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N° ordre 2007-ISAL-0069 Année 2007 Thèse Contribution à la modélisation de la cristallisation des polymères sous cisaillement : application à l’injection des polymères semi -cristallins Présentée devant L’Institut National des Sciences Appliquées de Lyon Pour obtenir Le grade de docteur École doctorale matériaux de Lyon Par Nadia BRAHMIA Soutenue le 24 octobre 2007 devant la Commission d’examen Jury MM. Rapporteur J. GRENET Professeur (Université de Rouen) Rapporteur J. M. HAUDIN Professeur (Ecole des Mines de Paris) Examinateur M. RAYNAUD Professeur (INSA de Lyon) Examinateur D. GARCIA Chef de projet R&D,Pôle Européen de Plasturgie (Bellignat) Directeur de thèse P. BOURGIN Professeur (INSA de Lyon) Co-directeur de thèse M.BOUTAOUS Maître de conférence (INSA de Lyon) Invité L.I. PALADE Maître de conférence (INSA de Lyon) Invité R. FULCHIRON Maître de conférence (Université Claude Bernard - Lyon 1) Laboratoire de recherche : Centre Thermique de Lyon (CETHIL UMR CNRS 5008)

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  • N° ordre 2007-ISAL-0069 Année 2007

    Thèse

    Contribution à la modélisation de la cristallisation des polymères

    sous cisaillement :

    application à l’injection des polymères semi-cristallins

    Présentée devant

    L’Institut National des Sciences Appliquées de Lyon

    Pour obtenir

    Le grade de docteur

    École doctorale matériaux de Lyon

    Par

    Nadia BRAHMIA

    Soutenue le 24 octobre 2007 devant la Commission d’examen

    Jury MM.

    Rapporteur J. GRENET Professeur (Université de Rouen)

    Rapporteur J. M. HAUDIN Professeur (Ecole des Mines de Paris)

    Examinateur M. RAYNAUD Professeur (INSA de Lyon)

    Examinateur D. GARCIA Chef de projet R&D,Pôle Européen de Plasturgie (Bellignat)

    Directeur de thèse P. BOURGIN Professeur (INSA de Lyon)

    Co-directeur de thèse M.BOUTAOUS Maître de conférence (INSA de Lyon)

    Invité L.I. PALADE Maître de conférence (INSA de Lyon)

    Invité R. FULCHIRON Maître de conférence (Université Claude Bernard - Lyon 1)

    Laboratoire de recherche :

    Centre Thermique de Lyon (CETHIL UMR CNRS 5008)

  • Nadia Brahmia

    2

  • 3

    Contribution à la modélisation de la cristallisation des polymères

    sous cisaillement : application à l’injection des polymères semi-

    cristallins

    Résumé

    L’objectif de ce travail est d’étudier l’influence de la pression et du cisaillement sur la cinétique de cristallisation

    des polymères.

    Les propriétés thermophysiques d’un polymère (polypropylène) ont été caractérisées et modélisées par des lois

    de mélange. La cinétique de cristallisation du polypropylène au repos a été étudiée par calorimétrie. Les

    dépendances thermiques du nombre initial de germes activés ainsi que la vitesse de croissance des sphérolites ont

    été utilisées avec le modèle cinétique de Schneider et la méthode d’estimation des paramètres de Levenberg-

    Marquardt pour décrire d’une manière simultanée les taux de transformation isothermes et ceux obtenus à vitesse

    de refroidissement constante. Cette technique a permis d’obtenir les paramètres liés à la cinétique de

    cristallisation du polypropylène.

    Dans un premier temps, l’étude de l’effet de la pression sur la cristallisation a été menée. Cet effet est pris en

    compte en considérant l’augmentation de la température de fusion thermodynamique avec la pression. Pour

    étudier ce phénomène, une modélisation du refroidissement isochore d’une plaque en polypropylène est alors

    réalisée. Ce modèle tient compte du couplage fort entre les transferts thermiques, la cinétique de cristallisation et

    le comportement thermodynamique du polymère. Les résultats obtenus ont permis le suivi des champs de

    températures, du taux de transformation, de la pression et de la densité locale au sein du polymère. La

    combinaison de l’évolution du volume spécifique en fonction de la température avec un diagramme PvT

    théorique calculé à différentes vitesses de refroidissement permet d’estimer la cinétique de refroidissement à

    travers l’épaisseur du polymère.

    Dans un second temps, l’étude de la cristallisation du polypropylène sous cisaillement a été réalisée. Le modèle

    développé repose sur deux hypothèses : la prise en compte de l’effet de la cristallisation sur la viscosité en se

    basant sur les principes de la théorie des suspensions concentrées ; et la dépendance du nombre de germe induits

    par écoulement du cisaillement et du taux de cisaillement.

    L’étude de la cristallisation sous cisaillement dans des conditions isothermes a montré que l’effet de la vitesse de

    cisaillement sur le taux de transformation est beaucoup plus important à hautes températures. Pour des basses

    températures cet effet est négligeable devant l’effet thermique. Ce phénomène est expliqué par des considérations

    sur la répartition de taille des sphérolites. En refroidissement homogène l’effet du cisaillement est moins pertinent

    sous des cinétiques de refroidissement élevées. Pour de faibles cinétiques de refroidissement, l’effet du

    cisaillement devient plus prépondérant par rapport à l’effet thermique. La prise en compte de la variation en

    fonction de la température du nombre de germes induits par cisaillement, pourra apporter une amélioration pour

    l’étude de la cristallisation sous cisaillement dans des conditions de refroidissement quelconques.

    Mots-clés :

    Injection, polymère, modélisation, cristallisation, pression, caractérisation PVT, cisaillement, rhéologie

  • Nadia Brahmia

    4

    Abstract

    The objective of this work is the study of the effect of pressure and shear on polymers crystallization kinetics. The

    cristallization kinetics of polypropylene under quiescent conditions was studied by calorimetry. Their parameters

    were identified by using the kinetic model of ‘Schneider’ with a parameter estimation method of ‘Levenberg-

    Marqardt’. The effect of the pressure on the cristallization kinetics was taken into account by considering the

    increasing of the thermodynamic melting point of polymer with pressure. In order to study this phenomenon, a

    modelling of the isochoric cooling of a plate of polypropylene was then carried out. This model take into account

    the strong coupling between heat transfer, crystallization and the thermodynamic behavior of polymer. To study

    the crystallization of polypropylene under shear, a kinetic model was developed based on two assumptions : the

    taking into account of the effect of crystallization on viscosity based on the principles of the theory of the

    concentrated suspensions ; and the dependence of the number of nuclei created by the flow, to the shear and the

    shear rate. The study of isothermal showed that the effect of the shear rate on crystallization is more important at

    high temperatures. For low temperatures this effects is negligible in front of the temperature effect. In the case of

    homogeneous cooling crystallization, the effect of shearing is less relevant under high cooling rate. For weak

    cooling rate, this effect becomes more dominating compared to the temperature effect.

    Key words:

  • 5

  • Nadia Brahmia

    6

    Sommaire

    INTRODUCTION ................................................................................................................................. 3

    CHAPITRE I: ETAT DE L’ART ........................................................................................................ 7

    1 GENERALITES SUR LES POLYMERES .................................................................................. 7

    1.1 LES THERMODURCISSABLES ....................................................................................................... 7

    1.2 LES ELASTOMERES ....................................................................................................................... 7

    1.3 LES THERMOPLASTIQUES ............................................................................................................ 7

    1.3.1 LES AMORPHES ........................................................................................................................... 8

    1.3.2 LES SEMI-CRISTALLINS ............................................................................................................... 8

    2 GENERALITES SUR L’INJECTION ......................................................................................... 8

    2.1 LES PRESSES A INJECTER .............................................................................................................. 9

    1.1.1 LES OUTILLAGES ......................................................................................................................... 9

    2.2 LES PHASES D’UN CYCLE D’INJECTION .................................................................................... 10

    2.2.1 LA PHASE DE PLASTIFICATION ................................................................................................ 10

    2.2.2 LA PHASE DE REMPLISSAGE ..................................................................................................... 11

    2.2.3 LA PHASE DE COMMUTATION ET MAINTIEN .......................................................................... 12

    2.2.4 LA PHASE DE REFROIDISSEMENT ............................................................................................. 12

    3 LA RESISTANCE THERMIQUE DE CONTACT DANS LE PROCEDE D’INJECTION 13

    3.1 INTRODUCTION - GENERALITES .............................................................................................. 13

    3.2 CAS DU PROCEDE D’INJECTION ................................................................................................ 14

    3.2.1 MECANISMES DE LA RESISTANCE DE CONTACT DANS LE MOULAGE PAR INJECTION .......... 15

    3.2.2 INFLUENCE DU PROCEDE D’INJECTION SUR LA RESISTANCE THERMIQUE DE CONTACT ...... 15

    3.2.3 MESURES ET MODELISATION DE LA RESISTANCE THERMIQUE DE CONTACT A L’INTERFACE

    POLYMERE/MOULE ............................................................................................................................... 16

    4 LA CRISTALLISATION DES POLYMERES ......................................................................... 20

    4.1 LA CRISTALLISATION THERMIQUEMENT INDUITE ................................................................. 20

    4.1.1 GENERALITES ........................................................................................................................... 20

    4.1.2 LA THEORIE DE GERMINATION-CROISSANCE ......................................................................... 23

    4.1.2.1 Théorie de la germination .................................................................................................. 24

