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    Regar

    dssu

    rlad

    roite

    12 juin 2013 - n 21

    Lettre ditepar la cellule Veille et Ripostedu Parti socialiste

    dito

    NOTE DE VEILLE ET RIPOSTE SUR LA SITUATION DE LA DROITE ET DE L EXTRME-DROITE 1

    Nous apprenons effectivement la dmocratie

    Cette phrase, dsormais clbre, de Jean-Franois Cop, a fait sourire. C est un peu nou-veau , ajoutait-il Mais, elle dit quelque chose de srieux : lUMP est un peu perdue quandelle na pas de chef incontest. La culture, en effet, du parti gaulliste, UDR puis RPR, la em-port sur celle des centristes. Non que celle-ci ait t tout fait dmocratique. Elle relevaitplutt dune ralit notabiliaire qui avait plus voir avec laristocratie que la dmocra-tie Mails, il nempche, lUMP la refuse en rejetant une organisation lgitime par desvotes militants rguliers.

    Une bonne partie des drglements actuels sexplique ainsi par les divisions et les suren-chres permanentes que cre cette comptition. Et, elle est appele durer. Comme lontremarqu nombre dobservateurs, la situation est complique - et rendue pour lheureinsoluble - par le jeu de Nicolas Sarkozy qui, pour reprendre une expression de Max Gallo,

    exerce un leadership fantme , minant la lgitimit de ses successeurs potentiels.

    Mais, aprs tout, nous avons connu des situations qui y ressemblent. Une crise de lea-dership, on en sort le plus souvent. Encore faut-il quil ny ait pas en plus un foss politiqueentre les comptiteurs. Je ne parle pas didologie, car, au fond, tous, droite, peuvent seretrouver sur les pratiques dun tat fort et une approche librale de lconomie. Non, ilsagit du problme de plus en plus difficile que pose le Front national pour la droite. Fran-ois Fillon a dit beaucoup lorsquil a dclar que Nicolas Sarkozy combattait le Front na-tional, parce quil affaiblit la droite et que lui le faisait parce que le Front national tait endehors de la culture rpublicaine. Or, la droitisation du discours de lUMP risque de nepas suffire. Les rapports de force lectoraux peuvent dcider demain. Cette analyse sou-vent faite demande, pour sortir de ce qui pourrait tre qualifi de procs dintention, de

    prendre en considration ce qui se passe galement au Front national. Il a dsormais unestratgie de pouvoir quil ne faut pas sous-estimer. Lhsitation se fait seulement entre cequi parat tre la ligne majoritaire que porte Marine Le Pen, o il faut dabord casser lUMPpour faire du Front national le premier parti droite (du Buisson invers) et ce qui estesquiss, notamment autour de Marion Marchal Le Pen, o la recherche daccords peuttre privilgi.

    Le proche avenir en dcidera sans doute. Cette interrogation hypothque la crdibilitprofonde de lUMP qui na tranch en rien ses problmes lourds. Cest pour cela quil y ades rats dans sa vie interne, comme la montr la primaire de Paris o le degr de hainea t palpable par tous les observateurs Apprendre la dmocratie, comme la souhaitJean-Franois Cop, ne serait-ce pas dabord ne pas oublier la Rpublique ?

    Alain BERGOUNIOUX

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    Droitisation de la socitfranaise : mythe ou ralit ?

    Le groupe socialiste du Snat et la FondationJean-Jaurs, organisaient, le 5 juin dernier, auPalais du Luxembourg, un colloque consacr la droitisation de la socit franaise, en lien

    avec Le Nouvel observateuret la fondation Frie-drich Ebert Stiung, sur fond de crise idolo-gique et politique. Dcryptage.

    ............

    Y a-t-il lieu de parler de droitisation de la so-cit franaise ? Cette tendance traverse-t-elle leVieux continent, dans son ensemble ? Le dis-cours de la gauche est-il audible ? Pour rpon-dre ces questions, la Fondation Jean-Jaurs(FJJ) et le Groupe socialiste du Snat ont orga-nis un colloque, le 5 juin dernier, au Palais duLuxembourg, en prsence dlus, dessayistes etde politologues de renom. Avec lambition de re-lancer lchange et le dbat dides, lheure oles explications et les analyses des phnomnesqui font bouger en profondeur la socit fran-aise se font rares. La question taraude les es-prits, dautant que ce phnomne trs profondest dcupl par la crise conomique et socialequi traverse le pays, faisant tomber les diguesles unes aprs les autres, sur fond de tensions

    et de radicalisation.

    Droitisation de lopinion ? Ce colloquea donn lieu la publication, dans Le Figaro etLe Nouvel Observateur, dune enqute sur la

    droitisation des opinions publiques euro-

    pennes , ralise du 16 au 29 mai par l'IFOPpour le compte de la FJJ, auprs de 4 512 per-sonnes, en France, en Allemagne, en Belgique,aux Pays-Bas, en Espagne, en Italie et en Suisse.Ltude montre, notamment, l'impact de la crisefinancire de 2008 sur les opinions euro-pennes, avec la volont de voir l'tat rgulerl'conomie : prs de 60% de rponses vont dansce sens, en France, en Allemagne, en Espagneet en Italie. Elle dmontre galement un cartnotable entre la droite franaise et la droite al-lemande, sur la question du mariage pour tous.L'lectorat germanique se montre ainsi beau-coup plus favorable cette ide et l'adoptiond'enfants pour les couples homosexuels (63 %)que l'lectorat UMP, UDI et FN runis (30 %).Globalement, la fermet prvaut trs large-ment en matire d'immigration et de scurit ,analyse le politologue Jrme Fourquet .La droite souhaite ainsi clairement que l'tataccorde davantage de liberts aux entreprises,fustigeant, au passage, le manque de volontdes chmeurs s'insrer dans la vie active.

    Sur ces aspects, l'opinion penche droite ,

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    prvient-il. Les points de vue convergent enFrance, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Bel-gique, en Suisse, en Espagne et en Italie. Ladroitisation des esprits s'tend tous ces pays,note-t-il. Cette inclination s'accompagne d'une

    demande de protection accrue face la mon-dialisation. charge, pour l'cole, de privilgierl'effort et l'esprit critique. Curieusement, l'exigence d'une plus grandelibert de lentreprise va de pair avec un be-soin d'tat. De la mme faon, une hausse dela fiscalit est souhaite dans la majeure partiedes cas. Sur cette question, on constate unecertaine lasticit de la socit franaise , sou-ligne Jrme Fourquet. Enfin, les opinions pu-bliques europennes sont majoritairement

    acquises au droit au mariage pour tous et l'adoption pour les couples homosexuels.La ralit est donc plus complexe qu'il n'y pa-rait, au premier abord, et la question de la droi-tisation des esprits peut prter controverse.Elle est plus perceptible encore sur la probl-matique combien sensible de l'assistanat, dela scurit et de l'immigration, mme si unemajorit des personnes interroges se montrefavorable aux rformes de socit.

