edité par plurality presse s.a. directeur-rédacteur …...le meilleur des cas, selon moses...

2
B ien sûr, la finance en prend pour son grade: «Un ban- quier est toujours en li- berté provisoire», disait Raymond Poincaré, Président de la Répu- blique Française à une époque de grandes «affaires». Mais c’est occulter le banquier utile, car «Un père est un banquier donné par la nature», admet un proverbe et approuve le cinéma (voir, par exemple, «Alberto Express»). Des métiers d’argent, le comp- table est le mieux traité par une formule anonyme: «Ce ne sont pas les poètes ni les romanciers qui ont inventé l’écriture… mais les comptables». Miles Thomas, patron de Morris pendant la guerre, ajoute qu’un «comptable compétent annonce dès la veille ce que les économistes décou- vrent le jour même pour celui d’après». Les métiers nobles sont nus face à la sagesse populaire, qui ne voit pas l’équilibre des trois pouvoirs comme nous le raconte l’Etat: «Le client attend l’avocat, l’avocat attend le juge, et le juge attend de l’avancement», aurait dit un certain Gabriel Delattre. Quand on prend de l’âge, on dé- couvre que le fameux «Dieu gué- rit, le médecin encaisse» garde son actualité, tandis que les er- reurs médicales rendent espoir aux moribonds: «Mieux vaut être condamné par le médecin que par un juge». L’éthique après le diagnostic: «C’est folie de faire de son médecin son héritier»; cette dernière formule, sortie en 1568 de la plume d’un certain Meu- rier, aurait pu sortir de la bouche de Frédéric Pottecher, témoin de tant de procès. En plein XX e siècle, un cardiologue anglais faisait grimper cent fois au pas de course les marches devant l’église par ses patients… après qu’ils eurent signé un testament en sa faveur (il fut acquitté, faute de plan avéré). Des métiers de la santé, le plus décrié est toutefois le psy, en toutes ses variantes: consulter «un voyant n’est pas plus néfaste qu’aller à la messe, à la mosquée, ou même chez un psy», clame Dieudonné; «La psychanalyse s’arrête quand le patient est ruiné», aurait dit Carl Gustav Jung lui-même; tandis que l’humoriste Jean Nohain s’en prend à la psychologie, «science qui vous apprend des choses que vous savez déjà en des termes que vous ne comprenez pas». Ceux qui prennent leur temps L’informaticien est perçu comme un animal hybride de la tortue et la limace, dans nombre de formules assassines. Même un métier aussi hors du temps (si l’on ose dire) que l’historien est l’objet d’avis aigres-doux. Il y a bien sûr toutes les variantes sur la «prévision du passé», dont une du poète Henri Heine. Mais quand Max Gallo – historien lui- même – lâche qu’«être historien, c’est être masochiste», il pense sans doute aux faits têtus qui font braire plutôt que bêler: pas étonnant que l’historien Gallo soit passé de gauche à droite. En les proclamant «tous des im- puissants», le peintre Salvador Dali réduit les artistes à un cas particulier, mais le poète Alfred de Musset note qu’un «peuple malheureux fait les grands ar- tistes». Aux professionnels des «ressources humaines» colle le cliché qu’ils sont «loin de la réalité des métiers», selon un réseau social. Hélas! On ne peut omettre le journaliste, qui (dans le meilleur des cas, selon Moses Isegawa) «transforme les mots en armes», mais dont «le pire ennemi (…) est l’information», selon les auteurs du «Journa- lisme sans peine». En deman- dant «pourquoi acheter un jour- nal quand on peut acheter un journaliste?», Bernard Tapie re- tarde d’une guerre, sauf pour la presse mondaine. Le plus cruel fut l’homme d’action Otto von Bismarck, pour qui «un journa- liste, c’est quelqu’un qui a man- qué sa vocation». Mépris de l’autre ou haine de soi? Les métiers plus «peuple» sont- ils à l’abri des flèches du public? La flicaille est une des cibles tout l’emploi & formation • no 580 • 11 mars 2013 11 mars 2013 – no 580 Hebdomadaire distribué gracieusement à tous les ménages du Canton de Genève, de l’agglomération de Nyon et de toutes les autres communes de la Zone économique 11 (Triangle Genève- Gland-Saint Cergue). 172 327 exemplaires certifiés REMP/FRP. Edité par Plurality Presse S.A. Paraît le lundi Directeur-Rédacteur en chef: Thierry Oppikofer Coordination, Publicité, Gestion des annonces: Patrick Gravante Maquette: Imagic Sàrl Carouge, Daniel Hostettler, Sophie Gravante Flashage et impression: Courvoisier-Attinger Arts Graphiques SA Distribution: Epsilon SA Rédaction, Administration, Service de publicité: 8, rue Jacques-Grosselin • 1227 Carouge Tél. 022/307 02 27• Fax 022/307 02 22 CCP 17-394483-5 E-mail: [email protected] © Plurality Presse S.A., 2013 www.toutemploi.ch métiers de règles et d’exception toute vérité n’est pas bonne à dire: du moins pour la parole officielle… et c’est pourquoi les dictons et les blagues en disent parfois aussi long. aperçu des «proverbes» ou «citations» sur les métiers, qu’on trouve (non sans mal) en ligne. En deux siècles, l’image a peu changé.