    4.1.2.2 Théorie de la croissance ..................................................................................................... 26

    4.1.2.3 La vitesse de croissance G .................................................................................................. 27

    4.1.2.4 Température de fusion thermodynamique ..................................................................... 29

    4.1.3 THEORIES GLOBALES DE CINETIQUE DE CRISTALLISATION .................................................... 30

  • 7

    4.1.3.1 Introduction ......................................................................................................................... 30

    4.1.3.2 Approche géométrique ....................................................................................................... 31

    4.1.3.3 Approche probabiliste ........................................................................................................ 34

    4.1.3.4 Le temps d’induction .......................................................................................................... 35

    4.1.3.5 Approche de Schneider ...................................................................................................... 36

    4.2 CRISTALLISATION INDUITE PAR LE CISAILLEMENT ............................................................... 38

    4.2.1 INTRODUCTION ........................................................................................................................ 38

    4.2.2 EFFETS DES CISAILLEMENTS SUR LA CRISTALLISATION DES POLYMERES .............................. 38

    4.2.3 EFFETS SUR LA MORPHOLOGIE CRISTALLINE .......................................................................... 39

    4.2.4 AUGMENTATION DU NOMBRE DE GERMES ............................................................................. 40

    4.2.5 EFFETS DES CISAILLEMENTS DUR LA VITESSE DE CROISSANCE DES CRISTALLITES ................ 40

    4.2.6 EFFET DE LA PRESSION SUR LA CINETIQUE DE CRISTALLISATION .......................................... 41

    4.2.7 EFFET DU TAUX DE CRISTALLISATION SUR LA VISCOSITE ....................................................... 44

    4.2.8 CINETIQUE DE CRISTALLISATION ............................................................................................ 46

    5 CONCLUSION DE L’ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE ......................................................... 51

    CHAPITRE II: MATERIAUX ET TECHNIQUES EXPERIMENTALES .................................. 55

    1 INTRODUCTION ....................................................................................................................... 55

    2 CARACTERISATION RHEOLOGIQUE................................................................................ 55

    2.1 INTRODUCTION.......................................................................................................................... 55

    2.2 RHEOMETRE DYNAMIQUE PLAN-PLAN .................................................................................... 56

    2.2.1 PRINCIPE DE MESURE ............................................................................................................... 56

    2.2.2 PREPARATION DES ECHANTILLONS ET PROTOCOLE DE MESURE ........................................... 57

    2.3 LE RHEOMETRE CAPILLAIRE ...................................................................................................... 58

    2.3.1 PRINCIPE DE MESURE ............................................................................................................... 58

    2.3.1.1 Correction de Rabinovitch ................................................................................................. 59

    2.3.2 PREPARATION DES ECHANTILLONS ET PROTOCOLE DE MESURE ........................................... 59

    2.4 LES LOIS DE VISCOSITE .............................................................................................................. 59

    2.4.1 LES MODELES EMPIRIQUES ....................................................................................................... 59

    2.4.1.1 La loi de puissance .............................................................................................................. 59

    2.4.1.2 La loi de Cross ..................................................................................................................... 60

    2.4.1.3 La loi de Carreau ................................................................................................................. 60

    2.4.1.4 La loi de Carreau-Yasuda .................................................................................................. 60

    2.4.2 THERMO-DEPENDANCES DES LOIS DE VISCOSITE ................................................................... 60

    2.5 RESULTATS ................................................................................................................................. 61

    3 CARACTERISATION THERMIQUE ..................................................................................... 65

    3.1 INTRODUCTION.......................................................................................................................... 65

    3.2 CONDUCTIVITE THERMIQUE .................................................................................................... 65

    3.2.1 APPAREIL ET PRINCIPE DE MESURE ......................................................................................... 65

  • Nadia Brahmia

    8

    3.2.1.1 Dispositif expérimental du Centre Thermique de Lyon (CETHIL) ............................. 65

    3.2.1.2 Méthode du fil chaud ......................................................................................................... 66

    3.2.2 RESULTATS ............................................................................................................................... 66

    3.3 ANALYSE THERMIQUE DIFFERENTIELLE (DSC) ...................................................................... 70

    3.3.1 INTRODUCTION ........................................................................................................................ 70

    3.3.2 APPAREIL ET PRINCIPE DE MESURE ......................................................................................... 70

    3.3.3 PROTOCOLE DE MESURE ET PREPARATION DES ECHANTILLONS ........................................... 71

    3.3.4 RESULTATS ............................................................................................................................... 71

    3.3.5 CAPACITE CALORIFIQUE .......................................................................................................... 74

    3.3.5.1 Appareil et principe de mesure ......................................................................................... 74

    3.3.5.2 Résultats ............................................................................................................................... 75

    3.3.6 CARACTERISATION DE LA CINETIQUE DE CRISTALLISATION ................................................. 78

    3.3.7 DETERMINATION DE LA TEMPERATURE DE FUSION THERMODYNAMIQUE .......................... 81

    4 CONCLUSION ............................................................................................................................ 83

    CHAPITRE III: ETUDE DU REFROIDISSEMENT ISOCHORE D’UN POLYMERE SEMI-

    CRISTALLIN: PRISE EN COMPTE DU COMPORTEMENT PVT. .......................................... 87

    1 INTRODUCTION ....................................................................................................................... 87

    2 ETAT DE L’ART .......................................................................................................................... 88

    3 DIAGRAMMES PVT .................................................................................................................. 93

    3.1 APPAREIL ET PRINCIPE DE MESURE .......................................................................................... 94

    3.2 RESULTATS ................................................................................................................................. 94

    3.3 MODELISATION DU VOLUME SPECIFIQUE ............................................................................... 96

    4 ETUDE DE REFROIDISSEMENT ISOCHORE D’UNE PLAQUE DE POLYMERE

    SEMI-CRISTALLIN .......................................................................................................................... 98

    4.1 MODELE MATHEMATIQUE ........................................................................................................ 98

    4.1.1 GEOMETRIE ET HYPOTHESES CONSIDEREES ............................................................................ 98

    4.1.2 LES EQUATIONS GOUVERNANTES ........................................................................................... 99

    4.1.3 RESULTATS ET DISCUSSION .................................................................................................... 102

    4.1.3.1 Evolution au cours du temps de la température, du taux de transformation, de la

    pression et du volume spécifique lors d’un refroidissement ..................................................... 102

    4.1.3.2 Etude paramétrique .......................................................................................................... 108

    5 CONCLUSION .......................................................................................................................... 115

    CHAPITRE IV : DEVELOPPEMENT D’UN MODELE DE CRISTALLISATION SOUS

    CISAILLEMENT .............................................................................................................................. 119

  • 9

    1 INTRODUCTION ..................................................................................................................... 119

    2 MODELISATION DES POLYMERES SEMI CRISTALLINS PAR LA THEORIE DE

    SUSPENSIONS CONCENTREES ................................................................................................ 120

    3 PRISE EN COMPTE DE L’EFFET DE L’ECOULEMENT SUR LA CINETIQUE DE

    CRISTALLISATION ....................................................................................................................... 123

    4 DEVELOPPEMENT DU MODELE DE CRISTALLISATION SOUS CISAILLEMENT 124

    4.1 IDENTIFICATION DES PARAMETRES DU MODELE ................................................................. 128

    4.1.1 METHODE INVERSE POUR L’ESTIMATION DES PARAMETRES ............................................... 129

    4.1.2 MESURES NECESSAIRES .......................................................................................................... 130

    4.1.2.1 Mesures en DSC ................................................................................................................ 130

    4.1.2.2 Mesures de rhéologie ........................................................................................................ 132

    5 APPLICATION DU MODELE DE TANNER A UN ECOULEMENT ENTRE DEUX

    CYLINDRES CO-AXIAUX ............................................................................................................ 136

    5.1 GEOMETRIE ET HYPOTHESES CONSIDEREES. ........................................................................ 136

    5.2 CAS DES DEUX CYLINDRES AU REPOS .................................................................................... 137

    5.2.1 ETUDE DE LA CRISTALLISATION ISOTHERME ........................................................................ 139

    5.2.2 ETUDE DE LA CRISTALLISATION A VITESSE DE REFROIDISSEMENT CONSTANTE ................. 140

    5.3 CAS DU CYLINDRE EN ROTATION (CRISTALLISATION SOUS CISAILLEMENT) .................... 141

    5.3.1 ETUDE DE LA CRISTALLISATION ISOTHERME ........................................................................ 144

    5.3.1.1 Influence de la vitesse de cisaillement sur le taux de transformation ....................... 144

    5.3.1.2 Influence de la température de cristallisation sur le taux de transformation ........... 154

    5.3.2 ETUDE DE LA CRISTALLISATION EN REFROIDISSEMENT HOMOGENE .................................. 157

    5.3.2.1 Influence de la vitesse de refroidissement sur le taux de transformation ................ 157

    5.3.2.2 Influence de la vitesse de cisaillement sur la cristallisation ........................................ 159

    5.3.2.3 Influence de la température initiale sur la cristallisation ............................................ 174

    6 CONCLUSION .......................................................................................................................... 181

    CONCLUSION GENERALE ET PERSPECTIVES ..................................................................... 185

    REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES ........................................................................................ 191

    ANNEXE A - DEVELOPPEMENT DU MODELE DE CRISTALLISATION SOUS

    CISAILLEMENT .............................................................................................................................. 201

  • Nadia Brahmia

    10

  • Introduction générale

    1

    Introduction générale

  • Nadia Brahmia

    2

  • Introduction générale

    3

    Introduction

    Le présent travail entre dans le cadre d’un projet de recherche industrielle sur

    l’application des technologies de grille de calcul, centré sur les besoins de la filière plasturgie

    en matière d’outils de simulations numériques.

