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tout l’emploi & formation • no 548 • 18 juin 2012 R ésumé des épisodes pré- cédents: depuis des an- nées, et encore dans les deux derniers numéros, Tout l’Emploi a rappelé le grand ou- blié du marché du travail: l’in- dépendant. Pas le faux indé- pendant, comme le médecin ou l’avocat, qui a «le meilleur des deux mondes»: une totale liberté, mais des revenus et un prestige garantis par l’Etat for- mateur ou tracassier. Ni l’in- dépendant flamboyant, comme l’homme d’affaires qu’on voit au cinéma bâtir des empires. Ni encore le gérant de fortune, qui vit comme un prince de la myopie des riches. Ni même le précaire, comme le domestique ou le métayer, qui est tout de même salarié, assez souvent. A vrai dire, on ne sait pas bien comment décrire ces métiers «libéraux», unis par leurs sou- cis plus que par leur statut. Le vrai indépendant ne l’est pas toujours au sens officiel: c’est l’artiste ou l’artisan de l’ombre… le précepteur occasionnel… le marchand ambulant… le journa- liste pigiste… parfois le courtier en vaches maigres… et bien sûr le petit patron, parfois juste pa- tron de lui-même. Le XX e siècle a tourné le dos à l’indépendant, comme l’Amérique a tourné le dos à l’Indien: un boutiquier dé- passé, voire un maraîcher ar- chaïque, pensait le consomma- teur séduit par le supermarché. Abandonné par l’Etat, l’indépen- dant a développé – toutes caté- gories confondues – une allergie aux képis étatiques; d’autant que la fiscalité dessert les revenus fluctuants. Le partage des peaux de bananes Mais l’indépendant a refusé de mourir, aidé désormais par la pléthore de diplômes: il est moins paysan que jamais, et toujours plus intello déclassé, vivotant de mandats, ou survi- vant comme plongeur. Certes, sa visibilité est restée limitée par l’émergence d’un nouvel indépendant haut de gamme: l’informaticien, qui (au début) a pu facturer gros… et dépen- ser peu: juste de quoi impri- mer des cartes de visite. Bref, l’indépendant de base est de- puis un siècle au moins dans la tache aveugle de nos services sociaux. Dernière preuve, mais spectaculaire, à l’issue de la conférence annuelle de l’Orga- nisation internationale du tra- vail. L’OIT a lancé un «appel» pour une couverture sociale et un revenu décent pour tous les travailleurs du secteur «formel et informel». Bon, ça ne mange pas de pain, comme on dit, surtout quand on voit ce que ça veut dire en pratique. Il y a quelques jours fut présenté au Palais des Nations le dernier numéro du «Journal interna- tional de recherche syndicale», qui traite de «Justice sociale et croissance: le rôle du salaire minimum». Et pour montrer que c’est du sérieux, on y a insisté sur le cas de l’Inde, qui a de- puis 1948 une loi en la matière, aux effets très limités pour l’instant. Les vingt-cinq pages écrites et vingt minutes orales consacrées au sujet montraient comment les salariés (un sur six des actifs indiens) et même les «occasionnels» (un sur trois) pourraient voir leur sort s’améliorer avec un salaire mi- nimum. Mais un sur six plus un sur trois, ça ne fait qu’une petite moitié. «Qu’a-t-on prévu pour l’autre moitié… les cinquante et un pour cent d’indépendants?». Réponse à ma question: «Euh! rien». En Suisse, les syndicats ont même torpillé, avec leur initiative pour un «salaire» 18 juin 2012 – no 548 Hebdomadaire distribué gracieusement à tous les ménages du Canton de Genève, de l’agglomération de Nyon et de toutes les autres communes de la Zone économique 11 (Triangle Genève- Gland-Saint Cergue). 181 928 exemplaires certifiés REMP/FRP. Edité par Plurality Presse S.A. Paraît le lundi Directeur-Rédacteur en chef: Thierry Oppikofer Coordination, Publicité, Gestion des annonces: Patrick Gravante Maquette: Imagic Sàrl Carouge, Daniel Hostettler, Sophie Hostettler Flashage et impression: Courvoisier-Attinger Arts Graphiques SA Distribution: Epsilon SA Rédaction, Administration, Service de publicité: 8, rue Jacques-Grosselin • 1227 Carouge Tél. 022/307 02 27• Fax 022/307 02 22 CCP 17-394483-5 E-mail: [email protected] © Plurality Presse S.A., 2012 www.toutemploi.ch la révolution est en marche Depuis 50 ans qu’on l’attendait des centrales syndicales ou des chambres de commerce… 40 ans, des offices de l’emploi et des administrations fiscales… 30 ans, de l’économie publique et du capital-risque… 20 ans, des agences de placement et des associations professionnelles! et ce n’est que cette semaine, au V e étage d’un hôtel de luxe, qu’on a pu voir la solution en chair et en os: «le portage salarial» ou «location de services». Bref, les travailleurs indépendants ne sont plus condamnés à la pauvreté et à la solitude. Un contrat «gagnant-gagnant».

