snes-fsu - secteur lycées note sur la réforme blanquer

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SNES-FSU - Secteur lycées Note sur la réforme Blanquer. Analyse statistique des choix d’orientation des élèves (2ème trimestre) « Le lycée » n’est pas une institution en dehors du monde : son fonctionnement, ses problèmes et ses améliorations sont directement liés aux politiques éducatives mises en œuvre par les différents gouvernements. Réformer le lycée dans son ensemble est une nécessité. Or, la dernière réforme des LEGT, en date de 2010 et pilotée par JM Blanquer alors DGESCO, a créé bien plus de problèmes qu’elle n’en a résolu, notamment en renforçant l’autonomie locale des établissements. La réforme que le ministre Blanquer veut imposer aujourd’hui, s’affiche comme guidée par la volonté de donner plus de « liberté » aux élèves dans leur choix de parcours d’études au lycée. Elle consiste en grande partie en la suppression des trois séries générales, et leur remplacement par un choix « libre » de disciplines de spécialité dès la 1ère. En cela, c’est une réforme qui place l’enjeu de l’orientation des élèves en son centre. L’orientation des élèves est en effet un des éléments qui posent problème au sein du lycée actuel – même si on ne peut pas réduire l’enjeu de l’éducation à une question d’orientation, elle-même réduite à des choix de formation. Pour le SNES-FSU, le principal problème, en termes d’orientation, est celui des inégalités sociales de parcours scolaires : les scolarités, au lycée comme avant et après, sont encore trop marquées par le poids de certains déterminismes sociaux (inégalités liées à l’origine sociale, au genre, au niveau scolaire, aux contraintes géographiques...), dans un système lui-même marqué par des hiérarchies de prestige entre voies et séries , c’est-à- dire au sein de l’offre de parcours scolaires - hiérarchies qui s’inscrivent dans des représentations sociales profondément ancrées. Une réforme du lycée utile et pertinente serait donc une réforme qui permette d’affaiblir le poids des déterminismes sociaux, d’une part, et les hiérarchies de prestige entre parcours scolaires, d’autre part. Car une telle réforme rendrait le fonctionnement du lycée socialement plus démocratique, plus juste, en permettant de lutter contre les inégalités sociales de parcours scolaires. Le SNES-FSU, grâce à ses très nombreux militants de terrain dans les établissements, a pu réaliser une première enquête quantitative concernant l’effet de la réforme Blanquer sur les choix d’orientation des élèves actuellement en 2nde GT. Les pages qui suivent rendent compte des principaux résultats de cette enquête, fondée sur un échantillon allant jusqu’à 4000 élèves répartis dans 18 lycées en France (d’autres remontées, non encore traitées, permettront d’affiner les résultats, qui sont cependant déjà assez solides). L’essentiel de l’analyse porte sur les 7 spécialités dites « classiques » (selon le ministère), et sur les 3 premiers vœux de chaque élève, sauf cas particuliers. Comme on le verra très vite à la lecture de cette note, un constat massif s’impose : la réforme Blanquer ne remet absolument pas en cause les inégalités sociales de parcours scolaires. Le poids des déterminismes sociaux, et les hiérarchies de prestige entre formations, sont toujours à l’œuvre dans le lycée Blanquer – ce qui est peu surprenant : on sait depuis longtemps que plus on laisse jouer la « liberté de choix » dans le système scolaire, plus on a de chances d’accroître les inégalités sociales face à ce système, qu’il s’agisse d’enjeux d’orientation ou d’affectation des élèves à un établissement donné. Même si, au passage, ce « libre choix » est en grande partie une fiction, ne serait-ce que pour des raisons d’organisation, comme le ministère le reconnaît lui- même. Cette réforme serait-elle donc inoffensive, puisqu’elle ne change rien ? Au-delà du fait qu’une réforme devrait répondre aux problèmes qui ont motivé sa mise en œuvre, on ne peut oublier que la réforme Blanquer modifie en profondeur l’architecture du lycée et dégrade les conditions d’enseignement comme la diversité de l’offre de formation. On y reviendra en conclusion.

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Page 1: SNES-FSU - Secteur lycées Note sur la réforme Blanquer

SNES-FSU - Secteur lycéesNote sur la réforme Blanquer.Analyse statistique des choix d’orientation des élèves (2ème trimestre)

« Le lycée » n’est pas une institution en dehors du monde : son fonctionnement, ses problèmes et ses améliorationssont directement liés aux politiques éducatives mises en œuvre par les différents gouvernements. Réformer le lycéedans son ensemble est une nécessité. Or, la dernière réforme des LEGT, en date de 2010 et pilotée par JM Blanqueralors DGESCO, a créé bien plus de problèmes qu’elle n’en a résolu, notamment en renforçant l’autonomie localedes établissements. La réforme que le ministre Blanquer veut imposer aujourd’hui, s’affiche comme guidée par la volonté de donnerplus de « liberté » aux élèves dans leur choix de parcours d’études au lycée. Elle consiste en grande partie en lasuppression des trois séries générales, et leur remplacement par un choix « libre » de disciplines de spécialité dès la1ère. En cela, c’est une réforme qui place l’enjeu de l’orientation des élèves en son centre.

