fv janvier 2014

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DES VŒUX : POUR QUOI FAIRE ? Trêve des confiseurs, période des vœux, ce temps est souvent vécu comme une parenthèse. Un micro-trottoir, sur une chaîne pu- blique, montrait (s'il en était besoin) que les vœux sont un exercice imposé auquel on ne croit pas beaucoup, tout comme les bonnes résolutions. Ces dernières ne sont mises en pratique que quelques jours, quelques semaines dans le meilleur des cas ! Alors à quoi bon se prêter à ce jeu dans La Feuille Verte ? Au milieu de tous ces faux-semblants, voici pourtant que les vœux d’Ariane Mnouchkine, que nous offre Mediapart (*), apparais- sent comme un rayon de soleil dans cet univers gris. Mais que nous souhaite-t-elle ? D’abord « une fuite périlleuse ». Une fuite face à la « tristesse gluante […] faite de haine, de méfiance, d’amertume ». Une fuite aussi devant « les triomphants prophètes de l’échec inévitable » tour- nés vers le passé. Son deuxième vœu, c'est l’immense chantier de la démocra- tie. Non pas seulement celle des urnes, mais la démocratie de tous les jours. « Déclarons-nous, tous, responsables de tout », dit-elle en nous incitant à agir partout, à participer à ces innombrables labora- toires où « des femmes et des hommes trouvent des réponses, imagi- nent et proposent des solutions », à remettre cent fois le métier sur l’ouvrage. D’ailleurs, n’est-ce pas ce qu’elle a fait pour que tous les jours se réinvente le Théâtre du Soleil, qu’elle a créé il y a cinquante ans ? La mort de Nelson Mandela et les cérémonies qui l’ont suivie nous ont offert un retour sur son œuvre, sur sa volonté, sur sa foi en l’homme. C’est aussi en mettant en place localement des lieux de réconciliation qu’il a lancé la transformation de la société sud-africaine sclérosée par l’apartheid. Alors, nous, écologistes, faisons nôtres ces vœux d’Ariane Mnouchkine, approprions-nous cette démarche de Nelson Mandela. En cette période préélectorale, en cette période de crise, ils peuvent, ils doivent nous servir de guide. Cherchons à agir partout où c’est possible, appuyons nous sur « ces petits exemples courageux qui incitent au courage créatif » : ils nous permettront de mettre en œuvre notre grand projet de conversion écologique de notre société. Merci Ariane, merci Madiba ! Meilleurs vœux pour 2014 ! Corinne Tissier et Bernard Lachambre Cosecrétaires EÉLV Franche Comté (*) On pourra écouter et lire ces vœux sur Mediapart : http:// www.mediapart.fr/journal/france/311213/les-voeux-d-epopee-d- ariane-mnouchkine JANVIER 2014 / n°192 / 1,70 €

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Page 1: FV Janvier 2014

DES VŒUX : POUR QUOI FAIRE ?

Trêve des confiseurs, période des vœux, ce temps est souvent

vécu comme une parenthèse. Un micro-trottoir, sur une chaîne pu-

blique, montrait (s'il en était besoin) que les vœux sont un exercice

imposé auquel on ne croit pas beaucoup, tout comme les bonnes

résolutions. Ces dernières ne sont mises en pratique que quelques

jours, quelques semaines dans le meilleur des cas ! Alors à quoi bon

se prêter à ce jeu dans La Feuille Verte ?

Au milieu de tous ces faux-semblants, voici pourtant que les

vœux d’Ariane Mnouchkine, que nous offre Mediapart (*), apparais-

sent comme un rayon de soleil dans cet univers gris. Mais que nous

souhaite-t-elle ?

D’abord « une fuite périlleuse ». Une fuite face à la « tristesse

gluante […] faite de haine, de méfiance, d’amertume ». Une fuite

aussi devant « les triomphants prophètes de l’échec inévitable » tour-

nés vers le passé.

Son deuxième vœu, c'est l’immense chantier de la démocra-

tie. Non pas seulement celle des urnes, mais la démocratie de tous

les jours. « Déclarons-nous, tous, responsables de tout », dit-elle en

nous incitant à agir partout, à participer à ces innombrables labora-

toires où « des femmes et des hommes trouvent des réponses, imagi-

nent et proposent des solutions », à remettre cent fois le métier sur

l’ouvrage. D’ailleurs, n’est-ce pas ce qu’elle a fait pour que tous les

jours se réinvente le Théâtre du Soleil, qu’elle a créé il y a cinquante

ans ?

La mort de Nelson Mandela et les cérémonies qui l’ont suivie

nous ont offert un retour sur son œuvre, sur sa volonté, sur sa foi en

l’homme. C’est aussi en mettant en place localement des lieux de

réconciliation qu’il a lancé la transformation de la société

sud-africaine sclérosée par l’apartheid.

Alors, nous, écologistes, faisons nôtres ces vœux

d’Ariane Mnouchkine, approprions-nous cette démarche de

Nelson Mandela. En cette période préélectorale, en cette période de

crise, ils peuvent, ils doivent nous servir de guide. Cherchons à agir

partout où c’est possible, appuyons nous sur « ces petits exemples

courageux qui incitent au courage créatif » : ils nous permettront de

mettre en œuvre notre grand projet de conversion écologique de

notre société.

Merci Ariane, merci Madiba !

Meilleurs vœux pour 2014 !

Corinne Tissier et Bernard Lachambre

Cosecrétaires EÉLV Franche Comté

(*) On pourra écouter et lire ces vœux sur Mediapart : http://

www.mediapart.fr/journal/france/311213/les-voeux-d-epopee-d-

ariane-mnouchkine

JANVIER 2014 / n°192 / 1,70 €

Page 2: FV Janvier 2014

Sommaire

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P 1 : Edito

P 2 : Mon premier Conseil fédéral

P 5 : Motion adoptée par le Conseil fédéral, les 14-15

décembre

P 7 : Vote du budget : quelques explications utiles

P 9 : Madiba : un rêve d’humanité

P 11 : Disparition de Mandela : le déshonneur des diri-

geants israéliens

P 12 : Municipales de Besançon : échos de campagne

P 14 : Science et écologie

P 16 : Allemagne : du charbon à la place du nucléaire

P 18 : Immigration en France : la réalité des nombres

P 19 : Un mois, émois et moi

P 21 : bulletin d’adhésion

Pour éclairer les lanternes : pédagogie et amé-

liorations démocratiques à venir

Les élections des conseillers fédéraux se font à partir

de motions - des textes qui présentent et proposent les

idées et les priorités de leurs auteurs pour le mouvement.

Cette manière de procéder par motions n'est peut-être

pas la meilleure, mais elle est probablement la moins pire.

Un de ses inconvénients est que le jeu des motions fait

s'opposer des personnes au sein du même parti. Mais ce

serait se mentir que de dire que nous avons tous exacte-

ment les mêmes objectifs. Bien sûr, il y a les fondamen-

taux, mais aussi, vraiment, plusieurs sens des priorités et

des manières variées de procéder. Les différentes mo-

tions représentent la diversité des points de vue, mais cet

exercice peut marquer durablement les débats et les dé-

cisions à venir, surtout lorsque la majorité n'est pas très

forte, comme c'est le cas dans ce nouveau Conseil fédé-

ral. Les oppositions peuvent être exacerbées et dange-

reuses pour EÉLV même. Ainsi, lors de ce premier CF, la

conférence des secrétaires régionaux a proposé une amé-

lioration du fonctionnement démocratique, qui consiste-

rait à préparer le travail du CF en région en communi-

quant suffisamment tôt l'ordre du jour. Les Conseils poli-

tiques régionaux (CPR) donneraient alors leur avis aux

conseillers fédéraux.

Mon premier Conseil fédéral

TRANCHE DE VIE DU PARTI ET FEUILLE DE ROUTE LOCALE

Les 14 et 15 décembre, s'est réuni le premier Conseil fédéral (CF) d'EÉLV issu des élections du Congrès régio-

nal décentralisé et du Congrès national (tenu à Caen en novembre). Le Conseil fédéral est en quelque sorte

l’assemblée nationale du parti.

Page 3: FV Janvier 2014

Le Conseil fédéral : débats et textes adoptés

Le samedi matin, plusieurs ateliers se sont tenus afin

de débattre de certaines motions. J'ai participé à celui

portant sur le vote du budget 2014, qui devait avoir lieu le

19 décembre à l'Assemblée nationale.

Pour se resituer dans le contexte, il faut rappeler

que les motions écrites lors de la constitution du nouveau

Conseil fédéral, donc lors des Congrès décentralisés en

régions et lors du Congrès de Caen, reposaient sur un cons-

tat relativement partagé : la participation d’EÉLV au gou-

vernement ne donne pas satisfaction.

En effet, nombre de points négociés avec l'équipe

Hollande ont depuis été balayés ou amenuisés ou repous-

sés dans un futur incertain. La gestion de la « crise » ou le

chantier laissé par le gouvernement précédent font partie

des arguments évoqués quand nous exprimons nos insatis-

factions.

