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Lettre du tribunal administratif de Paris Sélection de décisions rendues d’avril à juillet 2018 N°54 – JUILLET/AOÛT 2018 A LIRE DANS CE NUMERO : La publication en ligne d’une sanction prononcée par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ne constitue pas une nouvelle sanction. Avec les conclusions de Pierre Le Garzic, rapporteur public Quel contrôle exerce le juge administratif sur la décision de la ministre de la culture refusant à un chercheur la consultation anticipée des archives publiques émanant du Président de la République ? Avec les conclusions de Laure Marcus, rapporteur public L’abrogation en cours d’instance de la décision refusant de reconnaître le caractère définitif d’une inaptitude physique n’entraîne pas un non lieu à statuer dès lors que cette abrogation ne comporte pas des effets équivalents à ceux qu’aurait produit une reconnaissance définitive de l’inaptitude du requérant à la date de la décision contestée. Avec les conclusions de Monique Salzmann, rapporteur public

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Lettre du tribunal administratif de Paris

Sélection de décisions rendues d’avril à juillet 2018

N°54 – JUILLET/AOÛT 2018

A LIRE DANS CE NUMERO : La publication en ligne d’une sanction prononcée par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ne constitue pas une nouvelle sanction. Avec les conclusions de Pierre Le Garzic, rapporteur public Quel contrôle exerce le juge administratif sur la décision de la ministre de la culture refusant à un chercheur la consultation anticipée des archives publiques émanant du Président de la République ? Avec les conclusions de Laure Marcus, rapporteur public L’abrogation en cours d’instance de la décision refusant de reconnaître le caractère définitif d’une inaptitude physique n’entraîne pas un non lieu à statuer dès lors que cette abrogation ne comporte pas des effets équivalents à ceux qu’aurait produit une reconnaissance définitive de l’inaptitude du requérant à la date de la décision contestée. Avec les conclusions de Monique Salzmann, rapporteur public

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SOMMAIRE

DOMAINE Les installations foraines du jardin d’acclimatation sont des « biens de retour » qui deviennent propriété de la ville de Paris en fin de concession.

DROITS DES PERSONNES ET DES LIBERTES Quel contrôle exerce le juge administratif sur la décision de la ministre de la culture refusant à un chercheur la consultation anticipée des archives publiques émanant du Président de la République ?

ECONOMIE La publication en ligne d’une sanction prononcée par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ne constitue pas une nouvelle sanction.

La mention « huîtres grand cru » affichée par une entreprise constitue une pratique commerciale trompeuse si cette entreprise ne justifie pas des mesures mises en œuvre pour sélectionner les huîtres afin d’en assurer une qualité supérieure.

EDUCATION/RECHERCHE Un étudiant ayant renoncé au bénéfice effectif d’une bourse sur critères sociaux à laquelle il avait droit ne peut être regardé comme ayant utilisé un droit à bourse au titre d’une année universitaire donnée.

ETRANGERS En vertu du paragraphe 1 de l’article 13 du règlement 604/2013 dit « Dublin III » l’Etat membre dans lequel le demandeur d’asile est irrégulièrement entré pour la première fois en provenance d’un Etat tiers n’est responsable de la demande d’asile que pendant un délai de 12 mois. Passé ce délai le demandeur d’asile ne peut plus être transféré une nouvelle fois vers cet Etat membre. Le juge exerce un contrôle normal de la mise en œuvre par le préfet des conditions auxquelles est subordonnée la délivrance d’une autorisation de travail à un étranger.

FISCAL Lorsque l’administration remet en cause le bénéfice de l’abattement sur les gains nets réalisés sur une cession de titres par un dirigeant de société partant à la retraite au motif qu’il ne s’est pas conformé à la condition posée par l’article 150-0 D ter du CGI de cesser ses fonctions dans les deux ans, l’imposition est exigible au titre de l’année d’échéance du délai de deux ans mais elle est établie selon les dispositions en vigueur à la date de la cession . Médiapart n’est pas fondé à demander le bénéfice du taux réduit de TVA réservé à la presse imprimée. Le tribunal prononce néanmoins la décharge des pénalités pour manquement délibéré dont ont été assortis les rappels de taxe.

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Une société civile immobilière qui se voit délivrer un permis de construire pour l’édification sur un terrain dont elle propriétaire d’un lycée privé par un organisme de gestion d’une école catholique n’est pas fondée à demander l’exonération de la taxe locale d’équipement. Une société sise à Saint-Barthélemy, et dès lors placée hors du champ d’application territorial du code général des impôts, fait partie des « personnes qui n’ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France » au sens du 2 de l’article 119 bis du code général des impôts.

Est régulièrement émis l’avis de mise en recouvrement adressé à une société liquidée dont un mandataire à même de la représenter n’est désigné par le juge que postérieurement à cet avis

FONCTION PUBLIQUE Le montant de la part « résultats » de la prime de fonctions et de résultats dont bénéficient les personnels de direction des établissements hospitaliers peut être diminué au prorata des jours pendant lesquels l’agent était en congé maladie. L’exclusion des agents qui remplissent les conditions requises pour partir à la retraite à taux plein du bénéfice de l’indemnité de licenciement versée aux personnels des chambres de commerce et d’industrie en cas de suppression d’emploi constitue une discrimination fondée sur l’âge en matière d’emploi, prohibée par l’article 2 de la loi du 27 mai 2008. Les dispositions du 8° de l’article 149 du statut du personnel de la RATP, qui prévoient au bénéfice de l’employeur, la possibilité de modifier unilatéralement le contrat de travail des agents à titre disciplinaire, ne portent pas, compte tenu de l’économie générale de ce statut, une limitation excessive au principe général d’immutabilité du contrat du travail.

MARCHES/CONTRATS Lorsque, dans le cadre d’une procédure adaptée, le pouvoir adjudicateur se réserve la possibilité d’engager une phase de négociations avec tout ou partie des candidats, le principe d’égalité ne lui impose pas de négocier sur les mêmes éléments avec tous les candidats, compte tenu des notes obtenues par chacun lors de la notation provisoire. Le juge vérifie néanmoins que les négociations laissaient la possibilité à chacun des candidats de formuler l’offre finale la mieux disante.

POLICE Le tribunal annule l’arrêté du préfet de police du 6 avril 2017 définissant les modalités de contrôle d’identité par les officiers de police judiciaire. Le tribunal confirme la légalité des arrêtés du 24 juin 2016 et 14 janvier 2017 du préfet de police, interdisant la circulation des véhicules à moteur dont le niveau d’émission de polluants atmosphériques méconnaît les normes européennes.

PROFESSIONS L’abrogation en cours d’instance de la décision refusant de reconnaître le caractère définitif d’une inaptitude physique n’entraîne pas un non lieu à statuer dès lors que cette abrogation ne comporte pas des effets équivalents à ceux qu’aurait produit une reconnaissance définitive de l’inaptitude du requérant à la date de la décision contestée.

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POUVOIRS PUBLICS La juridiction administrative est incompétente pour connaître de la légalité de la décision par laquelle le Président de l’Assemblée nationale signe avec le Président du Bundestag un accord de coopération entre les deux assemblées.

SANTE PUBLIQUE Le tribunal rejette le référé liberté par lequel une ressortissante française demande la restitution des gamètes de son compagnon décédé, en vue de procéder à une insémination post-mortem à l’étranger.

TRANSPORTS Le préjudice subi par les taxis à la suite de l’ouverture du marché des VTC n’est pas indemnisable, faute de présenter un caractère « spécial ».

TRAVAIL ET EMPLOI Pour le calcul de la prescription de l’action disciplinaire fixée à deux mois par les dispositions de l’article L. 1332-4 du code du travail, la date d’engagement des poursuites disciplinaires correspond en cas de licenciement à la date d’envoi au salarié de la lettre le convoquant à l'entretien préalable.

URBANISME L’administration peut s’opposer pour des raisons d’intérêt général à la demande de rétrocession d’un bien irrégulièrement préempté. Dans les zones d’anciennes carrières de Paris les projets d’installation d’une antenne de téléphonie mobile doivent être soumis à l’inspection générale des carrières.

Directeur de la publication : Claire Jeangirard-Dufal, président du TA de Paris. Comité de rédaction : Anne Baratin, Pierre Le Garzic, Jean-Christophe Gracia, Laure Marcus, Anne-Gaëlle Mauclair, Antoine Mendras, , Alexandre Segretain. Secrétariat de rédaction : Rajaa Azirar, Isabelle Dorothée. Crédit photographique : Tribunal administratif de Paris. Obtenir la copie d’une décision, s’abonner à la Lettre ou demander la communication de conclusions du rapporteur public : [email protected]. Conditions générales disponibles sur le site internet du Tribunal.

7, rue de Jouy 75181 Paris cedex 4 - Tél. 01.44.59.44.53 - Courriel : [email protected] Cette lettre est disponible sur le site internet du Tribunal : http://paris.tribunal-administratif.fr/

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DOMAINE Les installations foraines du jardin d’acclimatation sont des « biens de retour » qui deviennent propriété de la ville de Paris en fin de concession. La société Le Jardin d’acclimatation a conclu avec la ville de Paris, le 6 décembre 1995, une convention en vue de l’exploitation du « jardin d’acclimatation » au bois de Boulogne pour une durée de vingt ans. La société Le Jardin d’acclimatation a elle-même conclu des sous-conventions pour l’exploitation des attractions payantes du parc. La société Ludo vert s’est vu confier l’exploitation d’installations foraines par une convention d’une durée initiale de quatorze ans, portée par un avenant, à la « durée ferme » de la concession dont la société Le Jardin d’acclimatation était alors titulaire, soit jusqu’au 5 décembre 2015. La durée de la convention la liant à la ville de Paris ayant été prolongée, par un avenant du 6 décembre 2015, au 5 septembre 2016, la société Le Jardin d’acclimatation a proposé à la société du Ludo vert de signer un avenant à la convention de sous-concession pour poursuivre l’exploitation des manèges installés par cette dernière à compter du 6 décembre 2015. La société Ludo vert, qui a refusé la conclusion de cet avenant, compte tenu de celles de ses stipulations qualifiant les matériels exploités par elle de « biens de retour », a entrepris de procéder à leur démontage le 18 janvier 2016. La société Le Jardin d’acclimatation a alors informé les personnels de la société Ludo vert que leurs contrats de travail lui étaient transférés et leur a enjoint de cesser tous travaux de démontage. La société Ludo vert a porté le litige devant le tribunal en lui demandant d’annuler la décision de résiliation du contrat et d’enjoindre à la société Le jardin d’acclimatation la reprise des relations contractuelles. Le tribunal a jugé que de telles conclusions ne sauraient prospérer dès lors que la fin des relations contractuelles entre la société Ludo vert et la société Le Jardin d’acclimatation ne résultait pas de la résiliation de la convention qui les liait mais de l’intervention du terme contractuel de cette dernière. Le tribunal a considéré que la poursuite de l’exploitation des installations foraines par la société Ludo vert au delà de la date de la validité de la convention ne pouvait utilement être invoquée à l’encontre de cette solution. Après avoir relevé que la société Le Jardin d’acclimatation avait proposé à la société Ludo vert un avenant à sa convention afin d’en prolonger la durée au-delà de son terme contractuel initial, le tribunal a jugé que la société requérante, qui avait refusé de signer cet avenant au motif qu’il stipulait que ses installations foraines constituaient des biens de retour, n’était pas fondée, en tout état de cause, à contester une prétendue décision de refus de renouvellement de la sous-concession, alors qu’elle ne tenait d’aucune stipulation de sa convention un droit à renouvellement dans des termes identiques. La société Ludo vert demandait, en outre, l’annulation de la décision par laquelle la société Le jardin d’acclimatation avait repris l’exploitation des installations foraines « en régie » et avait transféré à sa charge les contrats de travail des salariés de son ancienne sous-concessionnaire. Le tribunal a également rejeté ces conclusions en se fondant sur les principes dégagés par la décision d’Assemblée du Conseil d’Etat du 21 décembre 2012, commune de Douai, n° 342788, publiée au recueil. Lorsque des ouvrages nécessaires au fonctionnement du service public, et constitutifs d'aménagements indispensables à l'exécution des missions de ce service public, sont établis sur la propriété d'une personne publique, ils relèvent de ce fait du régime

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de la domanialité publique. A l'expiration de la délégation de service public ou de la concession de travaux, les biens qui sont entrés dans la propriété de la personne publique et ont été amortis au cours de l'exécution du contrat font nécessairement retour à celle-ci gratuitement. Après avoir relevé que l’activité portant sur l’exploitation d’installations ludiques et de détente, sportives et culturelles, concédée par la ville de Paris à la société Le Jardin d’acclimatation et exercée sous le contrôle de la ville de Paris, constitue une mission de service public et le tribunal a jugé que les installations foraines de la société Ludo vert étaient devenues, dès la fin de la validité de sa convention, des « biens de retour » à l’égard de la ville de Paris, prise en sa qualité de propriétaire du domaine d’exploitation. TA Paris, 4ème section, 1ère chambre, 15 mars 2018, n° 1601566, Société Ludo Vert Lire le jugement

Sommaire

DROITS DES PERSONNES ET DES LIBERTES Quel contrôle exerce le juge administratif sur la décision de la ministre de la culture refusant à un chercheur la consultation anticipée des archives publiques émanant du Président de la République ? L’article L. 213-3 du code du patrimoine prévoit que l’administration des archives peut autoriser les personnes qui en font la demande à consulter des documents d'archives publiques avant l'expiration des délais fixés au I de l'article L. 213-2 dans la mesure où l'intérêt qui s'attache à la consultation de ces documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger . L’administration des archives doit recueillir l’accord de l'autorité dont émanent les documents. L’article L. 213-4 du même code précise s’agissant du versement des documents d'archives publiques émanant du Président de la République ou de ses collaborateurs qu’il peut être assorti de la signature entre la partie versante et l'administration des archives d'un protocole relatif aux conditions de traitement, de conservation, de valorisation ou de communication du fonds versé, pendant la durée des délais prévus à l'article L. 213-2. L’accord de la partie versante requis pour autoriser la consultation est en ce cas donné par le signataire du protocole. M. G., qui effectue des recherches en vue de la publication d’un ouvrage sur la politique africaine du président François Mitterrand en Afrique centrale, a présenté le 7 avril 2015 auprès de la ministre de la culture et de la communication, à titre dérogatoire, une demande de consultation de certaines des archives présidentielles de François Mitterrand et de ses proches collaborateurs non encore librement communicables et conservées aux Archives nationales. Cette autorisation supposait en application des dispositions de l’article L. 213-4 du code du patrimoine l’autorisation de la mandataire désignée par François Mitterrand. Celle-ci a refusé la consultation de certains documents. Le requérant a formé un recours contre le refus partiel de consultation qui lui a été alors opposé par le ministre de la Culture.

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Il a assorti son recours en excès de pouvoir d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 213-4 du code du patrimoine, laquelle a été rejetée par décision n°2017-655 du 15 septembre 2017. Le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution ces dispositions. Après avoir en conséquence écarté le moyen tiré de l’atteinte par ces dispositions aux droits et libertés garantis par la Constitution. le tribunal a été amené à préciser les conditions du contrôle du juge administratif sur la décision de refus de consultation anticipée des archives publiques émanant du président de la République prise sur le fondement de l’article L.213-4 du code du patrimoine. Même s’il a considéré que la ministre de la culture se trouvait en compétence liée pour refuser la consultation des documents d’archives pour lesquels la mandataire du fonds n’avait pas donné son accord, il a toutefois examiné les moyens tirés de la régularité et du bien-fondé de ce refus opposé par la mandataire. Il a écarté le moyen tiré d’une erreur manifeste d’appréciation estimant que le requérant ne justifiait pas que l’intérêt que présenterait la consultation de ces archives avant l’expiration du délai prévu par le code du patrimoine, qui expire en l’espèce en janvier 2021, serait supérieur aux intérêts liés notamment au respect de la vie privée, de la sécurité de l'État et de la prévention de troubles à l’ordre public que la loi, en fixant des délais à cette consultation, a entendu ainsi protéger. TA Paris, 5ème section, 1ère chambre, 17 mai 2018, n° 1608472, M. G., C+ Lire le jugement et les conclusions de Mme Laure Marcus

Sommaire

ECONOMIE

La publication en ligne d’une sanction prononcée par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ne constitue pas une nouvelle sanction. M. A. a fait l’objet d’une sanction prononcée par la commission des sanctions de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) qui lui a interdit d’exercer l’activité d’intermédiation en assurances pendant une durée de dix ans, lui a infligé une amende de 10 000 euros et a également prévu que « la décision sera publiée au registre de l’ACPR et pourra être consultée au secrétariat de la commission ». M. A. a estimé qu’il faisait l’objet, du fait de la mise en ligne du registre de l’ACPR sur son site internet, d’une sanction complémentaire non prévue par la décision. Mettant en cause la responsabilité pour faute de cette autorité, il a demandé au Tribunal de condamner l’Etat à lui verser une indemnité réparant le préjudice économique et moral qu’il a subi en raison de cette publication en ligne de la sanction. Le tribunal a rejeté la requête en se fondant sur les dispositions réglementaires applicables L’article L. 612-1 du code monétaire et financier prévoit que l’ACPR peut porter à la connaissance du public toute information qu'elle estime nécessaire à l'accomplissement de ses missions, et l’article L. 612-41 prévoit que la sanction est rendue publique dans les publications, journaux ou supports qu'elle désigne, dans un format proportionné à la faute

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commise et à la sanction infligée. Toutefois, lorsque la publication risque de perturber gravement les marchés financiers ou de causer un préjudice disproportionné aux parties en cause, la décision de la commission peut prévoir qu'elle ne sera pas publiée. Par ailleurs, l’article 16 du règlement intérieur de la commission des sanctions de l’ACPR prévoit que ses décisions sont publiées sur son site internet. Ainsi, en application de ces dispositions le tribunal, après avoir relevé que cette publication était proportionnée à la gravité des fautes commises par l’intéressé, a jugé que l’ACPR n’avait commis aucune faute en publiant la sanction concernant M. A. sur son site internet.

TA Paris, 2ème section, 1ère chambre, 22 mai 2018, n° 1620890 et n° 1717975, M. A. Lire le jugement et les conclusions de M. Pierre Le Garzic

Sommaire

La mention « huîtres grand cru » affichée par une entreprise constitue une pratique commerciale trompeuse si cette entreprise ne justifie pas des mesures mises en œuvre pour sélectionner les huîtres afin d’en assurer une qualité supérieure. Les articles L. 121-1 et L.121-2 du code de la consommation proscrivent les pratiques c o m m e r c i a l e s t r o m p e u s e s qui reposent sur des allégations, indications, présentations fausses ou de nature à induire en erreur, notamment lorsqu’elles portent sur les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication. Un agent de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes avait enjoint à la société requérante exerçant dans le secteur de la restauration de retirer de la carte de ses plats ainsi que de ses documents à fin commerciale et publicitaire la mention « huîtres grand cru », au motif qu’elle caractérise une pratique commerciale trompeuse au sens des dispositions du 2° de l’article L. 121-2 du code de la consommation. Saisi par cette entreprise le tribunal confirme la légalité de la décision de l’administration. Il relève que la mention « grand cru » implique que le consommateur peut s’attendre, au vu de cette seule mention, à ce que le produit bénéficie de caractéristiques spécifiques, liées notamment à ses qualités organoleptiques, à sa composition et à son origine. La société ne justifiant pas des mesures mises en œuvre pour sélectionner les huîtres qu’elle qualifie de « grand cru » et pour déterminer leur origine afin d’en assurer une qualité supérieure, le tribunal a considéré que la mention n’est que la désignation d’une marque commerciale et est de nature à induire en erreur les consommateurs sur les caractéristiques essentielles du produit. TA Paris, 2ème section, 1ère chambre, 12 juin 2018, n° 1622062, Sté Noviga Lire le jugement

Sommaire

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EDUCATION/RECHERCHE

Un étudiant ayant renoncé au bénéfice effectif d’une bourse sur critères sociaux à laquelle il avait droit ne peut être regardé comme ayant utilisé un droit à bourse au titre d’une année universitaire donnée. Le recteur de l’académie de Paris avait refusé d’octroyer à Mme D. une bourse au titre de l’année universitaire 2017-2018 au motif qu’elle avait, au cours de ses études, épuisé l’ensemble de ses droits à bourse. La circulaire du ministre de l’éducation nationale du 11 avril 2017 limite en effet le nombre de droits à bourse de l’enseignement supérieur sur critères sociaux que peut utiliser un étudiant au cours de ses cursus de licence et de master. Le tribunal a annulé cette décision. Mme D. s’était certes vu octroyer, au titre des années universitaires 2009-2010 et 2010-2011, des bourses sur critères sociaux à l’échelon « 0 », ouvrant droit uniquement à une exonération des droits d’inscription et de sécurité sociale, mais la requérante établissait s’être acquittée de ces droits au titre de ces deux années universitaires. Mme D. s’étant ainsi privée du seul avantage ouvert par l’attribution d’une bourse à l’échelon « 0 », elle ne pouvait être regardée comme ayant, au sens des dispositions de la circulaire du 11 avril 2017, « utilisé » un droit à bourse au titre de chacune de ces années universitaires. Le tribunal a considéré que les bourses à l’échelon « 0 » auxquelles Mme D. avait droit au titre des années 2009-2010 et 2010 -2011 ne pouvaient être prises en compte dans le calcul du nombre de droits à bourse utilisés par la requérante. C’est donc à tort que le recteur de l’académie de Paris a estimé que Mme D. avait déjà épuisé ses droits à bourse.

TA Paris, 1ère section, 3ème chambre, 6 juin 2018, n° 1708429, M. D., C+ Lire le jugement

Sommaire

ETRANGERS

En vertu du paragraphe 1 de l’article 13 du règlement 604/2013 dit « Dublin III » l’Etat membre dans lequel le demandeur d’asile est irrégulièrement entré pour la première fois en provenance d’un Etat tiers n’est responsable de la demande d’asile que pendant un délai de 12 mois. Passé ce délai le demandeur d’asile ne peut plus être transféré une nouvelle fois vers cet Etat membre. Le paragraphe 2 de l’article 7 du règlement UE n° 604/2013 « Dublin III » prévoit que la détermination de l’Etat responsable se fait sur la base de la situation existante au moment où le demandeur introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d’un Etat membre. L’article 13 de ce même règlement prévoi t que lorsqu’ i l est établi que le demandeur a franchi irrégulièrement la frontière d’un État membre dans lequel il est entré en venant d’un État tiers, cet État membre est responsable de l’examen de la demande

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de protection internationale pendant douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière. M. H. avait effectué le 4 novembre 2016 une demande d’asile en France, après avoir franchi irrégulièrement les frontières de l’Italie le 1er août 2016. A cette date du 4 novembre 2016 l’Italie était l’Etat responsable de l’examen de sa demande sur le fondement l’article 13 du règlement 604/2013 dit « Dublin III ». Après avoir fait l’objet d’une mesure de réadmission effective vers l’Italie le 20 juillet 2017, M. H est revenu en France et a présenté une nouvelle demande d’asile le 18 janvier 2018. Le préfet de police a pris une nouvelle décision de remise aux autorités italiennes le 27 avril 2018. Le Tribunal a annulé cette nouvelle décision de remise aux autorités italiennes. Il a en effet considéré que le délai de 12 mois prévu par l’article 13 s’applique seulement entre la date où le demandeur d’asile franchit pour la première fois irrégulièrement la frontière de l’Union européenne et la date où il dépose pour la première fois une demande d’asile dans un Etat membre. A la date de l’arrêté du 27 avril 2018 les autorités italiennes n’étaient donc plus en charge de l’examen d’asile. En revanche le 20 juillet 2017 lorsque M. H. avait été transféré en Italie le délai de six mois prévu par l’article 29 du règlement « Dublin III » pour exécuter la mesure de réadmission était venu à expiration de sorte que la France était de nouveau responsable, à cette date, de la demande d’asile. . TA Paris, 3ème section, 3ème chambre, 3 juillet 2018, n° 1807044, M. I. H., C+

Lire le jugement Cf. CJUE 26 juillet 2017 (C-490/16), point 53. Comp. CE 4 mars 2015, Diallo, n° 388180, A, non fiché sur ce point.

Sommaire Le juge exerce un contrôle normal de la mise en œuvre par le préfet des conditions auxquelles est subordonnée la délivrance d’une autorisation de travail à un étranger. En vertu de l’article R.5221-20 du code du travail le préfet pour accorder ou refuser l’autorisation de travail demandée par un étranger prend en compte d’une part la situation de l’emploi dans la profession et la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, d’autre part l'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule. La société Asia Tours Europe avait demandé au préfet de la région d’Ile-de-France une autorisation de travail pour embaucher M. A., ressortissant chinois, sur un poste consistant à gérer des relations commerciales et des séjours touristiques à Paris pour ses clients chinois. Le préfet de la région d’Ile-de-France avait rejeté la demande en invoquant d’une part la situation de l’emploi et, d’autre part, l’absence d’adéquation entre le profil de l’étranger et le poste concerné. Le tribunal a estimé que le second motif retenu par le préfet était erroné. M. A. avait en effet acquis, tant dans le cadre de ses études que de son expérience professionnelle, les compétences en matière de commerce, de gestion et de transports requises pour occuper le poste que lui a proposé la société, sans qu’y fasse obstacle la circonstance, relevée à tort par le

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préfet, que son niveau d’études serait supérieur au niveau requis ou celle que son expérience aurait été acquise dans le cadre d’une activité accessoire. En revanche le tribunal s’agissant du second motif, a considéré que M. A .A. n’établissait pas qu’en prenant en compte, pour lui refuser une autorisation de travail, le critère de la situation de l’emploi, apprécié notamment au regard des recherches déjà accomplies par l’employeur, le préfet aurait inexactement appliqué les dispositions du code du travail. Ainsi, en estimant que la condition d’adéquation prévue par les dispositions précitées du 2° de l’article R. 5221-20 du code du travail n’était pas remplie, le préfet de la région d’Ile-de-France, préfet de Paris a entaché sa décision d’une erreur d’appréciation. Toutefois le préfet de la région d’Ile-de-France, aurait pris la même décision s’il s’était fondé sur le seul motif tiré de la prise en compte de la situation de l’emploi de sorte que le tribunal a rejeté la requête. TA Paris, 3ème section, formation plénière, 11 Juin2018, n° 1701637, M. A. A., C+

Lire le jugement Sur le 1° comp. CAA Lyon 15 mars 2018 n°16LY04168 ou la CAA Marseille 13 juillet 2017, n° 16MA02793 ; contra. CAA Paris 27 janvier 2009 n° 07PA02904 Sur le 2°, cf. CAA Versailles 1er juin 2011,10VE01160, C+ ; contra. CAA Paris 8 mars 2018, 17PA02904.

Sommaire

FISCAL

Lorsque l’administration remet en cause le bénéfice de l’abattement sur les gains nets réalisés sur une cession de titres par un dirigeant de société partant à la retraite au motif qu’il ne s’est pas conformé à la condition posée par l’article 150-0 D ter du CGI de cesser ses fonctions dans les deux ans, l’imposition est exigible au titre de l’année d’échéance du délai de deux ans mais elle est établie selon les dispositions en vigueur à la date de la cession. L’article 150-0 D ter du code général des impôts prévoit un abattement sur les gains réalisés sur cession de titres par les dirigeants de société partant à la retraite. Le bénéfice de cet abattement est toutefois soumis à la condition que le dirigeant cesse toute fonction dans la société dont les titres sont cédés dans les deux années suivant la cession. L’article précise que si la condition n’est pas remplie l’abattement est remis en cause au titre de l’année d’échéance du délai de deux ans. Le dirigeant d’une société avait bénéficié de cet abattement pour la cession de titres détenus depuis plus de huit ans, de sorte que la plus-value imposable en 2011 avait été totalement exonérée de l’imposition au taux forfaitaire de 19 % alors applicable. Au terme du délai de deux ans imparti par l’article 150-0 D ter au dirigeant pour cesser, l’administration a constaté que le contribuable ne respectait pas cette condition et a par suite remis en cause le bénéfice de l’abattement au titre de l’année d’échéance du délai, soit 2013.La plus-value devenant imposable après le 1er janvier 2013 a été taxée selon le nouveau régime d’imposition des plus-values de cessions de valeurs mobilières entré en vigueur à cette date, c’est-à-dire soumise au barème progressif de l’impôt sur le revenu.

Page 12: Lettre du tribunal administratif de Paris

Le tribunal a jugé que si les dispositions du IV de l’article 150-0 D ter du CGI conduisaient à remettre en cause l’abattement au titre de l’année d’échéance du délai de deux ans imparti à l’intéressé pour renoncer à ses fonctions, le législateur avait entendu replacer le contribuable qui ne remplit pas les conditions de l’abattement dans la situation qui aurait été la sienne si le droit commun lui avait été appliqué à la date de réalisation de la plus-value. En conséquence, si aux termes des dispositions précitées, l’exigibilité de l’impôt intervient au titre de l’année de survenance de l’événement remettant en cause le bénéfice de l’abattement, les règles de taxation du gain réalisé sont celles en vigueur à la date de la cession de titres. Le tribunal a par suite prononcé la décharge de l’imposition à hauteur de la différence entre, d’une part, le supplément d’impôt sur le revenu mis à la charge du requérant au titre de l’année 2013 à raison de la plus-value en cause et, d’autre part, celui résultant de sa taxation selon les règles en vigueur en 2011. TA Paris, 1ère section, 1ère chambre, 11 avril 2018, n° 1605158, 1612263 et 1620502, M. C., C+

Lire le jugement

Sommaire Médiapart n’est pas fondé à demander le bénéfice du taux réduit de TVA réservé à la presse imprimée. Le tribunal prononce néanmoins la décharge des pénalités pour manquement délibéré dont ont été assortis les rappels de taxe. A la suite d’une vérification de comptabilité de la société éditrice de Médiapart, entreprise de presse en ligne, l’administration fiscale a remis en cause le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 2,1% que la société appliquait, sur le fondement de l’article 298 septies du code général des impôts, pour ses abonnements permettant l’accès à son site d’information en ligne et lui a substitué le taux normal de taxe sur la valeur ajoutée de 19,6 % alors en vigueur conformément à l’article 278 de ce code.. Pour demander la décharge des compléments de TVA en litige, la société faisait valoir que les dispositions de l’article 298 septies du code général des impôts qui instaurent ce taux réduit de taxe sur les ventes portant sur les journaux et écrits périodiques ne bénéficient qu’à la presse écrite alors que les sites de presse en ligne payants, comme le sien, sont soumis au taux normal et que cette différentiation constitue une méconnaissance du droit de l’Union européenne. Le tribunal a rejeté sa demande après avoir relevé que l’article 298 septies contesté assurait la transposition en droit interne de l’article 98 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée qui prévoit que les taux réduits ne sont pas applicables aux services fournis par voie électronique et que dans sa décision C-390/15 du 7 mars 2017, la CJUE a indiqué que la directive ne méconnaissait pas le principe d’égalité de traitement sur ce point. Le tribunal a toutefois prononcé la décharge des pénalités pour manquement délibéré de 40 % de l’article 1729 du code général des impôts en relevant que l’administration n’établissait pas l’intention de la société d’éluder l’impôt.

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En effet, si la société avait facturé ce taux réduit tout en connaissant la position défavorable de l’administration sur ce point, elle estimait l’application de ce taux inconventionnelle et inconstitutionnelle. Par ailleurs, elle avait appliqué ce taux en toute transparence avec l’administration fiscale qui pouvait, de ce fait, exercer son droit de contrôle et remettre en cause les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée déposées par la société au titre des périodes en litige.

TA Paris, 2ème section, 1ére chambre, 22 mai 2018, n° 1609984 et n° 1615478, Sté Editrice de média Lire le jugement

Sommaire

Une société civile immobilière qui se voit délivrer un permis de construire pour l’édification sur un terrain dont elle propriétaire d’un lycée privé par un organisme de gestion d’une école catholique n’est pas fondée à demander l’exonération de la taxe locale d’équipement. Une société civile immobilière avait conclu avec un organisme de gestion d’une école catholique un bail à construction en vue de l’édification par cet organisme d’un lycée privé sur un terrain dont elle est propriétaire. Elle a avait à cette fin obtenu la délivrance d’un permis de construire. Elle demandait à être exonérée du paiement de la taxe locale d’équipement sur le fondement de l’article 317 de l’annexe II au code général des impôts. Cet article exclut du champ d’application de la taxe les constructions destinées à recevoir une affectation d'assistance, de bienfaisance, de santé, d'enseignement ou culturelle, scientifique ou sportive lorsque ces constructions sont édifiées par certains établissements publics n'ayant pas un caractère industriel ou commercial, des associations ou fondations reconnues d'utilité publique, des établissements congréganistes légalement reconnus ou autorisés. . Après avoir rappelé que le redevable de la taxe locale d’équipement, quel que soit le constructeur des bâtiments dont l’édification a été autorisée, est le bénéficiaire du permis de construire, le tribunal relève que le permis de construire délivré à la SCI n’a pas été transféré à l’organisme de gestion de l’école et qu’il n’est pas établi que cet organisme aurait supporté la charge financière des travaux. La requête a donc été rejetée.

TA Paris, 4ème section, 1ère chambre, 29 mars 2018, n° 1612349, SCI Ganneron Saint-Michel Lire le jugement Appel interjeté au CE n° 421085

Sommaire Une société sise à Saint-Barthélemy, et dès lors placée hors du champ d’application territorial du code général des impôts, fait partie des « personnes qui n’ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France » au sens du 2 de l’article 119 bis du code général des impôts. Les deux sociétés requérantes contestaient l’une et l’autre la retenue à la source mise à leur charge sur le fondement des dispositions du 2 de l’article 119 bis du code général des impôts (CGI) à raison de dividendes par elles versés à leur société mère. Elles soutenaient que cette

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dernière, sise à Saint-Barthélemy, ne pouvait être regardée comme n’ayant pas son siège en France au sens de ces dispositions. Le tribunal a rejeté les deux requêtes. Le tribunal s’est fondé sur la délibération du conseil territorial de Saint-Barthélemy n° 2007-018 CT du 13 novembre 2007, prise elle-même sur le fondement des dispositions de l'article LO 6214-3 du code général des collectivités territoriales. Par cette délibération le conseil territorial a, d’une part, adopté le code des contributions de Saint-Barthélemy et fixé au 1er janvier 2008 son entrée en vigueur, d’autre part, prononcé l'abrogation à compter de la même date des dispositions du code général des impôts, en tant que celles-ci s'appliquent au territoire de la collectivité de Saint-Barthélemy. La collectivité dispose ainsi d'une compétence exclusive pour instituer une imposition spécifique dans les matières pour lesquelles elle est compétente en vertu dudit article LO 6214-3. Le tribunal a relevé qu’il ne ressort d’aucune disposition de la loi organique que les dispositions de l’article 119 bis du code général des impôts ne relèveraient pas du domaine de compétence ainsi transféré par l’Etat à la collectivité de Saint-Barthélemy. Il a également écarté comme étant sans incidence la circonstance, invoquée par les sociétés requérantes, que la collectivité de Saint-Barthélemy avait, dans le cadre des prérogatives fiscales dont elle était ainsi investie introduit dans son code des contributions un article 5 ayant pour effet de circonscrire les effets du domicile fiscal des personnes morales domiciliées à Saint-Barthélemy aux bénéfices ou revenus correspondant, soit aux activités exercées sur le territoire de la collectivité, à l’exclusion de toute activité, principale ou accessoire exercée sur un autre territoire, soit aux biens de toutes natures détenus sur son territoire. En conséquence, la société mère en cause, domiciliée à Saint-Barthélemy et dès lors placée hors du champ d’application territorial du CGI, a été regardée comme faisant partie des « personnes qui n’ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France » au sens du 2 de l’article 119 bis du CGI, dont le service était par suite fondé à faire application. TA Paris, 1ère section, 1ère chambre, 27 juin 2018, n° 1613436, SAS Grand Hôtel des Gobelins TA Paris, 1ère section, 1ère chambre, 27 juin 2018, n° 1613448, SA SEHR Paris Bercy Lire les jugements Cf. CE 16 oct. 2013 n° 358701 et 359137, Sté EDF et Sté Orange (RJF 1/14 n° 71) ; CE 19 mars 1986 no 31550, min. c/ Mateja (RJF 5/86 n° 568)

Sommaire Est régulièrement émis l’avis de mise en recouvrement adressé à une société liquidée dont un mandataire à même de la représenter n’est désigné par le juge que postérieurement à cet avis En application de l’article L. 256 du livre des procédures fiscales, l’avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent au redevable des impositions. Dans le cas d’une société liquidée et radiée du registre du commerce et des sociétés, le Tribunal a retenu que cette société restait le redevable légal des impositions dont le fait

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générateur était antérieur à ces opérations et qu’ainsi l’avis de mise en recouvrement la mentionnant comme redevable était régulier. Par ailleurs, s’il doit être expédié à une personne régulièrement habilitée pour la représenter après sa liquidation et qui pourra ainsi faire valoir ses droits, telle, en l’espèce, l’administrateur ad hoc nommé par le président du tribunal de commerce, le tribunal a relevé qu’il avait bien été adressé à son ancien gérant liquidateur devenu administrateur ad hoc postérieurement à l’expédition mais antérieurement à l’expiration de la prescription. Le tribunal a ainsi rejeté la requête de la société tendant à la décharge des compléments d’impôt sur les sociétés réclamés par l’avis de mise en recouvrement litigieux.

TA Paris, 2ème section, 1ére chambre, 22 mai 2018, n° 1622756, SAS Antinéa Lire le jugement

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FONCTION PUBLIQUE

Le montant de la part « résultats » de la prime de fonctions et de résultats dont bénéficient les personnels de direction des établissements hospitaliers peut être diminué au prorata des jours pendant lesquels l’agent était en congé maladie. L’article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires prévoit que les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant, notamment, des indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. Ce même article précise également que « les indemnités peuvent tenir compte des fonctions et des résultats professionnels des agents ainsi que des résultats collectifs des services ». En application de ces dispositions, le décret n° 2012-749 du 9 mai 2012 a institué une prime de fonctions et de résultats au bénéfice des directeurs d’hôpitaux. Cette prime comprend deux parts. L’une tient compte des responsabilités, du niveau d'expertise et des sujétions spéciales liées aux fonctions exercées alors que l’autre tient compte des résultats et de la manière de servir. Cette seconde part est calculée en appliquant un coefficient compris entre 0 et 6, fixé par le notateur lors de l’évaluation, à un montant de référence qui sert de base calcul et est déterminé par arrêté interministériel. Le requérant, directeur d’hôpital, contestait la décision qui fixait la part « résultats » de sa prime. Il soutenait que l’administration ne pouvait régulièrement opéré comme elle l’avait fait abattement proportionnel à la durée de ses congés de maladie sur le montant de référence fixé par l’arrêté interministériel. Il ajoutait qu’en dépit d’une absence du service, un agent pouvait très bien, dans un laps de temps plus réduit, remplir les résultats qui lui étaient assignés. Le tribunal a rejeté la requête. Il a en effet estimé retenu que si les dispositions du décret du 9 mai 2012 ne prévoient aucune modulation de la prime au regard des congés pour maladie, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce qu’une telle modulation soit pratiquée par l’employeur dès lors que la part « résultats » de cette prime est par sa nature étroitement liée à l’exercice effectif des fonctions. Il a notamment considéré que contrairement à ce que

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soutenait le requérant, la présence de l’agent à son poste n’est pas étrangère au niveau de résultats atteints. TA Paris, 2ème section, 2ème chambre, 26 juin 2018, n° 1707703, M. B.

Lire le jugement Cf TA Toulon 27 octobre 2016 n° 1403628 et en sens contraire TA Nîmes 25 janvier 2018 n° 1600310).

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L’exclusion des agents qui remplissent les conditions requises pour partir à la retraite à taux plein du bénéfice de l’indemnité de licenciement versée aux personnels des chambres de commerce et d’industrie en cas de suppression d’emploi constitue une discrimination fondée sur l’âge en matière d’emploi, prohibée par l’article 2 de la loi du 27 mai 2008. L’article 35-1 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d’industrie (CCI) prévoit qu’en cas de suppression de l’emploi d’un agent titulaire, celui-ci perçoit une indemnité de licenciement proportionnelle à l'ancienneté, sauf dans le cas où, remplissant les conditions requises pour percevoir une pension de retraite à taux plein, il perçoit l’allocation de fin de carrière instituée par l’article 24. Le requérant, dont le poste au sein de la CCI avait été supprimé, demandait l’annulation de la décision lui octroyant l’allocation de fin de carrière mais non l’indemnité de licenciement. Le tribunal, après avoir constaté d’une part que le calcul de l’allocation de fin de carrière est nettement moins favorable que celui de l’indemnité de licenciement pour suppression de poste, d’autre part que l’admission au bénéfice d’une pension de retraite à taux plein est notamment soumise à une condition d’âge et de durée d’assurance minimales, en déduit que l’article 35-2 institue une différence de traitement fondée sur un critère qui est indissociablement lié à l’âge, susceptible d’être regardée comme une discrimination au sens de l’article 1er de la loi du 27 mai 2008, transposant notamment la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000. Le tribunal a par ailleurs estimé qu’à supposer que le statut ait entendu, en réservant l’indemnité de licenciement pour suppression de poste aux seuls agents qui ne peuvent pas, au moment de leur licenciement, bénéficier d’une pension de vieillesse, poursuivre un objectif de protection accrue des agents dont la transition vers un nouvel emploi s’avère délicate en raison de leur ancienneté dans l’organisme consulaire, ces dispositions en cause excédaient ce qui était nécessaire pour atteindre cet objectif. En effet, en ne permettant pas le versement de l’indemnité de licenciement à un agent qui, bien qu’éligible au bénéfice d’une pension de retraite, entend néanmoins y renoncer temporairement en vue de poursuivre sa carrière professionnelle, ces dispositions conduisent à priver de l’indemnité de licenciement des agents licenciés qui veulent rester sur le marché du travail au seul motif qu’ils pourraient, en raison de leur âge, disposer d’une telle pension. Le tribunal en a déduit que la différence de traitement, faute de répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante à laquelle elle serait proportionnée, est constitutive

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d’une discrimination fondée sur l’âge en matière d’emploi, prohibée par l’article 2 de la loi du 27 mai 2008, et a en conséquence annulé la décision attaquée.

TA Paris, 2ème section, 2éme chambre, 10 avril 2018, n° 1621256, n° 1702897, n° 1708574, M. L., C+ Lire le jugement

Sommaire Les dispositions du 8° de l’article 149 du statut du personnel de la RATP, qui prévoient au bénéfice de l’employeur, la possibilité de modifier unilatéralement le contrat de travail des agents à titre disciplinaire, ne portent pas, compte tenu de l’économie générale de ce statut, une limitation excessive au principe général d’immutabilité du contrat du travail. En vertu des dispositions du 8° de l’article 149 du statut du personnel de la RATP, l’employeur, dans l’exercice de ses pouvoirs de sanction disciplinaire, peut, sans recueillir l’accord de l’agent, le rétrograder dans une échelle inférieure et changer ses fonctions. Lorsqu’il fait usage de ce pouvoir de sanction, l’employeur modifie unilatéralement le contrat de travail de l’agent. Saisie d’un litige disciplinaire opposant la RATP à l’un de ses agents, la Cour de cassation a sursis à statuer et a saisi la juridiction administrative de la question de la légalité des dispositions du 8° de l’article 149 du statut du personnel, en ce qu’il déroge au principe général du droit du travail selon lequel un employeur ne peut pas imposer à un salarié soumis au code du travail, comme sanction d’un comportement fautif, une rétrogradation impliquant la modification de son contrat de travail. Par un jugement du 11 juin 2018, le tribunal a jugé que le principe général du droit du travail, en vertu duquel toute modification des termes d’un contrat de travail doit recueillir l’accord de l’employeur et du salarié concerné, fait obstacle à une modification unilatérale de ces termes par l’employeur, quelle que soit la cause de cette modification, fût-elle, comme en l’espèce, décidée dans l’exercice de son pouvoir disciplinaire. Il a toutefois précisé que l’application de ce principe à un établissement public à caractère industriel et commercial dont le fonctionnement est régi par un statut spécifique pouvait être écartée pour des motifs liés à des nécessités de service public et, par ailleurs, lorsqu’elle est possible, devait être conduite au cas par cas en tenant compte de l’économie générale du statut de l’établissement. S’agissant de la RATP, aucune nécessité de service public ne justifie d’écarter l’application de ce principe général du droit du travail. Pour autant, après avoir relevé la spécificité et l’ampleur des garanties prévues par le statut du personnel de la RATP, au bénéfice des agents susceptibles de se voir infliger, à titre de sanction disciplinaire, une rétrogradation unilatérale, le tribunal, qui n’était saisi que de la légalité de cette sanction, a jugé que le pouvoir de modification unilatérale du contrat de travail que confèrent au directeur général de la RATP les dispositions du 8° de l’article 149 du statut du personnel, ne portent pas, compte tenu de l’économie générale de ce statut, une limitation excessive au principe général d’immutabilité du contrat du travail mentionné ci-dessus. Le tribunal a ainsi déclarées légales les dispositions du 8° de l’article 149 du statut du personnel de la RATP.

TA Paris, 3ème section, formation plénière, 11 juin 2018, n° 1717691, M. J. I., C+ Lire le jugement

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MARCHES/CONTRATS Lorsque, dans le cadre d’une procédure adaptée, le pouvoir adjudicateur se réserve la possibilité d’engager une phase de négociations avec tout ou partie des candidats, le principe d’égalité ne lui impose pas de négocier sur les mêmes éléments avec tous les candidats, compte tenu des notes obtenues par chacun lors de la notation provisoire. Le juge vérifie néanmoins que les négociations laissaient la possibilité à chacun des candidats de formuler l’offre finale la mieux disante. Le Centre des monuments nationaux a engagé une procédure adaptée en vue de l’attribution d’un marché de services d’organisation d’évènements culturels concernant la cérémonie d’entrée au Panthéon de Simone Veil. Un concurrent évincé invoquait devant le juge du référé précontractuel une méconnaissance du principe d’égalité de traitement des candidats lors des négociations engagées avec les candidats ayant remis les deux meilleurs offres du classement provisoire établi avant négociations. Le juge a estimé que les deux candidats invités aux négociations étaient dans des situations différentes compte tenu de leurs notations provisoires et que le pouvoir adjudicateur pouvait, sans méconnaître le principe d’égalité, engager librement les discussions lui paraissant utiles et ne pas négocier sur les mêmes éléments avec les deux candidats. Si le pouvoir adjudicateur n’était en particulier pas tenu de négocier avec les candidats sur les critères ou sous-critères où ils avaient le plus de points à rattraper, le juge a vérifié que les négociations laissaient la possibilité à chacun des candidats de formuler l’offre finale la mieux disante. TA Paris, ordonnance du juge des référés, 27 avril 2018, n° 1805839, Société LM Factory Lire l’ordonnance Cf. CE 18 septembre 2015, n° 380821, B.

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POLICE Le tribunal annule l’arrêté du préfet de police du 6 avril 2017 définissant les modalités de contrôle d’identité par les officiers de police judiciaire. Le préfet de police avait autorisé les officiers de police judiciaire et, sur l’ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints à procéder au contrôle d’identité de toute personne, quel que soit son comportement, et en tout lieu accessible au public, dans les zones où s’applique l’état d’urgence et sans que les mesures de contrôle soient nécessairement justifiées par de circonstances particulières établissant le risque d’atteinte à l’ordre public. Pour annuler cet arrêté le tribunal a rappelé que lors de la ratification de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la France a

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émis une réserve, consignée dans l’instrument de ratification déposé le 3 mai 1974, selon laquelle la mise en œuvre de l’état d’urgence en France, en application de l’article 1er de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955, entre dans le cadre des dérogations permises en application de l’article 15 de la convention. Sur le fondement des stipulations de cet article, le Gouvernement français a, par une déclaration consignée dans une note verbale de la Représentation Permanente de la France, datée du 24 novembre 2015, enregistrée le 24 novembre 2015, informé le secrétaire général du Conseil de l’Europe des mesures prises au titre de l’état d’urgence et des motifs qui les ont inspirées. Le secrétaire général du Conseil de l’Europe en a pris acte. Cette déclaration a été renouvelée à plusieurs reprises et, en dernier lieu, le 21 décembre 2016, date à laquelle le Conseil de l’Europe l’a enregistrée. Dans ces conditions, il appartient à l’administration, sous le contrôle du juge administratif, de veiller à la proportionnalité des mesures dérogeant aux obligations prévues par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prises dans le cadre de l’état d’urgence, au regard des contraintes exigées par le maintien de l’ordre public pendant sa période de mise en application. En l’espèce le tribunal a considéré qu’il n’était pas établi que cet objectif ne pouvait être atteint par une mesure déterminant de façon précise les conditions d’intervention des contrôles en cause eu égard à la nature des menaces à l’ordre public susceptibles de naître dans les lieux concernés au sein des zones couvertes par l’état d’urgence. Eu égard à la situation ayant justifié la mise en œuvre de l’état d’urgence en France, le tribunal a jugé que cet arrêté , par son caractère général et impersonnel, portait une atteinte excessive aux droits et libertés garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au regard des nécessités de l’ordre public en méconnaissance des stipulations combinées de l’article 15 de cette convention, d’une part, et des stipulations de l’article 8 de la même convention et de l’article 2 du protocole additionnel n° 4 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d’autre part.

TA Paris, 3ème section, 1ère chambre, 13 avril 2018, n° 1706126, Ligue des droits de l’homme, C+ Lire le jugement

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Le tribunal confirme la légalité des arrêtés du 24 juin 2016 et 14 janvier 2017 du préfet de police, interdisant la circulation des véhicules à moteur dont le niveau d’émission de polluants atmosphériques méconnaît les normes européennes. Par un arrêté du 24 juin 2016, la maire de Paris et le préfet de police ont instauré, pour une durée d’un an, des restrictions de circulation pour certaines catégories de véhicules polluants. Par un arrêté du 14 janvier 2017, abrogeant le précédent, les mêmes autorités ont instauré, pour une durée de cinq ans, une zone à circulation restreinte (ZCR) visant certaines catégories de véhicules polluants. Ces arrêtés ont été pris respectivement sur le fondement de l’article 49 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte et de l’article L. 2213-4-1 du code général des collectivités territoriales. Ces dispositions interdisent, durant des périodes horaires déterminées et sous réserve d’exceptions, la circulation dans la plupart

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des voies parisiennes des véhicules à moteur dont le niveau d’émission de polluants atmosphériques méconnaît les normes européennes les plus anciennes en la matière. Par trois jugements du 11 juin 2018, le tribunal a rejeté les requêtes tendant à l’annulation de ces deux arrêtés, jugeant notamment qu’eu égard à leur champ d’application et aux finalités d’intérêt général qu’elles poursuivent, les mesures de police présentent un caractère adapté, nécessaire et proportionné et que, par ailleurs, ces mesures, en tant qu’elles comportent des exceptions aux interdictions qu’elles édictent, ne méconnaissent pas le principe d’égalité de traitement des usagers des voies publiques. S’agissant, en particulier, de la procédure de consultation du public mise en œuvre en vue de la création d’une ZRC, le tribunal a jugé que l’édiction prématurée de l’arrêté du 14 janvier 2017, au regard du délai de quatre jours prévu pour la prise en compte des observations déposées par le public, n’a pas été susceptible, en l’espèce, d’exercer une influence sur le sens de l’arrêté pris, ni de priver les intéressés d’une garantie. Enfin, par un jugement du même jour, le tribunal a rejeté la demande présentée par le propriétaire d’un véhicule interdit de circuler par l’arrêté du 24 juin 2016, tendant à l’engagement de la responsabilité de l’Etat sur le fondement du principe d’égalité devant les charges publiques. Pour rejeter cette requête, le tribunal a relevé qu’eu égard au champ d’application, temporel et géographique, de l’interdiction litigieuse, le préjudice tiré d’une perte de valeur vénale du véhicule en cause ne présentait pas un caractère anormal et spécial. TA Paris, 3ème section, formation plénière, 11 juin 2018, n°s 1704331 ; 1704613 ; 1704617 ; 1704678, M. J. D. et autres C+ TA Paris, 3ème section, formation plénière, 11 juin 2018, n°s 1611611 ; 1612312 ; 1613411 ; 1613487, Union pour la défense de l’égalité et de la liberté de circuler motorisé (UDELCIM) et autres TA Paris, 3ème section, formation plénière, 11 juin 2018, n° 1713520, M. A. M. Lire les jugements

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PROFESSIONS L’abrogation en cours d’instance de la décision refusant de reconnaître le caractère définitif d’une inaptitude physique n’entraîne pas un non lieu à statuer dès lors que cette abrogation ne comporte pas des effets équivalents à ceux qu’aurait produit une reconnaissance définitive de l’inaptitude du requérant à la date de la décision contestée. Un pilote de ligne atteint d’un syndrome d’apnée du sommeil sévère et de troubles cardiovasculaires, déclaré plusieurs fois inapte pour des périodes de 3 mois, s’était vu refuser par le conseil médical de l’aéronautique la reconnaissance du caractère définitif de cette inaptitude par la décision contestée prise le 7 décembre 2016. Bien que le conseil médical de l’aéronautique civile ait reconnu le caractère définitif de cette inaptitude postérieurement à l’enregistrement de sa requête, le tribunal n’a pas prononcé de non-lieu à statuer. Il a en effet estimé que la décision du 16 novembre 2017 ayant abrogé la décision contestée ne pouvait être regardée comme emportant des effets équivalents à ceux qu’aurait eus une

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reconnaissance définitive de l’inaptitude du requérant dès le 7 décembre 2016, dans la mesure où le requérant, qui avait atteint l’âge légal de cessation d’activité le 3 mai 2017, ne pouvait plus, à partir de ce moment, se prévaloir, auprès de sa compagnie, de stipulations d’une convention d’entreprise prévoyant le versement d’un capital aux pilotes reconnus définitivement inaptes avant d’avoir atteint l’âge légal de cessation d’activité. Le tribunal a relevé par ailleurs que si le requérant disposait de la voie de l’action indemnitaire pour demander la réparation des préjudices qu’il estimerait avoir subis du fait du retard mis à reconnaître le caractère définitif de son inaptitude, l’obtention d’une telle réparation serait subordonnée à la démonstration, devant le juge administratif, de ce que la reconnaissance du caractère définitif de son inaptitude dès le 7 décembre 2016 lui aurait donné, de manière directe et certaine, droit au bénéfice du capital garanti par l’assurance souscrite par sa compagnie, alors qu’une annulation rétroactive de la décision de refus initiale pour erreur d’appréciation était de nature à lui permettre de revendiquer le bénéfice de cet avantage directement auprès des organismes de droit privé, et, le cas échéant, de l’ordre juridictionnel compétent, mieux à même d’apprécier si l’intéressé pouvait effectivement bénéficier de cet avantage bien qu’il ait signé, en mai 2016, une convention de rupture amiable pour motif économique de son contrat. TA Paris, 6ème section, 3ème chambre, 19 avril 2018, 1701338, M. A. F., C+ Lire le jugement et les conclusions de Mme Monique Salzmann

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POUVOIRS PUBLICS

La juridiction administrative est incompétente pour connaître de la légalité de la décision par laquelle le Président de l’Assemblée nationale signe avec le Président du Bundestag un accord de coopération entre les deux assemblées. Le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Bundestag ont signé, le 22 janvier 2018, un « accord parlementaire franco-allemand sur la coopération entre les deux assemblées ». Cet accord fixe les principes de la collaboration entre les deux assemblées, française et allemande, en vue de la préparation d’un « accord parlementaire franco-allemand ». M. M., en sa qualité de membre de l’Assemblée nationale, a demandé au tribunal l’annulation de cette décision. Après avoir rappelé les termes de l’article 8 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, en vertu desquels la juridiction administrative est appelée à connaître de tous litiges d’ordre individuel concernant les agents des assemblées parlementaires et des litiges individuels en matière de marchés publics, à l’exclusion de tout autre litige, et qui précisent que les instances ainsi énumérées sont les seules susceptibles d’être engagées contre une assemblée parlementaire, le tribunal a jugé que l’acte par lequel le président de l’Assemblée nationale convient de la mise en œuvre d’un partenariat renforcé avec l’assemblée d’un Etat membre de l’Union européenne est indissociable de la fonction parlementaire, laquelle se rattache à l’exercice de la souveraineté nationale. Un tel acte échappe donc par nature au contrôle du juge de l’excès de pouvoir.

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Cette solution s’inscrit dans la ligne jurisprudentielle du Conseil d’Etat, qui, nonobstant l’énumération limitative donnée par l’ordonnance du 7 novembre 1958, recherche si l’acte attaqué est dissociable ou non de l’exercice de la fonction parlementaire et donc de la souveraineté nationale (CE, 16 avril 2010, Fédération chrétienne des témoins de Jéhovah de France, n° 304176, au recueil). Enfin, le tribunal a jugé que si, en vertu de la tradition constitutionnelle française de séparation des pouvoirs, aucune juridiction ne peut être saisie d’un litige de la nature de celui qui lui était soumis, une telle circonstance ne saurait avoir pour conséquence d’autoriser le juge administratif à se déclarer compétent pour connaître de l’affaire. TA de Paris, 4ème section, 1ère chambre, 18 juin 2018, n° 1802794, M. M. Lire le jugement (rapprocher TAP, 28 décembre 2017, M. G. C., N° 1715258/4-1 ; mentionné à la Lettre du Tribunal administratif de Paris n° 52).

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SANTE PUBLIQUE Le tribunal rejette le référé liberté par lequel une ressortissante française demande la restitution des gamètes de son compagnon décédé, en vue de procéder à une insémination post-mortem à l’étranger. Par une décision d’Assemblée n° 396848 du 31 mai 2016, le Conseil d’Etat a jugé que les dispositions législatives du code de la santé publique qui interdisent en France l’insémination post-mortem ainsi que l’exportation des gamètes conservée en France à cette fin, ne méconnaissent pas le droit au respect de la vie privée et familiale tel qu’il est garanti par les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Toutefois, il a également jugé que cette compatibilité ne fait pas obstacle à ce que, dans certaines circonstances particulières, l’application de ces dispositions législatives puisse constituer une ingérence disproportionnée dans les droits garantis par cette convention. Il appartient ainsi au juge d’apprécier concrètement si, au regard des finalités des dispositions législatives en cause, l’atteinte aux droits et libertés protégés par la convention qui résulte de la mise en œuvre de dispositions, par elles-mêmes compatibles avec celle-ci, n’est pas excessive. Dans l’affaire dont était saisi le tribunal administratif de Paris, le projet de la requérante et de son compagnon de devenir parents était incontestable. Le juge a estimé, en revanche, que ce dernier n’avait jamais exprimé sa volonté, avant son décès, que ses paillettes soient utilisées en vue d’une insémination artificielle post-mortem. Il a également relevé que la requérante était française, résidait en France et n’avait pas de lien particulier avec l’Espagne, pays dans lequel un établissement de santé aurait accepté de procéder à une insémination post-mortem. Il en a déduit que le projet d’insémination à l’étranger poursuivi par la requérante est clairement animé par la volonté de contourner les dispositions législatives françaises qui font obstacle à sa réalisation. Le juge en a conclu que, dans les circonstances de l’espèce, compte

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tenu des intérêts légitimes qui fondement la législation française, la décision contestée ne porte pas une atteinte excessive au droit de l’intéressée au respect de sa vie privée et familiale. TA Paris, 6ème section, ordonnance du juge des référés, 25 mai 2018, n° 1808020, Mme D. Lire l’ordonnance Appel interjeté au CE n° 421333

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TRANSPORTS

Le préjudice subi par les taxis à la suite de l’ouverture du marché des VTC n’est pas indemnisable, faute de présenter un caractère « spécial ». Des exploitants de taxis ont sollicité l’indemnisation du préjudice économique et du préjudice moral qu’ils estimaient avoir subis du fait la loi du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques qui a ouvert le marché des transports publics particuliers à la concurrence des voitures de tourisme avec chauffeur. L’article 4 de la loi a, en effet, modifié les conditions d’exercice de cette activité en la soumettant, en particulier, à un régime de simple déclaration alors qu’elle relevait précédemment du régime de l’autorisation préalable. Les requérants se plaignaient, d’une part, de la perte de valeur des autorisations de stationnement dont ils sont titulaires ainsi que dans certains cas de la baisse de leur chiffre d’affaires, et d’autre part, de la dégradation de leurs conditions de travail et de l’inquiétude suscitée par la loi sur l’avenir de leur activité ainsi ouverte à la concurrence. Si la responsabilité de l’Etat du fait des lois est susceptible d’être engagée sur le fondement de l’égalité des citoyens devant les charges publiques, pour assurer la réparation de préjudices nés de l’adoption d’une loi, le préjudice dont il est demandé réparation doit cependant revêtir un caractère grave et spécial. En l’espèce, pour rejeter ces requêtes, le Tribunal a relevé que, eu égard au nombre de personnes exerçant en France la profession d’exploitant de taxi, qui s’élève à plus de 55 000, les préjudices invoqués par les requérants ne pouvaient pas être regardés comme présentant un caractère spécial. Dès lors, il n’incombe pas à l’Etat d’en assurer la réparation sur le terrain de la responsabilité sans faute du fait des lois. TA Paris, 2ème section, 1ère chambre, 12 juin 2018, n° 1707065, M. M. et autres Lire le jugement

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TRAVAIL ET EMPLOI

Pour le calcul de la prescription de l’action disciplinaire fixée à deux mois par les dispositions de l’article L. 1332-4 du code du travail, la date d’engagement des poursuites disciplinaires correspond en cas de licenciement à la date d’envoi au salarié de la lettre le convoquant à l'entretien préalable. M. L avait été convoquée le 5 décembre 2016 pour un entretien préalable en vue d’un licenciement pour des faits survenus le 11 novembre 2016. Or le 5 décembre 2016, les faits n’étaient pas prescrits. La date d’entretien préalable du 12 décembre 2016 a ouvert un nouveau délai de deux mois pour poursuivre les faits et ce délai n’était pas expiré le 23 décembre 2016, date de l’engagement de la deuxième procédure pour un entretien préalable au licenciement, qui s’est déroulé le 6 janvier 2017. La prescription a ainsi été prorogée jusqu’au 6 mars 2017 et, à la date du 21 février 2017 à laquelle la société requérante a engagé la troisième procédure de licenciement pour faute de M. L., les faits n’étaient toujours pas prescrits. Le tribunal en a conclu que la décision attaquée du 19 avril 2017 par laquelle l’inspecteur du travail a rejeté la demande d’autorisation de licenciement au motif que les faits reprochés, survenus le 11 novembre 2016, devaient être regardés comme prescrits au moment de l’engagement de la troisième procédure le 21 février 2017, était entachée d’une erreur de droit et l’a annulée. Le tribunal a enfin rejeté les conclusions aux fins d’injonction d’autoriser le licenciement comme ne relevant pas de son office.