L’orientation des élèves est en effet un des éléments qui posent problème au sein du lycée actuel – même si on nepeut pas réduire l’enjeu de l’éducation à une question d’orientation, elle-même réduite à des choix de formation.Pour le SNES-FSU, le principal problème, en termes d’orientation, est celui des inégalités sociales deparcours scolaires : les scolarités, au lycée comme avant et après, sont encore trop marquées par le poids decertains déterminismes sociaux (inégalités liées à l’origine sociale, au genre, au niveau scolaire, aux contraintesgéographiques...), dans un système lui-même marqué par des hiérarchies de prestige entre voies et séries, c’est-à-dire au sein de l’offre de parcours scolaires - hiérarchies qui s’inscrivent dans des représentations socialesprofondément ancrées.

Une réforme du lycée utile et pertinente serait donc une réforme qui permette d’affaiblir le poids desdéterminismes sociaux, d’une part, et les hiérarchies de prestige entre parcours scolaires, d’autre part. Carune telle réforme rendrait le fonctionnement du lycée socialement plus démocratique, plus juste, enpermettant de lutter contre les inégalités sociales de parcours scolaires.

Le SNES-FSU, grâce à ses très nombreux militants de terrain dans les établissements, a pu réaliser une premièreenquête quantitative concernant l’effet de la réforme Blanquer sur les choix d’orientation des élèvesactuellement en 2nde GT. Les pages qui suivent rendent compte des principaux résultats de cette enquête, fondéesur un échantillon allant jusqu’à 4000 élèves répartis dans 18 lycées en France (d’autres remontées, non encoretraitées, permettront d’affiner les résultats, qui sont cependant déjà assez solides). L’essentiel de l’analyse porte surles 7 spécialités dites « classiques » (selon le ministère), et sur les 3 premiers vœux de chaque élève, sauf casparticuliers.

Comme on le verra très vite à la lecture de cette note, un constat massif s’impose : la réforme Blanquer neremet absolument pas en cause les inégalités sociales de parcours scolaires. Le poids des déterminismessociaux, et les hiérarchies de prestige entre formations, sont toujours à l’œuvre dans le lycée Blanquer – cequi est peu surprenant : on sait depuis longtemps que plus on laisse jouer la « liberté de choix » dans le systèmescolaire, plus on a de chances d’accroître les inégalités sociales face à ce système, qu’il s’agisse d’enjeuxd’orientation ou d’affectation des élèves à un établissement donné. Même si, au passage, ce « libre choix » est engrande partie une fiction, ne serait-ce que pour des raisons d’organisation, comme le ministère le reconnaît lui-même.

Cette réforme serait-elle donc inoffensive, puisqu’elle ne change rien ? Au-delà du fait qu’une réforme devraitrépondre aux problèmes qui ont motivé sa mise en œuvre, on ne peut oublier que la réforme Blanquer modifie enprofondeur l’architecture du lycée et dégrade les conditions d’enseignement comme la diversité de l’offre deformation. On y reviendra en conclusion.

Page 2: SNES-FSU - Secteur lycées Note sur la réforme Blanquer

►Le poids respectif des différentes spécialités reproduit la hiérarchie S / ES / L

Remarque : toutes les données présentées dans la suite de cette note portent sur les seuls 3 premiersvœux des élèves, exprimés lors des conseils de classe du 2ème trimestre.

● analyse des spécialités hors combinaisons.La suppression des séries au profit d'un « libre choix » de « spécialités » n'a absolument pas remis en cause

la domination quantitative de la série S dans le lycée. Ainsi, les trois spécialités les plus souvent demandées par lesélèves sont justement les trois disciplines centrales de la série S. Elles sont suivies par deux disciplines qui sont aucentre de la série ES, elles-mêmes suivies par deux disciplines typiques de la série L. Même si certaines disciplinespeuvent voir leur poids modifié par rapport à la situation actuelle (notamment les SES – mais il ne s'agit pasd'orientation définitive, seulement de vœux provisoires), on retrouve donc exactement la hiérarchie quantitativeentre les séries S, ES et L. On remarquera notamment que l'absence des mathématiques dans le tronc commun de1ère se traduit par une très forte demande de cette discipline en spécialité.

