inra magazine n°15

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magazine Alimentation Agriculture Environnement INR A N°15 - DÉCEMBRE 2010 REPORTAGE Passeport pour la recherche RECHERCHE Le sexe des truffes en kit DOSSIER Biotechnologies vertes : de nouvelles pistes pour répondre aux défis de l’agriculture HORIZON Expertise et prospective pour éclairer la société

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À la une de ce nouveau numéro, un dossier "Biotechnologies vertes : de nouvelles pistes pour répondre aux défis de l’agriculture".Parmi les autres sujets : une analyse des missions d’expertise et de prospective de l’Inra pour éclairer les enjeux de la société par Philippe Chemineau, directeur de la Délégation à l’expertise scientifique collective, à la prospective et aux études ; adaptation au changement climatique : la recherche s’organise à l’occasion du premier colloque scientifique organisé en France, en octobre 2010, sur l’adaptation au changement climatique de l’agriculture et des écosystèmes gérés ou affectés par les activités humaines ; la distinction du sexe des truffes grâce à un kit développé par l’Inra ; un retour sur un temps fort récent : la dernière édition du Congrès européen d’aviculture, dont l’affluence record reflète l’importance grandissante de la production de volaille au niveau mondial ; un reportage sur la politique d’attractivité mise en place par l’Institut pour l’accueil des chercheurs de renommée internationale. À lire également, une interview d’Alain Blogowski, secrétaire interministériel du Conseil National de l’Alimentation (CNA), qui aborde les liens de l’Inra avec cette instance consultative.

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magazine

AlimentationAgricultureEnvironnementINRA

N°15 - DÉCEMBRE 2010

� REPORTAGEPasseport pourla recherche

� RECHERCHELe sexe des truffes en kit

� DOSSIER

Biotechnologies vertes :de nouvelles pistespour répondre aux défisde l’agriculture

� HORIZONExpertise et prospective pour éclairer la société

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INRA MAGAZINE • N°15 • DÉCEMBRE 2010

�sommaire

Directrice de la publication : Marion Guillou. Directeur éditorial : Jean-François Launay. Directeur de la rédaction : Antoine Besse. Rédactrice en chef : Pascale Mollier. Rédaction :Géraud Chabriat, Magali Sarazin, Brigitte Cauvin, Ana Poletto, Catherine Foucaud-Scheunemann. Photothèque : Jean-Marie Bossennec, Julien Lanson, Christophe Maître. Couverture : Photo: Christophe Maître. Maquette : Patricia Perrot. Conception initiale : Citizen Press - www.citizen-press.fr. Impression : Imprimerie CARACTERE. Imprimé sur du papier issu de forêts géréesdurablement. Dépôt légal : décembre 2010.

03� HORIZONSAdaptation au changement climatique : la recherche s’organise

Expertise et prospective pour éclairer les enjeuxde la société

06� RECHERCHES& INNOVATIONS

De l’ammoniac dans l’air

Y aura-t-il plus ou moins de phytoplancton ?

La recherche avicole déploie ses ailes

Le sexe des truffes en kit

Les climatologues en campagne

25� REPORTAGEDes pistes pour ménager sa monture

Passeport pour la recherche

Une belle comédie aromatique

32� IMPRESSIONS

34� REGARDAlimentation, travaillons ensemble

ISSN : 1958-3923

Nous avons perdu l’un des nôtres. Xavier Leverve, directeur scientifique « Alimentation » de l’Inra, nous a quittés,

à l’issue d’un long combat contre la maladie. Le choc de sa disparition est d’autant plus terriblequ’il a fait montre d’une incroyable force morale,restant présent par ses avis précieux et ses conseils,nourrissant l’espoir de tous ses collègues et amisjusqu’au dernier jour.

Entré à l’Inra en 2002 comme chef du département« Alimentation humaine » avant d’être nommédirecteur scientifique « Nutrition humaine et sécurité des aliments » en 2004, puis directeurscientifique « Alimentation » en 2009, ce brillant médecin et chercheur a contribué à affirmer le positionnement de notre Institut sur les questions alimentaires et nutritionnelles. Il représentait d’ailleurs l’Inra en tant que directeur adjoint de l’Institut « Circulation,métabolisme, nutrition » au sein d’Aviesan,l’alliance nationale pour les sciences de la vie et la santé depuis 2008, et présidait la fondation« Alimentation et santé ».

Alors que l’Inra élaborait ses orientationsscientifiques 2010 - 2020, Xavier disait que celles-cidevaient être envisagées dans une optique de développement durable et de mondialisation des échanges, faute de quoi les meilleures intentionsscientifiques dans le domaine de l’alimentationbuteraient sur des réalités incontournables. Cette approche, qu’il décrivait comme un« compromis au sens noble du terme », était portéepar un homme passionné, dont l’humanité et la clairvoyance scientifique nous manqueront.

Marion GuillouPrésidente

Chers lecteurs,

INSTITUT NATIONAL DE LA RECHERCHE AGRONOMIQUE147 rue de l'Université • 75338 Paris Cedex 07 www.inra.fr

13� DOSSIERBiotechnologiesvertes : de nouvellespistes pourrépondre aux défis de l’agriculture

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Renseignements et abonnement : [email protected]

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F ace au changement clima-tique, coexistent deux straté-gies d’action : l’atténuation,

qui vise à limiter l’augmentation del’effet de serre en réduisant les émis-sions de « gaz à effet de serre » ou enfavorisant la séquestration de carbone,et l’adaptation des écosystèmes agri-coles au réchauffement global et àl’instabilité accrue du climat.

L’agriculture et les forêts devront s’adapterDans cette dualité atténuation/adap-tation, les programmes nationaux ont

A l’occasion du premier colloque scientifique organisé en France, en octobre 2010, sur l’adaptation au changement climatique de l’agriculture et des écosystèmes gérés ou affectés par les activités humaines, l’Inra a annoncé le lancement d’un « métaprogramme » sur ce thème. Le but : faire travailler ensemble les chercheurs de diverses disciplines autour de grands enjeux et favoriser les partenariats à l’échelle nationale, européenne et internationale.

Adaptation au changement climatique :la recherche s’organise

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jusqu’ici privilégié la première appro-che. En clôture du colloque, WolfangCramer (1), membre du GIEC, plaidepour l’adaptation : « Il est très impor-tant de faire comprendre que l’adapta-tion des écosystèmes et desagro-écosystèmes au changement cli-matique est d’ores et déjà inéluctable.L’avancée des connaissances nousindique que les impacts décrits par leGIEC, il y a cinq ans, étaient proba-blement sous-estimés. Pour les agro-écosystèmes les plus vulnérables, lalimite qui nous sépare de bouleverse-ments majeurs n’est plus très loin. La

sensibilité des rendements face au chan-gement climatique dans certaines zonesen Afrique, par exemple, est très inquié-tante en termes de sécurité alimentaire.D’une manière générale, les popula-tions qui vivent d’une agriculture desubsistance sont potentiellement plusexposées aux perturbations entraînéespar le climat ». Ce qui pourrait apparaître comme dufatalisme requiert en fait volontarismeet anticipation. Les priorités de recher-che définies pour le métaprogramme« Adaptation au changement clima-tique de l’agriculture et de la forêt »

© Inra / Bertrand Nicolas

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(ACCAF) s’appuient sur un atelier deréflexion prospective ANR animé parl’Inra en 2009 (2). Elles comprennentune phase d’analyse : quels risquessont associés aux épisodes extrêmes,quels impacts régionaux, quels effetssur la biodiversité et les bioagresseurs,quelle capacité d’adaptation des filiè-res ? Puis sont abordées les innova-tions nécessaires : adaptation génétiquedes espèces à de nouvelles conditionsclimatiques (sécheresse, présenceaccrue de CO2 dans l’atmosphère),évolution des systèmes de culture oud’élevage, solutions de soutien auxfilières (décisions d’investissements,politiques publiques de gestion desrisques, systèmes d’alerte etc.). Ladémarche pluridisciplinaire, marquede fabrique des métaprogrammes, sejustifie pleinement sur ce thème, parexemple pour concevoir des modèlesde transformation des systèmes deproduction en combinant biologie,écologie, biophysique, agronomie,sciences économiques et sociales.

Travailler à différentes échelles géographiquesIl faut pouvoir raisonner aussi bien àl’échelle régionale (et, à ce titre, amé-liorer la résolution spatiale des modèles d’impact du changement cli-matique) qu’à des échelles plus larges.C’est pourquoi le métaprogrammeACCAF s’inscrit dans des niveaux decoordination nationaux, européenset internationaux, emboîtés à lamanière de poupées gigognes.A l’échelle nationale, il contribueraaux travaux d’AllEnvi (3) et de songroupe thématique « Changementglobal et climat ».A l’échelle européenne, le métapro-gramme fera pleinement partie de l’initiative de programmationconjointe « FACCE » (4), qui organise

la coordination entre les program-mes nationaux des Etats membres.Jean-Marc Guehl (5) en souligne l’en-jeu : « Au-delà de la rationalisationdes efforts de recherche entre Étatsmembres, la dimension européenneconstitue souvent la bonne échelle d’a-nalyse pour comprendre les phénomè-nes. Certaines dynamiques écologiquescomme les flux de gènes, la migrationdes espèces ou la progression des bio-agresseurs n’apparaissent bien qu’à l’échelle continentale. Les partenariatsinternationaux fournissent aussi unevision prédictive intéressante. On saitpar exemple que le climat méditerra-néen aura tendance à s’étendre vers leNord et l’Ouest. Les études sur ce climatpeuvent donc nous permettre d’antici-per les futures conditions de cultureset les capacités d’adaptation de certai-nes zones françaises. Il est doncindispensable d’intensifier nos parte-nariats afin notamment de valorisertous les réseaux d’observatoires envi-

ronnementaux sur le long terme pré-sents en Europe et dans le monde ». Enfin, à l’échelle internationale, l’initiative FACCE établit des contactsavec différents programmes commela GRA (6), initié en 2009 par la Nou-velle-Zélande et axé sur les effets deserre, ou le CCAFS (7), plus explici-tement dédié aux problèmes de l’ali-mentation mondiale.�

Pascale Mollier

(1) Professeur d’écologie globale au Postdam Institutefor Climate Impact Research. Il coordonne le chapitre surles impacts du changement climatique dans le prochainrapport du GIEC, à paraître en 2014. GIEC : Grouped’experts intergouvernemental sur le changementclimatique.(2) Atelier de réflexion prospective ADAGE, conclu en2009 (projet ANR, 150 experts pluridisciplinaires).https://www1.clermont.inra.fr/adage(3) AllEnvi est une Alliance nationale de recherche, quia pour objectif de bâtir une programmation coordonnéesur le thème de l’environnement au niveau national.Abordant principalement les thèmes de l’alimentation,de l’eau, du climat et des territoires, elle élabore despriorités qu’elle soumet au gouvernement et auxagences de financement françaises et européennes.AllEnvi associe douze acteurs de recherche : BRGM,CEA, Cemagref, Cirad, CNRS, CPU, Ifremer, Inra, IRD,LCPC, Météo France et MNH.(4) L’initiative « Agriculture, sécurité alimentaire, etchangement climatique » (en anglais JPI FACCE),animée par l’Inra et le BBSRC, réunit une vingtaine depays européens (+Israël et Turquie). Voir Inra magazinen°14 rubrique « Regard ». www.faccejpi.com(5) Directeur du département « Écologie des forêts,prairies et milieux aquatiques » de l’Inra, en charge du métaprogramme ACCAF.(6) GRA : The Global Research Alliance on AgriculturalGreenhouse Gases.(7) CCAFS : Climate Change, Agriculture and FoodSecurity, initiative lancée en 2010 par le CGIAR(Consultative Group on International AgriculturalResearch) et l’ESSP (Earth System SciencePartnership).

Mobiliser toutes les disciplines : les métaprogrammes

Les métaprogrammes organisent une programmation pluridisciplinaire ausein de l’Inra et de ses partenaires sur une thématique donnée. Ils mobi-lisent plusieurs départements de l’Institut sur une longue durée (5 à 10 ans).A terme, ils représenteront 30 % des forces de recherche de l’Inra.Six métaprogrammes sont d’ores et déjà identifiés pour la période 2010-2020.

- Gestion intégrée de la santé des plantes- Gestion intégrée de la santé animale- Sélection génomique- Métagénomique des écosystèmes microbiens- Déterminants et effets des comportements alimentaires- Adaptation de l’agriculture et de la forêt au changement climatique.

+d’infosOweb : www.inra.fr/la_science_et_vous/dossiers_scientifiques/changement_climatique

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ra / Sylvie Toillon

CONGRÈS INTERDISCIPLINAIRE - ACCAE (Adaptation au Changement Climatique de l’Agriculture et des Ecosystèmes) 20-22 octobre 2010 - Clermont-Ferrand. Table ronde 1 : Jean-FrançoisSoussana, Maryline Loquet, Vincent Gitz.

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Pourquoi regrouper l’expertise et la prospective,deux unités jusque-là distinctes (1) ?Philippe Chemineau : Cela répondà une volonté de la Présidente de l’Inraqui souhaitait ainsi renforcer notrecapacité à soutenir l’élaboration despolitiques publiques et améliorerl’appro priation par les scientifiques del’Inra des débats entre la science et lasociété. La DEPE a ainsi été créée et aensuite été renforcée. Elle comprendmaintenant une quinzaine de person-nes, ce qui nous a permis d’augmenterle nombre de projets traités. Expertise et prospective sont en faitétroitement liées. L’expertise, ou plusexactement l’expertise scientifique,pour la distinguer d’autres formesd’expertises (expertise judiciaire, d’undommage pour une réparation, etc.)dresse un état des lieux, en réponse àune saisine des ministères (générale-ment de l’agriculture et de l’environ-nement), et analyse un corpusscientifique certifié pour répondre àune question complexe qui fait débatdans la société. Par « certifié », on seréfère aux publications scientifiques àcomité de lecture (évaluation par lespairs). Lorsque les sources certifiéesn’existent pas, par exemple dans le casde sujets nécessitant une déclinaisonterritoriale, on peut se baser sur descomptes-rendus d’activités, des rap-ports techniques, des résultats demodélisations, etc. On parle alors plutôt d’« étude». La pros pective,

quant à elle, imagine des futurs possi-bles en présentant leurs contenus, leursenjeux, ainsi que les conditions pour yparvenir. La méthode la plus utiliséedécline des scénarios entre deux extrê-mes : un renforcement des tendancesexistantes et une situation de rupture.

Les conclusions d’une exper-tise aident les décideurs denotre société mais commentl’Inra s’en empare ?P. C. : L’expertise, en distinguant lesacquis, les incertitudes et les contro-verses, permet d’éclairer la décisionpublique. La prospective est moins liéeaux commandes publiques. Toutesdeux en revanche sont nécessaires àl’Institut pour définir ses orientationsde recherche, parce qu’elles dégagentde grandes questions de recherche oumettent en évidence de nouveauxfronts de science. C’est ce que j’appellele « chaînage stratégique ». Regardonspar exemple les métaprogrammes (2)que l’Inra pilote pour les dix prochai-nes années. Celui qui s’intitule « Déter-minants et effets des comportementsalimentaires » s’inspire directementdes conclusions rendues en juin 2010à la suite de l’expertise scientifique col-lective. Le métaprogramme « Gestionintégrée de la santé des plantes » utiliseautant les conclusions de la prospectiveENDURE sur la protection des cultu-res en Europe en 2030 que les résultatsde l’expertise scientifique collective« Pesticides, agriculture et environ -nement » (3) et de l’étude « ÉcophytoR&D : Quelles voies pour réduire l'usage des pesticides » (4). Là encore,deux bouts d’une chaîne sont liés :l’appropriation des travaux de la DEPEau sein de l’Inra passera par l’impli-cation toujours plus en amont deschercheurs.

L’Inra a adopté la charte nationale de l’expertise scientifique institutionnelle.Qu’est-ce que cela va changer ?P. C. : La principale nouveauté intro-duite par rapport à la charte dont l’Inras’était déjà doté en 2007 est de per-mettre une activité d’expertise insti-tutionnelle individuelle. Le but est derépondre dans un cadre clair à certai-nes demandes d’expertise dont le péri-mètre est assez resseré pour qu’un seulchercheur puisse les prendre en charge.Elle formalise aussi certaines de nosprocédures, comme la déclarationd’intérêt, dans laquelle chaque expertrend publics ses liens avec les entre-prises qui lui ont confié des contrats.D’une façon générale, nous sommesattachés, comme l’entérine l’adoptionde cette charte, à la transparence et à laqualité de nos procédures.�

Propos recueillis par Magali Sarazin

Philippe Chemineau analyse les missions de la délégation à l’expertise scientifique collective, à la prospective et aux études (DEPE), unité qu’il dirige depuis sa création à l’Inra en juin 2010.

Expertise et prospective pour éclairer les enjeux

de la société

+d’infosOen cours : • Expertises scientifiques collectives :- Flux d’azote et élevages- Variétés tolérantes aux herbicides

• Prospectives :- Devenir du Massif des Landes de Gascogne- Agrimonde 2, agricultures et alimentations du monde en 2050. Scénarios et défis pour un développement durable.