TA Paris, 3ème section, 3ème chambre, 12 juin 2018, n° 1717385, Société Café de Flore Lire le jugement Cf. sur l’interruption de la prescription par l’envoi de la lettre de convocation à l’entretien préalable : CE 12 février 1990, Oberlander, Rec. p. 1016 ; CE 8 juin 2015 ministre du travail C/ société Allianz vie Cf. sur la convocation à l’entretien préalable qui fait de nouveau courir la prescription : Cass. Soc. 9 décembre 2003, n° 01-44.501.

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URBANISME L’administration peut s’opposer pour des raisons d’intérêt général à la demande de rétrocession d’un bien irrégulièrement préempté. A la suite d’un jugement du tribunal annulant une décision de préemption du maire de la ville de Paris, l’acquéreur irrégulièrement évincé avait demandé à la ville de Paris de lui proposer l’immeuble en cause puis contesté devant le tribunal la légalité de la décision rejetant implicitement sa demande. Aux termes de l’article L. 213-11-1 du code de l’urbanisme, l’annulation de l'acte par lequel le titulaire du droit de préemption décide d'exercer le droit de préemption implique nécessairement que le titulaire du droit de préemption, s'il n'a pas entre temps cédé le bien

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illégalement préempté, prenne toute mesure afin de mettre fin aux effets de la décision annulée. Il lui appartient à cet égard, et avant toute autre mesure, de s'abstenir de revendre à un tiers le bien illégalement préempté. Il doit en outre proposer à l'acquéreur évincé puis, le cas échéant, au propriétaire initial d'acquérir le bien, et ce, à un prix visant à rétablir autant que possible et sans enrichissement sans cause de l'une quelconque des parties les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle. Compte tenu de ces dispositions de l’article L. 213-11-1 du code de l’urbanisme, le tribunal a considéré que la ville de Paris ne pouvait légalement justifier son refus de ne pas faire droit à la demande de rétrocession par les démarches et les dépenses engagées par elle pour la réalisation d’un programme de logements sociaux. La décision refusant la rétrocession a été en conséquence annulée. Toutefois, le tribunal a tenu compte de la réserve d’intérêt général liée à la réalisation du programme de logements sociaux .dans l’exercice des pouvoirs qu’il tient de l’article L 911-1 du code de justice. Il a ainsi, pour rejeter les conclusions à fin d’injonction, retenu que cette atteinte manifeste à l’intérêt général fait obstacle aux conclusions présentées par la société requérante tendant à ce qu’il soit enjoint à la ville de Paris de proposer le bien au vendeur , puis en cas de refus, à l’acquéreur évincé. Il a ajouté qu’il appartient à la requérante, si elle s’y croit fondée, de saisir la juridiction judiciaire d’une action en réparation dirigée contre le titulaire du droit de préemption, conformément aux dispositions de l’article L. 213-12 du code de l’urbanisme. TA Paris, 4ème section, 2ème chambre, 29 juin 2018, n° 1613702, Société groupe de conseil en investissement et financement (SCIFIM) Lire l’ordonnance

Sommaire Dans les zones d’anciennes carrières de Paris les projets d’installation d’une antenne de téléphonie mobile doivent être soumis à l’inspection générale des carrières. La maire de Paris a pris une décision de non-opposition aux travaux déclarés par la société Free Mobile en vue de l’installation d’une antenne de téléphonie mobile et de ses accessoires, sur un immeuble situé à Paris. A l’appui de leur requête, les requérants, voisins du projet, ont notamment invoqué le moyen tiré de ce que l’immeuble étant implanté dans une zone de dissolution du gypse antéludien, l’Inspection générale des carrières (IGC) aurait dû être saisie pour avis en vue de vérifier la stabilité des constructions projetées et de prévenir tout risque d’éboulement ou d’affaissement. L’article UG 2.1 du règlement du plan local d’urbanisme (PLU) de Paris prévoit en effet que, dans les zones d’anciennes carrières, dans les zones comportant des poches de gypse antéludien ou des risques de dissolution du gypse, la réalisation de constructions ou d’installations et la surélévation, l’extension ou la modification de bâtiments existants, sont, le cas échéant, subordonnées aux conditions spéciales imposées par l’IGC. Cet article ne fixe toutefois aucune règle relative aux conditions de saisine de l’IGC. Celles-ci relèvent de l’arrêté inter-préfectoral du 26 janvier 1966 relatif aux zones d’anciennes carrières de Paris et du département de la Seine, auquel renvoie l’arrêté du 25 février 1977 relatif aux terrains exposés à des risques naturels, qui figurent en annexe au règlement du PLU. Or, si l’arrêté du

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26 janvier 1966 ne prévoit d’obligation de saisine de l’IGC qu’en ce qui concerne les seules demandes de permis de construire concernant l’édification, la surélévation, l’extension ou la modification de bâtiments, une partie de ces travaux relève désormais en vertu du code de l’urbanisme du régime de la déclaration préalable. Le tribunal en a conclu que, en l’état du droit désormais applicable, l’obligation de saisine de l’IGC doit être regardée comme trouvant à s’applique aux déclarations préalables lorsqu’elles portent sur l’édification, la surélévation, l’extension ou la modification de bâtiments. Le moyen tiré du défaut de saisine de l’IGC a donc été accueilli par le tribunal qui a en conséquence annulé la décision portant non-opposition aux travaux déclarés par la société Free Mobile. TA Paris, 4ème section, 3ème chambre, 31 mai 2018, n° 1705104, M. D., C+ Lire le jugement Comp. CAA Paris, 29 mars 2018, n° 17PA00361, C

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Conclusions de Pierre Le Garzic, rapporteur public

Affaire n° 1620890-1705912 I Par deux requêtes pour lesquelles nous présentons ces conclusions communes, M. A. a sollicité d’une part la condamnation de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution à lui verser la somme de 341 041 euros en réparation de préjudices qu’il estime avoir subis du fait de la publication de décisions le concernant, et d’autre part la condamnation de l’État à lui verser la même somme. Cette coexistence de deux requêtes à objet similaire nous amène à quelques précisions sur la personne éventuellement responsable des préjudices dont se prévaut le requérant, et l’autorité chargée de la représenter devant vous. II L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, instituée par l’article L. 612-1 du code monétaire et financier, est une organisation qui était qualifiée d’autorité administrative indépendante jusqu’à la loi du 20 janvier 2017, sans que les textes la rangent désormais dans une quelconque autre catégorie. Elle est en outre dénuée de personnalité juridique ; l’ACPR n’est donc en réalité pas autre chose qu’un service de l’État. III Cette absence de personnalité juridique ne fait pas obstacle à ce qu’elle soit elle-même chargée de défendre l’État dans les contentieux l’intéressant. Le Conseil d’État a en effet reconnu que, même en l’absence de dispositions expresses, certains textes instituant au sein de l’État des services indépendants de tout ministre doivent être interprétés comme prévoyant que, par dérogation aux dispositions du code de justice administrative, il revient à ces services eux-mêmes de défendre l’État dans les contentieux les concernant. Il en va ainsi : - des autorités administratives indépendantes (décision Commission des opérations de bourse / David, 5 novembre 1993, 143973, B et décision d’Assemblée Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques / Mathieu, 27 mars 2015, 382083, A) ; - mais également de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (décision ANSMPS / société Ysy Médical, 9 février 2018, 414845, B) et de l’Agence de la biomédecine (décision Agence de la biomédecine / fondation Jérôme Lejeune, 23 décembre 2014, 360958, B). IV Il ne fait pas de doute que même sous son nouveau statut sui generis l’ACPR rentre dans le cadre de cette jurisprudence et qu’elle peut agir au nom de l’État devant les juridictions administratives. Il en va d’autant plus ainsi que le I de l’article L. 612-16 du code monétaire et financier dispose que pour l'accomplissement des missions qui sont confiées à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, le président de l'Autorité a qualité pour agir devant toute juridiction. V Il en va toutefois différemment toutefois en ce qui concerne les demandes indemnitaires. Le Conseil d’État a en effet rappelé, en ce qui concerne spécifiquement l’ACPR, qu’en l’absence de patrimoine propre, tout engagement de sa responsabilité revient à solliciter la condamnation de la personne morale dont elle est l’une des branches, soit l’État – voyez ainsi sa décision société Nefertari du 7 décembre 2016, 390062. La première conséquence est que la demande de condamnation de l’ACPR à verser une indemnité n’a pas de portée propre, et doit être regardée comme dirigée contre l’État – à cet égard vous écarterez en tout état de cause la fin de non-recevoir opposée par l’administration,

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dès lors que ne saurait constituer une cause d’irrecevabilité la mention de la demande de condamnation d’un des organes de l’État et non de l’État lui-même. VI La seconde conséquence est que dès lors que ce qui est en jeu est non un patrimoine propre à l’ACPR mais celui de l’État, la compétence pour défendre celui-ci revient au ministre intéressé. Nous vous renvoyons en effet sur ce point aux conclusions de Mme de Silva sous CE, Tissot, 26 juillet 2006, 285247, nous citons : « on se heurte toutefois à une difficulté : c’est que le CPLD, en tant qu’autorité administrative indépendante dépourvue de la personnalité morale, n’était pas compétent pour se prononcer sur une demande indemnitaire dirigée contre l’État. En effet, selon votre jurisprudence, c’est le ministre chargé des sports qui était compétent pour statuer sur une demande indemnitaire fondée sur une décision illégale prise par le CPLD. Lorsqu’une autorité administrative indépendante cause, par ses décisions, un dommage, la responsabilité qui en découle incombe à l’État. Tel est le principe que vous énonciez dans votre rapport sur les autorités administratives indépendantes : « C’est au nom et pour le compte de l’État qu’elles agissent, et c’est sa responsabilité qu’elles engagent par leurs actes dommageables, soit devant le juge administratif, soit devant le juge judiciaire, selon le juge compétent pour connaître du contentieux des actes de l’autorité ». Les autorités administratives indépendantes disposent de la compétence d’attribution qui leur est accordée par la loi ou le règlement qui les institue, à la différence du ministre qui dispose d’une compétence générale pour agir au nom de l’État. Elles doivent donc transmettre à l’État – et au ministre compétent - toute demande indemnitaire liée à une décision qu’elles auraient prise. C’est ce que vous avez déjà jugé à propos d’une demande indemnitaire adressée au Conseil supérieur de l’audiovisuel : 13 juin 2001 Verdure, au Recueil ». VII Nous pensons donc que dans le présent contentieux, M. A. doit être regardé comme ayant demandé par deux requêtes ayant strictement le même objet la condamnation de l’État à lui verser une somme 341 041 euros, sans qu’il y ait lieu de se préoccuper de conclusions principales ou subsidiaires. VIII Nous pouvons en venir au fond du litige. M. A. demande l’indemnisation du préjudice né selon lui de la publication de deux décisions : - d’une part de la décision du 15 octobre 2013 par laquelle le président de l’ACPR a, à titre conservatoire, interdit à la société Teucer gestion privée dont il était le président d’encaisser des primes d’assurance et de disposer de fonds déposés sur quatre comptes bancaires ; - d’autre part de la décision du 17 juillet 2014 lui infligeant la sanction de l’interdiction d’exercer l’activité d’intermédiation en assurance pendant une durée de dix ans ainsi qu’une amende de 10 000 euros. IX Nous commencerons par ce qui concerne la décision du 17 juillet 2014, dont M. A. conteste tant le principe que les modalités de publication. C’est le dernier alinéa de l’article L. 612-39 du code monétaire et financier qui dispose que la décision de la commission des sanctions est rendue publique dans les publications, journaux ou supports qu'elle désigne, dans un format proportionné à la faute commise et à la sanction infligée, mais que toutefois, lorsque la publication risque de perturber gravement les marchés financiers ou de causer un préjudice disproportionné aux parties en cause, la décision de la commission peut prévoir qu'elle ne sera pas publiée.

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X Il en résulte donc qu’il revient à la commission des sanctions elle-même, de prévoir au sein de la décision de sanction qu’elle prononce le degré de publication de celle-ci, en veillant notamment à ne pas causer un préjudice disproportionné à la personne sanctionnée. La loi admet donc que l’intéressé subisse effectivement un préjudice du fait de la publication, mais il revient au juge administratif de contrôler le caractère proportionné de celui-ci – voyez pour l’exercice de ce contrôle CE, société SBI, 5 octobre 2016, 389377 ou encore UNAM, 25 octobre 217, 399491, B. Il s’agit donc là d’une question de légalité de sanction administrative, qui engage la responsabilité de l’administration sur le terrain de la faute et non de la faute lourde. XI M. A. conteste cependant d’abord la forme qu’a prise, en aval de la décision de sanction, la publication de celle-ci. Il fait en effet valoir qu’il résulte des termes de sa décision que la commission de sanction a prévu que, nous citons : « la présente décision sera publiée au registre de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et pourra être consultée au secrétariat de la Commission », pour en déduire que l’ACPR ne pouvait pas, comme elle l’a fait, publier la décision sur son site internet, accessible via les moteurs de recherche. Il en déduit l’illégalité fautive d’une décision de publication distincte de la sanction elle-même. Le président de l’ACPR que vous avez appelé à présenter des observations soutient toutefois sans être contredit que le règlement intérieur de la commission des sanctions alors applicable prévoyait une publication des sanctions au sein du registre accessible sur internet. Aussi, sauf à ce que par une mesure d’instruction vous sollicitiez du ministre la production de ce règlement intérieur, vous ne pourrez que constater qu’en prévoyant la publication de la décision au registre, la commission des sanctions avait bien prévu sa publication sur internet. XII Pour se prévaloir ensuite du caractère disproportionné du préjudice causé par la publication au sens de l’article L. 612-39, M. A. souligne que la publication sur internet a fait obstacle à ce qu’il puisse se reconvertir professionnellement, puisqu’une simple recherche de son nom sur internet permettait à tout tiers de prendre connaissance de la sanction. La sanction motive sa propre publication par la protection des assurés justifiant qu’elle soit portée à la connaissance de toutes les personnes intéressées sous une forme permettant d’identifier l’auteur des manquements en cause – soit un détournement de fonds par un intermédiaire en assurance et une falsification de documents communiqués à ses clients, agissements qualifiés d’une particulière gravité, pour des montants en cause très élevés au regard de la taille de la société de l’intéressé et sans qu’aucune victime ait été indemnisée. Il nous semble que compte tenu, d’une part, de la lourdeur de la sanction prononcée, d’autre part de ses motifs, la publication sur internet de la sanction non anonymisée n’est pas disproportionnée. XIII Nous pouvons en venir à ce qui concerne la décision du 15 octobre 2013. Il s’agit en l’occurrence de mesures conservatoires qui ont été adoptées sur le fondement du 3° de l’article L. 612-33 du code monétaire et financier, qui permet à l’ACPR de limiter ou interdire temporairement l'exercice de certaines opérations ou activités par cette personne, y compris l'acceptation de primes ou dépôts. Le texte ne prévoit pas que de telles mesure de police puissent être publiées, mais le IV de l’article L. 612-1 du code, dispose que l’ACPR peut à la connaissance du public toute information qu'elle estime nécessaire à l'accomplissement de ses missions sans qu’y fasse obstacle le secret professionnel, et il nous semble que les mesures de police qu’elle prend en font tout à fait partie.

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XIV Un telle publication est donc susceptible d’engager la responsabilité de l’État sur le terrain, le pensons-nous, de la faute. Il nous semble certes que lorsque l’ACPR ne décide pas de publier de telles informations, s’agissant d’une abstention à agir dans le cadre d’un pouvoir de contrôle, il nous semble que seule une faute lourde pourrait engager la responsabilité de l’État. Pour reprendre les conclusions de M. Lessi sous la décision du Conseil d’État du 9 novembre 2016, Faure, 393902, B, le cas est alors celui d’un contentieux né de relations triangulaires entre une administration en position de contrôleur, un contrôlé, et un tiers victime des agissements dommageables du contrôlé, ce tiers recherchant la responsabilité du contrôleur. Le Conseil d’État a dans ce cas déjà reconnu l’engagement de la responsabilité administrative sur le seul terrain de la faute lourde de l’ACPR par une décision société Groupe Norbert Dentressangle, 18 février 2002, 214179, B. Mais dans le cas où l’ACPR décide la publication, elle prend bien une décision positive et il nous semble que c’est sur le terrain de l’illégalité fautive que sa responsabilité peut être engagée. XV En l’occurrence, M. A. relève que la décision adopte des mesures conservatoires à l’encontre de la société Teucer gestion privée, et s’il ne conteste pas le bien-fondé de la publication de ces mesures, il soutient qu’est entachée d’erreur manifeste d’appréciation la publication de son nom, en qualité de président de la société, au sein de la décision portant mesures conservatoires. Il ajoute que par courrier du 11 décembre 2015 l’ACPR a elle-même admis, nous citons, « que la mention de votre nom ne sert pas, en elle-même, les objectifs poursuivis par l’ACPR quand elle a décidé de porter à la connaissance du public la mesure conservatoire » et a informé le requérant de ce que son nom serait retiré pour l’avenir. Il n’en demeure pas moins que ne peut selon nous être regardée comme fautive la publication du nom du dirigeant d’une société faisant l’objet de mesures conservatoires, cette information ne relevant pas du secret professionnel, et ce quand bien même la publication a pour effet d’associer le nom du dirigeant à ces mesures. XVI En tout état de cause, nous ne vous proposerions pas d’admettre que M. A. justifie d’un préjudice réparable. M. A. estime avoir subi : - un préjudice de 31 041 euros pour les frais qu’il a dû exposer pour corriger l’atteinte portée à sa réputation sur internet ; - un préjudice économique de 300 000 euros ; - enfin un préjudice moral de 10 000 euros. Cependant, M. A. n’apporte aucun élément qui permettrait de distinguer les conséquences de la publication justifiée de la sanction du 17 juillet 2014 de celle fautive du 15 octobre 2013 – tous les éléments qu’il apporte sont au contraire postérieurs à la décision de sanction. Aussi, sauf que vous estimiez pouvoir retenir un préjudice moral modique, nous vous proposerions de rejeter les conclusions fondées sur la faute. XVII En l’absence de préjudice anormal et spécial, vous pourrez en outre rejeter les conclusions fondées sur la responsabilité sans faute. XVIII Vous pourrez donc rejeter les conclusions indemnitaires, ainsi nécessairement que les conclusions relatives aux frais de procédure.

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Vous pourrez en outre rejeter les conclusions formées au titre des frais exposés par l’État, qui n’ont en tout état de cause pas été formées par l’autorité pouvant effectivement le représenter devant vous. XIX Tel est le sens de nos conclusions.

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Conclusions de Laure Marcus, rapporteur public Affaire n° 1608472

M. G., directeur de recherche au CNRS, effectue des recherches en vue de la publication d’un ouvrage sur la politique africaine du président François Mitterrand en Afrique centrale. Dans cette optique, il a présenté le 7 avril 2015 auprès de la ministre de la culture et de la communication une demande de consultation à titre dérogatoire d’un certain nombre d’archives de l’ancien PR François Mitterrand et de ses proches collaborateurs, archives non encore librement communicables et conservées aux Archives nationales. La ministre a saisi le 13 août 2015, pour accord, Mme Dominique Bertinotti, mandataire des archives de François Mitterrand en application des dispositions de l’article L. 213-4 du code du patrimoine. Le 7 octobre 2015, celle-ci a donné son accord à la consultation de certains des documents et l’a refusé pour la plupart des autres, en motivant son refus partiel par l’atteinte excessive aux intérêts protégés par la loi qu’était susceptible de porter la consultation des documents en cause. Par décision du 7 décembre 2015, la ministre de la culture a autorisé M. G. à consulter aux archives nationales les documents pour lesquels Mme Bertinotti avait donné son accord et a opposé un refus pour les autres. M. G. a alors saisi la commission d’accès aux documents administratifs, qui a rendu, le 3 mars 2016, un avis défavorable. Par la présente requête, M. G. vous demande d’annuler la décision implicite née du silence gardé par l’administration à la suite de sa saisine de la CADA. A l’appui de sa demande, M. G. a soulevé une QPC, que le CE a transmise au Conseil constitutionnel par une décision du 28 juin 2017 et à laquelle celui-ci a répondu le 15 septembre suivant, en jugeant que l’article L 213-4, qui ne méconnaissait ni l’article 15 de la DDHC ni les articles 11 et 16 de celle-ci, était conforme à la Constitution. Un mot au préalable sur l’étendue du litige, pour ne plus y revenir : celui-ci ne porte plus désormais sur les archives de Bruno Delaye cotées AG/5(4)/BD/62, dossier 1, sous dossier 3, et cotées AG/5(4)/795, celles d’Hubert Védrine cotées AG/5(4)/HV/41, extrait, ni celles de Dominique Pin cotées AG/5(4)/DP/34, dossier 2 et cotées AG/5(4)/35, que M. G. a été autorisé à consulter par décision du ministre du 22 décembre 2016. Par conséquent, ses conclusions, en tant qu’elles portent sur le refus de consulter ces documents sont devenues sans objet et vous prononcerez un NLAS partiel. Il nous faut préalablement retracer le cadre juridique de conservation et de consultation des archives publiques du PR et de ses collaborateurs. La caractéristique de cette consultation est son caractère dérogatoire par rapport au principe posé à l’article L 213-1 du code du patrimoine selon lequel « les archives publiques sont…

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communicables de plein droit ». L’article L 213-2 institue un certain nombre de dérogations à ce principe, en fixant divers délais de communication pour protéger divers secrets ; l’article L 213-3 crée une possibilité de consultation dérogatoire avant l’expiration de ces délais. Enfin l’article L 213-4 régit le versement des archives publiques émanant du président de la république, du premier ministre, des membres du gouvernement et de leurs collaborateurs, qui peut faire l’objet d’un « protocole relatif aux conditions de traitement, de conservation, de valorisation ou de communication du fonds versé » pendant la durée des délais prévus au L 213-2 ; cet article précise que pour l’application du L 213-3, « l'accord de la partie versante requis pour autoriser la consultation est donné par le signataire du protocole », celui-ci prenant fin à la date d’expiration des délais fixés par le code. Ce dispositif, institué par la loi du 15 juillet 2008 relative aux archives, avait un but très clair dans l’esprit du législateur : favoriser le versement aux Archives nationales des archives des hauts responsables politiques. A cet égard le rapport parlementaire du député François Calvet sur le projet de loi de 2008 est particulièrement éclairant ; il explique en effet que si le versement des archives des personnalités politiques est en principe obligatoire (car ce sont des « documents qui procèdent de l’activité de l’État » au sens de la loi du 3 janvier 1979 sur les archives), il est, dans les faits, impossible à l’administration des archives de contrôler l’exhaustivité des versements, et certains responsables politiques peuvent être tentés de conserver après la fin de leur mandat des archives qui peuvent leur être utiles pour la poursuite de leur activité. Or, le versement aux Archives nationales prive la personnalité versante d’accès à ses archives et ne lui permet pas d’en contrôler la communication à des tiers. Ce régime pensé pour le fonctionnement de l’administration est donc peu adapté aux archives des hommes politiques, voire dissuasif en l’absence de garantie de confidentialité des documents versés, les autorisations de consultation étant accordées par l’administration et non par la personne ayant versé les archives. C’est pourquoi la pratique des protocoles de remise d’archives, conclus entre les responsables politiques et l'administration des archives depuis les années 80, a constitué une solution pragmatique – mais jusque là sans base légale - assurant tant le contrôle des hommes politiques sur leurs archives que la pérennité de ces documents, puisque les personnalités versantes bénéficient d’un droit d’accès sans restrictions à leurs archives et du contrôle de l’accès à celles-ci pendant une certaine durée. Ainsi, pendant 60 ans pour les Présidents de la République, toute communication de leurs archives nécessite leur autorisation. À l’expiration de ce délai, les archives sont soumises au droit commun des archives publiques. Cette procédure a donc permis de généraliser le versement des archives des hommes politiques, et la création de l’article L 213-4 avait pour objet de donner un fondement juridique à la pratique de ces protocoles. Article L. 213-3 du code du patrimoine : « I. – L'autorisation de consultation de documents d'archives publiques avant l'expiration des délais fixés au I de l'article L. 213-2 peut être accordée aux personnes qui en font la demande dans la mesure où l'intérêt qui s'attache à la consultation de ces documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. (…) l'autorisation est accordée par l'administration des archives aux personnes qui en font la demande après accord de l'autorité dont émanent les documents. (…). / II. – L'administration des archives peut également, après accord de l'autorité dont émanent les documents, décider l'ouverture anticipée de fonds ou parties de fonds d'archives publiques. (…) ».

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Article L. 213-4 : « Le versement des documents d'archives publiques émanant du Président de la République (…) peut être assorti de la signature entre la partie versante et l'administration des archives d'un protocole relatif aux conditions de traitement, de conservation, de valorisation ou de communication du fonds versé, pendant la durée des délais prévus à l'article L. 213-2. Les stipulations de ce protocole peuvent également s'appliquer aux documents d'archives publiques émanant des collaborateurs personnels de l'autorité signataire. / Pour l'application de l'article L. 213-3, l'accord de la partie versante requis pour autoriser la consultation ou l'ouverture anticipée du fonds est donné par le signataire du protocole. / Le protocole cesse de plein droit d'avoir effet en cas de décès du signataire et, en tout état de cause, à la date d'expiration des délais prévus à l'article L. 213-2. / Les documents d'archives publiques versés antérieurement à la publication de la loi n° 2008-696 du 15 juillet 2008 relative aux archives demeurent régis par les protocoles alors signés. Toutefois, les clauses de ces protocoles relatives au mandataire désigné par l'autorité signataire cessent d'être applicables vingt-cinq ans après le décès du signataire. ». En l’espèce, l’ancien président F. Mitterrand avait signé, en 1984 puis le 15 février 1995 un protocole portant sur « tous les documents produits ou reçus par la présidence de la République » et désignant Mme Bertinotti en qualité de mandataire, dont l’accord est donc requis pour autoriser la consultation des archives concernées. En application du dernier alinéa de l’article L 213-14, ce protocole cessera de s’appliquer 25 ans après la mort de F Mitterrand, soit le 8 janvier 2021 ; par conséquent, les dispositions de l’article L. 213-2 retrouveront à s’appliquer, et une communication dérogatoire pourra être accordée sur le fondement du L. 213-3. Après ce long préambule, revenons à la requête de M. G. Celui-ci soutient en premier lieu que le refus partiel de consultation des archives de François Mitterrand opposé par sa mandataire est dépourvu de fondement juridique et méconnaît le principe selon lequel l’autorité dont émanent les documents a la charge d’accorder les autorisations de consultation d’archives. Mais comme nous venons de l’exposer, la décision prise par la ministre de la culture, après avoir recherché l’accord de Mme Bertinotti, a été légalement prise au regard des dispositions des articles L. 213-3 et L. 213-4 du code du patrimoine dont il n’appartient pas au juge administratif d’apprécier le bien-fondé. Les moyens suivants sont tirés de l’atteinte portée par ces dispositions à l’exercice de diverses libertés garanties par la CEDH. Mais la liberté d’expression et de communication garantie par l’article 10 1° de la CEDH n’a pas été méconnue par les dispositions de l’article L. 213-4 qui instituent des conditions spécifiques de communication des archives publiques du PR dans le but de permettre le versement de ces documents et poursuivent ainsi un objectif d’intérêt général. Article 10 1°CEDH : Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques (…) Article 11 DDHC : La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi. M. G. soutient ensuite que les dispositions de l’article L. 213-4 méconnaissent le droit au procès équitable et au recours effectif, protégé par les stipulations des articles 6-1 et 13 de la CEDH (le droit au recours mentionné à l’article 13 n’a pas d’existence indépendante : il ne

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peut être invoqué que dans le cas d’une violation d’un des autres droits et libertés reconnus par la convention elle-même) ; il fait valoir à l’appui de ce moyen que la décision du mandataire désigné par l’autorité signataire du protocole n’est pas susceptible de faire l’objet d’un recours juridictionnel et que l’autorité administrative statuant sur le versement des archives publiques est tenue de se conformer à la décision du mandataire. Il en déduit que cette procédure porte atteinte à son droit à bénéficier d’un recours effectif contre la méconnaissance de son droit à communication, reconnu par l’article 10 de la convention. Toutefois, vous constaterez que le CC a répondu sur ce point, dans la décision relative à la QPC posée par M. G., que « la circonstance que l’autorité administrative ne puisse surmonter l’absence d’accord du signataire du protocole de versement ou de son mandataire n’entraîne par elle-même pas d’atteinte au droit d’exercer un recours effectif devant une juridiction ». Le CC l’a fait au regard de l’article 16 de la DDHC, seul invocable dans le cadre d’une QPC, mais vous pourrez, pour écarter ce moyen, reprendre cette réponse s’agissant des stipulations de l’article 13 de la CEDH qui ont la même portée. Article 6 1° CEDH : Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle… Article 13 CEDH : Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. Article 16 DDHC : Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution. Si ce droit au recours a été jugé effectif, c’est que le requérant dispose toujours de la possibilité de contester la légalité du refus d’accord de la mandataire à l’appui de son recours contre la décision de la ministre. Aux termes de la jurisprudence du CE, en effet, « si, lorsque la délivrance d'une autorisation administrative est subordonnée à l'accord préalable d'une autre autorité, le refus d'un tel accord, qui s'impose à l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, ne constitue pas une décision susceptible de recours, des moyens tirés de sa régularité et de son bien-fondé peuvent, quel que soit le sens de la décision prise par l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, être invoqués devant le juge saisi de cette décision » (CE 6 mars 1964 Cie de l’Union ou 6 juin 1986, SRI, p. 649, réaffirmé par CE 26 octobre 2001 M. et Mme Eisenchteter n°216471, en A). En revanche, tous les moyens dirigés contre la décision finale sont inopérants, à l’exception de ceux qui sont liés à la violation des stipulations d’une convention internationale. Par conséquent, vous écarterez sans les examiner les moyens tirés de ce que la décision de la ministre de la culture serait entachée d’erreur manifeste d’appréciation, d’un défaut d’examen particulier de sa demande, d’une erreur de droit, d’une erreur de fait et méconnaitrait la priorité donnée par la présidence de la République au plus large accès aux archives dès l’année 2016. En revanche, vous devrez décider si une telle EMA entache le refus d’accord de la mandataire. A l’appui de ce moyen, M. G. fait valoir que les documents dont il demande la communication ont été déclassifiés, antérieurement au refus qui lui a été opposé, mais qu’il

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n’a pas la possibilité de s’en assurer, que l’égalité de traitement entre chercheurs n’est pas respectée puisque d’autres personnes (journaliste, juge) ont pu avoir accès dès 2005 à certaines archives du président Mitterrand, dont le contenu a été commenté dans des articles de presse. Mais même si ces arguments sont puissants, il nous semble que vous devez garder en tête le caractère dérogatoire de la procédure instituée par l’article L 213-4 et de l’objectif qu’elle poursuit, et que nous avons rappelé à titre liminaire ; d’autre part, vous devez mettre en balance, dans le cadre de votre contrôle, l’intérêt légitime du demandeur et ceux que la loi a entendu protéger (CE 29 juin 2011 Mme Rouzaud n°335072). Dans le cas présent, il s’agir de décider si l’intérêt de M. G. à poursuivre sans délai ses recherches en vue de la publication de son ouvrage prévaut sur la protection des intérêts tenant à la sûreté de l’Etat. Nous ne le pensons pas, compte tenu à la fois du caractère particulièrement sensible du domaine concerné, à savoir la politique étrangère de la France au Rwanda, et de la proximité dans le temps de la possibilité de consulter ces archives – non pas librement, certes, mais sur demande, puisque les archives de M. Mitterrand, comme nous l’avons dit, retomberont dans le droit commun de la consultation des archives publiques, régi par l’article L. 213-3, dans un peu moins de trois ans, début 2021. M. G. ajoute qu’il n’est pas justifié que la mandataire, personne privée, exerce seule le pouvoir de décider si la sûreté de l’Etat est menacée par la communication des archives de M. Mitterrand, alors par ailleurs que les autorités administratives chargées de se prononcer sur les déclassifications ont déclassifié en 2015, dans un souci de transparence, un grand nombre d’archives relatives à la politique de la France au Rwanda entre 1990 et 1994. Mais nous l’avons dit, c’est la loi qui a prévu ce dispositif, qu’il ne vous appartient pas de le censurer et que le CC a déclaré conforme à la Constitution. Enfin il relève que la position de Mme Bertinotti, membre du conseil d’administration et du conseil scientifique de l’institut François Mitterrand, lequel institut a pris position sur la question de l’intervention française au Rwanda, peut faire soupçonner une collusion d’intérêts. Mais il n’invoque pas clairement le détournement de pouvoir et dès lors que vous estimez la mesure justifiée, vous ne retiendrez pas davantage ce dernier moyen. PCMNC au rejet de la requête. Ccls CE Eisenchteter 216471 : A) Les cas dans lesquels le sens de la décision finale d'une autorité est subordonné à la prise de position adoptée par une autorité distincte sont en réalité très nombreux. On peut distinguer trois cas de figure. 2°) Le second cas est celui dans lequel l'autorité chargé de prendre la décision finale est saisie d'une demande tendant à l'octroi d'une autorisation, mais que les textes dont elle doit faire application prévoient que cette autorisation ne peut être délivrée qu’après accord d'un autre organe. Dans cette hypothèse, l'autorité ne peut prendre la décision sollicitée si elle n'a pas obtenu l'accord de l'organe auquel sa décision est subordonnée (CE, 14 novembre 1957, Bodin, p.609 ; CE, 29 janvier 1969, Dme veuve Chanebout, p.43). En revanche, l'autorité chargée de prendre la décision peut parfois s'écarter du sens de l'accord : ce n'est en effet que lorsque l'accord refusé qu'elle est tenue de refuser l'autorisation sollicitée (CE, 22 février 1957, société coopérative de reconstruction de Rouen, p.126). Dans le cas contraire, c'est à dire si l'accord est obtenu, rien n'interdit à cette autorité de refuser néanmoins de satisfaire la demande dont elle est saisie au titre de l'application d'autres dispositions que

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celles qui ont donné lieu à l'avis (CE, 7 novembre 1980, min. de l'environnement et du cadre de vie c/ SCI Alvarado, p.418). Bien entendu, il est toujours possible, pour le destinataire de la décision, d'invoquer l'illégalité de l'avis conforme à l'appui de la contestation de la décision finale. 1°) Il s'agit là d'un principe que vous appliquez constamment. Une décision Andrieu du 8 mars 1985, T.p.470, résume parfaitement votre jurisprudence, en jugeant que "dès lors qu'un avis défavorable lie la compétence de l'autorité appelée à se prononcer sur la demande, la légalité d'une décision de refus est subordonnée à la légalité externe et interne dudit avis". Vous admettez ainsi que le requérant invoque à l'appui de la contestation d'un refus de permis de construire l'illégalité de l'avis défavorable de l'ABF. Ainsi dans votre décision Carli du 8 septembre 1997, après avoir fermement rappelé que des dispositions qui subordonnent l'avancement de certains magistrats à l'avis conforme d'une commission d'avancement "entraînent, pour l'autorité investie du pouvoir de nomination, l'exercice d'une compétence liée, dont elle ne peut s'affranchir, en cas d'avis défavorable de la commission, sous peine d'illégalité", vous recherchez, bien sûr, si l'avis de cette commission, auquel s'était conformé cette autorité, est ou non entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sommaire

Conclusions de Monique Salzmann, rapporteur public Affaire n° 1701338

M. A. F., né le 3 mai 1957, est entré le 7 janvier 1991 dans la société Brit Air, compagnie aérienne régionale française, devenue en mars 2013 « HOP ! ». Il exerçait comme pilote de ligne en qualité de commandant de bord au sein de cette compagnie aérienne filiale de la société Air France. Dans le cadre d’un plan de réduction des effectifs fondés sur le volontariat, M. F. a fait acte de candidature à un départ volontaire pour projet personnel le 6 mars 2016 et a signé une convention avec la société « HOP » le 3 mai 2016 par laquelle il a donné son accord à la rupture amiable de son contrat de travail dans le cadre d’un départ volontaire pour motif économique (article 1er). Le 30 septembre 2017, M. F. n’a plus été employé de la « société HOP ». Sur le plan médical, M. F. souffre de pathologies cardiaques et respiratoires, en particulier d’un syndrome d’apnée du sommeil sévère. Il a été déclaré inapte Classe 11 (pilote professionnel) pour une durée de trois mois, par décision du 4 avril 2016 du médecin au Centre d’Expertise Médicale Aéronautique de Toulouse-Blagnac puis inapte pour une durée de trois mois, concernant à nouveau la classe 1

1 La Classe 1 est réservée aux professionnels de l'aéronautique. Elle permet d'obtenir la licence de pilote de ligne « Airline transport Pilot Licence » (ATPL), elle est également liée à la « Commercial Pilote Licence » (CPL).

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(pilote professionnel), mais aussi la classe 22 (pilote non professionnel) et la classe LAPL3 (pilote d’aéronef léger) par décision du 8 juillet 2016. En septembre 2016, M. F. a demandé que son inaptitude soit reconnue comme définitive. Après un nouvel examen confirmant son inaptitude le 16 octobre 2016 du médecin chef du centre d’expertise médical aéronautique, son dossier a été transmis au pôle médical de la direction générale de l’aviation civile. M. F. été déclaré inapte Classe 1 (pilote professionnel), classe 2 (pilote non professionnel) et classe LAPL (licence de pilote d’aéronef léger) par le Pôle Médical le 2 décembre 2016. Son dossier a ensuite été transmis au Conseil Médical de l’Aéronautique Civile (dit « CMAC ») compétent, sur le fondement de l’article R.410-5 du code de l’aviation civile, pour se prononcer sur le caractère définitif ou non de l’inaptitude classe 1 de M. F.. Par décision du 7 décembre 2016, le CMAC a refusé de reconnaître le caractère définitif de l’inaptitude Classe 1 de M. F., au regard des éléments de son dossier. C’est cette décision que vous demande d’annuler M. F. par le présent recours en excès de pouvoir. Le ministre de la transition écologique et solidaire, dans ses écritures en défense (mémoire du 17 novembre 2017 complétée de façon plus substantielle le 26 janvier 2018), vous demande de prononcer un non lieu à statuer compte tenu de la décision intervenue en cours d’instance, postérieurement au dépôt du recours contentieux, abrogeant le refus initial. Le ministre fait valoir que le CMAC a réétudié le dossier médical de M. F. lors de sa séance du 15 novembre 2017 et qu’il a déclaré M. F. inapte définitivement à exercer sa profession de navigant classe 1 et que donc il a obtenu satisfaction. Le requérant soutient que la décision du 15 novembre 2017 reconnaissant son inaptitude définitive et qui vaut pour l’avenir ne lui donne pas satisfaction. Il expose qu’il a intérêt à une annulation rétroactive par le juge de la décision initiale de refus car le refus de reconnaissance de l’inaptitude définitive a eu des conséquences préjudiciables tant matérielles que morales sur sa situation : - l’absence de reconnaissance du caractère définitif de son inaptitude l’a privé du bénéfice de l’assurance souscrite par la compagnie aérienne « HOP ! » pour ses salariés en cas d’inaptitude définitive, correspondant, au jour de la décision en litige, à un montant de 40 % de son traitement de base annuel, soit environ 53 810 €. - l’absence de reconnaissance du caractère définitif de son inaptitude l’a également empêché de percevoir sa retraite complémentaire des personnels navigants, dont le bénéfice, sur une période d’un an au moins, sera totalement perdu à défaut d’annulation rétroactive de la décision en litige. - sa reconversion professionnelle (pilotage de drones) en raison de son inaptitude pour toutes les licences de vol (classes 1, 2 et LAPL) a été bouleversée, sinon empêchée, par la décision en litige

2 La Classe 2 concerne les pilotes non professionnels, pilotes privés et pilotes d'aéroclub. 3 La Classe LAPL correspond à « Light Aircraft Pilote Licence ». Elle permet de voler en aéro-club (ULM, avion léger, planeur, ballon) à titre amateur

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La présente affaire pose la question de savoir si la reconnaissance d’une inaptitude définitive en cours d’instance après un refus initial rend sans objet le recours en annulation contre ce refus et s’il doit vous conduire à prononcer un non lieu à statuer. Nous inclinons pour un non lieu à statuer (« NLAS ») mais la question est délicate. Selon la jurisprudence (voyez notamment les conclusions de M. Lessi sous l’affaire CE Fiorentino 5 mai 2017 n°391925 et de M. Gilles Pelissier sous l’affaire CE de Simencourt 26 septembre 2016 n°385627, B), il y a non lieu à statuer en excès de pouvoir lorsque le recours est privé d’objet après son introduction. Classiquement, la perte d’objet peut être provoquée par la disparition rétroactive de l’acte attaqué, en raison de son retrait par l’administration ou d’une annulation du même acte par le juge. Le Conseil d’Etat dans sa décision Borusz (concernant une mesure dite positive, un décret d’extradition) du 19 avril 2000 n°207469, A a jugé que « Si avant que le juge n'ait statué, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d'être critiqué dans le délai de recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté ce qui conduit à ce qu'il n'y ait lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite du pourvoi dont il était saisi. Il en va ainsi quand bien même l'acte rapporté aurait reçu exécution ». La disparition de l’acte peut aussi provoquer le non-lieu alors même qu’elle n’est pas rétroactive, telle une abrogation. En ce cas l’acte doit n’avoir reçu aucun commencement d’exécution. Cette même décision Borusz4 a jugé, s’agissant de l’abrogation, que « dans le cas où l'administration se borne à procéder à l'abrogation de l'acte attaqué, cette circonstance prive d'objet le pourvoi formé à son encontre, à la double condition que cet acte n'ait reçu aucune exécution pendant la période où il était en vigueur et que la décision procédant à son abrogation soit devenue définitive » . (à titre d’exemple CE 29 juillet 1998 Mwinyl, n°169139). S’agissant des contentieux de l’excès de pouvoir des refus de prendre une décision individuelle (mesure dite négative), la jurisprudence est souple. La contestation du refus de prendre une décision individuelle devient sans objet lorsqu’en cours d’instance il a été fait droit à la demande par l’administration. Et le juge peut alors prononcer un non lieu d’opportunité lorsque l’annulation par le juge n’aurait pas d’intérêt pratique et ne pourrait procurer au requérant un avantage supérieur à celui que l’administration lui a donné en cours de procédure. Les jurisprudences suivantes en offrent une illustration : - CE 21 mai 1953 Bernabé : Non-lieu à statuer sur les conclusions contre le refus initial lorsque le permis de construire initialement refusé est délivré ; - CE 16 juin 1967 Tassel, n° 63230, A : Non-lieu à statuer sur des conclusions tendant à l'annulation d'un refus d'ouverture d'officine dès lors que l'autorisation d'ouverture a été accordée ultérieurement, et que la décision de refus devait ainsi être regardée comme rapportée à la date à laquelle le tribunal administratif a statué.

4 Clarification du régime du non lieu non seulement en cas de retrait mais encore en cas d’abrogation de l’acte administratif litigieux commentaire :p 843 « Les grands arrêts du contentieux administratif »

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- CE 2 mai 1980 Bouliou, n°15293, B : Non-lieu à statuer car la communication en cours d’instance de documents dont la communication avait été initialement refusée fait perdre son objet au recours contre la décision de refus. - CE Mme Bonardel, n° 112690, B : Non-lieu à statuer sur la requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir d'une décision du ministre de l'éducation nationale en date du 3 février 1989 refusant de proposer Mme B. pour une nomination en qualité de professeur des universités et de la décision implicite par laquelle le ministre a rejeté son recours contre ladite décision. Par un décret du Président de la République en date du 1er juin 1990, postérieur à l'introduction du pourvoi, Mme B. a en effet été nommée et titularisée en qualité de professeur des universités. - CE 9 décembre 1994 Association Flavien n°117596, A : Non-lieu à statuer sur une requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision rejetant une demande d'agrément prévu par l'article 175 du code de la famille et de l'aide sociale, dès lors que cet agrément a été délivré postérieurement à l'introduction de la requête. - CE 8 décembre 2000 Mlle Cherraj n°214479, B (conclusions contraires du RP) en matière de visa : sont devenues sans objet les conclusions aux fins d'annulation du refus de l'autorité consulaire de délivrer un visa de court séjour lorsque, postérieurement à l'enregistrement du pourvoi, celle-ci a accordé au requérant un visa de court séjour. Dans cette dernière affaire, il est intéressant de noter que le Conseil d’Etat a jugé qu’ à la suite de la délivrance du visa initialement refusé, le non-lieu pouvait être opposé, y compris lorsqu’il résultait des motifs de la première demande à laquelle avait été opposé un refus qu’il était essentiel pour l’intéressé de pouvoir être présent en France à l’époque pour laquelle il avait initialement sollicité la délivrance d’un visa. M. Aguila, dans ses conclusions sous l’affaire Mallek n°286327 faisait remarquer, en commentant cette décision de NLAS, que la décision attaquée a été temporairement exécutée, et a donc eu un effet en empêchant provisoirement la venue du requérant sur le territoire français, qu’en toute orthodoxie, l’annulation, en tant qu’elle a une portée rétroactive, n’a pas totalement perdu son intérêt. Mais ajoutait-il, votre raisonnement repose sur un certain pragmatisme : lorsqu’il s’agit d’une décision négative, son exécution n’a pas, le plus souvent, eu d’effets juridiques ; et dès lors, son annulation n’en aurait guère davantage : elle n’aurait qu’une valeur symbolique. Et rien n’empêche le requérant, s’il estime avoir subi un préjudice pour la période passée, de présenter un recours indemnitaire. Le juge ne s’intéresse pas, dans ces hypothèses, au fait que le refus ait reçu un commencement d’exécution : si le refus a pu bloquer, pendant un certain temps, la situation du demandeur, il n’a cependant pas créé de droits, ni d’ailleurs modifié l’état du droit (cf Justine Lieber dans ses conclusions sous l’affaire Société Allis 22 décembre 2017 n°399804). La circonstance que la décision de refus ait produit des effets n’empêche ainsi pas le prononcé d’un non-lieu à statuer. Pour décider d’un non lieu, il faut que le juge vérifie s’il y a concordance, voire équivalence, entre ce qui a été demandé et ce qui a été accordé. Le Conseil d’Etat admet ainsi le prononcé d’un non-lieu à statuer lorsque le requérant n’a pas obtenu l’acte administratif demandé mais une décision lui garantissant des droits au moins équivalents (cf CE 22 janvier 2007 Malleck n° 286327 : NLAS s’agissant de la délivrance par l’autorité consulaire d’un titre de séjour en qualité de conjoint français au lieu du visa demandé). A l’inverse, si la décision intervenue en cours d’instance ne confère pas les mêmes droits, alors le recours conserve son utilité et il y a lieu d’y statuer.

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En ce sens, CE 22 juin 2012 MI C/ Mme Ghali 346377, B : l'octroi en cours d'instance d'un document de circulation pour étranger mineur ne prive pas d'objet la requête tendant à l'annulation du refus d'accorder à l'intéressé une autorisation de séjour au titre du regroupement familial. CE 4 décembre 2002 M. Miski n°209135 : absence de NLAS car la demande de visa présentée par M. MISKI au consul général de France à Rabat avait un objet différent de celle présentée aux autorités consulaires italiennes. A titre illustratif, voyez la décision du CE de Simencourt du 26 septembre 2016, n° 385627, classée en B, dans laquelle le principe a été posé: 1) qu’il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l’annulation d’une décision ayant rejeté une demande d’autorisation d’urbanisme lorsque, postérieurement à la saisine de la juridiction, l’autorité administrative a délivré l’autorisation sollicitée (cas de figure où l’autorité administrative après avoir refusé l’autorisation sollicitée se ravise et l’accorde) 2) que le recours contre la décision de refus conserve, en revanche, un objet lorsque l’autorisation finalement accordée ne peut être regardée comme équivalant à l’autorisation initialement sollicitée et refusée, en raison notamment des modifications que le pétitionnaire a apportées à sa demande pour tenir compte des motifs du refus qui lui a été initialement opposé (cas où l’administration délivre l’autorisation sollicitée en réponse à une nouvelle demande qui n’est pas identique à la première). En l’espèce, Le requérant a obtenu ce qu’il avait demandé, à savoir la reconnaissance du caractère définitif de son inaptitude. Si on procède à une comparaison entre ce qui a d’abord été demandé et refusé et ce qui a ensuite été accordé, les objets concordent parfaitement. La demande initiale n’a pas évolué entretemps. La décision intervenue en cours d’instance répond exactement à la demande initiale. Et du reste, dans sa requête, l’injonction sollicitée par le requérant tend seulement à ce que le conseil médical de l’aéronautique civile le déclare inapte classe 1 à titre définitif. L’intervention de la décision attendue rend ainsi inutile toute injonction de faire. En d’autres termes, l’annulation par le juge ne serait pas plus intéressante que ce que le requérant a d’ores et déjà pu obtenir. Voyez le raisonnement à suivre explicitée par Aurélie Bretonneau dans l’affaire Section Française de l’Observatoire International des Prisons du 30 décembre 2014 n°s 362496 et 364774 : « …la raison de cette souplesse [dans le contentieux des refus de prendre une décision] tient à la différence de portée qui sépare un contentieux direct à fins d’annulation d’un acte, qui tend à sa disparition rétroactive, d’un contentieux indirect dirigé contre un refus de prendre, d’abroger ou de modifier un acte, tendant seulement à ce que l’état du droit soit modifié pour l’avenir. Dans le contentieux de l’acte « prétexte » qu’est le refus, qui ne sert qu’à lier le contentieux sans modifier par lui-même l’état du droit, la « valeur ajoutée » de l’intervention du juge de l’excès de pouvoir se résume à l’injonction de faire pour l’avenir qu’il serait susceptible de prononcer en cas d’annulation. Dès lors qu’il y a non-lieu sur l’injonction, il y a donc non-lieu sur les conclusions d’excès de pouvoir… ». En l’espèce, si vous appliquez ce raisonnement, en cas d’annulation de la décision initiale de refus de reconnaissance de l’inaptitude de M. F., vous ne pourriez pas enjoindre à l’administration de reconnaître l’inaptitude définitive de M. F. puisque cette reconnaissance est intervenue en cours d’instance, vous devriez alors prononcer un non lieu sur l’injonction. Et dès lors, ce non lieu sur l’injonction (qui rend votre intervention inutile) doit vous amener à prononcer un non lieu sur les conclusions d’excès de pouvoir.

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Dans ces conditions, eu égard à la jurisprudence citée en la matière, un non lieu paraît devoir s’imposer sur les conclusions en excès de pouvoir présentées par M. F.. Dans le cas où l’illégalité du refus a porté préjudice au justiciable, le constat de cette illégalité et sa réparation relèvent exclusivement du plein contentieux. Voyez, à titre d’exemple, la décision du Conseil d’Etat Association Bretagne Atelier s n° 261694 où la haute juridiction a prononcé un non lieu à statuer en ce qui concerne les conclusions d’excès de pouvoir contre le refus de prendre une mesure réglementaire et, sur les conclusions indemnitaires, a condamné l’administration à réparer les préjudices résultant du refus initial après l’avoir jugé illégal. Ce raisonnement est transposable à une mesure individuelle comme au cas d’espèce. Il appartient donc à M. F. de présenter, ce qu’il n’a pas fait dans le cadre de la présente instance, des conclusions indemnitaires en vue d’obtenir réparation, le cas échéant, des préjudices causés par l’illégalité fautive du refus initial. Il lui appartiendra en tout état de cause d’établir devant le juge du plein contentieux le lien direct et certain des préjudices avec la décision de refus, si l’illégalité est retenue. A ce stade, nous avons quelques doutes : - L’obstacle à la reconversion alléguée par M. F. dans le pilotage des drones ne découle pas, contrairement à ses affirmations, de la décision de refus du CMAC du 7 décembre 2016 de le reconnaître définitivement inapte mais de la décision du pôle médical du 2 décembre 2016 le déclarant inapte classe 1, classe 2 et classe LAPL. Et le refus de reclassement au sol dont il se plaint est motivé par l’existence d’un plan de départ volontaire, comme il le reconnaît lui-même dans ses écritures, et non par la décision de refus de reconnaissance de l’inaptitude définitive. - L’obstacle à la perception d’une retraite complémentaire qui découlerait de la décision de refus attaquée n’est pas suffisamment étayé. Vous n’avez pas d’attestation de la caisse de retraite du personnel navigant certifiant que le retard dans la reconnaissance de l’inaptitude définitive de M. F. l’a privé de la perception d’une retraite complémentaire à laquelle il aurait eu droit. - La circonstance que la décision de refus litigieuse l’aurait privé du bénéfice de l’assurance souscrite par la Cie HOP ! pour ses salariés en cas d’inaptitude définitive (point VIII -2 -5) n’est pas suffisamment démontrée alors que le requérant a le 3 mai 2016, donc bien avant le refus litigieux du 7 décembre 2016, conclu un contrat de rupture amiable pour motif économique dans le cadre d’un départ volontaire, effectif au 30 septembre 2007. Il n’est pas démontré que la convention autorisation la rupture amiable pour motif économique ne fasse pas obstacle à la rupture du CDI pour inaptitude physique définitive. Là encore une attestation de la compagnie HOP (ou Air France) aurait été un élément utile. Mais il n’est pas utile de s’attarder davantage sur ces aspects puisque cette appréciation des préjudices subis relève seulement du juge du PC. Si nous ne vous avions pas convaincu de prononcer un non lieu à statuer, alors il vous faudrait examiner les conclusions en annulation de M. F.. En ce cas, il nous semble que vous devriez annuler la décision attaquée pour illégalité tenant à une erreur d’appréciation.

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Sur votre degré de contrôle, il s’agit d’un contrôle normal de l’erreur d’appréciation, ainsi qu’en a jugé le Conseil d’Etat dans la décision M. Pfirmann du 20 février 2002, n° 217057, classée en B au sujet de la décision du conseil médical de l'aéronautique civile déclarant une personne définitivement inapte à la profession. (cf CE Ministre écologie c/ M. Antoni 30 décembre 2015 n°389601 ; CE 25 novembre 2005 Perrin n°275038) Rappelons qu’aux termes du point MED.B.005, relatif aux exigences médicales afférentes aux certificats médicaux de classes 1 et 2, de l’annexe IV du règlement du 3 novembre 2011 qui détermine les exigences techniques et les procédures administratives applicables au personnel navigant de l’aviation civile : « a) Le demandeur [de licence]doit être exempt : (…) 2) de toute affection ou invalidité à caractère actif, latent, aigu ou chronique (…) susceptibles d’entraîner un degré d’incapacité fonctionnelle de nature à influer sur la sécurité de l’exercice des privilèges de la licence en question ou à rendre le demandeur brusquement incapable d’exercer en toute sécurité les privilèges de ladite licence… ». Précisons que la décision reconnaissant l’inaptitude définitive de M. F. le 15 novembre 2017 est motivée par le motif médical suivant, communiqué au requérant : « syndrome d’apnée du sommeil mal équilibré ». Or les pièces versées ne justifient pas d’une évolution péjorative manifeste de l’état de santé de M. F. en ce domaine. Le dossier montre que, notamment sur le plan pneumologique, M. F. connaissait une situation très dégradée de façon contemporaine à la décision de refus du 15 novembre 2016. La réalité de la gravité de syndrome d’apnée du sommeil (« SAS ») sévère est attestée dès mai 2016 par le compte rendu d’examen de polysomnographie réalisé dans la nuit du 27 au 28 mai 2016 qui indique que M. F. est victime d’un syndrome d’apnée de type hypopnées (diminution de flux respiratoires) obstructives du sommeil sévère associé à un index de micro-réveil. (39/heure). Ce « SAS » a pour conséquence d’entrainer des somnolences diurnes. L’administration se prévaut d’un compte rendu du 20 août 2016 d’examen de polysomnographie qui conclut que son syndrome d’apnée du sommeil sévère (SAS) est bien contrôlé par son appareillage à pression positive continue (PPC). Le requérant se prévaut d’un certificat du 12 janvier 2017 d’un pneumologue certes légèrement postérieur à la décision de refus attaquée, mais qui est révélatrice et confirmatrice d’un état de santé antérieur et à ce titre peut être pris en compte. Le médecin estime que cette pathologie du sommeil justifie une utilisation rigoureuse de l’appareillage nocturne mais aussi des horaires de sommeil et que cela peut être difficilement compatible avec une activité professionnelle de pilote de ligne. Le requérant fait valoir à cet égard, sans être démenti, qu’il travaille sur des vols intérieurs, sous le régime de repos réduits. Il ressort en outre des pièces du dossier (certificat du 12 janvier 2017, succession d’examen 2016 le déclarant inapte, la Sécurité sociale prend en charge ses troubles comme « affection de longue durée » ) que sa pathologie est durable et chronique. Il s’avère que M. F. a fait l’objet tout au long de l’année 2016 d’une succession d’examens médicaux par les médecins spécialistes de la médecine aéronautique, dont l’un déterminant le

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19 octobre 2016 par le médecin chef du centre d’expertise médicale aéronautique. Il a été déclaré inapte non seulement pour la classe 1 mais aussi pour toutes les licences, même pour celle de pilote amateur d’aéronef léger en raison de ses pathologies. L’état de santé de M. F. est susceptible d’entraîner également des risques cardiovasculaires. Il ressort des pièces du dossier qu’il souffre d’une coronaropathie, diagnostiqué en 2014 (athérome + hypercholestérolémie, hypertriglycéridémie), qui implique un traitement médical au long cours selon un bilan cardiovasculaire du 13 janvier 2017. Si son état n’a pas nécessité de chirurgie, comme l’indique la défense, en revanche un traitement médical a été nécessaire. En 2014 lui fut prescrit un antiagrégant plaquettaire et un betabloquant. Si la défense se prévaut d’un examen médical poussé de surexpertise avec un examen polysomnographique réalisé dans la nuit du 4 au 5 octobre 2017 montrant que sa somnolence diurne restait sévère et persistante ainsi qu’un compte rendu d’examen médico-psychologique du 9 octobre 2017 à l’AeMC de Percy faisant état d’un pronostic d’adaptation au milieu aéronautique défavorable, il nous semble qu’il ne révèle pas une situation nouvelle qui n’aurait pu justifier antérieurement la reconnaissance d’une inaptitude définitive. Le CMAC disposait, à l’époque, des éléments nécessaires pour analyser le caractère définitif de l’inaptitude et c’est pourquoi la décision attaquée nous semble entachée d’une erreur d’appréciation. Mais si vous nous suivez, vous conclurez au prononcé d’un non lieu à statuer sur la requête. Dans les circonstances de l’espèce (l’administration s’est ravisée après le dépôt du recours contentieux, s’il n’ y a avait pas eu de recours, il est probable qu’il n’y aurait pas eu de décision positive en cours d’instance – le recours est d’ailleurs visé dans la décision reconnaissant l’inaptitude définitive), nous vous proposons d’accorder au requérant la somme de 1200 euros au titre des frais irrépétibles, le non lieu à statuer ne faisant en effet pas obstacle à l’octroi de frais exposés et non compris dans les dépens (cf CE 10 janvier 1992 Colosiez n° 119956, B ; CE 26 octobre 1992 Tosseri, n° 106963,B ; CE 20 mai 1994 Mme Martel n° 138070, B) Tel est le sens de nos conclusions.

