xerfi synthèse n°4 décembre 2013 concurrence fiscale en

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1 Xerfi Synthèse n°4 – décembre 2013 Concurrence fiscale en Europe : la relance des hostilités Olivier Passet Directeur des synthèses économiques, groupe Xerfi [email protected] Idées clés La France est un cas à part en Europe : le gouvernement vient de porter à 38,1% le taux légal maximal de l’impôt sur les sociétés, alors que ses voisins sont engagés dans la « guérilla » fiscale. La crise n’a pas freiné le mouvement, au contraire. Les diff érentes offensives des Etats sont déjà bien visibles dans l’accroissement de la dispersion des taux d’impositions sur les sociétés depuis 5 ans au sein de l’Union européenne. Elles sont également visibles dans la multiplication des cas de « dévaluations fiscales », qui se sont substituées aux dévaluations monétaires classiques. Cette note propose un panorama complet de cette concurrence entre Etats, telle qu’elle s’est jouée jusqu’en 2013-2014, ou telle qu’elle se profile à horizon 2017. Elle dénombre une quinzaine de « dévaluations » sur la période. Une offensive qui pourrait s’accentuer encore, alors que le sud de l’Europe s’engage à son tour dans la guerre fiscale, isolant un peu plus la France en Europe. Il est indispensable de prendre la mesure de ce contexte fiscal mouvant, offensif, déséquilibré et déséquilibrant, lorsque l’on pense à une « mise-à-plat » de notre fiscalité. Par ignorance d’un environnement de « déflation fiscale », la France pourrait courir après sa cible. Le CICE apparaît certes nécessaire mais déjà insuffisant. Il rétablit au mieux le statuquo déjà insatisfaisant d’avant-crise. Mais c’est aussi ce « jeu de domino », où chaque pays conquiert dans la douleur un avantage provisoire et participe à la déflation fiscale et sociale européenne, qui doit être au cœur des préoccupations. Un jeu dans lequel des pays comme l’Allemagne ou la Suède, commercialement excédentaires, jouent l’option de la dévaluation. Une option qui renforce la divergence européenne, puisque ces pays bénéficient déjà de la dynamique de polarisation industrielle au sein de l’espace européen. Il paraît dès lors plus que jamais indispensable de progresser en matière de coopération et d’harmonisation fiscale.

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Page 1: Xerfi Synthèse n°4 décembre 2013 Concurrence fiscale en

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Xerfi Synthèse n°4 – décembre 2013

Concurrence fiscale en Europe :

la relance des hostilités

Olivier Passet Directeur des synthèses économiques, groupe Xerfi

[email protected]

Idées clés

La France est un cas à part en Europe : le gouvernement vient de porter à 38,1% le taux

légal maximal de l’impôt sur les sociétés, alors que ses voisins sont engagés dans la

« guérilla » fiscale. La crise n’a pas freiné le mouvement, au contraire. Les différentes

offensives des Etats sont déjà bien visibles dans l’accroissement de la dispersion des taux

d’impositions sur les sociétés depuis 5 ans au sein de l’Union européenne. Elles sont

également visibles dans la multiplication des cas de « dévaluations fiscales », qui se sont

substituées aux dévaluations monétaires classiques.

Cette note propose un panorama complet de cette concurrence entre Etats, telle qu’elle

s’est jouée jusqu’en 2013-2014, ou telle qu’elle se profile à horizon 2017. Elle dénombre

une quinzaine de « dévaluations » sur la période. Une offensive qui pourrait s’accentuer

encore, alors que le sud de l’Europe s’engage à son tour dans la guerre fiscale, isolant un

peu plus la France en Europe.

Il est indispensable de prendre la mesure de ce contexte fiscal mouvant, offensif,

déséquilibré et déséquilibrant, lorsque l’on pense à une « mise-à-plat » de notre fiscalité.

Par ignorance d’un environnement de « déflation fiscale », la France pourrait courir après sa

cible. Le CICE apparaît certes nécessaire mais déjà insuffisant. Il rétablit au mieux le

statuquo déjà insatisfaisant d’avant-crise. Mais c’est aussi ce « jeu de domino », où chaque

pays conquiert dans la douleur un avantage provisoire et participe à la déflation fiscale et

sociale européenne, qui doit être au cœur des préoccupations. Un jeu dans lequel des pays

comme l’Allemagne ou la Suède, commercialement excédentaires, jouent l’option de la

dévaluation. Une option qui renforce la divergence européenne, puisque ces pays

bénéficient déjà de la dynamique de polarisation industrielle au sein de l’espace européen. Il

paraît dès lors plus que jamais indispensable de progresser en matière de coopération et

d’harmonisation fiscale.

