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DROIT FISCAL INTERNATIONAL

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Par le professeur Jacques MALHERBE

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DROIT FISCAL INTERNATIONAL

Prcis de la Facult de Droit de lUniversit Catholique de Louvain

DROIT FISCAL INTERNATIONALIMPTS SUR LES REVENUS THORIE GNRALE DROIT BELGE LMENTS DE DROIT COMPARpar

Jacques MALHERBEProfesseur lUniversit catholique de Louvain Avocat au barreau de Bruxelles

Maison LARCIER, s.a. 39, rue des Minimes

1000 BRUXELLES1994

D/1994/0031/42 ISBN du prsent ouvrage : 2-8044-0128-6 ISBN de la collection Prcis de la Facult de droit de lU.C.L. : 2-8044-0012-3 ! Maison LARCIER, s.a., Bruxelles, 1994

Tous droits de reproduction, de traduction et dadaptation, mme partielles, sous quelque forme que ce soit, rservs pour tous pays.

Ed. resp. : D. Vercruysse, adm. dl., dir. gn., rue des Minimes 39, 1000 Bruxelles.

Les revenus de lEtat sont une portion que chaque citoyen donne de son bien pour avoir la sret de lautre. Montesquieu , De lEsprit des lois.

AVANT-PROPOSCe livre est n de lenseignement. Il est donc le fruit dun dialogue avec des gnrations dtudiants que je tiens remercier pour leur patience, leurs remarques et leurs encouragements : tudiants de lUniversit catholique de Louvain pour les droits belge et europen, tudiants des Universits de Paris I (Panthon-Sorbonne), de Paris XII (Saint-Maur), de lUniversit de Bourgogne et de lcole suprieure des sciences fiscales (ICHEC, Bruxelles) pour le droit compar, tudiants des Facults dAnvers et de la Vlaamse Economische Hogeschool. Remonter dans le pass, cest me rappeler avec reconnaissance ceux qui mont introduit au droit fiscal. Mes parents, Maurice et Nadine Malherbe, pratiquant respectivement le droit civil et lhistoire ancienne, mont signal lsotrisme attirant de cette discipline alors peu populaire. Mes patrons, John Maes et les btonniers Henri et Lucien Simont, ont guid un stagiaire et collaborateur. Paul Sibille, lcole suprieure des sciences fiscales, le doyen Pierre Coppens, qui maccueillit Louvain comme son assistant, Marc Baltus, au Journal de droit fiscal, et, en France, Gilbert Tixier, Maurice Cozian, Guy Gest, JeanPierre Casimir et Bernard Castagnde mont aid tout au long de la route universitaire. Lenseignement de Paul Coart-Frsart Louvain, dOliver O. Oldman, dErwin N. Griswold et de Stanley S. Surrey Harvard ma laiss le plus stimulant des souvenirs. Leonard L. Silverstein et les membres du Tax Management International Forum ont anim une recherche comparative permanente. Isabelle Heenen, ma femme, ma aid dans la premire rdaction de ces textes et Philippe Malherbe, mon frre, partage depuis des annes lenseignement et la recherche qui en furent la base lcole suprieure des sciences fiscales. Christine Schotte, Olivier Bertin et Olivier Van Herstraeten, assistants lUCL, ont corrig et amlior les preuves. Isabelle Van Cleemput a vrifi la bibliographie.

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avant-propos

Viviane Taymans et Danielle Rykers ont revu avec quanimit des dactylographies successives. Les erreurs et les imperfections sont ma seule responsabilit. Lvolution annuelle de la lgislation et les observations des lecteurs moffriront sans doute loccasion de les corriger. Les notes renvoient au Code des impts sur les revenus de 1992 et larrt royal dexcution du Code de 1992. Le commentaire administratif cit se rfre encore aux articles du Code ancien. Les exemples ne tiennent pas compte de la contribution complmentaire de crise ajoutant trois centimes additionnels aux impts et prcomptes belges. Jacques Malherbe

INTRODUCTION

Si le droit fiscal est lensemble des rgles de droit en vertu desquelles un Etat prlve des impts, cest--dire impose des contributions qui ne sont pas la rmunration dune prestation dtermine, le droit fiscal international prsente un rapport renforc avec le concept de souverainet nationale sexerant sur un territoire (1). Les situations gnratrices de la dette dimpt prsenteront souvent un aspect dextranit. Les Etats pourront ignorer celle-ci et prlever limpt. Ils raliseront souvent quils ont avantage limiter cette perception, soit unilatralement, souvent charge de rciprocit, soit conventionnellement, en vertu de traits bilatraux, voire multilatraux. Le droit fiscal international sera donc, au premier chef, lensemble des rgles de droit interne ou international rgissant la perception de limpt en rapport avec des faits gnrateurs comportant au moins un lment dextranit. Dans une perspective plus large, voire comparatiste, le droit fiscal international sera ltude des techniques juridiques appliques limposition de situations transfrontalires (2). Il sagit l dune problmatique essentielle, notamment pour lamnagement des systmes dimposition des socits dans une perspective defficacit et dlimination des distorsions (3). La source loi interne ou trait international importera peu, puisque les sources de droit proprement internationales nont deffet dans les systmes tatiques que par la rception de la rgle internationale en droit positif interne. En revanche, certaines rgles supranationales peuvent avoir un effet direct en droit interne (4).

(1) Pour une vision politique : Ruding , Fiscal Sovereignty in the Internal Market , Intertax, 1991, p. 249. (2) Rp. intern., v o Impts , p. 138, n o 5. Cfr G. Joseph, L. Hinnekens, J. Malherbe, J. van Hoorn Jr., Het Belgisch internationaal belastingrecht in ontwikkeling. Nieuwe wegen voor het Belgisch internationaal belastingrecht ?, 1993, spc. L. Hinnekens, De territorialiteit van de inkomstenbelastingen op nieuwe wegen en grondslagen , pp. 3 et s. (3) Voy. O.C.D.E., Limposition des bnfices dans une conomie globale, Questions nationales et internationales, Paris, 1991. (4) Sur la thorie de leffet direct, voy. not. C.J.C.E., 4 dcembre 1974, aff. n o 41/ 74, Rec., 1974, p. 1337.

CHAPITRE PREMIER. DOUBLE IMPOSITION Section 1. Dfinitions Ltat qui a instaur un systme dimpts sur les revenus est confront un double problme fiscal naissant des relations internationales des contribuables. Il doit dfinir ltendue de sa juridiction fiscale. 1. Imposera-t-il les personnes domicilies sur son territoire et les entreprises qui y ont leur sige sur leur revenu mondial, de source nationale et trangre, ou se bornera-t-il les imposer sur les revenus trouvant leur source dans le pays, laissant limposition des revenus trangers aux pays o ces revenus sont ns ? 2. Imposera-t-il les personnes et les entreprises non rsidentes sur les revenus qui trouvent leur source dans le pays ? Dans les deux cas, il faudra dfinir : la rsidence des contribuables ; la source des revenus. Trs normalement, un tat imposera ses rsidents sur leur revenu mondial et les non-rsidents sur le revenu qui trouve sa source dans le pays. Cette imposition, pratique par plusieurs tats, peut engendrer une double imposition juridique internationale : la mme personne sera impose sur le mme revenu dans ltat de sa rsidence et dans ltat de la source du revenu. Il y aura encore double imposition : si deux tats dfinissent diffremment le critre dassujettissement global limpt, rsidence ou nationalit : une mme personne sera, par exemple, considre comme rsidente par deux tats ; si deux tats dfinissent diffremment le critre dassujettissement rel limpt, savoir la source du revenu. La double imposition juridique doit tre distingue de la double imposition conomique, par laquelle un mme revenu est impos charge de deux sujets de droit diffrents : le bnfice dune socit est,

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par exemple, impos dabord dans le chef de celle-ci, puis charge de lactionnaire lorsquil lui est distribu. La double imposition, nuisible aux relations conomiques internationales, peut tre limine unilatralement par chaque tat qui prend, cette fin, les mesures appropries. Elle peut galement tre limine par des traits bilatraux ou multilatraux. Section 2. Mthodes de prvention de la double imposition Deux mthodes permettent un tat, unilatralement (1) ou par trait, dviter la double imposition du premier type envisag. 1. Exemption Un tat renonce imposer certains types de revenus. Ltat de la rsidence nimpose pas certains revenus de source trangre, voire mme renonce imposer tous les revenus de source trangre : il applique, dans ce dernier cas, la taxation selon le principe de la source ou de la territorialit des revenus. Ltat de la source dun revenu renonce limposer. Applique par ltat de la rsidence, la mthode de lexemption revt deux formes. Lorsquil pratique lexemption intgrale, ltat de la rsidence nglige compltement le revenu tranger exempt et ntablit limpt que sur les autres revenus du contribuable. Lorsquil pratique lexemption avec rserve de progressivit, il prend le revenu exempt en considration pour dterminer le taux progressif dimpt applicable aux revenus non exempts. 2. Imputation Ltat de la rsidence permet ses contribuables dimputer sur limpt national limpt support ltranger sur leurs revenus de source trangre.(1) Voy. Juch, Rapport gnral, XXXV e Congrs international de droit financier et fiscal, Berlin, 1981, Les mesures unilatrales pour viter la double imposition , Cah. dr. fisc. int., 1981, vol. LXVIb, p. 47.

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Limputation intgrale permet la dduction de limpt national de la totalit de limpt tranger. Limputation limite ou ordinaire ne permet la dduction de limpt tranger que dans la mesure o il ne dpasse pas le montant de limpt national affrent au revenu tranger.

CHAPITRE II. LVASION FISCALE INTERNATIONALE La diversit des rgles et le cloisonnement des systmes nationaux permettent aux plus habiles ou aux moins honntes de se placer dans une situation de double non-imposition. Le concept dvasion fiscale (tax avoidance) vise les hypothses de recherche de la voie la moins impose par une utilisation anormale ou excessivement habile des dfinitions lgales et de leurs lacunes. Certes, lvasion fiscale se retrouve en droit interne, le lgislateur fiscal semblant ouvrir des chappatoires, presque intentionnellement. Mais elle est grandement facilite par lexistence des frontires. Lvasion se distingue de la fraude fiscale (tax evasion) qui, constitutive dun dlit, comportera, outre llment matriel, un lment intentionnel dfini par la loi (dol gnral ou dol spcial). Elle se distingue aussi mais malaisment de la simple stratgie fiscale (tax planning), qui consiste dans la recherche admissible de la voie la moins impose (1). Lvasion fiscale internationale est indissolublement lie lexistence de paradis fiscaux (tax havens ou Steueroasen), pays territorialement exigus, politiquement stables et offrant des services bancaires et financiers aussi sophistiqus que discrets. Les enfers fiscaux suscitent ou entretiennent ces paradis, comme dessein, souvent dans leur propre zone montaire (2).(1) Voy. Kirkpatrick , La libert de la voie la moins impose la lumire de la jurisprudence rcente , in Lentreprise et le choix de la voie la moins impose en droit fiscal belge, 1988, p. 13 ; Saunders, Principles of International Tax Planning , Tax Planning International Review, 1991, n o 12, p. 22. (2) Pour une approche pratique et corrosive, voy. Chambost, Guide des paradis fiscaux face 1992, 1990-1991. Cfr. aussi Gordon, Tax Havens and their Use by United States Taxpayers An Overview. A Report to the Commissioner of Internal Revenue, the Assistant Attorney General (Tax Division), and the Assistant Secretary of the Treasury (Tax Policy), 12 janvier 1981 ; Calderwood, International : Tax Havens : Concept, Magnitude of Problems and Methods Used , Eur. Tax., 1988, p. 330 ; Valenduc, Tax Havens and Fiscal Degradation in the European Community , E.C. Tax Review, 1994, p. 20.

