document de travail 2003-036 - fsa ulaval

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Publié par : Published by : Publicación de la : Faculté des sciences de l’administration Université Laval Québec (Québec) Canada G1K 7P4 Tél. Ph. Tel. : (418) 656-3644 Fax : (418) 656-7047 Édition électronique : Electronic publishing : Edición electrónica : Aline Guimont Vice-décanat - Recherche et partenariats Faculté des sciences de l’administration Disponible sur Internet : Available on Internet Disponible por Internet : http ://www.fsa.ulaval.ca/rd [email protected] DOCUMENT DE TRAVAIL 2003-036 LA PROBLÉMATIQUE DE LA PERFORMANCE ORGANISATIONNELLE, SES DÉTERMINANTS ET LES MOYENS DE SA MESURE : UNE PERSPECTIVE HOLISTIQUE ET MULTICRITÉRIELLE Hachimi Sanni Yaya, M.Sc. Version originale : Original manuscript : Version original : ISBN 2-89524-186-4 Série électronique mise à jour : On-line publication updated : Seria electrónica, puesta al dia 12-2003

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Publié par : Published by : Publicación de la :

Faculté des sciences de l’administration Université Laval Québec (Québec) Canada G1K 7P4 Tél. Ph. Tel. : (418) 656-3644 Fax : (418) 656-7047

Édition électronique : Electronic publishing : Edición electrónica :

Aline Guimont Vice-décanat - Recherche et partenariats Faculté des sciences de l’administration

Disponible sur Internet : Available on Internet Disponible por Internet :

http ://www.fsa.ulaval.ca/rd [email protected]

DOCUMENT DE TRAVAIL 2003-036

LA PROBLÉMATIQUE DE LA PERFORMANCE ORGANISATIONNELLE, SES DÉTERMINANTS ET LES MOYENS DE SA MESURE : UNE PERSPECTIVE HOLISTIQUE ET MULTICRITÉRIELLE Hachimi Sanni Yaya, M.Sc.

Version originale : Original manuscript : Version original :

ISBN – 2-89524-186-4

Série électronique mise à jour : On-line publication updated : Seria electrónica, puesta al dia

12-2003

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LA PROBLÉMATIQUE DE LA PERFORMANCE ORGANISATIONNELLE, SES DÉTERMINANTS ET LES MOYENS DE SA MESURE : UNE PERSPECTIVE

HOLISTIQUE ET MULTICRITÉRIELLE

Hachimi Sanni Yaya1, M.Sc. Département de Management

Faculté des sciences de l’administration Université Laval Québec, Canada

G1K 7P4 [email protected]

1 L’auteur est chargé de cours au département de management de la Faculté des sciences de l’administration de l’Université Laval et à l’École nationale d’administration publique (ENAP). Il complète actuellement un Ph.D. au programme conjoint de doctorat en administration de Montréal (CONCORDIA, HEC, MCGILL, UQÀM).

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RÉSUMÉ La problématique de la performance a été largement ventilée durant les récentes décennies, et est apparue très tôt comme un impératif catégorique et un vade mecum omniprésent dans presque toutes les sphères de l’activité humaine. Dans le champ de l’entreprise, le slogan est aujourd’hui d’ailleurs très clair, incisif et bien ciselé dans une formule que tous, désormais connaissent : il faut performer afin de garantir la survie et la pérennité de son organisation, et accroître par ailleurs son avantage concurrentiel, en cette époque particulièrement caractérisée par l’intensification de la concurrence, la mondialisation et l’internationalisation des marchés. En tant que représentation psychique permettant de rendre compte d’une perception de la réalité, le concept de performance revêt une dimension subjective et relève avant tout d’un choix culturel, et c’est ce qui explique sans doute la fécondité et la richesse des réflexions critiques sur le concept, et la floraison d’un certain nombre d’outils et d’instruments qui se proposent de le mesurer. D’ailleurs, les débats entre les partisans des approches politique, économique et sociale de la performance organisationnelle eux, continuent de faire rage. Cet article se propose d’examiner en partie ces diverses approches et suggère que ce qui a beaucoup nuit à la problématique de la performance organisationnelle, c’est moins son caractère polysémique que la prédominance d’une approche unidimensionnelle, largement inspirée des théories classiques en économie. Mots-clés : performance organisationnelle, efficience, efficacité, rentabilité, productibilité, efficience-x

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INTRODUCTION

« […] Management must focus on the results and performance of the organization. Indeed, the

first task of management is to define what results and performance are in a given organization

- and this, as anyone who has worked on it can testify, is in itself one of the most difficult, one

of the most controversial, but also one of the most important tasks. It is therefore the specific

function of management to organize the resources of the organization for results outside the

organization »2.

Le concept de performance constitue depuis bientôt quelques décennies, un thème central dans

le domaine des sciences de la gestion, un sujet qui rassemble à la fois consultants, chercheurs

et chefs d’entreprises. Évoquée de façon interchangeable, la problématique de la performance

est une question qui est longtemps demeurée au cœur de la littérature économique et

managériale ces dernières années.

Omniprésente dans presque toutes les sphères de l’activité humaine, elle semble devenue un

nouvel impératif catégorique, un vade mecum qui constitue de ce fait, la clé de voûte et la

bouée de sauvetage pour l’immense majorité des organisations, surtout en cette époque

caractérisée par l’intensification de la concurrence, la mondialisation et l’internationalisation

des marchés.

Et pourtant, le concept de performance suscite aujourd’hui d’énormes passions et de vives

polémiques dans le champ de la pensée managériale. En effet, il apparaît davantage comme

une notion fourre-tout, un mot-valise, sujet à de nombreuses polémiques, dépendamment des

disciplines ou écoles de pensée auxquelles appartiennent les auteurs, et selon les critères et la

perspective d’analyse choisie. La réalité est qu’aujourd’hui, il n’existe pas de consensus ou

d’unanimité autant sur ce qu’est la performance que sur la façon de la mesurer, car chaque

2 Drucker, P. F. (1999). Management Challenges for the 21st Century, Harper-Business, New York, p. 39, et repris par Maltais, D. (2003). « La performance des organisations publiques », École nationale d’administration publique.

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culture, chaque contexte sociopolitique et chaque entreprise peuvent amener des réponses

différentes (Lebas, 1996).

Mesurer la performance disait Roover (1991) est une tâche complexe frustrante, difficile qui

représente un vrai défi. Et pourtant, selon Lord Kelvin il y a fort longtemps, « […] ce qui ne se

mesure pas, n’existe pas »3. Autrement dit, si la performance existe, nous devrions non

seulement être capable de la définir, de l’appréhender, mais aussi et surtout de la mesurer.

La définition de la performance est par conséquent un exercice difficile car c’est une notion

qui recouvre plusieurs acceptions, ce qui laisse présumer qu’une définition opérationnelle de

la performance serait donc encore plus ardue. « Peut-on définir la performance ? »4,

s’interrogeait Annick Bourguignon en 1995, du fait de la polysémie qui a toujours entouré

cette notion, tant dans le domaine des sciences économiques que dans celui des sciences de la

gestion. Et pourtant, comme le dit si bien Lebas (1995) dans un article fort controversé, « Il

faut définir la performance »5, même si l’on admet que l’exercice est risqué et assez périlleux,

la définition de la performance devant reconnaître le caractère polysémique du terme.

Utilisée à profusion dans les littératures managériales et économiques, on retrouve dans la

littérature, des définitions de la performance qui vont de l’efficience, à la robustesse, de la

productivité, au rendement sur le capital investit, du ratio input/ouput d’une entreprise, à ses

résultats financiers et sociaux, en passant par bien d’autres acceptions qui, le plus souvent, ne

sont pas définies explicitement par leurs auteurs.

L’objectif de cet article vise essentiellement à examiner les diverses approches de la

performance organisationnelle qui ont cours dans la littérature administrative. Il suggère que

ce qui a nuit à la problématique de la performance organisationnelle au cours des récentes

décennies, c’est moins son caractère polysémique que son approche unidimensionnelle,

largement inspirée des théories classiques en économie.

