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1 PASCRENA RAPPORT DEFINITIF Ekué KOMLAN Aout 2013 ETUDE SOCIOLOGIQUE SUR LA REALITE DES PRATIQUES DE DELIVRANCE DU RECEPISSE POUR LES ORGANISATIONS DE LA SOCIETE CIVILE

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PASCRENA

RAPPORT DEFINITIF

Ekué KOMLAN

Aout 2013

ETUDE SOCIOLOGIQUE SUR LA REALITE DES PRATIQUES DE

DELIVRANCE DU RECEPISSE POUR LES ORGANISATIONS DE

LA SOCIETE CIVILE

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SOMMAIRE

1 Introduction………………………………………………………………………………………………. 3

2 Objectifs de l’étude…………………………………………………………………………………… 3

2.1 Objectif général………………………………………………………………………………………… 3

2.2 Objectif spécifique……………………………………………………………………………………. 3

3 Résultats de l’étude …………………………………………………………………………………. 3

4 Méthodologie……………………………………………………………………………………………. 3

4.1 Revue documentaire…………………………………………………………………………………. 3

4.2 Elaboration de questionnaire……………………………………………………………………. 3

4.3 Séances de travail avec la Division des Organisations Civiles et des

Associations (DOCA)………………………………………………………………………………….. 3

4.4 Administration des questionnaires aux associations…………………………………. 5

4.5 Traitement des questionnaires…………………………………………………………………. 6

4.6 Rédaction du rapport………………………………………………………………………………… 6

5 Résultats de l’étude …………………………………………………………………………………. 6

5.1 Cadre juridique de déclaration légale des associations de types Loi 1901… 6

5.2 Structure administrative en charge de la délivrance des récépissés…………. 7

5.3 Mode opératoire de l’octroi du récépissé…………………………………………………. 8

5.4 Difficultés rencontrées par le personnel de la structure en charge de la

délivrance du récépissé…………………………………………………………………………….. 10

5.5 Evolution de la demande et de la délivrance du récépissé………………………… 12

5.6 Analyse des principaux problèmes rencontrés par les usagers………………….. 16

6 Conclusion…………………………………………………………………………………………………. 24

Annexes……………………………………………………………………………………………………… 25

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3

1. INTRODUCTION

La présente étude sociologique démontre globalement que la procédure d’obtention du

récépissé d’association est loin d’être une sinécure. Ce serait plus vraisemblablement un

parcours du combattant qui en lasse plus d’un.

Cette étude menée auprès du ministère de l’administration territoriale, de la

décentralisation et des collectivités locales et avec la contribution de 150 associations ayant

fait la demande de récépissé, a permis de faire l’état des lieux de la procédure pour en

révéler les difficultés et les contraintes.

Elle s’est donnée pour mission de présenter la perception qu’ont les usagers de la Division

des Organisations Civiles et des Associations (DOCA) qui est en charge de la réception et de

l’étude des dossiers de demande de récépissé d’association. Elle se limite à la situation des

associations et n’aborde pas celles des ONG, des organisations syndicales et religieuses et ne

couvre pas non plus l’évaluation du cadre juridique régissant la liberté d’association.

Les difficultés rencontrées par les associations sont nombreuses et diverses. Pourtant le

régime de déclaration dans lequel s’inscrit cette démarche et qui émane de la loi de 1901 sur

les associations aurait pu laisser croire que cette formalité aurait dû et pu rester ce qu’elle

devrait être : une formalité. Elle devrait être simple et rapide et pourtant c’est tout à fait

l’inverse que vivent les demandeurs.

Contrairement à ce que les utilisateurs non avertis de ce service public pourrait penser, la

mission des agents qui y travaillent est lourde et rendue extrêmement laborieuse en raison

des insuffisances et dysfonctionnements multiples et de différentes natures. La présente

étude permet de les mettre en lumière.

Heureusement, depuis 2000 et plus particulièrement en 2007 des efforts ont été effectués

par la DOCA pour alléger la tâche aux demandeurs et simplifier quelque peu la procédure.

Cette mini réforme a produit dès 2012 des résultats très significatifs en faveur des

demandeurs et se reflète notoirement au niveau du taux de délivrance de récépissés.

2. OBJECTIFS DE L’ETUDE

2.1. Objectif général

L’objectif global de l’étude est l’amélioration du cadre juridique d’exercice des OSC.

2.2. Objectif spécifique

L’objectif spécifique est d’une part d’avoir une analyse en rapport avec la réalité associative

au Togo de la Loi 1901 pour savoir si elle est adaptée aux réalités nationales et d’autre part

et d’avoir d’autre part des éléments factuels documentés et prouvés de la qualité des

difficultés éprouvées par les OSC pour l’obtention de leur récépissé.

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3. RESULTATS ATTENDUS

Les principaux résultats attendus de cette étude sont :

Des interviews et enquêtes auprès des OSC sont menées dans les 5 régions du Togo ;

Une analyse documentée des réalités d’obtention du récépissé est disponible ;

Un constat et une compilation des faits et des difficultés inhérents aux démarches

d’obtention des récépissés est disponible.

4. METHODOLOGIE

4.1. Revue documentaire

Elle a consisté à rechercher de la littérature sur internet et dans les archives des réseaux et

autres regroupement d’OSC de la place. Cette recherche a permit de retrouver des

documents des faîtières des OSC, FONGTO et UONGTO et des réseaux régionaux et

thématiques. Une attention particulière a été également accordée aux rapports des projets

ayant eu pour objectif l’accompagnement des OSC notamment des projets appuyé par l’UE

ou le PNUD, notamment les projets tels que le PAOSC. De plus, une documentation assez

riche a pu être obtenue auprès du commanditaire lui-même.

En dehors des rapports d’études, recherches et projet, la revue documentaire s’est

intéressée aux bases de données des réseaux en vue d’identifier les OSC devant faire l’objet

du sondage. Cette phase de la revue a permis de compulser une importante liste des OSC

auprès du PNUD, de RELUTET, de FODDET et des réseaux régionaux.

Enfin, la revue documentaire a permis d’accéder à la base de données de la DOCA qui est

très fournie. Elle contient un listing des organisations ayant obtenu le récépissé depuis 2008.

4.2. Elaboration de questionnaire

Trois types de questionnaires ont été élaborés. Le premier est un guide d’entretien destiné à

animer la séance de travail avec la Division des Organisations Civiles et des Associations

(DOCA).