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Le droit fiscal international sefforce de lutter contre lvasion et la fraude fiscales, soit par des mesures unilatrales dictes par les tats, soit par la voie de la coopration bilatrale ou multilatrale entre tats.

CHAPITRE III. TRAITS Lorsque deux pays, non contents de prendre des mesures unilatrales pour viter la double imposition, concluent une convention fiscale dans ce but, ladoption dun instrument international permet dabord dassurer, mieux que par le droit interne, llimination de la double imposition entre tat de la rsidence et tat de la source. Les tats dcideront en effet conventionnellement : de partager entre eux la matire imposable, certains lments du revenu ntant taxables que dans lun des deux pays ; dadopter, pour les lments qui peuvent tre imposs dans les deux pays, une mthode de prvention de la double imposition. Le contribuable sera ainsi protg contre les variations ou lasymtrie des lgislations internes. En outre, le trait permettra ldiction des dfinitions communes. Ainsi, en dfinissant la notion de rsidence ou la source de certains revenus, il vitera les deux occasions supplmentaires de double imposition voques ci-dessus : la double rsidence ; la localisation de la source dun revenu dans deux pays. Les traits ne sappliquent quaux impts quils numrent. Ainsi, aux tats-Unis, les traits ne couvrent que les impts fdraux et non ceux des tats de lUnion (1). Unitary taxation Certains tats de lUnion, tels la Californie, ont recouru, pour imposer les socits ayant une activit sur leur territoire, lapplication, non de la mthode directe, base sur le bnfice de ltablissement local, mais de la mthode proportionnelle : on impose une fraction du bnfice global de lentreprise, proportionnelle au chiffre daffaires, aux actifs et aux rmunrations localiss dans ltat. De plus, le bnfice global comprend, dans le cas dun groupe, le bnfice de toutes les filiales engages dans la mme activit, mme(1) Lazerow, U.S. Taxes Covered by Income Tax Treaties , International Tax Journal, vol. 14, 1987-1988, pp. 253 et 363.

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trangres (integrated economic unit). La Californie a cependant rcemment permis aux entreprises dopter pour la limitation de lassiette aux entits ayant une activit aux tats-Unis (waters edge) (1). Section 1. Historique 1 er. SDN Ds 1921, la Socit des Nations, consciente des problmes poss par la double imposition internationale, avait suscit des travaux destins y remdier. Ces travaux, poursuivis aprs 1929 par un Comit fiscal permanent, aboutirent la rdaction de modles de conventions fiscales bilatrales (modles de Mexico, arrts en 1943, revus Londres en 1946). 2. OCDE Cr en 1956, le Comit fiscal de lOrganisation europenne de coopration conomique (OECE), devenue en 1961, lOrganisation de coopration et de dveloppement conomique (OCDE), tablit en 1963 un premier projet de convention tendant viter les doubles impositions en matire dimpt sur le revenu et la fortune. Le Comit, devenu en 1971 Comit des affaires fiscales, entreprit, en 1967, la rvision de ce projet et aboutit en 1977 la rdaction dun nouveau modle de convention de double imposition concernant le revenu et la fortune, modifi en 1992 (2). 3. ONU Ces modles, sils taient adapts aux relations entre pays industriels, convenaient moins bien, certains gards, aux rapports entre(1) Leegstra, Eager et Stolte, The California Waters-Edge Election , International Tax Journal, vol. 14, 1987-1988, p. 101 ; Plant, Miller et Crawford, United States : California Unitary Taxation and Waters-Edge Election , Eur. Tax., 1989, p. 211 ; Burgner, United States : International aspects of state and local taxation , B.I.F.D., 1990, p. 112. (2) Hund , Towards a revised OECD-model tax treaty ? , Intertax, 1989, p. 212 ; Lthi, The revision of the 1977 OECD model convention An overview , Intertax, 1992, p. 653 ; Messere, The 1992 OECD Model Treaty : The Precursors and Successors of the New OECD Model Tax Convention on Income and Capital , Eur. Tax., 1993, p. 246.

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pays dvelopps et pays en dveloppement (1). Ltat de la source renonait frquemment son droit dimposition ou le limitait une faible retenue. Or, les transferts de revenus entre pays en dveloppement et tats industriels ne sont gnralement pas quilibrs par la rciprocit quentranent des activits conomiques comparables. Ils sont unilatraux, allant des pays en dveloppement vers les pays exportateurs de capitaux. Pour encourager la conclusion de conventions fiscales entre pays en dveloppement et pays dvelopps, le Conseil conomique et social de lOrganisation des Nations unies a, en 1967, pri le Secrtaire gnral de constituer un groupe de travail spcial. Le Groupe spcial dexperts des conventions fiscales entre pays dvelopps et pays en voie de dveloppement, cr en 1968, a, en 1974, adopt avec son huitime rapport un modle de convention des Nations unies concernant les doubles impositions entre pays dvelopps et pays en dveloppement. 4. Modles nationaux En outre, les tats-Unis ont dvelopp leur propre Trait modle (1981), actuellement retir pour rvision. Les Pays-Bas ont fait de mme (2). La mondialisation de la fiscalit est reflte dans un audacieux projet de code fiscal mondial, destin aux pays en dveloppement, y compris les pays de lEst, rcemment publi (3) et critiqu (4). 5. CEE Le Trait instituant les Communauts conomiques europennes contient galement des dispositions fiscales.(1) Tomsett, Tax Treaties Between Developing Countries of Asia and North America, Europe, Japan and Australia , Tax Planning International Review, 1985, vol. 12, n o 3, p. 9 ; Dornelles, The Relevance of Double Taxation Treaties for Developing Countries , B.I.F.D., 1989, p. 383. (2) Van Raad , The Netherlands model income tax treaty , Intertax, 1988, p. 241. (3) Hussey et Lubik, Basic World Taxe Code and Commentary, Tax Notes International, 1992, p. 1191. (4) Edgar, The Tax Treatment of Interest under the Basic World Tax Code, Tax Notes International, 1993, p. 347. Pour des vues prospectives, cfr Williams, Trends in International Taxation, 1991 ; Gammie et Robinson (ed.), Beyond 1992 : A European Tax System, Proceedings of the fourth IFS Residential Conference, Oxford, 1989.

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Alors que lharmonisation des impts indirects a dj abouti certaines ralisations concrtes, lharmonisation des impts directs navait t envisage par le Trait instituant la Communaut conomique europenne, sign Rome le 25 mars 1957, que de manire accessoire. Seul larticle 220 du Trait envisage llimination de la double imposition lintrieur de la Communaut. Il laisse cependant aux tats membres le soin dengager entre eux des ngociations cette fin. La Commission a toutefois labor diffrentes propositions de directives en matire dharmonisation des impts directs (1). Elle stait alors fonde sur larticle 100 du Trait, non spcifiquement fiscal, prvoyant le rapprochement des dispositions lgislatives, rglementaires et administratives des tats membres qui ont une incidence directe sur ltablissement ou le fonctionnement du march commun. Conformment cet article, les directives doivent tre prises lunanimit par le Conseil sur proposition de la Commission et aprs que le Parlement europen et le Comit conomique et social aient t consults. Les orientations de la Commission ont volu. Laction de la Commission en matire dharmonisation des impts directs sest concrtise par llaboration de propositions de directives concernant les domaines suivants : rgime fiscal commun applicable aux fusions, scissions et apports dactifs intervenant entre socits dtats membres diffrents ; rgime fiscal commun applicable aux socits mres et filiales dtats membres diffrents ; statut des socits anonymes europennes ; harmonisation des systmes dimpt des socits et des rgimes de retenue la source sur les dividendes ;(1) Thilmany, Lharmonisation des lgislations des tats membres de la C.E.E. en matires dimpts directs, R.P.S., 1981, p. 173 ; Scrivener, European Communities : Harmonization of Tax Law within the Community , Eur. Tax., 1990, p. 355 ; Hamaekers, The EC on the Brink of Full Corporate Tax Harmonization ? , Eur. Tax., 1992, p. 102 ; Timmermans, Harmonization of corporate tax within the EC , Intertax, 1992, p. 21 ; Ruding , Harmonization of Company Taxation in Europe , E.C. Tax Review, 1992, p. 68 ; Vanistendael, Some basic problems on the road to tax harmonization , Eur. Tax., 1993, p. 22 ; Mavraganis, EC, Corporate Income Tax Harmonization in the Nineties , B.I.F.D., 1993, p. 220 ; Sass, Harmonization of Corporation Tax Systems in the EC , E.C. Tax Review, 1993, p. 77.

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limination des doubles impositions dans le cas de correction des bnfices entre entreprises associes ; assistance mutuelle des autorits comptentes des tats membres dans le domaine des impts directs ; harmonisation des dispositions relatives limposition des revenus en relation avec la libre circulation des travailleurs lintrieur de la Communaut ; harmonisation des lgislations des tats membres relatives au rgime fiscal du report des pertes des entreprises ; rgime fiscal du groupement europen dintrt conomique ; harmonisation des rgles dterminant le bnfice imposable des entreprises (1). La Commission considre toujours que toute forme dimposition des entreprises est susceptible dentraner des distorsions conomiques parce quelle peut donner lieu des dcisions relatives la localisation, la nature et au financement des investissements qui nauraient pas t prises en dautres circonstances. Par consquent, pour assurer une neutralit fiscale complte, une harmonisation totale des rgimes nationaux dimposition des entreprises devrait tre envisage. Toutefois, la Commission souhaite aujourdhui se montrer rserve sur cette harmonisation et laisser les tats membres libres de dterminer leurs rgimes dimposition, sauf si ceux-ci entranent des distorsions importantes. Elle a donc renonc son projet dtablir un impt uniforme des socits lintrieur des frontires europennes. Entre-temps, elle a pris des mesures fiscales destines rsoudre les problmes fiscaux lis lachvement du march intrieur prvu pour 1993 (2).(1) Cette proposition est demeure officieuse. Kuiper , European Communities : EC Commission Proposes a Directive on the Harmonization of Rules for the Determination of Taxable Profits of Enterprises , Eur. Tax., 1988, p. 319. (2) van Thiel, Rattr et Mer , European Communities : Corporate Income Taxation and the Internal Market without Frontiers : Adoption of the Merger and Parent-Subsidiary Directives , Eur. Tax., 1990, p. 326 ; Langbein et Rosenbloom , The direct investment tax initiatives of the European Community : a view from the United States , Intertax, 1990, p. 452 ; Cazieux, Les rcents dveloppements du droit fiscal communautaire tat davancement des propositions fiscales en vue de lachvement du grand march intrieur , Fiscalit europenne Revue, 1989, n o 2, p. 3 ; Burgio, Une avance importante du droit fiscal europen : les textes adopts et proposs en matire de fiscalit des entreprises en 1990 , Fiscalit europenne Revue, 1990, no 4, p. 3 ; Fox , European Community Tax Directives , International Tax Journal,

