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Mortalité toutes causes chez 6 069 patients, suivis 10,2 ± 1,7 ans après une scintigraphie myocardique normale (test d’effort ou test pharmacologique/adénosine) Exercice (n = 1 125) Adénosine (n = 1 125) p < 0,0001 1,00 0,90 0,80 0,70 0,60 0,50 2 4 6 8 10 n = appariés sur âge, sexe, symptômes et facteurs de risque de maladie coronaire Survie Suivi (années) A B p < 0,0001 1,00 0,90 0,80 0,70 0,60 2 0 4 6 8 10 Survie Suivi (années) Adénosine Exercice < 3 mn Exercice ≥ 9 mn 3 < Exercice ≤ 5, 9 mn 6 < Exercice ≤ 8, 9 mn Figure 1. A. Valeur pronostique comparative d’une scintigraphie d’effort ou sous vasodi- latateur, montrant la supériorité de la scintigraphie d’effort. B. Taux de survie en fonction de la durée de l’exercice (modifié à partir de la référence [1]). La Lettre du Cardiologue n° 475-476 - mai-juin 2014 | 23 DOSSIER Rechercher une ischémie myocardique par la scintigraphie Myocardial ischemia detection by SPECT F. Rouzet*, F. Hyafil*, R. Chequer*, E. Sorbets*, D. Le Guludec* * Service de médecine nucléaire, hôpital Bichat, Paris. L a recherche d’une ischémie myocardique peut être requise dans des circonstances multiples : diagnostic d’une insuffisance coronaire chez un patient présentant des symptômes suspects ou des facteurs de risque, patient post-infarctus ou post- revascularisation, existence d’une insuffisance ventri- culaire gauche systolique d’étiologie non connue, bilan préopératoire. Les démarches et les techniques mises en œuvre peuvent être différentes selon le contexte. Nous parlerons ici surtout de détection de la maladie coronaire et de viabilité. Actuellement, le clinicien attend d’un examen des éléments en faveur du diagnostic d’insuffisance coronaire, mais, bien au-delà, des arguments lui permettant d’orienter la prise en charge du patient, en particulier dans l’indication d’une revascula- risation. C’est pourquoi l’examen doit avoir non seulement de bonnes performances diagnostiques, mais aussi une valeur pronostique fiable, permet- tant d’asseoir les décisions d’angioplastie ou de pontage. Pour ce faire, il a été bien démontré que le test doit non seulement dépister une ischémie myocardique, mais également la quantifier, de façon simple, robuste et reproductible. Voilà pourquoi la scintigraphie myocardique de perfusion (SMP) est un examen de choix dans ce contexte. La scintigraphie myocardique de perfusion se fait à l’exercice Il existe, en routine, 2 sortes de tests dits de “stimulation” (et non d’ischémie, car certains ne déclenchent pas d’ischémie) : d’une part, les tests utilisant l’épreuve d’effort physique, seule si elle peut être maximale, ou associée à un test pharmaco- logique vasodilatateur sinon ; d’autre part, les tests pharmacologiques, soit par stimulation sympa- thique (dobutamine), utilisée en IRM et échogra- phie pour dépister une dysfonction ventriculaire gauche segmentaire, soit par vasodilatation, par des agonistes des récepteurs A2A de l’adénosine (persan- tine, adénosine, plus récemment régadénoson). Les tests pharmacologiques sont les seuls utilisables pour évaluer la perfusion et la fonction en IRM. On connaît les grands avantages de l’épreuve d’ef- fort : elle est plus physiologique et reproduit l’activité quotidienne des patients ; elle apporte des infor- mations diagnostiques et pronostiques complé- mentaires graduées et quantifiées ; elle évalue la

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Page 1: Rechercher une ischémie myocardique par la scintigraphie · » La quantification de l’ischémie en scintigraphie de stress est un élément déterminant pour prédire le bénéfice

Mortalité toutes causes chez 6 069 patients, suivis 10,2 ± 1,7 ans après une scintigraphie myocardique normale

(test d’effort ou test pharmacologique/adénosine)

Exercice (n = 1 125)

Adénosine (n = 1 125)

p < 0,0001

1,00

0,90

0,80

0,70

0,60

0,502 4 6 8 10

n = appariés sur âge, sexe, symptômes et facteurs de risque de maladie coronaire

Surv

ie

Suivi (années)

