evola julius, doctrine aryenne de lutte et de victoire (2012)
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7/31/2019 Evola Julius, Doctrine Aryenne de Lutte Et de Victoire (2012)
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La doctrine aryenne du combat et de la victoire est le texte dune
confrence prononce en allemand par Julius Evola, le 7 dcembre 1940,au palais Zuccari Rome. Elle fut publie en 1941 par la maison
ddition viennoise Scholl, sous le titre Die arische Lehre vom Kampf
und Sieg.
La version italienne de ce texte, publie sous le titre La dottrina aria
di lotta e vittoria, parut pour la premire fois en 1970 aux ditions Di Ar
de Padoue (2e d. 1977, 3e d. 986). Une premire dition franaise a t
publie comme supplment au numro 7 de la revue Totalit (La doctrine
aryenne de lutte et de victoire, Paris, 1979). Cette dition tant puise
depuis plusieurs annes, on prsente ici une nouvelle traduction,
meilleure car serrant de plus prs le texte, et effectue, elle aussi, partir
de loriginal italien.
L avertissement de lditeur italien, qui figure dans la premire
dition franaise, a t supprim. En revanche, on a traduit la note
introductive , figurant dans les deuxime et troisime ditions italiennesdu texte dEvola.
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La mentalit courante croit gnralement que lirralisme verbeux
et patriotard dinspiration romantique ou vitaliste, dune part, et larhtorique pacifiste dinspiration humanitaire, dautre part, sont des
positions irrconciliables et antithtiques. En ralit, le patriote et le
dfaitiste partagent un mme prjug de fond, typiquement moderne,
selon lequel la guerre serait prive de toute signification suprieure,
spirituelle ; tous deux la considrent, en effet, comme un fait matriel
brut une certaine mise en scne idaliste, ici, ne doit pas induire en
erreur , que le premier justifiera et exaltera comme un pisode utile la
grandeur de la nation , et que le second condamnera comme une
boucherie inutile . Ainsi, tandis que certains, sur la base dun
irrationalisme biologisant et vulgaire, exaltaient la guerre comme moyen
de dfoulement dinstincts subpersonnels, du mme point de vue dautres
purent la condamner en tant que facteur de slection biologique
rebours. Il est vident quau-del de lapprciation positive ou ngative
porte sur lexprience guerrire, le jugement moderne sur la guerre
est, au fond, toujours le mme, puisque celle-ci est assimile un conflitbestial. Dailleurs, il ne saurait en tre autrement dans une civilisation
qui a ramen lhomme une simple varit zoologique.
Mais les choses se prsentent de manire diffrente lorsquon les
envisage la lumire de la Tradition.
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Dans la conception de lancien monde aryen, par exemple, la guerre
est le symbole, la continuation sensible dune lutte mtaphysique : elle
est leffet dun affrontement entre les puissances clestes du Kosmos, de
la forme, de la lumire, et celles du chaos, de la nature dchane, des
tnbres.
Ainsi, en ce qui concerne lhrosme, ce qui compte vraiment pour
lhomme de la Tradition, ce nest pas une capacit gnrique de se lancer
dans la lutte, de mpriser le danger, daffronter la mort, mais le sens en
vertu duquel tout cela est accompli ; et le combat revt, pour un tel
homme, la valeur et la dignit dun rite, dune voie , qui conduit,
travers la victoire et la gloire, au dpassement de la condition humaine et
la conqute de limmortalit.
Gruppo di Ar.
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Selon la conception dun critique rput de la civilisation, le dclin
de lOccident est clairement reconnaissable deux caractristiques
principales : en premier lieu, le dveloppement pathologique de tout ce
qui est activisme ; en second lieu, le mpris des valeurs de la
connaissance intrieure et de la contemplation.
Ce critique nentend pas, par connaissance, rationalisme,
intellectualisme ou exercices vaniteux de lettrs ; il nentend pas, par
contemplation, un loignement du monde, un renoncement ou un
dtachement monacal mal compris.
Connaissance intrieure et contemplation reprsentent, au contraire,
les formes de participation normales, les plus appropries la nature
humaine, la ralit surnaturelle, supra-humaine et supra-rationnelle.
Malgr cette prcision, il y a au principe de la conception indique une
prmisse inacceptable pour nous. Il est en effet tacitement admis ici que
toute action dans le domaine matriel est limitative et que le domaine
spirituel le plus lev nest accessible que par dautres voies que celle de
laction*.
