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RAPPORT D'AUDIENCE (grande chambre) «Recours en annulation - Articles 29 UE, 31, sous e), UE, 34 UE et 47 UE - Décision-cadre 2003/80/JAI du Conseil - Protection de l'environnement - Sanctions pénales - Compétence dela Communauté - Article 175 CE - Base juridique» Dans l'affaire C-176/03, ayant pour objet un recours en annulation au titre de l'article 35 UE, introduit le 15 avril 2003, Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Petite, J.-F. Pasquier et W. Bogensberger, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg, partie requérante, soutenue par Parlement européen, représenté par MM. H. Duintjer Tebbens et A. Baas, ainsi que par M me M. Gômez-Leal, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg, partie intervenante, contre Conseil de l'Union européenne, représenté par MM. J.-C. Piris et J. Schutte, ainsi que par M me K. Michoel, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg, partie défenderesse, soutenu par Royaume de Danemark, représenté par MM. J. Molde et J. Bering Liisberg, en qualité d'agents, * Langue de procédure: le français. 1-1 Extract from the EC Legal Service document repository Dated: Mon Mar 07 11:43:53 2005

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RAPPORT D'AUDIENCE (grande chambre)

«Recours en annulation - Articles 29 UE, 31, sous e), UE, 34 UE et 47 UE -Décision-cadre 2003/80/JAI du Conseil - Protection de l'environnement -

Sanctions pénales - Compétence de la Communauté - Article 175 CE - Basejuridique»

Dans l'affaire C-176/03,

ayant pour objet un recours en annulation au titre de l'article 35 UE, introduit le15 avril 2003,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Petite,J.-F. Pasquier et W. Bogensberger, en qualité d'agents, ayant élu domicile àLuxembourg,

partie requérante,

soutenue par

Parlement européen, représenté par MM. H. Duintjer Tebbens et A. Baas, ainsique par Mme M. Gômez-Leal, en qualité d'agents, ayant élu domicile àLuxembourg,

partie intervenante,

contre

Conseil de l'Union européenne, représenté par MM. J.-C. Piris et J. Schutte,ainsi que par Mme K. Michoel, en qualité d'agents, ayant élu domicile àLuxembourg,

partie défenderesse,

soutenu par

Royaume de Danemark, représenté par MM. J. Molde et J. Bering Liisberg, enqualité d'agents,

* Langue de procédure: le français.

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RAPPORT D'AUDIENCE - AFFAIRE C-l 76/03

République fédérale d'Allemagne, représentée par MM. A. Dittrich etW.-D. Plessing, en qualité d'agents,

République hellénique, représentée par Mmes E. Mamouna et M. Tassopoulou, enqualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

Royaume d'Espagne, représenté par Mme N. Diaz Abad, en qualité d'agent, ayantélu domicile à Luxembourg,

République française, représentée par MM. F. Alabrune, G. de Bergues etE. Puisais, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

Irlande, représentée par M. D. O'Hagan, en qualité d'agent, assisté de M.P. Galla'gher, SC, et Mme E. Regan, BL, ayant élu domicile à Luxembourg,

Royaume des Pays-Bas, représenté par Mmes H.G. Sevenster et C. Wissels, enqualité d'agents,

République portugaise, représentée par M. L. Fernandes, en qualité d'agent,

République de Finlande, représentée par Mme A. Guimaraes-Purokoski, enqualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

Royaume de Suède, représenté par M. A. Kruse et Mme K. Wistrand, en qualitéd'agents,

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, représenté parMme Clare Jackson, en qualité d'agent, assistée de M. R. Plender, QC, ayant éludomicile à Luxembourg,

parties intervenantes.

Par sa requête, la Commission demande l'annulation de la décision-cadre2003/80/JAI du Conseil, du 27 janvier 2003, relative à la protection del'environnement par le droit pénal (JO L 29, p. 55, ci-après la «décision-cadre»).

I - Cadre juridique et antécédents du litige

2 Le 27 janvier 2003, le Conseil de l'Union européenne a adopté, à l'initiative duRoyaume du Danemark, la décision-cadre.

3 La décision-cadre, fondée sur le titre VI du traité sur l'Union européenne, etnotamment ses articles 29, 31, sous e), et 34, paragraphe 2, sous b), constitue,ainsi qu'il ressort de ses trois premiers considérants, le cadre par lequel l'Unioneuropéenne entend réagir de façon concertée à l'augmentation préoccupante desinfractions au détriment de l'environnement.

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4 La décision-cadre définit un certain nombre d'infractions à l'environnement, pourlesquelles les États membres sont invités à prévoir des sanctions de nature pénale.Ses dispositions s'inspirent largement de celles de la convention du Conseil del'Europe sur la protection de l'environnement par le droit pénal, du 4 novembre1998, signée, à ce jour, par dix États membres. La Communauté n'est pas partiecontractante à cette convention.

5 La Commission s'est prononcée devant les différentes instances du Conseil contrela base juridique retenue pour imposer aux États membres l'obligation de prescriredes sanctions pénales contre les infractions à l'environnement. Elle est, en effet,d'avis que la base juridique correcte à cet égard est l'article 175, paragraphe 1, CEet a d'ailleurs présenté, le 15 mars 2001, une proposition de directive duParlement européen et du Conseil relative à la protection de l'environnement parle droit pénal, basée sur ledit article (JO C 180, p. 238).

6 Le 9 avril 2002, le Parlement européen s'est prononcé à la fois sur la propositionde directive, en première lecture, et sur le projet de décision-cadre.

7 II a partagé l'approche préconisée par la Commission quant à l'étendue descompétences communautaires, tout en invitant le Conseil à faire de la décision-cadre un instrument complémentaire de la directive pour les seuls aspects de lacoopération judiciaire et à s'abstenir d'adopter la décision-cadre avant l'adoptionde la proposition de directive [voir textes adoptés par le Parlement le 9 avril 2002et portant les références A5-0099/2002(lère lecture) et A5 -0080/2002].

8 Le Conseil n'a pas adopté la proposition de directive mais il ressort des cinquièmeet septième considérants de la décision-cadre ce qui suit:

«Le Conseil a jugé opportun d'intégrer dans la présente décision-cadre plusieursdispositions de fond figurant dans la proposition de directive, et notamment cellesqui définissent les comportements que les États membres devraient qualifierd'infractions pénales en vertu de leur droit interne.

Le Conseil a examiné cette proposition, mais est arrivé à la conclusion que lamajorité requise pour son adoption par le Conseil ne pouvait être atteinte. Laditemajorité considère que la proposition sort des compétences attribuées à laCommunauté par le traité instituant la Communauté européenne et qu'il seraitpossible d'atteindre les objectifs recherchés en adoptant une décision-cadre sur labase du titre VI du traité sur l'Union européenne. Le Conseil a en outre estimé quela présente décision-cadre, fondée sur l'article 34 du traité sur l'Unioneuropéenne, constituait un instrument approprié pour imposer aux États membresl'obligation de prévoir des sanctions pénales. La proposition modifiée présentéepar la Commission n'était pas de nature à modifier la position du Conseil sur cettequestion.»

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RAPPORT D'AUDIENCE - AFFAIRE C-l 76/03

La Commission a fait annexer la déclaration suivante au procès-verbal de laréunion du Conseil au cours de laquelle la décision-cadre a été adoptée:

«La Commission est d'avis que la décision-cadre ne constitue pas l'instrumentjuridique approprié pour imposer aux États membres de mettre en place dessanctions de nature pénale au niveau national en cas d'infractions au détriment del'environnement.

