le réveil des combattants juillet / août 2015

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QUAND MACRON SE RÊVE EN « RÉVOLUTIONNAIRE »" CGT ET ARAC, PORTEUSE DE MÉMOIRE OTAN/RUSSIE ETAT D’ALERTE Juillet-Août 2015 - N° 815-816 - 5 www.le-reveil-des-combattants.fr En toute souveraineté la Nation grecque dit NON NON à l'austérité, NON à la misère, NON aux inégalités Que chacun prenne ses responsabilités face aux exigences du peuple grec

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Page 1: Le réveil des combattants Juillet / Août 2015

QUAND MACRON SE RÊVE

EN « RÉVOLUTIONNAIRE »"

CGT ET ARAC,PORTEUSE

DE MÉMOIRE

OTAN/RUSSIEETAT D’ALERTE

Juillet-Août 2015 - N° 815-816 - 5 €

www.le-reveil-des-combattants.fr

En toute souveraineté la Nation grecque dit NON

NON à l'austérité, NON à la misère, NON aux inégalitésQue chacun prenne ses responsabilités face aux exigences du peuple grec

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2 - LE RÉVEIL - N° 815-816 - JUILLET-AOÛT 2015

La « 3e guerre mondiale en morceaux »S’unir pour la conjurer !

La création de l’ARAC en 1917, en plein déroulement de la guerre de 1914-1918, répondait à la volonté de ses combattants et des populations qui en furent victimes : « Plus jamais ça, guerre à la guerre, dénoncer les causes pour l’éradiquer. » D’où l’immense action persévérante de deux de ses combattants de surcroît écrivains : Henri Barbusse et Romain Rolland qui fondèrent le grand mouvement pour la paix et contre le fascisme : Amsterdam-Pleyel qui rassembla 30 000 associations de tous les pays du monde.

Malgré cette action d’envergure, d’autres confl its prirent naissance et les désastres de la deuxième guerre mon-diale s’ajoutèrent à ceux de la première.

De ces deux guerres et des autres, l’ARAC fut le témoin et parmi les acteurs les plus remarqués du combat pour la paix et contre le fascisme.

De ce fait, l’ARAC a conscience de tous les désastres produits par les guerres, destructions et massacres des enfants, des femmes, des personnes âgées. Sans oublier les combattants et les combattantes dont Henri Bar-busse disait : « deux armées aux prises c’est une grande armée qui se suicide ». Voyant aujourd’hui en revenir les causes qu’elle a dénoncées et qu’elle combat, l’ARAC exprime sa plus vive inquiétude devant le « climat de guerre » entretenu aujourd’hui et la « sorte de troisième guerre mondiale livrée par morceaux » comme l’a si bien qualifi é le pape François à Sarajevo le 6 juin dernier.

Elle trouve pertinentes les prises de position de personnalités à ce sujet comme celle très récente du Pape François qui dénonce « ceux qui attisent délibérément [le climat de guerre] en particulier ceux qui cherchent l’affrontement entre différentes cultures et civilisations, et aussi ceux qui spéculent sur les guerres pour vendre des armes » ou encore comme celles d’Hubert Vedrine et de Dominique de Villepin. Et nous ajoutons ceux qui suscitent les guerres pour conquérir des marchés en utilisant l’idéologie fasciste remise au goût du jour pour entraîner des individus à servir leurs causes.

L’ARAC exprime aussi sa très vive inquiétude face aux mises en cause de l’ONU, véritable barrage contre la guerre construit par l’Assemblée Générale des représentants des peuples du monde au lendemain de la guerre 1939-1945, sur la base de sa Charte réglant leurs rapports essentiels : « Nous les peuples du monde décidons… »

Dans cet esprit, l’ARAC qui s’est créée pour s’opposer aux causes des guerres, se bat aujourd’hui pour une Europe de paix contre ceux qui attisent les oppositions d’intérêts entre certains pays de notre continent. C’est pour cela qu’elle agit pour obtenir que chaque Nation d’Europe recouvre réellement sa souveraineté car alors chaque peuple pourra décider de son destin et coopérer librement avec les autres pour construire une Europe des nations libre et démocratique, rempart de la paix dans le monde.

Villejuif, le 8 juillet 2015

Page 3: Le réveil des combattants Juillet / Août 2015

LE RÉVEIL - N° 815-816 - JUILET-AOÛT 2015 - 3

ÉDITO LE RÉVEIL

SOMMAIRE

www.le-reveil-des-combattants.fr

LE RÉVEIL DES COMBATTANTS

Fondé en 1931 par Henri-BarbusseMensuel de l’Association républi-caine des anciens combattants et

victimes de guerre.Commission paritaire n° 0713-A 06545ISSN N° 0751-6215 • Édité par les Éditionsdu Réveil des Combattants • SARL au capitalde 45 734,41 € - Siret : 572 052 991 000 392, place du Méridien - 94807 Villejuif cedexTél. 01 42 11 11 11Fax. 01 42 11 11 [email protected]

• Tirage : 60 000 exemplaires• Gérant Directeur de la publication : Raphaël Vahé• Directeur délégué - Rédacteur en chef : Pa-trick Staat• Comité de Rédaction : Brigitte Canévêt, Hervé Corzani, Jean-Pierre Delahaye, André Fillère, Lau-rence Gorain• Service photos : Jean- Claude Fèvre• Administratrice : Annick Chevalier• Conception graphique - Impression : RIVET PRESSE EDITION - 24 rue Claude-Henri-Gorceix, 87022 Limoges cedex 9

METTRE FIN À CETTE EUROPE, À CET EURO QUI ÉCRASENT LES PEUPLES

La démocratie et la volonté du peuple grec ont été exécutées « pour l’exemple ». Le « non »

grec exprimé par 61 % de ceux et celles qui savent ce qu’est la misère. Cinq années d’austérité qui ont en-gendré souffrance, drame social,

humanitaire, une économie détruite : le chômage à 30 %, 60 % pour les jeunes, 45 % de la population en dessous du seuil de pauvreté, sans compter l’augmen-tation des inégalités à venir. La Grèce reste dans l'euro mais à quel prix ?L’étranglement inexorable de la Grèce va se pour-suivre. Les investisseurs étrangers vont prendre le contrôle de l’économie grecque… et les banques in-ternationales continueront à percevoir leurs rentes.Cet accord « est une certaine conception de la solida-rité européenne » dit M. Fabius. C'est celle des traités, celle qui étouffe la souveraineté des nations, construit les inégalités et la misère, Politique si chère à notre président, à son 1er ministre, à leurs amis : Donald Tusk, illustre inconnu, président du Conseil européen dont personne ne connaît les compétences. Jean-Claude Juncker, grand architecte de l’optimisation fi s-cale du Luxembourg alors 1er ministre du Grand-duché aujourd'hui président de la Commission européenne. Mario Draghi, patron de la BCE, ancien de Goldman Sachs (la banque qui a falsifi é les comptes grecs), Martin Schulz, fantomatique président du Parlement européen. Jeroen Dijsselbloem, dirigeant de l’Euro-groupe, cette instance informelle bien plus puissante que la majorité des institutions offi cielles de l’UE. Des gens sont désignés qui ne rendent compte à personne.Sans oublier C. Lagarde patronne du FMI et A. Mer-kel.La solution n'est pas plus d'intégration car cela tuera la démocratie et la souveraineté des peuples“Aucun pouvoir établi n'a le droit de priver les po-pulations du plein exercice de leur souveraineté. A chaque fois qu'ils le font, nous voyons la montée d'une nouvelle forme de capitalisme qui porte un sé-rieux préjudice à la paix et à la justice”.“Le nouveau colonialisme a plusieurs visages. Par-fois, il a l'infl uence anonyme des veaux d'or que sont les entreprises, les organismes de crédit, certains traités de libre échange et l'imposition de mesures d'austérité qui obligent toujours les travailleurs et les pauvres à se serrer la ceinture.” (Pape François, 9/07/2015, Santa Cruz)L'espoir réside dans notre volonté à nous rassembler sur des contenus forts sans compromis prenant en compte toujours l'intérêt du plus grand nombre.

Patrick STAAT

Actualités

Déclaration ARAC ..............................................................................2

Quand Macron se rêve en « révolutionnaire » ...................................4

Comment les grands opérateurs de télécommunications se moquent de leurs salariés et des usagers ? .........................................................5

Le Président Juncker exige un TAFTA qui détruise les PMEeuropéennes .........................................................................................6

Drones .................................................................................................. 7

International

Otan/Russie : Etat d’alerte ...................................................................8

Loi sur le renseignement : Surveillance de masse ..............................9

En Italie une école de drones militaires Predator ............................23

Vos droits

Le Handicap : Une grande cause nationale… HAMPUTE ! ...........25

Vie de l’ARAC

Nouvelle adresse de l’ONAC ............................................................24

Aumont 2015 – Maison Barbusse .....................................................26

L’Hommage à André Maillard ..........................................................27

Vie des comités ..................................................................................28

Voyage au Vietnam ............................................................................30

Livres P30 à P. 32

P. 11 . D O S S I E R

CGT et ARAC,porteuses de Mémoire

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4 - LE RÉVEIL - N° 815-816 - JUILLET-AOÛT 2015

LE RÉVEIL ACTUALITÉS

Quand Macron se rêve en « révolutionnaire »"

« Vous vous rendez compte, dans mon pays, il était interdit de se déplacer en car d’une ville à l’autre, c’est fou non ? » En prélude du troisième som-met de l’attractivité, qui se tenait à l’Elysée autour de François Hollande, Emmanuel Macron recevait à dîner, le 15 juin, une vingtaine de très grands patrons internationaux, dont ceux de Samsung, Siemens, Intel ou Barilla. Flanqué de quelques start-upper, sym-boles des succès de la French Tech, il a bien sûr vanté les mérites de sa loi qui va « déverrouiller une économie sur-réglementée » et leur ouvrir de nou-veaux marchés.

Un ministre qui se veut disruptif et révolutionnaire

Plus généralement, le ministre de l’Economie a détaillé, chiffres à l’ap-

pui, comment le gouvernement auquel il appartient réduit à la fois les dé-penses publiques et le coût du travail, au point de rendre désormais la France plus compétitive que l’Allemagne. Dixit Macron, qui s’exprimait dans un anglais parfait, un des piliers de la mutation en cours est la réforme du marché du travail, qui va introduire à la fois de la « fl exibilité » et de la « sé-curité ».

Affi chant sa volonté d’être « disruptif et révolutionnaire », le ministre – de-vant un auditoire qui n’a sans doute jamais entendu parler des subtilités de l’usage de l’article 49-3 ou de la Mo-tion A du congrès socialiste de Poitiers – a poussé les feux du social libéra-lisme : « Il faut utiliser le momentum économique plutôt favorable pour ac-célérer les réformes et délivrer. »

Délivrer, délivrer, délivrer : le mot – un barbarisme – revient sans cesse dans la bouche de l’ex-banquier d’affaires pour qui il convient d’être « les meil-leurs d’une façon durable » afi n de mériter la confi ance de ses visiteurs. Promis, une fois votée sa loi, Emma-nuel Macron mettra son énergie pour continuer de faire bouger le pays d’ici à 2017. A discuter avec un de ses proches, off the record cette fois, on apprend que le ministre ne craint pas de brûler ses vaisseaux, prenant date pour l’avenir.

Macron prêt à se lancer dans la bataille du Code du travail

En attendant poursuit notre source, « il a la confi ance pleine et entière de Fran-çois Hollande ». Et à la rentrée, le mi-nistre a l’intention de préempter deux

dossiers : l’intégration européenne et la réforme du Code du travail. Sur le premier sujet, Macron a cosigné une tribune dans Le Figaro il y a quelques jours avec son homologue allemand Sigmar Gabriel. Sur le second, ce sont Robert Badinter et Antoine Lyon-Caen qui s’en sont chargés, dans un texte publié par Le Monde, en provoquant, sans surprise, des réactions autrement plus nombreuses. Le terrain est balisé, et l’ambitieux ministre de l’Economie compte bien s’y engouffrer.

Dans une ambiance de business lunch comme on les pratique à Davos – dont tous les convives sont des habitués –, le ministre s’est enfl ammé : « We are on the track, France is back and we will deliver ». Ce qui peut se traduire par : « La France est sur la bonne voie, elle est de retour et nous allons tenir nos objectifs ». Les dirigeants des multina-tionales n’ont pas été invités à s’expri-mer à la suite de la tirade pro-business du wonder boy de l’équipe gouverne-mentale. Il était prévu qu’ils le fassent à l’Élysée après avoir écouté le pré-sident de la République. À huis clos.

CHALLENGES – 16 juin 2015

En petit comité, devant une vingtaine de grands patrons internationaux, le ministre de l'Economie a trouvé ses slogans : « France is back » and « we will deliver ». Sa prochaine cible : le Code du travail.

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LE RÉVEIL - N° 815-816 - JUILLET-AOÛT 2015 - 5

ACTUALITÉS LE RÉVEIL

Voici ce que touchent « nos malheu-reux » opérateurs :

20 milliards d’euros de l’Etat au titre du « Plan fi bre et très haut débit » : ac-quis grâce à vos impôts sur le revenu !

312 millions d’euros, total années 2013, 14 et 15, rien que pour Orange au titre du CICE (Crédit d’Impôt Com-pétitivité Emploi) dont la vocation se-rait de développer l’investissement, l’innovation et le recrutement : acquis grâce à vos impôts sur le revenu !

750 millions alloués aux seuls opé-rateurs SFR et Orange, par la région Nord-Pas-de-Calais afi n de construire le réseau fi bre en zone rurale… sup-posés créer environ 1 000 emplois ! Acquis grâce à vos impôts fonciers et taxes d’habitation !

Que font-ils de cet argent, de notre argent ? Y a-t-il vraiment des em-bauches ? Est-ce que vos abonne-ments sont en baisse ? Avons-nous vraiment un réseau de qualité, un service de qualité ?