Upload: others

Post on 13-May-2020

4 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Edité par Plurality Presse S.A. Directeur-Rédacteur …...le meilleur des cas, selon Moses Isegawa) «transforme les mots en armes», mais dont «le pire ennemi (…) est l’information»,

Bien sûr, la finance en prend pour son grade: «Un ban-quier est toujours en li-

berté provisoire», disait Raymond Poincaré, Président de la Répu-blique Française à une époque de grandes «affaires». Mais c’est occulter le banquier utile, car «Un père est un banquier donné par la nature», admet un proverbe et approuve le cinéma (voir, par exemple, «Alberto Express»). Des métiers d’argent, le comp-table est le mieux traité par une formule anonyme: «Ce ne sont pas les poètes ni les romanciers qui ont inventé l’écriture… mais les comptables». Miles Thomas, patron de Morris pendant la guerre, ajoute qu’un «comptable compétent annonce dès la veille ce que les économistes décou-vrent le jour même pour celui d’après». Les métiers nobles sont nus face à la sagesse populaire, qui ne voit pas l’équilibre des trois pouvoirs comme nous le raconte l’Etat: «Le client attend l’avocat, l’avocat attend le juge, et le juge attend de l’avancement», aurait dit un certain Gabriel Delattre. Quand on prend de l’âge, on dé-couvre que le fameux «Dieu gué-rit, le médecin encaisse» garde son actualité, tandis que les er-reurs médicales rendent espoir aux moribonds: «Mieux vaut être condamné par le médecin que

par un juge». L’éthique après le diagnostic: «C’est folie de faire de son médecin son héritier»; cette dernière formule, sortie en 1568 de la plume d’un certain Meu-rier, aurait pu sortir de la bouche de Frédéric Pottecher, témoin de tant de procès. En plein XXe siècle, un cardiologue anglais faisait grimper cent fois au pas de course les marches devant l’église par ses patients… après qu’ils eurent signé un testament en sa faveur (il fut acquitté, faute de plan avéré). Des métiers de la santé, le plus décrié est toutefois le psy, en toutes ses variantes: consulter «un voyant n’est pas plus néfaste qu’aller à la messe, à la mosquée, ou même chez un psy», clame Dieudonné; «La psychanalyse s’arrête quand le patient est ruiné», aurait dit Carl

Gustav Jung lui-même; tandis que l’humoriste Jean Nohain s’en prend à la psychologie, «science qui vous apprend des choses que vous savez déjà en des termes que vous ne comprenez pas».

Ceux qui prennent leur tempsL’informaticien est perçu comme un animal hybride de la tortue et la limace, dans nombre de formules assassines. Même un métier aussi hors du temps (si l’on ose dire) que l’historien est l’objet d’avis aigres-doux. Il y a bien sûr toutes les variantes sur la «prévision du passé», dont une du poète Henri Heine. Mais quand Max Gallo – historien lui-même – lâche qu’«être historien, c’est être masochiste», il pense

sans doute aux faits têtus qui font braire plutôt que bêler: pas étonnant que l’historien Gallo soit passé de gauche à droite. En les proclamant «tous des im-puissants», le peintre Salvador Dali réduit les artistes à un cas particulier, mais le poète Alfred de Musset note qu’un «peuple malheureux fait les grands ar-tistes». Aux professionnels des «ressources humaines» colle le cliché qu’ils sont «loin de la réalité des métiers», selon un réseau social. Hélas! On ne peut omettre le journaliste, qui (dans le meilleur des cas, selon Moses Isegawa) «transforme les mots en armes», mais dont «le pire ennemi (…) est l’information», selon les auteurs du «Journa-lisme sans peine». En deman-dant «pourquoi acheter un jour-nal quand on peut acheter un journaliste?», Bernard Tapie re-tarde d’une guerre, sauf pour la presse mondaine. Le plus cruel fut l’homme d’action Otto von Bismarck, pour qui «un journa-liste, c’est quelqu’un qui a man-qué sa vocation».