    Nous nous sommes intéressés à l’injection. Ce procédé de plasturgie est le plus couramment

    utilisé pour la réalisation de grandes séries de pièces plastiques massives et/ou de formes

    complexes. Il consiste à mouler le polymère à l’état fondu sous l’action de phénomènes

    physiques (écoulement, mise sous pression, refroidissement), et former la pièce souhaitée. Le

    polymère injecté subit des transformations thermodynamiques importantes : sa température

    augmente fortement, principalement à cause du cisaillement auquel il est soumis par l’action

    de la vis de plastification. Il est alors à l’état fondu, et se comporte comme un fluide de

    viscosité très élevée. Le polymère fondu est ensuite introduit sous pression, dans l’empreinte

    du moule, préalablement fermé et maintenu fermé avec un effort atteignant couramment

    plusieurs millions de newtons. Lorsque le moule se refroidit, la pièce se solidifie tout en se

    contractant : le volume occupé par la pièce solidifiée est ainsi inférieur à celui de l'empreinte.

    On appelle ce phénomène le retrait, c’est un des problèmes techniques fondamentaux du

    procédé d’injection.

    Le refroidissement incluant la solidification du polymère est la phase la plus importante vis-

    à-vis du temps du cycle d’injection. Dans cette phase, les transferts de chaleur s’effectuent

    principalement par conduction dans le polymère. Le phénomène de cristallisation induit le

    dégagement d’une chaleur latente dû au changement de phase et une grande variation des

    propriétés thermophysiques du polymère semi-cristallin. Une modélisation précise des

    transferts de chaleur dans ce type de matériau implique essentiellement une description de

    la source de chaleur dégagée lors de la solidification ainsi que l’évolution des propriétés

    thermophysiques due à la cristallisation et à la variation de température.

    La simulation numérique du procédé d’injection a permis de répondre à certains des

    problèmes posés sans avoir à passer par des essais industriels, coûteux en temps et en

    moyens. Ces simulations dépendent étroitement de la modélisation réalisée, et les modèles

    deviennent de plus en plus complexes afin de mieux représenter la réalité physique. Si

    l’étape de remplissage dynamique est maintenant correctement prise en compte dans les

    logiciels commerciaux, certaines difficultés sont encore rencontrées pour simuler

    convenablement l’évolution de la pression et le retrait présent pendant le compactage et le

    refroidissement des polymères semi-cristallins; ces phénomènes sont liés directement à la

    cristallisation qui dépend largement des conditions thermomécaniques tels que la

    température, le temps, la pression, les contraintes, les cisaillements, etc.

    La prévision de la cinétique de cristallisation sous cisaillement est une étape difficile et les

    études associées sont nombreuses. Les modèles mathématiques existants consistent

    essentiellement à modéliser l’influence de la déformation sur la germination et la croissance

    cristalline. L’identification des paramètres liés à ces modèles représente souvent une tâche

    très difficile, ce qui rend leur utilisation dans des codes d’injection parfois impossible.

  • Nadia Brahmia

    4

    Cette thèse a un double objectif :

    L’étude de l’effet de la pression sur la cinétique de cristallisation du polymère, en

    prenant en compte son comportement pression- volume- température (PvT).

    Le développement d’un modèle simple de cristallisation sous cisaillement, pouvant

    être facilement implémenté dans un code de calcul d’injection.

    La thèse comporte quatre chapitres. Le premier, expose l’état de l’art sur la cristallisation du

    polymère induite thermiquement et par cisaillement. Les différents paramètres influant sur

    la cinétique de cristallisation, ainsi que l’effet de la cristallisation sur la rhéologie du

    polymère sont exposés.

    Le deuxième chapitre, présente les différentes techniques expérimentales utilisées pour

    caractériser les propriétés thermophysiques du polymère. Les mesures ont porté sur trois

    polymères : le polypropylène, le polybutylène téréphtalate et le polystyrène. Des lois de

    mélanges ont permis de décrire la conductivité thermique, la capacité calorifique et la

    variation du volume spécifique en fonction de la pression, de la température et du taux de

    cristallisation.

    Après la détermination expérimentale des propriétés thermophysiques des polymères, une

    modélisation du refroidissement isochore d’une plaque en polypropylène tenant compte du

    comportement PvT a été menée, dans le but d’étudier l’effet de la pression sur la

    cristallisation. Le modèle introduit un couplage entre les transferts thermiques, la

    cristallisation, la compressibilité ainsi que l’évolution des propriétés thermophysiques du

    polymère en fonction de la température, de la pression et du taux d’avancement de la

    cristallisation. Cette étude fait l’objet du chapitre III.

    Le dernier chapitre concerne le développement d’un modèle de cristallisation sous

    cisaillement. Ce modèle repose sur deux considérations : la première concerne la prise en

    compte de l’effet de la cristallisation du polymère sur la rhéologie de l’écoulement (en

    particulier la viscosité du polymère), en utilisant les principes de la théorie des suspensions

    concentrées. La seconde, interprète l’effet de l’écoulement sur la cinétique de cristallisation

    par la création d’un nombre de germes supplémentaires qui doit être rajouté au nombre

    initial de germes activés. Ce dernier a été lié à l’écoulement par un paramètre qui combine la

    déformation et le taux de déformation.

    Le modèle développé est appliqué à un écoulement d’un polymère entre deux cylindres co-

    axiaux, l’un fixe et l’autre tournant (écoulement de Couette), en utilisant les équations

    différentielles de Schneider basées sur l’approche cinétique d’Avrami-Kolmogorov. Ces

    équations ont été résolues avec un code commercial basé sur la méthode des éléments finis.

  • Chapitre I : état de l’art

    5

    Chapitre I: Etat de l’art

  • Nadia Brahmia

    6

  • Chapitre I : état de l’art

    7

    Chapitre I: Etat de l’art

    1 Généralités sur les polymères

    Les polymères sont des produits fabriqués à partir de la polymérisation d’un

    monomère. Selon leurs propriétés, on peut distinguer les polymères thermodurcissables et

    les polymères thermoplastiques.

    1.1 Les thermodurcissables

    Les thermodurcissables sont formés de monomères ou de groupes de monomères liés

    entre eux par un réseau tridimensionnel de liaisons chimiques formées à la chaleur ou en

    présence d’un catalyseur. Cette opération, la réticulation, est irréversible. Les

    thermodurcissables sont rigides à la température d’utilisation, et n’ont pas de point de

    fusion. Les phénoplastes, les aminoplastes, les polyépoxydes, les polyuréthanes sont des

    thermodurcissables.

    1.2 Les élastomères

    Les élastomères peuvent être considérés comme des thermodurcissables faiblement

    pontés, c'est-à-dire comportant moins de liaisons. Leur principale propriété est leur faible

    rigidité.

    1.3 Les thermoplastiques

    Les thermoplastiques se composent de macromolécules linéaires non reliées entre

    elles. Ils se caractérisent surtout par leur aptitude au formage plastique lorsqu’ils sont

    chauffés au-delà de leur température de ramollissement. Ils redeviennent solides lorsqu’ils

    sont refroidis. Le cycle peut être répété de nombreuse fois sans dégradation majeure. Selon

    leurs structures, les thermoplastiques sont répartis en deux grandes familles : les amorphes et

    les semi cristallins.

  • Nadia Brahmia

    8

    1.3.1 Les amorphes

    L’état amorphe se caractérise par la configuration de ses chaînes, enchevêtrées sous

    forme de pelotes statistiques dans lesquelles on ne peut distinguer d’ordre à grande échelle.

    Cette structure confère au polymère un aspect de liquide figé. Les polymères amorphes se

    caractérisent par une transformation entre l’état vitreux « rigide » et l’état caoutchoutique

    élastique, par une transition vitreuse, transition du second ordre.

    1.3.2 Les semi-cristallins

    L’état cristallin est caractérisé par l’existence d’un ordre à grande échelle. Les chaînes

    s’agencent en ordre régulier, définissant une maille cristalline qui se répète périodiquement

    dans l’espace. Des microstructures organisées (lamelles, sphérolites

  • Chapitre I : état de l’art

    9

    2.1 Les presses à injecter

    La matière plastique est injectée dans le moule par l’intermédiaire d’une presse à

    injecter. Elle est composée en général de deux groupes fonctionnels (figure n°1) : le groupe

    d’injection et le groupe de fermeture.

    Le groupe d’injection, comme son nom l’indique, a comme fonction première de procéder à

    l’injection du polymère fondu dans l’empreinte de l’outillage. Cette fonctionnalité est assurée

    par l’ensemble vis-fourreau.

    Le groupe fermeture a pour fonction, quant à lui, d’accueillir l’outillage et d’assurer les

    mouvements d’ouverture et de fermeture du moule lors du cycle de mise en forme.

