regards sur la droite_n° 29

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    Regar

    dssu

    rlad

    roite

    3 dcembre 2013 -n 29

    Lettre ditepar la cellule Veille et Ripostedu Parti socialiste

    dito

    NOTE DE VEILLE ET RIPOSTE SUR LA SITUATION DE LA DROITE ET DE L !EXTRME-DROITE 1

    Sur un dbat la franaiseLa manire dont a t accueilli la dcision du gouvernement de rformer la fiscalit estcaractristique des problmes franais actuels. On a supput pour savoir quelles sont lesarrires-penses dune telle proposition pour la dlgitimer droite (mais aussi gauche et, reconnaissons-le, aussi chez des socialistes anonymes). Tout a t rduit la tactique en quelques heures. Bien sr, toute rforme dampleur sinscrit dansun contexte politique. Celui-ci est marqu par des mcontentements etdes incomprhensions concernant limpt. Mais est-ce une raison pour ne pas avoir dam-bition et se contenter de ravauder ici ou l et de condamner ainsi lEtat limpuissance ?Il aurait t sans nul doute mieux de commencer cette entreprise en dbut de quinquen-

    nat pour tracer une perspective claire. Mais ce nest pas une raison pour ne rien faire main-tenant.Il y a, pour ce faire, des conditions. Jen vois trois principales. Les deux premires tiennent la mthode dont on connat limportance, quelles que soient les intentions. Penserglobal, dabord. Un risque, en effet, est de se fixer sur telle ou telle mesure, en oubliantquil faut une pese globale de tous les impts pour tablir un quilibre densemble olon peut tre gagnant dun ct, perdant de lautre. Peu de contribuables ont unevision gnrale et faute dexplicitation claire, chacun ne considre que son impt, silon peut dire. Une pdagogie citoyenne suppose ainsi dy consacrer le temps suffisant.Matriser le temps est bien une autre condition importante. Inspirons-nous pour cela dela mthode des livres blancs qui exposent les problmes et les solutions possibles etpermettent un dbat national inform. Lide dune vraie rforme fiscale a t tant de fois

    annonce et abandonne, que nous devons relever ce dfi et marquer notre action gou-vernementale, en prenant pleinement en charge lintrt du pays.La troisime condition politique est de mener la confrontation avec la droite (et lextrmedroite qui se rfugie dans la dmagogie fiscale). Car sa gestion passe, quelle fait toutpour oublier, est alle au contraire de lefficacit conomique et de la justice sociale.Les prises de position rcentes de ses dirigeants rvlent une cacophonie tonnante. Jean-Franois Cop ne se rappelle videmment plus quen 2010, il avait dfendu une fusion dela CSG et de limpt sur le revenu. Philippe Marini, le Prsident de la Commission desFinances du Snat, parle dune CSG progressive. Guillaume Peltier, de la Droite Forte ,dfend au contraire une flat tax , un impt sur le revenu taux unique. Franois Baroinrappelle ses amis de lUMP qui dnoncent bruyamment le matraquage fiscal que leniveau actuel de la fiscalit est ncessaire, etc Bref, il est indispensable de contraindre

    la droite exposer son projet rel et ne pas la laisser se contenter de la critique.

    Alain BERGOUNIOUX

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    Un poujadisme dcomplex

    La droite, tous courants confondus, a optdepuis le printemps 2012, pour une forme dedni dmocratique lencontre de la gauche.Elle instruit mthodiquement un procs en ill-gitimit et en incomptence, feignant doublierle verdict du suffrage universel. Elle demande ladmission des ministres, voire la dissolution delAssemble nationale. Cette mise en cause sin-tensifie lorsquil sagit dimpulser une contesta-tion fiscale, en lien avec ses clientlestraditionnelles, celles quelle a tant mnages,choyes pendant 10 ans, plus particulirement

    depuis mai 2007.

    De 2002 2012, en raison delinertie de la droite, et de sadmagogie, la dette publiquecumule est passe de 900 mil-liards 1 800 milliards deuros,

    soit un doublement de celle-ci.

    Le taux dendettement, auregard du PIB annuel, a connuun bond de 33 points, pour

    stablir 90 %, contre 57 %,,fin 2001.

    Un clientlisme fiscal irresponsable pen-dant dix ans. Car le fond de laffaire est l : pr-server les clientles les plus favorises, celles qui

    ont bnfici solidairement et rgulirement aucours du quinquennat de Nicolas Sarkozy, desfacilits et des largesses qui ont conduit un v-ritable fiasco financier, et la crise de la dette.La droite vite, en effet, de commenter son bilanen la matire, prfrant ds lt 2012, voquerun prtendu matraquage fiscal du gouver-nement de la gauche. Ce bilan mrite pourtantdtre rappel, ne serait-ce que pour mieux cer-ner le contexte national et europen dans lequella gauche a t contrainte dagir et de prendreses responsabilits, ds les premires semainesde son mandat.

    De 2002 2012, en raison de son inertie, et de sadmagogie, la dette publique cumule est pas-se de 900 milliards 1800 milliards deuros,soit un doublement de celle-ci. Le taux dendet-tement, au regard du PIB annuel, a connu unbond de 33 points, pour stablir 90 %, contre57 %,, fin 2001.Sur les cinq dernires annes de sa gestion, de2007 2012, le dficit public moyen annuel d-passait rgulirement les 110 milliards deuros.La charge annuelle de la dette a bondi en cons-quences 50 milliards, soit le deuxime poste

    budgtaire de lEtat. En dix ans, les niches fis-cales accordes aux clientles les plus favori-ses ont t multiplies par deux, et lesexonrations de cotisations patronales par plusd1,5. La loi TEPA, et linstauration du bouclierfiscal ont renforc la rente et la fortune, au d-triment du travail et de la solidarit. Cest bien leclientlisme fiscal de la droite qui a creus lesdficits et alourdi la dette, au point de placer lepays sous la pression et le chantage des mar-chs financiers. Dans le mme temps, Nicolas

    Sarkozy acceptait, au plan europen, les orien-tations de la droite allemande et europenne,au lieu de ngocier les mcanismes de mutua-lisation des dettes souveraines europennes,auxquels la BCE tait pourtant dispose,comme les faits lont dmontr quelques tri-mestres plus tard. Ces renoncements cono-miques, financiers et fiscaux ont galementconduit un double chec, social et industriel.Au printemps 2012, il y avait plus de 4,5 millionsdhommes et de femmes au chmage, toutes

    catgories confondues, et 10 millions de per-sonnes vivant sous le seuil de pauvret. LaFrance, aprs avoir perdu 750 000 emplois in-dustriels, se retrouvait avec une part de lindus-trie, infrieure 13 % de sa richesse nationaleannuelle, et un commerce extrieur dficitairede 70 milliards, chaque anne.

