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rapport Encore loin de la liberté: la lutte des femmes Haratines en Mauritanie

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rapportEncore loin de la liberté: la lutte des femmes Haratines en Mauritanie

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© Minority Rights Group International 2015Tous droits réservés

Le contenu de cette publication peut être reproduit pour but d’enseignement ou à d'autres fins non commerciales. Aucune partiede cette publication ne peut être reproduite sous quelque forme à des fins commerciales sans l'autorisation expresse préalable desporteurs de copyright (droits d’auteurs). Pour plus d'informations, veuillez contacter MRG. Un enregistrement de catalogue CIP decette publication est disponible à la British Library. ISBN 978-1-907919-61-9. Publié Avril 2015.

Encore loin de la liberté: la lutte des femmes Haratines en Mauritanie est publié par MRG comme une contribution à lacompréhension publique de la question qui forme son sujet. Le texte et les opinions de l'auteur ne représentent pasnécessairement dans tous les détails et tous les aspects, l'opinion collective de MRG.

SOS-EsclavesSOS-Esclaves est une association de droits humains qui avu le jour depuis 1995 et a été reconnue légalement en 2005par le récépissé N°0069MIPT/DAPLP/SLP DU 17/05/2005.Elle intervient principalement dans l’éradication del’esclavage par ascendance et s’est imposée commeautorité où ONG ressource en cette matière grâce à l’appuid’ANTI Slavery International, qui a assuré à l’association unappui institutionnel qui a aidé à sa professionnalisation.

Minority Rights Group InternationalMRG est une ONG qui travaille à garantir les droits desminorités ethniques, religieuses et linguistiques et despeuples autochtones à travers le monde, et à promouvoir lacoopération et la compréhension entre les communautés.Nos activités sont centrées sur le plaidoyer international, laformation, la publication et la diffusion. Nous sommes guidéspar les besoins exprimés par notre réseau de partenairescomposé des organisations, à travers le monde,représentant les minorités et les peuples autochtones.

MRG travaille avec plus de 150 organisations dans près de50 pays. Notre conseil d’administration, qui se réunit deuxfois par an, compte des membres de 10 pays différents.MRG a un statut consultatif auprès du Conseil économiqueet social des Nations Unies (ECOSOC), et un statutd’observateur auprès de la Commission africaine des droitsde l’homme et des peuples (CADHP). MRG est enregistréecomme une organisation caritative et une société limitée pargarantie de droit anglais. Organisation caritative enregistréeN° : 282305, société limitée n° 1.544.957.

RemerciementsLe présent rapport a été réalisé avec l’aide financière del’Union européenne. Le contenu de ce rapport est de laseule responsabilité du Minority Rights Group International etne peut en aucun cas être considéré comme reflétant laposition de l’Union européenne.

AuteurPaige Wilhite Jennings a travaillé avec des organisationsintergouvernementales et des ONG en Afrique centrale,Amérique centrale et du Sud et les Caraïbes sur un éventailde préoccupations relatives aux droits de l’homme. Au coursdes dernières années, son travail a porté en particulier surles minorités et les droits des enfants.

MRG tient à remercier chaleureusement l’aide précieuse derecherche d’Isabelle Younane, et des interviews conduitespar Aichetou Ahmed et Salimata Lam pour les études decas.

L’Association des Femmes Chefs de FamilleAFCF est une organisation de défense des droits humainscréée en 1999 à travers le récépissé N° 0626/MIPT du 17Août 1999. L'AFCF est animée par une équipepluridisciplinaire composée de sociologues, de nutritionnisteset de spécialistes en économie de développement et decommunication.

Femme Haratine, Nouakchott.Michael Hylton pour Anti-Slavery International

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Encore loin de la liberté: la lutte des femmes Haratines en Mauritanie

Principales conclusions 2

Résumé 3

Introduction 5

L’esclavage en Mauritanie 5

La discrimination à l’égard Haratines comme groupe 5

La situation des femmes en Mauritanie 5

Méthodologie 6

Aperçu historique de l’esclavage des Haratines en Mauritanie 7

Contexte 7

Les origines de l’esclavage 7

Abolition et au-delà: faire face à l’esclavage et son héritage 8

Situation actuelle des femmes Haratines 10

La situation des femmes Haratines encore dans l’esclavage 10

La situation des femmes Haratines nouvellement émergées de l’esclavage 13

La situation des femmes Haratines nées libres 15

Facteurs et aspects de la marginalisation 23

Les femmes Haratines en tant qu’individus 23

Les femmes Haratines dans la famille 23

Les femmes Haratines dans la société 24

Recommandations 25

Notes 27

Table de matière

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2 ENCORE LOIN DE LA LIBERTÉ: LA LUTTE DES FEMMES HARATINES EN MAURITANIE

Principales conclusions

Key findings

• L’esclavage existe encore en Mauritanie, en dépitd’être officiellement criminalisé, avec des dizaines demilliers de la population Haratine du pays vivant dansla servitude totale. Les Haratines asservis, enparticulier les femmes, sont régulièrement battus,intimidés, séparés de force de leurs familles et soumisà une série d’autres violations des droits humains, ycompris l’agression sexuelle.

• La marginalisation des Haratines en Mauritanie, outrele maintien de ces abus, les expose également à lastigmatisation au-delà du système de l’esclavage. Lasituation est particulièrement grave pour les femmesqui sont victimes de discrimination en raison de leursexe et du fait d’être Haratine. En conséquence,même après avoir échappé à la servitude, lesHaratines libérés et leurs descendants sont incapablesd’obtenir des services de base comme l’éducation etluttent toujours pour s’intégrer dans la sociétémauritanienne.

• Ces inégalités sont le résultat de l’indifférence et mêmela complicité des autorités et des institutions juridiques.L’esclavage et d’autres formes d’exploitation persistenten grande partie à cause de l’impunité des coupables.Sans accès à la justice, la participation politique etd’autres droits, les femmes Haratines restentvulnérables à l’exploitation, l’agression sexuelle etd’autres abus. Malgré cela, beaucoup de femmesHaratines ont travaillé courageusement pour surmonterces obstacles et atteindre une plus grande autonomiedans leur propre vie.

• La promulgation de l’interdiction de l’esclavage,entreprise avec le plein engagement de l’État et desservices d’application de la loi, est une première étapenécessaire et urgente pour assurer la protection desfemmes Haratines contre les violations flagrantes desdroits de l’homme. Toutefois, un programme plusglobal de réforme sociale, juridique et institutionnelledoit également être entrepris pour assurer que lesfemmes Haratines libres et celles autrefois asserviessoient en mesure d’accéder aux droits, services etaux opportunités de vie sûre et équitable.

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La Mauritanie est régulièrement classée comme le pireendroit au monde où existe l’esclavage, avec des dizainesde milliers de personnes toujours réduits en servitudetotale. Cette pratique, en dépit d’être officiellementcriminalisée, continue d’être maintenue par lamarginalisation systématique de la grande populationHaratine de Mauritanie. L’incapacité persistante dugouvernement, des forces de sécurité et d’autresintervenants de protéger cette communauté, l’a laisséeexposée à l’exploitation et la déshumanisation généralisée.La situation est particulièrement précaire pour les femmesHaratines, qui sont victimes de discrimination en raisonde leur sexe mais aussi de l’origine ethnique.

