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1 COMPTE-RENDU DE LA CONFÉRENCE DÉVELOPPEMENT DURABLE : LES FEMMES AU CŒUR DE L’ACTION ASSEMBLÉE NATIONALE 24 MAI 2016 Évènement organisé par CARE France, en collaboration avec Elisabeth Guigou, Présidente de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale. Modération assurée par Irène Frain, Écrivaine.

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COMPTE-RENDU DE LA CONFÉRENCE DÉVELOPPEMENT DURABLE : LES FEMMES AU CŒUR DE L’ACTION

ASSEMBLÉE NATIONALE 24 MAI 2016

Évènement organisé par CARE France, en collaboration avec Elisabeth Guigou, Présidente de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale. Modération assurée par Irène Frain, Écrivaine.

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INTRODUCTION

ÉLISABETH GUIGOU Présidente de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale

« Notre colloque se situe à la croisée de quelques grands rendez-vous internationaux sur la question des droits des femmes :

L’élaboration d’un nouvel Agenda 2030 pour le développement durable

Le 20ème anniversaire de la Conférence de Pékin de 1995 sur les femmes ayant promu l’égalité des droits et le principe de l’autonomisation des femmes comme un principe démocratique mais aussi comme une condition de l’efficacité des politiques de développement durable

La COP21 à Paris : les femmes, premières victimes du changement climatique et des conflits doivent avoir la place qui leur revient dans la mise en œuvre de l’Accord de Paris

La 60ème session de la Commission des Nations unies sur la condition de la femme (CSW60) à New York en mars 2016 qui a porté sur l’autonomisation des femmes en lien avec le développement durable.

Il reste de nombreux obstacles à l’égalité des droits et des chances. Dans certaines régions du monde, les droits ont régressé et on assiste à une montée du conservatisme vis-à-vis des droits sexuels et reproductifs. Quelques chiffres sur la condition des femmes dans le monde :

La majorité des pauvres dans le monde sont des femmes

Dans les pays en développement, 1 fille sur 7 se marie avant l’âge de 15 ans

66 millions de filles n’ont pas accès à l’école primaire et au premier cycle du secondaire

800 femmes meurent chaque jour de complications liées à la grossesse et à l’accouchement

Le taux d’infection au VIH est deux fois plus élevé chez les femmes que chez les hommes

25% des victimes d’agressions sexuelles sont des mineures de moins de 15 ans

« La France est très engagée et très écoutée sur les droits des femmes et sur le message de l’universalité des droits. Ce sont des principes que nous devons continuer à défendre. » Élisabeth Guigou

Il est nécessaire que la France soit exemplaire dans son intégration du genre aux politiques de développement. La France s’est dotée d’une stratégie nationale genre et développement pour la

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période 2013-2017. Les opérateurs de l’État ont intégré cette problématique de manière transversale dans leurs programmes, et le genre est devenu un critère systématique de l’octroi de financement. Ces mesures sont encourageantes, mais il est nécessaire d’aller plus loin, en renforçant l’action de nos ambassades et notre dialogue bilatéral, en nommant partout des « correspondants genre ». Autre point crucial, le financement : il faut établir au niveau national des financements spécifiques sur l’égalité des sexes. La part de notre aide au développement consacrée à cette question pourrait être renforcée, ainsi que l’identification des montants correspondants au sein des documents budgétaires. Il est important de ne pas oublier les ONG, la société civile et le Parlement dans l’évaluation de notre stratégie nationale. La France doit enfin poursuivre ses efforts pour faire valoir l’égalité dans les enceintes multilatérales, notamment sur :

la levée des obstacles à l’autonomisation économique des femmes

le rôle des femmes dans les conflits et les transitions politiques

la promotion d’approches novatrices en matière de lutte contre les inégalités de genre, notamment en ciblant davantage les jeunes filles dans l’aide au développement

Enfin, la participation des femmes à la prise de décision et l’association des hommes à notre action est nécessaire pour assurer l’égalité de genre. »