Lecture : 65,7% des élèves de 2nde GT demandent la spécialité « Mathématiques » pour l'année de 1ère(échantillon de 3998 élèves de 2nde GT, répartis dans 18 lycées en France).

SVT : Sciences de la vie et de la TerreSES : Sciences économiques et socialesHGGSP : Histoire-géographie, géopolitique, science politiqueLLCE : Langue, littérature et civilisation étrangèresHLP : Humanités, littérature et philosophie

Le graphique à la page suivante permet de compléter ces premiers chiffres, puisqu’il inclut les spécialitésdites « plus rares ». Il porte sur la seule académie de Versailles, avec un échantillon d’environ 6400 élèves. Voir lapublication spécifique du S3 de Versailles sur versailles.snes.edu

Mathématiques SVT Physique-Chimie SES HGGSP LLCE (LV) HLP0

10

20

30

40

50

60

7065,7

49,747,2

42,6

35,333,3

20,6

Fréquence des voeux de spécialités des élèves de 2nde (%)

(18 lycées, dont 16 complets ; 3998 élèves)

± Série S(rentrée 2017 : 53% des élèves de 2nde passés en 1ère générale)

± Série ES(rentrée 2017 : 33% des élèves de 2nde passés en 1ère générale) ± Série L

(rentrée 2017 : 14% des élèves de 2nde passés en 1ère générale)

Page 3: SNES-FSU - Secteur lycées Note sur la réforme Blanquer

Académie de Versailles, vœux des élèves « toutes spécialités » (6385 élèves).

Ce graphique vient confirmer globalement les tendances constatées plus haut (avec une inversion entre PCet SVT), mais il permet aussi de pointer la situation des spécialités artistiques, et de la spécialité Langues etcultures de l’Antiquité. Situation pour le moins inquiétante, surtout quand on sait que les rectorats ne cessentd’expliquer que la carte des enseignements de spécialité est amenée à évoluer chaque année… Si le ministèreadapte « l’offre » à cette première « demande » constatée, il y a toutes les raisons de s’alarmer pour ces spécialités.

● analyse des « triplettes » (combinaisons de spécialités)Pour les conseils de classes du 2ème trimestre, chaque élève de 2nde GT devait indiquer trois vœux de

spécialités (et un 4ème, subsidiaire). Une analyse des vœux des élèves sur 5 lycées (1666 élèves au total –graphique page suivante) tend à confirmer non seulement le maintien de cette hiérarchie quantitative entre lesdifférents « parcours », mais aussi la relative stabilité des proportions par rapport aux actuelles séries. Les triplettesà dominante « scientifique » représentent un peu plus de la moitié des vœux des élèves ; les triplettes de type« économique et sociale » en représentent entre un quart et un tiers ; les triplettes « littéraires » environ 15 %. Cequi est à peu de choses près la répartition actuelle des séries S, ES et L…

On peut présente ci-dessous un graphique simplifié, et ensuite des graphiques beaucoup plus détaillés.

Page 4: SNES-FSU - Secteur lycées Note sur la réforme Blanquer

Description des triplettes représentées dans le graphique

Remarque : comme tout classement d’une réalité complexe, ce classement des différentes triplettes est évidemment discutable.Néanmoins, il est fondé sur la cohérence apparente des parcours. Il faudrait évidemment compléter avec une enquêtequalitative auprès des élèves pour repérer les éventuels biais du classement.Ce classement tente de décrire les vœux de l’ensemble des élèves des 5 lycées étudiés. Il laisse de côté 33 vœux (sur 1699)classés comme « autres », et renvoyant souvent à un « panachage » de type « 1 science + 1 science humaine + 1 art oulittérature » (ex : PC + HGGSP + Arts).

SVT : Sciences de la vie et de la TerreSES : Sciences économiques et socialesHGGSP : Histoire-géographie, géopolitique, science politiqueLLCE : Langue, littérature et civilisation étrangèresHLP : Humanités, littérature et philosophieNSI : Numérique et sciences informatiquesSI : Sciences de l’ingénieurLCA : Langues et culture de l’antiquité

Rappel :répartition des séries

dans le lycée actuel

dominante Sciences

1 triplette sciences «S» maths PC SVT 25,4

2 triplette sciences autre mathsPC

SI ou NSI 9,5SVT

3 mathsPC

9,5SVT

4 doublette sciences autre 6,5

5 triplette ES / S mathsPC

SES 6,7SVT

6 triplette ES avec maths SES Maths HGGSP 11,4

7 triplette ES sans maths SES 2 parmi HGGSP, HLP, LLCE 10,78 triplette ES autre SES 1 parmi HGGSP, HLP, LLCE 1 parmi SVT, PC, Arts, LCA, SI, NSI 5,5

dominante Littéraire9 triplette Littéraire avec maths maths 3,3

10 triplette Littéraire sans maths 3 parmi HGGSP, HLP, LLCE, LCA, Arts 3,211 doublette littéraire autre 2 parmi HGGSP, HLP, LLCE, LCA, Arts ni maths, ni SES 8,3

doublette sciences «S » HGGSP, HLP, LLCE, LCA, SES, Arts

au moins 2 parmi maths, PC, SVT, NSI, SI,Hors triplettes mentionnées ailleurs

ex : PC+SVT+SI,PC+NSI+HGGSP, etc.