Ce rapport de Minority Rights Group International(MRG), Encore loin de la liberté: la lutte des femmesHaratines en Mauritanie, s’appuie sur la recherche et denombreux témoignages directs des femmes Haratines. Enplus de souligner la réalité quotidienne des abus etl’oppression vécus par les personnes en servitude - allant del’exploitation au travail, l’intimidation et la soumission auviol, la violence et la séparation forcée des familles - ilexplore aussi comment les Haratines anciens esclaves etleurs descendants se heurtent encore à la stigmatisationgénéralisée et le manque d’accès aux nécessités tels quel’éducation, les droits fonciers et la participation politique.En conséquence, de nombreux anciens esclaves mènent unevéritable lutte pour s’intégrer dans la société mauritanienne,même après avoir nominalement obtenu leur liberté.

La profonde discrimination vécue par les femmesHaratines, même au sein de leur propre communauté, estfavorisée par la réticence des autorités à prendre desmesures significatives pour réduire les violations. Dans lecas de l’esclavage, l’indifférence et même la complicité desinstitutions juridiques a contribué activement à l’impunitédont jouissent les maîtres d’esclaves. À ce jour, une seulepoursuite judiciaire pleine d’un propriétaire d’esclaves a eulieu en Mauritanie, avec l’auteur libéré ultérieurement

sous caution en attendant l’appel. Les enseignementsreligieux ont également été faussement utilisés pourlégitimer la pratique. D’autres mesures juridiques contrel’esclavage, bien qu’importantes, auront donc uneefficacité limitée, si on ne mène pas des efforts plus largesvisant à transformer les attitudes institutionnelles et lespréjugés sociaux à travers la formation et la sensibilisation.

Néanmoins, bien que ces obstacles puissent êtreécrasants, de nombreuses femmes Haratines ont démontrébeaucoup de courage et de détermination dans leur luttepour l’égalité et pour une plus grande autonomie dans leurpropre vie. Malgré les dangers et la résistance profondedont leurs activités confrontent, y compris de la part deshommes de leur propre communauté, les femmesHaratines ont joué un rôle de premier plan dans lapromotion de leurs droits et l’obtention de réparationpour les abus commis à leur encontre. Il est important queles organismes officiels, la société civile et les autres partiesprenantes reconnaissent leur contribution essentielle etassurent leur participation active dans les efforts visant àmettre fin à l’exploitation et la discrimination.

Bien que l’abolition immédiate de l’esclavage enMauritanie soit une première étape cruciale dans laréduction de la plupart des pires abus et violations desdroits humains commis contre les femmes Haratines, unprocessus plus large de réforme sociale et institutionnellesera également nécessaire avant que leurs droits et sécuritépuissent être assurés. À l’heure actuelle, et comme indiquépar les témoignages des personnes interrogées dans cetteétude, il existe une relation de continuité claire entrel’oppression du système de l’esclavage et la discriminationprofonde en Mauritanie contre les femmes Haratines engénéral. Ces questions ne peuvent être traitées que par unprocessus global et durable de réforme sociale etinstitutionnelle, avec la participation du gouvernementnational, la société civile mauritanienne, les institutionsjuridiques et la communauté internationale.

3ENCORE LOIN DE LA LIBERTÉ: LA LUTTE DES FEMMES HARATINES EN MAURITANIE

Résumé

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4 ENCORE LOIN DE LA LIBERTÉ: LA LUTTE DES FEMMES HARATINES EN MAURITANIE

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L’esclavage en MauritanieMinority Rights Group International (MRG) a longtempsété préoccupée par la situation de la minorité Haratines enMauritanie. Ce groupe, connu familièrement sous le nomde «Maures Noirs», a historiquement été réduit enesclavage par la population arabo-berbère dominante, ou«Maures blancs». Bien que l’esclavage a été interdit enMauritanie quatre fois depuis plus d’un siècle, les rapportsindiquent que la pratique persiste. Après sa visite de laMauritanie pour la première fois en 2010, le Rapporteurspécial des Nations Unies sur les formes contemporainesd’esclavage, y compris ses causes et ses conséquences (ci-après Rapporteur spécial sur les formes contemporainesd’esclavage), a définitivement conclu que l’esclavage defacto existe encore dans certaines parties de la Mauritanie:

« les victimes ont décrit des situations où elles ont étéentièrement contrôlées par leur propriétaire enutilisant des menaces physiques et/ou mentales; elles nepouvaient prendre de façon indépendante aucunedécision relative à leur vie sans la permission de leurmaître; elles ont été traitées comme des marchandises -par exemple, les filles données comme cadeaux demariage; elles n’avaient pas de liberté de mouvement;et ont été forcées de travailler de longues heures avectrès peu ou sans rémunération. En outre, les victimesont été, en outre, privées du droit d’hériter. Cesvictimes avaient échappé à l’esclavage et parlé de leursparents qu’elles avaient laissés derrière qui vivaientencore dans l’esclavage. »1

Le Rapporteur spécial sur les formes contemporainesd’esclavage s’est rendu en Mauritanie à nouveau en 2014,tandis que son homologue le Rapporteur spécial desNations Unies (ONU) sur les formes contemporaines deracisme, de discrimination raciale, de xénophobie etd’intolérance (ci-après Rapporteur spécial sur les formescontemporaines de racisme) a visité le pays en 2008 et2014. Les deux ont publié des rapports substantiels de leurmission, malgré les difficultés d’accès à l’information surcette question très sensible et l’absence de données détailléessur la population, l’ethnicité et les moyens de subsistance,disponibles en Mauritanie.2 Selon le Rapporteur spécial surles formes contemporaines de racisme, on estime que 50

pour cent des Haratines vivent dans «des conditionsd’esclavage de facto par la servitude domestique et le travailobligatoire ou forcé».3 Pour leur part, en 2013 Anti-SlaveryInternational (ASI), MRG et SOS-Esclaves ont rapportéqu’environ 18 pour cent de la population vivent dansl’esclavage en Mauritanie.4 Dans un contexte de prise deconscience internationale de la persistance de l’esclavage enMauritanie, l’organisation non-gouvernementaleaustralienne (ONG) Walk Free Foundation, dans sondeuxième rapport annuel mondial sur l’esclavage publié enNovembre 2014, a de nouveau cotée la Mauritanie commele pays ayant le plus haut pourcentage des esclaves parmi sapopulation dans le monde.5

Discrimination à l’égard Haratines en tant que groupeLe mot «Haratines» serait dérivé du mot arabe pour laliberté: indépendamment de leur statut, esclaves ou libres,l’héritage de l’esclavage héréditaire institutionnalisé enMauritanie fait que tous les Haratines sont considérés parles autres groupes en Mauritanie comme esclavesaffranchis.6 Cette perception persiste indépendamment dunombre de générations de liberté qu’une famille donnéepeut avoir connu ou du niveau socio-économique et desrésultats concrets achevés. Les Haratines demeurent legroupe qui est le plus victime de discrimination etd’exclusion dans un pays caractérisé par des hiérarchiessociales et ethniques profondes.