    Sortir de la crise des finances publiques l-gue par la droite. Face une situation finan-cire dangereuse pour la souverainet mmedu pays, une crise sociale dsastreuse pour sacohsion, et une dgradation sans prcdent

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    depuis la Deuxime Guerre Mondiale de sacomptitivit industrielle, il fallait prendre sesresponsabilits et faire preuve de courage.Dailleurs, en 18 mois, le dficit public structu-rel a t rduit de plus dun point de PIB. Cest

    ce que la majorit de gauche a entrepris, juste titre, ds le collectif budgtaire de lt2012. Ds cet instant, elle sest heurte, de lapart de la droite et de ses soutiens sociaux etsociologiques habituels, un tir de barrage,assorti dun procs en illgitimit. La rfrenceaussi malsaine querrone la distinction sul-fureuse entre pays rel et pays lgal est r-apparue, avec, en toile de fond, le dnigrementdes lites dmocratiques et parlementaires, etle repli nationaliste et identitaire.

    Depuis cette priode, nous assistons une ten-tative permanente dinstrumentalisation desinquitudes et des peurs, et de confusion desrepres, au profit et sous lgide des groupessociaux privilgis et dominants, disposantdailleurs le plus souvent de lessentiel des sub-ventions publiques accordes. Les habitudesclientlistes prises sous le dernier quinquen-nat ont manifestement la vie dure et leurs b-nficiaires nont pas lintention dy renoncersans une rsistance acharne. Do le constatdu rveil des lobbies et des groupes de pres-sions, adosss au MEDEF, la CGPME, ou auxorganismes consulaires, quil sagisse destransporteurs routiers, des patrons des Startup, des gros craliers, ou des opposants lataxe 75 % applique aux tranches de revenussuprieurs 1 million deuros par an. Cette at-titude parat dautant plus paradoxale, que cesmmes intrts disposent souvent dimpor-tantes aides publiques, directes ou indirectes,ou vivent et exercent assez largement leurs ac-tivits en lien avec des commandes publiques

    de lEtat ou des collectivits territoriales. Or,faut-il le rappeler, la contestation systma-tique, voire violente, des recettes fiscales, altreinluctablement brve chance, laide et lacommande publique.Dans le contexte conomique europen actuel,cette attitude peut mme provoquer lacclra-tion des tendances dflationnistes luvre,

    justement diagnostiques par le FMI et la BCE.Cette institution vient dailleurs dabaisser de0,25 point, autant dire de moiti, son taux di-

    recteur pour tenter de conjurer cette tendance.

    Le rveil des lobbies. La contestation de lim-pt en tant que facteur de redistribution so-ciale et dinstrument de rorientationconomique vient de loin. Elle oprait dj, enFrance, pour contrecarrer les promoteurs de

    limpt sur le revenu, au dbat du XXme si-cle. Elle sest manifeste sous le Cartel desgauches, en 1924, sous le Front Populaire, en1936, dans les annes 50, avec lirruption despoujadistes face Pierre Mends France, puiscontre les candidats du Front Rpublicain. Ellesest aussi dresse contre Jacques Delors etLaurent Fabius, en 1982. En fait, manant tou-

    jours des forces sociales privilgies et domi-nantes, dinspiration conomique librale,cette fronde a toujours agi pour dfendre

    dabord ses intrts et ses prbendes, quitte chercher enrler des catgories authentique-ment populaires pour parvenir ses fins. Ellecombat, depuis lorigine, toutes les politiqueset recommandations keynsiennes, traverslhistoire et les pratiques sociales-dmocrates.Elle rcuse lEtat redistributeur et privilgie tou-

    jours, in fine, la rente contre le travail, le lais-ser-faire contre la rgulation, linjusticecontre la redistribution.

    Certains bonnets rouges bretons, gros agriculteurs ouresponsables de groupesagroalimentaires ont mani-

    fest le 2 novembre contrelecotaxe, dont une partie du

    produit doit permettre le ds-enclavement ferroviaire breton

    quils rclament, par ailleurs.Cette contestation, cdant parfois linspira-tion factieuse, oublie ce quelle doit lEtat , auxcollectivits territoriales, la puissance pu-blique dans son ensemble. Ainsi, la sommedes aides publiques, directes ou indirectes,slve aujourdhui, selon les valuations, de110 130 milliards deuros, chaque anne,sous forme dexonrations de cotisations so-ciales, de niches fiscales, ou de soutiens di-

    rects. Ainsi, les agriculteurs craliersdIle-de-France ont-ils entrepris de bloquer cer-

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    tains axes routiers rgionaux, le 21 novembredernier, pour protester, contre une rorientationinterne des subventions de la PAC - 9 milliards,au total - concurrence de 1 milliard deuros,au profit des petits agriculteurs et leveurs, etdonc leur dtriment. Ainsi, certains bonnetsrouges bretons, gros agriculteurs ou respon-sables de groupes agroalimentaires ont-ils ma-nifest le 2 novembre contre lecotaxe, dont unepartie du produit doit permettre le dsenclave-ment ferroviaire breton quils rclament, parailleurs.

    Derrire la dnonciationde limpt, la jonction des

    droites. La dnonciation,parfois violente, de limpt,surtout lorsque la gauche en-treprend de rtablir des quili-bres longtemps dgrads dansun souci de justice, dtermineaussi un point de jonction et deconvergences entre deux tradi-tions de la droite ractionnaire.

    Derrire ce rejet de limpt, il y a, lvidence, demanire latente, le refus du pacte citoyen fondsur lgalit des droits, les principes dgalit, delibert et de fraternit, la contestation frontaledes termes mmes de la dclaration des Droitsde lHomme et du Citoyen qui prcise que cha-cun doit contribuer aux charges publiques, due concurrence de ses moyens. En clair, qui

    proclame la progressivit de limpt et linstalleau cur du pacte rpublicain, au mme titreque la libert daller et venir, que lgalit deschances et des droits.Derrire la dnonciation de limpt, la jonctiondes droites. La dnonciation, parfois violente, delimpt, surtout lorsque la gauche entreprendde rtablir des quilibres longtemps dgradsdans un souci de justice, dtermine aussi unpoint de jonction et de convergences entre deuxtraditions de la droite ractionnaire. La pre-mire se reconnait dans un bloc identitairehyper-nationaliste, nostalgique des rgimes au-toritaires, rvuls par toute volution multicul-

    turelle, tout mtissage de la socit, celle qui in-sulte Christiane Taubira et considre le racismecomme une opinion et le droit la diffrencecomme une atteinte lidentit nationale. Ladeuxime se rfugie dans lultralibralisme,cette thorie conomique qui a chou sur peu prs tous les continents, et suscite, au-

    jourdhui, un risque de dflation mortifre pournos quilibres majeurs.Ces deux traditions possdent en commun, uneaversion profonde pour la gauche, la scuritsociale, les organisations syndicales de salaris,la rduction du temps de travail hebdomadaire,la solidarit lgard des chmeurs, lImpt surles grandes fortunes, limpt progressif sur lerevenu, la Couverture maladie universelle. Elles

    prfrent parler de dclin que de progrs ; ellestrouvent des boucs-missaires, au lieu de cher-cher des solutions. Pour ces courants de droite,le pauvre est un obstacle, le chmeur, un poids,le salari, un cot. Quant la lutte contre lafraude fiscale, elle peut conduire, si lon nyprend garde, dmoraliser le paysDe ce point de vue, le refus de la fiscalit rejointcelui de limmigr ou de ltranger. Il permet defdrer, de cimenter un bloc ultra-droitier, rcu-sant la fois la solidarit, et louverture sur le

    monde, le progrs social et le respect de lautre,lgalit des droits et le sens de lintrt gnral.De la part de lUMP, cette attitude cre la stupeur.Nest-ce pas sa gestion qui se trouve loriginede la profonde dgradation des finances pu-bliques ? Na-t-elle pas, elle-mme, engag pourplus de 30 milliards de prlvements suppl-mentaires, les 6 derniers mois de sa mandature