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Les directives adoptes ont t mises en vigueur dans la plupart des tats membres (1) et de nouvelles propositions sont formules (2). La collaboration fiscale avec les pays de lEst a notamment donn naissance un projet complet de code fiscal, uvre du professeur Joachim Lang, qui reprsente en soi un effort dharmonisation potentielle (3)

Section 2. Rapports entre traits et droit interne Hirarchie des normes La question de la hirarchie des normes entre traits et droit interne est classique en droit constitutionnel et international (4). Les pays anglo-saxons adoptent gnralement une conception dualiste, dans laquelle les traits sont considrs comme rgissant les relations entre tats et nappartiennent pas comme tels lordre juridique interne. Ils y sont introduits par une loi qui nest pas dun rang suprieur celui des autres dispositions lgislatives. Une loi postrieure peut donc y droger mme si ltat, ce faisant, viole ses obligations internationales. Certains droits nuancent cette doctrine en faisant du trait une loi spciale, laquelle les lois ordinaires ne sont censes droger que si elles lindiquent expressment. Tel est le cas en Allemagne o cette rgle est codifie dans le 2 de lAbgabenordnung. La jurisprudence suisse admet la mme solution (5).vol. 17, 1990-1991, p. 45 ; de Hosson et Van Noordenne, Current Status of the Implementation of the Direct Tax Directives , E.C. Tax Review, 1992, p. 156. (1) Raby , National Implementation of the Parent-Subsidiary Directive : Some Problems and Opportunities Identified , E.C. Tax Review, 1992, p. 216 ; Sass, Implementation of the EC Merger and Parent-Subsidiary Directives and the Arbitration Convention , Tax Planning International Review, 1993, vol. 20, n o 7, p. 3. (2) Thmmes, The new EC Commissions proposals for directives on cross-border investments , Intertax, 1991, p. 158 ; Schelpe, Two New Proposals for a Directive Amending the Merger and Parent-Subsidiary Directives , E.C. Tax Review, 1993, p. 200. (3) Lang, Entwurf eines Steuergesetzbuchs im Auftrage der Bundesrepublik Deutschland vertreten durch den Bundesminister der Finanzen, Schriftenreihe des Bundesministeriums der Finanzen, Heft 49, Bonn, 1993. (4) Langbein, Double Taxation Agreements : caught in the conflict between National Law and International Law , Intertax, 1985, p. 145. (5) Vogel, Double Taxation Conventions, 1991, p. 18.

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droit fiscal international 1 er. Droit compar

A. tats-Unis Aux tats-Unis, tant la Constitution et les lois des tats-Unis que les traits conclus par ceux-ci forment le droit du pays (1). Les traits et les lois fdrales sont donc dun rang lgislatif gal. En cas de conflit, la disposition la plus rcente recevra application (2). Code de 1954 Toutefois, il tait admis quune loi ne serait considre comme drogeant un trait que si lintention dy droger rsultait clairement du texte de la loi ou des travaux prparatoires (3). De plus, deux dispositions lgislatives particulires traitaient de ce problme. La section 7852 (d) de lInternal Revenue Code disposait qu aucune disposition du prsent titre ne doit tre applique dans tous les cas o son application serait contraire une convention, conclue par les tats-Unis, en vigueur la date de la promulgation du prsent titre . Cette disposition donnait aux seuls traits conclus avant lentre en vigueur du Code de 1954 prminence sur les dispositions de ce dernier. Lors de la rforme fiscale de 1986, qui aboutit la promulgation du Code de 1986, les amendements prvus cette disposition furent omis par erreur. Lapplication du texte voulait ds lors que tous les traits postrieurs 1985 priment les dispositions du code. Une autre disposition, la section 894 (a), prvoyait que les revenus de toute nature, dans la mesure requise par une convention conclue par les tats-Unis, ne doivent pas tre inclus dans le revenu brut et doivent tre exempts dimpts [...] . Cette disposition assurait la prminence de tous les traits sur la loi, mais seulement dans la mesure o ils prvoyaient une exonration. Lois votes entre 1954 et 1986 Bien entendu, ces deux dispositions taient elles-mmes de nature lgislative et il pouvait y tre drog. Ainsi, le Revenue Act de 1962, qui crait notamment les controlled foreign corporations, cartait lap(1) Constitution des tats-Unis, art. VI, 2. (2) Reid. v. Covert, 354 US 1 (1956). (3) Cook v. US, 288 US 102 (1933).

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plication de la section 7852 (d) pour les modifications quil apportait au Code (1). Le Foreign Investors Tax Act de 1966 qui, supprimant notamment la force attractive de ltablissement stable, tait gnralement favorable au contribuable, assurait au contraire de faon gnrale la prminence des traits en vigueur sa date (2). Le Foreign Investment in Real Property Tax Act de 1980 incluait au contraire une disposition cartant lapplication des sections 894 (a) et 7852 (d) aux rgles quil introduisait en vue de la taxation dans le chef des non-rsidents des plus-values sur immeubles et sur parts de socits holdings immobilires amricaines. Il prvoyait que les clauses contraires des conventions cesseraient de sappliquer aprs le 1 er janvier 1985 (3). Le systme amricain de la prminence des traits sur les lois a donc toujours t une prminence temporaire (4). Lois de 1988 Le Technical and Miscellaneous Revenue Act de 1988 (Tamra) modifie les sections 7852 (d) et 894 de faon renforcer la prminence des lois postrieures aux traits sur ceux-ci, tout en clarifiant le domaine des modifications apportes aux traits par la rforme fiscale de 1986. Il est dabord prvu, par un retour la disposition du Code de 1954, que les traits antrieurs celui-ci conservaient leur primaut (5). En revanche, toute disposition postrieure au Code de 1954 peut modifier ces traits. Le texte confirme galement la supriorit des lois postrieures sur les traits antrieurs, mais en prvoyant expressment que pour dterminer la relation entre la disposition dun trait et une loi fiscale des tats-Unis, ni le trait ni la loi naura un statut prfrentiel en raison de leur nature de trait ou de loi . Il nest donc plus ncessaire de prouver lintention spciale du Congrs de droger un trait. Au contraire, afin de faire prvaloir un trait sur une loi post(1) 31. (2) 110. (3) Cons. McDaniel & Ault, Introduction la fiscalit internationale amricaine, 1982, p. 195. (4) Gest, Limposition des bnfices des socits franaises aux tats-Unis, 1979, p. 19. (5) 7852 (d) (2).

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rieure, il faudrait fournir la preuve ngative de lintention du Congrs de ne pas droger au trait lors du vote de la loi. Une telle preuve est pratiquement impossible (1). Dautre part, la section 894 a t amende pour spcifier quelle sappliquerait en ayant dment gard aux obligations des tatsUnis rsultant des traits applicables aux contribuables, avec rfrence la section 7852 (d). Cette disposition perd ainsi tout effet propre (2). La loi prcise quelles sont les dispositions de la rforme de 1986 qui drogent aux traits : il sagit des limitations lutilisation du crdit dimpt tranger pour limpt ordinaire (3) et pour limpt alternatif minimum (4). En revanche, la loi prvoit la prminence des traits sur les dispositions suivantes de la rforme fiscale de 1986 : assujettissement limpt de certaines bourses dtudes (5) ; imposition dune retenue la source de 4 % sur certains revenus drivs du transport et amendement des rgles dexonration rciproques applicables certains revenus drivs du transport par des non-rsidents (6) ; amendements lexonration dimpt applicable aux gouvernements trangers (7) ; traitement comme revenu effectivement li une activit daffaires amricaine du gain rsultant de la vente dactifs utiliss dans une activit daffaires amricaine aprs sa cessation dans certaines circonstances (8) ; cration de nouvelles rgles de source concernant le revenu du transport (9) et les paiements effectus par les socits dites 80/ 20 (10), sauf toutefois dans la mesure o ces rgles sont utilises pour dterminer lutilisation du crdit dimpt tranger ;(1) Sanderson Schade, Tax Treaty Overrides , in The Technical and Miscellaneous Revenue Act of 1988, B.I.F.D., 1989, p. 215. (2) Ibid., p. 216. (3) Tax Reform Act of 1986, 1201. (4) 701. (5) 123. (6) 1212 (b) et (c). (7) 1247. (8) 1242. (9) 1212 (a). (10) 1214.

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application de la branch level interest tax traitant comme revenu de source amricaine lexcdent de lintrt pay par les succursales de socits trangres sur lintrt dduit (1) ; rduction de la proportion de revenus amricains entranant la dbition dune retenue la source amricaine sur les paiements de dividendes effectus par une socit trangre (2) ; dfinition de la source du revenu tir de certaines ventes de biens immobiliers (3). En raison de la complication de la situation ainsi cre, la loi oblige le contribuable qui considre, pour la rdaction de sa dclaration, quun trait carte lapplication dune disposition de droit interne, rvler cette prise de position dans sa dclaration ou, dfaut de dclaration, en informer ladministration fiscale (4). Les rglements dapplication peuvent droger cette disposition pour certaines catgories de situations. Lois de rforme fiscale de 1986 La loi de rforme fiscale amricaine de 1986 avait rgl elle-mme un problme particulirement important de conflit entre les dispositions nouvelles et les traits. Avant la loi, une retenue la source de 30 % en principe tait due sur les dividendes pays par une socit trangre ds lors que plus de la moiti de son revenu brut, pendant trois ans prcdant lanne de paiement des dividendes, tait effectivement lie une activit daffaires amricaine. La retenue la source sappliquait la portion des dividendes attribuable au revenu effectivement li lactivit daffaires amricaine. La rforme substitue cette second level withholding tax une taxe sur les profits des succursales amricaines de socits trangres (branch profits tax), applicable la partie de ces profits qui est lquivalent dun dividende (dividend equivalent amount). Ce montant est gal aux gains et profits de la socit trangre effectivement lis son activit daffaires aux tats-Unis, rduits par limpt sur ces gains et par toute augmentation dactif net amricain (US net equity) et augments par toute diminution dactif net amricain (5).(1) (2) (3) (4) (5) 1241 : IRC 884 (f) (1) (A). IRC 861 (a) (2) (B). 1211 : IRC 865. IRC 6114. Tax reform act of 1986, 1241 : IRC 884.