3 Lord, K. (1932). « On the Dynamical Theory of Heat ». Transaction of the Royal Society of Edinbourg, vol. 20, pp. 261-283. 4 Bourguignon, A. (1995). « Peut-on définir la performance » ? Revue Française de Comptabilité. no 269, Juillet Août, pp. 61-65. 5 Lebas, M. (1995). « Oui, il faut définir la performance ». Revue Française de Comptabilité. no 269, juillet-août, pp. 67-75.

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1. LE CONCEPT DE PERFORMANCE ORGANISATIONNELLE: DÉTERMINANTS ET MESURE

À défaut de trouver une définition fédératrice du concept de performance, nous nous

intéresserons d’abord aux définitions générales du terme de performance fournies par les

dictionnaires. Étymologiquement, le terme de performance remonte au 13ième siècle, et émane

de l’ancien français parformer, qui signifie accomplir, exécuter (Richard, 1998).

En anglais, le terme performance est attesté depuis la fin du 15è siècle et dérive du moyen

anglais to perform. À partir du 19è siècle, le mot performance désigne d’abord au pluriel,

l’ensemble des résultats obtenus par un cheval de course sur les hippodromes, et par

extension, le succès remporté dans cette course.

Ce terme s’étend ensuite vers la fin du 19è siècle, à un athlète ou une équipe sportive. Au

début du 20è siècle, l’analogie atteint les matériaux : généralement employé au pluriel, le

terme de performance s’applique aux indications chiffrées caractérisant les possibilités d’une

machine, et désigne par extension, un rendement ou une fiabilité exceptionnelle (Richard,

1998 ; Hubault & Noulin, 1996).

De nombreux auteurs ont souvent assimilé la performance à la capacité de l’organisation à

maximiser sa rentabilité ainsi que l’avoir de ses actionnaires. L’hypothèse simplificatrice de

l’objectif classique de maximisation du profit jadis assignée aux entreprises semble

aujourd’hui pourtant dépassée.

En effet, selon plusieurs travaux (Berle & Means, 1932 ; Baumol, 1659), l’objectif de

maximisation du profit dans la firme n’est que celui des actionnaires, car la maximisation

recherchée par les managers n’est pas celle des actionnaires, les premiers recherchant plutôt le

prestige, le pouvoir, la reconnaissance des autres etc. Même s’il est difficile voire impossible

de définir la performance de façon intrinsèque, il y a cependant un certain nombre de

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caractéristiques qui doivent être formulées à propos de ce concept afin de permettre aux

mesures qui en opérationnalisent la définition de répondre aux attentes des utilisateurs (Lebas,

1996).

On attribue aux théoriciens behavioristes, le pas décisif consistant à faire admettre à titre

irréversible que la firme ne peut être représentée par un point, mais qu’elle constitue une

organisation mettant aux prises des groupes aux intérêts divers. En fait, il faut dépasser les

théories normatives qui reposent sur l’hypothèse que les objectifs de maximisation de profit

dans une organisation sont absolus, pertinents, stables, précis cohérents et exogènes.

On le sait, les organisations ne sont rien d’autre qu’un univers d’échange et de conflits, un

instrument de coopération entre des intérêts conflictuels, mais aussi et surtout une arène où se

prennent des décisions et un contexte ou s’affrontent, se rencontrent et s’ajustent des

rationalités multiples, éventuellement contradictoires (March, 1991). D’ailleurs, beaucoup

d’auteurs par le passé ont eu à soutenir l’idée selon laquelle la firme ne recherchera que la

satisfaction (satisficing) des membres et des groupes qui la composent (Radner, 1994 ;

Alchian & Kessel, 1962).

De cette complexification de la fonction objectif de la firme, découle une question

fondamentale relative à la mesure des résultats ou de la performance des entreprises : peut-on

parler de performance (au singulier) ou de performances (au pluriel) ?

En effet, la notion de performance semble intimement liée aux objectifs poursuivis par une

organisation, qui soit dit en passant, varient dépendamment de la nature la firme, de sa taille et

de l’environnement sociopolitique et économique dans lequel celle-ci évolue. Même si l’usage

primaire de la notion de performance semble à l’origine plurielle (l’entreprise publique ou

encore les entreprises coopératives n’ont pas les mêmes critères de performance que

l’entreprise privée conventionnelle), il faut avouer aujourd’hui que dans la littérature actuelle,

ses emplois demeurent plutôt singuliers.

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La performance est un concept complexe car elle repose non seulement sur l’existence d’un

décideur qui va juger de la performance, mais aussi sur l’existence d’une perception d’un

modèle de causalité. Il peut y avoir plusieurs décideurs, chacun ayant des critères de jugement

et une vision du modèle de causalité qui lui sont propres, d’où la difficulté de trouver une

définition de la performance. Il y a autant de définitions de la performance que de parties

prenantes à la vie de l’entreprise, ce qui fait dire à plusieurs que la performance est une notion

subjective. La performance est donc un concept tout à fait spécifique à un utilisateur de

signaux descriptifs, soit de diagnostic du positionnement de cet état par rapport à une intention

ou à un souhait d’informations (Lebas, 1996 ; Bourguignon, 1995).

Dans une perspective managériale, une entreprise performante est une entreprise qui est

capable d’atteindre les objectifs que lui donne la coalition dirigeante. Dans le domaine du

management comme dans les définitions présentes dans les dictionnaires, l’usage courant de la

notion de performance reflète le résultat d’actions passées (Lebas, 1996).

En tant que résultat obtenu dans l’exécution d’une tâche ou dans le cours d’une action ou

stratégie, la performance est multidimensionnelle et plurielle. Elle suppose l’atteinte par

l’organisation, de certains objectifs qu’elle s’est donnés, dans le but ultime de créer de la

valeur et de capturer celle-ci (Bourguignon, 1995).

L’une des critiques majeures auxquelles on fait face lorsqu’on essaie de définir la performance

tient au fait que les acceptions proposées manquent d’opérationnalité (Lebas, 1995). Cohen

(1994) présente pour sa part, une définition à la fois originale et synthétique de la notion de

performance qui pour l’auteur, se doit d’être multidimensionnelle. Les différentes approches

proposées par l’auteur sont décrites dans le tableau ci-après.

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Tableau 1: Différentes approches de la performance selon Cohen (1994) Source : Cohen, E. (1994). Analyse Financière. Économica, 3ème édition.

Approche

Caractéristiques et indicateurs

Acteurs concernés

Stratégique

*orientations globales de l’entreprise.

*adéquation des structures aux orientations.

*dirigeants *concurrents

Organisationnelle

*adéquation des structures, de la répartition des tâches, des

procédures, du fonctionnement par rapport aux missions dévolues à l’entreprise.

*dirigeants *concurrents

Sociale

*appréciation des relations professionnelles et de travail

dans l’entreprise. *évaluation de l’aptitude des dirigeants et de l’encadrement à réguler les relations entre groupes sociaux, à anticiper ou traiter les conflits, à susciter une adhésion aux objectifs et

projets de l’entreprise et de ses composantes.

*dirigeants *salariés et représentants des

salariés *pouvoirs publics.

Technico-économique

*efficacité des processus productifs

*appréciation de la capacité d’adaptation à court et moyen termes face à une évolution de l’environnement, des

marchés et des technologies.

*dirigeants

Marketing

*appréciation de la capacité à percevoir les besoins et les

pressions du marché. *appréciation de l’efficacité des méthodes d’études et

d’actions commerciales.

*dirigeants

Financière

*appréciation de la capacité de l’entreprise à maintenir un

niveau de rémunération satisfaisant sur sa production et ses ventes.

*appréciation de la capacité de l’entreprise à assurer la rémunération des capitaux mis à sa disposition.

*dirigeants *bailleurs de fonds

*propriétaires, actionnaires et prêteurs.

