l'ecole primaire, 15 novembre 1940

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SION, 15 Novembre 19" No 3 PARAISSANT 14 FOIS PENDANT LE COURS SCOLAIRE ORGANE DE LA VALAISANNE D' EDUCATION ABONNEMENT ANNUEL: Fr. 6.- Hme ADDH. Les abonnements se règlent par chèque postal - II c 56 ou à ce défaut contre remboursement Tout ce qui concerne la publication doit être adressé directement à M. CI. BÉRARD, Instituteur, Sierre -- Les annonces sont reçues exclusivement par --- PUBUCtTAS, Société Anonyme Suisse de Publicité, SION Avenue de la Gare Téléphone 2 12 36

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Page 1: L'Ecole primaire, 15 novembre 1940

Instituteurs et Institutrices! .,

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SION, 15 Novembre 19" No 3

PARAISSANT 14 FOIS PENDANT LE COURS SCOLAIRE

ORGANE DE LA SOC1~TÉ VALAISANNE D' EDUCATION

ABONNEMENT ANNUEL: Fr. 6.-

Hme ADDH.

Les abonnements se règlent par chèque postal -II c 56 Si~n, ou à ce défaut contre remboursement Tout ce qui concerne la publication doit être adressé directement à M. CI. BÉRARD, Instituteur, Sierre

-- Les annonces sont reçues exclusivement par --­PUBUCtTAS, Société Anonyme Suisse de Publicité, SION Avenue de la Gare Téléphone 2 12 36

Page 2: L'Ecole primaire, 15 novembre 1940

';. : . ·.. '\'. ~::. . ~

VIENT DIE P AHAITIHE

ALMANACH PESTAlOZ'ZI 1941

Agenda de poche des éc'oliers suisses

R ecomma,ndé ,pal' la Sodété pédagog,icrue de la Suisse roTtl.'lncl n.

Un volume in-16 ave'c 'plus de -500 iollustl'atio-l16 -dau3 ID 3 ,c'oncour...: -dotés 'de ,prix .im.,portants.

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Le 1er aoû t 1941 ,la Suisse cél,ébrera l,e 6'50'l11e annivers'a.ire de sa fondation; aussi cet ,événelmel1t est~il évoqu é sur la couv,ertur~ e,t dans 1ps premières page6 de l'ALMANACH PESTALOZZ:l 1941, (fUl , walgre l "s tem,ps boulerver,sés, paraît, comlme ·chaque allllee et ~)f·O }.h)'<;H ;). ses

Jeunes lecteurs au nouveau voyage a travers le 'I110011(le , Il n' est ,pas bE'.:>oi n do re'co ~lllnander e l '> P,I é­cieux cOlTI'-pa,gnon ,des éco'liel'os'; Hs trrouvel'o'nt tou­jouli 's dan' 'ce's pa'ges de quoi satisfaire .lIeur légi­time curiosité.

Au groupe 'c1e's couseitl 'l'S fédér aux on :1. :I.iouté celui de l'Etat-major de l"a.rllée llOlll les mem­

bre , ei'1.1ent -'an ce' 'e à la défellsH du pays. Les J.;(~ tit. patriotes sc r éjouiront san' 110L:t'2 (lr' trou­VCI' quelqu ,3 notes sur l"o,l igine des aTnJL) iri t '~' cl ' canton, Une nouvelle série de gr,ayu,',',) snI' boi , COl1l1)létèe' ,pal' un text e exp licati-f dOHnent Ull a,perçu des e'f'forts entrep,ri ' ,-par ,les ho,mIlles lWUJ' améliorer leur sort. Viennent ensuit e que,1ql1 es

statistiqu es , toujours utile-s, un TésUlmé !Cl'histoire, des ,pages sur l'art, puis des jeux et énigllIles, :d·e quoi 'o,c·cuper . les so irées d'hhnel'. Enfin une s,éric ,cl"arrticJle' i,llustrés de -photos inédItes qui ,-pass1ent de­vant. Iles yeux con"1n1!e un ül!m documentaire captiva.nt. o.n est tran '­porté des or igines de 'l'humanité à l"époque ,des avions, voir,e n'lème cl'E,Ul',o'pe en Australie, c" e6-t 1-o'ut un 'cortège d 'animaux qui défil e'nt et une 'promena de dans l monde mystér,ieux ,elle la natm'·e comillle dans c-ellui de lia s'Cien e.

,L·Almalla,c.'h Pestalozzi est considéré à juste titll·e COlnmc Je vade. in.ecum sans rival ,des èco,liers E't de'3 écoliè·res de not.re pays auxquels il offre, sous une form a im,able une , alriété inépui sab.l E' ,de fait,-', 'et ,d'idées. III leur fa,it a,imel' ce qui est bea u et ,leur donn e le goùt de s'instruire,

1:1 est prudent d e ne pas tard·er à ache'ter l"Almanach Pestalozzi 1 !li 41 , cal' ces dernières années, nomllll'e'ux fur ent ceux qui , s'y étant ;pris tl'Op tard, ne purent [pas l·o,btenir.

L RAIRIE y T Lausanne. Genève· Neuchâtel • Vevey. Montreux. Berne • Bâle

SIOr-v) :15 ouembre 1940, 0 ·3. 60me Année. --------------------------------------------------

L'ÉCOLE PRI IRE ORGANE DE LA SOCIËTË VALAISANNE D'ÉDUCATION

SOMMAIRE : COi"NllMUN1CAT10NS D1V,ERS'EIS : Les jeun es et loa sle-1118 in e 'de 5 jours. - Tà,ches a,ctuel ies -d e la: j eun esse S Lti S~; l~ . - Le ,présent et l'avenir. - ,Nbonnements ~I r E·COoLE PRDlAnn :. PAlRT1E PEDA-GOGIQUE : y a-t- i.l une' ,pédagogie du l ü'll1]) s d e guerre ? - Lett-re d'e ,mon Eco.le. - Li.ttér.atUtl'e va"la is,anne. ,P.OUl' une j euness·e saine. - « Le , rai m,aître d u mOfnde est cel ui qui l'éc.lair e ». - Leçon de chose1s et de'voir èCIl"it. Autori té -Dire.ction - Contrainte. - Qu e'lques notes s'ur l'éducation et llla­,bitude. - ,-Mission de lI a; ,femme ,au village. - PARTIE PiRATI~

. QUE: 'Langue franç,aise: iCE'ntres d 'intérêt: ,l,a famHle, l enfant.

Les ieunes et la semaine de 5 lours Dans de nombreuses entreprises, l'introduction de la semaine

de -cinq jours a restreint la durée du travail et augm.enté les heu­res libres. Aussi, pour bien des adolescents de notre pays atteints par 'cette lnesure, l'utilis'ation judicieuse des loisirs deviendra-t­elle un problème brûlant, de portée nationale.

Il est lnille façons d'exercer une infoluence favorable sur les loisirs de nos jeunes, tant au sein de la fanlille que dans des ma­nifestations encouragées par les groupelnents de jeunesse, le ser­vice civil féluinin et d'autres associations culturelles. Pour rester fidèle aux traditions de notre 'pays, chaque commune, chaque région devr,ait prendre l'initiative, choisissant au gré de ses goûts les projets qui lui sourient le plus.

Pour faciliter ces innov,ations, le secrétari,at général de Pro Juventute a 'créé un service des loisirs. Des collaborateurs compé­tents donnent avec plaisir renseignements et 'consens sur toutes les questions touchant l'occupation des loisirs: ateliers de loi­sirs, cours, soirées familières, conférences (avec adresses de con­férenciers), filIns, groupes de travail en vue d'une ctivité so­ciale, excursions et autres suggestions propices à l'épanouisse­lnent de la santé et de la personnalité.

Le service des loisirs invite tous les aInis de la jeunesse à s'occuper de ce problènle et à ,contribuer, d 'entente avec les secré­tariats de district de Pro Juventute, à orienter sainement les loi­sirs de nos jeunes.

Page 3: L'Ecole primaire, 15 novembre 1940

- 66 --

TACHES ACTUELLES DE LA JEUNESSE SUISSE

Le « Cartel suisse de vacances et 10ÎsÎrs pour la ' (C. S. V. L .), qui englobe les principales oro'anisation"~e~1es?e » nesse des tendances 'les plus diverses oro'anise Îes 16 t 17 e .)eu­bre 1940 d ' 'd" 't"l e · noveln-, eux. Journees etude, au P.alais des Con o'rès à Z " h Des conferencIers compétents éclaireront diffé'e t"lt UIIC . sUJ'et t· 1 TA h 1 n s aspects du

, cen ~ a, .: ~ HC. es ~·ctuelles de la jeunesse suisse». L "assem-blee. de delegues q~l SUIvra et ser-a égaJell1ent publique, étudiera s~>us ~ln angle prahque les problèmes que pose la selnaine de cInq Jours.

Dans cette rencontre le Cartel se pl'opose de . .' .'d ' ' ' . plocurer aux il e:I efts et presIdentes de groupelnents de jeunesse -ainsi qu'à ~t; es :s, ~ersonnes ,s~intéressant à ces q~estions,' l'occasion

d echan5 e.I }e~r~ e~penences, ~t d'envisager des solutions prati­ques pOUl 1 utIlIsatIOn des lOISIrs des jeunes Demande 1 grall1lneS détaillés au secrétariat du Ca~tel Z~rich 1 S ,zl .es, PJro-1 (Tél. 2 72 47) . " el el gl a Jen

LE PRESENT ET L'AVENIR

~ ~a Suisse ne .peut B'e désinté;r,eisse,r d ,es souffrances que ,la O',uerre SUIS'clte 'E'n .des :pay'S .p.ro·ooes ou lointains Dès que 1 . b . r'h . 11 ," . , . ' UI en 'Palrvient

ec, 0, e~ ~ .IS e~lleut, de~ œuvres se ,creent, .l'80S' recettes affJouent, ùne actIOn s Ol 'gamse. Cet e1an vel'S tout ce qui souf'fre doit fi,o'ureQ: au nombre die nos ,plue authentiques tradirti-ons. b

o CepenclarI~t oes mùsères, gu'U est Ilégitime ,cl,a se,co.urir sell'On nos f~ ces, n.e dOiventpa~ nous faire nég,liger :1-es néC'es·sités de notrE- pa­tn e. Chez no~,s aUSSI, il y a ·bien ·des soufiflI'ance& à ,souilage.r et si e:l'loes sont l110l'ns nomJJ11"euses, e,Ues .na m'éritent 'p,as 'mo,i,ns notre ~o'l­ILicitude,

, C:rtes, il ~le :f'aut 'pas Iqu.e « 'charit.é ,bien OIDdol1née COlll'l11te,n:ce ,'S'0l-'lueITIl8» 'SOIIt Inotre mot d'Ol'd:r'e IMais il ICollvl' ent ' . 1 par ., ega ement d'évi-ter ,que, 'po,l' tant nos' r·E'gal'cls ·au loin nous néo'J' " . . . ' ' " , o l ,IIglOns oeux qUI ont mIS tout 'Jeur espQl.r da,ns notre générosilté.

Au 'r:?l11!br,e de ·ces ,de~rnie,rs, la mère et ·180 ,petit ,e'l1Jfa.nt ont droit ' il,a premiè/l"e place. a.

Et c'est :pourquoi on .fell'a bon accueil ,une Ifois e'l1'cor,e aux petits vendle,u~'s de Pro Jruventute. Tout ~le mon.de COllI1a:ît les ·activ,ités de ,la FOlll~I,a.tlO.n .~t les œuvres ~U"€Illle ellicoUir-age ou CiréE- (lelp.uis ip.}UB d\m quaI t de sleC'le :consultatlOrns de l1.'ÛUITis

's'ons 'g·,outte.s d ,l't . t' ct ' . ,e . al , ,eXlpo-

SI ·IOns e ,pueTIculltul~e, vacaIlJces aux me' l'es et c'e n 'e t J ' . . ... . , s a 'qu un . des do,marllles de sa. v,aste activité.

E'St-iJ n.éce.gS'ai.r~ d'en dir,e IP.}US? Notre· popul-ation a: ,pol'.is il'ha!bi­tude de vou' reVemJl', cha.que ·premier ·décembre l,es timbres et Jes ,cart/ES Pro J~ventute . Ellile saura rèpoludlJ.',e .g,énéreuselnoe'l1t là J'appel de -la FO'IlldatlOn.

