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R e g a r d s s u r l a d r o i t e 19 novembre 2013 - n° 28 Lettre éditée par la cellule Veille et Riposte du Parti socialiste É to NOTE DE VEILLE ET RIPOSTE SUR LA SITUATION DE LA DROITE ET DE L EXTRÊME-DROITE 1 Le retour des Ligues ? L’agitation que connaît le pays est multiforme. Nous ne sous-estimons pas les expres- sions des dicultés quotidiennes pour beaucoup de français qui ne connaissent que la crise depuis plus de dix années. Mais, il y a aussi la main d’ éléments radicalisés qui contestent tout simplement la légitimité de la gauche - aujourd’hui, principalement les socialistes - à gouverner. Cela inclut évidemment le Front national, mais cela le dépasse aussi. Militants catholiques activistes, petits patrons, groupes identitaires, retraités frontistes, adhérents UMP e n voie de droitisation extrême… Toutes ces caté- gories sont à la pointe, dans nombre de manifestations. Trop d’ entre nous avaient peut être oublié la violence qui caractérise le fond de notre vie politique. Il n’y a pas un gouvernement de gauche depuis le début du XXème siècle qui n’ait été d’emblée contesté par des mouvements extrémistes. Les ligues catho- liques, lors du Cartel des Gauches, en 1924, les ligues encore - dont certaines claire- ment fascistes - dans les années 1930, le poujadisme, en 1956, la radicalisation contre l’Ecole publique, en 1984, le Front national, depuis, et les contestations actuelles, le montrent aisément. À chaque fois, la mise en cause de la légitimité de la gauche à gouverner s’accompagne d’une droitisation extrême des idées, d’une volonté d’ exclu- sion des étrangers, de sentiments contraires aux principes républicains. Chaque situation, évidemment, obéit à des déterminations propres, et il faut se garder de généralités comme toute réponse. Ce qu’il faut avoir présent à l’esprit, c’est que la dynamique de ces mouvements peut déboucher sur un climat durable de conictua- lité. Il importe, donc, d’agir simultanément sur trois registres. D’abord, être d’une grande fermeté sur les valeurs et les principes républicains. Ne rien laisser passer - comme cela aurait dû l’être encore plus fortement face aux agressions dont est vic- time Christiane Taubira. Ensuite, travailler à incarner visiblement - nous, les socialistes - la représentation de ce qu’est (et doit être) la France humaniste qui porte un message de liberté et d’égalité pour tous ses habitants. Cela suppose de mener une bataille culturelle et idéologique qui a nécessairement des conséquences sur nos politiques qui doivent toujours avoir pour perspective de réduire les inégalités. Enn, déterminer une vraie priorité pour l’em ploi et faire en sorte que toutes nos politiques aient ce but dans la période. Alain BERGOUNIOUX

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19 novembre 2013 -n° 28

Lettre éditéepar la cellule Veille et Ripostedu Parti socialiste

É to

NOTE DE VEILLE ET RIPOSTE SUR LA SITUATION DE LA DROITE ET DE L !EXTRÊME-DROITE 1

Le retour des Ligues ? L’agitation que connaît le pays est multiforme. Nous ne sous-estimons pas les expres-sions des difficultés quotidiennes pour beaucoup de français qui ne connaissent quela crise depuis plus de dix années. Mais, il y a aussi la main d’éléments radicalisés quicontestent tout simplement la légitimité de la gauche - aujourd’hui, principalementles socialistes - à gouverner. Cela inclut évidemment le Front national, mais cela ledépasse aussi. Militants catholiques activistes, petits patrons, groupes identitaires,retraités frontistes, adhérents UMP en voie de droitisation extrême… Toutes ces caté-gories sont à la pointe, dans nombre de manifestations.

Trop d’entre nous avaient peut être oublié la violence qui caractérise le fond de notrevie politique. Il n’y a pas un gouvernement de gauche depuis le début du XXème sièclequi n’ait été d’emblée contesté par des mouvements extrémistes. Les ligues catho-liques, lors du Cartel des Gauches, en 1924, les ligues encore - dont certaines claire-ment fascistes - dans les années 1930, le poujadisme, en 1956, la radicalisation contrel’Ecole publique, en 1984, le Front national, depuis, et les contestations actuelles, lemontrent aisément. À chaque fois, la mise en cause de la légitimité de la gauche àgouverner s’accompagne d’une droitisation extrême des idées, d’une volonté d’exclu-sion des étrangers, de sentiments contraires aux principes républicains.

Chaque situation, évidemment, obéit à des déterminations propres, et il faut se garder 

de généralités comme toute réponse. Ce qu’il faut avoir présent à l’esprit, c’est que ladynamique de ces mouvements peut déboucher sur un climat durable de conflictua-lité. Il importe, donc, d’agir simultanément sur trois registres. D’abord, être d’unegrande fermeté sur les valeurs et les principes républicains. Ne rien laisser passer -comme cela aurait dû l’être encore plus fortement face aux agressions dont est vic-time Christiane Taubira. Ensuite, travailler à incarner visiblement - nous, les socialistes- la représentation de ce qu’est (et doit être) la France humaniste qui porte un messagede liberté et d’égalité pour tous ses habitants. Cela suppose de mener une batailleculturelle et idéologique qui a nécessairement des conséquences sur nos politiquesqui doivent toujours avoir pour perspective de réduire les inégalités. Enfin,déterminer une vraie priorité pour l’emploi et faire en sorte que toutes nos politiques

aient ce but dans la période. Alain BERGOUNIOUX

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 L'alternative, réconciliation ouamorce d'une double méprise

Le rapprochement entre le Modem de François Bay-rou et l'UDI de Jean-Louis Borloo, sous la bannière"l'Alternative", est intervenu le 5 novembre. Cette nou-velle donne politique résulte d'intenses discussionsmenées depuis plusieurs semaines entre les deuxformations.