    ? Surtout , a-t-elle dj oubli quelle avait pro-pos, lors dune Convention organise en marsdernier, une majoration de 3 points du taux

    normal de TVA, pour un montant de 33 mil-liards deuros ? A-t-elle ce point perdu, en 18mois, les rflexes lmentaires de la responsa-bilit gouvernementale ?Le courant dextrme droite, quant lui, restecohrent avec lui-mme et son histoire. Jean-Marie Le Pen a t lu pour la premire fois, d-put la Seine, sous ltiquette Poujadiste, moins de 28 ans, le 2 janvier 1956. Le pro-gramme conomique du Fondateur du FN alongtemps bataill contre lISF et le monopolede la Scurit sociale. Aujourdhui, Marine LePen qui se veut sociale , prfre se taire etlaisser penser que les ressources budgtaires

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    viendraient de larrt de limmigration Face cette vindicte antifiscale, et souvent antirpubli-caine, linitiative du gouvernement visant pour-suivre la rforme fiscale dans les mois et annes venir est ncessaire et courageuse. Certes, cette r-

    forme de la fiscalit est dj bien engage depuislt 2012, avec lamlioration du rendement delISF, la rduction de 33 % de labattement forfaitairesur les trs grosses successions, linstauration dela tranche 45 % sur les trs hauts revenus, la sup-pression du bouclier fiscal, la fin du gel du barmede limpt sur le revenu, lalignement progressif dela fiscalit du capital sur celle du travail. Pour au-tant, il faut poursuivre le mouvement avec la miseen chantier de la fusion de lImpt sur le revenuavec la Contribution sociale gnralise, notam-

    ment.

    La progressivit de limpt : un enjeu moderne.La gauche entend redonner de la progressivit limpt direct, utiliser loutil fiscal au service du re-dressement productif, placer les partenaires so-ciaux reprsentatifs au cur du sujet fiscal.Il sagit aussi dlargir les marges de manuvrepour librer du pouvoir dachat lintention de tousles salaris modestes et moyens, et donc de lutter

    concrtement contre les anticipations dflation-nistes, et la crise sociale.Le dbat politique ne saurait naturellement se r-sumer au dbat fiscal. Les questions demplois, desalaires, de protection sociale, mais aussi de re-

    dressement industriel et dnergies renouvelablesou de croissance durable revtent au moins, au-tant dimportance, pour la russite du pays et lesens de laction conduite.Pour autant, la dfense de limpt, juste, progressifet efficace reste indissociable de notre rgulationdmocratique et conomique, de notre volont devivre ensemble, de notre consentement citoyen auservice du pays. Il nest pas de pacte rpublicain,sans fiscalit, assume, justement rpartie, relle-ment admise, et dabord par ceux qui possdent le

    plus.La contestation de limpt rejoint trs vite, celle dela Loi rpublicaine, et donc de la souverainet de ladmocratie parlementaire. La France a besoin, deservices publics performants, de citoyens bien for-ms, dun Etat stratge respect, de fonctions rga-liennes au service de chacun, dune diplomatie etdune culture rayonnantes. Cette exigence partagesuppose un impt juste et reconnu.

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    DCRYPTAGE & DBATS

    Les immigrs sont jamais intgrables la Nation

    Pascal Blanchard est chercheurau Laboratoire communication et politique (CNRS)et codirecteur du Groupe de recherche Achac (coloni-sation, immigration, post-colonialisme). Spcialistede l'histoire des immigrations, il a codirig l'ouvrageLa France arabo-orientale. Treize sicles de prsences(La Dcouverte).

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    Attaques personnalises contre ChristianeTaubira, droit de vote des trangers, montedu Front national et de la parole raciste. Nas-siste-t-on pas au retour dun racisme de typecolonial, dans notre socit ?Racisme de type colonial, non. Disons plutt quelon assiste une libration de la parole raciste,chez certains. Jusqualors, elle tait inaudible. Ilntait plus possible de prononcer certains mots,

    dans la mesure o notre savoir-vivre et notre ca-pacit vivre ensemble les avaient proscrit. Par-fois mme, ils taient interdits par la loi. Dunecertaine manire, ils ont t rangs dans larmoirede lhistoire. Ce qui ne signifie pas, pour autant,quils aient disparu des inconscients collectifs,mais leurs auteurs savaient quils ne pouvaientpas les prononcer. Lopinion stait donc habitue ne plus les entendre.Subitement, la parole sest libre. Tant et si bienque certains individus sautorisent, aujourdhui,

    sexprimer librement sur le sujet, en changeant,en diffusant et en nourrissant le dbat, au prix

    dun vrai retour en arrire. Nen tirons pas deconclusion. La France nest pas un pays raciste .Mais, le fait que certaines minorits cdent latentation pourrait nouveau populariser ce typede dviance. Elles ne font que suivre, cet gard,certains chroniqueurs, des personnalits poli-tiques ou des journalistes qui professent, depuisune quinzaine dannes, une violence verbale la-quelle linconscient collectif sest habitu.

    Cela signifie-t-il que le racisme sest banalis ?Dsormais, le racisme peut tre conu commeune opinion pour certains. Le rapport de force sestinvers. Auparavant, ceux qui affirmaient tre x-nophobes taient points du doigt. Ils taient pla-cardiss dans une frange de la population, dont iltait ais de mesurer les effets meurtriers et dvas-tateurs du discours. Ils pouvaient se revendiquerdu rgime de Vichy ou du temps des colonies, augr de leurs propos. Les temps ont chang. Avec le

    discours profess lencontre de Christiane Tau-bira, lindividu en est rduit une forme danima-

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    lit. Lide est de montrer que la ministre nest pashumaine, quelle nest pas lgitime l o elle est.Quun (ou quune) Noir(e) ne peut tre Fran-ais(e) part entire.

    Dans les annes 1920, Lon Daudet, qui tait alorsle numro deux de lAction franaise, derrireCharles Maurras, et lu lAssemble nationale,avait pris lhabitude de se moquer de BlaiseDiagne, alors dput du Sngal, en le prsentantcomme un brave petit ngre qui essayait desadresser aux parlementaires franais de raceblanche et tous masculins, rappelons-le. Le ra-cisme est donc une longue et ancienne traditiondans lespace politique et dans le jeu lectoral .Se moquer de son voisin, en le comparant unsinge, ds lors quil est dune autre couleur de peau,est une pratique courante lpoque. Le mmephnomne prvalait au temps de laffaire Dreyfuset des caricatures, certains des protagonistes delaffaire tant assimils en caricature des ani-maux.