On reconnat aisment dans cette ide linfluence dune conceptionde la vie qui est essentiellement trangre lesprit de la race aryenne et
qui, toutefois, est si profondment enracine dans la faon de penser de
lOccident christianis quon la retrouve jusque dans la conception
impriale dantesque. Lopposition entre action et contemplation tait, en
fait, inconnue des anciens Aryens. Action et contemplation ntaient pas
conues par eux comme les deux termes dune opposition. Elles
dsignaient seulement deux voies distinctes pour parvenir la mme* Lauteur se rfre videmment aux thses de Ren Gunon (N.D.T.).
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ralisation spirituelle. Autrement dit, on estimait que lhomme pouvait
dpasser le conditionnement individuel et participer la ralit
surnaturelle, non seulement par la contemplation, mais encore par
laction.
Si nous partons de cette ide, alors le caractre de dcadenceprogressive de la civilisation occidentale doit tre interprt
diffremment. La tradition de laction est typique des races aryano-
occidentales. Mais cette tradition a progressivement subi une dviation.
Ainsi, lOccident moderne en est arriv ne connatre et honorer quune
action scularise et matrialise, prive de tout point de contact
transcendant une action profane qui, fatalement, devait dgnrer en
fivre et en manie et se rsoudre dans laction pour laction ; ou bien
dans un faire exclusivement li des effets conditionns par le
temps. A une action ainsi dgnre ne rpondent pas, dans le monde
moderne, les valeurs asctiques et authentiquement contemplatives, mais
simplement une culture fumeuse et une foi ple, conventionnelle. Tel
sera notre point de dpart pour saisir la situation.
Si le retour aux origines est le mot dordre de tout mouvement
contemporain de rnovation, alors le fait de redevenir conscient de la
conception aryenne primordiale de laction se prsente comme une tche
indispensable. Cette conception doit avoir un effet transfigurateur et
voquer dans lhomme nouveau de bonne race des forces vitales. Nous
dsirons faire aujourdhui, prcisment, un bref excursus dans lunivers
spculatif du monde aryen primordial, afin de ramener au jour quelques
lments fondamentaux de notre commune tradition, avec un gard
particulier pour la signification de la guerre, de la lutte et de la victoire.
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Naturellement, pour lancien guerrier aryen, la guerre correspondait
une lutte ternelle entre des forces mtaphysiques.
Dune part, il y avait le principe olympien de la lumire, la ralit
ouranienne et solaire ; dautre part, il y avait la violence brute, llment
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titanique et tellurique, barbare au sens classique du terme, fminin-
dmonique. Le thme de cette lutte mtaphysique rapparat de mille
faons dans toutes les traditions dorigine aryenne. Toute lutte au niveau
matriel tait toujours vcue, avec une conscience plus ou moins grande,
comme ntant pas autre chose quun pisode de cette opposition. Maispuisque laryanit se considrait elle-mme comme la milice du principe
olympien, il faut galement rapporter cette vue, chez les anciens
Aryens, la lgitimation ou la conscration suprme du droit au pouvoir et
de la conception impriale elle-mme, lorsque leur caractre anti-sculier
est bien visible larrire-plan.
Dans la vision traditionnelle du monde, toute ralit devenait
symbole. Ceci vaut galement pour la guerre du point de vue subjectif et
intrieur. Ainsi pouvaient tre fondues en une seule et mme chose
guerre et voie du divin.
Les tmoignages significatifs que nous offrent les traditions
nordico-germaniques sont connus de nous tous. Il faut toutefois observer
que ces traditions, telles quelles nous sont parvenues, se rvlent
fragmentaires et mles, ou bien reprsentent la matrialisation de
traditions aryennes primordiales plus hautes, mais souvent tombes au
niveau de superstitions populaires.
Cela ne doit pourtant pas nous interdire de fixer quelques points.
Comme chacun sait, le Walhalla est avant tout le sige de
limmortalit cleste, principalement rserve aux hros tombs sur le
champ de bataille. Le seigneur de ces lieux, Odin-Wotan, est prsent
dans lYnglinga saga comme celui qui, par son sacrifice symbolique
lArbre cosmique Yggdrasil, a indiqu la voie aux guerriers, voie qui
conduit la demeure divine o spanouit la vie immortelle. Daprscette tradition, en effet, aucun sacrifice ou culte nest plus agrable au
dieu suprme, aucun nobtient de plus riches fruits supra-terrestres que
ce sacrifice quon offre lorsquon meurt sur le champ de bataille.