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De façon traditionnelle, plusieurs décideurs évaluent la performance de leur entreprise en se

basant sur ses seuls résultats financiers historiques. Aujourd'hui, cette approche passéiste est

l’objet de vives critiques car elle ne permettrait pas aux managers de réagir aux situations ou

aux événements qu'après coup.

En fait, l'évaluation de la performance d'une entreprise devrait s'étendre au-delà de

l'information financière pure. Les aspects sociaux, politiques, culturels et écologiques

devraient aussi être pris en considération. Les auteurs proposent une méthode pratique pour

mesurer les quatre dimensions de la performance organisationnelle : la pérennité, l'efficience

économique, la valeur des ressources humaines et la légitimité de l'organisation auprès des

groupes externes (Morin & al, 1996).

La pérennité fait référence à la stabilité et la croissance de l'organisation. Ses trois principaux

critères sont la qualité du bien ou du service rendu, la rentabilité financière et la compétitivité.

L'efficience économique quant à elle vise à montrer la capacité de l’organisation à ménager

ses ressources et à les faire profiter autant que possible. Ses critères clés sont l'économie

interne et la productivité.

La dimension valeur des ressources humaines comprend des critères tels la mobilisation des

employés, le climat de travail, le rendement et le développement. La légitimité se mesure

selon des critères tels la satisfaction des bailleurs de fonds, de la clientèle, des organismes

régulateurs et de la communauté. Chaque critère comprend un certain nombre d’indicateurs ;

les gestionnaires doivent choisir ceux qu'ils jugent pertinents, les évaluer puis les comparer

avec des points de repère comme la norme sectorielle, la tendance historique, les prévisions et

les variations de l'indicateur dans le temps.

La performance étant un concept qui intéresse de nombreuses disciplines tant des sciences

humaines et sociales que des sciences pures ou appliquées (l’économie, le management, les

sciences comptables, les sciences du comportement, les systèmes d’informations, la gestion

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des opérations et de la production), Morin & al. (1994)6 soutiennent qu’il est impérieux, autant

pour les gestionnaires que pour les théoriciens en sciences de la gestion, d’utiliser une

approche holistique et multidisciplinaire dans l’élaboration des indicateurs de performance. Le

tableau ci-après présente les quatre dimensions et les treize critères nécessaires selon eux dans

l’évaluation de la performance.

6 Morin, E. M., Savoie, A. & Beaudin, G. (1994). L’efficacité de l’organisation : Théories, représentations et mesures. Montréal, Gaétan Morin.

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Tableau 2: Dimensions, critères et exemples d’indicateurs de performance Source : Tiré de Morin & al. (1996), et adapté de Morin, E., Savoie, A. & Beaudin (1994), p. 82)

Pérennité de l’organisation

Efficience économique

Qualité du produit (degré auquel le produit/service correspond aux normes des tests de qualité et aux exigences de la clientèle ; ce critère peut être mesuré par des indicateurs comme le nombre de retours et le nombre d’innovations acceptées par le marché). Rentabilité financière (capacité d’une organisation de produire un bénéfice ; ce critère peut être mesuré à l’aide d’indicateurs comme le rendement sur le capital investi et la marge bénéficiaire nette). Compétitivité (degré auquel l’entreprise conserve et conquiert des marchés ; ce critère peut être mesuré par des indicateurs comme le revenu par secteur et le niveau d’exportation).

Économie des ressources (degré auquel l’organisation réduit la quantité des ressources utilisées tout en assurant le bon fonctionnement du système ; ce critère peut être mesuré par des indicateurs comme le taux de rotation des stocks et le pourcentage de réduction des erreurs). Productivité (quantité ou qualité des biens et services produits par l’organisation par rapport à la quantité des ressources utilisées pour leur production durant une période donnée ; ce critère peut être mesure par des indicateurs comme la comparaison des coûts avec ceux des années passées).

Valeurs des ressources humaines

Légitimité de l’organisation auprès des groupes externes

Mobilisation des employés (degré d’intérêt manifesté par les employés pour leur travail et pour l’organisation ainsi que l’effort fourni pour atteindre les objectifs ; ce critère peut être mesure à l’aide d’indicateurs comme le degré d’engagement). Climat de travail (degré auquel l’expérience du travail est évaluée positivement par les employés ; ce critère peut être mesuré par des échelles de satisfaction et des indicateurs tels que le taux de griefs, de maladies ou d’accidents). Rendement des employés (valeur économique des services rendus par les employés ; ce critère peut être mesuré par des données de contrôle de la qualité). Développement des employés (degré auquel les compétences s’accroissent chez les membres de l’organisation ; ce critère peut être mesuré par des indicateurs comme l’augmentation des responsabilités effectives des employés).

Satisfaction des bailleurs de fonds (degré auquel les bailleurs de fonds estiment que leurs fonds sont utilisés de façon rentable ; ce critère peut être mesuré par le bénéfice par action). Satisfaction de la clientèle (jugement que porte le client sur la façon dont l’organisation a su répondre à ses besoins ; ce critère peut être mesuré par des indicateurs comme la qualité du service à la clientèle) Satisfaction des organismes régulateurs (degré auquel l’organisation respecte les lois et les règlements qui régissent ses activités ; ce critère peut être mesuré par des indicateurs comme le nombre d’infractions aux lois et aux règlements établis). Satisfaction de la communauté (appréciation que fait la communauté élargie des activité et des effets de l’organisation ; ce critère peut être mesuré par des indicateurs comme le nombre de plaintes des citoyens, les accidents ou les crises environnementales et le nombre d’emplois crées dans la communauté).

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La performance d’une entreprise se mesure par la manière dont l’entreprise réalise certains

résultats économiques et sociaux, par la manière dont fonctionnent ses processus de

planification et d’animation, et par sa contribution sociale et sociétale, en tenant compte de la

situation de l’environnement et du poids de l’État.

Le processus de réalisation des résultats s’apprécie en évaluant d’une part le niveau de

productivité et de croissance atteint par l’entreprise et d’autre part, le niveau de satisfaction

des employés. Le bon fonctionnement du processus de planification consiste à pouvoir

disposer des meilleures informations possibles pour prendre les décisions qui permettront

d’atteindre les objectifs fixés et d’assurer un fonctionnement régulier au processus de

production et de vente.

Le fonctionnement du processus d’animation consiste à assurer une bonne motivation des

employés, notamment en leur fournissant des informations de qualité et en entretenant la

meilleure confiance entre les différents départements de l’entreprise. La contribution sociale

consiste essentiellement à offrir un niveau de salaire correct, tandis que la valeur sociétale de

l’entreprise repose particulièrement sur sa capacité à préserver l’environnement7.

En résumé, la performance d’une entreprise se mesure par la manière dont fonctionne son

processus de réalisation des résultats, ses processus de planification, d’adaptation,

d’intégration et d’animation, par sa flexibilité externe et son orientation sociale (Ged, 1982 ;

Anderson, 1988).

Même s’il peut sembler impossible d’évaluer la performance, étant qu’il n’y ait aucun

consensus sur la définition de ce concept et que de profondes divergences existent sur la façon

de la mesurer, il n’en demeure pas moins qu’il est possible de tracer quelques points

communs, aussi minimes soient-ils de toutes les acceptions données par divers courants et

différents auteurs.

7 Pour de plus amples informations, voir, Ged, A. (1981). Applications de l’approche systémique à l’évaluation des perceptions managériales de l’efficacité : comparaisons internationales France, Italie, Suisse. Thèse de doctorat de 3è cycle, Institut d’administration des entreprises, Université d’Aix-Marseille III.

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C’est pourquoi, nous dirons à l’instar Sieers (1977), que la notion de performance doit avant

tout être perçue comme multidimensionnelle et considérée comme une notion subjective

servant de référentiel aux jugements des responsables d’entreprises que comme un véritable

outil leur permettant de mesurer objectivement la réussite de leurs entreprises8.