- 67-

Aujou.rrclllUi .le ciel e·t 'ombre, ,la Imère anxieuse; 'l,e .pe,tit enfant n'est 'Pas toujours environné des sOllil'Îl'e qui c1e\traie-nt e penche,!' SU I' s·on ,belrcea ux, comme I,es bonnes f,ées .d,U conte.

Et 'pourta,nt. ce .petit, c'est lui qui. dans un monde que nou vou­lons espér·eJl' l1lei'~leu~r, s'a i .i .ra l'outil] que nous aurons' laissé Clhoir. Co ,peti t, ,c'cst lIa S-u'isse dE- demain.

Abonnements à "l'Ecole Primaire"

Nous avisons ceux nos abonnés qui ne font pas partie du Corps enseignant en activité, que le prix d 'abonnement sera en­caissé par la poste dans la seconde quinzaine de novembre, aUt"l­Inenté des frais de port.

Evitez-vous ces fJ'Clis en 7) (' l'S(l11t' immédiatement Fr. 6 ... ·- au compte cbèques Ilc 56) Sion.

~PEDAGOGKQu~l ~. ~

y a .. t .. iI une pédagogie du temps de guerre? Les événelnents" actuels ont profondéluent l11.odifié la vie na­

tionale. La mobilisation est yenue arracher des centaines de Inil­liers d'hOlnmes à . leur foyer et à leur pTofession; des femlnes elles-luêmes ont été enrôlées dans les services auxiliaires. La vie économique a dû s'.adapter rapideluent au nouvel ordre de chose ' pour assurer le ra vitaiUen1.ent à longue échéance. Les restrictions deviennent plus rigoureuses; la production agricole doit s'orien­ter plus énergiquelnent vers la culture des alin1.ents de première nécessité.

Est-ce qlle l'école devl'a èt son tOUI' se mettl'e à un régime in­accoutumé ? Elle subit inévitablement les réper,cussions des dé· placements du personnel enseignant, de l'occupation des locaux scolaires par la troupe, des vacances prolongées, des jours ou des semaines sans feu; elle accepte ces dérangelnents-Ià. Doit-elle al­ler plus loin et cultiver activen1.ent une nouvelle façon de penser?

La ({ Sch weizer Schule » , organe de nos coltlègues catholiques de la Suisse alén1.annique, a consacré une série très suggestive d'ar­ticles à la question ({ Education et école en temps de gue1'l'e » . El­le a passé en revue différents aspects de la vie nationale et 111.011-tré .comment les jeunes peuvent prendre leur part aux tâches COlTl­

munes.

Page 4: L'Ecole primaire, 15 novembre 1940

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Devons-nous nîodifier l'esprit nlême de l'école? c 'est le gé­néral Guisan qui répond à cette question dans la même revue; sa réponse est nette: « Une école bien tenue n'a pas besoin de s'a­dapter lorsque la guerre menace. Si, en temps de paix, elle a accompli son devoir comme il faut, elle peut, en temps de guerre) faire appel aux qualités que la nation doit exiger de tout citoyen et en particulier de la ,;eune génération. »

Quelles sont ·ces qualités? S'agit-il d'une 'culture physique plus prolongée, d'une instruction civique plus approfondie, d'une préparation nlilitaire plus poussée? Ce sont là des ,aspects de la situation actuelle qui préoccupent 'les autorités. Mais le général n'en parle pas. Il pense sans doute qu' dessus des détails techni­ques, il y a l'âme, l'esprit qui dirige la vie; il delnande IPour le fu­tur soldat du caractère, des connaiss·ances et de la discipline.

r. Du caractère d'abord. L'hOlnme qui doit exiger de ses sol­dats des fatigues extraordinaires, des exercices de nuit, de lon­gues heures d'attente et toute la gamIne des efforts militaires réclame de la jeunesse autre chose que tant de pédagogues qui oublient notre condition humaine: Renoncer à ce qui plaît, res­treindre le plaisir, sacrifier ses satisfactions, voilà ce qui pré­pare la jeunesse à tenir au [milieu des épreuves qui peuvent nous assaillir.

Et 'le général de citer des exenîples. Il aurait pu .les cueillir en abondance dans le passé du pays. Il renlonte plus haut,' « Si, au temps des plus dures persécutions, les premiers chrétiens n'ont jamais perdu la paix de leur âme, il faut, outre à la con­fiance inébranlable de Dieu, l'attribuer à leur charité poussée jusqu'à l'héroïsnle et qui étonnait les païens eux-mêmes.

II. Quant aux connaissances qui n'ont pas cessé d'être indis­pensables, le général rappelle le reproche qu'on a fait à l'é.cole de cultiver trop exclusivement l'intelligence en négligeant la for­mation de la volonté. Il ajoute: « Il importe que les connaisscm­ces ne soient pas seulement du savoir livresque, mais qu'elles soient vivantes et enrichissent la valeur pratique du Jeune hom­me. »

IIr. « Il ne faut pas confondre la discipline avec l'obéissance aveugle et servile. Elle consiste à se sl.lbordonner liprement, sa­chant ql.le l'obéissance libre d' honlmes responsables est néces­salre. Habituel' les jeunes à une condl.lite disciplinée, c'est sans cloute la tâche la plus difficile de l'éducateur, mais aussi la plus bienfaisante. L'édl.lcateur, comme le sl.lpérieur militaire, ne pel.lt pas atteindre ce but sans une certaine contrainte. il/ais la con­freinte n'est pas ' un but; elle n'est qu'un moyen d'éveiller et de favoriser les dispositions et les idées latentes chez l'lwm,me. L'em­ploi de la contrainte se justifie pal' l'exemple dl.l maître et du Sl.l­périeur qui se SOl.lmettent eux-mêmes à la discipline. »

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IV. Caractère, int~lligence cultivée, discipline, tout cela pel;t se mouvoir sur le plan purenlent humain. Il lui faut une, conse­nation plus élevée. A plusieurs reprises, le général a ~arle d: la préparation spirituelle comme couronnement ou plutot ach~ve­m.ent de tous les autres efforts. Il rappelle l'exenlple ,de nos peres qui fléchissaient 'les genoux devant Dieu avant la batail~e. Dans l'article cité il dit: « La religion est la meilleure éducatl'lce. Plus notre jeune 'génération est pénétrée de l'esprit religieux, plus ell~ est disposée il accepter les devoirs que l'abnégation et la volonte de se saèrifiel' lui imposent.

L'école chrétienne à une nlission immense, éJnine.mment belle, si elle enlploie toute son influence à empêcher l'af~~~blisse­ment dl.l sentiment religiel.lx ql.li, nwlhel.lrel.lsement, a de.1a com­mencé dans beaucoup de milieux chez notre pel.lple .... La con­fiance en Diel.l doit de nOl.lveau inspirer notre génération. »

L'éducation virile (educatio strenua) était en hOl~neur ~ans les familles chrétiennes. Sous l'influence d'un modernIsnle peda­gogique superficiel, on en "est arrivé :un peu. à fair~ croire qu~lque~ fois que la vie est une fete. Les plus lUCIdes d ent!'e les Jeunes ont vite reconnu l'inanité d'un système trop complaIsant.

L'éprel.lve .présente nous l'appelle à la réalité. ~~-d~ssus de toutes les considérations politiques, ,sfratégiques et Inll.ItaIres sou­vent si vaines, il y a la pensée chrétienne: La ~rovIdence veut nous ramener, jeunes et vieux, au sérieux de 'la VIe.

Cette conviction salutaire retrouvée au Imilieu de l'épreu~e, il faut la garder aussi en temps cl: paix.. E~le est d'ailleurs inscnte en caractères indélébiles dans le lIvre de VIe:

« Militia est vita hominis super terraIn· ) G. C.

ùettres de mon Ecole XVIIème LETTRE

Première neige L'automne mourant frissonne sur son lit de ,feuilles sèches.

Sa lente agonie s'achève et, avant le spasnle final , il. jette un dernier regard sur les choses que la mort va vous raVIr. .

Regret de quitter les bataillons bruns des ceps où ~ier en­core les' grappes jouaient à cac.be-c.ac~e av~c la nl~ln du vIgne!'on~ ReO'ret d 'arracher son regard des forets ou couraIent de. gracleu,x qu~drupèdes , où chantaient des, oiseau~ g,risés de ~oésIe_ eX,ub~­rants et -fous. Regrets , parce CJl1 on a anne et que ~ on ~,a ct.esoI­mais entrer dans ces régions glacées où nulle haleIne hed~ vou~ fait sentir la vie, la bonne vie chaude et prenante, la: VIe qUI vous pousse en avant malgré tout et vous emporte dans ses bras soJides, loin, bien loin ...

Page 5: L'Ecole primaire, 15 novembre 1940

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Il faut pourtant 's résigner. Il faut accepter cette amertume, et .le sacrifice joyeusen1ent consenti donne courage et force ponr lllleUX accepter. C'est pour cette raison qu'il a voulu sourire un e dernière fois, COll11l11e le saint charitahle le lui a conseillé .

Aujourd'hui. l'automne est n1.ort. Son üme s'est envolée dan ' un grand souffle de vent venu du sep tentrion . Et pour fleu rh sa ton1be voici des étoil s d'argent pt de cristal qui tombent du d el. abondantes et silencieuses. E lles tombent, les petites étoiles d ' ar.; gent et de cristal! Je les r egarde, muet COlnnle el1 es, et voici qu'il Ille semble faire une ascension n1.erveilleuse. Toutes cl oses dis­paraissent· seu les, ces petites mains blanches, toutes petites luain ,' blanches, qui vous emlllènent tou.iours plus haut dans les espace ' mystérieux.

Oh! les prellliers flocons de n eige! Les enfan ts applaudis­s~nt à leur venue. Ils en rient tout haut. Les jeux sont oubli ''s . C'est 'la grande fête qui c.Oll1.lnence. La fête blanche. L 'irrésisti­ble attrait de ces longues pentes sur lesquelles devenu oiseau il s'élance à tire-d 'aile. Qui dira tous les gloussements d aise de ces poussins bariolés, v'autrés dans la plus Itam.isée des farines? C est la grande fête hlanch e. Vive la grande fête blanche!

Mais, -l' enfant grandit. Il p erd ses illusions aussi. Il apprend que toutes choses ont au fond d 'elles-lnên1es un peu d'âpreté. E t voici que les preùliers flocons lui font peur. Il voudrait retarder leur chute. Il voudrait fern1er les yeux. pour n e pas les voir s'a -1110nceler en nappes épaisses en gigantesques linceuls . lIuplaca­ble, la loi qui fixe à chacun ses arrêts n'aura pas de pitié lWn plus pour cet être infÎlne. Il lui faudra subir les outrages 'du temp . comllle il subit ceux de ses semblables.

Et la peur, avec la fatigue, s'insinue plus avànt dans son être secret. Elles blanchissent, ces tempes où affluait un sang bouillonnant. Des 111èches entières, Inaintenant, se colorent, a'lbes flocons accrochés avec ténacité . .

Prenüère neige, je pense à toutes ces choses tristes en consi­dérant ton œuvre de 11101't. Je pense que den1ain beaucoup se réveilleront marqués de tes traits , qui chantent la vie, la honne vie chaude et prenante. Je songe à tous ceux que la n eige a COUT­bés vers .la terre froide, ù tous ceux. qui donnent, avec les au­tomnes mordorés, sous l'épaisse draperie funèbre... Hon.

Quel est le but de la carte historique « La Suisse en arm.-es»? C'est de tl'OUVeI' les fonds nécessaires à l'action pour le Noël du soldat, 1940, mais aussi rappeler à la mémoire du peuple suisse l~histoire des origines de sa patrie. Aussi la valeur de cette carte ne saurait changer.