Il y a plus : derrire lobscure reprsentation populaire du Wildes
Heer1 se cache la signification suivante : travers les guerriers qui, en
tombant, offrent un sacrifice Odin, grossit la troupe de ceux dont le
dieu a besoin pour lultime bataille contre le ragna-rokkr, cest--dire1 Wildes Heer : troupe sauvage, horde temptueuse (N.D.L.E.).
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contre le fatal obscurcissement du divin qui, depuis des temps
reculs, plane, menaant, sur le monde. Jusquici, par consquent, le
thme aryen de la lutte mtaphysique est mis clairement en relief. Il est
mme dit dans lEdda : Si grand que puisse tre le nombre des hros
runis dans le Walhalla, ce ne sera jamais assez quand le Loup ferairruption2 le Loup tant ici limage des forces obscures et sauvages,
que le monde des Ases tait parvenu lier et soumettre.
Tout fait analogue est la conception aryano-iranienne de Mithra,
le guerrier sans sommeil , lui qui, la tte des fravashi et de ses
fidles, livre combat contre les ennemis du dieu aryen de la lumire.
Nous traiterons bientt des fravashi et nous examinerons leur
correspondance avec les Walkyries de la tradition nordique. Mais nous
voudrions prciser encore mieux la signification de la guerre sainte
grce dautres sources concordantes.
On ne doit pas stonner si nous ferons surtout rfrence la
tradition islamique.
Celle-ci est, en loccurrence, la place de la tradition aryano-
iranienne. Lide de guerre sainte du moins en ce qui concerne les
lments examiner ici parvint aux tribus arabes par lunivers
spculatif persan : elle avait donc, en mme temps, le sens dune tardive
renaissance dun hritage aryen primordial et, de ce point de vue, elle
peut sans aucun doute tre utilise.
Ceci pos, on distingue dans la tradition en question deux guerres
saintes , savoir la grande et la petite guerres saintes. Cette
distinction repose sur une parole du Prophte, qui affirma au retour dune
entreprise guerrire : Nous voici revenus de la petite la grande guerre
sainte . Dans ce contexte, la grande guerre sainte appartient lordrespirituel.
La petite guerre sainte est, au contraire, la lutte physique,
matrielle, la guerre mene dans le monde extrieur. La grande guerre
sainte est la lutte de lhomme contre les ennemis quil porte en lui-mme.
Plus prcisment, cest la lutte de llment surnaturel en lhomme
contre tout ce qui est instinctif, li la passion, chaotique, sujet aux
forces de la nature. Telle est aussi lide qui apparat dans le vieux trait2 Gylfaginning, 38 (N.D.L.E.).
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de la sagesse guerrire aryenne, la Bhagavad-Gt : Connaissant celui
qui est au-dessus de la pense, affermis-toi dans ta force intrieure et
frappe, guerrier aux longs bras, cet ennemi redoutable quest le
dsir 3. Une condition indispensable luvre intrieure de libration,
cest que cet ennemi doit tre dfinitivement ananti. Dans le cadredune tradition hroque, la petite guerre sainte cest--dire la guerre
comme lutte extrieure sert seulement de voie par laquelle on ralise,
prcisment, la grande guerre sainte. Cest pour cette raison que, dans les
textes, guerre sainte et voie de Dieu sont souvent synonymes.
Ainsi lisons-nous dans le Coran : Que ceux qui sacrifient la vie dici-
bas la vie future combattent dans la voie de Dieu ; quils succombent
ou quils soient vainqueurs, nous leur donnerons une rcompense
gnreuse 4. Et plus loin : Ceux qui auront succomb dans le chemin
de Dieu, Dieu ne fera point prir leurs uvres. Il les dirigera et rendra
leurs curs droits. Il les introduira dans le paradis dont Il leur a parl 5.
Il est fait allusion ici la mort dans la guerre, la mors triumphalis la
mort victorieuse , qui possde son quivalent parfait dans les
traditions classiques. La mme doctrine peut aussi, cependant, tre
interprte dans un sens symbolique. Celui qui, dans la petite guerre
sainte , a su vivre une grande guerre sainte , celui-l a cr en soi
une force qui le rend capable de surmonter la crise de la mort. Mais
mme sans avoir t tu physiquement, il peut, par lascse de laction et
du combat, exprimenter la mort, il peut avoir vcu et ralis
intrieurement une plus-que-vie . Sous langle sotrique, Paradis ,
Royaume des Cieux et dautres expressions analogues ne sont, en
effet, que des symboles et des figurations, forges pour le peuple, dtats
transcendants dillumination, qui relvent, eux, dun plan plus lev quela vie ou la mort.