Ainsi, beaucoup de militants demandent que nous

nous démarquions davantage du gouvernement et mon-

trions que nous n'avons oublié ni nos objectifs, ni le point

de vue de notre base militante et électorale. La volonté est

forte d'exister à côté de ce gouvernement, mais la ques-

tion demeure aujourd'hui : en avons-nous les moyens ? Et

sinon, voulons-nous nous les donner, ces moyens ?

La motion sur le budget était empreinte de cet état

d'esprit. Elle demandait au départ à nos députés de voter

contre ce budget d'austérité, qui ne va pas dans le sens de

la transition écologique, ou pas assez. Il s'agissait aussi de

montrer que nous, les écologistes, n'étions pas « fondus »

dans le PS et que nous avions décidé de ne plus tout accep-

ter. Le vote d'un budget est un acte politique fort.

Un débat lors de cet atelier a eu lieu et le risque

d'être remerciés par le gouvernement si nous votions

contre ce budget a été brandi. Par ailleurs, d'autres argu-

ments avancés mettaient en avant le caractère tardif d'un

vote contre alors que des avancées avaient été durement

négociées.

Ainsi, le texte de la motion a évolué et la de-

mande du CF de voter contre le budget s'est transformée

en une demande de ne pas le soutenir et de tout faire

pour infléchir les orientations budgétaires. La plupart des

participants ne souhaitaient pas que les écologistes sor-

tent du gouvernement. Ne pas voter en faveur de ce bud-

get ne signifiait pas quitter le gouvernement, mais mar-

quer notre désaccord au sujet des orientations prises.

Pour cela, une possibilité existait : l’abstention. Selon cer-

tains, le PS n’aurait pas assumé de nous virer du gouver-

nement pour cause d’abstention. Et si les écologistes sor-

taient du gouvernement, c’est bien le PS qui renierait les

questions écologiques, et non EELV.

Motions ponctuelles et conseil statutaire

Plusieurs autres motions ont été discutées,

amendées puis votées. Elles sont consultables sur le

site du parti : http://eelv.fr/le-conseil-federal-3/

conseil-federal-des-14-et-15-decembre-2013/

Ce même week-end a eu lieu l'élection des

membres du Conseil statutaire, des membres de la

Commission des finances, des membres du Conseil

d'orientation politique, et on a choisi la composition

de la délégation au Parti Vert Européen. Un bilan du

groupe de l'assemblée nationale a été fait, ainsi que

de celui du Sénat. Pascal Canfin est venu présenter la

loi d'orientation et de programmation pour le déve-

loppement. Emmanuelle Cosse est intervenue et a

lancé un débat de politique générale. Ensuite a eu

lieu un long débat suivi d’un vote pour le scénario

d'investiture aux élections européennes. Pour l'Est,

les personnes retenues sont Sandrine Bélier, un can-

didat d'ouverture, Hannah Clairière, Philippe

Hervieux. Enfin, Julien Bayou a été élu porte-parole.

Un point essentiel : la création d'un co-

mité de liaison de l'ensemble de la gauche

Motion portée par le bureau exécutif, il s'agit

de construire avec des partenaires de gauche, des

associations, des syndicats, des propositions pour un

changement de cap. Ces propositions étayeront

notre refus d'une politique d'austérité, elles matéria-

liseront des orientations budgétaires en accord avec

la transition écologique, la justice sociale et l'avène-

ment d'un modèle de développement plus respec-

tueux des êtres humains et de la nature. Ce comité

de liaison sera lancé fin janvier par le national et de-

vrait se décliner dans les régions.

Pour moi, c'est un choix capital : tisser des liens avec

les acteurs locaux, pour constituer une force de la base,

une force concrète à mettre face au gouvernement. Le

besoin de changement doit être ressenti, il ne doit pas

rester un slogan de campagne. Ce choix est aussi très cou-

rageux car ce comité de liaison et ces comités régionaux

mettront à l'épreuve notre capacité à fédérer, à structu-

rer, à rendre compte. Il s'agira aussi de savoir faire de la

place à cet investissement dans nos organisations locales

et régionales.

Il faut appeler les militants de l'ombre, œuvrant dans

des associations, des collectifs, ou porteurs de connais-

sances dans des domaines chers à la transition écologique

(donc sociale et économique), ou simplement volontaires,

à se mobiliser avec nous pour ce changement de cap : le

changement c’est vraiment maintenant (1).

3

Page 4: FV Janvier 2014

Les suites du Conseil fédéral

Depuis ce conseil fédéral, les sénateurs EÉLV se sont

abstenus lors du vote du budget. Sur 17 députés écolo-

gistes, 14 ont voté pour à l'Assemblée Nationale, 2 se sont

abstenus, 1 a voté contre. Une grande partie du Conseil

fédéral a été déstabilisée par le vote des députés, estimant

que le débat et le vote de la motion correspondante

avaient été balayés. Mais il reste trois enseignements à la

suite de cet événement :

Emmanuelle Cosse a sauvé la face en ne communi-

quant pas publiquement sur la motion (même si nous

avons pu le regretter à un moment) ; cela dit, elle fait le

grand écart entre deux poutres…

Tous les arguments du monde ne pourront pas faire

admettre que ce fonctionnement est normal. Une analyse

partagée devra être faite.

Nos députés n’ont pas ou ne prennent pas les liber-

tés que la majorité du parti souhaiterait vis-à-vis des poli-

tiques du gouvernement.

Ainsi, l'exercice d'EÉLV est difficile en interne et

dans les instances auxquelles nous avons décidé de partici-

per. La question se pose encore et toujours : comment

allons-nous pouvoir continuer à travailler ?

Il me semble que notre parti aura des difficultés à

agir en cohérence avec ses objectifs tant qu'il n'aura pas

un poids suffisant dans la société. C'est pourquoi le travail

local sous forme de comité de liaison est d'autant plus es-

sentiel. Nous ne pouvons pas penser agir uniquement

grâce à nos élus. Leur travail est certes capital, mais à côté

d'eux la responsabilité qui est la nôtre est grande : révéler

la société en mouvement, mettre en relief les initiatives,

les porter le plus haut possible, les faire proliférer.

Notre projet est celui de la construction de la

transition, transition en devenir dans la fédération des

forces locales.

Les circuits courts, l'économie circulaire, le

soutien aux ménages les plus faibles, le développe-

ment des énergies renouvelables, les moyens de faire

baisser nos consommations énergétiques, la réduc-

tion de l'usage des polluants et de nos émissions de

gaz à effet de serre, le développement de l'économie

sociale et solidaire, la sécurité alimentaire, l'équilibre

de nos enfants, sont autant de pistes à investir parmi

tant d'autres.

Alexandra HUNOLD

(1) Note de Gérard Mamet : Malheureusement,

ce n'est pas ce qui se dessine. Lors de ses vœux, présen-

tés le 31 décembre au soir, François Hollande persiste et

signe. Il continue de justifier la politique d'austérité, veut

réduire encore le budget de l'État, des collectivités et de

la Sécurité sociale. Il annonce aussi de nouveaux cadeaux

au patronat avec le « pacte de responsabilité des entre-

prises » et veut « à terme, réduire les impôts », (mais

lesquels puisqu'on vient d'augmenter la TVA, payée par

tous, y compris les plus pauvres ?). Le rappel de la priori-

té à l'emploi devient une rengaine qui sonne creux, dans

la mesure où elle est contradictoire avec l'austérité. Ainsi

Christian Chavagneux, d'Alternatives économiques, es-

time que « la croissance française aurait pu être de

l'ordre de 2,2 à 2,5 % en 2013 sans politique d'austéri-

té ». Combien cela représente-t-il de centaines de milliers

d'emplois perdus ? Le mouvement écolo ne va tout de

même pas considérer que le compte y est avec la petite

phrase du Président sur la transition énergétique !?

4

Page 5: FV Janvier 2014

5

Motion adoptée par le Conseil fédéral d'EÉLV, 14-15 décembre 2013

GOUVERNEMENT : CHANGER ENFIN DE CAP ! POUR SORTIR DES POLITIQUES D’AUSTÉRITÉ, ENGAGER UNE POLITIQUE ÉCOLOGIQUE : ENVIRONNEMENTALE, SOCIALE,

ÉCONOMIQUE ET DÉMOCRATIQUE

Une politique écologique et budgétaire passe

par la promotion d’une société de sobriété équitable-

ment partagée prenant en compte la finitude des res-

sources, le bannissement des techniques nuisant à l’envi-

ronnement et à l’équilibre de la planète, la sauvegarde

de la cohabitation avec les autres espèces vivantes.

L’austérité est sans issue et augmente les inégali-

tés. La fiscalité française reste peu redistributive. Les

impôts progressifs ne pèsent que 8 % des prélèvements

obligatoires ! Le gouvernement comptait taxer l’épargne

concentrée sur les ménages aisés ; il a reculé.