La fin d'une brouille de onze ans. Cette initiativemet fin à plus de onze années de séparation et debrouille dont la cause majeure remontait aux condi-tions d'éclosion de l'UMP, en 2002, à l'initiative de

 Jacques Chirac, sous l'égide d'Alain Juppé. Une partiede l'UDF, emmenée par François Bayrou, avait alorsexprimé sa profonde défiance à l'égard de ce qui luiapparaissait comme une forme de prolongementpar d'autres moyens, de l'Etat RPR et de la propen-sion de celui-ci à l'hégémonie.

 Jean-Louis Borloo a été ministre, de 2002 a 2010, ausein de la plupart des gouvernements UMP, avec lesecret espoir, finalement déçu, d'accéder à Matignon.François Bayrou a cherché simultanément à relever le défi de l'autonomie de la famille centriste et démo-

crate-chrétienne, au nom d'un improbable « ni degauche-ni de droite ». À la faveur de cette posture,il est parvenu à se hisser à la troisième place del'élection présidentielle de 2007, en réalisant 18,5 %des suff rages exprimés, soit un score nettement su-périeur à celui obtenu par Jean Lecanuet - 15,5 %, le5 décembre 1965 -, lors du premier tour du premier scrutin présidentiel au suff rage universel direct.

L'accord du 5 novembre dernier traduit une forme de retour aux 

 sources pour François Bayrou.Le contenu est très explicite sur ce point, marquant l’abandonde la stratégie du « ni droite-ni

 gauche », au profit d'un retour au schéma de pensée tradition-nel du centre-droit en France.

En 2012, il a appelé à voter en faveur de François Hol-lande trois jours avant les élections du 6 mai 2012,

marquant ainsi une volonté d'innovation indéniableau regard des pratiques et de la culture de son cou-rant politique.L'accord du 5 novembre dernier traduit une formede retour aux sources pour l'ancien député desPyrénées-Atlantiques. Le contenu est très explicitesur ce point, marquant l’abandon de la stratégie du« ni droite-ni gauche », au profit d'un retour auschéma de pensée traditionnel du centre-droit enFrance. L'ancien ministre de l'Éducation d'EdouardBalladur, puis, d'Alain Juppé, son vieux compliced'Aquitaine, témoigne ainsi de son incapacité àtransformer une intuition incontestable et une intel-ligence politique manifeste en une stratégie durable.La démarche d'émancipation vis-à-vis de la droitesemble s'être arrêtée nette. L'élan parait désormaisbrisé.

Le retour du Centre-droit. Cette alliance « l’Alter-native », conclue avec Jean-Louis Borloo, sonnecomme un retour "à la case départ", celle de l'UDF,trente-cinq ans après la première initiative. Elle s'ins-

crit dans le lointain prolongement de la traditionMRP incarnée au fil des décennies par Jean Lecanuet,Alain Poher, Jacques Duhamel ou Jacques Barrot.La reconstitution d'une force politique de centre-droitest donc engagée. Jusqu'où ? Et surtout, jusqu'àquand ? Le courant incarné par Jean-Louis Borlooreprésente une forme de dépit à l'égard de l'UMP, deses pratiques et de ses querelles. Celui de FrançoisBayrou traduit par le geste même, l'impuissance àpromouvoir une ligne stratégique, au-delà descontretemps inhérents à la vie publique.Ce rapprochement, encore improbable au début de

cette année, reste entaché de vraies zones grises etde lourdes interrogations. La principale concerne évi-demment l'échéance électorale présidentielle duprintemps 2017. Quelle attitude vis-à-vis de l'UMP etde son candidat, en particulier, au premier tour ? Quelle procédure de désignation interne propre à cenouveau regroupement ? Avec le concours dequelles forces militantes et sympathisantes ?Sachant que Jean-Louis Borloo s'est taillé une spé-cialité de reculer devant l'obstacle électoral présiden-tiel, en dépit de déclarations préalables toujoursvolontaristes, tandis que François Bayrou engageraitlà, sa quatrième tentative. Cette interrogation parait

d'autant plus cruciale que l'inversion du calendrier reste, a priori, de mise, sauf imprévu, et que le ren-

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dez-vous présidentiel fixe, en général, les contoursde la configuration parlementaire suivante et lesens des résultats des élections législatives.Il faut rappeler que la stratégie dite de la Troisièmeforce, pierre angulaire de la IVème République, de-meure incompatible avec les ressorts de la VèmeRépublique. Le scrutin majoritaire uninominal àdeux tours - exclusif ou prédominant, en cas d'ins-tillation de mode de scrutin proportionnel - et l'élec-tion du Président de la République au suff rageuniversel direct, assorti de la seule présence dedeux candidats au second tour, interdisent toute vé-ritable marge de manœuvre.D'ores et déjà, l'alliance du MODEM et de l'UDI setrouve confrontée, pour cette raison même, à desincertitudes et des risques de grandes divergencessur le terrain dans la perspective des élections mu-nicipales de mars prochain. Quelle attitude de pre-

mier tour ? Quelles fusions de second tour ? Quelsajustements au regard des gestions municipales etdes accords sortants ? Même si l'hémorragie estréelle, depuis une décennie, l'espace politique ducentre-droit reste un cadre d'élus, qui entendentbien conserver leurs mandats et exercer leur légiti-mité politique, à partir des territoires.