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Page 1: Edité par Plurality Presse S.A. Directeur-Rédacteur en chef: … · 2012-07-06 · 20 ans, des agences de placement et des associations professionnelles! et ce n’est que cette

tout l’emploi & formation • no 548 • 18 juin 2012

Résumé des épisodes pré-cédents: depuis des an-nées, et encore dans les

deux derniers numéros, Tout l’Emploi a rappelé le grand ou-blié du marché du travail: l’in-dépendant. Pas le faux indé-pendant, comme le médecin ou l’avocat, qui a «le meilleur des deux mondes»: une totale liberté, mais des revenus et un prestige garantis par l’Etat for-mateur ou tracassier. Ni l’in-dépendant flamboyant, comme l’homme d’affaires qu’on voit au cinéma bâtir des empires. Ni encore le gérant de fortune, qui vit comme un prince de la myopie des riches. Ni même le précaire, comme le domestique ou le métayer, qui est tout de même salarié, assez souvent. A vrai dire, on ne sait pas bien comment décrire ces métiers «libéraux», unis par leurs sou-cis plus que par leur statut. Le vrai indépendant ne l’est pas toujours au sens officiel: c’est l’artiste ou l’artisan de l’ombre… le précepteur occasionnel… le marchand ambulant… le journa-liste pigiste… parfois le courtier en vaches maigres… et bien sûr le petit patron, parfois juste pa-

tron de lui-même. Le XXe siècle a tourné le dos à l’indépendant, comme l’Amérique a tourné le dos à l’Indien: un boutiquier dé-passé, voire un maraîcher ar-chaïque, pensait le consomma-teur séduit par le supermarché. Abandonné par l’Etat, l’indépen-dant a développé – toutes caté-gories confondues – une allergie aux képis étatiques; d’autant que la fiscalité dessert les revenus fluctuants.

Le partage des peaux de bananesMais l’indépendant a refusé de mourir, aidé désormais par la pléthore de diplômes: il est

moins paysan que jamais, et toujours plus intello déclassé, vivotant de mandats, ou survi-vant comme plongeur. Certes, sa visibilité est restée limitée par l’émergence d’un nouvel indépendant haut de gamme: l’informaticien, qui (au début) a pu facturer gros… et dépen-ser peu: juste de quoi impri-mer des cartes de visite. Bref, l’indépendant de base est de-puis un siècle au moins dans la tache aveugle de nos services sociaux. Dernière preuve, mais spectaculaire, à l’issue de la conférence annuelle de l’Orga-nisation internationale du tra-vail. L’OIT a lancé un «appel» pour une couverture sociale et

un revenu décent pour tous les travailleurs du secteur «formel et informel». Bon, ça ne mange pas de pain, comme on dit, surtout quand on voit ce que ça veut dire en pratique. Il y a quelques jours fut présenté au Palais des Nations le dernier numéro du «Journal interna-tional de recherche syndicale», qui traite de «Justice sociale et croissance: le rôle du salaire minimum». Et pour montrer que c’est du sérieux, on y a insisté sur le cas de l’Inde, qui a de-puis 1948 une loi en la matière, aux effets très limités pour l’instant. Les vingt-cinq pages écrites et vingt minutes orales consacrées au sujet montraient comment les salariés (un sur six des actifs indiens) et même les «occasionnels» (un sur trois) pourraient voir leur sort s’améliorer avec un salaire mi-nimum. Mais un sur six plus un sur trois, ça ne fait qu’une petite moitié. «Qu’a-t-on prévu pour l’autre moitié… les cinquante et un pour cent d’indépendants?». Réponse à ma question: «Euh! rien». En Suisse, les syndicats ont même torpillé, avec leur initiative pour un «salaire»

18 juin 2012 – no 548

Hebdomadaire distribué gracieusement à tous les ménages du Canton de Genève, de l’agglomération de Nyon et de toutes les autres communes de la Zone économique 11 (Triangle Genève-Gland-Saint Cergue). 181 928 exemplaires certifiés REMP/FRP.

Edité par Plurality Presse S.A. Paraît le lundi Directeur-Rédacteur en chef: Thierry Oppikofer Coordination, Publicité, Gestion des annonces: Patrick GravanteMaquette: Imagic Sàrl Carouge, Daniel Hostettler, Sophie HostettlerFlashage et impression: Courvoisier-Attinger Arts Graphiques SADistribution: Epsilon SA

Rédaction, Administration, Service de publicité: 8, rue Jacques-Grosselin • 1227 Carouge Tél. 022/307 02 27• Fax 022/307 02 22 CCP 17-394483-5 E-mail: [email protected]

© Plurality Presse S.A., 2012

w w w . t o u t e m p l o i . c h

la révolution est en marcheDepuis 50 ans qu’on l’attendait des centrales syndicales ou des chambres de commerce… 40 ans, des offices de l’emploi et des administrations fiscales… 30 ans, de l’économie publique et du capital-risque… 20 ans, des agences de placement et des associations professionnelles! et ce n’est que cette semaine, au Ve étage d’un hôtel de luxe, qu’on a pu voir la solution en chair et en os: «le portage salarial» ou «location de services». Bref, les travailleurs indépendants ne sont plus condamnés à la pauvreté et à la solitude.