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Chiffres clés

La concurrence joue essentiellement à travers deux mécanismes : la taxation des bénéfices

et un changement de structure des impôts, favorable aux facteurs de productions les plus

mobiles.

Treize pays de l’Union ont allégé depuis 2008 l’impôt sur les sociétés, ou l’allègeront

dans les trois ans à venir. Le taux moyen légal des partenaires de la France était de 24,2 %

fin 2007. Il sera ramené à 22,3 % en 2014 et à 21,8% en 2017. En majorant la surtaxe sur

l’IS cette année, le gouvernement creuse l’écart avec le reste des partenaires. Cet écart

était de 10 points avant crise. Il sera porté de 16 points en 2014 et progressera encore d’au

moins un demi-point à horizon 2017.

Taux légal de l’IS : France / UE

Les repositionnements fiscaux, destinés à renforcer la compétitivité et l’attractivité ne

concernent pas que l’IS. Quatorze, voire quinze pays, ont basculé une part de leur fiscalité des

facteurs de production (travail ou capital) vers la consommation depuis 2006, menant de la sorte

une politique de «dévaluation fiscale» destinée à renforcer leur compétitivité externe :

l’Allemagne, tout le nord de l’Europe, la Grèce, le Royaume-Uni, et la plupart des PECO.

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Dévaluation

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Concurrence fiscale en Europe :

la relance des hostilités

Les indicateurs récents montrent que la concurrence fiscale intra-européenne est demeurée

intense durant la crise, en dépit de la contraction de la base imposable qui a accompagné la

récession de 2008. Le résultat peut paraître paradoxal, alors même que les impératifs de

consolidation budgétaire poussent certains pays à accroître la pression fiscale. Alors même,

aussi, que la concurrence virulente de la première moitié des années 2000 est en partie

responsable de la dérive de l’endettement public. Les repositionnements récents de taux et

d’assiettes restent pourtant guidés par une logique de rivalité fiscale.

Les lignes se déplacent ainsi rapidement au sein de l’Union, et la France doit prendre la

mesure de cet environnement mouvant, qui exacerbe toujours plus les pressions sur son

secteur exposé. Nous avions, dans une note précédente, souligné le piètre positionnement

hexagonal en matière de compétitivité fiscale1. Nous attirons ici l’attention sur le fait que la

concurrence fiscale, qui a perduré durant la crise et dont certains traits se profilent déjà dans

les programmations budgétaires de moyen terme, est déstabilisatrice pour les économies

passives. Elle participe de surcroît à la dynamique de déflation qui prévaut aujourd’hui sur le

marché intérieur européen. La France ne peut pas résoudre son équation budgétaire en

ignorant les arbitrages fiscaux offensifs de la plupart de ses partenaires. L’idée même d’un

moratoire fiscal, guidé par la notion floue de « ras-le-bol » face à l’impôt, paraît d’ores et déjà

très en deçà de l’enjeu.

L’activisme fiscal des pays de l’UE est notamment perceptible à travers les nouvelles vagues

de baisse de l’impôt sur les sociétés. Il est perceptible encore dans le fait que la dispersion

des taux d’impositions s’est accrue. Un paradoxe, alors même que la concurrence devrait

pousser à une convergence de la fiscalité sur les facteurs les plus mobiles. Mais qui indique

que certains pays sont repartis à l’offensive en ordre dispersé et sur un mode non coopératif.

Il est perceptible aussi dans l’usage fréquent de la « dévaluation fiscale compétitive », qui se

substitue aux dévaluations monétaires classiques. Cette tendance est manifeste dans les

PECO, mais aussi dans nombre de pays du « noyau dur » de l’UE, au premier rang desquels

l’Allemagne.

1 Olivier Passet (2013) : « Compétitivité fiscale de la France : où en est-on ? », Xerfi Synthèse n°2, septembre.

Page 4: Xerfi Synthèse n°4 décembre 2013 Concurrence fiscale en

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1- Les arbitrages fiscaux face à la crise

Après un bref épisode de relance budgétaire, les pays européens ont tous été confrontés à

la nécessité de consolider leurs finances publiques. Les impôts ou les assiettes sur

lesquelles les différents gouvernements ont fait peser l’ajustement diffèrent sensiblement

d’un pays à l’autre. On trouve néanmoins quelques caractéristiques communes à de

nombreux pays, qui impriment leur marque sur les évolutions moyennes.

Premièrement, l’ajustement a relativement épargné les entreprises. Malgré les

déséquilibres de certains régimes sociaux, les cotisations sociales à la charge des

employeurs ont plutôt diminué. Les taux pesant sur le salaire ont baissé dans une dizaine

de pays, et seuls 6 pays, dont la France, connaissent une évolution contraire sur la période

2006-2013 (graphique 1 et 2).