Il est donc clair, que tandis que les efforts anti-esclavagistes sont une partie essentielle des efforts pourremédier à la situation des Haratines, l’abolition del’esclavage n’est qu’une première étape pour établir lesHaratines comme participants à part entière et à titred’égalité dans la société mauritanienne. Dans cet esprit, unManifeste Haratine réclamant un large éventail de droitspolitiques, économiques et sociaux des Haratines a étépublié à Nouakchott en Avril 2013.7 Un an plus tard, unemarche a eu lieu pour réitérer les exigences de ce manifeste.8

La situation des femmes en MauritanieEn Mauritanie, les femmes de tous les groupes raciaux,ethniques et culturels font face à une multitude de défis à

5

Introduction

ENCORE LOIN DE LA LIBERTÉ: LA LUTTE DES FEMMES HARATINES EN MAURITANIE

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6 ENCORE LOIN DE LA LIBERTÉ: LA LUTTE DES FEMMES HARATINES EN MAURITANIE

cherche à contribuer à la base des connaissancesdisponibles concernant la situation des femmes Haratines,dans l’espoir que la sensibilisation sur les défis auxquelselles continuent de faire face aidera à une programmationplus efficace pour corriger les énormes inégalitésauxquelles elles sont confrontées.

MéthodologieLa recherche pour ce rapport a été menée en deux parties.Initialement, MRG a commandé une étude de base sur lasituation des femmes Haratines dans la capitale Nouakchott,menée par des ONG mauritaniennes : l’Association desFemmes Chefs de Familles [AFCF]) et SOS-Esclaves. Ladeuxième partie de la recherche s’est concentrée sur desentretiens personnels, menés par des interlocutrices, avec 20femmes Haratines. Les entrevues portaient sur une série dequestions couvrant un éventail d’aspects de vie quotidiennedes ces femmes tels que les moyens de subsistance; la vie defamille; les expériences personnelles en tant que femmesHaratines; et les vues sur l’avenir. Des extraits de cesentrevues peuvent être trouvés dans le texte.

la jouissance de l’ensemble de leurs droits humains. Lepays a été classé 140e sur 149 pays inclus dans le plusrécent Indice d’Inégalité entre les Sexes du Rapport duDéveloppement Humain du Programme des Nations Uniespour le Développement (PNUD), en tenant compte detrois aspects de la vie des femmes: santé de lareproduction, l’autonomisation et l’activité économique.9

Au cours des dernières années, les efforts du gouvernementmauritanien pour redresser cette situation comprenaientl’adoption des stratégies nationales de lutte contre lapratique des mutilations génitales féminines et lapromotion du bien-être des femmes rurales.10 Toutefois,même si un projet de loi sur la violence contre les femmesserait en cours d’élaboration, il n’existe aucune stratégienationale globale en matière d’égalité entre les sexes.11

Dans ce contexte, les femmes et les filles Haratinescomme groupe sont particulièrement vulnérables en raisondes pratiques profondément ancrées de l’esclavage et de ladiscrimination décrites ci-dessus. De tous les groupes enMauritanie, elles sont peut-être les plus privées de leursdroits: d’abord comme Haratine, et encore commefemmes. Avec le présent document de recherche, MRG

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7ENCORE LOIN DE LA LIBERTÉ: LA LUTTE DES FEMMES HARATINES EN MAURITANIE

Aperçu historique de l’esclavage des Haratines en Mauritanie

Les origines de l’esclavageL’esclavage remonte à des centaines d’années enMauritanie, à une époque où les Arabo-berbèresattaquaient et asservissaient les négro-africains installés lelong du fleuve Sénégal, les dominant et, éventuellement,les assimilant dans leur propre système social. L’esclavageexistait au sein des plusieurs groupes différents enMauritanie, mais, comme décrit dans l’introduction, ilétait historiquement plus répandu dans le groupeconcerné par le présent document, à savoir les Haratines- une situation qui reste en place à ce jour. Parmi cegroupe, la réduction en esclavage aux maîtres Mauresblancs a été héréditaire depuis de nombreusesgénérations, et est profondément enracinée dans lestraditions et systèmes sociaux. Les Haratines qui sontencore dans l’esclavage travaillent de longues heures sansêtre payés, et sont entièrement dépendants de leursmaîtres pour la nourriture, les vêtements et les abris. Ilsne reçoivent généralement pas d’éducation ou deformation. Ils vivent à la merci de leurs propriétaires, etpeuvent être soumis à des mauvais traitements, au viol etd’autres violences, ainsi qu’à la séparation de leursfamilles et proches.

Les croyances religieuses sont manipulées poursoutenir ce système, perpétuant les perceptions erronéesqui associent certains éléments de l’islam avec la pratiquede l’esclavage.15 En raison du manque d’éducation et dela domination de leurs maîtres, de nombreux esclavespeuvent croire que leur situation est justifiée en cestermes.16 Dans une tentative de contrer cette perceptionerronée, les rédacteurs de la loi 2007 criminalisantl’esclavage, l’avaient fondée fermement, dans son premierarticle, sur les valeurs islamiques «visant à libérerl’humanité et garantir sa dignité».17 Plus récemment, enDécembre 2014, le gouvernement a exigé de toutes lesmosquées de donner un sermon unifié obligatoire(Khotba) sur le rejet par l’islam de l’esclavage.Cependant, au moins un imam de haut-profil n’auraitpas obtempéré, critiquant, au lieu, les organisations desdroits de l’homme engagées dans la lutte contre leracisme et l’esclavage.18

ContexteLa Mauritanie est un pays ethniquement, linguistiquementet culturellement diversifié de 3,9 millions d’habitants.Bien que beaucoup de ses citoyens étaienttraditionnellement nomades, comme ailleurs dans le Sahel,la sécheresse et la désertification ont perturbé les moyens devie et contraint un nombre croissant de personnes à l’exodevers les villes, y compris la principale ville de Nouakchott.La Mauritanie a été classée 161e sur 187 pays dans l’Indicede Développement Humain des Nations Unies 2014.Dans le contexte du changement climatique et les gravespénuries d’eau, et à la suite des sécheresses cycliquescomme celle qui a touché la région du Sahel en 2011, 18,5pour cent des ménages souffraient de l’insécuritéalimentaire en Décembre 2013.12 Cette situation a étéexacerbée par la présence en Mauritanie de dizaines demilliers de réfugiés fuyant le conflit au Mali voisin.13

La Mauritanie est un pays musulman, dont lapopulation peut largement être divisée en trois groupes: lesnégro-africains Mauritaniens, les maures blancs (ou«Beydanes») et les Haratines (aussi connus sous le nom de‘Maures noirs’). Les négro-africains Mauritanienshabitaient historiquement autour du fleuve Sénégal dans lesud et l’est du pays. Les groupes restants, les maures blancset les Haratines parlent le dialecte Hassaniyya de l’arabe.Les maures blancs et négro-africains de la Mauritaniereprésentent, chacun, environ 30 pour cent de lapopulation, alors que les Haratines composent le reste14 –bien que les chiffres exacts ne sont pas disponibles et lesestimations de ces proportions varient.

Les maures blancs seraient les descendants des arabo-berbères qui ont migré vers la Mauritanie dans le XIe siècle.Leur contrôle d’une grande partie du pouvoir économique,politique, administratif et militaire de la Mauritanie, etl’«arabisation», qui en a découlé, de la politiquemauritanienne et de l’identité politique depuisl’indépendance en 1960, ont contribué à plusieurs périodesde troubles ethniques et de violence. À la fin des années1980, par exemple, des dizaines de milliers de sénégalais etde négro-africains Mauritaniens ont été expulsés ouautrement contraints de quitter la Mauritanie. Ladomination des Maures blancs a continué jusqu’à nos jours.