Ces considrations doivent aussi valoir comme prmisse pour retrouver
les mmes contenus doctrinaux sous le revtement externe du christianisme,
revtement que la tradition hroque nordico-occidentale a t contrainte
dadopter durant les croisades, pour pouvoir se manifester lextrieur.
3 Bhagavad-Gt, III, 43 [Pour cette citation, ainsi que pour celles qui suivent, nous
avons utilis la traduction dEmile Senart, Les Belles Lettres, Paris, 1967 - N.D.T.].4 Coran (trad. Kasimirski, N.D.T.], IV, 76.
5 Coran, XLVII, 5-6-7.
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Dans lidologie des croisades, la libration du Temple, la conqute de la
Terre Sainte prsentaient, bien plus quon ne le croit gnralement,
des points communs avec la tradition nordico-aryenne, laquelle fait
rfrence la mystique Asgard, la terre lointaine des Ases et des hros
o la mort na pas de prise et dont les habitants jouissent dune vieimmortelle et dune paix surnaturelle. La guerre sainte apparaissait
comme une guerre totalement spirituelle, au point de pouvoir tre
compare, littralement, par les prdicateurs, une purification,
comme le feu du purgatoire ds avant la mort . Quelle gloire meilleure
pour vous de ne jamais sortir de la mle, sinon couverts de lauriers ?
Mais est-il une gloire plus haute que de gagner sur le champ de bataille
une couronne immortelle ? , demandait aux Templiers Bernard de
Clairvaux6. La gloire absolue - la mme que celle attribue par les
thologiens Dieu au plus haut des Cieux, in excelsis deo est, de
mme, commande au crois. Et sur cette toile de fond se dcoupait la
Jrusalem sainte , sous un double aspect : comme cit terrestre et
comme cit cleste ; quant la croisade, elle tait vue comme lvation
menant rellement limmortalit.
Les vicissitudes militaires des croisades produisirent dabord
ltonnement, puis la confusion et jusqu des vacillements de la foi,
mais eurent ensuite pour seul effet de purifier lide de guerre sainte de
tout rsidu de matrialit. Lissue malheureuse dune croisade fut
compare la vertu poursuivie par linfortune, dont la valeur ne peut tre
juge et rcompense quen fonction dune vie non terrestre. Au-del de
la victoire ou de la dfaite, le jugement de valeur se concentra ainsi sur
laspect spirituel de laction. La guerre sainte valait pour elle-mme,
indpendamment de ses rsultats visibles, comme moyen pour atteindre,par le sacrifice de llment humain, une ralisation supraterrestre.
Le mme enseignement, lev au rang dune expression
mtaphysique, peut tre retrouv dans un clbre texte indo-aryen, la
Bhagavad-Gt. La compassion et les sentiments humanitaires qui
retiennent le guerrier Arjna de descendre en lice contre lennemi,
sont jugs par le dieu troubles, indignes dun rya [...], qui ne
6 De laude novae militiae.
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mnent ni au ciel, ni lhonneur 7. Le commandement dit ceci : Mort,
tu iras au ciel ; ou vainqueur, tu gouverneras la terre. Relve-toi, fils de
Kunt, rsolu combattre 8. La disposition intrieure qui peut transmuer
la petite guerre dans la grande guerre sainte dont on a parl, est
clairement dcrite de la faon suivante : Rapportant moi toute action,lesprit repli sur soi, affranchi desprance et de vues intresses,
combats sans tenfivrer de scrupules 9. Avec des expressions tout aussi
claires est affirme la puret de cette action : elle doit tre voulue pour
elle-mme, au-del de toute fin matrielle, de toute passion et de toute
impulsion humaine : Considre que plaisir ou souffrance, richesse ou
misre, victoire ou dfaite se valent. Apprte-toi donc au combat ; de la
sorte tu viteras le pch 10.
A titre de fondement mtaphysique supplmentaire, le dieu
enseigne la diffrence existant entre ce qui est spiritualit absolue
comme telle, indestructible et ce qui na, en tant qulment humain et
corporel, quune existence illusoire. Dun ct, le caractre dirralit
mtaphysique de tout ce quon peut perdre (vie et corps mortel
transitoires) ou dont la perte peut tre conditionnante pour dautres
hommes, est rvl. De lautre, Arjna est conduit lexprience de la
force de manifestation du divin, une puissance bouleversante dune
irrsistible transcendance. Face la grandeur de cette force, toute forme
conditionne dexistence apparat comme une ngation. Lorsque cette
ngation est nie activement, cest--dire lorsque, dans lassaut, toute
forme conditionne dexistence est renverse ou dtruite, cette force se
manifeste de manire terrifiante. Ds lors, on peut prcisment capter
lnergie propre produire la transformation hroque de lindividu.