La Commission, ainsi qu'elle l'a rappelé à plusieurs reprises dans des instances duConseil, considère en effet que, dans le cadre des compétences qu'elle détient auxfins de réaliser les objectifs énoncés à l'article 2 du traité instituant laCommunauté européenne, la Communauté est compétente pour imposer que lesÉtats membres prennent des sanctions, le cas échéant, pénales, au niveau national,lorsque cela s'avère nécessaire pour atteindre un objectif communautaire.

Tel est le cas en matière environnementale, objet du titre XIX du Traité instituantla Communauté européenne.

La Commission constate en outre que sa proposition de directive relative à laprotection de l'environnement par le droit pénal n'a pas fait l'objet d'un examenapproprié dans le cadre de la procédure de co-décision.

Dès lors que le Conseil adopte la décision-cadre en dépit de cette compétencecommunautaire, la Commission se réserve en conséquence tous les droits que luiconfère le Traité».

II - Procédure devant la Cour

10 Le recours a été enregistré au greffe de la Cour le 15 avril 2003.

11 La Commission conclut à ce que plaise à la Cour

- annuler la décision-cadre et

- condamner le Conseil aux dépens.

12 Le Conseil de l'Union conclut à ce qu'il plaise à la Cour

- rejeter le recours et

condamner la Cour au dépens.

13 Par ordonnance du président de la Cour du 29 septembre 2003, le Parlementeuropéen, d'une part, et le Royaume de Danemark, la République fédéraled'Allemagne, la République hellénique, le Royaume d'Espagne, la Républiquefrançaise, l'Irlande, le Royaume des Pays-Bas, la République portugaise, la

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République de Finlande, le Royaume de Suède et le Royaume de Grande-Bretagneet d'Irlande du Nord, d'autre part, ont été admis à intervenir au soutien desconclusions respectivement de la Commission et du Conseil.

14 La Cour, sur rapport du juge rapporteur, l'avocat général entendu, a décidé le15 février 2005 que l'affaire serait attribuée à la grande chambre.

III - Moyens et arguments des parties

15 La Commission conteste le choix par le Conseil de l'article 34 UE comme basejuridique de la décision-cadre. Elle estime que le but et le contenu de celle-cirelèvent manifestement des compétences communautaires dans le domaine del'environnement, telles qu'énoncées aux articles 3, paragraphe 1, sous f), CE et174 CE à 176 CE. L'exercice de ces compétences se traduirait par l'édiction denormes, dont l'effectivité et l'efficacité seraient assurées notamment par lapossibilité d'infliger des sanctions pénales en cas d'infraction.

16 Tel serait précisément l'objectif de la décision-cadre. Son contenu (en particulier,ses articles 2, 3, 5 à 7 concernant les infractions pénales et leur sanction)s'inscrirait pleinement dans le cadre de la protection de l'environnement.

17 Le Conseil, en adoptant la décision-cadre sur la base du titre VI du traité surl'Union européenne, aurait agi illégalement en empiétant sur les compétencesattribuées aux Communautés. Or, aux termes de l'article 47 UE, «...aucunedisposition du présent traité n'affecte les traités instituant les Communautéseuropéennes ni les traités et actes subséquents qui les ont modifiés ou complétés».

18 II aurait, de surcroît, commis un détournement de procédure. La Commissions'appuie sur les cinquième et septième considérants de la décision-cadre d'où ilressort que le choix d'un instrument du titre VI du traité sur l'Union européennerésulte de considérations d'opportunité, la proposition de directive n'ayant pasréuni la majorité requise pour son adoption en raison de la position de principed'une majorité d'États membres selon laquelle la Communauté ne dispose pas dela compétence pour imposer aux États membres de prévoir des sanctions pénales.

19 S'il est clair, selon la Commission, que la Communauté ne dispose pas, dans l'étatactuel du droit, d'une compétence générale en la matière, elle n'en serait pasmoins compétente pour obliger les États membres à prévoir des sanctions pénalesafin de garantir l'efficacité du droit communautaire. La Commission se réfère, àcet égard, à plusieurs arrêts de la Cour concernant l'obligation de coopérationloyale (voir, notamment, arrêts du 2 février 1978, Amsterdam Bulb/Produktschapvoor Siergewassen, 50/76, Rec. p. 137, point 33; du 21 septembre 1989,Commission/Grèce, 68/88, Rec. p. 2965, point 23; du 8 juillet 1999, Procédurepénale/Nunes et de Matos, C-186/98, p. 1-4883, points 12 et 14, et ordonnance du13 juillet 1990, Zwartveld, C-2/88, p. 3365, point 17), ainsi qu'à plusieurs

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RAPPORT D'AUDIENCE - AFFAIRE C-176/03

règlements adoptés dans le domaine de la politique de la pêche ou des transportsqui feraient obligation aux États membres d'agir par la voie pénale ou quiapporteraient des limites aux types de sanctions que ces derniers peuvent instituer[voir, spécialement, les règlements (CEE) n° 2241/87 du Conseil, du23 juillet 1987, établissant certaines mesures de contrôle à l'égard des articles depêche, JO L 207, p. 1, et le règlement (CEE) n° 2847/93 du Conseil, du12 octobre 1993, instituant un régime de contrôle applicable à la politiquecommune de la pêche, JO L 261, p. 1]. La mention d'un choix entre la voieadministrative et la voie pénale présupposerait l'existence d'une compétencepénale.

20 La Commission ajoute que, si le principe d'efficacité conduit les États membres àl'obligation d'instaurer des sanctions pénales en cas de violation du droitcommunautaire, ce même principe justifie que le législateur communautairepuisse lui-même imposer cette obligation aux États membres.

21 La Commission reconnaît, certes, qu'il n'y a pas de précédent en la matière. Ellecite cependant deux exemples d'acte communautaire prévoyant l'obligation pourles États membres d'instaurer des sanctions qui ne pourraient être que de naturepénale, même si cette qualification n'est pas expressément utilisée (voir article 14de la directive 91/308/CEE du Conseil, du 10 juin 1991, relative à la prévention del'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux, JO L 166,p. 77, et les articles 1 à 3 de la directive 2002/90/CE du 28 novembre 2002,définissant l'aide à l'entrée, au transit et au séjour irréguliers, JO L 328, p. 17).

22 Dès lors que les autres dispositions de la décision-cadre (articles 1, 4 et 8 à 12) nepeuvent avoir d'existence autonome, la Commission estime que c'est toute ladécision-cadre qui doit être annulée.

23 Dans son mémoire en réplique, la Commission observe que, bien que le choixpour la voie pénale appartienne, en principe, aux États membres, la décision-cadredémontre, par son existence même, qu'il y a unanimité quant à la nécessitéd'obliger tous les États membres à sanctionner les infractions en cause par la voiepénale. Il en résulterait que cette voie est considérée comme efficacementnécessaire pour garantir la protection de l'environnement. Les États membres nedisposeraient dès lors plus de la possibilité de choisir entre différents types desanctions (tout en étant libres de prévoir, à côté des sanctions pénales qu'ils sontobligés d'instaurer, d'autres types de sanctions). Il serait, de surcroît, inconsistantd'un point de vue juridique d'offrir dans un instrument communautaire un choixentre plusieurs types de sanctions qui, en réalité, n'existe pas.

