives communes, après avoir formulé collectivement les problèmes que les agriculteurs se posent. La formulation de solutions est alors un travail du collectif. Le groupe veut être le support de changement de pratiques puisqu’il offre du soutien, des informations, la possibilité de comparer les pratiques de chacun et les résultats qui en découlent. Le rôle du débat et des discussions est d’être capable de mettre les agriculteurs face à leurs contradictions, tout en respectant les positions de chacun et la discrétion. Le débat doit aussi favoriser les conditions qui permettent à chacun de se confier.

Etant donné que la majorité des membres du groupe a récemment adhéré, un premier travail d’interconnaissance est nécessaire. Il y a donc des réunions en collectif, pour échanger

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sur des thèmes fixés par les agriculteurs (administrateurs, animateur mais aussi autres membres et thèmes du projet GIEE et Casdar MCAE) et des réunions bilatérales entre l’animateur et un agriculteur. Les réunions en collectif, dits tours de plaine, sont l’occasion d’échanger sur les pratiques de chacun sur le thème donné : la réunion se fait sur la ferme d’un des membres, où il présente d’abord son système puis chacun peut poser des questions et parler de sa propre expérience. Ensuite, un temps est réservé pour visiter la ferme, où à la description des pratiques s’appuie sur un support visuel concret. Un deuxième temps fort (après-midi souvent) s’organise autour des thèmes décidés par les agriculteurs. Une réunion (juin 2015) chez un des membres était par exemple consacrée aux associations de cultures et chacun a pu décrire ses expériences de cultures associées. Ces échanges veulent permettre l’émergence d’actions collectives pour répondre aux problèmes posés. Par exemple, cette réunion (juin 2015) a été l’occasion de lancer réflexion collective sur l’aménagement à l’automne d’IAE (deux haies protégeant les parcelles bios attenantes à une ferme conventionnelle) chez l’un des membres.

Les réunions peuvent également accueillir des intervenants sur une thématique précise : dans l’histoire du CIVAM, l’INRA est souvent intervenu pour partager ou interpréter des résultats issus de relevés-suivis faits sur les parcelles des membres.

D’autres réunions en collectif peuvent avoir comme objet la restitution en groupe des résultats des diagnostics de durabilité (diagnostic ICAD58). Cela permet de comparer les résultats de chacun, discuter collectivement des pratiques individuelles et mettre en lumière des pistes de réflexion, de solution. Réalisé sur plusieurs années, il permet aussi de suivre l'évolution des pratiques.

L’animation de ces temps collectif est issue de techniques d’animation du réseau CIVAM, s’inspirant de l’éducation populaire59. Les agriculteurs sont invités à s’exprimer, participer à des jeux de rôles et à produire par eux-mêmes :

« Je les ai fait écrire sur des post-it, décrire leur pratiques, faire remonter les

pratiques économes, les classer, faire ressortir de stratégies d’action (…) je leur apporte rien, ils produisent tout par eux-mêmes » (animateur du CIVAM). Des activités en dehors du CIVAM (de l’arène « fermes ») sont menées en son nom. Il

s’agit d’action de communication, lorsque le CIVAM est par exemple sollicité pour s’exprimer à des manifestations concernant les thématiques liant agricultures et biodiversité (conférence/témoignages d’agriculteurs à la Foire de Châlons ou au Salon Mécasol).

58 Diagnostic sur les Indicateurs clés de l’Agriculture Durable. Ils sont issus d’un travail de la FNCIVAM

portant sur la définition d’indicateurs qui permettent de caractériser l’agriculture durable. Le projet repose sur des réflexions portées par des agriculteurs, souhaitant mieux appréhender leurs exploitations par une approche systémique. Cette méthode s’oppose à l’approche plus analytique et segmenté largement promue dans le développement agricole dominant. Source : http://www.civam.org/index.php/actualites/498-les-civam-une-approche-specifique-de-l-evaluation

59 Démarche inductive et éducative que des personnes s'approprient par elles-mêmes pour construire en commun un projet et déterminer ensemble des règles et un contenu. (Source : http://www.civam.org/images/Histoire_des_CIVAM.pdf)

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Ouverture et limites du groupe

Le CIVAM affiche volontairement une ouverture maximale. Tous les citoyens, types d’acteurs peuvent adhérer, en venant aux réunions, tour de plaine ou aux assemblées générales. L’adhésion officielle se fait par le règlement d’une cotisation annuelle.

Le CIVAM n’affiche pas de ligne politique ni de principes exclusifs afin d’éviter de dissuader des adhésions. Comme il se donne pour but de construire collectivement « des outils

permettant au maximum de personnes de changer » (Président du CIVAM oasis), il n’affiche pas de moyens restrictifs pour parvenir aux changements de pratiques vers l’agriculture durable.

Les enjeux de l’accompagnement Il apparaît quatre zones d’enjeux pour l’accompagnement du CIVAM Oasis : les

caractéristiques du groupe (petite structure associative, forte hétérogénéité, récent) influent sur les moyens et les postures d’accompagnement de l’animateur.

Le groupe CIVAM est en effet hétérogène. Il existe des sensibilités « politiques » différentes, des postures syndicales différentes (FDSEA, Confédération paysanne, non syndiqués) et des systèmes de productions différents (labour, techniques culturales simplifiées, agriculture biologique, conventionnelle, éleveur, céréalier). Les moyens pour faire évoluer ses pratiques sont différents et les contraintes qui pèsent sur chacun également. Ainsi, il s’agit d’accompagner un collectif d’agriculteurs engagés dans une diversité de

transitions agroécologiques. L’enjeu de l’animation est également de « mettre à profit les

expériences individuelles, faire émerger des initiatives et la coopération » (animateur du CIVAM) malgré cette diversité, qui doit permettre et enrichir le débat.