A

B

p < 0,0001

1,00

0,90

0,80

0,70

0,6020 4 6 8 10

Surv

ie

Suivi (années)

Adénosine

Exercice < 3 mn

Exercice ≥ 9 mn

3 < Exercice ≤ 5, 9 mn

6 < Exercice ≤ 8, 9 mn

Figure 1. A. Valeur pronostique comparative d’une scintigraphie d’effort ou sous vasodi-latateur, montrant la supériorité de la scintigraphie d’effort. B. Taux de survie en fonction de la durée de l’exercice (modifié à partir de la référence [1]).

La Lettre du Cardiologue • n° 475-476 - mai-juin 2014 | 23

DOssIER

Rechercher une ischémie myocardique par la scintigraphieMyocardial ischemia detection by SPECT

F. Rouzet*, F. Hyafil*, R. Chequer*, E. Sorbets*, D. Le Guludec*

* Service de médecine nucléaire, hôpital Bichat, Paris.

La recherche d’une ischémie myocardique peut être requise dans des circonstances multiples : diagnostic d’une insuffisance coronaire chez un

patient présentant des symptômes suspects ou des facteurs de risque, patient post-infarctus ou post-revascularisation, existence d’une insuffisance ventri-culaire gauche systolique d’étiologie non connue, bilan préopératoire. Les démarches et les techniques mises en œuvre peuvent être différentes selon le contexte. Nous parlerons ici surtout de détection de la maladie coronaire et de viabilité. Actuellement, le clinicien attend d’un examen des éléments en faveur du diagnostic d’insuffisance coronaire, mais, bien au-delà, des arguments lui permettant d’orienter la prise en charge du patient, en particulier dans l’indication d’une revascula-risation. C’est pourquoi l’examen doit avoir non seulement de bonnes performances diagnostiques, mais aussi une valeur pronostique fiable, permet-tant d’asseoir les décisions d’angioplastie ou de pontage. Pour ce faire, il a été bien démontré que le test doit non seulement dépister une ischémie myocardique, mais également la quantifier, de façon simple, robuste et reproductible. Voilà pourquoi la scintigraphie myocardique de perfusion (SMP) est un examen de choix dans ce contexte.

La scintigraphie myocardique de perfusion se fait à l’exercice

Il existe, en routine, 2 sortes de tests dits de “stimulation” (et non d’ischémie, car certains ne déclenchent pas d’ischémie) : d’une part, les tests utilisant l’épreuve d’effort physique, seule si elle peut être maximale, ou associée à un test pharmaco-logique vasodilatateur sinon ; d’autre part, les tests pharmacologiques, soit par stimulation sympa-thique (dobutamine), utilisée en IRM et échogra-phie pour dépister une dysfonction ventriculaire

gauche segmentaire, soit par vasodilatation, par des agonistes des récepteurs A2A de l’adénosine (persan-tine, adénosine, plus récemment régadénoson). Les tests pharmacologiques sont les seuls utilisables pour évaluer la perfusion et la fonction en IRM. On connaît les grands avantages de l’épreuve d’ef-fort : elle est plus physiologique et reproduit l’activité quotidienne des patients ; elle apporte des infor-mations diagnostiques et pronostiques complé-mentaires graduées et quantifiées ; elle évalue la

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24 | La Lettre du Cardiologue • n° 475-476 - mai-juin 2014

points forts » La scintigraphie de perfusion myocardique se fait à l’effort (associé ou non à un vasodilatateur) chez

85 % des patients. » Dans un centre entraîné, les performances de la scintigraphie de stress sont très bonnes : environ 90 %

de sensibilité et 80 % de spécificité. » Une scintigraphie de stress normale a une excellente valeur pronostique négative : moins de 0,6 %

d’événements majeurs par an (décès et infarctus). » La quantification de l’ischémie en scintigraphie de stress est un élément déterminant pour prédire le

bénéfice d’une revascularisation. Il n’y a aucun bénéfice par rapport au traitement médical en cas d’ischémie inférieure à 10 % du ventricule gauche.

