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Par Jean-Pierre Lamonde Le samedi 10 octobre dernier, Irène Cloutier et Gonzague Lamonde de Saint-François fêtaient leur 60e anniversaire de mariage. Ce serait plus juste de dire que les enfants d’Irène et de Gonzague avaient organisé une grande fête pour le 60 e anniver- saire de leurs parents. Pour ce, ils avaient invité environ 150 personnes des familles Cloutier et Lamonde, alors que Gonzague avait donné son consentement pour une rencontre intime, de famille. Mais la famille est si grande. S’ajoutaient le député de Montmagny-L’Islet à l’Assemblée nationale, Norbert Morin, avec qui Gonzague a travaillé alors que ce dernier était maire de Saint-François, aussi les respon- sables municipaux et quelques amis triés sur le volet. Le tout a commencé par une messe en l’église historique de Saint-Pierre-de-la-Rivière-du-Sud où le couple s’est marié il y a 60 ans. Fernande à Gonzague a pris le temps au début de la messe de faire un rappel de cette grande journée d’il y a 60 ans. Les jubi- laires ont renouvelé solennelle- ment leurs engagements haut et fort devant l’abbé Jacques Simard, originaire de Saint- François. L’abbé a prononcé son homélie du haut de la chaire, pour rappeler l’époque des jeunes mariés. Après la cérémo- nie, le cortège de voitures a emprunté un circuit conduisant d’abord à la maison qui était celle des parents d’Irène, ensuite passage par le chemin de la Rivière-du-Sud, et descente par la montée de la Rivière-du-Sud, puis direction Centre des Loisirs de Saint-François où se tien- draient le repas et la soirée. Ce fut un repas de haut niveau, et la soirée tout autant. Cette der- nière fut animée par les enfants et petits-enfants du couple. Deux écrans supportaient les dou- zaines de photos anciennes de la famille, que l’ordinateur faisant défiler. Évocation de nombreux souvenirs de famille, taquineries concernant Irène et Gonzague, nombreux éloges surtout. Ce fut une très belle soirée de noces, 60 ans plus tard, d’un couple radieux et rassembleur. On pour- ra voir plusieurs photos sur le site www.famillelamonde.com Association des familles Lamonde BULLETIN DE LIAISON Novembre 2009 Grande fête à Saint-François Le 60 e de Gonzague et Irène Gonzague et Irène fêtent leur 60 e anniversaire. Photo : Jean-Marc Lamonde Irène et Gonzague s’apprêtant à monter dans une Excalibur 1937 Photo : Jean-Marc Lamonde

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Par Jean-Pierre Lamonde

Le samedi 10 octobre dernier,Irène Cloutier et GonzagueLamonde de Saint-Françoisfêtaient leur 60e anniversaire demariage. Ce serait plus juste dedire que les enfants d’Irène et deGonzague avaient organisé unegrande fête pour le 60e anniver-saire de leurs parents. Pour ce, ils avaient invité environ 150 personnes des familles Cloutieret Lamonde, alors que Gonzagueavait donné son consentementpour une rencontre intime, defamille. Mais la famille est sigrande. S’ajoutaient le député deMontmagny-L’Islet à l’Assembléenationale, Norbert Morin, avecqui Gonzague a travaillé alorsque ce dernier était maire deSaint-François, aussi les respon-sables municipaux et quelquesamis triés sur le volet.

Le tout a commencé par unemesse en l’église historique deSaint-Pierre-de-la-Rivière-du-Sudoù le couple s’est marié il y a 60ans. Fernande à Gonzague a pris

le temps au début de la messe defaire un rappel de cette grandejournée d’il y a 60 ans. Les jubi-laires ont renouvelé solennelle-ment leurs engagements haut etfort devant l’abbé JacquesSimard, originaire de Saint-François. L’abbé a prononcé sonhomélie du haut de la chaire,pour rappeler l’époque desjeunes mariés. Après la cérémo-nie, le cortège de voitures aemprunté un circuit conduisantd’abord à la maison qui étaitcelle des parents d’Irène, ensuitepassage par le chemin de laRivière-du-Sud, et descente par lamontée de la Rivière-du-Sud,puis direction Centre des Loisirs

de Saint-François où se tien-draient le repas et la soirée.

Ce fut un repas de haut niveau, etla soirée tout autant. Cette der-nière fut animée par les enfants etpetits-enfants du couple. Deuxécrans supportaient les dou-zaines de photos anciennes de lafamille, que l’ordinateur faisantdéfiler. Évocation de nombreuxsouvenirs de famille, taquineriesconcernant Irène et Gonzague,nombreux éloges surtout. Ce futune très belle soirée de noces, 60ans plus tard, d’un coupleradieux et rassembleur. On pour-ra voir plusieurs photos sur le sitewww.famillelamonde.com

Association des familles LamondeBULLETIN DE LIAISON Novembre 2009

Grande fête à Saint-FrançoisLe 60e de Gonzague et Irène

Gonzague et Irène fêtent leur 60e anniversaire.

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Irène et Gonzague s’apprêtant àmonter dans une Excalibur 1937

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BULLETIN DE LIAISON • NOVEMBRE 20092

S O M M A I R E

Soeurs Élisabeth et Yvonne Lamonde 3Mes plus anciens souvenirs sur la mort 4Famille de Gérard (à Émile) 6Arthur Lamonde (1899-1966) 8Florence Guay, institutrice à 16 ans 10L’histoire d’Auguste 11Patrimoine religieux de Bellechasse 12

Association des familles Lamonde13, 2e rue Est, Saint-François-de-la-Rivière-du-Sud (QC) G0R 3A0 Tél. : 418 259-2023Courriel : [email protected] Site Internet : www.famillelamonde.com

Conseil d’administrationde l’AssociationJean-Pierre Lamonde, présidentGonzague Lamonde, vice-présidentPhilippe Lamonde, trésorierGertrude Lamonde, secrétaireDiane Lamonde, administratriceJeannine Lamonde, administratriceAndré Lamonde, administrateurPierre Lamonde, administrateurJean-Paul Lamonde, administrateurConrad Gaulin, administrateur

Équipe de production du bulletin :Pierre, André et Jean-Pierre Lamonde

Conception graphiqueYvan Roy ([email protected])

ImpressionImprimerie P.A. Morin St-Anselme.Tirage : 250 copies.

Dépôt légalBibliothèque et Archives nationales duQuébecBibliothèque et Archives Canada.ISSN 1920-7875

Toute reproduction complète ou partielle ducontenu est strictement interdite à moinsd’une autorisation écrite de l’éditeur. Lesarticles publiés dans le bulletin del’Association des familles Lamonde sont sousla responsabilité des auteurs; la direction nepartage pas nécessairement les opinionsémises.

Nous voilà à nouveau avec le bul-letin de novembre. Il sent un peula fin de l’année. Vous avez vu enpage couverture que nous souli-gnons à notre façon un grandanniversaire de mariage, le 60e

d’Irène et Gonzague Lamonde (àAntonio) de Saint-François. Unefoule a assisté aux cérémonies dece couple qui compte beaucoupdans la grande famille. Le lende-main, le comité de l’Association

s’est réuni pour une petiteréunion à Saint-Charles. Dans cenuméro, nous avons fait uneplace honorable à la famille deGérard Lamonde (à Émile).Chacun des enfants y est présentéavec les siens. Si sœur Élizabeth (àÉmile) a fêté ses 98 ans, sa sœurYvonne a quitté notre monde,elle que nous fêtions il n’y a passi longtemps. Nous avons puisédans plusieurs publications des

extraits que nous vous présen-tons dans ce bulletin : un texte deLionel Lamonde à propos de sonpère Arthur (à Cléophas), und’Anne-Marie Lamonde (à Évaris-te) à propos d’Auguste, puis unextrait d’un livre publié récem-ment à propos du patrimoine deBellechasse et dont je suis un desauteurs avec mon épouse Gisèle.

Bonne lecture et joyeuses fêtes.

Mot du présidentPar Jean-Pierre Lamonde

Par Pierre LamondeL’autre jour, je furetais à laGrande Bibliothèque de Montréal,ce lumineux édifice du centre-ville qui abrite aussi une partiedes archives nationales. J'aiconstaté avec fierté que les deuxvolumes qui ont trait à notrefamille, soit La famille Lamonde,Histoire et généalogie, ainsi queles Portraits de Lamonde, figu-raient dignement sur les rayonsde la « Collection patrimonialedu Québec ». Une section spécialede la bibliothèque comprenantles documents publiés au Québecet reçus en dépôt légal lors deleur publication.