Le second est un questionnaire structuré de trois pages adressé aux usagers de la DOCA qui

feront l’objet du sondage.

Enfin un dernier guide d’entretien a été élaboré pour servir à recueillir des avis auprès de

personnes ressources ayant une connaissance avérée du domaine.

4.3. Séances de travail avec la Division des Organisations Civiles et des

Associations (DOCA)

Dans le cadre de la réalisation de la présente étude sociologique, quatre séances de travail

ont été réalisées avec le service de l’administration publique chargée de la délivrance du

récépissé. Il s’agit de la Division des Organisations Civiles et des Associations (DOCA) du

Ministre de l’Administration Territoriale, de la Décentralisation et des Collectivistes Locales.

Pour faciliter l’entrée de la Consultation au Ministère, une lettre officielle a été transmise au

Ministre de l’Administration Territoriale, de la Décentralisation et des Collectivistes Locales

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de sollicitant un rendez-vous pour discuter de la faisabilité de l’enquête auprès dudit

service.

Après bien des péripéties dues à l’indisponibilité du Ministre en raison du scrutin législatif

du 25 juillet 2013, le Ministre a reçu le Consultant et son assistant pour une brève audience.

Il a marqué sn approbation à la réalisation de cette étude en donnant des consignes aux

responsables de la Direction des Libertés publiques et des Cultes et de la Division des

Organisations Civiles et des Associations (DOCA). Il a souhaité pour conclure l’entretien que

cette étude puisse aider le ministère à clarifier le cadre légal des OSC et à créer un minimum

de coordination.

Par suite, un premier rendez-vous a été convenu sur le 21 aout 2013 pour une séance de

travail avec la division concernée.

Ladite séance de travail qui à eu lieu à la date indiquée a permis aux deux membres de

l’équipe de consultants, de discuter en long et en large des sujets inscrits dans le

questionnaire élaboré à cet effet. Il s’agit des textes organiques et des attributions de la

division, de son organigramme, du personnel, des procédures d’obtention du récépissé, des

moyens mis à disposition, des difficultés rencontrés et des approches de solutions. Le Chef

division et son chargé d’étude ont mis à disposition de l’équipe de consultants une

documentation numérique complémentaire aux informations fournies au cours de

l’entretien. Une visite aux locaux de la division a conclu la séance.

Il a été convenu à la fin de la séance qu’une nouvelle séance serait organisée à une date qui

sera fixée de commun accord pour discuter des questions complémentaires.

4.4. Administration des questionnaires aux associations

Tableau N°1 : Répartition par région des OSC ayant participé au sondage

REGION Nombre %

Lomé 48 31

Maritime 25 16

Plateaux 23 15

Centrale 15 10

Kara 25 16

Savanes 17 11

Total 153 100

Au total, 153 organisations ont répondu aux questionnaires du sondage. Cet échantillonnage

a essayé de respecter la représentativité des OSC dans chaque région. Au cours de

l’administration du questionnaire qui a nécessité une mission à travers les 5 régions du Togo

et Lomé, il a été à chaque fois demandé des témoignages permettant d’illustrer tout le

processus d’obtention du récépissé.

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Il faut préciser qu’environ 200 questionnaires ont été ventilés, ce qui implique un taux de

réponse de 77%.

En dehors des OSC, 15 personnes ressource ont été approchées pour livrer leur réflexions et

témoignages sur le sujet.

4.5. Traitement des questionnaires

Le questionnaire structuré des OSC a été généré sur le logiciel Sphinx. A la suite de

l’enregistrement des réponses, un traitement a permis d’apurer les donner et d’établir des

tableaux primaires et croisés. Des tableaux et des tendances ont été établis. Les réponses

des entretiens avec les personnes ressources ont été également analysées et classées.

4.6. Rédaction de rapport

Ces formations analysées ont permis de rédiger le présent rapport à travers les tableaux. Les

éléments recueillis des réponses des entretiens avec les personnes ressources et la DOCA

ont servi également à alimenter la rédaction.

5. RESULTATS DE L’ETUDE

5.1. Cadre juridique de déclaration légale des associations de types Loi 1091

Pour mieux comprendre la situation, un bref rappel juridique s’impose. Sous colonisation

française le Togo va hériter de la loi du 1er juillet 1901 relative à la liberté d’association. Cet

héritage s’effectuera par le biais de deux décrets d’application pris en mai 1946 qui rendent

applicable au Togo le titre premier du décret du 16 août 1901 portant règlement

d’administration publique pour l’exécution de la loi du 1er juillet.

Plus tard, concernant spécifiquement les associations, deux arrêtés vont être pris ; l’un le 17

décembre 2008, il fixe les frais d’étude des dossiers des organisations de la société civile et

de culte. L’autre sera pris le 28 juin 2011 et portera création d’une régie de recettes auprès

du ministère de l’administration territoriale, de la décentralisation et des collectivités

locales1. Par ailleurs, la Loi n° 2011-10 va fixer les conditions d’exercice de la liberté de

réunion et de manifestation pacifiques publiques. Pour l’essentiel l’arsenal juridique qui

encadre les associations se résume aux textes précités.

Ces dispositions seront jugées archaïques et d’application difficile autant pour les

associations que pour les structures communautaires telles que les comités villageois de

développement (CVD) et les comités de développement de quartier (CDQ). Le mutisme des

textes par rapport aux regroupements d’associations a également été maintes fois relevé par

1 Arrêté n°0067/MATDCL-CAB , Arrêté n°17/MEF/SG/DGTCP/DCP

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les OSC et les études disponibles sur le sujet2 et rencontres organisées3. Il en est de même

de l’insuffisance de dispositions juridiques relatives à la reconnaissance d’une association

jugée d’utilité publique.

5.2. Structure administrative en charge de la délivrance des récépissés

d’association

Au Togo, le service de l’administration publique chargé de la délivrance du statut

d’association conformément à la loi 1901 est la Division des Organisations Civiles et des

Associations (DOCA).

5.2.1. Historique

Pour mieux comprendre la situation, il faut remonter à la période coloniale et l’introduction

de la Loi 1901 dans la colonie togolaise en 1946 par décret pris par l’autorité (confère

Annexe). Elle résulte de la nécessité pour l’autorité coloniale de contrôler la création des

premiers mouvements de lutte pour l’indépendance. A l’indépendance, le Ministère de

l’Intérieur a hérité de cette loi qui n’a subi aucune modification.