dominante EconomiqueEt sociale

2 parmi HLP, HGGSP, LLCE, LCA, Arts

Page 5: SNES-FSU - Secteur lycées Note sur la réforme Blanquer

On peut aborder la fréquence des triplettes sous un autre angle, à travers le schéma ci-dessous, quireprésente les 10 configurations les plus fréquentes parmi les demandes des élèves au 2ème trimestre (ce ne sontpas 10 triplettes, car plusieurs catégories regroupent différentes combinaisons possibles). Dans ces 10configurations les plus fréquentes, qui recouvrent les choix de 70 % des élèves, 9 se classent aisément dans leschéma ES/L/S, et une seule représente une configuration inédite. Quant aux 30 % des élèves qui ne se rangent pasdans ce cadre, en réalité, la majorité d’entre eux demande simplement une « variante » des trois séries, plus oumoins originale… mais aussi plus ou moins possible à mettre en œuvre concrètement dans les lycées ! Se dégagenéanmoins une autre configuration inédite : les triplettes « ES / S » du type « maths + SVT +SES ».

Quelques remarques sur les configurations « originales ». Nul doute que le ministère axera sa communication sur lagrande diversité de parcours que cette réforme permettrait auxélèves d’envisager – et que les classements et regroupements ci-dessus « écrasent » en partie. On fera deux remarques à ce sujet.

-D’abord, certains parcours « nouveaux » ne font que réhabiliter des configurations qui ont existé par le passé, maisont disparu au fil des réformes. Par exemple, les triplettes « maths + SES + LLCE » ou « HGGSP +SES +LLCE »ne font en réalité que ressusciter la série « ES spécialité Langues vivantes », qui existait jusqu’à la réforme de 2010(réforme qui a supprimé la possibilité d’une spécialité LV en série ES). Les triplettes du type « maths + HGGSP+HLP » ou « maths + HLP +LLCE » rétablissent une série L avec des maths (qui existait elle aussi jusqu’en 2010).Quant aux triplettes « maths + PC ou SVT + SES », elles ont en réalité existé jusque dans les années 1990,puisqu’une option SES était ouverte aux élèves qui s’orientaient dans les séries scientifiques (C ou D). Rien deradicalement « nouveau », donc.-De plus, l’originalité des demandes entraîne certes une grande diversité apparente des parcours, mais il est évidentque la grande majorité des parcours originaux ne pourra tout simplement pas être mise en œuvre, pour de simplesraisons d’organisation des emplois du temps. Le tableau suivant montre ainsi que, sur 54 triplettes demandées enmoyenne par les élèves, les 10 triplettes les plus fréquentes regroupent 68 % des élèves, avec en moyenne 24 élèvespar combinaison. Les 44 restantes n’accueillent que 32 % des élèves, avec une moyenne de 2,5 élèves parcombinaison. Pense-t-on sérieusement qu’il sera possible de mettre en place 54 parcours dans les lycées, avec lescontraintes d’emploi du temps que cela génère, pour pouvoir « faire tenir » des combinaisons concernant 2 ou 3élèves dans le lycée ? A-t-on prévu d’ouvrir les lycées le dimanche et la nuit ?

Les choix de « triplettes » des élèves : en moyenne : 54 combinaisons par lycée(enquête sur 4 lycées complets, 1397 élèves)

combinaisons demandées par au moins 10 élèves / lycée combinaisons demandées par moins de 10 élèves / lycée

en moyenne, 10 combinaisons par lycée en moyenne, 44 combinaisons par lycée

...regroupant 68 % des élèves… ...regroupant 32 % des élèves…

… avec 24 élèves par combinaison. ...avec 2,5 élèves par combinaison.

Page 6: SNES-FSU - Secteur lycées Note sur la réforme Blanquer

►Le lycée Blanquer laisse jouer à plein les inégalités de genre.● analyse des spécialités hors combinaisons.Les séries L, ES et S sont marquées par le poids du genre sur l'orientation ? Oui, ce fait est connu : si les

garçons sont sur-représentés en S (et sous-représentés dans les autres séries), les filles le sont en séries ES et L (etsous-représentées en S).