Nos deux bouquins s'y trouvent.On les a parés joliment d'une

couver tu rec a r t o n n é esolide met-tant en valeurleurs illustrations colorées. Desouvrages prêts à résister autemps, pour la suite du monde.(Plus durables que les produc-tions de l'informatique ? Peut-être.) En belle compagnie, entout cas, parmi les oeuvres de lanation. Tel un mémorial desgestes et des gens dont le Québectient à garder le souvenir. Nosparents y demeurent présents, etpour longtemps encore.

Nous de la grande familleLamonde pouvons en éprouverquelque fierté, vous ne trouvezpas ?

Nos livres de mémoire

BULLETIN DE LIAISON • NOVEMBRE 20093

Suite page 5

Sœur Elizabeth Lamonde, o.p. fête ses 98 ans !Par Yvonne Lamonde (à Édouard)

Nos félicitations les plus sincèresà la doyenne de la grande familleLamonde. Nièces et neveux, nousvoulons l’entourer pour cet évé-nement, d’autant plus que sa dernière sœur, S. Yvonne, cnd, estdécédée il y a un mois seulement(le 7 juin 2009). Nous savonsqu’elle doit se sentir maintenantbien seule, mais elle ne se plaintpas.

Nous avons été nombreux, desenfants d’Édouard, d’Évariste, deGérard et de Marguerite, à souli-gner cet anniversaire dans la joie.Notre tante nous a accueillis chez elle, au Pavillon Saint-Dominique, sur le boulevardRené-Lévesque à Québec. Elle faitpartie de la grande famille

Dominicaine.

Des gâteriesdu « terroir » luiont été offertes :fraises de saison,sirop d’érable,sucre à la crème,toutes choses quenotre tante appré-cie grandement.Elle a encore lebec sucré, croyez-moi.

Cet après-midifut également l’occasion de bellesrencontres entre cousines et cou-sins, heureux de fraterniser dansune circonstance joyeuse, autourde notre doyenne. Sœur Élizabethest la dernière à tenir le flambeaude la famille d’Émile. Encore

souple pour entrer et sortir del’auto, encore lucide pour racon-ter des anecdotes d’autrefois, avecun bon sens de l’humour, ellenous a intéressés par ses proposdiversifiés.

En ce jour du 8 juillet 2009

Participaient à l’anniversaire de sœur Élizabeth, de gauche à droite,Nicole, Marcel, Yvonne, Fernand, Anne-Marie, Lise, Gisèle et Jean-

Pierre.

Photo

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Giroux

Sœur Yvonne Lamonde, 1912-2009Anne-Marie Lamonde Bonneau

Le 7 juin 2009, à l'âge de 96ans décédait tante Yvonne (àÉmile) Lamonde. Au printemps,des problèmes de santé l'avaientcontrainte à l'hospitalisation,puis à un séjour prolongé à l'in-firmerie de l'Accueil MargueriteBourgeoys où elle résidait.Contre toute attente, les bonssoins, et sans doute sa détermina-tion, avaient eu pour un tempsraison de la maladie. Ainsi, elleavait le bonheur tant souhaité decélébrer le 31 mai dernier, sessoixante-dix ans de vie religieuse.Hélas, quelques jours plus tard, ilfallait se rendre à l'évidence, sonétat de santé s'était de nouveaudétérioré. Accompagnée de soinspalliatifs et entourée de l'affec-tion de ses sœurs, elle s'est étein-

te doucement.

Une courteexposition auc o m p l e x ef u n é r a i r eN é r é eTremblay apermis auxmembres desa famille etde sa commu-nauté de larevoir unedernière foiset d'échangermarques desympathie etd'amitié. Tante Élisabeth(presque 98 ans) accompagnéede ses neveux et nièces a trouvé laforce d'être là malgré sa peine etson grand âge. Sœur Lucie

Blondeau, supérieure de l'Accueilet sœur Rose Bédard, son amieattentive et dévouée, ont tenu àlui rendre un hommage d'admi-ration et d'affection qualifiant

Près du cercueil de sœur Yvonne, on avait mis le texte de ses vœux perpétuels faits en août 1944.

Photo

: J.-P

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BULLETIN DE LIAISON • NOVEMBRE 20094

Suite page 5

Mes plus anciens souvenirs sur la mortPar Jean-Pierre Lamonde

J’ai l’âge d’avoir de nombreuxsouvenirs, et je ne me prive paspour les raconter et même enaccumuler de nouveaux. En fait,mes premiers souvenirs sur lamort ne sont pas les miens, maisceux de mon père Édouard,homme de tradition orale quitransmettait les souvenirs que sesparents lui avaient transmis. Sasœur Élisabeth, de la même tradi-tion, nous rappelait récemmentl’émotion ressentie lorsque sesgrands-parents Urbain et Juliesont décédés, à deux jours d’in-tervalle, en janvier 1916. Enentrant dans la pièce, alors qu’ellen’avait pas six ans, elle se souvientd’avoir vu les grands-parents ins-tallés chacun dans leur coin dusalon sur de larges planchesposées sur des tréteaux. Les corpsétaient recouverts d’un drapblanc et un linge était posé sur le visage. Pour voir le visage, levisiteur soulevait le voile et leremettait en place.

Né bien avant l’électrificationrurale, mon père avait développéla peur des morts, la peur desesprits dans le noir de la nuit. Ilen fut guéri lorsqu’il perdit sonpropre père Émile à l’âge de dix-sept ans. À cette époque là, enco-re, la famille faisait la toilettemortuaire, habillait le défuntdans un beau vêtement et ledéposait sur trois planchesépaisses posées sur des tréteaux,lesquelles étaient recouvertesd’un drap blanc. De là l’expres-sion : un tel est sur les planches.Un cercueil était fabriqué par lemenuisier du village en bon boisrecouvert d’un drap noir et lecorps y était déposé pour ledépart vers l’église et le cimetière

par la suite.

Dans la longue prière du soiren famille, ma mère Eugénieavait une invocation tirée de lalitanie des saints et qui disait :« Délivrez-nous de toute mortsubite et imprévue, protégez-nous de l’eau, des voleurs, destempêtes et des tremblements deterre ». À part quelques bonnespoudreries du nord-est, elle futprotégée de tous ces fléaux, saufqu’à l’âge de 95 ans, trouvant letemps bien long, elle regrettaitquelque peu d’avoir été épargnéede la mort subite.

Alors que j’avais environ huitans, un vieil homme décéda auvillage et, au retour de l’écolel’après-midi, j’osai aller faire maprière à ce disparu que jeconnaissais pour l’avoir vu se bercer sur sa grande galerie. Il mesemblait très vieux et peut-êtren’avait-il que soixante-cinq ans.Ce qui piquait sans doute ma

curiosité, c’est qu’on avait rap-porté que le bonhomme n’étaitpas embaumé. Aussi, en juin, celapeut causer des soucis. Toujoursest-il que j’entrai dans la chambremortuaire où gisait le défunt,mains croisées sur l’abdomen etsemblant dormir du sommeil dujuste. Le problème est que ça sen-tait! Il y avait là abondance deplantes et de fleurs et bien qu’onsoit avant l’ère des vaporisateurs,c’était fort parfumé. Je n’arrivaispas à savoir ce qui sentait le plusfort ou le plus mauvais. Je détalaide là après un ave ou deux.

Dans le mois de janvier del’année qui suivit, je perdis magrand-mère paternelle, Rose-Anna. C’est une grand-mère quej’aimais et que je visitais souvent,car nous étions voisins. Ladépouille fut confiée à la Maisonfunéraire et elle nous revint en« snow » et dans un beau cercueil.En 1950 à la campagne, l’exposi-

Grand catafalque de l’église de Saint-Joseph-de-Beauce, récemment restauré, qu’oninstallait près de la balustrade lors des Services de 1re classe.

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tion du défunt se faisait à la mai-son. La Maison funéraire L.N.apportait à la résidence tout l’atti-rail nécessaire : les tréteaux poury déposer le cercueil, les tenturesaux murs et aux fenêtres, ungrand crucifix, des lampes àchaque bout du cercueil, un age-nouilloir…et je ne sais plus. Jefus frappé de voir ma grand-mèreallongée ainsi avec sa belle robe,les mains jointes sur un chapelet.Dans les heures qui suivirent, laparenté fort nombreuse s’amenapour prier la défunte, puis cefurent les paroissiens. Mon pèrepassait la soirée au salon à échan-ger à voix basse avec ses innom-brables cousins et à recevoir lescondoléances. J’aimais rester prèsd’eux à écouter sans intervenir.Les hommes se rappelaient dessouvenirs de la défunte et dutemps passé et finissaient paraborder la dureté de la saison etla difficulté de finir les bûchageset de transporter le bois. Auxdemi-heures environ, une tante

amorçait la récitation d’un cha-pelet suivi de maintes invoca-tions. C’était la partie ennuyantede la soirée.