Dans la mesure o le guerrier est mme duvrer dans la puret et lecaractre dabsolu dj indiqus, il brise les chanes de lhumain, il
voque le divin comme force mtaphysique, il attire sur lui cette force
active, il trouve en elle son illumination et sa libration. Le mot dordre
correspondant dun autre texte, appartenant toutefois la mme tradition,
dit : La vie comme un arc ; lme comme une flche ; lesprit absolu
7 Bhagavad-Gt, II, 2.
8 Ibidem, II, 37.9 Ibidem, II, 30.
10Ibidem, II, 38.
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comme la cible transpercer. Sunir cet esprit, comme la flche
dcoche se fiche dans la cible 11. Si nous savons apercevoir ici la forme
la plus haute de ralisation spirituelle par le combat et lhrosme, nous
comprenons alors combien est significatif le fait que cet enseignement
soit prsent dans la Bhagavad-Gt comme drivant dun hritageprimordial aryen et solaire. En effet, il fut donn par le Soleil au
premier lgislateur des Aryens, Manu, avant dtre gard par une
dynastie de rois sacrs. Au cours des sicles, cet enseignement fut perdu,
puis de nouveau rvl par la divinit, non un prtre, mais un
reprsentant de la noblesse guerrire, Arjna.
*
**
Ce dont nous avons trait jusqu maintenant nous permet aussi de
parvenir la comprhension des significations les plus intrieures qui se
trouvent au fondement de tout un autre ensemble de traditions classiques
et nordiques. Comme point de rfrence, il faut observer ici que, dans ces
traditions, quelques images symboliques prcises apparaissent avec unefrquence singulire : ce sont limage de lme comme dmon, double,
gnie et ainsi de suite ; limage des prsences dionysiaques et de la
desse de la mort ; enfin limage dune desse de la victoire, qui se
manifeste souvent sous la forme dune desse de la bataille.
Pour lexacte comprhension de ces rapports, il faut dabord
prciser la signification de lme entendue comme dmon, gnie ou
double. Lhomme antique symbolisa dans le dmon ou double une force
gisant dans les profondeurs, qui est pour ainsi dire la vie de la vie, dans
la mesure o elle dirige, en gnral, tous les mouvements corporels et
spirituels ; une force laquelle la conscience ordinaire na pas accs et
qui, toutefois, conditionne trs largement lexistence contingente et le
destin de lindividu. On estimait quil y avait un lien troit entre cette
force et les puissances mystiques de la race et du sang. Cest ainsi, par
exemple, que le dmon (daiinon) apparat semblable, sous de nombreux
11Mrkandeya-purna, XLII, 7, 8.
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aspects, aux dieux lares, les entits mystiques dune ligne ou dune
descendance, au sujet desquels Macrobe, par exemple, affirme : Ils sont
les dieux qui nous maintiennent en vie, ils alimentent notre corps et
guident notre me . On peut dire quil existe entre le dmon et la
conscience normale un rapport du mme type que celui qui relie principeindividuant et principe individu. Selon lenseignement des Anciens, le
premier est une force supra-individuelle, donc suprieure la naissance
et la mort. Le second, le principe individu, conscience conditionne
par le corps et le monde extrieur, est destin, normalement, la
dissolution ou la survie phmre propre aux ombres. Dans la tradition
nordique, limage des Walkyries a plus ou moins la mme signification
que le dmon. Cette image se confond, dans de nombreux textes, avec
celle de la fylgja12, cest--dire avec une entit spirituelle agissant dans
lhomme et la force de laquelle le destin de celui-ci est soumis.
En tant que kynfylgja, la walkyrie est tout comme les dieux lares
romains la force mystique du sang. De mme pour les fravashi de la
tradition aryano-iranienne.
La fravashi explique un clbre orientaliste est la force intime
de chaque tre humain, cest ce qui le soutient et fait quil nat et
subsiste . Simultanment, les fravashi, comme les dieux lares romains,
sont en contact avec les forces primordiales dune race et sont linstar
des walkyries de terrifiantes desses de la guerre, qui accordent fortune
et victoire.