24 Selon le Conseil l'applicabilité de l'article 47 UE dépend de la question de savoirs'il existe une compétence communautaire pour agir dans le domaine couvert parla décision-cadre. Or, en l'état actuel du droit, la Communauté ne disposerait pasd'une telle compétence.

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25 Le Conseil souligne que l'objectif de la décision-cadre est d'appuyer la protectionde l'environnement par un rapprochement des législations pénales des Etatsmembres, en particulier pour ce qui est des éléments constitutifs des infractions audétriment de l'environnement, qui doivent être traitées en droit national commeinfractions criminelles, ainsi que de la nature et des types de sanctions à infliger,de la responsabilité des personnes morales, de la compétence juridictionnelle et del'extradition (voir spécialement les articles 2, 3 et 5). Les États membresn'auraient donc plus le choix, dont ils disposent normalement, quant aux moyens àutiliser pour sanctionner le non-respect des normes, y compris des normescommunautaires. Ils seraient obligés, pour ce qui concerne les infractionsénumérées aux articles 2 et 3, de suivre la voie pénale.

26 Le Conseil observe que, dans les règlements en matière de pêche, cités par laCommission, le législateur communautaire n'a pas spécifié la nature ou le typedes sanctions que chaque État membre serait obligé de prévoir dans sa législationnationale pour sanctionner le non-respect des normes en cause. Il aurait laissé àchaque État membre la liberté de choisir la voie pénale ou la voie administrative.

27 Le Conseil reconnaît que la liberté de chaque État membre à cet égard est limitéepar l'application des principes de coopération loyale et d'assimilation, telsqu'interprétés par la Cour.

28 Toutefois, il ne découlerait nullement de la jurisprudence que la Communauté est,en l'état actuel du traité CE, compétente pour obliger des États membres àsanctionner exclusivement par la voie pénale et s'immiscer ainsi dans le choixentre des sanctions pénales et administratives, choix qui ne pourrait être fait qu'auniveau national, par le législateur national, en prenant en compte tous les élémentsdu système juridique national applicable.

29 II ne serait dès lors nullement exclu que le principe d'assimilation, selon lequel lesÉtats membres sont tenus de sanctionner les violations du droit communautairedans des conditions de fond et de procédure analogues à celles applicables auxviolations du droit national d'une nature et d'une importance similaires, conduiseà des résultats différents selon les États membres. La liberté de ces derniers dechoisir comment poursuivre et punir les infractions - quoique limitée parl'application du principe d'assimilation - pourrait donc mener à une situation danslaquelle une infraction est passible d'une sanction pénale dans un État membre etd'une sanction administrative dans un autre État membre, laquelle pourrait, ̂ danscertains cas, être considérée comme équivalente, en termes d'efficacité, deproportionnalité et d'effet dissuasif, à une sanction pénale.

30 En l'occurrence, l'objet de la décision-cadre ne consisterait pas en une obligationd'assimilation mais en une obligation pour les États membres d'harmoniser leurslégislations en ce qui concerne tant les comportements devant être qualifiésd'infractions pénales que la nature des sanctions pour ces infractions.

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RAPPORT D'AUDIENCE - AFFAIRE C-l 76/03

31 Or, comme déjà indiqué, la Communauté ne se serait pas vu conférer lacompétence pour interférer dans la délicate évaluation qui revient à chaque Etatmembre lorsqu'il établit des sanctions pour faire respecter des normes, qu'ellessoient d'origine communautaire ou non, quant à l'opportunité d'utiliser soit unsystème de droit pénal, soit un système de droit administratif.

32 Eu égard à l'importance et à la spécificité du droit pénal dans les ordres juridiquesnationaux, une compétence communautaire pour imposer l'obligation aux Etatsmembres d'instaurer des sanctions pénales et pour régler des questions de droitpénal et de procédure pénal aurait dû être attribuée à la Communauté de manièreexplicite.

33 L'article 280 CE, qui réserve explicitement l'application du droit pénal national etl'administration de la justice aux États membres, confirmerait ce qui précède.

34 De l'avis du Conseil, les deux derniers exemples d'actes communautaires cités parla Commission ne démontreraient pas l'existence d'une compétencecommunautaire pour obliger les États membres à prévoir des sanctions pénales encas de non-respect de normes communautaires, mais confirmeraient au contrairela thèse du Conseil.

35 D'une part, quant à la directive 91/308, son objectif essentiel serait que les Étatsmembres prévoient non pas que le blanchiment de capitaux soit passible desanctions criminelles, mais des sanctions de l'un ou l'autre type.

36 D'autre part, si l'article 3 de la directive 2002/90 dispose que les États membresprévoient des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives pour sanctionnerles comportements définis par la directive, il n'imposerait pas l'application desanctions de nature pénale.

37 Enfin, quant au grief tiré du détournement de pouvoir, le Conseil estime qu'ilrepose sur une lecture erronée des considérants de la décision-cadre. Il ressort, eneffet, du cinquième considérant que le Conseil a décidé, suite à la proposition dedirective par la Commission, d'intégrer dans la décision-cadre certaines desdispositions qui figuraient dans cette proposition. Le législateur aurait ainsi définile champ d'application de la décision-cadre aux fins de respecter les limites descompétences conférées à la Communauté par le traité.

38 Quant au septième considérant, le Conseil rappelle que, en adoptant la décision-cadre, le Conseil a estimé unanimement que «la présente décision-cadre, fondéesur l'article 34 du traité sur l'Union européenne, constituait un instrumentapproprié pour imposer aux États membres l'obligation de prévoir des sanctionspénales».

39 Dans sa duplique, le Conseil conteste le raisonnement de la Commission selonlequel l'existence même de cette décision-cadre conduit à l'affirmation d'unecompétence communautaire en matière de sanctions pénales. Ce raisonnement ne

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trouverait aucune justification dans les dispositions du traité, pour les raisonsexposées dans son mémoire en défense.

40 Sur l'affirmation de la Commission selon laquelle il serait «inconsistant d'unpoint de vue juridique d'offrir dans un instrument communautaire un choix entreplusieurs types de sanctions qui, en réalité, n'existe pas», le Conseil observe qu'ils'agit d'une conséquence de la répartition de compétences entre la Communautéet l'Union telle qu'établie par les traités en vigueur.

41 Le Parlement européen observe que les articles 29 UE et 47 UE établissentclairement la primauté du traité CE sur le traité sur l'Union européenne. Il endécoulerait qu'un instrument basé sur le titre VI de ce dernier traité ne peut êtreadopté lorsque le traité CE offre la possibilité d'atteindre le même objectif.

42 Selon le Parlement, une compétence générale communautaire pour harmoniser ledroit pénal n'existe pas, mais dans certains domaines bien définis, comme enl'espèce, la Communauté pourrait imposer aux États membres l'obligationd'instaurer des sanctions pénales. Le Parlement européen fait sienne l'analyse dela Commission de la jurisprudence de la Cour.

43 En adoptant la décision-cadre, le Conseil se serait mis d'accord unanimement surla nécessité d'imposer aux États membres l'obligation d'instaurer des sanctionspénales pour garantir le respect du droit environnemental communautaire. Le seuldifférend qui existe serait donc celui quant au choix de la base juridique.