Vint le jour de la grande sépa-ration et des funérailles de grand-maman. Le cercueil fut placédans un corbillard traîné sur laneige par les chevaux. Nousétions un peu loin de l’église desorte que personne ne « marchale corps », ce qui voulait diresuivre à pied derrière le cor-billard. Arrivé à proximité del’église toutefois, le cortège seconstitua et la foule entra lente-ment et longuement dans l’églisequi devint pleine à craquer parceque ma grand-mère était une per-sonne respectable et respectéedans la paroisse. Les fenêtres del’église avaient été masquées delongues tentures noires, lebedeau avait suspendu à la voûtedu chœur les banderoles noires,de sorte que lorsque les chantresentonnèrent lugubrement lechant « Dies irae dies illa, solvet

saeclum in favilla… » soit : « Jourde colère, ce jour-là réduira lemonde en poussière... Quelle ter-reur nous saisira, lorsque le jugeapparaîtra pour tout scruter avecrigueur ! » Il fallait être bienconstitué pour ne pas céder à lapanique. Toute personne senséese devait donc de faire tout sonpossible pour ne pas avoir à subirun jour les foudres du grand juge.Mais, revenus à l’extérieur, ausoleil, l’émotion se dissipait et lavie reprenait.

La semaine suivante parutcomme à l’accoutumée le journalrégional. Les funérailles de magrand-mère y étaient décrites etles membres de la famille nom-més un par un. Ma célébritén’était pas bien grande, maismon nom figurait dans le jour-nal. Je ne voyais que le mien. Lesmois qui suivirent, toute la famil-le dut porter le noir, soit unerobe, soit un complet ou simple-ment une cravate.

Mes plus anciens souvenirs sur la mort (suite)

tante Yvonne de femme excep-tionnelle. Au nom des neveux etnièces, Yvonne (à Édouard), par-ticulièrement proche de notretante depuis des années, a rappe-lé sa clarté d'esprit et sa détermi-nation, qualités stimulantes pournous tous à la retraite. Une cour-te Célébration de la Parole asuivi.

Les funérailles ont été célé-brées par l'aumônier de l'Accueil,le Père Yvon Daigneault, S.S.S. àl'église Saint-Sacrement. Référantà sa biographie (Portraits de

Lamonde), il a voulu soulignerun trait révélateur de la person-nalité de notre tante. « Jeunenovice, lorsqu'elle s'ennuyait, lesvitres étant givrées, elle montait àl'étage des dortoirs aux vitresclaires pour voir la lumière et letourbillon de la ville». Elle savait,dit-il, que toute sa vie il faudraitmonter vers les étages aux vitresclaires pour contempler la lumiè-re: c'est-à-dire pratiquer son artavec entêtement, utiliser toutesles ressources de son talent, avecl'audace de tout recommen-

cer…Il fallait aller plus haut,trouver le lieu qui donnait accès àla beauté, à la clarté, à la joie…"

Après les funérailles et l'enter-rement au cimetière Belmont,nous nous sommes de nouveauréunis avec tante Élisabeth auComplexe funéraire, à l'invita-tion des sœurs de laCongrégation. Autour d'un caféet d'un goûter réconfortant, nousavons continué d'échanger encompagnie de personnes quil'ont connue et aimée.

Sœur Yvonne Lamonde, 1912-2009 (suite de la page 3)

Jean-Paul (né en 1940)

Jean-Paul a fait son cours clas-sique au Collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière. Il a étudié la chimie à l’Université Laval et àl’Université de Montréal.

Il a d’abord travaillé dans l’in-dustrie chimique à Montréal,mais à partir de 1970, il a œuvrédans le secteur des pâtes etpapiers, dont 18 ans à Québec,puis à Alma et de nouveau àMontréal. Sa carrière a débutédans le développement de pro-duits et de procédés. Ont suivides responsabilités techniques,de service à la clientèle, de pro-duction et de direction d’usine.Ce parcours a permis de fré-quents voyages au pays et àl’étranger.

Jean-Paul est marié depuis1970 à Céline Ferland, ensei-gnante. Ils vivent maintenant àLongueuil. Le couple a de mul-tiples intérêts, principalementfamiliaux et culturels. Célines’implique aussi dans le secoursanimal. Heureusement, la santépermet au couple une retraitepleine d’activités.

Marcel (né en 1941)

Après son cours classique aucollège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, Marcel est entré auGrand Séminaire de Québec. Il aété ordonné prêtre pour le diocè-se de Sainte-Anne en 1966.

Les 25 années suivantes, il estprofesseur au Collège, principale-ment de physique, suite à un bacen physique obtenu à l’UniversitéLaval en 1970. Entre-temps, ils’implique aussi dans le pro-gramme de technologie physiqueau Cegep de La Pocatière et dansune entreprise d’électronique,tout en assumant du ministèrepastoral, surtout au Lac Trois-Saumons.

Depuis 1991, il a charge deministère à plein temps, successi-vement à Saint-Eugène et à Saint-Jean-Port-Joli, puis à La Pocatièreet à Saint-Onésime. Il agit aussicomme consultant techniquedans le diocèse et au Collège deSainte-Anne.

René (né en 1942)

René entre au Collège deSainte-Anne-de-la-Pocatière en1955 pour des études classiques.Il poursuit à l’Université Laval oùil décroche un diplôme en ingé-nierie en 1967.

Il fait carrière à Montréal dansle domaine de la pétrochimie, àdes postes d’ingénieur d’usine etde direction, pour finalement seconsacrer à la consultation eningénierie.

Entre-temps, il épouse en1972 une enseignante, MoniqueVanasse. Ils habitent depuis àSaint-Bruno-de-Montarville. Decette union naît leur fils Francisen 1976. Francis a étudié auxHEC et travaille comme analystefinancier depuis 2005. Il vit pré-sentement à Boucherville.

Les activités professionnelleset les vacances en famille les ontamenés à voyager au pays et àl’étranger. Quant aux loisirs, ilsaiment pratiquer le vélo, le ski etla marche. À cela s’ajoutent larénovation, la décoration etl’horticulture. Ils apprécient éga-lement la musique et la lecture.

Famille de Gérard (à Émile)En 1939, Gérard Lamonde, fils cadet d’Émile et de Rose-Anna Blais, a épousé Isabelle Martinà Saint-Denis-de-Kamouraska. Leurs sept enfants y sont nés.

BULLETIN DE LIAISON • NOVEMBRE 20096

Jean-Paul et Céline Lamonde

Marcel Lamonde

René et Francis Lamonde, Monique Vanasse

BULLETIN DE LIAISON • NOVEMBRE 20097

Nicole (née en 1943)

Nicole a fait son secondaire auCouvent de Saint-François. Elleest diplômée de l’École Normalede Saint-Pascal. Au fil des ans,elle a complété sa formation parde nombreux cours profession-nels.

Toute sa carrière, de 1964 à1997, elle a été professeure demathématiques au secondaire.Elle a enseigné à Montmagnypuis à Saint-Hyacinthe, mais sur-tout à Mont-Saint-Hilaire. Mêmeà la retraite, elle n’a pas perduson goût des chiffres. Elle habitemaintenant à Boucherville.

Pendant de nombreusesannées, Nicole a vécu avec notremère à Saint-Denis, d’abord aucours des vacances d’été seule-ment, puis à plein temps à partirde 2003. C’est ainsi que notremère a pu demeurer à la maisonjusqu’à l’âge de 91 ans malgré desennuis de santé et qu’en retourNicole a hérité de son souci de lafamille.

Réal (né en 1944)

Après avoir travaillé trois ansen usine à Rivière-du-Loup, Réals’est établi à Québec. Il a d’abordété 17 ans camionneur, ensuitedeux ans à titre de gérant dedépanneur et il fut bedeau durant

neuf ans. Depuis maintenantonze ans, il œuvre dans l’entre-tien d’édifices publics.