    Avec la crise des banlieues,en 2005, les crispations anti-immigration sefont jour. Aprs 2010,ce sentiment se rarfie.

    Entre dclin et radicalisation. Clbrationdu pass, tendance l'ordre et au repli, conser-vatisme...Vincent Tiberj voit dans la politisa-tion de la socit un vecteur de droitisation.

    La situation est beaucoup plus ouverte au-jourd'hui que par le pass, tempre le polito-logue. Lorsque la majorit gouvernementaleest gauche, la socit bascule droite, et in-versement (cf. interview jointe). Globalement,la tolrance et l'esprit d'ouverture gagnent duterrain. Avec la crise des banlieues, en 2005, lescrispations anti-immigration se font jour.Aprs 2010, ce sentiment se rarfie. Le renou-vellement gnrationnel participe, lui aussi, de

    la monte de la tolrance, veut croire VincentTiberj. Rarement, sans doute, les diffrences

    culturelles entre la gauche et la droite n'ont taussi fortes , note-t-il, toutefois.L'essayiste Caroline Fourest pointe, quant elle, le dcalage entre le discours des manifes-tants anti-mariage pour tous et l'opinion. Le

    besoin de repres et de repli, l'heure o lamondialisation bt son plein, agit trs directe-ment sur les rseaux conservateurs et fami-liaux, souligne-t-elle. La recherche d'un

    habillage visant sduire l'opinion ne suffitpas masquer la radicalisation des groupesidentitaires qui ont entour ces manifesta-tions. Civitas, qui ne fait pas mystre de sonhomophobie, l'uvre franaise, le Bloc identi-taire ou Jeunesse nationaliste se livrent unevritable surenchre idologique. Issus du

    nationalisme identitaire, ils partagent unevision commune de la socit, fonde sur l'ho-mophobie et la xnophobie. Ces groupes for-ment une nbuleuse qui jette une ombre surlidentit franaise. Tous rvent de rejouer la

    journe du 6 fvrier 1934, de triste mmoire.Leur cible : l'islam, sur fond de repli identitaire,de racisme avr et de revendication prten-dument universaliste.Les paniques morales prcdent la droiti-sation, estime Gal Brustier. Avec, en toile defond, un ordre social supposment menac.Ceci fut perceptible, en particulier, lors des r-centes manifestations des anti-mariages pourtous. Le dclin de l'Occident offre aux ido-logues de tous poils, l'opportunit d'une rin-terprtation du monde, face aux dangers quinous guettent.Rien l de bien rassurant, dautant que ces ma-nifestations ont mobilis une frange conserva-trice de la socit franaise, ancre dans lecatholicisme intgriste, en lien avec les iden-titaires , les militants de lAction franaise et

    certains des lments les plus radicaux de lex-trme-droite. Avec le soutien dun Jean-Fran-ois Cop, visiblement enclin renforcer salgitimit la tte de lUMP, au risque de secouper dune partie des dirigeants de son parti,peu presss de le suivre sur le terrain glissantdune radicalisation du mouvement, dont Pa-trick Buisson et ses affids font leur miel.

    Sommes-nous dans une France de droite quivote gauche ? , s'interroge Gilles Finchel-stein. La campagne de 2012 a t lue claire-

    ment l'aune dune droitisation de lopinion.Au point que la gauche perdu la bataille

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    idologique. Le clivage gauche-droite n'en de-meure pas moins un schma structurant denotre socit , concde le directeur de la FJJ. Le-quel voit dans la droitisation un dplacementdu curseur politique et l'adhsion des probl-

    matiques trangres la gauche.La prsentation, parBrice Teinturier, de l'en-qute France 2013 : les nouvelles fractures (Ipsos-Cevipof-FJJ-Le Monde) est, cet gard,particulirement loquente. Lors de la prsiden-tielle de 2012, la ligne identitaire a permis Nicolas Sarkozy de capitaliser des voix sur sadroite, lui alinant de facto une partie du cen-tre-droit. Il n'a pas progress en esprance,mais a suscit un sentiment d'inquitude,constate l'intress. Et ce, mme si la droitisa-

    tion de la socit franaise et le sentiment derepli forment une constante. Au mme titre quel'altrophobie et l'islamophobie, qui vont de

    pair avec le respect des valeurs du pass et dela tradition. Ces indicateurs plaident pour unecrispation et un sentiment de dfiance de nosconcitoyens l'gard de nos institutions. UnFranais sur deux estime ainsi que le dclin estinluctable. La question de la dfiance est

    structurante, confie Brice Teinturier. Ce senti-ment s'installe inexorablement dans notre so-cit. D'aucuns s'inquitent de la monte de l'int-grisme et du port du voile qui participent d'unepousse de la radicalisation. Caroline Fourestdistingue ainsi la politique d'ordre et la cul-ture du respect. Le constat vaut galementpour l'immigration et la lacit, sujettes destentatives de dvoiement de la part de la droiteet de l'extrme-droite. Oui, il existe bien desgroupes qui obissent des logiques radicales.

    Les classes populaires sereconnaissent volontiersdans Marine Le Pen, dont ils

    se sentent proches. Sanscompter que les femmesn'hsitent plus aujourd'hui lui apporter leur soutien,

    visage dcouvert.

    Limites de la droitisation. Certains estimentque la ralit mrite dtre nuance, lheure ole besoin se fait sentir dune forte aspiration une intervention de ltat pour rguler et enca-drer un capitalisme financier sans rgles. Sans

    compter quune majorit de nos concitoyensaspire lgalit des droits et reste en attente derponses sur les plans conomique et social.La dynamique politique se fait par le centre ,rsume Grard Le Gall qui conteste l'ide dedclin, propre la socit franaise.Nonna Mayer, politologue au Centre d'tudeseuropenne de Sciences-Po, rcuse elle aussiformellement le terme de droitisation. La

    gauche, c'est l'galit, la droite, l'ingalit,plaide-t-elle. Le niveau de tolrance a chut

    droite et, plus rcemment, au centre. Mais, pas gauche ! Les classes populaires se recon-naissent, cependant, volontiers dans MarineLe Pen qui leur ressemble, dont ils se sententproches. Sans compter que les femmes n'hsi-tent plus aujourd'hui lui apporter leur soutien, visage dcouvert. Tout dpend donc de la ma-nire dont la classe politique cadre les dbatssur l'immigration et l'islam. Et de la capacit dela gauche occuper l'espace public, en s'expri-mant clairement sur la dmocratie sociale.Laurianne Deniaud conteste, son tour, touteide de droitisation. Des lors que l'on s'loignedes lieux de socialisation et d'change, le dan-ger d'une radicalisation se fait jour, nuance-t-elle. L'ducation, la lutte contre le vieillissementdmographique, le mtissage dmontrent, l'vidence, la complexit de la situation. loc-casion de l'lection prsidentielle de 2012, l'ex-trme-droite a occup tous les champs dudbat, sans pour autant progresser dans lesurnes. La France des quartiers populaires reste,de ce point de vue, majoritairement acquise