LAURENCE ROSSIGNOL Ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes

« Cette rencontre permet de retrouver deux de mes principaux engagements : le féminisme et la transition écologique. L’égalité femmes-hommes et la défense de l’environnement ont été deux priorités transversales de la France dans la définition de l’Agenda 2030 pour le développement durable. L’égalité femmes-hommes et le développement durable font l’objet d’une mobilisation interministérielle forte depuis 2012 et sont intégrés dans les politiques publiques françaises. Sensibilisation, formation, sanction, accompagnement : autant de leviers communs aux deux sujets et qu’il faut utiliser pour faire évoluer les mentalités et les comportements. La France, en tant que présidente de la COP21, a porté deux objectifs majeurs dans ces négociations :

Protéger les femmes qui sont les premières victimes des changements climatiques. Il faut davantage impliquer les femmes dans les systèmes d’alerte précoce et faire en sorte que toutes les politiques climatiques prennent en compte cet impact différencié entre les hommes et les femmes.

Deuxième objectif : imposer les femmes comme actrices du développement durable. Les chiffres sont assez éloquents : si les femmes avaient le même accès que les hommes aux moyens de production, elles pourraient nourrir 150 millions de personnes supplémentaires. Il

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faut construire cette synergie vertueuse pour que les femmes contribuent davantage au développement durable et pour que celui-ci constitue un levier d’autonomisation pour les femmes.

« En tant que ministre des droits des femmes, je dois agir dans tous les champs, pour atteindre l’objectif 5 de l’Agenda 2030 du développement durable : parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et toutes les filles. La France doit jouer un rôle moteur pour engager les autres pays. » Laurence Rossignol Sur la scène internationale, lors de la CSW60, j’ai tenu à porter une voix forte en faveur d’un universalisme des droits des femmes, au moment où le relativisme culturel et les extrémismes religieux exercent des pressions croissantes dans les instances internationales et où les acquis de la Conférence de Pékin sont perpétuellement remis en cause et menacés. Ma participation a consisté à évoquer trois thèmes que j’ai identifiés comme prioritaires :

La protection et la promotion des droits des femmes sur tous les territoires, en particulier dans les conflits armés et à l’égard du terrorisme. J’ai tenu à rappeler que les violences sexuelles sont un féminicide, notion qui devrait être reprise dans les instances internationales.

Un appel à la dépénalisation de l’avortement et un accès universel aux droits et à la santé sexuelle et reproductive. La France se dotera d’une stratégie dans ce domaine qui permettra de renforcer notre action internationale. Il s’agit d’un marqueur fort de l’action internationale de la France. Il faut être offensif à l’égard des pays qui poursuivent les femmes qui exercent leurs droits sexuels et reproductifs. Le corps des femmes est un enjeu de toutes les religions traditionnelles et de tous les contrôles sociaux.

L’inclusion systématique des questions d’égalité femmes-hommes dans les accords internationaux et dans la mise en œuvre de l’Agenda 2030 du développement durable et de l’Accord de Paris sur le climat. Nous travaillons à la relance du programme de travail de Lima sur le genre en vue de la COP22. L’accord de Paris intègre cinq références à l’égalité hommes-femmes et la prise en compte du genre dans la lutte contre le changement climatique. C’est une avancée majeure que nous devons maintenant concrétiser.

L’engagement de la France se poursuivra en 2016 sur cette thématique afin de :

Promouvoir la participation active des femmes au sein des instances clés

Garantir l’inscription de l’égalité femmes-hommes et la prise en compte des femmes dans les stratégies d’adaptation

Assurer la pleine implication des femmes et des associations de femmes pour leur renforcement de capacité

Il est important d’associer les hommes dans ce combat de la transition écologique et du féminisme. »

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INÉGALITES ENTRE LES SEXES ET DÉVELOPPEMENT DURABLE :

ÉTAT DES LIEUX

ARIELLE DE ROTHSCHILD Présidente de CARE France et Vice-Présidente de CARE International

« L’égalité entre les femmes et les hommes n’est toujours pas atteinte dans aucun pays dans le monde. Ayant un accès et un contrôle limités des ressources et du pouvoir, les femmes sont davantage exposées à la pauvreté. Dans de nombreux pays, certaines normes et pratiques sociales limitent la participation des femmes au marché du travail, freinent leurs perspectives d’avenir et restreignent leurs libertés. Pour exemple :

Les femmes représentent 43% de la main d’œuvre agricole dans les pays en développement et pourtant elles sont moins de 20% à avoir accès à la propriété dans le monde

Les femmes produisent 60 à 80% des ressources alimentaires issues de l’agriculture familiale dans les pays en développement