    Comment analyser le lien entre discours d-cliniste et rflexe identitaire ?Il ny a pas toujours eu de lien direct entre la per-ception du dclin et la peur du mtissage. Au mo-ment o le capitaine Danrit publiait ses

    best-sellers, en dnonant l invasion noire et le pril jaune , au dbut du XXe sicle, la France nese sentait pas en pril, et pourtant ce discours avaitun cho immense. Mais, elle avait, dj, peur dumtissage. Dans les annes 1920, elle a retrouvune certaine grandeur. Ce qui na pas empch cer-tains idologues, franais, amricains, anglais ouitaliens, de se rfrer au dclin de lOccident, en ex-primant une pense raciste lencontre du flotmontant des peuples de couleurs .Il y a aussi eu des moments de concomitance. Dans

    les annes 1930, plusieurs auteurs pointaient ainsidu doigt les mtques quils dsignaient la vin-dicte, au prtexte quils portaient atteinte lidentitfranaise, ainsi que les Russes et les Amricains, ri-gs en forces dominantes du monde et accuss demettre en pril nos colonies. On pense notamment Georges Mauco et ses indsirables .En 1973, le choc ptrolier sest accompagn dunefermeture des frontires quelques annes plus tardet dune grande peur du dclin de lEurope, quintait plus alors tout fait matresse de son destin,

    du fait de laugmentation du prix du ptrole et dunbasculement de lautorit. Cette priode a concid

    avec un rflexe identitaire. Quarante ans aprs,beaucoup ont oubli la violence raciste qui a ac-compagn cette crise. Dans le sud-est de la France,elle a pris des proportions terribles, comme nous

    le rappelons dans louvrage La France Arabo-Orien-tale (2013).Nous retrouvons aujourdhui des conditions simi-laires celles que nous avons connues alors. Lespeurs qui en dcoulent sont identitaires. Avec lesentiment, pour certains, dtre envahis, canniba-liss, voire mme coloniss rebours. Les quartierspopulaires sont surmdiatiss, tandis que lislamdevient la matrice dune menace intrieure et ext-rieure, lheure o les armes franaises sont en-gages sur deux fronts, en Afghanistan et au Mali.Ceci donne le sentiment que nous sommes enguerre, ici, comme l-bas.

    Quand il ne vous reste plus quela couleur de votre peau, vous ladfendez chrement. Parce quilne reste souvent que cela pouraffirmer son identit et laissertransparatre un signe distinctif.

    Les peurs ne sont jamais que le produit dune sur-mdiatisation de ces sujets. Dans des priodes decrise sociale et dhritage, ces questions sentrecho-quent. Sans parler des problmatiques publiquesdans les quartiers populaires, ou du taux de ch-mage outremer, dont on parle peu, mais qui entre-tiennent un climat difficile, sur fond de tensionssociales et mme raciales .Ce processus est connu en Amrique latine ou enAfrique du Sud. Quand il ne vous reste plus que la

    couleur de votre peau, vous la dfendez chre-ment. Parce quil ne reste souvent que cela pour af-firmer son identit et laisser transparatre un signedistinctif. Les petits blancs sud-africains ont, cet gard, un discours ultra raciste, au mme titreque les classes dfavorises dAmrique du Sud,dont lunique distinction est la couleur de peau, enfaisant rfrence la politique de leur voisin portepar Robert Gabriel Mugabe, au Zimbabwe. Il vautmieux tre un petit blanc pauvre quun petit noirpauvre, dans leur tte. Ces populations saventmieux que quiconque ce que signifie le repli. Cephnomne ne concerne pas seulement les blancs

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    et les non blancs. Cest un processus de domi-nant domin . La couleur de la peau devientici un espace refuge. Lun des nouveaux slogansdu Front national Ici, on est chez nous - d-montre, de ce point de vue, limportance du

    thme identitaire, en fustigeant celui qui ne res-semble pas au modle dominant.

    En attisant la peur et la xnophobie, la droiteet lextrme droite nexploitent-elles pas desides trs ancres dans la vie politique fran-aise ?Il faut toujours avoir lesprit que le cloisonne-ment entre la droite et lextrme droite sur ces en-

    jeux est trs complexe. Rappelons-nous de ValryGiscard dEstaing qui faisait lamalgame entreimmigration et invasion, dans une tribune pu-blie dans Le Figaro, ou bien encore de JacquesChirac voquant le bruit et lodeur , dans undiscours prononc le 19 juin 1991. Ces interven-tions ont sans doute beaucoup plus pes sur lesconsciences que toute autre espce de position-nement, en cassant les frontires entre droite etextrme droite. Cette dernire na dailleurs jamaiseu se cacher, se reconnaissant volontiers dansla droite populaire, poujadiste, ultra-nationale etsociale. Du colonel de La Roque Jacques Doriot,elle a toujours cultiv un discours anti-immigrs

    et pro-colonialiste, plein de paradoxes, mais ex-plicite. LOAS, dans la continuit de lultra-droitea ainsi clairement revendiqu lEmpire, dans les

    annes 60. Ds lors, lultra-droite est imprialiste,anti-immigre et anti-islam, au sortir de la Guerrefroide. Le Pril vert remplace progressivement lepril rouge.Les frontires sont trs mouvantes sur ces en-

    jeux. Principalement , dans les priodes de criseet dangoisse. Avec des risques de porosit entrela droite et lextrme droite, la droite et le centre,

    jusqu la gauche. Nous ne sommes pas immu-niss contre ce flau.Les antiracistes et, plus gnralement, ceux quiluttent contre le retour des strotypes coloniauxont besoin, en permanence, de se questionner, deparler aussi des contradictions de la rpublique certains moments de lhistoire. Les choses sontbeaucoup plus simples pour les personnes ra-cistes qui nont pas besoin de sinterroger, aumotif quelles cdent une croyance absolue. Ilest trs difficile dtre dans une logique du vivreensemble , sans tomber dans la caricature.Pour lheure, le discours racialisant dominenos grilles de lecture, sur fond de prjugs. Danslesprit de nos concitoyens, les prisons sont rem-plies de noirs et de maghrbins, ce qui signifiequils sont tous potentiellement des voleurs oudes criminels. Nous cdons vite lamalgame etil nest pas ais de se dpartir des ides reues. Ilnous faut avoir une lecture critique de lhistoire

    pour viter de reproduire les modles passs.Nous savons parfaitement ce que peuvent pro-duire des processus de rapprochement sur cer-tains sujets. Soyons vigilants, dautant que nousavons connu des priodes similaires, il ny a passi longtemps.