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Abolition et au-delà: faire face à l’esclavage et son héritage

À l’échelle internationale, un cadre juridique croissant aété construit au cours des dernières décennies pourcombattre l’esclavage, y compris de nombreusesconventions ratifiées par la Mauritanie. En outre, dans lepays lui-même de multiples efforts pour abolir l’esclavageau pays ont été entrepris depuis le début du XXe siècle. Laprésente section décrit cette législation et discute sonefficacité limitée

Cadre juridique internationalEn vertu de la Convention de 1926 pour réprimer la traitenégrière et l’esclavage (Convention sur l’esclavage), lesÉtats parties s’engagent à réaliser l’abolition complète del’esclavage, défini comme «l’état ou la condition d’unindividu sur lequel un ou tous les pouvoirs liés au droit depropriété sont exercés».19 La Convention sur l’esclavage aété complétée par une Convention supplémentaire de1956 relative à l’abolition de l’esclavage, de la traite desesclaves et des institutions et pratiques analogues àl’esclavage. Cette dernière intègre des articles surl’abolition de la servitude pour dettes, le travail des enfantset le servage. Le mariage forcé est également inclus, définicomme une situation où «une femme, sans le droit derefuser, est promise ou donnée en mariage moyennant unecontrepartie en espèces ou en nature à ses parents, tuteur,famille ou toute autre personne ou groupe». En vertu de laconvention supplémentaire, les Etats parties s’engagent àfixer un âge minimum approprié du mariage et établir desmécanismes pour s’assurer que les deux parties consententlibrement au mariage et l’enregistrement des mariages.20

D’autres instruments pertinents cités dans le texte ci-dessous comprennent le Pacte international relatif auxdroits civils et politiques (PIDCP) et le Pacte internationalrelatif aux droits économiques, sociaux et culturels(PIDESC), tous deux ratifiés par la Mauritanie le 17Novembre 2004; la Convention pour l’élimination de ladiscrimination à l’égard des femmes, ratifiée par laMauritanie le 10 mai 2001; et la Convention surl’élimination de la discrimination raciale, ratifiée par laMauritanie le 13 Décembre de 1988.

Cadre juridique nationalLes conventions juridiques internationales contrel’esclavage sont également soutenues par la législationnationale de la Mauritanie. Au fil des décennies,l’esclavage a été aboli légalement plusieurs fois dans lepays. La première était en 1905, par un décret colonial en

application de la loi française 18481848 sur l’abolition del’esclavage dans toutes les colonies françaises. La deuxièmeabolition a suivi l’indépendance en 1960, à travers laConstitution de 1961. En 1981, l’esclavage a été aboli parle décret 081-234; ce décret prévoit l’indemnisation desmaîtres pour perte de biens. Cependant, son impact a étéentravé par l’imprécision de ses termes et le manque demécanismes pratiques pour son application. Enfin, la loi2007-048 relative à l’incrimination de l’esclavage a étéadoptée en Septembre 2007, criminalisant les l’esclavage etles pratiques esclavagistes et prévoyant des peines de 5 à 10ans d’emprisonnement et des amendes pour les personnesreconnues coupables de tels actes. La loi prévoit égalementl’assistance et l’indemnisation des victimes.21

Les détracteurs de la loi soulignent qu’elle concentresur la responsabilité pénale individuelle des propriétairesd’esclaves et ne peut donc être activée que par une plaintepénale formelle et des poursuites judiciaires – quiconstituent des formidables défis pour les anciens esclaves,dont beaucoup sont analphabètes. Ils expriment égalementleur inquiétude à une apparente réticence de la part de lapolice et des procureurs à enquêter adéquatement lesplaintes qui sont déposées,22 et notent qu’à ce jour, iln’existe aucun mécanisme actif pour les actions civiles enréparation ou indemnisation des victimes. Les critiquessoulignent également l’échec de la loi de fournir desmécanismes de son application ou pour aborder lesquestions de discrimination. Depuis l’adoption de la loi en2007, il n’y a eu qu’un seul cas de pleines poursuites pourcrime d’esclavage. Dans ce cas, le propriétaire d’esclaves areçu une peine clémente et a été libéré sous cautionquelques mois après sa condamnation, en attendant unappel. Il est resté en liberté depuis, même si l’appel n’estpas encore tranché. En outre, la mère des victimes âgées de9 et 11 ans, elle-même une esclave, a également étécondamnée dans cette procédure.23

En outre, la loi n° 2013-011 du 23 Janvier 2013 adésigné l’esclavage et la torture en tant que crimes contrel’humanité, renforçant ainsi leur statut en vertu du droitinternational. En d’autres mesures visant à surmonter saréputation en matière de l’esclavage, le gouvernement acréé, en Mars 2013, l’Agence Nationale de Lutte contre lesSéquelles de l’Esclavage, de l’insertion et de Lutte contre laPauvreté, connue sous le nom Tadamoun. Son mandatcomprend la mise en œuvre des activités de lutte contre lapauvreté, les programmes de restitution des terres et laréalisation de projets de lutte contre les influences desgénérations d’esclavage. Elle est également habilitée àporter plainte contre les auteurs présumés de pratiquesesclavagistes au nom des victimes, bien que cette capaciténe semble pas avoir été effectivement exercée jusqu’à larédaction du présent rapport. Les sources de l’ONU ontindiqué que jusqu’à présent, il ya peu d’informations

8 ENCORE LOIN DE LA LIBERTÉ: LA LUTTE DES FEMMES HARATINES EN MAURITANIE

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disponibles sur les résultats de l’action de cette agence.24

Pour leur part, les ONG continuent de faire pression pouravoir la capacité de porter plainte elles-mêmes au nom desvictimes.25

Suite à la visite de 2009 en Mauritanie du Rapporteurspécial de l’ONU sur les formes contemporainesd’esclavage, le Bureau du Haut Commissariat des NationsUnies pour les droits de l’homme (UNHCR) a aidé legouvernement de la Mauritanie à élaborer une feuille deroute pour la mise en œuvre de ses recommandations pourlutter contre l’esclavage . En Février 2014, le Rapporteurspécial a effectué une visite de suivi. Elle a constaté que lesautorités avaient «fait de bons progrès en adoptant desmesures législatives et institutionnelles visant lutte contre lesformes d’esclavage en Mauritanie».26 En Mars 2014, legouvernement a officiellement adopté la feuille de route;parmi les mesures adoptées figurent la mise en place d’untribunal spécialisé pour les cas d’esclavage, une mesure quivisait à rendre la justice plus accessible et efficace pour lesvictimes.27 Il est encore trop tôt pour évaluer l’impact decette feuille de route. Les ONG impliquées dans la luttecontre l’esclavage et le racisme font remarquer que la feuillede route ne reconnaît pas le rôle important desorganisations de la société civile à défier et changer le statuquo, et qu’elle met tous les éléments du processus sous lecontrôle du gouvernement, malgré le rôle des autorités dans

le renforcement et le maintien de la pratique de l’esclavageau cours des dernières décennies. Ces inquiétudes sontparticulièrement pertinentes à la lumière des rapports enDécembre 2014 indiquant que la ministre chargée desaffaires sociales concernant les enfants et la famille, en posteau sein du gouvernement, avait été dénoncée comme tenantdes esclaves dans sa propre maison.28

Cependant, cette gamme de programmes et demesures, n’a pas éradiqué l’esclavage ou la discriminationcontre les Haratines. Les anciens esclaves et leursdéfenseurs continuent de subir des pressions en essayantd’assurer que la loi soit appliquée. Dans un exemple, lemilitant anti-esclavagiste Biram Dah Abeid, qui est arrivédeuxième à l’élection présidentielle en Mauritanie en Juindernier avec 8,9 pour cent des voix, a été arrêté enNovembre 2014, avec au moins huit autres militants, ycompris les membres de son organisation, l’Initiative pourla résurgence du mouvement abolitionniste.29 Lesarrestations ont eu lieu dans le contexte d’une campagnepacifique contre l’esclavage et en faveur de la réformeagraire. Même si certains auraient été libérés, les membresde l’Initiative pour la Résurgence du MouvementAbolitionniste (IRA) auraient été maintenus en détentionjusqu’à la fin de l’année, et de graves préoccupations ontété exprimées au sujet de leur accès à une procédurerégulière.