    -

    -

    -

    -

    -

    -

    Figure 1 : architecture d’une presse à injecter industrielle *1]

    1.1.1 Les outillages

    Un outillage est composé systématiquement de deux parties, une partie fixe et une

    partie mobile. La surface d’appui entre ces deux parties est appelée plan de joint. Les parties

    fixe et mobile sont respectivement fixées sur le plateau fixe et le plateau mobile de la presse.

    La figure n°2 présente une description d’un outillage.

    D’une manière générale, un outillage est composé de six parties fonctionnelles :

  • Nadia Brahmia

    10

    - la carcasse : il s’agit du bloc massif de l’outillage qui lui confère sa consistance

    mécanique.

    - le bloc empreinte : il s’agit de la partie interne de l’outillage qui accueille les parties

    male et femelle de l’empreinte, et qui donne la forme de la pièce.

    - le bloc de réception buse : il s’agit de la partie destinée à recevoir la buse machine.

    - les canaux d’alimentations : il s’agit des canaux qui conduisent de la matière dans

    l’empreinte. Ils peuvent être froids ou avec des blocs chauds (dans ce cas régulés en

    température) pour certains types d’injection.

    - les canaux de refroidissement : il s’agit de canaux dans lesquels un liquide

    caloporteur circule pour extraire les calories de l’empreinte lors de la phase de

    refroidissement.

    - le bloc éjection : il s’agit d’un ensemble plaque-broches dont le mouvement est

    assuré par un vérin hydraulique qui permet l’éjection de la pièce une fois celle-ci

    refroidie.

    Figure 2: schéma d’un outillage *2]

    2.2 Les phases d’un cycle d’injection

    Le cycle d’injection se décompose en quatre phases séquentielles :

    2.2.1 La phase de plastification

    La phase de plastification a pour objectif de faire passer le polymère de l’état solide

    (sous forme de granulé) à l’état fondu. Cette transformation est réalisée par l’ensemble vis-

  • Chapitre I : état de l’art

    11

    moulepresse à injecter

    vis de

    plastification

    cylindre

    (chauffage)

    canaux de

    refroidissement

    partie fixe partie mobile

    empreinte

    moulepresse à injecter

    vis de

    plastification

    cylindre

    (chauffage)

    canaux de

    refroidissement

    partie fixe partie mobile

    empreinteb) remplissage du moule

    fourreau dont la fonction est de broyer et de chauffer le granulé pour l’amener peu à peu à

    l’état fondu. Pour cela, on anime la vis d’un mouvement rotatif qui a pour effet de

    transporter la matière de la zone d’alimentation vers la tête de foureau. Au cours du

    transport, le polymère est chauffé et broyé, assurant ainsi par effet thermomécanique sa mise

    à l’état fondu (figure n°3).

    vis de

    plastification

    cylindre

    (chauffage)

    polymère en granulés

    partie fixe partie mobile

    empreinte

    moulepresse à injecter

    vis de

    plastification

    cylindre

    (chauffage)

    polymère en granulés

    partie fixe partie mobile

    empreinte

    moulepresse à injecter

    a) plastification

    Figure 3 : phase de plastification [3]

    2.2.2 La phase de remplissage

    Une fois la matière accumulée en tête de fourreau, celle-ci est ensuite injectée dans

    l’empreinte de l’outillage par une avancée de la vis. Cette phase du cycle de transformation

    est appelée phase dynamique du remplissage. L’avancée de la vis est régulée en débit ou en

    pression pour maîtriser la vitesse d’injection du thermoplastique dans l’empreinte (figure

    n°4).

    Figure 4 : phase de remplissage du moule [3]

  • Nadia Brahmia

    12

    vis de

    plastification

    canaux de

    refroidissement

    partie fixe partie mobile

    matière en cours de

    solidification

    force de

    fermeture

    moulepresse à injecter

    vis de

    plastification

    canaux de

    refroidissement

    partie fixe partie mobile

    matière en cours de

    solidification

    force de

    fermeture

    moulepresse à injecter

    c) maintien + solidification

    2.2.3 La phase de commutation et maintien

    La commutation est l’instant clé du procédé d’injection. Il s’agit de l’instant de

    transition entre la phase de remplissage dynamique et la phase de maintien. A cet instant, le

    pilotage de l’injection passe d’une régulation en vitesse à une régulation en pression. En

    général, on choisit de commuter au moment où l’empreinte est complètement remplie. Cet

    instant est notifié par la présence d’un pic de pression d’injection prononcé. Cet événement

    est alors utilisé pour déclencher la commutation.

    Dès lors où la commutation est enclenchée, la presse applique au niveau du bloc d’injection

    une consigne de pression de maintien. Cette pression a pour objectif de maintenir la matière

    dans la cavité pour compenser les phénomènes de retrait volumique dus au refroidissement

    de la matière. Une pression de maintien insuffisante conduit à la formation de défauts

    appelés retassures. Il s’agit de zones massives où le retrait de la matière laisse deviner des

    zones insuffisamment remplies. Une faible pression de maintien peut être également

    responsable de la formation de vacuoles. Il s’agit de bulles de vide présentes au cœur de la

    matière pouvant fragiliser l’objet lorsque celui-ci est sollicité mécaniquement. A l’inverse,

    une pression de maintien trop élevée contribue à générer des contraintes dans la pièce, qui

    auront pour effet au final de la déformer (figure n°5).

    Figure 5 : phase de maintien et de solidification [3]

    2.2.4 La phase de refroidissement

    En parallèle de la phase de maintien, le polymère débute au contact des parois

    refroidies de l’outillage son retour à l’état solide. Cette phase appelée phase de

    refroidissement perdure jusqu’à ce que le polymère atteigne sa température de démoulage

    (figure n°5 et 6).

  • Chapitre I : état de l’art

    13

    Figure 6 : éjection de la pièce [3]

    3 La résistance thermique de contact dans le procédé

    d’injection

    3.1 Introduction - Généralités

    La résistance thermique de contact est la résistance aux flux de chaleur passant à

    travers l’interface de deux milieux en contact imparfait suite aux imperfections (rugosité de

    surface, non planéité,..). Pour bien comprendre les travaux sur la résistance thermique de

    contact, il est très important de mettre en relief les phénomènes physiques de base dont

    dépendent la géométrie de l’interface et les transferts de chaleur à travers celle-ci.

    Figure 7 : schématisation de la résistance thermique de contact entre deux milieux immobiles

    en contact en régime permanent [4]

    partie fixe partie mobile

    pièce solidifiée

    moulepresse à injecter

    partie fixe partie mobile

    pièce solidifiée

    moulepresse à injecter

    d) éjection

  • Nadia Brahmia

    14

    Le contact entre les deux milieux s’effectue seulement en certaines zones de surface

    très faible devant la surface apparente (figure n°7). Pour des métaux la surface réelle de

    contact représente environ 1% de la surface apparente d’après l’étude de Bardon (1972) [5]

    Entre les zones de contact subsiste un espace interstitiel, rempli par un fluide, généralement

    de l’air, mauvais conducteur. Lorsqu’un flux de chaleur permanent traverse l’interface entre

    les deux milieux, certaines lignes de flux convergent vers les zones de contact où le passage

    de chaleur est facilité (passage n1), il en résulte un phénomène de constriction des lignes de

    flux qui se caractérise par l’accroissement de la résistance thermique de contact. D’autres

    lignes de flux traversent l’espace interstitiel (passage n2), ce transfert de chaleur s’effectue

    essentiellement par conduction thermique. Le champ de température qui en résulte se trouve

    considérablement perturbé dans une région localisée de part et d’autre de l’interface.

    Les deux voies de passage (n1 et n2) sont bien évidemment couplées. Si par exemple le

    passage de chaleur par le milieu interstitiel est plus important, la constriction sera d’autant

    plus faible. La résistance thermique de contact (RTC) en régime permanent est définie par la

    relation suivante :

    0

    2

    0

    1 TTR Équation 1

    Où T10 et T20 sont les deux températures de contact « fictives », obtenues par extrapolation du

    champ de température non perturbé vers l’interface géométrique de contact P et le flux

    de chaleur traversant l’interface. Rappelons que le flux de chaleur est la quantité de chaleur

    (énergie) par unité de surface (W.m-2). Il en résulte que R est donnée en m2. K / W.

    Cette définition implique donc de supposer que l’épaisseur de l’interface est nulle, que le

    champ de température se prolonge sans être perturbé jusqu’au plan P et de considérer une

    discontinuité de la température sur le plan P. De nombreux travaux de synthèse ont été

    réalisés sur la résistance thermique de contact, parmi lesquelles on peut citer ceux de Bardon

    (1988) [6 ] et de Fletcher (1988) [7].

    3.2 Cas du procédé d’injection

    Depuis plusieurs années, une grande partie des études concernant la résistance

    thermique de contact a été focalisée sur le contact métal-métal. La géométrie de contact

    entre les deux solides est, la plupart du temps, correctement maîtrisée. Lorsque la pression

    entre les deux milieux est suffisante, la part de chaleur qui passe par les points de contact est

    prédominante, puisqu’on est en présence de deux milieux bons conducteurs de la chaleur, et

    l’étude se focalise sur cette voie de passage.

    Dans le cas du contact entre deux matériaux, l’un conducteur de conductivité 1 et l’autre

    isolant de conductivité 2 , tel est le cas d’un contact entre un polymère et un moule, la

    moyenne harmonique des conductivités e est de l’ordre de grandeur du matériau isolant

    avec : 221

    1211

    e

    si 1 >> 2.