Il aurait fallu mettre en place une réelle fiscalité

écologique pour financer la transition. La contribution

climat énergie à 7 euros la tonne modifiant l’ancienne

assiette de la TICPE (ex-TIPP) en équivalent CO2, et la

baisse de la TVA sur la rénovation thermique restent des

avancées timides.

Ensuite, avec le recul sur la taxe poids lourds, le

retard français sur le fret ferroviaire est confirmé. De

même, la TVA sur les transports en commun de voya-

geurs a été augmentée de 7 à 10 %, au détriment des

classes populaires et de l’empreinte écologique du sec-

teur des transports. Les plus pauvres sont les premières

victimes de la hausse de la TVA. La gauche avait pourtant

promis de ne pas recourir à cet impôt injuste.

Le gouvernement navigue à vue, cédant alterna-

tivement aux intérêts privés les plus conservateurs et à

l’idéologie de rigueur de la Commission européenne. En

privilégiant cette année une baisse des dépenses de

15 milliards d'euros, il prend le risque d’une vraie remise

en cause de la qualité des services publics. En augmen-

tant de 12 milliards la TVA et en baissant de 9 milliards

les prélèvements sur les entreprises (dont le CICE), il

opère un transfert injuste de fiscalité des entreprises

vers les ménages. Les rares marges de manœuvre bud-

gétaires laissées par l’austérité ont été gaspillées pour

financer le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’em-

ploi (CICE), accordé aux entreprises sans critère social ou

environnemental. Et que dire du retrait, sous la pression

de Bercy, de l’amendement du rapporteur socialiste

Christian Eckert prévoyant l’élargissement du champ de

la taxe sur les transactions financières aux transactions

«intra-day» ? Cette mesure créait pourtant une réelle

taxe Tobin prévue par l’accord EÉLV PS et défendue

par le candidat Hollande.

De nombreuses niches fiscales anti-

écologiques persistent et encouragent ainsi la con-

sommation de kérosène ou de diesel. Quant aux

bureaux vides, ils ne sont toujours pas taxés malgré

les promesses. Ce n’est pas un hasard si le ministère

de l’Écologie voit son budget diminuer de 6 % ; la

transition écologique reste dans les cartons et le

projet de loi-cadre sur la transition énergétique a

été repoussé à fin 2014.

Ces choix budgétaires sont politiques. Ils

jouent un rôle central dans la montée de la défiance

à l’égard du gouvernement, des partis de la majorité

et de manière plus générale de la politique et expli-

quent en partie le développement de manifestations

populistes et corporatistes manipulées par le MEDEF

et la FNSEA. Les conséquences seront électorales

demain ; la montée du vote Front national sera

nette ; si les élections municipales, où les situations

locales sont très diverses, relativiseront le recul du

Parti socialiste, les élections européennes le souli-

gneront au contraire nettement.

Le Conseil fédéral d’EÉLV demande donc

une véritable réorientation des politiques actuelle-

ment menées par le gouvernement. Il appelle à l’af-

firmation forte, par la majorité gouvernementale,

d’un cap politique et économique faisant de la tran-

sition écologique le pivot d’une sortie de l’austérité

et de la crise. La transition énergétique, la préserva-

tion de l’environnement, la réduction des émissions

de GES, la lutte contre la précarité, le partage équi-

table du travail, l’accès à la santé pour tous, la pré-

servation des mécanismes de solidarité, la démocra-

tisation de l’éducation et de la formation, la remise à

plat de la fiscalité et des outils de soutien aux entre-

prises doivent devenir des priorités politiques et

faire l’objet de décisions concrètes rapidement ;

Le Conseil fédéral d'EÉLV confirme l’orien-

tation des écologistes s’impliquant, en France et en

Europe, pour mettre en œuvre « l’écologie des solu-

tions », exigeantes environnementalement, justes

socialement et efficaces économiquement :

Page 6: FV Janvier 2014

6

∙ en mettant en œuvre rapidement des me-

sures environnementales dans la politique économique

et financière de notre pays ;

∙ en engageant la transition énergétique,

étape indispensable pour parvenir à sortir du nucléaire

et de notre dépendance aux énergies fossiles, qui porte

les potentialités de développement d’activités nouvelles

et le potentiel d’emplois sans lequel il ne pourra y avoir

de redressement de notre économie et de nos finances

publiques ; ∙ en allant au bout de la lutte contre

l’évasion fiscale et les paradis fiscaux, en France et en

Europe : il y a là une exigence de réussite pour desserrer

l’étreinte des taux sur la baisse des dépenses publiques ;

∙ en mettant en œuvre une réforme fiscale

de grande ampleur en France et en portant l’harmonisa-

tion fiscale en Europe ;

∙ en œuvrant pour la mise en place d’un

Pacte social d’urgence pour l’Europe, qui vise à défendre

les investissements sociaux, l’emploi des jeunes, des sa-

laires décents, un accès universel à la santé et à un loge-

ment abordable ;

∙ en engageant un grand programme euro-

péen d’investissement dans la transition écologique ;

∙ en réorientant l’agriculture pour préserver

la santé et l’environnement et influer dans ce sens sur la

mise en œuvre de la PAC et sur la future loi d’avenir agri-

cole ;

∙ en faisant de l’Europe le moteur d’une

autre mondialisation, en engageant la définition et la

mise en œuvre de normes sociales et environnemen-

tales ;

∙ en œuvrant à la relocalisation des activités,

en revenant sur la baisse massive des dotations aux col-

lectivités territoriales et en leur redonnant davantage

d’autonomie financière.

Le Conseil fédéral d'EÉLV

- désapprouve la politique économique et budgé-

taire actuelle et réaffirme la nécessité d’un changement

de cap tel qu’il l’avait demandé en mai 2013 ;

- considère comme indispensable, dans le souci de

mettre en cohérence notre discours politique et l’engage-

ment de nos éluEs, que les parlementaires ne soutiennent

pas les orientations budgétaires et fiscales actuelles et

mettent tout en œuvre pour les modifier afin de traduire

dans ces orientations les impératifs écologiques et so-

ciaux ;

- estime que l’alliance avec le PS ne peut con-

traindre les parlementaires écologistes à renoncer à expri-

mer, défendre et assumer nos idées ;

- invite les forces politiques écologistes et de

gauche, les mouvements associatifs, les syndicats, les

ONG, à ouvrir le débat autour de ce changement de cap à

travers des rencontres locales, régionales et nationales et

la mise en place d’un comité de liaison national et, pro-

gressivement, de comités de liaison à tous les niveaux ;

- mandate le Bureau exécutif et les Secrétariats ré-

gionaux pour prendre les contacts nécessaires et lui

rendre compte régulièrement lors des prochaines réunions

du Conseil fédéral ;

- mandate le Bureau exécutif, en lien avec les

groupes parlementaires, pour élaborer des orientations

budgétaires alternatives permettant la transition écolo-

gique ;

- invite l’ensemble des adhérent(e)s à s’investir for-

tement dans cette dynamique pour construire le rapport

de force indispensable à un réel changement de cap.

Pour : 56 ; Contre : 4 ; Blancs : 37 ; Nppv : 24

Les tribulations de La Feuille Verte

Même si elle est (pour des raisons qui ne sont qu'en

partie explicables) arrivée particulièrement tard dans les

boîtes aux lettres (sans compter qu'elle a été mise en ligne

encore plus tard !), La Feuille Verte de décembre est parve-

nue chez ses lecteurs avant que les cerveaux ne soient trop

embrumés sous l'effet des excès engendrés par ce qu'on

s'obstine à appeler les « fêtes ». Du coup, lesdits lecteurs,

même les moins attentifs, n'auront pu manquer de remar-

quer deux bizarreries venues perturber la lecture de deux

(bas de) pages.

Tout en bas, donc, de la seconde colonne de la

page 8, il aurait fallu pouvoir lire : « … et j'ai la prétention

du colibri. » Et tout en bas de la première colonne de la

page 27, l'Échotidien du 22.11 se terminait par : « Quand

on n'aura plus de panem, il nous restera toujours les

circenses. »

Nos plus plates (mais néanmoins sincères) ex-

cuses accompagnent donc nos meilleurs vœux pour une

nouvelle et féconde année feuillevertesque.

Le Comité de lecture de La Feuille Verte

Page 7: FV Janvier 2014

7

Vote du budget

QUELQUES EXPLICATIONS UTILES

Nombre de gens se sont interrogés sur le vote

des parlementaires écologistes concernant le Projet de

Loi de Finances (PLF), notamment à la suite de l'adop-

tion, sensiblement au même moment, par le Conseil

fédéral d'EÉLV, d'une motion appelant les parlementaires

à ne pas soutenir les orientations budgétaires du gouver-

nement.