Oweb : http://media.enseignementsuprecherche.gouv.fr/file/2010/10/6/Chartenationaledel_expertise_139106.pdfOcontact : [email protected]

(1) Pour mémoire, l’Inra s’est doté dès 2002 d’une unitéd’expertise scientifique collective et dès 2007 d’une unité prospective.(2) Programmes de recherche pluridisciplinairesimpliquant plusieurs départements de l’Inra et leurs partenaires.(3) « Réduire l'utilisation des pesticides et en limiter les impacts environnementaux », décembre 2005.(4) Les résultats de cette étude ont été présentés en janvier 2010.

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De l’ammoniac dans l’air

Des chercheurs de l’Inra Versailles-Grignon ont mis au point ROSAA, un nouvel analyseurautomatique d’ammoniac. Ce système permet un suivi fiable des émissions de ce gaz dansl’atmosphère. ROSAA a été testé avec succès au champ et fait actuellement l’objet d’un dépôtde brevet. Il est promis à de nombreux débouchés, notamment pour mesurer la pollutionatmosphérique, à la fois en recherche et dans les domaines de l’environnement, de l’agriculture et de la santé.

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P lus de 98 % de l’ammoniacatmosphérique (NH3) pro-vient, en France, des secteurs

agricoles et sylvicoles, principalementde l’élevage et de l’utilisation desengrais (1).

L’ammoniac atmosphériquedoit être surveilléLes dépôts d’ammoniac atmo sphé -rique entraînent des effets négatifssur les écosystèmes naturels ou culti-vés : acidification des sols et des eaux,eutrophisation (2) des milieux aqua-tiques, avec des conséquences sur labiodiversité. Extrêmement réactif, cegaz peut aussi se combiner à d’autresmolécules, formant des aérosols ayant

des impacts divers (asthme, voire effetde serre). Pour réduire ces émissions, il fautd’abord pouvoir les mesurer avec pré-cision, d’une part au laboratoire,d’autre part sur le terrain (au champou en bâtiment d’élevage) pourmieux étudier les processus qui ensont à l’origine. Les analyseurs exis-tants ne répondent pas à l’ensemblede ces besoins.Partant de ce constat, une équipe descientifiques et de techniciens de l’Inrade Versailles-Grignon (3) a développéle système ROSAA (Robust and sen-sitive ammonia analyser) : un analy-seur d’ammoniac très sensible (ilmesure des flux de quelques dizaines

de ng par m2 et par s), robuste (il suf-fit d’un entretien bi-hebdomadaire etd’un contrôle hebdomadaire) etpourvu d’un étalonnage automatisé.

L’épreuve du terrainAujourd’hui, cet analyseur a déjà étéutilisé pour quantifier l’ammoniacémis par les surfaces agricoles aprèsapport d’engrais. Dans le cadre d’unecampagne expérimentale menée àGrignon en 2008, les pertes azotéesqui ont été mesurées après apport delisier au champ représentaient 25 %de l’azote apporté. Ces teneurs ontété comparées à celles obtenues pard’autres systèmes et méthodes demesure validés. Les faibles écarts

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ÉPANDAGE DE LISIER

riche en azote.

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(inférieurs à 3 %) observés entre lesdifférents systèmes de mesure per-mettent une première évaluationintéressante du fonctionnement deROSAA en conditions naturelles.

Une innovation reconnue etdes perspectives d’extensionLe dispositif ROSAA a reçu le prixdes Techniques innovantes pour l’en-vironnement, catégorie « AnalyseMesure » lors du Salon Pollutec, endécembre 2009. Il fait actuellementl’objet de dépôt d’un brevet. Le développement de ce système àplus grande échelle permettra d’am-plifier les études sur la compréhen-sion des échanges d’ammoniac entreles surfaces agricoles ou naturelles etl’atmosphère, qui plus est sur despériodes longues. Mieux quantifierces échanges répondra à une demandetant nationale qu’européenne. C’est également une première étapevers la constitution d’un réseau natio-nal de mesure sur l’échange d’ammo-niac. Ceci touche autant le domaine dela recherche que celui de la surveillancedes impacts environnementaux ouencore de la santé publique.Par ailleurs, l’expertise mise en œuvrelors de ce projet de développement

l’acide nitreux (HONO) ou les aéro-sols minéraux. Cette perspective ouvreune voie supplémentaire dans ledomaine de la mesure des échanges decomposés gazeux.�

Catherine Foucaud-Scheunemann

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sur la mesure de composés gazeuxpar conversion en phase liquide permet d’envisager de mesurer, danscertaines situations, d’autres compo-sés tout aussi complexes que l’am-moniac, comme le dioxyde de soufre(SO2), l’acide nitrique (HNO3),

+d’infosOcontacts :Erwan Personne, [email protected] Decuq, [email protected]

ROSAA en détails

ROSAA comprend un système de captage couplé à un système d’analyse en ligne. Le premierest composé de tubes verticaux (denuders), traversés par un flux descendant d’acide qui s’é-coule le long des parois, et, à contre-courant, par le flux d’air à analyser. L’acide piège l’ammoniacimmédiatement (sous forme stable d’ion ammonium NH4 ), lui évitant d’interagir avec d’au-tres composantes du milieu. Autre avantage, seule la fraction gazeuse est prise en compte,et non les aérosols, qui n’ont pas le temps d’être piégés. Enfin, le système permet de préle-ver simultanément des échantillons en divers points. L’analyse est réalisée par conductimétrie après passage sur une membrane semi-perméable. Les premiers tests de validation du système dans sa globalité ont été réalisés. On note unegrande efficacité de piégeage d’ammoniac par les denuders avec des rendements d’extrac-tion proches de 99 %. La justesse du système a été validée pour une large gamme demesure de 40 à 200 μg d’ammoniac par m3, avec des répétabilités et des reproductibilités quiont des coefficients de variation inférieurs à 2 %. La concentration limite quantifiable enammoniac dans l’air est estimée à 2 μg d’ammoniac par m3. L’analyseur ROSAA possède ainsi des propriétés inédites par rapport aux systèmes existantsles plus perfectionnés. En effet, les systèmes à diode laser (TDL/QCL), actuellement lesplus performants pour les mesures à hautes fréquences, n’ont pas une sensibilité suffisantepour mesurer des dépôts d’ammoniac avec plusieurs canaux. Les systèmes de tubes denu-ders rotatifs à flux continu associés à une analyse conductimétrique (AMANDA) sont nettementplus sensibles mais nécessitent des débits d’air échantillonné importants (30 litres par min)qui empêchent le travail en conditions contrôlées et à l’intérieur du couvert végétal.Les performances du système ROSAA pourront encore être améliorées en optimisant lechoix des débits d’air et de liquide à utiliser à l’intérieur des denuders et en intégrant un sys-tème plus performant de régulation de la température de la cellule d’analyse.

PARTIE « CAPTEURS » de l’analyseur automatique ROSAAinstallé en extérieur, dans un champ de triticale, à Grignon (78). Les trois « dénuders » sont les tubes à bouchons rouges dans lesquels circulent l’air à analyser et l’acide qui piège l’ammoniac. Le dispositif situé à gauche est un anémomètre qui permetde mesurer la vitesse du vent.

PARTIE « ANALYSE » de ROSAA. Sa structure permet de rassembler les pilotages électroniqueet informatique, les systèmes de pesées et d’analyseconductimétrique, les étalons et les pompes.

(1) Source : Centre interprofessionnel technique d’étude de la pollution atmosphérique, 2009.(2) Eutrophisation : détérioration d'un écosystème aquatique par la prolifération de certains végétaux, en particulier des algues planctoniques, résultant d’un excès de nitrates, phosphates et matières organiques.(3) Unité mixte de recherche Environnement et grandes cultures Inra AgroParisTech.

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P etite taille mais importancecapitale ! Le phytoplancton,qui regroupe toutes les

espèces d’organismes photosynthé-tiques de moins d’1 mm en suspen-sion dans l’eau, apporte la moitié del’oxygène de la Terre, fixe une quantitéimportante de CO2 atmosphériqueet se trouve à la base des chaînes ali-mentaires aquatiques. L’équilibre de sapopulation est donc essentiel. Si lephytoplancton disparaît, les poissonsn’ont plus rien à manger mais s’il esten excès, le dévelop pement de bacté-ries aérobies est favorisé et le milieus’asphyxie.

Le plancton carbure au phosphore« Mon étude montre que la quantitéde nutriments disponibles dans l’eau -dont le phosphore- détermine la pro-ductivité du phytoplancton face à l’aug-

mentation des températures. Il faudradonc tenir compte de cette interrela-tion dans les modèles » explique RémyTadonléké, de l’unité Carrtel (1) quiétudie le fonctionnement des écosys-tèmes aquatiques alpins. « Je me suisintéressé à la productivité du planctonde 1970 à 2005 dans le lac Léman. Pen-dant cette période, les températures descinq premiers mètres de la colonned’eau ont augmenté de 0,5 °C tous lesdix ans. » Constat : jusqu’en 1985, laproductivité du phytoplancton aug-mente tandis qu’ensuite, elle est relativement stable, malgré l’aug-mentation continue de la tempéra-ture. Le réchauffement n’expliquedonc pas toute l’évolution du phyto-plancton. Le lac Léman présente unprofil particulier dans la disponibi-lité du phosphore : aux débuts desannées 60, il a été très pollué par lerejet des eaux usées environnantes.

En 1972, les premières mesures deréduction des apports en phosphoresont mises en application. Cependant,les taux n’ont commencé à diminuerqu’à partir de 1982 pour atteindreune baisse de 60% autour de 1989 (2).Cette diminution de la disponibilitédu phosphore coïncide avec le ralen-tissement de la productivité du phy-toplancton.

La température ne fait pas tout« Mon travail concilie des résultats pré-cédemment obtenus dans les milieuxocéaniques par des équipes internatio-nales » complète Rémy Tadonléké. Ona avancé l’hypo thèse que, lorsque lemilieu se réchauffe, la colonne d’eau sestabilise. De ce fait, le brassage entre lescouches supérieures, où vit le phyto-plancton, et les couches inférieures,qui contiennent les nutriments dépo-sés au fond, disparaît. D’autres étu-des en laboratoire avaient montréqu’en présence de nutriments, destempératures plus élevées de l’eaufavorisent le métabolisme du phyto-plancton. Enfin, des simulations surhuit espèces de phytoplancton lacus-tre avaient montré qu’à faible niveaude nutriments, l’effet de la températurede l’eau sur le phytoplancton est consi-dérablement réduit. L’étude du bio-logiste de l’Inra est, quant à elle, baséesur des observations en conditionsnaturelles, ce qui permet d’intégrer demultiples variables exclues des modèles et des dispositifs expérimen-taux. De plus, elle privilégie un pas detemps suffisamment long pour tenircompte du changement climatique ets’affran chir d’effets saisonniers. �

Magali Sarazin

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+d’infosOréférence :R.D. Tadonléké, 2010. Evidence of warmingeffects on phytoplancton productivity rates and their dependence on eutrophication status. Limnology & Oceanography.Ocontact :[email protected]

(1) Centre alpin de recherche sur les réseaux trophiquesdes écosystèmes limniques, une unité mixte de recher-che de l'Inra et de l'université de Savoie.(2) Dès 1972, des stations d’épuration pratiquant ladéphosphatation sont mises en service. L’interdictiondes phosphates dans les lessives n’est quant à elle pro-mulguée qu’en 1986 en Suisse et en 2007 en France.

ASTERIONELLAFORMOSA, espècede phytoplancton

répandue dans les lacs, dont le Léman.

Le phytoplancton, constitué de microalgues, est le toutpremier maillon de la chaîne alimentaire et conditionne la production de poissons. Rémy Tadonléké, chercheur de l’Inra, démontre que, dans un contexte de changementclimatique, l’effet de l’augmentation des températures de l’eau sur la productivité du phytoplancton est fortementmodulé par la disponibilité des éléments nutritifs comme le phosphore.

Y aura-t-il plus ou moins

de phytoplancton ?© In

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C ’est un exemple de relationfructueuse entre rechercheet industrie. La filière avi-

cole, plus qu’aucune autre industried’élevage, a su appliquer rapidementles avancées technologiques issuesdes échanges entre chercheurs, sélec-tionneurs, transformateurs et pro-ducteurs d’aliments. Des échangesfréquents entretenus par les memb-res de l’association mondiale descience avicole (WPSA (1)), notam-ment au travers de grands congrèsinternationaux multidisciplinairescomme l’EPC. Cette année, c’était labranche française de l’association -

en partenariat avec l’Inra, l’Itavi (2) etl’Anses (3) et les professionnels de lafilière -qui a pris en charge l’organi-sation de la conférence. Et le succès aété au rendez-vous, comme le souli-gne Yves Nys, directeur de rechercheà l’unité de recherche avicole de Nou-zilly et président de la fédérationeuropéenne de la WPSA. « Avec plusde 1 200 participants venus de 77 pays,la conférence a largement dépassé sonpérimètre européen. C’est vraiment unpont remarquable entre la rechercheet la filière. L’origine des participantsétait d’ailleurs pour moitié académiqueet pour moitié industrielle ».

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Ce vif intérêt n’est pas étonnant. Auniveau mondial, l’aviculture a le venten poupe. La volaille de chair constitueà présent la deuxième productionmondiale de viande derrière le porc,avec 30 % des quantités totales pro-duites. Selon un rapport commun del’OCDE et de la FAO, l’augmentationde la demande de viande dans les dixans à venir fera également la part belleà la volaille et se situera majoritaire-ment dans les pays en développement,en lien avec l’augmentation des reve-nus. Cette demande sera encouragéepar la baisse des coûts de production,du fait de l’augmentation des perfor-

La recherche avicoledéploie ses ailes

Tous les quatre ans, le congrès européen d’aviculture (EPC) réunit scientifiques et professionnels de la filière. De nombreux chercheurs de l’Inra ont pris part à l’organisation de sa dernière édition, qui a eu lieu à Tours du 23 au 27 août dernier. L’affluence record lors de l’événement reflète l’importance grandissante de la production de volaille au niveau mondial.

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mances techniques de la filière. Faci-litée par des taux reproductifs élevéset un court intervalle entre généra-tions, l’amélioration génétique desespèces a permis des gains de pro-ductivité impressionnants. Depuis lesannées 60 et les débuts de l’avi culturecommerciale, la vitesse de croissanced’un poulet de chair a doublé tandisque la quantité d’aliment nécessairepour augmenter le poids de l’animald’un kilo a diminué de moitié. Lespoules pondeuses ne sont pas enreste, elles produisent maintenantplus de 300 œufs par an contre 150dans les années 50. Les chercheurs ne comptent pas s’arrêter là. Ainsi, la publication, en2004, de la séquence du génome dupoulet change radicalement les pers -pectives de la recherche. Lors de laséance plénière de l’EPC consacrée àla génomique, Alain Vignal, directeurde recherche au laboratoire de géné-tique cellulaire au centre Inra de Tou-louse, a déclaré que les futures étudessur les réseaux de gènes devraientpermettre de passer un cap dans lacompréhension de la biologie desespèces aviaires. De quoi donner auxsélectionneurs les moyens pour amé-liorer encore les performances desproductions, leur sécurité sanitairemais aussi la qualité de la viande. Enplus des questions de bien-être ani-mal, les impacts environ nementauxdes productions prennent de plus enplus d’importance, ils ont égalementfait l’objet d’une séance plénière.Hayo van der Werf, chercheur de l’unité Sol Agro et hydrosystème spa-tialisation à Rennes, est venu y pré-senter la méthode de l’analyse ducycle de vie. Selon lui, « c’est un outilefficace et mondialement reconnu quipermet de faire un bilan complet desperformances écologiques des systèmesde production actuels ». Enfin, uneséance plénière a été dédiée aux pro-spectives de production dans les paysà haut et bas revenus. Un des aspectsmis en lumière est la faible produc-tion du continent africain alors mêmeque les caractéristiques de la viande devolaille pourraient en faire un outilefficace de lutte contre la faim. Leparadoxe s’explique par le fait que lestechniques développées pour les éle-vages industriels sont difficilementtransférables sur les systèmes de pro-duction à plus petite échelle, à plusforte raison quand il s’agit d’élevagesfamiliaux utilisant des espèces autochtones. Conscients de cette pro-blématique, les organisateurs du

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Du neuf pour la qualité de l’œuf

La production d’œufs était égalementau cœur des échanges lors du congrèseuropéen de l’aviculture. Et pour cause,c’est la protéine animale la moins chèreet ses qualités nutritionnelles sont sanségal. Les pays émergents ne s’y sontpas trompés. En vingt ans, la Chine amultiplié sa production par quatre etl’Inde par deux. En Europe, la produc-tion globale stagne tandis que la partdes ovoproduits destinée à l’agroali-mentaire et à la restauration collectiveaugmente. Parallèlement, les éleveurss’apprêtent à vivre une révolution. Unedirective européenne imposera, dès2012, de nouveaux systèmes de pro-duction plus respectueux du bien-êtreanimal. Or, les systèmes proposés (cages aménagées, élevage au solou en volière) rendent plus difficile la maîtrise de la qualité hygiéniquedes œufs, préoccupation majeure des consommateurs. Grâce au séquençage du génome de la poule et aux progrès de la géno-mique fonctionnelle, les chercheurs explorent des voies pour résoudrece problème. A l’URA de Nouzilly, Yves Nys et ses collègues étudientcomment certains constituants de la matrice organique de l’œuf inter-viennent dans la formation de la coquille, son premier rempart sanitaire.Une autre voie d’amélioration consiste à renforcer les défenses internesde l’œuf. Le blanc d’œuf renferme en effet ses propres antibiotiques. Dansles deux cas, la mise en évidence d’une régulation de la synthèse desprotéines secrétées dans l’œuf par la génétique ou le milieu permettraitde renforcer le système de protection en donnant de nouveaux outils auxsélectionneurs ou éléveurs pour répondre aux défis à venir.Le dernier numéro spécial de la revue Inra productions animales* estconsacré à tous les aspects de la qualité de l’œuf. Ses douze articlespermettent de faire un point exhaustif sur l’état actuel des connais-sances en la matière.