    La droite, depuis Nicolas Sarkozy et son fa-meux discours de Grenoble, jusqu Jean-Franois Cop qui entend revenir sur le droitdu sol, contribue-t-elle la lepnisation des

    esprits ?Disons quelle joue avec une arme double tran-chant. Ses dirigeants savent parfaitement que laralit est plus complexe. Le regroupement fami-lial est une ncessit, lheure o la Francecompte parmi les pays qui refusent le plus de r-fugis politiques Quoi quon en pense, notre po-litique dimmigration est peu accueillante,comme celle lencontre des rfugis politiques.Il nous faut donc amliorer le processus intgra-tionniste et accorder plus de moyens la gestion

    des primo-arrivants.Le dbat est cependant plus compliqu quil ny

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    parait. Un Antillais de la vingt-deuxime gn-ration est ainsi tout autant concern par le ra-cisme - et les discriminations - quun jeunesub-saharien qui sinstalle pour la premire foissur le sol franais. La droite et lextrme droite

    jouent sur ce terreau, en cherchant des lmentsde rupture avec la tradition daccueil de ces po-pulations. Et lide quelles ne seraient pas int-grables, au sein de la nation franaise. Certes,elles sappuient sur limaginaire du droit dusang et du droit du sol, sur les frontires et lim-migration zro. Mais, sur le fond, elles estimentque la France nest plus en mesure daccueillircertaines catgories dindividus. Georges Maucovoquait les indsirables dans une thse pu-blie dans les annes 1920 - et dans un livre c-lbre datant de 1932 -, avant de devenir lun despivots des politiques dmographiques et migra-toires, en France. Il dfend lide que certainespopulations pourront se fondre dans le creusetfranais, dautres non. commencer parles juifs, les coloniss et certaines populationsdEurope centrale. Rappelons-nous aussi des d-clarations du Gnral de Gaulle sur Colombey-les-deux-Mosques , sur une France qui,dborde dtrangers, ne serait plus la France (1959). Ce jeu, trs compliqu, correspond une tradition ancienne, au nom de laquelle

    notre pays sappuierait sur une cohrence eth-nique. Jusqu la mythologie gauloise. Ces pro-pos vont bien au-del des politiquesmigratoires, beaucoup plus loin que les prin-cipes de citoyennet. Ils touchent un regard quiethnicise la nation et le peuple franais. Nous nesommes pas sortis du dbat, dj prsent auXIXe sicle, en 1870, avec le dcret Crmieux, enAlgrie, en 1881, les dbats sur la citoyennet, aulendemain de la Grande Guerre, et les dbatsparlementaires sur le statut des indignes dans

    les colonies.

    Existe-t-il une singularit franaise en ma-tire dimmigration ?Oui. La csure entre immigration coloniale etnon coloniale est un particularisme franais. Cephnomne nexiste pas aux Etats-Unis qui ontconnu un rapport trs complexe entre amrin-diens et afro-amricains. Ceci est un processusinterne. La Pologne et la Russie ont connu dau-tres problmatiques avec les populations juives.

    En France, la saga coloniale et impriale a mar-qu les esprits. Nous avons connu lhistoire du

    peuplement, du rapatriement dIndochine, puisdes pieds-noirs dAfrique du Nord, des HarkisNous comptons danciens protectorats, dan-ciennes colonies et des dpartements qui p-sent dans le rapport migratoire. 15 18 millions

    de Franais sont concerns. Tout cela fait de laFrance un cas part, o la csure est forte. Ceuxqui travaillent sur les problmatiques lies limmigration se rendent bien compte que lesdescendants de limmigration belge ou polo-naise connaissent un sort trs diffrent, dans leprsent, de celui des jeunes algriens ou des li-banais. Ce nest pas le mme rcit. Lequel peutrvler des fractures coloniales, au gr des zonesgographiques. En clair, nous ne rentrons pastous dans le Creuset franais de la mme ma-nire. Ce que nous avons du mal assumer. Entmoigne labsence dun muse dhistoire colo-nial dans ce pays, sur le temps long. Depuis

    Jacques Cartier, cinq sicles dhistoire sont pas-ss ainsi sous silence. Des millions de Franaisont leur histoire qui attend sur le pas de la portedu grand rcit national.

    Si nous ne sommes plus dansles dbats du XIXe sicle ou deceux de la Guerre dAlgrie, les

    scories du pass demeurent.Les travailleurs italiens ou espa-

    gnols ont choisi, pour la plu-part, de venir travailler enFrance. Les travailleurs colo-niaux, non. Ils nappartiennentdonc pas au mme rcit. Cest

    ce qui fait le particularismefranais et notre gnration vadevoir grer ce quun historienamricain appelle les cla-boussures impriales .

    Ceci dmontre quel point les Franais sesentent mal laise par rapport leur passcolonialAbsolument. Lhistoire de Jules Ferry est cetgard rvlatrice dun certain tat desprit. Com-

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    ment peut-on tre un grand rpublicain, tout entant un partisan zl des colonies, en croisant lefer contre Georges Clemenceau ? Le dbat quinous occupe aujourdhui prvalait dj au XIXe

    sicle. Nous nen sommes pas sortis.

    Lide dmancipation coloniale a longtempsprvalu gauche, au nom de la dfense desprincipes rpublicainsAbsolument. Le principe a mme subsist

    jusquau XXe sicle. Cest une particularit fran-aise. Les premiers migrants sont arrivs aprs laGrande Guerre, qui avait mobilis plus dun mil-lion dhommes issus des quatre coins du monde,aussi bien comme soldats que comme travail-leurs (Chinois, coloniaux, afro-amricains, Aus-traliens).Lhistoire des rapatris est elle-mme trs com-plique. Plus de deux millions dappels nont pasrussi sinsrer dans la socit franaise, aprsla guerre dAlgrie. Et ne parlons pas des Harkisque nous avons abandonns dans les massifs fo-restiers. Lvocation du nom de Charles Martel,pour parler de la nation franaise, ne doit riennon plus au hasard. Et ce, parce quil ne serait riensans les invasions arabes, en croire lhistorienHenri Pirenne. Notre rapport lAutre commence

    en 718-719 et stend ensuite sur treize sicles ence qui concerne les Arabo-Orientaux, il remonteau Code noir en ce qui concerne les Afro-Antillais,dans lhexagone. Ces histoires sont longues, com-plexes et pourtant invisibles.

    lheure o la socit se racia-lise , les partis politiques et leslus ont un rle social jouer.

    charge pour eux duser de pda-gogie pour vacuer la peur delautre et accepter le principe dumtissage.

    Si nous ne sommes plus dans les dbats du XIXesicle ou de ceux de la Guerre dAlgrie, les scoriesdu pass demeurent. Les travailleurs italiens ouespagnols ont choisi, pour la plupart, de venir tra-vailler en France. Les travailleurs coloniaux, non.

    Ils nappartiennent donc pas au mme rcit . Cestce qui fait le particularisme franais et notre g-

    nration va devoir grer ce quun historien am-ricain appelle les claboussures impriales .Les politiques publiques, nos raisonnements, doi-vent intgrer nos multiples hritages.