On constate une certaine évolution dans l’application de la Loi 1901 au cours des années,

évolution liée aux mutations politiques dans le pays.

5.2.2. Organigramme

La Division des Organisations Civiles et des Associations est un service du Ministère de

l’Administration Territoriale, de la Décentralisation et des Collectivistes Locales logé plus

précisément au sein de la Direction des Libertés Publiques et des Cultes.

5.2.3. Texte organique

Depuis son érection en division 2006 avec le détachement du Ministère de l’Intérieur et de la

Sécurité, ce service en charge de la délivrance des récépissés ne dispose pas de texte

réglementaire.

Son attribution principale est la délivrance de récépissé aux associations nationales et

étrangères, aux groupements y compris les coopératives, aux syndicats et fondations. En fait,

il s’occupe aujourd’hui principalement des associations de développement.

Selon le chef division, des réflexions et propositions ont été engagées mais n’ont pas abouti.

Pour pallier cette insuffisance, le personnel et principalement le chef division travaillent sur

la base de d’initiatives et de prépositions soumises à la hiérarchie

2 Etude COSS/DSRP portant renforcement du cadre juridique, législatif et réglementaire des activités des

organisations de la société civile 3 Atelier de réflexion sur l’efficacité de la structure de gouvernance des ONG qui avait entre autres objectifs de

faire l’tat des lieux et de proposer des pistes en vue de réformer les dispositions issues de la Loi de 1901

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5.2.4. Ressources de la DOCA : Personnel et équipement

Actuellement, la division compte trois agents :

Un (1) chef division

Un (1) chargé d’études

Un (1) agent d’appui

Les deux premiers ont une formation de juriste, tandis que le troisième est un commis de

bureau.

Il est limité à deux (2) bureaux qui accueillent les trois agents. Le second a attendu très

longtemps avant de disposer d’un climatiseur. Un dernier local est affecté aux archives et

reçoit les dossiers des organisations. Son équipement est très sommaire (quelques

étagères).

Officiellement, la division ne dispose pas de l’outil informatique pour la gestion des dossiers

des associations. Mais, afin d’optimiser son travail, le chef division a acquis personnellement

un ordinateur de bureau. Avec environ 11 000 dossiers enregistrés depuis 1990, il est

évident que l’outil informatique est capital.

5.3. Mode opératoire de l’octroi du récépissé

La procédure d’obtention du récépissé à la DOCA comprend 6 étapes : la demande, l’étude,

l’enquête, le dépôt, la délivrance et l’insertion au Journal Officiel.

5.3.1. La demande

Elle comporte différentes pièces à fournir suivant le type d’organisation (association,

fondation, groupement ou mutuelle ou coopérative, syndicat, réseau ou consortium ou

fédération, association internationale ou étrangère). L’ensemble des pièces est déposé à la

DOCA. Selon les statistiques disponibles à la DOCA, environ une moyenne de 700 dossiers

sont reçus par an.

5.3.2. L’étude

Dès réception de la demande se met en place une procédure d’accompagnement en vue de

la finalisation du dossier. Avec l’appui des agents de la DOCA, les demandeurs de récépissé

sont conviés à parfaire les différents éléments du dossier. Selon le chef division, il est

proposé à cet effet aux usagers, des modèles de textes (statuts et règlement intérieur) qui

ont été mis au point par son soin. C’est à la suite de cet accompagnement que le dossier

peut être recevable.

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5.3.3. L’enquête

On peut signaler d’entrée de jeu qu’à l’origine, la loi ne prévoyait aucune procédure

d’enquête. Mais depuis l’amorce de la démocratisation du pays dans les années 90, il est

organisé une enquête autour des membres du Bureau Exécutif ou des membres du Conseil

d’Administration dont la liste est jointe au dossier.

En fait selon les responsables de la DOCA, c’est une enquête de moralité qui est réalisée

autour des premiers responsables de l’organisation. Elle est exécutée en dehors des

communes par la gendarmerie, dans les villes par la police et à Lomé par la Direction

Centrale des Renseignements Généraux (DCRG). A cet effet, les requêtes sont adressées à la

Gendarmerie par l’intermédiaire du Ministère de la Défense et à la Direction Centrale de la

Police Nationale.

Depuis l’année 2007, les enquêtes de moralité systématiques ont été abandonnées sur

proposition de la division. Néanmoins, si les circonstances l’exigent, la division peut

commanditer une enquête policière spécifique sur des dossiers particuliers pour éclairer des

zones d’ombre.

5.3.4. Le dépôt

A la suite du bouclage du dossier et l’accord de la DOCA et le rapport favorable de l’enquête

de police ou de la gendarmerie, le demandeur est invité à payer les frais d’étude de dossier.

Ceux-ci sont versés depuis quelques années auprès d’un régisseur spécialement installé au

par le Ministère des Finances sur la base de deux arrêtés :

Arrêté N° 0067/MATDCL-CAB du 17 décembre 2008 fixant les frais d’étude de dossier

des OSC et de Culte a institué des frais légaux à verser à l’administration publique

dans le cadre de la demande du récépissé.

Arrêté N°017/MF/SG/DGTCP/DCP du 28 janvier 2011 portant création d’une régie de

recette auprès du ministère de l’administration territoriale de la décentralisation et

des collectivités locales.

Le dépôt donne droit à un numéro d’enregistrement qui est communiqué au requérant.

5.3.5. La délivrance

L’ensemble du dossier apprêté permet désormais de préparer le récépissé à la signature du

Ministre de l’administration territoriale, de la décentralisation et des collectivités locales. Il

est donc le seul à décider en définitive de signer ou non le récépissé et du moment opportun

pour le faire.

5.3.6. Insertion au Journal Officiel (JO)

Tout récépissé délivré doit selon la loi, être insérer au journal officiel dans les 30 jours.

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La mise en œuvre de ces différentes étapes connaît de nombreuses difficultés qui

transparaissent d’ores et déjà de la description des effectifs humains affectés à cette mission

que de l’insuffisance du matériel et des équipements de travail. Cependant, d’autres

contraintes émaillent le processus.