9ENCORE LOIN DE LA LIBERTÉ: LA LUTTE DES FEMMES HARATINES EN MAURITANIE

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10 ENCORE LOIN DE LA LIBERTÉ: LA LUTTE DES FEMMES HARATINES EN MAURITANIE

Quelle est la situation particulière des femmes Haratines?Comme décrit ci-dessus, certains Haratine sont encoresous l’esclavage malgré la criminalisation de la pratique del’esclavage, bien que leur nombre est difficile à établir etqu’il est pratiquement impossible pour les étrangers de lescontacter. D’autres femmes, nouvellement sorties del’esclavage, ont besoin d’un soutien particulier et ciblépour surmonter le préjudice que l’esclavage leur a causé etapprendre à gérer leur propre vie. Enfin, le groupe le plusaccessible des femmes Haratines est celui des femmes qui,bien que descendantes d’esclaves, sont nées dans laliberté. Même pour ce groupe, l’esclavage de leurs grands-parents et leurs ancêtres éloignés continue, cependant, dejeter son ombre.

Il y a beaucoup de questions qui touchent toutes lesfemmes Haratines, qu’elles soient esclaves ou libres. Lesinformations ci-dessous sont présentées dans le formatsuivant: d’abord, les questions touchant les femmesHaratines qui sont encore esclaves, qui sont encorenombreuses en Mauritanie. La deuxième section porte surles questions d’intérêt particulier pour les femmesHaratines nouvellement libérées, c’est-à-dire celles qui ontobtenu leur liberté au cours des cinq dernières années etqui ont du mal à faire face aux défis de la vie pour lesquelselles n’avaient pas été à distance préparées ou équipées parleurs anciens maîtres. Enfin, le rapport traite de lasituation des femmes Haratines nées libres, en particulierles multiples formes de discrimination et demarginalisation auxquelles elles continuent de faire face,en dépit de générations de liberté de l’esclavage. Lerapport donne des informations sur l’expérience desfemmes Haratines par rapport à une série de droits del’homme auxquels ces femmes ont droit en vertu despactes internationaux signés et ratifiés par la Mauritanie.

La situation des femmesHaratines encore dansl’esclavageCette section examine d’abord la situation des plusvulnérables des vulnérables: les femmes Haratines encoreasservies par les maîtres des maures blancs. Elle s’appuiesur un certain nombre de données, y compris les entrevuessur le terrain et l’étude de base décrites ci-dessus dans la

section sur la méthodologie, ainsi que les rapportsprovenant de sources internationales et nationales.Comme dans les sections suivantes sur les femmesHaratines nouvellement libérées et celles nées en liberté,l’accent est mis sur la position de la femme dans la sociétéet dans la famille.

Dans la société essentiellement agricole et pastorale dela Mauritanie, on dépend essentiellement sur les esclavesHaratines pour effectuer une gamme de types de travail, ycompris la garde des enfants, la cuisine, la collecte ducombustible et l’élevage, pendant de longues heures etgénéralement sans salaire. Cette vie de dur labeur prive lesesclaves Haratines de toute forme d’éducation ou deformation, ce qui réduit leur capacité à survivre en dehorsdes limites de la relation maître-esclave et perpétue leursentiment de dépendance. Les femmes Haratines, enparticulier, sont maltraitées par leurs maîtres à demultiples niveaux. Comme décrit par le Rapporteurspécial sur les formes contemporaines d’esclavage «ellessubissent une triple discrimination: premièrement en tantque femmes, deuxièmement en tant que mères ettroisièmement en tant qu’esclaves.»30

Les personnes interviewées ont décrit dans des termesterribles leur situation comme esclaves. Selon une femme:

« J’ai vécu comme esclave pendant une grande partie dema jeunesse. C’est une mauvaise situation, parce queles maîtres vous utilisent. Vous n’avez pas de point devue, vous faites tout sans réfléchir, tant que c’est lavolonté du maître ... En outre, ils nous ont disent quecela faisait partie de la religion ... Comment pourriez-vous combattre, par où commencer? ... Vous voussentez totalement impuissant. »

Plusieurs femmes ont décrit en profondeur ladiscrimination qu’elles subissaient comme des esclavesdans la société mauritanienne. Une femme, interrogée surson expérience de la discrimination, répondit simplement:«Non, je ne sais pas, je n’ai jamais appris quoi que ce soit.»Lorsqu’on lui a demandé si elle se sentait que les femmesHaratines sont traitées différemment des autres femmes enMauritanie, et si oui, comment cela a été ressenti, elle arépondu «juste pour la couleur de la peau. Les bidaniyates(les femmes maures blanches) sont assises à l’ombre, alorsque les Haratinyates travaillent» . D’autres participantes

Situation actuelle des femmesHaratines

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11ENCORE LOIN DE LA LIBERTÉ: LA LUTTE DES FEMMES HARATINES EN MAURITANIE

ont confirmé cette situation à travers des rapports dediscrimination généralisée:

« Pour nous, les femmes, eh bien, nous sommes desfemmes et des objets aussi pour les hommes. Noussommes victimes de discrimination comme esclaves, etaussi en tant que femmes. »

Le viol et l’esclavage sexuelLe viol et les abus sexuels sont une caractéristiqueessentielle de l’esclavage, permettant aux maîtres le contrôlesexuel et reproductif sur leurs esclaves. Le maître contrôlele corps de la femme, à la fois pour le travail et pour ladisponibilité sexuelle; et il contrôle sa capacité reproductivepour produire plus de travail. C’est pourquoi l’expérience

Une des personnes interrogées a décrit de manièreémouvante la réalité d’être un esclave héréditaire (parnaissance):

« Nous n’avions pas le choix, comme nous sommesnés de père et mère esclaves, nous étions desesclaves à travers eux. Pendant longtemps, on nousa fait croire que nous avons été créés pour vivrecomme des esclaves. C’était la religion. »

Selon son témoignage, dans la maison où elle vivait, lemaître exerçait un contrôle physique absolu sur sesesclaves, soutenu avec la menace du pouvoir d’Etat:

« Ma famille et moi avons vécu comme des animaux,parce qu’ils nous utilisaient comme des objets ... Lesmembres de la famille du maître faisaient ce qu’ilsvoulaient avec nous. Ils nous faisaient avoir desrelations sexuelles avec eux comme ils le voulaient;lorsque nous résistions, nous étions battus et ligotés. »

Elle a décrit comment le maître les menaçait d’arrestationpar la police s’ils résistaient ou essayaient de s’enfuir. Enoutre, pour renforcer ces menaces, le maître utilise lareligion pour soutenir son autorité, ce qui rendpratiquement impossible dans un premier temps pour elleet sa famille de faire une résistance morale:

« Nous pensions vraiment que c’était la volontéd’Allah et son prophète Mohamed. Vous ne pouvezpas s’opposer à la religion. Mais, une fois nos père etmère sont morts, mon frère a commencé à douter,parce que le mauvais traitement que nous avonssouffert n’était pas dans le Coran. »

Cette interviewée a parlé avec éloquence de l’impactpsychologique de l’abus qu’elle a subi.