La structuration actuelle du CIVAM est récente et implique par-là un processus

d’intégration des nouveaux membres. Il s’agit de favoriser l’interconnaissance entre les agriculteurs, issus de la création du GIEE, mais aussi entre eux et un animateur récent. L’accompagnement des changements de pratiques nécessite en effet une connaissance des logiques et des systèmes de production des membres (système de départ et système visé). Il y alors un processus de construction de référentiels communs, entre l’animateur et chacun des individus, et un référentiel commun à l’ensemble du groupe. Un des référentiels importants est la posture d’accompagnement. Les membres récents, sont par ailleurs insérés dans d’autres groupes de développement. Ces structures accompagnatrices, telles que les CETA ou les groupes Chambre d’Agriculture sont des groupes très techniques, où l’animateur adopte une posture de conseil technique descendant. Les thèmes abordés sont communs mais la manière de les traiter diffère : les agriculteurs cherchent des réponses sans forcément que leurs expertises soient partagées collectivement et discutées au sein du groupe.

Etant donné que le CIVAM est constitué de deux entitésErreur ! Source du renvoi

ntrouvable., l’animateur est également chargé d’introduire d’intégrer60 les citoyens ruraux aux questionnements du CIVAM sur la biodiversité et la dynamisation des campagnes en

60 Cela peut passer par leur participation aux réunions, assemblées générales et/ou à de futures collaborations

(un entretien a été réalisé avec un membre du civam, non agriculteur, dont l’expertise sur les indicateurs économiques de performance d’une ferme, sera sollicitée prochainement dans le cadre de l’axe 3 du MCAE).

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général61.

Une diversité de transitions agroécologiques dans le CIVAM Oasis

Une diversité de manières de s’engager dans le changement de pratiques Le CIVAM se donne pour objectif, à travers le groupe GIEE, d’accompagner les

agriculteurs vers l’agro-écologie, l’autonomie et l’économie. Les trajectoires individuelles62 retracent les changements techniques dédiés à l’économie d’intrants. Cependant, l’économie et l’autonomie du SPEA prônées par les CIVAM ne se restreignent pas uniquement aux questions d’intrants stricts (fertilisant, PPS, semences) mais à l’autonomie vis-à-vis du système sociotechnique63 dominant encadrant les agriculteurs d’amont en aval. Les trajectoires des changements de pratiques des agriculteurs montrent une diversité de moyens d’y parvenir. Ces moyens peuvent être classés grâce à la grille ESR « Efficience, Substitution, Re-conception ». Élaborée à l’origine pour rendre compte et soutenir des transitions vers l’agriculture biologique, la classification ESR est un outil méthodologique qui permet plus d’évaluer le degré de changement d’un système d'exploitation64.

Le premier niveau de rupture est l’efficience : il consiste à optimiser le fonctionnement du système, en réduisant la consommation d’intrants par exemple (Le Cunff, 2014). La majorité des producteurs, en réduisant les doses via le bas volume de produits phytosanitaires ou la fertilisation raisonnée, sont ou ont été dans cette logique. La conversion à l’agriculture biologique relève de la substitution : les producteurs substituent certains éléments du système par d’autres, dont l’impact environnemental est moindre (Le Cunff, 2014). La re-conception du système consiste à repenser l’intégralité du système pour répondre à de nouvelles exigences (Le Cunff, 2014). Les trajectoires relevant de la re-conception se distinguent selon les leviers agronomiques utilisés :

- Diversification dans le temps et l’espace A l’échelle de la ferme : diversification de l’assolement par l’introduction de

nouvelles cultures ou l’introduction de l’élevage A l’échelle de la parcelle : associations de cultures récoltées (légumineuses-

céréales) ou non récoltées (couverts végétaux plurispécifique) ou mélanges de variétés - L’amélioration des propriétés physico-chimiques du sol : Les techniques culturales

simplifiées (non labour, semis à la volée, semis direct sous couvert) - L’aménagement d’Infrastructures Agro-Ecologiques (IAE) : Héberger la faune

auxiliaire pour réduire les produits phytosanitaires Différentes raisons ou objectifs expliquent l’engagement des agriculteurs dans les

changements de pratiques. Les changements engagés et l’avancée dans chacun d’eux peut se

61 La devise du réseau CIVAM est «pour des campagnes vivantes ». 62 Les informations liées aux transitions agroécologiques ne concernent que les dix agriculteurs interrogés lors

des phases de terrain (juin 2015). 63 Ensemble constitué par l’agrofourniture, l’agroalimentaire et la distribution, ainsi que l’appareil de recherche-

développement (Lucas, 2014) 64 Source : Annexes du Guide pour la mobilisation des mesures du FEADER en faveur du projet agro-

écologique, 2014. http://agriculture.gouv.fr/ministere/le-guide-methodologique-pour-la-mobilisation-des-mesures-du-feader-en-faveur-du-projet

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lire à l’aune des ressources sociales, organisationnelles et techniques dont disposent les agriculteurs. Ainsi, ces deux facteurs ont été retenus pour construire (Annexe 7) cinq grands types de transitions agroécologiques au sein du CIVAM (figure 4).