    Ne convient-il pas de remettre en perspectiveles principes de citoyennet et dimmigra-tion, en France, quelques semaines dudbut des commmorations de la PremireGuerre Mondiale ?Dans les tranches de 1914, il ny avait plus decouleur sous la boue. Cest une parabole, assu-rment, mais cest la premire fois, devant lamort, que lgalit fut une ralit. Dans cet im-mense enfer, une autre histoire sest crite. Il fauten parler. Noublions pas que nous avons faitappel alors aux soldats de lEmpire, sous lacontrainte pour certains, au nom dun droit duplus fort, du colonisateur. Certains dentre euxsont morts pour la France, au mme titre que lesBretons, les Savoyards et les Basques. Au mmemoment, plusieurs dizaines de milliers dimmi-grs sont venus travailler dans les usines. a napas t facile. Et, on ne saisit pas suffisammentlimportance de la part prise par ces troupes indi-gnes, au-del du mythe du Tirailleur sngalaisou de la chair canon. Cette prsence sest avre

    dcisive et cent ans aprs, elle est pour nous sy-nonyme de diversit aussi.Ensemble, quelque part, quelque chose sestconstruit qui a fait lunit franaise. Il est dautantplus important de le signaler que nous ne profi-tons pas suffisamment de ces commmorationspour rappeler combien lapport de ces popula-tions sest rvl dcisif, un moment-cl de notrehistoire. Les instants dcisifs et les rcits patrio-tiques sont indispensables pour btir une nationcommune. Il est important de retrouver lide de

    la France pour gagner. Faute de lassumer, la si-tuation du pays na cess de se dgrader au coursdes trente dernires annes. Tant et si bien que denombreux jeunes issus des quartiers populaires- ou des outremers - se sentent de moins enmoins franais. Du coup, nous nassumons plusnotre diversit. Il faut donc raconter lhistoire, d-velopper nos politiques publiques, intgrer lespopulations doutremers.La gauche doit porter ces valeurs, en btissant lacitoyennet et en construisant la France de de-

    main. Les immigrs sont jamais intgrables la Nation. La vision ethnicise du monde na rien

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    voir avec cela. lheure o la socit se racia-lise , les partis politiques et les lus ont un rlesocial jouer. charge pour eux duser de pda-gogie pour vacuer la peur de lautre et accepter

    le principe du mtissage. Rien ne sera facile,dautant que dix sicles dimages ngatives sontderrire nous, depuis les Croisades. Les rcentes

    agressions dont Christiane Taubira a t victimeen tmoignent. Cest un travail sur soi-mme.Dsormais, il nous faut apprendre collective-ment aimer notre pays et dpasser nos

    peurs. Rien ne sera possible sans un grand pro-jet. Sans un partage de nos histoires com-munes dsormais.

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    Bretagne : tous mobilisscontre la crise !

    Premire rgion agroalimentaire de France, laBretagne doit faire face une importante concen-tration de plans sociaux propres ce secteur. Le

    gouvernement na pas tard ragir, en propo-sant un pacte davenir, dont lenveloppe sera ver-se directement aux entreprises en difficult. Surle terrain, tat et collectivits territoriales font letravail.

    Longtemps, la Bretagne a manifest un grand dy-namisme dans le paysage conomique franais.

    Jusquen 2012 o, dans un contexte global de ra-lentissement de lactivit et de rcession de la zoneeuro, elle a subi de plein fouet les effets de la crise.Avec, la cl, de fortes destructions nettes dem-plois qui ont accompagn, ici comme ailleurs, ladgradation du march du travail. 6 000 postesont ainsi t supprims dans les secteurs mar-

    chands sur un an, occasionnant des pertes sup-rieures celles observes pour la moyenne desrgions. Tant et si bien que prs de 19 000 emploisont t dtruits, depuis la crise de 2008. Piliers delconomie rgionale, les secteurs agroalimentaireet automobile vacillent, tandis que lintrim et laconstruction, secteurs trs conjoncturels, subis-sent des reculs sensibles.

    Il faut inventer le modle duXXIe sicle, souligne le prsidentdu Conseil gnral des CtesdArmor, Claudy Lebreton. Et cenest pas seulement le problmedes agriculteurs. Il faut crer unmodle qui soit acceptable parlensemble de la communautbretonne. Comme pour dautres

    rgions, limage du Nord, aprsla fermeture des mines, ces p-

    riodes de changement, de transi-tion sont difficiles. Et la diff-rence dautres lus, je ne pense

    pas quil faille desserrer ltreinteenvironnementale.

    Dans ce contexte, le march du travail est atone,tandis que les difficults sociales saggravent.Daprs lInsee, les hausses du nombre de deman-deurs demploi, du taux de chmage et dalloca-taires du RSA sont aujourdhui plus svres quedans le reste de lHexagone. Enfin, le recul de laconstruction dhabitats et des immatriculations yest particulirement sensible.

    Ragir vite. Responsables conomiques, repr-sentants des organisations syndicales, lus et par-

    lementaires restent toutefois mobiliss pour sortirla rgion de lornire. Avec lambition de prparerle pacte d'avenir que le gouvernement a prpar.15 millions deuros seront ainsi immdiatementdisponibles pour les entreprises en difficult, 100millions pour lachvement de la mise deuxvoies de la RN 164, dite route de lagroalimen-taire , dici 2020, et 65 millions pour le haut dbit.Dans le mme temps, le ministre en charge delAgriculture, Stphane Le Foll, vient dannoncerque la part de la Bretagne dans la future PAC pas-

    sera de 175 368 millions deuros sur sept ans.Avec lambition de lui insuffler un nouveau souf-fle.

    Il faut inventer le modle du XXIe sicle, soulignele prsident du Conseil gnral des Ctes dArmor,Claudy Lebreton. Et ce nest pas seulement le pro-blme des agriculteurs. Il faut crer un modle qui

    soit acceptable par lensemble de la communautbretonne. Comme pour dautres rgions, limagedu Nord, aprs la fermeture des mines, ces p-riodes de changement, de transition sont difficiles.Et la diffrence dautres lus, je ne pense pasquil faille desserrer ltreinte environnementale.

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    Ce qui vaut pour lagriculture vaut pour dautresactivits. Llu mise donc sur la diversification,en sappuyant sur lexistant. commencer parlartisanat, le secteur du btiment, le commerce

    et les services. Sans oublier lconomie socialeet solidaire, ou bien encore les services la per-sonne, lconomie numrique et les systmesde transport intelligents qui participent delamnagement du territoire. Ni mme lco-nomie turquoise , autour des ports de plai-sance, de la pche, du tourisme et delagriculture, sur un primtre gographiquequi compte quelque 270 km de ctes.