Pour l’emploi voici la casse

En 10 ans chez Orange, c’est 17 433 emplois supprimés ! Sur les deux dernières années, 6 800 équivalents temps plein.

Bouygues, SFR, Orange attaquent les services techniques, les réseaux de dis-tribution (boutiques ou centres d’ap-pels) !! On licencie (chez Phone House et Tel and Com suite aux ruptures de contrat de Bouygues et Orange), on sous-traite, on franchise, on fi lialise et on ramasse l’argent !!

Orange a renégocié tous ses contrats de sous-traitance technique, on passe de plus de 600 entreprises à 15 que

l’on appelle « MAJORS ». Le « don-neur d’ordres », c'est-à-dire Orange, a légalement la responsabilité de s’assu-rer que grâce au prix du marché, aux effectifs de ces entreprises… celles-ci soient en capacité en conformité avec le Code du travail… IL N’EN EST RIEN !!

Voici la réalité :

Licenciements, chômage technique, sous-traitance en cascade, conditions de travail catastrophiques, augmen-tation de la productivité (+ 50 % par-fois !), journée de 14 h pour certains salariés, heures supplémentaires et dé-lais de route non rémunérés, et la liste est longue… !

Ces donneurs d’ordres n’assument pas leurs responsabilités et participent à la casse sociale en se jouant des lois… Patrons voyous ! Et vous, « chers » clients, voici comment Orange se pré-occupe de vous et de votre installation téléphonique : Connaissez-vous « le service universel » ?

En résumé, c’est l’assurance pour chacun d’accéder : à un raccordement d’une ligne fi xe ; à la fourniture d’un service téléphonique de qualité ; à Internet avec un débit suffi sant ; à un tarif abordable.

Orange s’est engagé à en être le ga-rant ! Sachez qu’à ce titre, tous les opérateurs européens lui versent la co-quette somme de 14 169 397 €

« Le gouvernement n’ignore pas la si-tuation… Il serait d’ailleurs diffi cile de faire autrement, tant je reçois de courriers des élus locaux concernant le

mauvais état du réseau dans nos terri-toires. »

L’ARCEP (Autorité de Régulation des Communications Electroniques et

Poste) :

« Constatant que certains indicateurs de qualité de service présentés par la société Orange, prestataire du service universel pour la composante de rac-cordement et de service téléphonique, n’étaient pas conformes aux objectifs qui s’imposent à elle, l’Autorité a dé-cidé l’ouverture d’une enquête admi-nistrative aux fi ns de recueillir auprès d’Orange l’ensemble des informations et documents relatifs au respect de ces prescriptions. »

Et pourtant Orange, en parallèle, met en place un système de facturation au-tomatique appelé «Magnum», ce sys-tème consiste à émettre une factura-tion de 69 € TTC dès lors que l’usager signale un dysfonctionnement sur sa ligne et qu’il y a nécessité d’un ren-dez-vous avec un technicien.

Avant, l’usager n’était facturé que lorsque la panne était située à l’inté-rieur de son domicile !

Cette astuce aurait permis à Orange de se mettre trois fois plus d’argent dans la poche !

Comment les grands opérateurs de télécommunications se moquent de leurs salariés et des usagers ?Le secteur des télécommunications est le deuxième secteur le plus riche en Europe (derrière le secteur pétrolier)..

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LE RÉVEIL ACTUALITÉS

Le Président Juncker exige un TAFTA qui détruise les PME européennes

Marc Voinchet, présentateur sur France Culture, est en émoi ce 13 juin 2015 : « Nous sommes avec le président de la commission européenne, excusez du peu ». Effectivement, cela va être du lourd ! De l’entretien, juste un petit conseil sera donné aux pauvres ten-tés par l’extrémisme : « Il ne faut pas suivre les populistes ».

Mais à quoi bon une démocratie puisque pour Juncker « nos arrière-pe-tits-enfants ne sauront même pas de quoi on parle, quand on parlera de guerre en Europe ». Notre fi n jour-naliste n’a pas posé de question sur le mot creux qu’est devenu dans la bouche du président de la Commission européenne la démocratie. N’a-t-il pas déclaré le 4 mars 2015, après l’élec-tion de Tsipras, que « les élections ne changent pas les traités ».

Mettre en concurrence les pauvres est l’obsession de ce Président ; baisser le salaire minimum est l’objectif caché sous les bonnes paroles. Les premiers moments de l’interview, l’ancien mi-nistre des Finances du Luxembourg qui a contribué a orchestré une Europe où les entreprises ne paient presque plus d’impôt, semble réellement touché par ce qui est la conséquence même

de l’évasion fi scale généralisée : « Les Grecs sont au bord de la pauvreté, ils ne veulent plus voir la politique d’austérité… Je me sens très proche des Grecs qui souffrent. » Puis plus tard, dans l’interview : « il faudra bien que la France accepte d’accueillir un nombre plus grand de migrants ». On retient une larme. Mais Marc Voinchet n’ose probablement pas demander si à Luxembourg-ville il y aura des squats de migrants ?

Les Etats eux-mêmes ne doivent pas traiter les questions stratégiques : « On ne peut laisser aux états-nation la ges-tion des migrants ». L’Europe va s’oc-cuper du problème migratoire avec un a priori : il manque des dizaines de millions d’immigrés pour l’Europe de 2060 qui vieillit. « L’Europe a besoin d’immigration quoi qu’on en dise… il faudra organiser l’immigration et nous allons le faire. »

Cette concurrence de migrants sans papiers et sans travail est un atout supplémentaire pour mettre la pres-sion sur les salaires. La troïka exige dans tous les pays la baisse drastique du salaire minimum. M. Juncker va jusqu’à demander les réformes les plus honteuses pour tester le niveau d’ac-

ceptation des peuples : « Certains des éléments que nous avions fait parvenir à la partie grecque ont été rejetés, ce qui parfois est compréhensible, parce que les trois institutions voulaient par exemple augmenter le coût de l’élec-tricité, le coût des médicaments… que les gouvernants grecs aient rejeté ces propositions ne m’a guère surpris… Nous leur avons dit qu’il faudrait qu’ils remplacent les mesures qu’ils ne voudraient pas par des mesures équi-valentes en termes de revenu fi scal. »

Enfi n, après la mise en concurrence des pauvres entre eux, celle des petites entreprises avec les multinationales est à l’ordre du jour de l’Europe de Juncker. Ces PME n’ont aucun intérêt pour celui qui roule pour les multina-tionales, voire ouvre l’Europe aux in-vestissements chinois. TAFTA mérite donc d’être durci pour pénaliser les PME. Il nous rassure comme des en-fants : « A propos de TAFTA, il ne faut pas nourrir des craintes ». Puis assène le coup mortel aux PME. Non seule-ment Juncker ne veut pas de Small Bu-siness Act version européenne, mais il veut que TAFTA le grave dans le marbre : « Il ne faut pas toujours avoir ce réfl exe protecteur et nombriliste. L’Europe est en train de négocier avec le gouvernement américain la fi n de ce système… Nous sommes en train d’ex-pliquer aux autorités américaines que leur manière de protéger leur marché a vocation à disparaître si les Etats-Unis et les Européens veulent se mettre d’accord sur un traité de commerce. »

Juncker est un oligarque, de ceux qui ont confi squé toute démocratie. Nous en serions presque à lui préférer un dictateur éclairé. Seule peut nous libé-rer la révolte des gueux.

Denis Dupré

Enseigne la fi nance et l’éthique à l’Université de Grenoble-Alpes, cher-cheur au CERAG et à l’INRIA (équipe STEEP).

J.-C. Juncker et A. Merkel.

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LE RÉVEIL - N° 815-816 - JUILLET-AOÛT 2015 - 7

ACTUALITÉS LE RÉVEIL

DronesEn 2012, en occultant les effets dévas-tateurs des drones aériens sur la mort de civils innocents à travers le monde, était présenté un drone sous-marin qui vante les mérites des nouveaux véhi-cules sous-marins sans équipage de la Marine des Etats-Unis.

La Marine U.S. espère que ces drones feront leurs premiers pas dans un futur proche. Ces drones pourraient « chan-ger la donne » a affi rmé Christopher Egan, gestionnaire du programme au Centre naval de guerre sous-marine. Chaque aspect rendant les drones aé-riens si effi caces peut tout aussi bien s’appliquer aux sous-marins. »

Le véhicule sous-marin de gros cy-lindre sans équipage (LDUUV) sera grand, très autonome et effectuera des missions de longues distances durant des mois. Il pourrait éventuellement être armé. L’impact le plus signifi catif du LDUULV pourrait être sur les plans offensif et défensif. Cette technologie a fait ses preuves, elle peut être utilisée dans une guerre sous-marine.

Où en sommes-nous aujourd’hui ?

Le programme franco-britannique MMCM permet le développement d’une nouvelle capacité industrielle. Thales et BAE Systems vont dévelop-per un prototype de drone destiné à la détection et à la neutralisation des mines marines et dispositifs explosifs improvisés sous-marins. La France et la Grande-Bretagne ont lancé en mars, dans le cadre du traité de Lancaster House, un programme innovant de guerre contre les mines navales.

« Le développement de systèmes de drones navals est un domaine nou-veau et passionnant au Royaume-Uni comme en France. En travaillant ensemble sur la base d’une vision commune des systèmes de drones sous-marins, nous serons en mesure

de déterminer les avantages que le développement de cette capacité na-vale pourrait apporter, sur les plans militaires, fi nanciers, technologiques et des compétences », a expliqué le secrétaire d’Etat britannique, Philip Dunne.

Initié en 2012, le contrat annoncé en mars 2015 porte sur la défi nition, la réalisation et la qualifi cation de deux prototypes d’un système de drones na-vals, de surface et sous-marins. C’est inquiétant quand on voit les ravages des drones aériens, qui « déshuma-nisent » la guerre, qui frappent en Irak ou en Syrie assis dans des fauteuils confortables situés en Allemagne ou aux Etats-Unis. Sans risque pour les donneurs d’ordres, mais catastro-phiques pour les populations civiles, le mot c’est « effets collatéraux ». Der-rière ce vocable, ce sont des femmes, des enfants, des populations civiles assassinées.

Vers qui vont se tourner ces drones sous-marins ? Vers les navires mili-taires irakiens, iraniens, palestiniens, syriens ? Vers les bateaux qui ne doivent pas quitter les côtes libyennes comme ces bateaux d’immigrés qui arrivent en Italie. Qui va décider des frappes ? Ceux qui sont responsables de guerres et qui contraignent des mil-

liers d’hommes, de femmes, d’enfants à chercher refuge ailleurs.

Ce sont eux, les présidents des Etats-Unis, de la France, le 1er ministre anglais, la chancelière allemande, qui portent la responsabilité essentielle de ce désastre humain. En décidant, seuls de déclarer la guerre en dehors du droit international en dehors d’une décision de l’ONU. Eux qui laissent fi nancer Daesch par la Turquie, les Emirats Arabes entre autres. Eux qui possèdent la technologie qui sème la terreur dans des régions entières.

Nous courons à la catastrophe. Même le pape, en juin 2015 à Sarajevo, s’en inquiète. Tout indique les risques de 3e guerre mondiale tellement est grande leur volonté à tout prix de contrôler le monde, contrôler les richesses, contrô-ler la pensée ; contrôler les hommes et les femmes, faire taire la démocratie, faire de la planète un immense marché.

Derrière l’idée de guerre moderne, derrière l’idée de guerre humanitaire se dégage la volonté d’un nouveau dé-coupage du monde.

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LE RÉVEIL INTERNATIONAL

Otan/Russie

Etat d’alerteDéclarations belliqueuses et démonstrations de force se multiplient. La sécurité en Europe de plus en plus menacée ?

« L’escalade verbale, et maintenant militaire, qui oppose depuis plusieurs mois Moscou et Washington, rap-pelle certaines heures sombres du XXe siècle, lorsque la guerre froide tenait le monde en haleine. Et le dé-ploiement temporaire de nouveaux armements lourds sur le fl anc Est de l’Otan, annoncé, début juin, par les Etats-Unis, n’a fait qu’amplifi er la colère de la Russie ». C’est ce qu’on pouvait lire, fi n juin, dans les colonnes du quotidien gratuit « Direct Matin », sous le titre « des armes lourdes amé-ricaines en Europe de l’Est : un parfum de guerre froide » Dans notre dernier numéro, daté juin 2015, « le Réveil » alertait sur la volonté de l’Otan de mi-litariser une partie de l’Europe, le long de la frontière russe, au risque d’une escalade… Aujourd’hui, la presse se fait de plus en plus l’écho d’un ren-forcement du dispositif militaire de l’Otan en Europe sous la houlette du Pentagone et de la Maison-Blanche et du danger d’une nouvelle course aux armements. A Sarajevo, le pape François a dénoncé lors de son dernier voyage « un climat de guerre (…) une

espèce de 3e guerre mondiale livrée par morceau ».

Concrètement, les USA s’apprête à dé-ployer en Bulgarie, en Roumanie, en Pologne et dans les trois pays baltes, 250 pièces d’armements, dont quatre-vingts chars lourds Abrams, 140 véhi-

cules blindés Bradley, et vingt canons automoteurs. Pour la première fois de tels engins seront opérationnels dans ces pays, qui appartenaient à la sphère d’infl uence de l’Union soviétique jusqu’à la chute de celle-ci, en 1991.

Pour autant, l’Alliance Atlantique aux ordres de Washington se défend de toute « course aux armements (…) mais nous devons garder nos pays en sécurité », a déclaré son secrétaire gé-néral, Jens Stoltenberg, avant une ré-union des ministres de la Défense de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord à Bruxelles. « Il n’y a aucun doute que la Russie est responsable d’actes agressifs en Europe », a asséné Stoltenberg. Mais qui provoque qui ?

Au cours des derniers mois l’Otan a ainsi multiplié les exercices sur son fl anc est, envoyé davantage de navires dans la Baltique et en mer Noire, et augmenté le nombre des avions de

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INTERNATIONAL LE RÉVEIL

chasse effectuant des missions de « police de l’air » au-dessus des pays baltes.