ORS AT, vins du Valais, vins de soleil et de santé~

- 71-

ùittérature valaisanne Certes~ on a beaucoup écrit, b eaucoup parlé du Valais. In­

nombrables sont les écrivains qui ont noté dans leur carnet de voyage le charme infini de ses vallées, de ses coteaux et de ses montagnes. Un rapide coup d 'œil sur le passé nous le dirait, du reste. Il ne serait pas difficile de retrouver certaines · notes de Jean-Jacques Rousseau, Châteaubriand, Reiner-Maria Rilke, Henry Bordeaux et con1bien d 'autres auteurs conten1porains. Toutes traduiraient une grande adlniration, un enthousiasme sans limite à la vue de tout ce que le Valais renferme. Rousseau déjà n'a-t-il pas parlé de la générosité, de la simplicité de nos popu­lations ?

Mais tout cela n'a jan1-ais constitué une œuvre. Tout cela ne fut qu'tme impression passagère, tout cela ne fut jamais l ' in1age réelle de la vie quotidienne; tout cela n'eut que le m.érite de nous montrer quelque paysan ou paysanne endimanché, sur la place du village; ou le berger qui chante parce que son cœur un 11110-ment est gai. Qui donc a parlé de 'cette terre en songeant à ces luttes terribles que -l'homn1e lui livre chaque jour pour en ex­traire le pain noir quotidien? Qui osa une seule fois entrer dans la simplicité de ces âU1es et comprendre ,leur grandeur, leur no­blesse et leurs soucis? Et cette vie ,avec ses Inisères, avec ses dra­mes, quel étranger l'a donc une fois con1prise; quel étranger a donc essayé de la con1prendre? Il faUait des enfants de la terre pour cela, des hommes issus de l'aridité et de l'avarice de ces coteaux. appuyés contre le ciel. Il faUait des hommes semblables aux paysans pour que toute cette beauté une fois se dévoile dans nos }ivres. Ces hon1mes-là , nous les avons aujourd'hui. Car la terre, elle aussi, a ses caprices, ses fantaisies: elle se livre à qui­conque la connaît et faÎlne. Il fallait appartenir à cette race, sen­tir un sang de paysan couler dans ses veines pour que notre litté­rature devienne vraie, humaine.

Certes l'hun1ilité de ces hommes ne demailderait pas qu'on parle d'eu~. Car la critique ne les préoccupe pas. Que Jeur ilnporte en somme? Ce n'est pas pour les autres que le paysan sèlne son blé.

Dans le silence de leur cabinet de travail, ils continuent leur pénible ascension, leur travail ardu que le succès a déjà heureu­sement couronné. Dans ]a chaIubre noire de leur esprit lente-ment les livres prennent naissance. .

Ces honulles ,qui s'appellent Maurice Zennatten, Marcel MI­chelet et d'autres encore dont le non1 est déjù sorti de chez nouS pour atteindre le sommet du Parnasse ron1and.

Co<:mment soutenir efficaC'ement l'actio-n pour le Noël du so,ldat? En achetant la carte his.torique « La Suisse en arnleS» et la mé­daille du sO'ldat!

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Avec l'?b.jtination du pa) san, Maurice Zermatten poursuit SO~1 œu,:,re, etr~nger cl tout ce qu on peut dire de lui. Paysan lui­lnelne, 11 possede cet entêtement caractéristique devant un tra­vail à accomplir. Puissant, d'une rare fécondité , profondéul1ent hUlnain, artiste indiscutable, abhorrant tout ce qui n 'est qu ' 'ball­?hé, jl a . déjà témoigné de ses qualités . Insatisfait avec lui-même, Il ne cramt pas de revenir à la m ême tâ-che avec la volonté ferme de faire vrai. Style dur sec musclé con1n1e ses personnages com-111e la ten:e. Puissanc~ év~catrice: dynamisme, p assion: aI~lour : tout ce qUI caractérise la race. Maurice Zermatten se penche sur le peuple, l'observe, l'étudie, écoute parler sa misère, comprend sa form-idable destinée. Bon de cette virile bonté, il doit recueillir bien des confidences, être le témoin de bien des drames intim.es . Car lui seul pénétra sous le toit pointu des chalets roussis de so­leil , lui seul est entré dans ces chambres basses pour nous m011-

trer ce qui s'y passait: l'amour, la haine, la jalousie, la paix.

L'œuvre de Zermatten, si admirablen1ent commencée, possè­de une indeniable valeur parce qu'elle est le miroir de notre vie quotidienne, de cette vie brutale du paysan, de cette vie que nul n'essaya de peindre aussi vraie. Notre terre ,et son peuple, voilà ce qui intéresse Zermatten. Passionnée ou calme, sauvage ou douce, bene, nlais jamais gaie, mais toujours grande pal' son destin, -ainsi transparaît à travers les pages de Zermatten, l'âme valaisanne.

A part cela, observateur perspicac.e, écrivain puissant et vrai, Zermatten est lm magicien de la plume. Grand admÎllateur de Flaubert il sut profiter des leçons d'art de « L'Education sen­tiJl11entale » de « Salambô », de « Mme Bovary ». Il -suffirait de voir une fois un de ses manuscrits pour rendre compte de l'im­mense travail de styliste que représente lm roman de notre écri­vain. Zermatten a pourtant du talent. Mais ce talent, cette faci­lité avec laquelle il écrit, il les soumet ft une dure discipline. La beauté n1érite bien un effort constant, un effort de tous les jours. La beauté n'est jamais trop payée.

Zermatten aime sa terre. C'est pour cela, sans doute, que son œuvre possède tant de grandeur. Il existe entre lui et la terre un dialo?,ue constant. P-sychologue d'un rare mérite, il comprend à merveIlle ce que tant d'autres ont ignoré: le caractère du peu­ple. Ses personnages ont pu paraître rudes, grossièrement taillés. Seulement, sont-ils moins vrais, moins humains? Et il suffirait de les regarder vivre un Imoment, ces êtres, de les aimer surtout, pour remercier Zernlatten de la précision avec laquelle il nous les montre.

COl11bien de fois déjà aura-t-il arrêté ses yeux sur ces mon­tagnards, combien de fois aura-t-il partagé leurs soucis, leur mi­sère, leur peine éternelle! Car lui aussi a dû connaître ces lutte avec la terre, ce COl~ps à corps avec la côte avare et rapide; il a

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dû manger ce dur pain noir, vivre la InÊ'.n1e vie, mériter la. nlêm c paix. Tout cela l'élève. Et seul un fils de la terre pouvaIt nous montrer cela dans sa cruelle nudité.

Quatre ans se sont écoulés depuis la publication du « Cœur inutile «. On craignait que Zermatten se soit laissé bercer par le succès éclatant de son pl'cn1ier livre. Ce Evre neuf , frais, chargé de chansons, de !tu11ière, ce livre jailli d 'un sol qu 'on ,croyaH inu­tile. Au contraire Zennatten fut le prenlÎer à reconnaître ce qu 'il lui manquait et qu'il acquit par la suite, grâce à son travail , grâce à sa volonté de faire vrai, d'être le fiétèle peintre de tout ce qu'il voyait autour de lui . Pourtant « Le Cœur inutile }) restera. Il con­tient trop de jeunesse et de fraîcheur pour que l'oubli s'empare de lui.

Un ù un, livre par livre, il continue son travail. « Le Che­min difficile }), livre profond où sa grande qualité de psychologue ·'affirnle. Quel étrange chemin, en vérité, que suivent ses p~r­sonnages, quel difficile chelnin que celui du bonheur, de la paIX.

On reprocha à notre écrivain une influence trop n1arquée (le Ramuz. Influence bien anodine s'est-on dit après la publication de « Nourritures valaisannes» . C'est peut-être la production la plus riche, la plus chargée d 'in1ages, de 111usiqu e, de lumière ~ t d'a­lnour. Qui ,n 'est pas ému à l'écouter chanter , à l'écouter pner ou pleurer?

« Contes des Hauts Pays du Rhône » a plus de 111érites qu 'on le rpen se peut-être. A-t-on jan1ais pensé que toutes ces nouvell fs étaient · tout d'abord des sujets de rOll1an, l'TIais que Zermatten, su ant sur son œuvre rabotant, polissant, stylant, a voulu se don­ner cette oTande dis~.ipline de la phrase, chercher le rôle én1inent du verbe ~n suivant l'exenlple de son grand maître Flaubert. Tra­vail d'artiste pour qui l'art seul con1pte, pour qui tout le reste -si ce n 'est le constant souci de la vérité - n'est rien. .

Après cela Maurice Zenmatten pouvait 111archer. On att~n­dait de lui quelque chose de vaste, de gigantesque, de populaIrc,

« La Colère de Dieu ».

Quel beau titre et quel beau livre! Etranae duel d{l bien et du lnal , thènw universel , mais com·

:-, ] l' bien neuf, conlbicn tragique, dans ce roman! On n 'ou) lera y~~s tette figure prophétique de Jean Perraudi~l, sa nat~lre enracI~~ee à la terre. Et encore lTIoins cette lutte ternble du pere et du fIl s, imaae3 de deux générations, deux races. L'action , terrifiante, pas­

' sion~lée ec;;t nn ëhef-d'œllvre. Point n'est he soin de reparler de ces scè~es luagistrales de l'incendie, de l'éboulenlent final où l'on remarquera c~s phrases épaîsses , ces ~alinéa~ gonf1és ~e sens, ~~~~ infernal brouhaha. Tableaux de lu:utre, dIgnes de l ;1nthologle contemporaine. Equilibre, h.armon~e, ~uiss~n~.e - p~issan('e ~x­traordinaire. En1iIe Perraudln espnt devoye, IncarnatIOn des pl O-

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pagateurs de fausses idéologies, nous apparaît avec tont So]]. cy­nisIne et son aCh3.n1ell1ent à détruire. i\lais c'est J oan Perr:tndin, cette nobJc figure, cette figure auréolée de grandeur et de m i ~ sère, ân1e cruellelnent n1elu·trie qui sait cepe.ndant subir son de '­tin, c 'est celui-là qui nous restera parmi tous les p ersonnages de Zern1atten .

La presse, suisse, parisienne, n1adrilène, a assez loué « La Colère de Dieu ,> pour que sa valeur soit connue.

·Maurice Zennatten atteint peu ·à peu la grandellr populaire et ses livres nous n10ntrent, du reste, cette pénible ascension ve rs le somn1et de l'art, cet art sinlple qui s'approche du chef-d'œuyre.

Maurice Zermatten, le no 111. hante déjù l'esprit de nos en­fants , circule comIlle une bénédiction dans nos vallées , parce que lui continue de défendre ee qni reste de bean chez nous: la foi, la race, la terre ...

La grande paix blanche, le village emmaillotté de n eige, la vie das ce village, la vie enfantine, c'est tont cela qu 'évoque « Le Village endonni » de Marcel Michelet. Délicieux Marcel IvIiche­let, plein de vibrante ,sensibilité, plein de reconnaissance et d'a-­Illour pour son pays !

« Le Village endormi» est un livre exquis de psychologie en­fantine. Il/y a certes d 'autres romans de ce genre: cet étrange livre d'Alain Fournier, « Le Grand Maulnes}) on « IMon Petit Trott }) de Lichtenberger. Mais nous, nous n'avions rien encore, rien qui parle de nos enfants, qui les regarde vivre, qui suive le dé­veloppe!luent de leur personnalité, rien qui saisisse ce ravissement devant la vie qui s'ouvre. On éprouve une joie infinie à décou­vrir le petit Paul Délèze, âlne sensible qui souffre déjà.

Michelet est un artiste aussi. Un artiste de la description et un artiste de la phrase surtout.

Un autre genre cependant. N'éprouve-t-on pas, en lisant « Le Village endonni » la nostalgie d'une steppe russe ou d'une romance nordique. C'estprécisélllent p'arce que Michelet porte une grande adn1iration pour une certaine littérature scandinave, caractéristique par son systèIue lnosaïque avec retour et alternan­ce de certains thèn1es. Technique eomplèten1ent différente lI' cel­le du ron1an français.

Certes, nous connaissions déjà Marcel Mil.:helet. P(,ur a vo ir publié cette superbe biographie du Prieur Bourban et ce livre vi­bnl.l1t de poésiE: religieuse « Les Béatitudes ". Il nous f::l!~l:;li: pOllr ­tant quelque chose de plus personnel. Ce fut son premier rom an « Le Village endormi», pierre fondamenta1e de toute son œuvre future de laquelle on espère beaucoup.