44 Le Conseil aurait opéré une confusion entre la compétence de la Communautépour adopter la proposition de directive et une compétence, non réclamée par laCommunauté, pour l'adoption de la décision-cadre dans son ensemble. Leséléments que le Conseil invoque à l'appui de sa position selon laquelle laCommunauté n'est pas compétente pour légiférer seraient, en réalité, desconsidérations d'opportunité quant au choix d'imposer ou non uniquement dessanctions pénales et qui auraient dû avoir leur place dans la procédure législative,au titre des articles 175 CE et 251 CE.

45 Le Parlement observe que le Conseil ne conteste pas la compétence de laCommunauté de prévoir des sanctions pénales, mais seulement celle de prévoirexclusivement des sanctions pénales. Or, la Cour aurait bien confirmé, dans tousles arrêts cités par la Commission, le choix du législateur communautaire enmatière de sanctions (voir, spécialement, arrêt Commission/Grèce, précité, points23 et 24, d'où il ressort qu'une réglementation communautaire peut comporter unedisposition spécifique imposant aux États membres, si nécessaire, l'obligation deprévoir des sanctions; or le Conseil aurait précisément reconnu la nécessité dessanctions spécifiques en l'espèce).

46 Le Parlement ajoute que les arguments du Conseil ne portent pas sur lacompétence du législateur communautaire, mais sur des éléments relevant de sonpouvoir discrétionnaire de prévoir l'un ou l'autre régime.

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RAPPORT D'AUDIENCE - AFFAIRE C-l 76/03

47 Ces arguments d'opportunité, tirés des disparités juridiques nationales et del'option que le législateur communautaire a retenue, à savoir celle de laisser unchoix au législateur national, n'auraient précisément pas empêché le Conseild'adopter, en l'espèce, à l'unanimité, la décision-cadre, confirmant ainsi laposition de la Commission selon laquelle des sanctions pénales s'imposent afin degarantir le respect du droit communautaire dans le domaine de l'environnement. Àcet égard, le Parlement rappelle que «la promotion d'un niveau élevé de protectionet d'amélioration de la qualité de l'environnement» est un des principesfondamentaux du traité CE (voir son article 2).

48 Enfin, quant à la portée de l'article 280 CE, le Parlement observe que la restrictionen cause, d'interprétation restrictive, concerne uniquement l'application du droitpénal national et l'administration de la justice, matières se situant donc au niveaude l'exécution et non de la législation. Il n'en découlerait nullement que laCommunauté n'aurait pas la compétence d'imposer des sanctions pénales, voirede prévoir des comportements punissables, des classifications des délits et despeines minimales.

49 En réponse aux observations du Parlement, le Conseil persiste à considérer que, enl'état actuel des traités, la compétence pour imposer ou non des sanctions pénalesn'a pas été conférée à la Communauté. La Cour ne serait jusqu'à présent jamaisentrée dans les mérites du choix des sanctions par la voie pénale ou par la voieadministrative. Le fait que la Cour ait reconnu une compétence communautairepour suggérer certains types de sanctions n'impliquerait nullement que lelégislateur communautaire soit compétent pour limiter la liberté d'appréciationdes États membres, en les obligeant à ne prévoir que des sanctions pénales.

50 Quant au grief tiré par le Parlement d'une confusion entre la compétencelégislative et le choix politique du législateur communautaire, le Conseil estimequ'on ne peut parler de «choix politique», de «pouvoir discrétionnaire dulégislateur» ou encore «d'arguments d'opportunité» qu'au cas où il existejuridiquement une compétence pour légiférer. C'est dans le cadre de celle-ci quedes choix pourraient être faits. Pour le reste, le Conseil renvoie à ses mémoires endéfense et en duplique.

51 Le gouvernement danois, se référant au principe d'attribution énoncé à l'article 5CE, est d'avis que la décision-cadre ne relève, ni selon son objectif, ni selon soncontenu, de la compétence de la Communauté et que le Conseil était habilité àadopter des mesures sous forme d'une décision-cadre en se fondant sur le traitésur l'Union européenne.

52 La Communauté, en particulier, ne se serait pas vu conférer la compétence pourobliger les États membres à fixer des sanctions pénales en cas d'infractions auxdispositions du droit communautaire. Il serait également exclu qu'elle se soit vuindirectement reconnaître une telle compétence.

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53 Le gouvernement danois observe que le droit pénal des États membres est visé pardeux dispositions du traité CE, à savoir les articles 135 CE et 280 CE, lesquelsprévoient expressément que les mesures qui tirent leur fondement de ces articlesne concernent ni l'application du droit pénal national ni l'administration de lajustice dans les Etats membres.

54 Selon la jurisprudence de la Cour, il appartient aux États membres de veiller à ceque les violations du droit communautaire soient sanctionnées dans des conditionsde fond et de procédure, analogues à celles applicables aux violations du droitnational, d'une nature et d'une importance similaires. La sanction devrait, parailleurs, avoir un caractère effectif, dissuasif et proportionné à l'infraction. Lesautorités nationales devraient procéder, à l'égard des violations du droitcommunautaire, avec la même diligence que celle dont elles usent dans la mise enœuvre des législations nationales correspondantes (voir, notamment, arrêtCommission/Grèce, précité, points 24 et 25).

55 Toutefois, la Cour n'aurait ni explicitement, ni implicitement jugé que laCommunauté a la compétence pour harmoniser les règles pénales applicables dansles États membres. Elle aurait, au contraire, jugé que le choix des sanctionsincombe à ces derniers.

56 Le gouvernement danois estime également qu'aucun des actes de droit dérivémentionnés par la Commission n'étaye son point de vue. Les dispositions en causeindiqueraient soit des possibilités de sanction, soit des sanctions qui ne nécessitentpas de réglementation en matière pénale. Les directives 91/308 et 2002/90 seraientmême plutôt de nature à étayer le point de vue du Conseil, dès lors qu'elles ont étérespectivement accompagnées d'une déclaration par laquelle les États membres sesont engagés à prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en place unelégislation pénale et de la décision-cadre 2002/946/JAI du Conseil, du28 novembre 2002, visant à renforcer le cadre pénal pour la répression de l'aide àl'entrée, au transit et au séjour irréguliers (JO L 328, p. 1).

57 Enfin, le gouvernement danois observe que, aux termes des deuxième et troisièmeconsidérants de la décision-cadre, «les infractions au détriment del'environnement sont un problème commun aux États membres qui devraient parconséquent agir de façon concertée afin de protéger l'environnement sur un planpénal» et qu'il convient donc d'«apporter une réponse très ferme» à cettecriminalité. Il s'agirait d'une appréciation politique de la nécessité de sanctionspénales. Il ne résulterait cependant ni des dispositions de la décision-cadre encause, ni de ses considérants que la fixation de sanctions pénales doit êtreconsidérée comme une condition nécessaire pour faire respecter la législation enmatière d'environnement.

58 Le gouvernement allemand partage également le point de vue du Conseil. Ilestime que, avant d'appliquer l'article 47 UE, il convient de vérifier s'il existeprécisément une compétence communautaire pour imposer aux États membres

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RAPPORT D'AUDIENCE - AFFAIRE C-l 76/03

l'obligation de prévoir des sanctions pénales. À cet égard, il conviendraitd'appliquer les méthodes que la Cour a développées pour délimiter le champd'application des bases juridiques en droit communautaire, c'est-à-dire de prendreen compte le but poursuivi, l'objet ou le contenu de la règle et, le cas échéant, deprocéder à une évaluation des priorités.