Il s’est marié à JeannineMartin en 1974. Jeannine fait car-

rière comme secrétaire médicale.Ils ont deux enfants : Mélanie,née en 1977 également secrétairemédicale à Québec depuis 1996.Avec son conjoint, Roch Simard,ils vivent à l’Île-d’Orléans.Mélanie et Roch sont les parentsde Maëlle, née en 2007. Bernard,né en 1982, est le deuxièmeenfant de Réal et Jeannine.Bernard détient une maîtrise enéconomie de l’Université Laval ettravaille à Québec. Il habiteCharlesbourg avec sa conjointe,Geneviève Boiteau. Ils viennentd’avoir un fils, Édouard, né en2009. Réal et Jeannine sont trèsdisponibles pour leur famille,mais sans négliger la maison et lejardin.

Fernand (né en 1946)

Fernand a d’abord travaillécomme commis de mercerie à LaPocatière et d’animaleries dans larégion de Québec. De 1975 à2006, il a été chauffeur d’autobusinterurbains. Il vit à Québec.

Il a trois enfants : Catherine,née en 1981, diplômée (2007) enRelations industrielles del’Université Laval. Elle travailledepuis à Montréal. Jean, né en1987, et Marie, née en 1989, sont

encore aux études.

Fernand est sociable, bonvivant, attentionné pour sesenfants.

Hervé (né en 1947)

Hervé a fait son cours clas-sique au Collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière et son cours denotariat à l’Université Laval. Il aété reçu notaire en 1972.

Il exerce depuis cette date àson bureau de Saint-Pascal. Safidèle clientèle reconnaît sa gran-de disponibilité et son expertise.Même si Hervé est fort dédié à saprofession, il est aussi un pince-sans-rire au grand cœur.

Nicole LamondeFamille de Réal Lamonde.

De gauche à droite : Bernard, Réal, Janineet Mélanie

Fernand et ses enfants. De gauche à droite : Catherine, Marie et

Jean, puis Fernand à l’arrière.

Hervé Lamonde

L’année où ce fut publié

La maison paternelle

Arthur Lamonde, fils deCléophas et de Laure Létourneau,est né à Saint-François-de-Montmagny le 15 avril 1899,dans la maison aujourd’hui habitée par Conrad. Dans cettemaison ancestrale ont vécu etsont décédés les grands-parentsUrbain Lamonde et Julie Buteau.Circonstances assez inusitées,Urbain et Julie, assistés des soinsde leur fille Ludivine, sont décé-dés à quelque deux jours de dis-tance et ont été exposés ensembledans cette maison et ont eu lesmêmes funérailles dans l’égliseparoissiale. Ludivine, aux mortsde ses parents, est devenue pro-priétaire de la maison familiale,maison qu’elle a entretenue etdont les deux logements ont étéle plus souvent occupés par deslocataires. Après avoir accompa-gné son frère Onésime commegouvernante de presbytère, audécès du curé, elle se retrouvaitsans cure, sans toit et sans fonc-tion. Ou plutôt, elle possédait untoit, mais ne pouvait demeurerseule, elle recherchait un neveu àqui elle léguerait sa maison avecla charge de l’héberger sa viedurant. La plupart des neveuxrivés à leur ferme ne pouvaient seprêter aux conditions de la tante.

Seul Arthur semblait présenter lacondition idéale : un tout petitdéménagement sans préju-dice à son emploi. Il faut dire quel’idée ne dé-plaisait pas àArthur : ilp o u v a i tdevenir pro-priétaire dubien fami-lial, le berceaude sa naissance,à un prix d’aubai-ne. Mais Jeanne devi-nait que le prix à payer seraitélevé en tracas et soucis…la tanteétant réputée experte en tracasse-ries. Jeanne tergiversa un an puiselle céda, m’affirmant dans unelettre que « c’était pour faire plai-sir à ton père ». Le 10 juin 1947débuta la cohabitation d’Arthuret de sa famille avec la tanteLudivine. En ramassant nospénates le jour du déménage-ment, je fus témoin que mamanversa des larmes. En peu detemps, ses craintes allaient seconfirmer : la tante Ludivine étaitnon seulement experte en tracas-series, mais championne toutescatégories en ce domaine.

Ses nombreuses habiletés

Cordonnier à ses heures : Enbon artisan habile, papa maîtri-

sait le travail du cuir comme sonpère, ainsi que nous l’apprennent

les mémoires de l’oncleRobert. Il s’était fait

un vrai banc dec o r d o n n i e r ,

aussi « profes-sionnel » quecelui qu’onpouvait voirchez mon-sieur Adélard

Lamontagne,maître cordon-

nier du village. Uncouteau toujours bien

aiguisé, des alênes, le néces-saire à ligneul, des clous et desformes pour chaussures se trou-vaient à sa disposition. Les joursde tempête d’hiver, il s’installait àla fenêtre de la cuisine et réparaitdes attelages, confectionnait desbottes genre mocassins. J’ai parti-culièrement admiré les traits qu’ilfabriquait aux coutures solides etrégulières. Un de ces jours detempête, il m’avait gratifié d’unejolie petite paire de godasses queje portais fièrement dans la mai-son.

Un saigneur dans son village :Son habileté et sa main sûre luiont valu aussi d’être un des sai-gneurs du village. Les boucheriesréunissaient parfois plusieursvoisins; c’était toujours à Arthur

BULLETIN DE LIAISON • NOVEMBRE 20098

Arthur Lamonde (1899-1966)Lionel Lamonde, fils d’Arthur et Jeanne Garant, se décida un jour à effectuer une recherchesur la vie de ses parents et publia un document de 132 pages intitulé Des mains habiles. Unrécit fort bien écrit et bien conduit. Un bel hommage à ses parents et à sa famille. Les souve-nirs ne sont-ils pas faits pour être partagés, et c’est ce qu’il a fait en 1997, avec l’aide dequelques proches. Avec sa permission, nous reproduisons dans ce bulletin quelques passages prisçà et là concernant Arthur, menuisier charpentier ayant beaucoup « chef-d’œuvré » à Saint-François, et poursuivrons avec Jeanne dans un prochain numéro. Merci Lionel.

Photo : Arthur Lamonde et Jeanne Garant, vers 1924, photo tirée deDes mains habiles, Jeanne Garant et Arthur Lamonde, Lionel Lamonde, 1997, 132 p.

BULLETIN DE LIAISON • NOVEMBRE 20099

qu’on confiait la tâche de saignerles porcs. Sa « seigneurie » ne luia jamais rapporté de rentes; ilrecueillait cependant le prestiged’être un homme adroit et ser-viable. Son grand couteau deboucherie toujours bien tran-chant, il le sortait comme pourun nécessaire rituel saisonnier.

Maître tailleur de glace : Lescorvées saisonnières ne man-quaient pas. Une clientèle régu-lière lui confiait son approvision-nement en glace. Cette tâche étaitassez pénible parce qu’elle se pré-sentait aux temps de grandsfroids, généralement après lesfêtes, en janvier, quand la glaceétait à son plus épais. Muni deson « godendart à glace », il s’ins-tallait sur la rivière aux endroitsles plus propices et taillait de groscubes de glace qu’on voyait pas-ser dans le village et que les desti-nataires entreposaient dans lebran de scie. Je me souviens quemadame Proculus Martineauavait toujours recours à papapour s’assurer sa réserve de glace.

Opérateur de la batteuse :L’automne, c’était la saison desbattages. Papa opérait « la batteu-se de trèfle » située à l’extrémitéest du village, à l’endroit à peuprès où se trouve construite lamaison de Jeanne d’Arc et JulesSaint-Pierre. Cette batteuse, onlui donnait le nom de batteuse àtrèfle, mais on y battait aussi lemil et peut-être d’autres grami-nées. Pourquoi lui avait-onconfié cette responsabilité ?C’était sans doute parce qu’il étaitun homme débrouillard, polyva-lent et assez habile pour se tirer

de tous les embarras mécaniques.

Aiguiseur pointilleux : Enfin,un artisan digne de ce nom saitdonner la bonne coupe à sesoutils. Papa était un excellentaiguiseur d’égoïnes et de scies entous genres. Il aimait les coupesbien faites, les tailles précises.Une égoïne à refendre avait justele chemin qu’il fallait. L’égoïnede sa boîte à onglets était minu-tieusement affutée et donnait descoupes d’un beau fini. Il ne tra-vaillait qu’avec des ciseaux, unrabot, une varlope, une hache autranchant bien aiguisé. Il n’appré-ciait pas particulièrement quel’on ébrèche ses outils dans nostentatives de bricolage. Maman,très conciliatrice lorsqu’il nes’agissait pas de ses instruments,tentait de convaincre papa quec’était le prix à payer pour nousoccuper et nous apprendre lemétier en nous amusant.