Lui aussi est un fils de la m.ontagne; ses pages restent plei­nes de vent, de rafales , de grondem.ents d'avalanches, de l) assion . Et nous pouvons nous en glorifier.

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On Ill 'en voudrait cl oublier Gaspard Darb ellay et son « Au­ou tin. 'Dorsa, Valaisan », œuvre virile et pleine de belles pages :) ~ésonnance hm.naine. L'enseIl1bJe du livre est quelque peu désé­quil ibré et manquant d 'unité. Ceci d 'ailleurs est un détaH si à côté on veut bien regarder vivre et souffrir cet héroïque Augus­tin Dorsa, plein de r ésignation et de fierté. Quelques pages pos·· sèdent malgré certaines 111aladresses beaùcoup de dynan1isme et sont remarquables de simplicité et de précision.

S'écartant de l'œuvre littéraire à proprement parler , .i e ne puis cependant 111'empêcher de citer ici les exquises poésies de Jean Graven, plein -de talent, de sensibilité et de ,délicatesses. Dans chaque vers, on sent qu'il découvre dans son pays quelque chose de neuf, de frais, de beau. Après Rjlke .le ne crois pas que quelqu'un ait écrit de plus beaux. vers sur notre pays.

Est-ce à dire, après cela, que jusqu'ù présent . Je Valais n 'a rien eu , n 'a rien produit? Ce serait faux. Pourrons-nous oublier la oTande Valaisanne que fut Mario i=l la plume vibrante et ex­trê~el1lent sensible? :Mario qui r ecueillit toutes nos légendes et que Al'hert Bessières a déOll1n1ée l'Holl1ère valaisan. Et 'Charles ln Albon dont certaines poésies sont de véritables perles?

::: * * Il reste encore à parler de nos amis de Haut. Le .ieune écri­

vain Fux se fit favorableIllent connaître en Suisse aléInanique avec son rOl111an « Das neue Geschlecht », livre plein de force, de promesses et de vérité.

On ne peut non plus passer sous silence ces merveilleuses légendes du Prieur Siggen de Iüppel.

*** Littérature valaisanne, de notre peuple, pages inoubliables

de orandeur, qui Il10ntreront à nos an1is romands que nous aussi El • , • •

nous avons nos peultres, nos ecnvaU1S. l lIais des h0l1l111eS de chez nous, cette fois ...

Jean Folloniel'.

Pour une ieunesse saine Faut-il s'excuser de parler encore, de nos jours, d'enseigne­

ment antialcoolique? Il paraît, on l'a tant répété, que grâc~ il l'éducation, à l'infonuation, aux sports, aux sports s~rtOl:t~ 1 a~­coolisme n'existe pIns! On est lassé par tout ce qUI a ete faIt

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ère nouvelle, illunlinée par 1.a justice et la charité. Mais il faut pour cela que l'enseigllen1eIü du maître soit basé sur l'amour et le respect mutuels et que, tout au long des leçons, il porte l'em­preinte de la doctrine du Christ en action.

Le Inaître. du "monde ? A la condition d'avoir une fonnation pédagogique cOlnplète,

de connaître l 'âu1.e de l'enfant, de comprendre les besoins de ' l'élève, ses faiblesses et ses défauts, n'oubliant ja!mais d 'autre part que le petit ûtre qu'il doit fonner et enseigner est plus qu'une « terre à façonner » ou « un vase à rellnplir », qu'il a une âme semhlable à la sienne, délicate encore et que le n1.oindre souffle risque de ternir. .

Le soleil éclaire le Inonde par son feu ardent, par sa flan1n1.e éclatante. Le n1aÎtre doit aussi être pénétré d'une chaleur con1.­n1.unicative ,qui se transmette par sa parole, par son maintien, par ses actes de tous les instants. L'élève doit trouver en lui un exemple vi.vant sur lequel il sera heureux de se nl0deler. Il l'hni­tera même sans effort, petit à petit, sans y penser. Le feu qui ré­chauffait le cœur du n1.aître aura ainsi jailli à l'extérieur et sera devenu le flan1.beau qui éclaire. .

Oui, n'est-il pas vrai, « le vrai maître du monde est celui qui l'éclaire ». Cl. B.

Leçon dè choses et devoir écrit Cours éléJl1entaire. - Aussi longten1ps que ses éléves ne sa­

vent lire et écrire que très Îlllparfaitement, le nlaître doit se bor­ner à lJ'intuition pure, c'est-à-dire aux entretiens oraux ; n1.ais, au cours éléilnentaire, dès qu'ils COlnmencent à lire couramnlent, et à écrire convenablen1ent une petite dictée ou copier un texte facile, il est de ,la plus haute utilité de faire suivre l'exercice ora1 d'un exercice écrit.

Pour réunir les éléments de cet exercice, le nlaÎtre écrit au tableau noir la .JueiUeure réponse donnée sur chaque point du -su­jet étudié, de sorte que l'exercice étant tenniné, la synthèse en est ainsi forn1.ulée d'une Inanière méthodique et cOlnplète. Cette syn­thèse fait d'abord l'objet d'un exercice de lecture, d'autant plus fécond que -les enfants cOlnprennent les n10ts et les phrases qu 'ils lisent. L'écriture de cette rsynthèse. au tableau et la lecture faite par les élèves ont dû donner à ceux-ci une idée exacte de l'ortho­graphe des tenues employés; cependant, il importe d 'attirer tout particulièrel11.ent leur attention sur les n10ts qui renferment des difficultés orthographiques. Ces mots sont ensuite effacés en to­talité ou en partie, et les élèves les reconstituent en copiant la synthèse. Celle-ci est copiée au tableau « voilé» .en n1ême temps que sur les ardoises, et finalelnent la copie en est corrigée sOlfs la direction du maître, avec le concours actif de tous les élèves.

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-Cours 111oye11. - Un som'Inaire écrit au tableau pendant l'ex-ercice oral, rappelle aux élèves les différents points dévelappés.

Dans les preInières leçons, les élélnents de ce somlnaire sont donnés pal' le maître; plus tard, celui-ci le fonnule avec le con­cours des élèves, et les indications qu'il renferme deviennent n10ins nombreuses à n1esure que les .enfants acquièrent plus d'ha­bileté.

Après l'exercice oral, quelques élèves le rés"mnent en s'aidant du sommaire.

Le devoir écrit consiste à reproduire ce réslune sur le pa­pier 'ou sur l'ardoise. Con1me au cours élélnentaire, un élève déve­loppe le son1111.aire au tableau « voilé», pui,s le développelnent de chaque point est corrigé séparélnent sous la direction du maître, et tous les élèves prennent une part active à cette correction. Leur attention est particulièreInellt appelée sur la tournure des phrases et sur l'orthographe de certains mots difficiles . Le maître qui pré­pare sa leçon avec soin, ren1arque que certaines règles gramillati­cales doivent être fréquemment appliquées dans l'exercice écrit; afin de prévenir les. fautes, il fait préalablen1ent rappeler ces rè­gles par les élèves. Il remarque aussi les tern1es dont les enfants ne connaissent pas 'l'orthographe usuelle; et il a -soin de les écrire très lisiblement au tableau.

Cours supél'ieur. - Le devoir écrit est indiqué comIne au cours moyen, sauf que le sommaire renfern1e lnoins d'élélnents propres à rappeler les développeInents oraux. On peut se borner à l'indication des grandes divisions du sujet.

Divers n10des de correction peuvent être empl'oyés : a) ·celui qui est usité pour le cours moyen; b) après avoir lu quelques de­voirs en particlùier, le maître ·en fait écrire un tahleau. Ce devoir est ordinairen1ent celui d'un élève de force moyenne, mais il est utile de choisir quelquefois le travail d'un bon élève. Ce devoir est corrigé phrase par phrase, sous le rapport du fond et de ,la forme . Les élèves corrigent leur propTe travail en le con1.parant avec celui qui figure au tableau; c) le lnaître peut aussi recueillir les devoirs des élèves pour les corriger hors de la classe.

Il indique à l'encre rouge les fautes les plus Inarquantes et chaque élève recopie son travail après l'avoir corrigé d'après ces annotations . Un vieux maître.

.Autorité .. Direction ... Contrainte

Ln. revue (~ L'Education enfantine» a publié sous la signa­ture de Fr. Garein une intéressante étude dont nous regrettons de ne citer que le dernier alinéa :

;Ménageons jalousement la grande in1.pressionnabilité de nos enfants. A la place des récits élnouvants et terribles, des hi s-

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toires effrayantes, des pratiques superstitieuses, apportons le ré dt des actes louables. ,La suggestiOl~ du bien est aussi eertaine que celle du mal. Suggerez donc le Jnen en le montrant. en le l'acon. tant, n'essayez point d'v atteindre en étalant le nlaI. ' Provoquez la douceur en apportant l'exemple de son hien, provoquez des élans de bonté en appelant la fraternité agis~ante auprès d'un faible ou d'un débile. Prêchez cette bonté à l'ég'ard des animaux et mê.­me des plantes. Celui qui arrache aujourd'hui les ailes à une mouch~ . ou éer:se ~n, ~carabée sera .dispos~ demain à frapper son VOISIn et DleUle a 1 ecraser. La petIte Inl:lIn qui porte un sean d'eau à la 'p131~te qui se .... des~èche dans un vase ou sur la plate­bande du JardIn sera prete fi. porter un bol de tisane au calna­rade qui souffre .près de lui. Notre autorité sera faite de l'apport des ?o~?es ha~:tude.s, notre contr~inte sera constituée par le SOUCI d et?ff~r l ec~oslOn des Inauvalses autant que faire se peut. Jour apres Jour, ecartons la brutalité et l'éo'oïsnle élevons au mieux la génér.o~ité, la, c1o.uceur et la bonté, t~ls sero'nt les jalon" de notre autonte, les et01les de notre direction et les soucis de notre contrainte.

Quelques notes sur l'éducation ,et l'habitude (Suife et fin) .

Pour connaître la nature et les nloyens de l'éducation, étu­dions-en le but. Un chrétien répond pàr la prelnière page dll catéchiS111e : faire un homnle qui réalise sa destinée savoir c?nnaHre Dieu, l'ai~er, le servir, et par ce moyen ac~uérir l~ VIe éternelle. Un phIlosophe païen lui assignera quelque ' hut DIu", strictement humain: ainsi Huxley, qui nous dit (La fin et' les moyens, p. 214) « Notre but, c'est d'élever de .feunes êtres' hu­mains en vue de la liberté, de la justice, de la paix» . Nous VOlI­

Ions bien, dans la présente discussion, rester sur ee plan. Et nous avouons que nous trouvons ce but trop vague, étant donné que nous ne sommes pas suffisanlluent d 'accord sur la naturp de cette liberté, de cette justice et de cette paix. Il f:lut donc préciser. . Le but de l'éducation (latin e chzcere) est ide conduire l'en-fant hon; de .l 'enfance, d'en faire un honlnle, non seuleluent par le corps, maIS encore et surtout, par l'esprit. En un m.ot, d'en faire non un individu - un bloc de matière distinct des milliers d'autres blocs par son volume et son /poids - mais une personne. C'est-à-dire un être raisonnable, libre, agissant en vue du bien. Raisonnable pour reconnaître sa puissance et ses lünites' libre non tant de Icontrainte extérieure que de détermination fat~le par

Vins du Valais 0 R S A T dissipent la tristesseo

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les sourdes puissance qu 'il porte en lui-Inêlne. Qu'il ne se croie pas diminué pour obéir s'il sait cOlnmander à ses pas~ions. Com.­bien d'hoIDlnes puissants - ,chefs de bureau, chefs de chantiers, directeurs, se donnent une illusion de puissance et de liberté en infligeant à tant de subordonnés une vie d'esclaves, alors qu'ils sont eux-IuêInes esclaves du plus petit caprice. Saint François d'Assise ayant rendu ses vêtements à son père, Jeanne d'Arc mou­rant sur le bûcher étaient élllinemnlent libres « Délivrance aux. âlnes captives! »

* :1: * L 'enfant n 'aboutit pas tout seul à pareille liberté. L 'enfant

naît avec des dispositions) dont toutes ne sont pas sacrées. Il y ·en a de bonnes, il y en a de nlauvaises. D'après une loi qui est uni­verselle, les bonnes se développent moins rapidenlent et nîoins sùrelnent que les Inauvaises. Laissez faire le jardin potager, vous verrez ,ce qu'il en adviendra - mênle si vous l'avez au préalable lnuIü de toutes les bOlmes selnences. Il faut donc retrancher ces nlauvaises dispositions, Inênîe si cela cause une douleur ou un chagrin. Il faut encourager les bonnes. Il faut faire que ces dis­positions deviennent des habitndes. On peut dire que la base et la raison de l'éducation, ce sont les habitudes. L'hOlnme n 'est ni ange ni bête. C'est-à-dire 1) Il n'est pas créé dans -son plus haut état de perfection intellectuelle et 1110rale et par conséquent dans un bonheur imnlllable; 2) ni dans une indétermination foncière , qu'on ne puisse pas ineliner au bien. La taille de la vigne est toujours à recomnîencel~ parce que la vigne tne prend pas d 'ha­bitude; on n'apprendra jamais au feu ft n e pas brûler. Mais il y a dans l'hOlnIne certaines dispositions, - quelques-unes COlll­munes à toute espèce, et d'autres variant selon les individus -qui se laissent travailler, diriger, . augTnenter : qui . deviennent des habitudes, ou, s'il s'agit de honnes dispositions nlorales stabili­sées, de.s vertus.