    la gauche, mme si cet lectorat est fragile. Ce,d'autant plus que le FN y attise les peurs.La gauche se doit donc de reconqurir les zonespriurbaines qui abritent des acteurs en mald'intgration. Les marges de manuvre sont

    faibles, sinquite lex-prsidente du MJS. Ellesnous inhibent et donnent de la force la droite,dont la capacit de rsistance reste forte face la dfiance des lites et au sentiment de dsh-rence de nos concitoyens. Et d'appeler nos di-rigeants prserver la singularit de notre

    modle conomique et industriel, autour dun discours clair et exigeant sur la lacit et la

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    lutte contre les discriminations.La droitisation n'est pas un mythe, mais elle ases limites, rsume Gilles Finchelstein. ErnstHillebrand, directeur du dpartement dAna-lyse de politique internationale, au sein de la

    fondation Friedrich-Ebert, abonde dans lemme sens. Je ne crois pas dans l'hgmoniede la droite, mais dans la progression idolo-

    gique de la gauche. Le positionnement critiquevis--vis de la mondialisation n'est pas l'apa-nage de la droite. La soumission de l'individu la religion n'est pas non plus consubstan-tielle cette famille politique. Rien, en Alle-magne, n'indique une droitisation des esprits,renchrit-il. Nos socits sont plus tolrantesque par le pass. Les fonds tectoniques sont

    beaucoup plus favorables la gauche. Rpublique reconquise, social-dmocratie as-sume. Thierry Pech, directeur de la rdactiond'Alternatives conomiques, s'interroge sur le150me anniversaire du SPD, Leipzig, quipose, en filigrane, la question de lavenir de lasocial-dmocratie. Quid de l'ambition dmo-cratique de cette famille politique ? Lescroyances dominantes sont droite, analyse-t-il, l'heure o les circonstances lui donnenttort. Le systme financier, dont on nous assu-rait le bienfond, s'est effondr, en 2007-2008.

    Avec son cortge de restrictions budgtaires

    et de dvaluations comptitives qui traduisentl'chec des croyances conomiques auxquelleselles se rattachent. Nous sommes dans lemonde des croyances qui nous empchent de

    faire des diagnostics diffrents. Il nous faut

    faire le deuil des taux de croissances passs. Ceci est derrire nous. Et nous voici au seuild'une priode de croissance limite. Fort de ceconstat, la gauche se doit dimaginer des so-cits plus sobres . Et de formuler des propo-sitions construites, autour dune Europesolidaire.Florence Haegel, politologue au Centred'tudes europennes de Sciences-Po, s'inter-roge, pour sa part, sur les volutions program-matiques des partis de droite. Sur le long

    terme, les variations conjoncturelles sont per-ceptibles, mais il existe une relle convergenceentre les diffrentes familles de ce mouve-ment, au profit d'une lgre droitisation. La

    ncessaire intervention de l'tat fait l'objetd'un consensus, compter des annes 1980,autour de la question de la libert des entre-prises. Les variations sont moins fortes sur lesaspects moraux, mais n'en existent pas moins.

    La monte de la tolrance et la baisse de laxnophobie ne prtent pas discussion , faitvaloir Brice Teinturier, mme si la crispation dela socit franaise, au cours des deux ou trois

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    dernires annes, est sensible. Reste que l'man-cipation individuelle et l'affranchissement l'au-torit sont un fait incontestable. Elles n'enaboutissent pas moins une contre-tendance,marque par la sanctuarisation de la peur ,le retour l'ordre et une forme inquitante deno-conservatisme. Avec, en filigrane, une mon-te en puissance des crispations identitaires,dont l'UMP tente, bon an mal an, de tirer profit.Le got de la Rpublique peut, de ce point devue, redonner la gauche le got de l'ordre pourcontrecarrer la droite. Vincent Tiberj acquiesce,avant de contester l'ide selon laquelle vieillisse-ment et conservatisme sinterpntreraient.

    Des lors que la gauche est absente du champdu dbat, elle perd , dplore-t-il, par ailleurs.

    La campagne de 2012fut marque par une rsur-gence de thmes essentielstels que la mondialisation,l'immigration ou l'inscuritqui ont permis

    Nicolas Sarkozy de compta-biliser plus de 48 %des voix.

    Cette question du vieillissement est stratgique ,souligne, pour sa part, Gilles Finchelstein. La

    gauche est clairement pour l'ordre rpublicainet l'autorit, renchrit leurodput, HenriWeber. La radicalisation de la droite n'est pasnouvelle, mais le constat vaut galement pourla gauche. Existe-il des indicateurs des peurs ?Peut-on les quantifier ?, s'interroge un militant.L'activit conomique et l'idologie du dclin in-dustriel psent lourdement dans le dbat, as-sne Gal Brustier. Cette thmatique participepleinement des paniques morales que ladroite se plait exploiter, dans sa lutte pour lareconqute du pouvoir. L'objectif, in fine, est de

    saper le consensus.

    Mettre des mots sur notre action. Depuis

    2002 et la dfaite de Lionel Jospin, le sujetde la droitisation interroge, rsume Franois

    Rebsamen. Les dfaites idologiques entranentles dfaites lectorales. Les victoires qui ont suivi

    se sont faites hors du champ rgalien de l'tat. La campagne de 2012 fut marque par une r-surgence de thmes essentiels tels que la mon-dialisation, l'immigration ou l'inscurit qui ontpermis Nicolas Sarkozy de comptabiliser plusde 48 % des voix. Avec, en prime, la monte desintgrismes religieux et de multiples peurs quidivisent la socit franaise.Avec le mariage pour tous, la gauche a accom-pagn un mouvement de fond sur lequel ladroite ne reviendra pas, souligne Harlem Dsir.