40% de la population féminine mondiale n’a pas accès à des services financiers formels ; une femme a 20% de chances en moins qu’un homme de posséder un compte bancaire et 17% de chances en moins d’avoir recours à une forme d’emprunt formelle

Les droits des femmes et des filles sont des droits humains fondamentaux. Il est nécessaire de mobiliser l’ensemble des acteurs à les respecter et les promouvoir pour un développement durable et juste. L’obtention d’engagements au niveau international est une étape importante mais la priorité est de transformer l’essai en les traduisant par des actions concrètes. Il s’agit de bâtir sur les pratiques ayant fait leur preuve en assurant leur passage à l’échelle. CARE est impliquée depuis très longtemps sur cette thématique puisque notre organisation fête cette année ces 70 ans. Les programmes de CARE soutiennent l' « empowerment » des femmes à travers de 3 niveaux d’action :

le renforcement de la capacité d'agir des femmes

la promotion de relations de pouvoir équitables

l'évolution des structures et normes sociales

« Parvenir à l’égalité des sexes et à l’autonomisation des femmes ne pourra pas se faire sans des financements ambitieux intégrant le genre. » Arielle de Rothschild

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Afin de faire évoluer durablement les mentalités et les comportements à l’égard des femmes, CARE travaille particulièrement avec les hommes et les garçons pour les sensibiliser à l’égalité des sexes. Il est nécessaire de rendre l’aide publique au développement (APD) plus sensible au genre. Pourtant, en 2014, les chiffres de l’OCDE ont mis en évidence qu’une très faible part de l’aide publique au développement française intègre le genre : plus des trois quarts des projets examinés n’intègrent pas la notion d’égalité femmes-hommes et d’autonomisation des femmes. Dans le cadre de sa « Stratégie Genre et Développement » pilotée par le Ministère des Affaires Étrangères et du Développement International pour la période 2013-2017 (DOS2), la France s’est engagée à ce qu’au moins 50% des projets et programmes financés reçoivent la note 1 ou 2 d’ici 20171. Pour atteindre cet objectif, il est nécessaire d’intégrer davantage le genre au sein des projets français à la fois de manière transversale au sein de chaque projet mais également en finançant davantage de projets dédiés à l’égalité femmes-hommes. »

1 La note 1 selon le marqueur genre de l’OCDE : des projets ayant au moins un objectif spécifique dédié à l’égalité femmes-

hommes ou la note 2 : des projets dont l’objectif principal est l’égalité femmes-hommes et l’émancipation des femmes.

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L’AUTONOMISATION ÉCONOMIQUE DES FEMMES,

UN PARI POUR LE DÉVELOPPEMENT

CAMILLE LE BLOA Chargée de mission au sein de la division d’appui environnemental et social de l’Agence Française

de Développement

« Je vais vous présenter dans quelle mesure l’approche genre dans les interventions de l’AFD permet d’appréhender et de porter une dynamique d’autonomisation économique des femmes. La Stratégie Genre et développement pose le cadre d’intervention de l’AFD avec des objectifs chiffrés à l’horizon 2017. De cette stratégie a découlé un cadre d’intégration transversale (CIT) pour l’AFD sur le genre et la réduction des inégalités femmes (2014-2017). L’intervention de l’AFD par rapport aux enjeux de genre se base sur trois priorités opérationnelles :

la prévention des inégalités entre les femmes et les hommes

la promotion du genre comme un objectif d’intervention de l’AFD

l’accompagnement de l’évolution des sociétés sur les enjeux de genre Concernant le marqueur CAD de l’OCDE, il existe des objectifs par année à atteindre pour l’AFD. En 2015, plus de 40% des opérations de l’AFD ont été notées 1 ou 2 selon ce marqueur CAD. L’AFD a un objectif de 45% pour 2016 afin d’atteindre la moitié des projets de l’AFD ayant un impact genre en 2017. « L’autonomisation économique des femmes passe par l’ensemble des secteurs d’intervention de l’AFD. Cette prise en compte dans tous les secteurs de manière transversale va participer à un meilleur accès des femmes au marché du travail, à l’emploi et à améliorer leurs conditions de vie. » Camille Le Bloa Il existe deux approches au sein de l’AFD pour assurer l’autonomisation économique des femmes :