Grands types de transition

agroécologique Sous-type de transition agroécologique

Efficience TYPE 1 : Réduction des produits phytosanitaires et des

fertilisants: bas volume, fertilisation raisonnée Substitution TYPE 2 : La conversion à l’agriculture biologique

Re-conception TYPE 3 : Les infrastructures agro-écologiques

TYPE 4 : Les Techniques Culturales Simplifiées TYPE 5 : La diversification de l’assolement

Figure 4 : Tableau récapitulatif des transitions agroécologiques identifiées dans le

CIVAM Oasis

Ci-dessous figurent des schémas représentant les différents types de trajectoires identifiés, en fonction des motivations (en vert) et des ressources mobilisées (en rouge). Il s’agit d’une représentation synthétique, qui simplifie volontairement la réalité. Ces schémas souhaitent représenter les raisons qui ont été initiatrices d’une transition, au moment où celle-ci a été initiée. Les raisons sont simplifiées et ne resituent pas la complexité des motivations qui dépendent très fortement du contexte. En effet, il peut coexister plusieurs motivations et ces dernières peuvent évoluer dans le temps. Les leviers qui ont permis d’avancer dans les transitions sont également simplifiés et regroupés par grand type. L’objectif est de tenter de se saisir des raisons qui expliquent qu’il y a une telle diversité dans les manières de s’engager et de faire les changements dans le CIVAM Oasis.

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Figure 5 : Les transitions agroécologiques s’appuyant sur l’efficience et la substitution, type 1 et 2

Les différences observées dans la réduction directe d’intrants se fondent les moyens sollicités par les producteurs. La réduction directe des intrants diffère lorsque celle-ci est motivée par des préoccupations économiques ou par un souci environnemental. Les producteurs P6 et P8 réduisent les intrants par souci économique : il s’agit de respecter un cahier des charges (itinéraire technique) sous contrat pour l’un alors que l’autre, récemment installé, est dans un contexte de fort endettement. Cela explique des pratiques assurantielles, où les traitements sont supprimés seulement s’ils n’affectent pas les rendements. Les groupes d’échanges et leurs conseillers permettent aux agriculteurs de sélectionner sans risques les produits à supprimer.

« Je supprime les insecticides les moins risqués pour le rendement (…) si demain il y a un indicateur où qu’on vient me prouver que j’ai assez d’auxiliaires et de résilience dans mes parcelles, je supprime tout de suite mais faut garantie (…) je suis pas un adepte du plus

gros rendement mais j’ai un résultat à assurer à la fin de l’année car comme tout agriculteur aujourd’hui, je suis endetté à 80% » (P8)

Les producteurs P7, P2 et P9 ont déclaré être motivés par la préservation de l’environnement pour réduire les pollutions liées aux intrants. Une des ressources nécessaires semble être l’accès à divers matériels (désherbage mécanique notamment). Pour cela, les producteurs P7 et P2 s’appuient sur la mutualisation des charges et l’échange de matériel. Au contraire, le producteur P9, récemment installé, a des ressources financières limitées le contraignant à du matériel d’occasion. Grâce à des formations « bas volume », il a recours à d’autres leviers (traitements de nuit). La trajectoire de conversion à l’agriculture biologique montre que les ressources mobilisées pour la conversion sont similaires : ils s’expliquent par

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un manque de références (nécessaires formations et informations sur les références locales produites dans les groupes d’échanges) et un accès nécessaire à une diversité de matériel. En outre, comme l’exprime le producteur P4, la conversion implique une maîtrise progressive des nouvelles pratiques (tant leur maîtrise technique que celle de la réponse du milieu)

« C’est une conversion progressive donc on a mis 10ans à savoir ce qu’il allait se passer, apprendre à conduire les cultures, se passer des pesticides c’est pas simple, c’est des

essais (…) C’est une remise en cause très importante. On a mis 10ans et on cherche encore »

Les différences observées dans l’aménagement d’infrastructures agro-écologiques (IAE) semblent en partie liées aux raisons qui les sous-tendent. Dans un cas, le souci environnemental a incité les producteurs P2, P7, P10 à aménager ces IAE tandis que dans les deux autres, il était secondaire voire inexistant. Ils ont donc eu recourt à des formations et à des groupes d’échange pour faire entrer pleinement les IAE comme un facteur de production. Leur localisation et leurs caractéristiques sont pensées pour permettre une lutte efficace contre les ravageurs des cultures. Dans les deux autres cas, c’est la participation à des groupes d’échanges comme le CIVAM, qui permet a posteriori, de penser les IAE comme un levier possible pour la réduction des PPS. Le producteur P3 n’avait pas initialement l’objectif de réduire les intrants par souci environnemental, ce qui explique qu’il ait une surface minimale réglementaire. Dans le cadre de la directive nitrate65, les bandes enherbées sont obligatoires

65Directive européenne (1991) visant à protéger la qualité de l'eau en prévenant la pollution des eaux par les

nitrates provenant de sources agricoles et en promouvant l'usage des bonnes pratiques agricoles.

Figure 6 :Les transitions agroécologiques s’appuyant sur la re-conception, type 3

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depuis 2001, lorsqu’une parcelle est à proximité d’un cours d’eau, afin d’éviter les transferts de polluants vers les nappes. Les IAE représentent une alternative intéressante pour le producteur P1 puisqu’il a récemment initié une conversion à l’AB

L’engagement dans les techniques culturales simplifiées (TCS) est majoritairement motivé par les mêmes objectifs. La différenciation des trajectoires se fait cependant en fonction des moyens matériels dont disposent les agriculteurs mais également selon les contraintes pédoclimatiques des parcelles. Deux producteurs (P4, P1) sont ainsi retournés du semis direct au travail superficiel (sans retournement dans un cas, labour agronomique avec retournement dans l’autre). Certains sols sont sensibles à la compaction et les contraintes du mode de production biologique (pour ces deux producteurs convertis) rendent difficile la gestion des adventices sans labour. Le point de départ pour tous est un labour classique, profond avec retournement des couches.