La performance fait partie donc des valeurs et de la culture managériale; ce qui a nuit

d’ailleurs à sa représentation unidimensionnelle, c’est peut-être moins cette

unidimensionnalité même que l’utilisation qui lui avait été dévolue, soit celle de fournir une

mesure précise et universelle du degré de réussite d’une entreprise. Par conséquent, la

performance ne saurait être mesurée de manière précise et a un contenu essentiellement

normatif ; en outre, elle n’est pas une notion figée, mais bien au contraire, une notion qui

évolue sans cesse dans l’espace et le temps.

Étymologiquement, la notion de performance renvoie à l'idée d'accomplir une action. Elle

recouvre trois logiques possibles, rattachées chacune à trois notions différentes : une logique

d'efficience faisant référence aux moyens mis en œuvre par l’organisation, une logique de

budgétisation liée à la notion d’objectifs, et enfin, une logique d'efficacité faisant référence

aux résultats à obtenir (Bartoli,1997)9.

Alléguant l’existence de deux paradoxes dans l’évaluation de la performance de

l’organisation, Boshe (1998)10 soutient pour sa part que le concept fait référence à un

ensemble de définitions et de pratiques diverses dans différents champs d'activité. Pour

l’auteur, les origines du concept de performance remontent aux siècles de lumière, dans

l’industrie où l'on parle souvent des performances des engins mécaniques ou électriques tels

que les moteurs. Le concept est alors ensuite utilisé dans les usages de l’économie et des

sciences de la gestion pour désigner les résultats satisfaisants des politiques macro-

économiques et financières des entreprises.

8 Voir plus amplement à cet effet, Sieers, R. M. (1977). Organizational Effectiveness: A behavioural view. Goodyear Publishing Company Inc., Santa Monica, California. 9 Bartoli, A. (1997). Le Management des organisations publiques. Paris, Dunod, 283 pages. 10 Bosche, M. (1998). « Deux paradoxes dans la performance de l’organisation ». in, Actes du VIIième Congrès de l’AGRH. Paris, France.

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Même si la performance a jusqu’ici toujours été perçue de façon quantitative, de plus en plus

d’auteurs l’appréhendent de manière qualitative, sous forme d'un jugement de valeur. Elle

consiste généralement en une évaluation comparative, faite entre plusieurs entités. La notion

de performance entretient des liens sémantiques avec l'audit, en ce sens que, qui dit

performance dit critères et par conséquent choix et pertinence de ses derniers, et leur

actualisation compte tenu de l'évolution de l'environnement.

2. PERFORMANCE ET COMPÉTENCE

La notion de performance est aujourd’hui de plus en plus assimilée et confondue à celle de

compétence. Dans la littérature sur le champ de l’administration, de nombreux auteurs parlent

volontiers de compétence organisationnelle, ou d’organisation compétente et apprenante

(Keller, 1998). En fait, la compétence est un moyen d’atteindre la performance ; elle est

généralement ce qui conduit à la performance (Arthur, 1999 ; Gay & Panisse, 1999).

On distingue dans la littérature plusieurs types de compétences au sein de l’organisation : la

première forme fait appel à des recettes toutes faites et à des réponses préprogrammées qu’on

observe souvent dans les organisations de type bureaucratiques. Elle est figée et laisse peu de

place à l’amélioration continue et au perfectionnement (Crozier, 1963). On le qualifie de

performances de type reproduction. La deuxième forme de compétence qu’on distingue fait

davantage appel à de la création, la découverte et l'invention. Elle est une espèce d’heuristique

qui permet l’innovation, l’adaptation et la créativité dans l’exécution d’une tâche bien précise.

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Figure 1: Le Binôme performance/compétence Source : Dietrich, A (1999). « Compétence et Performance : entre concepts et pratiques de gestion ».

Éducation permanente, no 140, p. 19.

3. QUELQUES CRITÈRES DE MESURE DE LA PERFORMANCE

3.1 L’efficience

Auparavant, l'identification des meilleures entreprises se fondait sur leurs performances

passées, à l'aide de quelques ratios classiques. Avec les nouvelles méthodes d’efficience, elle

s'effectue en comparant les résultats d'une entreprise à ceux qu'elle obtiendrait si elle adoptait

le choix des autres. On trouve ainsi les entreprises qui ne peuvent améliorer leurs

performances en se comportant comme les autres : ceux sont les meilleures. Ces nouvelles

méthodes permettent de mesurer la distance qui sépare toute entreprise de ces dernières. Ainsi,

dans cette approche, les unités les plus performantes servent de modèle aux autres.

Les mesures d’efficience fournissent donc les instruments nécessaires au Benchmarking.

Aharoni (1986) distingue trois types d’efficience : l’efficience allocative qui consiste à

mesurer, en termes relatifs, du degré d'exploitation des gains potentiels effectivement réalisés

par le système d'échanges. Elle est considérée comme étant le ratio des outputs sur les inputs.

Quant à l’efficience dynamique (dynamic efficiency), elle mesure la croissance de la

productivité dans le temps grâce à l’innovation dans la technologie et l’organisation. Elle

mesure le taux de changement d’output par unité d’inputs. Enfin, le troisième type

d’efficience proposé par Aharoni (1986) est celui de l’efficience-x, emprunté à Leibenstein

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(1966). En théorie, l’efficience-x s’appuie sur cinq éléments : (1) la rationalité sélective, (2)

l’individu comme unité de base de l’analyse, (3) l’effort discrétionnaire, (4) la zone d’inertie,

et enfin, (5) l’entropie organisationnelle.

La rationalité sélective exprime l’idée que les individus choisissent en fonction de leurs

valeurs propres et de la contrainte exercée par l’environnement, l’écart par rapport au

comportement de maximisation. La notion d’effort discrétionnaire est liée au caractère

incomplet des contrats souscrits par les membres d’une entreprise, ce qui permet par exemple

à un membre de l’organisation de mesurer son effort personnel. La zone d’inertie permet de

rendre compte des phénomènes d’inertie dans l’effort fourni par un individu. Enfin, la notion

d’entropie organisationnelle rend compte de la tendance vers la désorganisation entraînée par

le fait qu’à terme, l’individu va ajuster son effort au détriment des intérêts de l’organisation.

Outre les trois types d’efficience distingués un peu plus tôt par Aharoni (1986), Marris (1994)

distingue l’efficience opérationnelle, qui fait référence aux économies réalisées dans les

ressources limitées des participants au système en ce qui concerne le temps et les coûts, grâce

à l'existence de techniques, de marchés et d'informations appropriées.

Le critère de l’efficience est celui dictant ce choix entre diverses options qui produit le

meilleur résultat pour l'application de possibilités données, c'est-à-dire : atteindre le maximum

dans toute entreprise (objectif), atteindre le plus grand bénéfice, pour un coût donné (Simon,

1947).

Mais contrairement aux allégations de plusieurs auteurs, l’efficience ne signifierait pas le plus

grand bénéfice pour un coût donné, mais le plus grand bénéfice mesurable pour un coût donné

mesurable. Marris (1994) ajoute que l’efficience doit être une efficience démontrée, une

efficience prouvée et surtout une efficience calculée. Mais la limite de ces propositions, émane

du fait qu'elles ne s'intéressent justement qu'à ce qui est calculable ou mesurable, donc qu'au

quantifiable. Alors qu'on ne peut pas toujours tout quantifier, car certains éléments ou

phénomènes échappent à la quantification (Mintzberg, 1990).

Page 18: DOCUMENT DE TRAVAIL 2003-036 - FSA ULaval

17

Le concept de l’efficience en tant que telle amène d'abord à une différenciation entre

l'efficacité et l’efficience. En effet, si l'efficacité mesure le résultat obtenu avec les moyens

disponibles, dans l'immédiateté, alors l’efficience constitue son dépassement, par une autre

forme d'intégration de l'environnement qui l'inscrit de facto dans le moyen, voire le long terme

(Ruffiner, 1996).

3.2 L’efficacité

Lorsqu'on veut mesurer l’efficacité d’une entreprise ou d’une organisation, on court le risque

d'enfermer la dynamique de celle-ci dans une perspective classique et sommative, et de croire

que des catégories préfabriquées peuvent saisir une réalité constamment en mouvement, qui

n'existe que dans l'espace d'interaction des acteurs concernés (Le Mouel, 1991).