La nature déteste le vide. Alors, pourquoi cettereconstitution du centre-droit ? Pourquoi cette ten-tative de "remake" de l'UDF, plus de trois décenniesaprès ? Et pourquoi maintenant ? La radicalisation,

à droite, de l' UMP, de ses multiples leaders, commede ses militants et de certains de ses électeurs, re-présente l'explication essentielle. Les crispations in-testines de l'UMP, en particulier, depuis le congrèsde novembre 2012, ont fait le reste. Ainsi, un espacepolitique s'est ouvert. De plus, la confusion interneà l'UMP lui retire progressivement sa force d'attrac-tion et libère des capacités d'initiative inhibées de-puis plus d'une décennie. La dérive de l'UMP,comme cause majeure du regroupement Modem-UDI doit être clairement identifiée. Le "ni-ni" invoquépar la quasi totalité des responsables de l'UMP, encas de second tour opposant un candidat du PS à

un candidat du FN, montre que cette formation setrouve désormais dans l'incapacité d'indiquer pré-cisément ce qui relève de la République et ce quin'en a jamais relevé.La prise en compte des thèmes identitaires fondéssur le repli, le rejet, la peur de l'autre et de l'étranger,en particulier, confirme qu'il se passe quelquechose de grave à l'UMP, depuis le débat portant sur "l'identité nationale" initiée par Brice Hortefeux etNicolas Sarkozy, avec la caution de François Fillon.La récente mise en cause du droit du sol par Jean-François Copé, approuvée par tous les hiérarques

de l'UMP, y compris Alain Juppé, éloigne de l'espritdu gaullisme, mais aussi de celui issu du MRP.

Entre les droites républicaines, d'une part, et la lo-gique de l'extrême droite, d'autre part, il y avaitpourtant historiquement, depuis 1945, l'expressionet le respect de la citoyenneté.

Le développement des reflexesde peur, la nostalgie d'un prétendu « âge d'or », l'aigreur « identitaire", l'intime convic-tion, dans tous les discours,d'un déclin inéluctable du

 pays, brandie comme unultime acte de lucidité auto-

 satisfaite, laissent à penserque l'UMP ne se comporte plusen parti de gouvernement.

L'alignement de plus en plus explicite de la droitede l’UMP sur les thèses du Front national, au pointde sacrifier au mythe et à l'illusion de « l’immigra-tion zéro », au coeur de l'Union européenne, jette letrouble et pose la question de la cohérence poli-tique. Le développement des reflexes de peur, lanostalgie d'un prétendu « âge d'or », l'aigreur

« identitaire", l'intime conviction, dans tous les dis-cours, d'un déclin inéluctable du pays, brandiecomme un ultime acte de lucidité auto-satisfaite,laissent à penser que l'UMP ne se comporte plus enparti de gouvernement. Et qu'il faut, par consé-quent, lorsque l'on raisonne avec les références etle langage d'une droite conservatrice, construireautre chose. Le pari de plus en plus explicite des di-rigeants de l'UMP sur l'échec du pays, pour justifier une intuition déclinante, coute que coute, n'est pasun programme de gouvernement.

Une protestation plus qu'une alternative. Fran-çois Bayrou, pour le Modem, comme Jean-LouisBorloo, pour l'UDI, l'ont bien compris et ont entre-pris d'en tirer les conséquences. Presque dans laprécipitation. Leur ressort profond n'est pas celuidu déclin, mais du progrès. Leur penchant huma-niste les détourne l'un et l'autre du pessimisme vis-à-vis de la nature humaine et de l'avenir de leur pays.En dépit de désaccords sérieux avec la gauche,mais aussi entre eux, ils demeurent attachés auxvaleurs de laïcité et de République. Ils pensent quel'ouverture au monde reste la meilleure chance dedéveloppement et de progrès et un choix ambitieuxde civilisation. Ils ne sont pas prêts à accepter le

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discours et la pratique du  « ni-ni » ou « du moins sectaire », formule hypocrite et dangereuse pour donner carte blanche à toutes les connivences. FN-UMP sur le terreau idéologique du premier nommé.Certes Jean-Louis Borloo a "omis" de démissionner du gouvernement Fillon, après l'amorce du débat

sur "l'identité nationale" ou au lendemain du dis-cours de Grenoble du 30 juillet 2010. Toutefois, il s'estdécidé à quitter cette embarcation incertaine, en no-vembre 2010, soit 18 mois avant l'échec électoral dela droite.

Le rapprochement Modem-UDIrésulte aussi de l'a ff aissement de l'UMP comme force d'attrac-tion après son double échec du

 printemps 2012, mais, surtout,depuis son congrès raté denovembre 2012. L'absence deleaders reconnus, la bataille"des chefs", l'hypothèque Nico-las Sarkozy, la multiplicationdes pré-candidatures aux pri-

maires annoncées pour 2016,témoignent d'une faiblesse po-litique et d'une perte de capa-cité à attirer et à rassembler.