59 Non seulement il n'existerait à cet égard aucune attribution expresse decompétence à la Communauté, mais, compte tenu de l'importance considérable dudroit pénal pour la souveraineté des États membres, on ne saurait admettre quecette compétence ait pu être transférée à la Communauté à l'occasion del'attribution des compétences matérielles spécifiques, telles que celles au titre del'article 175 CE. L'article 280 CE, paragraphe 4, deuxième phrase, confirmeraitl'absence de compétence communautaire en matière pénale.

60 La pratique législative serait conforme à cette interprétation, les différents actes dedroit dérivé reprenant la formule traditionnelle selon laquelle il convient deprévoir des «sanctions effectives, proportionnées et dissuasives» (voir, parexemple, l'article 3 de la directive 2002/90). En tout état de cause, une liberté dechoix entre les sanctions administratives ou pénales aurait été réservée aux Etatsmembres (voir, par exemple, article 1er, paragraphe 2, du règlement n° 2241/87).

61 La jurisprudence de la Cour sur les principes d'effectivité et d'équivalence ainsique sur le devoir de loyauté au titre de l'article 10 CE irait également en ce sens. Ilne résulterait nullement de l'obligation de coopération loyale, telle qu'interprétéepar la Cour, une compétence de la Communauté pour contraindre les Etatsmembres à prendre des sanctions pénales.

62 Le gouvernement allemand ajoute que l'introduction des dispositions sur lacoopération judiciaire en matière pénale dans le troisième pilier par le traité deMaastricht (voir article 29 UE, 31 UE et 34 UE) est précisément intervenue enraison de l'absence de compétence de la Communauté dans ce domaine.

63 Certes, l'article 42 UE permettrait de transférer la coopération judiciaire enmatière pénale dans le premier pilier, ce qui aurait pour conséquence de conférer àla Communauté une compétence d'harmonisation en droit pénal. Toutefois, aussilongtemps qu'il n'a pas été fait usage de cette possibilité, la Communauté nepourrait procéder à une telle harmonisation.

64 En l'occurrence, la décision-cadre aurait pour objectif une réglementation enmatière pénale. Le fait qu'elle entend combattre la criminalité dans le domaine del'environnement et qu'elle sert ainsi la protection de l'environnement nemodifierait en rien ce constat. De par son contenu également, la décision-cadreimposerait clairement aux États membres d'introduire des sanctions pénales.

65 Enfin, les comportements que l'article 2 de la décision-cadre impose desanctionner pénalement concernent, dans une large mesure, des infractions au

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droit national ou, s'agissant du point e), aux règles applicables dans le domaineatomique relevant du traité Euratom.

66 Le gouvernement hellénique soutient également l'argumentation du Conseil. Ilobserve que, selon la Commission, la Communauté ne détient pas une compétencegénérale pour adopter les dispositions de la décision-cadre, sa compétence selimitant à la possibilité d'adopter des normes minimales en matière de protectionde l'environnement par le biais du droit pénal. Par conséquent, dans la mesure oùles États membres souhaitaient une plus grande protection, par leur actioncoordonnée, seule la décision-cadre aurait été en mesure d'assurer ce résultat.

67 Le gouvernement hellénique fait valoir que le Conseil a désigné certainscomportements - qui sont également prohibés par le droit communautaire - pourqu'ils fassent l'objet de sanctions exclusivement pénales, objectif qui ne pourraitêtre atteint que dans le cadre du troisième pilier. Il ajoute que, conformément, àl'article 3 UE, l'Union européenne dispose d'un cadre institutionnel unique quiassure la cohérence et la continuité des actions menées en vue d'atteindre sesobjectifs, tout en respectant et en développant l'acquis communautaire.

68 Par ailleurs, la circonstance que, conformément à une jurisprudence constante dela Cour, l'application du principe d'assimilation puisse aboutir à l'obligation, pourles États membres, de prévoir des sanctions pénales en vertu du droitcommunautaire ne signifie pas que le législateur communautaire a la possibilitéd'obliger tous les États membres à prévoir exclusivement des sanctions de cettenature pour des infractions au droit communautaire.

69 Selon le gouvernement espagnol il découle de la finalité et du contenu de ladécision-cadre que celle-ci peut uniquement être basée sur les dispositions du titreVI du traité sur l'Union européenne. Le gouvernement espagnol fait valoir à cetégard que la décision-cadre procède exclusivement à un rapprochement deslégislations pénales des États membres en ce que les délits incriminés serontdorénavant les mêmes et seront sanctionnés pénalement dans tous les Etatsmembres.

70 En revanche, l'harmonisation des législations des États membres en matière dedroit pénal de l'environnement ne figurerait pas parmi les objectifs prévus àl'article 174 CE. Ceux-ci permettraient à la Communauté d'adopter desdispositions pour préserver, protéger, améliorer la qualité de l'environnement etutiliser de façon prudente et rationnelle les ressources naturelles, mais ils nejustifieraient pas l'adoption de mesures qui obligent les États membres àrapprocher leurs législations en matière pénale.

71 Ni la jurisprudence, ni les actes de droit dérivé cités par la Commission seraient denature à étayer sa thèse. De façon générale, la Cour reconnaîtrait simplementl'obligation pour les États membres, en particulier au titre de l'article 10 CE, de

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RAPPORT D'AUDIENCE - AFFAIRE C-l 76/03

prendre des sanctions appropriées en cas de violation du droit communautaire, cequi peut, le cas échéant, inclure des sanctions pénales.

72 Quant aux actes communautaires cités par la Commission, ils n'harmoniseraienten aucune façon la législation pénale des États membres mais leur laisseraient laliberté de décider au cas par cas. De plus, l'existence à la fois de la directive2002/90 et de la décision-cadre 2002/946/JAI concernant l'aide à l'entrée, autransit et au séjour irréguliers ne ferait que corroborer l'absence de compétencecommunautaire pour harmoniser les législations pénales des États membres et lanécessité d'avoir recours à cet effet aux dispositions du titre VI du traité surl'Union européenne.

73 Le gouvernement français rappelle que la Communauté est soumise au principedes compétences d'attribution, consacré par l'article 5, premier alinéa, CE.

74 Or, aucune disposition du traité CE ne conférerait à la Communauté unecompétence en matière pénale. En outre, si les auteurs du traité CE avaientsouhaité qu'il s'appliquât au domaine pénal, ils l'auraient prévu expressément afinde lever toute ambiguïté à cet égard, compte tenu du caractère très sensible de cedomaine pour la souveraineté des États.

75 Ce serait également dans un souci de clarification que les articles 135 CE et 280CE comportent expressément une réserve touchant au domaine pénal, dès lors quela lutte contre la fraude douanière et plus généralement contre la fraude portantatteinte aux intérêts financiers de la Communauté impliquerait par nature aussiune action pénale.