Mots-clésIschémie myocardiqueScintigraphieViabilitéTEP

Highlights » Myocardial perfusion SPECT

is performed at exercise (combined with a vasodilator when necessary) in 85% of patients.

» In a trained centre, diag-nostic performances of myocar-dial perfusion SPECT are very good: about 90% sensitivity and 80% specificity.

» A normal stress myocardial perfusion SPECT has a very good negative predictive value: less than 0.6% major adverse cardiac events per year.

» Quantification of the extent of ischemia by stress myocar-dial perfusion SPECT is a major determinant of outcomes after revascularization. There is no additional value of revascular-ization compared with medical treatment alone when ischemia is <10% of the LV.

KeywordsMyocardial ischemia

SPECT

Viability

PET

tolérance à l’effort, le seuil ischémique, le risque rythmique. Associée à la scintigraphie, elle augmente la valeur diagnostique et pronostique de celle-ci (figure 1, p. 23) [1]. À noter enfin que seule l’épreuve d’effort permet d’évaluer l’efficacité du traitement médical, anti-ischémique, contrairement aux tests pharmacologiques.La SMP est, avec l’échographie d’effort, la seule technique permettant une évaluation à l’exercice. Si le patient est âgé ou peu apte à l’effort, l’asso-ciation d’une épreuve d’effort et d’une injection de vasodilatateur au pic de l’effort donne des informa-tions équivalentes à celles fournies par une épreuve d’effort maximale [1].

La scintigraphie myocardique de perfusion est quantitative

La SMP est quantitative à plusieurs titres : ➤ Jusqu’à des valeurs de flux coronaires élevées,

la fixation du traceur est proportionnelle au flux. Il n’y a pas de paramètre dérivé ni de modélisation.

➤ La taille du territoire ischémique est directe-ment quantifiable, soit en pourcentage du ventricule gauche (VG), soit en nombre de segments. Cette quantification peut être obtenue par des logiciels rapides et bien évalués, toujours validés par le médecin.

➤ La fonction ventriculaire gauche globale, post-effort et de repos, est quantifiée, et l’on connaît la valeur diagnostique et pronostique d’une dysfonction VG d’effort réversible au repos.

➤ La fonction segmentaire du VG est également appréciée et utile à la différenciation entre infarctus et artéfact d’atténuation.Nous verrons que cette quantification est abso-lument nécessaire à la valeur pronostique du test et à son utilité pour aider à poser l’indication de revascularisation.

La fixation est corrélée de façon linéaire à la perfusion

La fixation du traceur est en relation linéaire avec le débit coronaire, pour les valeurs physiologiques

(figure 2). Des différences de débit régional se traduiront par des différences de sévérité du défect.

La scintigraphie myocardique de perfusion a de bonnes performances diagnostiquesÀ la condition, comme tout examen, d’être réalisée par une équipe entraînée, la SMP a une très bonne valeur diagnostique. Sa sensibilité est très élevée, autour de 90 % dans toutes les méta-analyses. Sa spécificité est un peu plus basse, et se situe autour de 80 %, en raison d’artéfacts d’atténuation du rayon-nement qui simulent une baisse de fixation. L’analyse de la fonction myocardique segmentaire est une aide précieuse pour détecter ces artéfacts (2). C’est pour-quoi la synchronisation des images à l’ECG et l’analyse de la cinétique segmentaire d’effort et de repos ont amélioré la spécificité de la SMP (“gating”) [figure 3].Certaines circonstances peuvent entraîner égale-ment des faux positifs. Il s’agit d’un bloc de branche gauche ou d’un pacemaker, qui peuvent induire une hypofixation du septum en dehors de toute sténose. Ces circonstances sont les seules pour lesquelles un test pharmacologique seul est recommandé, car la tachycardie majore les anomalies de perfusion à l’effort en l’absence de toute insuffisance coronaire. La reproductibilité de l’examen est également excel-lente dans la littérature (figure 4) [2].

La scintigraphie myocardique de perfusion a une excellente valeur pronostique et guide les indications de revascularisation

On sait maintenant que, dans l’angor stable, il n’existe pas de différence significative entre trai-tement médical seul et revascularisation sur une population générale. Cela a été démontré de façon prospective dans l’étude COURAGE. Il est donc important de sélectionner les patients qui béné-ficieront d’une revascularisation, et l’étendue de l’ischémie est vraisemblablement le facteur déter-minant de ce bénéfice.