Sommaire

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TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PARIS

N°1601566/4-1 ___________

SOCIÉTÉ LUDO VERT ___________

M. Simonnot Rapporteur ___________

M. Rohmer Rapporteur public ___________ Audience du 22 février 2018 Lecture du 15 mars 2018

_________

39-04-05

39-04-05-02-01

C

Sommaire

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Paris

(4ème Section - 1ère Chambre)

Vu la procédure suivante : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 1er février et 22 juillet 2016, et un

mémoire dit "récapitulatif", enregistré le 9 décembre 2016, la société Ludo vert, représentée par Me Job, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d’annuler la décision du 18 janvier 2016 par laquelle la société Le Jardin

d’acclimatation, avec un effet immédiat, l’a dépossédée de ses matériels forains et a transféré d’office, à son profit, les contrats de l’ensemble de ses salariés ;

2°) d’annuler la décision, prise par la société Le Jardin d’acclimatation, de résiliation

des conventions de sous-concession ayant pris effet au 6 décembre 2015, ou emportant refus de prorogation des sous-conventions ;

3°) de mettre à la charge de la société Le Jardin d’acclimatation une somme de 10 000

euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les décisions attaquées sont révélées par les agissements de la société Le Jardin

d’acclimatation, en particulier, par la diffusion de sa note du 18 janvier 2016 ; - la décision de reprise des manèges et de leur exploitation est détachable du contrat de

sous-concession ;

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- la décision en cause est infondée en ce qu’elle procède d’une qualification erronée des manèges qui étaient sa propriété ; ces biens, compte tenu en particulier de leur affectation, ne constituent pas des biens de retour ; ils étaient exploités au titre d’une activité accessoire à la mission de service public dont est investie la société Le Jardin d’acclimatation ;

- la notion de bien de retour est inédite depuis la première sous-concession signée par elle et alors que les matériels en cause ne sont pas indispensables à l’activité de divertissements payants ; cette notion est incompatible avec la situation qui était la sienne depuis le 6 décembre 2015, date à laquelle elle était considérée par la concessionnaire comme « occupant sans titre » du domaine public ;

- les stipulations de la sous-concession, celles de son article 4, notamment, ne peuvent en aucun cas fonder la notion sans « dénaturation » de ces stipulations ;

- l’interprétation à laquelle se livre la concessionnaire pour qualifier les manèges de biens de retour méconnait la volonté commune des parties à la sous-concession ;

- la société concessionnaire nie contre toute évidence la portée de l’avenant à sa concession sur la durée de la sous-concession qui était prorogée de plein droit du fait de la prolongation de la concession ; ce refus porte les mêmes effets qu’une décision de résiliation qui, étant, en l’espèce, gravement viciée, sera annulée ;

Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 juillet 2016 et les 16 février et 11 avril

2017, la société anonyme Le Jardin d'acclimatation conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Ludo vert une somme de 10 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que : - à titre principal, la requête est irrecevable ; - à titre subsidiaire, les moyens soulevés par la société Ludo vert ne sont pas fondés. Par un courrier en date du 16 février 2018, les parties ont été informées, en application

des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement à intervenir était susceptible d’être fondé sur un moyen relevé d’office, tiré de ce que la juridiction administrative est incompétente pour connaître de l'acte du 18 janvier 2016 en tant qu'il a eu pour objet l’application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail.

La société Ludo vert a présenté ses observations sur ce moyen d’ordre public par un

mémoire enregistré le 19 février 2018. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - le code général de la propriété des personnes publiques ; - le code du travail ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique : - le rapport de M. Simonnot, - les conclusions de M. Rohmer, rapporteur public,

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- et les observations de Me Job, représentant la société Ludo vert, et de Me Monod et Me Barillon, représentant la société Le Jardin d’acclimatation.

1. Considérant que la société Le Jardin d’acclimatation a conclu avec la ville de Paris, le

6 décembre 1995, une convention en vertu de laquelle elle a exploité le parc d’attraction du bois de Boulogne dénommé « jardin d’acclimatation » pour une durée de vingt ans ; que par cette convention, la société en cause a été autorisée à conclure des sous-conventions pour l’exploitation, notamment, des attractions payantes du jardin et a conclu, le 29 juillet 1997, une sous-convention avec la société Ludo vert ; que ce contrat a été conclu initialement pour une durée de quatorze ans ; que, toutefois, en vertu de l’article 2 d’un avenant du 21 juillet 2006, la durée de la sous-concession en cause a été portée à la durée ferme de la concession dont la société Le Jardin d’acclimatation était alors titulaire, soit jusqu’au 5 décembre 2015 ; que par un avenant signé le 19 mai 2015, la concession consentie à la société Le Jardin d’acclimatation a été prolongée du 6 décembre 2015 au 5 septembre 2016 ; que cette société qui tenait des stipulations de l’article 3 de cet avenant, la faculté de renouveler, sans autorisation préalable du concédant, des contrats conclus avec les tiers et contribuant à la continuité du service public, a proposé à la société Ludo vert de signer un avenant à la convention de sous-concession qui les liait afin que cette dernière société en tire les droits et titres pour poursuivre régulièrement, à compter du 6 décembre 2015, l’exploitation des manèges, qu’elle y avait installés ; que la société Ludo vert, qui a refusé la conclusion de cet avenant, compte tenu de celles de ses stipulations qualifiant les matériels exploités par elle de biens de retour, a entrepris de procéder à leur démontage le 18 janvier 2016 ; qu’à cette même date, la société Le Jardin d’acclimatation a informé les personnels de la société Ludo vert que leurs contrats de travail lui étaient transférés et leur a enjoint de cesser tous travaux de démontage ; que la société Ludo vert demande l’annulation de l’acte du 18 janvier 2016 par lequel, selon ses écritures, elle a été dépossédée de ses matériels et ont été transférés d’office les contrats de l’ensemble de ses salariés, d’une décision de résiliation des conventions de sous-concession ayant pris effet au 6 décembre 2015 et d’une décision de refus de renouvellement de sa sous-concession ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation d’une décision de résiliation : 2. Considérant que la société Ludo vert était titulaire d’une convention de sous-

concession, conclue avec la société Le Jardin d’acclimatation, pour une durée de quatorze ans à compter de la date de sa signature, le 29 juillet 1997 ; que l’article 1 de l’avenant à cette convention, signé le 21 juillet 2006, en modifiait l’article 2, selon les termes qui suivent : « La sous-concession objet des présentes est accordée pour la même durée ferme que celle de la concession consentie à la société anonyme Le Jardin d’acclimatation par la ville de Paris, soit jusqu’au 5 décembre 2015. / Dans l’hypothèse où ladite concession serait renouvelée au profit de la société anonyme Le Jardin d’acclimatation, cette dernière s’engage à faire ses meilleurs efforts pour obtenir le renouvellement de la présente sous-concession au profit de la SAS Ludo vert, sous réserve de l’accord de la ville de Paris et dans le respect des règles applicables » ; que cette « durée ferme », à la date de la signature de cet avenant, était celle du 5 décembre 2015, ainsi qu’il résulte de l’article 4 de la convention de concession conclue, le 6 décembre 1995, entre la ville de Paris et la société Le Jardin d’acclimatation ;

3. Considérant qu’il résulte des stipulations mentionnées au point précédent que la convention conclue entre la société requérante et la société Le Jardin d’acclimatation, telle que modifiée par l’avenant du 21 juillet 2006, avait vocation à être exécutée jusqu’à la date du 5 décembre 2015, et elle n’avait, à compter de cette date, que vocation à être renouvelée, dès lors que son article 2, modifié, envisageait l’hypothèse de son renouvellement en cas de

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renouvellement de la convention dont elle procédait ; que cette dernière convention a été renouvelée, par un avenant signé le 19 mai 2015, dont l’article 1 « Durée de la concession » prévoyait : « Le premier alinéa de l’article 4 « Durée de la concession de la convention de délégation est complété » comme suit : « La durée de la concession est prolongée pour une durée de neuf mois. Elle prendra fin le 5 septembre 2016 » ; que ce contrat, compte tenu de ces termes et de ceux de l’avenant du 21 juillet 2006, n’a pu porter aucun effet juridique à l’égard de la sous-concession de la société requérante et, en particulier, à l’égard de sa durée ; qu’ainsi, la société Ludo vert, dont il résulte de l’instruction qu’elle n’avait conclu aucun nouveau contrat pour prolonger sa sous-concession au-delà de son terme le 5 décembre 2015, n’était plus liée à la société Le Jardin d’acclimatation à partir de cette date ; que, dès lors, elle n’est, en tout état de cause, pas fondée à demander l’annulation d’une prétendue résiliation de la convention dont elle tirait les droits et titres pour l’exploitation, au sein du jardin d’acclimatation, de manèges et autres attractions payantes ;

4. Considérant qu’il incombe en principe au juge du contrat, saisi par une partie d'un

recours de plein contentieux contestant la validité d'une mesure de résiliation et tendant à la reprise des relations contractuelles, de rechercher si cette mesure est entachée de vices relatifs à sa régularité ou à son bien-fondé et, dans cette hypothèse, de déterminer s'il y a lieu de faire droit, dans la mesure où elle n'est pas sans objet, à la demande de reprise des relations contractuelles, à compter d'une date qu'il fixe, ou de rejeter le recours, en jugeant que les vices constatés sont seulement susceptibles d'ouvrir, au profit du requérant, un droit à indemnité ; qu’à supposer que la société Ludo vert ait entendu demander la reprise des relations contractuelles, de telles conclusions, en tout état de cause, ne sauraient elles-mêmes prospérer, dès lors que la fin des relations contractuelles entre la société Ludo vert et la société Le Jardin d’acclimatation ne résulte pas de la résiliation de la convention qui les liait mais de l’intervention du terme contractuel de cette dernière ;

5. Considérant que le juge du contrat, saisi par une partie d’un litige relatif à une mesure

d’exécution d’un contrat autre qu’une décision de résiliation ou de non renouvellement d’un contrat, peut seulement, en principe, rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité ;

6. Considérant qu’une décision rejetant la demande de renouvellement d’un contrat,

présentée par son titulaire en vertu d’une des clauses de ce contrat, constitue une mesure d’exécution, dont il n’appartient qu’au juge du contrat de connaître ainsi qu’il résulte du point précédent ; qu’en l’espèce, il résulte de l’instruction, comme il a été dit au point 1, que la société Le Jardin d’acclimatation a proposé à la société requérante la conclusion d’un avenant à la sous-concession ; que, comme il résulte des termes d’un courrier du conseil de la société Ludo vert, en date du 3 décembre 2015, adressé à la société Le Jardin d’acclimatation, cette dernière lui avait soumis un projet d’avenant à la sous-concession pour en prolonger l’exécution jusqu’à la date du 5 septembre 2016, et, ainsi, pour en fixer le terme à la date du terme de la concession ; que, compte tenu du désaccord de la société requérante avec les stipulations de cet avenant donnant aux manèges, qu’elle avait installés et qu’elle exploitait, la qualification de « biens de retour », elle a maintenu son refus de conclure ce nouveau contrat jusqu’après la date de l’expiration de la sous-concession le 5 décembre 2015 ; que, dans ces conditions, la société Ludo vert n’est pas fondée, en tout état de cause, à contester une prétendue décision de refus de renouvellement de la sous-concession, alors, en outre, qu’elle ne tenait d’aucune stipulation de ce contrat un droit à son renouvellement dans des termes identiques ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation de l’acte du 18 janvier 2016 :

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7. Considérant qu’indépendamment des cas dans lesquels le législateur a lui-même entendu reconnaître ou, à l’inverse, exclure l’existence d’un service public, une personne privée qui assure une mission d’intérêt général sous le contrôle de l’administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l’exécution d’un service public ; que même en l’absence de telles prérogatives, une personne privée doit également être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l’intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu’aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l’administration a entendu lui confier une telle mission ;

8. Considérant qu’il résulte des termes des articles 1 et 2 de la convention conclue, le 6

décembre 1995, entre la ville de Paris et la société Le Jardin d’acclimatation qu’a été mis à disposition de cette dernière « un ensemble de terrains d’un seul tenant, d’une superficie approximative de 19 hectares », constituant la dépendance domaniale affectée au jardin d’acclimatation ; que, selon ces stipulations, le jardin d’acclimatation a pour vocation « à titre principal (…) la promenade publique [et] doit constituer un parc modèle, lieu de détente et d’agrément pour les visiteurs et prioritairement pour la jeunesse. Le caractère familial, éducatif, et pédagogique du jardin doit être préservé et développé selon quatre orientations majeures : la nature, la culture, le sport et les jeux. / A cet effet, les visiteurs doivent trouver au jardin : Les éléments et activités de loisirs suivants : / En rapport avec la nature : des espaces verts (…) / la présentation d’animaux (…) / la création d’une maison de l’arbre (…) / Des espaces et des animations culturelles (…) / Des espaces et équipements sportifs. (…) / Des jeux : / des activités ludiques gratuites (…) / Des activités foraines à titre onéreux qui devront être exercées dans les conditions suivantes : / - le nombre de stands devra être limités à 50 (…) » ; qu’en outre, en vertu des stipulations contractuelles en cause, la ville de Paris, concédante, exerce, sur l’activité de la concessionnaire, un contrôle direct, tout au long de la durée de la convention (article 31), en matière d’exécution de travaux de premier investissement comme de travaux de modernisation, de grosses réparations et de constructions soumis à déclaration ou autorisation d’urbanisme (article 6 et 32), ainsi qu’en matière comptable (article 34) ; qu’en outre, en vue du contrôle du respect de ses obligations par le concessionnaire, un comité de surveillance composé de sept membres – un membre de l’exécutif municipal, trois fonctionnaires de la ville et trois personnalités qualifiées désignées par l’assemblée délibérante de la collectivité – est institué, en vertu des stipulations de l’article 35 ; qu’enfin, la collectivité concédante a fixé, par les articles 8, 9 et 10, les règles de fonctionnement du parc relatives aux conditions d’ouverture au public, aux tarifs d’accès au jardin et à un tarif forfaitaire permettant l’accès au jardin et à certaines attractions payantes, à l’accueil et à l’information du public ; qu’ainsi, eu égard à la triple vocation éducative, sportive et de détente de ce jardin, destiné prioritairement au jeune public, la ville de Paris a entendu concéder à la société Le Jardin d’acclimatation la gestion d’une mission d’intérêt général ; que compte tenu des règles contractuelles d’organisation et de fonctionnement du service en cause et du contrôle par l’autorité administrative concédante du respect de ces règles, la ville de Paris a entendu concéder l’exécution d’une mission service public à la société Le Jardin d’acclimatation ; que l’exploitation d’attractions payantes, mentionnées à l’article 2 de la convention de concession, est au nombre des activités devant être obligatoirement proposées au public, sans que cet article, ni aucune autre des stipulations de la convention, n’établisse une quelconque hiérarchie entre ces activités et les autres activités de loisirs, les activités éducatives et les activités sportives ; que, dans ces conditions, la société Ludo vert, en tout état de cause, n’est pas fondée à soutenir que les attractions payantes contractuelles dont elle assurait l’exploitation constituaient des activités accessoires à la mission de service public concédée ;

9. Considérant, par ailleurs, que lorsque des ouvrages nécessaires au fonctionnement du

service public, et constitutifs d'aménagements indispensables à l'exécution des missions de ce service public, sont établis sur la propriété d'une personne publique, ils relèvent de ce fait du régime de la domanialité publique ; que la faculté offerte aux parties au contrat d'en disposer

Page 49: Lettre du tribunal administratif de Paris

autrement ne peut s'exercer, en ce qui concerne les droits réels dont peut bénéficier le cocontractant sur le domaine public des collectivités territoriales autres que l’Etat, que selon les modalités et dans les limites définies à l’article L. 2122-20 du code général de la propriété des personnes publiques ou aux articles L. 1311-2 à L. 1311-8 du code général des collectivités territoriales et à condition que la nature et l'usage des droits consentis ne soient pas susceptibles d'affecter la continuité du service public ; qu’en outre, les biens qui n’ont pas été remis par le délégant au délégataire en vue de leur gestion par celui-ci et qui ne sont pas indispensables au fonctionnement du service public, sont la propriété du délégataire, à moins que les parties n’en disposent autrement ; qu’aux termes de l’article L. 1224-1 du code du travail : « Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. »

10. Considérant que la seule intervention le 5 décembre 2015 du terme de la sous-

concession, qui liait la société Ludo vert à la société Le Jardin d’acclimatation, a eu pour conséquence de mettre fin à la sous-concession et de produire les effets juridiques qui sont attachés à la situation d’occupant du domaine public et au sort des constructions, installations et aménagements divers effectués par le sous-concessionnaire sur le domaine public concédé ; qu’en l’espèce, alors que les manèges utiles à l’exploitation de la société requérante n’avaient pas reçu de qualification juridique à la date de la conclusion de l’avenant du 21 juillet 2006, prolongeant la durée de l’exécution de la convention conclue le 29 juillet 1997, la société Le Jardin d’acclimatation doit être regardée comme ayant entendu, en vue de poursuivre l’exploitation d’attractions payantes et, ainsi, satisfaire à ses obligations contractuelles, par une décision distincte du contrat, reprendre l’exploitation à compter du 18 janvier 2016 des biens mobiliers exploités jusqu’alors par la société requérante et, par voie de conséquence, transférer à sa charge les contrats de travail conclus avec ses salariés par la société Ludo vert ; qu’ainsi qu’il a été dit au point 8, la société Le Jardin d’acclimations est délégataire de la gestion d’une mission de service public, en matière culturelle, sportive et de détente, comprenant l’offre au public d’attractions payantes ; que ces attractions constituent des biens qui sont indispensables au fonctionnement du service public dans le respect du principe de continuité ; que, dès lors, ces biens, alors même qu’ils n’ont pas été remis par le délégant au sous-concessionnaire en vue de leur gestion par celui-ci, constituent des biens de retour à l’égard de la collectivité concédante ; que la circonstance que les stipulations de l’article 2 de la convention de concession du 6 décembre 1995 limitent à cinquante le nombre de ces attractions, sans fixer un nombre minimum concernant celles qui doivent être proposées au public, est sans incidence sur la qualification des biens en cause ; que la société Ludo vert, au surplus, ne soutient pas que la présence des attractions payantes serait étrangère à l’attrait du jardin d’acclimatation envers le jeune public, en particulier, et serait sans incidence sur la fréquentation de ce parc sans équivalent dans la capitale ;

11. Considérant que la question de la légalité de la reprise à sa charge, sur le fondement

de l’article L. 1224-1 du code du travail, par la société Le Jardin d’acclimatation, prise en sa qualité de concessionnaire, de l’ensemble des contrats de travail des salariés de la société Ludo vert, en cours à la date du 18 janvier 2016, ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative ;

12. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la requête de la société Ludo

vert, dans l’ensemble de ses conclusions à fin d’annulation, ne peut qu’être rejetée ; Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice

administrative :

Page 50: Lettre du tribunal administratif de Paris

13. Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

« Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation » ;

14. Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l’autre partie des frais qu’elle a exposés à l’occasion du litige soumis au juge ; que, dès lors, les conclusions présentées à ce titre par la société Ludo vert doivent être rejetées ;

15. Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la

charge de la société Ludo vert la somme que réclame la société Le Jardin d’acclimatation sur le fondement des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Ludo vert est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la société Le Jardin d’acclimatation tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société par actions simplifiées Ludo vert, à la société anonyme Le Jardin d'acclimatation et à la ville de Paris.

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Page 51: Lettre du tribunal administratif de Paris

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PARIS

N°1608472/5-1 ___________

M. G. ___________

Mme Viard Rapporteur ___________

Mme Marcus Rapporteur public ___________ Audience du 19 avril 2018 Lecture du 17 mai 2018 ___________

Sommaire

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le tribunal administratif de Paris

(5ème Section – 1ère Chambre)

26-06-01-04 C+

Vu la procédure suivante : Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 31 mai 2016, le 14 décembre 2016 et

le 6 octobre 2017, M. G. demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d’annuler la décision implicite née du silence gardé par l’administration à la suite de

sa saisine de la commission d’accès aux documents administratifs le 2 février 2016 pour avis sur sa demande de consultation dérogatoire de documents d’archives publiques, partiellement rejetée par décision du 7 décembre 2015 de la ministre de la culture et de la communication ;

2°) d’enjoindre à la ministre de la culture et de la communication de lui communiquer

les éléments sollicités dans sa demande du 14 juillet 2015 ; 3°) de mettre à la charge de l’État la somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1

du code de justice administrative. Il soutient que : - sa requête est recevable ; - la décision contestée est entachée d’une erreur manifeste dans l’appréciation de

l’atteinte excessive portée aux intérêts protégés par la loi dès lors que la plupart des documents demandés ont été déclassifiés secret défense, que ni la protection de la vie privée ni la sureté de l’Etat ne sont en cause, qu’alors que le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale a déclassifié une majorité des documents, la mandataire, personne privée, n’est pas compétente pour se prononcer sur les intérêts de la sureté de l’Etat ;

- la décision contestée méconnaît le droit à un recours effectif dès lors qu’il n’a pas la possibilité de vérifier si les documents sont consultables ou classés secret défense et qu’il

Page 52: Lettre du tribunal administratif de Paris

n’existe aucun moyen de contester les décisions du mandataire des archives de la présidence de François Mitterrand ;

- la décision contestée méconnaît l’article 15 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen ;

- le refus partiel de la mandataire des fonds d’archives de la présidence de François Mitterrand est dépourvu de fondement juridique ; le protocole sur lequel le refus partiel de la mandataire se fonde méconnaît le principe selon lequel l’autorité dont émanent les documents a la charge d’accorder les autorisations de consultation d’archives et que la mission de la mandataire n’est pas justifiable, celle-ci ne pouvant être meilleur garant des intérêts de la sureté de l’Etat que les autorités administratives chargées de se prononcer sur les déclassifications ; ce refus partiel est entaché d’un conflit d’intérêts lié à la composition du conseil d’administration et du conseil scientifique de l’institut François Mitterrand, lequel institut a pris position sur la question de l’intervention française au Rwanda ;

- le refus partiel de la mandataire des fonds d’archives de la présidence de François Mitterrand méconnaît le principe d’égalité de traitement des chercheurs ;

- la décision contestée est entachée d’un défaut d’examen particulier de sa demande ; - la décision contestée méconnaît la priorité donnée par la présidence de la République

au plus large accès aux archives dès l’année 2016 ; - la décision contestée est entachée d’une erreur de droit dès lors que l’esprit de la loi est

de faire de la consultation la règle ; - la décision contestée est entachée d’une erreur de fait dès lors que plusieurs documents

dont il sollicite la communication ont été rendu publics ; - la décision contestée est entachée d’un manque de base légale dès lors que l’article

L. 213-4 du code du patrimoine n’est pas compatible avec les stipulations des articles 6-1, 10-1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 21 novembre 2016, le 12 janvier 2017, les 24 et 27 février 2017 et le 20 novembre 2017, la ministre de la culture et de la communication conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que : - il n’y a pas lieu de statuer sur la requête de M. G. en tant qu’elle porte sur les

documents qui lui ont été communiqués conformément à l’accord partiel du mandataire de François Mitterrand du 15 octobre 2016 ;

- la requête n’est pas recevable à défaut d’être dirigée contre une décision existante dès lors que la décision du 7 décembre 2015 a disparu de l’ordonnancement juridique ;

- aucun des moyens soulevés par M.G. n’est fondé. Par ordonnance du 21 novembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 11

décembre 2017. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés

fondamentales ; - le code du patrimoine ; - la décision n° 2017-655 QPC du 15 septembre 2017 du Conseil constitutionnel

statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. G. ; - le code de justice administrative.

Page 53: Lettre du tribunal administratif de Paris

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique : - le rapport de Mme Viard, - les conclusions de Mme Marcus, rapporteur public.

1. Considérant que M. G. , qui effectue des recherches en vue de la publication d’un ouvrage sur la politique africaine du président François Mitterrand en Afrique centrale, a présenté le 7 avril 2015 auprès de la ministre de la culture et de la communication une demande de consultation à titre dérogatoire de certaines des archives présidentielles de François Mitterrand ou de ses proches collaborateurs non encore librement communicables et conservées aux Archives nationales ; qu’après avoir saisi la mandataire des archives du président François Mitterrand en application des dispositions de l’article L. 213-4 du code du patrimoine, la ministre de la culture et de la communication, par décision du 7 décembre 2015, a autorisé M. G. à consulter aux Archives nationales les documents pour lesquels la mandataire avait donné son accord et lui a opposé un refus en ce qui concerne les autres documents ; que M. G. a saisi la commission d’accès aux documents administratifs le 2 février 2016 de ce refus partiel, laquelle a rendu un avis défavorable à sa demande ; que, par la présente requête, il demande au tribunal d’annuler la décision implicite née du silence gardé par l’administration à la suite de sa saisine de la commission d’accès aux documents ;

Sur l’étendue du litige : 2. Considérant que, par décision du 22 décembre 2016, postérieurement à

l’enregistrement de la requête, la ministre de la culture et de la communication a autorisé, après accord de Mme Bertinotti, mandataire, M. G. à consulter les archives suivantes : archives de Bruno Delaye cotées AG/5(4)/BD/62, dossier 1, sous dossier 3, et cotées AG/5(4)/795 ; archives de Hubert Védrine cotées AG/5(4)/HV/41, extrait, archives de Dominique Pin cotées AG/5(4)/DP/34, dossier 2 et cotées AG/5(4)/35 ; que, par suite, les conclusions de M. G., en tant qu’elles portent sur le refus de consulter ces documents sont devenues sans objet ;

Sur le refus d’autorisation de consultation des archives restant en litige : 3. Considérant que l’article L. 213-3 du code du patrimoine dispose : « I. –

L'autorisation de consultation de documents d'archives publiques avant l'expiration des délais fixés au I de l'article L. 213-2 peut être accordée aux personnes qui en font la demande dans la mesure où l'intérêt qui s'attache à la consultation de ces documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. (…) l'autorisation est accordée par l'administration des archives aux personnes qui en font la demande après accord de l'autorité dont émanent les documents. (…). / II. – L'administration des archives peut également, après accord de l'autorité dont émanent les documents, décider l'ouverture anticipée de fonds ou parties de fonds d'archives publiques. (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 213-4 du même code : « Le versement des documents d'archives publiques émanant du Président de la République (…) peut être assorti de la signature entre la partie versante et l'administration des archives d'un protocole relatif aux conditions de traitement, de conservation, de valorisation ou de communication du fonds versé, pendant la durée des délais prévus à l'article L. 213-2. Les stipulations de ce protocole peuvent également s'appliquer aux documents d'archives publiques émanant des collaborateurs personnels de l'autorité signataire. / Pour l'application de l'article L. 213-3, l'accord de la partie versante requis pour autoriser la consultation ou l'ouverture anticipée du fonds est donné par le signataire du protocole. / Le protocole cesse de plein droit

Page 54: Lettre du tribunal administratif de Paris

d'avoir effet en cas de décès du signataire et, en tout état de cause, à la date d'expiration des délais prévus à l'article L. 213-2. / Les documents d'archives publiques versés antérieurement à la publication de la loi n° 2008-696 du 15 juillet 2008 relative aux archives demeurent régis par les protocoles alors signés. Toutefois, les clauses de ces protocoles relatives au mandataire désigné par l'autorité signataire cessent d'être applicables vingt-cinq ans après le décès du signataire. » ;

4. Considérant que par une décision n° 2017-655 QPC du 15 septembre 2017, le

Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution le deuxième alinéa et la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 213-4 du code du patrimoine, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2008-696 du 15 juillet 2008 relative aux archives ; que, dès lors, le moyen tiré de l’atteinte par ces dispositions aux droits et libertés garantis par la Constitution ne peut qu’être écarté ;

5. Considérant que M. G. soutient que le refus partiel de consultation des archives

présidentielles de François Mitterrand sur le Rwanda opposé par sa mandataire est dépourvu de fondement juridique et méconnaît le principe selon lequel l’autorité dont émanent les documents a la charge d’accorder les autorisations de consultation d’archives ; que, toutefois, la décision de la ministre de la culture, après consultation de la mandataire, a été légalement prise au regard des dispositions précitées des articles L. 213-3 et L. 213-4 du code du patrimoine dont il n’appartient pas au juge administratif d’apprécier le bien-fondé ;

6. Considérant qu’en définissant des conditions spécifiques de communication des

archives publiques du Président de la République, du Premier ministre et des autres membres du gouvernement dans le but de conserver et de permettre le versement de ces documents, les dispositions de l’article L. 213-4 du code du patrimoine, qui poursuivent un objectif d’intérêt général, ne portent pas atteinte à l’exercice de la liberté d’expression et de communication garantie par l’article 10-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté ;

7. Considérant que M. G. soutient que les dispositions de l’article L. 213-4 du code

du patrimoine méconnaissent le droit au recours protégé par les stipulations des articles 6-1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que, toutefois, la circonstance que l’autorité administrative ne puisse surmonter l’absence d’accord du signataire du protocole de versement ou, le cas échéant, de son mandataire, et soit tenue, par suite, de refuser la consultation d’archives publiques émanant du Président de la République n’entraîne pas, par elle-même, d’atteinte au droit d’exercer un recours effectif devant une juridiction protégé par l’article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

8. Considérant qu’il résulte des dispositions de l’article L. 213-4 du code du

patrimoine que l’accord de la partie versante est requis pour autoriser la consultation des archives de la présidence de la République ; qu’il s’ensuit que, compte tenu du refus partiel opposé par la mandataire des archives de la présidence de François Mitterrand, la ministre de la culture et de la communication était tenue de refuser à M. G. la consultation des documents en cause, sans avoir à porter une appréciation sur les faits de l’espèce ; que dès lors, les moyens soulevés par M. G. à l’appui des conclusions en annulation formées contre la décision contestée de la ministre de la culture et de la communication ne peuvent qu’être écartés comme inopérants ;

Page 55: Lettre du tribunal administratif de Paris

9. Considérant que si lorsque la délivrance d'une autorisation administrative est subordonnée à l'accord préalable d'une autre autorité, le refus d'un tel accord, qui s'impose à l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, ne constitue pas une décision susceptible de recours, des moyens tirés de sa régularité et de son bien-fondé peuvent, quel que soit le sens de la décision prise par l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, être invoqués devant le juge saisi de cette décision ;

10. Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier et contrairement à ce que fait valoir M. G., que d’autres chercheurs auraient eu l’autorisation de consulter les archives en litige ; que, par suite, le moyen tiré d’une rupture d’égalité entre chercheurs doit être écarté ;

11. Considérant que M. G. soutient que le refus partiel de la mandataire du président

François Mitterrand est entaché d’un conflit d’intérêts dans la mesure où elle est membre du conseil d’administration et du conseil scientifique de l’institut François Mitterrand, lequel a pris position sur l’intervention française au Rwanda ; que, toutefois, dans la mesure où l’article L. 213-4 laisse au signataire du protocole le soin de désigner un mandataire sans prévoir d’incompatibilité, le moyen ne peut qu’être écarté comme étant inopérant ; qu’en tout état de cause, et à supposer que M. G. ait entendu soulever ainsi le moyen tiré du détournement de pouvoir, la circonstance invoquée ne permet pas de l’établir ;

12. Considérant enfin, que M. G. soutient que la décision de la mandataire des archives de

la présidence de François Mitterrand est entachée d’une erreur manifeste dans l’appréciation de l’atteinte portée, par la consultation demandée, aux intérêts protégés par la loi ; que, toutefois, et alors que la consultation anticipée de ce fonds d’archives constitue une dérogation aux règles instituées par l’article L. 213-2 du code de patrimoine, il n’apporte aucun élément de nature à démontrer que l’intérêt que présenterait la consultation de ces archives avant l’expiration du délai prévu par le code du patrimoine, qui expire en l’espèce en janvier 2021, serait supérieur aux intérêts liés notamment au respect de la vie privée, de la sécurité de l'État et de la prévention de troubles à l’ordre public que la loi a entendu ainsi protéger ; que la circonstance, même à la supposer établie que ces archives ont été déclassifiées, est à cet égard sans incidence ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation doit être écarté ;

13. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de statuer

sur la fin de non recevoir opposée par la ministre de la culture, la requête de M. G. tendant à l’annulation du refus d’autorisation de consultation des archives restant en litige doit être rejetée ;

D E C I D E :

Article 1er : Il n’y pas lieu de statuer sur la requête de M. G. en tant qu’elle est dirigée

contre la décision de la ministre de la culture et de la communication lui refusant la consultation des archives suivantes :

archives de Bruno Delaye cotées AG/5(4)/BD/62, dossier 1, sous dossier 3, et cotées AG/5(4)/795 ;

archives de Hubert Védrine cotées AG/5(4)/HV/41, extrait, archives de Dominique Pin cotées AG/5(4)/DP/34, dossier 2 et cotées AG/5(4)/35. Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. G. est rejeté. Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. F. G. et à la ministre de la culture.

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Page 56: Lettre du tribunal administratif de Paris

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PARIS

N°1620890/2-1 N°1717975/2-1 ___________

M. T. A. ___________

Mme Evgénas Président-rapporteur ___________

M. Le Garzic Rapporteur public ___________ Audience du 7 mai 2018 Lecture du 22 mai 2018

_________

12-01-05

Sommaire

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le tribunal administratif de Paris

(2e Section - 1re Chambre)

Vu la procédure suivante : I. Par une requête, enregistrée le 2 décembre 2016, sous le n°1620890, M. T. A.,

représenté par Me Guillon, demande au tribunal : 1°) de condamner l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) à lui verser

une indemnité de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral, une indemnité de 31 041,29 euros au titre des frais qu’il a été contraint d’exposer pour corriger l’atteinte portée à sa réputation, ainsi qu’une indemnité de 300 000 euros en réparation de son préjudice économique ;

2°) d’assortir ces sommes des intérêts au taux légal, capitalisés à compter du

6 septembre 2016, date de réception par l’ACPR de sa demande indemnitaire ;

3°) de mettre à la charge de l’ACPR la somme de 4 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que : - l’ACPR a engagé sa responsabilité pour faute dès lors qu’elle a publié les sanctions

qui lui ont été infligées directement sur le site internet de l’ACPR et qu’elle n’a pas occulté au préalable le nom de M. A. ;

- l’ACPR a également engagé sa responsabilité sans faute en raison du préjudice anormal et spécial qu’il a subi ;

- il est fondé à solliciter l’octroi d’une indemnité de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral, une indemnité de 31 041,29 euros au titre des frais exposés pour corriger l’atteinte portée à sa réputation et une indemnité de 300 000 euros en réparation du préjudice économique subi d’octobre 2013 à mai 2016.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2017, l’Autorité de contrôle

prudentiel et de résolution conclut au rejet de la requête et demande qu’il soit mis à la charge de

Page 57: Lettre du tribunal administratif de Paris

M. A. la somme de 4 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la requête est irrecevable dès lors qu’aucune action en responsabilité

ne peut être directement dirigée contre elle et que les moyens soulevés par M. A. ne sont pas fondés.

Par une ordonnance en date du 9 février 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au

7 mars 2017. II. Par une requête enregistrée le 22 novembre 2017 sous le n° 1717975, M. A.,

représenté par Me Guillon, demande au tribunal : 1°) de condamner l’Etat à lui verser une indemnité de 10 000 euros en réparation de son

préjudice moral, une indemnité de 31 041,29 euros au titre des frais qu’il a été contraint d’exposer pour corriger l’atteinte portée à sa réputation, ainsi qu’une indemnité de 300 000 euros en réparation de son préjudice économique ;

2°) d’augmenter les indemnités mises à la charge de la Commune des intérêts au taux

légal, capitalisés pourvu qu’ils soient échus depuis plus d’un an à compter du 6 septembre 2016, date de réception par l’ACPR d’une demande indemnitaire ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que : - l’Etat a engagé sa responsabilité pour faute dès lors que l’ACPR a publié les sanctions

qui lui ont été infligées directement sur son site internet et qu’elle n’a pas occulté au préalable le nom de M. A. ;

- l’Etat a également engagé sa responsabilité sans faute en raison du préjudice anormal et spécial qu’il a subi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2017, l’Autorité de contrôle

prudentiel et de résolution conclut au rejet de la requête et demande qu’il soit mis à la charge de M. A. la somme de 4 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. A. ne sont pas fondés. Par une ordonnance en date du 30 janvier 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au

19 février 2018. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - le code monétaire et financier ; - la loi 78-17 du 6 janvier 1978 ; - la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 ; - le règlement intérieur de la commission des sanctions de l’ACPR ; - le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Page 58: Lettre du tribunal administratif de Paris

Ont été entendus au cours de l’audience publique : - le rapport de Mme Evgénas, - les conclusions de M. Le Garzic, rapporteur public, - et les observations de Me Rocheteau pour l’ACPR.

Sur la jonction :

1. Considérant que les requêtes susvisées n°1620890 et 1717975 présentent à juger les

mêmes questions et ont fait l’objet d’une instruction commune ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement ;

2. Considérant que M. A. a présidé la SAS Teucer Gestion privée (TGP), société spécialisée dans le courtage en assurance ; qu’à la suite d’un contrôle ayant révélé des anomalies de gestion, en particulier l’encaissement de primes alors que la société n’y était pas autorisée, le président de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a, par une décision du 15 octobre 2013, décidé, à titre conservatoire, de lui interdire d’encaisser des primes d’assurance et de disposer des fonds déposés dans quatre comptes bancaires ; que par décision du 21 novembre 2013 le collège de supervision de l’ACPR a pris acte de l’impossibilité pour la société TGP de rembourser le montant des primes indument encaissées ; que la société TGP a été mise en liquidation judiciaire le 17 décembre 2013 ; que parallèlement, une procédure disciplinaire a été engagée à l’encontre de M. A. ; que par une décision du 17 juillet 2014, la commission des sanctions de l’ACPR a interdit à M. A. d’exercer l’activité d’intermédiation en assurance pendant une durée de dix ans, lui a infligé une sanction pécuniaire de 10 000 euros et a prévu en son article 2 que « la décision sera publiée au registre de L’ACPR et pourra être consultée au secrétariat de la Commission » ; que le 6 septembre 2016, M. A. a saisi l’Autorité d’une demande indemnitaire préalable tendant à la réparation des préjudices résultant de la publication de cette sanction sur le site internet de l’ACPR ; que par deux requêtes, M. A. demande au Tribunal de condamner l’Etat à lui verser une indemnité de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral, une indemnité de 31 041,29 euros au titre des frais qu’il a été contraint d’exposer pour corriger l’atteinte portée à sa réputation ainsi qu’une indemnité de 300 000 euros en réparation de son préjudice économique ;

Sur la responsabilité pour faute : 3. Considérant, d’une part, qu’aux termes des dispositions de l’article L.612-1 du code

monétaire et financier : « L'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, autorité administrative indépendante, veille à la préservation de la stabilité du système financier et à la protection des clients, assurés, adhérents et bénéficiaires des personnes soumises à son contrôle. (…) Pour l'accomplissement de ses missions, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution dispose, à l'égard des personnes mentionnées à l'article L. 612-2, d'un pouvoir de contrôle, du pouvoir de prendre des mesures de police administrative et d'un pouvoir de sanction. Elle peut en outre porter à la connaissance du public toute information qu'elle estime nécessaire à l'accomplissement de ses missions, sans que lui soit opposable le secret professionnel mentionné à l'article L. 612-17. » ; que le I de l’article L. 612-41 du code monétaire et financier dispose que : « (…) La décision de la commission des sanctions est rendue publique dans les publications, journaux ou supports qu'elle désigne, dans un format proportionné à la faute commise et à la sanction infligée. Les frais sont supportés par les personnes sanctionnées. Toutefois, lorsque la publication risque de perturber gravement les marchés financiers ou de causer un préjudice disproportionné aux parties en cause, la décision de la commission peut prévoir qu'elle ne sera pas publiée. (…) » ; qu’enfin aux termes de l’article 16 du règlement intérieur de la commission des sanctions de l’ACPR : « Sauf mention contraire, les décisions sont publiées sur le site internet de l’ACPR. L’existence et l’issue des éventuels recours sont

Page 59: Lettre du tribunal administratif de Paris

mentionnées sur la première page de cette version. Le cas échéant, la Commission précise les autres supports de publication qu’elle retient. » ;

4. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 38 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 : « Toute personne physique a le droit de s'opposer, pour des motifs légitimes, à ce que des données à caractère personnel la concernant fassent l'objet d'un traitement. (…)Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas lorsque le traitement répond à une obligation légale ou lorsque l'application de ces dispositions a été écartée par une disposition expresse de l'acte autorisant le traitement. » ;

5. Considérant, en premier lieu, que pour mettre en cause la responsabilité pour faute de

l’Etat, M. A. fait valoir qu’en publiant sur son site internet la décision de la commission des sanctions le concernant en date du 17 juillet 2014, l’ACPR n’a pas respecté les termes de sa propre décision de sanction qui ne prévoyait qu’une publication au Registre ; que toutefois, contrairement à ce qu’il soutient, il résulte des dispositions de l’article L.612-1 du code monétaire et financier que l’ACPR peut porter à la connaissance du public toute information qu'elle estime nécessaire à l'accomplissement de ses missions ; que par ailleurs l’article 16 de son règlement précise que les décisions sont publiées sur le site internet de l’ACPR ; qu’ainsi, elle pouvait valablement, en application de ces dispositions et de celles de l’article 16 précité du règlement intérieur de la commission des sanctions de l’ACPR, publier les décisions portées au Registre sur son site internet ; que par ailleurs, cette publication sur son site internet est proportionnée à la gravité des fautes commises par M. A. et à la sanction d’interdiction d’exercer l’activité d’intermédiation en assurance pendant une durée de dix ans, sanction qu’il n’a d’ailleurs pas contesté et qui est ainsi devenue définitive ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que M. A. fait valoir que, préalablement à sa

publication, l’ACPR n’a pas occulté son nom de la décision de sanction du 17 juillet 2014; que toutefois, il résulte de l’instruction et en particulier des motifs de cette décision (point 8) que l’ACPR a expressément décidé que la décision de sanction serait publiée au registre de l’ACPR sous une forme nominative « au regard de la gravité des faits reprochés, qui ne sont pas contestés » ; qu’une telle publication ne méconnait pas, contrairement à ce qu’il soutient, les prescriptions de l’article 38 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 dès lors que, ainsi qu’il vient d’être dit, l’ACPR pouvait légalement y procéder en application de l’article L.612-1 du code monétaire et financier ; qu’ainsi M. A. n’est pas fondé à soutenir qu’en procédant à cette publication non anonymisée, l’ACPR aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; que l’ACPR n’a pas davantage commis de faute en n’accédant pas aux demandes d’anonymisation qu’il a ultérieurement présentées ;

7. Considérant que M. A. soutient également que l’ACPR a commis une faute en n’occultant pas son nom de la décision du 15 octobre 2013 par laquelle le président de l’ACPR a, décidé, à titre conservatoire, d’interdire à la SAS Teucer Gestion privée d’encaisser des primes d’assurance et de disposer des fonds déposés dans quatre comptes bancaires ; que toutefois, il ressort des mentions mêmes de la décision qu’elle se bornait à indiquer dans ses visas « vu le procès-verbal signé par M. A., président de la SAS Teuger Gestion privée » ; que cette décision faisait ainsi mention d’une information à caractère public concernant le dirigeant de la société mise en cause ; qu’ainsi dans les circonstances de l’espèce, cette mention qui ne porte atteinte à aucun secret professionnel ne revêt pas un caractère fautif ; que par ailleurs contrairement à ce que soutient le requérant, il résulte de l’instruction que l’ACPR a fait droit à sa demande d’anonymisation par décision du 11 décembre 2015 du secrétaire général ; que si M. A. produit

Page 60: Lettre du tribunal administratif de Paris

un procès-verbal d’huissier du 25 janvier 2016 constatant le défaut d’anonymisation sur la page Google, cette circonstance n’est pas imputable à l’ACPR mais à un défaut de mise à jour par Google de son référencement ;

8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. A. n’établissant pas l’existence

d’une faute commise à son égard, il n’est pas fondé à mettre en cause la responsabilité pour faute de l’Etat ;

Sur la responsabilité sans faute : 9. Considérant que pour mettre en cause la responsabilité sans faute de l’Etat, le

requérant soutient qu’il a subi du fait de la publication de données à caractère personnel le concernant sur le site internet de l’ACPR une atteinte disproportionnée à sa réputation et à sa vie professionnelle ; que toutefois, il ne justifie pas du fondement de sa demande ni de l’existence d’un préjudice anormal et spécial ; que les préjudices qu’il allègue résultent en l’espèce des décisions de sanction en litige qui, au demeurant, n’ont pas été contestées par le requérant ; qu’ainsi, M. A. ne justifie pas avoir subi un préjudice anormal et spécial de nature à engager la responsabilité sans faute de l’Etat ; que ses conclusions tendant au versement d’une somme totale de 341 041,29 euros au titre des préjudices subis doivent donc être rejetées ;

Sur les conclusions à fin d’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par le requérant au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de mettre à la charge de M. A. la somme réclamée par l’ACPR au titre de ces mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. A. sont rejetées. Article 2 : Les conclusions de l’ACPR tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. T. A., à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

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Page 61: Lettre du tribunal administratif de Paris

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PARIS

N°1622062/2-1 ___________

SOCIETE NOVIGA ___________

Mme Portes Rapporteur ___________

M. Le Garzic Rapporteur public ___________ Audience du 29 mai 2018 Lecture du 12 juin 2018 ___________

Sommaire

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Paris

(2ème Section - 1ère Chambre)

14-02-01-03 C

Vu la procédure suivante : Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2016, la Société Noviga, représentée par

Me Lherbet, demande au tribunal : 1°) d’annuler la décision du 21 juillet 2016 par laquelle l’agent habilité de la direction

départementale de la protection des populations de Paris lui a enjoint de faire cesser la pratique commerciale trompeuse reposant sur les allégations « huitres grand cru » dans un délai de trois mois ;

2°) d’annuler la lettre du 21 décembre 2015 l’informant de ce que l’agent habilité de la

direction départementale de la protection des populations de Paris envisageait de lui adresser une telle injonction ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1

du code de justice administrative.

Elle soutient que : - la décision du 21 juillet 2016 est entachée d’incompétence de l’auteur de l’acte ; - elle est insuffisamment motivée ; - elle est entachée d’une erreur de fait ; - elle est entachée d’une erreur de droit ; - elle est entachée d’une erreur dans la qualification juridique des faits ; - elle méconnait l’article 17 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen ;

Page 62: Lettre du tribunal administratif de Paris

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 25 avril 2017 et le 19 juillet 2017, le

préfet de police conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu’aucun des moyens soulevés n’est fondé.

Vu les autres pièces du dossier. Vu : - l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, - le code de la consommation, - le décret n°2009-1484 du 3 décembre 2009 relatif aux directions départementales

interministérielles, - le code de justice administrative. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Portes, rapporteur ; - et les conclusions de M. Le Garzic, rapporteur public. 1. Considérant que par un courrier du 21 décembre 2015, l’agent habilité de la

direction départementale de la protection des populations de Paris a informé la société Noviga qu’il envisageait de lui enjoindre de faire cesser la pratique commerciale trompeuse reposant sur les allégations « huîtres grand cru » qui sont de nature à induire en erreur le consommateur sur les caractéristiques essentielles du produit commercialisé sur les cartes des plats, les publicités, les stands de vente à emporter de l'ensemble des établissements qu'elle exploite ainsi que sur ses sites internet, et qu’elle était invitée à présenter ses observations ; que par une décision du 21 juillet 2016, l’agent habilité de la direction départementale de la protection des populations de Paris a prononcé cette injonction à son encontre ; que par la présente requête, la société Noviga demande l’annulation de cette décision ainsi que celle de la lettre du 21 décembre 2015 ;

Sur les conclusions à fin d’annulation :

2. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 511-3 du code de la consommation : « Les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sont habilités à rechercher et constater les infractions ou les manquements aux dispositions mentionnées à la présente section dans les conditions définies par celles-ci. » ; qu’aux termes de l’article L. 511-5 du même code : « Les agents sont habilités à rechercher et à constater les infractions ou les manquements aux dispositions suivantes : 1° Les sections 1,2,5,10 et 11 du chapitre Ier du titre II du livre Ier (…) » ; que l’article L. 121-2, qui figure au sein de la section 1 du chapitre Ier du titre II du livre Ier, réprime les pratiques commerciales trompeuses ; qu’aux termes de l’article L. 521-1 du même code : « Lorsque les agents habilités constatent un manquement ou une infraction avec les pouvoirs prévus au présent livre, ils

Page 63: Lettre du tribunal administratif de Paris

peuvent, après une procédure contradictoire, enjoindre à un professionnel, en lui impartissant un délai raisonnable qu'ils fixent, de se conformer à ses obligations. » ; qu’aux termes du I de l’article 5 du décret susvisé du 3 décembre 2009 : « La direction départementale de la protection des populations (…) met en œuvre dans le département les politiques relatives à la protection et à la sécurité des consommateurs (…) » ;

3. Considérant qu’il résulte de la combinaison des dispositions précitées que

M. Ferrari, signataire de la décision attaquée, était habilité, en sa qualité d’agent de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes au sein de la direction départementale de la protection des populations de Paris, pour rechercher et constater les manquements à l’article L. 121-2 du code de la consommation ; qu’il était donc également compétent pour adresser une injonction de mise en conformité avec les dispositions de cet article L. 121-2 ; que, par suite, le moyen tiré de l’incompétence du signataire de la décision attaquée manque en fait et doit donc être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que la décision attaquée comporte les

considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que la décision, qui vise l’article L. 141-1 VII du code de la consommation, devenu à la date de la décision attaquée l’article L. 521-1 du code de la consommation, énonce notamment que les pratiques commerciales de la société Noviga, reposant sur les allégations « huîtres grand cru, » sont trompeuses dès lors qu’elles sont de nature à induire en erreur le consommateur sur les caractéristiques essentielles du produit commercialisé ; qu’en outre, elle précise que la présentation de la marque « huître grand cru » ne doit pas faire croire au consommateur que ce terme relève d’une classification (officielle ou collective) ; qu’enfin, cette décision fait référence à la lettre d’information du 21 décembre 2015, à laquelle a été jointe le rapport de contrôle du 21 décembre 2015 visant l’article L. 121-1 du code de la consommation devenu l’article L. 121-2, qui indique que la mention « huîtres grand cru » laisse à penser aux consommateurs que les huîtres commercialisées sous cette dénomination bénéficient de caractéristiques particulières et d’une qualité supérieure aux autres huîtres ; qu’ainsi, à la lecture de ces documents, la société Noviga était en mesure de connaître la nature des pratiques qui lui étaient reprochées ; que, dès lors, le moyen tiré de l’insuffisance de motivation de la décision attaquée doit être écarté ;

5. Considérant, en troisième lieu, que l’article L. 141-1 VII du code de la

consommation est devenu au 1er juillet 2016 l’article L. 521-1 du même code ; que, par suite, quand bien même la décision, en date du 21 juillet 2016, est affectée d’une erreur matérielle en tant qu’elle mentionne l’article L. 141-1 VII du code de la consommation au lieu de l’article L. 521-1 du même code, le moyen tiré de l’erreur de droit manque en fait et doit être écarté ;

6. Considérant, en quatrième lieu, que si la Société Noviga fait valoir qu’elle s’est

engagée, par un courrier du 6 janvier 2016 adressé à la direction départementale de la protection des populations de Paris en réponse au courrier du 21 décembre 2015 l’invitant à présenter ses observations, à demander à ses fournisseurs de mentionner « huîtres grand cru ® » sur leurs factures et sur leurs emballages, il ne ressort pas des pièces du dossier qu’elle y aurait effectivement procédé avant la date à laquelle la décision attaquée du 21 juillet 2016 a été prise ;

7. Considérant, en cinquième lieu, qu’aux termes de l’article L. 121-1 du code de la

consommation : « Les pratiques commerciales déloyales sont interdites. (…) Constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L. 121-2 à L. 121-4 (...) » ; qu’aux termes de l’article L. 121-2 du même code : « Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes : (...) / 2° Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou

Page 64: Lettre du tribunal administratif de Paris

présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants : / (…) b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l'usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service ; (...) » ;

8. Considérant que la mention « grand cru » implique que le consommateur peut

s’attendre, au vu de cette seule mention, à ce que le produit bénéficie de caractéristiques spécifiques, liées notamment à ses qualités organoleptiques, à sa composition et à son origine ; que si la société Noviga fait valoir qu’elle a établi avec ses fournisseurs un cahier des charges en garantie de la qualité de leurs huîtres, elle ne l’établit pas ; que la société Noviga n’apporte aucune précision quant aux modalités qu’elle mettrait en œuvre pour sélectionner les huitres qu’elle qualifie de « grand cru » et pour déterminer leur origine afin d’en assurer la qualité supérieure ; que l’absence de réserve de la part de l’Institut national de la propriété industrielle lors de l’enregistrement de la marque « huîtres grand cru » est sans incidence ; que, par suite, la mention « huître grand cru, » n’étant que la désignation d’une marque commerciale, est de nature à induire en erreur les consommateurs sur les caractéristiques essentielles du produit ; qu’il s’ensuit que l’allégation « huître grand cru » sur les cartes des plats, les publicités, les stands de vente à emporter de l'ensemble des établissements exploitées par la société requérante ainsi que sur ses sites internet constitue une pratique commerciale trompeuse au sens des dispositions du 2° de l’article L. 121-2 du code de la consommation ; qu’ainsi, la société Noviga n’est pas fondée à soutenir que la décision du 21 juillet 2016 serait entachée d’une erreur d’appréciation ;

9. Considérant, en sixième lieu, que la société requérante fait valoir qu’elle n’est pas

la seule marque à utiliser la mention « grand cru » ; que la circonstance que d’autres sociétés, y compris ses concurrents, utiliseraient l’appellation « grand cru » pour leurs produits est sans incidence dès lors qu’elle ne démontre pas qu’elles auraient été placées dans une situation identique à la sienne ; qu’ainsi, la décision attaquée ne porte pas atteinte à son droit de propriété ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et du principe de liberté de la concurrence doit être écarté ;

10. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société Noviga n’est pas fondée

à demander l’annulation de la décision attaquée ainsi qu’en tout état de cause de la lettre de « préinjonction » du 21 décembre 2015 ;

11. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la société

Noviga à fin d’annulation doivent être rejetées ; que, par voie de conséquence, doivent également être rejetées ses conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte ainsi que celles présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E : Article 1er : La requête de la société Noviga est rejetée. Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la société Noviga et au ministre de

l’économie et des finances.

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Page 65: Lettre du tribunal administratif de Paris

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PARIS

N°1708429/1-3 ___________

Mme M. D. ___________

M. Aggiouri Rapporteur ___________

M. Hanry Rapporteur public ___________ Audience du 23 mai 2018 Lecture du 6 juin 2018 ___________

Sommaire

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Paris

(1ère section – 3e chambre)

30-02-05-07-01 C+

Vu la procédure suivante : Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 18 mai 2017 et le

3 février 2018, Mme M. D. demande au Tribunal d’annuler la décision du 1er mars 2017 par laquelle le recteur de l’académie de Paris a refusé de lui accorder une bourse d’enseignement supérieur sur critères sociaux au titre de l’année universitaire 2017-2018.

Elle soutient qu’elle n’a pas utilisé de droit à bourse au titre des années 2009-2010 et

2010-2011 dès lors qu’elle s’était acquittée de ses droits d’inscription et de ses droits de sécurité sociale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 janvier 2018, le recteur de l’académie de

Paris conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu’aucun des moyens soulevés n’est fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - l’arrêté du 18 août 2009 portant sur les taux des bourses d’enseignement supérieur du

ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche pour l’année universitaire 2009-2010, - l’arrêté du 12 août 2010 portant sur les taux des bourses d’enseignement supérieur du

ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche pour l’année universitaire 2010-2011, - la circulaire n° 2017-059 du ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement

supérieur et de la recherche en date du 11 avril 2017 relative aux modalités d’attribution des

Page 66: Lettre du tribunal administratif de Paris

bourses d’enseignement supérieur sur critères sociaux, des aides au mérite et des aides à la mobilité internationale pour l’année 2017-2018,

- le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique : - le rapport de M. Aggiouri, rapporteur, - et les conclusions de M. Hanry, rapporteur public. 1. Considérant que Mme D., étudiante inscrite en master de physique fondamentale et

appliquée au titre de l’année universitaire 2017-2018, a sollicité le bénéfice d’une bourse d’enseignement supérieur sur critères sociaux ; que cette demande a été rejetée par une décision du recteur de l’académie de Paris en date du 1er mars 2017 ; que par la présente requête, Mme D. demande l’annulation de cette décision ;

2. Considérant qu’aux termes de l’annexe 4 à la circulaire du ministre de l’éducation

nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche en date du 11 avril 2017, qui a valeur réglementaire : « Un étudiant peut utiliser jusqu’à 7 droits à bourse d’enseignement supérieur sur critères sociaux, durant la totalité de ses études supérieures entreprises / […] Les 7 droits ouverts se répartissent dans le cadre de deux cursus distincts : / a) Le cursus licence ainsi que tout autre cursus d’une durée inférieure ou égale ne peuvent donner lieu à plus de 5 droits à bourse. […] / b) Au-delà du cursus licence ou de tout autre cursus d’une durée égale les droits se répartissent comme suit : / - 3 droits si l’étudiant a utilisé moins de 5 droits ; / - 2 droits si l’étudiant a utilisé 5 droits […] » ;

3. Considérant que le recteur de l’académie de Paris a estimé que Mme D. avait épuisé

ses droits à bourse d’enseignement supérieur sur critères sociaux au cours de ses études et qu’elle ne pouvait, pour ce motif, bénéficier de nouveau d’une bourse au titre de l’année universitaire 2017-2018 ; qu’il est constant que Mme D. a bénéficié de bourses sur critères sociaux au titre des années universitaires 2011-2012 et 2012-2013, au cours desquelles elle était inscrite en master, et au titre des années universitaires 2014-2015, 2015-2016 et 2016-2017, au cours desquelles elle était inscrite en licence ; que s’il ressort des pièces du dossier que Mme D. s’était vu octroyer, au titre des années universitaires 2009-2010 et 2010-2011, des bourses sur critères sociaux à l’échelon « 0 », ouvrant droit uniquement, en application des dispositions des articles 1ers des arrêtés du 18 août 2009 et du 12 août 2010 alors respectivement applicables, à une exonération des droits d’inscription et de sécurité sociale, elle soutient ne pas avoir bénéficié des bourses ainsi attribuées ; que la requérante produit à cet égard des attestations ainsi que des échanges de courriels avec les services de l’université Paris Diderot-Paris VII faisant état du paiement, par elle, des droits d’inscription et de sécurité sociale au titre des années universitaires 2009-2010 et 2010-2011 ; que dans ces conditions, Mme D., qui, en payant ses droits d’inscription et de sécurité sociale au titre des années universitaires 2009-2010 et 2010-2011, s’est privée du seul avantage ouvert par l’attribution d’une bourse à l’échelon « 0 », doit être regardée comme ayant renoncé au bénéfice des bourses qui lui avaient été accordées au titre desdites années ; qu’elle ne peut donc être regardée comme ayant utilisé un droit à bourse au titre des années universitaires 2009-2010 et 2010-2011, au sens des dispositions précitées ; qu’ainsi, lorsqu’elle a présenté sa demande de bourse au titre de l’année universitaire 2017-2018, Mme D. avait seulement utilisé trois droits à bourse au titre d’un cursus licence et deux droits à bourse au titre d’un cursus master ; que par suite, le recteur de l’académie de Paris a commis une erreur de fait en estimant que Mme D. avait alors épuisé ses droits à bourse ;

Page 67: Lettre du tribunal administratif de Paris

4. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme D. est fondée à demander l’annulation de la décision contestée ;

D E C I D E :

Article 1er : La décision du recteur de l’académie de Paris en date du 1er mars 2017 est annulée. Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme M. D. et au recteur de l’académie de Paris. Copie en sera adressée au directeur du centre régional des œuvres universitaires et scolaires de Paris.

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Page 68: Lettre du tribunal administratif de Paris

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PARIS

N° 1807044/3-3 ___________

M. I. H. ___________

M. Matalon Rapporteur ___________

M. Gracia Rapporteur public ___________ Audience du 26 juin 2018 Lecture du 3 juillet 2018 ___________

Sommaire

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Paris (3ème section - 3ème chambre)

335-03 C+

Vu la procédure suivante : Par une requête et un mémoire enregistrés le 3 mai et le 26 juin 2018, M. I. H.,

représenté par Me Atger, demande au tribunal dans le dernier état de ses écritures: 1°) de l’admettre au bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire ; 2°) d’annuler l’arrêté du 27 avril 2018 par lequel le préfet de police a décidé sa remise

aux autorités italiennes, responsables de l’examen de sa demande d’asile ; 3°) d’enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour

afin de lui permettre d’engager des démarches auprès de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, subsidiairement, d’enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de

l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Page 69: Lettre du tribunal administratif de Paris

Il soutient que : - la décision litigieuse a été signée par une autorité incompétente ; - elle est insuffisamment motivée et est entachée d’un défaut d’examen sérieux de sa

situation; - elle est entachée d’un vice de procédure au regard de l’article 4 du règlement UE

n° 604/2013 ; - elle méconnaît l’article 5 du règlement UE n° 604/2013 ; - elle méconnaît l’article 26 du règlement UE n° 604/2013 ainsi que l’article L. 531-1

du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; - elle méconnaît l’article 29 du règlement UE n° 604/2013 dès lors que le précédent

transfert exécuté postérieurement à l’expiration du délai prévu par cet article, soit avant le 8 juillet 2017, aurait dû entraîner un transfert de responsabilité de l’Etat membre requérant ;

- elle méconnaît l’article 13-1 du règlement UE n° 604/2013 dès lors que la responsabilité de l’Italie ne pouvait plus être retenue au-delà d’un délai de douze mois après le franchissement irrégulier de ses frontières ;

- elle méconnaît l’article 17 du règlement UE n° 604/2013 et est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2018, le préfet de police de Paris

conclut au rejet de la requête. Il soutient que : les moyens soulevés par M. H. ne sont pas fondés. Vu les pièces du dossier. Vu la décision par laquelle le magistrat désigné a décidé le renvoi de ce dossier en

formation collégiale ; Vu : - le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ; - le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique : - Me Atger, avocat de M. H., qui souhaite, avant que la présidente prononce la clôture

de l’instruction, soulever un moyen nouveau tiré de la méconnaissance de l’article 21 du règlement UE n° 604/2013 ;

- le rapport de M. Matalon ; - les conclusions de M. Gracia, rapporteur public ; - et les observations de Me Atger, avocat de M. H..