Mépris de l’autre ou haine de soi?Les métiers plus «peuple» sont-ils à l’abri des flèches du public? La flicaille est une des cibles

tout l’emploi & formation • no 580 • 11 mars 2013

11 mars 2013 – no 580

Hebdomadaire distribué gracieusement à tous les ménages du Canton de Genève, de l’agglomération de Nyon et de toutes les autres communes de la Zone économique 11 (Triangle Genève-Gland-Saint Cergue). 172 327 exemplaires certifiés REMP/FRP.

Edité par Plurality Presse S.A. Paraît le lundi Directeur-Rédacteur en chef: Thierry Oppikofer Coordination, Publicité, Gestion des annonces: Patrick GravanteMaquette: Imagic Sàrl Carouge, Daniel Hostettler, Sophie GravanteFlashage et impression: Courvoisier-Attinger Arts Graphiques SADistribution: Epsilon SA

Rédaction, Administration, Service de publicité: 8, rue Jacques-Grosselin • 1227 Carouge Tél. 022/307 02 27• Fax 022/307 02 22 CCP 17-394483-5 E-mail: [email protected]

© Plurality Presse S.A., 2013

w w w . t o u t e m p l o i . c h

métiers de règles et d’exception toute vérité n’est pas bonne à dire: du moins pour la parole officielle… et c’est pourquoi les dictons et les blagues en disent parfois aussi long. aperçu des «proverbes» ou «citations» sur les métiers, qu’on trouve (non sans mal) en ligne.

• En deux siècles, l’image a peu changé.

Page 2: Edité par Plurality Presse S.A. Directeur-Rédacteur …...le meilleur des cas, selon Moses Isegawa) «transforme les mots en armes», mais dont «le pire ennemi (…) est l’information»,

des blagues de comptoir, tan-dis que la secrétaire jouit d’une compassion machiste: trop sou-vent, «quand une secrétaire est congédiée, c’est pour une bê-tise… qu’elle a refusé de faire». Mais les temps sont durs, même pour le patron, qui jadis «emme-nait sa secrétaire en voyage en la faisant passer pour sa femme»; désormais «avec le régime des notes de frais, on emmène sa femme en la faisant passer pour sa secrétaire» (André Guillois). La caissière doit-elle toujours entendre les mamans dire à

leur petit que «si tu n’as pas de bonnes notes, tu finiras comme madame»? Presque disparu de nos jours, le meunier était de-venu un symbole du fraudeur: «cheval (ou cochon) de meunier» suscitant autant de méfiance que «servante de curé» et «chien de boucher». Fin février, témoi-gnage touchant d’Amérique, pays qui honore d’habitude les «cols bleus» des villes et les «nuques rouges» des champs: venant d’un milieu de patrons, de juristes, de docteurs, pour qui tout les autres étaient «idiots et sales», l’auteur

a dû longtemps cacher à ses pa-rents qu’il adorait son club tech-nique, où il bricolait des voitures solaires. Mais la pratique d’avocat l’a poussé à bout, et il a en fin de compte tout plaqué pour l’indus-trie (voir thesimpledollar.com; et le film d’Elia Kazan «Splendor in the Grass»).

Notre société a trois étoilesTrois citations sur les métiers en général, pour finir: l’écrivain George Bernard Shaw s’en pre-

nait sans doute au sectarisme corporatiste, quand il accusait «toutes les professions» d’être des «conspirations contre les laïcs». Pour Napoléon Bona-parte, «la plus grande des im-moralités est de faire un métier qu’on ne sait pas». Enfin, dans des «Propos sur l’éducation», un certain Emile-Auguste Chartier, dit Alain, conclut que «le mé-tier de surveiller rend stupide et ignorant»; et de préciser: «cela est sans exception». n