Ils confirment l'un et l'autre, leur engagement euro-péen et leur penchant commun pour un fédéra-lisme volontiers intégrateur, au nom d'une Europepolitique qu'ils appellent de leurs voeux. Ce schémales écarte, l'un comme l'autre de tout sentiment destigmatisation de l'étranger, de toute tentation de

repli derrière des frontières présentées comme ul-times garantes d'une identité immuable.Le rapprochement Modem-UDI résulte aussi de l'af-faissement de l'UMP comme force d'attraction aprèsson double échec du printemps 2012, mais, surtout,depuis son congrès raté de novembre 2012. L'ab-sence de leaders reconnus, la bataille "des chefs",l'hypothèque Nicolas Sarkozy, la multiplication despré-candidatures aux primaires annoncées pour 2016, témoignent d'une faiblesse politique et d'uneperte de capacité à attirer et à rassembler. Le "prê-chi-prêcha" ultralibéral, en matière économique et

sociale, assené à longueur d'invectives, par la direc-tion de l'UMP amplifie les doutes sur la cohérence

de cette formation, au moment où la BCE, elle-même, écarte de plus en plus de ce conformisme.En fait, cette reconstitution affichée d'un centre-droitsitué sur le flanc gauche d'une UMP de plus en plusdécalée vers l'ultra-droite, rapproche, pour l'heure,deux victimes collatérales des derniers rebondisse-

ments de la vie publique française.

Une réconciliation par défaut. Jean-Louis Borlooet l'UDI restent profondément marqués par l'échec,mais aussi le mépris manifesté par l'UMP à leur en-contre. Quant au Modem de François Bayrou il subitl'incapacité de son chef de file a fédérer et à rassem-bler les énergies sur une ligne durable, à tirer lesconséquences d'un choix courageux et solitaire,posé le 3 mai 2012, en soutenant in extremis la can-didature de François Hollande à l'élection présiden-tielle.

Faute de pouvoir construire sur des bases collectiveset collégiales une autonomie politique solide et aulong cours, l'homme qui a mobilisé 6 millions devoix sur son nom, le 22 avril 2007, en est réduit às'associer à un ancien ministre de Nicolas Sarkozy,à l'ex-avocat de Bernard Tapie, dont il a pourtant ins-truit méthodiquement le procès devant l'opinion, àpropos de l'aff aire du Crédit Lyonnais.L'hémorragie de soutiens et de concours organisés,dont l'ancien candidat à l'élection présidentielle a étévictime depuis ce jour d'avril 2007, impressionne par son ampleur. Cela semble d'autant plus paradoxalque l'homme a du talent et un coup d'oeil, maissouff re d'une difficulté récurrente à rassembler, à fé-dérer, à entrainer dans la durée. Il est probable quecette nouvelle alliance renvoie finalement auxmêmes tropismes que ceux en cours au sein de l'ex-UDF. On cherche en vain les solutions alternatives àcelles préconisées par la droite UMP sur le plan éco-nomique et social, en dépit des valeurs et référencesgénérales affichées, permettant de s'en démarquer.Les critiques mécaniques de l'action économique etsociale de la gauche perpétuent les mêmes clichéset, surtout, les mêmes impasses que ceux et cellesprofessés par l'UMP.

C'est finalement sur ce terrain là que l'on perçoit lemieux les limites d'un exercice qui relève davantaged'une protestation de principe vis-à-vis de la dérivede la droite UMP, qui inquiète, que d'un espoir off ertaux Françaises et aux Français. L'UDF, en son temps,prétendait vouloir représenter « 2 français sur 3 »pour, reprendre l'ambition proclamée par son prin-cipal inspirateur, Valery Giscard d'Estaing. Elle a finipar n'en rassembler qu'à peine 1 sur 10.

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DÉCRYPTAGE & DÉBATS

« Le Parti doit casser la logique déclinistepropre aux forces conservatrices, en se réap-propriant la notion de progrès »

 Julien Dray est vice-président du Conseil

régional d’Île-de-France, après avoir été député dela dixième circonscription de l'Essonne. Membredu Bureau national du Parti socialiste, il se livre àune analyse sans concession de la société française,à quelques mois des élections municipales et euro-péennes.

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 À moins de cinq mois des élections munici-pales, quel est l’état d’esprit de la société fran-çaise ?Dans une élection municipale, il y a deux données.L’une, locale, l’autre, nationale. La première est trèsforte. Elle apparaît favorable à la gauche, dans lamesure où les équipes en place ont beaucoup tra-

vaillé, en respectant une grande partie des enga-gements qu’elles avaient pris. Elles ont su créer d’importants liens de solidarité, en protégeant letissu associatif et en apportant de l’animationdans les villes qu’elles administrent. Elles sontdonc solides, même si elles se composent, majo-ritairement, d’élus issus de la génération de 1977,proches, aujourd’hui, de la retraite. De ce point devue, elles vont devoir veiller, en amont, à préparer leur succession. Ce, d’autant plus qu’on ne sentpas, sur le terrain, une droite localement implan-

tée, capable de présenter des personnalités sus-ceptibles de s’inscrire dans des logiques de

conquête fortes. Ceci vaut, en particulier, pour lesvilles de plus de 30 000 habitants.L’autre composante, absente des précédents scru-tins, est nationale. Les dernières références en dateremontent à 1983, ponctuées par un premier tour désastreux pour la gauche, compensées, au se-cond tour, par un vote unitaire, et 2001, avec un ré-

sultat ambigu. Les victoires remportées de hautelutte dans des municipalités à caractère symbo-lique n’ont pas suffit à compenser les eff ets de lapolitique nationale sur l’électorat des villesmoyennes.

