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Événement 4 Les Nouvelles Fiscales Nº 1196 - 15 MARS 2017 Règle de l’intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit : le contribuable peut s’en prévaloir même en cas d’erreur délibérée La question des modalités d’application de la règle de l’intangibilité du bilan d’ouverture du premier exercice non prescrit fait l’objet d’un contentieux fourni et d’une actualité jurisprudentielle régulière. Dans un récent arrêt rendu en formation plénière le 5 décembre 2016, le Conseil d’ État juge que l’administration fiscale n’est pas en droit de corriger une surestimation de l’actif net du bilan d’ouverture du premier exercice non prescrit, même si cette surestimation procède d’une erreur délibérée du contribuable, dans la mesure où l’application de la règle de l’intangibilité du bilan d’ouverture du premier exercice non prescrit n’est pas subordonnée à la bonne foi de l’intéressé. CE, 5 déc. 2016, n° 398859, Société Orange SA. Rappel des faits et de la procédure Dans l’affaire ayant donné lieu à la décision commentée, la société Orange, ancienne- ment France Télécom SA (ci-après la Socié- té) avait comptabilisé, à la clôture des exer- cices 2002 et 2003, des provisions pour dépréciation des titres d’une filiale membre de son périmètre d’intégration fiscale, la société Cogecom. Ces provisions comptabilisées n’avaient pas été déduites fiscalement alors même qu’il résultait de l’instruction que ces dernières remplissaient l’ensemble des conditions po- sées par l’article 39 du Code général des im- pôts (CGI), dans sa version alors en vigueur, pour être déduites du résultat fiscal de la Société au titre des exercices 2002 et 2003. Corrélativement et s’agissant d’un groupe fiscalement intégré, aucune neutralisation n’avait été pratiquée pour la détermination du résultat d’ensemble du groupe fiscal. Au cours de l’exercice 2005, la dissolution sans liquidation de la filiale Cogecom avait été décidée entraînant de facto la transmis- sion universelle de son patrimoine au béné- fice de la Société. Cette opération avait été assortie, au plan fiscal, d’un effet rétroactif au premier jour de l’exercice 2005. À cette occasion, une perte avait été constatée et les provisions pour dépréciation de titres non déduites fiscalement avaient été réintégrées au ré- sultat de la Société. Jean-Christophe BOUCHARD Avocat associé NMW Avocats Rémi CASTEBERT Avocat à la Cour NMW Avocats NF1196_P04_P07_EVENEMENT.indd 4 24/02/2017 14:08

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Fiscalité des entreprises

Événement

4 Les Nouvelles Fiscales Nº 1196 - 15 MARS 2017

Règle de l’intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit : le contribuable peut s’en prévaloir même en cas d’erreur délibéréeLa question des modalités d’application de la règle de l’intangibilité du bilan d’ouverture du premier exercice non prescrit fait l’objet d’un contentieux fourni et d’une actualité jurisprudentielle régulière. Dans un récent arrêt rendu en formation plénière le 5 décembre 2016, le Conseil d’État juge que l’administration fiscale n’est pas en droit de corriger une surestimation de l’actif net du bilan d’ouverture du premier exercice non prescrit, même si cette surestimation procède d’une erreur délibérée du contribuable, dans la mesure où l’application de la règle de l’intangibilité du bilan d’ouverture du premier exercice non prescrit n’est pas subordonnée à la bonne foi de l’intéressé.CE, 5 déc. 2016, n° 398859, Société Orange SA.

Rappel des faits et de la procédureDans l’affaire ayant donné lieu à la décision commentée, la société Orange, ancienne-ment France Télécom SA (ci-après la Socié-té) avait comptabilisé, à la clôture des exer-cices 2002 et 2003, des provisions pour dépréciation des titres d’une filiale membre de son périmètre d’intégration fiscale, la société Cogecom.

Ces provisions comptabilisées n’avaient pas été déduites fiscalement alors même qu’il résultait de l’instruction que ces dernières remplissaient l’ensemble des conditions po-sées par l’article 39 du Code général des im-pôts (CGI), dans sa version alors en vigueur, pour être déduites du résultat fiscal de la Société au titre des exercices 2002 et 2003.