Mais la problématique de l’efficacité a subi une évolution. On se distancie aujourd'hui de

l'approche initiale, techniciste et quantificatrice, pour mettre en relation différents effets avec

des caractéristiques qualitatives, telles que le climat de l’entreprise, sa culture ou son éthique.

Ces caractéristiques ne peuvent être captées par les méthodes classiques d'observation

ponctuelle et externe, car elles participent de fonctionnements qui ne sont saisissables que

dans la durée et en observant les interactions et les représentations des acteurs (Gather &

Thurler, 1988).

On peut faire un pas de plus sur le plan opérationnel et considérer que l’efficacité qui compte,

en dernière instance, résulte d'une représentation des objectifs et des effets des actions

communes des acteurs concernés. L’efficacité n'est plus définie de l'extérieur: ce sont les

membres de l'établissement qui, par étapes successives, définissent et affinent leur contrat,

leurs finalités, leurs exigences, leurs critères d’efficacité et, en fin de compte, organisent leur

propre contrôle continu des progrès accomplis, négocient et mettent en oeuvre les régulations

nécessaires.

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18

De nombreux auteurs nous ont révélé l’existence de plusieurs types d’efficacité : l’efficacité

technique qui se définit généralement au niveau de l’entreprise, l’efficacité d’échelle qui se

réduit à la moyenne des performances ex ante et post constatées par l’entreprise, l’efficacité

allocative qui mesure le coût de production consenti pour x facteur de production, et, enfin,

l’efficacité sociale ou collective qui fait référence à l’optimum Walras-Pareto.

Aharoni (1986) définit le concept d’efficacité en le comparant à celui d’efficience. Pour

l’auteur, les indicateurs d’efficience permettent de mesurer si les choses sont faites

convenablement au sein de l’entreprise, alors que l’efficacité quant à elle, consiste à mesurer

si les bonnes choses sont faites.

3.3 La rentabilité

Le concept de rentabilité fait souvent référence à l’atteinte par l’organisation, de ses objectifs

de maximisation des profits. Selon Morin & al. (1996), lorsque le moment vient de mesurer la

rentabilité d’une organisation, un seul ratio transcende tous les autres : il s’agit du rendement

sur le capital investi. Divers chercheurs ont identifié au cours des dernières décennies au

travers de nombreuses études empiriques, divers indicateurs servant à mesurer la rentabilité

d’une entreprise.

Boardman & Vining (1992) dans les travaux sur la performance des privatisations proposent

l’utilisation des indicateurs tels le retour sur l’actif, le revenu net et le retour sur les ventes.

Quant à Parker, Hartley & Martin (1991), ils proposent plutôt l’utilisation du retour sur le

capital investi.

Selon Duval (2000), les gestionnaires utilisent couramment trois indicateurs clés afin

d’évaluer la rentabilité d’une entreprise : la valeur ajoutée par l’entreprise, la masse des

salaires dépensés pour créer cette valeur nouvelle, et, enfin, la quantité de capital à avancer

pour fonctionner. Pour l’auteur, une entreprise rentable n’est rien d’autre en effet qu’une

entreprise qui crée plus de richesses nouvelles qu’elle ne dépense de salaires, et cela en

quantité suffisante par rapport à la quantité de capital qu’elle immobilise.

Page 20: DOCUMENT DE TRAVAIL 2003-036 - FSA ULaval

19

Mais en réalité, la rentabilité est une question de point de vue, ce qui expliquerait la

multiplicité des critères utilisés pour l’évaluer. En effet, les syndicats, les gestionnaires, les

gouvernements etc. n’ont pas la même manière d’évaluer la rentabilité de la firme. Selon

Lauzel & Teller (1986) « […] le terme rentabilité dérive de rente et évoque les thèses

lointaines des physiocrates et de Ricardo sur la rente du sol. Par extension, on l’a appliqué aux

revenus provenant d’autres biens »11.

La rentabilité est aujourd’hui associée à toute action économique mettant en œuvre des

moyens matériels, humaines et financiers. On peut plus précisément pour ce qui concerne

l’entreprise définir la rentabilité comme l’aptitude de cette dernière à dégager des résultats en

rapport avec les moyens mis à sa disposition.

3.4 La productivité

La productivité est la quantité de produits (ce qui est créé) par unité de facteur de production

utilisée. D’après le dictionnaire Larousse, la productivité est « […] le caractère de ce qui est

productif », et est productif, ce qui produit ou rapporte. Évidemment, une telle définition ne

nous renseigne pas vraiment sur ce concept.

La productivité de l’entreprise en tant que système, faute de pouvoir être définie avec

précision, apparaît clairement comme étant le rapport entre une production valorisée, les

extrants et l’ensemble des facteurs mis en œuvre qui sont les intrants (Coulaud, Croce &

Dervaux, 1986)12.

Il y a trois familles d’indicateurs de la productivité : les ratios classiques, le niveau de qualité

et le professionnalisme. Pour ce qui est des ratios classiques, Establier (1988) allègue qu’il y a

longtemps qu’une série de ces ratios existe pour mesurer la productivité dans l’entreprise. Ils

permettent de contrôler le fonctionnement et le développement de l’entreprise à tous les stades

11 Lauzel, R. & Teller, R. (1986). Contrôle de gestion et de budgets. Editions Sirey, Paris, p. 34. 12 Coulaud, A., Croce, C. & Dervaux, B. (1986). Les ratios de productivité. Paris, Les éditions d’organisation, p. 48

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20

de responsabilité en fonction des moyens qui y sont mis en œuvre. L’analyse de ces ratios

permet généralement de constater : un bon rythme de croisière, un sous-emploi des ressources

et une saturation des moyens (Establier, 1988)13.

Mais l’appréciation donnée par les ratios classiques de productivité n’est pas suffisante pour

savoir si une entreprise est productive ou pas. Il faut ajouter à cette démarche, l’appréciation

du niveau de qualité de l’entreprise et de ses produits. La qualité est ou n’est pas dans

l’entreprise ; elle s’apprécie a contrario par les indices et défauts révélés et afférents dans

chacune des divisions de l’entreprise (Establier, 1988).

Le dernier indicateur de productivité a trait au professionnalisme, que l’auteur définit comme

la qualité de tout mettre en œuvre pour exercer parfaitement son métier. C’est en fait, avoir un

haut niveau de conscience professionnelle; c’est la recherche de la perfection dans son savoir-

faire.

Leray (1983) soutient que la productivité, contrairement à la rentabilité (qui est une mesure

extérieure de l’efficience), est une mesure interne du processus. Mais il est possible de donner

une dimension plus opératoire au concept. En fait, la productivité pourrait aussi se définir

comme le taux d’accroissement de l’output moins la moyenne pondérée des taux de croissance

de différents input, ou les pondérations représentent la part de chaque input dans le coût total

(Selon Hartely, Parker & Martin, 1991).

Selon que l’on aborde la notion de performance suivant diverses approches en sciences de

l’organisation, on découvre qu’il existe plusieurs conceptions de ce concept. Nous tâcherons

de présenter ici quelques grandes conceptions à travers les théories de l’organisation.

13 Establier, A. (1988). Et si on parlait de la performance dans votre entreprise. Paris, éditions Eyrolles, p. 72

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4. LES APPROCHES MANAGÉRIALES DE LA PERFORMANCE ORGANISATIONNELLE

4.1 Les approches classiques en politiques générales d’administration

Les recherches des auteurs classiques en Politiques générales d’administration peuvent

essentiellement être classées à travers six grandes approches théoriques (Hafsi, 1996). La

première approche, celle de l’organisation formelle avec Barnard (1938) intègre plusieurs axes

avec les travaux de James March & Richard Cyert (1963) sur la théorie de la décision et ceux

de Ackoff Russel (1970) et Simon (1945). Des auteurs comme Ansoff (1968) et Andrews

(1971) s’intéresseront plutôt à la dimension stratégique de l’organisation et s’attelleront à

mettre en exergue l’importance qui doit être accordée aux objectifs de l’entreprise afin

d’amener celle-ci à la performance.