76 Aucun des arrêts ou textes de droit dérivé, auxquels la Commission se réfère, neserait de nature à étayer sa thèse.

77 D'une part, la Cour n'aurait jamais contraint les États membres à adopter, commetelles, des sanctions pénales et, d'autre part, le législateur communautaire ne seserait jamais reconnu compétent pour obliger les États membres à adopter dessanctions pénales. Lorsqu'il lui est arrivé, ce qui serait d'ailleurs rare, de préciserque les États membres engageront des poursuites pénales ou administratives, lelégislateur s'est borné à expliciter le choix qui s'offrait de toute façon aux Étatsmembres.

78 Le gouvernement français estime, en outre, que son interprétation est confirméepar le fait que le traité sur l'Union européenne consacre un titre spécifique à lacoopération judiciaire en matière pénale [voir articles 29 UE, 30 UE et 31,paragraphe 1, sous e)], qui confèrent expressément à l'Union européenne unecompétence en matière pénale, en particulier en ce qui concerne la déterminationdes éléments constitutifs des infractions et des sanctions applicables.

79 L'interprétation de la Commission serait dès lors paradoxale puisqu'ellereviendrait, d'un côté, à considérer que les auteurs du traité CE ont entendu

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conférer implicitement à la Communauté une compétence pénale et, de l'autre, àignorer que les mêmes auteurs ont expressément confié à l'Union européenne unetelle compétence.

80 La nécessité de recourir en matière pénale au titre VI du traité sur l'Unioneuropéenne serait d'ailleurs confirmée par une pratique constante du Conseil. Eneffet, chaque fois que la Commission lui a proposé des actes communautairesempiétant sur la matière pénale, le Conseil en aurait disjoint la partie pénale pourrenvoyer celle-ci à une décision-cadre [voir le règlement (CE) n° 974/98 duConseil, du 3 mai 1998, concernant l'introduction de l'euro (JO L 313, p. 29), quia dû être complété par la décision-cadre, du 29 mai 2000, visant à renforcer pardes sanctions pénales et autres la protection contre le faux-monnayage en vue del'introduction de l'euro (JO L 140, p. 1); voir également la directive 2002/90/CE,complétée par la décision-cadre 2002/946/JAI].

81 Enfin, la Commission ne saurait tirer argument de l'article 47 UE, dès lors quellesauteurs du traité CE n'auraient pas entendu conférer une compétence pénale à laCommunauté.

82 Le gouvernement irlandais se rallie aux arguments du Conseil. Il observe que,dans l'état actuel du droit, les questions de droit pénal (en particulier, la définitiondes éléments constitutifs des infractions et la détermination des sanctions pénales)relèvent de la compétence des États membres, même si les systèmes nationaux dedroit pénal ne peuvent porter atteinte à l'application effective du droitcommunautaire et à la protection des intérêts financiers de la Communauté. Nil'article 10 CE ni aucune autre disposition du traité n'obligerait les États membresà mettre en œuvre le droit communautaire au moyen de sanctions pénales.L'article 47 UE serait, en conséquence, sans pertinence en l'espèce.

83 Le gouvernement irlandais souligne encore que l'objectif et le contenu de ladécision-cadre concernent essentiellement l'harmonisation du droit pénal. Le seulfait que ce soit en matière de délinquance au détriment de l'environnement neserait pas de nature à justifier la compétence de la Communauté. En réalité, ladécision-cadre compléterait le droit communautaire en matière de protection del'environnement, mais ne le supplanterait pas dans ce domaine.

84 Le gouvernement irlandais estime que les cinquième et septième considérants dela décision-cadre ne contiennent pas des considérations d'opportunité: étant donnéque le Conseil a estimé que la Communauté n'était pas habilitée à imposer auxÉtats membres l'obligation d'infliger des sanctions pénales, la seule manière deprogresser dans ce domaine ne pouvait être que l'adoption d'une décision-cadrefondée sur le titre VI du traité sur l'Union européenne que les États membrestenaient pour le seul fondement juridique valable de l'établissement de la mesureen cause.

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RAPPORT D'AUDIENCE - AFFAIRE C-l 76/03

85 Par ailleurs, le gouvernement irlandais observe que, selon la jurisprudence de laCour, le choix des sanctions pour garantir l'application effective du droitcommunautaire serait entièrement à la discrétion des États membres, y compris ence qui concerne le point de savoir s'il y a lieu ou non d'infliger des sanctionspénales.

86 De même, les actes de droit dérivé invoqués par la Commission, notamment lesdirectives 91/308 et 2002/90, seraient plutôt de nature à confirmer lescompétences respectives de la Communauté et des États membres en ce quiconcerne les sanctions réprimant les violations du droit communautaire. Il seraitclair à la lecture de ces différents textes que les États membres ont conservé lacompétence d'arrêter des sanctions pénales pour garantir l'application correcte dela réglementation communautaire.

87 Cette position serait encore confirmée par l'article 280, paragraphe 4, CE.

88 Le gouvernement néerlandais estime que, dans l'exercice des compétences qui luisont conférées par le traité CE, la Communauté peut obliger les États membres àprévoir la possibilité de sanctionner penalement certains agissements au niveaunational, à condition qu'elle soit indissociablement liée aux dispositionsmatérielles du traité CE et qu'il puisse être effectivement démontré qu'une tellepolitique est nécessaire à la réalisation des objectifs du traité dans le domaineconcerné (voir arrêt du 27 octobre 1992, Commission/Allemagne, C-240/90, Rec.p. 1-5383). Le gouvernement néerlandais estime que tel pourrait être le cas sil'application d'une règle d'harmonisation fondée sur l'article 175 CE - parexemple — nécessitait des sanctions pénales.

89 En revanche, s'il découle du contenu et de la nature de la mesure qu'elle tendessentiellement à harmoniser, de manière générale, des dispositions pénales et quele régime de sanctions n'est pas indissociablement lié au domaine juridique, letraité sur l'Union européenne [et, en particulier, ses articles 29, 31, paragraphe 1,sous e), et 34, paragraphe 2, sous b)] serait le fondement juridique correct. Telserait le cas en l'espèce. En effet, il ressortirait du contenu et de l'objectif de ladécision-cadre que la mesure tend essentiellement à assurer une harmonisation dedispositions pénales dans les États membres. Le fait que cette mise en œuvre surle plan pénal porte sur des normes adoptées en vertu du traité CE ne serait pasdéterminant.

90 II n'y aurait en conséquence pas de violation de l'article 47 UE.

91 Le gouvernement néerlandais ajoute que la décision-cadre ne prévoit pasd'exclusivité en matière pénale. Elle obligerait uniquement les États membres àprévoir des sanctions pénales dans les cas qu'elle décrit, sans exclure le recours àd'autres sanctions. De fait, seule une combinaison des moyens de mise en œuvreserait de nature à protéger l'environnement de façon efficace et de répondre ainsià l'objectif de la décision-cadre.

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92 La jurisprudence de la Cour sur les sanctions dont les États membres assortissentles règles de droit communautaire ainsi que sur les conditions générales (caractèreeffectif, proportionné et dissuasif) auxquelles ces sanctions doivent satisfaire(voir, notamment, arrêt Commission/Grèce, précité) irait également en ce sens.

93 Le gouvernement néerlandais relève, enfin, que la frontière entre le droitadministratif et le droit pénal est relativement arbitraire. Dans certains Étatsmembres, il serait possible d'infliger des amendes en se fondant sur le droitadministratif, alors que d'autres États membres se fondent sur le droit pénal.