1. L’intégration systématique et transversale des questions de genre dans les projets instruits et suivis par l’AFD qui se décline en plusieurs étapes :

Une analyse fine du contexte en amont à travers l’utilisation opérationnelle du marqueur CAD de l’OCDE et une analyse développée en interne « analyse développement durable » qui permet d’évaluer les impacts potentiels des projets sur l’égalité femmes/hommes

Le développement d‘outils pour renforcer les capacités des agents de l’AFD en interne avec un réseau de référents genre au sein des équipes au siège et en agence

Le développement d’outils méthodologiques : les profils pays et les boites à outils genre

Le renforcement de capacités en interne via la formation des équipes en interne

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La collaboration avec les partenaires (ex : participation à l’élaboration du 2ème plan de l’Union Européenne sur le genre)

2. Les approches spécifiques et sectorielles qui appuient l’autonomisation économique des

femmes Les interventions spécifiques sur différents secteurs se déclinent via différents types de projets : les projets d’accès à la formation professionnelle et à l’emploi ; les projets d’appui au secteur privé ; les projets d’entreprenariat ; les projets d’inclusion financière. L’AFD met en place des objectifs quantitatifs sexo-spécifiques sur les bénéficiaires, des sessions adaptées aux contraintes spécifiques des femmes sur les projets avec un volet « renforcement des capacités » etc. Pour les projets d’infrastructures, de financements bancaires, d’énergies renouvelables, le point d’entrée genre est beaucoup moins évident que dans d’autres secteurs mais l’AFD s’assure de l’inclure systématiquement : il s’agit d’un des défis actuels, d’assurer ce changement d’échelle. »

FATI ABDOU Cheffe de projet à CARE Côte d’Ivoire

Visionnage d’un extrait du web documentaire « Femmes Lumière ». Vous pouvez retrouver ce web documentaire en ligne : http://femmeslumiere.tv5monde.com/#/fr/video/home « Le système financier bancaire classique n’est pas adapté aux personnes vulnérables dans les communautés. Les femmes n’ont pas droit à la terre et à l’héritage dans certaines communautés. Nous faisons face à cette situation tous les jours. Nous avons développé une solution pour permettre aux femmes d’accéder à l’autonomisation économique : les AVEC (Associations Villageoises d’Épargne et de Crédit). Il s’agit de groupes mixtes composés majoritairement de femmes et qui tiennent des réunions une fois par semaine avec des comités de gestion, une caisse à trois cadenas et une cotisation à faible montant. Grâce à ces cotisations, les femmes empruntent de l’argent pour mener des activités génératrices de revenus individuelles ou de groupe. Environ 100 000 femmes sont membres d’une AVEC mise en place par CARE en Côte d’Ivoire. Les AVEC fonctionnent bien : les femmes arrivent à avoir de l’argent pour mener des activités, ces AVEC permettent de développer l’esprit d’épargne, de crédit et d’entreprenariat au sein de ces groupements de femmes. L’objectif de ce système est de mettre en place des activités génératrices de revenus pour permettre un développement économique de ces femmes. Dans certaines zones, l’objectif premier des femmes est de se développer économiquement mais aussi de rétablir l’égalité hommes/femmes. Par exemple, dans certains villages, les femmes souhaitent d’abord acheter des vélos pour faciliter leur déplacement aux champs comme le font leurs maris.

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On a commencé à lier ces groupements de femmes aux institutions de microfinance, aux banques et aux sociétés de téléphonie mobile. Les femmes ne sont pas connues des institutions et des banques car elles ne sont pas considérées comme étant des clientes potentielles. Les femmes n’osent pas non plus aller dans les banques. CARE fait le lien entre les femmes et les banques. L’inclusion financière est une étape supérieure après la caisse des AVEC : cela permet de sécuriser l’argent épargné par les femmes, de permettre l’accès à des crédits plus conséquents pour développer d’autres activités génératrices de revenus. Aujourd’hui, les caisses à trois cadenas se sont transformées en cartes SIM. Les sociétés de téléphonie mobile ont mis à disposition des femmes des cartes SIM reliées à leur compte en banque et qui permettent aux femmes d’épargner depuis leur téléphone. Ce système facilite également les achats, les femmes ne sont plus obligées de se déplacer avec une somme d’argent importante et ont moins de risques de vols. Lorsque les femmes s’autonomisent économiquement, deux réactions ont été constatées sur le terrain de la part de leur mari :