Le contexte national pèsera-t-il ou non sur cesélections ?En cas de vote sanction, il y aura clairement dan-ger. La bataille qui s’engage devra donc porter,prioritairement, sur la valorisation des actions lo-

cales, le travail des équipes en place et la capacité,pour les listes d’opposition, à mener des politiques

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alternatives crédibles. Avec, en toile de fond, la dé-fense des réformes gouvernementales et uncombat frontal mené contre la droite et les va-leurs qu’elle incarne. De ce point de vue, le travaildu Parti et sa capacité à se muer en instrument

de mobilisation politique nationale, pèseront detout leur poids.

L’intégration est beaucoup plus avancée au sein denotre société qu’on ne lelaisse entendre. La France

 peut compter, aujourd’hui,

 sur toute une génération decitoyens issus des vaguesmigratoires, qui s’identifient 

 pleinement aux valeurs ré- publicaines et au respect deslois. Ceux-ci ont le sentiment 

 justifié d’être stigmatisés,

alors qu’ils contribuent, demanière décisive, au fonc-tionnement de la société.

Doit-on parler de « droitisation » des esprits ?Pour ceux qui ont vécu la période qui a suivi lesévénements de Mai 68, sur fond de montée enpuissance de la gauche et d’hégémonie culturelledans les milieux intellectuels, universitaires et au-près de la jeunesse, les choses ont changé. Noussommes, aujourd’hui, dans un tout autre monde.N’en concluons pas, pour autant, que la radicalitéa disparue. Je ne suis pas certain, non plus, quela jeunesse ait intégré, dans sa vie et ses espoirs,le modèle du « tout argent » et du « chacun pour soi », qu’on tente de lui imposer. Il existe donc despotentiels qui, pour l’heure, ne sont pas exploités.D’autre part, je suis convaincu que l’intégrationest beaucoup plus avancée au sein de notre so-ciété qu’on ne le laisse entendre. La France peutcompter, aujourd’hui, sur toute une génération

de citoyens issus des vagues migratoires, quis’identifient pleinement aux valeurs républi-

caines et au respect des lois. Ceux-ci ont le senti-ment justifié d’être stigmatisés, alors qu’ils contri-buent, de manière décisive, au fonctionnementde la société. Ne serait-ce que par leur investisse-ment professionnel, leurs cotisations fiscales ou

sociales. Or, la représentation politique se situedans une logique décalée, au regard de cette réa-lité. Et, je ne doute pas que le Parti socialiste au-rait tout à gagner à porter ce message, enmontrant qu’il y a bien une France nouvelle, nonantagoniste à ce qui a précédé. Dans le passé,notre pays n’a cessé de s’enrichir de vagues mi-gratoires successives qui se sont intégrées ànotre modèle républicain. Et ce, même s’il y a desrésistances et des tentatives de déstabilisation dela République, par des groupes minoritaires ex-trémistes. Mais, le décalage est réel, au regard dela réalité.

Il n’en demeure pas moins vrai qu’une partiede la société française refuse cette mutation.Absolument. Elle vit d’ailleurs dans l’angoissepermanente de cette France nouvelle, et éprouvecette sensation justifiée de perdre peu à peu sonidentité. Elle lie ce sentiment à un discours décli-niste, au nom duquel le pays auquel elle se rat-tache ne serait plus cette puissance qu’il étaitautrefois, qu’il est devenu une « sous nation », en

perte de valeurs. Ceci favorise tout naturellementla constitution d’un bloc droitier, sociologique-ment minoritaire. Il est l’incarnation d’un TeaParty à la française ou d’une White power. Or, lebloc « progressiste » n’est politiquement pas in-carné. À ce jeu, le bloc minoritaire, par sa force etsa dynamique, pourrait très bien le paralyser, enmettant à mal toute espèce d’évolution.

Est-il possible de traiter le FN spécifiquement ?Ce débat est récurrent. Avec des états d’âme per-

manents. Depuis sa création, le FN a connu deshauts et des bas. Il n’en demeure pas moins l’unedes composantes du bloc droitier que je viensd’évoquer. Qui plus est, il a clairement rebondi aucours des deux dernières années. Ce qui signifiequ’il faut s’en préoccuper très attentivement, entraitant les causes et les conséquences de samontée en puissance. Et ce, en démontrant queses dirigeants se plaisent à instrumentaliser lesmalheurs et les peurs de nos concitoyens, tout endénonçant son identité propre. Non, le FN ne s’est

pas notabilisé ! Il reste profondément marquépar une idéologie réactionnaire, extrémiste et xé-

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à la mise en œuvre d’un autre pacte social et d’uneréorganisation de la justice sociale. Or, pour l’heure,elle est sur la défensive. Une bonne équipe privilégietoujours l’attaque !

Le Parti doit fournir tous lesinstruments de formation né-cessaires pour faire de chacunun éducateur politique à part entière, où qu’il se trouve.En clair, il s’agit de combattre

l’idéologie dominante, quicampe sur des positions tota-lement inappropriées.