Telle est la premire liaison que nous devons tablir. Quest-ce que
cette force mystrieuse, qui reprsente lme profonde de la race et
llment transcendantal lintrieur de lindividu, peut avoir en
commun avec les desses de la guerre ? Pour bien comprendre ce point,il faut se rappeler que les anciens Indo-Germains avaient de
limmortalit une conception pour ainsi dire aristocratique et
diffrencie. Tous les hommes nchappaient pas lautodissolution,
cette survie lmurique dont Hads et Niflheim taient les anciennes
images symboliques. Limmortalit est le privilge dun petit nombre et,
selon la conception aryenne, principalement un privilge hroque. Le
fait de survivre non comme ombre, mais comme demi-dieu est12Littralement: laccompagnatrice (N.D.L.E.).
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rserv uniquement ceux quune action spirituelle particulire a levs
de lune lautre nature. Ici, nous ne pouvons malheureusement fournir
toutes les preuves qui seraient ncessaires pour justifier laffirmation
suivante : techniquement parlant, cette action spirituelle consistait
transformer le moi individuel de la conscience humaine normale en uneforce profonde, supra-individuelle, force individuante, qui est au-del de
la naissance et de la mort et laquelle nous avons dit que correspond
lide de dmon 13.
Le dmon est lui aussi au-del de toutes les formes finies dans
lesquelles il se manifeste, et ce, non seulement parce quil reprsente la
force primordiale de toute une race, mais sous laspect de lintensit. Le
brusque passage de la conscience ordinaire cette force symbolise par
le dmon suscitait, par consquent, une crise destructrice : comme un
clair, la suite dun courant trop fort dans le circuit humain. Nous
posons donc que, dans des conditions tout fait exceptionnelles, le
dmon peut faire irruption dans lindividu et lui faire prouver de la sorte
une transcendance destructrice : dans ce cas, se produirait une espce
dexprience active de la mort, ce qui fait apparatre clairement la
seconde liaison, savoir pourquoi limage du double ou du dmon, dans
les mythes de lAntiquit, a pu se confondre avec la divinit de la mort.
Dans la tradition nordique, le guerrier voit prcisment sa walkyrie
linstant de la mort ou du pril mortel.
Allons plus loin. Dans lascse religieuse, mortification, renoncement
au Moi, lan dans labandon Dieu sont les moyens prfrs par lesquels on
cherche prcisment provoquer une crise de ce genre et la dpasser
positivement. Des expressions comme mort mystique ou bien nuit
obscure de lme , etc., qui visent dcrire cette condition, sont connues detous. A loppos, dans le cadre dune tradition hroque, la voie vers le mme
but est reprsente par la tension active, par la libration dionysiaque de
llment action . Au niveau le plus bas de la phnomnologie
correspondante, nous observons, par exemple, la danse, employe comme
technique sacre pour voquer et susciter, travers lextase de lme,
13Pour une comprhension exacte et gnrale des enseignements qui sont la base desconceptions de la vie indiques plus haut, nous renvoyons le lecteur notre ouvrage
Rvolte contre le monde moderne, d. de lHomme, Montral-Bruxelles, 1973.
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des forces reposant dans les profondeurs. Dans la vie de lindividu
libre par le rythme dionysiaque, sinsre une autre vie, comme
laffleurement de sa racine la plus enfouie. Horde sauvage , Furies,
Erinnyes et autres entits spirituelles analogues dramatisent cette force
en des termes symboliques. Elles correspondent, par consquent, unemanifestation du dmon dans sa transcendance terrifiante et active.
A un niveau plus lev se situent les jeux guerriers sacrs. Plus haut
encore se trouve la guerre. Nous sommes ainsi reconduits la conception
aryenne primordiale de la bataille et de lascse guerrire.
Dans les moments de danger extrme prsents par le combat
hroque, cette exprience supranormale fut rpute possible. Dj le
verbe latin ludere jouer, combattre semble contenir lide de
rsolution14. Cest une des nombreuses allusions la proprit, inhrente
au combat, de dlier des limitations individuelles et de faire merger des
forces libres caches en profondeur. De l drive le fondement de la
troisime assimilation : les dmons, les dieux lares, le moi individuant
sont identiques aux Furies, Erinnyes et autres natures dionysiaques
dchanes qui, pour leur part, ont beaucoup de traits communs avec les
desses de la mort ; mais les dmons ont aussi la mme signification par
rapport aux vierges qui mnent lassaut dans la bataille, aux walkyries
et fravashi.