COlmnlent s'acquièrent les habitudes? par la répétition des actes . Pour apprendre à faucher, il faut elnpoigner .la faux. IPour apprendre à tricoter, manier l'aiguille.

Or, voici une distinction très Ïlnportante. Pour apprendr~ il mal lfaîre, c~est-à-dire ù contracter de luauvaises habitudes , il suffit de peu d'actes, et encore mal faits. La fell1111e qui n'a ja­mais manié l'aiguille qu'en amateur ne saura jamais tricoter. Celle qui a peur des touches du piano ne saura jan1ais jouer. Pour acquérir une hahitude il faut des actes répétés, et répétés selon leur intensité nîaximuDl. Il faut de l'application.

Voilà où intervient l'éducation. L'enfant n'a pas encore 11n­tE.1ligence, ni la force de volonté suffisante pour répéter 'ces actes, ni surtout pour les faire bien. C'est pourquoi il faut un maître de gymnastique et un Illaître de piano, sinon l'enfant ne fera que Inaladroitel11en,t gesticuler et pianoter, et ,ialnais n'apprendra. Si

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nous voulons sous prétexte de respecter sa liberté (ul1e liberté qu'il n'a pas ecore), épargner ses pleurs, l'enfant ne verra et n'appréciera son bien que quand il sera trop tard. Or il en va de mêm.e pour l'éducation Inorale proprelnent dite. Sans être dirio'é et quelquefois forcé, l'enfant du nIeilleul~ naturel peut donner ~n monstre moral. Car il ne -suffit pas de voir le bien et d'en parler ; il.faut encore le faire, le faire habituellement et avec joie. Et c'est ici que le monde Inoderne s'est trompé. Une page d Huxley est suggestive sur ce point. "

. « Il y a ,?-ang;r actuellenlent qu'on donne aux enfants plu ' de hberte qu Ils n en peuvent supporter avec profit, plus de res­ponsabilité qu'ils n'en désirent ou qu'ils n'en savent aSSUlner. » Cela nle semble évident aujourd'hui, et cruellelnent dénlontré pal des événements amers, dans beaucoup de ·pays.

C~ n'est pas à dire qu'il faille passer à l'extrêJme opposé, et condUIre les enfants comme un troupeau vers un drapeau ou un homme.

Nous pensons y revenir. Concluons pour aujourd'hui avec le mênle philosophe anglais: « L'iInportant est 'd'éviter les deux extrêlnes - l'extrênle d'un excès de responsabilité ·et de liberté d'une part et, de l'autre, celui d'un excès de r·estriction - sur-tout d'un excès de restriction de la mauvaise espèce». '

C'est agir conformélnent à la nature de l'h01nnle, qui n'est ni fatalenlent détenniné dans ses actions, ni absolulnent indéter­miné, Inais qui est fait pour être éduqué par 1'habitude.

Et, comme dit un homme de grand 111érite, « les habitude bonnes sont les titres de noblesse des honlmes sages».

CIme 111arcel iVlichelet.

rnission de la femme, au village (Suitp)

III. Le Beau et le Vrai au village

La: laideur engendre l'·ennui et l'ennui engendre le désE'spoi r. C'est pOUl~quoi le problème qui se 'pose n 'est ,p'as seuleme,nt ,le 'pro­blème du beau, c 'est celui de la vie p,aysanne tout entière qu'i.l f.al,Jt maintelnant dMendre ·car i.I en est temps, lIliai,s il n'en sera bientôt plus te-m'ps.

Et pour cE,la:, il f,aut s '·adres·ser ,à vous, .Mesdames. Si j'ai accusé l'es fem,mes d'avoir été les ·premières à succomber 'à la t entation qui venait de iJ.a vHle, c'est 'bien que .ï e.spérais leur of,friT l'oc,easion de se ra-cheter. Il ,faut que ,ce ~soient ,les femmes q.ui se mettent en tè te de la croisade pour La; ]}e'auté. ,Les homm.es ont trop d'autre s préoc­cupations. -Les ho:mmes, nous .l'avons vu tout à. l'hN1I''E'' ,pen , ent ù. la

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lutte, au travail, à ",aventure sous toutes . es form es. L es hommes, pour la plupart, so'nt fermés à ces problème ' quïls jugent inférieurs. Ils .n ont 'p.as lass'ez d e finesse, .pas assez de délicate·sse, pas assez de sensibilité. 'L 'org.ueil ,le,s mène tro.p souvent, et la 'passion et Il,a vio­lence. Or, c est une œuvre d',amour qu'i,l faut entrE'prendre, une œuvre de p.atience et de vigilance. Il faut ref·aire une m·aison pay·sanne gaie, un village où tout est joie et beauté, i.l .faut re·créer un cadre où l'homme se sente heureux. Vous en êtes seul'es .carl'ables .

Je le sais, .le rparle ici à des auditric-es aequises d·,avan.ce ,à la caus·e ·que je défends. Vous avez eu le privilège d 'être orientées vers le beHu p.aT une administration inte1lligente !(fui n'la p.as seulement le souci des réalisations techniques m.a"is qui veUle sur l'âme du pays, vo uant s on attention la plus continue à défendre ce qui doit être défendu, mais aus·si à innovE'r d'urne façon heureuse. Oar il ne s'agit p as de co'pier le p.assé -d 'une ,façon servile. Il n e s',agit pas d'être 'pri­sonni81' de ,formulesd·ésuète·s, q.uelles qu 'ell es soient. 1'1 s agit ,au con­t paire d'être des ·inventeurs, .d'être des créateurs, mais de l'être avec bon goùt, ,mais de 'l'être en se souvenant ,des leçons des ancêtres , m ais de l'êtrE' ,surtout en regard·ant 'autour d e ,soi, et en :m e-ttant tous 8e·s soins à rester dans le ton qui doit être ,le nôtre.

Vous avez donc eu le privilège de n êtr'e pas a'bandonnées sur la \ oi e de toutes .les erreurs. Il suffit 'que ,l'on jette un r egard ,gUI' ,ce village qui est le vôtre ,pour voir que ·de be'lle,s et grandes choses s 'y font dont les génér.ations futures seront 'fièrE's ·comme nous 'sommes fier s, nous, de l'Eglise de 8.aint-Pierr·e, de Valère ou de Rarogrne ou de Sailloln. Avez-vous p ensé une fois ·conm1e nou·s se·rions plus pau­vres et ,plus seu,ls, et Iplus tristes s i .l'église d e Saint-Pierre ou si la collégiale de Valère vE'na,ient :à cU,soparaÎ'tre? Com,1ne nous sentirions ce vide autour d e nous d'un 'PE'U de beauté di s,parue! Non, rien, ri·en ne pourl\ait jamais .rem,pIa,c'er l,a perf.ection de ces .pierres .mises ave,c .art ,le s unes SUT les 'autres, liées ensern:ble ,par ·1-e m ême :destin et demeurant vivante·s -clans leur immobi'lité com:me des témoigna.ges des ten1Jps ·anciens, comme de lointaines ·marquE·s d 'amitié que nous ont faites nos ancêtres.

Mais nous serons très vit'e les ancêtres de quelqu'un. Nous' serons très vite ceux vers C{'ui l'on reg.arde, au loin derJ~ière soi, ceux dont on évoque Il.a mémoire n.V0C des mots de piété. Eh bien! Il -faut pren­dre consdence d'e no·s devoirs. Il faut se p}a,ce.l' :sur un plan historique, il faut SE' situter dans le déroule.ment de's siècles, ·car nous avons chaoun no tr e petite histoire ,à fair>e- à nos ,s,ièc,le·s' là viv.re·. QU8Jncl no'us aurons ainsi ,com,pris que -nous ne vivons ,pas seulement ;pour nous mais pour tous ceux qui viennent de-rrière nous, toutes 'ce·s cohortes qu e vous portez ·en vous, dans vos flancs et dans vos cœurs, alors nous conceV·l"ons 'peut-être .la Ilégitime .al11lbition d'e lais'ser derrière nous un héritage dont les homlmes de l'avenir seront .fi,ers commE' nous sommes fiers ·de l'hérit:alge qui nous a: été là nous transmis. Vous êt es ,fiers de Saint-Pierre de ,cl8Jg.es, fiers clec-e·s maiso,ns à. l.arges f.açades , dont ,les pro.portions sont si he,ureuses que rien 'ne ,pourrait

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y être ,chélingé, n'lais 'faite,s en sorte que d 'ici deux -cents, trois ce·nts ans, que ,d 'id mi,Ue ,ans s'H EtSt nécessaire 0~1 soit fi er de vous.

Pour cela, que ,faut-Ï'l f·aire?

La prem.ière transformation à opérer, il faut l 'opérer 'au -d·eduns de soi. Il f.aut C011'1menCer ,par revenir ,soi~même à l,a :simpli,cité d 'une condition 'paysanne qui n "est en rie.n ,pareille à l,a 'condition bourgeoise, ni à ,la condition ouvrière de certaines dasses citadines. Il f·aut d'Ia,bord que chacune d 'entre vous vous ,preniez conscience dE' votre grandeur et de la heauté d e votre cond,ition. Vous n'en tire­reZ! pas de l'orgueil mais une juste Ifierté. Quand v-ous aurez bien compris que vous êtes 'plus ,libres, ·plus utiles, ,plus généreus,es que beaucoup de très 'be'lles da.m·es de la vi 1:1 e, vous n ',aJUrez plus le même ,c1és'Îl' de Il'es i,mitE'r, .de vous 'ha,biUeT cOmJme e:ltles, d'avo,ir des :meub.le comme elles. Vous le VOYE'Z, i,l y a ·1à tout un pro,g;l.'Iam.me d·e vie à. envis·ager ,qui peut 'modHier sensi·blement .l·es ·conditions de votre existence. Je me demande pourquoi, ,par ·exemp,le·, les fem·mes des vil­lages de l,a 'pl'aine n 'auraient .pas un co.stume ,à eHes, un costume qui les distinguerait de toutes IIEtS autres .femme·s du monde, mais ,ce n 'est pas cette r.aison de ,coquetterie qui me .le .fiait désirer. Je songe avec une certaine tendre·sse rà un ,co·stume qui serait simple et com­mode, qui :ne s81~ait ,pras ·oher mais qui ·serait de bon goût. Nous l',avons vu 'plus haut, ,le désir d'imiter .les citadines vous oblige sou­vent ,à acheter de l'a ma'uvaise ,mar,chandise. Elle btl'illle Stans doute, mais c'·e,st ,de la ,camelote. Vos moyens ne sont pas ceux de lia p1upart des citadines et c'est de cela 'qu'il ,f,aut d '.abord ,prendr'e consoCÎ8ol1 ce. Alors, pourquoi n ·e .pas 'créer un co·stumE· ·à vous? Pourquoi, .puisque votre vie est dif.férente ele celle des .gens de ,la ville, ne pas a da.pter vos hcubits à votre condition? Oh! Rassurez-vous, il ne s 'agit pa,. de vous faire endosser -le costume d'une Saviésamne ou d'une Evo.lé­naTde. Ce ,se:r:ait a'prporte-rchez vous des héVbits qui ne se trouve­raient p'a.s ·chez eux. ,Mais jE' songe. à une adaptation de vos ,costumes actuels dans le sens d'une simp'li'fication qui The s'e feratit ni au dé­triment ,de la co.quetterie qui est l'une des vertus d'e la femme ni ·au détriment surtout du bon goût. J.l f,aut qu;une fem.me ,soit j~li e . Il f'aut qu 'une fe-mme ait le souci d'être bien mise. IMais d'être m 'is e selon ·sa condition, on le .répète, d'être parée se10n son miliE'u et c' est dans ,ce sens ,que ·devrai ent 'porter tous ses efforts,