Sur le fond, rappelons tout d'abord que le

groupe écologiste partage et défend, dans l'hémicycle et

en dehors, l'idée que la sortie de la crise viendra des

investissements et du soutien à la transition écologique,

seule manière de créer des emplois et de développer un

nouveau modèle économique. Pour autant, nous ne né-

gligeons pas la nécessité de réduire les déficits et la dette

par une réforme fiscale (déjà 50 milliards d’impôts nou-

veaux sur les budgets 2013-2014 et le budget rectificatif

de 2012), et surtout par la lutte contre la fraude et l’éva-

sion fiscale pour restaurer l’assiette fiscale. Le PLF 2014

comportait comme grandes dispositions :

- La revalorisation du barème de l'impôt en fonc-

tion de l'inflation et l'augmentation de la décote et

autres exonérations pour les ménages les plus modestes.

- L'abaissement du plafond du quotient familial

impactant les familles aisées (seuls 13 % des foyers fis-

caux ayant des enfants mineurs à charge ou des majeurs

rattachés seront concernés par la mesure).

- Une taxe exceptionnelle de 50 % sur la part des

rémunérations versées par les entreprises en 2013 et

2014 se situant au-delà de 1 million d’euros.

- Un meilleur contrôle fiscal des prix de transfert

des grandes entreprises pour limiter leur optimisation

fiscale. (Cela complète les dispositions de la loi Fraude

qui a déjà fait revenir 9 000 ménages pour une recette

d’un milliard d’euros.)

- La fiscalisation à l’impôt sur le revenu des ma-

jorations des retraites des personnes ayant eu plus de

trois enfants.

- L'augmentation progressive de la TICPE (1) sur

la période 2014-2016 en fonction du contenu carbone

des produits. C’est le point de départ de la fiscalité éco-

logique.

- Concernant les agrocarburants, une baisse de

la défiscalisation en 2014 et 2015 et la fin de la niche le

1er janvier 2016 (au lieu de 2015).

- L'augmentation du malus auto et l'ajout d'un

seuil bas à 130 g au lieu de 135.

- Le doublement de la surtaxe sur l'impôt

sur les sociétés concernant les entreprises de plus

de 250 millions d'euros de chiffre d'affaire.

En ce qui concerne les dépenses, ce

budget contient une économie de 15 milliards d'eu-

ros (9 pour l’État, dont 1,5 sur les dotations aux col-

lectivités territoriales, et 6 pour la Sécurité sociale).

Il comporte également une augmentation (minime)

du RSA, et la revalorisation des bourses que tou-

chent 600 000 étudiants. Un budget en hausse pour

les politiques de l'emploi, et stable pour l'ESS (2) et

la sécurité alimentaire.

Sur les dépenses, nous n'avons pas voté

trois budgets : celui de la défense (défense nu-

cléaire), celui de l'enseignement supérieur et de la

recherche (une part importante est consacrée à la

recherche nucléaire) et celui de l'immigration (non-

respect de l'engagement de fermer des centres de

rétention).

Le CICE (3) et la hausse de la TVA intermé-

diaire ne figuraient pas dans ce PLF mais ont été

intégrés par amendements gouvernementaux (sur

lesquels nous avons voté contre ou nous sommes

abstenus) dans la loi de finances rectificative 2012,

adoptée il y a un an. Pourtant, nous avons continué

à défendre la non-augmentation de la TVA et l'orien-

tation des aides aux entreprises vers les PME/TPE

(4) et l'ESS pendant toute l'étude du budget.

Page 8: FV Janvier 2014

8

Voyons maintenant ce que nous avons ob-

tenu.

1) En amont de la présentation du projet de loi

de finances:

La TVA réduite pour la construction et la

rénovation des logements sociaux.

Une hausse du budget consacré au loge-

ment et à l'égalité des territoires.

L'instauration d'une contribution climat

énergie, dont l’intégration dans la loi de finances s’est

faite deux ans plus tôt que prévu sous la pression des

écologistes.

2) Pendant le débat parlementaire :

La TVA réduite pour la rénovation ther-

mique des logements.

La TVA réduite pour les travaux induits par

les travaux de rénovation énergétique des logements.

La TVA réduite pour les ciné-clubs

(structures associatives).

La TVA réduite pour les logements-foyers

et structures d'hébergement d'urgence.

La suppression de l'article mettant fin à la

déduction d'impôt pour les enfants scolarisés.

Le renforcement du régime d'abus de droit

pour renforcer la lutte contre la fraude : l’abus de droit

n’est plus considéré comme tout acte ayant pour but

exclusif de minorer son imposition, mais comme but

principal.

L'exclusion des terrains utilisés pour des

besoins agricoles (y compris les terres en jachère) de la

majoration obligatoire de la taxe foncière afin de limiter

l'artificialisation des sols.

La TVA à taux plein pour certains engrais et

produits assimilables (au lieu de la TVA intermédiaire).

Sur la forme, soulignons que le vote du

budget est considéré comme un vote de confiance en-

vers le gouvernement. Une abstention du groupe à

l'assemblée serait donc considérée par nos partenaires

(mais aussi par l'ensemble de la presse et de l’opinion)

comme un acte de rejet de la politique gouvernemen-

tale. Cela ouvrirait une crise gouvernementale qui se

traduirait par la sortie d'EÉLV du gouvernement et des

groupes parlementaires de la majorité.

Le vote de la première partie (recettes) en pre-

mière lecture a eu lieu le 22 octobre 2013 à l'Assemblée

nationale. Le groupe écologiste s'est prononcé pour.

Le vote de la deuxième partie (dépenses) a eu

lieu le 19 novembre 2013 à l'Assemblée nationale. Le

groupe s'est prononcé pour.

Le vote de la première partie a eu lieu le

27 novembre 2013 au Sénat. Le PLF a été rejeté. Ce

rejet étant assuré par une alliance entre l'UMP et le

Front de Gauche, nous disposions d'une plus grande

liberté de vote. Le groupe écologiste s'est abstenu.

Le vote du PLF en deuxième lecture a eu

lieu le 13 décembre 2013 à l'Assemblée.

Ainsi, lorsque la motion du Conseil fé-

déral d'EÉLV a été adoptée le week-end des

14-15 décembre, il ne restait plus que le vote en

lecture définitive sur la loi de finances. Au cours de

la lecture définitive, on ne peut plus déposer

d'amendements et donc modifier ce projet de loi de

finances.

Alors que le travail sur le PLF 2014 se ter-

mine, dès la rentrée nous travaillerons sur le budget

2015 afin de peser en amont sur les choix du gou-

vernement en matière de réforme de la fiscalité, de

lutte contre l’évasion fiscale, de réduction des dé-

penses publiques, de résorption des déficits et de la

dette. Nous continuerons à porter nos propositions,

notamment en matière de suppression des niches

fiscales et de fusion de l'impôt sur le revenu et de la

CSG.

Éric Alauzet

Député du Doubs

(1) Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques. (2) Économie solidaire et sociale. (3) Crédit d'impôt compétitivité emploi. (4) Petites et moyennes entreprises / Très petites entre-prises.

Page 9: FV Janvier 2014

9

UN RÊVE D'HUMANITÉ

Madiba

Je ne vénère pas les grands

hommes, ceux qui se sont inventé un

destin céleste : bondir sur les chevaux

de l'Histoire et, le glaive à la main, gui-

der le peuple vers des horizons prodi-

gieux, puis régner en despote éclairé,

adulé, statufié, pour finir embaumé

dans la légende.

Certes, ils ont su parfois

porter, voire incarner les rêves d'une

nation, mais n'ont que rarement su

éviter l'appropriation plus ou moins

répressive du pouvoir.

Pourtant, il est pour moi des hommes qui

suscitent un immense respect, dont le souvenir demeu-

rera un point lumineux dans les mémoires, non parce

qu'ils furent des grands hommes, mais tout simplement,

si simplement, des hommes porteurs jusqu'à l'incandes-

cence d'un rêve d'humanité.

Madiba est de ceux-là.

Si la mort de Nelson Mandela provoque

une telle émotion, n'est-ce pas parce que nous ressen-

tons intuitivement qu'il ne fut pas un homme de pouvoir,

mais un homme révolté au sens de Camus, un homme

qui dit non à un ordre qui l'oppresse et qui sait qu'il ne

peut renverser durablement cet ordre, atteindre un idéal

de liberté, sans la justice ? Il sait que cette justice n'est

pas la vengeance qui conduit à la terreur et à la suspen-

sion de la liberté. Il sait qu'il ne peut remplacer une do-

mination par une autre, il sait qu'il se doit de rechercher

dans l'autre ce que - au-delà de ce que l’apartheid a éri-

gé comme différence radicale, insurmontable, insuppor-

table - il y a de lui-même.

« L’esclave dressé contre son maître ne se

préoccupe pas, remarquons-le, de nier ce maître en tant

qu'être. Il le nie en tant que maître. Il nie qu'il ait le droit

de le nier, lui, esclave, en tant qu'exigence. Le maître est

déjà déchu dans la mesure même où il ne répond pas à

une exigence qu'il néglige. Si les hommes ne peuvent pas

se référer à une valeur commune, reconnue par tous en

chacun, alors l'homme est incompréhensible à

l'homme. » (1)

Il ne s'agit pas de vaincre, si ce n'est

vaincre la peur, la sienne comme celle de l'oppresseur. Il

s'agit de rendre libre.