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La clause conventionnelle de non-discrimination interdisant de traiter les tablissements stables dune socit de ltat cocontractant de faon moins favorable que les entreprises amricaines, contenue, par exemple, dans le trait existant entre les tats-Unis et la Belgique, interdit clairement le prlvement dune branch tax. Dans ce cas, la loi prvoit que la taxe ne sera pas applique. Si le trait permet la perception dune second level withholding tax sur les dividendes, elle sappliquera. En droit commun, le seuil de revenus effectivement li une activit daffaires amricaine dclenchant le paiement de cette taxe a t abaiss 25 %. Le cas chant, le taux prvu par la convention se substituera au taux de droit interne. De mme, la quotit dclenchant le paiement de la taxe sera celle qui est prvue par le trait. Le trait ne sera pas appliqu dans les situations dfinies comme tant des situations de treaty shopping, cest--dire quand plus de 50 % de la valeur des actions de la socit trangre sont dtenus par des personnes qui ne sont pas des rsidents de ltat cocontractant ou quand 50 % ou plus des revenus de la socit trangre sont utiliss pour couvrir des dettes vis--vis de personnes qui ne sont pas des rsidents de ltat co-contractant. Une exception existe si les titres de la socit sont cots ou si les titres de sa socit mre sont cots. De mme, un rglement dapplication peut prvoir les cas o les actionnaires ne sont pas considrs comme pratiquant le treaty shopping. Dans une situation de treaty shopping, si le trait prvoit lapplication de la second level withholding tax sur les dividendes, celle-ci sera applique. Si son application nest pas possible, par exemple parce que le seuil de profit conventionnel nest pas atteint par ltablissement stable amricain de la socit trangre, la branch tax sappliquera. Lorsquun trait permet lapplication de la branch tax, mais en limite le taux, le taux rduit sappliquera, sauf dans une situation de treaty shopping. Si le trait ne prvoit pas expressment le prlvement dune branch tax, mais ne linterdit pas davantage, la branch tax sera perue au taux prvu pour les retenues la source sur dividendes dinvestissements directs. Le taux de 30 % sera toutefois appliqu en cas de

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treaty shopping. Le trait conclu entre les tats-Unis et le GrandDuch de Luxembourg tombe dans cette dernire catgorie (1). B. France et pays du Benelux Lorsquun accord international ne peut constituer une source directe de droits et dobligations pour les particuliers, lordre juridique interne et lordre international forment deux systmes spars (dualisme). Dans les autres cas, les deux ordres juridiques se trouvent dans une relation dintgration (monisme). Dans certains pays monistes , la Constitution tablit une priorit des traits sur les lois, parfois sous rserve de rciprocit. Telle est la rgle de larticle 55 de la Constitution franaise de 1958. Pendant longtemps, le Conseil dtat sest estim incomptent pour examiner la conformit dune loi un trait antrieur, en vertu du principe de la sparation des pouvoirs (2). Il considrait toutefois les traits fiscaux comme des lois spciales par rapport la plupart des lois votes par le Parlement franais. Il ny a donc pas dexemple dapplication de cette jurisprudence au contentieux fiscal (3). En 1989, le Conseil dtat a abandonn sa jurisprudence ancienne (4). Dans les pays du Benelux, seule la Constitution nerlandaise tablit expressment la prminence des traits internationaux sur les lois internes dans les termes suivants : Binnen het Koninkrijk geldende wettelijke voorschriften vinden geen toepassing indien deze toepassing niet verenigbaar is meer eenieder verbindende bepalingen van verdragen en van besluiten van volkenrechtelijke organisaties (art. 94).

Au Grand-Duch, la Cour suprieure de justice reconnut ds 1954 la prminence des dispositions dun trait international sur celles dune loi interne, mme postrieure (5). En Belgique, un arrt de la Cour de cassation du 26 novembre 1925 est considr comme confirmant, dans le conflit entre traits et lois postrieures, le principe lex posterior priori derogat. Alors que le(1) Cfr Delta, New branch profits tax, chapter 62 in The Tax Reform Act of 1986, vol. II, Detailed analysis, Tax Management, 1987 , p. 62 : 1 7 ; Ferrigold et Berg, Whither The Branches ? , Tax Law Review, vol. 44, p. 247. (2) Cons. t. fr., 1 er mars 1968, Syndicat gnral des fabricants de semoule de France, A.J.D.A., 1968, p. 235. (3) Gest et Tixier, Droit fiscal international, 2 e d., 1990, p. 64. (4) Cons. t. fr., 20 octobre 1989, Nicolo, R.J.F., 11/1989, n o 1266. (5) Cour suprieure de justice du Grand-Duch de Luxembourg, 14 juillet 1954 et note P. De Visscher, R.C.D.I.P., 1955, p. 296.

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Trait de Versailles excluait les ressortissants allemands qui pouvaient acqurir la nationalit dune puissance allie lissue dun plbiscite des mesures relatives la mise sous squestres des biens ennemis, la loi belge du 17 novembre 1921 avait priv les Sarrois du bnfice de cette disposition. La Cour de cassation estimait quil appartient au lgislateur belge, lorsquil dicte des dispositions en excution dune convention internationale, dapprcier la conformit des rgles quil adopte avec les obligations liant la Belgique par trait ; que les tribunaux nont pas le droit de refuser dappliquer une loi pour le motif quelle ne serait pas conforme, prtendument, ces obligations (1). Un arrt de la Cour de cassation du 27 mai 1971, en cause Fromagerie Franco-Suisse le Ski, marqua, dans le sens dune doctrine quasi unanime, un revirement complet par rapport la jurisprudence ancienne. Une loi belge avait, en violation de larticle 12 du Trait de Rome, interdisant lintroduction de prlvements quivalent des droits de douane, tabli des droits sur limportation de produits laitiers. La Cour de cassation estima : Que, mme lorsque lassentiment un trait, exig par larticle 68, alina 2, de la Constitution, est donn dans la forme dune loi, le pouvoir lgislatif, en accomplissant cet acte, nexerce pas une fonction normative ; que le conflit qui existe entre une norme de droit tablie par un trait international et une norme tablie par une loi postrieure, nest pas un conflit entre deux lois ; [...] que la rgle daprs laquelle une loi abroge une loi antrieure dans la mesure o elle la contredit est sans application au cas o le conflit oppose un trait et une loi ; [...] que, lorsque le conflit existe entre une norme de droit interne et une norme de droit international qui a des effets directs dans lordre juridique interne, la rgle tablie par le trait doit prvaloir ; que la prminence de celle-ci rsulte de la nature mme du droit international conventionnel (2).(1) Cass., 26 novembre 1925, Pas., 1926, I, 76. (2) Cass., 27 mai 1971, Pas., I, 886, J.T., 1971, p. 460 ; cfr Salmon, Le conflit entre le trait international et la loi interne en Belgique la suite de larrt rendu le 27 mai 1971 par la Cour de cassation , J.T., 1971, p. 509.

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Quelques combattants darrire-garde proposrent, en labsence dune cour constitutionnelle, de renvoyer les conflits entre lois et traits aux chambres lgislatives (1). 2. Prservation des avantages du droit interne Limpt est peru sur base des dispositions du droit interne. Les conventions fiscales internationales ont pour objet de limiter le droit des tats percevoir limposition prvue par leur loi nationale lorsque lapplication de celle-ci conduirait une double imposition. En prsence dun trait, il ny a donc lieu imposition que si, outre les conditions du droit interne, celles du trait sont runies (2). On dduit gnralement de ces considrations un principe de subsidiarit des traits par rapport au droit interne. Lorsque les moyens tirs de la loi nationale suffisent rsoudre le problme pos, il ny a pas lieu dexaminer ceux qui sont dduits des conventions (3). De ce principe se dduit celui de la non-aggravation de la situation du contribuable par les traits ou de la prservation des avantages accords par la loi interne. Si le droit interne accorde une exonration l o le trait permet au pays concern dimposer, aucune imposition ne pourra rsulter du seul trait. Les tats-Unis ont introduit en ce sens dans leur trait modle une disposition reprise dans la plupart des conventions signes par eux : Les dispositions de la prsente convention ne restreindront en rien les exonrations, abattements, crdits ou autres dductions qui sont ou seront accords : a) par les lois de lun des tats contractants ou b) par tout autre accord intervenu entre les tats contractants (4) .(1) Proposition de loi de M. Kempinaire , Doc. parl., Ch. repr., 1971-1972, n o 200/1, 27 avril 1972 ; cfr R. Senelle, De onschendbaarheid van de wet , R.W., 1971-1972, 641 et la critique de J.-V. Louis, Le droit belge et lordre juridique international , J.T., 1972, p. 437. (2) Vogel, Double Taxation Conventions, 1991, pp. 11-12. (3) Plagnet, Droit fiscal international, 1986, p. 44 ; Gest et Tixier, Droit fiscal international, 2 e d., 1990, p. 65 ; Rivier , Droit fiscal international, p. 106 ; Vogel, op. cit., p. 75 ; Cons. t. fr., 19 dcembre 1975, Droit fiscal, 1976, n o 27, Comm. 925, concl. Fabre ; Cons. t. fr., 1 er fvrier 1978, Droit fiscal, 1978, n o 41, Comm. 1551, concl. Rivier . (4) Trait modle amricain, 16 juin 1981, art. 1.2. ; Convention belgo-amricaine, art. 28 ; Convention entre les Pays-Bas et les tats-Unis, art. 25.1.

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Un texte du mme genre se trouve dans les conventions signes par les tats-Unis en matire de droits de succession. Ainsi, la convention du 15 juillet 1969 entre les Pays-Bas et les tats-Unis, relative la prvention de la double imposition en matire de droits de succession et donation prvoit : Behoudens voor zover in deze Overeenkomst anders is bepaald, heft iedere Staat zijn belasting en verleent hij vrijstellingen, aftrekken, verrekeningen en andere tegemoetkomingen in overeenstemming met zijn wetgeving (1). La mme convention prvoit toutefois (2) : Verrekeningen : Verrekeningen die op grond van dit artikel worden verleend treden in plaats van, en worden niet verleend naast een verrekening die op grond van de onderscheidene wetgevingen van de Staten wordt verleend voor de belasting van de andere Staat . Ainsi, en excution du trait existant entre le Canada et les tatsUnis, le transporteur tait exonr dimpt dans le pays de la source sur les revenus tirs de transports entre des points situs dans le pays de la source et dans le pays de sa rsidence. En droit amricain, les dpenses lies des revenus exonrs ntaient pas dductibles. Un transporteur canadien, disposant dune succursale aux tats-Unis, prfra dclarer son revenu tir de transports, qui aurait normalement t exonr, parce que ses dpenses dpassaient ses revenus. Il fut dcid, en application de la clause de prservation des avantages de droit interne figurant dans le trait, quil avait ce droit (3). Aux tats-Unis, cette conception est en conformit avec le droit constitutionnel : les mesures fiscales doivent trouver leur origine au Congrs, alors que les traits sont conclus par le Prsident avec le consentement du Snat. Il serait donc critiquable quun trait puisse crer une aggravation dimpt (4). Ladministration franaise est rticente admettre une doctrine gnrale de la non-aggravation (5). Cette position sexplique sans doute par lexistence dune disposition spciale rservant la France le droit de taxer tout revenu dont limposition lui est attribue par une convention internationale relative aux doubles impositions (6).(1) Art. 5.1. (2) Art. 11.7. (3) Rev. Rul., 80-147, 1980, 23 IRB 16. (4) Vogel, Double Taxation Conventions, 1991, art. 1.44, p. 76. (5) Gest et Tixier, Droit fiscal international, 2 e d., 1990, p. 67. (6) C.G.I., art. 4bis, 2 o, 165bis et 209 i, introduit par lart. III de la loi du 28 dcembre 1959.