Boris Engelson

tout l’emploi & formation • no 580 • 11 mars 2013

• m é t i e r s 45

• c a s p r at i q u e

ne forme pas des apprentis qui veut!une fondation a pour but le soutien de projets favorisants l’autogestion de la santé, en particulier dans le cadre d’une meilleure connaissance du cycle féminin, de la sexualité et de l’application d’une méthode particulière de régulation des naissances. cette fondation a sollicité l’autorisation de former une apprentie dans la profession d’employé de commerce. l’annonce de recrutement mentionnait notamment que l’apprentie recherchée devait être âgée de 18 ans au minimum et être disposée à ne pas prendre de contraception chimique durant la période de formation. alertée, la Direction de la formation professionnelle a retiré l’autorisation de former une apprentie, considérant que «les conditions posées à l’engagement des futures candidates étaient hors de propos en matière de formation professionnelle».

En vertu de la loi, les pres-tataires de la formation à la pratique professionnelle

doivent avoir obtenu l’autorisa-tion du canton de former des apprentis. Les cantons veillent à assurer la surveillance de la for-mation professionnelle initiale. L’encadrement et l’accompagne-ment des parties aux contrats d’apprentissage font partie de la surveillance, tout comme la qua-lité de la formation à la pratique professionnelle et le respect des dispositions légales. A cet égard, l’autorité cantonale refuse de dé-livrer une autorisation de former ou, une fois délivrée, la retire si la formation est insuffisante, si les formateurs ne remplissent pas ou plus les exigences légales ou s’ils contreviennent à leurs obligations.

L’apprenti a droit à une protection particulièreSelon le Code des obligations, le contrat d’apprentissage est un contrat de travail de caractère spé-cial, en vertu duquel l’employeur s’engage à former son apprenti à l’exercice d’une activité profession-

nelle déterminée, conformément aux règles du métier. La personne en formation s’engage quant à elle à travailler au service de l’em-ployeur pour acquérir cette forma-tion. L’employeur doit aussi proté-ger et respecter, dans les rapports de travail, la personnalité du tra-vailleur. Ce principe revêt une im-portance particulière dans le cadre d’un contrat d’apprentissage. Cette protection recouvre l’ensemble des valeurs essentielles, physiques, af-fectives et sociales liées à la per-sonne humaine et s’exerce en ce sens que le travailleur a le droit de ne pas subir d’atteinte dans sa sphère privée. La sphère privée englobe la vie intime, soit les faits et gestes que chacun veut garder pour soi-même, ainsi que la vie privée, soit les événements que chacun choisit de partager avec un cercle plus ou moins étroit de personnes, qu’ils soient ou non en relation avec la vie professionnelle.

L’intérêt public ne justifie pas toutLors des entretiens d’engage-ment, la fondation convoquait aus-si les amis des candidates et leur

posait des questions relevant de la sphère intime, plus spécialement au sujet des méthodes contracep-tives utilisées. La fondation justifiait sa manière d’agir par le fait qu’elle était re-connue d’intérêt public et qu’à ce titre elle restait même exonérée d’impôt. Le Tribunal a toutefois constaté qu’il n’existait aucun lien entre une exonération d’impôt et l’autorisation de former des ap-prentis, puisque cette dernière se fondait uniquement sur des motifs de protection de la personnalité, peu important que l’entreprise accomplisse une œuvre d’utilité publique.Il était dès lors clairement établi qu’en l’espèce, l’employeur, de par ses exigences et ses questions, avait porté atteinte aux droits de la personnalité des candidates à l’apprentissage.

La liberté d’opinion n’est pas violée par l’interdiction de formerLa fondation prétendit enfin que le retrait de l’autorisation de for-mer violait sa liberté d’opinion.

La liberté d’opinion garantie par la Constitution comprend le droit de diffuser librement son opi-nion, de l’extérioriser et de le diffuser. Le Tribunal a constaté qu’il n’était pas possible de pré-texter la liberté d’opinion pour instrumentaliser un apprenti et l’utiliser à des fins de promotion. Dans le cas particulier, il n’a ja-mais été interdit à la fondation d’exprimer son opinion et le re-trait de l’autorisation de former une apprentie ne l’empêche nul-lement de poursuivre son but idéal. n

Nicole de Cerjat, juriste, responsable du service juridique au secrétariat romand de la SEC

Suisse, Neuchâtel

Société suisse des Employés de Commerce(SEC Suisse)Case postale 30722001 NeuchâtelTél. 0848 810 910 (membres)Tél. 0901 555 717 (non-membres: Fr. 2.50 / min.).