« Au cours de notre esclavage, nous avons étémaltraités, nous, les filles avons été violées chaquejour. Nous n’avions pas le choix, nous étions

impuissantes devant notre maître. La moindrerésistance a été sévèrement punie, ce qui noustraumatisait. Vous commencez à accepter la situationtelle qu’elle est ... Pour les femmes c’est pluscompliqué [que pour les hommes Haratines] parceque naturellement les femmes sont plus faibles etplus vulnérables. Les hommes ont plus d’endurance,ils supportent plus de l’effort physique, mais lesfemmes subissent également une pressionpsychologique en plus celle physique. Par exemple,quand ils m’ont fait avoir des relations sexuellescontre ma volonté, et je ne pouvais pas dire non ...j’étais comme sa propriété. »

La violence physique, sexuelle et psychologique a eu desrésultats tangibles, en particulier quand cette femme esttombée enceinte:

« Vous voyez ce petit garçon là-bas? Il est le fils demon ancien maître. En fait, la plupart de nous, lesfemmes qui étaient des esclaves, nous l’avons fait,que ce soit pour le maître, ou pour ses frères, ouparfois pour ses enfants, quand ils désiraient un peude plaisir. »

Comme nous l’avons discuté ailleurs, quand une femmeesclave donne naissance à des enfants - en particuliers’ils sont les enfants de son maître – celui-ci exerce uneautre forme de contrôle. Cette exploitation de la capacitéde reproduction de la femme pour augmenter la proprerichesse du maître est une autre façon d’exercer sadomination absolue et son pouvoir même sur les aspectsles plus intimes de la vie de la femme esclave. Lecontrôle du maître affecte toutes ses relations, mêmecelles avec ses enfants, étant donné que dans lesystème de l’esclavage héréditaire en Mauritanie, cesenfants sont nés comme propriété du maître de leurmère. Avoir des enfants augmente la dépendance de lafemme esclave et la lie davantage à la maison du maître,ce qui entrave encore plus sa capacité de s’enfuir ou derésister.

«Impuissants devant notre maître» - la vie quotidienne d’un esclave en Mauritanie

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de l’esclavage des femmes diffère tellement de celle deshommes: comme tous les enfants que les femmes portentdeviennent aussi la propriété de leurs maîtres, les femmessont ainsi une ressource importante pour la production denouveaux esclaves. Retenir les femmes dans la sphèredomestique (plutôt que les envoyer assez loin travaillerdans les champs ou en élevage des animaux, comme leshommes font souvent) sert une double fonction. Il restreintleurs mouvements et interactions sociales, contribuant ainsià prévenir l’évasion; et il assure que les maîtres ont lecontrôle plus complet sur elles. Les descriptions de viols etd’abus sexuels étaient traumatisantes, avec une seul descinq femmes nouvellement émancipées rapportant n’ayantpas été soumise à des sévices sexuels réguliers. Trois d’entreelles ont déclaré avoir donné naissance à des enfants de leurmaître.

« Oui, j’ai toujours été comme une chèvre dans sontroupeau. J’ai eu un enfant avec lui, mais il ne l’ajamais reconnu. Il m’a toujours dit que j’étaisl’esclave de sa sœur. »

« Deux de mes enfants ne sont pas de mon mari, maisde mon ancien maître. Nous n’avons jamais posé desquestions. »

« Oui, c’était inévitable, parce que le maître lecommandait. Nous ne pouvions rien faire. »

Menaces et violence: la complicité des forces de sécuritéOutre l’exercice de la violence physique et mauvaistraitements contre les esclaves eux-mêmes, les maîtressubjuguaient davantage leurs esclaves en les menaçant dediriger le pouvoir d’Etat contre eux. On disait aux esclavesque s’ils tentaient de s’échapper de leurs maîtres, la policeles arrêterait, maltraiterait ou torturerait. Les forces desécurité y étaient complices, et avaient, à des moments,appréhendé les esclaves en fuite et les remis à leurs maîtres.Trois des femmes interrogées ont signalé des cas demauvais traitements ou de menaces d’arrestation par lesforces de police ou de sécurité si elles essayaient de s’enfuir.

« Les associations locales m’ont aidé à se libérer de lafamille qui me exploitait dans tous les sens. Ils medisaient toujours que si je suis partie, ils meremettraient à la police ... Je voulais vraimentm’enfuir mais j’avais peur de mon maître, qui memenaçait toujours avec la police ou la garde. »

« J’ai toujours voulu partir, jusqu’à ce que mon mariest arrivé. Il m’a aidé à sortir et à me libérer de la

famille qui m’exploitait dans tous les sens ... j’aisupporté cette situation pendant une longue période,même s’ils me battaient et m’attachaient pour que jene puisse pas fuir ... J’avais voulu s’échapper depuisune longue période, mais j’avais peur de mon maître,qui me battait et ligotait comme une chèvre. »

« La vie d’esclaves nous a beaucoup affectés. Nousn’appartenons pas à nous-mêmes. Nous ne pouvons paspenser pour nous-mêmes ... On nous disait que c’étaitla volonté d’Allah pour nos vies ... Mon mari a essayéune fois de s’enfuir, mais il a été capturé par la policeet punis très sévèrement par le maître. Notre travaildans les champs et la maison a été rendu encore plusdifficile. Cela nous a effrayés, et le maître nouscontrôlait par notre peur des gardes et de la police. »

Sans surprise, dans ce contexte, les personnesinterrogées ont décrit un sentiment de trahison etd’abandon par les autorités. Une femme a dit toutsimplement de son traitement par les autorités, «noussommes considérés comme des sous-humains.» Une autrea déclaré avoir été perturbée par le fait qu’«Il ya encorebeaucoup de gens qui sont esclaves, et que cela estconsidéré comme normal par les décideurs.» La traditionde la complicité des autorités dans la pratique del’esclavage a de graves conséquences. Les Haratines seméfient des autorités avec raison. Malgré le cadre législatifinterdisant l’esclavage, et la multiplication des organismesdestinées à mettre fin à l’esclavage et à faire face à sesconséquences, la pratique persiste en Mauritanieaujourd’hui, à cause d’une impunité généralisée.

Séparation forcée et le déni du droit à une vie de familleL’esclavage touche l’ensemble des aspects de la vie de savictime, même à l’égard de ses propres rôles d’épouse et demère. Chacune des entrevues a révélé des aspects différentsa travers lesquels l’esclavage sape et nuit la vie de famille.C’est extrêmement important, eu égard aux les rôlesfondamentaux que les familles ont joué en aidant certainesfemmes nées libres à faire face aux défis de vie. Dans les casde deux des femmes qui ont été abandonnées par leursmaris, leurs parents ou frères leur avaient donné un soutienmatériel plus que nécessaire. Dans un autre cas, les parentsde la femme payaient pour l’éducation de ses enfants.