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Cette disposition na quune porte limite : elle ne sappliquera pas en prsence dune exonration gnrale, mais jouera uniquement devant une exonration base sur la localisation du revenu. Son but est en effet dviter les doubles exonrations. Elle ne sappliquera pas si le droit dimposer a t attribu expressment la France, non a contrario, en raison de la non-attribution de ce droit lautre tat contractant (1). Son application sera carte par des clauses conventionnelles du type de celle qui est prvue par le trait modle amricain et qui est dailleurs reprise dans les conventions franco-amricaines (2). Une telle clause est ncessaire dans un pays qui, comme la France, applique limpt des socits la rgle de la territorialit, lorsquelle choisit le crdit dimpt comme mthode dlimination de la double imposition. Quand la France accorde un crdit dimpt pour limpt pay ltranger par un tablissement stable, il faut quelle taxe ce revenu, ce que son droit interne ne prvoit pas (3). Saving clause La clause permettant un tat contractant de taxer ses ressortissants ou ses rsidents comme si la convention ntait pas en vigueur (4) lgitime, dans ce cas, la prdominance de la loi interne sur le trait et restreint considrablement la porte de celui-ci. Les tats-Unis acceptent en gnral dexclure de lapplication de cette clause deux sries de dispositions conventionnelles. La premire vise des dispositions concernant tant les nationaux que les trangers rsidant aux tats-Unis : entreprises associes, pensions, prvention de la double imposition, non-discrimination et procdure amiable. La seconde concerne les seuls trangers : fonctions publiques, tudiants, agents diplomatiques et consulaires (5), nexcluant de son application que les rmunrations publiques et les pensions. Le trait modle amricain veut inclure parmi les contribuables viss par la rserve de taxation nationale les citoyens qui ont perdu leur nationalit dans un but dvasion fiscale, du moins pendant une priode de dix ans.(1) Gest et Tixier, Droit fiscal international, 2 e d., 1990, p. 67. (2) Convention franco-amricaine de 1967 concernant les impts sur le revenu et la fortune, art. 22, 3 ; convention franco-amricaine de 1978 concernant les droits de succession et de donation, art. 12. (3) Cfr par exemple Convention franco-turque de 1987, art. 7.1. et 23. (4) Trait modle amricain, art. 1.3. (5) Convention belgo-amricaine, art. 23.1. ; Convention amricano-nerlandaise, art. 19.1.

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Le citoyen amricain qui, rsidant ltranger, peroit un revenu exonr par le trait, sera nanmoins tax aux tats-Unis sur base de sa nationalit. Il pourra alors se prvaloir du crdit dimpt tranger qui est prvu par la convention. 3. Interprtation des traits fiscaux Lorsque lun des tats parties une convention fiscale applique lquivalence entre traits et lois, son Parlement pourra droger au trait. Il en rsultera une situation claire de violation de celui-ci ou, le cas chant, de dnonciation implicite. Trs frquemment, le problme ne se posera pas sous la forme dun conflit direct, mais mettra en jeu linterprtation dune disposition de droit interne quun contribuable estimera contraire au trait, alors que ladministration la jugera conforme celui-ci. Il sagira alors dinterprter le trait. Dans les pays du Benelux, les tribunaux se reconnaissent le pouvoir dinterprter les traits. Le juge franais, au contraire, surseoit en principe statuer sur linterprtation des traits en la renvoyant au ministre des Affaires trangres. Cette rgle a toutefois t fortement attnue. Le juge administratif recourt frquemment la thorie de lacte clair, lorsque la disposition conventionnelle appliquer a un sens clair et certain. La Cour de cassation ne met dexception la comptence judiciaire que si la question dinterprtation pose un problme de droit international public qui risque de susciter un incident diplomatique. Il en sera ainsi des clauses dimmunit fiscale (1). Les rgles dinterprtation des conventions fiscales seront en premier lieu dduites, comme celles de tous traits internationaux, de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traits (2), dont on admet trs largement quelle a codifi la pratique internationale existante. Daprs larticle 31 de la Convention, un trait doit tre interprt de bonne foi suivant le sens ordinaire attribuer aux termes du trait dans leur contexte et la lumire de son objet et de son but. Le contexte comprend les accords conclus loccasion du trait et les instruments mutuellement accepts ayant rapport celui-ci.(1) Gest et Tixier, Droit fiscal international, 2 e d., 1990, pp. 97-100. (2) La Convention de Vienne du 23 mai 1969 a t ratifie en Belgique par la loi du 10 juin 1992 (M.B., 25 dcembre 1993) ; elle sapplique tous les traits conclus par la Belgique partir du 1 er octobre 1992.

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Outre le contexte, il sera tenu compte daccords et pratiques ultrieurs appliquant ou interprtant le trait. En revanche, il ne pourra tre recouru des moyens complmentaires dinterprtation, tels que les travaux prparatoires ou les circonstances dans lesquelles le trait a t conclu, que si linterprtation reste ambigu ou obscure ou conduit un rsultat absurde ou draisonnable (art. 32). Lorsquun trait existe en plusieurs langues et quune diffrence de sens apparat dans les textes authentiques, lon adoptera, dfaut dune interprtation satisfaisante, le sens qui, compte tenu de lobjet et du but du trait, concilie le mieux les textes (art. 33). Les traits prventifs de la double imposition en matire dimpts sur le revenu et la fortune, conclus selon le modle de lOCDE, contiennent toutefois une clause particulire selon laquelle, pour lapplication de la convention par un tat contractant, toute expression qui ny est pas dfinie a le sens que lui attribue le droit de cet tat concernant les impts auxquels sapplique la convention, moins que le contexte nexige une interprtation diffrente (1). La principale question que pose cette disposition est de savoir sil faut se rfrer, pour linterprtation du trait, la lgislation interne en vigueur lors de la signature du trait (interprtation statique ou historique) ou sil faut tenir compte des modifications ultrieures du droit interne des tats contractants (interprtation volutive). Certains auteurs tiennent pour une interprtation strictement historique. Ils se fondent souvent sur larrt rendu par la Cour suprme du Canada, en cause Melford (2). Une loi canadienne postrieure la convention germano-canadienne avait inclu parmi les intrts soumis retenue la source les commissions de garantie. La Cour suprme, tout en admettant le pouvoir du Parlement de modifier une loi introduisant un trait dans lordre juridique interne, a considr que seule une loi drogeant expressment la convention internatio(1) Modle OCDE, art. 3.2., version 1977. La version 1963 se rfrait au sens attribu aux termes par la lgislation de ltat. Shannon, United States income tax treaties : References to domestic law for the meaning of undefined terms , Intertax, 1989, p. 453. Sur le modle 1992, cfr van Reaad , 1992 additions to articles 3 (2) (interpretation) and 24 (non-discrimination) of the 1992 OECD model and commentary , Intertax, 1992, p. 671. (2) The Queen v. Melford Developments Inc., 1982, DTC 6281 ; Boidman, Canada : Supreme Court interprets Canada-Germany tax treaty Intertax, 1983, p. 17 ; Langbein, The overriding of tax treaties by national legislation or : the Melford case revisited A German view , Intertax, 1987, p. 4.

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nale pouvait tre interprte dans le sens souhait par ladministration. Interprtant la disposition du trait renvoyant au droit interne, la Cour a estim que les dispositions comprenant une nouvelle dfinition des procdures et mcanismes de taxation concernant un revenu non taxable aux termes du trait ntaient pas comprises dans le droit interne tel que vis par celui-ci. La Cour a ajout que linterprtation contraire reviendrait autoriser la modification unilatrale du trait par chaque pays. Cette motivation peut se lire autrement que comme par une simple rfrence linterprtation historique des dispositions lgales en vigueur lpoque du trait. Quoi quil en soit, la dcision a t suivie dune loi canadienne adoptant linterprtation volutive sous rserve du recours au contexte du trait. La rgle dinterprtation historique a t trs clairement dfinie par M. Leenaerts : In Belgi [...] moet elke latere wijziging, hoe duidelijk ook, van een nationale rechtsterm gencorporeerd in een dubbel belastingverdrag, buiten toepassing blijven m.b.t. de werking van dit verdrag : de historische intepretatie die in het licht van voorwerp en doel van het dubbel belastinverdrag als enig aanvaardbare moet worden weerhouden geniet na de receptie van het verdrag in de Belgische rechtsorde absolute voorrang totdat het verdrag op de daarin bepaalde wijze wordt beindigd (1). La majorit des commentateurs se rallie une interprtation volutive des dispositions de droit interne dans le cadre de larticle 3.2. de la Convention modle de lOCDE. Les termes non dfinis par le trait seront pris dans le sens que leur donne la loi interne lpoque o linterprtation est ncessaire et non lpoque de la signature du trait, sous une double rserve, expresse et implicite. Daprs les termes du trait mme, linterprtation donne par le droit interne peut tre contraire au contexte de la convention, si celui-ci exige une interprtation diffrente. On y ajoute gnralement une limitation implicite, selon laquelle une modification du droit interne ne pourrait altrer lquilibre ou la substance du trait ou encore, comme certains traits le prvoient, lors du renvoi un rgime interne de crdit dimpt, affecter le principe gnral quon souhaite appliquer. Il sagirait donc, mme en labsence de textes, dune interprtation volutive limite. Il est probable que, dans toutes les conventions qui limitent(1) Leenaerts, De voorrang van de verdragen bij fiscale normenconflicten. Trefzeker uitgangspunt of toevallige uitkomst ? , Fiskofoon, 1984, p. 78.

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le recours au droit interne par les existences du contexte, une limitation de linterprtation volutive peut se dduire dune clause expresse sans recours une restriction implicite (1). La pratique dmontre que lapplication concrte de ces rgles dinterprtation demeure extrmement difficile. On en verra plus loin quelques exemples emprunts notamment aux modifications de la lgislation belge. Nous examinerons ci-aprs : la dfinition de la rsidence des personnes physiques et des socits ; limposition des diffrentes catgories de revenus lorsquils sont soit dorigine trangre, soit attribus des non-rsidents. cette occasion, les rgles de source propres chaque catgorie de revenus seront voques, ainsi que le mode de prvention de la double imposition gnralement appliqu ces revenus. Compte tenu de luvre commune qui rsulte de lapplication gnralise des conventions modles, les principes de ces conventions seront exposs en premier lieu. Le droit interne de la Belgique sera examin par une comparaison avec ces principes. Des lments de droit compar seront ensuite voqus.