5.4. Difficultés rencontrées par le personnel de la structure en charge de la

délivrance du récépissé

5.4.1. Difficultés administratives et juridique/institutionnelles

D’abord, les textes instituant la division ne sont pas complets puisque les textes

d’application de l’arrêté devant la créer n’ont jamais été élaborés. Ce qui signifie qu’on est

en face d’une absence de procédures légales officielles régissant le fonctionnement de la

DOCA. On comprend alors que le fonctionnement de la division ne répond à aucun cadre

légal et peut être à géométrie variable voire aléatoire pour certains requérants ou pour

certaines situations. De plus, les agents n’ont aucune contrainte de temps pour la délivrance

du récépissé en l’absence de tout document de procédure ou d’une note administrative

fixant les délais de délivrance du récépissé.

L’enquête de moralité, quant à elle, soulève de nombreuses interrogations. Alors qu’elle

n’est pas prévue par la loi, à quoi était-elle sensée servir ? Quel type d’information devait

chercher la police judiciaire au cours de l’enquête de moralité pour soutenir ou non le droit

des individus à participer à la direction d’une association ? En fait, nombreuses ont été les

personnes interviewées à se poser la question de sa valeur ajoutée au processus. Elles ont

été également nombreuses à craindre que cette étape ne cache d’autres motifs non avoués.

Ce qui est certain, c’est que la DOCA n’avait aucune maitrise du déroulement de cette

investigation qui est aisément assimilable à un abus d’autorité ?

En tout état de cause, les usagers semblent avoir eu raison, puisque la suppression par le

ministère de l’enquête de moralité systématique a plutôt contribué à accélérer la procédure

depuis 2007.

5.4.2. Insuffisance ressources humaines

La DOCA dispose de peu de ressource humaine : en tout et pour tout, trois agents sont

dévolus à cette division. Mais seuls deux interviennent effectivement dans la procédure

d’obtention du récépissé. Ce qui parait bien peu. Selon les statistiques fournies par la

division, on dénombre une moyenne de 700 demandes par an au cours des 11 dernières

années.

Ce qui revient à dire que chaque agent doit traiter et valider plus d’un dossier par jour. Or

chaque dossier est étudié et traité à plusieurs reprises avec les demandeurs. Ceci est

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corroboré par la fréquence élevée de rejet des dossiers de demandes : près de trois sur

quatre sont rejetés jusqu’à trois fois avant l’obtention du récépissé. Il est donc clair que

malgré toute leur volonté de bien faire et même avec les outils les plus performants, les

agents de la division auront du mal à satisfaire les demandes en temps et en heure. Si on y

ajoute le fait qu’au bout de la chaine, seul le Ministre décide du « droit de vie ou de mort

sur le récépissé4 », l’on comprend alors pourquoi il est si difficile d’obtenir en un temps

raisonnable un récépissé d’association.

5.4.3. Difficultés logistiques

Elles sont liées à la gestion des archives et à l’insuffisance des infrastructures immobilières

5.4.3.1. Gestion inappropriée

Il s’agit tout d’abord de difficultés à gérer matériellement les dossiers de demande et les

récépissés : ce qui soulève un problème d’archivage.

En effet, la DOCA est amenée de part ses attributions à gérer une base de données de

milliers de dossiers. Ceci nécessite évidemment des moyens informatiques. A ce jour, la

division n’en dispose pas, du moins officiellement. Le seul ordinateur de bureau sur lequel

travaille le Chef de division est obsolète et ne dispose pas de logiciel approprié pour gérer les

milliers de données à conserver. Cette insuffisance d’ordre technique n’est pas sans

inconvénient sur le rendement de la division et sur la qualité du service public. En témoigne

la situation suivante qu’un responsable d’association nous a rapportée sur le terrain :

Cette situation est la conséquence d’un problème d’archivage résultant de l’absence de

moyens techniques appropriés. Pendant longtemps, les dossiers ont été gérés

manuellement sans tenir compte des dites techniques. Depuis quelques années, le Chef

division a pu réorganiser quelque peu les archives et on en est aujourd’hui à un archivage

4 Expression utilisée par un responsable de Réseau d’associations très connu au cours du sondage effectué sur le

terrain.

« Je suis responsable d’une association de média. J’ai déclaré mon organisation et obtenu le

récépissé en 2005. J’ai été complètement surpris de constater trois ans après qu’une autre

organisation déclarée en 2008 porte le même nom que ma structure. Ce qui ne devait pas

arriver à mon sens. Le drame c’est que le responsable de la deuxième organisation m’a appelé

et sur un ton très peu courtois m’a accusé de tenter d’usurper l’identité de son association. Il a

fallu qu’on se rencontre et que je lui démontre l’antériorité de mon récépissé par rapport au

sien » Extrait d’un entretien avec un responsable d’association.

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acceptable avec un classement par date par numéro de récépissé et par classeur. Mais il ne

s’agit que d’une partie des dossiers. En fait le problème d’archivage ne peut être réglé que

par la mise à disposition de l’outil informatique avec des logiciels adaptés à la gestion de

base de données.

5.4.3.2. Manque de locaux appropriés

L’une des tâches de la division consiste à gérer et conserver les dossiers mais l’équipement

ne permet pas la conservation optimum des dossiers en l’absence de climatisation. C’est un

complément essentiel à la réalisation complète des attributions de la division. Il s’agit de

disposer de locaux à température et taux d’humidité requis pour conserver le mieux possible

les dossiers. Ces locaux devant être équipés de meubles à rayons facilitant le classement des

dossiers. Et pourquoi ne pas penser à un archivage numérique de ces dossiers.

Ces difficultés affectent énormément la capacité de délivrer dans un délai raisonnable les

récépissés.

5.5. Evolution de la demande et de la délivrance du récépissé

5.5.1. Evolution de la demande du récépissé

Graphe N° 1: Répartition des demandes de récépissé enregistrées au DCA (2002 à 2012)

Il faut préciser pour commencer que plus de 11 000 demandes ont été enregistrées par le

ministère depuis l’ouverture démocratique en 1990. La demande de récépissés par les OSC a

été étudiée sur la période allant de 2002 à 2012 sur la base des données fournies par la

DOCA. Au total, plus de 8000 demandes ont été enregistrées sur les onze années étudiées.

De façon générale, on constate une augmentation constante de la demande de 2002 à 2008

puis une certaine inflexion jusqu’en 2012 : de 596 demandes en 2002 à 980 en 2008 et 858

en 2012. Sur toute la période, on peut observer une valeur moyenne de plus de 700

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demandes annuelles. Ces demandes émanent de toutes les régions du pays et concernent

toute la gamme de domaines d’intervention des OSC.