Figure 7 : Les transitions agroécologiques s’appuyant sur la re-conception, type 4

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Pour les producteurs P2, P3 et P9, le premier changement s’est caractérisé par un passage au TCS travail profond c’est-à-dire un travail du sol à la même profondeur qu’un labour (15-30cm) mais sans retournement. Ces derniers ont ensuite changé pour pratique le semis direct sous couverts. Le producteur P3 a d’abord semé dans des résidus de cultures puis dans des couverts. Cela a eu pour conséquence d’augmenter sa consommation de glyphosate pour la destruction des couverts. Par la suite, la constitution d’un troupeau de brebis a pu diminuer sa consommation grâce au pâturage des couverts par ces dernières. Le producteur P2 pratique aujourd’hui le semis direct sous couverts mais pratique un désherbage mécanique ou utilise des produits naturels pour lutter contre les adventices. Le producteur P9 pratique le semis direct uniquement pour le maïs mais n’a pas rapporté de pratiques relatives aux couverts végétaux qui seraient associées au semis direct. D’un labour classique, certains producteurs sont passés à un travail superficiel. Les producteurs P8 et P5 pratiquent le non labour afin d’économiser du temps : cela permet à l’un de maintenir la double activité tandis que l’autre a des terres argileuses inadaptées au labour (chronophage, coûteux). Dans un cas, les TCS n’ont pas entraîné une augmentation de la consommation d’herbicides car le producteur P5 utilise la destruction mécanique (converti à l’AB). Dans tous les cas, la condition nécessaire pour les TCS est l’accès à un matériel spécifique. L’entraide et l’appartenance à un réseau semblent essentielles pour la poursuite vers le semis direct sous couvert (SCV) et le travail en bande (dans le cas de cultures en rang). En effet, l’échange de semences avec d’autres producteurs facilite le SCV pour le producteur P3. Pour les producteurs P2 et P3, la copropriété ou la mutualisation totale du matériel (respectivement en CUMA et avec des associés dans un cadre sociétaire) ont permis de financer le matériel (rampe de localisation à guidage optique et bineuse pour P2, strip till pour P3) pour le passage au travail en bande. Tous les deux progressent en s’informant régulièrement dans les groupes d’échanges (tour de plaine) dédiés aux TCS (mais aussi les ouvrages, magazines, forums..). Le producteur P6 quant à lui n’a pas accès à un semoir direct mais l’entraide (auto-construction avec un ami producteur) lui a permis de pratiquer le semis à la volée, qui s’apparente à l’intermédiaire66 entre le travail superficiel et le semis direct.

66 Les semences de petites tailles sont semées et germent à la surface du sol. Les opérations de semis et de recouvrement se font simultanément (2 passages au lieu d’un). Source : Revue Techniques Culturales Simplifiées, N°45, Novembre/Décembre 2007.

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Figure 8 : Les transitions agroécologiques s’appuyant sur la re-conception, type 5

Les agriculteurs modifiant leur système, en s’appuyant sur sa re-conception, démarrent en général à partir d’un assolement classique peu diversifié. Les producteurs le nomment classique car les cultures dominantes en Champagne Crayeuse sont la trilogie blé, orge, colza et les cultures de betteraves. Certains ont un assolement plus diversifié dès l’installation, avec des cultures comme le chanvre, le miscanthus (P7) ou la carotte (P6), grâce à des opportunités de contrats. La majorité s’étant installée en reprenant l’exploitation familiale, avant 2000 (7/10), l’assolement se compose des grandes cultures champenoises. Deux grandes manières de diversifier cet assolement se distinguent : l’introduction de nouvelles productions (animales, végétales) à l’échelle de l’exploitation, et l’association de cultures, à l’échelle de la parcelle.

Pour la plupart des producteurs, la transition vers les cultures associées est initiée par l’introduction de cultures intermédiaires, souvent liées à la Directive Nitrates qui promeut la couverture du sol en hiver pour limiter le lessivage des nitrates. Ces Cultures Intermédiaires Pièges A Nitrate (CIPAN), sont d’abord monospécifiques (essentiellement composée de moutarde) puis plurispécifiques. Cette diversification peut être liée à un passage au SCV (P3,

P1, P8), qui implique de travailler et raisonner l’intérêt des couverts végétaux, ou liée à un atelier d’élevage (prairies plurispécifiques pour P3, P5). Ces derniers se sont appuyés sur les ressources financières (aides) et l’entraide (échanges de semences) pour semer des couverts diversifiés. Au contraire, certains producteurs (P1, P8), ont pu, par moment, retourner vers

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des couverts d’une seule culture (souvent la moutarde), car les mélanges préconisés ne se développaient pas correctement. Le producteur P8 exprime l’inadaptation de certains couverts à son sol. L’extrait souligne également l’importance d’accéder à un matériel spécifique pour la conduite de certains couverts.

« On a tout essayé […] tant que t’es pas sur le terrain, sur ton terroir tu te

rends pas compte. Tu entends partout il faut faire du sarrasin, que c’est génial mais ici non c’est pas possible […] La légumineuse aussi, j’ai renoncé, trop cher et ça pousse pas en craie en fin aout […] Faudrait essayer autrement : les semer dans la

culture, mais avec le système que j’ai et le matériel que j’ai en ce moment c’est pas possible.» (Producteur 8) D’autres ressources sont apparues nécessaires pour progresser dans les cultures

associées. Dans les cas des producteurs bios P4 et P10 par exemple, l’appartenance à un réseau a permis le suivi de formations spécifiques (formations données par la FRAB) et l’intégration dans un groupe d’échanges, où ils ont pu apprendre des expériences des autres. Autrement, le producteur P6 pratique l’association de culture, mais par obligation. Il sème des graminées herbacées sous couvert de pois, pour une coopérative qui lui impose l’itinéraire technique. Initialement, il ne semblait pas être dans une logique de diversification des productions pour plus de durabilité mais, il a le projet d’expérimenter d’autres associations (colza-légumineuses pour réduire l’apport azoté) comme plusieurs de ses amis et collègues du GEDA.