En quoi les idées que vous défendez sont-ellesdiff érentes de celles développées par TerraNova ? Je ne cherche pas à me diff érencier des uns et desautres. Et, pour être franc, je n’ai pas suivi, dans ledétail, les travaux de cette fondation. Je suis

convaincu, cependant, que le Parti socialiste doit sedoter d’instruments d’animation du débat culturel,par le biais de colloques, en lien avec les intellec-tuels. Il doit également favoriser l’émergence de cer-cles de réflexion et de commissions de travail, enrépondant pied à pied aux arguties déployées par la droite. Ceci vaut, notamment, pour les flux migra-toires qui, loin de porter atteinte à notre modèle so-

cial, constituent une richesse indéniable pour lepays. Ce que démontrent d’ailleurs parfaitement leschiff res. Le Parti doit donc fournir tous les instru-ments de formation nécessaires pour faire de cha-

cun un éducateur politique à part entière, où qu’ilse trouve. En clair, il s’agit de combattre l’idéologiedominante, qui campe sur des positions totalementinappropriées.

Le thème du déclin est-il l’élément fédérateurde la fusion des droites ?Oui. Tout se joue autour de la notion de déclin et deprogrès. Le sociologue, Alain Mergier, avait parlé, lepremier, de « descenseur social », dans un ouvragepublié en lien avec Philippe Guibert (Plon, Fondation Jean Jaurès, 2006). Avec cette idée que chacunéprouve, de longue date, la sensation de descendred’une case. D’où il ressort que l’avenir de nos enfantssera difficile, au regard de ce que nous avons vécu.Ceci est faux ! Lorsque les jeunes décident de partir travailler à l’étranger, ils participent du rayonnementde la culture française, à travers le monde. Il y auranécessairement un retour, en temps utile. La Franceest un pays ouvert qui ne peut vivre que dans cet es-prit là. Sa force, c’est son modèle républicain, la laï-cité, son modèle de protection sociale, ses servicespublics. À charge, pour elle, de savoir s’exporter.

Fernand Braudel disait que la France est le pro-duit du métissage… À vous écouter, ce principe vaut plus que jamais.Oui. Et, force est de constater que nous avons reculésur ce point. Nous ne sommes n’est pas suffisam-ment off ensifs et nous avons tort.

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 Le Pas-de-Calais à la croiséedes cheminsDans un contexte socio-économique di fficile, lePas-de-Calais doit faire face à un danger frontistequi ne cesse de s’a ffirmer, en dépit des e ff orts dé-

 ployés par les élus socialistes, à l’échelle régionale,départementale et communale.

………

 « Jamais les élections municipales n’auront euleur destin aussi lié qu’au résultat de la politiquenationale. Les thèmes de campagne seront d’ail-leurs quasiment les mêmes : impôts, sécurité, em-

 ploi. » Nicolas Bays fixe le cap. À quelquessemaines d’échéances électorales décisives, le dé-puté de la douzième circonscription du Pas-de-Calais a du grain à moudre. Comme la plupart deses collègues élus du département. D’autant quel’année a été compliquée, après une décennie degestion du pays par la droite, marquée par uncreusement des déficits de plus de 650 milliardsd’euros. Quand, dans le même temps, les gouver-nements successifs, entre 2002 et 2012, ont mul-tiplié les cadeaux fiscaux aux plus riches (75

milliards), en sus de 60 milliards de niches fis-cales, dont ils sont les uniques bénéficiaires.

Conjurer les eff ets de la crise. Le territoire en apâti. Cette année encore, le marché du travail estatone. Fin mars, 364 600 personnes étaient ins-crites au chômage, dans le Nord-Pas-de-Calais,à en croire la préfecture. Un précédent. Pis, ils sont164 000 à figurer, depuis plus d’un an, dans lesfichiers de Pôle emploi. Dans le même temps,les exportations chutent, tandis que les ventes àdestination des pays émergents – Chine, Brésil,Inde – fléchissent. Ce, même si le Service public del’emploi, mobilisé autour du préfet de région, re-double d’eff orts, en lien avec les collectivités et lesmissions locales, pour favoriser l’insertion des jeunes sur le marché de l’emploi. Depuis janvier,ils sont ainsi 660, peu diplômés, pour la plupart,à bénéficier d’un emploi d’avenir, afin d’acquérir une première expérience ou obtenir les compé-tences nécessaires pour évoluer professionnelle-ment.Ces eff orts ne suffisent cependant pas à endiguer 

la crise et la baisse sensible des échanges com-merciaux, à l’échelle territoriale, au cours du pre-

mier semestre 2013. Le Nord-Pas-de-Calais perddes emplois. Une telle baisse n’avait plus été en-registrée depuis trois ans, d’après les services pré-fectoraux. Exception faite des activitésmarchandes.Principaux laissés pour compte de la crise, leschômeurs de longue durée, dont le nombre aug-mente au sein du département. Ils s’ajoutent à cessalariés dont les fonctions ont été suppriméespour motif économique et aux demandes de rup-ture conventionnelle, supérieures à 4 000, entre

 janvier et mars 2013.

 « En fondant sa vision surle protectionnisme et l’em-

 ploi, le FN parle à ceux quivivent quotidiennement sur des territoires sinistrés,comme le Pas-de-Calais.Il peut ainsi emporter l’adhé-

 sion de ces publics et bénéfi-cier d’un certain écho, en

 2014, dans la mesure oùil parie sur le désespoir. »

Danger frontiste. Aujourd’hui, le taux de chô-mage atteint 14 % de la population active régio-nale. Seul le Languedoc-Roussillon connaît unesituation plus dégradée. Depuis fin 2011, ce seuils’élève à 14,2 % dans le département du Pas-de-Calais, dépassant ainsi celui du Nord (13,9 %).À ce jeu, les zones d’emploi de Douai, Valen-ciennes et Saint-Omer subissent la plus forte dé-gradation, dans les pas de Lens, Hénin et Calais,où le Front national tisse sa toile.Les classes populaires y subissent, comme dansla plupart des zones périurbaines et rurales, leseff ets du déclassement. « Le discours identitaire,

nationaliste et prétendument social du FN agit sur leurs consciences, constate Sylvain Crépon, cher-