Réunis dans la capitale belge les 24 et 25 juin, la rencontre des ministres de la Défense de l’Otan a, entre autres, don-ner le feu vert au renforcement de la force de réaction de l’Alliance (NRF), qui passe de 13 000 à plus de 30 000 hommes, et fait le point sur les ef-forts entrepris, depuis septembre, pour rendre ses troupes plus agiles et plus réactives. Les ministres ont également lancé les préparatifs pour que la force « fer de lance » de l’Otan, une brigade de 5 000 hommes dont certaines unités seront déployables en 48 heures en cas de crise, soit appuyée par des moyens maritimes et aériens, mais aussi des unités de forces spéciales. Selon l’AFP, « les Etats-Unis vont y contribuer avec des avions de transport et des aéronefs de ravitaillement en vol, ainsi que des forces spéciales ».

Le secrétaire américain à la Défense, Ashton Carter, a estimé que la propo-

sition américaine de pré-positionner des armements lourds dans l'Est de l'Europe était un pas « important » pour contrer la menace russe. « C'est quelque chose que nous envisageons, dont nous allons parler avec nos col-lègues », a-t-il souligné à propos des projets américains. « L'idée est d'avoir des équipements qui seront déjà là, dont des équipements lourds, avant tout pour les entraînements », a ex-pliqué Ashton Carter. « Il existe aussi la possibilité de déployer plus d'équi-pements pour des événements impré-vus ».

La diplomatie russe a vivement pro-testé, contre cette nouvelle démonstra-tion de force et la réaction du maître du Kremlin ne s’est pas fait attendre. Il a annoncé le renforcement de l’arsenal nucléaire de la Russie, avec le déploie-ment de plus de 40 nouveaux missiles intercontinentaux d’ici à la fi n de l’an-née.

Pour Steven Pifer, directeur de l’ini-tiative pour la non-prolifération

du groupe de réfl exion américain Brookings cité par le « Monde » du 25 juin cette annonce faite par Mos-cou « ne représente rien de nouveau ». En 2012, le Kremlin avait approuvé un plan de modernisation de l’arsenal russe avec la fabrication de 400 mis-siles intercontinentaux d’ici à 2020, et une précédente annonce évoquait même 50 pour 2015. « La Russie reste dans les limites du traité New Start de réduction des armes stratégiques de 2010 », estime Steven Pifer, « elle est même en deçà de la limite des 700 mis-siles déployés ».

Jean Pierre Delahaye

Loi sur le renseignement

Surveillance de masseEn pleine affaire d'espionnage américain, le projet de loi sur le renseignement, plusieurs fois amendé, a été présenté le 24 juin, au vote défi nitif de l'Assemblée nationale et adopté à la majorité. Il laisse les mains libres au gouvernement et au Premier ministre.

Le projet de loi prévoit d'installer, chez les fournisseurs d’accès à inter-net et les hébergeurs de données, des « boîtes noires » contenant des algo-rithmes destinés à fi ltrer les communi-cations, pour surveiller l’ensemble du web français. L'objectif est de détecter et de signaler aux services de rensei-gnement des « comportements sus-pects » en analysant les recherches des citoyens sur la toile.

C'est l'une des dispositions les plus contestées. Les opposants dénoncent

le caractère systématique et indistinct de la surveillance à travers l'installa-tion de ces logiciels espions. Ils esti-ment que ce dispositif introduit dans la loi française la surveillance de masse, qu'ils jugent dangereuse pour les liber-tés individuelles.

Les services de renseignement seront désormais autorisés, sans l'accord pré-alable d'un juge, à poser des micros chez des particuliers, des mouchards sur des objets, tels que les ordinateurs, ou encore à installer des balises GPS

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sur des véhicules. Le texte légalise aussi l'utilisation des très controver-sés « Imsi-catchers », qui interceptent dans un périmètre donné toutes les communications, sans distinctions, en imitant le fonctionnement d'un relais de téléphonie mobile.

Sur la question de la durée de conser-vation des renseignements collectés, un compromis a été trouvé entre dépu-tés et sénateurs : 30 jours pour les cor-respondances interceptées, 120 jours pour la captation d'images ou de don-nées informatiques et quatre ans pour les données de connexion.

Pensé comme un garde-fou, le contrôle de la surveillance des citoyens sera confi é à une nouvelle « autorité ad-ministrative indépendante » : la Com-mission nationale de contrôle des tech-niques de renseignement (CNCTR). Selon « Le Monde » l'instance de contrôle, qui remplacera l'actuelle Commission de contrôle des intercep-tions de sécurité (CNCIS), sera com-posée de magistrats, de députés de la majorité et de l'opposition, et d'un ex-pert technique.

Arbitraire ministériel

Concrètement, toute demande de ren-seignement devra être adressée au Premier ministre par les services puis relayée auprès de la Commission, qui donnera un avis à priori. Les oppo-sants dénoncent le caractère purement consultatif de l'instance de contrôle, que le Premier ministre peut tout sim-

plement décider d'ignorer. Autre point de crispation : en cas d'urgence décré-tée par le gouvernement, aucun avis n’est requis, et aucun contrôle n’est possible pendant les 48 premières heures de la surveillance. Un fi chier des auteurs d'infractions terroristes (Fijait) devrait être créé. Dès sa mise en examen, et avant même sa condam-nation, un individu pourra y fi gurer. Les personnes inscrites dans ce fi chier seront contraintes de pointer tous les trois mois au commissariat et auront l'obligation de déclarer tout déplace-ment à l’étranger sous peine d’amende et de prison.

Les informations collectées pourront être conservées pendant vingt ans, dix ans pour les mineurs. En cas de non-lieu, relaxe et acquittement, les infor-mations devraient être effacées du fi -chier.

Pour rassurer ceux qui s’inquiétaient des abus des services de renseigne-ment, un statut de lanceur d'alerte a été créé. Il s'agit d'apporter une protection juridique à tout agent qui souhaiterait révéler des illégalités commises, y compris celles protégées par le secret défense. Pour se faire, il devra contac-ter la Commission de contrôle.

Une disposition insuffi sante, selon les

opposants, qui souhaitent que ce statut soit étendu à tous ceux qui révéleront des illégalités, à la manière d'Edward Snowden sur la NSA.

Face à la fronde, le gouvernement a introduit un amendement qui protège certaines professions. Les techniques de renseignement à l'égard des magis-trats, des avocats, des journalistes et des parlementaires devraient être sou-mises à des conditions plus strictes. En théorie, ils ne pourront pas faire l’objet d’une procédure d’urgence ni de sur-veillance de leur domicile et il faudra une autorisation spécifi que du Premier ministre, après avis de la Commission, pour les mettre sous surveillance.

JP Delahaye

LE RÉVEIL INTERNATIONAL

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Édité par le Réveil des combattants - 2 place du Méridien - 94807 Villejuif - Tél. 01 42 11 11 11

LE CAHIER MÉMOIRE

N° 815-816JUILLET-AOÛT 2015

Ce cahier de la Mémoire est entière-ment consacré à l’histoire de la CGT, la confédération générale du travail, exposé par l’un de ses militants.

La CGT fête cette année ses 120 ans. 120 ans de luttes avec les tra-vailleurs pour la reconnaissance de leurs droits, au total pour leur éman-cipation, 120 ans faits de victoires et quelquefois d’échecs.

Au long de ces années de combat, la CGT s’est souvent retrouvée à partir

de 1917 aux côtés de notre Associa-tion républicaine des anciens com-battants et victimes de guerre (consti-tution 2 novembre 1917), dont les buts étaient et sont toujours restés, de combattre les guerres, d’agir pour la paix et contre le fascisme, de dé-fendre les valeurs de la République, de lutter pour la liberté, les conquêtes sociales et la solidarité. Et de trans-mettre la Mémoire de l’Histoire du siècle afi n de faire comprendre aux générations nouvelles cette histoire

et leur permettre de se forger la leur. Et c’est parce que l’ARAC s’oppose aux causes des guerres qu’elle a tou-jours exigé la reconnaissance des préjudices des guerres sur les tra-vailleurs combattants, ou travailleurs victimes des guerres et donc pour eux le droit à réparation.

« Un peuple sans Mémoire est un peuple sans défense » a écrit Goethe, la CGT et l’ARAC au service des tra-vailleurs et travailleuses de France en sont porteuses.

CGT et ARAC, CGT et ARAC, porteuses de Mémoireporteuses de Mémoire

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LE RÉVEIL DOSSIER

Hommage à la plus vieille dame de FranceLa CGT : 120 années de luttes et de combats pour l’émancipation de la classe ouvrière au service des exploitésDans son dernier livre Résister, de Mauthausen à mai 68, Georges Séguy ajoute aux propos déjà mentionnés de Be-noît Frachon : « Les enseignements du passé concernent aussi bien les expériences positives méritoires que les défauts, les erreurs ou les fautes. »L'essentiel, c’est Jean Jaurès qui le résumait le mieux : « Un peuple sans mémoire : un peuple d’esclave. » Les droits du travail arrivent dès la révolution française en 1789.Les droits des travailleurs, c’est la reconnaissance, dans la loi, des avancées imposées par la lutte.

D’où sort la CGT ? Mutuelles, Bourse du travail, Organisa-tion : Défense des travailleurs + Solidarité

Karl Marx qui fait remarquer que les êtres humains n’ont pu sur-vivre sur cette planète que grâce à l’effort collectif et à la coopéra-tion, indispensables pour se pro-curer leurs moyens d’existence. Les grandes luttes au cours des-quelles s’est joué l’avenir de l’hu-manité furent toujours en partie des luttes de classe. La séquence de ces grands confl its fournit l’ar-chitecture de base que le reste de l’histoire prolonge.

1884 - La grande loi du 21 mars accorde la reconnaissance des syndicats professionnels, patro-naux et salariés ; à partir de là se structure le mouvement syndical.

Ils sont un lieu de rencontre où la solidarité peut s’exprimer : les syndicats d’une localité se groupent alors en Bourses du tra-vail, ces dernières sont toujours très clairement le refl et de l’indus-trie régionale et locale. Cela reste vrai aujourd’hui encore.

Les liens se nouent aussi progres-sivement par affi nités profession-nelles. Les fédérations se consti-tuent dans le cadre d’une branche d’industrie ou d’activité écono-mique. La solidarité est alors plus large. Les services des Bourses du travail comportant des biblio-thèques ont apporté des réponses concrètes sur des questions essen-

De nombreuses photos

proviennent du Hors Série

de l'Humanité - Roger Viollet.

5-10 octobre 1908 - 10e congrès CGT Marseille.

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tielles comme celles du chômage, de la législation du travail, de l’enseignement, de la formation professionnelle, de la santé, mais aussi dans le domaine de l’éduca-tion et de la culture, à une époque où il n’existait ni système étatique de placement, ni formation pro-fessionnelle réglementée, ni sys-tème d’assurance sociale. Ce lieu, en regroupant sur une base locale des travailleurs de différentes corporations, devait être un lieu d’élaboration des revendications ouvrières.

A la suite de la répression de la Commune, en 1871, le mouve-ment ouvrier est défait, des mil-liers de communards sont tués ou déportés. Le congrès de Limoges en 1895 regroupe les fédérations d’orientation plutôt réformiste et les Bourses du travail dont l’orien-tation était plutôt celle des syndi-calistes révolutionnaires ; c’est la naissance de la C.G.T. L’organi-sation confédérale représente dé-sormais les intérêts de l’ensemble des travailleurs et la solidarité accomplie au plan national. C’est une pression importante sur l’Etat et le patronat. 436 000 syndiqués et 2 314 organisations, il faut fé-dérer cette force grandissante.

Les luttes du début du XXe siècle

Au lendemain de la grande ca-tastrophe de Courrières dévastant les corons qui fi t plus de 1 000 morts, l’attitude des employeurs provoqua une grève massive et attesta la volonté du public ou d’une classe de ne pas supporter plus longtemps que des hommes soient les victimes négligeables des techniciens ou de l’âpreté aux dividendes des actionnaires.

Au cours de l’année 1907, la troupe réprime dans le sang les manifestations viticoles du midi et tue deux ouvriers chaussonniers à Raon-l’Etape, dans les Vosges. La répression s’abat sur les fonction-

naires coupables de revendiquer le droit syndical. En riposte à un projet de loi provocateur interdi-sant la grève et le droit syndical aux fonctionnaires, une « lettre ouverte » à Clemenceau est lar-gement diffusée, notamment par voie d’affi ches. Le gouvernement réplique par des révocations. Clemenceau a décidé d’attaquer la CGT à la tête. La veille du 1er mai 1907, il fait arrêter Charles Marck et Georges Yvetot pour délit de parole. Albert Lévy, Au-guste Delalé et Amédée Bous-quet les rejoignent bientôt en prison sous le même motif. Après les fusillades de Narbonne et la publication de la fameuse affi che « Gouvernement d’assassins », douze dirigeants de la CGT sont inculpés et traduits devant la cour d’assises de la Seine en février 1908. Mais l’affaire fait long feu : après trois jours de débats, un acquittement général est pro-noncé. Le 20 janvier 1908, la police réprime vigoureusement la manifestation parisienne pour le droit au repos hebdomadaire, mais c’est surtout en juillet-août que l’action provocatrice du gou-vernement se déploie lors des événements sanglants de Draveil et Vigneux. Le 30 juillet 1908, la répression touche Villeneuve-Saint-Georges. Un peloton de

dragons fait feu sur la foule de manifestants qui se dirige vers le cimetière. Bilan : trois morts. L’épisode permit à Clemenceau de se tailler la réputation de « bri-seur de grève ». « A partir de là, les ouvriers du bâtiment sont bri-sés et ce sont les cheminots qui marqueront la vie associative et syndicale de la ville ».