La France diverge donc de la moyenne jusqu’en 2013. L’écart de taux de cotisation

employeur qui était de 17,5 points en 2007, s’est creusé de 1,5 point en l’espace de six ans

pour atteindre 19 points en 2013.

Graphique 1: Taux moyens de cotisation patronales en % du salaire

Note : pour 8 situations combinant 3 niveaux de salaire (67 à 167 % du salaire moyen) et 4 situations familiales (célibataire avec ou sans enfant, couple marié avec ou sans enfant)

Sources : Eurostat, OCDE, MISSOC

En revanche, si l’on impute le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) sur les prélèvements

sociaux en 2014, puis en 2015, il induira une baisse substantielle de charge pour les

entreprises, équivalente à une réduction de 3-4 points des taux de cotisation sur les salaires.

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Cette baisse sera sensiblement supérieure à celle observée durant la crise dans les pays du

noyau dur de l’Europe.

Graphique 2 : Variation des taux moyens de cotisation patronales en % du salaire,

2006-2013

Note : pour 8 situations combinant 3 niveaux de salaire (67 à 167 % du salaire moyen) et 4 situations familiales (célibataire avec ou sans enfant, couple marié avec ou sans enfant)

Sources : Eurostat, OCDE, MISSOC

Deuxièmement, l’imposition des profits a continué à régresser dans de nombreux

pays durant la crise, même si le mouvement a perdu en intensité par rapport à la

première moitié des années 2000 (graphique 3). Le taux moyen légal des partenaires de la

France était de 24,2 % fin 2007. Il sera ramené à 22,3 % en 2014 et à 21,8% en 2017.

La France évolue à nouveau, sur ce plan, à contre-courant de la tendance générale. En

majorant la surtaxe sur l’IS dans la nouvelle loi de finances, le gouvernement porte le taux

légal maximal à 38,1 % et creuse encore l’écart avec le reste des partenaires. Cet écart était

de 10 points avant crise. Il sera porté à 16 points en 2014. Il progressera encore d’au moins

un demi-point à horizon 2017, au regard des baisses déjà annoncées par les différents

membres de l’UE. Le constat est à peine atténué lorsque l’on restreint l’observation à la zone

euro.

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Graphique 3 : Taux légal maximal de l’impôt sur les sociétés

Sources : Eurostat, KPMG, sources nationales

Troisièmement, en contrepartie des arbitrages précédents favorables à court terme aux

entreprises, les gouvernements ont sensiblement alourdi la fiscalité sur la consommation

(différents droits d’accises et TVA).

Graphique 4 : Taux normal de TVA

Sources : Eurostat, OCDE, sources nationales

Le taux normal de TVA a notamment augmenté de 2 points en moyenne entre 2008 et 2014,

pour l’ensemble des pays de l’UE (hors France) et de 1,8 point pour les pays partenaires de

la France au sein de la zone euro (graphique 4). En dehors des PECO, c’est en Espagne et

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en Grèce, pays confrontés aux problèmes les plus aigus de solvabilité, que l’on observe les plus

fortes hausses de fiscalité indirecte. La France, jusqu’en 2014, est restée à l’écart du

mouvement (graphique 5).

Graphique 5 : Variation du taux normal de TVA, 2006-2014, en points de %

Sources : Eurostat, OCDE, sources nationales

Graphique 6: Taux de prélèvement (% du PIB) sur les grandes assiettes, écart de la France à la moyenne non pondérée des autres pays de l’UE, points de %

Source : Eurostat

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Consommation Travail Capital

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Ces observations confirment le constat plus général qui ressort du récent rapport d’Eurostat,

« Tendances de la fiscalité dans l'Union européenne »2, portant jusqu’en 2011, d’un

alourdissement relatif de la fiscalité des facteurs de production en France, en défaveur du

capital et du travail et à l’avantage relatif de la consommation (graphique 6).

2- Une concurrence exacerbée sur le capital

Parmi les évolutions décrites plus haut, celles sur l’impôt sur les sociétés méritent une

attention particulière. La fiscalité sur les bénéfices cristallise en effet le gros du débat sur la

convergence fiscale, alors même que l’IS ne constitue pas en masse l’impôt le plus

important3. En effet, l’impôt sur les bénéfices a pour assiette le revenu des capitaux propres

de l’entreprise.