D’autres au contraire, tenteront d’expliquer pourquoi les organisations prennent leurs formes

actuelles en s’intéressant aux structures et aux activités qui procurent et donnent un sens aux

comportements organisationnelles (Drucker, 1954 ; Homans, 1950 ; Selznick, 1957). Enfin, la

dernière approche qui regroupe les travaux de Bower (1972), Braybrooke & Linbloom (1963),

Thompson (1967), Allison (1971), Crozier (1963) et Chandler (1962) aborderont la

problématique de la complexité, une complexité dont il faut comprendre les manifestations

afin de conduire l’organisation vers le succès.

En fait, l’aspiration à la performance organisationnelle ne consiste pas à donner une

connaissance multidimensionnelle sur le phénomène organisationnel, mais plutôt de respecter

ses diverses dimensions. Ainsi, qu’il soit question du leadership avec Selznick (1957) avec

son approche institutionnelle, ou de la problématique du fonctionnement des groupes humains

et de leur interaction sociale au sein de l’organisation (Homans, 1950), du management par

objectifs avec Drucker (1954), de l’incrémentalisme (Braybrooke & Lindbloom, 1963), tous,

sont soucieux de donner aux gestionnaires ce bâton d’aveugle (Hafsi, 1997) capable de

permettre à la firme, de générer une plus-value.

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22

Barnard (1938) dans sa conception accorde une importance primordiale à deux éléments dans

l’organisation dans la recherche de la performance : la volonté de coopérer des membres et la

reconnaissance des buts de l’organisation en question. Il définit l’organisation comme un

système de coopération auquel adhèrent, à des degrés variables, les individus qui en font

partie, et ce, en fonction de leurs objectifs, désirs ou impulsions, mais aussi des possibilités

qui leur sont offertes.

Barnard (1938) a établi l’importance d’une analyse des organisations distincte d’une

conception soit strictement technique, dans le prolongement de la doctrine taylorienne, soit

strictement administrative telle que les études de Fayol en France ou de L. Gulick et de L.

Urwick aux Etats-Unis14.

Mais le pilotage des entreprises ne peut se faire de façon automatique car plusieurs forces sont

en jeu. En prenant comme prémisse le fait que tout individu contribue à la réalisation des

objectifs de l’organisation, les processus de décision constituent alors la pierre angulaire de la

réalisation de tout succès (Simon, 1945).

Par conséquent, le succès de l’organisation repose avant tout sur la compréhension du

processus décisionnel prenant place en son sein. Simon (1945) n’hésitera d’ailleurs pas à

afficher très tôt ses couleurs : « […] pour comprendre et prévoir le comportement de l'être

humain, il est nécessaire de travailler avec ce qu'est réellement la rationalité de l'être humain,

c'est-à-dire avec la rationalité limitée. Aucune de ces limites fixées à la rationalité ne va de

soi et il est impossible de savoir a priori où elles se déploient »15.

14 Gulick, L. & Urwick, L. (1937). Papers on the Science of Administration. New York, Columbia University. 15 Simon, H. (1945). Administrative Behaviour. The Free Press, New York, p. 72

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Disciples de Simon, James March & Richard Cyert (1963) se sont efforcés quant à eux, au

travers d'un célèbre ouvrage « A behavioral Theory of The Firm », de donner un caractère

opératoire aux idées de leur maître, en abordant les arcanes de la complexité des processus

décisionnels dans l’entreprise.

Il faut dépasser selon eux la rationalité limitée par l’amélioration des processus de

connaissances sur les rapports de cause à effet, par l’amélioration des procédures de

recherches, par une obtention adéquate de l’information, par la réalisation des lignes de

communications et par une explication adéquate des buts de l’organisation aux divers acteurs

qui y oeuvrent.

Mais la rupture avec les modèles traditionnels d’administration est de plus en plus une

nécessité compte-tenu de l’échec des modes de gestion utilisés jusqu’ici pour conduire

l’organisation vers le succès. Drucker (1954) propose une nouvelle façon de diriger les

entreprises afin de les conduire vers la performance. L’auteur s’est beaucoup intéressé au

développement et à la communication des buts de l'entreprise. Il était sûr qu’un certain

nombre d’organisations disparaissent simplement parce qu'elles oublient de se poser une

question élémentaire : « que faisons-nous exactement » ?

Tout au long de la réflexion managériale, les buts et les objectifs sont demeurés un paradigme

classique en gestion et c’est cette même stratégie de « gestion par objectifs » que nous

proposera Drucker (1954). Une organisation obtiendra des résultats si la direction dirige en

fonction d’objectifs et utilise à la fois les ressources humaines et les ressources matérielles qui

sont à sa disposition. Ainsi, pour réussir, il faut entreprendre, créer, innover en fonction

d’objectifs. L’atteinte de l’avantage concurrentiel n’est possible que lorsqu’on se fixe des

objectifs mesurables permettant de se concentrer à l’essentiel de la mission organisationnelle.

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Pour emprunter les termes de Callon (1989), nous dirons que l’entreprise est aujourd’hui

comme une « […] fusée décollant d’une plate-forme mobile aux coordonnées mal calculées

»16. C’est pourquoi ici le rôle d’un leader capable de catalyser toutes les énergies de

l’organisation vers le progrès revêt un aspect capital.

Selznick (1957) a été l’un de ceux qui ont véritablement contribué à la compréhension de la

topographie organisationnelle avec la notion de leadership institutionnel. Le leadership ici

constitue le lubrifiant même de tout succès organisationnel, le leader étant celui capable de

mobiliser l’énergie humaine et la diriger vers un but précis, qui est celui de la réussite.

Cependant, au-delà des aspects techniques et des mécanismes mis en place par l’entreprise

pour atteindre la performance, d’autres aspects se révèlent non moins importants voire

capitaux. En effet, le succès d’une entreprise passe par l’observation et la mesure des attitudes,

comportements et stratégies de ses membres, par l’évaluation de leurs ressources spécifiques

ainsi que des contraintes de toutes sortes qui limitent leur marge de manœuvre et pèsent sur

leurs stratégies, pour essayer de comprendre la rationalité de ces attitudes, comportements et

stratégies en reconstruisant structures, nature et règles des jeux qu’ils jouent (Crozier, 1963).

C’est pourquoi, il apparaît ici fondamental d’accorder un intérêt à l’importance des relations

entre les personnes notamment l’isolement des catégories hiérarchiques, la pression du groupe

sur l’individu, la centralisation des décisions et enfin, les relations de pouvoir parallèles (ou

informelles) qui constituent les quatre caractéristiques des cercles vicieux bureaucratiques

évoqués par Crozier (1963)17.

Mais les comportements volontaristes et déterministes des gestionnaires influencent aussi leur

capacité à exercer ou pas leur pouvoir discrétionnaire dans la conduite des organisations. Pour

Thompson (1967), les organisations sont composées de trois niveaux de responsabilité : un

niveau technique, managérial et institutionnel. Les influences de la contingence peuvent être

atténués par le changement et le design organisationnel. Pour ce faire, il présente trois types

16 Callon, M. (1989). « À quoi tient le succès des innovations ». Revue Française de gestion, no 48, p. 08. 17 Crozier, M. (1963). Le phénomène bureaucratique. Paris, Editions d’organisation.

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d’interdépendance interne auxquels sont associés trois types de coordination et dont la

compréhension conduit l’organisation vers la performance.

Ainsi, on distingue l’interdépendance de mise en commun (pooled interdependence), une

autre séquentielle (sequential interdependence) et enfin, une interdépendance réciproque

(reciprocial interdependence). En réalité, il n’y pas selon Thompson (1967) de solution

universelle, il n’y a pas de « one best way » par laquelle passent toutes les organisations pour

réussir et par conséquent, il n’y a pas un seul ensemble d’activités qui régisse l’administration.