94 Selon le gouvernement portugais, la question centrale qui se pose est celle desavoir si le domaine couvert par la décision-cadre relève de la compétencecommunautaire, dans la mesure où ce n'est que dans ce cas de figure que l'onpourrait considérer que le Conseil a violé l'article 47 UE.

95 A cet égard, le gouvernement portugais constate que la décision-cadre limite laliberté des États membres pour ce qui concerne le choix des instruments à utiliserpour assurer la protection de l'environnement. De plus, le contenu de la décision-cadre consisterait dans la définition des éléments constitutifs des infractions contrel'environnement, que celles-ci aient été commises intentionnellement ou parnégligence, ainsi que dans la réglementation de la responsabilité des personnesmorales, des sanctions applicables, de la compétence juridictionnelle et del'extradition.

96 Or, compte tenu de sa nature particulière, l'action normative dans ces domaines nerelèverait pas des compétences communautaires. Il existerait, en effet, desspécificités nationales importantes en la matière; de plus, la compétencejuridictionnelle et l'extradition, régies par la décision-cadre, relèveraient dudomaine matériel du titre VI du traité sur l'Union européenne.

97 Le gouvernement portugais ne conteste pas que le principe des compétencesd'attribution, énoncé à l'article 5 CE, ne fasse pas obstacle à la reconnaissance decompétences implicites, et notamment celle d'orienter les États membres dansl'adoption de mesures appropriées aux fins de l'application correcte du droitcommunautaire.

98 Toutefois, la possibilité de choix, en matière de sanctions, devrait être réservéeaux États membres, même si leur marge de manœuvre est limitée par les principesde l'équivalence et de l'effectivité. Un tel choix serait fondé sur les élémentsparticuliers au système juridique national en cause, ainsi que sur des raisonsd'opportunité qui ne pourraient être appréciées qu'au niveau interne de chaqueÉtat membre.

99 De plus, eu égard à la nature spéciale des sanctions pénales et à l'importance queles questions de droit pénal et de procédure pénale ont dans les ordres juridiquesnationaux, l'attribution de compétences à la Communauté dans ces domaines nepourrait avoir lieu que de manière explicite.

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RAPPORT D'AUDIENCE - AFFAIRE C-176/03

100 Le gouvernement finlandais, se rallie également au point de vue du Conseil.

101 La question de l'application de l'article 47 UE ne se poserait que si laCommunauté avait compétence pour prendre des dispositions en matière pénale.Or, tel ne serait pas le cas.

102 En effet, le rapprochement des législations des États membres exigerait toujoursl'existence d'une base de compétence expresse. Or, si une telle base juridique enmatière pénale se trouve dans le traité sur l'Union européenne [articles 29 et 31,paragraphe 1, sous e)], elle ferait défaut dans le cadre du traité CE.

103 Le gouvernement finlandais ajoute que le droit pénal a une importanceconsidérable tant du point de vue des principes que de la pratique. Aussi, si onavait voulu donner à la Communauté la compétence pour légiférer dans cedomaine, le traité CE l'aurait prévu explicitement. Une telle compétence nesaurait être tirée de manière indirecte et implicite de la compétence reconnue dansle cadre d'une politique quelconque, telle la politique de l'environnement. Plusparticulièrement, le droit pénal ne saurait être considéré comme un outil ou unmoyen dans la réalisation des politiques de la Communauté. Si tel était le cas, iln'aurait pas été nécessaire d'insérer des dispositions spécifiques en matière pénaledans le titre VI du traité sur l'Union européenne.

104 Par ailleurs, selon la jurisprudence de la Cour relative aux principes de loyauté etd'assimilation, les sanctions mises en place afin de garantir le respect du droitcommunautaire doivent être effectives, proportionnelles et dissuasives. Toutefois,cette exigence de l'efficacité ne saurait impliquer la compétence pour laCommunauté d'obliger les États membres à prévoir des sanctions pénales.

105 Même si l'un ou l'autre État membre décidait de sanctionner pénalement desinfractions au droit communautaire, cela n'aurait pas pour conséquence, sur leplan juridique, que la Communauté détient la compétence pour obliger tous lesÉtats membres à adopter des sanctions pénales et uniquement pénales. La manièredont les États membres mettent en œuvre le droit communautaire ne sauraitentraîner des conséquences sur le plan normatif quant à la compétence de laCommunauté.

106 Enfin, les actes de droit dérivé cités par la Commission ne permettent pasd'aboutir à une autre conclusion. S'agissant, en particulier, des directives 91/308et 2002/90, le gouvernement finlandais observe que l'existence de la déclarationdes États membres susvisée et de la décision-cadre 2002/946/JAI confirme sonapproche.

107 Le gouvernement suédois constate que la Commission n'a pas pu indiquer uneseule disposition du traité CE qui fonderait la compétence pour la Communauté delégiférer dans le domaine des sanctions pénales pour non-respect du droitcommunautaire. Quant à l'argument tiré de l'exigence de l'efficacité du droitcommunautaire, il observe que la jurisprudence de la Cour, à cet égard, repose sur1-18

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l'obligation de loyauté, au titre de l'article 10 CE, qui implique que les Étatsmembres doivent veiller à ce que les violations du droit communautaire soientsanctionnées dans des conditions, de fond et de procédure, qui soient analogues àcelles applicables aux violations du droit national d'une nature et d'uneimportance similaires et qui, en tout état de cause, confèrent à la sanction uncaractère effectif, proportionné et dissuasif (voir arrêt Nunes et de Matos, précité,points 9 à 12). De telles obligations ne pourraient être appréciées qu'au regard dusystème de chaque État membre pris isolément. Il serait possible que cetteappréciation aboutisse à la conclusion qu'une sanction pénale est instaurée dansun État membre, mais non dans un autre. Il en serait de même pour ce qui est duchoix entre des sanctions pénales et administratives. Le devoir de loyauté consacréà l'article 10 CE ne saurait, par conséquent, constituer le fondement juridique dela compétence de la Communauté pour légiférer de manière générale en matièrede sanctions pénales.

108 Eu égard au libellé et à l'économie actuels du traité, il serait manifeste que lacompétence en matière pénale n'appartient pas à la Communauté. La coopérationen matière pénale serait régie par le titre VI du traité sur l'Union européenne.Considérer que la Communauté est compétente dans ce domaine serait doncincompatible avec le principe fondamental énoncé à l'article 5 CE, à savoir que laCommunauté ne peut agir que dans les limites des compétences qui lui sontconférées.

109 Selon le gouvernement du Royaume-Uni, les articles 174 CE et 175 CE neconstituent pas une base juridique appropriée pour la décision-cadre. Ces articlesautorisent le Conseil à prendre des mesures pour atteindre les objectifs de lapolitique communautaire en matière d'environnement, mais ils ne confèrent pas àla Communauté une compétence pour légiférer dans le domaine du droit pénal. Letraité CE ne conférerait pas non plus à la Communauté une compétence générale àcet égard. Aussi, s'agissant de la prétendue violation de l'article 47 UE, laCommission tiendrait-elle pour acquis ce qu'elle cherche à prouver.

110 Le gouvernement du Royaume-Uni fait valoir que les seules dispositions du traitéCE qui mentionnent explicitement des mesures pour combattre des activitésillégales sont les articles 135 CE et 280 CE, lesquels indiquent tous deuxexpressément que de telles mesures ne concerneront pas l'application du droitpénal ou l'administration nationale de la justice.