L’introduction de nouvelles productions (animales, végétales) est un autre moyen de

diversifier l’assolement. Dans les cas des producteurs P4, P7, P10, l’introduction de l’élevage sert à augmenter à l’autonomie de la ferme. Produire une partie de ses intrants permet de réduire les coûts importants des fertilisants organiques, obligatoires dans le cadre de la conversion biologique de P4 et P10. Le fils du producteur P4 s’installera en 2016 en bovin viande. P7 n’a pas émis le souhait de se convertir, mais sa logique est similaire. Son épouse s’installera probablement en bovin viande, avec une race rustique valorisant les ressources naturelles locales. Pour mettre en place ces nouveaux ateliers d’élevage, le producteurs P10 s’est appuyé sur une formation dédiée à la vente directe (VD sur le schéma) dispensé par la FRAB. Cette dernière l’a également appuyé dans l’organisation d’une journée porte ouverte aux consommateurs. Etre constitué en GAEC facilite les économies d’échelle : il est envisageable que cela ait facilité l’introduction de la vente directe et de l’atelier d’élevage, qui demandent un investissement humain et financier. Le producteur P3 a décidé d’installer un élevage pour créer des revenus supplémentaires afin d’embaucher un salarié car il avait, à ce moment, des responsabilités croissantes dans l’interprofession de la filière chanvre. Les complémentarités agriculture-élevage sur son exploitation se traduisent par le pâturage de ses couverts par les brebis, qui permettent une diminution de l’utilisation de glyphosate et de la part des compléments dans la ration des brebis. Pour l’introduction de

nouvelles cultures, l’opportunité de contrats auprès des coopératives est souvent un facteur

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décisif pour les producteurs. Pour d’autres, les débouchés se créent en valorisant par la vente directe (P4, P10). L’accès à une diversité de matériel facilite la diversification, et est permise par la réduction des coûts (copropriété, CUMA, GAEC). Pour les producteurs P3 et P5, la mutualisation du travail a facilité la transition : la menthe poivrée est cultivée en commun (entraide) entre P5 et P10, et P3 a créé avec plusieurs collègues une banque de travail et une CUMA dédiées à la culture de chanvre. Dans le cas des producteurs P1 et P7, les nouvelles cultures remplacent des cultures exigeantes en PPS (notamment le colza).

Donc, la raison ou motivation ne détermine pas systématiquement les moyens que les producteurs mettent en œuvre pour réaliser leurs transition : l’accès à un matériel permet par exemple de réduire plus aisément ses intrants, même lorsque les motivations sont identiques. Dans certains cas cependant, il semblerait que les raisons expliquent que les producteurs mobilisent une diversité de ressources pour leur transition. Par exemple, la réduction d’intrants pour réaliser des économies peut induire une suppression d’intrants sans sélection précise, tandis que la réduction d’intrant dans le but de réduire les pollutions, incite à trouver les moyens alternatifs aux pesticides et fertilisants minéraux.

Toutefois, les raisons et les ressources mobilisées pour les transitions sont plus complexes en réalité et évoluent dans le temps. Il apparaît des situations de coexistence de

différentes transitions au sein d’une même exploitation. Les transitions, telles que représentées sur les schémas, ne soulignent pas cette coexistence, bien qu’elle soit pour la totalité des producteurs, une réalité. Ces transitions s’hybrident quand elles répondent aux mêmes objectifs, qu’elles s’appuient sur les mêmes ressources ou qu’elles répondent à des logiques agronomiques similaires. Par exemple, la réduction de l’utilisation des PPS, peut d’abord s’effectuer via l’efficience (bas volume), puis par la substitution (conversion AB) et s’accompagner d’une re-conception nécessaire dans le cas de la conversion AB (diversification de l’assolement).

Enfin, deux transitions agroécologiques sont directement traitées par le CIVAM et font

l’objet d’un accompagnement par celui-ci. Il s’agit d’abord de la mise en place d’IAE, qu’il accompagne depuis sa création. Certains membres du CIVAM se sont engagés dans la mise en place d’IAE suite à leur adhésion (P4) ou ont engagé une réflexion ou attendent des références sur l’intérêt d’une gestion ces IAE (P3, P7, P8). Il s’agit ensuite de l’adoption de pratiques favorables aux économies d'intrants grâce à la relocalisation du cycle des matières67. Il cite notamment les complémentarités cultures-élevage, les associations culturales, l’allongement des rotations, l’implantation de légumineuses, de couvert végétaux, l’agroforesterie…). Le groupe débute justement68 des réflexions collectives sur les cultures associées.

67 Il s’agit d’un des objectifs opérationnels du Casdar MCAE 2014-2016 et du GIEE. 68 La réunion du 23juin 2015 chez l’un des membres, a porté sur ce thème et s’est déroulée en présence de

l’INRA pour l’interprétation des résultats des expérimentations.

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Les actions collectives : un enchâssement de réseaux et

d’organisations autour du CIVAM Oasis

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Le tableau ci-dessus recense les actions collectives auxquelles les membres du CIVAM interrogés69 prennent part. Celles-ci sont distinguées en fonction du niveau qu’elles concernent : il peut s’agir d’action entre plusieurs membres du groupe et des organisations extérieures, des actions concernant l’ensemble du groupe ou des actions liées aux réseaux individuels des membres.

Les objets de l’action collective recensés favorisent directement ou indirectement l’avancée dans la transition agroécologique. Pour chaque niveau d’action collective, des raisons et des conditions ont pu être mises en évidence pour étudier les dynamiques de ces dernières.

Les relations reliant plusieurs membres du groupe à une organisation extérieure (groupes de développement, associations, coopératives) permettent majoritairement aux agriculteurs d’accéder à de l’information, des formations ou des expérimentations (cultures associées, matériel). Il s’agit de réseaux portant des thématiques techniques au sujet desquelles les agriculteurs souhaitent progresser : les TCS, l’agriculture biologique (FRAB) ou la réduction d’intrants (DEPHY Ecophyto70). La participation à ces réseaux est largement permise par un réseau socioprofessionnel déjà structuré.