    Il sagit l dune victoire idologique, fonde surle principe d'galit. L'Europe est une promessede paix, de dmocratie et de prosprit, poursuit-

    il. Or, la prosprit n'est pas au rendez-vous. Deslors que les rsultats conomiques sont bons,l'opinion se reconnat dans l'Union. Faute dequoi, le rejet est massif. D'o l'importance desquestions lies la gouvernance conomique et la construction politique. Seul moyen de fairecontrepoids la droite et la monte en puis-

    sance des mouvements europhobes. Et de pointer la crise qui suscite bien des inqui-tudes, en matire de dclassement social. EnBelgique, en Hongrie ou en Grce, les forces ra-

    dicales ont instrumentalis, dessein, les ques-tions identitaires et scuritaires, prcise lePremier secrtaire.S'ensuit une porosit entrel'extrme-droite et la droite classique, dont on

    peroit parfaitement les drives, au sein mmede l'UMP. La peur de l'immigration et la monteen puissance de l'inscurit vont de pair avecl'attente d'un tat rgulateur. La droite ne doit

    pas passer, avec armes et bagages, en-dehorsdu champ dmocratique, sempresse-t-il dajou-ter. Il nous faut refuser une socit fonde sur les

    seules valeurs marchandes, en dfendant lesprincipes de solidarit, d'ducation et de servicespublics. Il nous faut galement encourager la li-bert d'entreprendre, en refusant l'assistance, au

    profit de la solidarit et de l'effort. Nos conci-toyens souhaitent un tat stratge qui fonde sonaction sur l'avenir. Enfin, la gauche doit favoriserl'avnement d'une socit fonde sur la progres-

    sion et la rnovation du lien entre citoyens et di-rigeants politiques. Le Premier secrtaire dplore, enfin, le recul dela droite sur la lacit. En tmoigne son allianceavec l'extrme-droite, lors des manifestationsdes anti-mariages pour tous. D'o la ncessit,

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    pour la gauche, de se rfrencer en permanenceaux principes qui dictent la loi de 1905.

    Globalement, les questions lies la dfense d'untat social occupent un champ important danslespace des droites europennes , observe Flo-rence Haegel. Ce, pour des raisons dordre idolo-giques qui tiennent, pour lessentiel, auchauvinisme. La gauche doit viter que ce mou-vement ne prenne de l'ampleur, renchrit Ernst Hil-lebrand. La dfense du lien social reste l'apanagede notre famille politique. Une extrme-droitequi agit sur ce terrain est plus dangereuse qu'unedroite viscralement attache aux principes du li-bralisme, affirme Harlem Dsir. Il nous faut ap-

    porter des rponses point par point, en prenantsoin de ne pas laisser le champ social l'extrme-

    droite, dans les zones priurbaines. En cho, Grard Le Gall appelle une rhabilita-tion du dbat politique et idologique pour com-battre la droite et l'extrme-droite. En dpit desvolutions majeures de la socit franaise, ladroite reste majoritaire dans le pays. Et ce, depuis1965. Sans compter que les blocages politiquessont forts. Et d'appeler au dpassement du prin-cipe bipolaire pour combattre un Front nationalqui volue, au gr des lections, dans une four-chette de 16 20 %. Il nous faut imprativement

    cadrer notre langage, estime le politologue. Avantde rfuter les termes de populisme et d'isla-misme , synonymes d'exclusion. Le constat vaut,en particulier, pour les ghettos que d'aucuns assi-milent la banlieue. Cessons de nous faire plaisiravec les mots, les non-dits et le dni de ralit. L'vi-tement nous retombe dessus, par l'effet du boome-rang. Le grand vitement, c'est la dsocialisationde plusieurs millions d'individus, victimes du ch-mage. Le registre de l'action est du domaine du politique.

    Franois Rebsamen le sait mieux que quiconque.Sur les thmes de l'immigration et de la scurit, levirage droite est perceptible. Une majorit desfranais juge ainsi trop lev le nombre d'trangersvivant sur le territoire. La plupart d'entre eux res-sentent l'emprise de l'inscurit. La culture bipo-laire, fonde sur le combat entre opposition etmajorit alimente cette inquitude. Loin de la re-cherche du consensus, qui prvaut outre-Rhin.Nous ne devons pas abandonner le dbat idolo-

    gique, martle le snateur-maire de Dijon.Aux in-tellectuels, aux partis de mener ce combat. Lareconqute culturelle est ce prix, sur des thmesqui nous sont chers. vitons les impenses, les

    non-dits, disons clairement les choses. Ce, d'autantplus que l'extrmisme religieux est une menace. La gauche doit occuper le champ de l'imaginaire,en se forgeant une reprsentation du possible,conforme aux idaux qui sont les ntres. Les d-

    faites idologiques et culturelles entranent, terme, les dfaites lectorales. Le creuset de la R-

    publique et de la lacit fait consensus pour menerle dbat .Dans les pas du snateur-maire de Dijon, BrunoLe Roux, dput de Seine-Saint-Denis et prsidentdu groupe socialiste l'Assemble nationale, in-siste sur la ncessit d'apporter de bonnes r-ponses aux interrogations citoyennes. Le thmede la droitisation est une critique implicite de la

    gauche au pouvoir, ironise-t-il. Le dbat se situe sur

    le terrain des ides. Notre rponse ne peut tre quepolitique. Nous n'avons pas de complexe nourrir,mme si nous avons une obligation de rsultat. La

    gauche est comptable de grandes rformes, maispas d'un modle , argue-t-il. Pour cela, il nous fautgagner la bataille idologique, en mettant desmots sur notre action. Ceci nous ramne au ques-tionnement sur notre identit. Qui sommes-nousrellement, quelles politiques voulons-nous ? Cesinterrogations appellent des rponses. Et l'affirma-tion d'appartenance la social-dmocratie.

    Pas de rforme sans bataille idologique !, as-sne le parlementaire socialiste. Tout ce que nous

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    faisons est fort, tout ce que nous faisons estjuste. Mais, il nous faut donner du sens ce quenous faisons.

    N'est-il pas urgent que le Parti socialiste rede-vienne une universit permanente ? , interroge

    un militant. Le nud du problme n'est-il pasl'imaginaire ? , questionne Jean-Marcel Bichat.Que fait le Parti lorsqu'il est au pouvoir ? La r-

    flexion sur l'outil politique que nous mettons auservice de la rforme n'est pas anodine ,constate Bruno Le Roux. Lequel insiste sur la n-cessit, pour le Parti socialiste, de mettre en pers-pective ce que le gouvernement dcide.

    Grard Le Gall met laccent sur la crise. Qui est

    capable d'en expliquer les ressorts ? C'est aussia le dbat idologique , concde-t-il. La ba-taille de la crdibilit passe par l'explication et la

    pdagogie. C'est la raison d'tre de ce dbat, as-sne Franois Rebsamen. Il nous faut sans cesserappeler dans quel tat nous avons trouv le

    pays et ce que nous voulons. L'immigration et

    l'inscurit restent au cur des proccupationsdans les quartiers et les milieux populaires. Seloger, se nourrir, telles sont leurs priorits. Nousdevons tre clairs sur les problmes qui tarau-dent notre socit. Cette angoisse mine la po-

    pulation. charge pour nous d'avoir undiscours construit et de mener un dbat lucide

    sur ces sujets , suggre Nonna Mayer.Agissonslocalement et au niveau europen .