(1) Dans le sens de linterprtation volutive, cfr ltude approfondie dAvery Jones et al., The interpretation of tax treaties with particular reference to article 3.2. of the OECD model , British Tax Review, 1984, p. 13, laquelle ont particip pour le Benelux, MM. Depret et Ellis ; Avery Jones, Article 3 (2) of the OECD Model Convention and the Commentary to it : Treaty Interpretation , Eur. tax., 1993, p. 252 ; dans le mme sens, Vogel, Double Taxation Conventions, 1991, art. 3.67, pp. 138-139 ; Gest et Tixier, Droit fiscal international, 2 e d., 1990, p. 105 ; van Raad, Interpretatie van belastingverdragen , MBB, 1978, p. 49 ; Peeters, De interpretatie van dubbelbelastingovereenkomsten , T.F.R., 1993, pp. 188-190.

PREMIRE PARTIE CONCEPTS JURIDICTIONNELS

TITRE PREMIER RSIDENCE

SOUS-TITRE PREMIER DROIT CONVENTIONNEL GNRAL

CHAPITRE PREMIER. PERSONNES PHYSIQUES 1 er. Critre principal La Convention OCDE renvoie en principe au droit interne des tats contractants pour dfinir la notion de rsidence. Le rsident dun tat sera celui qui y est assujetti limpt en raison de son domicile, de sa rsidence ou dun autre critre de nature analogue. Il y est assujetti intgralement limpt, en raison dun lien personnel avec ltat concern. Appliquant un critre analogue, un tat pourrait par exemple assujettir limpt celui qui y sjourne pendant un certain temps. La double imposition natra de la coexistence de dfinitions diffrentes de la rsidence ou dinterprtations concurrentes de la mme notion. Le Trait modle amricain ajoute ces critres la nationalit (1). La Convention OCDE exclut des rsidents dun tat les personnes qui ny sont assujetties limpt que sur les revenus trouvant leurs source dans le pays. Tel sera parfois le cas des agents diplomatiques et consulaires trangers.(1) La nationalit est parfois utilise comme critre anti-abus. Un citoyen nerlandais dplaant son foyer dhabitation permanent dans la zone frontalire belge, mais travaillant dans la zone frontalire nerlandaise reste imposable aux Pays-Bas sur ses rmunrations (Protocole la convention belgo-nerlandaise, point XI modalisant larticle 15, 3, 1 o). Il ny a l ni discrimination arbitraire, ni violation du principe dgalit (C.A., 16 octobre 1991, FJF, n o 91/211).

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La Convention ONU ne reprend pas cette limitation, voulant conserver la qualit de rsident aux contribuables dun tat lorsque celui-ci impose uniquement les revenus de source interne. 2. Critres subsidiaires : prvention de la double rsidence La double rsidence sera vite par lapplication de critres subsidiaires lun par rapport lautre (tie-breakers) (1) : la disposition dun foyer dhabitation permanent, cest--dire amnag de faon durable ; la localisation du centre des intrts vitaux, caractris par lexistence des liens personnels et conomiques les plus troits : relations familiales et sociales, occupations, activits politiques et culturelles, sige des affaires ; ce critre sappliquera la personne qui a un foyer dhabitation dans les deux tats ; le lieu du sjour habituel : ce critre sappliquera : la personne qui a un foyer dhabitation dans deux tats et dont on ne peut dterminer le centre des intrts vitaux ; au double rsident qui na de foyer dhabitation dans aucun des deux tats ; la nationalit. Si le double rsident a la nationalit des deux tats ou na la nationalit daucun deux, sa rsidence sera dtermine par la voie de la procdure amiable.q q

(1) Avery Jones, Dual residence of individuals : the meaning of the expression in the OECD model convention , British Tax Review, 1981, pp. 15 et 104 ; id., La double rsidence des personnes physiques : linterprtation de cette notion dans la convention modle de lOCDE , Fiscalit europenne Revue, 1981, n o 6 et 1982, n o 1 ; van Raad , International : Dual Residence , Eur. Tax., 1988, p. 241.

CHAPITRE II. PERSONNES MORALES ET GROUPEMENTS SANS PERSONNALIT JURIDIQUE 1 er. Critre principal La Convention OCDE incluant parmi les personnes les personnes physiques, les socits et tous autres groupements de personnes, la rsidence de ces deux derniers types de contribuables sera dtermine par leur assujettissement limpt sur base de leur sige de direction ou dun critre analogue. Les tats-Unis notamment y ajoutrent le lieu denregistrement (place of incorporation). 2. Critres subsidiaires La Convention OCDE rsout le conflit de rsidence des personnes morales et groupements en faveur du pays du sige de direction effective (1). Le Trait modle amricain lui prfre le pays denregistrement. Les conventions fiscales internationales recourent trois concepts. Le terme personne comprend les personnes physiques, les socits et autres groupements de personnes (2). Le terme socit dsigne toute personne morale ou toute entit qui est considre comme une personne morale aux fins dimposition (3). Le terme rsident dun tat contractant dsigne, en dehors des personnes physiques, toute personne qui, en vertu de la lgislation de(1) Voy. Rivier , Rapport gnral, XLI e Congrs international de droit financier et fiscal, Bruxelles, 1987, La rsidence fiscale des socits , Cah. dr. fisc. int., 1987, vol. LXXIIa, pp. 38-39 ; van Gennep, Dual-Resident Companies : The Second Sentence of Article 4(1) of the OECD Model Convention of 1977 , Eur. Tax, 1991, p. 141 ; Ebenroth et Daiber , Germany (Federal Republic) : Dual-Resident Companies under German Law , Eur. Tax., 1990, p. 175 ; id., Germany (Federal Republic) : The Real Seat Theory Revisited , ibid., p. 323 ; Betten, Netherlands : DualResident Companies and the Netherlands Dividend Tax Again , ibid., p. 257. (2) Convention OCDE, art. 3.1.a. (3) Convention OCDE, art. 3.1.b.

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cet tat, y est assujettie limpt en raison de son sige de direction ou dun critre de nature analogue (1). La question de savoir si une entit ou un groupement est un sujet dimpt distinct doit tre rsolue selon le droit interne de chaque tat (2). Que se passe-t-il quand un groupement est considr comme un sujet dimpt distinct dans un tat et pas dans lautre ? Sil est sujet dimpt dans le pays de son sige, mais que ltat de la source impose les associs directement, ltat de la source devra reconnatre aux associs le bnfice du trait conclu avec le pays du sige, peine de vider de sens le droit du groupement dinvoquer le trait (3). Si le groupement est sujet dimpt dans le pays de la source, mais non dans celui de son sige, lapplication du trait ne pourrait tre carte au motif que le groupement ne serait pas rsident du pays de son sige. peine de ne donner aucun effet la reconnaissance du groupement comme personne, il faut considrer comme rsident tout groupement qui, sil tait imposable, serait imposable sur lensemble de ses revenus (4). Cette interprtation audacieuse permettrait une association belge sans personnalit juridique de revendiquer lapplication dune convention conclue par la Belgique avec un pays o elle serait traite, pour son imposition la source, comme un sujet dimpt. 3. Exclusions Parfois, afin de contrecarrer lvasion fiscale, certaines socits rsidentes de ltat cocontractant sont exclues du bnfice de la convention ou des rductions de retenue la source : les holdings luxembourgeoises ;(1) Convention OCDE, art. 4.1. (2) Vogel, Double Taxation Conventions, 1991, art. 1/23, pp. 65-66. (3) Vogel, op. cit., art. 1/24, p. 67. Vogel estime que, si les associs rsident dans un autre pays li par un trait au pays de la source, ils pourront invoquer le trait le plus favorable. Nous ne pouvons le suivre sur ce terrain. Lapplication juridiquement justifie du trait conclu avec le pays du sige carte la possibilit dappliquer le trait conclu avec le pays des associs, si les deux traits sont rdigs en termes identiques. (4) Vogel, Double Taxation Conventions, 1991, art. 1/25, pp. 67-68.

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certaines socits suisses contrles par des personnes ne rsidant pas en Suisse (1).

(1) Convention belgo-suisse, art. 22, conforme dailleurs la lgislation interne suisse visant prvenir labus des conventions.

SOUS-TITRE II DROIT BELGE

CHAPITRE PREMIER. PERSONNES PHYSIQUES Section 1. Droit interne 1 er. Dfinitions En droit interne belge, sont considres comme habitants du royaume les personnes physiques qui ont tabli en Belgique leur domicile ou le sige de leur fortune (1). Sont soumis limpt des non-rsidents et non limpt des personnes physiques ceux qui nont tabli en Belgique ni leur domicile ni le sige de leur fortune. La mme dfinition est donne par larticle 1 er du Code des droits de succession (2). Elle correspond celle qui tait donne par larticle 37, 2, des lois coordonnes relatives aux impts sur les revenus pour lapplication de limpt complmentaire personnel, issu luimme de larrt royal du 22 fvrier 1935 (3). Lexpos des motifs prcise, sub article 37, que les non-habitants du royaume sont ceux qui nont pas tabli en Belgique leur domicile ou le sige de leur fortune (4). MM. Schreuder (5) et Donnay (6) notamment ont dmontr que cette dfinition trouvait son origine dans la loi du 27 dcembre 1817 sur les droits de succession, adopte sous le rgime hollandais. Une premire version de la loi voulait imposer la succession de lhabitant du royaume sans distinction sil est tabli depuis peu ou depuis(1) C.I.R., art. 3. (2) A.R. 31 mars 1936. (3) Expos des motifs de la loi de rforme fiscale, sub art. 2, Pasin., 1962, p. 1321. (4) Id., Pasin., 1962, p. 1345. (5) Lhabitant du royaume , Ann. not. enr., 1967, pp. 6-33. (6) Succession (Droit de), Lhabitant du royaume , Rec. gn., 1975, n o 21936, p. 223.

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longtemps sur le territoire du royaume, ni sil a en mme temps un domicile fixe en pays tranger . Ce texte fut repouss par crainte de voir rapparatre lancien droit daubaine, susceptible dattirer les reprsailles de pays trangers. Une nouvelle dfinition fut cherche dans un arrt royal du 25 juin 1817 sur la milice, composant celle-ci des habitants du royaume, cest-dire de ceux qui ont tabli dans le royaume leur domicile et le sige de leur fortune . Le lgislation fiscal substitua toutefois la conjonction et la conjonction ou . Cette dfinition a t applique par larrt de la Cour de cassation du 7 septembre 1965 en cause Derks (1). Le pourvoi tait dirig contre un arrt de la Cour dappel de Lige qui avait relev que le requrant, rsidant Monaco, tait propritaire dimmeubles situs en Belgique et de la quasi-totalit des titres de socits belges, tant ladministrateur-prsident de lune de ces socits. La Cour de cassation rejeta le pourvoi, estimant : Que larrt dduit lgalement de ces constatations souveraines en fait que le demandeur, bien quayant pris domicile ltranger, a le sige de sa fortune en Belgique ; Quainsi, par la constatation de lexistence de lune des conditions alternativement prvue par larticle 37, 2, des lois coordonnes, larrt justifie lgalement la qualit dhabitant du royaume du demandeur .