Je me souviens du moment

de la libération de Mandela.

Comme pour d'autres, une partie de

mon engagement militant était liée à

la question de l'apartheid (boycott

des oranges Oustpan) et nourrie par

la lecture d'André Bink (2), après le

massacre de Soweto en 1976 et

l'assassinat de Steve Biko en 1977.

Alors j'ai guetté devant la télévision

cet instant où la chanson de Johnny

Clegg,

Asimbonanga (« Nous ne l'avons pas

vu ») prit un autre sens. Il avançait, impressionnant de

maîtrise, de tranquillité, le poing tendu, non comme un

défi mais pour dire combien vingt-sept années d'empri-

sonnement n'avaient en rien entamé sa détermination,

sa révolte, et que la nation arc-en-ciel allait advenir. Je

pouvais croire (même de loin, même modestement) que

j'avais contribué à ce moment.

Rassurez-vous, je ne vais pas céder à l'indé-

cence, que dénonce avec force Breyten Breytenbach (3),

du « cortège de crocodiles », des « pleureuses de cir-

constance », des « vautours qui s'étripent déjà pour

s'emparer des lambeaux d'autorité morale du dé-

funt »(4). Mais ce souvenir lointain, rêvé, réinventé

comme tous les souvenirs, ne serait-il pas porté par la

voix tout à la fois douce et forte qui s'est tue : qu'as-tu

fait de ta révolte ?

Que reste-t-il de notre révolte ? Seulement

une envie de pouvoir ?

Que reste-t-il de la révolte de tous ceux qui fu-

rent écrasés par un régime ignoble, lequel a trop long-

temps bénéficié du silence complice de nos pays démo-

cratiques, dans une Afrique du Sud aujourd'hui en proie

à une violence inimaginable (5), une Afrique du Sud où

se creusent les inégalités, où les pâles successeurs de

Mandela dilapident un héritage qui ne leur appartient

pas ?

À l'heure du deuil, du chagrin et de la fierté que

partagent ensemble les habitants de ce pays, à l'heure

où cette unité si douloureusement conquise s'exprime, à

l'heure de célébrer une vie, pour ne pas céder à la nos-

talgie ou au mythe, ne faut-il pas faire résonner cette

question, celle d'une fidélité à une certaine idée de nous

-mêmes et du rapport aux autres ?

Page 10: FV Janvier 2014

10

Et si le plus sincère des hommages était non pas

de figer un homme dans le marbre d'une statue rehaus-

sée d'or, mais de garder en soi cette lancinante cons-

cience du prix de la liberté, de la sienne et de celle d'au-

trui ?

Des larmes coulent en moi, une émotion

m'étreint. Je pleure un homme dont le temps et les

épreuves ont laissé le visage sans rancœur, sans colère.

Je pleure un homme au sourire désarmant de bienveil-

lance. Je pleure un homme dont le souvenir n'appelle

aucune dévotion béate, aucune admiration grandilo-

quente ; je pleure un homme dont le souffle d'humanité

ne s’éteint pas avec sa mort, mais dont je sais la force et

la fragilité dans un monde incertain et trop souvent bar-

bare.

Hamba kalhe, Nkos (6).

Michel Boutanquoi

(1) Albert Camus, L'homme révolté, Paris, Galli-

mard, 1951

(2) André Brink, Au plus noir de la nuit, Paris,

Stock, 1976

(3) Libération des 7 et 8 décembre 2013,

p. 22.

(4) Entendre Mugabe, abominable dictateur du

Zimbabwe, accroché au pouvoir depuis plus de trente

ans, se fendre d'un hommage confine à la pire des igno-

minies. De même pour quelques princes ou princesses

bien de chez nous, qui nous ont servi leur dégoulinante

émotion, de radio en radio, de plateau télé en plateau

télé, pour narrer des souvenirs qui réduisent la ren-

contre avec cet homme à un moment de dégustation de

guimauve.

(5) Dans son roman Zulu (Folio), Caryl Férey en

donne une description saisissante d'effroi.

(6) Ainsi Breyten Breytenbach conclut-il son hom-

mage : Repose en paix, seigneur. Le terme me semble

désigner ici la noblesse d'un homme.

Invictus

Dans les ténèbres qui m’enserrent,

Noires comme un puits où l’on se noie,

Je rends grâce aux dieux, quels qu’ils soient,

Pour mon âme invincible et fière.

Dans de cruelles circonstances,

Je n’ai ni gémi ni pleuré.

Meurtri par cette existence,

Je suis debout bien que blessé.

En ce lieu de colère et de pleurs

Se profile l’ombre de la mort,

Et je ne sais ce que me réserve le sort,

Mais je suis et je resterai sans peur.

Aussi étroit soit le chemin,

Nombreux les châtiments infâmes,

Je suis le maître de mon destin,

Je suis le capitaine de mon âme.

Poème de William Ernest Henley, dont on dit qu'il

fut le poème préféré de Mandela (repris dans le film de

Clint Eastwood).

Page 11: FV Janvier 2014

11

Benyamin Netanyahou ne s'est pas rendu en

Afrique du Sud pour l'hommage planétaire à Nelson

Mandela. Officiellement, le gouvernement israélien a

évoqué des problèmes de budget, ce qui paraît particu-

lièrement mesquin. Les raisons de cette absence sont

ailleurs et transparaissaient assez clairement dans les

propos des commentateurs de la chaîne israélienne de

propagande en français i24news, ceux-ci « rappelant »

que l'ANC était une organisation terroriste prônant la

violence et que la situation des Palestiniens n'a rien à

voir avec l'apartheid puisque Israël est un pays démocra-

tique. Pourtant, nous n'avons pas oublié qu'Israël a colla-

boré très étroitement avec le régime sud-africain de

l'apartheid, y compris au niveau militaire, et qu'il a été

un de ses principaux soutiens en refusant de s'associer

aux mesures internationales de boycott.

Voici des extraits de la lettre écrite en mars 2001

par Nelson Mandela au journaliste du New York Times

Thomas Freedman :

« Le conflit palestino-israélien n’est pas seule-

ment un problème d’occupation militaire et Israël n’est

pas un pays qui a été créé « normalement » et qui s’est

mis à occuper un autre pays en 1967. Les Palestiniens ne

luttent pas pour un « État » mais pour la liberté, la libéra-

tion et l’égalité, exactement comme nous avons lutté

pour la liberté en Afrique du Sud. »

« Pour l’occupation israélienne de la Cisjordanie

et de Gaza, il y a un facteur supplémentaire à prendre en

compte. Les prétendues « Zones autonomes palesti-

niennes » sont des Bantoustans. Ce sont des entités res-

treintes au sein de la structure de pouvoir du système

israélien d’apartheid. »

« L’apartheid est un crime contre l’humani-

té. Israël a privé des millions de Palestiniens de leur

liberté et de leur propriété. Il perpétue un système

de discrimination raciale et d’inégalité. Il a systéma-

tiquement incarcéré et torturé des milliers de

Palestiniens, en violation du droit international. Il a

déclenché une guerre contre une population civile et

en particulier contre des enfants. Les réponses de

l’Afrique du Sud en matière de violation des droits

humains provenant des politiques de déportation et

des politiques d’apartheid ont mis en lumière ce que

la société israélienne doit nécessairement accomplir

avant que l’on puisse parler d’une paix juste et du-

rable au Proche-Orient et de la fin de la politique

d’apartheid. »

À juste titre, Nelson Mandela faisait de

nombreux parallèles entre la situation en Afrique du

Sud du temps de l'apartheid et le conflit israélo-

palestinien. Et c'est cette vérité que n'ont jamais

supportée les dirigeants israéliens.

Gérard Mamet

Disparition de Mandela

LE DÉSHONNEUR DES DIRIGEANTS ISRAÉLIENS

Arrivée de Nelson Mandela en octobre

1999 à Gaza

Page 12: FV Janvier 2014

12

Un choix

Le groupe local EÉLV de Besançon a donc décidé de

participer aux élections municipales de 2014 dans le cadre

d'une liste d'alliance avec le PS et le PC (lequel se dé-

marque du Front de gauche), conduite par le maire sortant

Jean-Louis Fousseret.

Les discussions avaient été entamées en mars der-

nier lors d'un forum et se sont poursuivies les mois sui-

vants. Nous avons rencontré des représentants du PS et,

séparément, des organisations du Front de Gauche (1).

Différentes assemblées générales ont jalonné ce travail

d'élaboration. Celle du 5 novembre a voté pour une liste

d'union sur la base de l'accord programmatique négocié

avec le PS, celle du 3 décembre a validé la liste des candi-

dats (2).

C'est donc au terme d'un processus au cours duquel

différentes hypothèses ont été examinées que les déci-

sions ont été prises : des décisions pragmatiques, dans un

contexte local fragilisé par les déceptions sur le plan natio-

nal, avec le souci de poursuivre, d'amplifier une action et

des politiques locales que d'aucuns sont prêts à qualifier

de droite pour mieux marquer leur ancrage à gauche.