    Laurent Bouvet, professeur de sciences poli-tiques l'Universit Versailles Saint-Quentin,voque son tour la droitisation de l'opinion etconstate, cependant, une monte tendancielledes grandes valeurs propres la gauche. Cettedroitisation n'est donc pas totalement avre.

    Mieux vaut parler de radicalisation de la droite,analyse-t-il. La mobilisation des anti-mariages

    pour tous marque surtout la mobilisation descatholiques. Ce qu'Emmanuel Todd dsigne

    sous le vocable de "catholicisme zombie". Le dbat ne fait, l'vidence, que commencer.Mais, il y a urgence !

    8 NOTE DE VEILLE ET RIPOSTE SUR LA SITUATION DE LA DROITE ET DE LEXTRME-DROITE

    Enqute sur ladroitisation delopinion, sondageIfop, ralis pourla Fondation Jean-

    Jaurs, et publidans Le NouvelObservateur,du 6 juin 2013.

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    NOTE DE VEILLE ET RIPOSTE SUR LA SITUATION DE LA DROITE ET DE L EXTRME-DROITE 9

    DCRYPTAGE & DBATS

    La droitisation des esprits touchesurtout nos lites politiques

    Vincent Tiberj est charg derecherche Sciences Po. Diplm et docteur enscience politique de l'Institut d'tudes politiquesde Paris, il est spcialis dans les comportementslectoraux et politiques en France, en Europe et auxEtats-Unis, ainsi que la psychologie politique.Ses travaux portent sur les modes de raisonnementdes citoyens ordinaires , la sociologie politiquedes ingalits sociales et ethniques et la sociologiede limmigration et de lintgration, lexplication devote et les mthodes quantitatives.

    La crispation hexagonale que vous vo-quiez en 2008, dans un ouvrage publi chezPlon, est-elle toujours dactualit ?La socit poursuit sa progression, dans la dure.En tmoigne lattitude de lopinion vis--vis des ho-mosexuels ou des minorits religieuses. Dans lesannes 1970, un Franais sur quatre estimait ainsique lhomosexualit tait une manire acceptable

    de vivre sa sexualit. En 2012, 15 % de nos conci-toyens ont un avis ngatif sur le sujet, ce qui d-note dun renversement total de lopinion sur laquestion. Le constat vaut galement pour le droitde vote des trangers qui a recueilli 55 65 %davis favorables, lors de llection de Franois Hol-lande, contre 25 % auparavant.Ce mouvement sur le long terme est port par lerenouvlement gnrationnel. En clair, les per-sonnes qui ont vu le jour dans les annes 40 sontplus tolrantes que celles qui les ont prcdes. Le

    constat vaut, naturellement, pour les gnrationsqui ont suivi, plus comprhensives que leurs de-

    vancires. Sans compter quentre llectorat deFranois Mitterrand, en 1981, et celui de FranoisHollande, en 2012, le taux de renouvlement estsuprieur 50 %. Ceci est extrmement prgnant.Autre facteur-cl : la question du niveau de di-plme. Rappelons quen 1968, 8 % seulement dela population tait titulaire du baccalaurat oudun diplme de lenseignement suprieur, contre

    30 % aujourdhui. Llectorat a donc chang au fildu temps. Cette volution touche les gnrationsles plus anciennes marques, elles aussi, par cephnomne douverture progressive.

    Emmanuel Todd et Herv Le Bras (1) tablisse-ment un parallle entre droitisation de la so-cit franaise et vieillissement de lapopulation. Cette analyse vous parat-elle per-tinente ?Non. Lge moyen, dans la France daujourdhui,

    est certes suprieur celui des annes 1980, maisla tolrance vis--vis des minorits, quelles quelles

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    soient, na jamais t aussi marque.Si droitisation il y a, cest par le dbat. Ceci est per-ceptible, en particulier, sur la question du droit devote des trangers. Entre llection de Franois Hol-lande et une enqute de la Commission nationale

    consultative des droits de l'homme (CNCDH) ren-due publique en dcembre 2012, on est pass, surce sujet, de 55 65 % dopinions favorables, 40 % ! Ce retour en arrire traduit une relle diffi-cult, pour le gouvernement, faire passer ses ar-guments, lheure o lUMP se crispe. Il ne faut

    jamais sous-estimer la force du cadrage , la ma-nire dont on parle dun sujet, au risque de heurterlopinion.Encore un mot. Du point de vue de nombreux pen-seurs, les valeurs sont structures et voluent peudans le temps. Elles se sont forges dans lenfanceet ladolescence pour se cristalliser lge adulte.Certains estiment mme que le vieillissement estsynonyme de conservatisme. Dans les annes1990, dminents sociologues amricains ontdmontr que les choses ntaient pas aussi sim-ples et que tout individu est une somme dambi-valence. Ceci vaut, notamment, pour la questiondu mariage pour tous, dont lacceptation ou nonpousse des jugements contradictoires. Au gr du cadrage ou du dbat, certaines prfrencespeuvent donc surgir.

    La crise des banlieues,en 2005, a contribu fairemerger un sentiment dedfiance, chez certains lec-teurs. Nicolas Sarkozy a clai-rement choisi dexploiter ce

    terreau pour capter les voixfrontistes. Avec succs.

    Comment la socit franaise a-t-elle voluau cours des huit dernires annes ?La crise des banlieues, en 2005, a contribu fairemerger un sentiment de dfiance, chez certainslecteurs. Nicolas Sarkozy a clairement choisi dex-ploiter ce terreau pour capter les voix frontistes.Avec succs. Mais, paradoxalement, la lecture

    des rapports annuels de la CNCDH, entre 2005 et2010, le niveau de tolrance a volu favorable-

    ment. Cest ce quon appelle, en sciences politiques,leffet thermostatique . Ce qui revient dire quelopinion volue souvent contre-courant deschoix lectoraux. Lorsque la gauche est au pou-voir, la socit met ainsi le cap droite, et inverse-

    ment. Ceci a longtemps prvalu dans le champconomique pour gagner progressivement les as-pects culturels. Rarement, sans doute, le soutienaux populations issues de limmigration a taussi fort que lorsque Nicolas Sarkozy tait lly-se.Depuis 2010, la situation a volu. Au point quendcembre 2012, le degr de tolrance vis--vis delimmigration a connu un recul important, pouratteindre un seuil quivalent celui qui prvalaitdix annes auparavant. Ceci tient un faisceaudlments conjoncturels et la parole politiquequi sest libre sur les questions de limmigration.Force est de constater que le temps du consensusrpublicain face au FN a disparu. Lpoque o

    Jacques Chirac condamnait avec force les proposde Jean-Marie Le Pen parat, de ce point de vue,bien lointain Au point que lUMP est beaucoupplus ambigu quelle ne la t. Tant et si bienquelle se trouve, aujourdhui, dans un entre-deux,avec laxe Fillon-Baroin, dun ct, et le duo Cop-Droite forte, de lautre. Cette libration de la paroleredonne du poids la xnophobie.