* Inra productions animales. 2010, volume 23, numéro 2, 130 pages. Prix 26 euros.www.inra.fr/productions-animales

congrès avaient décidé de favoriser laparticipation des pays africains. Avec l’appui de la FAO, des sessions satellitesconsacrées aux élevages de petite tailleont donc été incluses dans le programme. Plusieurs technologiesrelativement simples d’emploi (confi-nement des poussins pendant les pre-mières semaines, utilisation d’alimentsde haute qualité, vaccination contre lamaladie de Newcastle…) pourraientdéjà entraîner de nets progrès.Au niveau français, les rencontres effec-tuées lors de l’EPC vont se prolongertrès prochainement avec les « Jour-nées de la recherche avicole » qui setiendront également à Tours les 29 et30 mars 2011. Comme l’a souligné lebilan économique effectué dans lecadre de la prospective Inra-Itavi « Lafilière avicole à l’horizon 2025 » (4), lafilière française est confrontée à desproblèmes spécifiques. En plus d’undéficit de productivité par rapport auxpays émergents mais aussi par rapport

à certains pays européens et des exi-gences réglementaires qui s’alourdis-sent, on assiste à une inflexion de lacourbe de croissance de la consom-mation. Une profonde mutation estdonc à l’œuvre. Afin de la gérer, pour-suivre les échanges est nécessaire. Laprospective a identifié trois axes prio-ritaires de recherche : enjeux écono-miques et sociaux, environnementauxet sanitaires.�

Géraud Chabriat

(1) World's Poultry Science Association.(2) Institut technique avicole.(3) Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimen-tation, de l’environnement et du travail.(4) www.inra.fr/l_institut/prospective/20_octobre_prospective_avicole

+d’infosOweb : www.wpsa.frwww.tours.inra.frOcontact : Yves Nys : [email protected] Duclos : [email protected]

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L a truffe a une vie sexuelle.C’est ce qu’ont découvertFrancis Martin et ses collègues

de l’unité Interactions arbres /micro-organismes (Inra Nancy - UniversitéHenri Poincaré) qui travaillent sur leséquençage et l’analyse du génome dela truffe noire du Périgord (Tubermelanosporum) en étroite collabora-tion avec des chercheurs français (1) etitaliens (2). Les premiers résultats de cetravail ont été publiés dans la revueNature en mars 2010.Ils démontrent que la présence simul-tanée des deux types sexuels estindispensable pour la formation destruffes. Non seulement les chercheursont élucidé les mécanismes de cettereproduction sexuée, mais ils ont éga-lement identifié les déterminantsgénétiques codant pour ces deux typessexuels et les gènes de compatibilitésexuelle.

Des rencontres fructueusesLa truffe récoltée à l’automne est doncune fructification qui résulte de larencontre souterraine entre les rami-fications de deux truffes de sexesopposés ; elle se déroulerait, selontoute vraisemblance, au printempsdans le sol des truffières.Depuis plusieurs décennies, la pro-duction européenne de T. mela-nosporum repose largement sur des

+d’infosOweb : www.inra.fr/la_science_et_vous/apprendre_experimenter/truffesOcontacts : Francis Martin : [email protected] Murat : [email protected]

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Le sexe des truffes en kit

Grâce à un kit de diagnostic développé par l’Inra, il est possible de distinguer les truffes « mâles » des « femelles ». Le but ? Optimiser les rendements des truffières, mais aussi détecter les fraudes.

plantations truffières, les truffes « sau-vages » étant de plus en plus rares.Pour réaliser ces plantations, le truffi-culteur achète des plants dont les racines ont été « inoculées » (oumycorhizées) avec du mycélium, la structure filamenteuse du champi -gnon. Ce procédé mis au point parl’Inra dans les années 70, associé à despratiques culturales adaptées, a per-mis de maintenir un niveau de pro-duction constant ces dernières années.Toutefois, il existe des plantations oùbien des arbres ne produisent pas. Le kit d’identification mis au pointpar le consortium franco-italien per-met de vérifier que les deux typessexuels sont bien présents sur les plantsmycorhizés améliorant ainsi leur qua-lité. Ce kit est aussi utilisable in situpour réaliser la « cartographie » de larépartition des sexes dans une parcelle.Un déséquilibre dans la distributiondes deux sexes pourrait en effet expli-quer le taux important d’échec de pro-duction de certaines truffières.

Contre les simulateursCette première retombée concrète desrecherches sur le génome de la truffepeut avoir une autre application trèsutile : le kit permet de distinguer T. melanosporum des autres espèces detruffes. Ceci est particulièrementimportant pour distinguer la truffe

noire du Périgord de la truffe deChine (T. indicum) qui lui ressembleen apparence, mais qui n'a guère deparfum. Par rapport aux techniquesd’identification déjà existantes, le kitde diagnostic « deux-en-un », pour-rait donc devenir un outil de travailnon seulement pour améliorer laqualité des plants mycorhizés et laproduction des truffières, mais aussipour les professionnels de la filièrechargés du contrôle et de la ventedu champi gnon.Des contacts ont déjà été pris pardes entreprises souhaitant com-mercialiser ce kit. Les recherches sepoursuivent actuellement avec l’analyse des génomes des autresespèces, comme la truffe blanched’Alba (T. magnatum) et la truffe deBourgogne (T. uncinatum).�

Ana Poletto

(1) CNRS, Génoscope/CEA, universités d’Evry,Nancy 1, Aix-Marseille 1 et 2 et Clermont-Ferrand.(2) CNR (Centre national de recherche), universitésde Turin, Parme, Urbino, Rome La Sapienza, Boulogneet l’Aquilla.

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+d’infosOcontact :[email protected]

C onséquences du réchauf -fement climatique, les ven-danges et la floraison desarbres fruitiers sont plus

précoces. Mais qu’en est-il pour lescultures annuelles, qui sont seméeschaque année ? Les scientifiques del’unité Agroclim de l’Inra d’Avignonont eu l’idée de collecter sur plusieursannées les données issues des unitésexpérimentales de l’Inra. « Chacunedes unités expérimentales héberge desexpérimentations au champ, expliqueNadine Brisson, coordonnatrice duprojet et agronome spécialiste des rela-tions entre cultures et climat. Mais lasurface agricole restante n’est pas laisséeen friche pour autant : elle est cultivée dela même manière que les terres de larégion. Les agents de l’Inra, comme lesagriculteurs, sèment par exemple du bléet du colza l’hiver, et du maïs, du tour-

nesol, de la betterave ou du sorgho auprintemps. C’est comme si nous dispo-sions d’une « grande ferme », surlaquelle nous pouvons faire des obser-vations ». C’est ainsi qu’en 2006, douzede ces unités expérimentales associentleurs efforts pour collecter et mettre enforme des informations, jusque-làinexploitées, sur ces cultures annuelles.La base de données Phetec est élaboréepar Bernard Baculat, ingénieur d’Agroclim, avec deux types de don-nées : la phénologie (levée de la plan-tule, floraison, maturité du grain) etles pratiques culturales (dates desemis, choix des variétés), dont elledépend directement. Or, les pratiquesdépendent elles-mêmes des condi-tions climatiques. S’il fait plus chaudau printemps, l’agriculteur sème plustôt son maïs. Mais le climat reste-t-il,aujourd’hui encore, le critère de déci-

sion prépondérant face à de multi-ples facteurs socio-économiques etimprime-t-il sa marque sur les pra-tiques culturales ?Il semble que oui, d’après les donnéesde la base Phetec. En effet, pour lemaïs et le tournesol, la variabilité desdates de semis est fortement corrélée àla variabilité des températures prin-tanières. Et cette variabilité est plusmarquée aujourd’hui : jusqu’à unmois, contre deux à trois semaines à lafin du siècle dernier. « Nous nous atten-dions à ce que les semis soient plus pré-coces, relate Nadine Brisson. En effet,pour la vigne et les arbres fruitiers, nousvoyons une avancée d’environ troissemaines des dates de floraison à partirde 1990, d’après les résultats d’une autrebase dédiée à ces espèces pérennes, appelée Phénoclim(1). Or, ce n’est pas lecas : les semis peuvent aussi être plustardifs. Par exemple, à l’unité de Saint-Martin-de-Hinx, dans les Landes, lemaïs est semé une année le 20 avril etl’année suivante le 20 mai ! » Enconclusion, les dates de semis sontplus variables depuis dix ans, dans unsens comme dans l’autre. « Nos données montrent également,qu’outre la variabilité, la tendance glo-bale à la hausse des températures estdéjà intégrée par les agriculteurs quipréfèrent des variétés à cycle de plusen plus long ». Ils allongent ainsi ladurée d’exposition de la plante aurayon nement, qui augmente le rem-plissage du grain et favorise des ren-dements supérieurs. Et la chercheusede conclure : « Mais le maître-motpour qualifier la dernière décennie est« variabilité ». C’est une composanteimportante du changement climatiqueque l’on a tendance à oublier. » �

Magali Sarazin

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Les climatologuesen campagne

(1) www.inra.fr/presse/phenoclim_une_base_de_donnees_pour_suivre_l_impact_du_rechauffement_climatique_sur_les_arbres_fruitiers_et_la_vigne

Quand le climat change, les agriculteurs s’adaptent. Et sèment beaucoup plus tôt… ou beaucoup plus tard. Cette variabilité, qui se superpose à celle des températures, est l’un des enseignementsde Phetec, base de données sur la phénologie et les techniquesculturales répertoriées dans les unités expérimentales de l’Inra.

Blé

Maïs

Tournesol

Colza

Pois

Orge

Betterave

Graminées fourragères

LES DOUZEunités

expérimentalesimpliquéesdans Phetecsont réparties

sur tout leterritoire.

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Biotechnologies vertes :de nouvelles pistes pour répondre aux défis de l’agriculture

Les cultures sont précieuses. Elles sont tributaires des sols, du climat, des maladies et des ravageurs. Et ce d’autant plus que le changement climatique en cours laisse augurer l’accentuation du déficit en eau

dans les zones sensibles, de l’érosion des sols et des épisodesclimatiques extrêmes. Les biotechnologies vertes ont contribué au fil de leurs progrès à développer l’agriculture, en améliorant les espèces cultivées. En constante évolution, elles offrent aujourd’hui de nouvelles possibilités pour aborder des caractères agronomiques complexes comme la tolérance à la sécheresse, au froid, ou une moindre consommation d’azote, autant de caractères majeurspour s’adapter aux futures conditions et contraintes imposées aux productions végétales.

Biotechnologies vertes :de nouvelles pistes pour répondre aux défisde l’agriculture

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illiam Beaucarde

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T out d’abord, les biotechno-logies vertes ne se réduisentpas au soja, coton ou maïsgénétiquement modifiés,

contrairement à ce que la couverturemédiatique de ces premiers OGM apu laisser penser. Se déployant dansle domaine de l’agriculture et de l’alimentation, elles sont au contraired’une grande diversité. On peut citer,entre autres exemples, la productionde nouvelles variétés par mutationinduite. Plus de 2 000 variétés delégumes et fruits de consommationcourante ont été obtenues de cettemanière. Ou encore, les nombreu-ses techniques de culture in vitro uti-lisées en routine pour multiplierrapidement des variétés (pommes

de terre, arbres fruitiers, fleurs), oupour conserver indemnes de virusdes cultures tropicales comme lacanne à sucre, l’igname, le manioc.Les biotechnologies vertes sontomniprésentes dans l’améliorationdes plantes et ont permis histori-quement d’élargir la gamme desvariétés et des espèces cultivées et deles obtenir plus facilement, plus vite. Ensuite, il faut distinguer la tech-nique et son application. Il existeplusieurs variantes pour définir leterme « biotechnologie » mais toutessoulignent qu’il s’agit d’utiliser destechniques dans un but appliqué, parexemple pour la création variétale (1).Quant aux techniques sous-jacentes(mutagenèse, utilisation de mar-

La transgenèse et le clonage sont des outils familiers pour les chercheurs en biologie végétale,mais beaucoup moins pour le public qui s’inquiète de certaines applications biotechnologiques.Une présentation des biotechnologies vertes devrait permettre de mieux comprendre les travauxconduits par l’Inra dans ce domaine.

queurs, transgenèse, etc.), elles sontaussi des outils de recherche qui permettent de faire progresser lesconnaissances, sans déboucher sys-tématiquement sur des applications.En d’autres termes, il n’y a pas debiotechno logies sans recherche, maistoute recherche ne se traduit pas parle développement de biotechnologies.La transgenèse par exemple, qui estutilisée quotidiennement en labora-toire pour étudier la fonction desgènes, n’a donné lieu jusqu’à présentqu’à un nombre très limité d’OGMcommerciaux. La transformation derésultats de recherche en un produitinnovant est un processus non auto-matique qui dépend aussi de facteurssociétaux.

Une grande diversité de techniques1

(1) L’OCDE, Organisation decoopération et dedéveloppement économiques,définit les biotechnologiescomme étant « l’utilisation despropriétés des organismesvivants pour produire desbiens et des services ».(2) Exemple développé enpartie 2.(3) Voir en partie 3.(4) Voir partie 2

O FRANÇOIS HOULLIER

Bien en amont des applications biotechno-logiques, les chercheurs étudient des mé-canismes biologiques et développent pource faire des techniques d’étude du vivant.A l’Inra, certaines de ces recherches ontd’emblée un objectif finalisé. C’est le cas enamélioration des plantes, où les recherchesse focalisent sur des caractères agrono-miques particuliers (résistance à des mala -dies ou à la sécheresse, élaboration du ren-dement, qualité des produits) dont certainssont intrinsèquement complexes. De trèsnombreuses recherches ont aussi pour vocation première de faire progresser lesconnaissances. Leur intérêt peut semblermoins immédiat, mais il est bien réel. Pre-mier exemple, c’est en étudiant des plantestransgéniques que l’on a mis en évidence,

dans les années 1990, un mécanisme trèsgénéral du vivant, le rôle crucial des petitsARN dans la régulation de l’expression desgènes. Deuxième exemple, la connaissancedes génomes est un enjeu en soi, dont lesprolongements sont parfois inattendus. Desconsortiums mondiaux se sont mis en placepour séquencer le génome des espèces modèles ou cultivées. Sur la base de cesséquences, des approches de paléogéno-mique éclairent l'évolution des espèces, ellescontribuent aussi à mieux comprendre l'ori-gine de certains traits agronomiques es-sentiels. Troisième exemple, les recherchesmenées à Versailles sur un mécanisme bio-logique de base, la méiose (2), illustrentcomment des approches cognitives peuventdéboucher sur une innovation. A partir de

travaux fondamentaux, les chercheurs ontainsi fait une découverte qui pourra avoir desrépercussions majeures en sélection et quifait l’objet d’un des plus récents brevets del'Inra. En moyenne, nous prenons ainsi cinqà six brevets par an dans le domaine végé-tal et une vingtaine de Certificats d’obten-tion végétale. Ces innovations ne seront développées que si elles correspondent auxattentes des professionnels et de la société.Finalement, le rôle de la recherche dans l’in-novation consiste à ouvrir et explorer des pis-tes, à en vérifier la faisabilité, et à en exami-ner les éventuels effets non attendus. A l’Inra,nous essayons de le faire avec discernementen considérant les innovations dans leur glo-balité et en travaillant en étroit contact avecles partenaires professionnels (3).

Directeur général délégué pour la science à l’Inra, situe le rôle de la recherche dans le développement des biotechnologies.

© William Beaucardet

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INRA MAGAZINE • N°15 • DÉCEMBRE 2010 III

APERÇU DE LA DIVERSITÉ DES TECHNIQUES D’ÉTUDE DU VÉGÉTAL ET DE LEURS APPLICATIONS

TRANSCRIPTOMEAnalyser l’expression

des gènes dans les tissus

PROTÉOME, MÉTABOLOME• Connaître et localiser les protéines• Comprendre leurs interactions avec les autres composantes du métabolisme

O ETIENNE HAINZELIN

Etendre à grande échelle des variétés « hightech » peut restreindre la base génétiquedes cultures et induire une certaine fragi-lité. Il y a aussi le risque de prise de mono-pole par les grandes firmes qui vendentces variétés. Cependant, sans pécher parexcès d’optimisme, je dirais qu’on voit lesprémices d’une inversion de tendance :le concept même de sélection commenceà changer. Au lieu de modeler le milieuen tentant de supprimer les facteurs limi-tants (par l’irriga tion, la fumure ou les pesti -cides), et d’employer des variétés très pro-ductives mais parfois fragiles, la nouvelledémarche consiste à diminuer l’artificiali-sation des terres et à rechercher des variétés adaptées aux contraintes qu’ellesimposent (sécheresse, pathogènes, etc.).