Le mari se désengage complètement de la prise en charge financière du ménage et l’ensemble des frais reposent sur la femme

Le mari peut être davantage violent vis-à-vis de sa femme

Pour résoudre ces problèmes, CARE travaille avec les hommes et adopte une approche genre mettant en place des Comités Genre constitués de chefs de village, des autorités locales, des membres de groupe AVEC etc. Ces comités sensibilisent les hommes aux droits des femmes. Il y a des « hommes champions », c’est-à-dire des hommes qui sont respectueux, non violents et qui montrent l’exemple à d’autres hommes. Des instances de parole ont aussi été créées pour les femmes afin qu’elles puissent parler ensemble des problèmes qu’elles rencontrent et trouver des solutions en commun. Il est nécessaire d’accompagner l’autonomisation économique des femmes par d’autres formes d’autonomisation (sociale, politique…) pour une autonomisation globale des femmes. »

« L’autonomisation financière des femmes est un processus long qui n’est pas forcément accepté par tous. Nous travaillons avec les autorités locales et les hommes pour que l’autonomisation des femmes ne crée pas de tensions. » Fati Abdou

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ENGAGEMENTS INTERNATIONAUX EN FAVEUR DES DROITS DES FEMMES :

BILAN ET PERSPECTIVES

FANNY BENEDETTI

Directrice exécutive du Comité ONU Femmes France

« L’agenda pour le développement est une opportunité fantastique pour l’égalité. Il y a maintenant un objectif dédié à l’égalité des sexes, avec des cibles très précises et assez complètes, recouvrant de nombreuses thématiques. Avec le bilan des OMD (Objectifs Mondiaux pour le Développement), le constat a été fait que ce qui avançait le moins vite était notamment l’Objectif 3 sur l’égalité des sexes et l’Objectif 5 sur la santé maternelle. L’Agenda 2030 comporte un objectif dédié sur l’égalité des sexes mais il y a aussi une transversalité de cette thématique sur l’ensemble de l’Agenda 2030. Cette transversalité permet d’assurer des objectifs ambitieux en termes d’égalité femmes/hommes malgré des moyens financiers faibles pour l’égalité des sexes. Une question importante est également le choix des indicateurs qui seront pris en compte pour mesurer le suivi de cet Agenda 2030. Il existe de nombreux indicateurs sexo-spécifiques et l’enjeu est que les États puissent s’approprier l’ensemble des indicateurs pour ne pas perdre tous les acquis des différentes étapes de négociation. Certains États appellent même à renégocier ces indicateurs en 2017 pour notamment les réduire, ce qui serait une erreur puisque si l’on change constamment l’outil de mesure, il est très dur de mesurer les progrès réalisés. Concernant le retour de la CSW60, je voudrais mentionner que ce forum est le plus légitime et le plus représentatif avec une participation importante des expert-e-s, des États, des ONG. Les conclusions agréées sont chaque année très écoutées et attendues et il était important qu’il y ait un accord sur le sujet de la mise en œuvre de l’Agenda 2030 et de la prise en compte du genre dans cet Agenda. Bilan en demi-teinte de la CSW60 :

La négociation a été difficile, les conservatismes sont à l’œuvre (parmi les États souverainistes, le Vatican…). Rien n’est acquis, les résistances sont toujours aussi fortes.

Il y a l’apparition d’un langage qui rappelle la primauté des États par rapport à leur contexte national respectif, ce qui est une forme de relativisme et cela a malheureusement été accepté dans le texte. L’universalité est remise en cause dans ces enceintes.

Le texte adopté à la CSW60 est néanmoins très utile et complet. Il offre un véritable plan d’action pour l’intégration du genre dans l’Agenda 2030 permettant de réaffirmer :

Le programme de Pékin comme fondation de l’intégration de la dimension égalité dans l’Agenda 2030

Le rôle de la société civile, ce qui permettra un engagement ouvert, inclusif et transparent qui est indispensable

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Le message de l’universalité des droits, la primauté des droits des femmes et des filles, les droits indissociables, universels et interdépendants, le rôle des hommes et des garçons en tant qu’agents du changement, la lutte contre les stéréotypes de genre et l’évolution des attitudes discriminatoires.