Page 70: Lettre du tribunal administratif de Paris

Considérant ce qui suit :

Sur la demande d’admission provisoire à l’aide juridictionnelle :

1. Aux termes de l’article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique : « « Dans les cas d'urgence, (…) l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président (…) ».

2. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de prononcer, en application des dispositions précitées, l'admission provisoire de M. H. au bénéfice de l’aide juridictionnelle.

Sur les conclusions d’annulation : 3. Aux termes de l’article 7 du règlement UE n° 604/2013, dénommé hiérarchie des critères : « 2. La détermination de l’État membre responsable en application des critères énoncés dans le présent chapitre se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur a introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d’un État membre ». Et aux termes de l’article 13 de ce même règlement : « 1. Lorsqu’il est établi, sur la base de preuves ou d’indices tels qu’ils figurent dans les deux listes mentionnées à l’article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) no 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d’un État membre dans lequel il est entré en venant d’un État tiers, cet État membre est responsable de l’examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière ». Il résulte clairement de ces dispositions que la détermination de l’Etat membre en principe responsable de l’examen de la demande de protection internationale s’effectue une fois pour toutes à l’occasion de la première demande d’asile, au vu de la situation prévalant à cette date . Le délai de douze mois prévu par le 1er de l’article 13 précité s’applique seulement entre la date où le demandeur d’asile franchit pour la première fois irrégulièrement la frontière de l’Union européenne et la date où il dépose pour la première fois une demande d’asile dans un Etat membre. 4. M. H. s’est présenté une première fois au guichet unique des demandeurs d’asile de Paris, le 4 novembre 2016, où il a effectué une demande de protection internationale. Il est apparu, lors de la comparaison de ses empreintes digitales au moyen du système EURODAC, que l’intéressé avait franchi irrégulièrement les frontières de l’Italie le 1er août 2016. A cette date, l’Italie était l’Etat responsable de l’examen de sa demande sur le fondement l’article 13 précité du règlement UE n° 604/2013. Le préfet de police a alors pris un arrêté de transfert vers l’Italie en date du 15 mars 2017 en exécution duquel M. H. a fait l’objet d’une mesure de réadmission effective vers l’Italie le 20 juillet 2017. M. H. est entré une seconde fois en France et a de nouveau effectué une demande de protection internationale le 18 janvier 2018. Il pouvait donc, en principe, faire l’objet d’une remise aux autorités italiennes en application du 2 de l’article 7 précité, sans que fasse obstacle la circonstance que plus de douze mois s’étaient écoulés entre le franchissement irrégulier de la frontière italienne et la dernière demande de protection internationale auprès des autorités françaises. 5. Il résulte toutefois des dispositions de l’article 29 du règlement UE n° 604/2013 que : « 1. Le transfert du demandeur ou d’une autre personne visée à l’article 18, paragraphe 1, point

Page 71: Lettre du tribunal administratif de Paris

c) ou d), de l’État membre requérant vers l’État membre responsable s’effectue conformément au droit national de l’État membre requérant, après concertation entre les États membres concernés, dès qu’il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l’acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée (…) / 2. Si le transfert n’est pas exécuté dans le délai de six mois, l’État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l’État membre requérant (…) ». 6. A la suite de la première demande d’asile effectuée auprès des autorités françaises par M. H., les autorités italiennes ont été saisies, le 8 novembre 2016, d’une demande de prise en charge. Ces autorités ont accepté leur responsabilité par un accord implicite en date du 8 janvier 2017. Par suite, le délai de six mois imparti pour procéder à une telle réadmission était expiré lorsque, le 20 juillet 2017, l’intéressé a fait l’objet d’une mesure de réadmission effective vers les autorités italiennes. A cette date, la responsabilité de l’examen de la demande d’asile de M. H. incombait en conséquence aux autorités françaises. Ainsi à la date du 18 janvier 2018, les autorités françaises étaient toujours responsables de l’examen de la demande d’asile du requérant. Dès lors, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, M. H. est fondé à soutenir qu’en désignant l’Italie comme Etat responsable de l’examen de sa demande d’asile le préfet de police a entaché sa décision d’une erreur de droit.

7. Il résulte de ce qui précède, qu’il y lieu d’annuler l’arrêté du 27 avril 2018 par lequel le préfet de police a décidé le transfert de M. H. aux autorités italiennes, responsables de l’examen de sa demande d’asile.

Sur les conclusions à fin d’injonction et d’astreinte :

8. Eu égard au motif d’annulation retenu, le présent jugement implique nécessairement qu’il soit enjoint au préfet de police de convoquer M. H. aux fins d’enregistrement de sa demande d’asile et de lui délivrer l’attestation prévue à l’article L. 741-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sans qu’il soit besoin d’assortir cette injonction d’une astreinte

Sur les frais de l’instance :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique à verser à Me Atger, sous réserve pour ce dernier, le cas échéant, de renoncer à percevoir la part contributive de l’Etat à l’aide juridictionnelle. Dans le cas où l’aide juridictionnelle ne serait pas accordée à M. H. par le bureau d’aide juridictionnelle, la somme de 1 500 euros sera versée à M. H.

D E C I D E :

Article 1er : M. H. est admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire.

Page 72: Lettre du tribunal administratif de Paris

Article 2 : L’arrêté du 27 avril 2018 par lequel le préfet de police a décidé la remise de M. H. aux autorités italiennes, responsables de l’examen de sa demande d’asile, est annulé. Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de convoquer M. H., aux fins d’enregistrement de sa demande d’asile et de lui délivrer l’attestation prévue à l’article L. 741-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir. Article 4 : Sous réserve de l’admission définitive de M. H. à l’aide juridictionnelle et sous réserve que Me Atger renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat, ce dernier versera à Me Atger, avocat de M. H., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dans le cas où l’aide juridictionnelle ne serait pas accordée à M. H. par le bureau d’aide juridictionnelle, la somme de 1 500 euros sera versée à M. H.. Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 6 : Le présent jugement sera notifié à M. I. H., à Me Atger et au préfet de police de Paris.

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Page 73: Lettre du tribunal administratif de Paris

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PARIS

N°1701637/3-1 ___________

M. A. A. ___________

M. Kessler Rapporteur ___________

M. Gracia Rapporteur public ___________ Audience du 28 mai 2018 Lecture du 11 juin 2018 ___________

Sommaire

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le tribunal administratif de Paris

(3ème section– formation plénière)

335-06-02 C+

Vu la procédure suivante : Par une requête enregistrée le 20 janvier 2017, M. A. A., représenté par Me Bouget,

demande au tribunal : 1°) d’annuler la décision du 19 décembre 2016 par laquelle le préfet de la région d’Ile-

de-France, préfet de Paris a refusé de lui accorder une autorisation de travail ; 2°) d’enjoindre au préfet de lui délivrer l’autorisation de travail sollicitée ou, à défaut,

de réexaminer sa demande dans le délai d’un mois à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard pendant un délai de trois mois au-delà duquel elle pourra être liquidée et une nouvelle astreinte fixée ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des

dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision en litige est insuffisamment motivée ; - elle est entachée d’erreurs d’appréciation dans l’application des dispositions de

l’article R. 5221-20 du code du travail tant en ce qui concerne la situation de l’emploi que l’adéquation entre sa qualification ou son expérience et les caractéristiques de l’emploi auquel il postule.

Page 74: Lettre du tribunal administratif de Paris

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2017, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A. A. ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code du travail, - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique : - le rapport de M. Kessler, - les conclusions de M. Doré, rapporteur public, - les observations de Me Goeau, avocat de M. A. A., ainsi que de M. A. A. Considérant ce qui suit : 1. La société Asia Tours Europe a présenté le 10 octobre 2016 au préfet de la région

d’Ile-de-France, préfet de Paris, une demande d’autorisation de travail pour M. A. A., ressortissant chinois né en 1987. Par une décision du 19 décembre 2016, le préfet de la région d’Ile-de-France, préfet de Paris a rejeté cette demande. M. A. A. demande l’annulation de cette décision.

2. En premier lieu, la décision attaquée vise les dispositions pertinentes du code du travail. Elle expose en détails les éléments de fait qui en constituent le fondement, tant en application du 1° que du 2° de l’article R. 5221-20 du code du travail. Elle précise notamment que la zone géographique considérée est celle pour laquelle la demande est formulée. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait insuffisamment motivée manque en fait et doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l’article R. 5221-1 du code du travail : « Pour exercer une activité professionnelle en France, les personnes suivantes doivent détenir une autorisation de travail et le certificat médical mentionné au 4° de l'article R. 313-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui leur est remis à l'issue de la visite médicale à laquelle elles se soumettent au plus tard trois mois après la délivrance de l'autorisation de travail : / 1° Etranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse (…) ». Aux termes de l’article R. 5221-20 du code du travail : « Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes concourant au service public de l'emploi pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; / 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule ; (…) ».

Page 75: Lettre du tribunal administratif de Paris

4. Pour refuser de délivrer l’autorisation de travail demandée pour M. A. A., le

préfet de la région d’Ile-de-France, préfet de Paris s’est fondé sur les dispositions précitées du 1° et du 2° de l’article R. 5221-20 du code du travail.

5. En ce qui concerne la condition prévue par le 1° de l’article R. 5221-20 du code du travail, le préfet a estimé, d’une part, que cette condition n’était pas remplie dès lors que le nombre de demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi pour la profession considérée était supérieur au nombre d’offres et que la langue chinoise ne pouvait être considérée comme un élément déterminant du poste. Il a estimé, d’autre part, que l’employeur ne pouvait justifier ne pas avoir trouvé de candidat immédiatement disponible dans des conditions d’emploi identiques, compte tenu de la différence entre le salaire de 1516,70 euros proposé dans son offre auprès de Pôle emploi et celui de 2199,97 euros finalement accordé à M. A. A.

6. Sur le premier point, ainsi que le fait valoir M. A. A., il ressort des pièces du dossier que le poste concerné, qui consiste à gérer des relations commerciales et des séjours touristiques à Paris pour des clients chinois, exige de savoir parler la langue chinoise. Dès lors, c’est à tort que le préfet de la région d’Ile-de-France, préfet de Paris a estimé que la langue chinoise ne constituait pas une spécificité du poste.

7. Toutefois, il ressort également des pièces du dossier, d’une part, que plusieurs des huit candidats dont la société Asia Tours Europe a reçu le curriculum vitae parlaient la langue chinoise et avaient, pour certains, une expérience soit dans le domaine des transports soit dans celui du tourisme. D’autre part, ainsi que l’a relevé le préfet, l’offre publiée auprès de Pôle emploi prévoyait un salaire indicatif négociable de dix euros de l’heure, soit 1516,70 euros par mois, alors que le salaire proposé à M. A. A. est de 2199,97 euros mensuel. Cet écart important, sans lequel davantage de candidatures auraient pu être présentées, montre le caractère insuffisant des recherches accomplies par l’employeur auprès des organismes concourant au service public de l’emploi pour recruter, dans des conditions comparables, un candidat déjà présent sur le marché du travail. Dès lors, M. A. A. n’établit pas qu’en prenant en compte, pour lui refuser une autorisation de travail, le critère de la situation de l’emploi, apprécié notamment au regard des recherches déjà accomplies par l’employeur, le préfet aurait inexactement appliqué les dispositions du 1° de l’article R. 5221-20 du code du travail.

8. En ce qui concerne la condition prévue par le 2° de l’article R. 5221-20 du code du travail, il ressort des pièces du dossier, notamment de l’annonce publiée par la société Asia Tours Europe auprès de Pôle emploi, que le poste pour lequel a postulé M. A. A. exige la pratique de la langue chinoise et de l’anglais, un niveau Bac +3 minimum ainsi que des compétences de « planning », de transport, de commerce et de gestion. Au cours de ses études en France, M. A. A. a obtenu, en 2014, un « Bachelor of business administration » à la Weller International Business School puis, en 2014-2015, un certificat de marketing international à l’institut de langues et de commerce international. Dans le cadre d’un cursus intitulé « création d’entreprise », il a effectué un stage au sein de la société Asia Tours Europe, au poste pour lequel a été demandée l’autorisation de travail en litige, où il a acquis des compétences de gestion de planning dans le secteur du transport. M. A. A. a ensuite travaillé pour le compte de cette société, au même poste, dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à temps partiel.

9. Il ressort des éléments exposés au point précédent que M. A. A. a acquis, tant dans le cadre de ses études que de son expérience professionnelle, les compétences en matière de commerce, de gestion et de transports requises pour occuper le poste que lui a proposé la société Asia Tours Europe. La circonstance, relevée à tort par le préfet, que son niveau d’études

Page 76: Lettre du tribunal administratif de Paris

serait supérieur au niveau requis ou celle que son expérience aurait été acquise dans le cadre d’une activité accessoire sont sans incidence à cet égard. Il s’ensuit que M. A. A. est fondé à soutenir qu’en estimant que la condition d’adéquation prévue par les dispositions précitées du 2° de l’article R. 5221-20 du code du travail n’était pas remplie, le préfet de la région d’Ile-de-France, préfet de Paris a entaché sa décision d’une erreur d’appréciation.

10. Il résulte toutefois de l’instruction que le préfet de la région d’Ile-de-France, préfet de Paris aurait pris la même décision s’il s’était fondé sur le seul motif, mentionné aux points 5 à 7, tiré de la prise en compte de la situation de l’emploi.

11. Par suite, il résulte de tout ce qui précède que M. A. A. n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision attaquée. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d’injonction et ses conclusions au titre des frais liés au litige doivent également être rejetées.

Par ces motifs, le tribunal décide :

Article 1er : La requête de M. A. A. est rejetée. Article 2: Le présent jugement sera notifié à M. A. A. et à la ministre du travail. Copie en sera adressée au préfet de la région d’Ile-de-France, préfet de Paris.

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Page 77: Lettre du tribunal administratif de Paris

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PARIS

N° 1605158/1-1 N° 1612263/1-1 N° 1620502/1-1 ___________

M. A. C. Mme N. C. ___________

M. Charles Rapporteur ___________

M. Segretain Rapporteur public ___________ Audience du 28 mars 2018 Lecture du 11 avril 2018 ___________

Sommaire

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le tribunal administratif de Paris

(1ère Section - 1ère Chambre)

19-01-01-005 19-01-01-02 19-04-02-03-02 C+

Vu les procédures suivantes : I) Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 avril 2016 et 26 octobre 2017 sous le

n° 1605158/1-1, M. A. C. et Mme N. C., représentés par Me Dervieu, demandent au Tribunal de « décider que la plus-value [par eux] déclarée [au titre de l’année 2011] doit être taxée conformément aux règles fiscales applicables » en 2011, dès lors qu’ils ont déposé, le 6 octobre 2015, une déclaration de revenus rectificative.

Ils soutiennent que la réclamation sous forme de déclaration rectificative de la plus-value litigieuse qu’ils ont déposée le 6 octobre 2015 n’était pas tardive au regard du délai de réclamation prévu au c) de l’article R. 196-1.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2017, le directeur de la direction

nationale des vérifications de situations fiscales conclut au rejet de la requête. II) Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 août 2016 et 26 octobre 2017 sous

le n° 1612263/1-1, Mme N. C., représentée par Me Dervieu, demande au Tribunal de prononcer

Page 78: Lettre du tribunal administratif de Paris

la décharge de la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l’année 2013, ensemble les majorations y afférentes, à titre subsidiaire, d’en prononcer la réduction par application du taux d’imposition forfaitaire de 19 % et, à titre encore plus subsidiaire, d’en prononcer la réduction par application de l’abattement de droit commun de 65 %.

Par un mémoire distinct, enregistré le 12 novembre 2016, et un mémoire

complémentaire, enregistré le 19 janvier 2017, Mme C. demande au Tribunal de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité au principe d’égalité devant la loi fiscale, au principe de capacité contributive du contribuable et à l’article 16 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 des dispositions du 1 ter de l’article 150-0 D du code général des impôts en tant qu’il ne prévoit pas, au regard des abattements de durée de détention, le sort des plus-values sur titres réalisées avant le 1er janvier 2013 rendues taxables après le 1er janvier 2013 par application du IV de l’article 150-0 D ter.

Par un mémoire, enregistré le 11 janvier 2017, le directeur de la direction nationale des

vérifications de situations fiscales conclut à ce qu’il n’y a pas lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme C.

Par un courrier en date du 9 février 2017, les parties ont été informées de ce qu’en

application de l’article R. 771-6 du code de justice administrative, la question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme C. était dispensée de transmission et qu’il était sursis à statuer dans l’attente des décisions à venir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2017, le directeur de la direction

nationale des vérifications de situations fiscales demande au Tribunal de prendre acte du dégrèvement intervenu en cours d’instance et conclut au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il fait valoir qu’aucun des moyens soulevés n’est fondé. III) Par une ordonnance en date du 25 novembre 2016, le président de la 1ère chambre

du Tribunal administratif de Montreuil a transmis au tribunal administratif de Paris le dossier de la requête de M. A. C., enregistrée le 23 septembre 2016.

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 novembre 2016 et 26 octobre 2017 au

greffe du tribunal administratif de Paris sous le n° 1620502/1-1, M. A. C., représenté par Me Dervieu, demande au Tribunal de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l’année 2013, ensemble les majorations y afférentes, à titre subsidiaire, d’en prononcer la réduction par application du taux d’imposition forfaitaire de 19 %.

Il soutient que : - le droit de reprise de l’administration était prescrit à la date de notification de la

proposition de rectification du 20 avril 2015 ; - la plus-value de cession litigieuse doit être imposée selon les règles de taxation

applicables au titre de l’année 2011. Par un mémoire distinct, enregistré le 26 novembre 2016, et un mémoire

complémentaire, enregistré le 19 janvier 2017, M. C. demande au Tribunal de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité au principe

Page 79: Lettre du tribunal administratif de Paris

d’égalité devant la loi fiscale, au principe de capacité contributive du contribuable et à l’article 16 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 des dispositions du 1 ter de l’article 150-0 D du code général des impôts en tant qu’il ne prévoit pas, au regard des abattements de durée de détention, le sort des plus-values sur titres réalisées avant le 1er janvier 2013 rendues taxables après le 1er janvier 2013 par application du IV de l’article 150-0 D ter.

Par un mémoire, enregistré le 11 janvier 2017, le directeur de la direction nationale des vérifications de situations fiscales conclut à ce qu’il n’y a pas lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité posée par M. C.

Il soutient que si la disposition contestée est applicable au litige, elle a déjà été

déclarée conforme à la Constitution ; que le changement de circonstance de fait invoqué par le requérant n’affecte pas la portée de la disposition législative en jeu.

Par une ordonnance du 9 février 2017, le président de la 1ère section du Tribunal

administratif de Paris a transmis au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité, posée par M. C., de la conformité à la Constitution des dispositions du 1 ter de l’article 150-0 D du code général des impôts en tant qu’il ne prévoit pas, au regard des abattements pour durée de détention, le sort des plus-values sur titres réalisées avant le 1er janvier 2013 rendues taxables après le 1er janvier 2013 par application du IV de l’article 150-0 D ter.

Par décision n° 407832 du 9 mai 2017, le Conseil d’Etat a renvoyé au Conseil

constitutionnel la question de la conformité à la Constitution des dispositions combinées des trois premiers alinéas du 1 ter de l’article 150-0 D du code général des impôts et du IV de l’article 150-0 D ter du même code.

Par décision n° 2017-642 QPC du 7 juillet 2017, le Conseil constitutionnel, saisi par la

décision précitée du Conseil d’Etat, a déclaré conformes à la Constitution les trois premiers alinéas du 1 ter de l’article 150-0 D du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, sous la réserve énoncée à son paragraphe 12 et sous les réserves précédemment énoncées aux considérants 11 et 15 de la décision n° 2016-538 QPC du 22 avril 2016.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2017, l’administrateur des finances

publiques chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales demande au Tribunal de prendre acte du dégrèvement intervenu en cours d’instance et conclut au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il fait valoir qu’aucun des moyens soulevés n’est fondé.

Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - la Constitution, - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales, - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Charles, rapporteur, - et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public.

Page 80: Lettre du tribunal administratif de Paris

1. Considérant que les requêtes susvisées n° 1605158/1-1, n° 1612263/1-1 et

n° 1620502/1-1, lesquelles concernent la remise en cause d’un avantage accordé au foyer fiscal que constituaient alors M. et Mme C., présentent à juger les mêmes questions et ont fait l’objet d’une instruction commune ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement ;

2. Considérant que M. C. et Mme C. ont conjointement cédé, le 2 juin 2011, les 360 et 40 parts qu’ils détenaient respectivement dans la société ACJN, lesquelles, réunies, représentaient la totalité du capital social ; que les intéressés ont, dans leur déclaration commune de revenus de l’année 2011, placé la plus-value réalisée à raison de ladite cession sous le régime de l’abattement prévu à l’article 150-0 D ter du code général des impôts ; qu’à la suite d’un contrôle sur pièces, l’administration a constaté que M. C. n’avait pas cessé toute fonction dans la société ACJN dans les deux années suivant la cession litigieuse et, partant, que la condition prévue au I-2°-c de l’article 150-0 D ter précité n’était pas remplie ; que le service a par suite remis en cause le bénéfice de l’abattement appliqué, en l’espèce de 100 %, et taxé la plus-value litigieuse, devenue imposable après le 1er janvier 2013, selon le nouveau régime d’imposition des plus-values de cessions de valeurs mobilières entré en vigueur à cette date ; que la plus-value en cause, dès lors soumise au barème progressif de l’impôt sur le revenu, n’a toutefois pu bénéficier de l’abattement pour durée de détention, concomitamment créé au 1 ter de l’article 150-0 D pour tempérer l’imposition au barème, l’article 17 de la loi de finances pour 2014 l’ayant réservé aux gains réalisés à compter du 1er janvier 2013 ; que M. C. et Mme C., qui font désormais l’objet d’impositions séparées, contestent le supplément d’impôt sur le revenu mis à la charge de chacun d’eux, en application des dispositions précitées, au titre de l’année 2013 ;

Sur l’étendue des litiges : 3. Considérant que, par décision du 5 octobre 2017, postérieure à l’introduction de la

requête de M. C., le directeur de la direction nationale des vérifications de situations fiscales a prononcé le dégrèvement, à concurrence d’un montant total, en droits et majorations, de 665 euros, du supplément d’impôt sur le revenu mis à la charge de M. C. au titre de l’année 2013 ; que les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;

4. Considérant que, par décision du 5 octobre 2017, postérieure à l’introduction de la

requête de Mme C., le directeur de la direction nationale des vérifications de situations fiscales a prononcé le dégrèvement, à concurrence d’un montant total, en droits et majorations, de 74 euros, du supplément d’impôt sur le revenu mis à la charge de Mme C. au titre de l’année 2013 ; que les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;

Sur le surplus des litiges : En ce qui concerne le moyen tiré de la prescription du droit de reprise de

l’administration : 5. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 150-0 D ter du code général des

impôts, dans sa rédaction applicable à la plus-value litigieuse : « I. L'abattement prévu à l'article 150-0 D bis s'applique dans les mêmes conditions (…) aux gains nets réalisés lors de la cession à titre onéreux d'actions, de parts ou de droits démembrés portant sur ces actions ou parts, acquis ou souscrits avant le 1er janvier 2006, si les conditions suivantes sont remplies : (…) 2° Le cédant doit : (…) c) Cesser toute fonction dans la société dont les titres ou droits sont cédés et faire valoir ses droits à la retraite dans les deux années suivant ou précédant la cession (…) IV. En cas de non-respect de la condition prévue au 4° du I à un moment quelconque au

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cours des trois années suivant la cession des titres ou droits, l'abattement prévu au même I est remis en cause au titre de l'année au cours de laquelle la condition précitée cesse d'être remplie. Il en est de même, au titre de l'année d'échéance du délai mentionné au c du 2° du I, lorsque l'une des conditions prévues au 1° ou au c du 2° du même I n'est pas remplie au terme de ce délai (…) » ;

6. Considérant, d’autre part, qu'aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures

fiscales : « Pour l'impôt sur le revenu (…), le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce (...) jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due (...) » ;

7. Considérant, ainsi qu’il a déjà été dit, que M. et Mme C. ont placé la plus-value

réalisée à raison de la cession des titres de la société ACJN sous le régime de l’abattement prévu à l’article 150-0 D ter du code général des impôts ; qu’il n’est pas contesté que la condition prévue au I-2°-c de l’article 150-0 D ter précité n’était pas remplie au terme du délai de deux ans mentionné par les dispositions en cause ; qu’ainsi, c’est à bon droit, conformément à ces mêmes dispositions, que le service a remis en cause, au titre de l’année d’échéance du délai précité, soit 2013, le bénéfice dudit abattement ; que l’imposition contestée étant due au titre de 2013, il s’ensuit, en vertu de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, que le délai de reprise de l'administration s’exerçait en l’espèce jusqu’à la fin de l’année 2016 ; qu’il est constant que les propositions de rectification en date du 20 avril 2015, afférentes aux impositions contestées, ont été respectivement notifiées à M. C. et à Mme C. avant le 31 décembre 2016 ; qu’il suit de là que le moyen tiré de la prescription du droit de reprise de l’administration doit être écarté ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la non-conformité à la Constitution des

dispositions du 1 ter de l’article 150-0 D du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 :

8. Considérant que par décision n° 2017-642 QPC du 7 juillet 2017, le Conseil

constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les trois premiers alinéas du 1 ter de l’article 150-0 D du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, sous la réserve que « les dispositions contestées ne sauraient, sans méconnaître l’égalité devant les charges publiques, priver une […] plus-value [mobilière] réalisée avant le 1er janvier 2013, qui ne fait l’objet d’aucun abattement sur son montant brut et dont le montant de l’imposition est arrêté selon des règles de taux telles que celles en vigueur à compter du 1er janvier 2013, de l’application à l’assiette ainsi déterminée d’un coefficient d’érosion monétaire pour la période comprise entre l’acquisition des titres et le fait générateur de l’imposition » ;

9. Considérant que l’administration, en procédant en cours d’instance aux

dégrèvements mentionnés aux points 3 et 4, a tiré toutes les conséquences de la décision susvisée du Conseil constitutionnel ; que le moyen susanalysé doit dès lors être regardé comme privé de portée ;

En ce qui concerne le régime d’imposition des gains litigieux :

10. Considérant que si les dispositions du IV de l’article 150-0 D ter du code général

des impôts conduisent à remettre en cause, au titre de l’année d’échéance du délai de deux ans mentionné au c du 2° du I du même article, le bénéfice de l’abattement appliqué au gain net réalisé à raison d’une cession de titres, le législateur a entendu replacer le contribuable qui ne remplit pas les conditions de l’abattement dans la situation qui aurait été la sienne si le droit

Page 82: Lettre du tribunal administratif de Paris

commun lui avait été appliqué à la date de réalisation de la plus-value ; qu’en conséquence, si aux termes des dispositions précitées, l’exigibilité de l’impôt intervient au titre de l’année de survenance de l’événement remettant en cause le bénéfice de l’abattement, les règles de taxation du gain réalisé sont celles de l’année de la cession de titres dont il procède ; qu’en l’espèce, M. C. et Mme C. sont ainsi fondés à demander, l’un et l’autre, que les gains qu’ils ont respectivement réalisés à raison de leur cession conjointe, le 2 juin 2011, des titres de la société ACJN soient taxés selon les règles d’imposition en vigueur à cette date, sans qu’il y ait lieu à déclaration rectificative ; que la satisfaction ainsi donnée à leurs demandes tendant à la décharge du supplément d’imposition en litige rend, en tout état de cause, sans objet la demande en déclaration de droits contenue dans la requête n° 1605158/1-1 ;

D E C I D E :

Article 1er : A concurrence de la somme de 665 euros, dégrevée en cours d’instance, il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 1620502/1-1 de M. C.

Article 2 : A concurrence de la somme de 74 euros, dégrevée en cours d’instance, il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 1612263/1-1 de Mme C. Article 3 : Les gains réalisés, respectivement, par M. C. et par Mme C., à raison de leur cession conjointe, le 2 juin 2011, des titres de la société ACJN sont taxés selon les règles d’imposition en vigueur à cette date. Article 4 : M. C. est déchargé de la différence entre, d’une part, le supplément d’impôt sur le revenu mis à sa charge au titre de l’année 2013 à raison du gain précité et, d’autre part, celui résultant de la base d’imposition définie à l’article 3 ci-dessus. Article 5 : Mme C. est déchargée de la différence entre, d’une part, le supplément d’impôt sur le revenu mis à sa charge au titre de l’année 2013 à raison du gain précité et, d’autre part, celui résultant de la base d’imposition définie à l’article 3 ci-dessus. Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête n° 1620502/1-1 de M. C. est rejeté. Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête n° 1612263/1-1 de Mme C. est rejeté. Article 8 : Il n’y a pas lieu de statuer sur la requête n° 1605158/1-1 de M. et Mme C. Article 9 : Le présent jugement sera notifié à M. A. C., à Mme N. C. et au directeur de la direction nationale des vérifications de situations fiscales.

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Vu la procédure suivante :

I. Par une requête, enregistrée le 28 juin 2016, sous le n° 1609984, et deux mémoires complémentaires, enregistrés le 3 mars et le 28 juin 2017, la société éditrice de Médiapart, représentée par Me Mignard, Me Huet et Me Azouaou, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de prononcer la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée

et des pénalités y afférentes auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2010 au 30 septembre 2013 mis en recouvrement le 30 septembre 2015 ;

2°) d’enjoindre, à titre principal, à l’Etat (ministre des finances et des comptes

publics) de lui rembourser la somme de 2 122 441 euros versée le 16 décembre 2015, de procéder au remboursement du crédit de TVA dont disposait l’entreprise au moment des paiements soit 368 073 euros au 16 décembre 2015, de verser à la société éditrice de Mediapart les intérêts moratoires prévus à l’article 1727 du code général des impôts (soit 0,40% par mois), à compter du 16 décembre 2015, sur le montant total du rappel de TVA soit 2 490 514 euros ;

3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer sur le recours et saisir la Cour de Justice

de l’Union européenne en application de l’article 267 TFUE (ex-article 234 CE) d’une question préjudicielle sur la question de l’application d’un taux différencié de taxe sur la valeur ajoutée à la presse en ligne et à la presse papier au regard du principe de neutralité fiscale ; de poser également à la CJUE une question préjudicielle en appréciation de validité sur le fondement de l’article 267 TFUE sur l’article 98, paragraphe 2 de la directive 2016/112, lu conjointement avec le point 6 de l’annexe III de cette directive ;

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PARIS

N°1609984/2-1 N°1615478/2-1 ___________

SOCIÉTÉ ÉDITRICE DE MEDIAPART ___________

Mme Evgénas Président-rapporteur ___________ M. Le Garzic Rapporteur public ___________ Audience du 7 mai 2018 Lecture du 22 mai 2018 ___________

36-08-03

C

Sommaire

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Paris,

(2ème Section – 1ère Chambre),

Page 84: Lettre du tribunal administratif de Paris

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros en application de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

La société éditrice de Médiapart soutient que : - la procédure de vérification de comptabilité est entachée d’irrégularités dès lors

qu’elle n’a pas pu bénéficier d’un délai raisonnable avant le début des opérations de contrôle en méconnaissance de l’article L.47 du livre des procédures fiscales ; que pour la période portant sur l’année 2010 elle n’a pas disposé d’un délai raisonnable ni d’un débat oral et contradictoire dès lors que la vérification de comptabilité engagée le vendredi 20 décembre 2013 s’est achevée le mardi 24 décembre 2013 ;

- la non-application d’un taux réduit de TVA est une violation manifeste du droit de l’Union européenne, précisément du principe de neutralité fiscale ;

- l’application à la presse écrite d’un taux réduit de TVA était en parfaite conformité, avec la clause de gel ; l’extension du champ d’application de la clause de gel en 2014 à la presse en ligne est non seulement conforme au régime juridique de la TVA à taux réduit, mais permet en plus d’assurer le respect du principe de neutralité fiscale et son absence d’extension du champ d’application de la clause de gel à la presse en ligne par l’Administration fiscale constitue une violation du principe de neutralité fiscale ; qu’en l’espèce, elle réalise bien des opérations analogues à celles rendues par les sociétés de presse papier ;

- la non-application d’un taux réduit de TVA méconnait les principes de confiance légitime et de sécurité juridique ;

- la non-application d’un taux réduit de TVA méconnait les articles 11 et 20 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;

- les conséquences financières des rappels, au niveau des droits et des pénalités, ont été déterminées à partir d’une méthode erronée, des crédits de TVA n’ayant pas été pris en compte ;

- l’application de la majoration de 40% pour manquement délibéré constitue une nouvelle méconnaissance du principe de confiance légitime et l’administration n’apporte pas la preuve de la mauvaise foi.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 26 décembre 2016 et le 24 avril 2017, l’administrateur général des finances publiques en charge de la direction de contrôle fiscal Ile-de-France Est conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Par une ordonnance en date du 11 décembre 2017, la clôture de l'instruction a été

fixée au 28 décembre 2017. II. Par une requête enregistrée le 16 septembre 2016, sous le n° 1615478 et des

mémoires complémentaires, enregistrées le 2 mai 2017 et le 18 octobre 2017, la société éditrice de Mediapart, représentée par Me Mignard, Me Huet et Me Azouaou, demande au tribunal :

1°) de prononcer la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée

et des pénalités y afférentes auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er octobre 2013 au 31 mars 2014 mis en recouvrement le 6 janvier 2016 ;

Page 85: Lettre du tribunal administratif de Paris

2°) d’enjoindre à l’Etat (ministre des finances et des comptes publics) de lui rembourser la somme de 243 500 euros versée le 4 février 2016, de procéder au remboursement du crédit de TVA dont disposait l’entreprise au moment des paiements, soit 349 337 euros au 4 février 2016 et les intérêts moratoires prévus à l’article 1727 du code général des impôts (soit 0,40% par mois), à compter du 4 février 2016, sur le montant total du rappel de TVA soit 292 837 euros ;

3°) à titre subsidiaire, surseoir à statuer sur le recours et saisir la Cour de Justice de

l’Union Européenne en application de l’article 267 TFUE (ex-article 234 CE) d’une question préjudicielle sur la question de l’application d’un taux différencié de taxe sur la valeur ajoutée à la presse en ligne et à la presse papier au regard du principe de neutralité fiscale ; de poser également à la CJUE une question préjudicielle en appréciation de validité sur le fondement de l’article 267 TFUE sur l’article 98, paragraphe 2 de la directive 2016/112, lu conjointement avec le point 6 de l’annexe III de cette directive ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros en application de l’article

L.761-1 du code de justice administrative. La société éditrice de Médiapart soutient que : - le rejet de sa réclamation préalable a été pris par une autorité incompétente ; - la non-application d’un taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée méconnait le droit

de l’Union européenne, précisément du principe de neutralité fiscale ; - l’application à la presse écrite d’un taux réduit était en parfaite conformité avec la

clause de gel ; l’extension du champ d’application de la clause de gel en 2014 à la presse en ligne est conforme au régime juridique de la TVA à taux réduit et permet en plus d’assurer le respect du principe de neutralité fiscale et l’absence d’extension du champ d’application de la clause de gel à la presse en ligne par l’administration fiscale constitue donc une méconnaissance du principe de neutralité fiscale ;

- la non-application d’un taux réduit de TVA méconnait les principes de confiance légitime et de sécurité juridique ;

- la non-application d’un taux réduit de TVA méconnait les articles 11 et 20 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;

-les conséquences financières des rappels, au niveau des droits et des pénalités, ont été déterminées à partir d’une méthode erronée, des crédits de TVA n’ayant pas été pris en compte ;

- l’application de la majoration de 40% pour manquement délibéré constitue une nouvelle méconnaissance du principe de confiance légitime et l’administration n’apporte pas la preuve de la mauvaise foi.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 27 janvier 2017, le 31 août 2017 et le 29

novembre 2017, l’administrateur général des finances publiques en charge de la direction de contrôle fiscal Ile-de-France Est conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Par une ordonnance en date du 20 octobre 2017, la clôture de l'instruction a été fixée

au 29 novembre 2017. Vu :

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- l’ordonnance n° 1609984/2-1 du 18 octobre 2016 transmettant au Conseil d’Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l’article 298 septies du code général des impôts, en tant que les dispositions de cet article ne s’appliquent pas aux abonnements à des publications en ligne ainsi que la décision n° 397826 du 13 mai 2016 par laquelle le Conseil d’Etat a décidé qu’il n’y avait pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ainsi soulevée ;

- les autres pièces du dossier. Vu :

- la directive n° 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

- le règlement d’exécution (UE) n° 282/2011 du 15 mars 2011 ;

- l’arrêt de la CJUE C-390/15 du 7 mars 2017 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique : - le rapport de Mme Evgénas, - les conclusions de M. Le Garzic, rapporteur public, - et les observations de Me Mignard, représentant la société éditrice de Médiapart.

1. Considérant que la société éditrice de Médiapart, entreprise de presse en ligne, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité à l’issue de laquelle l’administration fiscale a remis en cause le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée dont la société avait cru pouvoir bénéficier, sur le fondement de l’article 298 septies du code général des impôts, pour ses abonnements permettant l’accès à son site d’information en ligne et lui a appliqué le taux normal de taxe sur la valeur ajoutée prévu à l’article 278 de ce code ; que l’administration a reconstitué la taxe sur la valeur ajoutée collectée due par la société à compter de 2008 et, par deux propositions de rectification en date du 24 décembre 2013 et du 8 juillet 2014, lui a notifié les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en résultant au titre des périodes du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010 et du 1er janvier 2011 au 30 septembre 2013 ; que la société éditrice de Médiapart a fait l’objet d’une seconde vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2013 au 31 mars 2014 qui a donné lieu à une proposition de rectification du 3 mars 2015 remettant en cause le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée appliqué par la société; que, par deux requêtes, la société éditrice de Médiapart demande la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des majorations pour manquement délibéré auxquels elle a été ainsi assujettie au titre de la période du 1er janvier 2010 au 30 septembre 2013 mis en recouvrement le 30 septembre 2015 et du 1er octobre 2013 au 31 mars 2014 mis en recouvrement le 6 janvier 2016 ;

2. Considérant que les requêtes susvisées n° 1609984 et n° 1615478 présentent à juger les mêmes questions et ont fait l’objet d’une instruction commune ; que par suite, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation des décisions rejetant les réclamations

préalables :

Page 87: Lettre du tribunal administratif de Paris

3. Considérant que la décision par laquelle l’administration fiscale statue sur la réclamation contentieuse d’un contribuable ne constitue pas un acte détachable de la procédure d'imposition ; qu'en conséquence, elle n’est pas susceptible être déférée à la juridiction administrative par la voie du recours pour excès de pouvoir et peut seulement faire l'objet d’un recours de plein contentieux selon les modalités fixées par les articles L. 199, R. 199-1 et suivants du livre des procédures fiscales ; que les conclusions de la société requérante tendant à l’annulation des décisions par lesquelles l’administration a rejeté leurs réclamations préalables sont dès lors irrecevables ;

Sur les conclusions tendant à la décharge des impositions litigieuses : En ce qui concerne la régularité de la décision de rejet des réclamations : 4. Considérant que les irrégularités qui peuvent entacher les décisions prises par

l’administration sur les réclamations dont elle est saisie sont sans influence sur la régularité de la procédure d’imposition ou sur le bien-fondé des impositions ; qu’ainsi, le moyen tiré par la société requérante de ce que la décision du 20 juillet 2016 rejetant sa réclamation préalable aurait été prise par une autorité incompétente, à le supposer établi, ne peut, en tout état de cause, qu’être écarté comme inopérant ;

En ce qui concerne la régularité de la procédure d’imposition de la vérification de

comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010 : 5. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 47 du livre des

procédures fiscales dans sa rédaction alors en vigueur : « (…) une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix (…) L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil. » ;

6. Considérant qu’il résulte de l’instruction que la société éditrice de Médiapart a été

informée de l’engagement d’une vérification de comptabilité par un avis du 16 décembre 2013 qui lui a été signifié par huissier le mardi 17 décembre 2013 à 17h et que les opérations de contrôle ont débuté le vendredi 20 décembre 2013 à 13h; qu’elle a ainsi bénéficié d’un délai suffisant de deux jours francs pour se faire assister par un conseil de son choix et était, d’ailleurs, assistée d’un conseil et de son expert comptable lors de la première intervention sur place du vérificateur ainsi qu’elle l’indique dans ses écritures ; que dès lors, elle n’est pas fondée à soutenir qu’elle n’a pas bénéficié d’un « délai raisonnable » en méconnaissance de l’article L.47 du livre des procédures fiscales ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que dans le cas où la vérification de comptabilité

d’une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l’a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, c’est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu’il ait eu la possibilité d’avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat ;

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8. Considérant qu’il résulte de l’instruction que le vérificateur s’est rendu le 20

décembre et le 23 décembre 2013 au siège social de la société éditrice de Médiapart et y a rencontré le dirigeant et son conseil; que ces deux rencontres sont suffisantes pour faire présumer, en l’espèce, l’existence d’un débat oral et contradictoire entre le vérificateur et la société ; que si la société éditrice de Médiapart relève que les opérations de contrôle se sont déroulées lors de deux interventions sur place d’une durée de moins de deux heures chacune et à des dates rapprochées, ces circonstances ne sont pas suffisantes pour établir que les opérations de vérification ont été conduites sans qu’elle ait eu la possibilité d’avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur ou que ce dernier se serait refusé à un tel débat ; que ce moyen doit donc être écarté ;

En ce qui concerne le bien fondé des impositions : Sur la méconnaissance du droit communautaire : 9. Considérant que la société Editrice de Médiapart fait valoir que les dispositions de

l’article 298 septies du code général des impôts qui instaurent un taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée sur les ventes portant sur les journaux et écrits périodiques ne bénéficient qu’à la presse écrite alors que les sites de presse en ligne payants, comme le sien, sont soumis au taux normal et que cette différentiation constitue une méconnaissance manifeste du droit de l’Union européenne ;

10. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 278 du code général des

impôts alors en vigueur : « Le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée est fixé à 19,6 % » ;

11. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 98 de la directive

2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée : « 1. Les Etats membres peuvent appliquer soit un, soit deux taux réduits. / 2. Les taux réduits s’appliquent uniquement aux livraisons de biens et aux prestations de services des catégories figurant à l’annexe III. / Les taux réduits ne sont pas applicables aux services fournis par voie électronique ». ; qu’en vertu, non seulement du point 3 de l’annexe II à cette directive, mais aussi de l’article 7 du règlement d’exécution (UE) n° 282/2011 du 15 mars 2011 portant mesures d’exécution de la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée et du point 3-d de l’annexe I à ce règlement, l’abonnement à des publications en ligne a le caractère d’un service fourni par voie électronique au sens de la taxe sur la valeur ajoutée, insusceptible, par suite, d’être imposé à un taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée ; qu’ainsi, si, en vertu de la directive 2006/112/CE, les Etats membres ont toujours la faculté, mais non l’obligation, d’appliquer un taux réduit plutôt que le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée aux catégories de livraisons de biens ou de prestations de services qu’elle énumère, les dispositions de la directive sont inconditionnelles et précises en tant qu’elles interdisent aux Etats membres d’appliquer un taux réduit aux abonnements à des publications en ligne ;

12. Considérant qu’en application des dispositions de l’article 298 septies du code général des impôts dans ses rédactions applicables aux périodes en litige, les ventes, portant

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sur les publications qui remplissent les conditions prévues par les articles 72 et 73 de l'annexe III au code général des impôts bénéficient du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée, au taux de 2,1 % dans les départements de la France métropolitaine et de 1,05 % dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion ; que l’article 72 de l’annexe III au code précise que les journaux et écrits périodiques présentant un lien direct avec l'actualité, apprécié au regard de l'objet de la publication et présentant un apport éditorial significatif, bénéficient des avantages fiscaux prévus à l'article 298 septies du code général des impôts ; qu’en tant qu’elles réservent l’application du taux de taxe sur la valeur ajoutée de 2,10 % ou de 1,05 % à ces journaux ou périodiques, à l’exclusion, notamment, des publications en ligne, ces dispositions assurent la transposition en droit interne de la directive 2006/112/CE mentionnées au point précédent ;

13. Considérant que le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée ne

permet pas d’étendre le champ d’application d’un taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée à des prestations explicitement exclues de ce champ par les dispositions d’une directive dont la CJUE a d’ailleurs reconnu la validité dans son arrêt du 7 mars 2017 affaire C-390/15 ;

14. Considérant que la société éditrice de Médiapart invoque l’article 20 de la charte

des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui stipule que « toutes les personnes sont égales en droit », pour soutenir que les dispositions qui réservent le taux réduit aux seules publications écrites méconnaissent le principe d’égalité dès lors qu’elles appliquent un traitement différent aux publications en ligne et aux publications faisant l’objet d’une impression ;

15. Considérant qu’il résulte de la jurisprudence de la cour de justice de l’Union

européenne que les dispositions précitées qui ont pour effet d’exclure l’application d’un taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée à la fourniture de livres numériques par voie électronique alors qu’une telle application est autorisée pour la fourniture de livres numériques sur tout type de support physique, doivent être regardées comme instaurant une différence de traitement entre deux situations pourtant comparables au regard de l’objectif poursuivi par le législateur de l’Union ; que cependant lorsqu’une différence de traitement entre deux situations comparables est constatée, le principe d’égalité de traitement, tel qu’énoncé à l’article 20 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, n’est pas violé pour autant que cette différence est dûment justifiée ; que tel est le cas, selon une jurisprudence constante de la Cour, lorsque la différence de traitement est en rapport avec un objectif légalement admissible poursuivi par la mesure ayant pour effet d’instaurer une telle différence et qu’elle est proportionnée à cet objectif ; qu’en l’espèce, en excluant l’application d’un taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée aux services fournis par voie électronique, le législateur de l’Union évite aux assujettis et aux administrations fiscales nationales de devoir examiner, pour chaque type de services électroniques fourni, si celui-ci relève de l’une des catégories de services susceptibles de bénéficier d’un tel taux en vertu de l’annexe III de la directive 2006/112 modifiée ; qu’ainsi, la mesure en cause doit être regardée comme étant apte à réaliser l’objectif visant à établir avec certitude le taux de TVA applicable aux services fournis par voie électronique et ainsi à faciliter la gestion de cette taxe par les assujettis et les administrations fiscales nationales ; que dans ces conditions, la différence de traitement, résultant de l’article 98, paragraphe 2, de la directive 2006/112 modifiée, lu conjointement avec le point 6 de l’annexe III de cette directive, entre la fourniture de publications numériques par voie électronique et la fourniture de publication sur tout type de support physique doit être considérée comme dûment justifiée ; qu’il convient,

Page 90: Lettre du tribunal administratif de Paris

dès lors, de constater que l’article 98, paragraphe 2, de la directive 2006/112 modifiée, lu conjointement avec le point 6 de l’annexe III de cette directive, qui a pour effet d’exclure la possibilité pour les États membres d’appliquer un taux réduit de TVA à la fourniture de publications numériques par voie électronique, tout en les autorisant à appliquer un taux réduit de TVA à la fourniture de publications sur tout type de support physique, ne méconnaît pas le principe d’égalité de traitement, tel qu’énoncé à l’article 20 de la Charte ; que par ailleurs, la société requérante n’établit pas en quoi l’application d’un taux de taxe sur la valeur ajoutée différent en fonction des supports de diffusion employé méconnaîtrait le principe de liberté d’expression affirmé à l’article 11 de cette Charte ;

16. Considérant, enfin, que la société requérante qui fait valoir qu’elle n’a fait l’objet d’aucune vérification de comptabilité alors même que sa situation au regard de la taxe sur la valeur ajoutée était connue de l’administration, n’établit pas ainsi que la remise en cause du taux réduit de TVA lors des vérifications de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2010 au 30 septembre 2013 et du 1er octobre 2013 au 31 mars 2014 méconnait les principes de confiance légitime et de sécurité juridique d’autant qu’il résulte de l’instruction que, par courrier du 17 juin 2008, l’administration fiscale avait indiqué à la société que seules les publications de presse imprimées étaient susceptibles de bénéficier du taux réduit et lui avait demandé de régulariser sa situation comme le rappelle la proposition de rectification du 24 décembre 2013 ; que ce moyen doit donc, en tout état de cause, être écarté ;

Sur la méthode de calcul des conséquences financières en droits et pénalités : 17. Considérant qu’il résulte de l’instruction que pour déterminer les conséquences

financières des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et fixer ainsi le montant des droits et pénalités, l’administration a calculé le montant des droits éludés période par période en imputant pour chacune des périodes les crédits de TVA non remis en cause ; qu’ainsi, contrairement à ce que soutient la société éditrice de Médiapart, les crédits de taxe sur la valeur ajoutée dont elle disposait ont bien été pris en compte ; que si la société requérante invoque une méthode erronée elle ne donne aucune précision et ne remet pas en cause les indications données par l’administration sur sa méthode de calcul au titre de chacune des années ; qu’elle n’est donc pas fondée à soutenir que les conséquences financières des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été déterminés à partir d’une méthode erronée ;

En ce qui concerne l’application des majorations de l’article 1729 du code général

des impôts : 18. Considérant qu’aux termes de l’article 1729 du code général des impôts : « Les

inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l’indication d'éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l’État entraînent l’application d’une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré » ; qu’il incombe à l’administration, en application des dispositions de l’article L. 195 A du livre des procédures fiscales, d’établir l’absence de bonne foi du contribuable pour justifier de l’application de la majoration de 40 % en cas de manquement délibéré prévue à l’article 1729 du code général des impôts ;

Page 91: Lettre du tribunal administratif de Paris

19. Considérant que pour justifier l’application de majoration pour manquement délibéré prévue par les dispositions précitées, l’administration fait valoir que la société requérante ne pouvait ignorer qu’elle était redevable de la taxe sur la valeur ajoutée au taux normal sur les publications en ligne dès lors que, par un courrier du 17 juin 2008, le service lui avait indiqué en réponse à sa demande que seules les publications de presse imprimées étaient susceptibles de bénéficier du taux réduit et qu’elle devait régulariser sa situation, ce qu’elle n’a pas fait ;

20. Considérant que si la société requérante n’ignorait pas que l’administration

fiscale considérait qu’elle devait s’acquitter d’une taxe sur la valeur ajoutée au taux de droit commun pour ses publications en ligne, elle estimait l’application de ce taux inconventionnelle et inconstitutionnelle; que par ailleurs, ainsi qu’elle le fait valoir, elle a appliqué ce taux en toute transparence avec l’administration fiscale qui pouvait, de ce fait, exercer son droit de contrôle et remettre en cause les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée déposées par la société au titre des périodes en litige ; que dès lors, l’intention d’éluder l’impôt n’est pas établie ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de décharger la société éditrice de Médiapart des majorations de 40 % auxquelles elle a été assujettie sur le fondement de l’article 1729 du code général des impôts ;

21. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de saisir la

Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle, la société éditrice de Médiapart peut seulement prétendre à la décharge des majorations mises à sa charge, sur le fondement de l’article 1729 du code général des impôts, au titre de la période du 31 décembre 2010 au 30 septembre 2013 et du 1er octobre 2013 au 31 mars 2014 ;

Sur les conclusions tendant à la restitution des sommes déjà versées : 22. Considérant qu’aux termes de l’article L. 208 du livre des procédures fiscales :

« Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un Tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés (…) » ; qu’il résulte de ces dispositions que la restitution des sommes déjà versées par un contribuable doit être faite par le comptable chargé du recouvrement, en exécution d’une décision de justice ordonnant une décharge ou une réduction d’imposition, sans qu’il soit besoin d’adresser à cette fin une injonction à l’administration fiscale ;

23. Considérant que la société éditrice de Médiapart demande d’enjoindre à

l’administration fiscale de procéder au remboursement des sommes déjà versées ainsi qu’au remboursement de crédits de TVA dont elle disposait ; que toutefois, en l’absence de litige né et actuel entre la société requérante et le comptable en charge du remboursement des sommes perçues, les conclusions à fin d’injonction ainsi présentées ne peuvent, en tout état de cause, qu’être rejetées ;

Sur les conclusions tendant au versement d’intérêts moratoires :

Page 92: Lettre du tribunal administratif de Paris

24. Considérant qu’à défaut de litige né et actuel sur le versement d’intérêts

moratoires, ces conclusions doivent également être rejetées ; Sur l’application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice

administrative : 25. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la

charge de l’Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La société éditrice de Médiapart est déchargée des majorations mises à sa charge sur le fondement de l’article 1729 du code général des impôts au titre de la période du 31 décembre 2010 au 30 septembre 2013 et du 1er octobre 2013 au 31 mars 2014. Article 2 : L’Etat versera à la société éditrice de Médiapart la somme de 1 000 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes susvisées est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la société éditrice de Médiapart et à l’administrateur général des finances publiques en charge de la direction du contrôle fiscal d’Ile-de-France Est.

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Page 93: Lettre du tribunal administratif de Paris

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PARIS

N°1612349/4-1 ___________

SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE GANNERON SAINT-MICHEL ___________

M. Simonnot Rapporteur ___________

M. Rohmer Rapporteur public ___________ Audience du 15 mars 2018 Lecture du 29 mars 2018

_________

19-03-05-02

68-024-03 C

Sommaire

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Paris

(4ème Section - 1ère Chambre)

Vu la procédure suivante : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 juillet 2016 et le 3 février 2017, la

société civile immobilière Ganneron Saint-Michel, représentée par Me Appremont, demande au tribunal :

1°) de prononcer la décharge de la taxe locale d’équipement et de la taxe

complémentaire en région Ile-de-France, d’un montant de 63 339 euros, ainsi que des majorations et intérêts de retard y afférents, auxquels elle a été assujettie au titre de la construction du lycée Ganneron ;

2°) de mettre à la charge de la ville de Paris une somme de 6 000 euros en application de

l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - en application des dispositions combinées des articles 1585 C I du code général des

impôts et 317 bis de l’annexe II à ce code, l’exonération de la taxe locale d’équipement dépend de deux éléments relatifs à l’affectation des constructions et au statut du constructeur et non, comme le soutient la ville de Paris, au titulaire de l’autorisation d’urbanisme ;

Page 94: Lettre du tribunal administratif de Paris

- l’examen des conditions fixées par l’article 1723 du code général des impôts ne s’impose que lorsque la taxe locale d’équipement est due ; en l’espèce, en application des dispositions précitées, elle ne l’est pas et il n’y a ainsi pas lieu de prendre en compte la qualité du titulaire de l’autorisation d’urbanisme ;

- l’article 317 bis de l’annexe II au code général des impôts et une décision de la Cour administrative d’appel de Nantes permettent d’établir que c’est le statut du constructeur qui doit être pris en compte pour l’examen des conditions d’exonération ;

- les conditions d’exonération sont en l’espèce satisfaites puisque le bâtiment, au titre duquel la taxe a été réclamée, a été construit par l’organisme de gestion de l’école catholique Saint-Michel, association dont l’objet et la gestion sont désintéressés ; ce bâtiment est affecté à une activité d’enseignement pour une durée supérieure à cinq ans ; en outre, la société requérante n’a pas de but lucratif ;

- la position de la ville de Paris, exprimée par la voie de la chef du pôle économique, budgétaire et publicité, de la sous-direction du permis de construire et du paysage de la rue, est fondée sur une réponse ministérielle et un jugement du Tribunal administratif de Paris relatifs à des situations dans lesquelles aucun bail à construction n’avait été conclu, ce qui n’est pas le cas de l’espèce.

Par un mémoire, enregistré le 3 janvier 2017, la ville de Paris conclut au rejet de la

requête de la société civile immobilière Ganneron Saint-Michel. Elle soutient que : - la requête tendant à la décharge d’une imposition, les conclusions dirigées contre la

décision du 24 juin 2016 rejetant la demande en décharge doivent être rejetées soit comme irrecevables, soit comme étant dépourvues d’objet ;

- le titulaire de l’autorisation d’urbanisme est redevable de la taxe locale d’équipement et la conclusion d’un bail à construction auquel la société civile immobilière requérante avait la qualité de bailleur est sans incidence sur sa qualité de redevable ;

- la société civile immobilière requérante ne remplit pas les conditions d’exonération posées par les dispositions combinés des articles 1585 C I du code général des impôts et 317 bis de l’annexe II à ce code, dès lors qu’elle n’est ni un établissement public, ni une association, ni un établissement congréganiste ; en outre, une société civile immobilière est, par nature, un organisme à but lucratif.

Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts ; - le code de la construction et de l’habitation ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique : - le rapport de M. Simonnot, - les conclusions de M. Rohmer, rapporteur public, - et les observations de Me Drouin, représentant la société civile immobilière Ganneron

Saint-Michel.

Page 95: Lettre du tribunal administratif de Paris

Considérant ce qui suit : 1. La société civile immobilière Ganneron Saint-Michel est propriétaire d’un terrain,

situé 47 rue Ganneron à Paris (18ème arrondissement). Elle a conclu avec l’organisme de gestion de l’école catholique Saint-Michel, par un acte authentique reçu à l’étude d’un notaire le 5 juillet 2007, un bail à construction, d’une durée de cinquante ans, en vue de la mise à disposition de l’organisme preneur du lot 1 de ce terrain pour y construire un lycée. Le maire de la ville de Paris a, par un arrêté du 27 juin 2007, délivré à la société civile immobilière Ganneron Saint-Michel un permis de construire pour la construction de deux bâtiments à R+5 et R+2 à usage, respectivement, de lycée privé et d’habitation (5 logements créés). En conséquence, au cours de l’année 2010, au plus tard, a été émis un avis d’imposition de la société civile immobilière Ganneron Saint-Michel en vue du paiement par cette dernière de la taxe locale d’équipement et de la taxe complémentaire en région Ile-de-France. La société civile immobilière Ganneron Saint-Michel a contesté auprès des services de la ville de Paris, par deux courriers du 9 juin 2010 et du 13 juin 2016, son assujettissement aux taxes qui lui ont été réclamées. Par un courrier du 24 juin 2016, la maire de la ville de Paris a rejeté la demande en décharge ainsi portée devant elle. Par la présente requête, la société civile immobilière Ganneron Saint-Michel demande la décharge de la taxe locale d’équipement et de la taxe complémentaire en région Ile-de-France, d’un montant de 63 339 euros, ainsi que des majorations et intérêts de retard y afférents, ainsi mis à sa charge.

2. Aux termes de l’article 1585 A du code général des impôts, alors en vigueur : « Une

taxe locale d'équipement, établie sur la construction, la reconstruction et l'agrandissement des bâtiments de toute nature, est instituée : / 1° De plein droit : (…) / b) Dans les communes de la région parisienne figurant sur une liste arrêtée par décret (…) ». Aux termes de l’article 1599 octies du même code, alors en vigueur : « Dans les communes de la région d'Ile-de-France qui figurent sur une liste dressée par arrêté conjoint des ministres chargés de l'équipement, du logement, de l'intérieur, des finances et de l'agriculture, une taxe de 1 % complémentaire à la taxe locale d'équipement mentionnée à l'article 1585 A est établie et versée à la région d'Ile-de-France. / (…) Sont exclues du champ d'application de cette taxe les constructions définies aux 1° et 2° du I de l'article 1585 C. ». Aux termes de l’article 1585 C du même code, alors en vigueur : « I. Sont exclus du champ d'application de la taxe locale d'équipement : / 1° Les constructions qui sont destinées à être affectées à un service public ou d'utilité publique, et dont la liste est fixée par un décret en Conseil d'Etat (…) ». Le décret mentionné à l’article 1585 C du code général des impôts a été codifié à l’article 317 bis de l’annexe 2 audit code. Aux termes de l'article 317 bis de l’annexe 2 au code général des impôts, alors en vigueur : « Pour l'application du 1° du I de l'article 1585 C du code général des impôts, sont exclues du champ d'application de la taxe locale d'équipement les constructions définies ci-après : / (…) 2° Les constructions destinées à recevoir une affectation d'assistance, de bienfaisance, de santé, d'enseignement ou culturelle, scientifique ou sportive lorsque ces constructions sont édifiées par : / Des établissements publics n'ayant pas un caractère industriel ou commercial ; / Des associations, des unions d'associations ou des fondations reconnues d'utilité publique ; / Des établissements congréganistes légalement reconnus ou autorisés ; / Des associations déclarées qui ont pour but exclusif l’assistance ou la bienfaisance ou dont l’objet et la gestion présentent un caractère désintéressé au sens de l’article 1er du décret n° 67-731 du 30 août 1967 (…) ». Aux termes de l’article 1723 quater du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : « I. La taxe locale d'équipement visée à l'article 1585 A est due par le bénéficiaire de l'autorisation de construire. (…) ».