    Un changement sest produit, par ailleurs, sous lef-fet du Printemps arabe et de llection, en 2012,dun gouvernement socialiste. Sans oublier, bienentendu, les effets induits par la crise conomique.

    Jusquen 2010, le rapport entre niveaux de ch-mage et racisme ntait pas avr. Depuis, le sen-timent de dfiance lencontre de la gauche et lecontexte difficile auquel nous devons faire face ontconsidrablement chang la donne.

    Y a-t-il lieu de parler de droitisation des es-

    prits, sur fond de crise sociale et de crispationidentitaire ?La droitisation des esprits touche surtout noslites politiques. Elle affecte directement la droite, lheure o Marine Le Pen semploie, pour des rai-sons tactiques, mettre le curseur gauche. Si leFN stait davantage proccup de questionsculturelles, au cours des trente dernires annes,il aurait probablement remport des lections.Louverture, la monte de la tolrance, la dcrispa-tion de llectorat sont indissociables de la politi-

    sation de ces questions. Lorsque FranoisMitterrand est rlu la prsidence de la Rpu-

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    blique, en 1988, 75 % de franais jugent le tauxdimmigration trop lev, contre 50 % peine, en2007 ! Les temps changent.

    Tout laisse pourtant penser le contraire

    Parce quil ny a pas de mmoire des volutionsde lopinion, en France. Nous avons la fcheusetendance considrer que chaque lection estunique en soi. Or, jai tendance penser quendpit dune certaine unicit, chaque squencelectorale a sa part de singularit. Ce qui signifieque si Nicolas Sarkozy avait t le candidat de ladroite, dans les annes 1980, en dployant lesmmes arguments que ceux auxquels il a re-court, aujourdhui, il aurait fait un triomphe. la lecture des votes, depuis 1988, on voit bienque les questions culturelles occupent une placegrandissante dans les dbats. Pendant les man-dats de Franois Mitterrand et de Jacques Chirac,les lecteurs exprimaient leur vote au gr de leursprfrences socio-conomiques. En 2007, cer-tains dont vot Nicolas Sarkozy, alors quilstaient socialement de gauche ; dautres ont optpour Sgolne Royal, tout en tant conomique-ment de droite. Leurs choix se sont donc dportssur des questions dordre culturelles. Ce phno-mne sest reproduit de la mme manire, en2012.

    Faut-il tenir compte du vote conservateurdes ouvriers ?Les ouvriers se sont toujours montrs plusconservateurs, culturellement, que les cadres. Ilsnont pas dsert la gauche, mais ont le senti-ment dtre pris entre deux feux. Dun point devue socio-conomique, ils restent favorables laredistribution et lgalit, plutt qu la libertdes entreprises, comme ils lont toujours t.Mais, culturellement, certaines valeurs les pous-

    sent dsormais droite. Le constat vaut toutautant pour les cadres qui se situent, conomi-quement, droite, mais qui se rpartissent, ausecond tour des lections prsidentielle et lgis-latives, entre la gauche et la droite.De ce point de vue, lvolution politique dun Fran-ois Bayrou est particulirement intressante.Tout le destinait, priori, se rallier Nicolas Sar-kozy. Des questions dordre socitales lontconduit, toutefois, faire le choix de Franois Hol-lande, lors du deuxime tour de llection prsi-

    dentielle de 2012.

    Comment expliquez-vous lopposition au ma-riage pour tous ?Une srie denqutes comparatives menes de-puis les annes 1980, par un groupe de cher-cheurs europens, lEuropean value study,

    mesure ladhsion des publics europens lgard de diffrents moyens daction politique. Ilsest pench, en particulier, sur les manifesta-tions. Lesquelles taient du ressort exclusif de lagauche, en 1981. En 2008, la droite tait partagesur le sujet. Ce moyen dexpression, autrefois r-serv la gauche, est devenu, au fil du temps, unoutil citoyen, au sens large.Parmi les catholiques pratiquants, qui sont deve-nus numriquement faibles - peine 8 % de lapopulation franaise -, 39 % des sonds estimentque lhomosexualit nest pas une valeur accep-table de vivre sa sexualit. Ds lors que les ques-tions de mariage et dadoption rentrent en lignede compte, lopposition devient frontale.Cette acceptation progressive de la culture mani-festante, allie une mobilisation religieuse, axesur les principes de bien et de mal , fondentune morale qui conduit tout droit la contesta-tion. Cest une certaine conception du monde quiest attaque ici, dont les membres sont parties-prenantes dun rseau relativement dense quiforme une contre-socit dinspiration catho-

    lique, part entire. Ceci explique pourquoi leniveau de contestation a t aussi fort. Souve-nons-nous : la manifestation anti-PACS de janvier2000 avait elle-mme attir beaucoup de monde.

    Il est encore trop tt pour diresi les dbats autour du ma-riage pour tous en Francemarqueront ou non un coupd'arrt l'acceptation pro-

    gressive et massive de l'ho-mosexualit.

    La radicalisation senracine-t-elle droite ?Ici encore, nous sommes sur une question destratgie ou de conviction politique. Deux scenariise dessinent, aprs la manifestation des anti-ma-riages pour tous : loption PACS , dun ct, et

    celle du Tea Party, de lautre. Dans le premier casde figure, la probabilit dun prolongement du

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    mouvement est quasi-nulle, dautant que la loi en-trera peu peu dans les murs. On peut dailleursparier que la question homosexuelle naura pasle moindre impact sur le rsultat des municipales,

    lan prochain. Le scenario amricain rsulte, en re-vanche, de la conjonction dun choix stratgiqueet de linstauration de primaires ouvertes . Audbut des annes 1970, le Parti rpublicain taitle mouvement favori des femmes urbaines dipl-mes. Dix ans aprs, les conditions ont totalementchang, ledit parti ayant perdu cette frange lec-torale, aprs la monte en puissance de la majo-rit chrtienne. Celle-ci sest produite autour de laquestion de lavortement. De progressistes quiltait, sur le plan culturel, le Parti rpublicain estdevenu conservateur.Il est encore trop tt pour dire si les dbats autourdu mariage pour tous en France marqueront ounon un coup d'arrt l'acceptation progressive etmassive de l'homosexualit. Cependant, le TeaParty n'a pu empcher le soutien croissant au ma-riage gay, outre-Atlantique, alors mme que soninfluence politique est bien plus importante quecelle des participants la Manif pour tous.Les appels incessants des rseaux catholiques etradicaux faire battre Nathalie Kosciusko-Mori-zet, loccasion de llection primaire de lUMP,

    Paris, peut se justifier. Et ce, dautant plus que sesopposants, dont Jean-Franois Legaret, ont menlessentiel de leur campagne autour de la questionhomosexuelle.

