edité par plurality presse s.a. directeur-rédacteur en chef ......qui change aujourd’hui,...

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C ette nouvelle génération de muséologues dépous- sière des institutions qui ont bien besoin d’un coup de tor- chon, mais la poussière est-elle pire que les puces? Car, dans leur course effrénée contre le temps, les jeunes muséologues amènent surtout, dans leurs cartons, des masses de gadgets électroniques, et deux obses- sions. Celle de «l’actualité» et celle de «l’implication»… où les «émotions» du public tiennent lieu de questions. Même un des orateurs – Stephen Feber – s’en est un peu agacé… et de loin, Régis Debray nous rappelle ces jours notre «devoir d’inac- tualité». Car nul gadget et nulle animation ne peut répondre à la question cruciale: une fois choisi le sujet, que met-on et qu’omet- on au musée… à l’école ou dans un journal? Le public voit vite les partis pris de la presse, il doit se plier aux normes scolaires, mais dans un musée, il est dé- muni face à l’intox. Prenons un exemple genevois, juste pour mettre au jour ce qui se cache derrière ce qui se montre… à l’insu même des «curateurs». Musée cyber ou rêvé? Le Musée de la Croix-Rouge (micr. ch) vient d’ouvrir une exposition sur Gandhi et ses «expériences de vérité», qui repose – outre des vitrines et panneaux de symboles artistiques, mystiques ou poli- tiques - sur les photos d’époque d’Henri Cartier-Bresson et deux courts films (en boucle). Dont celui d’Amar Kanwar, un artiste indien qui pense la violence et la combat à haute voix. Album du monde plus que coffre à trésors, donc, un musée «conceptuel» comme celui de la Croix-Rouge; qui peut, toutefois, collecter les pièces à conviction. Gandhi vou- lait brûler ses textes, mais ceux qui gênent ne sont pas exhibés ici à l’Avenue de la Paix: en lieu, les sages citations aux murs, sur la fraternité et la tolérance des religions, disent-elles toute la vérité? Tagore en avait une autre (voir «The Tagore-Gandhi debate on matters of truth and untruth» de Bindu Puri, déjà cité dans ce journal). Et quid de la photo des Kennedy sur un autre mur, alors que même la télé nous les décrit désormais comme des impos- teurs? Qui est le vrai père de l’indépendance de l’Inde: le mou- vement de Gandhi, la victoire de Roosevelt, l’imprudence de Hitler (bl.uk/reshelp/findhelpregion/ asia/india/indianindependence/ ww2/)? Ça pourrait faire une belle expo, «Les tabous du XX e siècle», mais – même poussé par le Musée d’ethno - un Musée de la Croix-Rouge ne peut en évo- quer un. Or il y en a plein, et si l’Afrique du Sud a eu sa vidéo à MuseumNext, une récente jour- née sur l’éducation à la Maison de la Paix (sur laquelle on revien- dra dans un prochain numéro), s’est demandée comment ce pays fétiche des couleurs… de Gandhi (voir //en.wikipedia.org/ wiki/Rainbow_nation) a pu pas- ser si vite du drame en noir et blanc à celui en noir et noir. Quand le guide donne un guide-âne… Assez accablé le pourtant méri- tant Musée de la Croix-Rouge, et sautons à pieds joints sur le Science Museum Group (scien- cemuseum.org.uk) qui, comme son pendant français (univer- science.fr), a la tête prise par le succès à court terme. Faisons un second essai avec un musée étranger, qui a fait voir le bout de son nez à un atelier du congrès. Le Museon de La Haye (museon. nl) héberge toutes les sciences dures et molles… mais il rêve de 27 avril 2015 – N o 675 Hebdomadaire distribué gracieusement à tous les ménages du Canton de Genève, de l’agglomération de Nyon et de toutes les autres communes de la Zone économique 11 (Triangle Genève- Gland-Saint Cergue). 168 818 exemplaires certifiés REMP/FRP. Edité par Plurality Presse S.A. Paraît le lundi Directeur-Rédacteur en chef: Thierry Oppikofer Coordination, Publicité, Gestion des annonces: Patrick Gravante Maquette: Imagic Sàrl Carouge, Daniel Hostettler, Sophie Gravante Flashage et impression: Mittelland Zeitungsdruck AG Distribution: Epsilon SA Rédaction, Administration, Service de publicité: 8, rue Jacques-Grosselin • 1227 Carouge Tél. 022/307 02 27• Fax 022/307 02 22 CCP 17-394483-5 E-mail: [email protected] © Plurality Presse S.A., 2015 www.toutemploi.ch TOUT L’EMPLOI & FORMATION • NO 675 • 27 AVRIL 2015 Les intellos au musée? Les musées sont – autant que les médias – menacés par la «révolution de l’information», même si la plupart – dans nos pays – sont des fleurons du service public. Malgré ces pensées noires, le Congrès de muséologie qui vient de se tenir à Genève (museumnext.com) fut plein de couleurs. D’autant que les «freelance», ces libres intellos jadis attirés par l’élasticité des médias et rejetés par la rigidité des écoles, jouent désormais les experts en musées… de l’extérieur. L’émotion les empêche de se parler.