Beaucoup de gens luiconfiaient l’aiguisage de leursoutils, ce qu’il faisait à peu prèstoujours gratuitement. S’il avaitexigé un prix pour ses services, ilaurait bien arrondi ses fins demois.

Chez Garant : artisan monteur de roues

La contribution que papa aapportée au développement del’entreprise d’Alphonse qui estdevenue la compagnie Garant aété très importante. Avec mon-sieur Amédée Dumas, il figureparmi les plus vieilles mains quiont secondé la familled’Alphonse dès les débuts dumodeste atelier à l’origine dugrand complexe actuel… Je

reviens au montage des roues deferme. Le pliage des jantes mis aupoint, le tournage des rais et desmoyeux bien assuré, il fallait pas-ser à l’assemblage de toutes cespièces. Arthur a relayé Alphonsedans ce métier qui est devenu lesien et qui a disparu avec lui.Lorsque les véhicules de fermeont abandonné la roue tradition-nelle en bois pour la roue munied’un pneu, tout un secteur de laproduction des usines Garant acessé d’aller sur les roulettes… Autemps fort de la production, papatravaillait dix heures par jour, etle soir autant qu’il voulait et qu’Ille pouvait pour fournir à lademande. Au dire de mon frèreConrad qui a assisté papa durantquelques années dans ce métier,environ mille paires de rouesétaient assemblées annuellementau temps fort de cette produc-tion…

Ces roues de charrette étaientd’une résistance capable de défierl’éternité. Je suis sûr qu’il en exis-te encore quelque part dans l’ou-bli d’une remise. Au temps où ilétait de bon ton d’entourer sonbungalow de clôtures de perchespour faire antique et d’exhiber àson entrée des roues à jamaisimmobiles, il m’arrivait de medemander si l’une ou l’autren’avait pas été montée par monpère.

Les constructions qu’Arthur aréalisées sont encore bien solideset semblent avoir été érigées pourdéfier le temps. Mais qui se sou-vient à Saint-François de l’artisanqui en est l’auteur? Si l’édificepeut défier le temps, la mémoiren’a pas la même durée.

BULLETIN DE LIAISON • NOVEMBRE 200910

Florence Guay est née à Saint-Léon-de-Standon. À seize ans, elledoit quitter son adolescence pour tra-cer ses pas d’adulte. Isolée dans unrang de Saint-Malachie, loin de chezelle, elle apprivoise ses responsabilitésde jeune institutrice. Elle ira parfaireensuite sa formation et chercherd’autres diplômes et compétences.Pendant 35 ans, elle aidera ses élèvesà préparer leur avenir. En 2008, elle apublié aux Éditions Floraison un livreintitulé Ces enfants qui m’ontenseigné. Dans ce livre, elle raconteson parcours d’enseignante et elle ditmerci à tous ces jeunes qui lui ont tantappris de la vie. Nous publions ci-après quelques extraits de ce livre enpensant à tant de jeunes filles etfemmes de la famille Lamonde et dela région qui ont eu un parcours similaire.

J’avais seize ans et un diplômed’enseignement entre les mains.Fraîche émoulue de l’École norma-le, j’étais consciente d’être bienjeune pour prendre la charge d’uneclasse. Si j’avais pu choisir, j’auraispréféré prolonger un peu cesannées heureuses comme étudian-te afin de me sentir plus aguerrieavant d’entrer dans le monde desresponsabilités. Cette vie protégée,ces deux années dans le chaudgiron d’un pensionnat, entre desmurs que j’avais aimés, avaient ététrop courtes. Trop brèves les ami-tiés rencontrées, trop vite goûtésles jeux insouciants, les cours depédagogie, les essais en théâtre etle fourmillement de jeunesse où jenageais comme un poisson dansl’eau…

Ce matin de ma première jour-née d’enseignement, j’avais le sentiment très net d’entrer dans unrôle trop grand pour moi. Quen’étais-je plutôt assise sur les bancsde l’école pour un an ou deuxencore comme les autres filles demon âge! Ces années que j’avais

sautées dans mon parcours scolai-re, voilà qu’elles m’avaient piégée,faisant de moi une adulte avantl’âge. Pourquoi avais-je choisi uneprofession qui demandait unematurité si précoce ? Je ne pouvaisrevenir en arrière. L’heure étaitvenue d’entrer dans mon métierd’institutrice. Et j'étais bien décidéeà y mettre tout mon cœur.

Oui, l’heure était venue demonter sur la tribune et de gagnermon bureau dans l’attente de mespremiers élèves. Sans doute majeune sœur sentit-elle ma fébrilité.Je la devinais aussi nerveuse quemoi, l’air sérieux dans sa petiterobe verte à carreaux. Quant à moi,j’espérais que mes talons hauts medonneraient cette assurance quime manquait et que mes cheveuxremontés en coiffure haute contri-bueraient à me donner un air plusâgé et autoritaire, un air de maî-tresse d’école quoi!

Venant de trois directions diffé-rentes, ils arrivèrent à tour de rôle.Les filles avec leur sac en bandou-lière, les garçons le portant sur ledos, grâce à deux lanières passéesdevant chaque épaule. Ils entrèrentdans cette classe qu’ils connais-saient mieux que moi et choisirentchacun un pupitre. Un signe detête dans ma direction, parfois unbonjour timide, et pour quelques-unes un beau sourire me direntqu’ils semblaient pour la plupartheureux de revenir à l’école. Lacuriosité de voir de quoi avait l’airleur nouvelle institutrice entraitsûrement en ligne de compte. Ilsétaient dix devant moi. Ma classeétait complète. L’espace d’un ins-tant, je me pris à sourire intérieure-ment en pensant aux trente élèveset plus que comptait l’école durang de mon enfance où madameAudet nous enseignait.

Dix élèves seulement, maisrépartis sur six niveaux, de la pre-

mière à la septième année. À partle tout petit garçon qui commen-çait l’école et qui me regardait furtivement, l’air intimidé, la têtepenchée et les bras croisés, tous meparurent disposés à ce qu’on com-mence joyeusement l’aventure del’année scolaire. J’étais ravie deleurs beaux visages et de la vivacitéde leurs regards. « Comment nepas se sentir emballée devant cettejeunesse et ces yeux qui ne deman-dent qu’à te faire confiance? » pensai-je.

La première heure passée, lesnoms, âges et degrés notés, les pré-sentations réciproques faites, ilétait déjà l’heure de la récréation.Dans la cour, ce serait au tour dema jeune sœur de créer ses propresliens avec ces écoliers. Avec sonentregent naturel, je la savaiscapable de se faire des amis assezrapidement. Je profitai de cemoment pour revoir mes notes, les livres et les cahiers nécessairespendant l’année. À leur retour dansla classe, j’exposai aux élèves lesrègles usuelles de fonctionnement,ce que chacun savait par cœur biensûr.

À l’heure du dîner, j’étais déjàfatiguée, le stress ayant sapé mesénergies, mais la journée n’étaitpas finie, loin de là. Pour m’encou-rager, je comptai mentalement les3,75$ que ces heures de travailm’avaient permis de gagner. Dessous qui seraient bienvenus pourcommencer à payer mes études àmes parents.

Il me fallait remplir les heures àvenir en plongeant dans l’organisa-tion des matières, et ce, avec desdegrés multiples. Comment expli-quer une leçon à certains sansnégliger les autres ? ... Commentappliquer les principes pédago-giques reçus à l’École normale avec tant de niveaux réunis ?Perfectionniste, je tenais à mettre

Florence Guay, institutrice à 16 ans

BULLETIN DE LIAISON • NOVEMBRE 200911

L’histoire d’AugusteLe récit qui suit est d’Anne-Marie Lamonde, fille d’Évariste (à Émile). En 2007, elle a publié quelques textes

avec un groupe. Le livre, de 178 pages, s’intitule Feuilles d’Automne. L’éditeur est Roger Langlois. Dans cet écrit,Anne-Marie raconte un événement malheureux survenu dans sa famille il y a quelques décennies et comment la solidaritéfamiliale s’est déployée, afin que la vie puisse continuer. Merci à Anne-Marie de nous avoir autorisé à reproduire ces propos.

Certains événements de la vieviennent bousculer notre existen-ce de façon définitive. Un jour,par un mauvais coup du sort,nous sommes confrontés à unedure réalité. Ce fut le cas pournotre famille, il y a maintenantpresque trente ans. Un terribleaccident d’automobile a laissémon frère Auguste dans le comapendant un long mois. Il avaittrente-quatre ans et était céliba-taire.