    Rsurgence identitaire. Il y a urgence, dau-tant quici, comme dans le reste de la rgion, leFN prospre sur le front contestataire. Lequelprend assise, pour lheure, sur des mouve-ments rgionaux, au premier rang desquels fi-gurent les Bonnets rouges . Inquitude marque, frag-mentation et recomposition de la socit, effa-cement des repres, discrdit du politiqueAutant de traits qui se retrouvent dans ce mou-vement qui prend appui sur la rvolte qui agitala Bretagne, en 1675, contre les taxes imposespar Louis XIV. Difficile, cependant, didentifier

    clairement cet agrgat qui rassemble le Medef,FO, le NPA, lUDB, lUnion professionnelle arti-sanale et le FN. Force est de constater quilchappe, pour lheure, aux grilles danalyse tra-ditionnelles. Ce, mme sil parat clairement ins-trumentalis par les lobbies patronaux delagriculture et de lagroalimentaire qui bnfi-cient pourtant de fortes subventions publiques.La pauvret des discours tenus le 2 novembredernier, Quimper, peinant dpasser laller-

    gie fiscale et la dnonciation de boucs mis-

    s a i r e s p a r i s i e n s o u b r u x e l l o i s , e s tsymptomatique dune indigence politique quiinterdit les classifications htives , constatelessayiste Eric Dupin, dans un article publi, le6 novembre, sur le site Slate.fr. Les salaris delabattoir de poulets Tilly-Sabco se sont mobili-ss, ainsi, avec lappui de leur PDG pour deman-der le rtablissement des subventionseuropennes lexportation pour faire frontface la concurrence des volailles bas cotsextra-europens. Le refus du dumping so-

    cial tolr par lEurope est un slogan qui reve-nait en boucle Quimper , ajoute Eric Dupin.

    Dans le viseur, Paris et Bruxelles, peruscomme les instruments aveugles dune rgledu jeu conomique insupportable. Sensuit unedfiance du politique, dont laffaire de lcotaxe

    est la traduction. Au-del, la nouvelle rvoltedes bonnets rouges est aussi une protestationcontre le sentiment de dpossession engendr

    par une mondialisation dbride , renchritlessayiste.

    Lorsque la crise conomiquesamplifie, et que tout le modleconomique breton est mis en

    pril, le souffle de la rvolte re-

    noue avec les vieilles traditionsantitatiques et les ancienneshumiliations .Pierre Vermeren, professeurd'histoire contemporaine l'Universit Paris 1.

    Danger frontiste. Lorsque la crise cono-

    mique samplifie, et que tout le modle cono-mique breton est mis en pril, le souffle de larvolte renoue avec les vieilles traditions anti-tatiques et les anciennes humiliations , ana-lyse, pour sa part, Pierre Vermeren, professeurd'histoire contemporaine l'Universit Paris1 (1). Aprs la pche et lagriculture, le tourismeet lagroalimentaire sont entrs en rcession,

    tandis que lEtat et lindustrie poursuivent deconcert leurs restructurations (automobile, lec-tronique, chantiers navals). Or, la Bretagnereste trs peuple, dautant que des centainesde milliers de Bretons de Paris ou leurs descen-dants sont revenus au pays, sans solution deretour. Or, dans ces populations, la coupureavec lhritage chrtien-dmocrate a fait dispa-ratre le tabou du vote Front national. Un autre facteur pourrait changer la donnelectorale. Depuis les annes 2000, la Bre-tagne, qui tait jusqualors la rgion la moinsconcerne de France par limmigration interna-tionale, est en passe de rattraper son retard ,prvient luniversitaire. La politique nationale

    du ministre de lIntrieur, qui rpartit la chargemigratoire annuelle dans les dpartements

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    de faible immigration, les grandes villes bre-tonnes - Nantes, Rennes, Brest, Saint-Brieuc -

    sont dsormais dotes de populations migrantesmaghrbines, afro-antillaises et est-europennes.

    Au moment o une partie de la population desbourgs, faute demplois, tente de refluer vers descapitales rgionales en crise, la concurrence sexa-cerbe pour le logement, les aides et lemploi . Unesituation qui pourrait donner une influence au FN,toujours prompt surfer sur le chmage, la criseagricole, industrielle et culturelle. De ce point devue, la lutte des Bonnets rouges est sansconteste un signal prilleux pour les autorits na-tionales et locales en place , affirme Pierre Ver-meren.

    En Bretagne, comme sur le restedu territoire, les lecteurs en proieau doute qui envisagent au-

    jourdhui de voter FN ne portentque peu de crdit aux solutions

    proposes par Marine Le Pen. Ilsexpriment une souffrance, des

    craintes, parfois mme des peurssur lesquelles lextrme droitejoue dangereusement.

    Jusquici, le parti dextrme droite sest toujourssitu nationalement dans une fourchette de5 10 %, lexception de la prsidentielle o il arecueilli 15 % des suffrages. Des rsultats quilpourrait bien nouveau atteindre, en mars pro-chain, loccasion des lections municipales. Ce,dautant plus que la pratique religieuse nest plusun rempart au vote frontiste. Le FN a ainsi pro-gress de sept points parmi les catholiques prati-quants, entre 2007 et 2012. Ce parti peut doncesprer capter des votes parmi des lecteurs de

    gauche qui ont t choqus par le mariagehomo et des lecteurs de droite dus des revi-rements de lUMP sur cette question, prvient Guil-laume Bernard, matre de confrences lInstitutcatholique dtudes suprieures (ICES) (2). Des rai-

    sons conomico-sociales peuvent expliquer lapossible progression du FN : laugmentation des

    prlvements obligatoires peut tre vcue commeconfiscatoire et les normes europennes - en par-

    ticulier dans le domaine de lagriculture et de lapche - peuvent tre juges liberticides. Les diffi-cults constituer des listes nen demeurent pasmoins relles pour ce parti, dans une terre de

    modration catholique o les enjeux locaux pri-meront, nen pas douter, sur les politiques natio-nales.

    Offrir des perspectives. En Bretagne, commesur le reste du territoire, les lecteurs en proie audoute qui envisagent aujourdhui de voter FN neportent que peu de crdit aux solutions proposespar Marine Le Pen. Ils expriment une souffrance,des craintes, parfois mme des peurs sur les-quelles lextrme droite joue dangereusement. Ilsvivent souvent dans les zones priurbaines et ru-rales, cette France priphrique o vit dsormais65 % de la population. Loin du dynamisme desvilles et des mtropoles. Comment ne pas dplo-rer, dans ces conditions, le jeu auquel se livrent ceslus de droite qui nassument pas leurs choix pas-ss sur lcotaxe et, pire, profitent de la passe diffi-cile que traverse la Bretagne pour attiser lestensions conomiques et sociales que traverse lepays ?

    La dmocratie ne se construit pas par la violenceni par le chantage, tempre la dpute du Finis-

    tre, Patricia Adam. Imposer des ultimatums, serfrer aux symboles historiques des fins mal-honntes, utiliser les salaris en dtresse commebouclier ne peut tre quun jeu dangereux. vitonsla confusion des causes et des solutions. La Bre-tagne innovante et volontaire constitue une bellepromesse davenir, veut-elle croire. Des perspec-tives existent bel et bien dans notre rgion, que ce

    soit pour les piliers de son industrie traditionnellecomme pour les secteurs industriels mergents -nergies nouvelles, biotechnologies Je suis

    convaincue que la Bretagne saura, une fois deplus, faire la diffrence par ses nombreux atouts. Sans doute le meilleur moyen de prvenir toutetentation radicale, en donnant du souffle ce ter-ritoire en qute de renouveau.