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Page 1: Edité par Plurality Presse S.A. Directeur-Rédacteur en chef ......qui change aujourd’hui, c’est l’impact tech-nologique. «Quand un groupe d’élèves, une classe entière,

Cette nouvelle génération de muséologues dépous-sière des institutions qui

ont bien besoin d’un coup de tor-chon, mais la poussière est-elle pire que les puces? Car, dans leur course effrénée contre le

temps, les jeunes muséologues amènent surtout, dans leurs cartons, des masses de gadgets électroniques, et deux obses-sions. Celle de «l’actualité» et celle de «l’implication»… où les «émotions» du public tiennent lieu de questions. Même un des orateurs – Stephen Feber – s’en est un peu agacé… et de loin, Régis Debray nous rappelle ces jours notre «devoir d’inac-tualité». Car nul gadget et nulle animation ne peut répondre à la

question cruciale: une fois choisi le sujet, que met-on et qu’omet-on au musée… à l’école ou dans un journal? Le public voit vite les partis pris de la presse, il doit se plier aux normes scolaires, mais dans un musée, il est dé-

muni face à l’intox. Prenons un exemple genevois, juste pour mettre au jour ce qui se cache derrière ce qui se montre… à l’insu même des «curateurs».

Musée cyber ou rêvé?

Le Musée de la Croix-Rouge (micr.ch) vient d’ouvrir une exposition sur Gandhi et ses «expériences de vérité», qui repose – outre des vitrines et panneaux de symboles artistiques, mystiques ou poli-

tiques - sur les photos d’époque d’Henri Cartier-Bresson et deux courts films (en boucle). Dont celui d’Amar Kanwar, un artiste indien qui pense la violence et la combat à haute voix. Album du monde plus que coffre à trésors, donc, un musée «conceptuel» comme celui de la Croix-Rouge; qui peut, toutefois, collecter les pièces à conviction. Gandhi vou-lait brûler ses textes, mais ceux qui gênent ne sont pas exhibés ici à l’Avenue de la Paix: en lieu, les sages citations aux murs, sur la fraternité et la tolérance des religions, disent-elles toute la vérité? Tagore en avait une autre (voir «The Tagore-Gandhi debate on matters of truth and untruth» de Bindu Puri, déjà cité dans ce journal). Et quid de la photo des Kennedy sur un autre mur, alors que même la télé nous les décrit désormais comme des impos-teurs? Qui est le vrai père de l’indépendance de l’Inde: le mou-vement de Gandhi, la victoire de Roosevelt, l’imprudence de Hitler (bl.uk/reshelp/findhelpregion/asia/india/indianindependence/ww2/)? Ça pourrait faire une belle expo, «Les tabous du XXe

siècle», mais – même poussé par le Musée d’ethno - un Musée de la Croix-Rouge ne peut en évo-quer un. Or il y en a plein, et si l’Afrique du Sud a eu sa vidéo à MuseumNext, une récente jour-née sur l’éducation à la Maison de la Paix (sur laquelle on revien-dra dans un prochain numéro), s’est demandée comment ce pays fétiche des couleurs… de Gandhi (voir //en.wikipedia.org/wiki/Rainbow_nation) a pu pas-ser si vite du drame en noir et blanc à celui en noir et noir.

Quand le guide donne un guide-âne…Assez accablé le pourtant méri-tant Musée de la Croix-Rouge, et sautons à pieds joints sur le Science Museum Group (scien-cemuseum.org.uk) qui, comme son pendant français (univer-science.fr), a la tête prise par le succès à court terme. Faisons un second essai avec un musée étranger, qui a fait voir le bout de son nez à un atelier du congrès. Le Museon de La Haye (museon.nl) héberge toutes les sciences dures et molles… mais il rêve de

27 avril 2015 – No 675

Hebdomadaire distribué gracieusement à tous les ménages du Canton de Genève, de l’agglomération de Nyon et de toutes les autres communes de la Zone économique 11 (Triangle Genève-Gland-Saint Cergue). 168 818 exemplaires certifiés REMP/FRP.