« Il faut rester mobilisés pour les droits des femmes et leur réalisation dans l’Agenda 2030. » Fanny Benedetti Il faut travailler ensemble sur le suivi de l’Agenda 2030. Par exemple, la Suède a mis en place une gouvernance de la mise en œuvre de l’Agenda 2030, très inclusive et très participative au niveau national et c’est ce qui est attendu de la France également : un pilotage interministériel, transparent et inclusif pour toutes les instances concernées. ONU Femmes agit en soutien aux gouvernements mais elle gère des fonds et programmes qui permettent de financer des ONG sur le terrain notamment à travers deux fonds : le premier sur la lutte contre les violences et les discriminations et le deuxième en faveur de l’autonomisation des femmes et des filles. Le cadre d’action d’ONU Femmes est l’Agenda 2030 pour le développement durable. ONU Femmes France dispose de moyens milités par rapport à son mandat. La France par exemple accorde encore trop peu de budget aux instances multilatérales. »

CATHERINE COUTELLE

Présidente de la Délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

« Je fais partie de la mission ministérielle qui va à l’ONU chaque année début mars, c’est un moment important d’échanges avec les associations. Je suis frappée par deux choses :

L’Europe n’est pas capable de parler d’une seule voix aujourd’hui sur les droits des femmes. Notamment en termes de droits sexuels et reproductifs, certains pays empêchent l’Europe de parler d’une seule voix tels que Malte, la Pologne et l’Irlande.

Le Vatican a un rôle important dans ses négociations et milite avec d’autres pays contre les droits sexuels et reproductifs, au nom du relativisme, de la culture. Les droits des femmes et l’égalité femmes/hommes sont universels et ne sont pas des droits à relativiser selon les cultures et les religions.

Sur le financement, il est vrai que la part accordée au multilatéral et spécifiquement à ONU Femmes est encore trop faible.

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Concernant le développement durable et l’autonomisation des femmes, nous avons au sein de cette Assemblée fait un colloque sur Femmes et Climat. Nous avons lancé un plaidoyer avec le HCE, avec l’Assemblée nationale, le Sénat et de nombreuses associations sur genre et climat. Ce plaidoyer a eu du succès puisque les négociateurs qui auparavant n’intégraient pas les notions de genre, les ont petit à petit intégrées.

L’Accord de Paris a permis:

De reconnaitre l’importance de respecter et promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes dans toute action de lutte contre le changement climatique (préambule)

De rappeler la nécessité de mener des actions d’adaptation sensibles au genre (article 7)

De mettre en œuvre des mesures de renforcements de capacité sur les changements climatiques, de manière participative et sensible au genre (article 11)

La notion de l’égalité a réussi à primer sur celle de l’équilibre. Par contre, nous n’avons pas obtenu que l’égalité soit incluse dans toute la partie sur les financements. J’étais présente à une audition avec le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les femmes sur l’évaluation des politiques d’égalité de l’AFD et du Ministère des Affaires étrangères. Il y a eu des améliorations sur la destination genrée de ces investissements. Dans le secteur de l’agriculture, on estime que seulement 36% des projets atteignent les femmes alors que ces femmes produisent 50% des ressources agricoles dans les pays en développement. Cela leur rapporte 10% de revenus et elles détiennent seulement 2% des terres. Si on ne renforce pas les actions agricoles avec un objectif genré, on n’améliorera pas ses chiffres.

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Les femmes sont les premières victimes de la pauvreté et des impacts du changement climatique mais aussi les premières solutions.

« Les femmes doivent avoir accès aux financements, à la gouvernance, à la parole et à la prise de décision et être parties prenantes de tous les lieux de décision et de pouvoir, quel que soit le niveau de représentation. » Catherine Coutelle Nous souhaitons que ces avancées sur les droits des femmes et leur inclusion dans la lutte contre le changement climatique se poursuivent avec la COP22. Mais, comme il a déjà été indiqué, le combat pour les droits des femmes n’est pas linéaire, il y a des hauts et des bas et il ne faut jamais lâcher. » Temps d’échange avec la salle Nous remercions les intervenantes et la modératrice de cette conférence ainsi que l’ensemble des participant-e-s.

CARE France 71, rue Archereau

75019 Paris Tél. : 01 53 19 89 89 www.carefrance.org