Les actions collectives strictement internes au groupe relèvent de l’entraide, via des échanges de matériel, de semences ou de paille-fumier. Ces échanges ont été favorisés par la participation au CIVAM : les producteurs P6 et P4 par exemple, sont voisins et se sont connus avant le CIVAM, mais ne se fréquentaient pas. Malgré une forte opposition à l’agriculture biologique, le producteur P6, au contact du CIVAM et de nombreuses réunions sur les pratiques de désherbages alternatives (sans recours aux herbicides), tente la dynamisation d’adventices71 grâce au matériel du producteur P4. Le CIVAM fait ainsi apparaître des problématiques communes, des initiatives de travail ou d’achat en commun. En effet, le CIVAM permet de remplir certaines conditions qui semblent nécessaires aux actions collectives recensées, notamment l’interconnaissance, la révélation de besoins complémentaires ou de préoccupations communes (exemple des échanges de pailles fumier en cas de problème d’approvisionnement, ou des échanges de semences en cas de couverts végétaux en TCS). Toutefois, en tant que groupe, peu d’actions collectives sont recensées. Des projets communs à l’ensemble du groupe débutent (réflexion collective, soutien à un membre) mais le GIEE s’est constitué récemment et les actions collectives semblent nécessiter du temps pour émerger. L’interconnaissance entre tous les membres est en cours mais la distance géographique peut représenter un frein, même lorsque les conditions pour l’action collective sont réunies. Les producteurs P2 et P10 ont par exemple un intérêt commun pour les IAE, la biodiversité et utilisent tous les deux les leviers de l’agriculture biologique

69 Les actions collectives recensées ne sont pas exhaustives et ne concernent que celles citées par les

agriculteurs pendant les entretiens (10 agriculteurs, juin 2015).Les lettre majuscules représentent des membres du CIVAM qui n’ont pas été interrogés mais cités lors des entretiens.

70 Le réseau DEPHY est un instrument national pour atteindre les objectifs du plan Ecophyto 2018, qui vise à réduire l’utilisation des produits phytosanitaires d’ici 2018.

71 Pratique biodynamique de vaporisation sur une adventice, d’une solution contenant des extraits de cette même plante. (Source : entretien avec P6)

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pour réduire les PPS, mais résident loin l’un de l’autre, comme le montre la carte ci-dessous (figure 11).

Figure 9 : Localisation des exploitations du CIVAM Oasis

Le CIVAM étant réparti sur deux départements, deux sous-groupes se dessinent (Figure 9).

Sept exploitations se situent dans le département de la Marne et peuvent se distinguer en deux sous-groupes. Le premier est constitué des producteurs P6, P7, P4, P8, dont les exploitations se situent proche du siège du CIVAM à Châlons en Champagne. Le second est constitué des producteurs P5, P10 et P9. Ces deux sous-groupes correspondent également à deux zones au contexte pédoclimatique différents. Le premier sous-groupe se situe en Champagne dite Crayeuse, pour épaisse couche de craie blanche et tendre qui caractérise le substrat géologique (De La Teyssonnière, 2014). Le second groupe se situe en Champagne Humide, dépression humide formée par des craies argileuses. Les sols de Champagne Crayeuse (rendzines et sols bruns principalement) sont pauvres en éléments fertilisants (faible CEC) et les engrais solubles sont rapidement lessivés en profondeur (pH basique, faible taux de matière organique). Ainsi, les producteurs de cette zone peuvent être confrontés aux mêmes contraints pédologiques et cela peut favoriser des échanges. De la même manière, les exploitations en Champagne Humide, travaillent des sols (bruns calcaires sur craie marneuse) présentant les mêmes contraintes (labours de printemps et récoltes tardives difficiles sur sols argileux). Ainsi, ce contexte commun favorise les échanges entre le producteur P7 et P10. P10

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le sollicite souvent pour des conseils agronomiques, notamment autour de questions d’introduction de culture (maïs), de conduite des cultures d’hiver (escourgeon, blé) ou d’adaptation de certains matériels selon les conditions pédoclimatiques. Les producteurs X et P6 échangent des semences de trèfles dans le cadre d’associations de cultures pour X et de couverts plurispécifiques pour P6. Les producteurs P6 et P4, au-delà de leur différence en termes de conduite technique (AB et conventionnel), sont voisins et ont pu ainsi échanger du matériel (dynamisation). En plus d’une proximité géographique (25km) et en termes de conduite technique (AB), les producteurs P5 et P7 ont acheté en commun du matériel pour favoriser leurs échanges paille-fumier (menues pailles pour le digesteur de P5, fumier pour les cultures de P7). Ils profitent ainsi de contextes pédologiques complémentaires (avec un sol argilo-calcaire chez P7, il lui est impossible d’implanter de la luzerne, qui P5 peut cultiver sur son sol calcaire).

Toutefois, la proximité géographique n’est pas systématique un facteur expliquant l’émergence de forme d’action collective. Les trois exploitations figurant en rouge sur la carte sont les trois producteurs de l’Aube. Leurs exploitations sont relativement proches, surtout en comparaison aux autres membres du groupe. Ces derniers n’ont toutefois pas rapporté d’échanges particuliers en dehors des activités du CIVAM, à part d’éventuelles rencontres lors de réunions de coopérative entre P1 et P3 à la Chanvrière de l’Aube.