Corrélativement et s’agissant d’un groupe fiscalement intégré, aucune neutralisation n’avait été pratiquée pour la détermination du résultat d’ensemble du groupe fiscal.

Au cours de l’exercice 2005, la dissolution sans liquidation de la filiale Cogecom avait été décidée entraînant de facto la transmis-sion universelle de son patrimoine au béné-fice de la Société.

Cette opération avait été assortie, au plan fiscal, d’un effet rétroactif au premier jour de l’exercice 2005. À cette occasion, une perte avait été constatée et les provisions pour dépréciation de titres non déduites fiscalement avaient été réintégrées au ré-sultat de la Société.

Jean-Christophe BOUCHARDAvocat associé NMW Avocats

Rémi CASTEBERT Avocat à la Cour

NMW Avocats

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5Nº 1196 - 15 MARS 2017 Les Nouvelles Fiscales

Fiscalité des entreprises

Afin de neutraliser les conséquences fiscales résultant de l’imposition de la reprise des provisions déductibles fis-calement, la Société avait déduit extra-comptablement cette reprise de provision pour la détermination de son résultat imposable individuel de 2005.

Suite à une vérification de comptabilité, au titre de laquelle l’exercice 2005 était le premier exercice non prescrit, l’ad-ministration fiscale a rejeté la neutralisation fiscale de la re-prise de provision au motif que celle-ci devait être mainte-nue dans le résultat imposable, alors même que la dotation n’avait pas donné lieu à une déduction fiscale.

La Société a contesté les compléments d’imposition mis à sa charge suite à l’imposition de la reprise de la provision liti-gieuse. Par un jugement du 4 juillet 2013(1), le Tribunal admi-nistratif de Montreuil a rejeté cette demande. Par un arrêt du 18 février 2016, la Cour administrative d’appel de Versailles a rejeté l’appel formé par la Société contre ce jugement(2). La Société a alors déposé un pourvoi en cassation auprès du Conseil d’État.

Dans cette affaire, l’administration fiscale arguait, à l’ap-pui de sa position, que la Société avait l’obligation de dé-duire fiscalement ses dotations aux provisions et que l’ab-sence de déduction de ces provisions par la Société de son résultat fiscal lors de leur constitution était sans influence sur le traitement fiscal de leur réintégration qui demeu-rait, selon elle, imposable.

Dans ces conditions, et alors même que l’exercice de re-prise de la provision était le premier exercice non prescrit qui est non modifiable car identique au bilan de clôture d’un exercice atteint par la prescription, l’administration fiscale en déduisait qu’elle était en droit de corriger, à rai-son de cette omission, la surestimation du bilan d’ouver-ture de cet exercice et de tirer ensuite les conséquences de la reprise de la provision pour la détermination du ré-sultat fiscal de cet exercice.

L’administration fiscale considérait, en outre, que la règle de « l’intangibilité du bilan d’ouverture du premier exercice non prescrit » ne lui était pas imposable dès lors que, se-lon elle, l’absence de déduction des dotations litigieuses ne constituait pas une simple omission ou erreur mais une er-reur délibérée commise par la Société.

La question soumise au Conseil d’État dans cette affaire consistait donc à savoir si l’administration fiscale était en droit, en présence d’une erreur délibérée(3) du contri-

(1) TA Montreuil, 4 juill. 2013, n° 1110039.

(2) CAA Versailles, 18 févr. 2016, n° 13VE02491.

(3) L’erreur délibérée reposait, selon l’Administration, d’une part, sur le fait qu’au sein du même groupe d’intégration fiscale, le traitement fis-cal des provisions pour dépréciation des participations n’avait pas été identique alors qu’elles avaient la même origine et, d’autre part, alors qu’en application des dispositions des articles 223 B, alinéa 4 et 223 D, alinéa 6 du CGI, la déduction de la provision litigieuse serait restée neutre pour la détermination du résultat d’ensemble du groupe, sur le

buable, de corriger la surestimation de l’actif net du bilan du premier exercice non prescrit sans qu’il soit possible de lui opposer l’intangibilité dudit bilan.