Des séquelles importantes aucerveau l’ont forcé à une longueréadaptation. Il a cependantperdu la mémoire immédiate, cequi l’oblige depuis à un encadre-ment continuel.

Mes parents ont été trèsangoissés et perturbés par cet évé-nement, mais mon père refusaitde baisser les bras malgré son étatde cardiaque. Quant à nous,frères et sœurs, déjà accaparés parles besoins de nos jeunes enfants,nous vivions une sorte de cau-chemar et nous nous sentionsdémunis. Bêtement, nous en vou-lions aux médecins de n’être pasplus compétents.

Tour à tour, nous lui rendionsvisite à l’hôpital. Mes parents par-fois l’amenaient à la maison

quelques heures. Les travailleurssociaux ont informé un jour lafamille des démarches à entre-prendre, Auguste n’ayant plus lacapacité de gérer seul son existen-ce. Il fallait former un conseil defamille et nommer un tuteur res-ponsable de la curatelle. Le jouroù cette procédure devait êtreentérinée par la cour, voilà quenotre père meurt subitement endéneigeant sa voiture.

Les mois ont passé, notre frèreétait toujours hospitalisé, maispetit à petit, grâce à différentsprogrammes, au support présentet continu de la SAAQ (contraire-ment aux critiques entendues) etsuite au travail des éducateursspécialisés, nous avons commen-cé à voir une certaine améliora-tion, il semblait retrouver un peud’autonomie.

Aujourd’hui, Auguste mèneune vie relativement normaledans un milieu familier : notrefrère ainé, vivant alors sur laferme familiale, et sa femme, enont accepté la garde. Un beau-frère soutenu par sa conjointe abien voulu du rôle de tuteur.Grâce à son dynamisme, Augustea son atelier près de la maison etpeut accomplir un travail de

simple menuiserie; ainsi, il a lesentiment d’être utile et plusautonome. Une personne res-ponsable l’accompagne, une oudeux fois par semaine, dans sesloisirs, principalement lesquilles, auxquelles il est passable-ment habile malgré, selon sespropres paroles, « qu’il a dûadroiter » sa main gauche, ayant àtoute fin pratique, perdu l’usagede son bras droit. Il fait partied’une ligue où il a la possibilitéde rencontrer souvent les mêmespersonnes.

Enfin, chaque fin de semaine,le samedi ou le dimanche, selonun horaire pré-établi, l’un d’entrenous s’occupe spécialement delui : dîner, visite, sortie, promena-de, souper, etc. Comme il ne peutapprécier ces moments qu’auprésent, il les note dans ce qu’ilappelle sa « tête de poche » (petitcalepin qu’il porte toujours surlui). Et cela dure depuis vingt-huit ans.

Quand je revois dans mamémoire ces souvenirs de notredétresse et que je regarde la situa-tion actuelle, je me dis qu’il fautfaire confiance à la vie et croire enla force de la famille.

en pratique ces méthodes, ne pou-vant me résigner à donner du tra-vail à mes élèves alors que les dif-férentes étapes d’une leçon modèlen’avaient pas été respectées.Naïveté, professionnalisme ouinconscience? Les trois peut-être.

J’allais donc découvrir au fil des

jours comment y arriver. Je vis quece n'était pas facile, mais possible.J’ai fait des compromis, des arran-gements et des expériences. Il yavait en moi une grande capacitéd’adaptation que je découvrais. Deplus, habitués à travailler dans uneclasse à degrés multiples, mes

élèves manifestèrent beaucoup decompréhension et de bonnevolonté face à mes nouvellesméthodes, me confortant dans lesentiment que nous étions sur lavoie de l’apprentissage et de laréussite.

Florence Guay, institutrice à 16 ans (suite)

BULLETIN DE LIAISON • NOVEMBRE 200912

Patrimoine religieux de BellechasseLe 4 octobre 2009, la Société historique de Bellechasse a lancé, devant plus de deux cents personnes,

son dernier livre Patrimoine religieux de Bellechasse. De nombreux invités spéciaux étaient présents,tels Michel Lessard, Gaston Deschênes, Yves Hébert et l'éditeur GID. Le livre compte 324 pages, 450 photoset de nombreux textes sur l’histoire de Bellechasse. Il fait place aux vingt municipalités et vingt-et-uneparoisses que compte la MRC. Intérieurs et extérieurs d’église, presbytères, croix de chemin, couvents etcimetières. Un livre dont l’intention est de faire connaître et aimer le patrimoine afin que les populationslocales se l’approprient et lui donnent un avenir. Les auteurs : Jean-Pierre Lamonde, Gisèle Asselin, PaulSt-Arnaud et Yvan Gravel.

Nous reproduisons ci-après l’avant-propos du livre, afin de vous mettre dans l’atmosphère de cette publi-cation qui sent bon le pays où nous avons tous été élevés. C’est le récit d’une rencontre bien spéciale. Ungrand-père, issu de la période de la grande croyance et de la pratique fervente de la religion catholique, sesent investi de la mission d’expliquer à son petit-fils, et par là aux générations qui suivront, ce qu’était lapratique religieuse de ses ancêtres et comment se sont édifiées en Bellechasse toutes ces paroisses où il yavait couvent, presbytère et église qui ne désemplissaient pas. L’enfant, dont le meilleur ami est arabe, vitdans la grande ville, en marge des courants religieux qui ont façonné son grand-père. Que retiendra-t-ilde toute cette leçon ? Au moins, le grand-père sentira qu’il a fait de son mieux, pour la suite du monde !

Par Jean-Pierre Lamonde

Mes petits-enfants m’appel-lent grand-père. En fait, je m’ap-pelle Pierre, mais je pourraism’appeler Hervé, Serge, Claude,Réjean, Benoit, Denis ou Paul.Dix générations m’ont précédédepuis le temps de la Nouvelle-France, à l’île d’Orléans, puis àSaint-Thomas-de-la-Pointe-à-la-Caille, à Saint-Pierre-du-Sud etensuite à Saint-François-du-Suddans ce qui avait été la seigneuriede Bellechasse. Maintenant, jesuis de Saint-Charles et de Saint-Philémon, de Saint-Henri et deSaint-Léon-de-Standon, de Saint-Vallier et de Saint-Lazare. J’ai faitde Bellechasse mon pays.

J’ai été dans élevé dans l’eaubénite. Le lendemain de ma nais-sance, j’ai été baptisé et je faisaisofficiellement partie de l’Églisede Dieu. À six ans, j’ai fait mapremière communion et à douze,j’ai reçu le sacrement de confir-mation. Mes parents croyaient enDieu, respectaient les prêtres, fré-

quentaient l’église et les sacre-ments. Mon père n’était pasdévot, mais il avait des petitessœurs religieuses, un oncle curé,et il pratiquait sa religion commesa mère le lui avait appris, toutsimplement. Du temps de lamesse en latin, il y récitait son

chapelet et, durant le sermon ducuré, sommeillait discrètement,habitué qu’il était au travail deschamps. Ma mère était beaucoupplus portée sur la prière et lesdévotions. Elle craignait Dieu ets’en remettait facilement à lui. Je dirais qu’elle avait le sens

Gisèle et Jean-Pierre Lamonde lors du lancement du volume à l’église de Saint-Charles.

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du sacré. À la maison, elle nousfaisait réciter les prières du matinet du soir, et à table une autreprière pour remercier. Elle nousexpliquait qu’il était importantde remercier Dieu pour tout ceque nous avions et que tant depersonnes n’avaient pas. Alorsque nous jouions à la balle avecles enfants du voisinage, elleinterrompait nos jeux pour lechapelet en famille et les mul-tiples invocations aux saints etsaintes qui avaient pour missionde nous protéger. Quand le ton-nerre se faisait menaçant, ellesortait l’eau bénite et en asper-geait la maison. Superstition ?Peut-être pas. Une mère, ça protè-ge sa famille. Dans nos cam-pagnes, la plupart des gensétaient des Canadiens françaiscatholiques tricotés serrés. Lesautres étaient regardés avecméfiance. Dans toutes lesparoisses de Bellechasse, deBeaumont à Saint-Damien etSaint-Nazaire, de Saint-Henri àSaint-Malachie, les gens étaienttous ou presque des pratiquantsaussi fidèles.