Page 96: Lettre du tribunal administratif de Paris

3. En vertu de ces dispositions, dans leur rédaction applicable au litige, la délivrance d’une autorisation d’urbanisme, telle qu’un permis de construire, constitue le fait générateur de la taxe locale d’équipement et, à Paris, de la taxe complémentaire en région Ile-de-France. Le redevable de cette taxe, quel que soit le constructeur des bâtiments dont l’édification a été autorisée, est le bénéficiaire du permis de construire. Enfin, les constructions destinées à recevoir une affectation, notamment d'enseignement, sont exclues du champ d’application de la taxe locale d’équipement sous la condition que les constructions soient édifiées par l’une ou l’autre des personnes énumérées limitativement au 2° de l’article 317 bis de l’annexe 2 au code général des impôts.

4. L’arrêté du 27 juin 2007 par lequel le maire de la ville de Paris a autorisé l’édification

d’un bâtiment à usage de lycée privé sur un terrain, situé au 47 rue Ganneron à Paris (18ème arrondissement), dont est propriétaire la société civile immobilière Ganneron Saint-Michel, a été délivré à cette société civile immobilière. Ce permis de construire n’a pas été transféré à l’organisme de gestion de l’école catholique Saint-Michel qui a vocation à recevoir la possession du bâtiment destiné à recevoir une affectation d’enseignement au sens des dispositions précitées de l'article 317 bis de l’annexe 2 au code général des impôts. La société civile immobilière Ganneron Saint-Michel fait valoir que l’organisme de gestion de l’école catholique Saint-Michel aurait eu, seul, la qualité de constructeur. Mais, en tout état de cause, elle se limite, au soutien de cet élément, à produire le devis, établi le 12 juin 2007 par une entreprise du bâtiment en vue de la construction du lycée Saint-Michel, précisant que la facture correspondante sera établie au nom de l’organisme de gestion, et ne soutient pas, en tout état de cause, que ce dernier aurait supporté la charge financière des travaux. Dès lors, la société civile immobilière Ganneron Saint-Michel n’est pas fondée à prétendre au bénéfice de l’exonération de la taxe locale d’équipement et de la taxe complémentaire en région Ile-de-France prévue par le 2° de l'article 317 bis de l’annexe 2 au code général des impôts.

5. Il résulte de ce qui précède que la requête de la société civile immobilière Ganneron

Saint-Michel ne peut qu’être rejetée, tant dans ses conclusions en décharge que dans ses conclusions tendant à l’application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société civile immobilière Ganneron Saint-Michel est rejetée. Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la société civile immobilière Ganneron Saint-Michel, à la ville de Paris et au ministre de la cohésion des territoires.

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Page 97: Lettre du tribunal administratif de Paris

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PARIS

N° 1613436/1-1 ___________

SAS Grand Hôtel des Gobelins ___________

M. Charles Rapporteur ___________

M. Segretain Rapporteur public ___________ Audience du 13 juin 2018 Lecture du 27 juin 2018 ___________

Sommaire

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le tribunal administratif de Paris

(1ère Section - 1ère Chambre)

19-04-01-02-02 19-04-01-02-06-01 C

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 1er septembre 2016, la SAS Grand Hôtel des Gobelins, représentée par M. Marsaudon, demande au Tribunal de :

1°) prononcer la décharge de la retenue à la source qui lui a été assignée au titre des

années 2008 et 2009, ensemble les majorations y afférentes ;

2°) mettre à la charge de l’Etat la somme de 6 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient : - que le service n’est pas fondé à regarder la SA Sireto, sise à Saint-Barthélemy,

comme n’ayant pas son siège en France au sens du 2 de l’article 119 bis du code général des impôts ;

- qu’à raison du statut européen de région ultrapériphérique (RUP) sous lequel était placée la collectivité de Saint-Barthélemy au cours des deux années en litige, la retenue à la source contestée est contraire à la directive 90/435/CEE du 23 juillet 1990, au principe de liberté d’établissement tel qu’énoncé aux articles 43 CE et 48 CE et à l’instruction administrative référencée 4 C-7-07 du 10 mai 2007.

Page 98: Lettre du tribunal administratif de Paris

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mars 2017, l’administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu’aucun des moyens soulevés n’est fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990, - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales, - le code général des collectivités territoriales, et notamment ses articles LO 6214-3 et

LO 6214-4, - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Charles, rapporteur, - et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public. 1. Considérant que la SAS Grand Hôtel des Gobelins (GHG), qui exploite un ensemble

hôtelier à Paris (13ème) et dont le capital est intégralement détenu par la SA Sireto, sise à Saint-Barthélemy, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité à l’issue de laquelle a été notamment mise à sa charge, au titre des exercices clos en 2008 et 2009, la retenue à la source prévue au 2 de l’article 119 bis du code général des impôts, à raison, d’une part, de dividendes d’un montant de 300 000 euros par elle versés en 2008 à la SA Sireto, d’autre part, d’une somme de 3 500 euros correspondant à une rémunération forfaitaire non justifiée, facturée en 2009 à la société requérante par la SA Sireto ;

Sur le bien-fondé de l’imposition : Au regard de loi fiscale : 2. Considérant qu’aux termes de l’article 119 bis du code général des impôts :

« (...) 2. Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187-1 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (...) » ; qu’aux termes de l’article 109 du même code : « Sont notamment considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices » ;

3. Considérant que la SAS GHG, qui ne conteste pas que les dividendes et la

rémunération forfaitaire susévoqués avaient le caractère de revenus distribués au regard, respectivement, des 1° et 2° de l’article 109 du code général des impôts, soutient cependant que ces revenus ne pouvaient donner lieu à l’application de la retenue à la source prévue au 2 de

Page 99: Lettre du tribunal administratif de Paris

l’article 119 bis précité, dès lors que la SA Sireto, bénéficiaire des distributions litigieuses, ne peut être regardée comme n’ayant pas son siège en France au sens des dispositions précitées ;

4. Considérant qu’aux termes de l’article LO 6214-3 du code général des collectivités

territoriales : « I. La collectivité [de Saint-Barthélemy] fixe les règles applicables dans les matières suivantes : 1° Impôts, droits et taxes dans les conditions prévues à l'article LO 6214-4 (…) II. Toutefois, l'Etat demeure compétent pour fixer, dans les matières mentionnées ci-dessus, les règles relatives à la recherche, à la constatation et à la répression des infractions pénales. » ; que l'article LO 6214-4 du même code fixe les conditions dans lesquelles le conseil territorial de Saint-Barthélemy peut décider que des personnes physiques et morales résidant à Saint Barthélemy seront regardées comme ayant leur domicile fiscal sur ce territoire ;

5. Considérant que par une délibération n° 2007-018 CT du 13 novembre 2007, prise sur le fondement des dispositions précitées de l'article LO 6214-3, le conseil territorial de Saint-Barthélemy a, d’une part, adopté le code des contributions de Saint-Barthélemy et fixé au 1er janvier 2008 son entrée en vigueur, d’autre part, prononcé l'abrogation à compter de la même date des dispositions du code général des impôts, en tant que celles-ci s'appliquent au territoire de la collectivité de Saint-Barthélemy ; que cette dernière dispose ainsi d'une compétence exclusive pour instituer une imposition spécifique dans les matières pour lesquelles elle est compétente en vertu de l'article LO 6214-3 du même code ;

6. Considérant qu’il ne ressort d’aucune disposition de la loi organique, transposée au code général des collectivités territoriales, que les dispositions du code général des impôts dont la mise en œuvre est contestée en l’espèce ne relèveraient pas du domaine de compétence transféré par l’Etat à la collectivité de Saint-Barthélemy ; qu’à cet égard, ne peut qu’être regardée comme dépourvue d’incidence la circonstance, invoquée par la société requérante, que, la collectivité de Saint-Barthélemy ait, dans le cadre des prérogatives fiscales dont elle avait été ainsi investie, souverainement décidé, en l’article 5 de son code des contributions susévoqué, de circonscrire « Les effets du domicile fiscal des personnes morales [domiciliées à Saint-Barthélemy] (…) aux bénéfices ou revenus correspondant, soit aux activités exercées sur le territoire de la Collectivité de Saint-Barthélemy, à l’exclusion de toute activité, principale ou accessoire exercée sur un autre territoire, soit aux biens de toutes natures détenus sur le territoire de la Collectivité de Saint-Barthélemy. » ;

7. Considérant, en conséquence, que la SA Sireto, domiciliée à Saint-Barthélemy et dès lors placée hors du champ d’application territorial du code général des impôts, est réputée faire partie des « personnes qui n’ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France » au sens des dispositions du 2 de l’article 119 bis du code général des impôts ; que le service était par suite fondé à faire application de ces dispositions pour assujettir à la retenue à la source les revenus distribués à la SA Sireto par la société requérante ;

Au regard du droit communautaire et de la doctrine administrative : 8. Considérant, en premier lieu, que la SAS Grand Hôtel des Gobelins soutient que la

retenue à la source litigeuse a été mise à sa charge en violation des dispositions de la directive 90/435/CEE du 23 juillet 1990 ;

9. Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 119 ter du code général des

impôts, lesquelles ont transposé en droit interne ladite directive : « 1. La retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis n'est pas applicable aux dividendes distribués à une personne

Page 100: Lettre du tribunal administratif de Paris

morale qui remplit les conditions énumérées au 2 du présent article par une société ou un organisme soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal. 2. Pour bénéficier de l'exonération prévue au 1, la personne morale doit justifier auprès du débiteur ou de la personne qui assure le paiement de ces revenus qu'elle est le bénéficiaire effectif des dividendes et qu'elle remplit les conditions suivantes : (…) d) Etre passible, dans l'Etat membre où elle a son siège de direction effective, de l'impôt sur les sociétés de cet Etat, sans possibilité d'option et sans en être exonérée » ;

10. Considérant qu’il est constant que la SA Sireto, bénéficiaire des revenus distribués

litigieux, n’est pas assujettie à l’impôt sur les sociétés à Saint-Barthélemy et n’entre pas dès lors dans les prévisions des dispositions précitées ; que le moyen susanalysé ne saurait par suite prospérer ;

11. Considérant, en second lieu, que la SAS Grand Hôtel des Gobelins entend se

prévaloir de l’instruction administrative référencée BOI 4C-7-07 du 10 mai 2007, par laquelle l’administration a tiré les conséquences de l'arrêt rendu le 14 décembre 2006 par la Cour de justice des Communautés européennes dans l'affaire Denkavit Internationaal BV et SARL Denkavit France, disant pour droit que les articles 43 CE et 48 CE s'opposent à une législation nationale qui, en ce qu'elle fait supporter le poids d'une imposition de dividendes à une société mère non-résidente en en dispensant presque totalement les sociétés mères résidentes, constitue une restriction discriminatoire à la liberté d'établissement ; que, par l’instruction précitée, l’administration a ainsi indiqué qu'elle avait décidé de modifier, à compter du 1er janvier 2007, le traitement fiscal des distributions de source française effectuées au profit de sociétés ayant leur siège dans un autre Etat membre de la Communauté européenne ; qu'aux termes du paragraphe 5 de cette instruction : « Désormais, en l'absence de montage artificiel, lorsqu'une société européenne bénéficie de dividendes de source française afférents à une participation supérieure à 5 % du capital de la société distributrice et se trouve, du fait d'un régime d'exonération applicable dans son Etat de résidence, privée de toute possibilité d'imputer la retenue à la source en principe prélevée en France sur le fondement du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, les distributions en question ne seront plus soumises à ladite retenue (…) » ;

12. Considérant qu’il résulte des termes mêmes de ladite instruction qu’elle vise les

distributions opérées dans le cadre du régime fiscal des sociétés mères, défini aux articles 145 et 216 du code général des impôts ; que ledit article 145 dispose, à cet égard, que : « 1. Le régime fiscal des sociétés mères, tel qu'il est défini à l'article 216, est applicable aux sociétés et autres organismes soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal (…) » ; qu’il est constant, ainsi qu’il a été dit au point 10, que la SA Sireto n’est pas assujettie à l’impôt sur les sociétés à Saint-Barthélemy ; que la société requérante, qui ne saurait ainsi se prévaloir utilement de l’instruction en cause, dans les prévisions desquelles n’entrent pas les distributions objet de la retenue à la source contestée, n’est pas davantage fondée à invoquer une quelconque violation des articles 43 CE et 48 CE ;

13. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SAS Grand Hôtel des Gobelins n’est pas fondée à demander la décharge de la retenue à la source litigieuse ; que sa requête doit par suite être rejetée, en toutes ses conclusions ;

Page 101: Lettre du tribunal administratif de Paris

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Grand Hôtel des Gobelins est rejetée. Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la SAS Grand Hôtel des Gobelins et à l’administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales.

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Page 102: Lettre du tribunal administratif de Paris

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PARIS

N° 1613448/1-1 ___________

SA SEHR Paris Bercy ___________

M. Charles Rapporteur ___________

M. Segretain Rapporteur public ___________ Audience du 13 juin 2018 Lecture du 27 juin 2018 ___________

Sommaire

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le tribunal administratif de Paris

(1ère Section - 1ère Chambre)

19-04-01-02-02 19-04-01-02-06-01 C

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 1er septembre 2016, la SA SEHR Paris Bercy,

représentée par M. Marsaudon, demande au Tribunal de : 1°) prononcer la décharge de la retenue à la source qui lui a été assignée au titre des

années 2008, 2009 et 2010, ensemble les majorations y afférentes ;

2°) mettre à la charge de l’Etat la somme de 6 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient : - que le service n’est pas fondé à regarder la SA Sireto, sise à Saint-Barthélemy,

comme n’ayant pas son siège en France au sens du 2 de l’article 119 bis du code général des impôts ;

- qu’à raison du statut européen de région ultrapériphérique (RUP) sous lequel était placée la collectivité de Saint-Barthélemy au cours des deux années en litige, la retenue à la source contestée est contraire à la directive 90/435/CEE du 23 juillet 1990, au principe de liberté d’établissement tel qu’énoncé aux articles 43 CE et 48 CE et à l’instruction administrative référencée 4 C-7-07 du 10 mai 2007.

Page 103: Lettre du tribunal administratif de Paris

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mars 2017, l’administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu’aucun des moyens soulevés n’est fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990, - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales, - le code général des collectivités territoriales, et notamment ses articles LO 6214-3 et

LO 6214-4, - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Charles, rapporteur, - et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public. 1. Considérant que la SA SEHR Paris Bercy, qui exploite un ensemble hôtelier à Paris

(12ème) et dont le capital est détenu à hauteur de 55 % par la SA Sireto, sise à Saint-Barthélemy, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité à l’issue de laquelle a été notamment mise à sa charge, au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010, la retenue à la source prévue au 2 de l’article 119 bis du code général des impôts, à raison, d’une part, de dividendes par elle versés en à la SA Sireto pour des montants respectifs de 219 400 euros en 2008, 164 550 euros en 2009 et 120 670 euros en 2010, d’autre part, de sommes correspondant à une rémunération forfaitaire non justifiée, facturées à la société requérante par la SA Sireto pour des montants de 3 500 euros en 2008 et 2009 et 1 700 euros en 2010 ;

Sur le bien-fondé de l’imposition : Au regard de loi fiscale : 2. Considérant qu’aux termes de l’article 119 bis du code général des impôts :

« (...) 2. Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187-1 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (...) » ; qu’aux termes de l’article 109 du même code : « Sont notamment considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices » ;

3. Considérant que la SA SEHR Paris Bercy, qui ne conteste pas que les dividendes et la

rémunération forfaitaire susévoqués avaient le caractère de revenus distribués au regard,

Page 104: Lettre du tribunal administratif de Paris

respectivement, des 1° et 2° de l’article 109 du code général des impôts, soutient cependant que ces revenus ne pouvaient donner lieu à l’application de la retenue à la source prévue au 2 de l’article 119 bis précité, dès lors que la SA Sireto, bénéficiaire des distributions litigieuses, ne peut être regardée comme n’ayant pas son siège en France au sens des dispositions précitées ;

4. Considérant qu’aux termes de l’article LO 6214-3 du code général des collectivités

territoriales : « I. La collectivité [de Saint-Barthélemy] fixe les règles applicables dans les matières suivantes : 1° Impôts, droits et taxes dans les conditions prévues à l'article LO 6214-4 (…) II. Toutefois, l'Etat demeure compétent pour fixer, dans les matières mentionnées ci-dessus, les règles relatives à la recherche, à la constatation et à la répression des infractions pénales. » ; que l'article LO 6214-4 du même code fixe les conditions dans lesquelles le conseil territorial de Saint-Barthélemy peut décider que des personnes physiques et morales résidant à Saint Barthélemy seront regardées comme ayant leur domicile fiscal sur ce territoire ;

5. Considérant que par une délibération n° 2007-018 CT du 13 novembre 2007, prise sur le fondement des dispositions précitées de l'article LO 6214-3, le conseil territorial de Saint-Barthélemy a, d’une part, adopté le code des contributions de Saint-Barthélemy et fixé au 1er janvier 2008 son entrée en vigueur, d’autre part, prononcé l'abrogation à compter de la même date des dispositions du code général des impôts, en tant que celles-ci s'appliquent au territoire de la collectivité de Saint-Barthélemy ; que cette dernière dispose ainsi d'une compétence exclusive pour instituer une imposition spécifique dans les matières pour lesquelles elle est compétente en vertu de l'article LO 6214-3 du même code ;

6. Considérant qu’il ne ressort d’aucune disposition de la loi organique, transposée au code général des collectivités territoriales, que les dispositions du code général des impôts dont la mise en œuvre est contestée en l’espèce ne relèveraient pas du domaine de compétence transféré par l’Etat à la collectivité de Saint-Barthélemy ; qu’à cet égard, ne peut qu’être regardée comme dépourvue d’incidence la circonstance, invoquée par la société requérante, que, la collectivité de Saint-Barthélemy ait, dans le cadre des prérogatives fiscales dont elle avait été ainsi investie, souverainement décidé, en l’article 5 de son code des contributions susévoqué, de circonscrire « Les effets du domicile fiscal des personnes morales [domiciliées à Saint-Barthélemy] (…) aux bénéfices ou revenus correspondant, soit aux activités exercées sur le territoire de la Collectivité de Saint-Barthélemy, à l’exclusion de toute activité, principale ou accessoire exercée sur un autre territoire, soit aux biens de toutes natures détenus sur le territoire de la Collectivité de Saint-Barthélemy. » ;

7. Considérant, en conséquence, que la SA Sireto, domiciliée à Saint-Barthélemy et dès lors placée hors du champ d’application territorial du code général des impôts, est réputée faire partie des « personnes qui n’ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France » au sens des dispositions du 2 de l’article 119 bis du code général des impôts ; que le service était par suite fondé à faire application de ces dispositions pour assujettir à la retenue à la source les revenus distribués à la SA Sireto par la société requérante ;

Au regard du droit communautaire et de la doctrine administrative : 8. Considérant, en premier lieu, que la SA SEHR Paris Bercy soutient que la retenue à

la source litigeuse a été mise à sa charge en violation des dispositions de la directive 90/435/CEE du 23 juillet 1990 ;

Page 105: Lettre du tribunal administratif de Paris

9. Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 119 ter du code général des impôts, lesquelles ont transposé en droit interne ladite directive : « 1. La retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis n'est pas applicable aux dividendes distribués à une personne morale qui remplit les conditions énumérées au 2 du présent article par une société ou un organisme soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal. 2. Pour bénéficier de l'exonération prévue au 1, la personne morale doit justifier auprès du débiteur ou de la personne qui assure le paiement de ces revenus qu'elle est le bénéficiaire effectif des dividendes et qu'elle remplit les conditions suivantes : (…) d) Etre passible, dans l'Etat membre où elle a son siège de direction effective, de l'impôt sur les sociétés de cet Etat, sans possibilité d'option et sans en être exonérée » ;

10. Considérant qu’il est constant que la SA Sireto, bénéficiaire des revenus distribués

litigieux, n’est pas assujettie à l’impôt sur les sociétés à Saint-Barthélemy et n’entre pas dès lors dans les prévisions des dispositions précitées ; que le moyen susanalysé ne saurait par suite prospérer ;

11. Considérant, en second lieu, que la SA SEHR Paris Bercy entend se prévaloir de

l’instruction administrative référencée BOI 4C-7-07 du 10 mai 2007, par laquelle l’administration a tiré les conséquences de l'arrêt rendu le 14 décembre 2006 par la Cour de justice des Communautés européennes dans l'affaire Denkavit Internationaal BV et SARL Denkavit France, disant pour droit que les articles 43 CE et 48 CE s'opposent à une législation nationale qui, en ce qu'elle fait supporter le poids d'une imposition de dividendes à une société mère non-résidente en en dispensant presque totalement les sociétés mères résidentes, constitue une restriction discriminatoire à la liberté d'établissement ; que, par l’instruction précitée, l’administration a ainsi indiqué qu'elle avait décidé de modifier, à compter du 1er janvier 2007, le traitement fiscal des distributions de source française effectuées au profit de sociétés ayant leur siège dans un autre Etat membre de la Communauté européenne ; qu'aux termes du paragraphe 5 de cette instruction : « Désormais, en l'absence de montage artificiel, lorsqu'une société européenne bénéficie de dividendes de source française afférents à une participation supérieure à 5 % du capital de la société distributrice et se trouve, du fait d'un régime d'exonération applicable dans son Etat de résidence, privée de toute possibilité d'imputer la retenue à la source en principe prélevée en France sur le fondement du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, les distributions en question ne seront plus soumises à ladite retenue (…) » ;

12. Considérant qu’il résulte des termes mêmes de ladite instruction qu’elle vise les

distributions opérées dans le cadre du régime fiscal des sociétés mères, défini aux articles 145 et 216 du code général des impôts ; que ledit article 145 dispose, à cet égard, que : « 1. Le régime fiscal des sociétés mères, tel qu'il est défini à l'article 216, est applicable aux sociétés et autres organismes soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal (…) » ; qu’il est constant, ainsi qu’il a été dit au point 10, que la SA Sireto n’est pas assujettie à l’impôt sur les sociétés à Saint-Barthélemy ; que la société requérante, qui ne saurait ainsi se prévaloir utilement de l’instruction en cause, dans les prévisions desquelles n’entrent pas les distributions objet de la retenue à la source contestée, n’est pas davantage fondée à invoquer une quelconque violation des articles 43 CE et 48 CE ;

13. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SA SEHR Paris Bercy n’est pas fondée à demander la décharge de la retenue à la source litigieuse ; que sa requête doit par suite être rejetée, en toutes ses conclusions ;

Page 106: Lettre du tribunal administratif de Paris

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SA SEHR Paris Bercy est rejetée. Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la SA SEHR Paris Bercy et à l’administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales.

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Page 107: Lettre du tribunal administratif de Paris

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PARIS

N°1622756/2-1 ___________

SAS ANTINEA représentée par M. L. ___________

Mme Evgénas Président-rapporteur ___________

M. Le Garzic Rapporteur public ___________ Audience du 7 mai 2018 Lecture du 22 mai 2018

_________

19-01 C

Sommaire

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le tribunal administratif de Paris

(2e Section - 1re Chambre)

Vu la procédure suivante : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 décembre 2016, le 29 janvier et le 13

février 2018, la SAS Antinéa, représentée par M. C. L., mandataire désigné par le président du tribunal de commerce de Paris, ayant pour avocat Me Guiroy, demande au tribunal :

1°) de prononcer la décharge des compléments d’impôt sur les sociétés auxquels elle a

été assujettie au titre des années 2008 et 2009 ainsi que des pénalités y afférentes ; 2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 6 000 euros en application de l’article

L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la procédure d’imposition est irrégulière dès lors que les impositions ont été mises en

recouvrement au nom d’une société liquidée sans qu’un mandataire ad hoc ait été nommé ; -l’avis de mise en recouvrement des impositions litigieuses n’a pas été adressé à un

représentant effectif de la société ; - la créance est désormais prescrite en application de l’article L.189 du livre des

procédures fiscales ; - les pénalités sont contestées par voie de conséquence. Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2017, le directeur régional des finances

publiques d'Ile de France et du département de Paris conclut au rejet de la requête. Il soutient qu’aucun des moyens invoqués n’est fondé.

Page 108: Lettre du tribunal administratif de Paris

Vu les autres pièces du dossier. Vu : -le code civil ; - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique : - le rapport de Mme Evgénas, - et les conclusions de M. Le Garzic, rapporteur public.

1. Considérant qu’à la suite d’un contrôle sur pièces du dossier fiscal de la société Antinéa portant sur les années 2008 et 2009, l’administration a, par une proposition de rectification en date du 18 mai 2011, notifié à la société des rehaussements de ses résultats imposables à l’impôt sur les sociétés selon la procédure de redressement contradictoire pour l’année 2008 et selon la procédure de taxation d’office de l’article L.66-2° du livre des procédures fiscales pour l’année 2009 en raison du non dépôt de sa déclaration de résultats malgré l’envoi d’une mise en demeure; que les impositions supplémentaires à l’impôt sur les sociétés résultant de ce contrôle ont été mises en recouvrement par un avis du 26 mars 2013 pour un total de 244 295 euros en droits et pénalités ; que la société Antinéa représentée par M. C. L., mandataire désigné par le président du tribunal de commerce de Paris le 30 juillet 2013, demande la décharge de ces compléments d’impôt auxquels elle a été ainsi assujettie au titre des années 2008 et 2009 ainsi que des pénalités y afférentes ;

2. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L.256 du livre des procédures

fiscales : « Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité./ L'avis de mise en recouvrement est individuel. Il est signé et rendu exécutoire par l'autorité administrative désignée par décret. Les pouvoirs de l'autorité administrative susmentionnée sont également exercés par le comptable public compétent » ; qu’il résulte de ces dispositions que l’avis de mise en recouvrement doit être établi au nom du redevable légal de l’impôt, qu’il s’agisse ou non d’une personne physique et que la mauvaise identification du redevable affecte la validité de l’avis de mise en recouvrement ;

3. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 1844-8 du code civil : « La dissolution de la société entraîne sa liquidation (…) La personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu'à la publication de la clôture de celle-ci. (…) » ; qu’aux termes de l'article L. 237-2 du code de commerce : "(…) La dissolution d'une société ne produit ses effets à l'égard des tiers qu'à compter de la date à laquelle elle est publiée au registre du commerce » ; qu’aux termes de l’article R. 237-9 du même code : « La société est radiée du registre du commerce et des sociétés sur justification de l’accomplissement des formalités prévues par les articles R. 237-7 et R. 237-8 » ; que ces formalités sont relatives au dépôt des comptes définitifs au greffe du tribunal de commerce et à la publication de l’avis de

Page 109: Lettre du tribunal administratif de Paris

clôture de la liquidation dans un journal d’annonces légales ou au bulletin des annonces légales obligatoires ; que si la personnalité morale d'une société commerciale subsiste aussi longtemps que les droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés, la société ne peut plus être représentée postérieurement à la date de clôture de la liquidation que par un administrateur ad hoc désigné par la juridiction compétente ;

4. Considérant que la société requérante soutient que l’avis de mise en recouvrement des impositions litigieuses en date du 26 mars 2013 émis au nom de la SASU Antinéa « chez M. L. C. », son ancien gérant devenu liquidateur amiable de la société, a été irrégulièrement établi dès lors qu’à cette date il ne pouvait plus valablement représenter la société celle-ci, liquidée le 31 décembre 2011, ayant fait l’objet d’une déclaration de radiation publiée au registre du commerce le 6 janvier 2013 ; qu’elle précise que M. C. L. n’a été nommé administrateur ad hoc de la société que par une ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris en date du 30 juillet 2013 ;

5. Considérant, toutefois, qu’il n’est pas contesté que la société Antinéa était bien redevable des impositions litigieuses portant sur les compléments d’impôt sur les sociétés des années 2008 et 2009 ; que si M. L. soutient que la société Antinéa n’existait plus à la date de l’avis de mise en recouvrement du 26 mars 2013, en raison de sa dissolution le 31 décembre 2011 et de sa radiation du registre du commerce intervenue le 13 janvier 2013, ces circonstances sont sans incidence sur le bien fondé des compléments d’impôt sur les sociétés mis à sa charge et dont le fait générateur est antérieur; qu’elles sont également sans incidence sur sa qualité de redevable légal des compléments d’impôt en litige ; que la société Antinéa n’est donc pas fondée à soutenir que cet avis de mise en recouvrement était irrégulier ;

6. Considérant, enfin, qu’il résulte de ce qui précède que l’avis de mise en

recouvrement du 26 mars 2013 a été régulièrement établi au nom de la société Antinéa, redevable légal ; que par ailleurs, s’il a été adressé le 26 mars 2013 « chez M. L. C. », son ancien gérant et liquidateur amiable, qui n’est devenu son administrateur ad hoc que le 30 juillet 2013, il est constant que cet avis de mise en recouvrement a bien été réceptionné et qu’à la date à laquelle M. L. est devenu administrateur ad hoc, la prescription de l’article L.189 du livre des procédures fiscales n’était pas expirée ; que le moyen tiré de ce que la créance serait désormais prescrite doit donc être écarté ;

7. Considérant que la société Antinéa ne peut donc pas prétendre à la décharge des

compléments d’impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquels elle a été assujettie au titre des années 2008 et 2009 ; que, sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité, sa requête doit, dès lors, être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'étant pas partie perdante dans cette affaire ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Antinéa représentée par M. C. L. est rejetée. Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la SAS Antinéa représentée par M. C. L. et au directeur régional des finances publiques d'Ile de France et du département de Paris (pôle fiscal parisien 2).

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Page 110: Lettre du tribunal administratif de Paris

Sommaire

Vu la procédure suivante : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 5 mai 2017, 12 avril et 16 mai 2018, M. S.

B. demande au tribunal : 1°) d’annuler l’arrêté du 7 mars 2017 du directeur général de l’Assistance publique –

Hôpitaux de Paris (AP-HP) portant attribution de la part résultats de la prime de fonctions et de résultats au titre de l’année 2016 ;

2°) d’enjoindre à l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) de lui attribuer la part

résultats correspondant au coefficient 6 résultant de son évaluation de l’année 2016, soit une somme de 4 416 euros restant due avec intérêts moratoires courant à compter du 29 mars 2017 sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) une

somme de 100 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que :

- l’arrêté attaqué qui se fonde sur une circulaire du ministère des affaires sociales et de la santé méconnaît le décret n° 2012-749 du 9 mai 2012 qui prévoit que la part résultats de la

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PARIS

N°1707703/2-2 ___________

M. S. B. ___________

Mme Breillon Rapporteur ___________

M. Fouassier Rapporteur public ___________ Audience du 11 juin 2018 Lecture du 26 juin 2018 ___________ 36-08-03

C

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Paris,

(2ème section - 2ème chambre)

Page 111: Lettre du tribunal administratif de Paris

prime de fonctions et de résultats est déterminée au regard de l’atteinte des objectifs fixés et de la manière de servir et ne prévoit aucun abattement en cas d’arrêt de travail ; la circulaire du 22 mars 2011 prise pour l’application du décret n° 2010-997 du 26 août 2010 relatif au régime de maintien des primes et indemnités des agents publics de l’Etat et des magistrats de l’ordre judiciaire dans certaines situations de congés, l’instruction CNG/DGD/BDH-DS/BD3S/2017/200 du 15 juin 2017 du ministre des solidarités et de la santé et l’annexe sous forme de questions/réponses à une instruction du ministre des affaires sociales du 19 mai 2016 ne permettent pas de tenir compte de sa présence effective pour moduler la part résultat de la prime de fonctions et de résultats ;

- l’arrêté attaqué ne pouvait régulièrement se fonder sur son arrêt de travail qui a débuté le 21 octobre 2016, soit postérieurement à son entretien d’évaluation.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 mars et 25 avril 2018, le directeur général de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP), représenté par Me Lacroix, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu’une somme de 1 440 euros soit mise à la charge de M. B. au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les conclusions indemnitaires sont irrecevables en l’absence de demande préalable et qu’aucun des moyens n’est fondé.

Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986, - le décret n° 2012-749 du 9 mai 2012, - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique : - le rapport de Mme Breillon, - les conclusions de M. Fouassier, rapporteur public, - les observations de M. B., - et les observations de Me Neven, représentant l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris. Une note en délibéré présentée par M. B. a été enregistrée le 13 juin 2018.

1. Considérant que M. B., directeur d’hôpital, a exercé les fonctions de directeur des sites gériatriques des Hôpitaux universitaires Paris Centre (HUPC) ; qu’à ce titre, il était éligible à percevoir une prime de fonctions et de résultats prévue par le décret n° 2012-749 du 9 mai 2012 qui est applicable aux corps ou emplois fonctionnels des personnels de direction et des directeurs des soins de la fonction publique hospitalière ; que, lors de l’entretien annuel d’évaluation réalisé le 19 septembre 2016 au titre de l’année calendaire 2016, il a été proposé d’appliquer le coefficient de 6 pour le calcul de la part résultats de la prime précitée correspondant au versement d’une somme de 22 080 euros ; que, par arrêté du 7 mars 2017 portant attribution de la part résultats de la prime de fonctions et de résultats au titre de l’année 2016, le directeur général de l’Assistance

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publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) a maintenu le coefficient de 6 proposé lors de l’évaluation annuelle et a fixé le montant total de la part liée aux résultats à la somme de 17 664 euros ; que M. B. demande l’annulation de cet arrêté en ce qu’il ne fixe pas le montant de la part résultats de la prime à la somme de 22 080 euros ;

Sur les conclusions aux fins d’annulation :

2. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 1er du décret n° 2012-749 susvisé du 9 mai 2012 relatif à la prime de fonctions et de résultats des corps ou emplois fonctionnels des personnels de direction et des directeurs de soins de la fonction publique hospitalière, les directeurs des soins des établissements hospitaliers ou détachés dans l’un de ces corps ou sur un emploi fonctionnel perçoivent une prime de fonctions et de résultats ; qu’aux termes de l’article 2 de ce décret : « La prime de fonctions et de résultats comprend deux parts : / - une part tenant compte des responsabilités, du niveau d'expertise et des sujétions spéciales liées aux fonctions exercées ; / - une part tenant compte des résultats de la procédure d'évaluation individuelle prévue par la réglementation en vigueur et de la manière de servir. » ; qu’en vertu des articles 4 et 5 du même décret, le montant individuel de la part tenant compte des résultats est déterminé par application, au montant annuel de référence fixé par arrêté des ministres concernés, « d’un coefficient compris dans une fourchette de 0 à 6 » ; et qu’aux termes de l’article 6 dudit décret : « (…) La part liée aux résultats est versée au plus tard à la fin du premier trimestre de l’année civile suivant celle correspondant au service fait par les personnels des corps de direction.(…) » ;

3. Considérant qu’il résulte de l’instruction que pour fixer à 17 664 euros le montant de la part liée aux résultats de la prime de fonctions et de résultats attribuée au requérant au titre de l’année 2016, l’AP-HP a opéré un abattement proportionnel à la durée des congés de maladie pris par le requérant au titre de cette année ; que M. B. soutient que les dispositions précitées de l’article 2 du décret du 9 mai 2012 qui ne prévoient aucune modulation de la prime en cas de congé de maladie font obstacle à ce qu’un tel abattement soit appliqué dès lors que les résultats sont atteints et qu’il n’y a pas eu d’incidence sur sa manière de servir ; que, toutefois, pour déterminer la part de la prime afférente aux résultats et à la manière de servir d’un agent, l’employeur peut régulièrement tenir compte de la présence effective de l’agent au cours de l’année évaluée pendant une durée suffisante eu égard à la nature de la part de cette prime et à la circonstance que la présence effective de l’agent à son poste n’est pas étrangère au niveau de résultats atteints ; que, par suite, en diminuant le montant de la somme allouée au prorata des jours pendant lesquels M. B. était en congés maladie, l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris n’a pas méconnu les dispositions précitées de l’article 2 du décret du 9 mai 2012 ;

4. Considérant qu’en outre le requérant ne saurait utilement se prévaloir des énonciations

de la circulaire n° BCRF 1031314C du 22 mars 2011 du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’Etat prise pour l’application du décret n° 2010-997 du 26 août 2010 relatif au régime de maintien des primes et indemnités des agents publics de l’Etat et des magistrats de l’ordre judiciaire dans certaines situations de congés dès lors qu’en tant qu’agent de la fonction publique hospitalière, M. B. n’entre pas dans le champ d’application du décret précité ; qu’il ne saurait, non plus, se prévaloir d’une instruction CNG/DGD/BDH-DS/BD3S/2017/200 du ministre des solidarités et de la santé du 15 juin 2017 relative à l’évaluation et à la prime de fonctions et de résultats des directeurs d’hôpital, directeurs d’établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux et des directeurs des soins des établissements dès lors qu’elle concerne la prime de fonctions et de résultats de l’année 2017 et non pas celle de l’année 2016 seule en litige ; qu’enfin, l’annexe sous forme de questions/réponses à une instruction n° CNG/DGD/UDH-DS/UD3S/2016/159 du ministre des

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affaires sociales du 19 mai 2016 ne comporte aucune énonciation à caractère impératif dont M. B. peut utilement se prévaloir ;

5. Considérant, en second lieu, que M. B. soutient que l’arrêté attaqué du 7 mars 2017 ne

pouvait tenir compte de son arrêt de travail qui a débuté le 21 octobre 2016, soit postérieurement à son entretien d’évaluation ; que, toutefois, l’arrêté du 7 mars 2017 portant attribution de la part résultats de la prime de fonctions et de résultats concerne l’année civile 2016 et peut ainsi à bon droit tenir compte des arrêts de travail intervenus au cours de l’année ; que la circonstance que son entretien professionnel se soit tenu le 19 septembre 2016, au cours duquel d’ailleurs seule une proposition du montant de la part résultat de la prime en cause lui a été notifiée, est ainsi sans incidence ; que, par suite, ce moyen doit être écarté ;

6. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les conclusions aux fins

d’annulation de M. B. doivent être rejetées ; Sur les conclusions à fin d’injonction et d’astreinte et sans qu’il soit besoin de statuer sur la

fin de non-recevoir opposée par l’administration : 7. Considérant que le présent jugement, qui rejette les conclusions tendant à l’annulation

de l’arrêté attaqué, n’implique aucune mesure particulière d’exécution ; que, par suite, les conclusions susvisées ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de

justice administrative et de l’article R. 761-1 du code de justice administrative : 8. Considérant, d’une part, que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la

charge de l’Etat, qui n’est pas partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. B. en lien avec la présente instance et non compris dans les dépens ; que, d’autre part, il n’y pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du requérant la somme que le directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris demande au même titre ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B. est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. S. B. et au directeur général de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP).

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TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PARIS

N°1621256/2-2 N°1702897/2-2 N°1708574/2-2 ___________

M. B. L. ___________

M. Matthieu Kusza Rapporteur ___________

M. Christophe Fouassier Rapporteur public ___________ Audience du 12 mars 2018 Lecture du 10 avril 2018

_________

36-10-06 C+

Sommaire

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le tribunal administratif de Paris

(2ème Section - 2ème Chambre)

Vu les procédures suivantes : I. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 décembre 2016 et 25 septembre

2017, sous le n° 1621256, M. B. L., représenté par Me Le Mière, demande au tribunal, dans le dernier état de ses conclusions :

1°) d’annuler la décision du 13 octobre 2016 par laquelle le président de la chambre de

commerce et d’industrie de région Paris Ile de France a prononcé son licenciement pour suppression de poste ;

2°) d’enjoindre au président de la chambre de commerce et d’industrie de région Paris

Ile de France de le réintégrer dans ses fonctions et de reconstituer sa carrière dans un délai d’un mois suivant la notification du jugement à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de la chambre de commerce et d’industrie de région Paris Ile

de France une somme de 6 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que : - la commission paritaire régionale n’a pas été suffisamment informée, en

méconnaissance de l’article 35-1 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d’industrie ;

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- la décision attaquée est entachée d’une erreur de droit et d’une erreur de fait dans l’application des critères de licenciement prévus par l’accord méthodologique conclu le 15 avril 2016 entre la chambre et les organisations syndicales représentatives ;

- la décision attaquée est entachée d’une erreur de droit dès lors qu’un autre agent recruté avant le départ de M. L. a finalement remplacé ce dernier après la suppression de son poste ;

- la décision attaquée, qui constitue en réalité une mise à la retraite d’office déguisée, est entachée d’une erreur de droit dans l’application de l’article 33 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d’industrie dès lors que la chambre ne pouvait pas le mettre à la retraite d’office avant 65 ans.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 25 juillet et 27 octobre 2017, le président

de la chambre de commerce et d'industrie de région Paris-Ile-de-France conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. L. une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. II. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 février et 25 septembre 2017, sous

le n° 1702897, M. B. L., représenté par Me Le Mière, demande au tribunal, dans le dernier état de ses conclusions :

1°) d’annuler la décision du 12 décembre 2016 en tant que le président de la chambre de

commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France a refusé de lui allouer une allocation pour suppression de poste ;

2°) d’enjoindre au président de la chambre de commerce et d’industrie de région de

Paris Ile-de-France de tirer les conséquences de l’annulation de la décision du 12 décembre 2016 en reprenant le calcul des indemnités dues ;

3°) de mettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-

de-France une somme de 6 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que : - la décision attaquée a été prise par une autorité incompétente ; - elle est illégale en raison de l’illégalité de la décision de licenciement sur laquelle elle

se fonde ; - elle est illégale en raison de l’illégalité des dispositions de l’article 35-2 de la chambre

de commerce et d’industrie, qui en prévoyant de verser une allocation de fin de carrière et non de suppression de poste aux agents licenciés éligibles à une pension de retraite à taux plein du régime général, constituent une discrimination en raison de l’âge.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juillet 2017, le président de la chambre de commerce et d'industrie de région Paris-Ile-de-France conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. L. une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

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III. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 mai et 8 décembre 2017 sous le

n°1708574, M. B. L., représenté par Me Le Mière, demande au tribunal, dans le dernier état de ses conclusions :

1°) d’annuler la décision implicite du 21 avril 2017 par laquelle le président de la

chambre de commerce et d’industrie de région Paris Ile-de-France a refusé de lui verser son indemnité pour suppression de poste et a rejeté son recours gracieux contre la décision du 12 décembre 2016 ;

2°) de condamner le président de la chambre de commerce et d'industrie de région

Paris-Ile-de-France à lui verser la somme de 264 278,92 euros au titre de l’indemnité pour suppression de poste, ainsi que les intérêts moratoires et la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-

de-France la somme de 10 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que : - la décision attaquée a été prise par une autorité incompétente ; - elle méconnaît les dispositions de l’article 35-2 du statut du personnel administratif

des chambres de commerce et d’industrie qui prévoient le versement aux agents licenciés pour suppression de poste le versement d’une indemnité pour suppression de poste ;

- elle est illégale en raison de l’illégalité des dispositions de l’article 35-2 de la chambre de commerce et d’industrie, qui en prévoyant de verser une allocation de fin de carrière et non de suppression de poste aux agents licenciés éligibles à une pension de retraite à taux plein du régime général, constituent une discrimination en raison de l’âge.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 9 novembre 2017 et 30 janvier 2018, le

président de la chambre de commerce et d'industrie de région Paris le-de-France conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. L. une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que : - la requête est irrecevable, le courrier du 12 décembre 2016 ne pouvant être regardé

comme une décision faisant grief ; - les moyens soulevés par M. L. ne sont pas fondés. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, - le code de commerce, - la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952, ensemble le statut du personnel administratif

des chambres de commerce et d'industrie, - la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, - le code de justice administrative.

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Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique : - le rapport de M. Kusza, - les conclusions de M. Fouassier, rapporteur public, - et les observations de Me Yvon, représentant M. L., et de M. Demaret, représentant le

président de la chambre de commerce et d’industrie de région de Paris Ile-de-France. Une note en délibéré présentée par le président de la chambre de commerce et

d’industrie de région Ile-de-France a été enregistrée le 14 mars 2018. 1. Considérant que les requêtes n° 1621256, 1702897 et 1708574 concernent la situation

d’un même agent ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement ; 2. Considérant que M. B. L., agent de la chambre de commerce et d’industrie de la

région Paris Ile-de-France exerçant les fonctions de directeur marketing et communication de l’école Novancia, a été informé, par courriers des 9 juin et 30 août 2016, qu’à la suite des délibérations prises par l’assemblée générale de la chambre le 7 avril 2016, il avait été décidé de supprimer son emploi ; que, par une décision en date du 13 octobre 2016, le président de la chambre de commerce et d’industrie de région Paris Ile-de-France a prononcé son licenciement pour suppression d’emploi ; que par courrier du 12 décembre 2016, l’adjoint au directeur régional adjoint des ressources humaines de la chambre de commerce a indiqué à M. L. que l’allocation de fin de carrière lui serait versée dans le cadre de son licenciement ; que le requérant a contesté cette décision et a demandé le versement d’une indemnité pour suppression de poste, par courrier en date du 21 février 2017 ; que le silence du président de la chambre sur cette demande a fait naître, le 21 avril 2017, une décision implicite de rejet ; que M. L. demande l’annulation des décisions des 13 octobre 2016, 12 décembre 2016 et 21 avril 2017, la réintégration dans ses fonctions, le versement de l’indemnité pour suppression de poste et la condamnation de la chambre à lui verser ladite indemnité ;

Sur les conclusions à fin d’annulation : En ce qui concerne la décision du 13 octobre 2016 :

3. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes du premier paragraphe de l’article 35-1 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d’industrie : « Transmission d’un dossier aux membres de la Commission Paritaire / Lorsqu’une CCI employeur décide de prendre, dans le cadre de son plan stratégique, des mesures pouvant entraîner un ou plusieurs licenciements pour suppression de poste, le Président de la CPR (...), au vu de la délibération prise en Assemblée Générale de cette CCI employeur (...), transmet, dans les 15 jours ouvrés suivant la délibération de l’Assemblée Générale, par voie électronique, voie postale ou remise en main propre contre décharge, aux membres de la Commission Paritaire ainsi qu’à chaque organisation syndicale représentative de la CCI employeur concernée, un dossier qui comprend : /- une information sur les raisons économiques, financières et techniques qui sont à l’origine de la délibération de l’Assemblée Générale, / - une information sur la liste des postes susceptibles d’être supprimés et les critères retenus, / - les moyens que la CCI employeur entend mettre en œuvre pour favoriser les reclassements au sein de la CCI employeur pour éviter les licenciements et au sein du réseau des CCI de France. (…) ; qu’aux termes du quatrième paragraphe du même article : « Réunion de la Commission Paritaire / Dans le délai de huit jours

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ouvrés qui suit le ou les entretiens individuels, le Président de la Commission Paritaire adresse aux membres de cette commission une convocation comprenant un ordre du jour et les documents relatifs à la réunion qui a pour objet : / - une information sur les moyens que la CCI employeur a examinés pour éviter les suppressions de postes tels que notamment (...) / - une information sur les aides et mesures d’accompagnement apportées aux agents susceptibles d’être licenciés pour faciliter leur réemploi sur des postes équivalents (...) /- une information sur le coût et les modalités de mise en œuvre des mesures envisagées. (…) »

4. Considérant qu’il résulte de ces dispositions que, lorsqu’une décision peut entraîner un

ou plusieurs licenciements par suppression d’emploi, le président de l’organisme consulaire est tenu de communiquer à la commission paritaire régionale, à la suite de la délibération de l’assemblée générale ayant décidé des suppressions d’emploi en cause, un dossier comprenant des informations relatives aux raisons qui sont à l’origine de ces suppressions d’emplois, à la liste des emplois supprimés et aux critères retenus, ainsi qu’aux mesures d’accompagnement proposées aux personnes concernées ; que la commission paritaire locale doit ensuite être réunie après qu’ont eu lieu les entretiens individuels des agents concernés, afin de rendre un avis sur les mesures qui ont été effectivement prises pour éviter les licenciements ainsi que sur les mesures individuelles de licenciement envisagées ; que la commission paritaire locale doit, par suite, être informée, au plus tard à l’occasion de cette réunion, des actions qui ont été concrètement entreprises à l’égard de ces agents pour éviter leur licenciement, ainsi que sur le coût et les modalités de mise en œuvre des mesures envisagées ; que, compte tenu de l’obligation qui incombe à la compagnie consulaire d’examiner les possibilités de reclassement, notamment en son sein, des agents dont le licenciement est envisagé, c’est par suite au plus tard à l’occasion de cette réunion que la commission paritaire locale doit être informée des propositions de reclassement qui ont pu être faites à ces mêmes agents ;

5. Considérant, d’une part, qu’à la suite des délibérations de l’assemblée générale en date du 7 avril 2016, les membres de la commission paritaire régionale se sont vu remettre un dossier comprenant l’ensemble des éléments fournis à ladite assemblée pour décider de l’opportunité des suppressions de poste qui y ont été délibérées, ainsi que la délibération de l’assemblée générale accompagnée d’une annexe présentant la liste définitive des postes supprimés et permettant d’apprécier les critères qui ont conduit à retenir ces postes ; que le même dossier contenait également la présentation du dispositif de reclassement ainsi qu’un projet d’accord méthodologique portant sur la procédure de suppression de postes et visant à associer la commission paritaire régionale aux modalités de reclassement qu’aux termes du deuxième paragraphe du même article ; que, d’autre part, à la suite de l’entretien préalable au licenciement de M. L., les membres de la commission paritaire régionale se sont vus remettre, en vue de leur réunion du 3 octobre 2016, plusieurs documents détaillant les démarches, propositions et actions entreprises pour éviter les licenciements et notamment la priorité des candidatures des agents en situation de reclassement, la mise en place d’un accompagnement personnalisé des collaborateurs, les actions de formation, l’aide au reclassement externe par un prestataire ; que les membres de la commission paritaire régionale ont également reçu une information sur les coûts engendrés par ces différentes démarches ; qu’enfin, ils ont été destinataires d’une fiche individuelle précisant l’ensemble des postes sur lesquels M. L. avait postulé, dont les postes qui lui avaient été proposés par la chambre en vue de son reclassement, ainsi que les actions qui avaient été mises en œuvre avec un consultant mobilité ; que, dès lors, la chambre de commerce et d’industrie doit être regardée comme ayant satisfait aux obligations d’information des membres de la commission paritaire régionale qui lui incombent en application des dispositions

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précitées de l’article 35-1 du statut ; que le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut donc qu’être écarté ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que si M. L. soutient que la décision attaquée n’a pas

respecté les critères d’ordre de suppression des postes définis par l’accord méthodologique du 15 avril 2016, il ressort toutefois des termes mêmes dudit accord que ces critères n’ont pas vocation à s’appliquer quand, comme c’est le cas en l’espèce, « le poste supprimé est occupé par un seul agent clairement identifié » ; que dès lors, M. L. n’est pas fondé à soutenir, en tout état de cause, que la chambre aurait méconnu les termes de l’accord méthodologique du 15 avril 2016 ;

7. Considérant, en troisième lieu, que le requérant soutient que la décision serait entachée

d’une erreur de droit dès lors que son poste n’aurait pas été supprimé ; qu’il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que son poste n’aurait pas été supprimé et serait désormais, comme le soutient le requérant, attribué à une collaboratrice recrutée quelques temps avant son départ ; que le moyen ne peut, dès lors, qu’être écarté ;

8. Considérant, en quatrième lieu, que si le requérant soutient que la décision doit être

regardée comme une mise à la retraite d’office déguisée, illégale dès lors qu’il n’a pas atteint soixante-cinq ans comme le prévoient les dispositions de l’article 33 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d’industrie, la seule circonstance qu’il lui a été attribué une allocation de fin de carrière et non une allocation pour suppression de poste ne saurait suffire à l’établir, dès lors que cette circonstance résulte de l’application des dispositions de l’article 35-2 du statut susmentionné, qui prévoient le versement d’une allocation de fin de carrière en lieu et place de l’indemnité pour suppression de poste aux agents licenciés pour suppression de poste et éligibles à une retraite à taux plein du régime général ; qu’il ressort au contraire des pièces du dossier que le licenciement de M. L. fait suite à la suppression de son poste, décidée dans le cadre du plan de transformation conduit à partir de 2015 ; qu’ainsi, le moyen ne peut qu’être écarté ;

9. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le requérant n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision du 13 octobre 2016 par laquelle le président de la chambre de commerce et d’industrie de région Paris Ile de France a prononcé son licenciement pour suppression de poste ;

En ce qui concerne la décision du 12 décembre 2016 et la décision implicite du 21 avril

2017 : 10. Considérant, en premier lieu, que la chambre fait valoir, dans ses écritures en

réponse à la requête enregistrée sous le n° 1708574, que les conclusions dirigées contre la décision du 12 décembre 2016 sont irrecevables dès lors que cette lettre ne saurait être considérée comme une décision faisant grief ; que toutefois, les conclusions de la requête précitée sont dirigées contre la décision implicite en date du 21 avril 2017 et ne tendent pas à l’annulation de la décision du 12 décembre 2016, contre laquelle est en revanche dirigée la requête enregistrée sous le n°1702897 ; que la fin de non-recevoir opposée par la chambre ne peut donc qu’être écartée ; qu’en tout état de cause, la lettre du 12 décembre 2016, qui indique à M. L. qu’il lui sera versé une allocation de fin de carrière en application des dispositions du

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statut, et mentionne les voies et délais de contestation d’une décision administrative, doit être regardée comme un acte faisant grief ;

11. Considérant, en second lieu, d’une part, qu’aux termes de l’article 1er de la loi du

27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, transposant notamment la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail : « Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de (…) son âge (…) une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable. / Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés. » ; qu’aux termes de l’article 2 de la même loi : « Sans préjudice de l'application des autres règles assurant le respect du principe d'égalité : (…) / 2° Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur (…) l'âge (…) est interdite en matière (…) d'accès à l'emploi, d'emploi, (…) ainsi que de (…) promotion professionnelle. / Ce principe ne fait pas obstacle aux différences de traitement fondées sur les motifs visés à l'alinéa précédent lorsqu'elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée » ; qu’il résulte enfin de l’article 5 de la même loi que ces dispositions sont applicables à toutes les personnes publiques ;

12. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 35-2 du statut du personnel

administratif des chambres de commerce et d’industrie : « Il est accordé aux agents titulaires licenciés pour suppression d'emploi, dans le cas où ils ne se trouveraient pas dans les conditions requises pour percevoir une pension de retraite à taux plein auprès du régime général de la Sécurité Sociale, une indemnité de licenciement proportionnelle à l'ancienneté et calculée comme suit : - jusqu'à dix ans d'ancienneté : un mois de rémunération mensuelle indiciaire brute par année de service ; - au-delà : un mois de rémunération mensuelle indiciaire brute majorée de 20 % par année de service ; (…) Dans le cas où l’agent licencié remplit les conditions requises pour percevoir une pension de retraite à taux plein auprès du régime général de sécurité sociale, il perçoit l’allocation de fin de carrière, conformément aux dispositions de l’article 24 du présent statut et du règlement intérieur régional qui lui est applicable » ; qu’aux termes de l’article 24 du même statut : « Une allocation de fin de carrière est attribuée à chaque agent. Son montant brut doit être compris entre un mois et quatre mois de rémunération mensuelle indiciaire brute selon l’ancienneté de l’agent. » ;

13. Considérant que les dispositions précitées de l’article 35-2 du statut du personnel

réservent aux agents licenciés pour suppression de leur poste qui ne remplissent pas les conditions requises pour percevoir une pension de retraite à taux plein auprès du régime général de la sécurité sociale, le bénéfice de l’indemnité pour suppression de poste ; que les agents qui remplissent de telles conditions se voient octroyer une allocation de fin de carrière, dont le calcul est nettement moins favorable aux agents que l’indemnité susmentionnée, dès lors que le montant maximal qu’un agent peut percevoir au titre de cette allocation s’élève seulement à quatre mois de rémunération mensuelle indiciaire brute ; qu’ainsi, ces dispositions ont pour effet de priver du droit à l’indemnité de licenciement pour suppression de poste certains agents

Page 121: Lettre du tribunal administratif de Paris

et ce au seul motif qu’ils peuvent bénéficier, à la date de leur licenciement, d’une pension de retraite à taux plein versée par le régime général de la sécurité sociale ; que dès lors que l’admission au bénéfice d’une telle pension à taux plein est notamment soumise à une condition d’âge et de durée d’assurance minimales, cette différence de traitement se fonde sur un critère qui est indissociablement lié à l’âge des agents ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que cette différence de traitement poursuivrait un objectif légitime ou une exigence professionnelle essentielle au sens des dispositions précitées ; qu’en tout état de cause, et à supposer que la chambre ait entendu, en réservant l’indemnité de licenciement pour suppression de poste aux seuls agents qui ne peuvent pas, au moment de leur licenciement, bénéficier d’une pension de vieillesse, poursuivre un objectif de protection accrue des agents dont la transition vers un nouvel emploi s’avère délicate en raison de leur ancienneté dans l’organisme consulaire, les dispositions en cause excèdent ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif, dès lors notamment qu’en ne permettant pas le versement de l’indemnité de licenciement à un agent qui, bien qu’éligible au bénéfice d’une pension de retraite, entend néanmoins y renoncer temporairement en vue de poursuivre sa carrière professionnelle, elles conduisent à priver de l’indemnité de licenciement des agents licenciés qui veulent rester sur le marché du travail au seul motif qu’ils pourraient, en raison de leur âge, disposer d’une telle pension ; que par ailleurs, si les dispositions en cause doivent être interprétées à la lumière des objectifs de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 susmentionnée, cette obligation ne saurait conduire à interpréter lesdites dispositions en ce sens qu’elles auraient seulement pour objet de priver de l’indemnité de licenciement les agents qui exercent effectivement leur droit à pension, dès lors que cette interprétation est, de toute évidence, contraire à leur lettre ; que, dès lors, le requérant est fondé à soutenir que les dispositions précitées de l’article 35-2, en ce qu’elles excluent les agents qui remplissent les conditions requises pour percevoir une pension de retraite à taux plein auprès du régime général de la sécurité sociale du bénéfice de l’indemnité de licenciement pour suppression de poste, méconnaissent l’article 1er de la loi de la loi du 27 mai 2008 et les objectifs de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 ;

14. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le requérant est fondé à exciper de

l’illégalité de ces dispositions à l’appui de ses conclusions dirigées contre les décisions du 12 décembre 2016 et du 21 avril 2017 qui, privées de base légale, ne peuvent qu’être annulées ;

Sur les conclusions à fin d’injonction et d’indemnisation : 15. Considérant que les conclusions du requérant tendant à ce que la chambre de

commerce et d’industrie soit condamnée à lui verser la somme de 264 278,92 euros au titre de son indemnité pour suppression de poste, ainsi que les intérêts moratoires et la capitalisation des intérêts, doivent être regardées comme ayant le même objet que les conclusions tendant à ce qu’il soit enjoint au président de la chambre de commerce et d’industrie de région de Paris Ile-de-France de reprendre le calcul de ses droits à indemnité ;

16. Considérant que la présente décision implique, seulement mais nécessairement, en

application de ce qui a été dit aux points 13 et 14 qu’il soit enjoint au président de la chambre de commerce et d’industrie de la région Paris Ile de France, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement, de reprendre le calcul de l’indemnité à lui verser en lui faisait bénéficier de la différence entre l’allocation de fin de carrière, qu’il a perçue, et de l’indemnité pour suppression de poste prévue par les dispositions de l’article 35-2 du statut du

Page 122: Lettre du tribunal administratif de Paris

personnel administratif des chambres de commerce et d’industrie, assortie des intérêts légaux à compter de la date de réception de sa demande avec capitalisation, et pour le calcul et la liquidation de laquelle il y a lieu de le renvoyer devant la chambre de commerce et d’industrie ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge

de la chambre de commerce et d’industrie de la région Paris Ile de France, une somme de 1 500 euros en application des dispositions précitées de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu’il n’y a pas, en revanche, lieu de mettre à la charge du requérant la somme que demande la chambre de commerce et d’industrie de région de Paris Ile-de-France au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Les décisions du président de la chambre de commerce et d’industrie de région de Paris Ile-de-France en date des 12 décembre 2016 et 21 avril 2017 sont annulées. Article 2 : Il est enjoint au président de la chambre de commerce et d’industrie de la région Paris Ile de France de reprendre le calcul de l’indemnité versée à M. L. en lui faisait bénéficier de la différence entre l’allocation de fin de carrière qu’il a perçue et l’indemnité pour suppression de poste prévue par les dispositions de l’article 35-1 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d’industrie, assortie des intérêts légaux à compter de la date de réception de sa demande avec capitalisation. Article 3 : La chambre de commerce et d’industrie de la région Paris Ile-de-France versera à M. L. une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La requête n° 1621256 et le surplus des conclusions des requêtes n° 1702897 et 1708574 de M. L. sont rejetés. Article 5 : Les conclusions présentées par le président de la chambre de commerce et d’industrie de région Paris Ile-de-France sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 6 : Le présent jugement sera notifié à M. B. L. et au président de la chambre de commerce et d'industrie de région Paris-Ile-de-France.

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Page 123: Lettre du tribunal administratif de Paris

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PARIS

N°1717691/3-1 ___________

M. J. I. ___________

M. Stéphane Eustache Rapporteur ___________

M. François Doré Rapporteur public ___________ Audience du 28 mai 2018 Lecture du 11 juin 2018 ___________

66-07-01-04-02

66-07-02-05-03

C+

Sommaire

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le tribunal administratif de Paris

(3ème section – formation plénière)

Vu la procédure suivante : Par une décision n° 410012 du 26 octobre 2017, le Conseil d’Etat a attribué au tribunal

administratif de Paris la question de légalité dont il a été saisi par un arrêt n° 650 du 20 avril 2017 de la Cour de cassation.