Déduction obligatoire des provisions fiscalement déductiblesEn l’espèce, l’administration fiscale a fait application de la solution récemment dégagée par le Conseil d’État dans un arrêt SAS Foncière du Rond-Point de 2013(4). Dans cette af-faire, la Haute juridiction a adopté la position de principe selon laquelle une provision constituée dans les comptes d’un exercice doit être déduite du résultat fiscal de ce même exercice sauf si des règles propres au droit fiscal s’y opposent. Le Conseil d’État en a déduit qu’une absten-tion de déduction fiscale de la provision fiscalement dé-ductible ne permet pas d’échapper à l’incorporation de sa reprise dans le résultat imposable(5).

Le raisonnement suivi pour parvenir à cette conclusion consiste à considérer que la non-déduction de la provi-sion est à l’origine d’une surestimation de l’actif net de l’entreprise.

Il résulte donc de ce qui précède que l’Administration est en droit de corriger cette surestimation à l’ouverture de l’exercice au cours duquel la provision est reprise dans les comptes en y inscrivant cette provision. Corrélativement une variation positive de l’actif net est constatée au titre de cet exercice dont elle peut tirer les conséquences pour la détermination du résultat imposable(6).

Le Conseil d’État a indiqué dans sa décision susmention-née que la surestimation de l’actif net découlant de la non-déduction de la provision peut toutefois, par appli-cation de la règle de la correction symétrique des bilans,

choix de l'entreprise lui permettant d’éviter, dès lors que serait déci-dée la sortie de la société filiale de l’intégration, les effets s’attachant à la « déneutralisation » de la reprise.

(4) CE, 23 déc. 2013, n° 346018, SAS Foncière du Rond-Point.

(5) Le Conseil d’État juge que la décision de ne pas déduire fiscalement une provision dotée comptablement qui remplit les conditions de déductibilité n’est pas une décision qui serait opposable à l’Admi-nistration et qui ne pourrait être remise en cause à l’occasion d’un redressement, et qu’il ne saurait davantage être invoqué, pour faire obstacle au redressement au titre de l’exercice au cours duquel la perte anticipée est constatée et la provision est reprise, un quel-conque principe d’indissociabilité ou de symétrie entre déduction préalable de la provision initiale et le caractère imposable de sa re-prise.

(6) En effet, en application des dispositions du 2 de l’article 38 du CGI : « Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l’actif net à la clôture et à l’ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l’impôt diminuée des suppléments d’apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l’exploitant ou par les associés. L’actif net s’entend de l’excédent des valeurs d’actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. »

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6 Les Nouvelles Fiscales Nº 1196 - 15 MARS 2017

Fiscalité des entreprises

donner lieu à une correction dans les bilans des exercices antérieurs pour autant qu’elle ne revête pas, pour le contribuable un caractère délibéré(7). Ces corrections sy-métriques doivent être appliquées aux bilans d’ouverture et de clôture des exercices non prescrits jusqu’au bilan d’ouverture de l’exercice de constitution de ladite provi-sion, qui reste inchangé(8).

La jurisprudence SAS Foncière du Rond-Point à l’épreuve du principe de l’intangibilité du bilan du premier exercice non prescrit

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt commenté, l’ad-ministration fiscale était confrontée au fait que le bilan d’ouverture qu’elle entendait corriger conformément à la lettre de la jurisprudence SAS Foncière du Rond-Point était le bilan d’ouverture du premier exercice non prescrit.

Or, le droit à correction des erreurs comptables par l’ad-ministration fiscale ou par le contribuable est limité par la règle de « l’intangibilité du bilan d’ouverture du premier exercice non prescrit »(9).

Cette règle de l’intangibilité, initialement instaurée de fa-çon prétorienne, trouve son origine dans le fait que corri-ger le bilan d’ouverture du premier exercice non prescrit revient à corriger le bilan d’un exercice prescrit.