    La vraie question est de sa-voir quand cessera, au seinde lUMP, la volont de ne pasrecourir des alliances avecle FN. Les municipales seront

    particulirement instructives,sur ce point, en mettant enexergue la problmatique dela fusion des listes.

    Y a-t-il lieu de craindre une absorption delUMP par le FN ?Cette alternative est difficile imaginer, dans la

    mesure o ce phnomne ne sest encore jamaisproduit sous la Ve Rpublique. La vraie questionest de savoir quand cessera, au sein de lUMP, lavolont de ne pas recourir des alliances avec le

    FN. Les municipales seront particulirement ins-tructives, sur ce point, en mettant en exergue laproblmatique de la fusion des listes. Histoire defaire face aux lus socialistes, soutenus par leFront de Gauche. La droite btit dailleurs touteune rhtorique sur lquivalence, totalement in-fonde, en termes de valeurs. Les lecteurs du PSet du Front de Gauche sont naturellement beau-coup plus proches idologiquement que ne lesont ceux de lUMP et du FN.

    Marine Le Pen souhaite nanmoins anantirlUMPOui, et on voit bien que lintention est l. De cepoint de vue, des tentatives dalliances, comme cefut le cas rcemment au Danemark, aux Pays-Basou en Italie, ne sont pas exclure. LUMP na ce-pendant pas besoin de recourir des alliancessystmatiques pour emporter la dcision.Reste une question, et non des moindres, lie aucentre de gravit de llectorat UMP. Le doute sub-siste. Mais, au-del du problme de lalliance, onne peut exclure que lUMP finira tt ou tard par

    ressembler au Parti conservateur amricain.

    (1) Emmanuel Todd et Herv Le Bras, Le mystrefranais, codition Seuil-La Rpublique des ides,2013, 336 pages.

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    Une opposition UMP emptre

    dans les non-dits Le vote militant sur le vote, envisag par lUMP,pour dsigner le futur prsident de lUMP ou plu-tt repousser lchance, est rvlateur dun pro-fond malaise et dune incapacit matriserrellement le dbat dmocratique interne. Lac-cord pass entre Franois Fillon et Jean-FranoisCop sur ce point, montre que la sortie de routeobserve lors du Congrs de novembre ntait pas

    un accident. Elle laisse des traces indlbiles entredeux ambitions et deux conceptions. Un seulpoint daccord entre lancien Premier ministre etle dput de Meaux : tenter dviter le retour dansle jeu, de Nicolas Sarkozy.

    Un problme de gouvernance ? Labsence ma-nifeste de chef de file se fait cruellement sentir,pour une formation politique baigne par la cul-ture du chef. Elle se double dune incapacit rcur-rente faire fonctionner une dmocratie interne,correctement.Ainsi, on soriente vers une situation probable, ole principal parti dopposition ne disposera pasdun vritable Secrtaire gnral ou prsident l-gitime, avant 2015, date de son prochain congrs,compte tenu des conditions de recensement desvotes enregistrs lors du congrs de novembredernier, qui continuent dentacher sa crdibilit.Des difficults similaires se sont dailleurs repro-duites lors des primaires parisiennes et undegr moindre, lyonnaises. Contestations pen-dant le droulement mme du scrutin, pol-

    miques multiples, volution du collge lectoraljusqu moins dune heure de la clture des op-rations de vote, et au final nombre de votants d-risoire pour une ville comme Paris - peine plusde 20 000 -, sur prs de 1,4 millions dlecteurs po-tentiels. La candidate officielle de lUMP, Paris, estinvestie avec moins de 12 000 suffrages, et endpit dune offensive de la droite forte .Tous ces vnements tmoignent de la mauvaisegestion de Jean-Franois Cop, principal respon-sable de ces cafouillages rptition. Il y a l tous

    les ingrdients dune formation politique en crise,ou en panne. Laveu du dput de Meaux, le 3 juin

    dernier, propos du psychodrame de la Primaireparisienne, confirme la gravit de la situation. Sadclaration selon laquelle nous apprenons effec-tivement la dmocratie, cest assez nouveau ,montre lampleur du chantier qui est devantlUMP, pour se hisser au niveau des standardsdune dmocratie vritable.

    ces stigmates, sajoutent les contradictions propos des questions de socit et en particulierdu mariage pour tous . Deux positions se sontaffrontes propos de la manifestation du 26 maicontre le mariage homosexuel, son bien-fond,son opportunit et son sens.

    Trois dmarches, au seinde lUMP, saffrontent tou-

    jours sur le fond, dans laperspective dun retourventuel de la droite au pou-voir, aprs les chanceslectorales de 2017.

    Il y avait ceux qui participaient, comme Jean-Fran-ois Cop, Claude Goasguen, Laurent Wauquiez,et ceux qui sy refusaient priori, comme Alain

    Jupp, Franois Baroin, Jean-Pierre Raff

    arin, aunom de la ncessaire crdibilit dun parti de gou-vernement, respectueux dune loi vote, valide etpromulgue, et sans illusion sur la capacit re-venir en arrire.

    Deux comportements cohabitaient aussi pro-pos de lattitude observer vis--vis de lextrme-droite et de ses satellites le plus souventgroupusculaires, activistes et dangereux, ladroite du FN. Alain Jupp, Franois Baroin et Fran-ois Fillon rcusent toute cohabitation, dans larue, avec ce genre de mouvements. Lentouragedu prsident de lUMP ni voyait, semble-t-il, aucun

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    inconvnient, cherchant simplement rcuprerun mouvement aussi inquitant quhtrogne, des fins lectorales immdiates.Enfin, trois dmarches, au sein de lUMP, saffron-

    tent toujours sur le fond, dans la perspective dunretour ventuel de la droite au pouvoir, aprs leschances lectorales de 2017. La premireconsiste entriner la loi, au nom de lvolutionprobable des esprits, de la banalisation des actes,et de la marche inexorable du temps.La deuxime envisage la rcriture partielle dutexte de loi, notamment dans son volet filiation etadoption, sans que lon sache si lunion civile resteou non lhypothse de base.Enfin, la troisime maintient une opposition fron-

    tale induisant une demande de rfrendum, dail-leurs inconstitutionnel, fin dabrogation de la loi.Cette logique conduirait des imbroglios juri-diques invraisemblables pour les couples maris,et des ingalits de statuts inextricables. MmeFrigide Barjot semble lavoir compris au point derenoncer lultime manifestation. Cette confusiontraduit une grande approximation, beaucoupdimprovisations, voire un problme de gouver-nance, comme le proclament Laurent Wauquiezou Bernard Accoyer, sans mnagement.