Ces dernires sont dcrites dans les textes, par exemple, comme
les terrifiantes, les toutes-puissantes , celles qui coutent et donnent
la victoire celui qui les invoque ou, pour mieux dire, celui qui les
voque lintrieur de lui-mme. De l la dernire similitude, la voie
est brve. Les mmes entits guerrires assument enfin les traits de
desses de la victoire dans les traditions aryennes : mtamorphose quicaractrise prcisment lheureux accomplissement des expriences
intrieures en question. De mme que le dmon ou double a le sens dun
pouvoir profond et supra-individuel ltat latent par rapport la
conscience ordinaire ; de mme que les Furies et les Erinnyes refltent
une manifestation spciale de dchanement et dirruptions dmoniques
les desses de la mort, walkyries, fravashi, etc., renvoyant aux
mmes situations, dans la mesure o celles-ci sont rendues possibles14Cf. Bruckmann,Indogermanische Forschungen, XVII, p.433.
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par le combat hroque , de mme la desse de la Victoire est
lexpression du triomphe du Moi sur ce pouvoir. Elle dsigne la tension
victorieuse vers une condition situe au-del du danger inhrent
lextase et des formes de destruction subpersonnelles, danger toujours
en embuscade derrire le moment frntique de laction dionysiaque et,aussi, de laction hroque. Llan vers un tat spirituel rellement supra-
personnel, qui rend libre, immortel, intrieurement indestructible,
laccomplissement rsum par la parole devenir un des deux (les
deux lments de ltre humain), sexprime donc dans cette
reprsentation de la conscience mythique.
Passons maintenant la signification dominante de ces traditions
hroques primordiales, cest--dire la conception mystique de la
victoire. La prmisse fondamentale, cest quune correspondance
efficace entre plan physique et plan mtaphysique, entre le visible et
linvisible, fut conue lorsque les actions de lesprit manifestent des
caractres supra-individuels et sexpriment par des oprations et faits
rels. Une ralisation spirituelle de ce type fut pressentie comme lme
secrte de certaines actions authentiquement guerrires, dont le
couronnement rside dans la victoire effective. Cest alors que les
aspects matriels de la victoire militaire ne font quexprimer une action
spirituelle qui a suscit la victoire, au point quextrieur et intrieur
sunissent. La victoire apparat comme signe tangible pour une
conscration une renaissance mystique accomplie dans le mme
domaine. Les Furies et la Mort, que le guerrier a matriellement
affrontes sur le champ de bataille, sopposent aussi en lui sur le plan
spirituel, sous la forme dune irruption menaante des forces
primordiales de son tre. Dans la mesure o il triomphe sur elles, lavictoire est sienne. Cest dans ce cadre que sexplique aussi la raison
pour laquelle chaque victoire prenait une signification sacrale dans le
monde reli la Tradition. Le chef de larme acclam sur les champs de
bataille incarnait lexprience et la prsence de cette force mystique qui
le transformait. On comprend mieux, ds lors, le sens profond du
caractre supra-terrestre drivant de la gloire et de la divinit du
vainqueur, t pourquoi lantique clbration romaine du triomphe prsentades aspects bien plus sacraux que militaires. Le symbolisme, rcurrent
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dans les traditions aryennes primordiales, des victoires, walkyries et
entits analogues, qui guident lme du guerrier au ciel , ainsi que le
mythe du hros victorieux, tel lHrakls dorien, qui obtient de Nik la
desse de la victoire la couronne qui lui accorde lindestructibilit
olympienne ce symbolisme se montre maintenant sous une lumirebien diffrente. Et lon voit dsormais clairement combien fausse et
superficielle est linterprtation qui ne saisit dans tout cela que
posie , rhtorique et fables.
La thologie mystique enseigne que dans la gloire saccomplit la
transfiguration spirituelle sanctifiante, et liconographie chrtienne
entoure la tte des saints et des martyrs de laurole de la gloire. Tout
cela renvoie un hritage, certes affaibli, transmis par nos traditions
hroques les plus leves. La tradition aryano-iranienne, dj,
connaissait en effet le feu cleste compris comme gloire hvaren qui
descend sur les rois et les chefs, les rend immortels et porte pour eux
tmoignage dans la victoire. Et lancienne couronne royale rayonnante
symbolisait prcisment la gloire en tant que feu solaire et cleste.
Lumire, splendeur solaire, gloire, victoire, royaut divine, ce sont
des images troitement apparentes au sein du monde aryen, et qui
napparaissent pas comme des abstractions ou inventions de lhomme,
mais qui ont le sens de forces et de dominations absolument relles. Dans
ce contexte, la doctrine mystique du combat et de la victoire reprsente
pour nous un sommet lumineux de notre commune conception de
laction au sens traditionnel.