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La fixation est corrélée de façon linéaire à la perfusionLa fixation du traceur est en relation linéaire avec le débit coronaire, pour les valeurs physiologiques

400

300

200

100

00 1 2 3 4

H2

15O

13NH3

82Rb201TI99mTc-sestamibi99mTc-tétrofosmine

Flux (ml/mn/g)

Activ

ité d

u ra

diot

race

ur

Figure 2. La fixation du traceur est corrélée au flux coronaire jusqu’à des valeurs relati-vement élevées, variables selon le traceur.

100

(%)

908070605040302010

0Sensibilité Spécificité

60

80 8590 90 90

+ 10 % gSPECT+ 10 % Tc99m

ECGÉchographiegSPECT

Figure 3. Comparaison des performances diagnostiques de l’ECG d’effort, de l’échographie de stress et de la scintigraphie de stress (gSPECT) pour le diagnostic de la maladie coronaire.

Valeur diagnostique par rapport à la coronarographie79 études > 9 000 patients

100

75

50

25

0

90

75

89 88

Sensibilité Spécificité Taux de normalité Précision

Biais deréférence

Taux de normalité

Figure 4. Méta-analyse des performances diagnostiques de la scintigraphie par rapport à la coronarographie.

La Lettre du Cardiologue • n° 475-476 - mai-juin 2014 | 25

DOssIER

Dans un premier temps, la valeur pronostique d’une SMP a été démontrée par de nombreuses équipes. Après un suivi de plusieurs années, on ne notait pas de survenue d’événements cardiaques (infarctus, mortalité) chez les patients présentant une SMP normale, alors que le taux d’événements était corrélé au nombre de segments hypoperfusés (figures 5 et 6, p. 26) [3, 4].Puis des études ont montré que, chez des patients avec angor stable et chez qui l’hypoperfusion était classée comme mineure, moyenne ou sévère, seuls les patients avec une ischémie sévère tiraient un bénéfice de la revascularisation (figure 7, p. 26) [5]. Enfin, certaines études prospectives sont venues confirmer ces éléments. On peut maintenant affirmer qu’en cas d’ischémie de taille inférieure à 10 %, la revascularisation a peu de chances d’apporter un bénéfice au patient par rapport au traitement médical. Reste à savoir si la proposi-tion complémentaire est vraie, c’est-à-dire si une ischémie supérieure à 10 % permet de prévoir une amélioration du pronostic en cas d’angioplastie. C’est le but de l’étude multicentrique internationale ISCHEMIA, coordonnée par le National Institutes of Health (NIH) et qui doit inclure 8 000 patients présentant une ischémie modérée à sévère (> 10 % du ventricule gauche), avec randomisation entre traitement médical optimal et stratégie invasive.

La scintigraphie est devenue très peu irradiante et facilement accessibleDeux facteurs ont limité de façon très importante l’irradiation due à une SMP :

➤ d’une part, l’utilisation de traceurs technétiés, qui ont une demi-vie beaucoup plus courte que le thal-lium 201 et diminuent fortement la dose délivrée ;

➤ d’autre part, l’arrivée de nouvelles gamma-caméras à semi-conducteurs, qui ont une sensibilité de détection 10 fois supérieure à celle des anciennes caméras d’Anger et permettent donc de diminuer à la fois les doses injectées et le temps d’acquisition des images. Les gamma-caméras de nouvelle génération, dédiées aux examens cardiaques, ont fait leur apparition en France courant 2009. La principale innovation concerne le remplacement de l’ancien système de détection par un semi-conducteur (Cadmium zinc telluride [CZT]) directement associé aux circuits électroniques. L’encombrement réduit du détecteur a facilité la transition vers une géométrie d’acquisition

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10

8

6

4

2

0

0,6

7,4*

Normale Anormale

Décè

s car

diaqu

es ou

IDM

(%/a

n)

62 360 patientsMaladie coronairestable

Figure 5. Valeur pronostique d’une scintigraphie myocardique de stress normale.

Le pronostic dépend de l’étendue de l’ischémie

100

95

90

85

80

Surv

ie sa

ns év

énem

ent (

%)

Normal

1 ou 2 seg.