Si lunit du domicile fiscal est ainsi remise en cause (2), on ne peut toutefois identifier le sige de la fortune la situation matrielle des biens, mais au lieu o ils sont administrs. Ce dernier concidera, sauf cas exceptionnels, avec le domicile. Un arrt plus rcent de la Cour de cassation le dmontre (3). Un redevable avait t considr comme habitant du royaume aux seuls motifs quil y avait gard une domiciliation administrative et un immeuble o rsidaient sa femme et ses enfants, aux besoins desquels il subvenait par un compte en banque belge. La Cour de cassation accueillit le pourvoi, considrant que : Aux termes de larticle 3 du Code des impts sur les revenus, est un habitant du royaume celui qui a tabli en Belgique son domicile ou le sige de sa fortune ;(1) Pas. 1966, I, 34, J.P.D.F., 1965, p. 327, obs. Baltus, Rec. gn., 1966, n o 20972, p. 354, obs. M.D. (2) Baltus, note sub arrt prcit, J.P.D.F., p. 331. (3) Cass., 7 fvrier 1979, Prade, Pas., I, 673, J.D.F., 1979, p. 411. Comp. Garabedian, Limpt successoral belge et lextranit , in Verwilghen et De Valkeneer (d.), Relations familiales internationales, 1993, p. 391.

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Que si les lments de fait permettant de dterminer lexistence de cette situation relvent de lapprciation souveraine du juge du fond, en revanche, leur qualification seffectue sous le contrle de la Cour ; Que, au sens de la loi fiscale, le domicile est un domicile de fait, caractris ncessairement par une certaine permanence ou continuit, et le sige de la fortune, lendroit, caractris naturellement par une certaine unit, do elle est gre ; Que les motifs que le moyen reproduit et sur lesquels larrt se fonde pour affirmer la qualit dhabitant du royaume dans le chef du demandeur, ne justifient pas lgalement cette dcision . Cette position rejoint celle des juridictions de fond. Une ancienne dcision considrait dj que des absences temporaires plus ou moins longues dun lieu dtermin ne sont pas exclusives de la conservation du domicile fiscal en ce lieu et que le Belge qui, pour une dure limite, prend du service dans la Colonie, tout en gardant en Belgique sa demeure o il laisse sa femme et ses enfants, doit tre considr comme momentanment absent de son domicile belge (1). La Cour dappel de Bruxelles eut connatre du recours de lemploy dune socit belge, radi des registres belges de la population, mais propritaire dun appartement qui restait sa disposition lors de ses retours de mission et titulaire dun compte belge o ses fonds taient dposs. Lorsquil ntait pas en mission, il exerait ses fonctions en Belgique pour le mme employeur. Pour la cour, il faut en conclure que le requrant na jamais manifest lintention ou la volont de transfrer son domicile et le sige de sa fortune ltranger et quil a conserv en Belgique le centre de ses intrts et y a conserv son domicile (2). De mme, celui qui est envoy par la socit Solvay faire un sjour de formation de dix mois aux tats-Unis sans rupture de son contrat demploi et alors que la socit prend en charge ses frais de voyage et dinscription aux cours et lui alloue une indemnit forfaitaire reste un habitant du royaume : Le requrant na pas eu lintention de transporter ltranger le sige principal de ses affaires ;(1) Dc. 12 dcembre 1914, Rec. gn., 1920, n o 15608, p. 19 ; Donnay, Succession (Droit de), Lhabitant du royaume , Rec. gn.,1975, n o 21936, p. 241, n o 9. (2) Bruxelles, 21 octobre 1976, J.D.F., 1977, p. 260.

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Son sjour essentiellement temporaire aux tats-Unis ne peut tre considr comme une installation permanente dans ce pays ; Le sige de ses affaires est rest situ en Belgique (1). La notion de domicile fiscal a t lobjet de dveloppements jurisprudentiels et doctrinaux rcents. Traditionnellement, le domicile dune personne physique est le lieu o elle habite dune manire effective et continue, o elle tablit son foyer familial, ainsi que le sige de ses activits professionnelles et de ses intrts patrimoniaux. Face aux situations de plus en plus frquentes o ces divers lments constitutifs ne convergent pas vers un seul endroit, il sest avr ncessaire de leur octroyer une pondration selon leur importance relative afin de dterminer lappartenance de la personne une seule juridiction fiscale. Ainsi lhabitation permanente est-elle un lment prpondrant : Le domicile fiscal est un domicile de fait caractris par une certaine permanence ou continuit (2). La notion de permanence nest cependant pas clairement dfinie. La loi prvoit en effet quune personne peut tre traite comme non rsidente alors quelle sjourne en Belgique pendant toute une priode imposable (3). Lexamen de la jurisprudence ne permet pas de dterminer le temps que doit durer un sjour afin de rpondre lexigence de permanence de lhabitation. La Cour dappel de Bruxelles a en effet conclu dans certains cas rcents la qualit de non-habitant du royaume pour des Belges ayant exerc une activit professionnelle ltranger pendant des priodes de deux huit ans (4). Il a par ailleurs t dcid quun sjour professionnel de trois ans ltranger navait pas suffi faire dune personne un non-rsident (5). Le pourvoi contre cette dernire dcision a t rejet par larrt prcit du 15 novembre 1990 de la Cour de cassation.(1) Lige, 2 mai 1972, Rec. gn., 1974, n o 21774, p. 100. (2) Cass., 30 juin 1983, Pas., I, 1226, F.J.F., n o 83/189 ; Cass., 15 novembre 1990, Pas., 1991, I, 280, R.G.F., 1991, p. 218. (3) C.I.R., art. 244. (4) Bruxelles, 13 mars 1990, 15 mai 1990 et 25 septembre 1990, R.G.F., 1991, pp. 216 et s. (5) Bruxelles, 21 mars 1989, F.J.F., n o 89/167.

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Le critre de la situation du foyer familial doit galement tre pris en considration. cet gard, sil est prsent admis que la qualit dhabitant du royaume est dtermine pour les poux ut singuli et non plus de manire globale et commune, il convient dexaminer, au regard dlments de fait, si, quoiquils aient des lieux dhabitation spars, les poux nen ont pas moins un domicile ou foyer familial commun. Ainsi, lorsque la sparation sexplique par le fait que chacun dentre eux exerce une profession ou par des raisons de sant ou dducation des enfants, il est admis quil ny ait pas de foyer familial et, partant, que lun des poux soit habitant du royaume et lautre non (1). Lorsque la sparation nest pas ainsi justifie, les deux poux seront rattachs un domicile commun considr comme leur foyer familial, nonobstant le fait que lun dentre eux habite effectivement ltranger (2). Ainsi, si lhabitation effective, condition quelle soit rellement durable et quelle napparaisse pas comme un sjour limit une courte dure, forme un critre suffisant, le poids du foyer familial devient plus important dans lapprciation du domicile de fait lorsque la dure de lhabitation personnelle dans une juridiction fiscale distincte diminue (3). Le sige de la fortune apparat dans le texte de la dfinition lgale dhabitant du royaume comme un critre alternatif celui de domicile. Cette notion ne dsigne pas la situation matrielle des biens, mais plutt le lieu do ils sont grs, ce dernier concidant souvent avec le lieu de lhabitation effective et du foyer familial (4). Dans ltat actuel de la jurisprudence, le sige de la fortune est retenu comme un lment suffisant en soi, indpendamment des autres critres voqus ci-dessus. Cette interprtation du texte lgal est toutefois vivement critique.(1) Mons, 14 mars 1984, F.J.F., n o 84/189 ; Bruxelles, 13 mars 1990, 15 mai 1990 et 25 septembre 1990, R.G.F., 1991, pp. 216 et s. ; Mons, 10 avril 1992, R.G.F., 1993, p. 29, obs. L. Hinnekens. (2) Bruxelles, 21 mars 1989, F.J.F., n o 89/167 ; cass., 15 juillet 1990, R.G.F., 1991, p. 218. (3) L. Hinnekens , Nouvelles tendances de la jurisprudence relative la notion dhabitant du royaume , R.G.F., 1991, p. 211. (4) Cass., 28 octobre 1982, F.J.F., n o 83/41 ; cass., 30 juin 1983, F.J.F., n o 83/189 ; cass., 15 novembre 1990, Pas., 1991, I, 280, R.G.F., 1991, p. 218.

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M. Hinnekens (1) considre notamment que le sige de la fortune ne peut confrer la qualit dhabitant du royaume que lorsque il est non seulement distinct, mais dune importance telle quil doit ncessairement prvaloir sur le domicile effectif et le foyer familial. Linscription au registre national ne constitue quune prsomption de qualit dhabitant du royaume qui peut tre renverse par des lments de fait, comme dit ci-dessus. La nouvelle rglementation relative linscription au registre de la population, qui prvoit que les administrations locales doivent vrifier le bien-fond des demandes dtablissement dune rsidence principale, devra emporter une certaine unification de la notion de domicile en droit civil et en droit fiscal. La loi du 19 juillet 1991 relative aux registres de la population (2) dfinit la rsidence civile principale comme tant le lieu o vivent habituellement les membres dun mnage compos de plusieurs personnes unies ou non par des liens de parent (3). Larrt royal dexcution du 16 juillet 1992 (4) prcise, quant lui, en son article 16, 1 er, que la dtermination de la rsidence principale se fonde sur une situation de fait, cest--dire la constatation dun sjour effectif dans une commune pendant la plus grande partie de lanne. Cette constatation seffectue sur la base de diffrents lments, notamment le lieu que rejoint lintress aprs ses occupations professionnelles, le lieu de frquentation scolaire des enfants, le lieu de travail, les consommations nergtiques et les frais de tlphone, le sjour habituel du conjoint ou des autres membres du mnage . Il apparat donc que la qualit dhabitant du royaume doit tre tablie au moyen dune pondration des diffrents lments constitutifs (domicile de fait, foyer familial, sige de la fortune, registre national) en accordant une prfrence lhabitation individuelle, condition quelle soit suffisamment durable. 2. Prsomption lgale La loi a introduit une prsomption, selon laquelle sont considrs avoir tabli en Belgique leur domicile ou le sige de leur fortune ceux(1) L. Hinnekens , Nouvelles tendances de la jurisprudence relative la notion dhabitant du royaume , R.G.F., 1991, p. 214. (2) M.B., 3 septembre 1991. (3) Art. 3. (4) M.B., 15 aot 1992.