Dans certains cas, les maîtres séparent les famillesnucléaires, séparant les père et mère des enfants et lesfrères et sœurs les uns des autres. Cette approche estsouvent utilisée comme un mécanisme de contrôle de lamère esclave et sert également à renforcer la dépendancedes enfants esclaves, qui grandissent sans réseau de soutien

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au-delà de leur service à leur maître: selon les mots duRapporteur spécial sur les formes contemporaines del’esclavage, «leurs maîtres, comme des parents sociaux,deviennent les plus proches de la famille».31

L’esclavage a également une influence corrosive sur lesmariages. Même quand une esclave est mariée, les maîtrescontinuent d’exercer un fort degré de contrôle sur ses affairespersonnelles et peuvent appliquer le divorce ou la séparationsi la relation est perçue comme sapant leur autorité. Laprédation sexuelle du maître ne prend pas nécessairement finlorsqu’une esclave est mariée. Le maître peut continuer à luisoumettre à la servitude sexuelle et même avoir des enfantsavec elle, indépendamment de la douleur et du mal que celapeut provoquer au sein de son mariage.

« La discrimination fait partie de nos vies. Dans lamaison de notre maître, nous étions considérés commedes objets, à utiliser comme ils le voulaient. Lesfemmes sont des objets de plaisir pour les maîtres.C’est traumatisant, surtout, pour nos maris, qui nepeuvent rien faire. »

La situation des femmesHaratines nouvellementémergées de l’esclavageBien que l’esclavage comporte des niveaux extraordinairesde contrôle et d’exploitation, la libération formelle d’unevictime de la servitude ne représente pas nécessairement lafin de leur abus par le maître et sa famille. La puissanceenracinée de la relation et le manque de moyens desubsistance pour les femmes Haratines nouvellementlibérées peuvent conduire certaines anciennes esclaves àretomber dans des situations analogues à l’esclavage aprèsleur émancipation:

« Les descendants d’esclaves sont méprisés. Lespropriétaires d’esclaves sont les gens riches de ce pays.Nous fuyons leurs maisons, mais quand nous avonsbesoin de travail, nous revenons à eux sous une autreforme. Ils nous font travailler comme des esclaves ànouveau. »

Même les anciens esclaves qui ont été libérésnominalement peuvent continuer à servir leurs anciensmaîtres, ou entrer dans une servitude analogue àl’esclavage pour de nouveaux gens, dans l’absenced’alternatifs viables de moyens de subsistance.32 Lecontinuum entre l’esclavage formel et l’exploitationcontinue de beaucoup de femmes Haratines, même aprèsqu’elles ont été libérées, signifie que, dans la pratique, les

efforts anti-esclavagistes ne doivent pas se concentreruniquement sur la question cruciale de l’abolition, maisdoivent s’attaquer aussi à la marginalisation à laquelle lesanciens esclaves font face dans la société mauritanienne.Pour garantir la pleine émancipation pour les femmesHaratines en Mauritanie, il est donc nécessaire d’établir unsystème clair et complet de soutien pour s’assurer que lesanciens esclaves sont capables de créer de nouvelles viessignificatives pour eux-mêmes. Certains des principauxproblèmes auxquels est confronté ce groupe sont discutésdans cette section.

Les documents d’identitéLes documents d’identité sont très importants enMauritanie, notamment pour l’acquisition de lanationalité en vertu de la loi interne. Les anciens esclavesn’ont généralement pas ces documents. Pour beaucoup degens, ceci est dû au moins en partie aux circonstancesentourant leur naissance: les mariages entre esclaves sontsouvent méconnus par leurs maîtres et de nombreuxesclaves grandissent sans connaître leur père.33 Le manquede documentation de naissance pose de sérieux problèmespour de nombreuses personnes, y compris un grandnombre de Haratines. Par exemple, le processus derecensement commencé en 2011 a été particulièrementproblématique pour les communautés Haratines et lesafro-mauritaniens, surtout qu’il exigeait à chaque individude produire des documents d’identité des deux générationsprécédentes de sa famille. En Mauritanie, ladocumentation de naissance n’est délivrée que lorsque lesparents peuvent fournir un certificat de mariage valable.34

Ces exigences sont souvent insurmontables pour desesclaves héréditaires analphabètes et pauvres vivant sous lecontrôle de maîtres d’esclaves, beaucoup d’entre eux dansdes zones reculées avec des services publics limités. Lemanque de documentation en résultant et la situationpotentielle d’apatrides rendent la vulnérabilité de cespersonnes d’autant plus aigue, affectant non seulementleur accès à l’éducation mais aussi leur droit à la liberté demouvement, leur capacité de voter et leur employabilitédans l’économie formelle.

Les entrevues ont révélé que les femmes Haratines néeslibres possédaient généralement des documents d’identité,bien que dans un cas, où le couple a été divorcé, le marirefusait l’accès de la femme à ses papiers. Parmi les cinqfemmes nouvellement émancipées, cependant, la situationétait très différente. Deux d’entre elles n’avaient pas dedocuments d’identité, même si elles ont déclaré être entrain de les obtenir avec le soutien des ONG. Les troisautres femmes avaient obtenu leurs papiers, mais ontexprimé une grande inquiétude parce que leurs enfantsn’en avaient pas.

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Emploi et moyens de subsistanceEn dépit de l’énergie, l’autonomie et le courage dont ontfait preuve de nombreuses femmes Haratinesémancipées, les obstacles auxquels elles font face, mêmeaprès avoir obtenu leur liberté, peuvent êtreinsurmontables. Exclues des services de base et desmoyens de subsistance, elles ont souvent du mal àaccéder à l’emploi correctement rémunéré en raison de lastigmatisation sociale continue. Dans certains cas, lesfemmes Haratines libérées auraient fini par travaillerpour les parents de leurs anciens maîtres ou à se livrer àla prostitution pour survivre.36

Les femmes nouvellement émancipées interrogéespour cette étude ont toutes décrit les difficultésauxquelles elles sont confrontées en tant que Haratines etanciennes esclaves en prenant en charge les coûts de leurvie et ceux de leurs enfants. Elles disent qu’il n’y a pas demécanismes de soutien gouvernemental, et qu’en dehorsde deux interviewées qui ont reçu de petites quantitésd’aide monétaire des autorités communales, ellesvivotent avec des travaux domestiques en tant quenettoyeuses ou vendeuses au marché, et en s’appuyantsur l’aide des ONG. Bien que désireuses de reconstruireleur vie, leur manque d’éducation ou de formationsignifiait qu’elles ne pouvaient accéder qu’à des emploispeu qualifiés, mal payés.

« Je n’ai pas de compétences ou de ressources. »

« Nous n’avons aucun moyen d’intégrer comme lesautres. Je vends des pâtisseries pour répondre auxbesoins de mes enfants. Je ne peux pas trouver untravail rémunéré parce que je n’ai ni compétences,ni argent. J’ai essayé de vendre du tissu, mais c’estest difficile comme je n’ai pas de capital. »

« J’ai vécu toute ma vie sous l’esclavage, avec mesfrères et sœurs ... [Maintenant] je travaille commefemme de ménage. La vie est très difficile. Je fais lalessive pour d’autres familles pour aider à joindre lesdeux bouts. »

« Je suis une femme Haratine émancipée il ya cinqans. J’ai passé toute ma jeunesse comme esclave. Lavie est dure, parce qu’il n’y a pas de structure pouraider les anciens esclaves à s’intégrer dans la vieordinaire. Pour s’en sortir, j’ai commencé avec lamendicité; puis, un bienfaiteur m’a donné un peud’argent et j’ai commencé à vendre du poisson sur lemarché. Je suis mariée à un ancien esclave qui faitdes petits boulots, et la vie continue. A mon âge, jesuis encore à apprendre à penser par moi-même sansavoir besoin d’un maître pour me dire ce que j’ai àfaire. J’ai du mal à trouver l’argent pour achetermon poisson, je ne peux même pas satisfaire nosbesoins de base. »

ENCORE LOIN DE LA LIBERTÉ: LA LUTTE DES FEMMES HARATINES EN MAURITANIE

Lorsque disponibles, l’éducation et la formation ont étéprises par les Haratines émancipés et leurs descendantsavec enthousiasme. Les mères nouvellement émancipéesvoyaient ces possibilités comme un pont importantpermettant à leurs enfants d’améliorer leur situation depost-esclavage.