5.5.2. Evolution de la délivrance des récépissés

5.5.2.1. Tendance générale de l’évolution de la délivrance du récépissé depuis

2002

Graphe N°2 : Répartition de la délivrance du récépissé au DCA (2002 à 2012)

Selon tous les témoignages des responsables des OSC, la délivrance du récépissé a toujours

posé des problèmes. A l’instar des demandes, la délivrance de récépissé a crû depuis 2002.

Sur la période étudiée, il a été délivré 4326 récépissés. D’à peine 200 récépissés en 2002, la

DOCA a délivré en 2012 plus de 850 récépissés soit une augmentation de plus de 400%. En

fait, la courbe d’évolution de la délivrance du récépissé a connu une évolution en quatre

phases. D’abord, elle a connu une phase stable où le nombre de récépissé a tourné autour

de 200 par an sauf en 2003 (96 récépissés) de 2002 à 2005. Puis elle a connu une croissance

à pic suivie d’une baisse. Il s’agit des années 2006 à 2008 où le nombre de récépissés

délivrés est passé de 526 à 125. Depuis 2009, la délivrance de récépissés augmente

graduellement ; elle avoisine le chiffre de 900 en 2012.

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Graphe N°3 : Evolution du taux de délivrance du récépissé au DOCA (2002 à 2012)

Depuis cette année-là, le nombre de récépissés délivrés a régulièrement augmenté pour

arriver à un chiffre record de 858 récépissés délivrés en 2012 surpassant pour la première

fois le nombre de demandes dans l’année. C’est une prouesse à laquelle personne ne

s’attendait mais elle est réelle. Et elle est assez significative car elle est de 10 points (110%).

Cette évolution permet d’atteindre une moyenne de presque 400 récépissés par an. Ceci est

une très grande évolution si l’on se rappelle qu’en 2003, on en était à seulement 96. Ceci

prouve que les réformes opérées par la DOCA ont porté leurs fruits.

5.5.2.2. Répartition par région

L’étude s’est intéressée à la répartition par région de la délivrance du récépissé (confère

Tableau N°2).

Tableau N°2 : Evolution de la délivrance des récépissés par région de 2010 à 2012

2010 2011 2012 ENSEMBLE TAUX

MARITIME 126 188 225 539 25

PLATEAUX 55 79 87 221 10

CENTRALE 27 27 42 96 4

KARA 34 34 48 116 5

SAVANES 15 24 29 68 3

LOME 320 371 425 1116 52

TOTAL 577 723 856 2156 100 Source : Statistiques de la DOCA - Etude sur la délivrance du récépissé, août 2013

Sur la période de 2010 à 2012, au total 2156 récépissés ont été délivrés. La Région Maritime

et Lomé représentent 77% et Lomé à elle-seule accueille plus de 50%. Cette tendance est

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régulière puisqu‘en 2011, Lomé rassemblait plus de 55% des récépissés. Sur ces trois années,

dans toutes les régions, le nombre de récépissés obtenus a régulièrement augmenté. De

plus, on remarque que le nombre de récépissés diminue au fur et à mesure qu’on s’éloigne

de la capitale sauf pour la Région de la Kara qui supplante la Région Centrale dans cette

évolution géographique. Ceci pourrait s’expliquer par le fait que la Région de la Kara compte

7 préfectures alors que la Région Centrale n’en compte que 5.

5.5.2.3. Répartition par domaine d’intervention Tableau N°3 : Evolution de la délivrance des récépissés par domaine d’intervention de 2008 à 2012

Période Ensemble Domaine 2008 2009 2010 2011 2012 TAUX

Agriculture - Elevage 2 26 26 40 27 121 4

Culture - Artisanat - Sport 12 36 49 79 98 274 10

Droit l'homme - Démocratie - Bonne gouvernance 5 23 55 46 64 193 7

Droits de l’enfant 5 21 33 47 69 175 6

Environnement - Développement durable 12 58 130 50 100 350 13

Genre - Droits de la femme 9 21 39 57 51 177 7

Humanitaire - Action Sociale 17 46 59 69 94 285 11

Jeunesse - emploi 4 29 42 24 66 165 6

Lutte contre la pauvreté 6 9 14 75 53 157 6

Renforcement des capacités - Formation 3 7 16 1 39 66 2

Santé - Nutrition - Planification familiale - 4 28 47 73 71 223 8

Scolarisation - Alphabétisation 0 3 18 62 26 109 4

Autre 46 116 49 100 100 411 15

TOTAL 125 423 577 723 858 2 706 100 Source : Statistiques de la DOCA - Etude sur la délivrance du récépissé, août 2013

L’étude s’est intéressée aussi à la répartition par domaine d’intervention de l’obtention du

récépissé sur les cinq dernières années (confère Tableau N°3). On remarque une répartition

éparse de l’attribution du récépissé selon les domaines d’intervention. En dehors d’un

groupe d’associations classées "Autre" qui représente 15% des récépissés, il est difficile de

considérer qu’un domaine est « privilégié » : trois ont des taux compris entre 10 et 13%

(Environnement - Développement durable, Humanitaire - Action Sociale, Culture - Artisanat

– Sport) et trois autres ont des taux d’établissement du récépissé situés entre 7 et 8% (Droit

l'homme - Démocratie - Bonne gouvernance, Genre - Droits de la femme, Santé - Nutrition -

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Planification familiale). Il a été difficile de vérifier par les statistiques d’obtention du

récépissé cette affirmation relevée dans les Actes du Colloque sur les relations entre l’état et

la société civile, PAOSC 2006, qui dont les travaux ont laissé entendre que les organisations

de défense des droits de l’Homme se considèrent comme persécutées du moins sur les cinq

dernières années. Des témoignages prouvent cet état esprit qui est prégnant au sein des

organisations des droits de l’Homme.

Un autre responsable d’une ONG des droits de l’Homme a affirmé au cours de l’entretien

que l’obtention du récépissé pour son organisation a été un véritable parcours du

combattant.