C’est pour éviter cette conséquence que le juge de l’impôt a instauré la règle dite « d’intangibilité du bilan d’ouver-ture du premier exercice non prescrit ».

Cette règle repose sur l’idée qu’un bilan d'ouverture d’un exercice est nécessairement identique aux écritures du bi-lan de clôture de l’exercice précédent qui, se rapportant à un exercice prescrit, expriment une valeur d’actif net regardée comme définitive. Par conséquent, si un bilan de clôture d’un exercice prescrit comporte des erreurs qui ont entraîné une sous-estimation (ou une surestimation) de l’actif net, celles-ci ne peuvent plus en principe être corrigées dans ce bilan, puisqu’elles sont atteintes par la prescription.

Cette construction prétorienne a été abandonnée par le Conseil d’État dans sa décision d’assemblée Ghesquière

(7) Il résulte d’une jurisprudence ancienne que le contribuable ne peut pas demander la mise en œuvre de la correction symétrique des bilans s’il est établi qu’il a commis une erreur délibérée (CE, plén., 24 nov. 1971, n° 75549).

(8) Le litige tranché par l’arrêt SAS Foncière du Rond-Point présentait à cet égard une particularité puisqu’il concernait une période non couverte par la règle de l’intangibilité du bilan d’ouverture de la pé-riode non prescrite.

(9) Voir notamment : CE, 20 déc. 1952, n° 86821 ; CE, 18 déc. 1954, n° 10187 et CE, plén., 31 oct. 1973, n° 88207 pour la réintroduction de la règle.

du 7 juillet 2004(10), avant d’être rétablie, avec toutefois certaines réserves(11), par la loi de finances rectificative du 30 décembre 2004 qui a introduit un 4 bis à l’article 38 du CGI inchangé depuis lors.

En l’espèce, l’application de la jurisprudence SAS Foncière du Rond-Point aboutissait à méconnaître cette règle, ce que l’administration fiscale entendait justifier par l’exis-tence d’une erreur délibérée de la Société.

L’intangibilité du bilan d’ouverture est une règle objective

Dans la décision commentée, le Conseil d’État censure la position de l’administration fiscale en annulant l’arrêt de la cour administrative d’appel pour erreur de droit au mo-tif que :

« En prenant ainsi en compte le caractère selon elle dé-libérément irrégulier de l’omission de déduction fiscale des provisions litigieuses, la cour a commis une erreur de droit. Par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, la société Orange est fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque. »

Cette solution est adoptée conformément aux conclu-sions du rapporteur public. En effet, ce dernier, Vincent Daumas, estimait que la règle de l’intangibilité du bilan d’ouverture, en tant qu’elle fixe une limite aux corrections que l’Administration peut apporter aux bilans déposés par les entreprises, est étroitement liée à la prescription du droit de reprise de l’Administration et que, toujours selon lui, elle présente le caractère d’une règle objective et son application ne peut donc pas dépendre du comportement des contribuables.

Cette solution est, à notre sens, difficilement critiquable, dans la mesure où la position de l’administration fiscale aurait abouti à écarter la prescription de l’article L. 169 du Livre des Procédures fiscales (LPF), ce qui aurait conduit à une remise en cause du droit à l’oubli du contribuable et à une situation d’insécurité juridique.

Par conséquent, il serait donc nécessaire de raisonner dif-féremment à propos de l’intangibilité du bilan d’ouverture et de la règle de correction symétrique des bilans, même si leur application est fréquemment liée en pratique.

(10) CE, 7 juill. 2004, n° 230169, Min. c/ SARL Ghesquière Équipement.

(11) Parmi les dérogations énoncées au 4 bis de l’article 38 du CGI, fi-gure, en son deuxième alinéa, l’hypothèse dans laquelle l’entreprise apporte la preuve que les omissions ou erreurs sont intervenues plus de 7 ans avant l’ouverture du premier exercice non prescrit. Dans ce cas, la règle de l’intangibilité du bilan ne trouve pas à s’appliquer.