Quoi de neuf avec le « libre choix des spécialités » ? A peu près rien : la structure des choix de spécialitésest clairement marquée par le genre, avec des disciplines attirant massivement les garçons, de manière trèsdéséquilibrée (mathématiques, physique-chimie, dans une moindre mesure les SVT : on aura reconnu la série S...),et d'autres où les filles s'orientent nettement plus que les garçons (humanités-littérature-philosophie, languesvivantes, sciences économiques et sociales : on aura reconnu les séries L et ES).

Lecture : en moyenne, 31,1% des élèves de 2nde GT demandent « Histoire-géographie-géopolitique-sciencepolitique » pour leur classe de 1ère, soit 31,4% des filles et 30,6% des garçons (échantillon de 1039 élèves répartisdans 5 lycées en France)

Il faudrait compléter ces données par une analyse des vœux pour la spécialité NSI, qui semblent être trèsmassivement le fait des garçons – mais on ne dispose pas encore de suffisamment de données pour présenter desstatistiques ici.

HGGSP HLP LLCE SES SVT Phys-Chim Maths0

10

20

30

40

50

60

70

80

31,4

29,1

39,8

46,147,4

41,6

57,2

31,1

21,5

36,9

42,9

48,547,6

62,7

30,6

11

32,9

38,6

50

55,9

70,1

Fréquence des choix de spécialité selon le sexe (%)

(5 lycées complets ; 1039 élèves : 601 filles, 438 garçons)

Filles

Moyenne

Garçons Rentrée 2017 :40% des garçons sont allés en 1ère S, contre 32% des filles.Rentrée 2017 :

-4% des garçons sont allés en 1ère L, contre 14% des filles.-19% des garçons sont allés en 1ère ES, contre 25% des filles.

Page 7: SNES-FSU - Secteur lycées Note sur la réforme Blanquer

● analyse des « triplettes » (combinaisons de spécialités)On commence par le cas particulier d’un lycée d’Ile de France (où un peu plus de 300 élèves de 2nde GT

ont demandé une 1ère générale). Cette « monographie » vient confirmer ce que l’analyse des spécialités faisaitapparaître : un poids net du genre sur les choix d’orientation au sein du lycée Blanquer.

On étudie ici deux types de triplettes : « pure sciences » (maths+physique-chimie+SVT) et « hors science »(aucune discipline scientifique dans la triplette).

Lecture : en moyenne, 19,1 % des élèves de 2nde du lycée demandent une triplette « hors science », mais c’est lecas de 26,1 % des filles, et 9,6 % des garçons.

On a pu compléter ces première données par une analyse plus large, portant sur 3 lycées complets. Lesdonnées confirment globalement le cas particulier du lycée ci-dessus – et pointent comme toujours le déséquilibretrès fort des vœux d’orientation chez les garçons, encore plus fort que dans le document précédent.

Lecture : 28,9 % des filles demandent une triplette « sciences », contre 40,4 % des garçons.

Page 8: SNES-FSU - Secteur lycées Note sur la réforme Blanquer

►Les hiérarchies de « prestige » et de « noblesse » entre spécialités remplacent et maintiennent les hiérarchies de « prestige » et de « noblesse » entre séries .

On reproche généralement aux séries du lycée actuel d'être fortement hiérarchisées en termes de« prestige », de « noblesse des études ». La fin des séries, via la réforme Blanquer, remet-elle en cause cemécanisme ?

Un moyen simple de mesurer cette hiérarchie de prestige et de noblesse est de s'intéresser aux comportements desmeilleurs élèves, et des élèves les plus faibles, à l'égard des différentes spécialités. On suppose que plus une spécialité estdemandée par les meilleurs élèves, plus cela prouve qu'elle bénéficie, dans les représentations sociales, d'une « bonne »image, d'une image de « sérieux », de noblesse, de « débouchés larges », mais aussi de « difficulté » (donc d'exigence). Ona donc étudié 30 classes de 2nde, dans lesquelles on a relevé les vœux d'orientation, à chaque fois, des 10 meilleurs élèvesde la classe, et des 10 élèves les plus faibles.

Les résultats ne surprendront sans doute personne, et ils sont frappants. D'un côté, les disciplines« prestigieuses », « dominantes », celles qui sont beaucoup plus souvent demandées par les meilleurs élèves que parles élèves les plus faibles : il s'agit des trois disciplines scientifiques, celles qui renvoient directement à la série S.De l'autre côté, les disciplines plus « dominées », sans doute vues comme moins prestigieuses, moins « sérieuses »,moins « difficiles » aussi, et qui sont nettement plus demandées par les élèves les plus faibles que par les élèves lesplus forts. Il s'agit essentiellement des disciplines constitutives des séries ES et L. Et on retrouve donc la mêmehiérarchie de prestige que dans le lycée en séries – jusqu'à la voie technologique, nettement « fuie » par lesmeilleurs élèves.