    Notes :1) atlantico.fr, 29 octobre.2) atlantico.fr, 30 octobre.

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    Comment interprtez-vous la raction desBretons face la situation difficile quils tra-versent aujourdhui ?La Bretagne a ragi sur un sujet qui ntait pasanodin. Il est difficile de comprendre les vne-ments qui sont survenus rcemment, sans sai-sir le motif de ces manifestations. Ce qui est encause, cest lagrgation des insatisfactions qui

    explique le caractre confus des revendications.La cristallisation du mcontentement est laconsquence du combat men de longue date,pour le dsenclavement du territoire. Il sagit ldun facteur essentiel pour son dveloppement.Au-del des moyens employs, ce sujet a tou-

    jours t un thme dunit nationale. Ds lorsquil est vcu comme une rgression, il ne peutquattiser les rancurs, en jouant un effet deloupe.

    Jobserve, par ailleurs, quune partie de lindustrieagroalimentaire bretonne a t confronte deserreurs stratgiques qui ne sont pas imputables

    ltat. Il y a eu beaucoup de retard dans les d-cisions, en lien avec une accumulation dhsita-tions. Sans doute aussi des opportunitspolitiques saisir, pour certains. Les vnementsse sont enchains brutalement, au cours du pre-mier semestre 2013. Avec le sentiment quunepartie de la Bretagne saffaissait, dans son sin-gularisme, sur fond de mise mal dune indus-

    trie quon a longtemps cru non dlocalisable.Personne nimaginait que les cochons pour-raient tre abattus un jour en Allemagne. Beau-coup de certitudes ont donc t battues enbrche, avec les fermetures dabattoirs qui nesont pas sans rappeler celles des puits miniers,en Lorraine. Tant et si bien que lhorizon sestobscurci en peu de temps. Il sest traduit ensuitepar une raction collective, mais sporadique.

    Y a-t-il une rupture de fond entre ltat et laBretagne, cristallise autour de lcotaxe ?Non. Lhistoire de la Bretagne se rsume une

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    POINT DE VUE

    La cristallisation du mcontentement est laconsquence dun combat men de longuedate, pour le dsenclavement du territoire

    Jean-Jacques Urvoas estdput de la 1re circonscription du Finistre.

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    fidlit sans faille ltat et une vraie loyaut largion. Il ny a donc pas de sentiment sparatiste.Pas plus quil nexiste daspiration majoritaire lautonomie. Il y a, cependant, un trs fort senti-ment rgionaliste qui sest forg dans la relation

    ltat, aux sens rgalien et militaire du terme. Quilsagisse du Finistre ou du Morbihan, la place delindustrie de larmement est trs forte.Les grands mouvements de modernisation ontdonc toujours relev de la souverainet de ltat.Lorsque le Gnral de Gaulle a prononc son der-nier grand discours Quimper, en 1969, ctaitpour annoncer le dsenclavement de la Bretagne.Celle-ci sait donc ce quelle doit ltat. Les prfec-tures sont dailleurs de toutes les manifestations,du fait de cette relation si particulire. Noublions

    pas, non plus, que cette rgion vote massivement, chaque scrutin. Il ny a donc pas de rupture, maisune exigence qui est une forme de lgitimit.

    Le moment me parat opportunpour franchir une nouvelle tapedans le processus de dcentralisa-tion, en veillant au renforcementdes pouvoirs locaux.

    Les bonnets rouges pointent la responsa-bilit de ltat dans son incapacit endiguerla crise de lagroalimentaire breton. Que leurrpondez-vous ?Il est difficile didentifier les bonnets rouges .Il ne sagit pas dun mouvement politique, pro-prement parler, dans la mesure o la cohrencefait dfaut. Ceci tant dit, il ne faut pas reprocher ltat des stratgies qui relvent des seules dci-sions patronales. Sans compter que les cinq entre-

    prises qui ont focalis lattention, dernirement, setrouvent dans des situations trs diffrentes lesunes des autres. Lusine de production de saumon,Marine Harvest, situe dans le centre de la Bre-tagne, appartient ainsi un groupe norvgien quia pris la dcision de la fermer, au nom dune lo-gique de redploiement industriel qui na rien voir avec la couleur politique du gouvernement.Lorsquune autre se trouve en situation de redres-sement, elle le doit au cot de la monnaie brsi-lienne, et non des considrations politiciennes.Et quand les abattoirs Gad subissent les effetsdune baisse de volumes de la filire porcine, ltat

    nentre nullement en ligne de compte. Et ce, mmesil lui incombe ensuite de prendre en charge laformation des personnes qui se trouvent en situa-tion de licenciement. Le gouvernement Ayrault adailleurs engag un plan davenir qui se concentre

    sur la filire agroalimentaire, en sappuyant sur larecherche-dveloppement. Ltat est donc un par-tenaire prsent et disponible. Mais, ce nest pas lui de dfinir lagenda de la Bretagne. Le pacte nestpas un octroi, mais laboutissement dun dialogue. charge, pour la rgion, de cibler les domainesdactivits appels faire lobjet dun accompagne-ment spcifique.

    Ny a-t-il pas un risque que sancre le fata-lisme, lide quon ne peut rien faire ?

    Il y a, en tout cas, le risque de faire porter ltatune responsabilit qui nest pas la sienne. Le mo-ment me parat opportun pour franchir une nou-velle tape dans le processus de dcentralisation,en veillant au renforcement des pouvoirs locaux.Comme le disait justement Franois Mitterrand, laFrance a eu recours la centralisation pour sefaire. Aujourdhui, elle a besoin de la dcentralisa-tion pour ne pas se dfaire. Les diffrences entrergions sont suffisamment importantes pourquon donne ces collectivits les moyens de faire

    face la crise. Autant lcotaxe tait une mesurequi, pour les Bretons, a pu paratre inacceptable,autant dautres territoires sont disposs la mettreen uvre. Ceci suppose que lon intgre, dans laConstitution, le droit lexprimentation.

    Faut-il redouter un vote sanction ?Le vote frontiste ne sexplique pas, proprementparler, par des considrations locales, mme silny a aucune raison de penser que la Bretagnechappe la monte en puissance de ce parti, lchelle nationale. Pour quil y ait un vote sanc-tion , il lui faut un potentiel de candidats quil nepossde pas, pour lheure. Le dpartement du Fi-nistre, qui compte quelque 283 communes, nen-registre gure ainsi quune liste frontiste officielle, Brest. Si ce parti possde un rel potentiel lecto-ral, il nen manque pas moins de troupes. Je necrois dailleurs pas que les motivations lies auvote seront fondamentalement diffrentes, en Bre-tagne, de celles qui prvalent en Aquitaine ou enMidi-Pyrnes. Il y aura sans doute un vote de pro-testation, mais je ne crois pas dans un mouve-

    ment de bascule favorable la monte enpuissance du populisme.

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