Les actions collectives entre un membre et l’extérieur relèvent des réseaux

individuels. Ces réseaux n’impliquent pas plus d’un membre du CIVAM. Si celles-ci ne sont pas initialement toujours destinées à s’engager dans les transitions agroécologiques, elles préexistent et sont des moyens facilitant les transitions. C’est le cas notamment des producteurs ayant mutualisé les facteurs de production (matériel, foncier, travail). Cela permet de réaliser des investissements onéreux dans des matériels spécifiques à travers la copropriété quand il n’existe pas de CUMA, ou de faciliter les chantiers (P3, P2, P1, P5, P10). Les économies réalisées peuvent permettre de financer un salaire supplémentaire pour la création d’activité via l’embauche (P3, P2). Etant donné qu’il s’agit d’activités liées directement à l’exploitation, la condition la plus récurrente semble être la proximité géographique. Les actions collectives d’entraide nécessitent une flexibilité et une proximité (déplacer le matériel pour les échanges, mise à disposition d’une parcelle pour les apiculteurs). Cette proximité est également sociale dans le sens où l’interconnaissance ou une expérience antérieure de mutualisation peut-être un moyen facilitant l’échanges : les producteurs P9 et P3 ont mutualisé leur matériel de TCS ou SCV avec d’autres céréaliers, puis pratiquent ensemble les échanges de couverts. Le producteur P9 échange de la paille contre du fumier auprès d’un éleveur pour lequel il fait de la prestation de service depuis longtemps.

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Figure 10 : Schéma des organisations du réseau du CIVAM Oasis

Le schéma ci-dessus figure le premier niveau d’action collective du tableau en figure

10. Sont schématisés les réseaux auxquels appartiennent ou ont appartenu plusieurs membres du CIVAM. Il peut être distingué 3 types de réseaux :

- Des réseaux ayant un recouvrement partiel avec le CIVAM : les groupes d’échanges dédiés à l’accompagnement des changements de pratiques, par la construction de références et la production collective de connaissances. Le groupe DEPHY Ecophyto est un réseau de fermes volontaires engagées pour la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires (PPS). Dans la Marne, il est accompagné par la coopérative céréalière Vivescia et un conseiller Chambre d’agriculture. Il a mis à disposition des producteurs P7 et Y des outils facilitant la réduction d’intrants (matériel de désherbage mécanique, conseils sur PPS à supprimer) entre 2008 et 2011. L’association Terr’Avenir accompagne les agriculteurs dans la certification ISO 14001, pour l’amélioration du management environnemental de la ferme (sécurité au travail, pollutions, réduction d’intrants..). Celle-ci est constituée d’agriculteurs et fonctionne comme un groupe d’échanges où sont aussi dispensées des formations72, ont lieu des visites de fermes ou de sites expérimentaux. Le GEDA réunit des agriculteurs et un conseiller technique, autour des problématiques techniques. Les producteurs P6 et P8 animent le sous-groupe départemental thématique « fertilité des sols », dédié aux TCS. La FRAB est une association accompagnant les agriculteurs convertis à l’AB. Celle-ci fonctionne comme un groupe d’échanges, mais occupe aussi une fonction syndicale, commerciale (structuration de filières territoriales).

72 Une des formations a été réalisée chez le producteur P2, qui n’appartient pas à l’association mais qui est connu dans la Marne pour la mise en place d’IAE dès les années 2000. Cela permet d’avoir des IAE assez développées pour les étudier (visites de scolaires, de BTS agricoles sur sa ferme).

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- Des partenariats pour le financement et l’expertise : la Fédération de chasse installe des haies et conseille sur les essences à planter dans les IAE (programme AGRIFAUNE73). Puisque la biodiversité favorise le gibier, il existe des partenariats entre les agriculteurs et la fédération.

- Des lieux de rencontres en dehors du CIVAM : c’est le cas de l’association de préfiguration du PNR de l’Argonne (Parc Naturel Régional) et de la coopérative chanvrière. Dans ces lieux, des membres CIVAM ont fait connaître le CIVAM et adhérer des nouveaux membres. Ce sont ces lieux qui permettent une interconnaissance, favorable à l’adhésion de certains.

Les membres cumulant le plus de liens sont les membres historiques (P1, P7, P10). Ils ont en effet constitué le CIVAM à partir de leurs propres réseaux. C’est en effet ceux qui ont entamé une transition agroécologique dès leur installation, et se sont appuyés sur ces mêmes réseaux pour l’accompagner. Il apparaît des individus cumulant peu de relations : les membres Y et X n’ont pas été interrogés mais ont seulement été évoqués par les autres membres du groupe, leur réseau ne sont pas représentés.

CONCLUSION : les spécificités du CIVAM Oasis

L’appartenance à plusieurs réseaux apparaît être un moyen de trouver des informations et des compétences inexistantes dans les institutions agricoles classiques. Les connaissances, liées à de nouvelles pratiques ou encore au rôle de la biodiversité, sont peu développées dans les instances agricoles. Les agriculteurs s’engageant dans ces transitions ont donc besoin de mobiliser une diversité de relations, d’arrangements et de réseaux (en quantité et en diversité).

Le schéma figure 10 montre que les agriculteurs s’appuient sur d’autres réseaux que le CIVAM Oasis. Ces réseaux ont des thématiques communes avec le CIVAM mais il semble tout de même être un lieu unique à plusieurs titres.