  • Chapitre I : état de l’art

    15

    Dans ce cas le passage de la chaleur est modifié à travers l’interface : la proportion de

    chaleur passant par le milieu interstitiel devient prépondérante et la résistance de

    constriction est fortement affectée. Dans le cas du contact polymère moule, l’aspect

    mécanique du contact polymère/métal est également à considérer. En effet, la dureté et les

    modules d’élasticité sont beaucoup plus faibles pour un thermoplastique que pour un métal.

    La géométrie du contact et donc la surface des points de contact dépendront

    particulièrement de la pression.

    3.2.1 Mécanismes de la résistance de contact dans le moulage par injection

    Lors du remplissage du moule, la matière entre en contact avec les parois du moule et

    commence immédiatement à se refroidir en formant une couche mince solidifiée sur la

    surface de la paroi. L’épaisseur de cette couche à la fin du remplissage dépend de la

    température d’injection, la température des parois du moule, le temps de remplissage et la

    géométrie de la pièce. La résistance thermique de contact est due à la conductance (l’inverse

    de la résistance) des zones de contact (voir figure n°7). Une fois que le seuil d’injection ou

    toute autre section dans la cavité se solidifie, la partie en aval de la section solidifiée se

    trouve isolée de la pression de maintien exercée par la presse. Cette diminution de pression

    entraîne l’apparition de contraintes résiduelles de traction de la couche de polymère

    solidifiée loin des parois du moule, qui est due à la différence de la pression au moment du

    figeage des couches de polymère et provoque le phénomène de retrait. Ce retrait est non

    uniforme, due à une orientation préférentielle des chaînes polymères sous l’effet de

    l’écoulement.

    La pièce entre en contact avec les parois du moule en certains points. La résistance thermique

    de contact entre la surface de la pièce et la paroi du moule dépend donc de la nature du

    contact entre ces deux surfaces.

    3.2.2 Influence du procédé d’injection sur la résistance thermique de

    contact

    Certains paramètres du procédé de l’injection sont à prendre en compte lors de

    l’étude des résistances thermiques de contact entre le polymère et le moule. Il faut tout

    d’abord tenir en compte du fait que la micro-géométrie du contact est influencée par la

    solidification du polymère sur le moule. Il a été montré dans l’étude de Quillet [4] que la

    lame d’air qui freine les transferts thermiques, est une fonction croissante de la rugosité et

    joue un rôle prépondérant dans le passage de la chaleur. Or dans les modèles classiques de

    la résistance thermique de contact, le milieu interstitiel joue un rôle mineur dans les

    transferts de chaleur à l’interface. Par ailleurs, la pression dans la cavité moulante varie

    beaucoup pendant la mise en forme et les niveaux de pression atteints sont importants : de

    l’ordre de plusieurs centaines de bars. La pression a donc probablement une influence

    importante sur la géométrie du contact, sur le milieu interstitiel et donc sur la résistance

    thermique de contact.

  • Nadia Brahmia

    16

    Sridhar et al. [8+ ont lié la variation de la résistance thermique de contact pendant l’injection,

    au comportement de l’espace interstitiel produit entre le polymère et le moule suite au retrait

    de la pièce refroidie. Les résultats ont montré que l’interface est constituée de régions de bon

    contact formées pendant la phase de remplissage et d’interstices de taille finie formés par le

    retrait lors du refroidissement. Les dimensions de ces deux régions à un instant donné

    dépendent du flux de chaleur à l’interface, de l’uniformité des retraits, etc. L’étude a montré

    que la résistance thermique de contact est fonction de l’interstice formé. Les dimensions de

    cet interstice varient d’une taille minimale au début du remplissage à une taille maximale

    vers la fin de la phase de refroidissement.

    3.2.3 Mesures et modélisation de la résistance thermique de contact à

    l’interface polymère/moule

    Les mesures de la résistance thermique de contact sur un moule réel sont délicates,

    car la résistance thermique de contact dépend d’un grand nombre de paramètres qui

    proviennent du polymère, du moule et des conditions de moulage.

    Quelques études [9], [10+ ont montré que l’utilisation des thermocouples pour la mesure de

    la température dans le polymère perturbe la mesure. L’étude de Quillet [4] et Le Bot [11],

    montre que les thermocouples utilisés peuvent refroidir localement le polymère. Des

    capteurs infrarouges pour mesurer la température de surface du polymère ont été utilisés

    par Maier et al. [12] et Lallemand [13]. Ce type de capteur pose des problèmes de calibration,

    et on ne peut pas toujours assurer un caractère non intrusif.

    D’autres méthodes de mesures ont été proposées. Elles consistent à installer dans la cavité

    moulante des thermocouples de très petit diamètre de l’ordre de 80 à 200 µm avant l’arrivée

    du polymère dans le moule et sa solidification. Ces méthodes sont très difficiles à mettre en

    ouvre car la fixation des thermocouples ne peut pas être assurée dus à la haute viscosité des

    polymères, aux fortes pressions et aux grandes vitesses d’injection.

    Yu et al. [14], ont réalisé des mesures de la résistance thermique de contact dans des

    conditions réelles d’injection. Leurs mesures ont été utilisées dans les simulations de la phase

    de refroidissement. Cela leur a permis d’estimer les différences entre les temps de

    refroidissement avec et sans résistance thermique de contact. A titre d’exemple, pour une

    pièce en polystyrène d’épaisseur 2 mm, la résistance thermique obtenue en refroidissement

    est de l’ordre de (1~2). 10-3 m2.K/W. Le temps de refroidissement de cette pièce, calculé en

    utilisant cette valeur de la RTC est de l’ordre de 22 s. Dans le cas contraire (la résistance

    thermique de contact n’est pas prise en compte), le temps de refroidissement évalué pour la

    même pièce est de l’ordre de 13 s.

    Manceau [15+ dans son étude, a évalué l’ordre de grandeur de la résistance thermique de

    contact en comparant des données expérimentales avec des simulations du procédé

    d’injection. Elle donne une valeur moyenne pendant la phase de compactage de l’ordre de

    10-5 m2.K/W et de l’ordre de 10-3 m2.K/W pendant le refroidissement, ce qui fait un rapport de

    100 entre les deux valeurs.

  • Chapitre I : état de l’art

    17

    Narh et Sridhar [16+ ont étudié avec un logiciel de simulation du procédé d’injection l’effet de

    la résistance thermique de contact sur le temps de refroidissement des pièces injectées. Les

    calculs ont montré que le temps de refroidissement nécessaire pour que la pièce atteigne sa

    température d’éjection 116 C° pour une résistance thermique de contact de l’ordre de 10-3

    m2.k/W est supérieur de 15% au temps de refroidissement calculé pour une résistance

    thermique de contact de l’ordre de 4.10-5 m2.k/W (figure n°8).

    Figure 8 : variation de la température dans la pièce à une position donnée en fonction du temps de

    cycle pour deux valeurs différentes de la résistance thermique de contact [16].

    Le Bot *11+ montre l’évolution expérimentale de la résistance thermique de contact avec le

    temps dans les parties mobile et fixe d’un moule.

  • Nadia Brahmia

    18

    Figure 9 : résistance thermique de contact côté mobile et côté fixe

    du moule en fonction du temps [11].

    La modélisation de la résistance thermique de contact dans le procédé d’injection reste un

    enjeu difficile. A notre connaissance, hormis les travaux de Narh et Sridhar [17], Delaunay et

    al. [18], [19] Massé et al. [20], les modèles de résistance de thermique de contact sont rares.

    Narh et Sridhar [17] ont étudié la résistance thermique de contact en fonction des différents

    paramètres tels que la température, la pression et la rugosité de surface de contact. Ces

    derniers ont mesuré à l’interface polystyrène/acier la résistance thermique de contact, pour

    des pressions allant de 0.2 à 0.25 MPa, et à des températures moyennes entre 65 et 95°C,

    inférieures à la température de transition vitreuse du polystyrène ( 100C°).

    La variation de la résistance thermique de contact en fonction de la température, de la

    pression et des paramètres d’interface, a été décrite par le modèle empirique suivant *17+ :

    1

    ( )92 1 21 2( )

    1.25 ln (1 )1

    g

    g

    T T

    adc T T

    c mh P A v A P

    te Équation 2

    Où : cR

    h1

    est la conductance. A1, A2, c1, c2 sont des constantes liées au matériau. v, le

    volume spécifique en (m3/kg), P, la pression de contact (MPa). Pac , la pression de contact

    adimensionnelle. , la rugosité de surface. m, la taille de l’aspérité. 1, la conductivité

    thermique du métal. 2, la conductivité thermique du polymère.

  • Chapitre I : état de l’art

    19

    Delaunay et al. [18], [19] ont estimé la résistance thermique de contact pendant la phase de

    refroidissement du procédé d’injection à l’aide des méthodes inverses. Ils ont déterminé la

    température de surface du polymère par une autre méthode inverse, puis le flux de chaleur

    et la température de surface du moule grâce à deux ensembles de thermocouples. Une fois le

    flux de chaleur et les températures de surface déterminés, la résistance thermique de contact

    a été calculée selon la relation :

    sm spT TRTC Équation 3

    Avec Tsp et Tsm les températures à la surface du polymère et à la surface du moule.