≥ 3 seg.

0 1 2 3 4 5 6 7 Années

p < 0,0001

Figure 6. Plus l’étendue de l’ischémie est importante en scintigraphie, plus est grand le risque d’événements cardiaques sévères.

Comparaison revascularisation versus traitement médical10 627 patients, suivis pendant 2 ans

6

5

4

3

2

1

0

log H

azar

d-ra

tio

10 %

0 12,5 25 5032,5Myocarde ischémique (%)* p < 0,001

Traitement médical*

Revascularisation*

Figure 7. Seuls les patients présentant une ischémie étendue supérieure à 10 % du ventri-cule gauche présentent un bénéfi ce du traitement par revascularisation comparativement au traitement médical.

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Rechercher une ischémie myocardique par la scintigraphie

DOssIERTechniques de référence

pour rechercher une ischémie myocardique

centrée sur l’aire cardiaque, permettant d’obtenir un gain majeur de sensibilité (6). D’autre part, la trans-formation directe de l’énergie du photon en signal électrique a permis d’améliorer la qualité des images.Les caméras CZT, grâce à une plus grande sensibi-lité, permettent une réduction à la fois des doses injectées aux patients et des temps d’acquisition, sans compromis sur la qualité des images. Ainsi, la dosimétrie actuelle sur ce type de caméra est de l’ordre de 1 à 3 mSv pour un examen réalisé à l’effort seul avec un traceur technétié, et 5 à 7 mSv pour un examen associant effort + repos. Une enquête réalisée en 2013 en France auprès des services de médecine nucléaire a révélé que plus de la moitié des scintigraphies cardiaques avaient été effectuées sur une caméra CZT, et que les patients ayant bénéfi cié d’un examen sur ces caméras avaient reçu une dose réduite d’environ un tiers par rapport à ceux pour lesquels l’examen avait été réalisé sur une caméra conventionnelle.De plus, l’amélioration de la résolution énergétique a facilité la comparaison entre traceurs technétiés et thallium. Ces deux éléments contribuent fi nalement à une plus grande souplesse dans le choix des proto-coles par rapport aux caméras conventionnelles. L’ensemble a complètement changé la disponibilité de l’examen. Il fallait autrefois commander les doses et prendre un rendez-vous longtemps à l’avance… Actuellement, la durée de l’examen est inférieure à 10 minutes et le technétium est toujours à dispo-sition. Un examen en urgence est donc toujours possible, et, le nombre d’examens par jour ayant fortement augmenté, les délais d’attente ont consi-dérablement diminué.

La viabilité (SPECT, TEP)

L’utilisation d’un traceur de perfusion myocardique pour évaluer la viabilité en SPECT, qu’il s’agisse du thallium ou des traceurs technétiés, repose sur la proportionnalité entre le pourcentage de cellules viables résiduelles et l’intensité du signal mesuré. Il a également été montré que, lorsque ce signal est faible (< 50 %), les chances de récupération d’une activité contractile au sein des territoires revascula-risés sont inférieures à 20 %, alors que lorsqu’il est élevé (> 65 %), les chances de récupération sont de plus de 75 %. De plus, l’analyse de la cinétique segmentaire permet, comme dans le cadre de la recherche d’ischémie, d’améliorer les performances de l’examen. Dans cette indication, les limites de la SPECT sont représentées par le phénomène d’atté-

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dossier

Références bibliographiques

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nuation que l’on rencontre chez les patients obèses, et par une possible sous-estimation de la viabilité en cas de dysfonction systolique ventriculaire gauche sévère. Dans ces cas-là, il peut être justifié de recourir à la tomographie par émission de positons (TEP). La TEP est par nature une technique particuliè-rement bien adaptée à l’étude du métabolisme myocardique. Il s’agit d’une technique très sensible, qui permet de quantifier précisément le taux de captation d’un traceur. Le 18fluoro-désoxyglucose (FDG) est un analogue du glucose marqué avec un émetteur de positons, qui a été largement validé dans la recherche de la viabilité myocardique (7). En effet, la captation du FDG par les myocytes dépend directement de leur activité métabolique et, par conséquent, de leur viabilité. Un taux de fixation du FDG > 50 % par rapport à un territoire non nécrosé est prédictif d’une récupération fonc-tionnelle après revascularisation. Idéalement, cette étude du métabolisme doit être associée à une analyse de la perfusion. La discordance entre une perfusion diminuée et un métabolisme relativement préservé dans le même territoire (mismatch) est en faveur d’une viabilité résiduelle, contrairement à la diminution concordante des 2 paramètres. Sa capacité à évaluer directement le métabolisme permet à la TEP-FDG d’être l’examen le plus sensible pour détecter une viabilité résiduelle (7). Il faut cependant insister sur la nécessité d’intégrer l’information concernant la viabilité myocardique dans le cadre d’une prise en charge globale de la cardiopathie ischémique (8).