Et pour faire cela, on projette d’utiliser pré-cisément les nouvelles technologies qui sedéveloppent, la génétique d’association parexemple (4). Celle-ci permettrait d’avoirtrès rapidement, et avec de gros débits,une idée globale de la valeur génétiqued’une variété et de prédire sa capacité d’adaptation à un milieu donné. Ainsi, onpourra tester de nombreux génotypes issusde la biodiversité naturelle. D’où l’impor-tance de conserver la richesse génétique…A contre-courant d’une idée commune, lesbiotechnologies donnent donc les moyensde diversifier les variétés et les systèmesde culture. Elles permettent de s’adapterà des situations contrastées, depuis desrégions comme la France où les rende-ments sont proches de l’optimum et où l’on

cherche plutôt à réduire les effets négatifs,jusqu’à des régions d’Afrique où la sim-ple application de fertilisant fait bondir lesrendements.On peut aussi viser la sélection de com-binaisons d’espèces plutôt que d’espècesisolées, par exemple dans l’agroforesterie tropicale. On s’intéresse alors aux inter -actions entre espèces, pour optimiser l’accès aux ressources, par exemple ce quise passe sous terre dans les échangesraci naires et les immenses réseaux myco -rhiziens qui se tissent entre les différentsvégétaux. Grâce aux progrès des connais-sances, on évolue vers une démarche deplus en plus intégrée, prenant en comptela complexité des milieux et les inter actionsentre ses composantes.

Les techniques de culture in vitro utilisent la capacité unique que possède la cellule végétale de régénérer une plante entière.

Les techniques moléculaires d’étude des génomes convergent vers un même objectif : connaître la fonction des gènes,

pour mieux comprendre le vivant.

La culture in vitroest la méthode de choix

pour reproduire lesvariétés de rosiers,plante difficile àbouturer et dontles caractères decouleur et de par-fum se transmet-tent mal pargraines. De même,

la quasi-totalité desframboisiers cultivés en

France proviennent de la mul-tiplication in vitro.

La fusion de proto-plastes (cellules végétales

dont la paroi a été dégradée) per-met de croiser des espèces éloignées

pour transférer descaractères : parexemple la résis-tance au mildiou,apportée à lapomme de terreà partir d’unelointaine cou-sine. Ici proto-

plastes defeuilles de laitue

La culture deméristème permet d’éli -

miner des viroses.Des chercheurs de

l’Inra ont en effetmontré dans lesannées 50 que cesstructures, compo-sées de cellulesindifférenciées quidonnent naissanceaux organes, sontindemnes de virus. Ici,culture de méristème chez la

plante grasse Kalan-choé.

GÉNOME• Séquençage et bio-informatique : identifier de nouveaux gènes,trouver des similitudes avec des gènes connus

• Clonage à l’aide de marqueurs liés au gène : isoler le gène

• Mutagenèse et conséquences sur l’aspect de la plante : identifier le gène et la fonction touchée

• Transgenèse : vérifier la fonction d’un gène isolé

ARN

ADN

Protéine

©Inra/

C.Martin

©Inra

/J.Margarat

©Inra

/YvesChupeau

Conseiller du PDG du Cirad, commente les bénéfices des biotechnologies pour l’agriculture

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et réaliser l’hybridation chaque fois.Ce qui est parfois compliqué etcoûteux, surtout chez les espèces auto-games pour lesquelles il faut empê-cher l’auto fécondation (castration dumaïs, utilisation de la stérilité mâlecytoplasmique pour le colza). Unhybride qui se multiplie tout seul per-mettrait de lever toutes ces barrières.De nombreux hybrides adaptés à tou-tes sortes de milieux pourraient êtreproduits plus rapidement et plus économiquement. L’apomixie est sou-vent présentée comme une technolo-gie de choix pour les pays endévelop pement.

Où en êtes-vous actuellement ?R. M. : Nous avons obtenu, en com-binant plusieurs mutations, uneplante qui produit des pollens et desovules identiques à elle-même. Il fautmaintenant arriver à développer unembryon à partir de ces pollens oude ces ovules. Il est très difficile d’estimer à quelle échéance nous yparviendrons. Déjà, nous ne pensionspas atteindre si vite la première étape !Nous essayons aussi de reproduire cesrésultats chez des espèces de grandescultures. Cela semble fonctionner surle riz. Nous avons bon espoir pour d’autres plantes cultivées, car il setrouve que les gènes impliqués sontdes gènes conservés entre les espèces.

Comment en êtes-vous arrivés à cette découverte ? R. M. : Au départ, nous cherchions àdécortiquer le mécanisme de la

méiose, en utilisant des mutants pouridentifier les gènes impliqués. Nousavons repéré le premier mutant (osd1)et fait des hypothèses sur son fonc-tionnement. Puis, nous avons réalisé lecroisement avec le double mutant(spo11/rec8) pour vérifier ce que l’onpensait avoir compris des mécanis-mes. L’idée de chercher à mimer l’apomixie n’est venue qu’après.

Comment valorisez-vous ces résultats ? R. M. : Outre, bien sûr, les publica-tions scientifiques, nous avons prisun brevet sur le mutant Mime, carc’est un domaine très concurrentiel.Beaucoup d’équipes essaient de trans-férer l’apomixie naturelle de certai-nes plantes sauvages vers des plantescultivées, sans succès pour l’instant.On ne connaît pas les gènes impli-qués dans cette apomixie naturelle.Le fait que ce soit l’Inra, institut publicà but non lucratif, qui brevète le sys-tème, est plutôt une garantie qu’il res-tera accessible à une diversité departenaires, y compris aux « petits »sélectionneurs.

Du nouveau dans les labos2

Quelle est la portée de vos résultats ?Raphaël Mercier : Lorsque nousserons arrivés à la fin du processus, c'est-à-dire lorsque nous serons capables d’avoir une plante apomictique, qui semultiplie par graine en restant identiqueà elle-même, nous pourrons nous atten-dre à une véritable révolution dans lemonde de la sélection végétale, car celamodifie le mode de reproduction desplantes. Dès la sortie de notre premièrepublication, nous avons été contactéspar des sélectionneurs, principalementétrangers. Un des principaux enjeuxserait la reproduction des hybrides (1).Malgré leurs performances agrono-miques, les hybrides présentent uninconvénient majeur, pour l’agriculteur,du fait qu’il doit racheter les semenceschaque année. Il ne peut pas ressemerles graines qu’il récolte, car si les hybridesse croisent entre eux, du fait du brassagegénétique, on ne reproduit pas le mêmehybride mais on obtient une descen-dance hétérogène qui perdra les pro-priétés initiales au fil des générations. Lesélectionneur, quant à lui, doit conserverdes stocks de graines des deux parents

O INTERVIEW

Révolution sexuelle chez les plantes : de la méiose à la mitose

Raphaël Mercier

Les techniques d’étude des génomes sont multiples et en constante évolution. Des exemples d’avancées récentes réalisées à l’Inra permettent d’entrevoir de nouveaux infléchissements pour les biotechnologies vertes.

Une équipe de l’Inra de Versailles a réussi à transformer cette division cellulaire très particulière qu’est laméiose en une division banale, en associant seulement trois mutations (voir le schéma ci-contre). Interview de Raphaël Mercier, animateur de l’équipe.

(1) Les hybrides dits de première génération (F1) sontissus d’un croisement entre des parents assez éloignésgénétiquement : les deux chromosomes de chaquepaire, dont l’un est d’origine maternelle et l’autre d’originepaternelle, possèdent donc des gènes différents. Il est démontré depuis de nombreuses années que leshybrides possèdent des propriétés particulières connuessous le nom de « vigueur hybride ». Les plantes cultivéespour lesquelles on développe des hybrides sont de plusen plus nombreuses : maïs, colza, tournesol, carotte,choux, courgette, tomate, melon etc. La forte productivitédes hybrides renouvelle leur intérêt dans un contextemondial d’augmentation de la demande alimentaire et non alimentaire.

© Pierre Maraval

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Double mutant spo11/rec8

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dernière est aussi beaucoup plus effi-cace dans la détection de mutation.Contrairement à l’enzyme précédem-ment utilisée, ENDO 1 détecte tousles types de mutations et coupe trèspeu de sites non mutés. Le brevetaccompagnant cette découverte a déjàentraîné la création de trois entrepri-ses de biotechnologies végétales. D’au-tres applications sont envisagéesnotamment dans le domaine des dia-gnostics médicaux.

Mutants en pagailleEn résolvant le problème de la détec-tion des mutations, le Tilling permetde profiter pleinement de tous lesavantages qu’offre la mutagenèse chi-mique. L’agent mutagène chimiqueprovoque des mutations ponctuellesaffectant le plus souvent une seulepaire de nucléotides par gène. Cesmodifications subtiles permettent d’ac-céder aux fonctions essentielles de laplante en les perturbant sans les anni-hiler complètement. Autre avantage,la mutagenèse chimique introduit plu-sieurs mutations dans le génome etpermet donc d’obtenir facilement, etpour toutes les espèces, des collections« saturées » dans lesquelles tous lesgènes sont potentiellement mutés unefois et donc analysables. Avec unepopulation de plusieurs milliers deplantes, il devient même possible d’ob-tenir une série allèlique, c'est-à-direun éventail de mutations différentespour un même gène. Les effets plusou moins marqués éventuellementobservés peuvent alors donner des élé-ments de compréhension supplémen-taires. Pour Abdelhafid Bendhamane« Toute l’efficacité et l’élégance de laméthode réside dans la conception d’unecollection performante qui équilibre uneforte densité de mutations avec un tauxde survie élevé des plantes. Une fois cetravail effectué, nous ne manipulonsplus que de l’ADN en routine ce quipermet de travailler de manière auto-matisée donc à haut débit ». La muta-genèse peut aussi faire apparaître desallèles ayant des caractères agrono-miques intéressants. « La variabilité

A près le séquençage de plusen plus rapide des génomes,l’étude de la fonction de cesmilliers de gènes identifiés

constitue en effet un enjeu majeurpour la décennie à venir. Pour les cher-cheurs, il s’agit de comprendre le fonc-tionnement biologique de la plante auniveau moléculaire. Pour les sélec-tionneurs, l’enjeu est de trouver desvoies d’améliorations pour construiredes variétés innovantes. Une approcheclassique pour étudier la fonction d’ungène est de le perturber par une muta-tion et d’en étudier les conséquences.Les méthodes actuelles reposent surl’introduction aléatoire de mutationsdans le génome d’un grand nombrede plantes. Tout le problème consisteensuite à repérer rapidement quelsendroits ont été touchés afin de savoirsi c’est le cas du gène que l’on désireanalyser. La technique du Tilling (1)permet de repérer rapidement unemutation dans un gène donné parmiune population de milliers d’indivi-dus ayant subi une mutagenèse chimique. Une prouesse rendue pos-sible par la capacité qu’ont certainesenzymes de couper spécifiquementl’ADN au niveau d’un changement debase nucléotidique. Une fois la muta-tion isolée, les chercheurs peuventalors étudier le phénotype de la plantequi la porte et déterminer ainsi la fonc-tion du gène correspondant.

Du gène à sa fonctionCette technique, dite de génétiqueinverse, prend le contre-pied de ladémarche habituelle. En effet, classi-quement, on s’intéresse à une fonc-tion donnée sans rien connaître desgènes impliqués. On recherche doncles phénotypes mutants pour lesquelscette fonction est perturbée, puis onremonte au(x) gène(s). Dans le Tilling,au contraire, on part d’un gène deséquence connue dont on soupçonnela fonction puis on recherche lesmutants correspondants. On observeensuite leurs phénotypes pour véri-fier l’hypothèse de départ. Stimulée par le séquençage du génomede nombreuses espèces, cette approcheconnaît actuellement un fort déve-loppement. Les chercheurs de l’URGVont joué un rôle important dans cesuccès. Abdelhafid Bendahmane,responsable de l’équipe « génomiquedes plantes cultivées », et ses collèguesont été les premiers à utiliser le Tillingsur des espèces à grand génomecomme le pois, le colza, la tomate ou lemelon. La technique avait été initiale-ment conçue aux Etats-Unis pour desespèces modèles aux génomes pluspetits comme la drosophile ou Arabi-dopsis thaliana. Autre apport majeur,ils ont réussi à sélectionner et caracté-riser chez A. thaliana une nouvelleenzyme, baptisée ENDO 1, plus facileà obtenir en grande quantité. Cette

Le Tilling accélère la compréhension des gènes

La génomique à haut débit fournit une quantité croissante de gènes séquencés liés à des caractèresd’intérêts. Il s’agit maintenant de comprendre leurs fonctions précises dans la plante. L’unité de rechercheen génomique végétale (URGV) d’Evry a adapté une méthode performante aux larges génomes des plantes cultivées.

LA COLLECTIONDE TOMATESMUTANTES de Bordeauxpermet d’utiliserle Tilling pourétudier labiologie du fruit.

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induite donne aussi accès à des muta-tions qui n’ont pu être retenues par lasélection naturelle comme dans le casdes fruits sans graines » précise le cher-cheur. Cette nouvelle diversité vientenrichir celle des populations natu-relles dans la palette offerte aux sélec-tionneurs. Une diversité naturelle quipeut d’ailleurs également être révé-lée plus rapidement par le criblagedes mutations sur le même principeque le Tilling, on parle alors d’Eco-Tilling. De quoi mettre en valeur lesdifférentes collections conservées àl’Inra et ailleurs. Le Tilling peut doncse révéler également un puissant outild’amélioration variétale.

Des résultats bien valorisésLa force de frappe supplémentaireconférée aux chercheurs de l’URGVpar le Tilling n’a pas tardé à donnerdes résultats. Plusieurs mécanismesbiologiques majeurs ont pu être élucidés. Deux publications - dansScience en 2008 (2) et Nature en 2009(3)- ont fait la lumière sur le déter-minisme génétique du sexe des fleurschez le melon. Ces résultats fonda-mentaux peuvent avoir des applica-tions intéressantes, notamment surla culture des cucurbitacées. En favo-risant le nombre de fleurs femelles,celles qui produisent les fruits, onpeut en effet augmenter les rende-ments. Le contrôle de la fécondationpeut aussi amener une productiond’hybrides beaucoup moins onéreuse.Une collaboration entre l’unité InraGénétique et amélioration des fruits

Enzyme

Mutation

1

2

3

1 2 3

Les nouvelles technologies telles que le Tilling, l’Ecotilling ou la génétique d’association, permettent demieux caractériser et utiliser la diversité génétique. Encore faut-il que cette diversité soit maintenue etaccessible. Dans ce but, largement partagé aujourd’hui, la communauté internationale cherche à organiseret à moraliser les échanges de matériels biologiques, en s’appuyant sur deux traités*. L’un d’eux permetde faciliter l’accès au matériel génétique de 64 espèces agronomiques essentielles à l’alimentationhumaine, dont les trois principales sources d’énergie : riz, blé et maïs. L’Inra s’est engagé dans cemouvement international en proposant, de concert avec ses partenaires des réseaux de conservation,une partie de ses collections en accès libre.L’Inra se préoccupe de conservation depuis sa création en 1946 et y affecte des moyens importants. Ilparticipe aux réseaux nationaux** associant partenaires privés, instituts publics et associations, pourentretenir les grandes collections françaises, dont plusieurs d’envergure internationale (vigne, blé, arbresfruitiers, plantes potagères…).L’Inra gère de nombreuses collections dites ex situ (semences, clones ou plantes au champ) dont :céréales à paille à Clermont-Ferrand, protéagineux à Dijon, pomme de terre et colza à Rennes, plantespotagères à Avignon, prunus à Bordeaux, pommiers et poiriers à Angers, agrumes en Corse, vigne etmaïs à Montpellier… L’Institut conduit aussi des programmes pour étudier le maintien de la diversité insitu, à la ferme ou au sein de biotopes naturels. C’est une politique volontaire d’entretien de ce « bienpublic » qu’est la diversité génétique.* La Convention sur la Diversité Biologique (CDB) et le Traité International sur les Ressources Phytogénétiques pour l’Agriculture et l’Alimentation (TIRPAA).** Ces réseaux sont coordonnés par la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité (FRB).

Biotechnologies et diversité génétique vont de pair

et légumes et l’équipe d’AbdelhafidBendhamane a également permis decomprendre un mécanisme de résis-tance des plantes à une famille devirus très répandus, les potyvirus.Certaines mutations, repérées sur-tout chez les solanacées (tomate, poivrons, piments, aubergine) ontpermis de confirmer l’hypo thèseselon laquelle c’est une altérationspéci fique d’un gène de la plante quiétait la source de cette résistance. Leproduit de ce gène est en effet utilisépar le virus pour accomplir son cycleinfectieux. En identifiant les muta-tions en question, les chercheurs ouvrent la possibilité de repérer etsélectionner des plantes multirésis-tantes pour ce type de virus.