• Un contrat «gagnant-gagnant».

Page 2: Edité par Plurality Presse S.A. Directeur-Rédacteur en chef: … · 2012-07-06 · 20 ans, des agences de placement et des associations professionnelles! et ce n’est que cette

• é c o n o m i e

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minimum, une autre campagne pour un «revenu» universel mi-nimum.

Être à son compte partagéMais soudain, des anges tombés du ciel se sont posés sur le toit de l’Hôtel Métropole: «Swiss La-bour Contractors» (site web du même nom sans espace entre les mots et suivi de .com) est une

sorte de super fiduciaire qui mu-tualise la logistique et la couver-ture des indépendants. J’ignore s’ils sont seuls dans ce créneau, mais on ne semble pas s’y bous-culer, malgré un besoin criant et un drame latent. «En Suisse, les administrations n’aiment pas ce qui est hybride… on doit avoir noir sur blanc le statut de salarié ou d’indépendant; nous avons dû montrer patte blanche aux autorités pour les convaincre de

notre système». La rhétorique étatique prône plutôt le «métis-sage» que l’«hybridation», sauf pour les voitures, alors le pro-pos de Swiss Labour Contrac-tors ira droit au coeur de tout «bâtard» professionnel. J’avoue n’avoir pas encore lu en détail la brochure «Travailler à son compte» que les conférenciers ont présentée à l’écran devant un parterre patronal (ifma-net.ch). Mais j’étais si pressé de

vous apporter la bonne nouvelle que j’ai détalé sans même at-tendre le repas qui suivit. Le seul hic du «portage salarial» (nom donné en France à ce système, qu’on trouve dans Wikipedia), c’est qu’on devient indépendant par peur de ressembler au tra-vailleur «normal». Avec le por-tage, rien ne sera plus normal que d’être anormal. n

Boris Engelson

• c a s p r at i q u e

le chômage ne paie pas tout et n’importe quoiléo a fait un apprentissage d’employé de commerce. il a ensuite travaillé plusieurs années dans le domaine médical, et même en tant que masseur. pour des raisons de santé, léo a dû cesser ses activités pour rechercher un emploi dans un bureau. engagé en qualité de secrétaire politique et administratif, il s’était obligé, durant l’entretien, à suivre un cours d’informatique.

Léo a dès lors fait une de-mande à l’Office de chô-mage pour obtenir l’as-

sentiment de fréquentation à un cours intensif d’informatique, et il y a pris part avant même d’avoir obtenu une réponse de l’Office concerné. L’Office régional de placement a finalement refusé la demande de financement du cours, au motif qu’il n’améliorait pas l’aptitude au placement de Léo.

L’assurance chômage doit poursuivre son butLa LACI (loi sur l’assurance-chômage) vise notamment à prévenir le chômage imminent et à combattre le chômage existant par des mesures de marché du travail en faveur des personnes assurées. L’assurance encourage, par des prestations en espèces, la re-conversion, le perfectionnement

et l’intégration professionnels des assurés dont le placement est impossible ou très difficile pour des raisons inhérentes au marché de l’emploi. Le droit aux prestations d’assu-rance pour la reconversion, le perfectionnement ou l’intégra-tion professionnels est lié à la si-tuation du marché du travail: des mesures préventives ne doivent être mises en œuvre que si elles sont directement commandées par l’état de ce marché. Cette condition permet d’éviter l’allo-cation de prestations qui n’ont aucun rapport avec l’assurance-chômage.

La formation de base et le perfectionnement en général n’appartiennent pas au chômageLes mesures proposées par le chômage doivent permettre à l’assuré – touché par le chô-

mage - de s’adapter aux pro-grès industriels et techniques et de mettre ainsi à profit ses aptitudes professionnelles existantes.En l’espèce, Léo a fait sa de-mande d’assentiment de fré-quentation d’un cours d’infor-matique alors qu’il se savait déjà engagé. Ainsi, selon le Tribunal, l’engagement ne dé-pendait pas de ce cours, même si Léo avait promis de se for-mer en cas de conclusion du contrat. Le cours en question ne constituait pas une condi-tion indispensable à l’engage-ment et ne visait dès lors pas à améliorer son aptitude au pla-cement, mais à respecter une promesse faite lors de l’entre-tien d’embauche. Toujours selon le Tribunal, les compétences en informatique ne constituaient en outre qu’un atout supplémentaire, mais non pas une condition déterminante pour l’obtention du poste.

Pour finir, le Tribunal a confir-mé qu’au vu des activités va-riées que Léo avait exercées dans sa vie professionnelle, on ne saurait admettre que son placement était impossible ou difficile pour des raisons inhé-rentes au marché du travail. Le financement du cours n’a ainsi pas été pris en charge par le chômage. n

Nicole de Cerjat, juriste, responsable

du service juridique au secrétariat romand

de la SEC Suisse, Neuchâtel

Société suisse des Employés de Commerce(SEC Suisse)Case postale 30722001 NeuchâtelTél. 0848 810 910 (membres)Tél. 0901 555 717 (non-membres: Fr. 2.50 / min.).