Les perspectives

Le TEP : rubidium, traceurs fluorés

En dépit des améliorations récentes apportées en scintigraphie myocardique de perfusion par les caméras à semi-conducteurs, certaines limites persistent, au premier rang desquelles se trouvent les artéfacts d’atténuation. Il existe donc une place pour la TEP qui permet de corriger efficacement l’atténuation.Le rubidium-82 (Rb) est un analogue du potassium, utilisé en TEP pour l’analyse de la perfusion myocar-dique. Il est disponible sous forme de générateurs ayant l’agrément de la Food and Drug Administration (FDA) aux États-Unis (actuellement disponibles en Europe dans le cadre de protocoles de recherche clinique, demande d’agrément de l’European Medi-cines Agency [EMA] en cours). Le Rb a été évalué dans

de nombreuses études cliniques portant sur le dépis-tage de l’insuffisance coronaire. Une méta-analyse, portant sur plus de 1 300 patients et publiée en 2012, retrouvait une sensibilité de 90 % et une spécificité de 88 % (9). Le gain de performance diagnostique semble être plus marqué chez les patients obèses grâce à la correction d’atténuation, et chez les patients présentant des lésions coronaires pluri-tronculaires grâce à la quantification de la réserve coronaire. Cette plus grande précision diagnostique de la TEP au Rb par rapport aux autres techniques, et en particulier la diminution du nombre de faux positifs, permet de réduire le taux de coronarogra-phies normales, et s’accompagne d’une réduction sensible des coûts de prise en charge de la maladie coronaire.Sa valeur pronostique repose sur la quantification de l’étendue et de l’intensité des anomalies perfusion-nelles, et, d’autre part, sur la mesure de la réserve de fraction d’éjection ventriculaire gauche. Récemment, une étude ayant porté sur plus de 1 400 patients a confirmé la valeur additionnelle de ces 2 para-mètres issus de la TEP au Rb par rapport aux données cliniques et à la fraction d’éjection ventriculaire gauche de repos pour estimer le risque de survenue d’un événement cardiaque grave ainsi que la morta-lité globale (10). De plus, la TEP est la technique la mieux adaptée à la mesure non invasive de la réserve coronaire. La quantification absolue de la perfusion myocardique au repos et après vasodilatation pharmacologique (réserve de flux coronaire) est calculée à partir d’une acquisition dynamique démarrée pendant l’injec-tion d’un bolus de Rb. Il a récemment été démontré que la réserve coronaire mesurée en TEP possédait une valeur pronostique additionnelle par rapport à l’analyse de la perfusion et de la fonction systo-lique et permettait d’affiner l’évaluation du risque d’événement cardiaque (11). Cette valeur pronos-tique semble résulter de l’intégration des anomalies perfusionnelles, à la fois au niveau des segments coronaires épicardiques (sténose coronaire) et au niveau microcirculatoire, ces 2 paramètres possédant une valeur pronostique indépendante.Enfin, les données concernant la dosimétrie du rubidium indiquent une dose efficace inférieure à 3 mSv pour l’ensemble de l’examen (repos + stress). Il s’agit par conséquent de l’un des examens d’ima-gerie cardiaque les moins irradiants. Il faut enfin noter qu’un autre traceur de perfusion marqué au fluor 18, le flurpiridaz, un inhibiteur du complexe mitochondrial 1 (MC-1), est en cours de phase III (12). Par rapport au rubidium, il aura