    La ligne dveloppe dsor-mais, sans ambigut, par

    Jean-Franois Cop, maisaussi par la droite forte ,

    fait clairement le choix dunefusion culturelle et socitale

    avec lextrme-droite, enmarge des principes rpubli-cains fondamentaux, aunom de lefficacit, et duneopposition viscrale la

    gauche.

    LUMP : combien de divisions ? Elle montre

    aussi une grande dsunion sur le fond, et sur leplan des ambitions personnelles. Elle confirmesurtout labsence dun projet fdrateur attractif et

    alternatif. Lopposition entre, dune part, une droiteconservatrice, notabiliaire, dinspiration orla-niste, pour reprendre une classification plus clas-sique, et, dautre part, une ligne dlibrment

    ractionnaire, prolongeant le discours impulspar Nicolas Sarkozy pendant la dernire cam-pagne prsidentielle, parat de plus en plus irr-conciliable, en dpit de quelques prcautions delangage.La ligne dveloppe dsormais, sans ambigut,par Jean-Franois Cop, mais aussi par la droiteforte , fait clairement le choix dune fusion cultu-relle et socitale avec lextrme-droite, en margedes principes rpublicains fondamentaux, aunom de lefficacit, et dune opposition viscrale

    la gauche.Pour cette fraction de lUMP, le rflexe identitaire lemporte dsormais sur le message universelde la Rpublique. Laffirmation de la discrimina-tion prdomine sur le concept dgalit des droits et doncdes chances. Lordre naturel des choses simpose au d-triment des dmarches dmancipation. Linn prend sarevanche sur lacquis, la rfrence aux lois suprieures la Rpublique sur la lacit, la morale rpubli-caine, la sparation des glises et de ltat, la tol-rance, la raison critique, et la libert de jugement.Cette volution, en marge du message rpubli-cain, possde naturellement ses consquencesstratgiques, vis--vis de lextrme-droite et du fa-meux ni-ni impos par le dput de Meaux,entre les deux tours de llection lgislative duprintemps 2012, sans vritable dbat interne.Quand la boussole de la Rpublique se drobe,tout se vaut, et finalement rien ne vaut. Cette d-rive est peu peu dnonce par certains respon-sables de lUMP, qui entendent par l-mmerompre avec la phrasologie de Nicolas Sarkozy,dont les ambiguts tactiques quant son retour

    au premier plan, contrarient toutes les vellits dernovation interne.

    Tentation dmancipation ou ambitions per-sonnelles ? Ainsi Franois Baroin na-t-il pas h-sit, dans une interview accorde lExpress, endate du 29 mai, identifier certaines contradic-tions, et tenter den prciser les termes.Le maire de Troyes refuse, tout dabord, touterfrence la dsobissance civile cautionnepeu ou prou, par les participants aux manif pour

    tous , en une rhtorique qui rappelle de mauvaissouvenirs, et oublie quil sagit dune loi vote par

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    le Parlement et portant sur le mariage civil.Il pointe, pour le dnoncer, le dplacement ducentre de gravit de lUMP vers la droite, et lesrisques stratgiques qui en rsultent pour elle.

    Il rfute la duplicit, consistant envisager labro-gation pure et simple de la loi portant sur le ma-riage pour tous, en cas de retour ventuel de ladroite au pouvoir, en 2017. Pour lui, la marche dutemps et lvolution de la socit auront raisondes logiques darrire-garde. Mme si lon ne saittoujours pas, sil le regrette ou sen flicite.

    Il entend surtout solliciter - encore trs prudem-ment - un examen lucide des causes de la doubledfaite du printemps 2012, et proposer lexercice

    dune remise plat pour tenter de rnover lUMP.Cet appel sonne comme une mise en cause di-recte de Patrick Buisson, prsent comme unhomme venant de lextrme droite il a un projet

    politique, son influence est nocive, nous devonsla combattre (Express, 29 mai). La rponse de cedernier dans une interview accorde au Monde(9-10 juin 2013), montre quil sest senti directe-ment vis. Lancien conseiller de llyse justifie lediscours identitaire de la campagne prsiden-tielle et pose dj lancien prsident en recourspour 2017.

    En fait, Franois Baroin prconise implicitementle rtablissement dun grand parti conservateuret libral sur le plan politique. Rcusant les rf-rences identitaires, il rappelle les conditionsdavnement de lUMP, en 2002, pour faire bar-rage lextrme-droite et affirmer un rassemble-ment de la droite et du centre. Il prcise, surtout, sa manire, quil y aura toujours lOAS, et lat-tentat du Petit Clamart entre lextrme-droiteet la droite gaulliste, ou ce quil en reste.

    Ce rappel lordre parat nanmoins bien tardif,prs de trois ans aprs le discours de Grenoble(30 juillet 2010). Il peut sinterprter comme uneforme de remise en cause implicite du bilan deNicolas Sarkozy, auquel il a pourtant largementcontribu, comme une tentative dmancipationvis--vis de lombre porte de lancien Prsidentde la Rpublique, aprs un an de silence.De son ct, Franois Fillon semble sinscriredans ce mme discours, la fois rvlateur dunefracture et ambigu. Tentation de lmancipation

    vis--vis de Nicolas Sarkozy, appel une rnova-tion dmocratique de lUMP, aprs la cacophonie

    enregistre lors du congrs de novembre, affir-mation dune droite no-librale sur le plan co-nomique, prise de distance avec lextrme-droite

    juge la lisire du Front rpublicain (France

    2, 6 juin 2013).Il confirme ainsi, lvolution dun parti dopposi-tion, profondment divis par le choc des ambi-tions et des arrires penses personnellesirrductibles, par des conceptions de la vie pu-blique et du rle de lUMP de plus en plus diver-gentes, par des options stratgiques difficilementcompatibles.

    La droite traditionnelle

    demeure plus que jamaistravaille de lintrieur, parles arrires penses et lesnon-dits, faute dengagerune rflexion lucide sur latrajectoire impose par sonancien leader.

    Ces divisions portent manifestement, pour unebonne part, sur lessentiel, sur la proximit ven-tuelle de lextrme-droite et du projet politiquequi en dcoule.

    Les dclarations des uns et des autres au sein delUMP, confortent deux constats : le clivage droite-gauche reste une donne dterminante, dans ledomaine conomique, social, et fiscal. Les re-cettes de la droite signifieraient plus dinjustices,plus de prcarit, et moins de protections pour le

    monde du travail, les retraits et la jeunesse. Ladroite traditionnelle demeure plus que jamaistravaille de lintrieur, par les arrires penses etles non-dits, faute dengager une rflexion lucidesur la trajectoire impose par son ancien leader.

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