Les gènes impliqués dans le détermi-nisme sexuel et la résistance aux virusdes plantes peuvent conduire à desapplications industrielles dans ledomaine de l’amélioration variétale.Afin de maitriser l’utilisation de cesrésultats tout en garantissant leur dif-fusion à des fins de recherche, leursséquences ont été brevetées par l’Inraen association avec les applicationspotentielles que leur confère leur fonc-tion biologique démontrée.

Gel d’électrophorèse

La plante 3 est identifiée comme porteuse de la mutation et son phénotype étudié

SCHÉMA DU PRINCIPE DU TILLING.

Population de plantes mutées aléatoirement

Multiplication du gène étudié

Gène étudié

(1) Targeting Induced Lesion In Genom, acronymeanglais pour Criblage de mutations induites dans legénome.(2) A conserved mutation in an ethylene biosynthesisenzyme leads to andromonoecy in melons. Science. 8 août 2008, Vol. 321, pp. 836-838.(3). A transposon-induced epigenetic change leads tosex determination in melon. Nature, 22 octobre 2009.

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R� La génétique d’association pour ne pas rester sec face au manque d’eau

simples petites plaques de verre, maisqui comportent des milliers de mar-queurs de polymorphisme permet-tant de repérer les variations dugénome (4). Dans quelques années,les scientifiques espèrent être enmesure d’indiquer les combinaisonsd’allèles qu’il convient d’associer pouraméliorer la tolérance à la sécheresse.Les sélectionneurs pourront alorsprendre le relais pour réaliser cesassemblages dans de nouvelles varié-tés. Selon Alain Charcosset, qui a par-ticipé à la constitution du poold’individus à tester pour le maïs(environ 250 lignées), « la génétiqued’association permet une approche plusintégrative du génome, car elle met enévidence toutes les régions génomiquesimpliquées dans un caractère, sans apriori sur une fonction donnée. C’estparticulièrement utile pour les caractè-res complexes d’adaptation à l’environ -nement, dont la sécheresse, mais aussi latempérature ou la valorisation de l’azote du sol, dont l’amélioration cons-titue un gros enjeu. Il y a des investis-sements importants dans le secteurprivé et la recherche publique s’yimplique avec enthousiasme ». FrançoisTardieu, qui coordonne le projetDROPS, ajoute que « cette nouvelleméthodologie est complémentaire à l’étude des QTL, qui reste utile pour mettre en évidence des formes alléliquesrares dans les populations testées ».

C ertains caractères sontgouvernés par un seulgène, par exemple, certai-nes résistances à des

maladies. D’autres mettent en jeu desgroupes de gènes à effets partiels,appelés QTL (Quantitative traitlocus). Le caractère de tolérance à lasécheresse, à fort enjeu agronomique,est particulièrement complexe, car ilimplique lui-même plusieurs carac-tères interdépendants. En effet, laprincipale réaction de la plante à lasécheresse est de réduire sa transpi-ration, par fermeture des stomates (1)et par une réduction de la surface deses feuilles, dont la croissance estralentie. Ce faisant, elle réduit sa capa-cité photosynthétique car le CO2nécessaire passe par les stomates. Elleréduit aussi sa résistance à la chaleur,en grande partie dissipée sous formede transpiration. Une sécheresse enpériode de floraison peut en outreconduire la plante à réduire le nombre de grains. La plante doitdonc gérer des objectifs contradic-toires : éviter la déshydratation etmaintenir sa croissance. Les connais-sances actuelles montrent en outreque sa stratégie peut changer en fonc-tion de la durée et de l’intensité dustress. C’est pourquoi améliorer larésistance à la sécheresse, c’est-à-diremaintenir un rendement satisfaisantmalgré les conditions de stress, repré-

sente un vrai casse-tête pour larecherche. Face à cette complexité,les chercheurs de l’Inra et leurs par-tenaires décomposent le problème endeux étapes, dans un programmeappelé « DROPS » consacré au blé etau maïs (2). D’abord, étudier chaquecaractère et son déterminisme géné-tique, puis, dans un deuxième temps,tester le rendement de la plante dansdifférents scénarios de déficit en eau.Dans la première étape, il ne s’agit pasde séquencer tous les gènes ou les QTLimpliqués dans chaque caractère. Lesscientifiques disposent maintenantd’une méthodologie beaucoup pluspuissante et rapide appelée « génétiqued’association ». Elle permet d’« asso-cier » statistiquement les variationsdes caractères (phénotype (3)) auxvariations de l’ADN (génotype).

Le haut débit à la rescoussePour ce faire, il faut réunir deuxconditions : d’abord disposer d’ungrand nombre d’individus représen-tant au mieux la diversité naturelle,puis disposer de méthodes de phé-notypage associées à du génotypage àhaut débit. Des plateformes de phé-notypage automatiques capables d’analyser en peu de temps desmilliers d’individus ont été dévelop-pées à l’Inra de Montpellier. Quantau génotypage, l’innovation résidedans la création de puces à ADN,

(1) Les stomates forment des micropores sur l’épidermedes feuilles. Ils contrôlent les échanges gazeux et latranspiration.(2) Programme DROPS, 2010-2015, 15 partenairespublics et privés, 8 pays d’Europe plus Australie, Turquie,USA.(3) Ici, par exemple la longueur des racines, la croissancedes feuilles, la gestion de l’équilibre transpiration/photosynthèse, l’avortement des grains etc.(4) Les marqueurs de polymorphisme sont des sites du génome où la séquence de l’ADN varie. Du fait deces variations, il existe pour chaque gène des « versions »différentes, appelées « allèles », dont dépend l’expressiondu caractère. Plus on connaît de marqueurs, mieux on cerne la variabilité allélique.

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ury, UMR LEPSE

LA PLATEFORME DE PHÉNOTYPAGE de Montpellier permet de tester la sensibilité à la sécheresse de milliers d’individus de génotypes différents (ici du maïs).

Une nouvelle méthodologie, appelée génétique d’association, permet de repérer rapidement toutes les régions du génome qui gouvernent les caractères complexes tels que la tolérance au stress hydrique.

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� Le cas particulier des variétés OGM : focus sur les impacts

O livier Le Gall, chef du département « santé desplantes et environnement », situe les recher-ches actuelles sur les OGM. « Ce type de bio-technologie est l’exemple emblématique d’une

innovation pour le moins questionnée par le public, enEurope en tout cas. Cet état de fait s’est traduit par uncoup d’arrêt dans le développement de nouvelles cultu-res transgéniques en Europe. Les programmes de recher-che publique se sont orientés vers l'étude des impacts desOGM. Les recherches de l’Inra ont suivi cette évolution ».

Pour les OGM, comme pour toute autre biotechnologie,l’un des enjeux est de renforcer les capacités nationalesd’expertise publique en évaluant leurs bénéfices, risqueset impacts éventuels. Ces derniers peuvent être d’ordreenvironnemental, social ou économique et doivent être étu-diés à diverses échelles, de celle de l’exploitation à celledu continent. Afin d’obtenir une vision globale des inter-rogations qu’ils soulèvent, les OGM sont donc l’objet derecherches intégrées dans lesquelles la biologie végétale,l’écologie, l’agronomie ou la toxicologie côtoient la socio-logie et l’économie. Voici quelques exemples de recher-ches ayant pour but de répondre à ces questions.

Aussi les « farmers » gardent-ils unœil attentif sur les prix des semen-ces. Quid de la quantité totale d’her-bicides utilisée ? Pour le soja TH, lesrésultats sont contrastés. Il sembleque, après les premières années, l’em-ploi total d’herbicides pour les OGMsoit légèrement supérieur à celui enconventionnel. Les doses préconiséesvarient en effet selon les désherbants,de plus l’adoption du soja TH va souvent de pair avec des techniquesde cultures comme les TCS pouvantamener à utiliser plus d'herbicides.Par ailleurs le prix des désherbants adiminué pendant une dizaine d'années. Pour le maïs, en revanche, laquantité totale d’herbicides épandussur les variétés TH est en généralmoindre qu'en conventionnel. En uti-lisant des indicateurs synthétiques del'impact environnemental et sanitairedes herbicides, on peut analyser l'évolution du niveau total de toxi-cité et écotoxicité des désherbantsemployés, et pas seulement leur quan-tité. Pour le maïs et le soja TH, leremplacement des anciennes molé-cules par le glyphosate a diminuédans un premier temps l'impact envi-ronnemental des herbicides utilisés,mais ensuite il y a un fléchissement.

Par ailleurs, la forte hausse de l’emploidu glyphosate sur les mêmes parcellesinduit un phénomène bien connuavec les autres herbi cides, l’apparition d’adventices résistantes à celui-ci,vingt dans le monde fin 2010. Il estdonc nécessaire de mieux gérer le dés-herbage, notamment de diversifier lesméthodes utilisées. Sylvie Bonnyconclut qu’il est difficile d’établir unbilan global des cultures tolérantesaux herbicides. Les OGM doivent êtreanalysés au cas par cas selon le milieu,le type de caractère introduit, lecontexte et leurs conditions de miseen œuvre. En outre la façon dont ilssont conçus, orientés, réglementés etutilisés joue un rôle notable : elleinflue sur le type d'OGM développé,leur intérêt économique pour lesdivers acteurs. Les impacts des OGMdépendent ainsi du contexte social,économique et financier, et donc pluslargement du système économiqueenglobant qui influe sur l’innovationet sa gouvernance.

La question de l’utilité des OGM faitsouvent débat, notamment dans lecas des cultures tolérantes à un her-bicide (TH). Elles représentent pour-tant plus de 80% des surfaces OGMcultivées dans le monde si l'on inclutles plantes ayant plus d'un caractèretransgénique. Sylvie Bonny, chercheurà l’UMR Economie publique de Versailles-Grignon, a analysé le casdu soja et maïs aux Etats-Unis (1),pays où les variétés transgéniques THsont prédominantes. Leur forte adop-tion semble témoigner du fait queleurs avantages surpassent leursinconvénients pour les agriculteurs.Qu'en est-il dans le cas du soja ? Lesurcoût engendré par les semencesOGM est en général compensé parune facture allégée en herbicides. Al’échelle des exploitations, divers fac-teurs ont favorisé son adoption : trai-tements simplifiés et plus faciles àgérer, gain de temps permettant d’au-tres activités, bonne association avecles techniques de conservation dessols (TCS), etc. Mais il y a aussi desinconvénients, notamment l'obliga-tion de racheter les semences chaqueannée, et une dépendance envers unnombre très réduit de firmes à l'ori-gine des caractères transgéniques.

Quel bilan des OGM tolérants à un herbicide ?

(1) Bonny S. 2008. Les cultures transgéniquestolérantes à un herbicide permettent-elles de réduirel’usage des pesticides ? Le cas du soja et du maïs auxEtats-Unis. Innovations Agronomiques (2008) 3, pp.193-212.www.inra.fr/ciag/content/download/3323/30073/version/1/file/15-Bonny.pdf

DEPUIS 2003 EN EUROPE, l'étiquetage des produits renfermantdes dérivés d’OGM (ici le cas d’un pain contenant des protéines de soja transgénique) est obligatoire au-delà d'un seuil de 0,9%. Dans le cadre du programme Co-Extra, les chercheurs de l’Inra ont observé l’impact de cette mesure sur la coexistence des filièresOGM et conventionnelles.

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Paillard

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« Aux Etats-Unis, les OGM n’existentpas » s’exclame Pierre-Benoît Joly « oudu moins ils n’ont pas d’existence légale »précise-t-il. C’est l’une des raisonsmises en lumière par le sociologue,directeur de l’IFRIS (1), pour expli-quer le fait que les OGM ne posentpas problème dans ce pays malgré leurusage massif alors que c’est le cas enFrance où leur utilisation est réduite.Pour élucider ce paradoxe, les cher-cheurs ont réalisé une analyse compa-rée de la construction des OGMcomme problème public en France etaux Etats-Unis (2).L’argument le plus souvent avancépour expliquer ce phénomène est queles aliments transgéniques sont plusfacilement acceptés aux Etats-Unis enraison de perceptions différentes desrisques, de l’alimentation et de lanature. Or, de nombreuses études surles attitudes personnelles viennentinfirmer cet argument. Elles démont-rent en effet, qu’en 2001, seuls 33% dela population étaient conscients del’existence d’aliments transgéniquesen supermarché. Une étude de la « Food and Drug Administration »montre que l’annonce de la présenced’OGM dans l’alimentation entraînedes réactions négatives similaires à celles que l’on retrouve en Europe. Ilfallait donc explorer des hypothèses

alternatives. Les chercheurs ont doncdisséqué le principal mécanisme deformation de l’opinion publique : lalutte que se livrent les acteurs de lacontroverse pour définir les différentesdimensions du débat.Il en ressort que les arguments desopposants aux OGM sont très simi-laires des deux côtés de l’Atlantique : laquestion de l’étiquetage des alimentstransgéniques, le débat sur le lien entrechoix d’une technique et choix d’unsystème économique, la controversesur le cadre d’évaluation des risques. EnFrance, les arguments des opposantss’appuient sur des événements trèsmédiatisés (importation de soja trans-génique, affaire du « Terminator »Monsanto, destruction d’essais enchamps d’OGM...) pour élargir l’audience du débat et en définir lesdifférentes dimensions. Ce phénomènen’a pas eu lieu aux Etats-Unis, lacontroverse ne s’est donc pas trans-formée en problème public. Les chercheurs attribuent cette trajec-toire divergente à trois facteurs. En pre-mier lieu, les choix réglementaireseffectués à la fin des années 80. EnEurope, la réglementation a été fon-dée sur le procédé de fabrication,installant de facto une différence denature entre aliments transgéniquesou non. Dès lors, les questions d’éti-

quetage, de liberté de choix et de droità l’information ont pu émerger. AuxEtats-Unis, en vertu du principe « d’équi valence en substance », il n’y apas eu initialement de législation spéci -fique aux OGM. Ils n’existaient doncpas officiellement en tant que catégo-rie, ce qui réduit leur visibilité. Autredifférence qui influe sur la perceptionde l’utilité des cultures transgéniques :le statut de l’agriculture. Alors qu’enEurope le modèle d’une agricultureintensive et exportatrice, auquel lesOGM sont associés, est fortementremis en cause, il est toujours connotépositivement aux Etats-Unis. Enfin, lerapport à l’analyse des risques joue unrôle important dans ceux que l’on peutattribuer aux OGM. Les crises ali-mentaires comme celle de la vache folleont influencé la réforme de l’expertisescientifique en France et en Europe.Celle-ci a évolué vers des cadres d’analyse plus larges et construits avecdes acteurs venant d’horizons multi-ples. Aux Etats-Unis, la prise en comptedes incertitudes ne joue pas dans lemême sens. La nécessité de faits scien-tifiques avérés comme préalable à toutedécision politique y fait toujours foi.

(1) Institut Francilien Recherche Innovation Société.(2) Joly P.-B., Marris C. Les Américains ont-ils accepté lesOGM ? Analyse comparée de la construction des OGMcomme problème public en France et aux Etats-Unis.Cahiers d’économie et sociologie rurales, n° 67, 2003.

Les OGM vus depuis la France et les Etats-Unis

précisément en tenant compte du cli-mat, des paysages et des pratiques agri-coles. Les résultats des simulationsmontrent que les risques de contami-nation dépendent de l’espèce et ducontexte cultural. Pour le maïs, danscertains cas, un accord entre agricul-teurs pour organiser une récolte sépa-rée suffit à ne pas dépasser le seuilréglementaire de 0,9% de présence for-tuite dans les cultures. Sinon il fautrecourir à des semis décalés ou à unedistance de séparation. Pour le colza oudans des zones où la culture de maïsest très concentrée, seule une sépara-tion géographique entre culturesOGM et conventionnelles semble pos-sible. Dans tous les cas, l’absence totaled’OGM inscrite au cahier des chargesde l’agriculture biologique empêchetoute coexistence à l’échelle locale.Ainsi, sans préjuger des décisions poli-tiques et des seuils de contaminationsfixés, cet outil offre la possibilité de

En 2003, la Commission européenne aconsidéré qu’il fallait permettre unecoexistence entre filières OGM etconventionnelles. Dans quelles condi-tions est-il possible d’introduire demanière durable des cultures OGMen Europe sans menacer cette coexis-tence ? L’Inra a coordonné deux pro-grammes européens sur ce sujet. Le premier, Sigmea, s’est concentré surl’étape de production. Il a permis d’of-frir aux Etats Membres un outil d’aideà la décision répondant à deux ques-tions majeures : que se passerait-il, enterme de dispersion de gènes, si onintroduisait telle culture OGM danstelle région européenne ? Commentorganiser les cultures pour maintenirdans les limites des seuils légaux la pré-sence fortuite d’OGM dans les culturesconventionnelles ? A partir de don-nées fournies par douze pays, la disper-sion des pollens de plusieurs espècesconcernées a pu être modélisée plus

connaître les risques de dispersion degènes et les moyens pour les minimiser.Co-Extra, second programme coor-donné par l’Inra, a élargi la probléma-tique de la coexistence à toute la filière,du producteur au consommateur. Prèsde 200 scientifiques provenant de 18pays ont planché sur la question. Leschercheurs ont analysé le potentiel dedifférentes mesures de bioconfinementdestinées à réduire les pollinisationscroisées. Ils ont soulevé l’importancede la pureté des semences dans lerespect des taux de contamination. Lagestion des filières a également été pas-sée au crible. Ce programme a permisde déterminer les bonnes pratiques derécolte et de transformation permet-tant d’envisager une coexistence éco-nomiquement viable. Des méthodesde contrôle et de traçabilité ont étéproposées afin d’assurer un étiquetagefiable et d’offrir, in fine, la liberté dechoix à chaque acteur.