Les organisations complexes sont constamment en interdépendance avec l’environnement et

pour ce faire, il appartient aux gestionnaires de ne pas perdre de vue l’importance de la

maîtrise de la certitude et de l’incertitude des éléments de l’environnement qui auront une

influence sur leurs décisions (Thompson, 1967)18.

Toutefois, la compréhension des diverses interdépendances au sein de l’organisation ne

conduit pas nécessairement celle-ci à la performance. En effet, la performance

organisationnelle repose aussi sur trois théories de l’action, trois paradigmes dont la maîtrise

et la compréhension sont nécessaire à toute gestionnaire : la décision rationnelle, les processus

organisationnels et la politique (Allison, 1971)19.

Tout comme l’individu, l’organisation a aussi une identité qu’il faut préserver et qui doit

s’adapter à l’espace et au temps. Selon la thèse de Chandler (1962), la variable explicative de

l’évolution des structures et de la performance de l’entreprise est la stratégie de l’organisation.

Selon sa théorie, la structure serait donc le produit d’une intentionnalité de l’entité collective

qui veut réaliser ses objectifs.

Mais on ne peut traiter de l’approche des auteurs classiques sans évoquer les apports des

auteurs comme Fayol (1979), Weber (1977) et Taylor (1902). Le mérite de ceux-ci a été sans

nul doute d’avoir les premiers, affirmé que la performance organisationnelle est

intrinsèquement liée à l’atteinte des objectifs de l’organisation, notamment les objectifs et

18 Thompson, J. (1967). Organisations in Action. McGraw-Hill, New York. 19 Allison, G. T. (1971). The Essence of decision. Harpers Collins Publishers.

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matière d’efficience et de rentabilité (produire le maximum de bénéfices avec le minimum

d’investissements).

4.2 Les approches sociales de la performance organisationnelle

La conception économique de la performance organisationnelle, née de l’approche classique

aura suscité de nombreuses critiques. Devant les limites de cette approche résolument

déterministe, mécaniste et fonctionnaliste, apparurent trois écoles (École des relations

humaines, École de la prise de décision et École des dysfonctions bureaucratiques) qui

soutiennent l’idée selon laquelle, il est possible d’atteindre les résultats économiques

poursuivis par une organisation, non pas en infantilisant ses travailleurs, mais en insistant

plutôt sur le caractère humain de chaque entité. Avec l’École des relations humaines, un autre

« one best way » dont le stimulant est non plus la dimension financière mais la dimension

affective apparaît.

En effet, les relations humaines, l'ambiance de travail, les liens noués entre les collègues sont

incomparablement plus importants dans leurs effets sur la performance de l’entreprise que les

simples conditions physiques et matérielles. La performance ne se décrète pas, elle doit se

construire grâce à des rapports de confiance et non d'autorité.

Les approches sociales de la performance organisationnelle consacrent ainsi les origines de

l’École des relations humaines, qui remontent aux travaux de Elton Mayo (1946) et de

Maslow (1954). L’argumentation de ces auteurs est la suivante : la performance d’une

organisation est directement associée à l’attachement des individus qui constituent ainsi un

groupe social capable d’atteindre les objectifs organisationnels. En outre les comportements et

les sentiments des travailleurs ne se comprennent qu'à partir de l'ensemble des relations qu'ils

entretiennent avec les différents groupes, l'entreprise étant un système d’action social.

Les travaux de Abraham Maslow (1954) avec la théorie motivationnelle furent aussi d’un

grand apport. En tant que « […] processus physiologique et psychologique responsable du

déclenchement, de l'entretien et de la cessation d'un comportement ainsi que de la valeur

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appétitive ou aversive conférée aux éléments du milieu sur lesquels s'exerce le comportement

»20, la motivation confère trois caractéristiques à toute conduite : la force, la direction et la

persistance.

En effet, toute conduite est orientée vers un but (direction) auquel la personne attribue une

certaine valeur. Cette dernière dépend à la fois de la vitalité du besoin (pris au sens large) dont

elle est issue et de la valeur sociale à laquelle l'objectif du comportement est associé.

L'intensité (la force) et la persistance de l'action dénotent la valeur qu'attribue la personne à

l'objectif qu'elle poursuit ou, mieux, l'intérêt que représente la finalité du comportement pour

la personne (Maslow, 1954).

En fait, tous les individus souhaitent satisfaire cinq catégories de besoins, classables par ordre

d'importance, hiérarchie que Maslow (1959) matérialise par une pyramide désormais devenue

célèbre : les besoins physiologiques/organiques, les besoins de sécurité (safety), les besoins

d'appartenance (belongingness), les besoins d'estime (esteem) et les besoins de réalisation de

soi (selfactualisation). Cette analyse s'avère pertinente et utile en sociologie ou dans les

sciences du comportement, y compris dans les milieux professionnels car la connaissance et la

satisfaction de ces besoins conduit à une meilleure performance de l’organisation.

4.3 Les approches politiques de la performance organisationnelle

La conception politique de la performance organisationnelle tire ses origines des travaux de

certains auteurs comme Cummings (1963), Friedlander & Pickle (1968), Caroll (1979),

Jackson & Palmes (1988) et Bass (1952). Se situant complètement aux antipodes des

approches précédentes, les tenants de cette perspective insistent sur le caractère utilitaire de

l’organisation.

20 Dictionnaire de Psychologie Générale, p. 128.

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Une organisation pour être performante, se doit d’avoir une responsabilité à la fois sociale et

morale. De nombreux auteurs tels Aupperle & al. (1985), Corson & al. (1989) et Ellmen

(1987) allèguent qu’une organisation performante est avant tout une organisation qui assure

ses responsabilités en la matière, l’organisation étant avant tout un système social, devant

satisfaire à plusieurs principes, dont le plus important est celui de l’impartialité qui suppose un

respect et une dignité pour chaque personne oeuvrant au sein de l’organisation, une

reconnaissance du fait que chaque personne possède des potentialités et des aptitudes (Rawls,

1971; Keeley, 1984).

L’approche politique de la performance organisationnelle suggère que l’efficacité d’une

organisation doit être mesurée selon les occasions qu’elle offre aux individus de satisfaire les

besoins, indépendamment des buts de l’organisation, en plus de pouvoir satisfaire au mieux,

les intérêts de chacun des groupes de pressions qui constituent l’entreprise.

En clair, l'approche politique de l'organisation renvoie essentiellement à la satisfaction des

différents groupes externes tels les bailleurs de fonds, de fournitures, les clients, la société et

les organismes régulateurs (Cummings, 1977; Colon & Deuttsch, 1980). Cette conception

suppose non seulement la satisfaction de la coalition dominante au sein de l’organisation

(Pennings et Goodman, 1977), la minimisation des préjudices à l’égard des acteurs (Keely,

1978), l’adéquation entre les objectifs et actions poursuivis par l’organisation et les exigences

dans son environnement externe, et enfin, la satisfaction des différents groupes d’intérêts.

« […] La conception politique de l’efficacité nous alerte sur l’action des constituants et sur les processus susceptibles de se produire et de modifier le diagnostic final du consultant. Ayant pour identité patron, syndicat, bailleur de fond, client, concurrent, organisme régulateur, communauté, pays partenaire, fournisseur, groupe de pression (Tsui, 1982), ces constituants ont des intérêts envers l’organisation, intérêts qu’ils promeuvent, soutiennent ou défendent. Il s’ensuit que les préférences en matière de critères d’évaluation, le choix des indicateurs et l’appréciation qui en découle dépendront des intérêts et des valeurs des constituants. Cette confrontation et cette négociation des critères et indicateurs d’efficacité ont été mises en exergue par la conception politique de l’efficacité organisationnelle »21.