A ce titre c’est un déterminant clé de la rentabilité financière et de la valeur actionnariale. Il

agit donc très directement sur les arbitrages en matière de localisation du capital (« capital

shifting »). Il agit de surcroît sur les choix de localisation des bénéfices à travers

l’optimisation fiscale (« profit shifting »). Cette deuxième dimension revêt une importance

stratégique, car elle affecte l’économie réelle à travers deux canaux : premièrement,

l’économie française doit composer avec le fait qu’elle s’est bâtie sur la puissance de

multinationales et que son emploi salarié est majoritairement porté par des groupes

nationaux ou étrangers à périmètre international. Le fait qu’une part importante de l’activité et

des profits soit générée hors frontière, rend particulièrement sensible l’arbitrage

géographique en matière de rapatriement et de réinvestissement des bénéfices.

Deuxièmement, une sur-taxation des bénéfices incite les unités résidentes à sous-facturer

les flux de services à destination des entités délocalisées du groupe (prix de transfert), ce qui

minore le PIB et les exportations réelles de l’économie.

Cet enjeu fiscal est bien compris par nombre de pays au sein de la zone euro, et plus

largement au sein de l’UE. Les PECO, en particulier, ont mis en place une fiscalité

particulièrement incitative pour attirer les investissements. Une pression s’exerce alors sur

les États en faveur d’une convergence au moins partielle de leurs taux d’imposition, mais

dans un jeu de baisse désordonné en cascade, qui pour l’heure accroît la dispersion des

taux en Europe (graphique 7). Un « effet domino », que la crise n’a en rien atténué.

2 Eurostat (2013) : Taxation trends in the European Union, 2013 Edition.

3 Il représente notamment une part bien moindre des recettes fiscales que la TVA, les cotisations sociales ou

même que l’impôt sur le revenu élargi à la CSG en France.

Page 9: Xerfi Synthèse n°4 décembre 2013 Concurrence fiscale en

9

Graphique 7 : Dispersion* des taux légaux d’imposition sur les sociétés en Europe

* Écart-type / moyenne

Sources : Eurostat, KPMG, sources nationales

De fait, treize pays de l’Union ont allégé leur impôt sur les sociétés depuis 2008, ou

l’allègeront dans les trois ans à venir. Face au statu quo ou quasi-statu quo français4, on

observe donc des stratégies actives de certains partenaires, l’Allemagne, le Royaume-Uni,

les pays du Nord, certains PECO, et la plupart des économies en crise du Sud (graphiques 8

et 9).

David Cameron avait fait sensation en juin 2012 lorsqu’il avait promis de dérouler son

fameux « tapis rouge » sous les pieds des entreprises françaises. Alliant les actes à la

parole, son gouvernement a abaissé le taux d’impôt sur les sociétés par paliers, de 26 % en

2011 à 21 % en 2014, avec pour objectif 20% en 2015. Il prolongeait ainsi une décrue

entamée en 2008, où le taux était alors de 30 %. Les pays du Nord ont emboité le pas,

s’acheminant également des niveaux proches de ceux prévalant au Royaume-Uni (20-22 %

selon les pays). Quant aux Irlandais, ils sont restés inflexibles face aux pressions de leurs

partenaires. Même au pire de la tourmente financière, l’Irlande a maintenu son taux

d’imposition sur les sociétés à 12,5 %. Le scénario fut similaire avec Chypre. A l’agonie

financière, le pays n’a concédé qu’une hausse de 2,5 points de son taux. Au Sud, l’Italie et

l’Espagne ont diminué leur IS en début de crise. La Grèce, de son côté, cherche à attirer les

4 Si l’on considère comme provisoires la surtaxe récente.

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investisseurs étrangers. Même si sa politique a connu plusieurs va-et-vient, cette instabilité

n’annule pas la tendance baissière.

La récente annonce portugaise confirme enfin le « jeu de domino fiscal » qui se met en place

au sein de la zone et qui ne semble pas prêt de prendre fin (graphiques 8 et 9). Alors même

que le pays demeure assez éloigné des cibles de déficit qu’il s’était fixé, le gouvernement

vient d’annoncer son souhait de faire passer l'impôt sur les sociétés, actuellement de 31,5 %

en moyenne, à 29,5 % en 2014, puis à 17-19 % en 2018. Autrement dit, les pays qui ont un

train de retard dans la guerre fiscale, comptent rattraper le temps perdu. La guerre n’est pas

finie, loin de là.

Graphique 8 : Principales offensives fiscales sur l’IS effectives ou progarmmées dans l’UE, 2007-2017

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Sources : Eurostat, KPMG, sources nationales

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Graphique 9 : Variations observées et annoncées du taux maximal légal, 2006-2014 et 2014-2017

Sources : Eurostat, KPMG, sources nationales.