En toute autonomie

Avons-nous décidé sous la pression de Jean-Vincent

Placé, comme un encart dans L'Est républicain le laissait à

penser (3), histoire de minimiser le rôle d'Éric Alauzet qui,

au sein du groupe, s'exprime comme les autres ? Intention-

nelle ou non, volonté de discrédit ou non, cette

« information » nous fit quelque peu passer pour des gui-

gnols, mais on peut rassurer les lecteurs de La Feuille Verte

et le journaliste de L'Est : le groupe local pense par lui-

même et décide en toute autonomie.

Histoire de cumul

Que sur la liste des candidats figure Éric Alauzet a

suscité nombre de commentaires. Précisons qu'Éric sera

en 39e place sur 55 (la 9e et sans doute dernière éli-

gible pour EÉLV), qu'il ne fera pas partie de l'exécutif et

que sa candidature a été validée par le groupe. Des

exégèses n'ont pas manqué de faire référence aux

règles de cumul en vigueur à EÉLV, mais aucune n'a

relevé la contradiction qu'elles contiennent et qui font

le charme de nos textes (soupir). Éric, s'il est élu, démis-

sionnera du Conseil général. Il cumulera alors 5 points

de son mandat de député et 2 comme conseiller muni-

cipal d'une ville de plus de 100 000 habitants, soit

7 points au lieu des 6 autorisés. Or, l'article IV-3 du rè-

glement intérieur autorise « un cumul parlementaire

conseiller municipal non-exécutif hors PLM » sans fixer

de seuil en termes d'habitants ! Suivant le bout de texte

qu'on prend en référence, notre choix est ou non con-

forme. Pour le groupe, la présence d'Éric a été jugée

suffisamment utile et son expérience nécessaire.

Petite tragédie

Dans les petites choses amusantes de ce dé-

but de campagne, on ne peut pas ne pas relever les

mésaventures de notre ex-compagnon de route Didier

Gendraud. En 2008, élu sous l'étiquette des Verts, il

accéda à un poste de maire adjoint. Plus tard, juste

après les sénatoriales, en 2009, il démissionna du

groupe pour rejoindre la « société civile » (avant de

rallier le PS !) en fustigeant le « dogmatisme » des

Verts. Notons qu'il n’eut pas l'élégance de démissionner

de son poste d'adjoint qu'il devait à ces affreux écolo-

gistes. Pour 2014, il se voyait sur la liste du PS, mais

patatras ! voilà que sa candidature n'a pas été retenue.

Malgré quelques ruades médiatiques (comment peut-

on m'écarter ainsi, moi qui suis forcément incontour-

nable ?), la liste sans son nom a été approuvée par les

militants du PS. Blessé, offensé, trahi pense-t-il, Didier

Gendraud a décidé de partir à la bataille avec quelques

autres recalés. S''en prenant une nouvelle fois au

« dogmatisme » des Verts (comique de répétition), il

estime « faire les frais de l'accord Verts-PS » et brandit

Municipales à Besançon

ÉCHOS DE CAMPAGNE

Page 13: FV Janvier 2014

13

désormais l’étendard du changement - lui qui voulait se

chauffer au feu de la continuité (4). On sourit à la fois de

se voir attribuer tant de pouvoir sur les décisions internes

du PS (5) et du spectacle de boulevard assez pathétique

qui nous est offert - pour la tragédie il faudrait un peu plus

de talent.

Une bataille difficile

Nous savons que le choix de poursuivre un enraci-

nement local nous sera reproché par tous les électeurs

profondément déçus par la politique gouvernementale à

laquelle EÉLV est associé. Comment ne pas les com-

prendre quand le préfet de Loire-Atlantique publie des

arrêtés autorisant les travaux à Notre-Dame-des-Landes ?

Provocation ? Inconscience des retombées politiques en

ce début de campagne ? Énième manière de dire combien

on se fout des écologistes ?

Mais le plan national est une chose, le plan local en

est un autre, même s'il n'est pas sans lien à travers les

effets de la baisse de la contribution de l'État aux collecti-

vités territoriales. Et sur le plan local, le bilan de la pré-

sence d'EÉLV au sein de la municipalité est positif ce qui

ne veut pas dire que tout l'est (6).

Nous n'avons renoncé en rien à notre liberté

de parole et d'appréciation ; notre objectif, par le

bief de cette alliance, est bel et bien de conserver à

gauche la ville de Besançon dans un contexte difficile

et morose.

Michel Boutanquoi

(1) Il n' a pas été possible de rencontrer le Front de

Gauche en tant que tel. Avec ses différentes composantes,

nous avons fait un constat de convergences, mais aussi

d'une divergence assez radicale : nous ne pensons pas que,

pour les élections municipales, l'enjeu national prime sur

les enjeux locaux.

(2) Anne Vignot, Cyril Devesa qui mènent le

groupe, Pauline Jeannin, Claudine Caulet (qui ne sont pas

adhérents d'EÉLV, Pauline est coopératrice), Françoise

Presse, Catherine Thiébaut ; Rémi Sthal et Gerard Van

Helle (qui ne sont pas adhérents), Anthony Poulin, Éric

Alauzet.

Les éléments du programme feront l'objet d'une

communication précise lors de la campagne, ce qui nous

oblige à une certaine réserve aujourd'hui.

(3) À ce jour, il n'a pas été possible de savoir ce

que JVP avait véritablement déclaré, d'obtenir la moindre

information de sa part malgré plusieurs demandes.

(4) Cf. La Presse Bisontine n°150.

(5) Même dans nos rêves les plus fous, nous

n'osons l'imaginer.

(6) http://franchecomte.eelv.fr/2013/01/03/

besancon-2008-2012-le-bilan-des-elus-eelv/

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Page 14: FV Janvier 2014

1. Boissons énergisantes : un cocktail ex-

plosif

Les boissons énergisantes sont très à la

mode chez les jeunes. Elles contiennent des substances

qui n'ont rien d'anodin : caféine, guarana, taurine, qui

sont des excitants du système nerveux. Les risques

sont : énervements, angoisses, vertiges et peuvent aller

jusqu'à des troubles du rythme cardiaque. Elles con-

tiennent aussi beaucoup de sucre, jusqu'à l'équivalent

de 9 morceaux par canette de 25 cl. Pris avant l'effort,

ce type de boisson peut entraîner une hypoglycémie de

réaction, et pendant l'effort accélérer la déshydrata-

tion. (Valeurs Mutualistes n° 287, magazine de la

MGEN, novembre/décembre 2013, pp. 30-31)

Commentaire : Il ne faut pas confondre bois-

sons énergisantes et boissons énergétiques. Ces der-

nières contiennent de l'eau, des sels minéraux et du

sucre en quantité limitée, mais pas d'excitants. Il est

prouvé que les boissons énergisantes n'améliorent pas

les performances, tout au plus retardent-elles le seuil

de l'endormissement. Elles sont un marché très juteux

pour les fabricants, qui jouent sur des slogans publici-

taires accrocheurs. (En 2012, le chiffre d'affaire de

Red Bull a approché les 5 milliards d'euros). L'Agence

nationale de Sécurité sanitaire (Anses) est en train

d'étudier d'un peu plus près les risques.

2. Le taux de recyclage du plastique doit

doubler en cinq ans

En France, le taux de recyclage global des

emballages est de 67 %. Mais les disparités sont impor-

tantes : 80 % pour le verre, 55 % pour le carton et seu-

-lement 22 % pour le plastique. On sait assez bien recy-

cler les bouteilles et les flacons en plastique et pour

eux, on peut viser les 100 %. C'est plus compliqué pour

les barquettes, les pots et les sacs et il faudrait dévelop-

per de nouvelles techniques de tri et de recyclage et

améliorer, dans la conception, la recyclabilité des em-

ballages. (Les dossiers de la Recherche n° 7, décembre

2013 - janvier 2014, pp. 96- 97)

Commentaire : En plus du ramassage, du tri et

du recyclage des matières plastiques, il y a trois autres

enjeux :

- Changer de matière première pour la produc-

tion des plastiques et passer du pétrole à de la bio-

masse végétale qui, elle, est renouvelable. Le Brésil

fabrique déjà des bioplastiques à partir de la bagasse,

résidu fibreux de la canne à sucre.

- Rechercher la neutralité chimique des embal-

lages en éliminant les substances chimiques dange-

reuses qui diffusent des contenants vers les contenus.

Les techniques d'aujourd'hui permettent de détecter

des quantités infinitésimales de substances.

- Continuer de réduire la quantité d'emballages

à la source. Le tonnage annuel des emballages a dimi-

nué de 10 % entre 1994 et 2009. Il faut intensifier l'ef-

fort.

3. Comment refroidir de façon durable ?

Depuis son invention il y a 150 ans, la produc-

tion de froid s'est imposée dans des secteurs variés :

conservation des aliments et des médicaments, liqué-

faction du gaz naturel, climatisation, etc. Un système

14

Science et écologie

RED BULL, RECYCLAGE DES PLASTIQUES,

FROID DURABLE ET VIE PRIVÉE

La science pour éclairer les choix de l'écologie politique.