21 Morin, E. & Savoie, A. (2001). « Représentations de l’efficacité organisationnelle : développements récents ». Article publié dans la revue Psychologica, Universidade de Coimbra, Portugal, no 27, p. 17

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4.4 Les approches socio-économique et écologiste de la performance organisationnelle

Face aux diverses injonctions de la rationalité économique accusée d’engendrer des monstres

à cause des profondes inégalités sociales qui résultent de la montée de l’économisme dans les

organisations, de plus en plus d’auteurs considèrent qu’une entreprise performante est avant

tout une entreprise qui respecte la triade suivante : rentabilité économique, équité sociale et

respect de l’environnement. Au cours des récentes décennies, des pressions de tous bords,

souvent exercées par des lobbys et groupes de pressions ont invité à élargir la notion de

performance organisationnelle.

La conception socio-économique et écologiste de la performance organisationnelle soutient

que la plupart des entreprises puisent leurs ressources de l'environnement externe et retourne à

l'environnement, et il est important de se demander dans quelles mesures les relations que

l’organisation entretient avec le monde extérieur sont-elles bénéfiques pour ce dernier, la

survie et la pérennité de l’organisation étant intimement liée à la qualité de ces échanges. Le

paradigme fondamental de l’approche écologiste de la performance organisationnelle repose

sur l’idée que les résultats d’une entreprise puissent être évalués par rapport au respect de la

réglementation, à sa responsabilité sociale et environnementale.

Le respect de la réglementation fait référence à l’évaluation d’une entreprise à la lumière de

son degré de respect des lois, pratiques et règlements en vigueur dans son domaine d’activité;

celle-ci peut être évalué grâce aux amendes, aux avis d’infractions émis et au montant des

indemnités versées pour infraction.

Quant à la responsabilité sociale d’une organisation, elle peut être évaluée sous trois

dimensions : une dimension légale (respect de ses obligations et engagements économiques

relevant du domaine actionnarial), un aspect moral (reflétant le respect des codes, normes, et

valeurs de l’environnement dans lequel l’organisation évolue) et un volet philanthropique (lié

au degré d’investissement de l’entreprise dans les causes sociales, collectives et

communautaires).

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30

Enfin, la responsabilité environnementale elle, fait davantage référence à la manière dont

l’entreprise ménage les ressources environnementales. Ceci peut entre autres, faire référence à

la protection de la biosphère; l'emploi durable des ressources naturelles; le recyclage,

l’utilisation de sources d’énergies renouvelables etc22.

Afin d’évaluer la performance socio-économique et écologiste des entreprises, de nombreux

outils ont été élaborées ces dernières années. Ainsi, philosophe de la morale, spécialistes des

sciences de la gestion, économistes ont chacun de leur côté, proposé des mécanismes destinés

à cette fin. Mais l’un des outils qui aura le plus retenu l’attention au cours des dernières année

fut celui de la « Council on Economic Priorities »23 à travers ce qu’on a appelé la norme SA

8000 (Social Accountability).

« […] La norme24 SA 8000 est basée sur le système de gestion ISO 9000, mais au lieu de certifier la conformité de l’organisation d’une entreprise à des standards de qualité, il s’agit ici de vérifier que cette entreprise respecte les conventions de base de l’Organisation Internationale du Travail : travail des enfants, travail forcé, santé, sécurité, liberté syndicale, non-discrimination, pratiques disciplinaires, horaires de travail, rémunération, management et contrôle de l’application des règles »25.

Quant à l’approche socio-économique, elle traduit la capacité de l’organisation à honorer et à

respecter ses engagements socio-économiques (Bédard, 2001). Cette conception repose sur le

postulat qu’une organisation performante est avant tout une entreprise capable d’atteindre les

attentes légitimes des acteurs sociaux sur le plan de l’emploi, de l’investissement dans la

communauté, des programmes et politiques sociaux et de gestion des problèmes sociaux

économiques.

22 La Coalition of Environmentally Responsible Economics (CERES) qui regroupe plus de 80 organisations (groupes environnementaux, communautaires, d’intérêts publics et d’investisseurs), propose un certain nombre d’éléments permettant d’évaluer la responsabilité environnementale d’une organisation : protection de la biosphère, l'emploi durable des ressources naturelles; la réduction et l'élimination des déchets; l'emploi intelligent de l'énergie; la réduction des risques; le marketing des produits et des services sécuritaires; la compensation des dommages causés; la transparence concernant les dangers potentiels et les incidents; le nombre d'accidents ou de crises industrielles ou environnementales; l'efficacité des mesures préventives mises en place. Pour plus de détails, voir le portail web du CERES au : http://www.ceres.org/ 23 Selon Combejean, la « Council on Economic Priprities » est une organisation qui a été créée par Alice Tepper-Marlin et qui a son siège à New York, et le rôle est d’examiner « (…) l’analyse exacte et impartiale des performances sociales et écologiques des entreprises ». 24 Une description complète de la norme SA 8000 précisant sa définition, son objet et ses domaines sera jointe en annexe du présent document. 25 Combejean, C. (1998). « La responsabilité sociale des entreprises ». Tripalium, scores.

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CONCLUSION

En conclusion, nous dirons que l’évaluation de la performance d’une organisation est

importante et s’impose à plus d’un titre : elle permet d’assurer le succès, la survie et la

pérennité de l’entreprise qu’elle que soit son champ d’action ou son domaine d’activité. En

dépit des énormes avancées qui ont été faites tant dans le domaine du management, de la

psychologie que de l’économie, les approches de la performance, au lieu d’être plurielles,

semblent statistiques et toujours singulières, se limitant ainsi à la seule perspective

économique classique.

En définitive, cette synthèse aura non seulement permis de restituer la richesse des réflexions

sur le concept de performance, mais également proposé un inventaire des outils permettant de

la mesurer, selon diverses perspectives. Ce qu’il est intéressant de retenir, c’est que l’on admet

aujourd’hui volontiers qu’il est inacceptable voire réducteur de constater qu’un concept aussi

complexe que la performance organisationnelle puisse être appréhendé au travers d'indicateurs

aussi limités que ceux proposés par l’approche classique. Même si de façon générale la

performance est définie dans une optique d’efficacité, c’est-à-dire comme le degré

d’accomplissement des objectifs, des buts, des plans ou programmes que s’est donnée une

organisation, du point de vue strictement économique et même managérial, les indicateurs de

la performance sont en général quantitatifs et se rapportent souvent aux ratios de rentabilité,

d'efficacité et d’efficience, et de la productivité.

Comme nous l’avons souligné un peu plus haut, la définition de la « performance » varie selon

les disciplines, les critères et la perspective d’analyse choisie. Les définitions de la

performance sont assez nombreuses et variées et l’unanimité est loin aujourd’hui loin d’être

faite sur les significations profondes de ce concept. Nous avons examiné les diverses

acceptions du concept au travers de nombreuses théories et écoles de pensée.

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Malheureusement, les diverses approches parcourues semblent beaucoup plus séduisantes

pour le théoricien que pour le praticien, et manquent souvent d’opérationnalité. L’une des

difficultés auxquelles l’on se trouve confronté ont trait au non disponibilité de données

suffisantes pour évaluer les performances désirées. Les critères et indicateurs de performance

par exemple proposés par Morin & al. (1994) traduisent cette difficulté car s’il peut être

évident voire facile d’évaluer la performance d’une entreprise d’un point de vue strictement

économique (en calculant par exemple le taux de rotation des stocks), il n’en demeure pas

moins que la mesure d’un paramètre tel que l’augmentation des responsabilités effectives des

employés dans une entreprise n’est pas chose facile (Arthur, 1998).

Si beaucoup d’auteurs conviennent que le concept de performance est dynamique et revêt une

signification pluridimensionnelle, nous dirons à l’instar de Andrews (1996) que l’existence

d’un véritable instrument de mesure qui prenne en compte ce caractère holistique fait encore

défaut et cela pourrait être dangereux voire suicidaire, du moins sur le plan empirique, pour un

chercheur de prétendre mesurer la performance. Autrement dit, on ne peut mesurer qu’une

performance et saisir qu’une infirme dimension de cette performance, quelle soit économique,

comptable, financière, sociale ou autre (Ged, 1982).

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