5.6. Analyse des principaux problèmes rencontrés par les usagers

5.6.1. Longs délais de délivrance du récépissé

Tableau N°4 : Taux de satisfaction par rapport au délai d’obtention du récépissé

Nombre Taux

Oui 39 26%

Non 109 74%

Total 148 100% Source : Statistiques de la DOCA - Etude sur la

délivrance du récépissé, août 2013

L’un des griefs principaux portés par les usagers sur le processus de délivrance du récépissé

est la longueur du délai entre le dépôt du dossier de demande et l’obtention réelle du

précieux document. Officiellement et selon les textes du DOCA, aucun délai n’est prescrit. Ce

qui en soi n’est pas réglementaire. A la pratique, l’enquête effectuée auprès des usagers

montre que près de trois sur quatre d’entre eux n’en sont pas satisfaits (Tableau N°4). Selon

leurs déclarations, ce délai dans la plupart des cas est trop long. Ceci peut être observé dans

le Tableau N°5 ci-après :

Tableau N°5 : Délai d’obtention du récépissé

0 à 3 mois

3 à 6 mois

6 à 9 mois

9 à 12 mois

12 à 18 mois

18 à 24 mois

24 à 30 mois

30 à 36 mois

Plus de 36 mois NSP Total

Nb 13 10 6 26 7 14 3 4 21 37 141

% cit. 9% 7% 4% 18% 5% 10% 2% 3% 15% 26% 100%

Source : Statistiques de la DOCA - Etude sur la délivrance du récépissé, août 2013

« Ce fut une véritable bataille avec le ministère qui a duré plus de 6 ans. J’ai fini par me dire

qu’on n’aura plus jamais le récépissé. Je suis convaincu que c’est parce qu’on travaille dans le

domaine des droits de l’homme. Avant les années 2000, c’était trop difficile. » Extrait d’un

entretien avec un responsable d’association de défense des droits de l’homme.

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On observe dans ce tableau que seul 9% des demandeurs ont pu disposer du récépissé au

bout de 3 mois. Ce taux s’élève à près de 40% pour le délai d’une année. Entre 12 et 36 mois,

seul 20% des associations arrivent à l’obtenir. Elles sont 15% des sondées à se faire établir le

précieux document au-delà de 3 ans. Il faut noter qu’un quart des personnes interrogées

n’ont pas pu déterminer le délai. Il est donc clair que l’opinion des usagers du service de

délivrance du récépissé est largement justifiée en ce qui concerne leur non satisfaction par

rapport au délai.

Les participants au sondage se sont également prononcés sur les raisons qui expliquent à

leurs yeux la longueur du délai de délivrance du récépissé (confère Tableau N°6 ci-après).

Tableau N°6 : Raison de la délivrance tardive selon les usagers

Source : Statistiques de la DOCA - Etude sur la délivrance du récépissé, août 2013

Les usagers ont relevé avec raison le problème de l’insuffisance du personnel évoqué plus

haut. Apparemment, celui-ci saute aux yeux. Cette évocation a retenu l’attention d’un quart

d’entre-eux. Une autre raison y subséquente est la négligence ou l’incompétence du

personnel. A l’observation et à la suite des entretiens avec le personnel, cette évocation ne

semble pas justifiée puisque celui-ci a su proposer des solutions en vue de l’amélioration de

leurs prestations. Il faudra rappeler également que le Chef de division a dû acquérir par ses

propres moyens un ordinateur de bureau en vue de faciliter le travail. Enfin, des

témoignages ont révélé que le personnel de la DOCA vient travailler les samedis et autres

jours non ouvrables.

Une troisième évocation a très à l’épineux problème du pot de vin ou autre appel de fonds.

Celle-ci est ressortie chez pratiquement le tiers des personnes touchées. Selon toute

vraisemblance, les usagers ont interprété les délais assez longs comme une invite déguisée

au versement de pot de vin. La pratique est assez répandue dans les services publics selon

les usagers. Elle est ancrée dans les habitudes. Un quart des usagers l’ont affirmé.

Evocation Nombre % obs.

Insuffisance de personnel 35 23%

Négligence ou incompétence du personnel 42 28%

Sollicitation directe ou indirecte de pot de vin 46 30%

Désir d'empêcher la création d'association ou blocage politique 39 26%

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Le personnel reconnaît que les requérants font des cadeaux divers pour service rendu. Selon

ces fonctionnaires, « personne n’est bête pour refuser un cadeau surtout de l’argent ». Mais

ils ont pris soin d’ajouter qu’en fait ces cadeaux ne peuvent changer fondamentalement le

cours des choses puisque c’est le Ministre qui décide ou non de signer le récépissé.

Enfin, la quatrième évocation fait référence à des raisons politiques. Selon les usagers, il

existe une volonté manifeste de l’administration d’empêcher les citoyens de créer des

associations, ce qui reviendrait à laisser trop d’espace de liberté aux citoyens. Cet espace de

liberté d’association pourrait se retourner contre le pouvoir politique en place. C’est ce qui

justifierait d’ailleurs que les associations de droits de l’Homme se sentent plus que les autres

persécutées. Il s’agit là de commentaires de responsables d’une association intervenant dans

le domaine de la bonne gouvernance. L’un d’entre eux a complété son témoignage en

affirmant que pour restreindre la marge de manœuvre de ces associations qui viendraient à

nuire au pouvoir en place, ce dernier en aurait mis en place par personnes interposées des

méthodes destinées à reléguer aux calandres grecques les demandes de récépissé. Cette

manœuvre selon lui existerait depuis la période coloniale et aurait été révélé durant la

conférence nationale.

A contrario, certains citoyens pensent que les associations ont des buts inavoués5, ce qui

expliquerait les enquêtes approfondies pour déceler les ambitions cachées des associations

en création:

:

5 PASCRENA, Mission d’étude cartographique expérimentale de la société civile de la Région des savanes et de

la Région Maritime, Rapport final, mai 2013, page 218.

Pour déposer mon dossier, je me suis informé chez un ami qui a pu se le faire délivrer assez

rapidement. Il m’a indiqué que si le dossier est prêt, il faut y ajouter une somme de soixante

mille francs. Là tu es sûr de l’avoir dans les meilleurs délais. Et c’est ce que j’ai fait. J’ai été

récompensé. Mais c’est quelque chose que j’ai fait à contre cœur. Je me suis dis que c’est

ainsi que fonctionne notre administration. Témoignage d’un usager résident à

Lomé.

J’ai déposé ma demande récépissé depuis un an sans résultat. J’ai donc décidé de le suivre

et j’effectuais des visites régulières à la DOCA. Comme je venais de l’intérieur, l’un des

agents en blaguant me demandait si j’avais ramené une spécialité de mon lieu de

provenance. A force, dès mon arrivée à Lomé, j’allais au marché pour lui acheter quelques

produits pour les lui offrir. Témoignage d’une requérante de l’intérieur

« Les OSC existent mais elles sont souvent créées à la veille des élections. Elles sont créées pour

des buts politiques ». Extrait d’un entretien avec un censeur de lycée dans la

Préfecture de l’Oti, mars 2013.