Il va de ,soi que je ne don:ne ici qu'une es'pèce' d'indioca:tion gé­nérale. Il ne m'appartient :p,as de Hxe·r d'une f'açon précise les mo­dalitée d'une év·o'lution que je trouverais admirable. J"ai seu'lement la ,per.suasion que vouos trouv,eriE'z, si vous vous en do-nniez la Ipeine, la soluti011 idéale. Vous trouv,eriez en vous ·ce besoin d'invention qu e vous l'cuissez tro'p sOInlnei.}.le-r -depuis que votre unique soud, dans le do.m,aine du vêtement, est de copier l,a ville. Voyez-vous, si vous aviez le cour,age de crée'r un ·costume seyant, 'attachant, mais bien 'l'l. vous.. mais bien adapté à vos trav.aux et là vos né,cessités., vous rendriez un immense sE'rvice 'au pay's tout entier, et l'on vous imit81~ait p,artout, Vous dev·iendriez le ,poilnt de départ d'une vl"aie. renaiSS'311·ce de la vi e 'pays,anne si menacée.

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IV. Nos meubles paysans

Le deuxièm.e point crue je voudr,ais ,aborder est ,celui de·s m eu­bles. IMon cœur se serre quand je voi,s 'les anti'qll'aire,s .parcourir no' vi,H3Jges, vider nos ·chambres ode tout ,ce qu'E'lIes contienne·nt de plus ou moins ancien, saccager .ainsi l'e6 se'uls témoins souvent qui restent du Ipassé. Songez-vous ,que dans 'cette armoire vendue ,à ,J,a ,légère sont entrés les habits de noces de ,p.lusieur,s géné'l'Iations ,d'Iaïeux les 1'0-bee d,es 'petites prenl'ière communiantes, les cha,pe-aux, le.s 'foulard s ·de tous ceux qui nous ont précédés ,sur les ·chemins dE' ce pays? La porte ·a grinC'é sous la m,ain :fatiguée de .l'aïeule; eilile s 'est ouverte brusq.uement, nerveusement, le di,manche 1111atin, sous l,a main ,pres­Bée du père qui ·cherchait son clha:pe,au noir et ne le trouvait pas. ' La clOoche 'sonne, au ·clocher. On va être en retard ·ca.[' la ,f.ati.gue vous .a retenu un .peu plus ,10ngtE'lnps dans l,a paix du vieux lit reposant. Alors, la vieille ,armoire, secouée dans tous son gr'and ,corps g.ei.gnant, s 'e'st ouverte .avec douleur. ,Elll,e ,a 'livré le ,c.ha'Peau aux .larges ailes qu'elle protégeait de la pous,sière et des mouches. EHe s'est reJerm ée aVE'C ,douce,ur, ·ne s'étonnant po,int d'être ainsi bous'culée, f!aisant av ec sO'umission son d·evoi.T' d'humble servantE'. EllIe a vu naître tous j'es enf,ants des Ipetits enfants. Elle s',est réj-ouie des joies de l,a fa<mi.Jl e. s'est ,attristée des c1eui,ls, quand on venait fouililer c1ans son ·corps à elle ,pour ü "ouveT les habi,ts dont on revêtirait -le mort. EUe faisaiL partie de .la If3JmiHe, .changeant parfo·is de m ,aison ,après un ,partage, Jnais toujours ég1alement ·soumisee:t uti,le, lavec, 'au .front, la date dEo sa naissaJl1ce et le no,m de l'honorable ,paysan qui l'avai,t 'comman­dée au menuisier Ipour le jour de s,es noces. EllIe a vie·iUi avec les n'liaisons ave,c les ,apbll"es et ave,c le temps lui ,:,mêm e. EHe ·s'est fati­guée; ses j.ointJures ·s·e sont mises .à geindr.e, ,oomme de vieilles arti­.~ulation.s humaines 'perclues de rhumatisme,s, IPla.uvre ,armoire! Un Jour on ne la trouve pl'us asS'ez belille, ,plus assez Ihüs,ante. On trouve qu'eUe n'était 'Pas là l,a mode, elle qui n"avait j,amlais eu 'crue 'le souci de se-rvir. Et quand Ile :petit hO'mrne à fi.gure <:hafouine est venu, qu'il a; 'Offert de ]'a1~gent pour ces viei,lle·s .p.lanches, on s '·est trouvé tout heureux ·de se déJbar,r:asser d',elle. Sans un merci, ,s,a.noS un regret, on l',a laissé .partir. Pendlant ,quelque-s jours encore, on ·a ,pu la voir d.ans la vitrinE" de l'.anti'quaire. Puis elle ,a; ,p.ris 'le chemin d'une demeure somptueuse où elle ,se trouve toute étI\angère, n'étant ipoi,nt f,aite pour 'assister à ·des séanc'es de thé, là des 'bav,ard'3Jg"es Viains et incom­préhensibles.

A sa 'p.1,ace, bien sûr, on a; pla'cé un meub11e neu,f. On s'·est mis dans la tête que ce pl'éllqué était be,au, .que ces ornements étaÎ'Emt distin­gués. On s'est cru de son tem,ps, on .s'e,st ,C;l'ru bien (plus .av,ancé qu e ces .pauvres ,ancêtrE's qui .se sont 'contentés des .choses qu'Hg ,fabri­quaient eux-mêmes. Tandi.s 'que ,les cita:dins, pa'!' snoibisme, revenai en t a.ux choses du passé, les ,pays·ans innovaient tristement, rem,plissaien t leurs mlaisons de meubles faits 'pour .la ville. Ne trou,vez-vous pas ce.]:=!. regrettaoble? l' . -~!- <'''l 'P'~

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Ne vous êt,es-vous jamais dit que ,puisqu 'on faisait la chasse aux vieux meubles, ,c'est que ces vie.ux meublEls de.vaient pos,séder des lignes, des for·mes intéress'antes? Puisqu'on venait Iles ,cher,cher le loin, ,c'e,st qu'ils devaient ,posséder Ide,s 'qualités .que les 'artisan.s

,des villes ne savent ipas do,nner à c,e qu'i.Is fa'b:r'Ïquent? Puis'qu'i.1 est de bon ton ,de posséder de l',ancien c'est qUE' ,cet ancien avait une v:a­leur ,de he,auté certaine. Or, ,ceux qui 'les ,avaient f'a'briqués autre.fois ne ,copnais,saientpas .mieux ,que .les artiSJans ,modernes leur métier, Mlais ils aimaient à tr,availlel' lente-ment. Hs aim'ai,ent les œuvres bien fuites, bien achevées, bien adélJptée's aux besoins .clE's hommes. Et sans doute est-ce :llà le ,secret de leur réussite.

Car, si la p.lupart s'entourent -des objets que leS' ,p'aysans mettent a u ' rebut ,pOUl' 1 u:nique r,aison qu 'ils sont vieux, 'ce,s objets, il en ,est d'autres qui ont su déceler ces qua;lités de ,fini, cette harmonie d 'un bois travaillé avec 'amour. Mais pour'quoi nos ipaysans ne s'auraiE'nt-ils p lus apporter la même ap'Plieation ,à ce ,qu'ils font. Somme,s-nous moins i,ntelligents, SOl'nme,s-nous m'oins invemtiis qu'eux ? .Tc ne le 'croü, pas. Mais on ne donne plus ·aux artisans l'oocasion de l' être.

01', 'ü'e,st à vous de marqu er un retour là une ·S'aine conce'ption du travail. J)'·a1bord, en ne che.r,chant ,plus à ,a'cheteil' ,au dehor,s ce q,ue vous pouvez obtenir ,chez nous. Allez chez .le menuisier, allE'z chez ole forg'eron eLu village. oCoillll1'andez-le'll1' non :pas une imitation du m euble de série ,mais des ,pièces qu'ils .auro'nt 'eux-'mêmes inventées. Encoumgez-Ies. Permettez-l,eu!' de lTlO'ntrer ,ce -dont ils sont ,capables. P oussez vos enfants ve·rs ces ,pTo,fessions artisanes. NE' rêvez 'pas san,s c'esse de voir vos 'fi,l,s a,gents d'·assurailloce, ou 110taÎ.l'e, o,u e·mployés de banque. Song,ez un peu plus que le mérite et ,l,a; valeur -d un homme n e se jaug.ent q)as ,à l'm'gent C}'u'i1 géùgTl:e. !La vr,aie grandeur est dans l'amour et l'a ·fidélité.

Quand je vois le eOl~donnier de mon village qui fra,ppe de toutes SE'S ,forces sa; sem,e,lll e S'ans souplesse, qui fr,a,ppe non ,pOUl' q,u e les heures pass'ent m'ais pour que le cuir dure longtemps, 'pour qu 'il soit moins perméablle ~ ,J'eau de .pluie et .à ,re'au des biss.es, qui f,1"app e encore .afin ,qu'on ne ,puisse j'am'ais sie ,plaindre de lui, afin qu 'on di'se : Pierre est un bon ·cordonnier! a.lors je c0l11'prends ,ce qu 'est l'amour d'un métie,r.

Aux yeux de beaucoup, la. tàche de PierrE' ,manque s'ans doute ele grandeur. Qui ,se soucie de lui? Qui .le connaît ,en ,dehoT's du vinage ? pe'rsonne ne lui tire le ,chapeau. Il In'est .ri,en, o~fic~el'le'l11ent. Il :le r e,p1"ésente nulle for.ce publique, nul 'POUVOI'!' constItue, nu.l~le aSSOCIa­tion ~,uissante . 'Les r'egistres ,même elu ,comme,r,ce ,1'ignorE'nt et l'an­nuaire du téléphone. Quand il mourra, il n',aur,a; ,même pas son nom encadré de noir dans le journal du 'chef-Heu. ,C'est à peine st 1'·oHicieT d'état-civil et le prêtre :le rayeront de leur,s registres. n n'en au.ra pas moins été gr,aond.

Parce 'qu.e toute 'sa. vie, ilaul',a donné ce qu'i:l ,possédait: .la fopc e ,de son bras et ·ce flair qui lui permet de voir qUE' le CUiT e,st a point. Toute s'a vie, il aura été fi.dèle là sa vocation obscure de cordonnier,

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raisoallt cie ,bonnes ch,a.us ur'es qui tienn ent au chaud t. 'au sec les, pi cls villa;geojs.

. Ce·st tout co qu 'on demalnde de nous. Si nous a vions ressen'1bl er, cha:cun dans notre .coin, ,à La sagesse de ·cet homme, .].e monde entier s·ortirait un jour ·ou l'autre dE' cet ,abîme où il s'en:fonce ·à ,chaque h eure un ,peu ·plus. C'est que chél!cun veut ga,gne,r unp.eu ~lus d'm'gent .en a~Hant vite ,et en ,f.aisant autTement qu'ont fait nos dev·a.ncie,rs. Et les souliers, a'lor·s, prennent l'eau. Et l'ho:mme qui Je.s Iporte, 'alor.s s e r e­froidit . Il tombe ,m'a.lade, il meul"t. Sa femme et ses enfmlt · sont dan-s la misère jusqu',au j,our où, ,à leur tour, ils seront auss i vi.ctimes de que.lqu mar,chandi,sE' mal fabriquée.