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cheur au laboratoire Sophiapol de l'universitéParis-Ouest-Nanterre. En fondant sa vision sur le protectionnisme et l’emploi, ce parti parle àceux qui vivent quotidiennement sur des terri-

toires sinistrés, comme le Pas-de-Calais. Il peut ainsi emporter l’adhésion de ces publics et bé-néficier d’un certain écho, en 2014, dans la me-

 sure où il parie sur le désespoir. » Ce parti estmême en droit d’espérer être le « faiseur de rois

 », à l’occasion des municipales. À ce jeu, plu-sieurs communes sont dans le viseur, à com-mencer par Beuvry, Billy-Montigny, Carvin,Courcelle-les-Lens, Liévin, Méricourt, Rouvroyou bien encore Wingles, érigées en cœur decible par le parti d’extrême droite.

Crise économique, insécu-rité, chômage… Sur leterrain, les élus déploientde multiples e ff orts pour lutter contre ces « idées nau-

 séabondes », dont le FN fait  son fond de commerce. À Hénin-Beaumont, comme sur le reste du territoire.

À Hénin-Beaumont, le duel devrait opposerle Parti socialiste au FN. Actuellement auxmains d’Eugène Binaisse (PS), cette municipa-lité de 25 000 habitants est l’objet de toutes lesconvoitises. Ici, plus qu’ailleurs, le chômage faitdes ravages, avec des chiff res dépassant les

15 % d’inactifs. Tensions et aff 

aires politico-ju-diciaires complètent le décor. Le danger estdonc réel dans ce bastion longtemps dirigé par le Parti communiste et géré aujourd’hui par lesélus socialistes. Au point que Steeve Briois, lecandidat frontiste, se targue d’être le grand fa-vori pour conquérir la mairie, en mars pro-chain. Sa confiance est telle qu’il envisagemême sérieusement de se passer d’une al-liance avec l’UMP, bien mal en point, il est vrai.Rien là d’illogique, à l’heure où les amis de Ma-rine Le Pen s’eff orcent d’ériger la cité calaisienneen épicentre du vote FN, au même titre que le

Nord-Est de la France, depuis le Nord et le Pas-de-Calais, jusqu’à la Lorraine. Des territoires oùce mouvement fixe une partie de l’électorat dedroite et où la pression exercée sur l’UMP, pour 

constituer des alliances au second tour, seraimportante, à n’en pas douter.Secrétaire général du FN et conseiller munici-pal, à Hénin-Beaumont, Briois s’appuie sur ladéception et le ressentiment de ses concitoyensà l’égard de la gauche locale pour faire prospé-rer son entreprise. Son statut de favori, il le doità sa progression lors des précédents scrutins.Aux municipales de 2008, il récolte, au secondtour, 3 630 voix (soit 28,63 %). Un an plus tard,après la démission du maire (PS), Daniel Du-quenne, il échoue une nouvelle fois au secondtour, mais parvient à rassembler quelque 5 504voix (47,62 %). Soit, presque 2 000 voix de plus,en un an… En 2012, lors des législatives, MarineLe Pen, candidate dans la circonspection d'Hé-nin-Beaumont, obtient plus de 6 000 voix danscette ville. Reste, pour le candidat FN aux muni-cipales, à puiser des réserves dans le vivier élec-toral pour le second tour. Ce qui est loin d’êtrefait.

Réponses politiques. Crise économique, insé-

curité, chômage… Sur le terrain, les élus dé-ploient de multiples eff orts pour lutter contreces « idées nauséabondes », dont le FN fait sonfond de commerce. À Hénin-Beaumont,comme sur le reste du territoire. « La peur del’autre et le repli sur soi, voilà le seul pro-

 gramme du Front national, déplore NicolasBays. Il nous faudra sans cesse dénoncer cetteimposture : celle d’un parti ou ceux qui dénon-cent le « tous pourris », le « rose mafia »,

 « l’UMPS » ont en proportion un élu sur six qui

a été condamné. Un record ! »La « millionnaire » Marine Le Pen, depuis sonchâteau de Saint-Cloud, ne cesse de se présen-ter comme l’unique espoir des classes popu-laires, dont elle fait en réalité peu de cas. Face àcette « imposture intellectuelle » , le combat nefait, à l’évidence, que commencer. « C’est une vé-ritable guerre idéologique que nous devonsmener , tonne le député socialiste. Nous

 sommes aujourd’hui comme les spartiates face aux armées de Xerxès : nous ne pouvons

 plus reculer si nous ne voulons pas que cettetâche brune s’étende sur notre territoire, ce qui