● analyse des spécialités hors combinaisons.

Lecture : sur un échantillon de 40 classes de 2nde réparties dans 22 lycées en France, en moyenne, 80,8% desélèves aux meilleurs résultats choisissent la spécialité mathématiques, contre 25,5% des élèves aux résultats lesplus faibles. A l’inverse, seuls 23 % des meilleurs élèves choisissent la spécialité HGGSP, contre 34,3 % des élèvesles plus faibles.

VT = voie technologique

On complétera par un graphique tiré de la monographie du lycée d’Ile de France évoqué ci-dessus. Cettefois-ci, les choix des élèves pour telle ou telle spécialité sont mis en relation avec leur moyenne trimestrielle. Lamême hiérarchie de prestige apparaît, avec néanmoins une nuance sur le statut des Langues vivantes.

Mathématiques PC SVT SES HGGSP LV HLPh VT

0,0

10,0

20,0

30,0

40,0

50,0

60,0

70,0

80,0

90,0

80,8

55,8

42,3

31,8

23,020,5

14,5

4,0

25,5

16,318,8

38,034,3

26,5

19,5

34,3

fréquence des voeux de spécialité selon le niveau des élèves (en % de chaque catégorie)

22 lycées, 40 classes, 1217 élèves (400 dans chaque catégorie)

élèves aux meilleurs résultats (10 / classe)

élèves aux résultats les plus faibles (10 / classe)

Page 9: SNES-FSU - Secteur lycées Note sur la réforme Blanquer

Lecture : 85,7 % des élèves ayant une moyenne supérieure à 14 demandent les mathématiques, contre 62 % des élèvesayant une moyenne comprise entre 10 et 12, et 35,7 % des élèves ayant une moyenne inférieure à 8.

● analyse des « triplettes » (combinaisons de spécialités)On commence par la monographie du lycée déjà évoqué. On a repris la distinction entre triplettes « pure

science » et triplettes « hors sciences », étudiées cette fois-ci au prisme du niveau scolaire des élèves qui lesdemandent. Sans surprise, cette analyse des triplettes vient confirmer la permanence des hiérarchies de prestigeliées aux différents parcours.

On a d’abord calculé la moyenne générale des élèves concernés (65 élèves pour la triplette hors sciences,102 élèves pour la triplettes sciences). On voit clairement que les élèves qui demandent la triplette sciences ont unniveau global nettement plus élevé que ceux qui demandent une triplette « hors science » (quasiment deux points demoyenne d’écart).

Lecture : les élèves qui demandent unetriplette « hors science » ont unemoyenne générale de 11,5/20, contre13,2/20 pour les élèves qui demandentune triplette scientifique.

On a ensuite « zoomé » sur les élèves les plus « forts » (moyenne > 14) et les élèves ayant une moyenneinférieure à 10, pour étudier leur poids relatif dans les vœux pour chaque type de triplette. L’influence du niveauscolaire sur les choix d’orientation est encore plus visible.

Page 10: SNES-FSU - Secteur lycées Note sur la réforme Blanquer

Lecture : sur 100 élèves qui demandent une triplette « hors science », 18,5 ont une moyenne générale supérieure à14, et 27,7 ont une moyenne générale inférieure à 10. Sur 100 élèves qui demandent une triplette scientifique, 40,2ont une moyenne supérieure à 14, et 7,8 ont une moyenne inférieure à 10.

On pourra noter la « déformation » desrépartitions par rapport au poids dechaque catégorie d’élèves dansl’ensemble des classes de 2nde du lycée(très nette pour la triplette sciences).

18,518,5

27,727,7

53,853,8

répartition des élèves demandant une triplette hors-sciences

(en %)

Élèves ayant une moyenne >14

Élèves ayant une moyenne <10

Elèves ayant une moyenne entre 10 et 14

40,240,2

7,87,8

5252

répartition des élèves demandant une triplette sciences

(en %)

Élèves ayant une moyenne >14

Élèves ayant une moyenne <10

Elèves ayant une moyenne entre 10 et 14

27,827,8

27,527,5

44,744,7

répartition de l'ensemble des élèves par niveau (moyenne)

(en %)

Élèves ayant une moyenne >14Élèves ayant une moyenne <10Elèves ayant une moyenne entre 10 et 14

Page 11: SNES-FSU - Secteur lycées Note sur la réforme Blanquer

On complète ces données centrées sur un lycée, par une étude des choix de triplettes dans 15 classes issuesde 11 lycées différents. On retrouve la même opposition entre les choix de triplettes « sciences » et « horsscience », ici mesurée par les « taux de demande » de ces triplettes dans les différentes catégories d’élèves(décomptées en prenant, dans chacune des 15 classes, les vœux des 10 « meilleurs » élèves et des 10 élèves les plusfaibles).