Au cours de l’année 1909, la CGT traverse une grave crise, qui affecte le groupe dirigeant et repose sur un débat d’orienta-tion syndicale. Pourquoi la crise ? Les causes en sont externes et internes. La dynamique d’action impulsée par les syndicalistes dénonçant la société capitaliste qu’ils trouvent injuste. La CGT se proclame complètement in-dépendante des partis politiques, sous l’impulsion de Victor Grif-fuelhes, par le biais de la charte d’Amiens (1906). Cette dyna-mique s’est notamment manifes-tée dans la mobilisation prolon-gée de l’année 1906 autour des huit heures, mais n’a guère dé-bouché. Cela provoque un scep-ticisme grandissant. Pour autant, la CGT se renforce et apparaît toujours au pouvoir politique comme un ennemi sérieux.

1917. Création de l’ARAC pour l’amour d’un monde pacifi que,

1936 les deux syndicats CGT-CGTU se réunissent au Monument du Front Populaire.

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de la liberté, de la solidarité, de l’égalité, de la fraternité.

Première scission de la CGT

1921- Après l’échec de la grande grève de mai 1920, puis le rallie-ment des Comités syndicalistes révolutionnaires (CSR) à l’Inter-nationale syndicale rouge (ISR) créée en juillet 1921, l’opposition au sein de la CGT entre majori-taires et minoritaires se durcit. C’est la première scission de la CGT. Exclusion des minori-taires. Après le congrès de Lille (juillet 1921), on s’achemine inéluctablement vers une scis-sion, entérinée à la fi n de l’année 1921. Les partisans de la lutte des classes vont gagner progressi-vement en infl uence au point de faire pratiquement jeu égal avec les réformistes au Congrès de Lille de la CGT. Toutefois, bien que faisant tout pour préserver l’unité, les minoritaires seront exclus et constitueront la CGT unitaire (CGTU) au congrès de St-Etienne en 1922.

La lutte contre le fascisme

Hitler accède au pouvoir le 30 janvier 1933, et n’oublions pas que c’est en période de crise, avec le soutien du grand capital, qu’Hitler a accédé au pouvoir.

Le coup de force du 6 février 1934.

Au début de l’année 1934, l’ex-trême droite avait l’espoir de réé-

diter la victoire d’Hitler survenue un an plus tôt.

En février 1934, les groupes réac-tionnaires décident que le moment est venu d’expérimenter un coup de force. L’ARAC, qui proteste contre les scandales fi nanciers mais également contre le refus du gouvernement d’augmenter les pensions des anciens combat-tants, défi le de manière autonome avec trois mille membres dans la rue. Ces derniers se battent contre les Croix-de-Feu du colonel de La Rocque soutenus par des mi-litants de l’UNC.

Le coup de force est déclenché le 6 février au soir, place de la Concorde à Paris, avec une bruta-lité inouïe et vise en premier lieu la Chambre des députés que les factieux tentent de prendre d’as-saut. Le bilan entre les manifes-tants et les forces de l’ordre qui, en faible nombre, entendaient barrer aux factieux le pont de la Concorde : 17 morts, plus de 2 300 blessés. Les "Camelots du roi", l’Action française tour-née vers le fascisme forment les troupes de choc du mouvement.

Le 6 février 1934 ne fut pas provoqué, comme le prétend la légende, par l’indignation sin-cère d’honnêtes Français contre un régime parlementaire pourri. Cette tentative de putsch guidée par le Comité des Forges s’inscri-vait dans une stratégie défi nie dès

1922 : le grand patronat voulait étendre à la France le modèle fas-ciste qui, en Italie, permettait de maximiser les profi ts en privant les salariés de tout moyen de dé-fense, syndical et politique.

Le 6 février 1934 constitue une sorte d’événement fondateur pour la formation du Front populaire. C’est en effet au lendemain de cette émeute que les forces de gauche, considérant le 6 février 1934 comme une tentative de coup d’Etat fasciste, appellent à la grève générale pour le 12 février, décident de s’unir en vue des élec-tions législatives de 1936.

Le 8 février, le Bureau cen-tral de l’ARAC appelle au front unique contre les « décrets-lois », « contre le fascisme qui monte dans notre pays » : « Peut-on ac-cepter plus longtemps de vivre aujourd’hui pour périr demain (…) ? Voulons-nous tolérer da-vantage les mannequins de la politique démocratique qui nous livrent pieds et poings liés au fascisme ? Les anciens combat-tants que nous sommes, toujours à l’avant-garde depuis 1918, vous appellent de toute la force de leurs poumons à forger votre front unique. Il sera invincible si nous savons en prendre l’ini-tiative en accomplissant tout notre devoir. Il s’organisera avec une force indestructible si nous groupons tous les antifascistes de France. Il balaiera les hordes fascistes et le régime de boue, de sang, de misère et d’exploita-tion. »

1936. Avancées sociales

Mai-juin 1936. Le 1er mai, aux usines Bréguet du Havre, des sa-lariés font grève. Pour l’exemple, la direction licencie deux travail-leurs, Adrien Friboulet et Va-chon. Le 11 mai, 600 ouvriers débrayèrent et demeurèrent dans l’usine, les bras croisés. Le patron

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havrais faisant la sourde oreille, le soir venu les ouvriers, au lieu de rentrer chez eux, restèrent sur place devant les machines stop-pées. Tout devenait plus facile. Le Havre fut le premier chaînon des grèves avec occupation. Cinq cents grévistes décidèrent de res-ter dans l’usine en attendant que satisfaction leur soit accordée L’expérience amenait les ouvriers à occuper leur lieu du travail, à s’y enfermer, à y délibérer, à réfl échir et à lutter pour imposer cette nou-velle conquête qu’ils étaient en train d’obtenir. Le droit de s’or-ganiser dans l’usine, dans l’entre-prise était devenu une exigence de la vie, à laquelle les patrons de-vront fi nalement céder.

7 juin 1936, les accords dits « Matignon » font fi gure de pre-mières négociations entre syndi-cats et patronat.

Désormais la grève ne rompt plus le contrat de travail. Comme l’a soutenu Eugène Varlin, « les li-bertés ne se donnent pas, elles se prennent ».

Des lois importantes furent vo-tées dans un temps record ; le Législateur favorise la conclu-sion et l’extension des conven-tions collectives créées en 1919. "Traité de paix" entre forces so-ciales et "loi de la profession", les conventions collectives (11 juin) deviennent alors un facteur essen-tiel de progrès social ; les congés payés (11 juin) : étaient accor-dés à tout ouvrier, employé ou apprenti, après un an de service continu dans l’établissement, un congé annuel payé d’une durée minimum de quinze jours. Dès le décret d’application, le 1er août 1936, elle devint effective dans le cadre des conventions collectives : les quarante heures (12 juin) ; le 12 juin 1936, le refl ux s’amorce sous l’effet conjugué du vote des lois sociales, de ces interventions

et de l’accord obtenu dans la mé-tallurgie. La prolongation de la scolarité obligatoire (11 août), qui va aboutir par une réforme beaucoup plus large comportant la généralisation du certifi cat d’études primaires, l’expérimen-tation d’une classe d’orientation en vue d’unifi er les différentes fi lières, l’allégement des effec-tifs par classe, le délai-congé ; l’organisation de l’apprentis-sage (11 août) ; l’Offi ce natio-nal du blé (15 août) ; les grands travaux (18 août) ; la répression des hausses injustifi ées des prix (19 août) ; l’aide temporaire aux entreprises commerciales et in-dustrielles (19 août) ; les délais accordés aux agriculteurs pour le paiement des dettes d’exploi-tation (19 août) ; les délais accor-dés aux industriels et commer-çants au même effet (22 août) ; la collaboration entre les coopéra-tives agricoles et les coopératives de consommation (26 août) ; les modifi cations au décret du 28 oc-tobre 1935 concernant les assu-rances sociales (26 août).

Les patrons concèdent aux li-bertés syndicales, ils s’engagent à n’appliquer aucune sanction pour fait de grève (art 6). C’est le mouvement social qui permet de vaincre les résistances du Sénat, d’imposer d’importants progrès du droit du travail dont certains

anticipent sur le droit politique, les délégués du personnel sont institués dans les entreprises (le vote dès 18 ans de toutes les ou-vrières et ouvriers, pour l’élec-tion des délégués ouvriers dans les entreprises).

Les Comités des Forges et des Houillères de riches, et grandes familles, dont la plus puissante est celle de de Wendel, dirigés par deux grands commis de haute valeur, Lambert-Ribot pour le Comité des Forges et de Peye-rimhoff pour les Houillères. Deux grandes banques d’affaires, la Banque de Paris et des Pays-Bas, présidée par Moreau (ancien gou-verneur de la Banque de France) et l’Union parisienne (où régnait Schneider du Creusot). Toutes les banques catholiques, juives, pro-testantes sont associées aux comi-tés des Forges et des Houillères. Organisent la revanche patro-nale à 1936. C’est l’annonce des textes des nouveaux décrets-lois, promulgués au Journal Offi ciel du 13 novembre 1938.

Paul Reynaud, dans un discours fameux, en a présenté l’essen-tiel : « La semaine des deux di-manches a fi ni d’exister. » La formule choc du ministre des Fi-nances reste dans les mémoires. En fait, on réduit les majorations des heures supplémentaires de 15 à 10 % seulement à partir de

Encore en 1920, c'est à coups de sabre que sont dispersés les manifestants.

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la 49e heure. Et ces heures sup-plémentaires deviennent obli-gatoires, sous peine d’amendes voire d’emprisonnement. Les conventions collectives perdent leur caractère contraignant pour les employeurs.

Et pour faire bonne mesure, les étrangers ne peuvent plus devenir délégués du personnel, ni respon-sables de syndicats. La xénopho-bie va toujours de pair avec la répression ouvrière. De plus, les décrets-lois prévoient des coupes sombres dans le budget.

La politique de régression sociale conduit la C.G.T. à s’interroger sur la riposte d’envergure qu’elle entend organiser. La grève gé-nérale est préconisée, la date du 30 novembre est retenue seule-ment le 25… Des grèves avec occupation se développent déjà dans les jours qui précédent.

Daladier ordonne l’évacuation de ces entreprises.

Le 30 novembre 1938, lors de la manifestation pour défendre les acquis de 1936, 860 000 per-sonnes sont licenciées, mais aussi le lock-out de centaines de mil-liers de salariés et les interdits de travail, diverses sanctions et réprimandes. La grève ayant échoué, les salariés sont vaincus. C’est aussi cette application du plan d’austérité de l’époque qui va déboucher sur la guerre, les décrets-lois Daladier-Reynaud du 12 novembre vont déclen-cher une répression féroce. Cette dernière n’était pour la classe ouvrière que le signe avant-cou-reur de la « revanche » patronale après les événements de 1936. En 1938, il y a un peu plus de deux millions d’étrangers en France fortement politisés et organi-sés dans les rangs de la CGTU venus combler le défi cit de main-d’œuvre créé par les morts de la Première Guerre mondiale (es-

sentiellement des jeunes ouvriers et paysans).

Une guerre impitoyable est menée contre les immigrés indo-ciles. Il faut renvoyer les antifas-cistes italiens et les républicains espagnols dans leurs pays et c’est à ce moment que commence la chasse aux juifs. Il faut remettre ces fainéants de Français au tra-vail. Tout y passe…, les impôts sont augmentés, les dépenses sociales réduites, le nombre de cheminots diminué, c’est la fi n de la semaine des deux dimanches, des 40 heures, de la majoration des heures supplémentaires ; on passe à 48 h pour tout le monde et voire 60 dans les usines d’ar-mement, etc.

Le ministre de la Justice du gouvernement Daladier, le ra-dical Marchandeau, déclare à la Chambre, lors d’un débat sur l’amnistie de grévistes condam-nés, arrêtés, emprisonnés en fé-vrier 39 : « C’est l’ordre répu-blicain qui est remis en cause aujourd’hui par la proposition d’amnistie… On a essayé d’ex-citer notre pitié à l’égard des condamnés, mais on ne nous a pas dit pourquoi ils ont été punis… Sur dix millions et demi de travailleurs, 773 000 ont pris part à la grève du 30 novembre… Mais pour en fi nir avec le ré-gime de terreur qu’on a voulu faire peser sur les ouvriers, il est nécessaire que les auteurs de ces actes ne reprennent pas demain force et courage du fait de notre propre faiblesse. »

Le comité des forges et des Houillères ont leur revanche so-ciale. Il leur reste à imposer leur revanche politique.

Deuxième scission : 1939

Deuxième scission de la CGT après le Pacte de non-agression germano-soviétique en date du

23 août 1939. Vichy n’a pas eu besoin de pousser le Comité des forges à la collaboration. Si les organisations syndicales ont pour tâche la défense directe des reven-dications économiques, il est né-cessaire de souligner que rien ne sépare les intérêts économiques des intérêts politiques des travail-leurs.

La grande bourgeoisie « fran-çaise » s’exclamait : « Plutôt Hit-ler que le Front populaire ! » et, comme l’a montré l’historienne A. Lacroix-Riz, l’« élite » patro-nale « française » fi t sciemment le « choix de la défaite » (puis de la « Kollaboration ») avec Hitler. Alors que des ouvriers, les pay-sans et les intellectuels tombèrent par dizaines de milliers dans la lutte armée contre l’occupant.

Le gouvernement Daladier puis celui de Pétain ne feront pas la guerre à Hitler, mais à la classe ouvrière.

Georges Bonnet, « ministre étran-ger des Affaires françaises », c’est ainsi que l’interpella Gabriel Péri après les accords de Munich, approuvait publiquement son collègue Pierre-Etienne Flandin, hitlérien notoire, qui sommait le gouvernement Daladier de « his-ser le drapeau blanc » et de stop-per toutes mesures à l’encontre d’Hitler.

Neuf mois plus tard, le 1er juillet 1939 et deux mois avant le pacte germano-soviétique de non-inter-vention et un an avant le terme de

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la législature, Bonnet remettait au comte von Welczeck, ambas-sadeur d’Hitler à Paris, une note lui promettant que les élections seraient suspendues, les réunions publiques interdites et les commu-nistes, les syndicalistes de la CGT et l’ARAC « mis à la raison ».