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 serait catastrophique pour notre population. »Dans un département où 8 % des habitants sontallocataires des minima sociaux et où le PIB estl’un des plus bas de France, la gauche se doit

d’être à la hauteur. Le conseil général du Pas-de-Calais s’est fixé pour objectif d’accompagner unretour « modéré » à la croissance, tout en pour-suivant l’accompagnement des publics les plusfragiles. Il y a urgence, d’autant que 120 000 fa-milles se situent en dessous du seuil de pau-vreté et vivent avec moins de 15 000  €   derevenus annuels. « Nous sommes à la croiséedes chemins », concède bien volontiers le prési-dent de l’exécutif, Dominique Dupilet. L’horizons’éclaircit, dans un contexte  « plus favorable »qui fait suite aux réformes courageuses enga-gées par le gouvernement. L’annonce, par le Pre-mier ministre, de la hausse du taux des droitsde mutation - de 3,8 à 4,5 % - et le rembourse-ment, par l’État, des frais de gestion de la taxesur le foncier bâti, vont dans le bon sens, off rantau département la certitude de pouvoir préser-ver les politiques mises en œuvre, tout en ren-forçant ses eff orts d’investissement.La situation financière est donc saine, permet-tant ainsi au conseil général d’assurer la pré-sence de services publics en milieu rural, là où

certains électeurs peuvent être tentés de céder àla tentation frontiste, faute de perspectives. Tran-sition énergétique, implication dans les contratsd’avenir, intensification de l’entretien et de la

construction de collèges, investissement dansle numérique et l’environnement… DominiquePilet et ses colistiers tracent leur route. L’équité,la justice sociale, la proximité et l’intérêt généralforment le pivot de leurs projets.Mais, le chemin est long. Et, les collectivités, dontla richesse fiscale est la plus faible de l’Hexa-gone, doivent faire face à une situation préoccu-pante. Or, l’interpénétration de la criseconjoncturelle et structurelle nourrit le terreaudu populisme, sur fond de défiance vis-à-vis del’État. Dans ce contexte, la progression du FNvient de loin, tant les raisons de sa progressionsont profondes. Mais, pour l’heure, la mobilisa-tion bât son plein. Avec l’ambition de mettre

 « l'humain d'abord », de sortir des chamailleriespoliticiennes, de parler de questions concrètes :transports, logement, off res de soins, éducation,services de proximité. C’est sur le terrain, dansles opérations militantes du porte-à-porte, quela lutte contre la banalisation de l’extrême droite,qui prospère sur la crise, produira ses eff ets.

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Quel est le climat politique, dans le Pas-de-Calais, à cinq mois des élections municipales ?Compte tenu du climat national ambiant, l’heureest à l’inquiétude. Un sentiment amplifié par lesmédias. La répétition systématique d’une imageà charge du Président de la République a visible-ment imprégné les électeurs. Au point que leshabitants du bassin minier affirment désormais,sans la moindre retenue, leur intention de voter pour le Front national. Ces personnes, qui ontsouvent accordé leur voix à la gauche, dans lepassé, se disent prêtes, aujourd’hui, à tourner lapage, sur fond de pression fiscale. Le plus éton-nant, c’est qu’elles échappent, pour la plupart, àl’impôt, du fait de leur situation sociale.

Nombreuses sont les com-munes du Pas-de-Calais qui

 sont susceptibles de passer sousl’escarcelle frontiste, en cas detriangulaires, au deuxième tour.

 Je demeure combattif, mais jecrains fort les e ff ets du change-ment du mode de scrutin sur les

 petites communes. Avec lerisque de voir basculer, du côtédu FN, des bastions acquis his-toriquement au Parti socialiste.

Les élus vont donc devoir retrousser leursmanches et provoquer la discussion pour inciter les électeurs à changer de cap, en mettant l’ac-cent sur les dangers du vote FN. Il s’agit surtoutde les convaincre d’opter pour des candidats ré-publicains. Ce qui n’est pas une mince aff aire,d’autant que l’abstention pourrait bien atteindre

40 % ou plus, dans le Pas-de-Calais, en mars pro-chain. Un record !

Sur quelles bases idéologiques la droite seprépare-t-elle à cette échéance ?L’UMP n’a jamais cherché à présenter des per-sonnalités de premier plan, dans le bassin mi-nier. Je me souviens avoir eu des discussions sur ce sujet avec Jean-Paul Delevoye, il y a une di-zaine d’années, en pointant le risque, pour ladroite, de se faire damner le pion par le parti fron-tiste. Nous n’en sommes plus très loin et il y a fortà parier que les élections municipales se tradui-ront par des duels à haut risque entre le PS et leFN.

 Y a-t-il un risque de porosité entre l’UMP etle FN ?Oui. Sur Lens, la candidate UMP n’a pas appelé àvoter pour son concurrent socialiste audeuxième tour des législatives de 2012. Son pre-mier tract de campagne, à quelques mois des

échéances de mars prochain, n’augure rien derassurant. Il se résume à un questionnaire dé-magogique qui appelle clairement les électeursà se faire plaisir, sur des bases identiques à cellesdu FN.

Compte tenu du décrochage des catégoriespopulaires et de la montée en puissance del’abstention, le FN ne se pose-t-il pas en prin-cipal rival pour le PS ?Oui. Nombreuses sont les communes du Pas-de-

Calais qui sont susceptibles de passer sous l’es-carcelle frontiste, en cas de triangulaires, audeuxième tour. Je demeure combattif, mais jecrains fort les eff ets du changement du mode descrutin sur les petites communes. Avec le risquede voir basculer, du côté du FN, des bastions ac-quis historiquement au Parti socialiste. Jean-PaulDelevoye l’a parfaitement saisi, en appelant àvoter pour le candidat socialiste, à Bapaume.Puisse-t-il faire des émules.

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LE POINT DE VUE DE GUY DELCOURT, DÉPUTÉ DU PAS-DE-CALAIS

« Le risque de voir basculer du côté du FN des bastions acquis

historiquement au PS est réel »