D’abord, le CIVAM semble être l’unique groupe d’agriculteurs où sont évoquées les

questions de biodiversité et d’IAE, à partir d’une posture particulière, propre au réseau CIVAM. Ce dernier aborde les questions de biodiversité en agriculture sans les considérer comme des contraintes. L’animateur incite les agriculteurs à considérer les IAE et la biodiversité comme des opportunités pour augmenter leur autonomie. Le CIVAM se présente comme le seul à ne pas uniquement aborder des questions agricoles. « On est le seul groupe

où on parle d’autre chose que d’agriculture et pas de la même manière (…) pas seulement des aspects réglementaires, techniques, économiques de manière terre à terre, comme une

contrainte » (animateur du CIVAM). De la même que le CIVAM adopte une posture originale et met en place des

techniques d’animation qui semblent uniques, en regard de celles proposées dans les autres

73 Le partenariat Agrifaune réunit des agriculteurs, des chasseurs et a mis en place des plates-formes d’essai pour étudier les couverts et leurs impacts la faune sauvage. Source : http://www.agrifaunechampagneardenne.com/Pratiques-agricoles/cultures-intermediaires-faunistiques.html

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groupes d’échanges ou de développement de son réseau. La FNCIVAM est agréée comme association nationale de jeunesse et d'éducation populaire (arrêté ministériel du 24 novembre 197874). Le CIVAM utilise les méthodes de l’éducation populaire, qui sont « un héritage du

réseau et une revendication » (animateur du CIVAM), afin de favoriser la créativité des agriculteurs dans leur manière de chercher et proposer des solutions.

De plus, le CIVAM dispose d’un réseau diversifié, composés d’acteurs non-

agricoles. Il apparaît dans les entretiens que les autres réseaux qui recouvrent partiellement le CIVAM ne multiplient pas autant de partenariats avec des organisations non agricoles. Le CIVAM paraît être le seul à travailler à la fois avec des organismes liés à la formation (Lycée, DRAAF, FRAB), liés à l’environnement (associations naturalistes, associations citoyenne PNR Argonne), aux collectivités territoriales. Le CIVAM est alors un lieu où les enjeux de biodiversité et d’agroécologie sont envisagés selon plusieurs points de vue, et pas seulement des points de vue purement agricoles comme cela peut-être le cas dans les autres groupes d’agriculteurs (Chambre d’agriculture, DEPHY Ecophyto, Vivescia Agrosol). L’hétérogénéité de ses membres rend également le CIVAM singulier, dans la mesure où il est un lieu de rencontre entre une diversité de profils, qui n’ont pas l’habitude d’échanger.

Enfin, le CIVAM entretient des relations étroites et horizontales avec la

recherche. Le besoin mutuel de production de connaissances sur le thème de la biodiversité en grandes cultures permet d’avoir des relations horizontales, où l’espace de décision de chacun est respecté.

« Si nous avons mobilisé l’expertise scientifique et technique, c’était avant tout pour affiner nos propres choix […] Ces premiers résultat [issus des suivis de biodiversité depuis la création du CIVAM], bien qu’enthousiasmants, ont montré nos limites et notre besoin de nous associer à la recherche scientifique, mais sans déléguer notre travail, tout en restant des

«débroussailleurs » (Actes du Colloque Agroécologie et Biodiversité, 2014) Adhérer au CIVAM permet alors de multiplier ses relations, de pénétrer dans divers

réseaux et ainsi de multiplier les opportunités (arrangements entre agriculteurs, réseaux pour l’information, les formations, les échanges d’expériences…) facilitant les transitions agroécologiques.

74 Source : FNCIVAM, 1999, L’histoire des CIVAM, un demi-siècle au service des agriculteurs et des ruraux,

88p.

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Résumé

Le « projet agroécologique pour la France » lancé en 2012 par le Ministère de l’Agriculture place l’agroécologie est au cœur des enjeux politiques, scientifiques et environnementaux actuels.

La Fédération Nationale des Coopératives d’Utilisation du Matériel Agricole (FNCUMA) constate depuis peu que les collectifs d’agriculteurs qu’elle accompagne, sont au cœur de différentes formes d’actions collectives, parfois afin d’appuyer leur transition vers des systèmes agroécologiques. Au travers du projet CapVert, la FNCUMA souhaite caractériser ces nouvelles formes organisationnelles afin de mieux les accompagner. Dans ce but, la FNCUMA et les organisations agricoles partenaires, proposent à travers le projet CapVert de construire des outils facilitant ce renouvellement de leurs pratiques d’accompagnement.

Dans ce cadre, ce stage a consisté à concevoir un outil d’analyse permettant d’apprécier l’influence des actions collectives sur les transitions agroécologiques. Ce mémoire fait état d’un travail réalisé en binôme. Une revue bibliographique a d’abord permis d’enrichir la grille d’analyse conçue lors du précédent stage. Les nouvelles variables visent à repérer les dimensions à l’œuvre dans une transition agroécologique ainsi que les ressources mobilisées par les groupes pour lever les contraintes à leurs transitions. La nouvelle grille d’analyse a été validée grâce à une mise à l’épreuve sur quatre terrains. Une dernière phase a consisté à élaborer un protocole d’utilisation du nouvel outil à destination des institutions accompagnant les collectifs en transition.

Ce mémoire présente l’analyse et la discussion des résultats obtenus sur deux études de cas, en Champagne-Ardenne et en Languedoc-Roussillon. Pour créer les conditions favorables au développement de systèmes agroécologiques, il apparaît nécessaire de soutenir les collectifs d’agriculteurs et les structures qui les accompagnent, pour permettre de nouveaux apprentissages et le renouvellement des compétences.

Mots clés : Accompagnement, action collective, agroécologie, changement de

pratiques, CapVert, Coopération Agricole de Production (CAP), outil d’analyse, transition agroécologique

Pour citer cet ouvrage : Gratacos Casilde, (2015). Déterminants agronomiques et de l’action collective dans la transition agroécologique : contribution à la conception d’un outil d’analyse. Applications aux cas du CIVAM Empreinte (Languedoc-Roussillon) et du CIVAM Oasis (Champagne-Ardenne), diplôme Master d’Ecole d’Ingénieur, Développement Agricole et Rural au Sud, Ressources, Systèmes Agricoles et Développement, Montpellier SupAgro, 180 pages

Montpellier SupAgro, Centre international d'études supérieures en sciences agronomiques de Montpellier, 2 place Pierre Viala, 34060 Montpellier cedex 02. http://www.supagro.fr