On voit bien que tout ,cel,a est un Ipeu ,arrangé pour le·s be 'oins de ceoUe démolJ.1s-tr,ation. Mais que l 'on ·réfléchisse cependant .à la notioal que ,l'on ,a de l,a ,grandeur. Qui vénère-t-on? Les puissants, le ' l'iches. Ceux qui ont réussi, com1n61~cia.lement ou ,politiquement par­l.a.nt. 1 e voit-on pas qu 'Hs ont réussi le plu,s souvent enex'ploitant les autr,es ? Ne voit-on ,pas qu'ils ont gre,ffé leur ,bien-êtrE' m'atériel sur le misères d 'autrui? Le cordonnier de mon viUaJge n ',a 'pas !f.aH fortun e. Il lui faHait d,eux jouTs pour ,a,chever une pai,re de so.ulier. I.l deman­dait sept francs. P,arce que., di,s'ait-i,l, il flaut vivre et ,lai'sser vivTe .. . wLais c'est son sort que j'envi,e. Parce que, ,quand il se s,era trouvé seul devant la. mort, à Il'heure où Il'homme redE.vient nu, où les -com,ptes en banque ,mên'le nous lâchent et ,l,a üons-idél~ation ,publique, Pierre aura trouvé, ,au lie/u du Ti.CtUS de l,a craiŒl'te, .].e SOUTire.

V. Nous sommes un maillon de la chaîne.

En m'entendant ainsi évo'que,p des i.mag.es qui leur semiblent bi ell1 désuètes, sans doute quelques-unes d'entre vous pensent-Ellles: On v eut nous .faire Teve,nir ,au vieux temps. ,Eh .bien! Non. Je vous dirai: au eontr.aire, i,1 'faut vivre doans .l'avenir. J'ai.lne cent :fois mieux visiter une exposition qu'un musée. ,J'.aime cent fois mieux la vie que 'la mort. J'·aime 'ce qui bouge, ,ce qui se tr.ans'forme" se modifie, gr,andit et s'améliorE'. J'aim,e tout ce qui devient, ,p'al'pH,e ,et je redoute l'im­mobilité qui est ennui et contentement de soi. .Mais il ne faut pas que notre désir ,d'être de not1"e te:mps, mieux, .d'être en ,av,ance sur notre temps nous ,fa'5se oublier cc que .les ancieIl/3 ont fait de beau et de bon.

Tro'p s'ouvent déJà, d,ans c.ette causerie, eSlt revenu le mot inventer. Je m en servirai .cependant encore ·oar il me ,par,aH néeessaire. Je trouve absurde, tant pis si je vous 60andalise quelque ,peu, les a s­sociations ,pOUT les vieux costumes, l,es associa;tions pour les vieilles danses le's 'associations pour ,les vieilles chans·ons. AbsurdE,g- par'ce qu'elle~ tend'ent, toutes ,ces ,associations, avec toute ,1euJ' bonne volonté, à tr.ansfm',mer le 'pay,s en un musée. Tout ce,l'a manque .d'ima:gination et d'e s.prit inventif. Quand nous 'aurons partout des .groupes de vieux C'ostul11'es, quand, dans toutes nos ,fêtes, il y aur.a « les vi eill es -dames » de Salo'es·ch. pui.s « les viel1x célibataires de Martigny» puis

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« les vieilles rnanailnes de Sierra», puis, « .les vieux gàteux» de je ne ~ais où, c'est que les vieux costumes seront bie.n morts, et Il'es vieil] e,s chansons et .les viei.rIes danses. Ce·st .qu'on s'occu'pera d 'eux enCOTe parce qu'on y v·erra des objets de cudosi-té et rien de ,plus. Ainsi on va voir à Va.lère les hallebardes et les mor.genstern de,s héros de Marignan.

Mlai,s on ne dem-a,ndE) pas à nos sold'ats ·de se battre avec les ar­me's de ·Marignan. P'ar·ce qu'on .a; compris que 'Marignan était une belle page d'histoire ,mais non un engagement pour l'aveni'l'. Or c' e.st l'avenir qui nous impor te, c'est l'avenir Ique. vouS' ·devez ppép'arel'. Mlais ,l'avenir e·st lié ·au passé. H ne ·f.aut '}J'as ·que l,a chaîne s'e ro:mpe qui les relie ,l'un .à .l'autre. Il ne ['aut pas qu'il y ait des trous entre ies génél"ations. Il faut ,quo ·ehacun tienne solidairement s.a, maille. Et c'est là, ·me se'mble-t-il, qu 'est le m,al, chez' nous. Les uns ont là ché la 'partie de ,la ,chaîne ,qui les r·attad;tait au .passé : Ce sont ,ces l11,a.l­heureux novateurs qui 'ont introduit chez nou s, d'a·ns nos villages, dans nos vi.l.Jes, . tant d'ho-rreurs. Et les ·autres, c,e 'sont ·ce·ux qui, de­venus .gardiens de ,musée, regardent. 'Cie.r'l'ière eux, m'a-rchent à recu­Jon et ·se croient d'autant plus dans lE' vrai .qu'ils se trouvent le plus èloignés du temps prés·e·nt.

Nous devons regarder derrière nous pour nous enrichir de toute l'expérience du passé, 'pour tirer ,profit de s iècles d·e sage·sse, de cette authentique ,g,agesse ·paysanne qui ne se tr ouve pas exprimée cl ans les livres mais qui se lit dans .1 œuvre des homme·s, E·t ces œu­vres ce sont les n1!ais·ons, ,les ég,u.ses, les me·ubles, les ustensile·s, et les murs de vignes, et les bisses, et les ,chem'Ïns ·et les mots même que nous employons, et nos habitudes héritées: des leur.s, - m a is notre regard doit seportE'r aussi vers l'avenir, vers ·ce ·qui sera, ·afin que cet avenir soit un peu meilleur, U1n ·p eu plu s be·a.u , afin qu'il soit marqué ,par notre pass'a.ge, et ·C"est clonc que nous d·evons être des inventeurs.

Nous serons ces inventeurs bienf'ais·ants si, à la lumière ·des le­çons que nous 'aUl~ons reçues d 'hier et d'autl'e.fois, nous savons f.aire mieux que ceux qui nous ont précédés, si « montés sur ,les épaules dE's 'anciens », nous pouvons voir plus loin que les Ancien.s (l'ui nou s portent...

Voilà clans quel sens j',aimerais être cOl11<pl'is. Quand je parle du costume ,a.n.cien et des meubles anci ens, j'aimerais que vous ne croy iez pas qu'il s'agit d·s mettre toujours le même disque au ,phono­gra phe. Non, mais il faut une Ifois pO.U.l' toutes .a'ccepter cette vérité que les nouveaux mots :ne peuvent ·se gre'ffer que s'ur viE'Îlles idées.

(A suivre.)

~oëJ. 194ID ! Confédérés, pensez à vos gardiens en C!ampagne r En achetant la carte historh~.ue « La Suisse en armes», vous don­nez pou1r œux qui assurent votre défense!

LANGUE fRANÇAISE

Première semaine.

Centre d'intérêt: LA FAMILLE

1. RECITATION

En famille

Dans notre 11laison bien petite, Tout le nlonde se trouve heureux ... Au prelnier jour, malnan se lève En fredonnant une chanson Et dans son berceau, l'enfant rêve Qu'il entend la voix du pinson. Papa dit ·: « Bonjour! je nle sauve Au chantier! -L'on m'attend là-bas ! ... li

Nous déjeunons; le feu pétille. Perché sur le .bord d'un barreau, , Pierrot, notre serin, sautille, Puis conlU1euce un refrain nouveau. « Partez, enfants, vite ~l l'école! Nous dit 111 alln an, l'heure a sonné; Un beau prix vous sera donné Si vous remplissez votre rôle. :. Marie Klecker.

L'enfance

L'enfant chantait; la mère au lit, exténuée, Agonisait, beau front dans l'Olnbre se penchant. La mort au-dessus d'elle errait dans la nuée; Et j'écoutais ce râle, et j'entendais ce chant. L'enfant avait cinq ans, et, près de la fenêtre, Ses rires et ses jeux faisaient un charmant bruit; Et 1a Inère, à côté de ce pauvre doux être Qui chantait tout le jour, toussait toute la nuit. La luère alla dormir sous les dalles du cloître, Et le petit enfant se remit à chanter. La douleur est un fruit; Dieu ne le fait pas croître Sur 1a branche trop faible encor pour le porter.

V . Hugo.

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I~. VOCABULAIRE

Groupons les mots d'après les idées. - L a famille est fon­dée sur le Inariage chrétien.

Avant 'de se marier, il y a les fiançailles, la d enwnde en 111((­

riage , la publication des bans. Les parent,s donnent leur consentement. Souvent les enfants

sont dotés. Les fiancés se Ina1'Îent, s'épousent, s'allient, contractent rma­

ri a ge. célèbrent le mariage. On peut devenir veuf" se sép-arer, se remarier, convoler en

nouvelles noces. Dans la famille, règnent l'affection Inutuelle, - la tendresse,

- l 'alnour conjugal, ' paternel , maternel, filial, fraternel, - la confiance.

Les enfants sont aînés, puînés, 'cadets, jUlneaux, mineurs 011

majeurs , célihataires OU lnariés. . Les parents élèvent, protègent, soignent, guidet, conseillent,

surveillent les enfants, les choient, les gâtent ou les traitent dure­ment, les cOlnblent de leurs bienfaits, se dévouent.

Les enfants doivent être tendres, affectueux, reconnaissants, jamais ingrats.

Ils doivent chérir leurs parents, les honorer, les respecter, les vénérer, - avoir une grande déférence: - les aider dans leurs travaux, les soulager dans leurs besoins, les assister dan s leur vieillesse' prier pour eux.

III. ORTHOGRAPHE

P réparation Voir le plan au No du 15 octobre.

Ma mère

C'était un Iuatin du mois de mai ... La porte s 'ouvrit et Ina m ère entra, souriante. Elle se pencha sur '1110n lit pour In 'eln­brasser , et, alors je n 'eus plus envie de rien, ni de pleurer, ni de me lever, ni de sortir ; elle était là et cela m e suffisait, .l e m e sentais consolé'. p, Loti .

Deux époux

L'holnme pouvait avoir une trentaine d 'années. C'était un e bonne face placide de paysan vosgien, encadrée d'une barbe , rousse, et ses cheveux. longs , retOlnbant sur le col de sa houppe­lande, offraient cette couleur filass e presque blanche. Son visage avait la teinte terreuse ,et plOlnbée, p articuli èr e aux gens mal nourris ...

La femme, p etite et menue, appartenait à une race différ ente. Sa p eau am.brée et basanée, ses cheveux d 'un noir lourd dont les torsades épaisses avaient un luisant bleu et lustré, ces signes lI110ntraient bien la fill e née dans une de ces m ystérieuses familles de romanichels qui vont à travers le nlonde, sans se mêler aux autres p euples, emportant avec eu x. leurs coutumes . leur langage.

Moselly.

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L'union dans la famine

C'es t un beau sp ectacle q u 'un e fam.il le unie clans le tpayaiL Un jour, je passais prÈ.s cl un ch aInp f r aîchement labour é; c· éta it un jeudi ; les en fan ts en congé entou raien t et aidaient leu r s pG­rents . Le pèr e et le fils creusajent, dans le chan1p à ensem.enc l'; une longue lign e cl trous. Derrièr e eux avançan t pas à pas, l a mère et la f ill e v l'saient dan s chaque trou de beaux grains de maïs dorés. P uis, un peti~ enfant de cinq ans, l'ah- joyeux et af­fairé allait et venai t avec une corbeille de ch au d fmuier que son frère cadet ven ait de r em.p Er, et, suivan t la co utu m.e du pays, il répandait SU l' le so l le fUllliE;l' fécondant. G. Bruno.

La petite sœur de POUlll

Poum a touj ours rêvé d une p etite sœu r. D abord. elle sera moins haute que lu i de la tête. Q uand ils iront p rOlnener en sen1-bIe, elle p ortera le seau et la pelle. E lle lui obéira en toute cir­constance. En r etou r, il aura pour elle des . attentions dé li cate' . n la défen dra conh e les chien s et les autres anim.au x n1échant~. Il sera son protecteur et son al1111. P. et V . Moryu eri tte .