Par un arrêt n° 650 du 20 avril 2017, enregistré le 26 avril 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la Cour de cassation a sursis à statuer sur le pourvoi formé par M. J. I. contre l’arrêt rendu le 9 avril 2015 par la cour d’appel de Paris dans le litige l’opposant à la Régie autonome des transports parisiens (RATP), et a saisi le Conseil d’Etat de la question de la légalité de l’article 149 du statut du personnel et annexes, en ce qu’il déroge au principe général du droit du travail selon lequel un employeur ne peut pas imposer à un salarié soumis au code du travail, comme sanction d’un comportement fautif, une rétrogradation impliquant la modification de son contrat de travail.

Par un mémoire, enregistré le 16 juin 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la RATP, représentée par la SCP Celice, Soltner, Texidor et Perier, conclut que les dispositions de l’article 149 du statut du personnel et annexes ne sont pas entachées d’illégalité.

Par un mémoire, enregistré le 25 juillet 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil

d’Etat, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut aux mêmes fins que la RATP.

Page 124: Lettre du tribunal administratif de Paris

Par un courrier du 29 janvier 2018, la RATP, représentée par Me Perier, a indiqué au tribunal qu’elle maintient ses conclusions présentées devant le Conseil d’Etat.

Par un courrier du 22 février 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire

indique au tribunal qu’il maintient ses conclusions présentées devant le Conseil d’Etat. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code civil, - le code du travail, - le code des transports, - la loi n° 48-506 du 21 mars 1948, - l’ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959, - le décret n° 59-157 du 7 janvier 1959, - le décret n° 59-1091 du 23 septembre 1959, - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique : - le rapport de M. Eustache, - les conclusions de M. Doré, - et les observations de Me Perier, représentant la Régie autonome des transports

parisiens. Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêt du 20 avril 2017, la Cour de cassation a, d’une part, sursis à statuer sur le pourvoi formé par M. J. I. contre l’arrêt rendu le 9 avril 2015 par la cour d’appel de Paris dans le litige l’opposant à la Régie autonome des transports parisiens (RATP) et, d’autre part, saisi la juridiction administrative de la question de la légalité de l’article 149 du statut du personnel de la RATP, en ce qu’il déroge au principe général du droit du travail selon lequel un employeur ne peut pas imposer à un salarié soumis au code du travail, comme sanction d’un comportement fautif, une rétrogradation impliquant la modification de son contrat de travail.

Sur le cadre juridique : 2. D’une part, en vertu de l’article 1134, devenu article 1103 du code civil, les contrats

« légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ». Aux termes de l’article L. 1221-1 du code du travail : « Le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun. Il peut être constaté dans les formes qu’il convient aux parties contractantes d’adopter ». Le principe général du droit dont s’inspirent ces dispositions implique que toute modification des termes d’un contrat de travail, pour quelque cause que ce soit, recueille l’accord à la fois de l’employeur et du salarié.

3. D’autre part, en vertu des dispositions combinées de l’article L. 1211-1 du code du

travail et de l’article L. 2142-1 du code des transports, la RATP, qui a été instituée par l’article 2 de la loi n° 48-506 du 21 mars 1948, est un établissement public à caractère industriel et commercial et, par suite, emploie son personnel, à l’exception de son directeur général et, le cas

Page 125: Lettre du tribunal administratif de Paris

échéant, de son comptable public, dans les conditions du droit privé, sous réserve des dispositions particulières ayant le même objet résultant du statut qui régit son personnel.

4. Ni l’existence d’un tel statut, ni l’effet de ce dernier, qui fait que toute modification

susceptible de lui être apportée, sans s’incorporer aux contrats individuels de travail liant l’établissement à chacun de ses agents, s’impose nécessairement à ces contrats, ne sont pas par eux-mêmes inconciliables avec le principe général d’immutabilité du contrat de travail énoncé au point 2. Il convient cependant, d’une part, d’appliquer, au cas par cas, ce principe en tenant compte de l'économie générale du statut et, d’autre part, de réserver les hypothèses dans lesquelles les nécessités du service public confié à l’établissement feraient obstacle à son application.

Sur la légalité du 8° de l’article 149 du statut du personnel de la RATP : 5. Aux termes de l’article 149 du statut du personnel de la RATP : « Chaque agent, de

par son lien contractuel avec la Régie, est tenu au respect de la réglementation interne à celle-ci. / Tout manquement à cette réglementation, suivant sa gravité ou sa répétition, peut faire l’objet de mesures disciplinaires dont l’échelle est établie comme suit : / (…). / Mesures du 2e degré : / applicables aux seuls agents commissionnés : / (…) / 8° - descente d’échelle avec changement de fonctions (…) ». Il résulte de ces dispositions que l’employeur, dans l’exercice de ses pouvoirs de sanction disciplinaire, peut, sans recueillir l’accord de l’agent, le rétrograder dans une échelle inférieure et changer ses fonctions. Lorsqu’il fait usage de ce pouvoir de sanction, l’employeur modifie unilatéralement le contrat de travail de l’agent.

6. En vertu des articles 149 et 152 du statut du personnel, le directeur général de la

RATP ne peut rétrograder un agent et changer ses fonctions unilatéralement à titre de sanction qu’après avoir consulté le conseil de discipline sur cette sanction du 2nd degré. Cette instance est composée, selon l’article 156 du statut, d’un président et de trois membres désignés par le directeur général parmi le personnel de direction, ainsi que de trois membres désignés par les organisations syndicales et appartenant au même collège que l’agent poursuivi. Avant que le conseil ne se prononce, un « enquêteur-rapporteur », choisi parmi les cadres de la direction du personnel, est chargé, dans les conditions prévues à l’article 160 du statut, d’indiquer à l’agent poursuivi la liste des membres siégeant au conseil de discipline, ainsi que de lui rappeler ses droits en matière d’assistance, de représentation, de production des témoins et de récusation. L’enquêteur-rapporteur est également chargé d’informer l’agent poursuivi des griefs retenus à son encontre, de lui communiquer les pièces de la procédure, de lui donner connaissance de son dossier administratif, de l’auditionner et, le cas échéant, de diligenter toute enquête complémentaire. Durant la réunion du conseil, en vertu de l’article 163 du statut, l’agent poursuivi prend connaissance du rapport de l’enquêteur-rapporteur, présente aux membres du conseil ses observations orales et éventuellement écrites, peut produire des témoignages et, à la fin des débats, est entendu une nouvelle fois et peut, à cette occasion, fournir des explications complémentaires. Le conseil émet un avis sur la mesure disciplinaire à appliquer et, comme le précise l’article 163 du statut, seuls prennent part au vote les trois membres de la direction et les trois représentants du personnel, le président ne s’exprimant en séance qu’en cas de partage égal des voix. Enfin, en vertu de l’article 164 du statut, l’affaire examinée par le conseil peut être renvoyée, lorsqu’un supplément d’enquête apparaît nécessaire ou lorsqu’un agent non traduit devant le conseil est susceptible de l’être pour la même affaire ou une affaire connexe.

7. En outre, il convient de relever qu’en vertu de l’article 43 du statut, la cessation des

fonctions d’un agent commissionné ne peut résulter, lorsqu’elle est à l’initiative de l’employeur, que de sa révocation ou de son licenciement. Selon l’article 48 du statut, par renvoi aux alinéas

Page 126: Lettre du tribunal administratif de Paris

b) et c) de l’article 47, un tel agent ne peut être licencié par l’employeur qu’en cas de manquement ou de fausses déclarations commis lors de son recrutement, mais révélés qu’après son commissionnement. Par ailleurs, en vertu des articles 149 et 154 du statut, la révocation ne peut être prononcée par l’employeur à l’encontre d’un agent commissionné qu’en cas de manquement à la réglementation interne le rendant passible de la sanction disciplinaire du second degré la plus élevée ou en cas de condamnation à une peine d’emprisonnement ou infamante. Il en résulte que le statut du personnel de la RATP limite strictement les cas dans lesquels l’employeur peut mettre fin au contrat de travail d’un agent commissionné.

8. Il résulte de ce qui précède que le pouvoir de modification unilatérale du contrat de

travail d’un agent commissionné, que confèrent au directeur général de la RATP les dispositions précitées du 8° de l’article 149 du statut du personnel, ne porte pas, compte tenu de l’économie générale de ce statut, telle qu’elle découle notamment des garanties énoncées aux points 6 et 7, une limitation excessive au principe général d’immutabilité du contrat du travail énoncé au point 2. Il suit de là que les dispositions du 8° de l’article 149 du statut du personnel de la RATP doivent être déclarées légales.

Par ces motifs, le tribunal décide :

Article 1er : Les dispositions du 8° de l’article 149 du statut du personnel de la Régie autonome des transports parisiens sont déclarées légales. Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la Cour de cassation, à M. J. I. et à la Régie autonome des transports parisiens. Copie en sera adressée au ministre de la transition écologique et solidaire.

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Page 127: Lettre du tribunal administratif de Paris

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PARIS N°1805839/3-5 ___________ Société LM FACTORY ___________ M. François Doré Juge des référés ___________ Ordonnance du 27 avril 2018 ___________ 39-08-015-01 C

Sommaire

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Paris,

Le juge des référés

Vu la procédure suivante : Par une requête enregistrée le 12 avril 2018 et un mémoire en réplique enregistré le

23 avril 2018, la société LM Factory, dont la dénomination commerciale est Magic Garden, représentée par Me Brault, demande au juge des référés, sur le fondement de l’article L. 551-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre la procédure de passation litigieuse pour un délai de 15 jours après la date à laquelle il a été procédé à la communication des motifs détaillés du rejet de son offre ;

2°) d’annuler la décision de rejet de son offre ; 3°) d’annuler la procédure de passation du marché, ainsi que l’exécution de toute

décision qui s’y rapporte, au stade où l’irrégularité a été commise, à savoir au stade de l’attribution du marché ou à défaut au stade de l’analyse des candidatures ;

4°) d’enjoindre au pouvoir adjudicateur, s’il entend conclure un marché ayant le même objet, de reprendre la procédure de passation au stade où l’irrégularité a été commise ;

5°) de mettre à la charge du pouvoir adjudicateur la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société requérante soutient que :

- les articles 51 et 55 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics ont été méconnus, le Centre des monuments nationaux ne justifiant pas que l’attributaire a produit les attestations requises avant l’attribution du marché et l’information des candidats évincés ; l’attribution du marché à une société dont la candidature était irrégulière l’a lésée ; - les capacités techniques et financières de la société attributaire n’ont pas été contrôlées ; - les négociations ont été menées dans des conditions méconnaissant le principe d’égalité de traitement des candidats et le principe de transparence ; - son offre a été dénaturée.

Page 128: Lettre du tribunal administratif de Paris

Par un mémoire enregistré le 20 avril 2018, le centre des monuments nationaux conclut

au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société requérante une somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que : - la requête est irrecevable, la société requérante ne justifiant pas d’un intérêt à agir ; - aucun des moyens de la requête n’est fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, - le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, - l’arrêté du 25 mai 2016 fixant la liste des impôts, taxes, contributions ou cotisations

sociales donnant lieu à la délivrance de certificats pour l'attribution de marchés publics et de contrats de concession,

- le code du travail, - et le code de justice administrative. Le président du tribunal a désigné M. Doré comme juge des référés. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Au cours de l’audience publique tenue en présence de Mme Pyrée, greffier d’audience,

M. Doré a lu son rapport et entendu les observations de Me Techer pour la société Magic Garden et de Mmes Guiry et Moulin pour le Centre des monuments nationaux.

La clôture de l’instruction a été reportée au jeudi 26 avril 2018, à 12h. Par un mémoire enregistré le 24 avril 2018, la société LM Factory demande au tribunal,

par les mêmes moyens : 1°) à titre principal, d’annuler la procédure de procédure de passation au stade de

l’attribution du marché après avoir éliminé la candidature et l’offre de la société SHORTCUT et d’enjoindre au Centre des monuments nationaux, s’il entend conclure un marché ayant le même objet, de reprendre la procédure au stade de l’attribution du marché après avoir éliminé la candidature et l’offre de la société SHORTCUT ;

2°) à titre subsidiaire, d’annuler la procédure de passation du marché, ainsi que l’exécution de toute décision qui s’y rapporte, au stade où l’irrégularité a été commise, à savoir au stade des négociations et d’enjoindre au Centre des monuments nationaux, s’il entend conclure un marché ayant le même objet, de reprendre la procédure de passation au stade où l’irrégularité a été commise, à savoir au stade de la négociation ;

3°) de mettre à la charge du pouvoir adjudicateur la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire enregistré le 26 avril 2018 à 11h06, le Centre des monuments nationaux

persiste dans ses précédentes conclusions, par les mêmes moyens. Par un mémoire enregistré le 26 avril 2018 à 11h50, la société Shortcut Events conclut

au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société requérante sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu’aucun des moyens de la requête n’est fondé.

Page 129: Lettre du tribunal administratif de Paris

La société LM Factory a produit une note en délibéré le 26 avril 2018 à 16h49. Considérant ce qui suit : 1. Par un avis de marché envoyé le 9 février 2018 et publié au journal officiel de

l’Union européenne (JOUE) et au bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP), le Centre des monuments nationaux a engagé une procédure adaptée en vue de l’attribution d’un marché de services d’organisation d’évènements culturels concernant la cérémonie d’entrée au Panthéon de Simone Veil accompagnée de son époux Antoine Veil. La société LM Factory a été informée, par lettre du 10 avril 2018, du rejet de son offre et de l’attribution du marché à la société Shortcut Events. Dans le dernier état de ses écritures, la société LM Factory demande au juge du référé précontractuel d’annuler la procédure de passation du marché.

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 551-1 du code de justice

administrative : 2. Aux termes de l’article L. 551-1 du code de justice administrative : « Le président du

tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix (...) / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat. » L’article L. 551-2 du même code dispose que : « Le juge peut ordonner à l’auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l’exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s’il estime, en considération de l’ensemble des intérêts susceptibles d’être lésés et notamment de l’intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l’emporter sur leurs avantages. Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. »

3. Il appartient au juge administratif, saisi en application de l’article L. 551-1 du code de

justice administrative, de se prononcer sur le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence incombant à l’administration. En vertu de cet article, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles qui sont susceptibles d’être lésées par de tels manquements. Il appartient, dès lors, au juge des référés précontractuels de rechercher si l’opérateur économique qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l’avoir lésé ou risquent de le léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant un opérateur économique concurrent.

4. En premier lieu, il ressort des stipulations du point 6.3.1 du règlement de consultation

que les entreprises candidates devaient justifier de leurs capacités techniques et financières. Il ressort en outre du tableau d’ouverture des offres que la société Shortcut Events a produit des pièces relatives à ses moyens matériels, techniques et humains et à ses références. Dès lors, le moyen tiré de ce que les capacités techniques et financières de la société attributaire n’auraient pas été contrôlées manque en fait et doit être écarté.

Page 130: Lettre du tribunal administratif de Paris

5. En deuxième lieu, aux termes de l’article 7.2 du règlement de la consultation du

marché litigieux : « (...) compte tenu des offres reçues et de leur analyse détaillée par le Pouvoir Adjudicateur, celui-ci se réserve la possibilité d’engager une phase de négociation. (...) En cas de négociation, le pouvoir adjudicateur pourra engager librement toutes les discussions qui lui paraissent utiles avec tout ou partie des candidats, voir avec un seul, en vue d’optimiser la ou les propositions jugées les plus intéressantes. (...) Cette négociation pourra, dans le cas le plus simple, se réduire à un échange de mails confirmés par courriers ou, si nécessaire, donneur lieu à une, voire plusieurs rencontres de chacun des candidats invités à négocier, ces rencontres donnant lieu à un relevé des conclusions garant de la traçabilité des échanges intervenus. Le champ de la négociation pour chacune des offres tiendra compte, le cas échéant et dans le respect du principe d’égalité de traitement des candidats, des particularités des offres restant en lice, pour aboutir à un classement définitif au regard des critères de jugement, le marché étant attribué au candidat dont l’offre sera classée première. »

6. Il résulte de l’instruction que le Centre des monuments nationaux, après la remise des

offres, a décidé de négocier avec les sociétés LM Factory et Shortcut Events classées aux deux premières places du classement provisoire. La société Shortcut Events ayant obtenu, à la suite de l’analyse des offres initiales, la note maximale sur le critère technique et la société LM Factory la note maximale sur le critère du prix, les deux sociétés candidates admises à négocier étaient dans des situations différentes justifiant qu'un traitement différent leur soit réservé et qu’elles ne soient pas invitées à négocier sur les mêmes critères. En outre, conformément aux stipulations précitées du règlement de consultation, le pouvoir adjudicateur pouvait engager librement les discussions qui lui paraissaient utiles et n’était pas tenu de négocier sur tous les éléments des offres avec tous les candidats, ni même sur les critères ou sous-critères où ils étaient susceptibles de rattraper le plus de points.

7. Il résulte de l’instruction et notamment des courriels produits par le pouvoir

adjudicateur qui permettent de retracer les échanges survenus que le Centre des monuments nationaux a choisi de ne négocier avec la société LM Factory que sur le sous-critère technique relatif au mapping vidéo pondéré à seulement 10 sur 100, alors que la négociation avec la société Shortcut Events portait sur le prix pondéré à 40 sur 100. La société requérante soutient qu’il en résulte une différence de traitement constituant une méconnaissance du principe d’égalité entre les candidats.

8. D’une part, le Centre des monuments nationaux fait valoir qu’il a estimé qu’il était

difficile de négocier avec la société LM Factory sur le premier sous-critère technique relatif à « la pertinence de la proposition de mise en scène et de scénographie événementielle et de la charte graphique » pondéré à 30 sur 100, sur lequel une note de 18 sur 30 lui avait été attribué, dès lors que le parti pris de mise en scène et de scénographie constituait l’essence même de l’offre et que les négociations n’avaient pas vocation à modifier substantiellement les offres techniques. D’autre part, il résulte de l’instruction que le sous-critère relatif au mapping vidéo constituait le sous-critère sur lequel la société LM Factory avait obtenu sa note la plus basse (2/10). Enfin, au cours des négociations, des évolutions de prix étaient susceptibles d’être justifiées par des évolutions techniques et réciproquement. Il résulte d’ailleurs de l’instruction que les concessions financières de la société Shortcut Events ont eu un impact sur son offre technique, mais que cet impact a été jugé marginal par le pouvoir adjudicateur. Dans ces conditions, compte tenu des notes attribuées pour établir le classement provisoire, les négociations n’étaient, contrairement à ce que fait valoir la société requérante, pas insusceptibles de lui permettre de formuler l’offre finale la mieux disante, même si l’écart entre les deux offres avant les négociations était important. Par suite, alors que, conformément aux stipulations

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précitées de l’article 7.2 du règlement de consultation, le pouvoir adjudicateur disposait d’une large marge d’appréciation quant aux négociations à engager en vue d’optimiser les propositions des candidats, la société LM Factory n’est pas fondée à soutenir que le Centre des monuments nationaux a porté atteinte au principe d’égalité de traitement des candidats.

9. Par ailleurs, les courriels et les extraits du rapport d’analyse des offres avant et après

les négociations produits par le Centre des monuments nationaux permettent la traçabilité des échanges intervenus. Par suite, alors même que le « relevé des conclusions » mentionné à l’article 7.2 du règlement de consultation n’a pas été formalisé, le principe de transparence des procédures n’a, en tout état de cause, pas été méconnu.

10. En troisième lieu, il n’appartient pas au juge du référé précontractuel, qui doit

seulement se prononcer sur le respect, par le pouvoir adjudicateur, des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d’un contrat, de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d’une offre ou les mérites respectifs des différentes offres. Il lui appartient, en revanche, lorsqu’il est saisi d’un moyen en ce sens, de vérifier que le pouvoir adjudicateur n’a pas dénaturé le contenu d’une offre en en méconnaissant ou en en altérant manifestement les termes et procédé ainsi à la sélection de l’attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d’égalité de traitement des candidats.

11. La société requérante fait valoir, tout d’abord, que son offre comportait un

accompagnement de la préparation du cortège. Toutefois, la mention de l’absence d’accompagnement figurant dans le rapport d’analyse des offres concerne le fait que la place E. Rostand ne soit pas utilisée à des fins scénographiques et la société LM Factory n’apporte aucun élément de nature à contester cette affirmation. Ensuite, la société requérante, en se bornant à relever que « le chemin bleu est ponctué des dates clés de son parcours », ne précise pas le point de départ du tapis bleu utilisé pour symboliser le parcours de vie de Simone Veil. Elle n’établit, par suite, pas l’existence d’une erreur de fait de l’administration qui a relevé cette absence de point de départ. De même, en estimant que l’utilisation de trois comédiennes déposant des roses sur les cercueils et suivant le cortège constituait un élément de théâtralisation et que la Shoah se voyait attribuer une place plus importante que les autres aspects de la vie de Simone Veil devant être mis en avant, l’administration n’a ni entaché son appréciation d’une erreur de fait ni dénaturé l’offre de la société requérante. Enfin, compte tenu de l’imprécision de l’offre de la société LM Factory, l’administration a pu estimer que les tribunes devaient être positionnées en partie sur la rue et que les camions de projection pour le mapping vidéo devaient être mis en place après la cérémonie sans, là encore, entacher son appréciation d’erreur de fait ou de dénaturation. Dans ces conditions, la société LM Factory n’est pas fondée à soutenir que le Centre des monuments nationaux aurait méconnu ou altéré manifestement les termes de son offre.

12. En dernier lieu, aux termes de l’article 45 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative

aux marchés publics : « Sont exclues de la procédure de passation des marchés publics : (…) 2° Les personnes qui n’ont pas souscrit les déclarations leur incombant en matière fiscale ou sociale (…) ». Aux termes du I de l’article 48 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics : « Le candidat produit à l’appui de sa candidature : / 1° Une déclaration sur l’honneur pour justifier qu’il n’entre dans aucun des cas mentionnés aux articles 45 et 48 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 susvisée et notamment qu’il est en règle au regard des articles L. 5212-1 à L. 5212-11 du code du travail concernant l’emploi des travailleurs handicapés ». Aux termes du II de l’article 51 du même décret : « L’acheteur accepte comme preuve suffisante attestant que le candidat ne se trouve pas dans un cas d’interdiction de soumissionner mentionné au 2° de l’article 45 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 susvisée, les certificats délivrés par les

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administrations et organismes compétents. Un arrêté des ministres intéressés fixe la liste des impôts, taxes, contributions ou cotisations sociales devant donner lieu à délivrance d’un certificat ainsi que la liste des administrations et organismes compétents ». Aux termes du IV de l’article 55 dudit décret : « Si un candidat (...) ne peut produire dans le délai imparti les documents justificatifs, les moyens de preuve, les compléments ou explications requis par l'acheteur, sa candidature est déclarée irrecevable et le candidat est éliminé. Dans ce cas, lorsque la vérification des candidatures intervient après la sélection des candidats ou le classement des offres, le candidat ou le soumissionnaire dont la candidature ou l'offre a été classée immédiatement après la sienne est sollicité pour produire les documents nécessaires. » Aux termes du IV de l’article 2 de l’arrêté du 25 mai 2016 fixant la liste des impôts, taxes, contributions ou cotisations sociales donnant lieu à la délivrance de certificats pour l’attribution de marchés publics et de contrats de concession : « L’Association de gestion du fonds de développement pour l’insertion professionnelle des handicapés, mentionnée à l’article L. 5214-1 du code du travail, délivre un certificat attestant la régularité de la situation de l’employeur au regard de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés prévue aux articles L. 5212-2 à L. 5212-5 du même code ». Enfin, aux termes de l’article 9 du règlement de consultation : « (...) Le marché ne pourra être attribué au titulaire provisoire que lorsque celui-ci aura produit au représentant du pouvoir adjudicateur les documents administratifs ci-dessus. Ce délai ne pourra être supérieur à 10 jours calendaires à compter de l’attribution du marché. »

13. Si la société LM Factory peut utilement se prévaloir des dispositions des articles 51

et 55 du décret du 25 mars 2016 susvisé, il résulte des pièces soumises au juge des référés que la société attributaire a fourni les attestations fiscales et sociales requises pour justifier qu’elle n’est pas concernée par l’une des causes d’exclusion des marchés publics. En particulier, la société attributaire a justifié avoir, conformément à l’article L. 5212-5 du code du travail, souscrit le 27 février 2018 la déclaration sociale annuelle relative à l’obligation d'emploi des travailleurs handicapés à l'association mentionnée à l'article L. 5214-1 qui assure la gestion de cette déclaration. Si la société Shorcut Events n’en a justifié que le 23 avril 2017, il résulte de l’instruction que le Centre des monuments nationaux, à la suite d’une erreur de droit, ne lui avait pas demandé cette attestation avant le 23 avril 2017. Or, ni les dispositions précitées du décret du 25 mars 2016, ni les stipulations de l’article 9 du règlement de consultation n’interdisent au pouvoir adjudicateur de solliciter de l’attributaire la production de documents justificatifs au delà du délai initialement prévu, sous réserve que la transmission intervienne avant la signature du marché. En outre, elles n’imposent pas au pouvoir adjudicateur de vérifier que le titulaire provisoire n’était pas concerné par l’une des causes d’exclusion des marchés publics avant d’informer les autres candidats du rejet de leurs offres. Dans ces conditions, dès lors que la société Shortcut Events a transmis, avant la signature du marché et dans le délai qui lui a été imparti par le Centre des monuments nationaux, l’ensemble des documents exigés, la date et les modalités de cette transmission sont sans incidence sur la régularité de la procédure. Par suite, la société requérante n’est pas fondée à soutenir que l’offre de la société Shortcut Events serait irrecevable et le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées des articles 51 et 55 du décret du 25 mars 2016 et des stipulations de l’article 9 du règlement de consultation doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de

non recevoir opposée par le Centre des monuments nationaux, la société LM Factory n’est pas fondée à demander l’annulation de la procédure de passation du marché en cause.

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Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice

administrative :

15. D’une part, les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge du Centre des monuments historiques qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par la société LM Factory. D’autre part, il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société requérante le versement au Centre des monuments historiques et à la société Shortcut Events de la somme qu’ils réclament sur le même fondement.

ORDONNE Article 1er : La requête de la société LM Factory est rejetée. Article 2 : Les conclusions du Centre des monuments nationaux et de la société Shortcut Events tendant à l’application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société LM Factory, à la société Shortcut Events et au Centre des monuments nationaux.

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TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PARIS

N°1706126/3-1 ___________

LIGUE DES DROITS DE L’HOMME ___________

Mme Alexandrine Naudin Rapporteur ___________

M. François Doré Rapporteur public ___________ Audience du 3 avril 2018 Lecture du 13 avril 2018 ___________

Sommaire

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Paris

(3ème Section - 1ère Chambre)

49-03 C+

Vu la procédure suivante : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 avril 2017 et le 25 avril 2017, La Ligue

des droits de l’homme, représentée par la SCP Spinosi et Sureau, demande au tribunal : 1°) d’annuler l’arrêté du 6 avril 2017 par lequel le préfet de police a autorisé les

officiers de police judiciaire à procéder à des contrôle d’identité, à l’inspection visuelle et la fouille des bagages ainsi qu’à la visite des véhicules dans les transports en commun de voyageurs par voie ferrée de Paris ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article

L. 761-1 du code de justice administrative. La Ligue des droits de l’homme soutient que : - elle a intérêt à agir à l’encontre de l’arrêté du 6 avril 2017 du préfet de police eu égard

à son objet statutaire ; - l’arrêté attaqué est entaché d’un défaut de base légale en ce qu’il est fondé sur l’article

8-1 de la loi du 3 avril 1955 ; - tant l’arrêté attaqué que l’article 8-1 de la loi du 3 avril 1955 portent une atteinte

disproportionnée et injustifiée au droit au respect de la vie privée garanti par l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à la liberté d’aller et venir garantie par l’article 2 du protocole n° 4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ils méconnaissent les articles 2 et 4 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen ;

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- les mesures prévues par l’arrêté attaqué sont manifestement excessives au regard des nécessités de l’ordre public et l’arrêté attaqué méconnaît à ce titre l’article 15 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- faute d’encadrement suffisant des mesures de contrôle d’identité, d’inspection visuelle et de fouilles qu’il prévoit, l’arrêté attaqué et l’article 8-1 de la loi du 3 avril 1955 ne font pas obstacle à la mise en œuvre de fouilles discriminatoires en violation de l’article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; ils méconnaissent à ce titre également l’article 1er de la Constitution et portent une atteinte disproportionnée au principe d’interdiction des discriminations et au droit au recours effectif.

Par un mémoire distinct, enregistré le 25 avril 2017, La Ligue des droits de l’homme,

représentée par la SCP Spinosi et Sureau, demande au tribunal, à l’appui de sa requête tendant à l’annulation de l’arrêté du 6 avril 2017 du préfet de police, de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité suivante :

« En édictant les dispositions de l’article 8-1 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, telles que modifiées par l’article 4 de la loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste, le législateur a-t-il, d’abord méconnu sa propre compétence en affectant des droits et libertés que la Constitution garantit, en l’occurrence la liberté d’aller et de venir, le droit au respect de la vie privée, le principe d’égalité devant la loi et le droit au recours effectif, en ce qu’il s’est abstenu de prévoir des garanties légales appropriées aux fins, d’une part, de conditionner le recours aux mesures de contrôle d’identité, d’inspection visuelle, de fouilles des bagages et de visite des véhicules à l’existence de circonstances et menaces particulières et, d’autre part, de permettre un contrôle juridictionnel effectif des mesures litigieuses et ensuite, porté une atteinte disproportionnée à ces mêmes droits et libertés ? ».

Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés

fondamentales et ses protocoles additionnels, - la loi n° 55-385 du 3 avril 1955, - la loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016, - la décision du conseil constitutionnel n° 2017-677 QPC du 1er décembre 2017, - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Naudin, - et les conclusions de M. Doré, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté du 6 avril 2017 dont la Ligue des droits de l’homme demande

l’annulation, le préfet de police a autorisé les officiers de police judiciaire et, sur l’ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints à procéder, le 7 avril 2017 entre 07h00 et 22h00, au contrôle d’identité de toute personne, quel que soit son comportement, selon les modalités prévues au premier alinéa de l’article 78-2 du code de procédure pénale, à l’inspection visuelle et à la fouille des bagages ainsi qu’à la visite

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des véhicules circulant, arrêtés ou stationnant sur la voie publique ou dans les lieux accessibles au public, sur les lignes, stations, gares, arrêts et couloirs des transports en commun de voyageurs par voie ferrée de Paris.

Sur la légalité de l’arrêté attaqué : 2. Aux termes de l’article 15 de la convention européenne de sauvegarde des droits de

l’homme et des libertés fondamentales intitulé « Dérogation en cas d’état d’urgence » : « 1. En cas de guerre ou en cas d’autre danger public menaçant la vie de la nation, toute Haute Partie contractante peut prendre des mesures dérogeant aux obligations prévues par la présente Convention, dans la stricte mesure où la situation l’exige et à la condition que ces mesures ne soient pas en contradiction avec les autres obligations découlant du droit international. 2. La disposition précédente n’autorise aucune dérogation à l’article 2, sauf pour le cas de décès résultant d’actes licites de guerre, et aux articles 3, 4 (paragraphe 1) et 7. 3. Toute Haute Partie contractante qui exerce ce droit de dérogation tient le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe pleinement informé des mesures prises et des motifs qui les ont inspirées. Elle doit également informer le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe de la date à laquelle ces mesures ont cessé d’être en vigueur et les dispositions de la Convention reçoivent de nouveau pleine application ». Aux termes de l’article 1er de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence : « L’état d’urgence peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain, des départements d’outre-mer, des collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie, soit en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, soit en cas d’événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ».

3. Lors de la ratification de la convention européenne de sauvegarde des droits de

l'homme et des libertés fondamentales, la France a émis une réserve, consignée dans l’instrument de ratification déposé le 3 mai 1974, selon laquelle la mise en œuvre de l’état d’urgence en France, en application de l’article 1er de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955, entre dans le cadre des dérogations permises en application de l’article 15 de la convention. Sur le fondement des stipulations de cet article, le Gouvernement français a, par une déclaration consignée dans une note verbale de la Représentation Permanente de la France, datée du 24 novembre 2015, enregistrée le 24 novembre 2015, informé le secrétaire général du Conseil de l’Europe des mesures prises au titre de l’état d’urgence et des motifs qui les ont inspirées. Le secrétaire général du Conseil de l’Europe en a pris acte. Cette déclaration a été renouvelée à plusieurs reprises et, en dernier lieu, le 21 décembre 2016, date à laquelle le Conseil de l’Europe l’a enregistrée. Dans ces conditions, il appartient à l’administration, sous le contrôle du juge administratif, de veiller à la proportionnalité des mesures dérogeant aux obligations prévues par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prises dans le cadre de l’état d’urgence, au regard des contraintes exigées par le maintien de l’ordre public pendant sa période de mise en application.

4. D’une part, aux termes de l’article 8-1 de la loi du 3 avril 1955 susvisée, dans sa rédaction issue de la loi du 21 juillet 2016 susvisée, dans les zones ayant fait l’objet d’une déclaration d’état d’urgence, « le préfet peut autoriser, par décision motivée, les agents mentionnés aux 2° à 4° de l'article 16 du code de procédure pénale et, sous leur responsabilité, ceux mentionnés à l'article 20 et aux 1°, 1° bis et 1° ter de l'article 21 du même code à procéder aux contrôles d'identité prévus au huitième alinéa de l'article 78-2 dudit code, à l'inspection visuelle et à la fouille des bagages ainsi qu'à la visite des véhicules circulant, arrêtés ou stationnant sur la voie publique ou dans des lieux accessibles au public. / La décision du préfet désigne les lieux concernés, qui doivent être précisément définis, ainsi que la durée de

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l'autorisation, qui ne peut excéder vingt-quatre heures. / Les trois derniers alinéas du II et les deux derniers alinéas du III de l'article 78-2-2 du même code sont applicables aux opérations conduites en application du présent article. / La décision du préfet mentionnée au premier alinéa du présent article est transmise sans délai au procureur de la République ».

5. D’autre part, aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des

droits de l’homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ». Aux termes de l’article 2 du protocole n° 4 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales reconnaissant certains droits et libertés autres que ceux figurant déjà dans la convention et dans le premier protocole additionnel à la convention : « 1. Quiconque se trouve régulièrement sur le territoire d'un Etat a le droit d'y circuler librement et d'y choisir librement sa résidence./ (…) 3. L'exercice de ces droits ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au maintien de l'ordre public, à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. / 4. Les droits reconnus au paragraphe 1 peuvent également, dans certaines zones déterminées, faire l'objet de restrictions qui, prévues par la loi, sont justifiées par l'intérêt public dans une société démocratique ».

6. En l’espèce, il ressort des termes mêmes de l’arrêté attaqué que le préfet de police a autorisé les officiers de police judiciaire et, sur l’ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints à procéder à l’exercice des contrôles en cause à l’égard de toute personne quel que soit son comportement et en tout lieu accessible au public dans les zones où s’applique l’état d’urgence et sans que les mesures de contrôle soient nécessairement justifiées par de circonstances particulières établissant le risque d’atteinte à l’ordre public dans les lieux en cause. Si l’arrêté attaqué est motivé par « la prégnance » et « le niveau élevé de la menace terroriste » et « la nécessité d’assurer, dans ces circonstances, la sécurité des personnes et des biens par des mesures adaptées au niveau élevé de la menace », il n’est pas établi que cet objectif ne pouvait être atteint par une mesure déterminant de façon précise les conditions d’intervention des contrôles en cause eu égard à la nature des menaces à l’ordre public susceptibles de naître dans les lieux concernés au sein des zones couvertes par l’état d’urgence. Par suite, la Ligue des droits de l’homme est fondée à soutenir qu’eu égard à la situation ayant justifié la mise en œuvre de l’état d’urgence en France, la décision attaquée, par son caractère général et impersonnel, porte une atteinte excessive aux droits et libertés garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au regard des nécessités de l’ordre public en méconnaissance des stipulations combinées de l’article 15 de cette convention, d’une part, et des stipulations de l’article 8 de la même convention et de l’article 2 du protocole n° 4 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d’autre part.

7. Dans ces conditions, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, la Ligue des droits de l’homme est fondée à demander l’annulation de l’arrêté du 6 avril 2017 .

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Sur frais liés au litige : 8. Aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les

instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ».

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat , partie

perdante dans la présente instance, une somme de 1 500 euros à verser à la Ligue des droits de l’homme sur le fondement des dispositions précitées.

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêté du préfet de police du 6 avril 2017 est annulé. Article 2 : L’Etat versera à la Ligue des droits de l’homme une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la Ligue des droits de l’homme et au ministre de l’intérieur. Copie en sera adressée au préfet de police.

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Page 139: Lettre du tribunal administratif de Paris

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PARIS

N°1704331 ; 1704613 ; 1704617 ; 1704678/3-1 ___________

M. J. D. et autres ___________

M. Stéphane Eustache Rapporteur ___________

M. François Doré Rapporteur public ___________ Audience du 28 mai 2018 Lecture du 11 juin 2018 ___________

49-04-01-01-01

C+

Sommaire

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le tribunal administratif de Paris

(3ème section – formation plénière)

Vu la procédure suivante : I. Par une requête n° 1704331, enregistrée le 14 mars 2017, M. J. D., représenté par la

SCP Celice, Soltner, Texidor et Perier, demande au tribunal : 1°) d’annuler l’arrêté n° 2017-P-0007 du 14 janvier 2017 par lequel la maire de Paris et

le préfet de police ont instauré une zone à circulation restreinte dans la commune de Paris pour une durée de cinq ans ;

2°) de mettre à la charge de l’État et de la ville de Paris une somme de 4 000 euros au

titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - l’arrêté attaqué est insuffisamment motivé ; - il porte une atteinte disproportionnée au droit de propriété, à la liberté d’entreprendre,

à la liberté du commerce et de l’industrie, ainsi qu’à la liberté d’aller et de venir ; - il méconnaît le principe d’égalité ; - il méconnaît la directive n° 2015-1535 du 9 septembre 2015. Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mai 2017, le préfet de police conclut au

rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Page 140: Lettre du tribunal administratif de Paris

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2017, la ville de Paris, représentée par Me Falala, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 2 000 euros soit mise à la charge du requérant au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que : - le requérant ne justifie que partiellement de son intérêt pour agir ; - les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. II. Par une requête n° 1704613 et des mémoires, enregistrés le 16 mars 2017, le

21 décembre 2017, le 20 avril 2018 et le 27 avril 2018, l’Union pour la défense de l’égalité et de la liberté de circuler motorisé (UDELCIM), M. M. R. et M. F. V. , représentés par Me Tabet, demandent au tribunal dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d’annuler l’arrêté n° 2017-P-0007 du 14 janvier 2017 par lequel la maire de Paris et

le préfet de police ont instauré une zone à circulation restreinte dans la commune de Paris pour une durée de cinq ans ;

2°) d’enjoindre à la maire de Paris de publier, à ses frais et dans la limite de 1 000 euros

par insertion, le dispositif du jugement à intervenir dans trois journaux et magazines au choix de l’association ;

3°) de mettre les entiers dépens à la charge de la ville de Paris ; 4°) de mettre solidairement à la charge de la ville de Paris et de l’État au titre de

l’article L. 761-1 du code de justice administrative une somme de 10 000 euros au bénéfice de l’UDELCIM, de 600 euros au bénéfice de M. R. , ainsi que de 500 euros au bénéfice de M. V.

Ils soutiennent que : - l’arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente ; - il est entaché d’un défaut de motivation ; - la consultation du public est irrégulière ; - le conseil régional d’Ile-de-France et le GART n’ont pas été consultés ; - l’étude joint au projet d’arrêté est lacunaire ; il est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation ; - il méconnaît le principe d’égalité des usagers du domaine public ; - il méconnaît la liberté d’aller et de venir et le droit de propriété. Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2017, le préfet de police conclut au rejet

de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 20 avril 2018, la maire de Paris conclut au

rejet de la requête et à ce qu’une somme de 2 000 euros soit mise à la charge des requérants. Elle fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

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Un mémoire a été enregistré le 17 mai 2018 pour la maire de Paris. Vu les autres pièces du dossier. III. Par une requête n° 1704617 et des mémoires, enregistrés le 16 mars 2017, le 9 juin

2017 et le 20 décembre 2017, la Fédération française des automobilistes citoyens (FFAC), représentée par Me Costantini, demande au tribunal dans le dernier état de ses écritures :

1°) d’annuler l’arrêté n° 2017-P-0007 du 14 janvier 2017 par lequel la maire de Paris et

le préfet de police ont instauré une zone à circulation restreinte dans la commune de Paris pour une durée de cinq ans, à l’exception de son article 6 portant abrogation de l’arrêté n° 2016-P-0114 de la maire de Paris et du préfet de police du 24 juin 2016 ;

2°) d’enjoindre à la maire de Paris et au préfet de police de retirer, à leurs frais

exclusifs, l’ensemble des panneaux matérialisant la zone de circulation restreinte dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre solidairement à la charge de la ville de Paris et de l’Etat une somme de 1

500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l’arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente ; - la consultation du public est irrégulière ; - l’étude jointe au projet d’arrêté est lacunaire ; - il méconnaît l’article L. 2213-4-1 du code général des collectivités territoriales ; - il méconnaît l’article R. 2213-1-0-1 du code général des collectivités territoriales ; - il porte une atteinte injustifiée et disproportionnée au droit de propriété et à la liberté

d’aller et de venir. Par un mémoire en défense, enregistré le 5 mai 2017, le préfet de police conclut au rejet

de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés. Par des mémoires en défense, enregistrés le 6 novembre 2017 et le 16 février 2018, la

ville de Paris, représentée par Me Falala, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que : - la requérante ne justifie pas de son intérêt pour agir ; - les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. IV. Par une requête n° 1704678 et un mémoire, enregistrés le 18 mars 2017 et le

8 janvier 2018, la Fédération française des motards en colère Paris Petite couronne (FFMC PPC),

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M. A. B. et Mme M-J. T., représentés par Me Imbault, demandent au tribunal dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d’annuler l’arrêté n° 2017-P-0007 du 14 janvier 2017 par lequel la maire de Paris et

le préfet de police ont instauré une zone à circulation restreinte dans la commune de Paris pour une durée de cinq ans ;

2°) de mettre à la charge de la ville de Paris et de l’État une somme de 3 000 euros au

titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - la consultation du public est irrégulière ; - l’étude jointe au projet d’arrêté est lacunaire ; - l’arrêté attaqué méconnaît l’article L. 2213-4-1 du code général des collectivités

territoriales ; - il méconnaît l’article R. 2213-1-0-1 du code général des collectivités territoriales ; - il méconnaît le principe d’égalité devant les charges publiques ; - il est entaché d’une erreur de fait ; - il porte une atteinte disproportionnée au droit de propriété ;et la liberté d’aller et de

venir. Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2017, le préfet de police conclut

au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 8 janvier 2018, la ville de Paris, représentée

par Me Falala, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 2 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que : - la requête est irrecevable, faute de comporter l’énoncé de moyens ; - les requérants ne justifient pas leur intérêt pour agir ; - l’association ne justifie pas sa qualité pour agir ; - à titre subsidiaire, elle s’approprie les conclusions présentées par le préfet de police. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés

fondamentales ; - la directive 70/220/CEE du 20 mars 1970 modifiée, - la directive 2008/50/CE du 21 mai 2008, - la directive (UE) 2015/1535 du 9 septembre 2015, - le code général des collectivités territoriales, - le code de l’environnement, - le code de la route, - la loi n° 2015-992 du 17 août 2015, - l’ordonnance n° 2016-1058 du 3 août 2016,

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- l’arrêté du 18 juin 1991 relatif à la mise en place et à l'organisation du contrôle technique des véhicules dont le poids n'excède pas 3,5 tonnes,

- l’arrêté du 9 février 2009 du ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire,

- l'arrêté du 15 mai 2013 visant les conditions d'installation et de réception des dispositifs de post-équipement permettant de réduire les émissions de polluants des véhicules en service,

- l’arrêté du 21 juin 2016 du ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, du ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales et du ministre de l’intérieur,

- le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique : - le rapport de M. Eustache, - les conclusions de M. Doré, - et les observations de Me Perier, représentant M. D., de Me Tabet, représentant

l’Union pour la défense de l’égalité et de la liberté de circuler motorisé, M. R. et M. V. , de Me Costantini, représentant la Fédération française des automobilistes citoyens, de Me Imbault, représentant la Fédération française des motards en colère Paris Petite couronne, M. B. et Mme T., ainsi que de Me Falala, représentant la ville de Paris.

Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté n° 2017-P-0007 du 14 janvier 2017, la maire de Paris et le préfet de

police ont instauré une zone à circulation restreinte dans la commune de Paris. Par les requêtes n° 1704331, 174613, 174617 et 174678 visées ci-dessus, qu’il y a lieu de joindre, les requérants demandent l’annulation de cet arrêté.

I. Sur la compétence et la motivation : 2. Aux termes du I de l’article L. 2213-4-1 du code général des collectivités territoriales,

créé par l’article 48 de la loi du 17 août 2015 visée ci-dessus : « Pour lutter contre la pollution atmosphérique, des zones à circulation restreinte peuvent être créées (…), par le maire (…), sur tout ou partie du territoire de la commune (…). ». Aux termes de l’article L. 2512-14 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : « Les pouvoirs conférés au maire par le premier alinéa de l'article L. 2213-1 et par les articles L. 2213-2 à L. 2213-6 sont, à Paris, exercés par le maire de Paris sous réserve des dispositions ci-après. / Pour les motifs d'ordre public ou liés à la sécurité des personnes et des biens ou pour assurer la protection du siège des institutions de la République et des représentations diplomatiques, le préfet de police détermine, de façon permanente ou temporaire, des sites où il réglemente les conditions de circulation et de stationnement dans certaines voies ou portions de voies, ou en réserve l'accès à certaines catégories d'usagers ou de véhicules ». Aux termes de l’article L. 2511-27 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : « Le maire de la commune peut donner sous sa surveillance et sa responsabilité, par arrêté, délégation de signature au directeur général des services de la mairie et aux responsables de services communaux ».

3. En premier lieu, les mesures litigieuses prises en application des dispositions

précitées ne s’appliquent qu’à l’intérieur de la commune de Paris et n’ont ni pour objet, ni pour

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effet d’instaurer des interdictions de circulation en dehors de cette commune. Par suite, en édictant l’arrêté attaqué, la maire de Paris et le préfet de police n’ont pas méconnu l’étendue de leur compétence. Dès lors, le moyen tiré d’un vice d’incompétence doit être écarté.

4. En deuxième lieu, l’arrêté attaqué a été signé par M. Didier Bailly, directeur général

de la voirie et des déplacements, et M. Jean Benet, directeur des transports et de la protection du public. D’une part, par un arrêté du 24 juillet 2014, régulièrement publié le 25 juillet 2014 au bulletin municipal officiel de la ville de Paris, la maire de Paris a nommé M. Didier Bailly directeur général de la voirie et des déplacements. Par un arrêté du 15 juin 2016, régulièrement publié le 31 juillet 2016 au bulletin municipal officiel de la ville de Paris, la maire de Paris a donné délégation, sur le fondement des dispositions précitées de l’article L. 2511-27 du code général des collectivités territoriales, à M. Didier Bailly, directeur général de la voirie et des déplacements, à l’effet de signer tous arrêtés, actes et décisions préparés par les services placés sous son autorité, dans la limite de ses attributions, parmi lesquelles figurent la définition et la mise en œuvre de la politique des déplacements, en vertu d’un arrêté du 4 juillet 2014 de la mairie de Paris, régulièrement publié le 8 juillet 2014 au bulletin municipal officiel de la ville de Paris. D’autre part, par un arrêté du 20 décembre 2016, régulièrement publié le 21 décembre 2016 au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris, le préfet de police a donné délégation à M. Jean Benet, directeur des transports et de la protection du public, à l’effet de signer tous arrêtés, actes et décisions nécessaires à l’exercice de ses missions, parmi lesquelles figure la police de la circulation, en vertu d’un arrêté du 30 juin 2016 du préfet de police, régulièrement publié le 8 juillet 2016 au bulletin municipal officiel de la ville de Paris. Par suite, le moyen tiré de l’incompétence des signataires de l’arrêté attaqué doit être écarté.

5. En troisième lieu, l’arrêté attaqué comporte l’énoncé des considérations de droit et de

fait qui en constituent son fondement et, notamment, des éléments relatifs aux émissions de polluants atmosphériques à Paris et à la part du trafic routier dans ses émissions. Par suite et en tout état de cause, le moyen tiré d’un défaut de motivation doit être écarté.

II. Sur les procédures de consultation : 6. En premier lieu, au terme du III de l’article L. 2213-4-1 du code général des

collectivités territoriales, le projet d’arrêté est « accompagné d'une étude présentant l'objet des mesures de restriction, justifiant leur nécessité et exposant les bénéfices environnementaux et sanitaires attendus de leur mise en œuvre, notamment en termes d'amélioration de la qualité de l'air et de diminution de l'exposition de la population à la pollution atmosphérique. (…) ». L’article R. 2213-1-0-1 du même code dispose que « L'étude justifiant la création d'une zone à circulation restreinte telle que mentionnée au III de l'article L. 2213-4-1 comporte notamment un résumé non technique, une description de l'état initial de la qualité de l'air sur la zone concernée ainsi qu'une évaluation : / 1° De la population concernée par les dépassements ou le risque de dépassement des normes de qualité de l'air ; / 2° Des émissions de polluants atmosphériques dues au transport routier sur la zone concernée ; / 3° De la proportion de véhicules concernés par les restrictions et, le cas échéant, les dérogations prévues ; / 4° Des réductions des émissions de polluants atmosphériques attendues par la création de la zone à circulation restreinte (…) ».

7. En l’espèce, l’étude réalisée en octobre 2016 par l’association AirParif, qui a été

rendue publique et qui accompagnait le projet d’arrêté litigieux, comporte une évaluation, d’une part, de la population exposée à des niveaux excessifs de pollution, d’autre part, des émissions liées au trafic routier et, enfin, de l’impact de la création d’une zone à circulation restreinte sur ces émissions. Ces évaluations, qui sont suffisamment précises et circonstanciées, satisfont aux

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exigences des dispositions précitées de l’article R. 2213-1-0-1 du code général des collectivités territoriales et permettent ainsi d’exposer les bénéfices environnementaux et sanitaires attendus des mesures litigieuses, conformément aux dispositions précitées de l’article L. 2213-4-1 du même code. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions législatives doit être écarté.

8. En deuxième lieu, aux termes du III de l’article L. 2213-4-1 du code général des

collectivités territoriales, le projet d’arrêté, accompagné de l’étude mentionnée aux points précédents « est soumis pour avis, par l'autorité compétente, aux autorités organisatrices de la mobilité dans les zones et dans leurs abords, aux conseils municipaux des communes limitrophes, aux gestionnaires de voirie, ainsi qu'aux chambres consulaires concernées. A l'expiration d'un délai fixé par le décret prévu au V du présent article, cet avis est réputé favorable. (…)».

9. En application de ces dispositions, les auteurs de l’arrêté attaqué n’étaient pas tenus

de recueillir l’avis du conseil régional d’Ile-de-France, ni l’association dénommée « Groupement des autorités responsables de transport ». En outre, les personnes consultées ont pu régulièrement se prononcer d’une manière favorable par des avis implicites. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du III de l’article L. 2213-4-1 du code général des collectivités territoriales doit être écarté.

10. En troisième lieu, pour définir les modalités de consultation du public, le III de

l’article L. 2213-4-1 du code général des collectivités territoriales, créé par l’article 48 de la loi du 17 août 2015 visée ci-dessus, renvoie à l’article L. 122-8 du code de l’environnement, lequel s’appliquait, à la date de ce renvoi, aux projet de plan, de schéma, de programme et d’autres documents de planification, qui nécessitent une évaluation environnementale, mais qui ne sont pas soumis à une enquête publique ou à une autre forme de consultation du public par le code de l’environnement ou par des dispositions législatives spécifiques. Toutefois, en vertu du 13° de l’article 1er de l’ordonnance du 3 août 2016 visée ci-dessus, l’article L. 122-8 du code de l’environnement a été abrogé et l’article L. 122-9 du même code, qui porte sur la transmission à l’Etat membre de l’Union européenne concerné des projets de plan ou de programmes dont la mise en œuvre est susceptible de produire des effets notables sur son environnement, est devenu le nouvel article L. 122-8 du code de l’environnement. Dès lors, par l’effet de cette substitution, les auteurs de l’arrêté attaqué n’étaient pas tenus de faire application de ce nouvel article L. 122-8 du code de l’environnement. Pour satisfaire à l’obligation de consultation du public, prévue par le III de l’article L. 2213-4-1 du code général des collectivités territoriales, les auteurs de l’arrêté attaqué ont pu légalement faire application des dispositions de l’article L. 120-1 du code de l’environnement, qui ont été transférées à l’article L. 123-19-1 du même code par l’article 2 de l’ordonnance du 3 août 2016 visée ci-dessus.

11. Aux termes du II l’article L. 120-1 du code de l’environnement, transféré à l’article

L. 123-19-1 du même code : « Sous réserve des dispositions de l'article L. 123-19-6, le projet d'une décision mentionnée au I, accompagné d'une note de présentation précisant notamment le contexte et les objectifs de ce projet, est mis à disposition du public par voie électronique et, sur demande présentée dans des conditions prévues par décret, mis en consultation sur support papier dans les préfectures et les sous-préfectures en ce qui concerne les décisions des autorités de l'Etat, y compris les autorités administratives indépendantes, et des établissements publics de l'Etat, ou au siège de l'autorité en ce qui concerne les décisions des autres autorités. (…) / (…) / Le projet de décision ne peut être définitivement adopté avant l'expiration d'un délai permettant la prise en considération des observations et propositions déposées par le public et la rédaction d'une synthèse de ces observations et propositions. Sauf en cas d'absence d'observations et

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propositions, ce délai ne peut être inférieur à quatre jours à compter de la date de la clôture de la consultation. / (…) / Au plus tard à la date de la publication de la décision et pendant une durée minimale de trois mois, l'autorité administrative qui a pris la décision rend publics, par voie électronique, la synthèse des observations et propositions du public avec l'indication de celles dont il a été tenu compte, les observations et propositions déposées par voie électronique ainsi que, dans un document séparé, les motifs de la décision ».

12. En l’espèce, il est constant que la consultation du public a été clôturée le 10 janvier

2017. En application des dispositions précitées, le délai minimal permettant de prendre en considération les observations et propositions déposées par le public et d’en rédiger une synthèse, qui ne revêt pas un caractère franc, a expiré le 14 janvier 2017 à 24 heures. Dès lors, l’arrêté attaqué, pris le 14 janvier 2017, a été édicté avant l’expiration de ce délai et a méconnu, dans cette mesure, les dispositions précitées du code de l’environnement.

13. Toutefois, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et

conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie.

14. Il ressort des pièces du dossier et, notamment, du recueil établi en janvier 2017 que

si plus de 2 000 observations et propositions ont été déposées par le public, certaines d’entre elles ne portaient pas sur la création d’une zone à circulation restreinte, tandis que les autres relevaient d’un nombre restreint de thématiques ou étaient rédigées en des termes généraux. Il ressort en outre des pièces du dossier que les auteurs de l’arrêté attaqué ont pris en considération, au cours de la procédure de consultation et sans attendre sa clôture, les observations et propositions déposées par le public, notamment par voie électronique. Enfin, ainsi qu’il a été dit au point 7, le public a été régulièrement informé du projet de création d’une zone à circulation restreinte et, par ailleurs, il est constant que le délai dont il a bénéficié pour s’exprimer respectait les exigences des dispositions précitées du code de l’environnement. Dans ces conditions, la seule circonstance que l’arrêté litigieux a été pris prématurément, un jour trop tôt, au regard du délai de quatre jours prévu par les dispositions précitées du code de l’environnement n’a pas été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise, ni de priver les intéressés d’une garantie. Par suite, une telle circonstance n’est pas de nature à entacher d’illégalité l’arrêté attaqué.

III. Sur l’application de la directive (UE) 2015/1535 du 9 septembre 2015 : 15. Aux termes de l’article 1er de la directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et

du Conseil du 9 septembre 2015 prévoyant une procédure d’information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information, constitue une « règle technique », « une spécification technique ou autre exigence ou une règle relative aux services, (…) ». Aux termes du même article, constitue une « spécification technique », « une spécification qui figure dans un document définissant les caractéristiques requises d'un produit, telles que les niveaux de qualité ou de propriété d'emploi, la sécurité, les dimensions, y compris les exigences applicables au produit en ce qui concerne la dénomination de vente, la terminologie, les symboles, les essais et les méthodes d'essai, l'emballage, le marquage et l'étiquetage, ainsi que les procédures d'évaluation de la conformité ». Aux termes du même article, constitue une « autre exigence », « une exigence, autre qu'une spécification technique, imposée à l'égard d'un produit pour des motifs de protection, notamment des

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consommateurs ou de l'environnement, et visant son cycle de vie après mise sur le marché, telle que ses conditions d'utilisation, de recyclage, de réemploi ou d'élimination lorsque ces conditions peuvent influencer de manière significative la composition ou la nature du produit ou sa commercialisation ».

16. En l’espèce, eu égard à leur objet, les mesures de police litigieuses ne sauraient être

qualifiées de « spécification technique » ou de « règle relative aux services » au sens des dispositions précitées de la directive (UE) 2015/1535. Par ailleurs, ces mesures, qui ne sont appliquées que durant certaines périodes horaires et certains jours au sein de la seule commune de Paris, à l’exception de certaines voies, ne sauraient, par leur champ d’application et leur portée, influencer de manière significative la commercialisation des véhicules concernés. Dès lors, elles ne sauraient être qualifiées d’ « autres exigences » au sens des dispositions précitées de la directive (UE) 2015/1535. Il résulte de ce qui précède que les mesures attaquées ne peuvent être qualifiées de « règle technique » au sens de l’article 1er de la directive (UE) 2015/1535. Par suite, les requérants ne peuvent invoquer utilement dans la présente instance les dispositions de cette directive et le moyen tiré de leur méconnaissance doit être écarté comme inopérant.

IV. Sur le caractère adapté, nécessaire et proportionné des mesures de police : 17. Aux termes du II de l’article L. 2213-4-1 du code général des collectivités

territoriales, créé par l’article 48 de la loi du 17 août 2015 visée ci-dessus : « Les zones à circulation restreinte sont délimitées par un arrêté qui fixe les mesures de restriction de circulation applicables et détermine les catégories de véhicules concernés. (…) Les véhicules circulant dans une zone à circulation restreinte font l'objet de l'identification fondée sur leur contribution à la limitation de la pollution atmosphérique prévue à l'article L. 318-1 du code de la route. / L'arrêté précise la durée pour laquelle les zones à circulation restreinte sont créées. (…)».

18. Aux termes de l’article 1er de l’arrêté attaqué : « Une zone à circulation restreinte

est créée pour une durée de 5 ans sur l’ensemble des voies de la commune de Paris, à l’exception de celles listées en annexe du présent arrêté. / La circulation y est interdite pour les catégories de véhicules « non classés » suivantes, conformément à la classification établie par l’arrêté du 21 juin 2016 susvisé : / - deux roues, tricycles et quadricycles à moteur « non classés », du lundi au vendredi de 8h à 20h, exceptés les jours fériés ; / - voitures « non classées » du lundi au vendredi de 8h à 20h, exceptés les jours fériés ; / - véhicules utilitaires légers « non classés » du lundi au vendredi de 8h à 20h, exceptés les jours fériés ; / - poids lourds, autobus et autocars « non classés », tous les jours de 8h à 20h. / Cette interdiction est étendue à compter du 1er juillet 2017 aux véhicules de catégorie 5 suivantes, conformément à la classification établie par l’arrêté du 21 juin 2016 susvisé : / - voitures de catégorie 5 du lundi au vendredi de 8h à 20h, exceptés les jours fériés ; / - véhicules utilitaires légers de catégorie 5 du lundi au vendredi de 8h à 20h, exceptés les jours fériés ; / - poids lourds, autobus et autocars de catégorie 5, tous les jours de 8h à 20h ».

19. Il ressort des pièces du dossier et, notamment, de l’étude réalisée en mai 2016 par

l’association AirParif qu’en région Ile-de-France, le trafic routier est l’une des principales causes des émissions de polluants atmosphériques et qu’à cet égard, il contribue aux émissions de carbone suie à hauteur de 66%, d’oxyde d’azote à hauteur de 56%, d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) à hauteur de 50%, de particules PM1 à hauteur de 37%, de particulier PM 2.5 à hauteur de 35% et de particules PM 10 à hauteur de 28%. Le trafic routier est ainsi, en Ile-de-France, le premier contributeur aux émissions de particules PM 10 et d’oxyde d’azote, en ce compris de dioxyde d’azote, et il est le deuxième contributeur aux émissions de particules PM

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2.5, alors que les concentrations de ces polluants dépassent dans cette région les valeurs limites fixées par la directive 2008/50/CE visée ci-dessus. Ces analyses sont confirmées par une étude réalisée en octobre 2016 par la même association, laquelle présente en outre les effets bénéfiques escomptés des interdictions litigieuses, consistant en une accélération du renouvellement « naturel » du parc automobile et en une réduction directe de la pollution atmosphérique parisienne.