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Événement

7Nº 1196 - 15 MARS 2017 Les Nouvelles Fiscales

Fiscalité des entreprises

Effet de l’intangibilité du bilan d’ouverture en fonction de la date de constitution de la provision

Sont ici précisées les conséquences résultant des prin-cipes posés par la décision SAS Foncière du Rond-Point en fonction de la date à laquelle intervient le contrôle et de la qualification attribuée à l’erreur commise par le contribuable comme étant à caractère délibéré ou non.

Premièrement, dans l’hypothèse où la constitution de la provision serait intervenue au titre d’un exercice non prescrit, le contribuable soumis à la taxation de la re-prise de cette provision, à l’occasion d’un contrôle sur le fondement de l’application de la jurisprudence SAS Foncière du Rond-Point, pourrait demander la correction symétrique du bilan de clôture et du bilan d’ouverture du ou des exercices précédents en remontant jusqu’à l’exercice de constitution de la provision. Au titre de l’exercice de constitution de la provision, il conviendrait de corriger le seul bilan de clôture surestimé du fait de la non-déduction de la provision comptabilisée. Ce méca-nisme de correction des bilans conduirait donc à consta-ter une diminution d’actif net au titre de l’exercice au cours duquel la provision a été dotée dans les comptes, autorisant ainsi une déduction fiscale équivalente. Les conséquences financières du rehaussement seraient donc neutralisées.

Deuxièmement, dans l’hypothèse où la constitution de la provision serait intervenue au titre d’un exercice pres-crit, l’application de la correction symétrique des bilans, sous réserve du caractère non délibéré de l’erreur, aurait comme butoir le premier exercice non prescrit en raison de l’intangibilité du bilan d’ouverture dudit exercice. Une variation négative de l’actif net devrait donc être consta-tée au titre de cet exercice sauf à ce que le contribuable apporte la preuve que ces omissions ou erreurs sont inter-venues plus de 7 ans avant l’ouverture du premier exercice non prescrit.

Appréciation de l’erreur délibérée en matière de correction symétrique des bilansDans l’affaire ici commentée, le Conseil d’État n’a pas eu à se prononcer sur la notion « d’erreur délibérée », dans la mesure où celui-ci a jugé que l’application de l’intangibilité du bilan d’ouverture, seule en jeu en l’espèce, était indé-pendante du caractère délibéré ou non de l’erreur commise.

La question de la qualification de « l’erreur délibérée » n’a pas, à notre connaissance, fait l’objet d’une définition pré-torienne et résulte de l’appréciation des circonstances de faits de chaque affaire. Sur ce point et à titre d’exemple, on rappellera que le Conseil d’État a récemment jugé que le maintien au bilan d’une provision injustifiée même ré-alisé plus de 7 ans avant l’ouverture du premier exercice non prescrit constituait la répétition d’une erreur excluant l’exception à la règle d’intangibilité du bilan et interdisant au contribuable de procéder à sa correction(12).

Dans ses conclusions sous l’arrêt commenté, le rappor-teur public apporte néanmoins d’utiles précisions concer-nant cette notion « d’erreur délibérée » interdisant aux contribuables de demander à bénéficier de la correction symétrique de leur bilan. Il énonce en effet que la dé-monstration du caractère délibéré d’une erreur suppose qu’il soit établi que le contribuable a entendu sciemment s’écarter de la loi fiscale, compte tenu du contexte dans lequel l’erreur a été commise et de la connaissance qu’il avait de la législation. Mais, il considère que l’interpréta-tion faite de la législation par la jurisprudence à une date postérieure à l’exercice vérifié ne peut lui être opposée.

Au cas particulier, au regard de cette définition, celui-ci a estimé que la preuve du caractère délibéré de l’erreur commise par le contribuable n’était pas apportée dans cette affaire en raison de l’incertitude qui s’attachait alors aux conséquences de la non déduction fiscale d’une provi-sion constatée dans les comptes. n

(12) CE, 11 mai 2015, n° 370533, Société A Promotion.

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