Coexistence des cultures, un problème de choix

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L es nouvelles biotechnologiesvégétales devraient permettred’améliorer des caractèrescomplexes, tels que ceux qui

régissent les interactions entre laplante et son environnement : tolé-rance à la sécheresse, aux hautes etbasses températures, meilleure utili-sation de l’azote pour économiser lesengrais, donc l’énergie. Mais l’effortde recherche est considérable etrequiert un investissement importanten moyens humains et en infrastruc-tures à haut débit. Il y a dix ans, l’Inraa créé Génoplante, un groupementd’intérêt scientifique (GIS), pourconjuguer les forces de recherche du

public et du privé et atteindre unemasse critique en génomique végé-tale. Génoplante a permis de financerdes travaux sur les génomes de plan-tes cultivées (blé, maïs, riz, pois, colza,tournesol) mais aussi sur le génomemodèle de l’espèce Arabidopsis. En2011, l’Inra élargit encore son parte-nariat à travers un nouveau GIS,appelé « Biotechnologies vertes », quisuccède à Génoplante. Sont invitésautour de la table des acteurs de toutela filière des productions végétales,de l’amont à l’aval : entreprises debiotechnologies, semenciers, coopé-ratives de collecte et de premièretransformation, groupes industriels.

Le nouveau GIS associera aussi lesinstituts techniques, l’interprofessionet plusieurs pôles de compétitivité.

Prendre en compte les critères de toute la filièreCet élargissement du partenariat cor-respond à la nécessité d’avoir unevision plus intégrée de l’améliorationdes plantes. En effet, améliorer uncaractère isolément, aussi importantsoit-il, n’est souvent pas suffisant.Pour prendre un cas d’école, un blépani fiable pourra être cultivé dansun système à bas intrants s’il possèdedes résistances aux pathogènes, maisaussi s’il est suffisamment productif,

Une nécessaire mobilisation des compétences

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Le développement de biotechnologies innovantes requiert des capacités de rechercheconsidérables, associant secteurs public et privé. C’est pourquoi l’Inra n’a cessé d’élargir ses partenariats, non seulement pour mutualiser les moyens, mais aussi pour contribuer à des innovations au plus près des besoins de la société et pour promouvoir une approchecollective et ouverte du progrès génétique.

© William Beaucardet

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instances de réflexion et de décisionétroitement articulées et les résultatsdes différents programmes serontsoumis régulièrement à évaluationpar un conseil scientifique externe.Ce dispositif multipartenarial, trèsstructuré, se concrétise par la co-construction de nombreux projetscomme par exemple, la sélection denouvelles variétés de blé à hautes per-formances économiques et environ-nementales, ou de maïs tolérantsau stress hydrique, au froid, ouencore l’élaboration de systè-mes de production de bio-masse pour la chimie verteà partir de sorgho ou demiscanthus. L’améliora-tion de caractères com-plexes est un pari, rienne garantit que telle outelle approche méthodo-logique aboutisse. C’estpourquoi les projets encombinent plusieurs pourmaximiser les chances desuccès. Sont exploitées aussibien la variabilité naturelle, que

la sélection assistée par mar-queurs, la sélection génomique(issue de la génétique d’association)ou encore la transgenèse.Cette organisation permet aussi lacréation et la mutualisation d’équi-

pements : plateformes de phénoty-page à haut débit, plateformes d’in-génierie génétique pour améliorer lestechniques de transgenèse. Les infras-tructures nationales mises en placepour le séquençage, la bioinforma-tique, la métabolomique seront aussimobilisées. Les dynamiques enclen-chées ont permis de proposer desprojets d’envergure dans le cadre desinvestissements d’avenir.Le contexte change, il requiert unevision plus intégrée de l’agriculture,des partenariats plus larges et plusouverts aux différentes composantesde la société. L’Inra conduit ces évo-lutions en conservant les valeurs etla posture qui sont les siennes en tantqu’institut de recherche finalisée, avecpour objectifs d’accroître les connais-sances, de favoriser les innovationsd’intérêt collectif, de renforcer lescapacités d’expertise pour évaluer labalance bénéfices/risques de ces inno-vations et de conserver et faciliter l’accès aux ressources génétiques.�

compatible avec des rotationsincluant des légumineuses pour l’apport d’azote et/ou des culturesintermédiaires pour la lutte contreles adventices, tout en conservant sesqualités meunières. La conception d’ « idéotypes », c’est-à-dire de com-binaisons de caractères optimalespour un système de culture et uneutilisation donnée, permettra de s’adapter à une diversité de situationspédoclimatiques et d’usages des pro-duits. C’est particulièrement vrai dansle domaine de la chimie verte, pourlequel il faut prendre en compte dès lasélection les processus de transfor-mation des végétaux en biomatériauxou biocarburants. Ainsi, il est plusque jamais nécessaire de connecterles connaissances scientifiques aveccelles des professionnels de l’amont etde l’aval, des semenciers aux trans-formateurs. Elargissement du partenariat, maisaussi ouverture vers la société : lenouveau GIS sera doté d’un comitéd’éthique et de développement, quisera sollicité pour éclairer les consé-quences économiques, environne-mentales et sociales des projets etinnovations.

Un dispositif partenarial très structuréLa coordination de ces multiples par-tenaires sera assurée par plusieurs

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Dossier rédigé par GéraudChabriat et Pascale MollierResponsable scientifique :François Houllier (Inra, Paris)

L’Inra privilégie le Certificat d’obtention végétale, COV, pour laprotection des nouvelles variétés. Ce système ménage le droitde l’inventeur (il faut acquérir une licence pour exploiter la variété),tout en stimulant le progrès génétique (la variété peut être utiliséelibrement pour en créer d’autres). En tant qu’institut public, l’Inrasouhaite en effet favoriser la circulation des connaissances etcombattre les risques d’appropriation de ressources communes.Ces principes sont affirmés dans la charte de propriétéintellectuelle que l’Inra a élaborée en 2003*. Ils guident égalementla politique de l’Institut en matière de brevets. L’Inra est propriétairede ses résultats et de ses brevets et mandate une filiale, Inratransfert, pour rechercher les partenaires et négocier avec euxdes licences d’exploitation. Celle-ci peut concéder des licencesà tarif préférentiel à des petites PME dans l’esprit de conforterle tissu économique français et européen. De même, la chartedu GIS Génoplante prévoit des conditions préférentielles pourles pays émergents. Un autre principe est d’éviter les licencesexclusives qui pourraient favoriser les monopoles, sauf poursoutenir la création de jeunes entreprises innovantes. La pluralitédes partenariats est un principe de base de l’Institut.

* www.inra.fr/les_partenariats/collaborations_et_partenaires/entreprises/politique/la_charte_de_la_propriete_intellectuelle_en_ligne

Brevets et service public

Créé en 1999, Génoplante a structuré unecommunauté française de plus de 300 chercheurs

en génomique végétale, en associant la recherchepublique (Inra, CNRS, Cirad, IRD) et la recherche privée

(Biogemma et ses associés semenciers, Vilmorin et Cie,Euralis et la RAGT, Sofiprotéol, Arvalis Institut du végétal).

Il totalise :- 350 projets en génomique fonctionnelle, dont 45 en collaboration bi ou tri latérales avec l’Espagne etl’Allemagne- 350 publications de haut niveau

- une quarantaine de demandes de brevets dont 15en vigueur au niveau international

- 35 logiciels et bases de données déposésà l’Agence pour la protection

des programmes

Génoplante, dix ans de collaboration public/privé

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uneéquipe

O À MAISONS-ALFORT

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Des pistespour ménager sa monture

La qualité des pistes influence la locomotion du cheval et l’apparition éventuelle de lésions. Pour étudier la dynamique des mouvements et les impacts sur le sol, un dispositif original, couplant des enregistrements de forces avec des imagessynchronisées, est testé sur plusieurs types de pistes dans les conditions de l’entraînement.

P our un cheval de course de500 kg, les forces exercéessur chaque sabot lors del’appui du membre sur le

sol dépassent fréquemment la tonne.Les effets directs de la nature du solsur la locomotion du cheval et lescontraintes exercées sur ses os, sesmuscles, ses articulations, et ses ten-dons avaient été peu étudiés jusqu’àprésent. Les données épidémiolo-giques apportaient des appréciationsglobales : par exemple, les pistes« dures » augmentent le risque par

est l’une des rares équipes mondialesde recherche sur ce sujet. En colla-boration avec des professionnels dessports équestres, elle étudie la loco-motion du cheval sur des terrainsd’entraînement à l’aide d’un équi-pement mettant en scène des cap-teurs de forces et de mouvements.De 2007 à 2010, le projet Séquisol aeu pour objectif de caractériser l’effetdes sols sur le confort, la sécurité etles performances du cheval.

rapport aux pistes « souples ». Le lienentre qualité des pistes et risques delésions n’a été scientifiquementdémontré que récemment, même siles professionnels du cheval le perce-vaient depuis longtemps. Par ailleurs,le paramètre « qualité de la piste » esttrès difficile à analyser, car il n’est pasindépendant d’autres facteurs derisques comme l’entretien général dusol, l’âge du cheval, sa surface d’exer-cice habituelle, l’entraînement enamont… L’unité Biomécanique etPathologie Locomotrice du Cheval*

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* BPLC, Unité Sous Contrat Inra-Ecole NationaleVétérinaire d’Alfort.

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Un harnachement complexeDes capteurs ont été adaptés au protocole des essais, d’autres ont été inventés pour les besoins de l’expérience. Tous collectent des mesures de manière non invasive, et si possible sans trop gêner le cheval. Des accéléromètres, capteurs de variations de vitesse, enregistrent les chocs dus à l’impact du sabot sur le sol et les vibrations générées par ces chocs. Un fer dynamométrique capture la force globale exercée dans les trois dimensions, mais aussi la répartition des efforts sur le pourtour du sabot. Un capteur à transmissionultrasonore (brevet Inra-ENVA) enregistre la tensionexercée sur le principaltendon d’un membre. Des témoins réfléchissantsparsèment la robe du cheval :situés au centre de rotation des principales articulations, ils permettront de visualiser les flexions et extensions des membres au cours de la foulée. Enfin, des ordinateurs sontembarqués dans les sacoches du cheval et du cavalier pour transmettre en continu les informations fournies par les capteurspositionnés sur le cheval.

Une préparation de la scène minutieuseUne quinzaine de mètres d’une pisted’entraînement va constituer le lieu de la prise de vues et du captage des informations. L’équipage passera entre deux lignes de marqueurs réverbérantsdisposés de façon régulière et qui serviront de quadrillage visuel pour le décryptage des enregistrements d’images.

Des pistes variées A ce jour, 26 pistes ont été testées dans 9 hippodromes ou terrainsd’entraînement, en gazon, en sable, en terre, ou en matériauxmélangés (ex. : sable fibré huilé), ces derniers sols étant destinés à une utilisation pour tous types de météo. La diversification des situations permet de mieux décrypter la relation entre la qualitéd’une piste d’une part, et le confort et la sécurité du cheval d’autrepart, évalués par la régularité de ses foulées et les contraintes qui s’exercent sur son appareil locomoteur.

Piste « tout temps » (sable fibré huilé) Piste en mâchefer

Piste en pouzzolane Piste en sable

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Brigitte Cauvin Reportage photo : Christophe Maître et équipe BPLC

+d’infoswww.vet-alfort.fr/web/fr/1122-sequisol.phpwww.inra.fr/la_science_et_vous/apprendre_experimenter/locomotion_cheval

Galop en haute définition Le cavalier maintient soncheval à une allure régulièrependant la dizaine de secondesque dure un passage devantles opérateurs, chacun placéderrière un poste d’acquisitiondes données. Deux caméras et un appareilphotographique acquièrentsimultanément, en hautedéfinition, les images du passage de l’équipage. Chaque passage de quelquesfoulées délivre une séquencede données provenant des capteurs et des imagesfilmées. Une ampoule LEDfixée sur la selle sert à la synchronisation de toutes les informations.

Souples ou dures ?Ces essais sont l’occasion d’étudier de nouveaux appareils pour évaluer

la dureté des pistes. Labosport,partenaire de Séquisol, teste ici unappareil sur les mêmes pistes qui

servent aux enregistrements des passages au galop. Il s’agit alors de trouver la meilleure concordance

entre les variables biomécaniquesmesurées sur le cheval et les mesures

prises par la machine au même endroit.

Séquisol, projet labellisé par le Pôle de Compétitivité « filière équine », associe deux entreprises partenaires Labosport (spécialisé dans la certification des sols sportifs) et Normandie Drainage (fabricant de sols équestres). Il bénéficie de crédits du Fond Unique Interministériel, de la Région Basse-Normandie, des Haras Nationaux, du FEDER.

Remerciements à France-Galop pour son accueil lors d’une journée d’essais sur ses pistes d’entraînement à Chantilly.

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Passeportpour la rechercheL’excellence scientifique dans les domaines de l’agriculture, de l’alimentation et de l’environnement est un défi permanent pour l’Inra. Aujourd’hui, l’Institut veut attirer les meilleurs candidats de toutes nationalités.

L e vivier de futurs chercheursest déterminant pour l’ave-nir de l’Inra. L’Institut profite de sa notoriété scien-

tifique pour développer sa cultureinternationale et favoriser unerichesse d’origines et de parcoursdans ses recrutements. Ainsi, iladhère dès 2006 à la charte euro-péenne du chercheur et décline sacampagne annuelle de recrutementde chercheurs à l’international. Résultats : les candidats de nationa-lité étrangère élargissent le panel derecrutement et représentent l’en-semble des continents. « Cette volontéd’ouvrir le recrutement a égalementété soutenue par un assouplissementdes modalités du concours de chargé derecherche, précise Thierry Boujard,adjoint au directeur des ressourceshumaines de l’Inra. Les compétencessont davantage privilégiées par rapportà la présentation d’un projet de recher-che, qui impliquait une connaissancepréalable des équipes en place. On observe parallèlement que l’âge moyendes candidats a augmenté (33 ans en2009 pour 30 en 2005) du fait de lasuppression de la limite d’âge et de ladurée plus longue des études de troi-sième cycle dans beaucoup de pays. »Mieux, l’Inra est le premier orga-nisme français à recevoir de la com-mission européenne le label « HRExcellence in Research » pour sa poli-tique de ressources humaines pourles chercheurs. Ce label, décerné en2010, lui confère en retour une plusgrande visibilité auprès des candi-dats potentiels.

En thèse à l’InraIls parlent chacun au moins quatre langues, ont entre 25 et 28 anset ont soif d’apprendre. Clarissa Rochas et Marcela Azevedo viennent du Brésil, Tomas de Wouters de Suisse. Tous trois se sont rencontrés à Micalis (1), au centre Inra de Jouy-en-Josas qu’ils ont choisi pour leur formation doctorale.

(1) MICrobiologie de l'ALImentation au Service de la Santé Humaine, unité mixte de recherche associantl’Inra et l’AgroParisTech.(2) Microbiome intestinal humain dans l’obésité et la transition nutritionnelle.(3) http://cross-talk.eu/(4) La métagénomique analyse en bloc les génomesd’une population bactérienne dans un milieu donné.

Qu’est-ce qui vous a motivépour rejoindre l’Inra ?Tomas : Joël Doré, avec qui je tra-vaille, est un nom qui compte dansmon domaine de recherche. J’appré-cie particulièrement l’approche inter-disciplinaire du projet MicroObes (2)qu’il pilote. C’est ce qui m’a décidé àrejoindre l’Inra. Même si d’autrespays, comme en Scandinavie, accor-dent à la science une plus grandeplace dans la société. J’apprécie aussiles efforts que font des organismescomme l’Inra pour faciliter les mobi-lités.