Quelle est la portée de cette nouvelle offensive fiscale en pleine crise ? Ce qui saute aux

yeux, lorsque l’on compare les taux d’imposition en Europe, c’est que l’anomalie est en son

cœur. Économiquement, l’adoption d’une fiscalité plus favorable aux entreprises est pour un

pays ou une région un moyen légitime de compenser des désavantages de localisation

(situation périphérique) ou une faiblesse des équipements publics5. En principe, la

concurrence ne devrait donc pas produire une égalisation des taux, mais un dégradé en

fonction de la centralité, de la taille du marché et de la qualité des infrastructures. Or au sein

de l’Europe se dessine plutôt un dégradé d’imposition qui ne va pas du centre vers la

périphérie, comme on pourrait s’y attendre, mais d’Ouest en Est (graphique 10).

La principale anomalie au tableau, que les années de crise ont renforcée, concerne

l’Allemagne. Le pays est au cœur d’une zone fiscalement dépressionnaire à l'Est de

l’Europe, dont il est le principal bénéficiaire à travers son réseau de sous-traitance.

Bénéficiant déjà d’un super-bonus géographique, l’économie allemande s’est bâti un triple

avantage fiscal. Primo, le taux d’impôts sur les sociétés en Allemagne a baissé de 10 points

en 2008. Il se rapproche désormais de la moyenne européenne (à 29 % dans sa partie

occidentale). Deuxio, l’appareil productif sous-traite une grande partie de sa production dans

les PECO, où les taux d’imposition oscillent entre 19 et 20 %. Tertio, le taux effectif allemand

5 Agnès Bénassy-Quéré et Jean Pisani-Ferry (2005) : « Impôt sur les sociétés : concurrence ou harmonisation ?»,

dans Croissance équitable et concurrence fiscale, Rapport du CAE n°56

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2006-2014

2014-2017, baisses programmées

Page 12: Xerfi Synthèse n°4 décembre 2013 Concurrence fiscale en

12

incorpore la fiscalité locale (le gewerbsteuer, indexé également sur les profits). Ce qui

signifie que ne se profile pas derrière ce taux, un empilement de multiples taxes sur la

production, équivalent à celui que connaît la France.

Graphique 10 : Cartographie des taux de l’IS en Europe 2000

2014

Sources : Eurostat, OCDE, KPMG

En définitive, la dépression fiscale qui caractérise l’Est et le cœur-Est de l’Union, confère un

avantage fiscal significatif à l’Allemagne et à son Hinterland. Cela reste vrai quelle que soit

l’approche de la fiscalité que l’on adopte, réduite à l’IS ou étendue à d’autres dimensions du

capital6. Cette stratégie fiscale est en cohérence avec la volonté des groupes allemands de

maintenir une part importante de l’assemblage industriel sur le territoire et de vendre sous la

bannière du « made in Germany » des produits à fort contenu en intrants importés.

Contrairement à la France, l’Allemagne a su développer une stratégie fiscale qui incorpore

les enjeux liés à la multi-localisation des groupes et à l’extension des chaînes de valeur.

L’ampleur de cette dépression, et son accentuation en début de crise, n’en restent pas moins

problématiques, puisque qu’elles renforcent l’avantage compétitif du pays qui dispose du

plus important excédent courant de la zone.

3- L’arme de la « dévaluation fiscale »

L’unification monétaire a déplacé l’instrument de la dévaluation sur les salaires (dévaluation

salariale), ou sur la fiscalité (dévaluation fiscale). La monnaie unique prive en effet les

gouvernements du contrôle de la monnaie et du taux de change, qui étaient les deux

6 Olivier Passet (2013) : « Compétitivité fiscale de la France : où en est-on ? », Xerfi Synthèse n°2, septembre.

25-30 %

20-25 %

15-20 %

10-15 %

30-35 %

> 35 %

Page 13: Xerfi Synthèse n°4 décembre 2013 Concurrence fiscale en

13

instruments majeurs d'ajustement en faveur de la compétitivité. La fiscalité reste finalement

le seul instrument discrétionnaire, mobilisable pour améliorer l'attractivité et la compétitivité

d’un territoire. Enfin, avec l’ouverture et l’unification des marchés, l’efficacité d’une baisse

d’impôts est accrue grâce aux détournements d'assiette taxable qu'elle suscite.

La dévaluation salariale, a pris, on le sait, une tournure particulièrement dramatique dans les

pays d’Europe du Sud. C’est-à-dire dans les pays qui étaient en prise avec des problèmes

intenses de déséquilibre de leur balance des transactions courantes. Mais l’on constate

aussi qu’une majorité de pays a eu recours à des formes diverses de dévaluation fiscale,

baissant les impôts et les charges pesant sur les entreprises, et compensant ou non cette

baisse par une hausse de la fiscalité directe ou indirecte sur les ménages (voir encadré 1).