La réflexion politique pour développer la critique de la science.

Page 15: FV Janvier 2014

frigorifique fonctionne avec un fluide frigogène (1) au

cours d'un cycle de compression et de détente. C'est au

cours de la détente que le froid est produit. On estime

que la production de froid consomme 15 % de l'électricité

mondiale. Mais les fluides frigogènes posent d'autres

problèmes environnementaux. A partir de 1987, on a

abandonné les CFC (2), responsables du trou dans la

couche d'ozone, pour les remplacer par des HFC (3). Si les

HFC n'ont pas d'impact sur la couche d'ozone, ce sont de

puissants gaz à effet de serre. Ils pourraient représenter

7 % de l'effet de serre en 2050, en plus de l'effet lié à la

production de l'électricité du froid. (Pour la Science

n° 434, décembre 2013, pp. 17-18)

Commentaire : Les solutions sont connues et il

faut qu'elles soient développées rapidement :

- Production de l'électricité du froid à partir

d'énergies renouvelables et meilleure isolation.

- Développement de systèmes intégrés produisant

en même temps de la chaleur et du froid.

- Limitation des fuites et récupération ou destruc-

tion des fluides frigogènes.

- Remplacement progressif des HFC par des subs-

tances sans effet de serre, tels l'ammoniac et les hydro-

carbures.

4. Une vie privée est-elle encore possible ?

Le système de guidage GPS et le téléphone por-

table permettent la géolocalisation (4), le premier à partir

des satellites et le second à partir des antennes-relais.

Les opérateurs disent qu'ils n'enregistrent dans les bases

de données que des informations anonymes. Pourtant

des chercheurs ont montré qu'avec très peu d'informa-

tions même anonymes, par des recoupements judicieux,

ils pouvaient casser l'anonymat et retrouver les identités.

Dans le cas des banques, la confidentialité est encore

plus problématique ; elles ont beaucoup d'informations

que les usagers donnent involontairement et en con-

fiance : salaire, allocations familiales, cotisation à un syn-

dicat, facture de restaurant, etc. Autre exemple : la ré-

forme du système de santé anglais prévoit la récupéra-

tion centralisée de toutes les données concernant les

patients. Il y a donc des quantités phénoménales de

données qui circulent sur le web à propos de chaque

utilisateur d'internet et les systèmes de protection sont

faillibles. (La Recherche n°482, décembre 2013, pp. 38-

42)

Commentaire : Généralement, les serveurs

gardent beaucoup d'informations confidentielles. Les

premiers ennuis subis par l'utilisateur d'internet vien-

nent des annonceurs, qui rachètent ou récupèrent de

manière plus ou moins légale des données personnelles.

Les entreprises peuvent ainsi cibler leur marketing en

fonction du profil de chaque consommateur. Mais le

lanceur d'alerte Edward Snowden a révélé aussi que,

sous prétexte de lutte contre le terrorisme, des millions

de personnes pouvaient être épiées, écoutées, espion-

nées, en toute illégalité, par la NSA (5) à travers le

monde entier, y compris les chefs d'État de pays

« amis ». Le premier objectif est l'espionnage écono-

mique, permettant aux entreprises américaines d'avoir

un énorme avantage concurrentiel grâce aux informa-

tions techniques collectées et à la connaissance de l'état

d'esprit des adversaires. Mais il y a un danger plus grave

encore, qui menace la démocratie elle-même. Par l'ana-

lyse des données personnelles des citoyens, un gouver-

nement ou un groupe social malveillant peut disposer

d'une connaissance extrêmement précise, à la fois indivi-

duelle et collective, de la population et de son état d'es-

prit. À partir de ces renseignements, il peut procéder à

des manipulations à grande échelle. La gestion des don-

nées personnelles devrait donc être strictement enca-

drée afin d'empêcher toutes les formes d'indiscrétion et

de malversation. Est-ce encore possible ?

Gérard Mamet

(1) Qui produit du froid.

(2) Chlorofluorocarbures.

(3) Hydrofluorocarbures.

(4) Procédé qui permet de positionner un objet ou une personne sur un plan ou une carte à l'aide de ses coordon-nées géographiques.

(5) National Security Agency : Agence de la Sécurité natio-nale américaine, responsable de la collecte du renseigne-ment d'origine électromagnétique (téléphone, internet...).

15

Page 16: FV Janvier 2014

16

Le 9 juin 2011, la Chancelière Angela Merkel an-

nonçait une accélération du processus d’arrêt des cen-

trales nucléaires allemandes, précisant que l’accident de

Fukushima l’avait fait changer d’avis sur une éventuelle

reprise du nucléaire dans son pays. L’Allemagne a ainsi

fermé rapidement 8 de ses 17 réacteurs, en attendant

l’arrêt de la totalité avant 2022.

Cette annonce a aussitôt déclenché en France une

rumeur tenace : « Les Allemands vont produire leur élec-

tricité à partir du charbon dont regorge encore leur sous-

sol et rejeter ainsi plus de gaz à effet de serre. » Des jour-

naux et émissions de TV ont annoncé la disparition de

villages entiers à cause de l’extension des mines de lignite

à ciel ouvert, en Allemagne. On peut se demander quel

lobby avait intérêt à orchestrer une telle campagne mé-

diatique en France…

Qu’en est-il réellement de l’autre côté du

Rhin en matière de production d’électricité ? D’après les

données du ministère allemand de l’Économie et de la

Technologie (voir tableau), entre 2010 et 2012, on cons-

tate que l’Allemagne :

- produit moins d’électricité nucléaire

(- 29,58 %),

- consomme de moins en moins d’électricité

(- 2,65 %),

- produit beaucoup plus d’énergie renouve-

lable (+ 30,68 %)

- malgré une augmentation de 4,98 %

d’électricité à partir du charbon (lignite), produit moins

d’électricité à partir des énergies fossiles prises dans

leur ensemble (charbon, pétrole, gaz, etc.).

Cette augmentation passagère de la consomma-

tion de charbon, pour produire de l’électricité (en mil-

lions de tonnes équivalents pétrole : de 76 Mtep en

2011 à 79 Mtep en 2012, soit 3,95 %), est due au fait

que les industriels ont voulu profiter de l’effondrement

des cours de cette matière, dû à la concurrence des

énergies renouvelables (effet paradoxal) et à la produc-

tion de gaz de schiste au niveau mondial. Mais les éner-

géticiens allemands prévoient d’arrêter une trentaine

de centrales électriques conventionnelles (charbon,

gaz) à l’avenir (d’après Jochem Homann, président de

l’Agence des réseaux). En août, RWE, numéro deux alle-

mand du secteur, avait annoncé la fermeture de plu-

sieurs centrales, et son grand concurrent EON prévoyait

de faire de même. Enfin, l’on sait que le charbon n’est

pas utilisé seulement pour produire de l’électricité,

mais aussi, notamment, dans la production directe de

chaleur dans l’industrie ou certaines chaufferies collec-

tives, et cela partout dans le monde.

Allemagne

DU CHARBON À LA PLACE DU NUCLÉAIRE ?

Page 17: FV Janvier 2014

17

Avec l’augmentation de la production d’électricité

renouvelable (solaire et éolienne), les quelques cen-

trales conventionnelles restantes, et plus particulière-

ment celles fonctionnant au gaz (pour des raisons de

mise en service rapide), seront utilisées seulement à la

marge, comme filet de sécurité pour les jours où le vent

ne souffle pas et où le soleil ne brille pas.

Ce développement des énergies renouvelables

est tel que l’Allemagne exporte maintenant plus d’élec-

tricité (+ 25,98 % en 2 ans), notamment vers la France,

qu’elle n’en importe.

L'électricité est plus chère en Allemagne. En re-

vanche, les ménages allemands consomment beaucoup

moins qu'en France (25 % de moins, hors chauffage élec-

trique).

Avec son parc nucléaire imposant, épée de

Damoclès au-dessus de la planète entière, la France n’a

donc pas vraiment de crédibilité pour montrer du doigt

sa voisine l’Allemagne, qui projette de sortir du nucléaire

pour des énergies renouvelables et non polluantes.

Patrick Bourque

Europe Ecologie Les Verts de Franche-Comté

(14, rue de la République, 25000 Besançon)

Directeur de publication : Gérard Roy

Comité de lecture : Michel Boutanquoi, Gérard Mamet,

Gérard Roy, Suzy Antoine

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Maquette : Corinne Salvi Mise en page : Suzy Antoine

Page 18: FV Janvier 2014

18

Dans un article paru dans Alternatives Écono-

miques de décembre 2013 (1), le démographe François

Héran nous explique les raisons de la relative stabilité des

flux migratoires et de la quasi-impossibilité qu'ils dimi-

nuent.

Les statistiques parlent d'elles-mêmes

Il y a chaque année en France un peu moins

de 200 000 premiers titres de séjour accordés à des

étrangers et ce nombre est à peu près stable depuis

10 ans. Quand on analyse les motifs des demandes, on

obtient la répartition suivante (chiffres arrondis) :

- étudiants : 60 000.