Marcela : pour nous scientifiques, les échanges entre pays sont très impor-tants : nous devons échanger nos idées, faire connaître notre travail et le soumettreà la critique ! C’est ce que je fais en participant à Cross-Talk (3), un réseau de for-mation initiale pour les chercheurs coordonné par Emmanuelle Maguin à Mica-lis, qui regroupe treize partenaires européens - académiques et industriels.Financé par la commission européenne, il a pour but de faire avancer les connais-sances sur le rôle de la flore intestinale dans la santé humaine, tout en formant

les futurs leaders de la métagé-nomique (4), une disciplineémergente. Estampillé « actionsMarie Curie », ce type de réseaubénéficie d’une forte renomméeauprès de la communautéinternationale. Les étudiantstouchent un salaire, leursdéplacements professionnels etleurs parcours de formation -cours de langue ou perfection-nement dans des disciplinesvoisines - sont payés. J’ai ainsiappris les techniques qui mefaisaient défaut pour manipu-ler des bactéries et les mettreen culture. Surtout, j’ai ren-contré tous les chercheurs dumonde qui travaillent sur mathématique !© Inra / Bertrand Nicolas

© In

ra / Bertrand Nicolas

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Clarissa : à l’Inra, toutes les condi-tions pour réaliser une bonne recher-che sont réunies : des financements auxéquipements, en passant par l’organi-sation et l’infrastructure ! De plus, l’Inracompte de nombreux laboratoires d’unhaut niveau. L’Institut a donc descontacts privilégiés avec par exemplel’Institut Pasteur et les universités fran-çaises, mais aussi avec les autres pays.Ces contacts serviront forcément plustard. De ce point de vue, le Brésil estplutôt isolé.

Quelles différences avez-vousrencontrées en pratiquant la science ici et chez vous ?Clarissa : les tuteurs nous ont immé-diatement laissés une grande libertépour conduire nos travaux. Au début,se retrouver seule avec ses questionsétait difficile mais cela développe auto-nomie et indépendance. Aujourd’hui,j’ai bien plus confiance en moi.

Tomas : les possibilités de recherchel’emportent sur les caractéristiques quepeuvent avoir les différents pays. J’aiquand même le sentiment que l’in-fluence américaine se diffuse partout.Cela se traduit par un mode assez libé-ral où les laboratoires connaissentmoins de sécurité mais plus de flexi-bilité pour financer des projets ouembaucher.

Package pour l’excellence

Gianni Bellocchi, Italien, 41 ans, a rejoint en février 2010 l’Unité de recherche sur l’écosystème prairial (Urep) du centre Inra de Clermont-Ferrand-Theix dans le cadre d’un « package scientifique ». Ce dispositif lancé par l’Inra en 2007 permet à une unité d’accueilliravec des moyens conséquents pendant quatre ans,un chercheur confirmé, sur la base d’un projetsélectionné par un jury international.

« A l’Urep, je travaille sur l’estimation de la vulnérabilité des prairies et des systèmes d’élevage auchangement climatique. Le package, qui comprend mon salaire et les subventions de fonction nement,me donne toute latitude pour piloter ce projet ainsi que la possibilité d’encadrer un doctorant etun post-doctorant. C’est très stimulant. L’Inra ouvre ce dispositif aux chercheurs étrangers : c’estvraiment une preuve d’ouverture à des compétences et des idées nouvelles ! Chapeau à la France ! »

(5) Unité mixte de recherche de l’Inra et de l’École nationale du génie rural, des eaux et des forêts.(6) Unité mixte de recherche de l’Inra et l’Institut national supérieur des sciences agronomiques, de l’alimentation et de l’environnementde Dijon.

127 des 1927 chercheurs de l’Inra sont de nationalité étrangère (chiffres 2009).20 % de chercheurs étrangers ont été recrutés en 2009.40 % des publications sont cosignées avec un ou plusieurs chercheurs étrangers en 2009, contre 34 % en 2001.303 missions à l’étranger ont été réalisées par des agents de l’Inra entre 2006 et 2009.102 projets européens impliquent l’Inra.56 des 488 doctorants Inra diplômés en 2009 sont d’origine internationale.

Repères :

Le choix d’un chercheur confirmé

Jens Abildtrup, Danois, 43 ans, est l’un des 68 lauréatsdu concours chercheurs 2009. Il est depuis en poste au Laboratoire d'économie forestière à Nancy.

« C’est grâce à la page d’accueil du site Internet de l’Inra que j’aipris connaissance de la campagne de recrutement de chercheurs.Le guide du candidat m’a beaucoup aidé car je ne connaissais pasbien le LEF (5) même si j’avais déjà collaboré en 2006 avec leCESAER (6) de l’Inra à Dijon. Je travaillais alors pour l’Institutd’économie de l’alimentation et des ressources de l’Université de l’Agriculture au Danemark. Plusieurs facteurs m’ont incité à

postuler. D’abord, le poste correspondait en tous points à mes compétences scientifiques. Ensuite,l’Inra bénéficie en France et à l’étranger d’une très bonne réputation. Cela ouvre de nombreusesportes, en particulier pour obtenir les données nécessaires à vos recherches. De plus, la France estun grand pays comparé au Danemark, je peux y côtoyer d’autres chercheurs du même domaineet faire partie d’un réseau efficace. Après deux ans passés ici, je ne vois pas entre les deux pays dedifférences dans l’approche de la science, mais plutôt dans l’organisation de la recherche. AuDanemark, je passais beaucoup de temps à prospecter des fonds pour financer mes recherches,incluant mon propre salaire. C’était bénéfique car cela me poussait à toujours remettre en ques-tion l’intérêt et la qualité de mes recherches. Mais quelle perte de temps quand on connaît le fai-ble taux de dossiers scientifiques retenus ! »

+d’infosCampagne 2011 de concours chercheurs : du 20 janvier 2011 au 24 février 2011Appel à candidatures pour deux « Packages scientifiques » : du 14 décembre 2010 au 2 mars 2011.

Ocontact : [email protected]

Ocontact : [email protected]

Ocontacts : [email protected]@[email protected]

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ra / Bertrand Nicolas

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O À JOUY-EN-JOSAS

Une belle comédie aromatique

La science serait soporifique ? En tout cas, pas quand les comédiens, s’inspirant des chercheurs de l’Inra, jouent leur pièce « Les clowns parlent du nez »… Ce suspense olfactifa vu le jour grâce à l’accueil de trois comédiens dans l’unité Neurobiologie de l’olfaction et modélisation en imagerie (NOeMI) de l’Inra à Jouy-en-Josas.

Sous les projecteurs, trois« scientaisistes » sontconfrontés à une odeur debanane persistante. Qui a

bien pu l’écraser ? Avec quel mobile ?Tandis que ses effluves rappellent aupersonnage de la commissaire sonpremier amour, il apparaît vite quela complexité de son odeur rend foul’expert scientifique, qui voudrait lavoir réduite à une seule molécule.Toute ressemblance avec des person-nes ou des situations existantes nesaurait être que fortuite… Après qua-rante minutes de jeux de scène, lepublic a tout loisir d’en savoir plussur la reconnaissance des odeurs enquestionnant les véritables scienti-fiques présents dans la salle - Christine

mortels. On compte 100 000 chercheurspour 60 millions de Français, impossi-ble d’imaginer que les premiers pour-ront s’adresser à chacun d’entre nous !Les médiateurs, qui regroupent nonseulement ceux qui ont pour métier lamédiation scientifique mais aussi lesenseignants, les journalistes et les artis-tes, permettent de démultiplier les mes-sages scientifiques. »L’histoire commence en 2009 lorsqueRoland Salesse, alors directeur de l'unité de Neurobiologie de l'olfac-tion et de la prise alimentaire(NOPA (1)) et Edith Pajot, directricede l’unité NOeMI qui a succédé àNOPA en janvier 2010, sont contactéspar Anne Rougée, animatrice de lacompagnie « Les Passeurs d’Ondes ».

Baly, Marie-Christine Lacroix, PatrickMac Leod, Edith Pajot, Roland Salesseou Didier Trottier - qui ont accueilliles comédiens dans leur unité.Pour Roland Salesse, les motivationsétaient simples : « on entend trop sou-vent « à quoi sert la recherche ? ». Lethéâtre est un moyen de faire com-prendre à tous la nécessité de la scienceen général et de susciter l’intérêt pour laneurobiologie olfactive en particulier.Et si le public est déjà initié à la science,il la considèrera sous un angle diffé-rent, moins figé que dans les livres. »Le chercheur entend par ailleurs« privi légier les médiateurs, qui sontdes professionnels de la vulgarisation, àla différence des chercheurs, dont le lan-gage reste étranger au commun des

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Cette compagnie a la particularité demettre en scène des contenus scienti-fiques sur un mode burlesque. Après lesuccès de « La soupe aux oreilles »consacrée à l’ouïe, pourquoi ne pasen faire autant sur l’olfaction, un senslargement négligé dans notre société,alors qu’il nous est essentiel pourdétecter des aliments dangereux oudes substances toxiques et qu’il faitgagner de substantielles parts de mar-ché aux industries agroalimentaires etcosmétiques ? Les chercheurs sontemballés. Mais alors, comment tra-vailler ensemble ? En ouvrant toutesgrandes les portes du labo ! La rési-dence (2) s’étendra sur six mois augré des questionnements des comé-diens sur le système olfactif, jusqu’àla finalisation de leur pièce théâtrale.

Poire, banane et acétate d'isoamylePremier temps pour les comédiens,s’approprier les connaissances scien-tifiques acquises au cours des vingtdernières années par les neurobiolo-gistes. « Nous avons enchaîné confé-rences, colloques, visites au laboratoire ettests olfactifs, retrace Denis Falfoyo,l’un des trois comédiens. Deuxièmetemps, être certain d’avoir tous comprisla même chose. Très vite, des chiffres etdes faits ont frappé notre imaginaire :des millions d’odeurs existent, résultantde la combinaison de centaines demilliers de molécules odorantes volatiles.L’odeur de la banane et celle de la poiresont par exemple constituées de molé-cules dont certaines sont communes,comme l'acétate d'isoamyle. Pourtantelles exhalent des parfums complète-ment distincts. Grâce à Linda Buck etRichard Axel, deux généticiens améri-

cains récompensés en 2004 par un prixNobel, on sait que 350 à 400 gènescodent pour les protéines-réceptricessituées sur les neurones olfactifs quitapissent notre nez. Ce sont elles quidétectent toutes les molécules odoran-tes, même si les humains ne distinguentque 10 000 odeurs. Or, d’un individu àl’autre, ces gènes diffèrent. De plus, cha-cun associe une odeur à une expérienceémotionnelle. Bref, chacun de nous vitdans un monde olfactif qui lui est pro-pre. C’est l’un des messages que nousavons voulu transmettre. » Dernièreétape, transformer les concepts scien-tifiques en langage scénique. «Un vraicasse-tête ! » témoigne Eliane Le VanKiem, metteur en scène. « La créativitédes artistes, beaucoup plus débridée quecelle des chercheurs, les a conduits à destrouvailles très visuelles » note ChristineBaly, qui s’empare aussitôt d’immen-ses clés et serrures bleues que lesclowns trimballent dans leur valise.Elles représentent les molécules odo-

rantes et les fameux récepteurs olfac-tifs, pas encore tous identifiés et dontcertains pourraient être utilisés parl’unité NOeMI pour concevoir un dia-gnostic olfactif de certains cancers.Cette aventure renoue avec une tra-dition d’ouverture de l’Inra aux arts.Ainsi, dans les années 90, les connais-sances du végétal, des biotechnologiesanimales, de l’entomologie et même dela génétique, ont influencé tour à toursculpteurs, photographes, dessinateursou musiciens. Ce spectacle a, quant àlui, un prolongement pédagogiqueinédit : il sera représenté en janvier aucentre Inra de Jouy-en-Josas dans lecadre d’une formation intitulée« Science, théâtre et médiation » des-tinée aux enseignants du secondairedes académies d’Ile-de-France. Leschercheurs y témoigneront des condi-tions dans lesquelles la résidence théâ-trale s'est effectuée et interviendrontpour partager leurs connaissancesscientifiques. « Les artistes inspirentaussi les chercheurs » avoue finalementRoland Salesse, qui participera à unprojet de recherche sur la créationolfactive contemporaine (3). �

Magali Sarazin

(1) Unité mixte de recherche de l’Inra et de l’universitéParis-Sud 11.(2) Un financement de 2 500 euros a été obtenu auprèsdu centre Inra de Jouy-en-Josas, du club Aromagri et del’Association pour le développement de la biologiecellulaire.(3) « La création olfactive : du Kôdô vers les pratiquesartistiques contemporaines », programme ANRcoordonné par Chantal Jaquet, université Paris 1,Panthéon-Sorbonne.

+d’infosOcontacts :Coordinatrice des actions de formation : Catherine Foucaud-Scheunemann,[email protected] de la compagnie Les Passeurs d’Ondes : Anne Rougée, [email protected],www.lespasseursdondes.comDirectrice de l’unité NOeMI : Edith Pajot, [email protected]

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MANIPULATIONS avec Roland Salesse à l'unité Inra NOeMI.

CHRISTINE BALY dissuade les clowns de mettre les clés dans leur nez.

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OLES MALADIES ÉMERGENTES Epidémiologie chez le végétal, l’animal et l’hommeJacques Barnouin, Ivan Sache EDITION QUAE, COLLECTION SYNTHÈSES, DÉCEMBRE 2010, 420 P., 45 € (31,50 € en pdf)

en bref OAlimentation des bovins,ovins et caprins Besoin des animaux, valeurs des aliments, tables Inra 2007 -une mise à jour 2010 Jacques Agabriel, coord.L’édition 2010, remaniée, actualiseles recommandations alimentairesdes ruminants à partir des acquisrécents de la recherche. Ouvrageindispensable aux éleveurs, il estrégulièrement mis à jour. Il indiqueles besoins alimentaires desanimaux, il fournit la compositiondes aliments et les tables de leurvaleur nutritionnelle. Un CD-ROMpermet une recherche plus aiséeparmi les 1 250 fourrages et 200aliments concentrés présentés.Éditions Quæ, collection Guide pratique, oct. 2010, 312 p., 17 €(8,50 € en pdf, sans CD-ROM)

OCoopérations, territoires etentreprises agroalimentaires Colette Fourcade, José Muchnik,Roland TreillonLes auteurs observent denouvelles formes d’organisationqui réunissent, à l’échelleterritoriale, des acteurs de la filièreagroalimentaire : producteurs,industriels, distributeurs,consommateurs. Ils étudientquinze cas concrets de ces« coopérations territorialisées en agroalimentaire » (CoTA)Éditions Quæ, collection UpdateSciences & technologies, août 2010,136 p., 32 €, (22,40 € en pdf)

Les maladies émergentes, causesde crises sanitaires

potentiellement dévastatrices,représentent un enjeu majeur pourla santé végétale, animale et humaine. Difficiles à anticiper en raison de leur caractère nouveauet imprévisible, elles suscitent une réflexion pluridisciplinaire etune analyse spécifique que proposecet ouvrage à travers des casconcrets de détection et d'analysesbiologiques des émergences, deleur traitement statistique et desfacteurs environnementaux qui les déterminent. Un ouvrage préfacé par Marion Guillou, PDG de l’Inra.

OUN SAVOIR-FAIRE DE BERGERSMichel Meuret, coord.COÉDITION QUAE-EDUCAGRI, NOVEMBRE 2010, 336 P., 25 € (17,50 € en pdf)

INRA MAGAZINE • N°15 • DÉCEMBRE 201032

OELEVAGES ET ENVIRONNEMENTSandrine Espagnol, Philippe Leterme, coord.

EDITION QUAE-EDUCAGRI, COLLECTION SCIENCES EN PARTAGE, OCTOBRE 2010, 260 P., 29 €

(20,30 € en pdf)

C’est un ouvrage conçu par un collectif d’auteurs

issus des principales filières de l’élevage et de la recherche,dans le cadre du Réseau MixteTechnologique « Elevages et environnement ». Il rassemblequatre contributionssynthétiques qui fournissent les bases scientifiques ettechniques d’un élevage durable,à un moment où questions et débats font l’actualité sur le sujet. Pédagogique, illustré, avec une bibliographieabondante, ce livre s’adresse aux enseignants,formateurs et professionnels du domaine.

Découvrez les multiples facettes du métier de bergers, au carrefour de quatre enjeux :« socio-économique », car le secteur est en proie à une concurrence féroce

(plus de la moitié de la viande de mouton consommée sur le territoire est importée) ; « environnemental », à travers la conservation d’écosystèmes ou la création de paysages ; « foncier », pour l’entretien d’espaces, publics ou privés ; « éducatif », enfin, car l’ouvrage transmet des savoir-faire où s’entremêlent pratiques ancestrales et explorations scientifiques les plus récentes. Ce livre, écrit avec des bergers, explicite les multiples dimensions qu’occupe le berger : l’espace, dont il doit tirer la subsistance de centaines de brebis durantquelques mois ; le temps, avec une vigilance de chaque seconde ; la météo, qui n’estclémente qu’au randonneur ; l’individu et son rapport aux animaux, où l’on ne sait plus si c’est l’homme ou la brebis qui compose le parcours et le menu du jour ; les territoires, dont des urbains écrivent les nouvelles règles d’usage sans penser aux raisons de « garder les bêtes ».