Mon petit-fils citadin vientparfois nous voir avec ses parents.Il n’est pas baptisé. Ses parentsveulent qu’il en décide lui-mêmequand il aura l’âge des choix. Ilaime les histoires que je luiraconte. « Grand-papa, me dit-il àsa dernière visite, ça fait plusieursfois que tu me dis que tu vasm’expliquer la religion qu’il yavait quand tu étais petit ». «Seigneur, aie pitié de moi! » mesuis-je dit en moi-même.Comment expliquer à un enfanttoutes ces choses que je neconnais pas vraiment bien? Audedans de moi, j’ai pourtant laferme conviction qu’il faut dire à

nos enfants et petits-enfants ceque nous avons été durant toutesces générations ; comment la poi-gnée de Français que nous étionss’est établie et a essaimé enBellechasse et ailleurs ; comment,de la première à la dernièreparoisse, les habitants ontdemandé de pouvoir construireune église afin d’en être près etd’avoir les secours de la religionau moment de la mort. La pra-tique de notre religion fut biensûr un phénomène de masse,avec le côté social que cela com-porte, mais ne nous a-t-elle pasaidés à traverser le traumatismede la conquête britannique et ànous réintégrer dans notre propreHistoire ? Il faut transmettre lamémoire pour devenir ce quenous devons être. Tout grand-père que je sois, pourquoi mesuis-je mis dans l’obligation d’ex-pliquer tout ça ? Les souvenirssont-ils faits pour être ruminésou partagés ? À chacun son idée !

Cela se passa un dimanche. Ily avait messe à l’église du village.Je décidai d’y amener mon petit-fils, pas pour lui donner la foi, carj’en ai bien peu à transmettre,mais pour raconter ce que je sais.Après la messe, alors que la centaine de personnes présentesévacuaient l’édifice, j’ai demandéau sacristain de ne pas m’embar-rer et, mon petit-fils et moi, noussommes assis dans le premierbanc en avant, là où le seigneurdes lieux avait le sien autrefois. Etje lui parlai ainsi.

« Au début de la Nouvelle-France, il y avait quelques dou-zaines de colons installés sur lesterres que les seigneurs leuravaient concédées au bord dufleuve, de Lauzon jusqu’en bas.C’était un peu avant 1700.

L’évêque de Québec avait crééune sorte de grande paroisse quis’étendait à toute la Côte-du-Sud.À l’occasion, des prêtres mission-naires venus de Québec célé-braient une messe chez les colonsqui en profitaient pour faire baptiser leurs nouveau-nés etrecevoir l’enseignement chrétien.Avec le temps, la population aug-menta un peu. L’évêque décidaalors de créer une paroisse pourla seigneurie de Lauzon, puispour celles de Beaumont et de LaDurantaye. Un peu plus tard,l’évêque sépara la paroisse deSaint-Michel-de-la-Durantaye endeux, soit Saint-Philippe et Saint-Jacques (Saint-Vallier) à l’est, etSaint-Michel à l’ouest.

Un jour, il n’y eut plus deterres disponibles sur le bord dufleuve. Les gens qui en voulaientdurent aller occuper des espacesderrière les terres déjà cultivées et plus loin encore, comme àSaint-Henri, Saint-Charles, Saint-Gervais, Saint-Raphaël, Saint-Anselme et Sainte-Claire... »L’enfant m’écoutait avec mes histoires de grand-père, tout enregardant un partout dans l’égli-se, intéressé par les formes et lessymboles, les colonnes et les chapiteaux, la hauteur de la voûteet les nuages d’encens qui s’y pro-menaient encore. « Est-ce que çat’intéresse ce que je te raconte, »lui demandai-je ? « Bien ouigrand-papa, répondit-il, mais jevoudrais savoir à quoi ça sert l’es-calier sur le mur là ». « Ouais, dis-je, arrêté dans mon élan, c’estbien que tu sois curieux, c’estcomme ça qu’on apprend. Alors,ce joli petit escalier, c’est pourmonter dans la chaire. La chaire,c’est la cuve toute décorée que tuvois au haut de l’escalier sur le

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mur. Avant qu’il y ait des micro-phones et des haut-parleurs dansl’église, le prêtre montait dans lachaire pour expliquer la parolede Dieu et donner ses conseilsaux paroissiens. Tu vois le petittoit au-dessus de la chaire, ças’appelle un abat-voix. Est-ce quetu trouves ça beau ? » « Oh! Oui,grand-papa, et à quoi ça sert lesdécorations au plafond deman-da-t-il en regardant vers lehaut ? » « Dans une église, lui dis-je, le plafond, ça s’appelle unevoûte. Ce que tu vois là-haut surla voûte, c’est une gloire rayon-nante : un cercle d’abord et, au-dedans, des rayons commeceux du soleil pour rappeler lagloire et la puissance de Dieu.L’oiseau qui y est sculpté, c’estune colombe. Elle représentel’Esprit-Saint qui éclaire notrecœur de chrétien ». « Ah, répon-dit simplement le petit-fils. » Jelui proposai de me laisser conti-nuer mon histoire et qu’ensuitenous reviendrions sur les sculp-tures et ce qu’elles représentent.

« Ainsi, nous étions arrivés à lapériode de la naissance des nou-velles paroisses, en arrière decelles du bord du fleuve. Leschoses se sont toujours passéesde la même façon pour la créa-tion d’une nouvelle paroisse : cesont les habitants qui, se sentanttrop loin de leur église d’apparte-nance, demandaient à l’évêquequ’une chapelle soit construitechez eux et qu’un prêtre vienneles voir de temps en temps pourles sacrements. Au bout de dix ou vingt ans, la population dusecteur s’étant développée, leshabitants demandaient une égli-se et un curé. La paroisse deSaint-Raphaël est issue de celles

de Saint-Michel et de Saint-Vallier, la paroisse de Saint-Cajetan d’Armagh est issue deSaint-Raphaël. À chaque nouvelleparoisse, il fallait construire unenouvelle église, un presbytère, uncimetière et parfois un couventquand des religieuses voulaientbien s’y installer. Dans Belle-chasse, vingt paroisses catho-liques et une paroisse anglicanese sont ainsi édifiées. L’église, lepresbytère et le couvent sont lenoyau central autour duquel,après la Conquête, se développale village avec ses artisans, sesrentiers, ses commerçants et sesvillageois. Aujourd’hui, on nepeut pas imaginer un village ruralsans un tel cœur. Récemment,l’église d’un petit village enBeauce a brûlé. Nous avons vu lesgens le lendemain. Ils disaient

qu’ils avaient perdu leur identitéet leur âme et demandaientqu’on reconstruise. On peutreconstruire, mais… » « Mais,grand-papa, intervint à nouveaumon petit-fils, tu m’avais dit quetu m’expliquerais la religion quele monde avait quand tu étais unpetit garçon comme moi. » « Ohlà là! me dis-je, je ne pourraidonc pas y échapper. D’accord,repris-je, mais il va falloir que tusois patient, ce sera peut-êtrelong. Je vais faire de mon mieux.Quand, j’étais petit, nous avionstous la foi, ma mère, mon père,mes sœurs et mes frères, mes cousines et mes cousins, puis lesvoisins et tout le monde de laparoisse. Même dans les pa-roisses des alentours, c’étaitcomme ça. » L’enfant ne laissepas tout passer et me demande ce

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que ça veut dire la foi. « La foipour nous, lui dis-je, c’était croireen Dieu et obéir à l’enseignementde l’Église. » Ce fut la meilleureréponse qui me vint à l’esprit.L’enfant aurait certes voulu ensavoir plus, me parler de son amiNassim à l’école qui prie Allah,mais je m’empressai de conti-nuer. « L’Église catholique, c’estune organisation énorme. Il y aun grand chef à Rome qu’onappelle le pape et tout le mondes’incline devant lui, puis dessous-chefs dans les pays qu’onappelle les évêques puis des curésdans les paroisses.

Nous, on avait le curé Bédard.C’était un homme sévère, maispas méchant. Pour le chant, ilavait une belle voix. Quand ilétait fâché par quelque chose, aulieu de crier, il sortait de sa mai-son, le presbytère, et faisaitdébouler les cordes de bois der-rière chez lui puis les recordaitpour se calmer. Mon père disaitque c’était mieux de faire ça quede frapper quelqu’un.