20. L’interdiction de circuler prévue à l’article 1er de l’arrêté attaqué s’applique à des

véhicules « non classés » et, en outre, à compter du 1er juillet 2017, à des véhicules de « catégorie 5 ». Ces catégories de véhicules sont définies selon la nomenclature établie par l’arrêté du 21 juin 2016 visé ci-dessus en fonction du niveau d’émission de polluants atmosphériques locaux des véhicules, en tenant compte de leur catégorie, leur motorisation et de la norme européenne d’émission de polluants atmosphériques, dite norme Euro, qui figure sur le certificat d’immatriculation ou, à défaut, en tenant compte de leur date de première immatriculation. En application de cette nomenclature, les véhicules « non classés » auxquels s’applique l’arrêté attaqué sont, d’une part, les deux roues, tricycles et quadricycles à moteur dont le certificat d’immatriculation ne comporte pas de norme Euro, d’autre part, les voitures et les véhicules utilitaires légers à moteur diesel et essence de normes Euro 1 et antérieures et, enfin, les poids lourds, autobus et autocar à moteur diesel et essence de normes Euro I, II et antérieures. En outre, en application de cette même nomenclature, les véhicules de classe 5 auxquels s’applique l’arrêté attaqué sont les voitures et les véhicules utilitaires à moteur diesel de norme Euro 2, ainsi que les poids lourds, autobus et autocar à moteur diesel de norme III.

21. En vertu de la directive 70/220/CEE du 20 mars 1970 modifiée, concernant le

rapprochement des législations des Etats membres relatives aux mesures à prendre contre la pollution de l’air par les gaz provenant des moteurs à allumage commandé équipant les véhicules à moteur, ainsi que du règlement 715/2007 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2007 relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5 et Euro 6), les normes Euro successives fixent, de manière décroissante, des valeurs limites d’émissions de monoxyde de carbone, d’hydrocarbures, d’oxydes d’azote et de particules polluantes pour la réception européenne des véhicules routiers à moteur, à essence ou diesel selon les types de polluants. Il en résulte que plus la norme Euro à laquelle répond un véhicule à moteur est récente et d’un rang élevé, plus le niveau d’émission de polluants atmosphériques de ce véhicule est bas. Par suite, les auteurs de l’arrêté attaqué ont pu se référer aux normes Euro 1, 2 et 3 et aux normes antérieures à celles-ci pour identifier, selon leurs catégories, les véhicules à moteur qui contribuent à la pollution atmosphérique à Paris.

22. Dans l’hypothèse où un véhicule particulier présenterait un niveau effectif

d’émission de polluants atmosphériques inférieur à celui découlant de la norme Euro figurant sur son certification d’immatriculation, l’arrêté attaqué ne ferait pas obstacle à ce que l’intéressé fasse valoir auprès des autorités compétentes que son véhicule répond à une norme Euro lui permettant de ne pas être soumis aux interdictions litigieuses. A cet égard, l’article 3 de l’arrêté du 21 juin 2016, auquel se réfère l’arrêté attaqué, prévoit qu’un véhicule équipé d’un dispositif de traitement des émissions polluantes installé postérieurement à sa première mise en circulation peut être classé dans une classe supérieure dans les conditions prévues par l’arrêté du 15 mai 2013 visant les conditions d'installation et de réception des dispositifs de post-équipement permettant de réduire les émissions de polluants des véhicules en service.

23. De plus, si l’arrêté attaqué ne s’applique pas seulement aux véhicules équipés d’un

moteur diesel, mais aussi à ceux dotés d’un moteur à essence, il ressort des pièces du dossier et,

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notamment, de l’étude d’AirParif mentionnée ci-dessus que ces derniers véhicules, en ce compris les deux roues à moteur, contribuent eux aussi à la pollution atmosphérique à Paris.

24. Enfin, les interdictions litigieuses ne s’appliquent aux véhicules « non classés » et, à

compter du 1er juillet 2017, de « catégorie 5 » que du lundi au vendredi, de 8 heures à 20 heures, à l’exception des jours fériés – cette exception ne bénéficiant toutefois pas aux poids lourds, autobus et autocars. Elles ne s’appliquent pas en outre sur certaines voies parisiennes et, notamment, les boulevards périphériques. Compte tenu de ces critères et des dérogations prévues aux articles 2 à 4 de l’arrêté attaqué, il ressort des données statistiques du dossier de consultation du projet de création d’une zone à circulation restreinte à Paris, qui ne sont pas sérieusement contestées, que les interdictions de circulation concerneront, au 1er juillet 2017, 7,3% des véhicules particuliers parisiens, 8,7% des véhicules utilitaires légers parisiens et entre 10 et 15% des deux roues motorisés parisiens. En dernier lieu, il ne résulte pas de l’instruction que les périodes d’interdiction rendraient impossible la circulation des véhicules concernés, aux fins de les réparer ou de les entretenir dans des garages appropriés.

25. Il résulte de ce qui précède que les mesures de police contestées contribuent à la

lutte contre la pollution atmosphérique et reposent sur des critères objectifs et adaptés à la poursuite de cette finalité d’intérêt général. Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que l’arrêté attaqué méconnaîtrait les dispositions précitées de l’article L. 2213-4-1 du code général des collectivités territoriales. Par ailleurs, compte tenu de leur champ d’application et des finalités poursuivies, ces mesures ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété, à la liberté du commerce et de l’industrie, à la liberté d’entreprendre, ainsi qu’à la liberté d’aller et de venir des personnes concernées. Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, les moyens tirés d’une erreur de fait et d’une erreur manifeste d’appréciation doivent être écartés.

V. Sur le principe d’égalité : 26. Le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que l’autorité investie du pouvoir

réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’elle déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un comme l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la norme qui l’établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.

27. Aux termes du V de l’article L. 2213-4-1 du code général des collectivités

territoriales : « Après consultation des représentants des catégories professionnelles concernées, un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent article, notamment les catégories de véhicules, y compris de transport collectif de personnes, dont la circulation dans une zone à circulation restreinte ne peut être interdite, ainsi que les modalités selon lesquelles des dérogations individuelles aux mesures de restriction peuvent être accordées ». Aux termes de l’article R. 2213-1-0-1 du même code : « (…) Les restrictions de circulation peuvent être différenciées en fonction de la nature et de l'usage des véhicules. / L'accès à la zone à circulation restreinte ne peut être interdit : / 1° Aux véhicules d'intérêt général au sens de l'article R. 311-1 du code de la route ; / 2° Aux véhicules du ministère de la défense ; / 3° Aux véhicules portant une carte de stationnement pour personnes handicapées prévue par l'article L. 241-3-2 du code de l'action sociale et des familles ; / 4° Aux véhicules de transport en commun de personnes à faibles émissions au sens de l'article L. 224-8 du code de l'environnement. /Les dérogations individuelles aux mesures de restriction prévues au V de l'article L. 2213-4-1 peuvent être accordées, sur demande motivée des intéressés, par le maire ou par le président de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre lorsque celui-ci dispose

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du pouvoir de police de la circulation. Cette autorité délivre un justificatif précisant les conditions de validité de la dérogation, le périmètre sur lequel elle s'applique et sa durée de validité, laquelle ne peut excéder trois ans. / L'arrêté créant la zone à circulation restreinte précise : / 1° La procédure et les motifs de délivrance et de retrait des dérogations ; / 2° Les conditions dans lesquelles le justificatif de la dérogation est rendu visible ou tenu à la disposition des agents chargés des contrôles ».

28. Aux termes de l’article 2 de l’arrêté attaqué : « La mesure instaurée à l’article 1er ne

s’applique pas : / - aux véhicules d’intérêt général prioritaire tels que définis au 6.5 de l’article R. 311-1 susvisé ; / - aux véhicules d’intérêt général bénéficiant de facilités de passage tels que définis au 6.6 de l’article R. 311-1 susvisé ; / - aux véhicules du ministère de la défense ; / - aux véhicules portant une carte de stationnement pour personnes handicapées prévue par l’article L. 241-3-2 du code de l’action sociale et des familles; / - aux véhicules de transport en commun de personnes à faibles émissions au sens de l’article L. 224-8 du code de l’environnement ».

29. Aux termes de l’article 3 de l’arrêté attaqué : « La mesure instaurée à l’article 1er ne

s’applique pas, pour une durée de trois ans à compter de la date d’entrée en vigueur du présent arrêté : / - aux véhicules affectés aux associations agréées de sécurité civile, dans le cadre de leurs missions ; / - aux véhicules des professionnels effectuant des opérations de déménagement munis d’une autorisation délivrée par la Mairie de Paris ou la préfecture de police ; / - aux véhicules d’approvisionnement des marchés parisiens, munis d’une habilitation délivrée par la Mairie de Paris, pour l’approvisionnement de ceux-ci ; / - aux véhicules frigorifiques dont le certificat d’immatriculation porte la mention FG TD ; / - aux véhicules citernes dont le certificat d’immatriculation porte la mention CIT; / - aux véhicules spécialisés non affectés au transport de marchandises tel que définis à l’annexe 5 de l’arrêté du 9 février 2009 susvisé, portant la mention VASP sur le certificat d’immatriculation ou VTSU sur la carte grise, à l’exception des autocaravanes ; / - aux convois exceptionnels (cf. article R433-1 du code la route) munis d’une autorisation préfectorale ; / - aux véhicules dont le certificat d’immatriculation porte la mention « collection » ; / - aux véhicules de plus de 30 ans d’âge, utilisés dans le cadre d’une activité commerciale à caractère touristique, sous réserve de l’obtention d’une dérogation délivrée par la Ville de Paris selon les modalités définies à l’article 5 du présent arrêté ».

30. Aux termes de l’article 4 de l’arrêté attaqué : « Des dérogations individuelles à

caractère temporaire peuvent être délivrées selon les modalités définies à l’article 5 du présent arrêté : / - aux véhicules utilisés dans le cadre d’événements ou de manifestations de voie publique de type festif, économique, sportif ou culturel, faisant l’objet d’une autorisation d’utilisation du domaine public ; / - aux véhicules affectés à un service public, dans le cadre d’interventions ponctuelles ; / - aux véhicules utilisés dans le cadre de tournages faisant l’objet d’une autorisation ».

Sur les véhicules de « collection » : 31. En premier lieu, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir des dispositions du

III de l’article 98 A de l’annexe III du code général des impôts et des textes pris pour leur application, dès lors que ces dispositions n’ont pas trait aux véhicules dont le certificat d’immatriculation porte la mention « collection » selon les critères de l’arrêté ministériel du 9 février 2009 dans sa rédaction applicable au présent litige, que vise l’arrêté attaqué, mais aux véhicules qualifiables d’« objet de collection », en vertu de critères différents.

32. En second lieu, en vertu du I du paragraphe 4.E de l’article 4 de l’arrêté ministériel

du 9 février 2009 relatif aux modalités d’immatriculation des véhicules, dans sa rédaction

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applicable au présent litige, un certificat d’immatriculation portant la mention « collection » peut être délivré pour les véhicules de plus de trente ans et qui ne peuvent faire l’objet d’une réception nationale avant leur mise en circulation. En vertu de l’annexe n°9 du même arrêté, l’utilisation de tels véhicules aux fins de transport de marchandises ou de transport en commun de personnes n’est autorisée qu’à titre exceptionnel sur le lieu même d’une manifestation à caractère historique ou commémoratif. En outre, selon l’article 4 de l’arrêté du 18 juin 1991 visé ci-dessus, relatif à la mise en place et à l’organisation du contrôle technique des véhicules dont le poids n’excède pas 3,5 tonnes, le contrôle technique périodique favorable est, à titre dérogatoire, pour les véhicules dont le certificat d’immatriculation porte la mention « collection », d’une durée de validité de cinq ans. Par suite, les utilisateurs d’un véhicule de « collection » au sens de l’arrêté attaqué ne se trouvent pas dans la même situation que les utilisateurs d’autres véhicules, y compris ceux de plus de vingt ou trente ans, ou encore ceux qualifiables d’objet de collection en application du code général des impôts. En outre, comme le fait valoir la maire de Paris sans être sérieusement contredite, les véhicules dont le certificat d’immatriculation porte la mention « collection » font l’objet d’un usage plus occasionnel que les autres véhicules et contribuent ainsi dans une moindre mesure à la pollution atmosphérique à Paris. Dans ces conditions et compte tenu du champ d’application des interdictions litigieuses et des finalités d’intérêt général poursuivies, la différence de traitement découlant de la dérogation dont bénéficient les véhicules de « collection » est en rapport direct avec l’objet de l’arrêté attaqué et n’est pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de le justifier.

Sur les véhicules utilisés à des fins professionnelles : 33. L’objet de l’arrêté attaqué est de réduire la pollution atmosphérique à Paris et de

permettre une transition progressive du parc de véhicules circulant dans cette commune vers des catégories moins polluantes, tout en tenant compte de la situation particulière de certains professionnels. Les articles 2, 3 et 4 de l’arrêté attaqué prévoient des dérogations, respectivement, permanentes, transitoires et temporaires, au bénéfice de professionnels qui exercent soit une mission d’intérêt général ou de service public, soit une activité professionnelle pour laquelle l’usage d’un véhicule est strictement indispensable. Dans ces conditions et compte tenu du champ d’application des interdictions litigieuses et des finalités d’intérêt général poursuivies, les différences de traitement découlant de ces dérogations sont en rapport direct avec l’objet de l’arrêté attaqué et ne sont pas manifestement disproportionnées au regard des motifs susceptibles de le justifier.

Sur les véhicules anciens et les véhicules à moteur diesel : 34. En premier lieu, si les requérants soutiennent que l’arrêté attaqué institue une

différence de traitement selon l’ancienneté des véhicules, une telle différence de traitement résulte de l’application des critères de classification de l’arrêté du 21 juin 2016 mentionnés au point 20. Cette différence de traitement est ainsi en rapport direct avec l’objet de l’arrêté attaqué et n’est pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de le justifier. Si les requérants soutiennent que la fabrication du modèle de motocyclette Kawasaki GPZ 500 aurait été inchangée de 1988 à 2002, ils ne produisent, en tout état de cause, aucun élément probant à l’appui de leurs allégations.

35. En second lieu, si les requérants soutiennent que les véhicules dotés d’un moteur

diesel sont plus polluants que les autres et qu’ils auraient dû faire l’objet d’une réglementation spécifique, les autorités de police n’étaient toutefois pas tenues de prévoir un traitement différent pour les utilisateurs de véhicules se trouvant dans des situations différentes.

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36. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner les fins de non-recevoir opposées en défense, les conclusions à fin d’annulation présentées par les requérants doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte présentées par l’UDELCIM et par la FFAC.

37. Par ailleurs, les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative

font obstacle à ce que soit mise à la charge de la ville de Paris et de l’Etat, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, les sommes que les requérants demandent au titre des frais liés à l’instance. En outre, il n’y a pas lieu de faire droit aux demandes tendant à la prise en charge des dépens, le litige n’en ayant pas occasionnés. Enfin, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la ville de Paris sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par ces motifs, le tribunal décide :

Article 1er : La requête n° 1704331 de M. D., la requête n° 1704613 de l’Union pour la défense de l’égalité et de la liberté de circuler motorisé, de M. R. et de M. V. , la requête n° 1704617 de la Fédération française des automobilistes citoyens, ainsi que la requête n° 1704678 de la Fédération française des motards en colère Paris Petite couronne, de M. B. et de Mme T. sont rejetées. Article 2 : Les conclusions présentées par la ville de Paris sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. J. D., à l’Union pour la défense de l’égalité et de la liberté de circuler motorisé, à M. M. R., à M. F.V., à la Fédération française des automobilistes citoyens, à la Fédération française des motards en colère Paris Petite couronne, à M. A. B., à Mme M-J. T., à la ville de Paris et au ministre de l’intérieur.

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TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PARIS

N° 1611611 ; 1612312 ; 1613411 ; 1613487/3-1 ___________ Union pour la défense de l’égalité et de la liberté de circuler motorisé (UDELCIM) et autres ___________

M. Stéphane Eustache Rapporteur ___________

M. François Doré Rapporteur public ___________ Audience du 28 mai 2018 Lecture du 11 juin 2018 ___________

49-04-01-01-01

C

Sommaire

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le tribunal administratif de Paris

(3ème section – formation plénière)

Vu la procédure suivante : I. Par une requête n° 1611611 et des mémoires, enregistrés le 25 juillet 2016, le

5 décembre 2016 et le 22 décembre 2017, l’Union pour la défense de l’égalité et de la liberté de circuler motorisé (UDELCIM), M. M. R. et M. F. V., représentés par Me Tabet, demandent au tribunal dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d’annuler l’arrêté n° 2016-P-0114 du 24 juin 2016 par lequel la maire de Paris et le

préfet de police ont instauré des restrictions de circulation dans la commune de Paris pour certaines catégories de véhicules en fonction de leur niveau d’émission de polluants atmosphériques ;

2°) d’enjoindre à la maire de Paris de publier, à ses frais et dans la limite de 1 000 euros

par insertion, le dispositif du jugement à intervenir dans trois journaux et magazines au choix de l’association ;

3°) de mettre les entiers dépens à la charge de la ville de Paris; 4°) de mettre solidairement à la charge de la ville de Paris et de l’Etat une somme de

7 000 euros au bénéfice de l’association, de 500 euros au bénéfice de M. R. et de 500 euros au bénéfice de M. V., au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

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- l’arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente ; - il est insuffisamment motivé ; - il méconnaît le principe d’égalité des usagers du domaine public ; - il est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation. Par un mémoire en défense, enregistré le 19 septembre 2016, le préfet de police conclut

au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2016, la maire de Paris conclut au

rejet de la requête. Elle fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. II. Par une requête n° 1612312 et des mémoires, enregistrés le 15 août 2016, le

3 décembre 2016 et le 13 décembre 2016, M. M. P. demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures, d’annuler l’arrêté n° 2016-P-0114 du 24 juin 2016 par lequel la maire de Paris et le préfet de police ont instauré des restrictions de circulation dans la commune de Paris pour certaines catégories de véhicules en fonction de leur niveau d’émission de polluants atmosphériques.

Il soutient que : - l’arrêté attaqué méconnaît le principe d’égalité ; - il méconnaît la liberté du commerce et de l’industrie ; - il méconnaît le droit de propriété. Par un mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2016, le préfet de police conclut

au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2016, la ville de Paris, représentée

par Me Falala, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 1 000 euros soit mise à la charge du requérant au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que : - le requérant n’a pas intérêt pour agir ; - les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Un mémoire a été enregistré le 28 avril 2018 pour M. P. Vu les autres pièces du dossier.

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III. Par une requête n° 1613411 et des mémoires, enregistrés le 31 août 2016, le 20 décembre 2016 et le 20 janvier 2017, M. F. M., représenté par Me Lévy, demande au tribunal dans le dernier état de ses écritures :

1°) d’annuler l’arrêté n° 2016-P-0114 du 24 juin 2016 par lequel la maire de Paris et le

préfet de police ont instauré des restrictions de circulation dans la commune de Paris pour certaines catégories de véhicules en fonction de leur niveau d’émission de polluants atmosphériques ;

2°) de mettre à la charge de la ville de Paris et de l’État une somme de 10 000 euros au

titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - l’arrêté attaqué méconnaît l’article L. 2213-2 du code général des collectivités

territoriales et l’article 49 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 ; - il est entaché d’une erreur de qualification juridique ; - il méconnaît le principe d’égalité des usagers du domaine public. Par un mémoire en défense, enregistré le 19 septembre 2016, le préfet de police conclut

au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2016, la ville de Paris,

représentée par Me Falala, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 2 000 euros soit mise à la charge du requérant au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que : - le requérant ne justifie pas de son intérêt pour agir ; - les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. IV. Par une requête n° 1613487 et des mémoires, enregistrés le 1er septembre 2016, le

17 octobre 2016 et le 21 décembre 2017, M. J-P. C., représenté par la SCP Gadiou-C., demande au tribunal dans le dernier état de ses écritures :

1°) d’annuler l’arrêté n° 2016-P-0114 du 24 juin 2016 par lequel la maire de Paris et le

préfet de police ont instauré des restrictions de circulation dans la commune de Paris pour certaines catégories de véhicules en fonction de leur niveau d’émission de polluants atmosphériques ;

2°) à titre subsidiaire, d’annuler cet arrêté en tant qu’il ne prévoit pas pour les habitants

de Paris des mesures leur permettant de sortir de leur domicile pour aller en dehors de Paris et y rentrer entre 8 heures et 20 heures en semaine.

Il soutient que : - l’arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente ;

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- il méconnaît la liberté d’aller et de venir ; - il n’est pas justifié ; - il méconnaît le principe d’égalité ; - il est entaché d’un détournement de pouvoir. Par un mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2016, le préfet de police conclut

au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2016, la ville de Paris, représentée

par Me Falala, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 2 000 euros soit mise à la charge du requérant au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que : - le requérant ne justifie pas de son intérêt pour agir ; - les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés

fondamentales ; - la directive 70/220/CEE du 20 mars 1970 modifiée, - la directive 2008/50/CE du 21 mai 2008, - le code général des collectivités territoriales, - le code de l’environnement, - le code de la route, - la loi n° 2015-992 du 17 août 2015, - l’arrêté du 18 juin 1991 relatif à la mise en place et à l'organisation du contrôle

technique des véhicules dont le poids n'excède pas 3,5 tonnes, - l’arrêté du 9 février 2009 du ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement

durable et de l’aménagement du territoire, - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique : - le rapport de M. Eustache, - les conclusions de M. Doré, - et les observations de Me Tabet, représentant l’Union pour la défense de l’égalité et de

la liberté de circuler motorisé, M. R. et M. V., de Me Schrameck, représentant M. M., de M. P. et de Me Falala, représentant la maire de Paris.

Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté n° 2016-P-0114 du 24 juin 2016, la maire de Paris et le préfet de police

ont instauré des restrictions de circulation pour certaines catégories de véhicules en fonction de leur niveau d’émission de polluants atmosphériques. Par les requêtes n° 1611611, 1612312,

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1613411 et 1613487 visées ci-dessus, qu’il y a lieu de joindre, les requérants demandent l’annulation de cet arrêté.

I. Sur le cadre juridique : 2. D’une part, aux termes de l’article 49 de la loi du 17 août 2015 visée ci-dessus : « A

compter du 1er juillet 2015 et jusqu'au 1er janvier 2017, le maire d'une commune située dans une zone pour laquelle un plan de protection de l'atmosphère a été adopté, en application de l'article L. 222-4 du code de l'environnement, peut, par arrêté motivé, étendre à l'ensemble des voies de la commune l'interdiction d'accès à certaines heures prise sur le fondement du 1° de l'article L. 2213-2 du code général des collectivités territoriales à l'encontre des véhicules qui contribuent significativement à la pollution atmosphérique. Cet arrêté fixe la liste des véhicules concernés et celle des véhicules bénéficiant d'une dérogation à cette interdiction d'accès ».

3. D’autre part, aux termes de l’article L. 2213-2 du code général des collectivités

territoriales, dans sa rédaction applicable au présent litige : « Le maire peut, par arrêté motivé, eu égard aux nécessités de la circulation et de la protection de l'environnement : / 1° Interdire à certaines heures l'accès de certaines voies de l'agglomération ou de certaines portions de voie ou réserver cet accès, à certaines heures, à diverses catégories d'usagers ou de véhicules ». Aux termes de l’article L. 2512-14 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : « Les pouvoirs conférés au maire (…) par les articles L. 2213-2 à L. 2213-6 sont, à Paris, exercés par le maire de Paris sous réserve des dispositions ci-après. / Pour les motifs d'ordre public ou liés à la sécurité des personnes et des biens ou pour assurer la protection du siège des institutions de la République et des représentations diplomatiques, le préfet de police détermine, de façon permanente ou temporaire, des sites où il réglemente les conditions de circulation et de stationnement dans certaines voies ou portions de voies, ou en réserve l'accès à certaines catégories d'usagers ou de véhicules ». Aux termes de l’article L. 2511-27 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : « Le maire de la commune peut donner sous sa surveillance et sa responsabilité, par arrêté, délégation de signature au directeur général des services de la mairie et aux responsables de services communaux ».

4. Enfin, aux termes de l’article 1er de l’arrêté attaqué, qui a été abrogé par l’arrêté

n° 2017-P-007 du 14 janvier 2017 de la maire de Paris et du préfet de police : « A compter du 1er juillet 2016, la circulation est interdite sur l’ensemble des voies de la commune de Paris, à l’exception des voies listées en annexe au présent arrêté pour les catégories de véhicules suivantes : / - véhicules de catégorie M2, M3, N2 et N3 au sens de l’article R. 311-1 du code de la route répondant à une norme européenne d’émission antérieure à une norme « Euro 3 », tous les jours de 8h à 20h ; / - véhicules de catégorie M1 et N1 au sens de l’article R. 311-1 du code de la route répondant à une norme européenne d’émission antérieure à la norme « Euro 2 » du lundi au vendredi de 8h à 20h, exceptés les jours fériés ; / - véhicules de catégorie L au sens de l’article R. 311-1 du code de la route répondant à une norme européenne d’émission antérieure à la norme « Euro 1 » du lundi au vendredi de 8h à 20h, exceptés les jours fériés ».

5. Aux termes de l’article 2 de l’arrêté attaqué : « L’interdiction fixée à l’article 1er ne

s’applique pas : / - aux véhicules d’intérêt général prioritaires tels que définis au 6.5 de l’article R. 311-1 susvisé ; / - aux véhicules d’intérêt général bénéficiant de facilités de passage tels que définis au 6.6 de l’article R. 311-1 susvisé ; / - aux véhicules du Ministère de la Défense ; / - aux véhicules des associations agréées de sécurité civile ; / - aux véhicules des professionnels effectuant des opérations de déménagement ; / - aux véhicules d’approvisionnement des marchés parisiens, dûment habilités par la Mairie de Paris, pour l’approvisionnement de ceux-ci ; / - aux véhicules frigorifiques et camions-citernes ; - aux véhicules spécialisés non affectés au transport

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de marchandises tels que définis à l’annexe 5 de l’arrêté du 9 février 2009 susvisé, portant la mention VASP sur le certificat d’immatriculation ou VTSU sur la carte grise, à l’exception des autocaravanes ; / - aux convois exceptionnels (cf. article R. 433-1 du Code la route) munis d’une autorisation préfectorale ; / - aux véhicules dont le certificat d’immatriculation porte la mention «collection » ; / - aux véhicules de plus de 30 ans d’âge, utilisés dans le cadre d’une activité commerciale à caractère touristique, sous réserve d’une autorisation spécifique délivrée par l’autorité détentrice du pouvoir de police, à afficher derrière le pare-brise de manière visible ; / - aux véhicules portant une carte de stationnement pour personnes handicapées ».

II. Sur la compétence et la motivation : 6. En premier lieu, l’arrêté attaqué a été signé par M. Didier Bailly, directeur général de

la voirie et des déplacements, et M. Michel Cadot, préfet de police. Par un arrêté du 23 juillet 2015, régulièrement publié le 31 juillet 2015 au bulletin municipal officiel de la ville de Paris, la maire de Paris a donné délégation, sur le fondement des dispositions précitées de l’article L. 2511-27 du code général des collectivités territoriales, à M. Didier Bailly, directeur général de la voirie et des déplacements, à l’effet de signer tous arrêtés, actes et décisions préparés par les services placés sous son autorité, dans la limite de ses attributions, parmi lesquelles figurent la définition et la mise en œuvre de la politique des déplacements, en vertu de l’arrêté de la mairie de Paris du 4 juillet 2014, régulièrement publié le 8 juillet 2014 au bulletin municipal officiel de la ville de Paris. Par suite, le moyen tiré de l’incompétence des signataires de l’arrêté attaqué doit être écarté.

7. En second lieu, en vertu des dispositions précitées de l’article 49 de la loi du 17 août

2015, doivent être motivés les arrêtés réglementaires par lesquels l’interdiction d’accès à certaines heures, prise sur le fondement du 1° de l'article L. 2213-2 du code général des collectivités territoriales à l’encontre des véhicules qui contribuent significativement à la pollution atmosphérique, est étendue à l’ensemble des voies d’une commune. En l’espèce, l’arrêté attaqué comporte l’énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent son fondement et, notamment, des éléments relatifs aux niveaux de concentration de polluants atmosphériques à Paris et à la part du trafic routier dans l’émission de ces polluants. Par suite, le moyen tiré d’un défaut de motivation doit être écarté.

III. Sur le caractère adapté, nécessaire et proportionné des mesures de police : 8. Il ressort des pièces du dossier et, notamment, de l’étude réalisée en mai 2016 par

l’association AirParif qu’en région Ile-de-France, le trafic routier est l’une des principales causes des émissions de polluants atmosphériques et qu’à cet égard, il contribue aux émissions de carbone suie à hauteur de 66%, d’oxyde d’azote à hauteur de 56%, d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) à hauteur de 50%, de particules PM1 à hauteur de 37%, de particulier PM 2.5 à hauteur de 35% et de particules PM 10 à hauteur de 28%. Le trafic routier est ainsi le premier contributeur aux émissions de particules PM 10 et d’oxyde d’azote, en ce compris de dioxyde d’azote, et il est le second contributeur aux émissions de particules PM 2.5, alors que les concentrations de ces polluants dépassent dans cette région les valeurs limites fixées par la directive 2008/50/CE visée ci-dessus.

9. Les véhicules à moteur dont la circulation est interdite par l’arrêté attaqué sont définis

en fonction, d’une part, de leur catégorie N, M ou L selon la nomenclature établie par l’article R. 311-1 du code de la route et, d’autre part, des normes européennes d’émission de polluants atmosphériques, dite norme Euro, auxquels ils répondent. En vertu de la directive 70/220/CEE du 20 mars 1970 modifiée, concernant le rapprochement des législations des Etats membres

Page 159: Lettre du tribunal administratif de Paris

relatives aux mesures à prendre contre la pollution de l’air par les gaz provenant des moteurs à allumage commandé équipant les véhicules à moteur, ainsi que du règlement 715/2007 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2007 relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5 et Euro 6), les normes Euro successives fixent, de manière décroissante, des valeurs limites d’émissions de monoxyde de carbone, d’hydrocarbures, d’oxydes d’azote et de particules polluantes pour la réception européenne des véhicules routiers à moteur, à essence ou diesel selon les types de polluants. Il en résulte que plus la norme Euro à laquelle répond un véhicule à moteur est récente et d’un rang élevé, plus le niveau d’émission de polluants atmosphériques de ce véhicule est bas. Par suite, les auteurs de l’arrêté attaqué ont pu se référer aux normes antérieures aux normes Euro 1, 2 et 3 pour identifier, selon leurs catégories, les véhicules à moteur, dont les émissions de polluants atmosphériques contribuent significativement à la pollution atmosphérique à Paris. Dans l’hypothèse où un véhicule particulier présenterait un niveau effectif d’émission de polluants atmosphériques inférieur à celui découlant de la norme Euro figurant sur son certificat d’immatriculation, l’arrêté attaqué ne ferait pas obstacle à ce que l’intéressé fasse valoir auprès des autorités compétentes que son véhicule répond à une norme Euro lui permettant de ne pas être soumis aux interdictions litigieuses.

10. De plus, si l’arrêté attaqué ne s’applique pas seulement aux véhicules équipés d’un

moteur diesel, mais aussi à ceux dotés d’un moteur à essence, il ressort des pièces du dossier et, notamment, de l’étude d’AirParif mentionnée ci-dessus que ces derniers véhicules, en ce compris les deux roues à moteur, contribuent eux aussi d’une manière significative à la pollution atmosphérique à Paris.

11. Enfin, les interdictions litigieuses ne s’appliquent aux véhicules contribuant

significativement à la pollution atmosphérique à Paris que de 8 heures à 20 heures et, s’agissant des véhicules de catégories M1, N1 et L, durant ces périodes horaires que du lundi au vendredi, jours fériés exclus. Elles ne s’appliquent pas en outre sur certaines voies parisiennes et, notamment, sur les boulevards périphériques. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces périodes d’interdiction rendraient impossible la circulation des véhicules concernés, aux fins de les réparer ou de les entretenir dans des garages appropriés.

12. Il résulte de ce qui précède que les mesures de police contestées répondent aux

nécessités de la protection de l’environnement et reposent sur des critères objectifs, adaptés à la poursuite de cette finalité d’intérêt général et ne visant que des véhicules contribuant significativement à la pollution atmosphérique. Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que l’arrêté attaqué méconnaîtrait les dispositions précitées de l’article L. 2213-2 du code général des collectivités territoriales et de l’article 49 de la loi du 17 août 2015. Par ailleurs, compte tenu de leur champ d’application et des finalités poursuivies, ces mesures ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété, à la liberté du commerce et de l’industrie, ainsi qu’à la liberté d’aller et de venir des personnes concernées. Pour les mêmes motifs, les moyens tirés d’une erreur de qualification juridique et d’une erreur manifeste d’appréciation doivent être écartés.

IV. Sur le principe d’égalité : 13. Le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que l’autorité investie du pouvoir

réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’elle déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un comme l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la norme qui l’établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.

Page 160: Lettre du tribunal administratif de Paris

Sur les véhicules de « collection » : 14. En premier lieu, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir des dispositions du

III de l’article 98 A de l’annexe III du code général des impôts et des textes pris pour leur application, dès lors que ces dispositions n’ont pas trait aux véhicules dont le certificat d’immatriculation porte la mention « collection » selon les critères de l’arrêté ministériel du 9 février 2009, dans sa rédaction applicable au présent litige, que vise l’arrêté attaqué, mais aux véhicules qualifiables d’« objet de collection », en vertu de critères différents.

15. En second lieu, en vertu du I du paragraphe 4.E de l’article 4 de l’arrêté ministériel

du 9 février 2009 relatif aux modalités d’immatriculation des véhicules, dans sa rédaction applicable au présent litige, un certificat d’immatriculation portant la mention « collection » peut être délivré pour les véhicules de plus de trente ans et qui ne peuvent faire l’objet d’une réception nationale avant leur mise en circulation. En vertu de l’annexe n°9 du même arrêté, l’utilisation de tels véhicules aux fins de transport de marchandises ou de transport en commun de personnes n’est autorisée qu’à titre exceptionnel sur le lieu même d’une manifestation à caractère historique ou commémoratif. En outre, selon l’article 4 de l’arrêté du 18 juin 1991 visé ci-dessus, relatif à la mise en place et à l’organisation du contrôle technique des véhicules dont le poids n’excède pas 3,5 tonnes, le contrôle technique périodique favorable est, à titre dérogatoire, pour les véhicules dont le certificat d’immatriculation porte la mention « collection », d’une durée de validité de cinq ans. Par suite, les utilisateurs d’un véhicule de « collection » au sens de l’arrêté attaqué ne se trouvent pas dans la même situation que les utilisateurs d’autres véhicules, y compris ceux de plus de vingt ou trente ans, ou encore ceux qualifiables d’objet de collection en application du code général des impôts. En outre, comme le fait valoir la maire de Paris sans être sérieusement contredite, les véhicules dont le certificat d’immatriculation porte la mention « collection » font l’objet d’un usage plus occasionnel que les autres véhicules et contribuent ainsi dans une moindre mesure à la pollution atmosphérique à Paris. Dans ces conditions et compte tenu du champ d’application des interdictions litigieuses et des finalités d’intérêt général poursuivies, la différence de traitement découlant de la dérogation dont bénéficient les véhicules de « collection » est en rapport direct avec l’objet de l’arrêté attaqué et n’est pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de le justifier.

Sur les véhicules utilisés à des fins professionnelles : 16. En premier lieu, les requérants ne peuvent utilement faire valoir que l’arrêté attaqué

institue une différence de traitement au détriment des habitants de la région d’Île-de-France utilisant leur véhicule à des fins professionnelles, dès lors que les interdictions litigieuses s’appliquent indépendamment du lieu de domiciliation des utilisateurs des véhicules concernés.

17. En second lieu, l’objet de l’arrêté attaqué est d’améliorer la qualité de l’air à Paris

tout en tenant compte de la situation particulière de certains professionnels. L’article 2 de l’arrêté attaqué prévoit des dérogations au bénéfice de professionnels qui exercent soit une mission d’intérêt général ou de service public, soit une activité professionnelle pour laquelle l’usage d’un véhicule est strictement indispensable. Dans ces conditions et compte tenu du champ d’application des interdictions litigieuses et des finalités d’intérêt général poursuivies, les différences de traitement découlant de ces dérogations sont en rapport direct avec l’objet de l’arrêté attaqué et ne sont pas manifestement disproportionnées au regard des motifs susceptibles de le justifier.

Page 161: Lettre du tribunal administratif de Paris

Sur les véhicules anciens et les véhicules à moteur diesel : 18. En premier lieu, si les requérants soutiennent que l’arrêté attaqué institue une

différence de traitement selon l’ancienneté des véhicules, une telle différence de traitement résulte de l’application des critères prévus par l’arrêté attaqué qui ont trait, ainsi qu’il a été dit, d’une part, à la catégorie du véhicule concerné selon la nomenclature fixée par l’article R. 311-1 du code de la route et, d’autre part, à son niveau d’émission de polluants atmosphériques, déterminé par référence aux normes Euro 1, 2 ou 3. Cette différence de traitement est ainsi en rapport direct avec l’objet de l’arrêté attaqué et n’est pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de le justifier. Si les requérants soutiennent que la fabrication du modèle de motocyclette Kawasaki GPZ 500 aurait été inchangée de 1988 à 2002, ils ne produisent, en tout état de cause, aucun élément probant à l’appui de leurs allégations.

19. En second lieu, si les requérants soutiennent que les véhicules dotés d’un moteur

diesel sont plus polluants que les autres et qu’ils auraient dû faire l’objet d’une réglementation spécifique, les autorités de police n’étaient toutefois pas tenues de prévoir un traitement différent pour les utilisateurs de véhicules se trouvant dans des situations différentes.

V. Sur le détournement de pouvoir : 20. Le détournement de pouvoir allégué n’est pas établi. 21. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner les fins de

non-recevoir opposées en défense, les conclusions à fin d’annulation présentées par les requérants doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte présentées par l’UDELCIM.

22. Par ailleurs, les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative

font obstacle à ce que soit mise à la charge de la ville de Paris et de l’Etat, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, les sommes que les requérants demandent au titre des frais liés à l’instance. En outre, le litige n’ayant pas occasionné de dépens, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de prise en charge présentées par l’UDELCIM. Enfin, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la ville de Paris sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par ces motifs, le tribunal décide :

Article 1er : La requête n° 1611611 de l’Union pour la défense de l’égalité et de la liberté de circuler motorisé (UDELCIM), de M. R. et de M. V., la requête n° 1612312 de M. P., la requête n° 1613411 de M. M. et la requête n° 1613487 de M. C. sont rejetées. Article 2 : Les conclusions présentées par la ville de Paris sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent jugement sera notifié à l’Union pour la défense de l’égalité et de la liberté de circuler motorisé (UDELCIM), à M. M. R., à M. F. V., à M. M. P., à M. F. M., à M. J-P. C., à la ville de Paris et au ministre de l’intérieur.

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Page 162: Lettre du tribunal administratif de Paris

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PARIS

N°1713520/3-1 ___________

M. A. M. ___________

M. Stéphane Eustache Rapporteur ___________

M. François Doré Rapporteur public ___________ Audience du 28 mai 2018 Lecture du 11 juin 2018 ___________

60-02-03-02-01-01

60-04-01-02-01

C

Sommaire

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le tribunal administratif de Paris

(3ème section – formation plénière)

Vu la procédure suivante : Par une requête, enregistrée le 29 août 2017, M. A. M., représenté par Me Iosca,

demande au tribunal : 1°) de condamner la ville de Paris et l’Etat à lui verser une somme de 22 000 euros en

réparation des préjudices nés de l’application de l’arrêté n° 2016-P-0114 du 24 juin 2016 instaurant des restrictions de circulation dans la commune de Paris pour certaines catégories de véhicules en fonction de leur niveau d’émission de polluants atmosphériques ;

2°) de mettre à la charge de la ville de Paris et de l’Etat une somme de 800 euros au titre

de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la responsabilité de la ville de Paris et de l’Etat est engagée à raison d’une rupture

d’égalité devant les charges publiques ; - ses préjudices s’élèvent à la somme totale de 22 000 euros. Par un mémoire en défense, enregistré le 24 octobre 2017, le préfet de police conclut au

rejet de la requête.

Page 163: Lettre du tribunal administratif de Paris

Il fait valoir que : - la requête est irrecevable, faute d’avoir été précédée d’une demande préalable ; - les préjudices invoqués ne sont pas établis. Par un mémoire en défense, enregistré le 23 février 2018, la ville de Paris, représentée

par Me Falala, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 100 euros soit mise à la charge du requérant au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les préjudices invoqués ne sont pas établis. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des collectivités territoriales, - la loi n° 2015-992 du 17 août 2015, - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique : - le rapport de M. Eustache, - et les conclusions de M. Doré, - et les observations de Me Falala, représentant la ville de Paris. Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté n° 2016-P-0114 du 24 juin 2016, la maire de Paris et le préfet de police

ont instauré des restrictions de circulation pour certaines catégories de véhicules en fonction de leur niveau d’émission de polluants atmosphériques. Dans la présente instance, M. M. demande, sur le fondement de la responsabilité sans faute des personnes publiques, à être indemnisé des préjudices nés de l’interdiction de circuler dont a fait l’objet son véhicule en application de cet arrêté.

Sur la responsabilité : 2. D’une part, aux termes de l’article 49 de la loi du 17 août 2015 visée ci-dessus : « A

compter du 1er juillet 2015 et jusqu'au 1er janvier 2017, le maire d'une commune située dans une zone pour laquelle un plan de protection de l'atmosphère a été adopté, en application de l'article L. 222-4 du code de l'environnement, peut, par arrêté motivé, étendre à l'ensemble des voies de la commune l'interdiction d'accès à certaines heures prise sur le fondement du 1° de l'article L. 2213-2 du code général des collectivités territoriales à l'encontre des véhicules qui contribuent significativement à la pollution atmosphérique. Cet arrêté fixe la liste des véhicules concernés et celle des véhicules bénéficiant d'une dérogation à cette interdiction d'accès ».

3. D’autre part, aux termes de l’article L. 2213-2 du code général des collectivités

territoriales, dans sa rédaction applicable au présent litige : « Le maire peut, par arrêté motivé, eu égard aux nécessités de la circulation et de la protection de l'environnement : / 1° Interdire à certaines heures l'accès de certaines voies de l'agglomération ou de certaines portions de voie ou réserver cet accès, à certaines heures, à diverses catégories d'usagers ou de véhicules ». Aux

Page 164: Lettre du tribunal administratif de Paris

termes de l’article L. 2512-14 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : « Les pouvoirs conférés au maire par le premier alinéa de l'article L. 2213-1 et par les articles L. 2213-2 à L. 2213-6 sont, à Paris, exercés par le maire de Paris sous réserve des dispositions ci-après. / Pour les motifs d'ordre public ou liés à la sécurité des personnes et des biens ou pour assurer la protection du siège des institutions de la République et des représentations diplomatiques, le préfet de police détermine, de façon permanente ou temporaire, des sites où il réglemente les conditions de circulation et de stationnement dans certaines voies ou portions de voies, ou en réserve l'accès à certaines catégories d'usagers ou de véhicules ».

4. Enfin, aux termes de l’article 1er de l’arrêté attaqué, qui a été abrogé par l’arrêté

n° 2017-P-007 du 14 janvier 2017 de la maire de Paris et du préfet de police : « A compter du 1er juillet 2016, la circulation est interdite sur l’ensemble des voies de la commune de Paris, à l’exception des voies listées en annexe au présent arrêté pour les catégories de véhicules suivantes : / - véhicules de catégorie M2, M3, N2 et N3 au sens de l’article R. 311-1 du code de la route répondant à une norme européenne d’émission antérieure à une norme « Euro 3 », tous les jours de 8h à 20h ; / - véhicules de catégorie M1 et N1 au sens de l’article R. 311-1 du code de la route répondant à une norme européenne d’émission antérieure à la norme « Euro 2 » du lundi au vendredi de 8h à 20h, exceptés les jours fériés ; / - véhicules de catégorie L au sens de l’article R. 311-1 du code de la route répondant à une norme européenne d’émission antérieure à la norme « Euro 1 » du lundi au vendredi de 8h à 20h, exceptés les jours fériés ».

5. Les mesures légalement prises, dans l'intérêt général, par les autorités de police

peuvent ouvrir droit à réparation sur le fondement du principe de l'égalité devant les charges publiques au profit des personnes qui, du fait de leur application, subissent un préjudice anormal et spécial.

6. Le requérant demande à être indemnisé de la perte de valeur vénale de son véhicule

qui a été interdit de circuler sur le fondement des dispositions précitées de l’article 1er de l’arrêté du 24 juin 2016 de la maire de Paris et du préfet de police. L’interdiction de circulation litigieuse, prise en vertu des dispositions précitées de l’article 49 de la loi du 17 août 2015, d’ailleurs abrogées par l’article 6 de l’arrêté n° 2017-P-0007 du 14 janvier 2017 de la maire de Paris et du préfet de police, ne s’appliquait au véhicule du requérant que de 8 heures à 20 heures, du lundi au vendredi, jours fériés exclus. Par ailleurs, cette interdiction ne s’appliquait à ce véhicule que sur les voies de la commune de Paris, à l’exception, en son sein, de certaines voies et, notamment, des boulevards périphériques. Par suite, compte tenu du champ d’application, temporel et géographique, de l’interdiction de circuler visant le véhicule du requérant, le préjudice allégué ne saurait revêtir un caractère anormal et spécial.

7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-

recevoir opposée par le préfet de police, les conclusions indemnitaires doivent être rejetées. En outre, les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la ville de Paris et de l’Etat, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, les sommes que le requérant demande au titre des frais liés à l’instance. Enfin, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a lieu de faire droit aux conclusions présentées par la ville de Paris sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Page 165: Lettre du tribunal administratif de Paris

Par ces motifs, le tribunal décide :

Article 1er : La requête de M. M. est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par la ville de Paris sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent jugement sera notifié M. A. M., à la commune de Paris et au préfet de police.

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Page 166: Lettre du tribunal administratif de Paris

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PARIS

N° 1701338/6-3 ___________ M. A. F. ___________ Mme Maryse Pestka Rapporteur ___________ Mme Monique Salzmann Rapporteur public ___________ Audience du 5 avril 2018 Lecture du 19 avril 2018

_________

54-05-05-01 65-03-01-01-03 C+

Sommaire

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le tribunal administratif de Paris

(6ème section - 3ème Chambre)

Vu la procédure suivante : Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2017, M. A. F., représenté par

Maître Blanquet, demande au tribunal : 1°) d’annuler la décision du 7 décembre 2016 par laquelle le conseil médical de

l’aéronautique civile a refusé de reconnaître le caractère définitif de son inaptitude « Classe 1 » ; 2°) d’enjoindre au conseil médical de l’aéronautique civile, à titre principal, de le

déclarer inapte Classe 1 à titre définitif, et, à titre subsidiaire, de statuer à nouveau sur sa demande, dans un délai de dix jours et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de

l’article L. 761-1 du code de justice administrative. M. F. soutient que la décision attaquée est entachée d’une erreur d’appréciation dès lors

qu’il souffre d’un syndrome d’apnée du sommeil sévère ainsi que de troubles cardiovasculaires, que ces troubles ne présentent pas de perspectives d’améliorations et sont incompatibles avec son activité professionnelle de pilote de ligne.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 novembre 2017, le ministre de la transition

écologique et solidaire conclut à ce que le tribunal prononce un non-lieu à statuer, en faisant valoir que le conseil médical de l’aéronautique civile, après avoir réétudié le dossier du

Page 167: Lettre du tribunal administratif de Paris

requérant, l’a déclaré inapte définitivement à exercer sa profession de navigant comme Classe 1 par une décision du 16 novembre 2017.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 20 décembre 2017, M. A. F., représenté par

Maître Blanquet, conclut aux mêmes fins que sa requête. Il soutient, en outre, que sa requête n’a pas perdu son objet dans la mesure où la

décision attaquée l’a privé du bénéfice de l’assurance souscrite par son employeur pour ses salariés en cas d’inaptitude définitive, l’a empêché de percevoir sa retraite complémentaire sur une période d’un an au moins, a bouleversé sinon empêché sa reconversion, et a ainsi eu des effets significatifs sur sa situation.

Par un mémoire, enregistré le 26 janvier 2018, le ministre de la transition écologique et

solidaire conclut, à titre principal, à ce que le tribunal prononce un non-lieu à statuer, et, à titre subsidiaire, au rejet de la requête en faisant valoir que le moyen soulevé par le requérant n’est pas fondé.

Par un mémoire enregistré le 23 février 2018, M. A. F., représenté par Maître Blanquet,

conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l’aviation civile, - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique du 5 avril 2018 : - le rapport de Mme Pestka, - les conclusions de Mme Salzmann, rapporteur public, - les observations de Maître Blanquet pour M. F., - le ministre de la transition écologique et solidaire n’étant ni présent, ni représenté. 1. Considérant que M. A. F., né le 3 mai 1957, alors pilote de ligne au sein de la

compagnie HOP !, a signé, le 3 mai 2016, avec la société HOP !, une convention de rupture amiable pour motif économique de son contrat à durée indéterminée, dans le cadre d’un départ volontaire, prévoyant que son contrat serait rompu le 31 décembre 2016, et que les relations contractuelles entre l’intéressé et la société cesseraient définitivement à cette date, ou au terme du congé de reclassement, s’il décidait d’en bénéficier ; qu’il est constant qu’il a bénéficié d’un congé de reclassement à l’issue duquel est intervenue, le 30 septembre 2017, la rupture définitive de son contrat de travail ;

2. Considérant que le 4 avril 2016, M. F., souffrant d’un syndrome d’apnée du sommeil

sévère et de troubles cardiovasculaires, a été déclaré inapte Classe 1 (pilote professionnel) pour une durée de trois mois, par le médecin du centre d’expertise de médecine aéronautique de Toulouse Blagnac ; que le 8 juillet 2016, il a été de nouveau déclaré inapte Classe 1 pour une durée de trois mois ; qu’en septembre 2016, il a demandé la reconnaissance du caractère définitif de son inaptitude ; que le 19 octobre 2016, le médecin du centre d’expertise de médecine aéronautique a confirmé cette inaptitude et a transmis son dossier au Pôle médical de la direction

Page 168: Lettre du tribunal administratif de Paris

de la sécurité de l’aviation civile ; que le 2 décembre 2016, le Pôle médical a déclaré M. F. inapte Classe 1, inapte Classe 2 (pilote non professionnel) et inapte Classe LAPL (licence de pilote d’aéronefs légers), en précisant que son dossier serait ensuite présenté au conseil médical pour étude du caractère définitif de son inaptitude Classe 1 ; que M. F. demande l’annulation de la décision du 7 décembre 2016 par laquelle le conseil médical de l’aéronautique civile a refusé de reconnaître le caractère définitif de son inaptitude Classe 1 ;

Sur les conclusions aux fins de non-lieu présentées par le ministre de la transition

écologique et solidaire : 3. Considérant que par une décision du 16 novembre 2017, postérieure à

l’enregistrement de la requête, le conseil médical de l’aéronautique civile a « déclaré [M. F.] inapte définitivement à exercer sa profession de navigant comme classe 1 » ; que cette décision, reconnaissant le caractère définitif de l’inaptitude du requérant à compter du 16 novembre 2017, a eu pour effet d’abroger la décision attaquée ;

4. Considérant, certes, que l’objet de cette décision du 16 novembre 2017 est identique

à l’objet de la demande, présentée par M. F. en septembre 2016, tendant à obtenir la reconnaissance du caractère définitif de son inaptitude, et à laquelle l’autorité administrative avait initialement opposé la décision de refus attaquée ;

5. Considérant, toutefois, qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que cette décision du

16 novembre 2017 puisse être regardée comme emportant des effets équivalents à ceux qu’aurait eus une reconnaissance définitive de l’inaptitude du requérant dès le 7 décembre 2016, date à laquelle cette reconnaissance lui a été initialement refusée ;

6. Considérant, en effet, que M. F. a atteint l’âge légal de cessation d’activité le 3 mai

2017 ; qu’il ressort des pièces du dossier qu’une reconnaissance du caractère définitif de son inaptitude en décembre 2016 lui ouvrait la possibilité de revendiquer le bénéfice d’un capital garanti par l’assurance « perte de licence » souscrite par la compagnie HOP !, avantage réservé aux pilotes reconnus définitivement inaptes avant d’avoir atteint l’âge légal de cessation d’activité ; qu’en revanche, la reconnaissance de ce caractère définitif en novembre 2017, après qu’il eut atteint l’âge de 60 ans, ne lui ouvrait plus la même possibilité ;

7. Considérant, par ailleurs, que si M. F. dispose de la voie de l’action indemnitaire

pour demander la réparation des préjudices qu’il estimerait avoir subis du fait du retard mis à reconnaître le caractère définitif de son inaptitude, cette circonstance n’est pas de nature à faire regarder le présent recours pour excès de pouvoir comme privé d’objet ; qu’en effet, l’obtention d’une telle réparation sera subordonnée à la démonstration, devant le juge administratif, de ce que la reconnaissance du caractère définitif de son inaptitude dès le 7 décembre 2016 lui aurait donné, de manière directe et certaine, droit au bénéfice du capital garanti par l’assurance « perte de licence » souscrite par son employeur ; qu’en revanche, une annulation rétroactive de la décision de refus initiale pour erreur d’appréciation serait de nature à lui permettre de revendiquer le bénéfice de cet avantage directement auprès des organismes de droit privé, et, le cas échéant, de l’ordre juridictionnel compétents ; que ceux-ci seront, le cas échéant, mieux à même d’apprécier si M. F. pourrait bénéficier, alors même qu’il a signé, le 3 mai 2016, avec la société HOP !, une convention de rupture amiable pour motif économique de son contrat, des stipulations du point VIII-2.5 de la convention d’entreprise dont il se prévaut, et qui prévoit, dans le cas d’une résiliation du contrat de travail résultant d’une inaptitude physique définitive

Page 169: Lettre du tribunal administratif de Paris

intervenue 5 mois avant l’âge légal de cessation d’activité, le bénéfice d’un capital d’un montant égal à 41,66 % de traitement de base annuel ;

8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les conclusions tendant à l’annulation

de la décision du 7 décembre 2016 attaquée ne peuvent être regardées comme ayant perdu leur objet du fait de l’intervention de la décision d’abrogation en date du 16 novembre 2017 ;

Sur les conclusions aux fins d’annulation : 9. Considérant qu’aux termes de l’article R. 410-5 du code de l’aviation civile : « Le

conseil médical de l’aéronautique civile : (…) 6° Se prononce sur le caractère définitif des inaptitudes déclarées lors des renouvellements d’aptitude par les différents centres d’expertise de médecine aéronautique à l’égard : - des personnels navigants titulaires d’un titre aéronautique (…) » ;

10. Considérant qu’ainsi qu’il a été dit au point 1, le syndrome d’apnée du sommeil

(SAS) sévère dont souffre M. F. a motivé, à compter d’avril 2016, plusieurs déclarations successives d’inaptitude temporaire par les médecins du centre d’expertise de médecine aéronautique de Toulouse Blagnac ; que ce syndrome a justifié la mise en place, en mai 2016, d’un appareillage nocturne de pression positive continue (PPC) ; que si l’administration se prévaut d’un compte-rendu d’examen du 20 août 2016 concluant, après un enregistrement polysomnographique effectué dans un service de pneumologie, à un « SAS bien contrôlé par la PPC », l’inaptitude du requérant n’a ensuite cessé d’être confirmée, par le médecin du centre d’expertise de médecine aéronautique le 19 octobre 2016, puis par le Pôle médical de la direction de la sécurité de l’aviation civile et le conseil médical de l’aéronautique civile en décembre 2016 ; qu’une attestation du 12 janvier 2017 produite par le requérant, émise par un pneumologue appartenant au même cabinet que celui ayant effectué l’examen du 20 août 2016, fait état du syndrome mis en évidence le 28 mai 2016, soit antérieurement à la décision attaquée, dans les termes suivants : « [ce] SAS justifiera très certainement un traitement palliatif à vie par PPC. On ne s’attend pas à une amélioration de ce trouble dans les années à venir. / L’appareillage nocturne par PPC est efficace (…). Cependant, cette pathologie du sommeil justifie une utilisation rigoureuse de l’appareillage nocturne mais aussi des horaires de sommeil. / Cela peut donc être difficilement compatible avec son activité professionnelle de pilote de ligne » ; que dans ces conditions, le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que le comité médical de l'aéronautique civile a refusé de reconnaître le caractère définitif de son inaptitude Classe 1 dès le 7 décembre 2016 ; que la décision attaquée doit, dès lors, être annulée ;

Sur les conclusions aux fins d’injonction : 11. Considérant que M. F. ne demande pas qu’il soit enjoint au conseil médical de

l’aéronautique civile de reconnaître le caractère définitif de son inaptitude Classe 1 rétroactivement à compter du 7 décembre 2016, mais seulement qu’il soit enjoint au CMAC de le déclarer inapte Classe 1 à titre définitif, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande ; que l’intervention de la décision du CMAC en date du 16 novembre 2017 rend ces conclusions à fin d’injonction sans objet ; qu’il n’y a pas lieu d’y statuer ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice

administrative :

Page 170: Lettre du tribunal administratif de Paris

12. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. F. et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 7 décembre 2016 par laquelle le conseil médical de

l’aéronautique civile a refusé de reconnaître le caractère définitif de l’inaptitude Classe 1 de M. F. est annulée.

Article 2 : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. F. tendant à

ce qu’il soit enjoint au conseil médical de l’aéronautique civile de le déclarer inapte Classe 1 à titre définitif, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande.

Article 3 : L’Etat versera à M. F. une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1

du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. A. F. et au ministre de la transition

écologique et solidaire.

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Page 171: Lettre du tribunal administratif de Paris

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PARIS

N°1802794/4-1 ___________

M. M. ___________

M. Simonnot Rapporteur ___________

M. Rohmer Rapporteur public ___________ Audience du 5 juin 2018 Lecture du 19 juin 2018

_________

17-02 52-03 C

Sommaire

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Paris

(4ème Section - 1ère Chambre)

Vu la procédure suivante : Par une requête, enregistrée le 21 février 2018, M. M. demande au tribunal : 1°) d’annuler la décision du 22 janvier 2018 par laquelle le président de l’Assemblée

nationale a signé un « accord parlementaire franco-allemand sur la coopération entre les deux assemblées » ;

2°) d’enjoindre au Président de l’Assemblée nationale de retirer sa signature de cet

accord.

Il soutient que : - la juridiction administrative est compétente pour connaître de la légalité d’une

décision prise par le président de l’Assemblée nationale ; - le Tribunal administratif de Paris est territorialement compétent ; - il a intérêt à agir dès lors que la décision attaquée porte atteinte à ses intérêts

matériels et moraux ; - la décision n’est pas dépourvue de portée juridique et constitue ainsi un acte

faisant grief, susceptible de recours devant le juge administratif ; - la décision est susceptible de recours, dès lors que l’accord signé le 22 janvier

2018 est lui-même un acte faisant grief, détachable des rapports entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, et ne constitue pas un « acte de gouvernement » ;

- la décision est entachée d’illégalité externe pour incompétence du signataire ;

Page 172: Lettre du tribunal administratif de Paris

- la décision a été prise en méconnaissance du principe de souveraineté du peuple français et des articles 3 et 24 de la Constitution ;

- la décision méconnait les principes posés par les articles 32 et 35 de la Constitution ainsi que par les articles 13 et suivants du règlement de l’Assemblée nationale en ce que le Président de l’Assemblée nationale adresse une injonction au Président de la République.

Par un mémoire, enregistré le 13 avril 2018, le Président de l'Assemblée nationale,

représenté par Me Fergon, conclut au rejet de la requête de M. M. Le Président de l'Assemblée nationale fait valoir que : - le principe à valeur constitutionnelle de séparation des pouvoirs fait obstacle à ce que

la juridiction administrative soit compétente pour connaître de la légalité d’une décision prise par le Président de l’Assemblée nationale ;

- l’acte parlementaire en cause est insusceptible d’un recours pour excès de pouvoir dès lors qu’il bénéficie de la même immunité juridictionnelle que les actes de gouvernement ;

- l’acte en cause ne constitue qu’un acte préparatoire, qui ne fait pas, en lui-même, grief et ne peut donc faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ;

- le Président de l’Assemblée nationale est compétent pour signer un tel acte. Par une ordonnance du 16 avril 2018, la clôture de l’instruction a été fixée au 4 mai

2018 en application des dispositions de l’article R. 613-1 du code de justice administrative. Un mémoire, présenté par M. M., a été enregistré le 24 mai 2018, soit après la clôture

de l’instruction. Un mémoire, présenté par M. M., intitulé « note en délibéré », a été enregistré le 6 juin

2018, à 13h39, soit avant l’audience à laquelle a été appelée la requête introduite par celui-ci.

Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la Constitution ; - l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des

assemblées parlementaires ; - le règlement de l’Assemblée nationale ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique : - le rapport de M. Simonnot, - les conclusions de M. Rohmer, rapporteur public, - et les observations de Me Fergon, avocat, pour l’Assemblée nationale. Considérant ce qui suit : 1. Le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Bundestag ont signé, le

22 janvier 2018, un « accord parlementaire franco-allemand sur la coopération entre les deux assemblées ». Cet accord fixe les principes de la collaboration entre les deux assemblées législatives, française et allemande, et prévoit la mise en place d’un groupe de travail, formé de

Page 173: Lettre du tribunal administratif de Paris

neuf députés de chacune des deux assemblées, en vue de la préparation d’un « accord parlementaire franco-allemand ». Par la présente requête, M. M. demande l’annulation de cette décision.

2. Aux termes de l’article 8 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 : « L’Etat est

responsable des dommages de toute nature causés par les services des assemblées parlementaires. / Les actions en responsabilité sont portées devant les juridictions compétentes pour en connaître. / Les agents titulaires des services des assemblées parlementaires sont des fonctionnaires de l’Etat (…) La juridiction administrative est appelée à connaître de tous litiges d’ordre individuel concernant ces agents, et se prononce au regard des principes généraux du droit et des garanties fondamentales reconnues à l’ensemble des fonctionnaires civils et militaires de l’Etat (…) La juridiction administrative est également compétente pour se prononcer sur les litiges individuels en matière de marchés publics. / Dans les instances ci-dessus visées, qui sont les seules susceptibles d’être engagées contre une assemblée parlementaire, l’Etat est représenté par le président de l’assemblée intéressée (…) ».

3. L’acte par lequel le président de l’Assemblée nationale convient de la mise en

œuvre d’un partenariat renforcé avec l’assemblée d’un Etat membre de l’Union européenne, comme c’est le cas de l’accord conclu avec le Bundestag, est indissociable de la fonction parlementaire, laquelle se rattache à l’exercice de la souveraineté nationale par les membres de la représentation nationale. Un tel acte échappe donc par nature au contrôle du juge de l’excès de pouvoir. La circonstance qu’en vertu de la tradition constitutionnelle française de séparation des pouvoirs, aucune juridiction ne puisse être saisie d’un tel litige ne saurait avoir pour conséquence d’autoriser le juge administratif à se déclarer compétent.

4. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. M. aux fins d’annulation de

la décision du 22 janvier 2018 par laquelle le Président de l’Assemblée nationale a signé avec le Président du Bundestag un « accord parlementaire franco-allemand sur la coopération entre les deux assemblées », et aux fins d’injonction, doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. M. est rejetée. Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. M. et au Président de l'Assemblée nationale.

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Page 174: Lettre du tribunal administratif de Paris

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PARIS

N°1808020 ___________

Mme V. D. ___________ M. Sébastien Davesne Juge des référés ___________ Ordonnance du 25 mai 2018 ___________

Sommaire

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le juge des référés

Vu la procédure suivante : Par une requête, enregistrée le 23 mai 2018, Mme V. D., représentée par

Me Simhon, demande au juge des référés : 1°) à titre principal, d’ordonner, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-2

du code de justice administrative, à l’Assistance publique – hôpitaux de Paris de prendre toutes mesures utiles afin de permettre l’exportation des gamètes de M. C. vers un établissement de santé situé dans l’Union européenne, autorisé à pratiquer les procréations médicalement assistées et qui lui sera indiqué par Mme D. ;

2°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question

préjudicielle relative à l’interprétation des articles 7 et 9 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2018, l'Assistance publique - hôpitaux

de Paris conclut au rejet de la requête. Par un mémoire, enregistré le 25 mai 2018, l’agence de la biomédecine, représentée par

la SCP Piwnica et Molinié, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme D. au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés

fondamentales ; - la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ; - le code de la santé publique ; - le code de justice administrative.

Page 175: Lettre du tribunal administratif de Paris

Le président du tribunal a désigné M. Davesne pour statuer sur les demandes de référé. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Au cours de l’audience publique, tenue en présence de M. Birckel, greffier d’audience,

le 25 mai 2018 à 10 heures, M. Davesne a lu son rapport et entendu les observations de Me Simhon, avocat de Mme D., de Mme Varasse, représentant l’Assistance publique – hôpitaux de Paris, et de Me Molinié et Me Croizier, avocats de l’agence de la biomédecine.

Considérant ce qui suit :

Sur l’office du juge des référés :

1. L'article L. 521-2 du code de justice administrative dispose que : « Saisi d’une

demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. ».

2. Eu égard à son office, qui consiste à assurer la sauvegarde des libertés fondamentales, il appartient au juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de prendre, en cas d’urgence, toutes les mesures qui sont de nature à remédier aux effets résultant d’une atteinte grave et manifestement illégale portée, par une autorité administrative, à une liberté fondamentale, y compris lorsque cette atteinte résulte de l’application de dispositions législatives qui sont manifestement incompatibles avec les engagements européens ou internationaux de la France, ou dont la mise en œuvre entraînerait des conséquences manifestement contraires aux exigences nées de ces engagements.

Sur la demande de Mme D. : 3. M. M. C., à qui un cancer a été diagnostiqué le 10 décembre 2016, a procédé à un

dépôt de ses paillettes au centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme (CECOS) de l’hôpital Cochin, à Paris, le 13 décembre 2016, l’avant-veille du début de son traitement par chimiothérapie. M. C. est décédé le 29 septembre 2017. Mme D., qui était la compagne de M. C. avec qui elle avait conclu un pacte civil de solidarité le 25 février 2017, a demandé à cet hôpital, qui dépend de l’Assistance publique – hôpitaux de Paris, le 26 décembre 2017, le transfert des paillettes vers un établissement de santé étranger à déterminer, en vue d’une insémination post-mortem. Du silence gardé sur cette demande est née une décision implicite de rejet. Mme D. demande au tribunal d’enjoindre à l’Assistance publique – hôpitaux de Paris, sur le fondement des dispositions citées au point 1, de prendre toutes mesures utiles afin de permettre l’exportation des gamètes de M. C. vers un établissement de santé situé dans l’Union européenne et autorisé à pratiquer les procréations médicalement assistées, qui lui sera indiqué.

Sur les dispositions législatives applicables :

4. Aux termes de l’article L. 2141-2 du code de la santé publique : « L'assistance médicale à la procréation a pour objet de remédier à l'infertilité d'un couple ou d'éviter la transmission à l'enfant ou à un membre du couple d'une maladie d'une particulière gravité. Le caractère pathologique de l'infertilité doit être médicalement diagnostiqué. / L'homme et la

Page 176: Lettre du tribunal administratif de Paris

femme formant le couple doivent être vivants, en âge de procréer et consentir préalablement au transfert des embryons ou à l'insémination. Font obstacle à l'insémination ou au transfert des embryons le décès d'un des membres du couple, le dépôt d'une requête en divorce ou en séparation de corps ou la cessation de la communauté de vie, ainsi que la révocation par écrit du consentement par l'homme ou la femme auprès du médecin chargé de mettre en œuvre l'assistance médicale à la procréation. ». L’article L. 2141-11 de ce même code dispose : « Toute personne dont la prise en charge médicale est susceptible d'altérer la fertilité, ou dont la fertilité risque d'être prématurément altérée, peut bénéficier du recueil et de la conservation de ses gamètes ou de ses tissus germinaux, en vue de la réalisation ultérieure, à son bénéfice, d'une assistance médicale à la procréation, ou en vue de la préservation et de la restauration de sa fertilité. Ce recueil et cette conservation sont subordonnés au consentement de l'intéressé et, le cas échéant, de celui de l'un des titulaires de l'autorité parentale, ou du tuteur, lorsque l'intéressé, mineur ou majeur, fait l'objet d'une mesure de tutelle. / Les procédés biologiques utilisés pour la conservation des gamètes et des tissus germinaux sont inclus dans la liste prévue à l'article L. 2141-1, selon les conditions déterminées par cet article. ». Il résulte de ces dispositions qu’en principe, le dépôt et la conservation des gamètes ne peuvent être autorisés, en France, qu’en vue de la réalisation d’une assistance médicale à la procréation entrant dans les prévisions légales du code de la santé publique.

5. En outre, en vertu des dispositions de l’article L. 2141-11-1 de ce même code : « L'importation et l'exportation de gamètes ou de tissus germinaux issus du corps humain sont soumises à une autorisation délivrée par l'Agence de la biomédecine. / Seul un établissement, un organisme ou un laboratoire titulaire de l'autorisation prévue à l'article L. 2142-1 pour exercer une activité biologique d'assistance médicale à la procréation peut obtenir l'autorisation prévue au présent article. / Seuls les gamètes et les tissus germinaux recueillis et destinés à être utilisés conformément aux normes de qualité et de sécurité en vigueur, ainsi qu'aux principes mentionnés aux articles L. 1244-3, L. 1244-4, L. 2141-2, L. 2141-3, L. 2141-7 et L. 2141-11 du présent code et aux articles 16 à 16-8 du code civil, peuvent faire l'objet d'une autorisation d'importation ou d'exportation. / Toute violation des prescriptions fixées par l'autorisation d'importation ou d'exportation de gamètes ou de tissus germinaux entraîne la suspension ou le retrait de cette autorisation par l'Agence de la biomédecine. ».

Sur la compatibilité avec les stipulations de la convention européenne de sauvegarde

des droits de l’homme et des libertés fondamentales :

6. Les dispositions mentionnées aux points 4 et 5 ne sont pas incompatibles avec les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et, en particulier, de son article 8 qui stipule que « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (…) ».

D’une part en effet, l’interdiction posée par l’article L. 2141-2 du code de la santé publique d’utiliser les gamètes du mari après son décès pour réaliser une insémination au profit de sa veuve relève de la marge d’appréciation dont chaque Etat dispose, dans sa juridiction, pour l’application de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et elle ne porte pas, par elle-même, une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale, tel qu’il est garanti par les stipulations de l’article 8 de cette convention.

D’autre part, l’article L. 2141-11-1 de ce même code interdit également que les gamètes déposés en France puissent faire l’objet d’une exportation, s’ils sont destinés à être utilisés, à l’étranger, à des fins qui sont prohibées sur le territoire national. Ces dernières dispositions, qui visent à faire obstacle à tout contournement des dispositions de l’article L. 2141-2, ne

Page 177: Lettre du tribunal administratif de Paris

méconnaissent pas davantage par elles-mêmes les exigences nées de l’article 8 de cette convention.

7. Toutefois, la compatibilité de la loi avec les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne fait pas obstacle à ce que, dans certaines circonstances particulières, l’application de dispositions législatives puisse constituer une ingérence disproportionnée dans les droits garantis par cette convention. Il appartient par conséquent au juge d’apprécier concrètement si, au regard des finalités des dispositions législatives en cause, l’atteinte aux droits et libertés protégés par la convention qui résulte de la mise en œuvre de dispositions, par elles-mêmes compatibles avec celle-ci, n’est pas excessive.

Sur l’appréciation de l’atteinte portée par la décision contestée au droit de Mme D. au

respect de sa vie privée et familiale : 8. Il résulte de l’instruction et n’est pas contesté que Mme D. et M. C. avaient le projet

de devenir parents. Pour permettre la réalisation de ce projet malgré la mise en œuvre d’un traitement par chimiothérapie qui risquait d’altérer sa fertilité, M. C. a procédé au dépôt de spermatozoïdes le 13 décembre 2016 auprès du CECOS de l’hôpital Cochin. A cette occasion, il lui a été indiqué que la conservation des spermatozoïdes était strictement personnelle, qu’elle était assurée pour une durée d’un an renouvelable, qu’il serait interrogé tous les ans sur le devenir de ses paillettes, que ses paillettes ne pourront être délivrées qu’à lui-même présent et consentant sur présentation de sa pièce d’identité et qu’en cas de décès, il serait mis fin à cette conservation. Par la suite, et alors que son état de santé s’est stabilisé au mois d’avril 2017 pour se dégrader de façon fulgurante le 25 septembre 2017, M. C. n’a jamais exprimé la volonté que ses paillettes soient utilisées en vue d’une insémination artificielle postérieurement à son décès éventuel. Par ailleurs, Mme D., qui est de nationalité française et réside en France, n’a pas de lien particulier avec l’Espagne, pays dans lequel un établissement de santé aurait accepté de procéder à une insémination post-mortem, selon les affirmations de son avocat à l’audience, non corroborées par les pièces du dossier. Ainsi, le projet d’insémination à l’étranger poursuivi par Mme D. est clairement animé par la volonté de contourner les dispositions législatives françaises qui font obstacle à sa réalisation. Dans ces conditions, compte tenu des intérêts légitimes qui fondent la législation française, la décision contestée ne porte pas au droit de Mme D. au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, une atteinte excessive. Cette décision de refus ne porte donc pas une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la condition

d’urgence, que les conclusions présentées par Mme D. sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative doivent être rejetées.

Sur la demande de transmission d’une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne :

10. Mme D. demande au tribunal, à titre subsidiaire, de transmettre à la Cour de justice

de l’Union européenne la question préjudicielle suivante : « Les articles 7 et 9 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation nationale qui interdit de manière générale et absolue le transfert de gamètes vers un pays étranger, en vue d’une insémination post-mortem ? ».

Page 178: Lettre du tribunal administratif de Paris

11. L’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne stipule que

« Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale » tandis que l’article 9 de cette même charte précise que le droit de fonder une famille est garanti selon les lois nationales qui en régissent l’exercice. Par ailleurs, l’article 51 précise que « Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux États membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. (…) ». Il résulte de ces dernières dispositions que Mme D. ne peut utilement se prévaloir, dans la présente instance, des articles 7 et 9 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, dès lors que la décision contestée ne procède pas d’une mise en oeuvre du droit de cette union.

12. Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter les conclusions de la requête de Mme D.

Sur les conclusions présentées par l’agence de la biomédecine au titre de l’article L.

761-1 du code de justice administrative : 13. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions

présentées par l’agence de la biomédecine, sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de Mme D. est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par l’agence de la biomédecine au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme V. D., à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris et à l'agence de la biomédecine.

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Page 179: Lettre du tribunal administratif de Paris

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PARIS

N°1707065/2-1 ___________

M. M. et autres ___________

M. Le Broussois Rapporteur ___________

M. Le Garzic Rapporteur public ___________ Audience du 29 mai 2018 Lecture du 12 juin 2018 ___________

60-01-02-01-01

C

Sommaire

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Paris

(2ème section – 1ère chambre)

Vu la procédure suivante : Par une requête et un mémoire enregistrés le 14 avril 2017 et le 19 février 2018, M. M.,

M. A., Mme B., M. C., M. D., M. E., Mme F., M. G., M. H., M. I., M. J., M. K., M. L., M. N., M. O., M. P., M. Q., la société LM Transport, M. R., la société Taxi Trea, M. S., M. T., M. U., le syndicat Sud Taxi, M. V., M. W., M. X., M. Y., M. Z., M. A1., M. B1., M. C1., M. D1., M. E1., M. F1., Mme G1., M. H1., M. I1., M. J1., M. K1., Mme L1., M. M1., la société Rorora, M. N1., la société LSE Taxi, M. O1., M. P1., M. Q1., M. R1., M. S1., M. T1., M. U1., la société Botaxi & Co, M. V1., M. W1., représentés par la SCP Boré et Salve de Bruneton, demandent au tribunal :

1°) de condamner l’Etat à les indemniser des préjudices qu’ils ont subis du fait de la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 180 euros à verser à chacun d’eux en

application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - l’ouverture du marché des transports publics particuliers à la concurrence des

voitures de tourisme avec chauffeur qui résulte de la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques a entrainé pour les chauffeurs de taxi un préjudice économique résultant de la perte de valeur des autorisations de stationnement et dans certains cas de la baisse de leur chiffre

Page 180: Lettre du tribunal administratif de Paris

d’affaires, ainsi qu’un préjudice moral lié à la dégradation de leurs conditions de travail et à l’inquiétude suscitée par la loi sur l’avenir de leur activité ;

- ces préjudices présentent un caractère anormal et spécial ; - le législateur n’a pas entendu exclure l’indemnisation de ces préjudices ; - l’absence de réparation méconnaîtrait le droit au respect des biens consacré par

l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 janvier 2018, le ministre de l’économie et

des finances conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - les conditions d’engagement de la responsabilité sans faute de l’Etat ne sont pas

réunies. - les préjudices allégués ne sont justifiés.

Par ordonnance du 21 février 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 14 mars 2018. Vu les autres pièces du dossier.

Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés

fondamentales et son premier protocole additionnel, - le code du tourisme, - le code des transports, - la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009, - le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique : - le rapport de M. Le Broussois, - les conclusions de M. Le Garzic, rapporteur public, - et les observations de Me Boré, avocat des requérants.

1. Considérant que l’article 4 de la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 de développement

et de modernisation des services touristiques a modifié les conditions d’exercice de l’activité de transport individuel de personnes suivant des conditions fixées à l’avance entre les parties en substituant à la législation des « voitures de tourisme de luxe dites de grande remise » celle des « voitures de tourisme avec chauffeur » (VTC) ; que cette modification s’est notamment traduite par la soumission de l’activité en cause, qui relevait précédemment du régime de l’autorisation préalable, à un régime de simple déclaration ; que, par des réclamations en date des 13 décembre 2016 et 23 décembre 2016 adressées au Premier Ministre, M. M., M. A., Mme B., M. C., M. D., M. E., Mme F., M. G., M. H., M. I., M. J., M. K., M. L., M. N., M. O., M. P., M. Q., la société LM Transport, M. N., la société Taxi Trea, M. S., M. T., M. U., M. V., M. W., M. X., M. Y., M. Z., M. A1., M. B1., M. C1., M. D1., M. E1., M. F1., Mme G1., M. H1., M. I1., M. J1., M. K1.,

Page 181: Lettre du tribunal administratif de Paris

Mme L1., M. M1., la société Rorora, M. N1., la société LSE Taxi, M. O1., M. P1., M. Q1., M. R1., M. S1., M. T1., M. U1., la société Botaxi & Co, M. V1. et M. W1., qui sont exploitants de taxis, ont sollicité l’indemnisation du préjudice économique et du préjudice moral qu’ils estimaient avoir subis du fait de l’application de la loi précitée, résultant respectivement, d’une part, de la perte de valeur des autorisations de stationnement dont ils sont titulaires ainsi que, le cas échéant, de la baisse de leur chiffre d’affaires et, d’autre part, de la dégradation de leurs conditions de travail et de l’inquiétude suscitée par la loi sur l’avenir de leur activité ; que le syndicat Sud Taxi s’est associé à la réclamation du 23 décembre 2016 pour solliciter l’indemnisation de son préjudice moral résultant de l’atteinte à l’intérêt collectif de ses membres ; que ces réclamations ont été implicitement rejetées ; que, par la présente requête, les requérants précités demandent au tribunal de condamner l’Etat à les indemniser des préjudices susmentionnés ;

Sur les conclusions à fin d’indemnisation :

2. Considérant que la responsabilité de l’Etat du fait des lois est susceptible d’être

engagée sur le fondement de l’égalité des citoyens devant les charges publiques, pour assurer la réparation de préjudices nés de l’adoption d’une loi, à la condition que cette loi n’ait pas exclu toute indemnisation et que le préjudice dont il est demandé réparation, revêtant un caractère grave et spécial, ne puisse, dès lors, être regardé comme une charge incombant normalement aux intéressés ;

3. Considérant, en l’espèce, que, eu égard au nombre de personnes exerçant en France la profession d’exploitant de taxi, qui s’élève à plus de 55 000 selon les indications non contestées de l’administration, les préjudices invoqués par les requérants et résultant de l’application de l’article 4 de la loi précitée du 22 juillet 2009 ne peuvent être regardés comme présentant un caractère spécial ; qu’il n’incombe dès lors pas à l’Etat d’en assurer la réparation, sans que les requérants ne puissent utilement soutenir que l’absence d’une telle réparation méconnaîtrait le droit au respect des biens consacré par l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d’indemnisation

présentées par les requérants doivent être rejetées ; Sur les conclusions à fin d’application de l’article L. 761-1 du code de justice

administrative :

5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par les requérants au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête n° 1707065 est rejetée. Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. M., à M. A., à Mme B., à M. C., à

M. D., à M. E., à Mme F., à M. G., à M. H., à M. I., à M. J., à M. K., à M. L., à M. N., à M. O., à M. P., à M. Q., à la société LM Transport, à M. R., à la société Taxi Trea, à M. S., à M. T., à

Page 182: Lettre du tribunal administratif de Paris

M. U., au syndicat Sud Taxi, à M. V., à M. W., à M. X., à M. Y., à M. Z., à M. A1., à M. B1., à M. C1., à M. D1., à M. E1., à M. F1., à Mme G1., à M. H1., à M. I1., à M. J1., à M. K1., à Mme L1., à M. M1., à la société Rorora, à M. N1., à la société LSE Taxi, à M. O1., à M. P1., à M. Q1., à M. R1., à M. S1., à M. T1., à M. U1., à la société Botaxi & Co, à M. V1., à M. W1., au ministre de l’économie et des finances et au ministre de la transition écologique et solidaire.

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Page 183: Lettre du tribunal administratif de Paris

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PARIS

N°1717385/3-3 ___________

SOCIÉTÉ CAFE DE FLORE ___________

M. Patrick Martin-Genier Rapporteur ___________

M. Jean-Christophe Gracia Rapporteur public ___________ Audience du 29 mai 2018 Lecture du 12 juin 2018

_________ 66-07-01-04-02 C

Sommaire

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le tribunal administratif de Paris

(3e Section - 3e Chambre)

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire récapitulatif enregistrés les 13 novembre 2017 et le 10 avril 2018, la société, Café de Flore représentée par la SELARL Juralex Avocats, demande au tribunal d’annuler la décision du 19 avril 2017 par laquelle l’inspecteur du travail a refusé d’autoriser le licenciement de M. L. et d’autoriser le licenciement de ce dernier.

Elle soutient que : - la décision du 19 avril 2017 de l’inspecteur du travail est entachée d’erreurs de droit ; - la décision n’est pas motivée ; - l’inspecteur du travail a commis une erreur de droit en estimant que les faits étaient

prescrits ; - l’inspecteur du travail a commis une erreur de droit en estimant que les faits étaient

sans lien avec le mandat exercé ; -la décision manque de base légale ; Par un mémoire enregistré le 21 février 2018, la ministre du travail conclut au rejet de la

requête ; Elle soutient que les faits reprochés à M. L. sont prescrits et que les autres moyens de la

requête ne sont pas fondés ;

Page 184: Lettre du tribunal administratif de Paris

Par un mémoire enregistré le 19 mars 2018, M. L., représenté par le cabinet Stéphane Kadri, demande au tribunal :

1°) de rejeter la requête de la société Café de Flore ; 2°) de mettre à la charge de la société Café de Flore une somme de 2 500 euros en

application de l’article L.761-1 du code de justice ; Il soutient que : - la décision de refus d’autoriser son licenciement du 15 février 2017 étant devenue

définitive, il n’est plus possible d’en contester les motifs à l’appui du recours dirigé contre la décision du 19 avril 2017 ;

- les faits sont prescrits ; - la matérialité et le caractère fautif des faits reprochés ne sont pas établis ; Par ordonnance du 11 avril 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 30 avril 2018. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code du travail ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique : - le rapport de M. Martin-Genier, - les conclusions de M. Gracia, rapporteur public, - et les observations de Me Vier-Cazier, représentant la société Café de Flore et de

Me Beausillon, représentant M. L. Considérant ce qui suit : 1. M. L., employé en qualité de garçon de café au sein de la société Café de Flore,

exerçant les fonctions de délégué syndical CGT ainsi que celles de représentant syndical au comité d’entreprise depuis le 15 mai 2014, a, le 5 décembre 2016, été convoqué à un entretien préalable à licenciement pour le 12 décembre 2016. Le comité d’entreprise réuni le 12 et le 15 décembre 2016, a émis un avis favorable à la mesure de licenciement envisagé. Par une décision administrative en date du 21 décembre 2016, l’inspecteur du travail a refusé d’autoriser le licenciement de M. L. en raison de l’irrégularité de la procédure. Une nouvelle convocation à un entretien préalable a alors été adressée à M. L. pour un entretien qui a eu lieu le 6 janvier 2017. Le comité d’entreprise a de nouveau rendu un avis favorable au licenciement de M. L. le 11 janvier 2017. Toutefois, par décision du 15 février 2017, l’inspecteur du travail a refusé d’autoriser le licenciement de M. L. Par courrier en date du 21 février 2017, M. L. a été convoqué à un nouvel entretien préalable au licenciement qui a eu lieu le 3 mars 2017. Une nouvelle demande d’autorisation de licenciement a été présentée à l’inspecteur du travail par courrier du 20 mars 2017. Par une décision du 19 avril 2017, l’inspecteur du travail a rejeté la

Page 185: Lettre du tribunal administratif de Paris

demande d’autorisation de licenciement de M. L. Par la présente requête, la société Café de Flore demande l’annulation de cette seule décision.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

2. Aux termes de l’article L. 1332-4 du code du travail : « Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. ». En application de ces dispositions, la date d’engagement des poursuites disciplinaires correspond à la date d’envoi au salarié de la lettre le convoquant à l’entretien préalable et cette lettre interrompt la prescription de deux mois mentionnée par ces dispositions.

3. Il ressort de la décision attaquée du 19 avril 2017 que l’inspecteur du travail a rejeté

la demande d’autorisation de licenciement formée par la société Café de Flore au motif que les faits reprochés, survenus le 11 novembre 2016, devaient être regardés comme prescrits au moment de l’engagement de la troisième procédure le 21 février 2017, date de la lettre de convocation à l’entretien préalable. Les fais reprochés à M. L., qui datent du 11 novembre 2016, n’étaient cependant pas prescrits à la date de l’engagement de la première procédure le 5 décembre 2016. La date d’entretien préalable du 12 décembre 2016 a ouvert un nouveau délai de deux mois pour poursuivre les faits et ce délai n’était pas expiré le 23 décembre 2016, date de l’engagement de la deuxième procédure pour un entretien préalable au licenciement, qui a eu lieu le 6 janvier 2017. Ainsi, la prescription a été prorogée jusqu’au 6 mars 2017 et, à la date du 21 février 2017 à laquelle la société requérante a engagé la troisième procédure de licenciement pour faute de M. L., les faits n’étaient pas prescrits. Dès lors, en estimant que les faits étaient prescrits au moment de l’engagement de la troisième procédure le 12 février 2017, l’inspecteur du travail a commis une erreur de droit.

4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner sur les autres

moyens de la requête, que la décision du de l’inspecteur du travail du 19 avril 2018 doit être annulée.

Sur les conclusions tendant à autoriser le licenciement de M.L. : 5. Il n’appartient pas au tribunal, quand bien même il prononce par le présent jugement

l’annulation de décision du 19 avril 2017 de l’inspecteur du travail rejetant la demande d’autorisation de licenciement de M. L., d’autoriser ce licenciement, alors au surplus que par une décision non contestée dans la précédente instance en date du 16 novembre 2017 la ministre du travail, saisie par la voie d’un recours hiérarchique, a confirmé ce refus sur le fondement d’un autre motif ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L.761-1 du code de justice

administrative : 6. Aux termes des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice

administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. (…) ».

Page 186: Lettre du tribunal administratif de Paris

7. Ces dispositions font obstacle à ce que la société Café de Flore, qui n’est pas dans la

présente instance, la partie perdante, verse à M. L. la somme demandée par ce dernier au titre des frais exposés par lui dans la présente instance et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 19 avril 2017 de l’inspecteur du travail rejetant la demande d’autorisation de licenciement de M. L. est annulée. Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 3 : Les conclusions présentées par M. L. au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la société Café de Flore, au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Île-de-France, à la ministre du travail et à M. L.

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Page 187: Lettre du tribunal administratif de Paris

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PARIS

N°1613702/4-2 ___________

SOCIÉTÉ GROUPE DE CONSEIL EN INVESTISSEMENT ET FINANCEMENT ___________

Mme Mosser Rapporteur ___________

Mme Mauclair Rapporteur public ___________ Audience du 15 juin 2018 Lecture du 29 juin 2018

_________

68-02-01 C

Sommaire

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le tribunal administratif de Paris

(4ème Section – 2ème Chambre)

Vu la procédure suivante : Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2016, et des mémoires, enregistrés le 21 juin

2017, le 26 juillet 2017, le 1er septembre 2017, le 13 octobre 2017 et le 25 mai 2018, la Société groupe de conseil en investissement et financement (SCIFIM), représentée par Me Jorion, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d’annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par la Maire de

Paris sur sa demande du 16 juin 2016, tendant à ce que la Maire de Paris propose à Mme C. d’acquérir le bien sis 44/46 rue Véron et 28 rue Lepic (75018), puis, en cas de refus de la part de celle-ci, lui propose, en sa qualité d’acquéreur évincé, d’acquérir le bien ;

2°) d’enjoindre la ville de Paris, dans un délai de quinze jours à compter du jugement à

intervenir, de proposer le bien sis 44/46 rue Véron et 28 rue Lepic (75018) à la venderesse, Mme C., pour un prix de 2 230 000 euros, diminué des dépenses qu’ils devront exposer pour remettre le bien dans l’état dans lequel il se trouvait initialement, ou augmenté des dépenses utiles, sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard ;

3°) d’enjoindre la ville de Paris, dans un délai de quinze jours à compter du refus

implicite ou explicite de la venderesse, de proposer le bien sis 44/46 rue Véron et 28 rue Lepic (75018) à l’acquéreur évincé, la SCIFIM, pour un prix de 2 230 000 euros, diminué des dépenses qu’ils devront exposer pour remettre le bien dans l’état dans lequel il se trouvait initialement, ou augmenté des dépenses utiles, sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard ;

Page 188: Lettre du tribunal administratif de Paris

4°) d’enjoindre la ville de Paris, dans un délai de deux mois à compter de l’acceptation du bien par la SCIFIM, de procéder à la signature de l’acte authentique portant vente du bien pour un prix de 2 230 000 euros, diminué des dépenses qu’ils devront exposer pour remettre le bien dans l’état dans lequel il se trouvait initialement, ou augmenté des dépenses utiles, sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de la ville de Paris une somme de 4 000 euros en application

de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que : - alors que la décision de préemption de la ville de Paris a été annulée par un

jugement devenu définitif, et malgré sa demande en ce sens, la ville de Paris a implicitement refusé de proposer l’acquisition du bien illégalement préempté à l’ancienne propriétaire, puis, le cas échéant, de le lui proposer en sa qualité d’acquéreur évincé , en méconnaissance des dispositions de l’article L. 213-11-1 du code de l’urbanisme ;

- le bien doit être proposé au montant de 2 230 000 euros, compte tenu des commissions d’agence versées par la ville de Paris ; ce montant devra être diminué des dépenses nécessaires à la remise du bien dans son état initial ou augmenté des dépenses utiles ;

- eu égard au comportement dilatoire de la ville de Paris, il y a lieu d’assortir l’annulation d’une injonction sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard ;

- les dispositions de l’article L. 213-12 du code de l’urbanisme ne permettent pas de déroger à l’obligation de proposer le bien aux anciens propriétaires puis, le cas échéant, à l’acquéreur évincé ;

- la ville de Paris n’est pas fondée à invoquer le motif d’intérêt général qui justifiait la seule décision de préemption, par la suite annulée, pour déroger à l’application de l’article L. 213-11-1 du code de l’urbanisme, dès lors que, d’une part, ce motif fondait la décision de préemption qui a été annulée, et, d’autre part, que la réserve d’intérêt général a disparu du droit positif depuis l’introduction de la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové ; au demeurant, l’atteinte excessive à l’intérêt général n’est pas caractérisée dès lors que les travaux de rénovation de l’immeuble d’habitation n’ont pas modifié sa destination ;

- la ville de Paris n’est pas fondée à invoquer l’état d’avancement des travaux dans la mesure où celui-ci est dû à sa propre imprudence, dès lors qu’elle a accordé un permis de construire et autorisé le lancement de travaux après l’introduction de la requête tendant à l’annulation de la décision de préemption ;

- le moyen tiré du motif de l’annulation de la décision de préemption est inopérant.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 23 juin 2017, le 28 juillet 2017 et le 15 septembre 2017, 7 mai 2018 et 8 juin 2018, la ville de Paris conclut au rejet de la requête.

Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que : - les conclusions de la requérante ne sont fondées ni en fait ni en droit, compte tenu

de l’intérêt général s’attachant à la poursuite du projet de réalisation de logements sociaux mené par la ville de Paris, et dès lors que l’annulation de la décision de préemption n’implique pas nécessairement la rétrocession du bien préempté lorsque celle-ci porterait une atteinte excessive à l’intérêt général ;

- contrairement à ce que soutient la requérante, rien n’indique que le législateur de la loi ALUR a entendu écarter la possibilité de déroger à l’application de l’article L. 213-11-1 du code de l’urbanisme lorsque la rétrocession du bien porterait une atteinte excessive à l’intérêt général ; il ressort en revanche des travaux parlementaires préparatoires que l’intention du législateur était de consacrer les principes appliqués en ce sens par la jurisprudence administrative en cas d’annulation d’une décision de préemption ; il s’infère également de

Page 189: Lettre du tribunal administratif de Paris

l’article L. 213-12 du code de l’urbanisme, lequel prévoit une action en dommages et intérêts devant le juge judicaire en cas de non respect des obligations prévues à l’article L. 213-11-1 du même code, que le législateur a envisagé, dans certaines hypothèses, une mesure dérogatoire à l’application de cet article ;

- la décision de préemption n’était pas entachée d’illégalité sur le fond et son annulation n’est intervenue que cinq années après la décision litigieuse ; or, l’atteinte excessive à l’intérêt général qui résulterait de la rétrocession du bien doit être appréciée au regard de l’ensemble des intérêts en présence et tenir compte, d’une part, du motif retenu pour l’annulation de la décision de préemption et, d’autre part, de l’affectation et des travaux d’ores et déjà effectués sur ce bien ;

- les autres conclusions de la requérante ne sont pas fondées. Les parties ont été informées le 2 janvier 2017, en application des dispositions de

l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d’être fondé sur un moyen relevé d’office, tiré de l’incompétence de la juridiction administrative pour statuer sur une demande de rétrocession à l’ancien propriétaire ou à l’acquéreur évincé.

Par des mémoires, enregistrés le 4 janvier 2017, le 26 juillet 2017 et le 1er septembre

2017, la SCIFIM a présenté ses observations en réponse au moyen d’ordre public. Elle soutient que : - la juridiction administrative est bien compétente pour connaitre de sa demande ; - cette compétence a été définitivement confirmée par une décision du Tribunal des

conflits du 12 juin 2017, n° 4085. Par des mémoires, enregistrés le 18 janvier 2017, le 23 juin 2017 et le 28 juillet 2017, la

ville de Paris a présenté ses observations en réponse au moyen d’ordre public. Elle soutient que : - la juridiction administrative est incompétente pour connaitre du contentieux de la

rétrocession de biens préemptés qui relève par nature de l’ordre judiciaire ; - la jurisprudence citée par la requérante, qui reconnait au juge administratif

compétence pour exercer les pouvoirs qu’il tient des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative afin d’ordonner les mesures qu’implique l’annulation de la décision de préemption, n’est pas applicable au cas d’espèce dès lors que la requérante n’ayant pas elle-même sollicité l’annulation de la décision litigieuse, il ne s’agit pas pour elle d’obtenir l’exécution d’une décision à laquelle elle était partie ;

- la juridiction administrative est en outre incompétente pour fixer le prix de rétrocession du bien préempté, cette compétence revenant au juge de l’expropriation en vertu des dispositions de l’article L. 213-11-1 du code de l’urbanisme.

Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l’urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Page 190: Lettre du tribunal administratif de Paris

Ont été entendus au cours de l’audience publique : - le rapport de Mme Mosser, - les conclusions de Mme Mauclair, rapporteur public, - et les observations de Me Jorion, représentant la SCIFIM, et de Mme Groux,

représentant la ville de Paris. Considérant ce qui suit : 1. La société groupe de conseil en investissement et financement (SCIFIM) a signé

le 30 novembre 2010 une promesse de vente en vue de l’achat d’un immeuble sis 44/46 rue Véron - 28 rue Lepic à Paris (75018). Après réception de la déclaration d’intention d’aliéner, la ville de Paris a, par décision du 18 février 2011, exercé son droit de préemption urbain sur l’immeuble au prix de 2 000 000 euros et 230 000 euros de commission d’agence, en vue de la réalisation de logements sociaux. L’acte authentique a été signé le 3 août 2011. Par jugement devenu définitif du 8 avril 2016, le tribunal de céans a annulé la décision de préemption. Par courrier du 16 juin 2016, reçu par la ville de Paris le 6 juillet 2016, la société SCIFIM a demandé à la maire de Paris de proposer l’immeuble en cause à la venderesse puis à l’acquéreur évincé, c’est-à-dire la société SCIFIM, en application des dispositions de l’article L.231-11-1 du code de l’urbanisme. La société s’est vu opposer une décision implicite de rejet de sa demande. Par la présente requête, la société SCIFIM demande au tribunal d’annuler cette décision.

Sur l’exception d’incompétence de la juridiction administrative : 2. Aux termes de l’article L. 213-11-1 du code de l’urbanisme : « Lorsque, après que

le transfert de propriété a été effectué, la décision de préemption est annulée ou déclarée illégale par la juridiction administrative, le titulaire du droit de préemption propose aux anciens propriétaires ou à leurs ayants cause universels ou à titre universel l’acquisition du bien en priorité./ Le prix proposé vise à rétablir, sans enrichissement injustifié de l’une des parties, les conditions de la transaction à laquelle l’exercice du droit de préemption a fait obstacle. A défaut d’accord amiable, le prix est fixé par la juridiction compétente en matière d’expropriation, conformément aux règles mentionnées à l’article L. 213-4./ A défaut d’acceptation dans le délai de trois mois à compter de la notification de la décision juridictionnelle devenue définitive, les anciens propriétaires ou leurs ayants cause universels ou à titre universel sont réputés avoir renoncé à l’acquisition./ Dans le cas où les anciens propriétaires ou leurs ayant cause universels ou à titre universel ont renoncé expressément ou tacitement à l’acquisition dans les conditions mentionnées aux trois premiers alinéas du présent article, le titulaire du droit de préemption propose également l'acquisition à la personne qui avait l'intention d'acquérir le bien, lorsque son nom était inscrit dans la déclaration mentionnée à l'article L. 213-2. ». Aux termes de l’article L. 213-12 du même code : « En cas de non-respect des obligations définies au deuxième alinéa de l'article L. 213-11 ou au premier alinéa de l'article L. 213-11-1, les anciens propriétaires ou leurs ayants cause universels ou à titre universel saisissent le tribunal de l'ordre judiciaire d'une action en dommages-intérêts contre le titulaire du droit de préemption. / En cas de non-respect des obligations définies au sixième alinéa de l'article L. 213-11 ou au dernier alinéa de l'article L. 213-11-1, la personne qui avait l'intention d'acquérir ce bien saisit le tribunal de l'ordre judiciaire d'une action en dommages-intérêts contre le titulaire du droit de préemption. / Dans les cas prévus aux articles L. 213-11 et L. 213-11-1, la renonciation à la rétrocession n'interdit pas de saisir le tribunal de l'ordre judiciaire d'une action en dommages et intérêts contre le titulaire du droit de préemption. /L'action en dommages et intérêts se prescrit par cinq ans : 1° Dans le cas prévu à l'article L. 213-11, à compter de la mention de l'affectation ou de l'aliénation du bien au registre mentionné à l'article L. 213-13. 2° Dans le cas prévu à

Page 191: Lettre du tribunal administratif de Paris

l'article L. 213-11-1, à compter de la décision de la juridiction administrative devenue définitive. ».

3. Il résulte de ces dispositions que, lorsque la juridiction administrative a annulé une décision de préemption d’un bien, il appartient au juge administratif, saisi de conclusions en ce sens par l’ancien propriétaire ou l’acquéreur évincé, d’exercer les pouvoirs qu’il tient des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative afin de déterminer et d’ordonner, le cas échéant sous astreinte, les mesures qu’implique nécessairement l’annulation, par le juge de l’excès de pouvoir, de la décision de préemption. Dès lors, la ville de Paris n’est pas fondée à contester la compétence de la juridiction administrative pour statuer sur la présente requête.

Sur les conclusions à fin d’annulation : 4. L'annulation par le juge de l'excès de pouvoir de l'acte par lequel le titulaire du

droit de préemption décide d'exercer ce droit emporte pour conséquence que ce titulaire doit être regardé comme n'ayant jamais décidé de préempter. Aux termes de l’article L. 213-11-1 du code de l’urbanisme précité, cette annulation implique nécessairement que le titulaire du droit de préemption, s'il n'a pas entre temps cédé le bien illégalement préempté, prenne toute mesure afin de mettre fin aux effets de la décision annulée. Il lui appartient à cet égard, et avant toute autre mesure, de s'abstenir de revendre à un tiers le bien illégalement préempté. Il doit en outre proposer à l'acquéreur évincé puis, le cas échéant, au propriétaire initial d'acquérir le bien, et ce, à un prix visant à rétablir autant que possible et sans enrichissement sans cause de l'une quelconque des parties les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle.

5. La ville de Paris fait état des démarches et des dépenses engagées pour la réalisation de son programme et produit, notamment, la conclusion d’un bail emphytéotique dont la vocation est de développer l’offre de logement social en Ile-de-France, l’agrément du Conseil de Paris du 31 décembre 2014, ainsi que les arrêtés du 22 avril 2015 et du 22 octobre 2015 relatifs aux subventions versées par la ville de Paris à la société ELOGIE. Elle se prévaut du programme local de l’habitat de Paris pour la période 2011-2016 pour soutenir que le projet municipal répond à l’impératif d’intérêt général de poursuite du développement de l’offre de logements sociaux dans le 18ème arrondissement, classé en zone de déficit en logements sociaux. Toutefois la réserve d’intérêt général que le juge apprécie dans l’exercice des pouvoirs qu’il tient des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative est sans incidence sur la légalité de la décision de refus de rétrocession compte tenu de l’obligation de rétrocession qui résulte l’article L. 213-11-1 du code de l’urbanisme en cas d’annulation définitive de la décision de préemption. Par suite, la société SCIFIM est fondée à soutenir que le refus opposé par la ville de Paris est entaché d’illégalité et, par suite, à obtenir l’annulation de cette décision.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution ». Eu égard aux motifs de la présente décision, l'exécution de celle-ci implique, en principe nécessairement, que la ville de Paris propose à Mme C. d’acquérir le bien sis 44/46 rue Véron et 28 rue Lepic (75018), puis, en cas de refus de la part de celle-ci, lui propose, en sa qualité d’acquéreur évincé, d’acquérir le bien. Toutefois, il appartient au Tribunal, lorsqu'il est saisi, sur le fondement des dispositions

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précitées, de conclusions tendant à ce que soit prescrite une mesure d'exécution dans un sens déterminé, de statuer sur ces conclusions en tenant compte de la situation de droit et de fait existant à la date de sa décision.

7. Il résulte de l’instruction que le bien en cause a, après son acquisition par

préemption, fait l’objet de travaux d’aménagement et de réhabilitation importants. L’un des immeubles en cause a notamment été démoli. Si la ville de Paris a imprudemment poursuivi les démarches et les travaux nécessaires à la réalisation de son projet en dépit des actions contentieuses tendant à l’annulation de la décision de préemption, les travaux sont toutefois actuellement terminés et ont été réceptionnés le 20 avril 2018. Par suite, la ville de Paris est fondée à soutenir que la rétrocession du bien, à la date du présent jugement, présenterait des inconvénients manifestement excessifs par rapport à l’atteinte portée aux droits de la société requérante. Cette atteinte manifeste à l’intérêt général que représenterait la rétrocession du bien fait ainsi obstacle aux conclusions présentées par la société requérante tendant à ce qu’il soit enjoint à la ville de Paris de proposer le bien à la venderesse, puis en cas de refus, à l’acquéreur évincé. Il appartiendra néanmoins à la société requérante, si elle s’y croit fondée, de saisir le tribunal de l’ordre judiciaire d’une action en réparation dirigée contre le titulaire du droit de préemption, conformément aux dispositions de l’article L.213-12 du code de l’urbanisme précité.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice

administrative :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la ville de Paris une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La décision implicite de rejet résultant du silence gardé par la Maire de Paris sur la demande de la Société groupe de conseil en investissement et financement (SCIFIM) du 16 juin 2016, tendant à ce que la Maire de Paris propose à Mme C. d’acquérir le bien sis 44/46 rue Véron et 28 rue Lepic (75018), puis, en cas de refus de la part de celle-ci, lui propose, en sa qualité d’acquéreur évincé, d’acquérir le bien est annulée. Article 2 : La ville de Paris versera à la Société groupe de conseil en investissement et financement (SCIFIM) la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4: Le présent jugement sera notifié à la Société groupe de conseil en investissement et financement (SCIFIM), à la ville de Paris et à Mme M. C.

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TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PARIS

N°1705104/4-3 ___________

M. D. et autres ___________

Mme Manokha Rapporteur ___________

Mme Guilloteau Rapporteur public ___________ Audience du 17 mai 2018 Lecture du 31 mai 2018

_________

68-03-03 C+

Sommaire

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le tribunal administratif de Paris

(4ème Section – 3ème Chambre)

Vu la procédure suivante : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 mars 2017 et le 16 février 2018, M. D.,

M. P. , M. D. , M. L. , M. H. , Mme C. , Mme B. , Mme N. et Mme A. , représentés par Me Corneloup, demandent au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du maire de Paris du 23 janvier 2017 portant non-opposition à

l’exécution des travaux déclarés par la société Free Mobile en vue de l’installation d’une antenne de téléphonie mobile sur l’immeuble situé au 52 rue Championnet à Paris dans le 18ème arrondissement ;

2°) de mettre à la charge de la ville de Paris une somme de 5 000 euros en application

de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - ils justifient d’un intérêt à agir ; l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme est

inopérant à l’encontre d’une décision de non opposition à déclaration préalable ; - la décision attaquée est entachée d’incompétence de son signataire ; - le dossier de déclaration préalable est insuffisant au regard des dispositions de l’article

R. 431-36 et R. 431-10 du code de l’urbanisme ; en outre, il est insuffisant au regard de l’article R. 431-14 du code de l’urbanisme, dès lors que le projet se situe dans le champ de visibilité d’un monument historique ;

- la décision attaquée est entachée de vice de procédure, en ce que l’architecte des Bâtiments de France a estimé à tort que le projet n’entrait pas dans le champ de visibilité de

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l’immeuble des Amiraux inscrit au titre de la législation sur les monuments historiques et qu’il n’avait donc pas à donner son accord ;

- elle est entachée d’un vice de procédure tiré de l’absence de saisine de l’inspection générale des carrières ;

- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l’article UG. 2.1 b) du règlement du plan local d’urbanisme ;

- il n’est pas établi, compte tenu de l’absence de mesure de l’armoire et des autres ouvrages accessoires à l’antenne, que le projet ne nécessitait pas l’octroi d’un permis de construire en lieu et place d’une déclaration préalable ;

- le projet méconnait l’article UG 11 4° du règlement du plan local d’urbanisme ; - la décision a été prise en méconnaissance du principe de précaution. Par des mémoires enregistrés le 27 décembre 2017 et le 16 mars 2018, la société Free

Mobile, représentée par Me Martin, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge des requérants la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que : - la requête est irrecevable, les requérants ne justifiant pas de leur intérêt pour agir au

sens des dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ; - aucun des moyens soulevés par les requérants n’est fondé. Par un mémoire en défense, enregistré le 29 décembre 2017, la ville de Paris conclut au

rejet de la requête. Elle soutient que : - la requête est irrecevable, les requérants ne justifiant pas de leur intérêt pour agir au

sens des dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ; - les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés. Par ordonnance du 23 mars 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 13 avril 2018. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la Constitution, - la Charte de l'environnement, - le code de l’urbanisme ; - le code de l'environnement, - le code du patrimoine ; - l'arrêté inter-préfectoral du 26 janvier 1966 relatif aux zones d'anciennes carrières de

Paris et du département de la Seine ; - l'arrêté inter-préfectoral du 25 février 1977 relatif aux terrains exposés à des risques

naturels ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

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Ont été entendus au cours de l’audience publique : - le rapport de Mme Manokha, - les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public, - et les observations de Me Tupigny, représentant les requérants, et de Me Paal,

représentant la société Free. Une note en délibéré présentée pour la société Free a été enregistrée le 18 mai 2018

(non communiquée). Considérant ce qui suit : 1. Le 29 novembre 2016, la société Free mobile a déposé auprès de la maire de Paris

une déclaration préalable de travaux en vue de la pose d’une antenne de téléphonie mobile sur l’immeuble du 52, rue Championnet à Paris, dans le 18ème arrondissement. Par un arrêté du 23 janvier 2017, la maire de Paris a pris une décision de non-opposition aux travaux déclarés.

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense : 2. Aux termes de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme : « Une personne autre

que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ». Ces dispositions ne sont pas applicables à un recours pour excès de pouvoir formé contre une décision de non-opposition à une déclaration de travaux. Il suit de là que la fin de non-recevoir opposée par la société Free mobile, tirée de ce que l’implantation de trois antennes relais de téléphonie mobile n’est pas de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien détenu par les requérants, au sens de ces dispositions, doit être écartée.

3. A l’appui de leur intérêt pour agir, les requérants, qui résident dans des immeubles

voisins du projet litigieux, invoquent notamment les risques pour la santé résultant de l’installation de l’antenne en cause, en particulier pour leurs jeunes enfants, et produisent des extraits d’études relatives à l’impact des ondes électromagnétiques sur la santé humaine. Un tel élément est, dans les circonstances de l’espèce, de nature à leur conférer intérêt pour demander l’annulation de la décision de non-opposition attaquée.

4. Dès lors, la fin de non-recevoir tirée de l’absence d’intérêt pour agir des requérants

doit être écartée. Sur les conclusions à fin d’annulation :

5. Aux termes de l’article R. 431-35 du code de l’urbanisme : « La déclaration préalable précise : / a) L'identité du ou des déclarants ; / b) La localisation et la superficie du ou des terrains ; / c) La nature des travaux ou du changement de destination ; / d) S'il y a lieu, la surface hors œuvre nette et la destination des constructions projetées. (…) / La déclaration comporte également l'attestation du ou des déclarants qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une déclaration préalable. ». Aux termes de l’article R. 431-36

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du même code : « Le dossier joint à la déclaration comprend : / a) Un plan permettant de connaître la situation du terrain à l'intérieur de la commune ; / b) Un plan de masse coté dans les trois dimensions lorsque le projet a pour effet de créer une construction ou de modifier le volume d'une construction existante ; / c) Une représentation de l'aspect extérieur de la construction faisant apparaître les modifications projetées et si le projet a pour effet de modifier celui-ci. (…) Il est complété, s'il y a lieu, par les documents mentionnés aux articles R. 431-14 et R. 431-15, au e de l'article R. 431-16 et aux articles R. 431-10, R. * 431-18, R. * 431-18-1, R. 431-21, R. 431-25, R. 431-31, R. 431-32 et R. 431-33 (…)Lorsque la déclaration porte sur un projet de création ou de modification d'une construction et que ce projet est visible depuis l'espace public ou que ce projet est situé dans le périmètre de protection d'un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques, le dossier comprend également les documents mentionnés aux c et d de l'article R. 431-10.» Aux termes de l’article R. 431-10 du même code : « Le projet architectural comprend également : a) Le plan des façades et des toitures ; lorsque le projet a pour effet de modifier les façades ou les toitures d'un bâtiment existant, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur ; / (…) / c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; / d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse. »

6. La circonstance qu’un dossier de demande d’autorisation d’urbanisme ne comporterait pas l’ensemble des documents exigés par les dispositions de l’article R. 431-36 du code de l’urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n’est susceptible d’entacher d’illégalité l’arrêté accordant cette autorisation que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l’appréciation portée par l’autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

7. Il ressort des pièces du dossier que si le dossier de déclaration de travaux déposé par

le pétitionnaire permettait d’apprécier l’impact du projet et son insertion par rapport aux constructions situées rue Championnet, aucune pièce ne permettait d’apprécier la visibilité du projet depuis l’espace public du côté du passage Duhesme, alors même que tant l’antenne que les ouvrages accessoires à cette antenne sont visibles depuis celui-ci. La déclaration préalable de travaux ne permettait en conséquence pas au service instructeur de porter une appréciation sur la régularité de l’ensemble des travaux, notamment quant aux modifications projetées impactant l’aspect extérieur de l’immeuble sur la façade située du côté du passage Duhesme, et l’insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages de ce côté de la voie publique. En outre, les plans produits, dont aucun ne représentait une vue de l’antenne et de ses équipements accessoires depuis le passage Duhesme, ne permettaient pas de palier une telle insuffisance. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que l’arrêté en cause a été délivré sur le fondement d’un dossier de déclaration préalable de travaux insuffisant en méconnaissance des dispositions des articles R. 431-36 et R. 431-10 du code de l’urbanisme.

8. Aux termes de l’article UG 2.1 du règlement du plan local d’urbanisme : «

Occupations et utilisations du sol soumises à des conditions particulières - Les constructions, installations et travaux divers de quelque nature que ce soit, à l’exception des travaux d'accessibilité, d’hygiène, d'isolation phonique ou thermique ou de sécurité, sont soumis aux conditions et restrictions suivantes. (…) b - Dans les zones d'anciennes carrières souterraines, dans les zones comportant des poches de gypse antéludien et dans la Zone de risque de

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dissolution du gypse antéludien, la réalisation de constructions ou d'installations et la surélévation, l'extension ou la modification de bâtiments existants sont, le cas échéant, subordonnées aux conditions spéciales imposées par l'Inspection générale des carrières en vue d'assurer la stabilité des constructions projetées et de prévenir tout risque d'éboulement ou d'affaissement (la Zone de risque de dissolution du gypse antéludien est délimitée sur le Plan des secteurs de risques figurant dans l'atlas général ; le plan délimitant les zones d'anciennes carrières souterraines et les zones comportant des poches de gypse antéludien, ainsi que les prescriptions qui s'y appliquent, figurent dans les annexes du PLU, servitudes d'utilité publique, § IV, B : servitudes relatives à la sécurité publique). ». Aux termes de l’arrêté inter-préfectoral du 26 janvier 1966 relatif aux zones d’anciennes carrières de Paris et du département de la Seine : « Les demandes de permis de construire concernant l’édification, la surélévation, l’extension ou la modification de bâtiments dans Paris et dans le département de la Seine sont transmises pour examen et avis par la Direction de l’Urbanisme à la Direction générale des Services techniques (Inspection générale des carrières), lorsque le terrain est situé dans une zone d’anciennes carrières, afin que soient précisées les conditions qui seront inscrites dans le permis de construire et auxquelles devra satisfaire le maître de l’œuvre en vue d’assurer la stabilité des constructions projetées (…) ». Aux termes de l’article 1er de l’arrêté inter-préfectoral du 25 février 1977 relatif aux terrains exposés à des risques naturels : « La construction et l’exercice d’activités sur les terrains exposés à un risque naturel (affaissement dus à des poches de dissolution du gypse) (…) sont subordonnés aux mêmes conditions spéciales qui ont été déterminées par l’arrêté inter-préfectoral du 26 janvier 1966 susvisé et annexé à la minute du présent arrêté. »

9. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d’assiette du projet est situé en zone

comportant des poches de gypse antéludien ou de risques de dissolution du gypse antéludien. Si l’arrêté du 26 janvier 1966 relatif aux zones d’anciennes carrières de Paris et du département de la Seine, auquel renvoie l’arrêté du 25 février 1977 relatif aux terrains exposés à des risques naturels, mentionnait l’obligation de saisir l’inspection générale des carrières des seules demandes de permis de construire, une telle obligation s’imposait pour l’édification, la surélévation, l’extension ou la modification de bâtiments existants, en vue d’assurer la stabilité des constructions projetées. L’arrêté du 25 février 1977, qui ne précise pas la nature des autorisations d’urbanisme concernées, se réfère à la construction et à l’exercice d’activités sur les terrains en cause. Dès lors, en l’état du droit désormais applicable, l’obligation de saisine de l’inspection générale des carrières doit être regardée comme s’appliquant y compris aux déclarations préalables lorsqu’elles portent sur l’édification, la surélévation, l’extension ou la modification de bâtiments existants dans les zones concernées. Par suite, l’autorité administrative était tenue de saisir l’inspection générale des carrières chargée de subordonner, le cas échéant, la réalisation des projets de modification de bâtiments existants dans de telles zones aux conditions spéciales permettant d'assurer la stabilité des constructions projetées et de prévenir tout risque d'éboulement ou d'affaissement. Dès lors, les requérants sont fondés à soutenir que la décision de non-opposition aux travaux déclarés du 23 janvier 2017 a été prise en méconnaissance de l’obligation de saisine de l’inspection générale des carrières, ce qui les a privés d’une garantie.

10. Aux termes de l’article L. 621-30 du code du patrimoine, dans sa rédaction

applicable à la date de l’arrêté attaqué : « II. – La protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, situé dans un périmètre délimité par l'autorité administrative dans les conditions fixées à l'article L. 621-31. Ce périmètre peut être commun à plusieurs monuments historiques. / En l'absence de périmètre délimité, la protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, visible du monument historique ou visible en même temps que lui et situé à moins de cinq cents mètres de celui-ci. ». Aux termes de l’article L. 621-32 du même code : « Les travaux susceptibles de modifier l'aspect extérieur d'un immeuble, bâti ou

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non bâti, protégé au titre des abords sont soumis à une autorisation préalable. ». Aux termes de l’article R. 425-1 du code de l’urbanisme : « Lorsque le projet est situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques ou dans celui d'un parc ou d'un jardin classé ou inscrit ayant fait l'objet d'un périmètre de protection délimité dans les conditions fixées à l'article L. 621-30 du code du patrimoine, ou porte sur un immeuble adossé à un immeuble classé au titre des monuments historiques, le permis de construire, le permis d'aménager, le permis de démolir ou la décision prise sur la déclaration préalable tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 621-31 du code du patrimoine dès lors que la décision a fait l'objet de l'accord de l'architecte des Bâtiments de France. » Aux termes de l’article R. 431-14 du même code : « Lorsque le projet porte sur des travaux nécessaires à la réalisation d'une opération de restauration immobilière au sens de l'article L. 313-4 ou sur un immeuble inscrit au titre des monuments historiques, sur un immeuble adossé à un immeuble classé ou sur une construction existante située dans un secteur sauvegardé, dans le champ de visibilité d'un monument historique défini à l'article L. 621-30 du code du patrimoine, dans une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, ou dans une aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine, la notice mentionnée à l'article R. 431-8 indique en outre les matériaux utilisés et les modalités d'exécution des travaux. »

11. La visibilité depuis un immeuble classé ou inscrit s’apprécie à partir de tout point de

cet immeuble normalement accessible conformément à sa destination ou à son usage. 12. Il n’est pas contesté que le projet se situe à 300 mètres de l’immeuble des Amiraux,

bâtiment classé au titre des monuments historiques. Pour établir la visibilité du projet depuis l’immeuble des Amiraux, les requérants produisent une photographie prise depuis une fenêtre du dernier étage de ce bâtiment, sur laquelle la partie haute du projet est visible. Pour soutenir que le projet ne serait pas visible depuis ce bâtiment, la société Free Mobile soutient que cette fenêtre se situerait dans une partie du bâtiment affectée à des logements, qui ne serait pas accessible au public mais serait uniquement accessible par digicode. Ce faisant, elle n’établit pas que cette partie de l’immeuble, si elle est affectée à des logements, ne serait pas accessible conformément à sa destination ou à son usage. Par ailleurs, la société Free Mobile n’apporte aucun élément précis, tel un constat d’huissier, pour remettre en cause la visibilité de la partie haute du projet depuis cette partie de l’immeuble des Amiraux. Ainsi, les requérants sont fondés à soutenir qu’en retenant l’absence de visibilité du projet depuis cet immeuble classé situé dans un rayon de 500 mètres de ce projet, l’Architecte des Bâtiments de France a entaché son avis du 22 décembre 2016 d’erreur d’appréciation. Le vice de procédure tiré de l’absence d’avis rendu l’Architecte des Bâtiments de France, alors que celui-ci devait, en vertu des dispositions précitées, donner son accord au projet, a privé les requérants d’une garantie.

13. En outre, alors que les dispositions de l’article R. 413-14 du code de l’urbanisme

subordonnent la réalisation de travaux effectués dans le périmètre de protection d’un monument historique à la production d’une notice architecturale précisant les matériaux utilisés et les modalités d'exécution des travaux, la notice ne précise pas les matériaux utilisés pour les modules techniques ni les modalités d’exécution des travaux. Dès lors, les requérants sont fondés à soutenir que le dossier de la demande préalable est insuffisant sur ce point.

14. Enfin, pour l’application de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, en l’état de

l’instruction, aucun autre moyen n’est susceptible d’entraîner l’annulation de la décision attaquée.

15. Il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à demander l’annulation

de la décision de non-opposition aux travaux déclarés en date du 23 janvier 2017.

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Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice

administrative : 16. Aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes

les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. »

17. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge des requérants, qui ne

sont pas parties perdantes dans la présente instance, la somme réclamée sur leur fondement par la société Free mobile. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la ville de Paris une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 23 janvier 2017 portant non-opposition aux travaux déclarés par la société Free Mobile est annulée. Article 2 : La ville de Paris versera aux requérants une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Les conclusions de la société Free Mobile présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. D., M. P., M. D. , M. L. , M. H., Mme C, Mme B., Mme N. et Mme A., à la ville de Paris et à la société Free Mobile.

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