Lecture : sur un échantillon de 15 classes, en moyenne, 17,5% des élèves choisissent la triplette « sciences ». Maisc’est le cas de 30% des meilleurs élèves, et de seulement 6% des élèves les plus faibles. A l’inverse, si 19,5% desélèves, en moyenne, prennent une triplette « hors sciences », ce n’est le cas que de 14,7% des meilleurs élèves,contre 30% des élèves les plus faibles.

On a ajouté l’étude des vœux pour une triplette comprenant au moins Maths et Physique-Chimie –combinaison qui rappelle l’ancienne série C, d’avant la réforme de 1993. Sans surprise, ce type de vœu est encoreplus marqué par les inégalités de niveau scolaire.

Lecture : en moyenne, 46,8 % des élèves demandent au moins maths+physique-chimie, mais c’est le cas de 53,3 %des meilleurs élèves, contre seulement 10,7 % des élèves les plus faibles.

Page 12: SNES-FSU - Secteur lycées Note sur la réforme Blanquer

►Le lycée Blanquer laisse intact le déterminisme géographique dans les choix d’orientation.On sait que dans le fonctionnement actuel du lycée, trop souvent, les choix d’orientation sont cadrés et

limités (ou au contraire ouverts) par les particularités de l’offre local (telle option, telle spécialité de terminaleouverte ici, non offerte là). C’est un des problèmes fondamentaux en termes d’égalité sur le territoire, et c’est unproblème que visiblement le lycée Blanquer ne résout pas. Il suffit en effet de voir comment varie la proportion desélèves qui demandent telle spécialité en fonction de sa présence ou de son absence dans le lycée concerné : trèsclairement, l’absence de telle spécialité dans le lycée fait nettement chuter ce choix chez les élèves. Malheur auxélèves affectés dans des (petits) lycées (ruraux) à « l’offre » restreinte ?

On commence par la spécialité« Numérique et sciences informatiques »(NSI), une des nouveautés du lycée Blanquer.Sur un échantillon de 18 lycées (9 offrantcette spécialité, 9 ne l’offrant pas), on voitque la part des élèves qui demandent cettespécialité varie du simple au quintuple enfonction de sa présence ou de son absence.

On retrouve des tendances très proches lorsqu’on s’intéresse aux spécialités « Humanités, littérature et philosophie » (HLP), et « Langues, littérature et civilisation étrangères » (LLCE), ici étudiées pour le cas d’un lycée qui ne les offre pas, comparé à la moyenne des 18 lycées qui l’offrent.

Page 13: SNES-FSU - Secteur lycées Note sur la réforme Blanquer

Conclusion :

« Il n’y aura plus de séries en voie générale, mais des parcours choisis par chaque lycéen en fonction deses goûts et de ses ambitions ». JM. Blanquer, site internet du MEN, 14 janvier 2019

Il ne suffit pas de supprimer formellement les séries pour faire disparaître les hiérarchies de parcours plusou moins prestigieux. Dans la réforme Blanquer, ces hiérarchies sont certes moins visibles « à l’œil nu », moinsexplicites. Mais en cassant le thermomètre, on ne fait pas retomber la fièvre…

On pourrait être tenté de se dire, à la lecture des résultats précédents, que « cette réforme n'est pas si gravepuisqu'elle ne change rien à l'orientation des élèves ». Mais à quoi sert une réforme si elle ne change rien à unphénomène qui, sous certains aspects, pose problème ? On pourrait également se dire que « ces résultats sonttemporaires, ce n'est que la première application de la réforme, les choses vont évoluer avec le temps ». Personnen'a de boule de cristal pour lire l'avenir, mais on pourrait remarquer que les hiérarchies entre séries qui existentdepuis de nombreuses années sont liées aux choix déjà très « libres » (donc influencés par les représentationssociales) qui ont cours dans le lycée actuel. On pourrait aussi se souvenir que le lycée britannique, comme le SNESl'a montré, fait apparaître exactement les mêmes déséquilibres que ceux qui se dégagent des résultats ci-dessus. Enréalité, rien ne permet de croire que ces premières tendances, aussi fragiles et temporaires soient-elles,s'effaceraient avec le temps dans le cadre de la réforme Blanquer.

Cette réforme ne modifie donc pas les déséquilibres dans les choix d'orientation entre parcours. Comme leSNES l'a également montré, elle ne modifie pas non plus les déséquilibres entre établissements dans l'offre deformation. Mais alors, que modifie-t-elle ? À quoi sert-elle vraiment ?