- conjoints de Français : 50 000.

- regroupement familial : 35 000

- réfugiés : 18 000

- migrants économiques non saisonniers : 16 000

- divers : 12 000

Réduire le nombre d'étudiants étrangers condui-

rait à diminuer l'influence de la France et son rayonne-

ment culturel dans le monde et à renier la francophonie.

Et pour empêcher d'épouser qui l'on veut et de vivre en

famille, il faudrait, écrit François Héran, « résilier les con-

ventions internationales et mettre la France au ban des

nations ».

Immigration économique et droit d'asile

Quant au discours récurrent sur la nécessité de

réduire l'immigration pour réduire le chômage, on

comprendra facilement que diviser par deux le

nombre de migrants économiques « n'est d'aucun se-

cours quand on a 3,3 millions de chômeurs » (1). D'au-

tant plus que, dans la plupart des secteurs qui font

appel à une nouvelle main-d'œuvre étrangère, il s'agit

d'emplois dont les Français ne veulent pas.

Il reste les 18 000 réfugiés acceptés chaque an-

née. La France n'est qu'au 10e rang dans l'Union euro-

péenne pour l'accueil des demandeurs d'asile et ne

peut pas prétendre faire preuve d'une grande généro-

sité. Et là, il y a un vrai problème de cohérence poli-

tique. Prenons l'exemple de la question syrienne. D'un

côté les dirigeants français fustigent, à juste titre, le

régime de Bachar El Assad et ses exactions contre sa

population, et de l'autre la France n'accueille que...

500 Syriens, au titre du droit d'asile - dix fois moins

que l'Allemagne et alors que le Liban en accueille plus

d'un million et la Turquie 300 000 !

On voit bien, à la lumière des statistiques, que la

proposition du FN de réduire d'un facteur 10 le

nombre d'entrées, ou même celle de la droite de le

diviser par 2, sont aussi absurdes qu'irréalistes et n'ont

que des objectifs populistes jouant sur un fantasme

d'invasion totalement infondé.

Gérard Mamet

(1) « Nous sommes tous des Français involontaires »,

Alternatives Économiques n° 330, décembre 2013, pp

67-68.

Immigration en France

LA RÉALITE DES NOMBRES

Page 19: FV Janvier 2014

19

Grogne. Selon CSA, les Français ont une vision

négative des partis politiques, des syndicats, du Parle-

ment, du droit de vote des étrangers aux municipales,

de la dépénalisation du cannabis, des 35 heures, du

mariage pour tous et de la fin du service militaire ! Fina-

lement, il n'y a que d'eux-mêmes qu'ils ont une vision

positive, les Français.

Lapsus. Bernard Debré, l'un des protecteurs de

NKM, estime que, quand les listes de cette dernière

seront bouclées, « ça aura une belle gueule ». On sup-

pose qu'il veut dire une sale gueule.

Gestuelle. Le type qui traduisait en langue des

signes les discours prononcés pendant la cérémonie

d'hommage à Mandela était un usurpateur. À n'en pas

croire ses yeux ni ses oreilles !

Vichnou. Jugeant « contre nature » l'homo-

sexualité (un crime selon la Cour suprême indienne), un

membre du parti nationaliste hindou BJP estime : « Si

nos parents avaient été homosexuels, nous ne serions

pas nés. » Ils ne l'ont pas été, hélas !

Fiable ? Il a été chevènementiste, puis socia-

liste, porte-parole de Guérini, puis écolo. Si seuls les

imbéciles ne changent pas d'avis, Karim Zéribi, ex-

footballeur, membre des « Grosses Têtes » de RTL et

star d'EÉLV à Marseille, doit être sacrément intelligent.

Nuance. La socialiste Isabelle Thomas princi-

pale responsable du maintien, par le Parlement euro-

péen, du chalutage en eaux profondes – une « victoire

de la raison », selon elle. Faut dire qu'au PS, elle est

secrétaire nationale à la protection du littoral, pas des

grands fonds.

Ouf ! Le pape François confirme qu'il n'est pas

marxiste. C'est rassurant. Pour Marx.

Bingo ! En association avec Renault et

Dongfeng (l'entreprise chinoise qui aura une usine

commune avec le groupe français), La Feuille Verte

organise un grand concours : le premier lecteur à pro-

poser plus con qu'un 4 x 4 urbain gagnera un 4 x 4

urbain !

Analphabète. Bernard Accoyer (se) demande

ce « qu'apporterait de plus Nadine Morano au Parle-

ment européen », lui reprochant entre autres de ne

pas être bilingue. Faudrait déjà qu'elle apprenne une

langue, la sienne.

Tricolore. Notre Rafale est « le meilleur avion

du monde », et aucun pays n'en veut ! Les étrangers

sont vraiment des cons !

Particules. Au Japon, le diesel est interdit. Au

Danemark et en Suisse, il est inexistant, car fortement

taxé. Aux États-Unis, il est plus cher que l’essence.

Pour le commentaire, voir ci-dessus.

Orthodoxe. Le père de Nadejda Tolokonniko-

va, l'une des Pussy Riot emprisonnées, comptait « lui

faire passer un colis avec dedans une icône de la

Vierge ». Manque de bol, elle est amnistiée ! Papa va

devoir revendre l'icône.

CQFD. Selon Patrick Menucci, Vincent Peillon

« applique tout ce que l'on a toujours dit dans l'opposi-

tion, mais il n'a pas le soutien qu'il mérite ». L'un expli-

quant peut-être l'autre.

UN MOIS, ÉMOIS, ET MOI (1)

Dessin publié avec

l’aimable autorisa-

tion de

Charlie Hebdo

Dessin publié

avec l’aimable

autorisation

de

Charlie Hebdo

Page 20: FV Janvier 2014

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Crash. Accident d'hélicoptère : disparition du pro-

priétaire d'un vignoble bordelais et de son acheteur, un

milliardaire chinois. Boire ou conduire un hélico, il faut

choisir.

Olé ! L'Espagne de Mariano Rajoy inscrit la religion

au programme du bac, supprime l' « éducation pour la

citoyenneté », revient sur le droit à l'avortement, etc.

Faut avouer qu'il y a bien une différence entre la droite

et la gauche. En Espagne, du moins.

Voyou. François Bayrou blessé à une main en es-

sayant d'escalader un grillage pour voir un match de rug-

by. Le monde politique va-t-il encore longtemps tolérer

ce hooligan ?

Lorraine. La Morano fustige le « mépris de nos

traditions » dont aurait fait preuve le président de la

République en ne nous souhaitant pas assez tôt un

« joyeux Noël ». Deux commentaires : 1) Hollande re-

monte brutalement dans mon estime. 2) Il n'y aura donc

personne pour claquer définitivement le clapet de cette

conne ?

Famille. Jang Song-taek, l'oncle du jeune leader

nord-coréen Kim Jong-un, a « avoué ses crimes » avant

d'être condamné et exécuté : il refusait d'emmener son

neveu à Disneyland.

J'enrage. Au Congrès d'EÉLV, une motion

ponctuelle intitulée « La Disparition » (à faire se re-

tourner Perec dans sa tombe) prônait le « genrage »

systématique des textes. Elle a certes été repoussée,

mais près d'un votant sur deux a estimé que le mas-

sacre de la langue française ferait progresser la condi-

tion féminine. Ça fait peur.

Calissons. Maryse Joissains, maire d'Aix-en-

Provence, en garde à vue pour une affaire d'emplois

fictifs, de trafic d'influence et de détournement de

fonds. Après les Balkany, après Guéant et tant

d'autres, les sarkozystes n'ont pas fini de nous plaire.

Piste. L'ex-pilote de F1 Schumacher s'écra-

bouille le crâne en faisant du ski. Même pas foutu de

se tuer au boulot.

Solution ? Sous prétexte de défendre les

troupeaux, José Bové (député européen Vert, rappe-

lons-le !) veut abattre le loup en Suisse. Si on donnait

du Bové aux loups, vous croyez qu'ils le boufferaient ?

Gérard Roy

(1) Euh... finalement... c'était pas une très

bonne idée, les Échotidiens... Ça oblige – si on ne veut

pas tricher – à trouver quelque chose à dire même les

jours où toute inspiration fait défaut, et inversement à

opérer un choix cornélien les jours où les événements

se bousculent. Exit, donc, le très temporaire Éphémé-

ride...

Dessin publié

avec l’aimable

autorisation de

Charlie Hebdo

Encore un peu de Charlie Hebdo ?

Page 21: FV Janvier 2014

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Dans les résolutions de 2014, il est possible, voire souhaitable, de prendre (reprendre) son adhésion à EELV dès le mois de

janvier. Plutôt que de reporter cela à plus tard et d’oublier fatalement, dites-vous qu’il faut le faire dès maintenant.

Page 22: FV Janvier 2014

14, rue de la République 25000 Besançon / 03 81 81 06 66 / http://franchecomte.eelv.fr/

Les vœux traditionnels