L’ajustement fiscal a donc été configuré de sorte à ralentir la demande intérieure et à

accroître la profitabilité des entreprises résidentes.

1- Dévaluation fiscale

Une dévaluation fiscale est une politique fiscale qui se substitue à une dévaluation monétaire classique.

Son but est d’alléger les coûts de production des entreprises résidentes. Elle peut se réaliser via une

baisse unilatérale de la fiscalité des entreprises. Si les entreprises reportent alors cette baisse de coût

sur leurs prix de production, la baisse d’impôt induit un avantage de prix relatif pour les produits

assemblés sur le territoire. Mais même si le report sur les prix n’a pas lieu, cette politique accroît la

profitabilité, notamment des activités exportatrices.

La baisse d’impôt sur les entreprises peut aussi être compensée par une hausse des impôts à la

consommation, la TVA notamment. On parle alors de « TVA sociale » lorsque le choc combine une

baisse des cotisations sociales associée à une hausse de TVA. Dans le second cas, la dévaluation est

réalisée à taux de prélèvement global constant. Si les entreprises reportent la baisse des coûts sur le

prix de production, le prix à la consommation demeure inchangé, TVA incluse. En revanche, les prix

des produits importés, soumis à la TVA du pays destinataire augmente et le prix des produits exportés

diminue. L’ajustement combine plusieurs effets :

Pour les importateurs étrangers : les coûts de production étrangers restent inchangés. Il

s’ensuit que leurs prix augmentent sur le marché intérieur (sauf baisse des marges).

Pour les entreprises situées sur le territoire national : les prix des produits destinés au marché

intérieur enregistrent deux chocs contraires, une baisse du coût du travail d’un côté et une

hausse du taux de TVA de l’autre.

A l’instar d’une dévaluation de la monnaie nationale, la dévaluation fiscale se traduit par une perte de

revenu du pays pris dans son ensemble vis-à-vis de ses partenaires commerciaux, puisqu’il faudra

accroître la quantité des biens exportés pour être en mesure d’importer la même quantité de

biens. Cette détérioration des termes de l’échange est la contrepartie inévitable de toute augmentation

Page 14: Xerfi Synthèse n°4 décembre 2013 Concurrence fiscale en

14

de la compétitivité-prix.

Même si l’on admet que les prix des biens et des services s’ajustent intégralement à la baisse du coût

des facteurs, les consommateurs subissent une légère perte de pouvoir d’achat qui provient du

renchérissement des produits importés (la hausse de la TVA sur environ 1/5 ème

de biens importés dans

la consommation des ménages).

Par rapport à une dévaluation classique, où le choc est immédiat sur les prix d’importations, ce qui

comporte un risque de diffusion via les salaires et les consommations intermédiaires, la dévaluation

fiscale diffère sur plusieurs points, ce qui en accroît l’efficacité :

Les effets inflationnistes de second tour sont atténués par les règles de déduction de la TVA

sur les consommations intermédiaires et l’investissement ;

La temporalité n’est pas la même. L’effet de redressement du solde commercial est plus rapide,

car contrairement à la dévaluation classique, il n’y a pas de phénomène de courbe en J, liée à

la détérioration immédiate des termes de l’échange : les prix des importations étant évalués

hors TVA, il n’y a pas de dégradation mécanique de la balance commerciale ; les termes de

l’échange se dégradent ultérieurement, via la réduction des prix par les exportateurs.

On peut prendre la mesure de ce phénomène à travers l’observation des variations combinées

des taux de prélèvement pesant sur la consommation, le travail et le capital. Nous le faisons ici

à travers trois impôts phares : respectivement la TVA, les cotisations employeurs et l’impôt sur

les sociétés, dont les variations sont étudiées sur la période 2006-2014. Le fait de faire

remonter l’intervalle d’observation un peu avant le déclanchement de la crise, permet d’intégrer

des chocs fiscaux, dont l’essentiel des effets a porté en début de crise. C’est le cas pour

l’Allemagne, dont la dévaluation fiscale décidée avant crise, puis renforcée en 2008, a

fortement aggravé la divergence européenne par la suite.

Au regard des trois prélèvements mentionnés ci-dessus, il apparaît que plus de 14 pays de l’UE

ont mené, à des degrés divers, une stratégie de dévaluation fiscale, compensée ou non par une

hausse de TVA selon l’intensité de la contrainte budgétaire (graphique 11 et tableau 1) :

C’est le cas de l’Allemagne, en début de crise, puis tout au long de la crise et jusqu’à

aujourd’hui, des pays d’Europe du Nord (Finlande, Suède, Danemark), du Royaume-

Uni, mais aussi de l’Italie, de l’Espagne, et demain, du Portugal. Le cas de la Grèce, à

la fiscalité très instable, est beaucoup plus ambigu.