O Biotechnologie, nanotechnologie, écologieEntre science et idéologie Marie-Hélène Parizeau Entrant dans la sphère publique et s’éloignant de leur scienced’origine, les nouvelles disciplinesscientifiques suscitent craintes et espoirs. L’auteur illustre cettedualité à propos de la génétique et des biotechnologies, puis de la biologie de la conservationoù elle débusque les idéologies. Elle met ses thèses à l’épreuve sur les nanotechnologies.Éditions Quæ, collection Sciencesen questions, nov. 2010, 92 p., 8,50 € (5,90 € en pdf)

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Ce livre est un cheminement

vers des populationsdu monde dont le dénominateurcommun est de produire,transformer,transporter,échanger du lait. Lait des villes

ou lait des champs, lait de brousse ou lait de steppe, lait des riches ou lait des pauvres… Ce voyage photographique invite à faire des escales à travers le temps, les continents et les espèces animales à propos de ce siprécieux liquide alimentaire qu’est le lait.

OOGM : pas de quoi avoir peurPhilippe Joudrier Philippe Joudrier, ancien directeur de recherche à l’Inra, a présidé de 2006 à 2009 le comitéd’évaluation des OGM de l’Afssa. A ce titre, il explique de manièreaccessible comment sont évaluésles OGM en Europe et plusparticulièrement en France. La multiplicité des étapes et des instances de contrôle fait des OGM, selon lui, les variétés les plus sures mises sur le marché.Ayant analysé auparavant la nécessité de renouvellementrapide des variétés, il conclue que la transgenèse est une voieincontournable d’améliorationgénétique.Éditions le Publieur, juillet 2010,260 p., 19 €

www.quae.com

c/o Inra - RD 10 -F-78026VersaillesCedex

éditionsQuæ

OAgrimonde Scénarios et défis pour nourrir le monde en 2050 Sandrine Paillard, Sébastien Treyer,Bruno Dorin, coord.Quelles solutions pour nourrir neufmilliards de personnes à l’horizon2050, tout en préservant lesécosystèmes qui fournissent parailleurs d’autres produits et services :protection des sols et des eaux,gestion de la biodiversité, stockage du carbone, régulation des inon dations, production de bioénergies et de biomatériaux ?C’est à cette question essentielleque cette prospective réalisée par le Cirad et l’Inra tente d’apporterdes réponses.Éditions Quæ, collection Matière à débattre et décider, nov. 2010, 296 p.,42 € (50 € en anglais, 29,40 € en pdf)

OBioinformatique Principes d’utilisation des outils Denis Tagu, Jean-Loup Risler,coord.Cet ouvrage vise à faciliter la prise en main par leschercheurs des outils de la bioinformatique, discipline à l’interface de la biologie et de l’informatique. Cinquante-huit fichesthématiques permettent de s’approprier ces outils et de choisir les plus adaptéspour des besoins précis(analyse, stockage ou visualisation de données).Éditions Quæ, collection Savoir-faire, oct. 2010, 272 p., 28 €(19,60 € en pdf)

OTRAITÉ DE VITICULTURE DE TERROIRComprendre et cultiver la vigne pour produire un vin de terroir René Morlat EDITIONS TEC & DOC LAVOISIER, JUIN 2010, 492 P. + 32 p. d’illustrations, 124 €(www.lavoisier.fr)

Comme le dit sa préface, le livreaurait pu s’intituler « Vigne,

milieu, typicité, 40 annéesd’agronomie des terroirs viticoles ».René Morlat, directeur derecherches à l’Inra, y a rassembléles connaissances acquises par les laboratoires de recherche qu’il a fréquentés, sur les relationsétroites entre sol, vigne, vendangeet vin. Avec des chapitrestechniques et des synthèses, ce traité représente l’actualité des savoirs scientifiques, vus à partir de la pédologie et del’agronomie. C’est une étape vers la compréhension et la modélisation de la longue chaîne de processus allant de la nature du sol jusqu’aux perceptionssensorielles de produits. En plus des curieux qui voudraientdécouvrir le mot « terroir », cet ouvrage est destiné à l’enseignement, aux professionnels des sols ou de la filièreviti-vinicole, et il peut aussi intéresser le commerce pour l’explication de cette notion assez complexe.

Coup de projecteur sur la revue scientifique « Cahiers d’études et de recherchesfrancophones-Agricultures », revue scientifique soutenue entre autres par l’Inra,

le Cirad, l’IRD (6 numéros par an depuis 1992). A noter les articles du dernier numéro (5-2010) « Transformations des systèmes d’élevage et du travail des éleveurs » ; et le numéro spécial de mars 2010 « Le commerce équitable en questions ».Articles en ligne : www.cahiersagricultures.fr ou revue papier sur abonnement

OPEUPLES DU LAIT Bernard Faye, avec Pascal Bonnet, Christian Corniaux, Guillaume DuteurtreEDITION QUAE, OCTOBRE 2010, 160 P.,29,50 € (20,60 € en pdf)

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OCAHIERS AGRICULTURES EDITIONS JOHN LIBBEY EUROTEXT

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une instance de concertation et de propositions, nous éla-borons des recommandations à destination des pouvoirspublics et de l’ensemble des acteurs (publics ou privés) dela chaîne alimentaire, nous apportons une expertise socié-tale. Le CNA ne diligente pas d’enquêtes, ne produit pas deconnaissances, il utilise celles qui existent déjà et plus il y ena, mieux c’est pour alimenter les réflexions.

Comment fonctionne le CNA ?A. B. : Un groupe de travail est constitué lorsque leCNA est saisi d’un sujet par les pouvoirs publics, par unepartie de ses membres ou par son président. Selon lanature du thème à traiter, la durée d’un groupe est de 6 à18 mois jusqu’à l’adoption de l’avis en séance plénière.Chaque groupe est constitué de personnalités de sensibi-lités différentes, issues de nos collèges ou venant de l’ex-térieur. Un avis publié résulte de la formulation duconsensus qui a émergé lors des réunions. Il peut êtreassorti de positions divergentes, si des antagonismes sesont révélés entre collèges. Les suites données aux avis etrecommandations sont l’objet de bilans qui, comme lesavis, donnent lieu à publication. Enfin, certains sujetsreviennent périodiquement sur la table des débats.

Depuis près de trois ans que vous êtes en fonction, quelles sont les principalesinflexions que vous avez insufflées au CNA ? A. B. : Notre première priorité a été d’accentuer la visibi-lité du CNA. Avec la création du site web en octobre 2008,nous avons rendu accessible à un large public l’inté gralité desavis adoptés depuis l’origine. Nous publions égalementune Newsletter hebdomadaire sur l’actualité de l’alimen-tation. Nous mettons bien sûr l’accent sur la communica-tion des avis les plus récents, même si des sujets importantssont toujours à l’ordre du jour, comme la restauration sco-laire (2004), l’alimentation des personnes âgées (2005),

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Alain Blogowski, comment travaillez-vous avec l’Inra ? Alain Blogowski : Il est rare que des chercheurs del’Inra ne soient pas associés aux réflexions de nos groupesde travail, que ce soit comme membres, experts auditionnés,voire présidents ou rapporteurs de groupe. De plus, mem-bres permanents et groupes de travail utilisent vos résultatscomme sources documentaires. L’Inra est par ailleurs membre de droit du CNA, comme d’autres établissementspublics scientifiques, l’Agence française de sécurité sanitaire,ou les collectivités territoriales.Le CNA s’appuie sur les travaux de l’Inra mais aussi sur ceuxde beaucoup d’autres instances : l’Anses (1), l’Inserm, lesenquêtes de consommation… Notre vocation est d’aider lesdécideurs, mais nous ne nous substituons pas aux institu-tions scientifiques, ni à celles d’évaluation ou aux profes-sionnels. Il faut bien voir ce que nous faisons. Nous sommes

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Alors que le Conseil National de l’Alimentation (CNA) fête ses 25 ans, son secrétaire interministériel, Alain Blogowski,

nous parle de cette instance consultative et de ses liens avec l’Inra.

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l’obésité infantile (2006). Notre dernier avis sur la qualiténutritionnelle des produits « hard discount » et « premiersprix », de mars 2010, a été largement repris par les médias.Il en a été de même lors de l’annonce récente de la mise enplace d’un groupe de travail sur les farines animales.Nous poursuivons toujours notre action sur les messages« nutrition-santé ». Mais, parmi les inflexions, n’oublionspas le plaisir et la convivialité, qui rejoignent aussi desactions sur le terrain, notamment avec la reconnaissancede nos modes de production tout à fait originaux ou untravail sur l’éducation. Une fois par an, la séance plénièredu CNA se déroule en région, dans le cadre d’un parte-nariat avec des collectivités territoriales, l’enseignementsupérieur agricole et les organismes de recherche. A cetteoccasion, la séance suivie d’un forum traitant d’un thèmeen relation avec l’alimentation est ouverte au public. Etcomme en France, on ne peut pas parler d’alimentationsans parler de terroirs et de vins, notre séance plénière des25 ans s’est déroulée cette année à Saint-Emilion, sur lethème « vin et société ».

Quels avis marquants pouvez-vous nous citer ?Quelle est votre actualité ?A. B. : Parmi les derniers avis adoptés, je citerai la consom-mation de produits issus d’animaux clonés (2008), l’édu-cation alimentaire, la publicité alimentaire, l’informationnutritionnelle et l’évolution des comportements alimen-taires (2009), les besoins des personnes intolérantes ouallergiques à certains aliments (2010). L’étiquetage des ali-ments et ingrédients constitués d’OGM ou issus d’OGM aété traité en 2001. Je voudrais aussi rappeler l’avis de 1994

sur l’alimentation des plus démunis, et que le Conseil s’estpenché sur les liens entre exclusion sociale et alimentationen 2002. En 1995, un avis concluait déjà que « seule une ali-mentation diversifiée assure un bon équilibre nutritionnel ».Concernant les activités de l’Inra, mentionnons l’avis sur lesperspectives pour l’avenir de la recherche de 2003. Parmi les questions d’actualité, reste celle de l’alimentationdes personnes en situation précaire, puisqu’aujourd’huienviron trois millions de personnes bénéficient de l’aidealimentaire en France. Ce sujet, comme beaucoup d’autres,a été traité dans le cadre du rapport remis en juin dernierà Bruno Le Maire et a fait l’objet de recommandationsdont un grand nombre ont été reprises dans le Pro-gramme national pour l’alimentation. Ce rapport ras-semble les avis et expertises de plus de 150 acteurs de lachaîne alimentaire qui ont confronté leurs idées pendantquatre mois au travers de 26 réunions, sur les multiplesfacettes de l’alimentation.

Avez-vous un message pour les chercheurs ?A. B. : Les connaissances scientifiques sont désormaisde plus en plus nombreuses, mais dans le même temps deplus en plus atomisées. La société civile ne parvient plus àse les approprier facilement. A titre d’exemple, les industrielsqui veulent améliorer la qualité nutritionnelle de leurs pro-duits, mieux comprendre les comportements alimentai-res des consommateurs, ou rendre les informations relativesà leurs produits plus facilement accessibles et compréhen-sibles par les acheteurs, attendent aujourd’hui un appuiplus opérationnel de la part des chercheurs qui travaillentsur ces sujets. Je ne dis pas que les chercheurs d’aujourd’huine se préoccupent pas des réactions de la société, ou nesavent pas transmettre leurs connaissances. Le fonction-nement de nos groupes de travail prouve chaque semainele contraire ! Je pense néanmoins que certaines publications,notamment celles disponibles aujourd’hui uniquement enanglais, devraient être mieux valorisées, traduites dansnotre langue et faire l’objet d’un travail de vulgarisationauprès d’un large public. En ce sens, la dernière expertisecollective de l’Inra sur « les comportements alimentaires »est un bon exemple de documents utilisables par le CNA. Pour conclure, je souhaite rappeler que, comme dans lecommerce et la distribution, il faut toujours être très atten-tif à ne pas sous-estimer les difficultés de « la logistique dudernier kilomètre » et, donc, à chercher ensemble com-ment améliorer les transferts de connaissances entre lestravaux des chercheurs et les besoins des différents acteursde la chaîne alimentaire. �

Propos recueillis par Brigitte Cauvin

+d’infosOweb :www.cna-alimentation.fr

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25 ans de CNA, 67 avis… et un PNA

Depuis sa création, le CNA a rendu 67 avis (2) sur la politique de l’alimentation. Son rôle vientd'être renforcé par la loi 2010-874 de modernisation de l'agriculture et de la pêchequi l’associe à l'élaboration du Programmenational pour l'alimentation et au suivi de samise en œuvre. Il dispose d’un secrétariatinterministériel placé auprès des ministreschargés de l’agriculture et de l’alimentation, de la santé et de la consommation.Il est composé de 49 membres permanentsbénévoles, proposés par leur institutiond’origine, regroupés en sept collèges quireprésentent l’éventail des acteurs de la chaînealimentaire : associations de consommateurs et d’usagers, producteurs agricoles, secteur de la transformation et de la distributionagroalimentaire, restauration, salariés et personnalités qualifiées.

Présidents successifs : Pr Jean-Jacques Bernier,Pr Christian Cabrol, Christian Babusiaux,Philippe Guérin. Depuis 2009, le CNA estprésidé par Bernard Vallat, Directeur général de l’Organisation mondiale de la santé animale.

(1) Anses : agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnementet du travail.(2) Voir tous les avis sur le site web : www.cna-alimentation.fr

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20/24 févrierPARIS

L’Inra au Salon international du machinisme agricoleL’Inra sera à l’espace « Bonnes pratiques agricoles » pour présenter ses recherches générant des innovationsagronomiques en productions végétales. Des chercheursde l’Inra présenteront leurs recherches en matière de sylviculture, de forêts et tempêtes ; d’agriculturepériurbaine ainsi que sur les grandes cultures économes en pesticides ; la qualité des fruits et légumeset les performances agronomiques, écologiques et économiques des légumineuses. A noter : le colloque, mercredi 23 février.WWW.inra.fr

15/16 févrierPARIS

43e journées de la recherche porcine Initiée par l’Inra et l’Institut du porc (IFIP), cette manifestation permet la diffusion directe des résultats de recherche qui peuvent contribuer à la compétitivité de la filière, tout en répondant aux nouvelles demandes sociétales comme le respectde l'environnement et le bien-être des animaux, ou encore la sécurité alimentaire des produits proposés aux consommateurs. Six sessions thématiques se succéderont.WWW.journees-recherche-porcine.com

19/27 févrierPARIS

L’Inra au Salon international de l’agriculture Plus de 650 000 visiteurs sont attendus à la plus grandeferme de Paris, qui attire 20 % de professionnels. Sur le standde l’Inra, des scientifiques venus de sept centres de recherchede l’Institut présenteront au public quizz et animations sur leurs recherches en santé animale et santé végétale.Colloque et rencontres thématiques favoriseront les échangesavec les partenaires professionnels.WWW.inra.fr

18/21 avrilAVIGNON

Symposium euro-méditerranéen sur la transformation des fruits et légumesComposante essentielle de l'alimentation de l'homme, les fruits et légumes sont le plus souvent consommés aprèstransformation. Organisé par l'Inra et l'Université d'Avignon et des Pays de Vaucluse, ainsi que par le Centre technique de la conserve et des produits appertisés et le Pôle européend’innovation fruits et légumes, le symposium fait le point, pourles chercheurs mais aussi pour les groupes industriels, PMEet TPE, sur les nouvelles connaissances et les innovations.https://colloque.inra.fr/fruitvegprocessing

8/10 marsLILLE

IVe Conférence internationale sur les méthodes alternatives en protectiondes culturesOrganisée par l’Association française de protection des plantes et la Fédération régionale de défense contre les organismes nuisibles du Nord Pas-de-Calais. Les séances plénières font le point sur les principalesméthodes alternatives concernant toutes les cultures(grandes cultures, pomme de terre, viticulture, culturesornementales, arboriculture fruitière, cultures légumières,petits fruits, etc.) dans le nouveau cadre législatif et réglementaire.WWW.afpp.net

11/15 avrilEDIMBOURG

Nitrogen 2011Cet événement mondial rassemblera scientifiques et décideurs pour connaître les dernières avancéesscientifiques sur le rôle de l’azote dans le changementclimatique, en faisant le bilan de tous les programmeseuropéens concernant le cycle de l’azote, en particulierNitroEurope Integrated Programme. WWW.www.nitrogen2011.org

L'objectif du colloque est de faire le point et de tracer des perspectives pour favoriser l’intégrationde considérations environnementales dans les politiques publiques sectorielles agricoles et territoriales.Il se veut un moment de partage entre chercheurs et praticiens (organisations professionnellesagricoles, parcs naturels, conservatoires, collectivités locales…), avec une grande diversité de pointsde vue : depuis des expériences innovantes d'associations ou de collectivités locales, jusqu'auxrésultats de recherche sur les effets des pratiques agricoles sur l'environnement.

Renseignements et inscription : https://colloque.inra.fr/ecologisation_avignon

Partenaires : MAAP, MEEDDM, Région PACA, ACTA, Parcs nationaux de France, Parcs naturels régionaux de France, Les Conservatoires d'espaces naturels, CDC Biodiversité, Association de science régionale de langue française, Chambres d'agriculture, CIVAM, Eccorev

Ecologisation des politiques et des pratiques agricoles

Unité d'Ecodéveloppement Département SAD

Centre de recherche PACA