Création du CNR et le rôle actif des membres de la CGT

Des embryons d’unité avaient été suscités par Jean Moulin, envoyé par de Gaulle en zone sud (oc-tobre 1942). Des fusions et coor-dinations de mouvements se font jour (les MUR qui regroupent Combat, Libération et Franc-Ti-reur sont créés le 26 janvier 1943 en zone non occupée). Cet accord du 27 mai 1943 de la création du Conseil national de la Résistance (CNR) et de son programme (15 mars 1944) portait sur deux di-mensions, celle de l’action im-médiate et celle des orientations économiques et sociales à mettre en œuvre une fois la libération du territoire réalisée. Le fait que les questions de l’action immédiate soient placées en première partie de la Charte signale tout à la fois le caractère crucial immédiat de la défi nition de l’action des ré-sistances et la nécessité d’en dé-fi nir les contours. Le programme du CNR est pensé en continuité avec l’action immédiate et la lutte armée préconisée depuis 1940 : portée par le peuple et la classe ouvrière, l’insurrection natio-nale est inséparable de la grève générale qui pousse au triomphe de cette orientation et repose en grande partie sur le fait que les FTP alignent à la fi n de l’année 1943 25 000 combattants.

Le rôle de la classe ouvrière dans la lutte armée a été essentiel pour la libération de la France à qui nous devons notamment le Pro-gramme du Conseil national de la Résistance. Ces années terribles

de la guerre et de l’occupation al-lemande, au terme desquelles le grand écrivain catholique Fran-çois Mauriac devait souligner que « seule la classe ouvrière, dans sa masse, aura été fi dèle au drapeau de la patrie profanée ».

Louis Saillant contribue en 1942-1943 à la réunifi cation de la CGT, il est l’un des quatre signataires des Accords du Perreux (17 avril 1943). Il représente la CGT le 27 mai 1943 au CNR et en devient le président le 11 septembre 1944. A la Libération, il siège à l’As-semblée nationale constituante.

Outre Jean Moulin et ses deux collaborateurs, Pierre Meunier et Robert Chambeiron, ont participé à la réunion du 27 mai 1943 :

- Les représentants des huit grands mouvements de résis-tance : Pierre Villon du Front national de la Résistance créé par le Parti communiste fran-çais ; Roger Coquoin pour Ceux de la Libération ; Jacques Le-compte-Boinet pour Ceux de la Résistance ; Charles Laurent pour Libération-Nord ; Pascal Copeau pour Libération-Sud ; Jacques-Henri Simon pour Organisation civile et militaire ; Claude Bour-det pour Combat ; Eugène Clau-dius-Petit pour Franc-Tireur.

- Les représentants des deux grands syndicats d’avant-guerre : Louis Saillant pour la CGT, Gaston Tessier pour la CFTC.

- Et les représentants des six principaux partis politiques de la Troisième République : André Mercier pour le PCF, André Le Troquer pour la SFIO, Fernand Leriche pour le PCF, Marc Rucart pour les radicaux, Georges Bi-dault pour les démocrates-chré-tiens, Joseph Laniel pour l’Al-liance démocratique (droite modérée et laïque), Jacques De-bû-Bridel pour la Fédération ré-publicaine (droite conservatrice et catholique).

Cette réunion aura une im-portance politique considé-rable, comme l’expose Robert Chambeiron.

En effet, avec cette composition progressiste du CNR, nous pou-vons apercevoir l’orientation économique de son programme, la patte de la classe ouvrière et notamment celle de la CGT ré-unifi ée à la vue des mesures à appliquer dès la libération du ter-ritoire.

Afi n de promouvoir les réformes indispensables.

Sur le plan économique :

Cheminot un dur labeur.

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18 - LE RÉVEIL - N° 815-816 - JUILLET-AOÛT 2015

LE RÉVEIL DOSSIER

- L’instauration d’une véritable démocratie économique et so-ciale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et fi nancières de la direction de l’économie ; une organisation rationnelle de l’économie assu-rant la subordination des intérêts particuliers à l’intérêt général et affranchie de la dictature profes-sionnelle instaurée à l’image des Etats fascistes ;

- L’intensifi cation de la produc-tion nationale selon les lignes d’un plan arrêté par l’Etat après consultation des représentants de tous les éléments de cette produc-tion ;

- Le retour à la nation des grands moyens de production monopo-lisée, fruits du travail commun, des sources d’énergie, des ri-chesses du sous-sol, des compa-gnies d’assurances et des grandes banques.

Acquis du programme du Conseil national de la Résis-tance 1944 à 1947

Après la libération de Paris, les acquis du CNR se poursuivent :

13 décembre 1944 : Institution des Houillères du Nord-Pas-de-Calais suivie de la nationalisation de l’ensemble des houillères en 1946.

18 décembre 1944 : Contrôle de l’Etat sur la marine marchande.

16 janvier 1945 : Nationalisation des usines Renault et confi scation des biens de Louis Renault.

22 février 1945 : Institution des Comités d’entreprise.

29 mai 1945 : Nationalisation de la société Gnome et Rhône, deve-nue la SNECMA.

26 juin 1945 : Nationalisation des compagnies Air Bleu et Air France.

4 octobre 1945 : Ordonnance de base de la Sécurité sociale. Les Français sont passés d’« as-surances sociales » des années 1930 à « Sécurité sociale ». Nous n’avons pas mesuré ce que subs-tituer le terme assurance par Sé-curité sociale pouvait entraîner comme changement. (Et en 1967, les ordonnances éclatent l’entité en trois caisses et instaurent le paritarisme).

17 octobre 1945 : Statut du mé-tayage.

2 décembre 1945 : Nationalisa-tion de la Banque de France et de quatre banques de dépôt.

18 janvier 1946 : Dépôt à l’As-semblée de projets de loi sur la nationalisation de l’électricité et du gaz. Sur le prétexte du refus du vote des crédits militaires, de

Gaulle quitte le pouvoir le 20 jan-vier 1946, laissant la place à Félix Gouin.

21 février1946 :Rétablissement de la loi des quarante heures.

28 mars 1946 : Vote sur la natio-nalisation de l’électricité et du gaz. Mise en application 8 avril 1946.

24 avril 1946 : Nationalisation des grandes compagnies d’assu-rances.

25 avril 1946 : Extension du nombre et attributions des comités d’entreprise.

26 avril 1946 : Généralisation de la Sécurité (garantie) sociale (pour tous), incluant la retraite des vieux. Quant à la Sécurité sociale qui restera longtemps la Grande idée du CNR, c’est la mise en place d’un système de solidarité qui établit au niveau des retraites ce que l’on appelle la répartition (les actifs cotisent pour les pen-sions des retraités). Au niveau de la maladie, l’obligation de cotiser suivant ses moyens, et se soigner suivant ses besoins avec, pour chaque salarié et chaque employeur, l’obligation de coti-ser. L’orientation est d’aller vers un régime unique pour tous les citoyens. Mais le corporatisme va modifi er cette tendance. Les agriculteurs, les artisans, les com-merçants, les fonctionnaires vont s’opposer et refuser ce régime unique. Tandis que la Mutualité va livrer contre le régime géné-ral pour tous un combat très fort, pensant qu’elle risquait de perdre un pouvoir certain.

22 juin 1946 : Statut national des mineurs.

22 juin 1946 : Statut national des électriciens et gaziers.

19 octobre 1946 : Loi sur le statut de la Fonction publique.

Devant la préfecture à Evreux pour la défense de la fonction publique en 1984.

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LE RÉVEIL - N° 815-816 - JUILLET-AOÛT 2015 - 19

DOSSIER LE RÉVEIL

curité sociale en 1945. « Nous bâtirons un plan de Sécurité so-ciale visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence au cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail avec gestion des intéressés et de l’Etat ». Ambroise Croizat reprend l’article 21 de la Décla-ration des droits de l’homme de 1793 qui établissait le droit au travail et à la santé.

Ambroise Croizat, Secrétaire général de la Fédération de la Métallurgie CGT et Ministre communiste du Travail à la Libé-ration déclarait : « Jamais nous ne tolérerons qu’un seul des avantages de la Sécurité sociale soit mis en péril. Nous défen-drons à en perdre la vie et avec la plus grande énergie cette loi humaine et de progrès. » Nous bénéfi cions les uns et les autres de l’apport, des retraites par ré-partition, le droit de défendre ses intérêts avec la création des délé-gués du personnel. Les représen-tants du personnel acquièrent une place dans la gestion des entre-prises nationalisées.

On envisage pour la première fois de réformer les structures de l’entreprise. En fait, Ambroise Croizat institue les comités d’en-treprise et son décret du 2 no-vembre 1945 avec les cantines, les crèches, les dispensaires, les solutions aux problèmes du relo-gement, le rôle des assistantes so-ciales, de l’Inspection du Travail, du Médecin du Travail. Nationa-lisation de Renault le 16 janvier 1945. (En 1935, Louis Renault serre la main d’Hitler au salon automobile de Berlin. En 1941, ses usines tournent à plein ré-gime pour satisfaire l’économie des nazis.)

La nationalisation des mines de fer et de charbon, des banques (Banque de France, Crédit Lyon-

nais, Société Générale), des As-surances (AGF), d’Air France est adoptée le 29 mars 1946, à 3 h 40 à l’Assemblée Nationale par 491 voix pour et 59 contre la nationa-lisation du gaz et de l’électricité. La loi paraîtra au Journal Offi -ciel le 8 avril 1946 ; concrétisant ainsi le programme du Conseil national de la Résistance, les in-dustries furent remises à la Na-tion.

Le 11 mai 1946, l’Assemblée constituante vota une loi sur la presse, créant la Société natio-nale des entreprises de presse (SNEP) pour gérer les biens sé-questrés aux collaborateurs, soit dix entreprises de presse à Paris et quelque deux cents immeubles et imprimeries en province et créer les conditions d’une presse indépendante des grands groupes fi nanciers, NMPP.

La nationalisation de l’électricité et du gaz à la Libération ne re-lève pas de la même logique que celles, par exemple, de Renault ou Berliet qui furent des sanctions. Il s’agit du « retour à la Nation » de grands « monopoles » considérés comme essentiels à la vie du pays (cette notion est présente dans la Charte du Conseil national de la Résistance qui inspire un certain nombre de réformes de l’immé-diat après-guerre). La nationa-lisation est aussi une demande ancienne (on disait alors « socia-lisation ») dont le syndicalisme a la paternité,

Pour Marcel Paul, Secrétaire gé-néral de la Fédération des Forces et de l’Energie CGT et Ministre communiste de la Production in-dustrielle, le changement de sta-tut de l’entreprise et le nouveau statut du personnel vont de pair. Il s’agit de donner des garan-ties avancées au personnel, non seulement basées sur les points majeurs des anciens statuts mais

Après l’éclipse de la guerre, la Libération s’accompagne d’un nouvel essor du droit social et en particulier du droit du travail.

On envisage pour la première fois de réformer les structures de l’entreprise. En fait le législateur se borne à instituer des comités d’entreprise. Les représentants du personnel acquièrent une place dans la gestion des entreprises na-tionalisées.

Avec la création, en 1945 d’un service public de la Sécurité so-ciale, la garantie contre les risques sociaux sort de l’orbite du droit du travail. Un droit de la Sécurité so-ciale voisine ainsi désormais avec le droit du travail au sein du droit social.

La Constitution de 1946 traite des droits sociaux (droit syndi-cal, droit de grève, droit à la sécu-rité sociale) dans son préambule, pour la première fois à côté des libertés politiques.

Le peuple français, s’est battu, souvent meurtri, jamais abattu. Il sait à quel prix peut se payer toute avancée sociale : « La Sécurité sociale, outre le fait qu’elle ouvre le droit à la santé pour tous, a pour objectif de relever la France de ses ruines. Elle offre au sala-rié une tranquillité sociale qui lui permettra de reconstruire le pays à l’aune de ses besoins. » Ainsi s’exprime Ambroise Croizat inau-gurant le nouveau système de Sé-

Le première page du journal Le peuple, 10 juin 1936.

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LE RÉVEIL DOSSIER

le feu aux poudres. La circulaire du 13 septembre 1948, relative à la garantie du salaire, prévoit une baisse des rémunérations. Du ja-mais vu ! Même les compagnies minières d’avant la nationalisa-tion n’avaient pas osé ! Le décret du 18 septembre mentionnait que la direction des Houillères repren-drait la gestion du risque accidents du travail et maladies profession-nelles que le décret de 1946 ins-tituant la Sécurité sociale minière avait placé entre les mains des so-ciétés de secours minières. Ainsi, les conseils d’administration des Houillères sont-ils en grande par-tie vidés de leur contenu démo-cratique. Enfi n, Lacoste souhaite une baisse de 10 % des effectifs du jour. Alors que tanks et chenil-lettes, militaires et gardes mobiles quadrillent les pays miniers, arres-tations, jugements ultrarapides et emprisonnements se multiplient. La violence est inouïe. Trois mi-neurs trouveront la mort, deux autres décéderont plus tard. 2 950 mineurs, souvent délégués ou res-ponsables syndicaux, sont empri-sonnés ou sous le coup de pour-suites. Beaucoup seront révoqués.

1968

Des nombreuses grèves éclatent partout dans le pays. 10 millions de grévistes : la plus grande grève du siècle !

Le constat de Grenelle (la C.G.T. n’a pas signé les accords) : Devant l’ampleur des grèves et des oc-cupations d’entreprises, le gou-vernement de Georges Pompidou

aussi capables d’être un élément d’entraînement, un modèle pour les entreprises nationales et non nationalisées.

L’enjeu est en effet d’impor-tance à une époque où il s’agit de relever un pays affaibli par les destructions dues aux opéra-tions militaires et par le pillage méthodique auquel s’est livré, quatre années durant, l’occupant. Les électriciens et gaziers, sans attendre, dès 1944, avec leurs comités de libération, avaient ré-quisitionné, mis sous séquestre les entreprises dont les dirigeants avaient ouvertement collaboré avec les nazis.

« Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage », Jean Jaurès.

Ainsi Warren Buffett (3e for-tune du monde) reconnaissait le 25 mai 2005 devant les caméras de la CNN que la lutte des classes existe : « Il y a une guerre des classes, c’est un fait, mais c’est ma classe, la classe des riches, qui mène cette guerre, et nous sommes en train de la gagner. » Ces propos, repris par le New York Times du 26 novembre 2006, éclairent et expliquent les politiques menées par la fi nance mondialisée. Hier comme au-jourd’hui, il utilise la guerre pour sortir des cris qu’il engendre.

Grève des mineurs 1947-1948 et 1952 loi d’amnistie. Lorsque les mineurs, révoqués en 1948, se voient réhabilités dans leurs droits en 2015 : 68 ans de com-bat pour que justice soit rendue à l’égard de 3 000 mineurs. Com-bien de drames, de malheurs a entraîné cette décision inique, et pourtant ces derniers n’ont ja-mais baissé les bras, eux, les sur-vivants ou leurs descendants.

Norbert Gilmez, Roger Danot, les rares survivants aujourd’hui

âgés de plus de 93 ans, rappellent à juste titre que ces mineurs, « les mineurs de 1948-1952 étaient des héros. Les mineurs se sont sacrifi és pour reconstruire le pays après la guerre, pour le re-lever. »

Si l’on excepte la participation des mineurs à la grève survenue en 1906 après la catastrophe de Courrières et la lutte engagée en mai-juin 1941 face à l’occu-pant allemand, des mouvements d’ampleur arrêtant l’extraction du charbon se sont produits en 1947, 1948, 1952 et 1963. Au-jourd’hui, toutes les braises des grèves de 1948-1952 ne sont pas encore éteintes.

L’engagement et le courage des Gueules noires face à l’occupant allemand et au régime de colla-boration, le souvenir de la grève patriotique de mai-juin 1941 ont accru encore leur prestige.

De 1941 à 1947, les mineurs avaient lutté pour défendre leurs intérêts de classe, leurs conditions de vie et de travail. Ils avaient ar-ticulé cette lutte sur un combat national porteur d’émancipation. Durant cette période, et surtout de 1941 à 1944, ils avaient tout fait pour ne pas faciliter la répres-sion de l’occupant et de Vichy.

Les grèves de l’automne 1948 sont la poursuite de celles d’oc-tobre et novembre 1947. Comme en 1947, les mineurs sont forte-ment mobilisés. Les raisons de l’engagement des mineurs dans un tel mouvement sont multi-ples : les salaires n’ont pas été réévalués malgré l’augmentation des prix, la pénurie demeure alors que le marché noir perdure. Les mineurs, mis à l’honneur de 1945 à 1947, ont vécu les mois qui pré-cèdent la grève de 1948 comme une période d’humiliation, de vexation. Les décrets Lacoste de septembre 1948 vont mettre

Le patron de Renault faisant visiter ces usines à Adolf Hitler.

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LE RÉVEIL - N° 815-816 - JUILLET-AOÛT 2015 - 21

DOSSIER LE RÉVEIL

protectrices et/ou d’heures de dé-légation. Ainsi : à Citroën, crédit mensuel de 120 heures pour les délégués syndicaux ; bénéfi ce du plein traitement pour les congés d’éducation syndicale à la SNCF, dans la Fonction publique ou les industries du Verre ; mise en place pour les Mineurs de comi-tés de bassin inspirés des comités d’entreprise.

En matière de salaires, des aug-mentations substantielles de sa-laires s’ajoutent aux acquis du constat de Grenelle ainsi que la suppression des abattements de zone. Par exemple, augmenta-tion du salaire garanti de + 18 % dans l’habillement, de +12 % à +46 % dans le Bâtiment selon les départements, de +28 % dans la Chimie.

En matière de durée du tra-vail, nombreux sont les secteurs d’activité qui obtiennent des ré-ductions et des congés supplé-mentaires : passage de 48 à 45 heures dans l’agriculture, de 48 à 42 heures dans le papier-carton, de 46 à 44 h 30 chez les chemi-nots, de 45 à 42 h dans la santé publique, de 48 à 40 h, selon un calendrier précis, dans le Verre. Le droit du travail va s’enrichir par la loi du 27 décembre 1968 de la reconnaissance du droit

syndical à l’entreprise. Une loi reconnaissant la section syndi-cale d’entreprise à l’intérieur des entreprises est promulguée.

Révision des conventions collec-tives sur la base du constat, ré-duction et intégration des primes dans le salaire. Extension de la 4e semaine de congés payés. Sui-vra la création du S.M.I.C.

Puis en 1969, toujours à la suite du constat de Grenelle, accords de mensualisation, accord natio-nal interprofessionnel de 1969 sur la sécurité d’emploi, puis sur la formation professionnelle, ac-cords et lois sur l’amélioration des conditions de travail com-plètent ces avancées sociales et ensuite, en 1970, ce sera la créa-tion du S.M.I.G.

1981

39 heures sans perte de salaire, retraite à 60 ans, 5e semaine de congés annuels. Et le gouverne-ment Mauroy en profi tait pour effectuer une modifi cation im-portante du droit du travail, en remettant en cause le principe du calcul du temps de travail sur la semaine. Pour la première fois, ces ordonnances instituaient la possibilité de mettre en place la fl exibilité des horaires, mettant ainsi les travailleurs à la dispo-

ouvre des négociations avec les syndicats. Celles-ci se terminent le 27 mai 1968, non pas par un accord, comme il est souvent dit, mais par un constat, des conces-sions d’ordre général accordées par le pouvoir, et entraîne de re-marquables résultats, notamment pour la masse des salariés, une substantielle augmentation de sa-laires : 35 à 37 % d’augmentation pour le salaire minimum et attei-gnant 15 à 20 % pour la moyenne des salaires et de 56 % pour les salariés agricoles. La réduction du temps de travail qui oscillait encore entre 45 et 48 heures par semaine. Proposition d’aller par étapes aux 40 heures et engage-ment d’une réduction de deux heures de la durée hebdomadaire pour les horaires hebdomadaires supérieurs à 48 heures.

Les principaux acquis du constat de Grenelle :

Reconnaissance légale de la sec-tion syndicale d’entreprise et de l’exercice du droit syndical dans l’entreprise.

Révision des conventions collec-tives sur la base du constat, réduc-tion et intégration des primes dans le salaire. Acquis spécifi ques dans les branches professionnelles.

Sécurité sociale (branche mala-die) : réduction du ticket modé-rateur applicable aux visites et consultations (de 30 % à 25 % du constat de Grenelle).

Avance de 50 % du salaire perdu pendant la grève, théoriquement récupérable jusqu’au 31 dé-cembre 1968. Les négociations par branches et entreprises vont amplifi er, parfois de manière considérable, les acquis du constat de Grenelle.

Quelques exemples : La recon-naissance du droit syndical dans l’entreprise s’accompagne dans nombre de secteurs de mesures

Pas question de faire des ouvriers de la chair à canons, dit Jaurès au meeting du Pré-Saint-Gervais organisé en 1913 par SFIO et la CGT.

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LE RÉVEIL DOSSIER

tion, et cette mesure rendait l’hos-pitalisation plus diffi cile pour les milieux modestes.

1984 : Gouvernement Fabius. C’est le début de la précarité avec les TUC, développement de l’In-térim.

1989 : C’est les lois néfastes de Michel Rocard : CSG, RDS. Le 21 novembre 1989 Rocard, pre-mier ministre, annonce la ferme-ture défi nitive de Renault à l’île Seguin pour mars 1992. Pourtant celle-ci a été considérablement modernisée. En 1994 la nationali-sation de Renault a vécu ; la régie connaît l’ouverture du capital aux actionnaires privés, dominé par les fonds de pension. L’Etat ne détient plus que 15 % du capital.

1995 : Les cheminots et les ser-vices publics font plier Juppé sur les régimes de retraites.

CGT : Lutte de classe. Avenir de la lutte

« Rien ne fait plus de mal aux travailleurs que la collabora-tion de classes. Elle les désarme dans la défense de leurs intérêts et provoque la division. La lutte de classes, au contraire, est la base de l’unité, son motif le plus puissant. C’est pour la mener avec succès en rassemblant l’en-semble des travailleurs que fut fondée la CGT. Or la lutte de classes n’est pas une invention, c’est un fait. Il ne suffi t pas de la nier pour qu’elle cesse : renoncer à la mener équivaut pour la classe ouvrière à se li-vrer pieds et poings liés à l’ex-ploitation et à l’écrasement. La régression sociale ne se négocie pas, elle se combat ». (Henri Kra-sucki, ancien secrétaire général de la CGT).

Victoire à ceux qui luttent ! Fina-lement, la lutte paie toujours !!!

Gérard DEL MASCHIO Agent EDF/RTE

sition de leur patron tout au long de l’année, sans que celui-ci n’ait même pas d’heures supplémen-taires à payer. En 1997, Lionel Jospin et Martine Aubry instau-reront la fl exibilité généralisée au service des employeurs à l’occa-sion des 35 heures.

Ce sont les travailleurs qui al-laient priver le patronat du béné-fi ce de ce gros cadeau du gouver-nement de gauche. En effet, en réaction aux appétits des patrons lors des négociations qui s’ou-vraient en février 1982 pour la mise en place de ces mesures, des grèves, parfois très dures, écla-tèrent dans le pays. De la métal-lurgie à l’automobile jusqu’aux employés de supermarchés, bien des secteurs connurent des ré-actions de protestation souvent spontanées, qui mettaient parfois des milliers de travailleurs en mouvement. Cela inquiéta le pa-tronat et le gouvernement. Fran-çois Mitterrand annonça que le passage aux 39 heures serait par-tout indemnisé à cent pour cent et payé 40 heures.

Lois Auroux, création des CHS.CT (Comités d’hygiène et sécu-rité et des conditions de travail). Obligation pour le patronat de négocier annuellement. Abolition de la peine de mort.

1982

Dans les premiers mois, le gou-vernement compléta la nationa-

lisation des banques et du crédit, qu’avait opérée de Gaulle après la Seconde Guerre mondiale, soit vingt-neuf banques et deux socié-tés fi nancières, Paribas et Suez. Il n’y eut jamais la volonté d’unifi er en un tout cohérent l’ensemble du système fi nancier en créant une seule banque centralisant les capitaux disponibles pour agir effi cacement. Le gouvernement n’a pas voulu se donner ce levier puissant d’intervention écono-mique et sociale. À cela s’ajouta la nationalisation de cinq grands groupes industriels : Saint-Go-bain, Péchiney-Ugine-Kuhl-mann, Thomson, CGE et Rhô-ne-Poulenc. La nationalisation des banques, quant à elle, n’avait pas comme objectif de rationa-liser et de rendre utile pour la bonne marche de l’économie la circulation de l’argent. La na-tionalisation des grands groupes industriels rendit un autre service à la bourgeoisie fi nancière : elle transféra à l’État la charge so-ciale, économique et fi nancière de la restructuration de ces géants de l’industrie.

1983 : Remboursement de la carte orange à 50 %.

Le gouvernement introduit le for-fait hospitalier - loi n° 83-25 du 19 janvier 1983 - portant diverses mesures relatives à la Sécurité sociale. Loi dite loi Bérégovoy, c’est-à-dire un prélèvement de 20 francs par jour d’hospitalisa-

En 1913, ces terrassiers en ont ras la casquette de creuser plus de 10 heures durant les galeries du métropolitain parisien.

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LE RÉVEIL - N° 815-816 - JUILLET-AOÛT 2015 - 23

INTERNATIONAL LE RÉVEIL

En Italie une école de drones militaires Predator

Il y a une semaine, au Salon aérospa-tial du Bourget à Paris, la Direction des armements aéronautiques du ministère italien de la Défense a signé un contrat avec la canadienne Cae pour la réali-sation à Amendola (Foggia, Pouilles) de la première école de vol européen de drones militaires Predator (Préda-teurs) de l’états-unienne General Ato-mics. Un précédent contrat prévoyait la fourniture d’un simulateur de vol seu-lement pour le modèle MQ-1 Predator, alors que le nouveau permet d’entraîner aussi les télépilotes pour le Predator B/MQ-9 Reaper, les deux étant en dota-tion à l’aéronautique italienne. Ainsi se réalise le rêve de Roberta Pinotti (mi-nistre italienne de la Défense) qui avait annoncé le projet au « Colloque sur l’avenir de la domination aérospatiale nationale et européenne » (Florence, 24 octobre 2014).

Projet soutenu par le Pentagone, dans les écoles duquel se sont entraînés jusqu’à présent les télépilotes européens des Prédateurs : comme il doit aujourd’hui former plus de télépilotes de drones que de pilotes de chasseurs-bombardiers, le Pentagone a besoin d’autres centres d’entraînement dans l’environnement Otan. L’aéronautique italienne et celles des autres pays de l’UE appartenant à l’Otan disposeront ainsi, d’ici à 2016,

de l’école d’Amendola. Ici, les télépi-lotes européens seront entraînés à des missions soit de reconnaissance et iden-tifi cation d’objectifs, type celles effec-tuées jusqu’à présent par les Prédateurs utilisés par l’aéronautique italienne, soit d’attaque avec les MQ-9 Reaper, type celles effectuées en Afghanis-tan, Pakistan, Irak, Yémen, Somalie et autres pays.

Le Reaper (Broyeur, de vies humaines évidemment), long de plus de 10 mètres et avec une envergure d’ailes de 20 mètres, peut être armé de 14 mis-siles AGM-114 Hellfi re (Feu de l’en-fer), en plus de deux bombes à guidage laser GBU-12 Paveway II ou GBU-38 JDAM à guidage satellitaire. Les télé-pilotes, assis devant les écrans de leur console à des milliers de kilomètres, une fois repéré la « cible » par l’inter-médiaire de senseurs électro-optiques et autres drones, commandent avec leur joystick le lancement des missiles et des bombes.