C’est le cas également, notamment en début de crise, de presque tous les PECO, de

la Bulgarie, de la Hongrie, de la Slovénie, de la République tchèque et de la Lituanie.

A l’opposé, la France est un des rares pays à connaître une « réévaluation fiscale »

sur la période, avec la Belgique, le Portugal, l’Estonie et la Slovaquie.

Page 15: Xerfi Synthèse n°4 décembre 2013 Concurrence fiscale en

15

Graphique 11 : Variation des taux de prélèvements sur les entreprises entre 2006 et 2013-2014,

« Noyeau dur » (Variation en points des taux légaux)

Sources : Eurostat, OCDE, MISSOC, KPMG, calculs Xerfi

Pays d’Europe orientale (Variation en points des taux légaux)

Sources : Eurostat, OCDE, MISSOC, KPMG, calculs Xerfi

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TVA, 2006-2014 Cot. employeurs 2006-2013 IS, 2006-2014

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TVA, 2006-2014 Cot. employeurs 2006-2013 IS, 2006-2014

En pts de %

Page 16: Xerfi Synthèse n°4 décembre 2013 Concurrence fiscale en

16

Tableau 1 : Principaux ajustements fiscaux assimilables à une « dévaluation fiscale »

Sources : Eurostat, OCDE, MISSOC, KPMG, calculs Xerfi

Taux de TVA Taux de cotisations employeurs Taux d'impôt sur les sociétés

AllemagneMajoration de 3 pts du taux

normal à 19 % en 2007

Les cotisations chômage baissent

de 3,25 à 1,4 % de 2006 à 2009,

baisses moins que compensées

par des hausses des autres

régimes

Baisse du taux de l'impôt

fédéral sur les sociétés de 25 %

à 15 % pour les revenus de

2008

Danemark Stable à 25 % Stable à 0 %

Baisse de 3 pts du taux de

l'impôt sur les sociétés en 2007

à 25 % ; baisse programmée de

3 pts entre 2013 et 2017

EspagneMajoration de 2 pts en 2010 puis

de 3 pts en 2013 à 21 %

Baisse d'un demi point des

cotisations chômage entre 2006 et

2009

Baisse de 35 % à 30 % du taux

de l'IS de 2006 à 2008

FinlandeMajoration de 1 pt en 2010 à 23

% puis de 1 pt en 2013 à 24 %

Baisse de 1,7 pts des cotisations

employeurs de 2008 à 2010

(notamment vieillesse)

Baisse graduelle du taux de l'IS

de 26 % en 2011 à 20% en

2014

Grèce

Majoration de 4 pts du taux

normal en 2010 à 23 % et de 2

pts du taux réduit de 2009 à

2011 à 6,5 %

Stabilité des cotisations

employeurs jusqu'en 2010, puis

hausse d'1/2 pt en 2011 des

cotisations chômage

Hausse de 6 pts du taux de l'IS

de 2006 à 2008 puis baisse de

15 pts de 2008 à 2011, puis

hausse de 6 pts en 2013

Italie

Majoration du taux normal de 1

pt en 2012 puis 1 pt en 2013 à

22 %

Stable

Baisse de 5,9 pts du taux de

l'impôt sur les sociétés en 2008

à 31,4 %

Pays-BasMajoration de 2 pts du taux

normal en 2012 à 21 %Quasi-stabilité de 2007 à 2011

Baisse de 4 pts du taux de l'IS

en 2007 à 25,5 %

Royaume-

Uni

Majoration de 2,5 pts du taux

normal en 2011Stable

Baisse graduelle du taux de l'IS

de 30 % en 2008 à 20 % en

2015

Suède Stable à 25 % Stable

Baisse graduelle du taux de l'IS

de 28 % en 2010 à 22 % en

2013

Bulgarie Stable à 20 %

Décrue continue des cotisations

de 2006 à 2010 : allègement des

régimes chômage et retraite de

l'ordre de 7 pts du salaire brut

Baisse de 5 pts en 2007 à 10 %

Hongrie

Majoration de 5 pts du taux

normal en 2009 puis de 2 pts en

2012 à 27 %

Forte décrue graduelle des

cotisations patronales de 2006 à

2012 : refonte complète des taux

et des assiettes de l'ensemble des

régimes

Baisse de 0,7 pt à 20,6 % en

2010

Lituanie

Majoration de 1 pt du taux

normal en 2009 puis de 2 pts en

2010 à 21 %

Baisse de 2,9 pts des cotisations

entre 2007 et 2008

Baisse de 4 pts entre 2006 et

2008, à 15 %

République

tchècque

Majoration de 1 pt du taux

normal en 2010 puis de 1 pt en

2013 à 21 %

Baisse d'un point des cotisations

entre 2008 et 2009 (maladie et

maternité)