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En vue de faire accélérer cette procédure de délivrance qui dure trop longtemps, les usagers

ont imaginé des solutions palliatives :

Tableau N°7 : Solutions palliatives selon les usagers à la délivrance tardive

Source : Etude sur la délivrance du récépissé, août 2013

Selon le tableau ci-dessus, la solution la plus utilisée est la « Mise à contribution d'un tiers »,

elle a été citée par 41% des usagers. Elle prend des formes diverses : c’est un parent direct

ou indirect qui connaît le personnel de la DOCA ou encore une connaissance du même

village ou de la même ethnie que lui ; c’est encore quelqu’un qui peut avoir une autorité

quelconque supposée sur le personnel ou des relations très étroites avec lui.

Une autre variante de cette solution est la sollicitation d’une rencontre avec le Ministre ou

avec un autre cadre du même ministère. Cette forme étant plus administrative alors que

souvent la précédente est informelle. Un usager sur cinq affirme l’utiliser.

Mais la seconde solution par ordre d’importance (22%) à l’usage est le pot de vin. Ainsi le

non versement de pot de vin serait, pour de nombreux usagers, la cause de la longueur du

délai de délivrance, mais il serait également une des solutions palliatives à cette difficulté.

Enfin, la lettre de relance, la solution purement administrative ne requiert l’assentiment et la

pratique que de 9% des demandeurs.

En définitive, il apparait que l’intervention des tiers est pour les citoyens le meilleur moyen

de faire bouger les choses puisqu’elle est à l’usage de près de deux usagers sur trois.

Enfin, selon les investigations, en vue de contourner la longueur du délai, certains usagers se

contentaient de se limiter au numéro d’enregistrement obtenu au moment de l’acceptation

du dossier dûment corrigé et accepté par la DOCA. Ce palliatif a fait long feu puisque à partir

d’un certain moment, les partenaires techniques et financiers qui appuient les OSC ont

refusé de s’en contenter. Il était donc devenu impératif que seul le récépissé d’association

faisait foi de l’existence légale des OSC.

5.6.2. Difficulté dans la constitution du dossier et la rédaction des documents

requis

Le dossier de demande de récépissé comporte en général, les pièces suivantes : une lettre

de déclaration, les statuts, le Règlement Intérieur, la liste des responsables (Bureau Exécutif

Solution Nombre % obs.

Pot de vin 34 22%

Mise à contribution d'un tiers 62 41%

Courrier de relance 13 9%

Sollicitation de rencontre avec le Ministre ou un cadre 31 20%

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ou Conseil d’Administration), les copies de pièce d’identité des responsables, deux

enveloppes timbrées et une chemise à sangle.

Cette liste a été mise en place par les responsables de la DOCA (confère Annexes). Pour les

usagers, la constitution de ce dossier est un problème. Dans une étude toute récente de

PASCRENA, les associations ont pu évoquer les raisons de la non possession du récépissé. Et

selon leurs dires, « la difficulté à constituer le dossier ou la longueur des procédures de son

obtention »6 est une des raisons qui l’explique. Cette affirmation a été faite par les

associations des Régions Maritime et des Savanes.

En fait, pour bon nombre de personnes qui mettent en place une association, la rédaction

des textes constitue un véritable casse-tête. Puis après y être parvenu, souvent avec l’aide

d’un tiers, commence une phase délicate au niveau du dépôt.

Celle-ci consiste souvent à parfaire selon les agents de la DOCA les textes juridiques,

notamment les statuts et le règlement intérieur. Ces agents affirment être assez rigoureux

sur cet aspect, ce qui conduit les usagers à faire de nombreux va-et-vient pour corriger et

recorriger les textes jusqu’à ce que ceux-ci soient acceptables aux yeux des responsables de

la division.

La formulation des buts et objectifs de l’organisation au regard des domaines d’intervention

reste souvent la partie la plus difficile. Et comme il se pose le problème de ressource

humaine, l’on comprend que le délai s’allonge.

La solution qui consisterait à utiliser un canevas préétabli ne plairait pas au responsable du

service dans la mesure où selon lui, chaque association est différente.

La principale conséquence de la rigueur dans la rédaction des textes est le rejet des dossiers.

6 PASCRENA, Mission d’étude cartographique expérimentale de la société civile de la Région des savanes et de

la Région Maritime, Rapport final, mai 2013, page 120.

Un usager du service affirme tout admiratif devant le soin mis à faire les textes dit : « Ils sont

tellement méticuleux sur la rédaction des textes juridiques qu’ils corrigent même les points sur

les i ». Un usager de la DOCA.

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21

Graphe N°4 : Nombre de rejet du dossier

Source : - Etude sur la délivrance du récépissé, août 2013

Le graphe ci-avant montre la fréquence de rejet des dossiers de demande de récépissé. On y

remarque que seuls 14% des usagers ont pu faire passer leur dossier sans rejet c'est-à-dire

du premier coup. Ce taux est vraiment faible. 40% on essuyé un rejet tandis que ce taux

monte à presque 75% pour 3 rejets.

Si on prend en compte le fait que les demandes viennent de toutes les régions du pays, on

comprend aisément le calvaire que vivent les usagers qui arrivent des Régions Centrale, de la

Kara et des Savanes.

Cette multiplication a bien sûr une répercussion négative sur le coût du processus.

5.6.3. Centralisation de la procédure

Il n’y a qu’un seul service de l’administration publique qui est en charge de la délivrance du

récépissé. Il s’agit de la DOCA et ce service est situé à Lomé. Ainsi le dépôt de tous les

dossiers de déclaration d’association ne peut se faire qu’à Lomé. En dehors d’une

déconcentration de ce service ou de la mise en œuvre de la décentralisation, les usagers de

la partie septentrionale (Régions Centrale, de la Kara et des Savanes) pays sont obligés de

faire le voyage sur la capitale et à plusieurs reprises au regard de la pratique constatée. Cette

situation les pénalise doublement. En dehors des difficultés constatées dans le processus de

délivrance du récépissé, les usagers des régions sus-citées doivent subir toutes les

conséquences de voyages multiples notamment les frais de déplacement et les frais de

séjour. Ceci peut être une des explications du faible taux de récépissés dans lesdites régions

(confère Tableau N°2). Cette situation est confortée par la récente étude du PASCRENA dans

la Région des Savanes7 dans laquelle il et relevé que la longueur des procédures de son

obtention est la raison de sa non possession.