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qui sont inscrits au registre national des personnes physiques (1). Ce registre reproduit les donnes figurant au registre de la population et au registre des trangers tenus dans chaque commune ainsi que dans les registres tenus dans les missions diplomatiques et les consulats belges ltranger (2). Cette prsomption peut tre renverse. La tche de ladministration sera simplifie, puisque celui qui affirme tre non-rsident, bien quinscrit au registre, devra communiquer ladministration les circonstances de fait propres son cas. Le Conseil dEtat est sans comptence pour se prononcer sur la contestation concernant la dtermination du domicile fiscal. Comme ce dernier a une influence sur le montant de limpt, le contribuable doit suivre la voie de la rclamation porte devant le directeur des contributions (3). 3. Agents diplomatiques et consulaires Les agents diplomatiques et consulaires belges accrdits ltranger sont considrs comme ayant la qualit dhabitants du royaume et sont donc soumis galement limpt des personnes physiques. Sont exclus du champ dapplication de limpt des personnes physiques et inclus ds lors, sous rserve des exonrations applicables, dans celui de limpt des non-rsidents : 1 o les diplomates et consuls de carrire trangers accrdits en Belgique ; 2 o sous condition de rciprocit, les autres membres du personnel de carrire de la mission diplomatique ou consulaire trangre et sils ne sont pas Belges, les membres de leur famille vivant leur foyer ; 3 o sous condition de rciprocit, les agents dtats trangers, de leurs subdivisions et dtablissements publics trangers, sils ne sont pas Belges et nexercent pas leur fonction dans le cadre dune activit industrielle ou commerciale (4).(1) C.I.R., art. 3, 2. (2) Loi du 8 aot 1983 sur le registre national des personnes physiques, art. 2. (3) Cons. t., 11 septembre 1985, n o 25.605, F.J.F., n o 86/39. (4) C.I.R., art. 4. Cfr Van den Einde, Aperu des privilges diplomatiques, consulaires et internationaux en matire dimpts sur les revenus et de taxe de circulation , Bull. contr., 1988, 1 re partie : n o 677 spcial, p. 1 et 2 e partie : n o 688 spcial, p. 147.

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Ces rgles sont lapplication des conventions internationales sur les relations diplomatiques et consulaires et dautres conventions sur les privilges et immunits. Le lgislateur semble avoir oubli dexclure les pouses et membres de la famille des diplomates et consuls eux-mmes. Section 2. Droit conventionnel Les conventions fiscales internationales suivront le modle de lOCDE, dfinissant le rsident dun tat contractant comme toute personne qui, en vertu de la lgislation de cet tat, y est assujettie limpt en raison de son domicile, de sa rsidence ou de tout autre critre de nature analogue (1). Pour cette dtermination, la Belgique pourra donc appliquer sa prsomption lgale. Toutefois, un conflit de rsidences sera rsolu par lapplication, lun dfaut de lautre, des critres conventionnels de rattachement qui sappliqueront indpendamment de la prsomption : foyer dhabitation permanent ; centre des intrts vitaux, identifi aux liens personnels et conomiques ; sjour habituel ; nationalit (2). Les normes conventionnelles de solutions de conflit de rsidences nont quun rle limit : elles rgissent la rpartition entre les deux tats contractants du droit dimposer les revenus du contribuable. Si la Belgique, conventionnellement, nest pas ltat de la rsidence, elle doit renoncer imposer les revenus dont limposition est attribue ltat de la rsidence et limiter conformment la convention la taxation des revenus quelle peut taxer en tant qutat de la source. Toutefois, ds lors que le pouvoir de taxer un revenu lui est attribu par la convention, le droit interne belge retrouve son empire : le contribuable qui, pour lapplication de la convention, est un rsident de lautre tat, sera, sur ses revenus imposables en Belgique, tax comme un habitant du royaume.(1) Convention OCDE, art. 4.1. (2) Convention OCDE, art. 4.1.

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Il sera impos limpt des personnes physiques, non limpt des non-rsidents. Les revenus dont limposition est attribue lautre tat seront pris en considration pour fixer le taux de limpt belge. Pour lapplication dautres conventions, conclues par exemple entre la Belgique et un tat do le contribuable tirerait des revenus, il sera considr comme un rsident belge (1).

(1) Com. Conv., 4/02 ; Vogel, Double Taxation Conventions, 1991, art. 4/13, pp. 150-151.

CHAPITRE II. SOCITS 1 er. Socits rsidentes Une socit, une association, un tablissement ou un organisme quelconque possde son domicile fiscal en Belgique ds lors quil y a : soit son sige social ou son principal tablissement ; soit, lorsquil sagit dune socit qui na pas proprement parler de sige social ou de principal tablissement, son sige de direction ou dadministration (1). Le sige qui est constitutif de domicile fiscal est donc un sige de fait et non un sige de droit, le lieu o sexerce la direction de la socit. Normalement, cette direction manera du conseil dadministration et de lassemble gnrale et le lieu des runions de ces organes sera indicatif du lieu o est tablie la direction. Il nen est toutefois pas ncessairement ainsi. Si le sige statutaire ne concide pas avec le principal tablissement de la socit, cest ce dernier qui sera dterminant : lindication dun sige dans les statuts nexprime en effet que lintention dune socit dtablir son principal tablissement en Belgique. Il faudra voir si elle sest confirme dans les faits. Ont t considres comme assujetties limpt des socits en Belgique : une socit belge ayant ltranger un sige administratif, mme si elle y traitait presque toutes ses affaires, ce sige ntant quun sige dexploitation soumis au contrle du sige social belge (2) ; une socit de droit congolais ayant son sige social Lopoldville, parce que les assembles gnrales se tenaient au sige administratif de Bruxelles et que les administrateurs et administrateurs dlgus y exeraient leurs fonctions (3) ; une socit luxembourgeoise dont la correspondance manait dune adresse belge, dont le fond de pouvoir exerait son activit(1) C.I.R., art. 2, 2, 2 o. Lagae, De migratie van vennootschappen en de Belgische inkomstenbelastingen , in Liber Amicorum E. Krings, 1991, p. 1031. (2) Bruxelles, 27 dcembre 1937 et 11 juillet 1938, Antwerpia III, Bull. contr., 144, pp. 372 et 139, p. 148. (3) Cass., 16 dcembre 1955, Pas., 1956, I, 376.

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principalement en Belgique, dont lactionnaire tait une banque luxembourgeoise spcialise dans la cration de holdings et dont lactivit principale consistait en la dtention dune crance sur une socit belge (1) ; tel sera souvent le cas des socits botes aux lettres constitues dans les paradis fiscaux. La doctrine est toutefois divise ce sujet : si les organes sociaux se runissent effectivement ltranger et se bornent excuter les instructions dun rsident belge, faut-il donner la priorit la direction formelle ou la direction effective (2) ? une socit franaise dont ladresse du sige social en France correspondait une simple bote aux lettres, qui nexerait aucune activit daffaires en France, alors quelle tait en relation daffaires constante avec une socit belge : les administrations fiscales belge et franaise taient daccord de considrer la socit comme rsidente de la Belgique (3). La consquence, en lespce, tait que la rmunration du grant devenait taxable. Souvent, le statut mme des socits privilgies tablies dans certains paradis fiscaux implique quelles soient diriges au dpart dun autre pays. Il sera alors difficile de prtendre quelles ny ont pas leur principal tablissement. Dans le cas o une socit formellement belge, concessionnaire de mines au Portugal, tait en fait dirige par ladministrateur-dlgu tabli dans ce pays, le conseil dadministration et lassemble gnrale qui se runissaient Bruxelles ne faisant quentriner les dcisions de ladministrateur-dlgu, il a t jug que cette socit ntait pas soumise limpt sur les socits belges, ntant pas dirige partir de la Belgique. Pour la Cour, la prsence du sige social statutaire en Belgique ne cre quune prsomption ; la loi vise une situation relle plutt quune situation formelle ou fictive (4).

(1) Bruxelles, 9 avril 1963, Perfita, Rev. fisc., 1964, p. 229. (2) Pour la premire solution, voy. Afschrift, La constitution dune personne morale de droit tranger dans lunique but dluder limpt belge , Mlanges offerts Raymond Vander Elst, Bruxelles, 1986, p. 39. (3) Lige, 9 novembre 1988, Bull. contr., 1991, n o 709, p. 2243. (4) Bruxelles, 29 juin 1982, Mines dAljustrel, F.J.F., n o 82/119.

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droit fiscal international 2. Socits trangres A. Droit interne

Sont soumises limpt des non-rsidents les socits qui nont pas en Belgique soit leur sige social, soit leur principal tablissement ou leur sige de direction ou dadministration et qui se livrent une exploitation ou des oprations de caractre lucratif autres que celles qui permettent une association sans but lucratif dchapper limpt des socits. Ces socits sont imposables dans deux hypothses : lorsquelles ont la personnalit juridique ; lorsque, sans possder la personnalit juridique, elles sont constitues sous une forme juridique analogue celles que vise larticle 2, 2, du Code. La loi vise donc toutes les socits et toutes les organisations de droit belge, rgies par le Code de commerce socits de capitaux et socits de personnes ou par dautres textes (socit agricole, groupement dintrt conomique, etc.) (1). Si une socit trangre a la personnalit juridique, elle sera impose comme telle limpt des non-rsidents, mme si, dans le pays de son sige, elle est traite comme fiscalement transparente et si limpt est tabli charge de ses associs. Si une socit trangre na pas la personnalit juridique, encore faudra-t-il vrifier si elle nest pas constitue sous une forme analogue celle dune socit ou dun organisme belge dot de la personnalit juridique. Cette rgle vise sans doute viter la difficult que rencontre le taxateur lorsque le concept de personnalit juridique tranger diffre du concept belge. Elle permettrait, par exemple, dimposer des socits en nom collectif trangres sans devoir examiner le droit tranger qui leur confre la personnalit juridique. On a voqu : le partnership amricain, qui constitue une entit certaines fins et non dautres (2) ;(1) C.I.R., art. 227, 2 o. (2) Ghysbrecht , Le rgime des socits trangres en Belgique , in Le rgime fiscal des socits en Belgique depuis les lois des 7 dcembre 1988, 22 dcembre 1989 et 22 fvrier 1990, 1990, p. 351.

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la socit en commandite nerlandaise, qui na pas la personnalit juridique, mais serait plus proche dune association en participation que dune commandite belge (1). Le groupement europen dintrt conomique tabli ltranger chappera lassimilation, puisque le rglement europen applicable impose de lui reconnatre la transparence fiscale (2). B. Droit conventionnel Une socit nayant pas son domicile fiscal en Belgique pourra revendiquer le bnfice du trait en vigueur entre la Belgique et ltat de son domicile, si elle est dote de la personnalit morale ou si elle est considre comme une personne morale aux fins dimposition . La convention conclue avec la France ne contient pas de pareille dfinition, mais tend la qualit de rsident aux socits de personnes et associations dpourvues de personnalit juridique. Si le trait ne reconnat pas aux socits non personnalises la qualit de rsident dun des tats contractants (3), lon devra considrer que les revenus sont recueillis directement par les associs et que les conventions respectives entre la Belgique et les divers tats de rsidence de ceux-ci trouvent sappliquer. En application des conventions, la Belgique considrait que les associations sans personnalit juridique ntaient pas des sujets dimpt distincts (4), mais que les socits de personnes qui, jadis, pouvaient opter pour limposition dans le chef de leurs membres, demeuraient des sujets dimpt, parce quelles conservaient le