111 L'un des objectifs de la création du «troisième pilier» aurait précisément étéd'instaurer une compétence de l'Union pour prescrire des sanctions pénales,laquelle ferait défaut dans le traité CE.

112 Aucun des arrêts mentionnés par la Commission n'étayerait l'idée que les articles174 CE et 175 CE - ou tout autre article de ce traité - attribuent la compétence encause à la Communauté. Au contraire, la Cour aurait indiqué qu'en satisfaisant àleurs obligations de coopération loyale en application de l'article 10 CE, les États

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RAPPORT D'AUDIENCE - AFFAIRE C-l 76/03

membres conservent le choix des mesures appropriées (voir arrêts, précités,Amsterdam Bulb, points 32 et 33; Commission/Grèce, point 23; Nunes et deMatos, point 14, et ordonnance Zwartveld e.a., point 17). Dans le même sens, lesrèglements nos 2241/87 et 2847/93, auxquels la Commission fait référence,auraient laissé le choix aux États membres entre les mesures administratives etpénales.

r

113 De plus, les mesures que les Etats membres prennent pour assurer la mise enœuvre de leurs obligations devraient être effectives et conformes au principe del'égalité de traitement, ce qui requiert la prise en considération des spécificitésnationales.

114 Le gouvernement du Royaume-Uni cite, à cet égard, plusieurs exemples desanctions civiles, appliquées en droit national pour assurer la mise en œuvre dedifférentes directives communautaires et jugées plus dissuasives et, parconséquent, plus efficaces.

115 En réponse aux différents mémoires en intervention présentés par les Étatsmembres, la Commission précise qu'elle ne revendique pas pour le législateurcommunautaire une compétence générale en matière pénale.

116 Elle ne prétend pas non plus que l'ensemble de la décision-cadre aurait pu prendrela forme d'une directive. Elle ne conteste pas, en particulier, que le titre. VI dutraité sur l'Union européenne constitue la base juridique adéquate pour lesdispositions de la décision-cadre traitant de compétence juridictionnelle,d'extradition et de poursuites. Toutefois, comme les articles 8 à 12 de la décision-cadre ne peuvent avoir d'existence autonome, la Commission a été amenée àdemander l'annulation de l'ensemble de la décision-cadre.

117 La compétence pénale communautaire revendiquée par la Commission ne seraitdonc pas de nature à vider de sa substance le titre VI du traité sur l'Unioneuropéenne. Mais, à l'inverse, l'existence de ce titre ne pourrait constituer en elle-même une preuve de l'absence de compétence pénale communautaire.

118 La Commission souligne encore que son recours ne traduit nullement une volontéd'assortir systématiquement les politiques communautaires de sanctions pénales.Ce n'est que lorsque l'appréciation politique d'une certaine situation conduit àconclure à la nécessité de sanctionner pénalement certains comportementsinfractionnels pour assurer l'efficacité du droit communautaire qu'il appartiendraitau législateur communautaire d'imposer aux États membres de prévoir dessanctions pénales.

119 Par ailleurs, la Commission observe que, si sa proposition de directive impose unetelle obligation aux États membres, elle ne leur impose pas d'avoir recoursuniquement à la sanction pénale en cas d'infraction à une obligationcommunautaire commise sur leur territoire. Les systèmes nationaux

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comprendraient de nombreux types de sanctions, en particulier administratifs, quipourraient être très efficaces dans certains cas.

120 Selon la Commission, les aspects de droit pénal visé constituent seulement unoutil au service de politiques communautaires spécifiques et jouent donc le rôleaccessoire. Ce serait donc la base juridique de la politique communautaire danslaquelle ils interviennent qui devrait leur servir de fondement.

Romain SchintgenJuge rapporteur

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COUR DE JUSTICEDES

COMMUNAUTES EUROPEENNES

Greffe

Luxembourg, 22/02/05

720.417Par porteur

i:,h

2 -s ,,' , _

n°76Messieurs M. Petite, J.-F. Pasquier etW. Bogensberger, agentsCommission des Communautéseuropéennesc/o L. Escobar GuerreroCentre Wagner C-254Luxembourg

Affaire C-l 76/03

Commission des Communautés européennesParlement européen, Partie intervenante

contreConseil de l'Union européenne

Royaume de Danemark, Partie intervenanteRépublique fédérale d'Allemagne, Partie intervenante

République hellénique, Partie intervenanteRoyaume d'Espagne, Partie intervenanteRépublique française, Partie intervenante

Irlande, Partie intervenanteRoyaume des Pays-Bas, Partie intervenanteRépublique portugaise, Partie intervenante

République de Finlande, Partie intervenanteRoyaume de Suède, Partie intervenante

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, Partie intervenante

Convocation -Audience de plaidoiries: 05/04/2005 - 09:30

Le greffier de la Cour de justice vous informe que, par décision du 15/02/2005, cette affaire a étérenvoyée devant la Grande chambre.

En application de l'article 11 quater du Règlement de procédure de la Cour, la chambre sera, saufempêchement ou imprévu, composée des juges suivants : V. Skouris, P. Jann, C.W.A. Timmermans,

TéléphoneTélécopieurE-mailAdresse internet

:(352) 43031:(352) 433766: eci.registrvfgicuria.eu.int: http://www.curia.eu.int

Toute correspondance est à adresser à:Cour de justice des Communautés européennesGreffeL - 2925 LUXEMBOURG

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A.Rosas, R. Schintgen, N. Colneric, J. Malenovsky, S.vonBahr, M. Ilesic, J.N. Cunha Rodngues,A. Borg Barthet, R. Silva de Lapuerta, G. Arestis, (avocat général désigné : D. Ruiz-Jarabo Colomer).

L'audience de plaidoiries aura lieu dans la salle d'audience de la Cour, boulevard K. Adenauer,Luxembourg-Kirchberg, à la date et à l'heure indiquées ci-dessus.

Dans l'intérêt du bon déroulement de ses procédures, la Cour doit prévoir la durée de cette audience,ainsi que celle des autres éventuellement fixées à la même date.

Dans ces conditions, vous êtes prié de faire savoir au greffe, dans un délai de quinze jours à compterde la réception de la présente, si vous avez l'intention de vous présenter à l'audience.

Dans l'affirmative, vous voudrez bien préciser la durée prévisible de votre plaidoirie, qui ne devraitpas excéder trente minutes, sauf dérogation accordée sur demande motivée présentée au moinsquinze jours avant la date de l'audience. En l'absence de précision sur la durée de votre plaidoirie, ilvous sera réservé un temps de parole de dix minutes.

Le greffe a reçu instructions d'inviter les agents des Etats membres à ne pas répéterl'argumentation du Conseil lors de l'audience.

A défaut de réponse à la présente notification, vous serez réputé avoir renoncé à vous présenter àl'audience.

Dans la mesure où les représentants des parties sont des avocats, ils sont priés de se munir de leurpropre toge.

Enfin, le greffier vous informe que M. le Président de la chambre souhaite rencontrer les conseils desparties avant l'audience. Vous êtes donc prié de bien vouloir être présents avant l'heure fixée pourl'ouverture de l'audience.

Vous voudrez bien trouver ci-joint le rapport d'audience.

Kaiarzyna SztrancAdministrateur

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