Baisse de 5 pts entre 2007 et

2010, à 19 %

RoumanieMajoration de 5 pts du taux

normal en 2010 à 24 %

Décrue des cotisations de 2006 à

2009, de plus de 5 pts, santé et

chômage notamment

Stable à 10 %

SlovénieMajoration de 2 pts du taux

normal en 2014 à 22 %

Baisse d'environ 3 pts des

cotisations entre 2006 et 2009

Baisse graduelle de 9 pts entre

2006 et 2014 à 16 %

Page 17: Xerfi Synthèse n°4 décembre 2013 Concurrence fiscale en

17

Lorsque l’on applique ces variations d’imposition à une « structure-type » de compte de

résultat, il ressort que les dévaluations les plus amples ont été menées en Bulgarie, en

Hongrie, en Slovénie, en Roumanie, en Allemagne, en Finlande en Suède et au Royaume-

Uni. La concurrence fiscale a en particulier renforcé au cours des années récentes, la zone

de dépression fiscale formée par l’Allemagne et sa périphérie de sous-traitance

(graphique12).

Graphique 12 : Intensité des dévaluations fiscales en % de la valeur ajoutée, pour une entreprise-type, 2006-2014*

* Jusqu’en 2013 pour les cotisations patronales. Le CICE n’est donc pas pris en compte en France. Si l’on consolide son impact

avec la dérive de 2006-2013, le solde serait de l’ordre de -1% de la valeur ajouté.

Note : pour une entreprise-type dont les salaires représentent 50% de la VA et le résultat net avant impôt 15 % de la VA

Sources : Eurostat, OCDE, MISSOC, KPMG, calculs Xerfi

4- Conclusion

En définitive, le contexte fiscal mouvant, offensif, déséquilibré et déséquilibrant qui vient

d’être décrit, est une des dimensions essentielle à prendre en compte lorsque l’on pense à

une « mise-à-plat » de notre fiscalité. Par ignorance d’un environnement de « déflation

fiscale », la France pourrait courir après sa cible. Le CICE apparaît certes nécessaire mais

déjà insuffisant. Il rétablit au mieux le statuquo déjà insatisfaisant d’avant-crise. Alors même,

que le gouvernement, dans le sillage du rapport Gallois, entendait mener avec cet instrument

une offensive positive en faveur de la compétitivité, en remontant le handicap accumulé sur

l’ensemble de la décennie 2000.

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Dévaluation

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18

Mais c’est aussi ce « jeu de domino », où chaque pays conquiert dans la douleur un

avantage provisoire et participe à la déflation fiscale et sociale européenne, qui doit être au

cœur des préoccupations. Un jeu dans lequel des pays comme l’Allemagne ou la Suède,

commercialement excédentaires, jouent l’option de la dévaluation. Une option qui renforce la

divergence européenne, puisque ces pays bénéficient déjà de la dynamique de polarisation

industrielle au sein de l’espace européen. Il paraît dès lors plus que jamais indispensable de

progresser en matière de coopération et d’harmonisation fiscale. Les tentatives passées

concernant l’IS, pour instaurer des fourchettes de taux ou des taux plancher, ou même

encore une base commune, sont toujours restées lettre morte. La conquête d’un cadre fiscal

compétitif et stable en France, ne prendra toute sa portée, que si l’UE et la zone euro

progressent sur la voie de l’harmonisation.

Directeur de la rédaction : Laurent Faibis, Président de Xerfi

Responsable de Xerfi-Synthèse : Olivier Passet, Directeur des synthèses

économiques de Xerfi

Responsable de la diffusion : Solène Etienne

Comité de rédaction : Jean-Baptiste Bellon, Conseiller de Xerfi, Alexandre

Boulègue, Directeur d’études Xerfi France, Damien Festor, Directeur de Xerfi

France, Aurélien Duthoit, Manager Xerfi Global, Laurent Marty, Directeur général

de Xerfi, Pascale Mollo, Chef de projet, Alexandre Mirlicourtois, Directeur de la

conjoncture et de la prévision.

Société éditrice : Xerfi.com, 13 rue de Calais, 75009 Paris. 01 53 21 81 51, ISSN

1760-8473

Achevé de rédiger le 2 décembre 2013

Relations presse : Sophie Barrois / Contact : [email protected]