C’est la nouvelle façon de faire la guerre, présentée comme « chirurgi-cale ». Les « dommages collatéraux » sont cependant fréquents : pour toucher un présumé terroriste, les drones killer détruisent souvent toute une maison en tuant des femmes et des enfants, ou bien le télépilote confond-il un groupe

de gens à un mariage avec un dange-reux groupe armé et lance le « Feu de l’enfer » à tête thermobarique ou à fragmentation ; ou bien il le lance parce qu’il est stressé par les horaires épui-sants à la console.

C’est à tout cela que contribuera l’école européenne de drones militaires, dont la localisation en Italie n’est pas fortuite. L’Italie a été la première dans l’UE à acquérir les Predator états-uniens et à les utiliser dans les « missions » inter-nationales (Afghanistan, Irak, Libye, Corne d’Afrique), la première qui a permis aux drones militaires d’opérer dans l’espace aérien national en met-tant en danger les vols civils. De Si-gonella (base états-unienne à Catane, Sicile) opèrent depuis des années les drones Global Hawk (Faucons mon-diaux), ainsi que des Prédateurs armés, de la US Navy. Dans cette même base entrera en fonction à partir de 2016 le système Ags de l’Otan qui, avec Global Hawk, surveillera une vaste zone, de l’Afrique au Moyen-Orient, en soutien des opérations de l’Otan. L’utilisation des drones militaires s’intensifi era avec la mission UE « contre les trafi quants d’êtres humains en Méditerranée », passe-partout d’une opération sous di-rection Otan pour une intervention mi-litaire en Libye.

Et la ministre Pinotti, en visitant Amendola, pourra féliciter les télépi-lotes des Prédateurs, comme le fi t dans cette même base le Premier ministre D’Alema (Parti démocrate de gauche) quand, le 10 juin 1999, il félicita les pilotes italiens qui avaient bombardé la Yougoslavie, en soulignant qu’ils avaient fait « une grande expérience humaine et professionnelle ».

Manlio Dinucci

Edition de mardi 23 juin 2015 de il ma-nifesto.

Manlio Dinucci est géographe et jour-naliste. Il a une chronique hebdoma-daire “L’art de la guerre” au quotidien italien il manifesto.

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VOS DROITS LE RÉVEIL

L’ARAC aujourd’hui, c’est :● l’action pour préserver et garantir les valeurs de la République, les ac-quis du CNR mis à mal aujourd’hui,● la défense des droits, anciens combattants, des OPEX, et victimes de guerre,● combattre les causes de la guerre, œuvrer pour la paix, l’amitié, la solidarité entre les peuples,● s’engager contre le fascisme et toutes les tentatives d’extrême droite● travailler pour la transmission de la mémoire, car qui comprend son passé peut construire sereinement son avenir.● donner à chacun les moyens de se construire une opinion et ainsi d’agir en connaissance de cause.

L’ARAC est une organisation vivante, moderne, portant les valeurs de notre histoire, celles de la Nation, celles écrites aux frontons de nos mairies : Liberté, Egalité, Fraternité.

Dans le monde d’aujourd’hui, préserver et développer l’ARAC, c’est défendre et garantir la souveraineté nationale, la démocratie, l’avenir de la France.

Arac Départementale du Val de Marne (94) : 2 000 eurosArac section de Chenove (21) : 200 €Abonnés Réveil : Serge Grégory – Augustin Gurrera – 50 €, 50 €, Georgette Legueux – 50 € Côte d’Or (21) : Jean Ianelli – 50 €Ille et Vilaine (35) : Marie-Annick Charaudeau – 20 € - Serge Huber – 40 €Lot et Garonne (47) : Jacques Chantre – 50 €Hautes-Pyrénées (65) : Laurent Lamon – 50 €

Sarthe (72) : Guy Petit – 50 €

Haute-Savoie (74) : Simon Sublet – 100 €

Seine-Maritime (76) : Charles Cramoisan – 50 €

Tarn (81) : Bruno Fiamazzo – 50 €

Vaucluse (84) : Marie-Hélène Calvetti – 50 €

Essonne (91) : Emile Truhe – 50 €

Seine St Denis (93) : Henriette Desnoyers – 50 €

Conseil National (99) : André Ballot – 50 €, Marcel Chamaillard – 50 €, Guy Moubèche – 30 €

MERCI DE PRÉCISERLE MODE DE RÈGLEMENT :● par chèque à l’ordre de l’ARAC, en un ou plusieurs

règlements, avec les dates d’encaissement souhaitées.● par prélèvement bancaire, avec le montant de votre

prélèvement (mensuel ou trimestriel) : merci de joindre un RIB.● dès réception de votre règlement, nous vous adresserons une

attestation de contribution et un reçu fi scal.Nous vous rappelons que vos dons ouvrent droit

à une déduction fi scale de 66 %

Juillet-Août 2015

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Le HandicapUne grande cause nationale… HAMPUTE !Il n’a pas manqué depuis 2005, date de loi sur le handicap, de ministres et d’hommes politiques – voire même de chefs d’entreprises – pour se gargari-ser avec « le handicap grande cause nationale ».

OUI MAIS…Dans le cadre de l’austérité renforcée, le gouvernement vient de prélever 29 millions d’euros sur les réserves de l’AGEFIPH (Association de gestion de fonds pour l’insertion profession-nelle des personnes handicapées) pour alimenter les recettes du projet de fi -nances 2015. Et, pour faire bonne me-sure, ces prélèvements seraient renou-velés en 2016 et 2017.D’où également l’inquiétude exprimée

le 16 octobre dernier, par l’intersyndi-cale des personnes du FIPHFP (Fonds d’insertion des personnels handicapés dans la Fonction publique) équivalent de l’AGEFIPH qui craignent eux-aussi une telle ponction.

Quant aux normes…L’Etat est loin d’être exemplaire quant au respect des 6 % de bénéfi ciaires de l’obligation d’emploi (BOE) en ma-tière de recrutement de travailleurs handicapés.

Pire même…Si l’ensemble des administrations, ministères et établissements publics – comme les entreprises du secteur privé (à partir de 20 salariés) – sont

dans l’obligation de verser une contri-bution si elles n’atteignent pas les 6 % de BOE dans leurs effectifs, PAR CONTRE, l’Elysée, l’Assemblée na-tionale, le Sénat, la Cour des comptes – tous hors norme – en sont dispensés !Beau programme dit de stabilité gou-vernementale. Les faibles trinquent et pas de pitié pour les handicapés. « Le pacte de responsabilité et de solida-rité », c’est pas autre chose que l’aus-térité pour les salariés, les retraités, les privés d’emplois, les handicapés… et les ACVG bien sûr, tandis que le gou-vernement multiplie les cadeaux au patronat. Ensemble, pour ne plus subir, unissons nos forces dans l’action pour un autre avenir que celui du MEDEF.

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LE RÉVEIL MÉMOIRE

Aumont 2015 – Maison Barbusse

Comme le dit Paul Markidès « Beau-coup de jeunes aujourd'hui, des adultes aussi, éprouvent de grandes diffi cultés à mener leur vie parce qu'ils n'ont pu s'appuyer au départ conscient de leur existence sur une éducation suffi sante.

« Plus que les connaissances, ce qui leur manque c'est l'inspiration d'idées-forces dans lesquelles ils au-raient la possibilité de faire des choix pour donner un sens à leur vie, c'est la disposition d'éléments de réfl exion et de repères puisés dans le compor-tement, l'action, les écrits d'hommes et de femmes de générations passées », rappelle Liliane Rehby…

1914, la voix de la paix assassinée en la personne de Jaurès. Cette guerre va durer quatre ans et concernera 65 millions d'hommes en Europe et dans le monde, fera 10 millions de morts…

En 1915 Barbusse fait partie de la 18e compagnie du 23e régiment…

« Le Feu », récit horrifi ant des car-nages de la guerre, un portrait émou-vant des soldats qui ont partagé la souffrance. C’est un véritable réqui-sitoire et dans « l'aube », le dernier chapitre du Feu, les propos peuvent avoir un côté révolutionnaire : « c'est vrai que les hommes sont fous ...Faut tuer la guerre… Il n'y aura plus d' guerre… quand il n'y aura plus d'Al-lemagne… Un autre crie,... y aura plus de guerre quand l'esprit de

guerre sera vaincu !...Si l'esprit de guerre n'est pas tué t'auras des mê-lées tout au long des époques… »

Pour Romain Rolland ce livre est le « Miroir implacable de la guerre… Œuvre riche de substance »…

Au printemps 1917 trois poilus ont la conviction qu'Henri Barbusse venant de recevoir le prix Goncourt, pour-rait être la synthèse de leurs volon-tés d'action. Deux intellectuels Paul Vaillant Couturier et Raymond Le-febvre sont persuadés que « le parti s'est déshonoré ». L'ouvrier Georges Bruyère parle de quelque chose qui puisse agir, fonder une société de membres et d'Anciens combattants pour combattre la guerre capitaliste. Ils s'adressent à Henri Barbusse qui adhère au projet, après avoir eu un accord de principe d'Anatole France et Romain Rolland. Ils créent l’ARAC…

Appel de juillet 1917 d’Henri Bar-busse « les principes républicains sont de tous côtés ou trop attaqués, ou trop mal défendus. Il faut veil-ler sur la République. C'est à vous entre tous et avant tout qu'incombe ce devoir, survivants de la guerre des hommes contre les oppresseurs ! »…

Nos fondateurs se sont adressés aux gens qui étaient comme eux, pour sortir de la guerre, engager l'action pour la défense des principes répu-blicains, les intérêts des travailleurs, ceux des Anciens Combattants et le

combat contre la guerre et pour la paix. Jusqu'à sa mort en 1935, il ne cessera de pousser ce cri : « guerre à la guerre »…

Il reste persuadé que l'unité de la classe ouvrière permettrait de mieux lutter contre la guerre : il faut mettre par terre le système impérialiste de guerre…

Je terminerai mes propos en évoquant le livre de Jean Relinger : « Que sait-on de Barbusse aujourd'hui ? Quelques éléments demeurent dans les mémoires. Le poilu de la grande guerre, l'auteur du Feu, le pacifi ste fondateur de L'ARAC, du mouve-ment Amsterdam - Pleyel… Il est entré vivant dans la notoriété, pour le meilleur et pour le pire, et l'idéo-logie s'en est mêlé : on l'a admiré et on l'a haï. On l'a de moins en moins connu, mais il reste une fi gure my-thique, dans la fi délité comme dans l'occultation et le dédain…

L'ARAC doit s’approprier de son im-mense héritage et concentrer toutes ses forces vives pour aborder digne-ment le centenaire de l'association en 2017. Auparavant nous espérons qu'en novembre 2016 le centenaire du Goncourt « le Feu », ainsi que la réhabilitation de la Maison Sylvie seront organisés avec la solennité due à ces deux événements…

« Que dire encore d'Henri Barbusse ? Simplement que son œuvre est au-jourd'hui plus actuelle que jamais ».

Barbusse dans les tranchées.

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VIE DE L’ARAC LE RÉVEIL

L’Hommage à André Maillard du secrétariat national de l’ARAC La grande richesse de notre Associa-tion Républicaine, c’est le brassage des générations construites par des femmes et des hommes depuis 1917.Année après année, s’est tissé, avec beaucoup de camarades ici présents, un engagement sur les valeurs fonda-trices de l’ARAC. Pour combattre les causes des guerres, œuvrer à la paix, s’opposer au fascisme aux racismes, à la xénophobie mais surtout défendre la conception de la nation, sa souverai-neté et les valeurs républicaines qu’elle porte, valeurs menacées aujourd’hui.André depuis plus de 60 ans, a été un homme combatif, déterminé. Un homme libre et entier dans ses engage-ments, ses convictions. Membre du Comité national puis du

Comité national d’honneur de l’ARAC pendant plusieurs décennies, il a été se-crétaire général puis vice-président de l’ARAC 93. Il avait aussi été élu au se-crétariat national de notre association en 1981, au Congrès de Malakoff.Je sais qu’ici André a partagé ses com-bats avec beaucoup de ceux qui lui rendent hommage aujourd’hui.André avait l’estime et l’autorité de celui qui ne fait pas que discourir mais qui paie de sa personne. L’autorité de celui qui, par son enga-gement quotidien sans faille, force le respect, l’amitié de tous ceux qui le connaissent, même de ceux qui ne par-tagent pas ses idéaux.Il était de ceux qui ont la conviction que le malheur qui s’abat sur ceux qui

n’ont que leurs bras et leur savoir d’ou-vrier n’est pas fatal.

C’est cette conviction qui a fait d’An-dré un militant de l’ARAC.

André militait aussi dans la solidarité internationale. Il participait au travail du Comité Français pour le village de l’Amitié au Vietnam « Van, Canh », créé par l’ARAC avec des anciens combattants vietnamiens, américains, japonais, canadiens et une équipe de pacifi stes allemands.

André avait trouvé dans l’ARAC ce qui pouvait être l’engagement conséquent d’un citoyen marqué par la Guerre 39/45 mais aussi par cette guerre colo-niale, celle d’Algérie.

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LE RÉVEIL VIE DE L’ARAC

Cérémonies du Mont Valérien du 30 05 2015Michel Bassot, Michel Kachkachian, Liliane Rehby.

« Cérémonie du souvenir et de la fi délité » aux fusillés du Mont Valérien précédé d’un spectacle plein d’émotions de Sophie de le Rochefoucaudet Viviane Théophilidès ainsi que des lycéens.

Pour l’ARAC Nationale, Liliane Rehby et Michel Kachka-chian ont déposé la gerbe.

Les spectateurs ont été moins nombreux que d’habitude. Il en est de même pour les drapeaux, mais L’ARAC était bien représentée.