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JFHOD 2013E-journal

European Society of Cardiology-Heart Failure

E-journal de l’ESC-HF 2014

Rechercher une ischémie myocardique par la scintigraphie

DOssIERTechniques de référence

pour rechercher une ischémie myocardique

Références (suite)10. Dorbala S, Hachamovitch R, Curillova Z et al. Incremental prognostic value of gated Rb-82 positron emission tomography myocardial perfusion imaging over clinical variables and rest LVEF. JACC Cardiovasc Imaging 2009;2(7):846-54.11. Murthy VL, Naya M, Foster CR et al. Improved cardiac risk assess-ment with noninvasive measures of coronary flow reserve. Circulation 2011;124(20):2215-24.12. Berman DS, Maddahi J, Tama-rappoo BK et al. Phase II safety and clinical comparison with single-photon emission computed tomography myocardial perfusion imaging for detection of coronary artery disease: flurpiridaz F 18 posi-tron emission tomography. J Am Coll Cardiol 2013;61(4):469-77.13. Rudd JH, Narula J, Strauss HW et al. Imaging athero sclerotic plaque inflammation by fluorodeoxyglu-cose with positron emission tomo-graphy: ready for prime time? J Am Coll Cardiol 2010;55(23):2527-35.14. Gaemperli O, Shalhoub J, Owen DR et al. Imaging intra-plaque inflammation in carotid atherosclerosis with 11C-PK11195 positron emission tomography/computed tomography. Eur Heart J 2012;33(15):1902-10.15. Dweck MR, Chow MW, Joshi NV et al. Coronary arterial 18F-sodium fluoride uptake: a novel marker of plaque biology. J Am Coll Cardiol 2012;59(17):1539-48.

l’avantage de permettre un achat à la dose (comme n’importe quel autre traceur marqué au fluor 18), et de bénéficier d’une meilleure qualité d’imagerie (liée au parcours moindre du positon). La demi-vie supérieure du fluor 18 par rapport à celle du Rb permettra également de réaliser des injections durant une épreuve d’effort.

La plaque instable

Il est maintenant bien connu qu’en dehors d’une évolution vers une sténose, certaines plaques d’athé-rome présentent un fort risque d’événements aigus par thrombose, lié à leur caractère vulnérable. L’étude histologique de ces plaques montre un cœur lipidique de grande taille, ainsi qu’une chape fibreuse amincie, dont la fissuration entraîne la survenue d’une throm-bose locale. Ces plaques présentent un caractère inflammatoire, avec une accumulation importante de cellules inflammatoires sécrétrices de protéases, qui fixent de façon importante le FDG, comme cela a été bien démontré dans les modèles animaux, et par des études immunohistologiques pratiquées sur les artères carotides de patients opérés par endartériec-tomie. Plusieurs études ont montré la faisabilité de la détection des plaques vulnérables avec le TEP-FDG, son excellente reproductibilité, ainsi que ses capacités à évaluer les effets de thérapeutiques telles que les

statines, qui induisent une baisse significative de la captation du FDG dans les plaques à court terme (13). À côté du FDG, de nouveaux traceurs utilisables en TEP sont en cours d’évaluation dans la plaque vulné-rable, comme le 11C-PK11195, qui cible les macro-phages activés (14), ou le 18fluorure de sodium, qui cible le processus de calcification vasculaire (15).

Flashs

La scintigraphie de perfusion myocardique se fait à l’effort (complété ou non par un vasodilatateur) chez 90 % des patients.Dans un centre entraîné, les performances de la scintigraphie de stress sont très bonnes : environ 90 % de sensibilité et 80 % de spécificité.Une scintigraphie de stress normale a une excel-lente valeur pronostique négative : moins de 0,6 % d’événements majeurs par an (décès et infarctus).La quantification de l’ischémie en scintigraphie de stress est un élément déterminant pour prédire le bénéfice d’une revascularisation. Il n’y a aucun bénéfice par rapport au traitement médical en cas d’ischémie inférieure à 10 % du VG.En scintigraphie de stress, l’irradiation est devenue mineure avec les nouveaux détecteurs : de 1 à 3 mSv en cas de scintigraphie normale à l’effort ; de 4 à 7 mSv en cas d’images de repos additionnelles. ■

F. Rouzet déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.