Edité par Plurality Presse S.A. Paraît le lundi Directeur-Rédacteur en chef: Thierry Oppikofer Coordination, Publicité, Gestion des annonces: Patrick GravanteMaquette: Imagic Sàrl Carouge, Daniel Hostettler, Sophie GravanteFlashage et impression: Mittelland Zeitungsdruck AGDistribution: Epsilon SA

Rédaction, Administration, Service de publicité: 8, rue Jacques-Grosselin • 1227 Carouge Tél. 022/307 02 27• Fax 022/307 02 22 CCP 17-394483-5 E-mail: [email protected]

© Plurality Presse S.A., 2015

w w w . t o u t e m p l o i . c h

TOUT L’EMPLOI & FORMATION • NO 675 • 27 AVRIL 2015

Les intellos au musée?Les musées sont – autant que les médias – menacés par la «révolution de l’information», même si la plupart – dans nos pays – sont des fleurons du service public. Malgré ces pensées noires, le Congrès de muséologie qui vient de se tenir à Genève (museumnext.com) fut plein de couleurs. D’autant que les «freelance», ces libres intellos jadis attirés par l’élasticité des médias et rejetés par la rigidité des écoles, jouent désormais les experts en musées… de l’extérieur.

• L’émotion les empêche de se parler.

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TOUT L’EMPLOI & FORMATION • NO 675 • 27 AVRIL 2015

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Harcèlement scolaire, un pied en enferPris pour cible, l’élève lutte contre l’injustice et l’acharnement. Avec Internet, pas de répit, il est poursuivi partout et tout le temps.

En 2012, une enquête du Département genevois de l’instruction publique, de la culture et du sport (DIP) estimait à

6%, le nombre d’élèves de 13 à 20 ans vic-times de harcèlement dans le secondaire et le postobligatoire. «Dans le questionnaire, les jeunes interrogés disaient ne pas savoir pourquoi ils étaient harcelés», relève May Piaget, coordinatrice du groupe «vie et cli-mat scolaire», au DIP. A un âge où la loi du groupe règne dans la cour de récré, n’importe quel prétexte déclenche insultes, coups et brimades.

Un mal invisible

A l’école, les formes de harcèlement varient. «Etre moqué, pincé à répétition, que quelqu’un fasse tomber votre trousse sans arrêt, ce sont des petites choses qui, mises bout à bout, font le harcèlement», analyse Mme Piaget. Comme les vagues à l’assaut d’une falaise, cette stigmatisation défait la confiance de l’élève. Une mise à l’écart engendre repli sur soi, décrochage scolaire et idées suicidaires. Le film «La Guerre des boutons», nous rappelait que la violence entre enfants a toujours existé. Ce qui change aujourd’hui, c’est l’impact tech-nologique. «Quand un groupe d’élèves, une classe entière, se met contre vous sur les réseaux sociaux, ça fait encore plus mal», juge Tiziana Bellucci, directrice générale d’Action Innocence, association de lutte contre les dangers d’Internet.

Pour s’en sortir, en parler

«Le pire, poursuit Mme Bellucci, c’est qu’à force, on finit par croire que c’est vrai, qu’on est moche ou grosse et qu’on mérite notre sort». Désespéré, l’enfant préfère souvent

se murer dans le silence. Que peuvent faire les parents? Tout débrancher? Plus de Fa-cebook, Snapchat ou WhatsApp? «Tout cou-per, c’est une forme d’exclusion sociale, ce n’est pas une réponse», juge Mme Bellucci. Le jeune espère qu’il y aura des jours meil-leurs et le priver de ces outils numériques, c’est lui infliger une double peine. Sortir de cette spirale infernale passe par une prise de conscience. «Il faut prendre en charge le harcelé, mais aussi le harceleur qui a tout autant besoin d’aide», observe Mme Bellucci. Les enseignants mal formés, mal informés sont aussi concernés. «Sensibilisés à la

question, les professeurs peuvent déceler plus rapidement un problème et agir plus vite, argumente Mme Piaget du DIP. Et si les enfants savent que les adultes savent, les harcelés auront moins peur d’en parler et les harceleurs y réfléchiront à deux fois avant de passer à l’acte». n

François Jeand’Heur

P U B L I R É D A C T I O N N E L

se moderniser sous l’emblème de «l’état du monde». «Trop flou», a décrété une muséologue à l’atelier, pressée de «produire du concret»: on découvre vite, une fois dans le bain, que ces

pros du tout «interactif» sont, en fait, les champions du «direc-tif», avec des directives en série pour tous ceux qu’ils «animent». Pourtant, quelle perle pour-rait-on faire, autour de «l’état

du monde» vu de dix manières: celle du géologue, du biologiste, de l’historien, de l’ethnographe… pour prendre la liste du Museon. Deux cas rêvés sur cent mille musées réels… juste pour don-

ner une chance à la culture déboussolée de tenir la dragée haute aux gadgets qui amusent et au dialogue qui s’enlise. n

Boris Engelson

• Le harcèlement scolaire prend malheureusement de l’ampleur à cause d’Internet.