*
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Cette conception traditionnelle parle aujourdhui encore un langage
comprhensible pour nous condition, naturellement, que nous nous
dtournions de ses manifestations extrieures et conditionnes par le
temps. Alors mme quon veut prsentement dpasser cette spiritualit
lasse, anmie ou fonde sur des spculations abstraites ou des
sentiments pitistes, et, en mme temps, surmonter la dgnrescence
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matrialiste de laction, peut-on trouver pour cette tche de meilleurs
points de rfrence que les idaux mentionns de lhomme aryen
primordial ? Mais il y a plus. Les tensions matrielles et spirituelles se
sont comprimes un point tel en Occident, ces dernires annes,
quelles ne peuvent finalement tre rsolues que par le combat. Avec laguerre actuelle, une poque va la rencontre de sa propre fin, tandis que
surgissent des forces qui ne peuvent plus tre domines et transformes
dans la dynamique dune civilisation nouvelle par des ides abstraites,
des prmisses universalistes ou par des mythes irrationnellement conus.
Une action bien plus profonde et essentielle simpose maintenant, afin
quau-del des ruines dun monde subverti et condamn, une poque
nouvelle souvre pour lEurope.
Cependant, dans cette perspective bien des choses dpendront de la
faon dont lindividu pourra donner une forme lexprience du
combat : cest--dire sil sera en mesure dassumer hrosme et sacrifice
comme une catharsis, comme un moyen de libration et dveil intrieur.
Cette entreprise de nos combattants intrieure, invisible, loigne des
gestes et des grands mots aura un caractre dcisif, non seulement pour
lissue dfinitive et victorieuse des vicissitudes de cette poque
particulirement trouble, mais pour donner une forme et un sens
lordre qui natra de la victoire. Cest dans la bataille elle-mme quil
faut rveiller et tremper cette force qui, au-del de la tourmente, du sang
et des privations, favorisera, avec une splendeur nouvelle et une paix
toute-puissante, une nouvelle cration.
Cest pourquoi lon devrait apprendre de nouveau, aujourdhui et
sur le champ de bataille, laction pure, laction au sens dascse virile,
mais aussi de purification et de voie vers des formes de vie suprieures,valables en elles-mmes et pour elles-mmes mais cela, cest
prcisment faire retour, dune certaine faon, la tradition primordiale
aryano-occidentale. Des temps anciens rsonne encore jusqu nous le
mot dordre: La vie comme un arc ; lme comme une flche ;
lesprit absolu comme une cible transpercer .
Celui qui, aujourdhui encore, vit la bataille au sens de cette
identification, celui-l restera debout lorsque les autres scrouleront etil sera une force invincible. Cet homme nouveau vaincra en lui tout drame,
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toute obscurit, tout chaos, et il reprsentera, lavnement des temps
nouveaux, le principe dun dveloppement indit. Selon la tradition
aryenne primordiale, cet hrosme des meilleurs peut rellement remplir
une fonction vocatrice, une fonction rtablissant le contact, relch
depuis des sicles, entre monde et supra-monde. Alors, le combat ne serapas un horrible carnage, naura pas le sens dun destin dsespr,
conditionn par la seule volont de puissance, mais sera la preuve du
droit et de la mission dun peuple. Alors la paix ne signifiera pas une
nouvelle noyade dans la grisaille bourgeoise quotidienne, ni
lloignement de la tension spirituelle luvre dans la bataille, mais
aura, au contraire, le sens dun accomplissement de celle-ci.
Cest pour cela aussi que nous voulons faire ntre, de nouveau, la
profession de foi des anciens, telle quelle sexprima dans les paroles
suivantes : Le sang des hros est plus sacr que lencre des savants et
les prires des dvots * ; une profession de foi qui est la base de la
conception traditionnelle, selon laquelle, dans la guerre sainte , ce
sont dabord les mystiques forces primordiales de la race qui agissent,
beaucoup plus que les individus. Ces forces des origines crent les
empires mondiaux et rendent lhomme la paix victorieuse .
[Au terme de cette confrence dEvola, signalons deux textes
complmentaires sur la voie du guerrier : Julius Evola, Mtaphysique
de la guerre (recueil de cinq articles parus en 1935), Arch, Milan, 1980 ;
Emilio They, Le Ragnarok : vnement historique et processus subtil
suivi de Odin et la mors triumphalis , Arch, Milan, 1978 N.D.T.].
* Evola ne prcise pas lorigine exacte de cette maxime. Curieusement, celle-ci fait
penser un hadith de la tradition islamique qui, lui, affirme cependant la supriorit
mtaphysique de la connaissance sur laction : Lencre des savants et le sang desmartyrs seront pess au Jour de la Rsurrection, et la balance penchera en faveur des
savants (N.D.T.).
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