    Les auteurs concluent que la résistance thermique de contact dépend des conditions qui

    règnent dans le moule et augmente quand la pression diminue. Ils ont remarqué que quand

    la pression dans le moule atteint la pression atmosphérique, la résistance thermique de

    contact augmente brusquement. Ceci s’explique par le décollement de la pièce.

    Une étude similaire par Massé et al. [20] sur la résistance thermique de contact a permis de

    remarquer que la rugosité du moule avait une influence sur le refroidissement et le

    détachement de la pièce, à cause des phénomènes de piégeage de gaz entre les rugosités. La

    pression appliquée pour compenser le retrait (pendant le compactage) a une grande

    importance. Elle entraîne une modification des conditions de contact et conditionne le

    refroidissement. Les deux paramètres importants sont donc la pression et la rugosité de la

    surface du moule. Massé [20] en déduit une loi empirique, qui a été vérifiée seulement dans

    le cas des polymères amorphes:

    0

    ( )

    0( ) .

    P t

    PRTC t R e Équation 4

    Où R0 et P0 sont fonctions de la rugosité et doivent être déterminées pour chaque couple

    polymère/métal. La RTC (t) dépend aussi de la conductivité thermique du matériau.

    L’ensemble des travaux sur la résistance thermique de contact permet de conclure que celle-

    ci ne doit pas prendre une valeur constante au cours de l’injection. Pour améliorer la

    simulation et en tenant compte du retrait que subit la pièce pendant le refroidissement,

    toutes les études montrent la nécessité d’utiliser des valeurs de l’ordre de 10-3 m2.K/W

    pendant le refroidissement et de l’ordre de 10-5 m2.k/W pendant la phase de remplissage.

    Le caractère empirique des modèles, conduit généralement à l’utilisation des valeurs

    moyennées de la résistance thermique de contact pour chaque phase lors des simulations.

  • Nadia Brahmia

    20

    4 La cristallisation des polymères

    Dans le cas d’un polymère semi-cristallin, la modélisation du procédé d’injection en particulier la phase de refroidissement nécessite la prise en compte de la cinétique de

    cristallisation. La cristallisation d’un polymère est souvent thermiquement induite.

    Cependant, de nombreux paramètres autres que la température peuvent intervenir et

    influencer l’avancement de la cristallisation. Les premières théories cinétiques de

    cristallisations ont été établies par Avrami, et servent généralement de base pour des modèles

    plus élaborés. Dans un premier temps, nous présentons le processus de cristallisation, les

    mécanismes de germination et de croissance et les théories globales de cinétique de

    cristallisation. Dans un second temps, nous présentons les paramètres influant sur la

    cinétique de cristallisation et les modèles mathématiques utilisés pour la modélisation.

    4.1 La cristallisation thermiquement induite

    4.1.1 Généralités

    La cristallisation d’un polymère engendre des structures cristallines, souvent des

    sphérolites en conditions statiques, dont le nombre et la taille déterminent les propriétés

    mécaniques finales du produit. Afin de maîtriser ces paramètres, il est important de

    comprendre la cristallisation d’un polymère selon les conditions de refroidissement

    appliquées pour pouvoir par la suite la modéliser.

    La capacité d’un polymère à cristalliser dépend fortement de sa tacticité. Cette propriété est

    évaluée selon la position des groupements portés par les carbones asymétriques par rapport

    au plan du squelette carboné. La forme obtenue dépend du catalyseur de polymérisation

    utilisé. Le polymère est isotactique lorsque tous les groupements sont situés du même côté

    du plan; syndiotactique, lorsque les groupements sont situés alternativement d’un côté puis

    de l’autre du plan et atactique lorsque les groupements sont répartis aléatoirement (figure

    n°10).

    En général, seules les formes régulières isotactiques et syndiotactiques peuvent former des

    cristaux. La forme isotactique conduira à des taux de cristallinité plus élevés que la forme

    syndiotactique. Cependant, des exceptions existent pour quelques polymères atactiques à

    groupements peu encombrants.

  • Chapitre I : état de l’art

    21

    Figure 10: stéréoisomères du polypropylène

    La lamelle cristalline, d’une épaisseur de l’ordre de 10 nm, est l’entité de base

    rencontrée lors de la cristallisation statique d’un polymère [21]. Elles sont constituées

    d’alignements (ou conformations) de segments de chaînes macromoléculaires

    présentes au sein du fondu. Différents modèles existent quant aux mécanismes de

    formation, et donc à la structure de ces alignements. Un descriptif synthétique de ces

    modèles est fourni par Rattia [22].

    - le repliement aléatoire des chaînes (« random reentry model », Flory) ;

    - le repliement adjacent des chaînes (« adjacent reentry model », Hoffman) ;

    D’après ces deux modèles, les chaînes diffusent dans le fondu et se replient afin de créer des

    conformations et ainsi permettre la croissance de la lamelle cristalline.

    - le modèle de solidification (« erstarrungsmodell », Fischer) : selon ce modèle, il n’y a pas

    de diffusion importante des segments de chaînes, le cristal se formant à partir des

    conformations favorables existant à l’état fondu.

    a) repliement aléatoire b) repliement adjacent

  • Nadia Brahmia

    22

    liens interlamellaires enchevêtrés dédoublements de lamelles

    Le sphérolite est la plus grosse entité de microstructure formée lors de la

    solidification d’un polymère semi-cristallin à partir de l’état fondu (cas du procédé

    d’injection). Son ordre de grandeur est le micron. C’est un agglomérat

    approximativement sphérique constitué de lamelles monocristallines radiales,

    séparées par des zones amorphes (cf. figure n°11).

    Le mécanisme de formation supposé est représenté sur la figure n° 12 : après germination

    (homogène ou hétérogène), les lamelles cristallines s’empilent tout en continuant à croître

    linéairement ; la microstructure évolue alors vers une forme sphérique par courbure et

    disposition en éventail des cristallites [23].

    La croissance des lamelles se fait essentiellement par repliement et dépôt des chaînes

    macromoléculaires au sein de la même lamelle cristalline, mais une même chaîne peut aussi

    appartenir à plusieurs lamelles cristallines adjacentes. Dans ce cas, elle comporte des

    portions dans la phase amorphe. Ceci explique que, contrairement aux systèmes constitués

    d’atomes ou de petites molécules, les matériaux polymères ne peuvent en général pas

    atteindre la cristallinité totale (sauf dans le cas des monocristaux formés en solution), car cela

    nécessiterait un réarrangement trop important des chaînes.

    En raison de la présence de ces zones amorphes interlamellaires, les sphérolites sont par

    nature des entités semi-cristallines.

    Figure 11 : schématisation d’un sphérolite, formé de lamelles à chaînes repliées *24]

    a) Conformation de chaînes à l’état fondu - b) Alignement de conformations

  • Chapitre I : état de l’art

    23

    Empilement

    de lamelles Axialite (ou

    cylindrite)

    Sphérolite

    naissant

    Figure 12 : formation d'un sphérolite

    L’étude de la cinétique de cristallisation peut être abordée différemment selon l’échelle à

    laquelle le phénomène est observé. A l’échelle moléculaire, la théorie de la germination et de

    la croissance s’appuie sur des principes thermodynamiques. A l’échelle macroscopique, les

    théories globales de la cinétique de cristallisation s’intéressent à la description de la

    transformation progressive de la matière à l’état fondu en entités cristallines, tels que les

    sphérolites par exemple.

    4.1.2 La théorie de germination-croissance

    La cristallisation d’un polymère passe par différentes étapes : la germination qui voit

    l’apparition des premiers germes cristallins dans le fondu, la croissance qui correspond au

    développement des cristaux et enfin une éventuelle cristallisation secondaire qui tend à

    parfaire les cristaux précédemment formés pendant la cristallisation primaire. L’ensemble de

    cette théorie de la germination-croissance est présentée dans les travaux d’Hoffman-Lauritzen

    [25].

    D’après la thermodynamique, toute évolution spontanée d’un système à pression constante a

    lieu dans le sens d’une diminution de son enthalpie libre g. La température de fusion

    thermodynamique notée Tf0 est donc déterminée par l’intersection des courbes gliquide (T) et

    gsolide (T).

    Ainsi, en dessous de la température de fusion Tf0, la phase cristalline (solide) est plus stable

    que la phase fondue (liquide), et inversement au dessus de Tf0. Ces considérations sont

    valables pour tout corps (figure n°13).

  • Nadia Brahmia

    24

    T

    g

    Tf0

    fondu

    cristal

    gV < 0

    T

    T

    Figure 13 : enthalpie libre d'un système diphasique cristal/fondu.

    4.1.2.1 Théorie de la germination

    La formation d’un germe résulte de deux mécanismes antagonistes du point de vue

    énergétique :

    - une variation d’enthalpie libre gV associée à la transformation d’un volume de fondu

    en cristal. Ce terme est proportionnel au volume du germe, et il est d’autant plus

    négatif que la surfusion T = Tf0 – T est plus grande ;

    - une variation d’enthalpie libre gS associée à la formation d’interface fondu-cristal.

    Ce terme est proportionnel à la surface totale d’interface, et toujours positif.

    La variation totale d’enthalpie libre du système lors de la germination passe donc par un

    maximum, et s’écrit :

    V Sg g g Équation 5

    Afin de fixer les idées, intéressons-nous au cas simple de la formation d’un germe sphérique

    (un seul paramètre dimensionnel : le rayon r). La variation d’enthalpie libre est représentée

    sur la figure n° 14.