7 PASCRENA, Mission d’étude cartographique expérimentale de la société civile de la Région des savanes et de

la Région Maritime, Rapport final, mai 2013, page 204.

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22

Par ailleurs, il est apparu dans des années antérieures que certains usagers se contentaient

de déclarer leurs organisations auprès des Préfets. Il s’agit essentiellement de groupements.

A ce titre, ils recevaient un document signé du Préfet qui leur permettait d’exercer.

Afin d’alléger la procédure pour certains demandeurs, deux Préfectures dans la partie

septentrionale du pays (Tchaoudjo et Oti) ont accepté de réceptionner les demandes et de

les transférer par courrier officiel à la DOCA.

5.6.4. Enquête de personnalité et de moralité longue

Pour réaliser l’enquête, la Gendarmerie procède à une collecte d’information discrète autour

de la personne relativement à comportement dans la vie sociale, même dans son ménage ;

le cursus scolaire et de formation et le casier judiciaire sont passés au peigne fin. Et sur la

base des informations recueillies, l’officier traitant produit un rapport favorable ou

défavorable. Habituellement, aucune notification n’est faite au demandeur sur les

conclusions de l’enquête surtout quand elle est défavorable.

En définitive, on a constaté selon les responsables de la division que la gendarmerie réalise

une enquête discrète tandis que la Police procède autrement : les concernés sont convoqués

presque manu militari au commissariat. Il n’est pas rare selon de nombreux témoignages de

responsables d’associations enquêtés que la Police leur demande de payer le papier et les

frais de déplacement de leurs agents.

5.6.5. Le coût généré par le processus de délivrance du récépissé

Les usagers se sont également prononcés sur le coût lié à l’obtention du récépissé (confère

tableau N°8). Ce coût comprend : les déplacements, la communication téléphonique,

éventuellement les pots de vin, bref les dépenses totales effectuées dans le cadre de ce

processus. Seuls dix personnes dit n’avoir pratiquement rien dépensé pour s’approprier le

récépissé. Près de la moitié des usagers interrogés (46%) ont évalué les coûts à plus de

50 000F CFA. Ce montant parait assez exorbitant pour un document officiel qui était gratuit

jusqu’en l’an 2008. Un petit calcul permet de se rendre compte que ce montant est dépasse

le double du SMIG avant sa revalorisation il y a quelques années. L’autre moitié des

demandeurs a chiffré les dépenses entre 5000 et 50 000F.

En définitive, le coût du processus est prohibitif et devient ainsi un facteur limitant de

l’obtention du récépissé.

Histoire d’une organisation islamique : le dossier de demande stipulait que ladite organisation

est de type association de développement à caractère religieux. Suite à l’enquête de minutieuse par

rapport aux textes, aux objectifs, au fonctionnement et aux observations de terrain, il a été constaté

l’organisation n’est pas de type association de développement mais une structure de propagation

religieuse et à ce titre devait être orientée vers la division des cultes. (DOCA)

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23

Tableau N°8 : Coût lié à la délivrance du récépissé

Source : Statistiques de la DOCA - Etude sur la délivrance du récépissé, août 2013

Il est utile de préciser que c’est en 2008 que par arrêté N° 0067/MATDCL-CAB du 17

décembre 2008 fixant les frais d’étude de dossier des OSC et de Culte a institué des frais

légaux à verser à l’administration publique dans le cadre de la demande du récépissé

(confère Annexe).

5.6.6. Refus de retrait des récépissés

Au cours des entretiens avec le personnel, de la DOCA il a été fait un constat assez

particulier : certains demandeurs ne viennent pas retirer les récépissés. La division compte

dans ses archives plus de 2000 récépissés non retirés dont certains datent de dix ans. Ce

phénomène s’expliquerait certainement par la lassitude des usagers par rapport à la durée

du service fourni par la DOCA. Un des usagers ayant participé au sondage a déclaré que la

longueur du processus est très dommageable aux OSC. Il arrive souvent qu’elles sollicitent le

récépissé pour constituer un dossier de financement. Et le processus ayant trop trainé, le

délai expire et pour le demandeur, « le récépissé n’a plus sa raison d’être » du moins dans

l’immédiat. C’est ce qui explique souvent le non retrait du document. Pour d’autres,

l’attente a été tellement longue qu’ils en sont lassés et renoncent à poursuivre le processus.

Et l’organisation fonctionne sans pièce juridique officielle. Un membre du personnel

témoigne aussi :

Ce témoignage est révélateur de l’état d’esprit qui habite un certain nombre d’usagers

complètement déçus par la qualité du service public.

Coût en F CFA Nombre %

5000 à 10000 8 6%

10000 à 15000 10 7%

15000 à 20000 13 9%

20000 à 25000 3 2%

25000 à 30000 18 13%

30000 à 35000 8 6%

35000 à 40000 1 1%

40000 à 45000 0 0%

45000 à 50000 17 12%

Plus de 50000 65 46%

Total 143 100%

Je suis de Dapaong et l’année dernière, j’ai pris mon congé. Pour en jouir j’ai décidé de me rendre dans

mon village natal. J’en ai profité pour emporter avec moi quelques récépissés de la préfecture de Tone

qui trainaient avec nous. J’ai été surpris que certains n’ont pas daigné venir les retirer bien qu’ayant

pris soin de les appeler avant mon départ et à mon arrivée sur les lieux. J’ai dû ramener encore ces

récépissés à Lomé. Je pensais leur rendre service. (DOCA)

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6. CONCLUSION

On constate au vu de tout de qui précède que le processus d’obtention du récépissé

d’association est loin d’être une partie de plaisir. C’est un parcours extrêmement difficile et

coûteux. Tous les désagréments qui en résultent découragent beaucoup de citoyens qui avec

une bonne volonté se décident à mettre leur ressources et leur temps au profit du

développement de leur pays.

L’Etat gagnerait beaucoup à améliorer la situation telle que décrite qui ne profite à

personne. D’une certaine manière, les réformes déjà engagées ont commencé à produire

leurs fruits depuis quelques années. Il est souhaitable que ces transformations aillent en

profondeur et permettent à tous les citoyens quel qu’il soit et où qu’il se trouve d’apporter

sa pierre à la construction de la nation togolaise engagée dans un vaste chantier de

développement à la sortie des crises à répétition qui l’ont secouée.