Mon p ère

1. Mon pèr e éta it ce que, de son tell1ps, on ap pelai t bel h omnle, pas très gr and m ais bie f ait , lll.usclé, lar ge aux ép8.u les, m ince à la taille, a vec des bras d 'athlète, un coup rond qui por­tait b ien sa tête, les main s d'un évêque, le pied très p etit, cambré en arche de pont, un pied dont il éta it assez vain et qu 'il fai ­sait b otter avec coquetterie. Il aimait le beau lin ge et les ch aus­sures bien nl.oulées .

2. Mon père avait d es traits fins, le front h a ut, d'u ll beau d essin , le teint brun presque ]Jasan é (dans la jeunesse, on l a­vait sun10lmnlé Kabyle); et , 'avec cela, des } eux d' un bleu tantôt pâle comnle la cendre, t,antôt vif COnl.lne une pierre d'a­zur .. Ces yeux faisaient avec le bronze n1at de son visage un contraste 'singulier, parfois mêlne inquiétant. Certains jours i l devenaient si claii's, qu'ils lui donnaient presque un regard d'a­veugle. A d 'autres a110ments, ils prena ient une insupportable du ­reté./Ces yeux, qui n 'avaient p as froid , Illon père se f lattait de ne les lai sser d evant personne, et c'était vrai. Henri Bérnud.

Maman

:Maman, tu es travailleuse. Tu veux que rien n e m anque, et tout ton corps , et tes n1ains let tes yeux et tes jambes s'occupent à ce soin, et .le sens que tu en ,as fait les serviteurs de notr e vie et les ordonnateurs cie notre doie.

Il y a la vaisselle, il y ale nl.énage, il y a la cuisine, il y a l'eau que tu puises, ,iI ya le balai et la lessive. Il y a les commi '­sions chez l'épicier , chez le boulanger et chez tous les m,archand ..

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lJ yale raccollullodage et la confection. Ce sont des travaux l:sim­pIes qui s 'étendent devant ta vie et que tu accOlnplis sans cesse. Après chacun d'eux: tu regardes le suivant et tu pars où il te con­duit, docile et calme.

Et je te vois nlanlan; je te vois avec tes joues tendres où Ines bai~ers ~'enfoncent. Je vois tes mains un peu rugueuses que la vie a frottées avec tous ses travaux. Le soir, tu te fais un peu p lus belle et tu prends un bonnet gaufré ...

MaIuan, lorsque tu es assise à la fenêtre, tu couds et tu pen­ses. Tu nenses à l,a ,chemise que tu couds, à un gilet, à un pan­talon, ou à la soupe du soir. 'Mais surtout tu penses à moi. Tu veux vivre, non pas tant pour lne voir grandir que pour ln'aider à cela. Ton cœur est plein de forces et tu veux toutes les em­ployer. Tu m'ainles comme la ,fin de toutes choses. Alors , ma­man, tu n' es plus une sÎlnple fenlnle qui coud et qui pense, tu es la n1ère d 'un enfant de douze ans, tu te recueilles ,et tu travailles pour l'hmnanité, toi qui prépares un homme. Ch-Ls Philippe.

Exercices d'application '

Voir le plan au No du 15 octobre.

IV. COMPOSITION FRANÇAISE

La phrase - Le paragraphe - La rédaction

1. Notre famille. - 2. Une fête de famille. - 3. Votre père revient du tfavail. - 4. Le ,baptême (ou la naissance) de votre petit frère. - 5. Une prOlnenade en fanlille. - 6. Occupation des membres de la famille pendant une soirée d'hiver. - 7 . .J'aide mes parents. - 8, J 'ainle mes 'n)arents. - 9. Devoirs envers nos parents.

Deuxième semaine.

Centre d'intérêt : L'ENFANT

1. RECITATION

Prière de l'Jenfant à son réveil

Mon Dieu donne l 'onde aux fontaines, Donne la plume aux passereaux, Et la laine aux petits agneaux, Et l 'Olubre et la rosée aux plaines. Donne aux lnalades la santé, A u mendiant le pain qu'il pleure. A l'orphelin , une demeure, Au prisonnier la liberté.

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Donne une faluille nombreuse Au père qui craint le Seigneur. 'Donne à lnoi sagesse et bonheur, Pour que ma mère soit heureuse.

Jeanne au pain sec

Lamartine.

Jeanne était au pain sec dans le cabinet noir, Pour un criIne quelconque, et, manquant au devoir, J'allai voir la proscrite en peine forfaiture Et lui glissai dans l'ombre un pot de confiture Contraire aux lois. Tous 'ceux sur qui, dans ma cité, Repose le salut de la société. S'indignèrent, et Jeanne a dit d'une voix douce; « Je ne toucherai plus n10n nez avec mon pouce: Je ne lue ferai plus griffer par le nlÏnet. » , ,Mais.iÜn s'est écrié: « Cet enfant vous connaît: Elle sait à quel point vous êtes faible et lâche. Elle vous voit toujours rire quand on se fâche. ' Pas de gouvernement possible. A chaque jnstant L'ordre est troublé par vous: Je pouvoir se détend: Plus de règle. L'enfant n'a plus rien qui l'arrête Vous déInolissez :tout!» Et j'ai ba.issé la tête, Et j'ai dit: « Je n'ai rien à répondre à cela: J'ai tort: oui, c'est avec ces indulgences-là Qu'on a toujours conduit les peu'Ple~ à ~eur perte. Qu'on me mette au pain sec. - Vous le Inéritez, certe. On vous y lnettra. » Jeanne alors, dans son coin noir, M'a dit tout bas, levant ses yeux si beaux à Noir, Pleins de l'autorité des douces créatures: « Eh bien! moi, je t'irai pOlier des confitures. » V. Hugo.

Il. VOCABULAIRE

Un ,ma.mnot, un minois, la moue" la grimace, le babil, le ba­billage, un gazouillis; un hochet, une berceuse, un n10ïse, l'al­laitement, la puériculture; une caresse, une câlinerie, des enfan­tillages; l'ingénuité, la naïveté , l'innocence, la candeur, la pureté, l'insoucience, ;la croissance.

Un bébé grassouillet; des mains potelées, des yeux e~piègles, oandides, ri eurs, un pas vacillant, une délnarche incertaIne, des cheveux soyeux, une bouche édentée ; un rire sonore, argen­tin; un berceau douillet ; des mots puérils, inintelligibles, inar­ticulés.

Gazouiller, zézayer , balbutier ; faire, risquer ses premier~ pas, tituber, trottiner, gan1bader, s'ébattre; trépigner, froncer le nez, bouder, faire la moue' croîtré, grandir, se développer' gâter, choyer , cajoler: surveiller, doser l'alimentation.

Un bébé, un enf!3nt, un g'arçonnet, une fillette , des boucles,

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une menotte. un bavoir les langes , un berceau une hercelol1nette, le biberon, ,l~ bouillie, des ris un sourire, les cris, . la colère .

Un bébé joufflu, gracieux; des joues rebondies, venneilles; des mem.bres fragi les , menus délicats' 11n l,as h ésitant; des ge '­tes câlins, 1l1aladroits, mal assurés : des che, aux bouclés , frisés , lisses, ,raides, touffus, rares , blonds, bruns; une nl8.n1:111 tendre, inquiète , affectueuse.

Le bébé ouvre la bouche jase, habille, crie, hurle, se met en colère' il s endort. sonuneil1 e, dort :'t poings (fermés ' il suce son po lce; il réclame son repas, tette, prend un biberon . La m a ­nlan l admire, l amus , le câline, 1 ~ pouponne le ,] erce, r endort.

III. ORTHOGRAPHE

Préparation: Voir le plan ·au No du 15 octobre .

Un brave enfant

Le petit Basile, dont la Inère est bien pauvre, a'\ ait dû placer com.me berge r dans une ferme lointaine . Tous les nloi ',' quand il touchait ses gages , Basile venait voir sa n1ère et lui danna it son gain ... E lle était heureuse et fière. E . Mosefly .

Une petite fille

Ma pethe alnie s ·appelle Louise. C'est un Inignonne petite fi lle aux joues rondes, aux lèvres roses, aux yeux bruns et vifs. Ses beaux cheveux noirs ,reton1bent en grosses boucles autour de son visag .

Cinq enfants

Près d 'un village caché au Inilieu d'une grande forêt habite la fami lle ,de Jean le bücheron. Ce brave hOInm.e ,a cinq enf.ants. L 'aînée est une petite fill~ de sept ans qui se 110n1me Marie, Ilnai ' qu'on appelle Fauvette, parce qu'elle chante toujours COIunle 1 ~ petit oiseau de ·ce nom. Son joli visage n'est jamais assombn par la mauvaise hUlueur. ..

Fauvette est petite pour son flge. Elle a une fIgure l'OS éclairée par deux grands yeux noirs, vifs et malicieux. Ses.che­veux châtains fonnent des boucles folles autour de son front bruni par l 'air des bois . Ils sont souvent en broussailles. Fauvette se coiffe elle-n1ême et n 'est pas très adroite.

Pierre, le deuxième, est un .g,arçon de cinq ans, tapageur et parfois violent. A la saison des Inüres.' ~l a presqu~ toujours la bouche, les joues et le Inenton barbOUIlles de. leur JUs. .

Puis viennent Paul et Paulette, les deux JU111eaUX qUI se res­semblent COl1l1me deux gouttes de lait, et qui trottent toujours l'un à côté de l'~utre.

Monique, la dernière petite fille , ;n 'a que que~'ques nlois. Elle ne sait encore ni parler ni marcher, et elle ne quItte son berceau que pour les bras de sa maman ou pour sa ,petite voiture.

Ch. Ab deI' Halden et M. LavClut.

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Bébé dans son ben'eau

Lucette vient de s'éveiller ,d'un bon petit son11l1eil. Elle Cl

l~s yeux au pl~fond. Ell~ tortille ses n1ains, s'empoigne succes­Ivement un dOIgt et l?UlS un autre, bave ,avec générosité et

pousse des sons de ,petIts cochons d'Inde en belle humeur.

A. Lichtenbel'gel'.

Le sourire de l'enfant

Sourire, c'est avoir ~e la joi~; avoir Ide la joie, c'est déjà savourer le bonheur de VIvre. Pour faire sourire les enfants on leur chatouille le Inenton, ce qui agite leur petite chair; Dn leur met les yeux dans les yeux, on remue les Inains, on prononce des syllabes drôles afin de leur ~'aire voir ce qu'ils -aiment: des choses brillantes qui sont les yeux, des choses remuantes qui sont les mains, et leur faire entendre des sons gentils qui sont à la portée de leur cerveau, puisqu'ils ne veulent rien dire. Ils finis­sent par avoir un sourire ,très large, sans restrictions, et qui sem­ble une action ,minuscule dans laquel1e ils Inettent toutes leurs forces . Ch.-L. Philippe.

Gwen, la toute petite sœur

. Elle était couchée dans les bras de gr-and 'n1ère, les yeux Juste assez ouverts pour ITIOntrer une ligne bleue, la figure très blanche et l'unique houppette de cheveux dorés Ise dressant sur sa tête. Tout le jour, toute la nuit, les bras de grand'mère étaient pleins. Je n'avais plus de genoux où griu1per, plus de coussin pour IU'y blottir. Tout appartenait à Gwen. lVlais Gwen ne le renlar­quait pas. Jalnais elle ne levait la main pour jouer avec la bro­che d'argent qui était un croissant de lune avec cinq petits hi­boux perchés dessus; jam,ais elle ne tirait la m.ontre de grand' mère de son corsage et n'ouvrait en cachette le boîtier pour voir les cheveux de grand-père; jamais elle ne pressait sa tête tout près pour sentir 'le parfum d'eau de lavande, ou ne s'emparaît d~ l'étui à lunettes en se denlandant s'il était vraiment tout en ar­gent. Elle restait hl1n10bile et se laissait bercer.

/{atherine Mansfiele!.

Exercices d'application

Voir le plan à suivre au No du 15 octobre.

IV. COMPOSITION FRANÇAISE

La phrase - Le paragraphe - La rédaction

SUJETS. - Vous observez votre petite sœur qui est dans les bras de votre lnalman. Décrivez-les l'une et l'autre.

1. Le portrait de la petite sœur. - Elle était couchée dans