    Le germe formé sera stable (c'est-à-dire qu’il pourra continuer à croître) uniquement si une

    augmentation de sa taille conduit à une diminution de l’enthalpie libre du système. Ceci est

    vérifié au-delà du maximum de g, c'est-à-dire pour r > r* (rayon critique). Dans le cas

    contraire, le germe est instable et il tend à disparaître.

    La figure n° 14, montre également que plus la surfusion T est importante, plus le rayon

    critique est faible, i.e. plus la germination est statistiquement favorisée.

  • Chapitre I : état de l’art

    25

    gV(T) r3 g(T1)

    T croissant (T1 T2)

    gS r²

    r*(T1)

    g

    r

    g(T2)

    r*(T2)

    Figure 14 : enthalpie libre de formation d'un germe sphérique

    Dans le cas de germes non sphériques, le raisonnement qualitatif reste identique, mais avec

    plusieurs paramètres dimensionnels. On peut ainsi comprendre que la variable qui gouverne

    la vitesse de germination est la surfusion.

    Le germe cristallin peut être constitué par le polymère lui-même. Dans ce cas particulier qui

    reste rare dans la cristallisation des polymères sauf en cas de surfusion élevée, la germination

    est homogène. Le germe peut également se constituer sur un corps étranger auquel cas la

    germination est hétérogène. A ces deux types de germination correspondent différentes

    géométries de germe : primaire, secondaire ou tertiaire.

    Germination primaire

    Il s’agit de la première étape de la formation de toute entité cristalline. Elle peut être

    hétérogène : dépôt d’un segment sur un substrat préexistant dans le fondu (résidu de

    catalyseur, impureté, reliquat d’organisation cristalline préexistante) ou homogène

    (formation d’un germe stable à partir du fondu).

    Germination secondaire (figure n° 15 (a))

    Elle correspond au dépôt d’un segment sur la surface d’une entité cristalline afin de débuter

    une nouvelle couche. Elle est par nature hétérogène.

    Germination tertiaire (figure n° 15 (b))

    C’est le dépôt d’un segment au creux d’une « marche » formée par un substrat et un germe

    secondaire ou tertiaire (complétion d’une couche). Elle est également hétérogène.

  • Nadia Brahmia

    26

    Figure 15 : germinations secondaire et tertiaire

    On comprend donc que les enthalpies libres de formation de ces différents types de germes

    ne sont pas égales. Pour une même énergie de volume, plus l’aire de l’interface cristal-liquide

    à former est importante, plus la germination sera difficile. Ainsi, un germe primaire sera

    moins probable qu’un germe secondaire et, à plus forte raison, qu’un germe tertiaire.

    4.1.2.2 Théorie de la croissance

    La croissance d’une lamelle cristalline de polymère correspond au dépôt d’un germe

    secondaire sur substrat cohérent puis à la complétion de la couche de cristaux sur toute la

    largeur de la lamelle par germination tertiaire sur substrat cohérent.

    Les différentes vitesses de croissance, illustrées dans la figure n°16 sont notées :

    - i vitesse de dépôt des germes secondaires (germes/m.s)

    - j vitesse de complétion de la couche (vitesse de dépôt des germes tertiaires) (m/s)

    - G vitesse de croissance globale de la lamelle (m/s)

    La vitesse de croissance des lamelles cristalline G peut s’exprimer à partir de ces deux

    paramètres, en fonction du régime de croissance.

    Figure 16 : schématisation des différentes vitesse i, j et G [26]

    (a) (b) direction de croissance

    de la lamelle nouveau segment de

    chaîne

    lamelle cristalline

  • Chapitre I : état de l’art

    27

    i i

    i

    j j j

    On distingue trois régimes de croissance (figure n°17) selon la valeur de la surfusion, c'est-à-

    dire, selon l’écart entre la température de fusion thermodynamique et la température

    considérée :

    Régime I ou 2j iL (figure n°17 a)

    A faibles surfusions, la germination est difficile. Il s’agit du régime I dit de mononucléation.

    Dans ce cas, la vitesse de dépôt des germes secondaires i est très faible en comparaison de la

    vitesse de complétion des couches cristallines j. Chaque couche cristalline est complétée

    avant le dépôt d’un nouveau germe secondaire. Ainsi, la vitesse de croissance G est limitée

    par la vitesse de dépôt des germes secondaires : G i.

    Régime II ou 2j i L (figure n° 17 b)

    Pour une surfusion moyenne, la vitesse de dépôt des germes secondaires i et la vitesse de

    complétion des couches cristallines j sont équivalentes. La croissance des lamelles se fait

    simultanément dans le sens de la largeur et dans le sens de la longueur. La vitesse de

    croissance s’écrit donc : G (ij) 1/2.

    Régime III ou 2j iL (figure n°17 c)

    Pour des hautes surfusions, la vitesse de dépôt des germes secondaires i est très élevée et la

    croissance des lamelles se fait par plusieurs dépôts de germes secondaires sur une même

    couche cristalline. C’est donc à nouveau la germination secondaire qui régit la croissance.

    Dans ce cas, la vitesse de croissance cristalline s’écrit à nouveau comme : G i.

    Figure 17 : les 3 régimes de croissance cristalline.

    4.1.2.3 La vitesse de croissance G

    La vitesse de croissance globale des lamelles cristalline G (m/s), représentative de la

    vitesse de cristallisation, s’écrit comme la multiplication du terme de dépôt des germes

    secondaires et tertiaires à la surface de la lamelle en croissance et du terme de diffusion de la

    chaîne au sein du fondu :

  • Nadia Brahmia

    28

    *

    0 exp expt

    B

    terme de diffusion terme de croissance

    g gG G

    R T k T Équation 6

    Cette expression fait apparaître une constante pré-exponentielle G0 (m/s), indépendante de la

    température, et deux facteurs exponentiels.

    Le premier facteur exponentiel est le terme de diffusion (ou transport) des chaînes

    macromoléculaires dans le fondu. Il est proportionnel à la vitesse caractéristique de

    déplacement des chaînes vers les surfaces des lamelles cristallines en croissance. R est la

    constante des gaz parfait; gt est l’énergie d’activation gouvernant le déplacement,

    fréquemment exprimée par une loi semi-empirique :

    *

    t

    U Tg

    T T Équation 7

    U* représente l’énergie d’activation du mouvement des macromolécules au sein du fondu et

    T est la température à laquelle le mouvement moléculaire devient impossible (T =Tg -30°C).

    Quand la température est inférieure à T , le terme de transport est nul donc la croissance est

    défavorisée.

    Le second facteur exponentiel correspond au dépôt des germes à la surface de la lamelle en

    croissance. Dans ce terme de croissance, Bk est la constante de Boltzmann, et g* est la

    variation d’enthalpie libre critique associée au dépôt d’un germe (secondaire ou tertiaire) sur

    le substrat. g* s’écrit en fonction de l’énergie libre d’interface cristal/fondu ( ), de l’énergie

    libre des surfaces de repliement du cristal e , de l’épaisseur moléculaire b0, et de l’énergie

    libre de transition gt :

    * 0 e

    t

    j bg

    g Équation 8

    j est un entier qui dépend du régime de croissance (j = 4 pour les régimes I et III, j = 2 pour le

    régime II). En introduisant la constante Kg :

    0

    0 e f

    g

    B f

    j b TK

    k h Équation 9

    avec hf , l’enthalpie de fusion par unité de volume, on obtient finalement l’expression de

    Hoffman-Lauritzen classiquement utilisée :

    0

    *.exp .exp

    . .

    gKUG G

    R T T f T T Équation 10

  • Chapitre I : état de l’art

    29

    Tg Tf

    G

    T

    Tc max

    Gmax

    où f est un facteur correcteur pour la variation de l’enthalpie de fusion en fonction de la

    température : 0

    2

    f

    Tf

    T T.

    La vitesse de croissance G varie avec la température selon une courbe s’approchant d’une

    gaussienne telle qu’il est montré sur la figure n° 18.

    Figure 18 : vitesse de croissance cristalline

    La forme de cette courbe résulte de 2 mécanismes : la viscosité, qui ralentit la croissance des

    cristallites près de Tg, et le coût énergétique de la nucléation, qui devient infini à partir de Tf.

    A faibles et fortes surfusions, la croissance des lamelles est lente soit parce que le dépôt des

    germes est thermodynamiquement défavorisé (hautes températures) soit parce que la

    diffusion des chaînes dans le fondu est freinée (bases températures).

    La température Tc max, correspondant au maximum de la vitesse de cristallisation Gmax, est de

    l’ordre de 2

    g fT T.

    4.1.2.4 Température de fusion thermodynamique

    Comme indiqué précédemment, la température de fusion thermodynamique Tf0 (ou à

    l’équilibre) est définie au point d’intersection des courbes d’enthalpie libre du solide et du

    liquide. Dans le cas d’un polymère semi-cristallin, ce point se situe à l’intersection des

    courbes d’enthalpie libre du cristal parfait de dimensions infinies et du matériau amorphe.

    Or le solide réel est semi-cristallin, et en dessous de Tf0 la phase amorphe est présente en

    proportion importante et se trouve hors équilibre. De plus, les polymères cristallisent en

    lamelles de faible épaisseur pour lesquelles les effets de surface ne sont plus négligeables

    devant les effets de volume, et doivent être pris en compte [25].