A supprimer des postes d'enseignants, sans aucun doute. A instaurer la concurrence entre disciplines (en2nde, et à nouveau en 1ère) et à renforcer la concurrence entre établissements (pour offrir des triplettes nombreuseset originales, ou pas), dans un cadre donnant toujours plus de poids à « l’autonomie locale », synonymed’inégalités. Et en se souvenant qu'elle va de pair avec une réforme du bac qui le fait reposer à 50% sur du contrôlelocal, et avec un outil de sélection généralisée pour l'accès au supérieur (Parcoursup), on comprend qu'elle faitsystème avec tout un ensemble de réformes qui ont clairement pour but de construire une école plus inégalitaire.

Page 14: SNES-FSU - Secteur lycées Note sur la réforme Blanquer

Quelques remarques sur la méthode.

Les statistiques présentées dans cette note doivent être maniées avec précaution, car la collecte des donnéesrepose sur les remontées d'établissements dans lesquels des militants SNES ont pu y avoir accès, soit pour leursclasses, soit pour l'ensemble de l'établissement. L’échantillon ne respecte donc pas formellement les règles de laméthode statistique, et on ne peut pas affirmer avec certitude qu’il est représentatif.

On notera cependant la diversité géographique des établissements concernés (issus de 17 départements enFrance, situés dans 11 académies différentes). Ils comportant des lycées « urbains » et « ruraux », « favorisés » et« défavorisés », de « centre ville » ou de « banlieue », et leur taille est assez diverse : ces lycées comportant enmoyenne 235 élèves de 2nde, pour une moyenne nationale de 274, avec dans l’échantillon 3 « petits » lycées et 6« gros ».

Chaque graphique précise généralement l’échantillon utilisé, mais on donne ci-dessous quelquesinformations plus globales sur l’échantillon général – par principe, les lycées ont été anonymés.

statistiques générales sur les vœux de spécialités

Académie Lycée type géographique / social

Lille

1 toutes 231 Urbain, centre ville2 toutes 1063 1 14 Urbain, banlieue, bassin minier (composition sociale proche de la moyenne académique)4 toutes 323 Urbain, centre ville / banlieue de Lille, public mixte

Versailles 1 toutes 217

Créteil1 toutes 792 toutes 3313 toutes 279

Rouen1 1 36 Centre ville, public favorisé2 toutes 306

Bordeaux1 toutes 1832 toutes 243

Nancy-Metz 1 toutes 387Limoges 1 toutes 382

Strasbourg 1 toutes 273Aix-Marseille 1 toutes 324Montpellier 1 toutes 118 Urbain, public moyen

Nantes 1 toutes 166

11 académies 19 lycées 3998

nb de classes Traitées

nb élèves Concernés

Urbain, banlieue, bassin minier (composition sociale : 2ème lycée le plus défavorisé dans l’académie)

Urbain, public favorisé (taux de réussite attendu au bac : 97%)Urbain, public défavorisé (taux de réussie attendu au bac : 75%)Urbain, public moyen (taux de réussite attendu au bac : 84%)Urbain, public défavorisé (taux de réussie attendu au bac : 78%)

Rural, public favorisé (taux de réussite attendu au bac : 94%)Rural, public favorisé (taux de réussite attendu au bac : 93%)Urbain, centre ville, public favorisé (taux de réussite attendu au bac : 94%)Rural / urbain (petite ville enclavée) public favorisé (taux de réussite attendu au bac : 90%)Urbain, centre ville, public favorisé (taux de réussite attendu au bac : 93%)Urbain, centre ville, public favorisé (taux de réussite attendu au bac : 96%)Urbain, banlieue, très défavorisé (ex-ZEP) (taux de réussite attendu au bac : 66%)

Rural, public favorisé (taux de réussite attendu au bac : 92%)

Statistiques sur les vœux de spécialités selon le niveau scolaire

Académie Lycée Dpt

Lille

A 62 3 60B 59 1 20C 62 1 20D 59 1 20E 62 1 20F 59 1 20G 59 1 20

Versailles

A 91 4 80B 92 1 20C 95 1 20D 78 2 40E 95 4 80F 91 2 40G 95 1 20H 91 1 20I 78 1 20

Rouen A 76 1 20Bordeaux A 64 1 20

Créteil A 77 3 60Limoges A 87 5 100

Strasbourg A 67 3 60Besançon A 39 1 20

8 académies 22 lycées 12 depts 40 800

nb de classes Traitées

nb élèves Concernés

statistiques vœux selon le genreacadémie lycée nb de filles nb de garçons total

LilleA 139 86 225B 59 45 104

Versailles A 199 135 334Montpellier A 59 56 115Nancy-Metz A 151 119 270

607 441 1048