Val de Marne (94)Fin juin une délégation du comité de l’arac a visité l’ex-position “sur les traces de la grande guerre” aux archives départementales à Créteil.

Accompagné et guidé par une médiatrice de cette structure nous avons pu découvrir toute la richesse des documents et objets présentés.

Saône et Loire (71)Assemblée Générale de l’ARAC départementale de Saône et Loire le 16 mai 2015 à Gueugnon

L’assemblée générale de de l’ARAC de Saône et Loire s’est déroulée salle Lucie Aubrac à Gueugnon en présence de plusieurs élus dont Madame la députée, Monsieur le Maire et Conseiller départemental et Madame l’Adjointe à la Culture. Raphaël Vahé président national est venu de Paris, parta-ger les travaux. La députée Edith Gueugneau membre de la commission défense, devant nous quitter souligne dans ses propos l’intérêt qu’elle porte à notre association, pour son militantisme pour la défense des droits des anciens combat-tants, mais aussi celle des valeurs de la République et du combat pour la Paix. Son soutien sera aussi fi nancier pour la réhabilitation de la Maison Barbusse et du centenaire de l’as-sociation sur sa réserve parlementaire. A son départ l’assem-blée a continué son cours et c’est le président qui a conclu en laissant la parole aux adhérents.

Peymeinade (06)Les amis de notre cher Henri IPPONICH récemment dis-paru ont décidé de ne pas laisser disparaître la section de Peymeinade dont Henri était le président depuis de nom-breuses années, malgré de sérieux ennuis de santé pour lui-même et son épouse… Il a tenu jusqu’au bout !Une assemblée extraordinaire de la section s’est donc dé-roulée ce samedi 27 juin sous la présidence, dans un premier temps, de la présidente départementale des Alpes Maritimes Chantal PIPART et a abouti à l’élection d’un nouveau bu-reau présidé par Chantal FELENQ… Bravo à l’ARAC de PEYMEINADE qui a démontré par son engagement et sa fi délité, son attachement à notre associa-tion et ses valeurs. Henri, tu es toujours vivant !

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VIE DE L’ARAC LE RÉVEIL

Débat à Villejuif

Un débat a eu lieu à Villejuif sur les en-jeux et conséquences de la réforme ter-ritoriale. Cette réforme outre de mettre en cause la conception française de la démocratie héritée de la révolution française va mettre en concurrence entre elles les régions françaises mais également en concurrence les régions françaises avec les länder allemands.Cette nouvelle architecture institution-nelle répond et s’inscrit dans la logique d’austérité imposée par Bruxelles par la compression des dépenses pu-bliques qui affectent toutes les admi-nistrations. Avec cette nouvelle étape, tous les services publics sont menacés

de voler en éclat au nom de la concur-rence entre les régions et de la compé-titivité. Le gouvernement a engagé cette ré-forme au pas de charge sans consul-tation des citoyens. Loin de permettre un progrès démocratique et social, ce projet de réorganisation territoriale vise à la fois à mettre en cause l’Etat Nation, sa puissance publique et la souveraineté du peuple en concentrant et éloignant les lieux de décisions des citoyens dans l’unique but d’imposer les injonctions des grands groupes industriels et fi nanciers qui dirigent l’Europe, principaux responsables de l’austérité générale et de la régression sociale.Cette réforme aura pour effet de concentrer les pouvoirs entre les mains de quelques-uns, d’instaurer des tu-telles et une technocratie puissante pour mettre les territoires au service de la concurrence libérale.

Depuis des années, les gouvernements successifs veulent s’attaquer aux com-munes, aux départements, à la démo-cratie de proximité. Avec la loi Macron, la loi «sur le ren-seignement », la réforme territoriale, c’est l’étouffement de l’expression populaire, de la démocratie qui se met en place. C’est un état autoritaire cor-respondant aux souhaits de Monsieur Juncker qui propose une armée euro-péenne pour, entre autre, maintenir l’ordre dans les pays de l’Union Euro-péenne.Quelle belle phrase pour éviter de dire « silence, vous les victimes des plans d’austérité ».Ce riche débat présidé par Patrick Staat a permis à Pascal Joly, secrétaire général de l’Union Régionale d’Ile de France de la CGT et membre du Bu-reau Confédéral de la CGT d’argu-menter et de répondre aux nombreuses questions du public.

Loire-Atlantique (44)Le 30 juin à 19h00 à Nantes, place Royale 500 personnes ont participé à la manifestation de soutien au peuple grec, l'ARAC avait rejoint le « Collec-tif unitaire de soutien au peuple grec » et appelé ses adhérents à manifester sur les bases de nos valeurs : Amitié, Solidarité, l'Antifascisme et la Paix, et le respect de la souveraineté du Peuple.

Lecture

LE COLLIER ROUGE de Jean-Christophe RUFINEn 1919, ancien combattant décoré de la grande guerre, il se retrouve en pri-son parce qu’il a mis en application ses idées de guerre à la guerre. Il ébranlera toutefois le JUGE dans ses explications.Le chien pièce maitresse du roman semble régner sur les hommes par sa souf-france d’isolementL’auteur nous fait vivre en 160 pages l’engagement d’un homme convaincu, lucide et déterminé.

COLLECTION FOLIO Gérard Vallée

Brest (29)18 juin 2015 aux Monuments aux Morts à Brest, Jean Moal (premier porte drapeau à gauche).

27 mai 2015: dévoilement d'une plaque commémorative saluant la présence des Républicains espagnols au fort Montbarey entre 1941 et 1944. (Jean Moal et Roger Berthelot, porte-dra-peaux).

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LE RÉVEIL VIE DE L’ARAC

ARAGON, un homme d’aujourd’hui à découvrirEn 2012, à l’occasion du trentième anniversaire de la mort d’Aragon au festival d’Avignon, un hommage a été rendu à la maison Jean Vilar par le parti communiste Français.

A cet hommage ont participé entre autre Jacques Ralite ancien ministre, sénateur et maire honoraire d’Auber-villiers et Olivier Barbarant poète et historien reconnu de l’œuvre et de la vie d’Aragon.

Une brochure agrémentée de pho-tos liées à l’engagement et à la vie d’Aragon regroupant deux interven-tions de juillet 2012.

C’est un document à lire, à garder, à partager. Vous pouvez vous le pro-curer auprès du PCF d’Aubervilliers – 35 rue Heurtault – 93300 Auber-villiers – 01.48.34.65.30.

Du 21 mars au 5 avril 2016Possibilité d’extension au Laos

Du 3 avril au 8 avril 2016

Voyage au VietnamVietnam (groupe de 10 à 15)

Prix de base par personne : 2 140 €

Supplément chambre individuelle : 410 €

Assurance multirisque : 35 €

Vietnam+Laos (groupe de 10 à 15)

Prix de base par personne : 2 790 €

Supplément chambre individuelle : 540 €

Assurance multirisque : 35 €

Renseignements complémentaires Permanence le jeudi

01 42 11 11 14 ou 06 82 12 29 68

Elsa et Aragon.

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LE RÉVEIL - N° 815-816 - JUILLET-AOÛT 2015 - 31

LIVRES LE RÉVEIL

Défi er le récit des puissantsKen Loach avec la collaboration de Frank BaratNous voici au cœur de la résistance et de la création tout à la fois. Défi er le récit des puissants, c’est défi er ces fi lms « parfaits » formatés par Hol-lywood, faisant de nous des citoyens passifs, dociles, sans esprit critique. Car il y a bel et bien une esthétique de la soumission.

En revanche, y a-t-il une esthétique de la résistance ? Ken Loach répond « oui ». Mais soyons clairs. S’il est un des rares aujourd’hui à assurer que la lutte des classes est toujours aussi vivante, il ne cède jamais pour autant à la propagande. Il dit : « Je ne fi lme jamais un visage en gros plan ; car c’est une image hostile, elle réduit l’acteur, le personnage à un objet. »

Or on peut faire ce qu’on veut d’un objet, l’exclure, l’expulser… Mais si la caméra est comme un œil humain, alors elle capte toutes les présences, les émotions, les lumières, les fragili-tés. Et nous devenons tous des « fi lm makers ».

Sylvie Crossman et Jean-Pierre Barou

L’auteur : Ken Loach, Palme d’or à Cannes en 2006 pour Le vent se lève, est sans conteste l’un des plus grands cinéastes engagés de notre temps. Il partage sa vie entre ses fi lms, sa mai-son de production Sixteen Films à Londres, et son jardin de Bath où il vit avec sa famille. Jimmy’s Hall est son dernier fi lm (mai 2014).

Une voix de femme dans la mêlée

Auteur : Marcel Capy (1891-1962)

Préface Françoise Thébaud

L’auteur : Marcelle Capy, fi lle de mili-taire, a 23 ans lorsqu’éclate la guerre en 1914. Journaliste, elle ne sacrifi e pas ses convictions au profi t du patrio-tisme de « l’Union Sacrée ».

Suivant le chemin tracé par Romain Rolland (« Au-dessus de la mêlée »), elle développe sa pensée dans des ar-

ticles polémistes où la femme est le refuge de la paix.

Introduction de l’édition de 1936 :

« Ce livre a vingt ans. Il parut en avril 1916. La moitié de ses pages étaient blanches. On y lisait, à la place du texte interdit, ces quatre mots : « Coupé par la censure ». C’était la guerre et la guerre tue la liberté de penser, d’écrire, de juger et même de pleurer, afi n de pouvoir tuer les hommes […] Quand le sang coule, la sagesse est proscrite, la compassion interdite et la justice re-niée […] Marcelle CAPY

Extraits

« Prenez les grands journaux, ceux où collaborent les légumes trop mûrs de l’Académie, et ceux où s’alignent les interminables tartines de reporters payés à la ligne. Vous n’y verrez que litanies enthousiastes – enthousiasme rance : depuis douze mois, cela se conçoit… Vous y entendrez célébrer la guerre sur tous les tons. On vous dé-montrera que la Mêlée est le plus utile, le plus beau, le plus moral, le plus doux

événement qui pouvait se produire.

« Mais, écoutez donc, il y a mieux. Certains qui parlent de la vie avec grandiloquence, qui ordonnent – ils commandent toujours à l’arrière-garde – aux femmes de créer des enfants pour continuer la race, - notre race si belle, si noble, si pure… mettez tous les ad-jectifs que vous voudrez et consultez le dictionnaire si vous êtes embarrassés – veulent à présent nous démontrer que l’existence ne vaut pas grand-chose. »

« Parlons si vous le voulez bien, du genre « poilu » au spectacle. La pen-sée a donné le la, et tous les caf’conc, théâtres, cinémas ont repris en chœur. Empoisonnement général par l’écrit, le geste et la voix. Ensemble, par-fait. Union sacrée dans le sabotage des meilleures traditions françaises… Allez au spectacle, n’importe où. Si vous n’en sortez pas avec la migraine et des nausées, c’est que vous avez une rude santé ».

Editions Entre-temps - 176 rue du Château - 38730 VIRIEU - 12 euros.

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LE RÉVEIL LIVRES

DANIELLE BLEITRACH ET MARIANNE DUNLOP

URSS vingt ans après.Retour de l’Ukraine en guerreEditions Delga. 2015.

Qu’est-il advenu de l’Union soviétique, vingt ans après ? Loin de tout dis-cours offi ciel, de la gloriole des « élites », c’est la parole des petites gens que nous avons recueillie dans toute une série de reportages en Crimée, au moment de son rattachement à la Russie en mai et juin 2014. Puis l’aventure s’est poursuivie à Odessa en octobre et novembre, peu de temps après le massacre dans la Maison des syndicats, puis en Moldavie, en Transnistrie et en Gagaouzie. Nous voulions connaître l’opinion de ceux dont les seules victoires, provisoirement acquises, se nomment « pain » et « abri pour dor-mir », étant entendu que tout est remis en cause le matin de chaque jour qui naît, quand la guerre est là, la pire des guerres la guerre civile. Ils ont dit ce que représentait l’Union soviétique pour eux, comment ils avaient vécu le Maïdan, la rébellion dans le Donbass et la catastrophe actuelle. En par-tageant avec eux le pain et le sel, nous avons commencé à entrevoir une autre réalité que celle rapportée par nos médias.

Au revoir là-haut(Prix Goncourt 2013, Pierre Lemaitre – Editions Albin-Michel – 22,50 €)

Auteur à succès de « polars », Pierre Lemaitre frappe un grand coup et annonce la couleur d’emblée : « Pour le commerce, la guerre présente beaucoup d’avantages, même après. ».

Et le titre de son livre, il l’emprunte aux derniers mots écrits par un « poilu » - Jules Blanchard – fusillés pour traîtrise le 4 décembre 1914 et réhabilité le 29 janvier 1921 : « Je te donne rendez-vous au ciel où j’espère que Dieu nous réunira. Au revoir là-haut, ma chère épouse »

Un roman choc commençant en novembre 1918 dans les tranchées et se ter-minant en 1920, dont les protagonistes principaux sont deux poilus rescapés passablement abîmés (dont un « gueule cassée ») et l’autre (échappé par mi-racle aux « fusillés pour l’exemple ») qui vont prendre leur revanche sur la société et leur boucher d’offi cier, en réalisant une escroquerie aussi specta-culaire que amorale l’arnaque aux monuments aux morts (tirée du scandale des exhumations militaires », arnaque réelle éclatée en 1922). Des « sentiers de la gloire » à la subversion de la « Patrie victorieuse », ils vont découvrir que la France ne plaisante pas avec ses morts.

Cette fresque cruelle dénonce l’illusion de l’armistice, de l’Etat qui glorifi e ses disparus et se débarrasse des survivants trop encombrants, l’abomination érigée en vertu.Lemaitre très inspiré par Henri Barbusse, Genevoix, Jules Romain, Gabriel Chevalier, évoque avec force la grande tragédie de cette génération perdue, dans l’atmosphère crépusculaire des lendemains qui déchantent. Un roman brutal et pourtant débordant d’émotion et de respect envers les morts de toute nationalité, de la guerre 14-18.