  • Nadia Brahmia

    30

    Pour ces raisons, l’enthalpie libre du polymère solide réelle est supérieure à celle du cristal

    parfait. Il en résulte que la température de fusion Tf du polymère réel est inférieure à la

    température de fusion thermodynamique du cristal.

    La méthode d’Hoffman-Weeks [27] permet de déterminer la valeur de 0fT par une procédure

    d’exploitation. En effet, la température de fusion fT est toujours supérieure à la température

    de cristallisation Tc, et la variation de fT en fonction de Tc est supposée être linéaire dans le

    cadre de la théorie d’Hoffman-Lauritzen [23]. Etant donnée que fT ne peut jamais être

    inférieure à Tc, la droite définit par f cT T représente la condition d’équilibre

    thermodynamique entre le cristal et le fondu. La valeur de 0fT est alors donnée par le point

    d’intersection entre la droite extrapolée ( )f cT f T et la ligne f cT T .

    4.1.3 Théories globales de cinétique de cristallisation

    4.1.3.1 Introduction

    Les théories cinétiques dites « globales » décrivent l’évolution du taux de

    transformation (t) en fonction du temps et en fonction de la température. Ce taux de

    transformation représente la fraction de volume cristallisée.

    On définit le taux de transformation (encore appelé cristallinité relative) comme le rapport de

    la fraction volumique cristallisée (ou simplement cristallinité) Xc sur la fraction volumique

    cristallisable X ..

    ( , )cX t T

    X Équation 11

    varie donc entre les valeurs 0 (à l’état fondu) et 1 (en fin de cristallisation), alors que X est

    toujours inférieur à 1 et dépend des conditions de cristallisation.

    Les théories cinétiques reposent sur les hypothèses générales suivantes [28], [29]:

    les germes potentiels sont répartis aléatoirement et uniformément dans le fondu; la

    croissance des entités semi-cristallines démarre instantanément après activation des

    germes : il n’y a pas de temps d’induction ;

    les germes potentiels ne peuvent disparaître que par activation ou absorption par une

    entité semi-cristalline en croissance (un germe absorbé ne peut plus être activé) ;

    la géométrie de croissance des entités semi-cristalline est imposée : sphères

    (croissance 3D), disques (croissance 2D) ou bâtonnets (croissance 1D) ;

    la collision de deux entités en croissance bloque leur croissance : ceci implique que la

    géométrie des entités est conservée (une sphère reste une sphère) ;

    le volume total de polymère considéré est constant durant la transformation

    (hypothèse isovolumique) ;

  • Chapitre I : état de l’art

    31

    la cristallisation secondaire (cristallisation ultérieure et partielle des zones amorphes

    situées entre les lamelles des entités semi-cristallines) n’est pas prise en compte :

    ainsi, la cristallinité finale X des sphérolites est invariante durant la transformation.

    C’est une conséquence de l’hypothèse isovolumique : il ne se crée pas de volume

    cristallisable en cours de transformation.

    Deux types d’approches ont été employés lors du développement des théories globales de

    cinétique de cristallisation : l’approche géométrique, qui exprime le volume occupé par les

    entités semi-cristallines, et l’approche probabiliste, qui calcule la probabilité qu’un élément

    de volume soit transformé. La principale différence réside dans le traitement mathématique,

    mais les hypothèses de base et surtout les résultats sont identiques.

    4.1.3.2 Approche géométrique

    L’approche géométrique considère la croissance libre d’entités cristallines de

    géométrie simple, puis applique une correction prenant en compte la diminution du volume

    cristallisable disponible (c’est à dire le fait que la croissance de chaque entité ne soit pas libre,

    mais entravée par le contact avec les entités voisines en croissance).

    Pour un volume fini, la variation de taux de transformation d s’écrit en fonction de la

    variation de taux de transformation pour un volume disponible infini, d ’ :

    (1 ) 'd d Équation 12

    expression qui s’intègre, en spécifiant la dépendance au temps :

    1 exp 't t Équation 13

    où ’ représente le taux de transformation fictif qui serait obtenu pour une croissance libre

    des cristallites. Cette relation très générale est la base de tous les modèles de type Avrami.

    Elle peut être étendue à la croissance simultanée de plusieurs phases cristallines, en

    supposant que chaque phase se développe indépendamment des autres, en partageant avec

    elles le volume disponible [30] :

    1 exp 'ii

    t t Équation 14

    L’objet des nombreuses variantes développées sur la base du modèle d’Avrami est

    d’exprimer le terme ' t en fonction des conditions de cristallisation.

    Dans le cas le plus général, le taux de transformation fictif à un instant t s’écrit [23] :

    0' ' ,

    t

    t n v t d Équation 15

  • Nadia Brahmia

    32

    avec : n nombre de germes (s-1.m-3) dont l’activation a lieu à l’instant , et ' ,v t

    volume fictif à l’instant t d’un germe activé à l’instant (lié à la vitesse de croissance).

    On a donc bien une expression du taux de transformation qui prend en compte les vitesses

    des deux mécanismes gouvernant la cristallisation, à savoir la germination et la croissance.

    4.1.3.2.1 Cas Isotherme. Théorie d’Avrami

    La théorie d’Avrami – Evans [30], [31],[32] permet de calculer le taux de

    transformation en faisant l’hypothèse supplémentaire que la cristallisation a lieu à

    température constante. La fréquence d’activation des germes q et la vitesse de croissance des

    cristallites G sont donc constantes.

    De façon simplifiée, Avrami écrit le taux de transformation sous la forme :

    1 exp nAvramit k t Équation 16

    où Avramik est un paramètre (souvent appelé constante d’Avrami) dépendant de la

    température et du mode de croissance) et n est l’exposant d’Avrami dépendant du mode de

    croissance (voir tableau n° 1).

    Croissance suivant : Germination

    hétérogène homogène

    3 dimensions n = 3 n = 4

    2 dimensions n = 2 n = 3

    1 dimension n = 1 n = 2

    Tableau 1 : exposant d'Avrami pour différents modes de germination – croissance

    4.1.3.2.2 Cas de refroidissement à vitesse constante. Théorie d’Ozawa.

    La théorie d’Ozawa [33] permet de décrire la cinétique de cristallisation dans

    le cas où la vitesse de refroidissement est constante. La variation de la température entraîne

    une variation de la vitesse de croissance G et de la fréquence d’activation des germes q. La

    théorie fait l’hypothèse supplémentaire que G et q varient de la même façon avec la

    température (hypothèse isocinétique) :

    G Tcte

    q T Équation 17

    L’expression du taux de transformation s’écrit alors :

  • Chapitre I : état de l’art

    33

    ( )1 exp Ozawa

    n

    k TT Équation 18

    où est la vitesse de refroidissement (constante), et n l’exposant d’Avrami.

    4.1.3.2.3 Cas d’un refroidissement quelconque. Théorie de Nakamura.

    Nakamura [34], [35+ a généralisé la théorie d’Avrami dans le cas où la vitesse de

    refroidissement est quelconque. L’hypothèse isocinétique est toujours considérée. Le taux de

    transformation s’écrit suivant l’expression générale :

    01 exp

    nt

    t K T d Équation 19

    L’exposant n est celui d’Avrami, défini précédemment.

    La fonction cinétique de Nakamura K est liée à la constante d’Avrami Avramik par la relation :

    1/ n

    AvramiK k Équation 20

    Une forme différentielle de l’équation de Nakamura a été donnée par Patel et al. [36]; en

    supposant que K ne dépend que de la température :

    1

    ( )1 ln 1

    n

    nNakamura

    d tn k T t t

    dt Équation 21

    L’avantage de cette formulation, bien adaptée à la résolution numérique, est que le temps

    n’apparaît pas comme variable indépendante.

    Dans la pratique, pour les polymères, les valeurs de l’exposant obtenues expérimentalement

    sont rarement entières alors que les structures observées sont sphérolitiques. Cette

    incompatibilité entre la théorie et l’expérience peut s’expliquer par de nombreuses déviations

    des hypothèses de base. En effet, les hypothèses citées plus haut ne sont jamais totalement

    vérifiées. La germination est souvent entre sporadique et instantanée et un temps

    d’induction pendant lequel aucun germe n’est activé peut s’observer. L’homogénéité de la

    répartition des germes est rarement vérifiée. En effet, les germes apparaissent

    préférentiellement sur les surfaces hétérogènes. D’autre part, la vitesse de croissance des

    germes n’est pas constante pendant tout le processus de cristallisation, les défauts présents

    sur la chaîne macromoléculaire sont rejetés dans le fondu et la phase fondu s’enrichit donc

    de défauts au fur et à mesure, ce qui peut entraîner une diminution de la vitesse de

    cristallisation en fin de processus. Sachant que, la cristallisation s’accompagne toujours d’une

    variation de volume (où les densités des phases cristallines et amorphes sont différentes),

    l’hypothèse de l’invariabilité du volume considéré comme infini fait également défaut.

    Enfin, ces théories ne tient pas en compte la germination secondaire qui peut avoir lieu dans

  • Nadia Brahmia

    34

    la phase amorphe située entre les lamelles cristallines ou dans les cristallites (épaississement

    lamellaires).

    4.1.3.2.4 Nombre initial de germes

    Dans le cas du modèle isotherme d’Avrami, N0 représente le nombre initial de germes

    par unité de volume à la température considérée :

    0 ( )N N T Équation 22

    Pour le modèle général