Parlons de la religion de nosancêtres et du temps où j’étaisgrand comme toi. Le curé Bédardorganisait toutes les semainesune grand-messe pour les parois-siens. Chez nous, mon père avaitun banc à l’église pour notrefamille et c’est là que nous nousplacions tous les dimanches pourla messe. Ceux qui n’avaient pasde banc restaient debout derrièreou bien venaient à la bassemesse. Comme nous étions nom-breux à la maison, certainsdevaient aller à la basse messe.C’était un devoir d’aller à lamesse du dimanche, les deuxgenres de messes étaient aussibons l’un que l’autre et les gens

ne semblaient pas se faire prierpour y aller, sauf certainshommes qui sortaient sur le per-ron pour jaser et fumer. Le curéBédard n’aimait pas ça. Aller à lamesse, c’est pour prier, disait mamère, mais c’était aussi une façonde se rencontrer, de prendre desnouvelles des uns et des autres.C’était même une occasion pourles grands garçons et les grandesfilles de se faire des sourires. Lesvieux du village allaient à lamesse en semaine aussi, afin probablement d’être sûrs d’avoirune meilleure place au ciel plustard. » J’anticipai la question dupetit-fils et lui expliquai que leciel, c’était là-haut, là où étaitJésus, Dieu et tous les autres etque c’était difficile à expliquer.

Ce que nous apprenions dansles cours de religion à l’école,petit-fils, c’est que la vie sur terre,ce n’était pas très important, ça servait seulement à préparer savie future dans le ciel, la vie éter-nelle. Alors, on ne posait pas dequestions, on voulait tous allerau ciel et on faisait ce que le curéBédard demandait, et il endemandait beaucoup. L’annéeétait divisée en plusieurs pé-riodes. Pour nous, la plus belle,c’était celle de Noël. À la messede minuit, on entendait non seu-lement les plus beaux chantsdans l’église tout illuminée, maison recevait au retour à la maisondes petits cadeaux et on faisait unréveillon, comme un repas avecbeaucoup de gâteaux et de confi-ture. On nous avait fait désirerardemment cette fête parce que,durant tout le mois de décembre,on appelait cette période l’avent,il y avait des privations de nourri-ture et de sucre à la maison et onnous expliquait que c’était pour

devenir meilleurs et que ce seraitfini à Noël. Ensuite, c’étaient lesjours de Fête, comme le Jour de l’an, l’Épiphanie et, aprèsquelque temps, on fêtait le Mardigras et alors recommençaient les privations de nourriture ducarême et les parents nous pro-mettaient qu’à Pâques, ce seraitterminé. Alors, sagement et pieu-sement parfois, on allait à tousces offices comme le Mercredides Cendres et les Quarante-Heures, les quatre dimanches ducarême, celui des Rameaux, leJeudi saint, le Vendredi saint etenfin Pâques. L’église était tou-jours pleine, et c’était comme çadans tout Bellechasse, Lauzon etDorchester. Le curé, qui avait descostumes de plusieurs couleursselon les périodes, parlait long-temps et fort, et il demandait auxparoissiens d’être bons et géné-reux.

Généreux, cela voulait diredonner de l’argent à la quête. Il yavait des sous noirs, des cinqcents, des dix cents et des vingt-cinq cents dans la tasse à grandmanche du marguillier qui faisaitla quête. Le maire donnait unbillet de 5 $ plié en huit pour nepas être remarqué, mais tout lemonde savait que c’était lui. Unbout de temps après Pâques,c’était la Fête de l’Ascension, puiscelle de la Trinité, de la Pentecôteet ensuite la Fête Dieu, très bellecelle-là parce qu’on faisait unegrande procession en chantantdans le village tout pavoisé dedrapeaux et orné d’arches ensapin. Toute l’année était commeça. Un cycle perpétuel, commeles saisons, froides en hiver,chaudes en été. Les paroissienspriaient pour avoir leur place auciel et ne pas aller en enfer. Un

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jour, un prédicateur est venu etnous a parlé de l’enfer. Tout lemonde a eu peur d’aller là oùbrûlent sans brûler les personnesqui ont eu une mauvaise condui-te sur la terre. À la quête, il y eutmoins de sous noirs et plus deblancs.» « Grand-papa, à quoi çasert les gros tuyaux là-bas? Je nevoulais pas t’interrompre grand-papa, ajouta l’enfant. » « Ah! Aujubé là-haut derrière, dis-je, cesont les tuyaux d’orgue. C’est unorgue de marque Déry, le seul dece type en Bellechasse. Quandl’organiste se laisse aller, c’estmagnifique. Toute l’église estremplie de sa musique. En fait,on voit les gros tuyaux, mais il y ades centaines de tuyaux pluspetits derrière. »

L’enfant profita de la brèchepour poser une autre question,portant cette fois sur le grandbanc près du mur sud. « Ah oui,dis-je, le banc d’œuvre pour lesmarguilliers responsables avec lecuré de l’entretien de l’église.C’est un beau banc sculpté enérable, fini noyer et, derrière aumur, on voit en applique un dorsal représentant le saintpatron de la paroisse. » « Grand-papa, t’es-tu déjà assis dans cebanc, » demande l’enfant? « Moi,non, mais ta grand-mère oui, dis-je, car elle a été marguillière. Jecontinue, petit-fils? » « D’accord! »

« Comme encore aujourd’hui,il y avait autrefois des morts etdes funérailles. Mais quand j’étaisenfant, une messe de funérailles,c’était bien triste. Le sacristainmettait des tentures noires auxfenêtres, des banderoles noiressuspendues au choeur et le prêtres’habillait de noir aussi. Les

chants de la messe étaient trèstristes. C’était comme ça, nous enavions des frissons. La grandequestion qu’on se posait ennous-mêmes, c’était de savoir sila personne décédée s’en allait auciel ou en enfer. Comme on nesavait pas trop, on disait qu’elleétait au purgatoire, un endroitpas très confortable, en attendantmieux.

Je ne suis pas sûr que tu soisencore avec moi, dis-je à monpetit-fils. » « À vrai dire, merépond-il, je ne comprends pastout, mais un peu. » « Si tu permets, je vais terminer, lui dis-je alors, et tu sauras presque tout.Dans les rangs, loin du village, ily avait des croix de chemin éle-vées par des familles qui avaientfait des promesses pour la guéri-son d’un enfant, d’une maman.Durant la belle saison, surtoutdurant le mois de mai qui est lemois de Marie, les gens allaientprier ensemble à la fin du jour àla croix de chemin, car ils nevenaient pas souvent au village,n’ayant pas d’automobile.

Ah, il y a encore des fêtes dontje ne t’ai pas parlé. La Toussaint,par exemple, c’était la fête detoutes les personnes de nosfamilles qui sont au paradis. Lelendemain, c’était le jour desMorts. Le 2 février, il y avait laChandeleur ou fête de la lumière.C’est le moment de l’année où lesjours commencent à rallonger.Avant l’Ascension, il y avait la fêtedes rogations pendant laquelleles cultivateurs venaient fairebénir les graines de semence pourobtenir une bonne récolte. Audébut de l’été, nous avions la fêtede saint Jean-Baptiste, en juillet

c’était la fête de sainte Anne, ennovembre celle de sainteCatherine. Alors, tu vois, étécomme hiver, le curé réunissaitson monde à l’église, sa belleéglise. Tu sais, les églises sonttoutes belles qu’on soit à Saint-Nérée, à Saint-Anselme ou àNotre-Dame-Auxiliatrice-de-Buckland. Elles ont été conçuespar des architectes et décorées pardes artistes de grand renom. Unebelle église, avec un grand retableet des dorures, c’est plus attra-yant. Elles ont été entretenuespendant de nombreuses généra-tions grâce à nos ancêtres qui ontmis leurs cennes dans la tasse dumarguillier pour entretenir l’égli-se et faire vivre le curé. J’arrête là-dessus, petit-fils, le sacristain vas’impatienter si on ne sort pas. »« Mais grand-papa, pourquoi cen’est plus comme avant, » s’inter-roge l’enfant ? « Oh là là! luirépondis-je, il n’y a plus grand-chose comme avant, tu sais. Ilfaudrait des heures pour parler detout ça.

Disons que la pratique assiduede la religion a été importantepour nous, elle nous a aidés,mais peut-être que le curé prenaittrop de place dans nos vies. Lapratique de la religion, c’est peut-être plus un choix personnel, uneaffaire de cœur entre Dieu et toiplutôt qu’une obligation pourtout le monde. Enfin, je vais pen-ser à ça et on reviendra parler deça un bon dimanche. Viens voiren sortant les belles statues deJobin, un artiste de grand talent,puis les toiles de la Collection desabbés Desjardins. Viens, on sereprendra si tu veux ! Promis! »

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