« Maintenant que je ne suis plus sous un maître, j’ail’espoir que mes enfants puissent étudier. Nousavons besoin d’aide pour lutter contre l’esclavage - il tue les générations futures. »

« Ce qui me réconforte, c’est que je suis libre, et quemon enfant apprend à lire. »

Néanmoins, l’accès d’un un grand nombre de ces enfantsà l’éducation est entravé par le manque de documentsd’identité et l’insuffisance des ressources. Même sil’éducation est devenue obligatoire pour les enfantsjusqu’à l’âge de 14 ans depuis 2001, de nombreux

enfants des anciens esclaves et d’autres dont lanaissance n’a pas été enregistrée ne sont pas scolarisés.A Nouakchott, par exemple, le maire aurait informé leRapporteur spécial sur les formes contemporaines deracisme que 80 pour cent des enfants des communautésHaratines n’étaient pas scolarisés, une situation quientrave clairement les possibilités de vie et lesperspectives de ce groupe ethnique.35 Compte tenu deces contraintes, la nature fragile de la bouée desauvetage représentée par l’éducation a été clairementdécrite par une autre personne interrogée nouvellementémancipée:

« Mes enfants ne vont pas à l’école en raison dumanque de ressources. Comment puis-je scolarisermes enfants sans argent? Ils doivent payer pour leslivres ... C’est difficile, personne ne nous aide à sortirde cette situation ... [Quelle chose pourrait me donner]espoir pour l’avenir? Quel avenir? ... Les enfantsn’étudient pas. Nous sommes pauvres, sans espoir. »

Les documents d’identité et l’accès des enfants à l’éducation

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L’accès à la justice: poursuites contre les anciens propriétaires d’esclaves

Comme décrit ci-dessus, l’esclavage a été criminalisédepuis 2007 et il existe des mécanismes juridiques pourtraduire en justice les auteurs des pratiques esclavagistes.Néanmoins, il n’ya eu qu’un seul cas de poursuite pleined’un propriétaire d’esclaves pour crime de l’esclavage.Pour des anciens esclaves analphabètes et démunis,l’introduction des accusations criminelles formelles contreleurs anciens maîtres est un énorme défi; pour beaucoup,la simple lutte pour survivre occupe la totalité de leurtemps et d’énergie. Cela peut être une explication quant àla raison pour laquelle la question de la justice n’a pas étémentionnée une seule fois dans les cinq entretiens avecd’anciens esclaves. Une autre raison peut-être que lesystème de l’esclavage par naissance en Mauritanieimplique un haut degré d’endoctrinement des victimes,les conditionnant ainsi à accepter leur sort comme des«biens» et rendant extrêmement difficile pour euxd’accuser formellement leurs maîtres.

La Commission Nationale des Droits de l’Homme de laRépublique Islamique de Mauritanie a déclaré en Septembre2014 qu’au moins 26 affaires d’esclavage présumé avaientété portées devant les tribunaux, avec d’autres en attente. LaCommission a recommandé un certain nombre demodifications à la loi de 2007 pour la rendre plus accessible,comme le fait de permettre aux ONG de se constituerparties civiles dans les actions judiciaires en faveur desvictimes, et les aider à porter plainte.37 En outre, le Comitépour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmesa souligné les grands problèmes autour de l’accès desfemmes à la justice. Il a souligné l’absence d’accès à la justicepour les femmes victimes de violence et d’autres infractions,ainsi que le manque de formation des professionnels dudroit dans les questions spécifiques de genre.38

La séparation des membres de la familleCe qui vous empêche de dormir la nuit et vous rend

inquiet?« C’est le fait de ne pas connaitre ma mère, et le fait de

ne pas savoir où est ma sœur. »

Comme en témoignent les entretiens, la pratique del’esclavage fait des ravages sur l’institution de la famille.Une question cruciale et sensible est que de nombreuxHaratines peuvent hésiter à demander l’émancipation ousont envoyés ailleurs par leurs maîtres, ce qui signifie queles membres de la famille sont incapables de suivre leurtrace.39 Dans les entrevues réalisées pour ce rapport, il étaitclair que cela provoque des préjudices considérables,même pour ceux qui sont nouvellement émancipés. Parmi

ces cinq femmes interrogées, quatre ont déclaré avoir desmembres de la famille qui étaient encore asservis. Une aindiqué que ses jeunes frères avaient été envoyés par lemaître pour travailler dans un lieu inconnu. «Lesesclavagistes », dit-elle, ont commencé à entreprendreleurs actes dans le secret, en raison des accusations portéescontre eux par les associations. » Les trois autres femmesont toutes déclaré que leurs membres de la famille étaientréticents à quitter leurs maîtres, considérant qu’ils étaientmieux esclaves que libres.

« Ils sont tous encore des esclaves, personne ne veutquitter leur maître. Ils se cachent lorsque vous essayezd’aller les aider. »

« Ils refusent de quitter, parce qu’ils pensent que notresituation n’est pas meilleure que la leur. »

Cette attitude a été clairement inquiétante pour lespersonnes interrogées. D’une part, cela pourrait êtreinterprété comme un résultat de la nature fermée de larelation entre maîtres et esclaves, dans laquelle lesrelations sociales et humaines qui se développent entre lesdeux groupes peuvent être utilisées pour perpétuer lesystème: l’étude de référence a indiqué, par exemple, quecertains considèrent les esclaves et leurs propriétaires eux-mêmes comme des «frères de lait», c’est à dire les enfantsallaités par la même femme. Ces relations sociales avec lesanciens maîtres peuvent encore exister même chez lesjeunes Haratines qui ne s’identifient plus comme esclaves,même si ces derniers peuvent refuser de fournir desservices que leur demandent «fraternellement» lesBeydanes (maures), sans peur des conséquences.

D’autre part, cependant, leur attitude peut êtreconsidérée comme une indication de la profondeur desracines du système et sa nature fermée, qui exclue lesesclaves de l’éducation, leur refuse la possibilité d’acquérirl’ensemble des compétences de vie et les isole des autresmodes de vie. La décision des membres de la famille derester asservis a des conséquences sur les esclaves affranchisaussi, en les coupant de tout contact avec leurs proches etles privant de l’appui social, financier et émotionnel que lafamille élargie a apporté, au moment de besoin, àcertaines des autres personnes interrogées.

La situation des femmesHaratines nées libres La pauvreté et la discrimination

Bien que la pauvreté touche toutes les ethnies enMauritanie, les Haratines sont, en ensemble, le groupe leplus marginalisé économiquement. La pauvreté, la lutte

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16 ENCORE LOIN DE LA LIBERTÉ: LA LUTTE DES FEMMES HARATINES EN MAURITANIE

discrimination – elles sont considérées comme sansvaleur. Elles ne sont pas scolarisées, elles vivent dansla pauvreté. Cette situation est si difficile, et nous nepouvons rien faire à ce sujet. Avec les ONG, nouspensons que les gens vont changer leur mentalité ...Mais pour moi, ma famille a été libre pendant unelongue période, mais nos conditions n’ont pasvraiment changé, même si nous avons maintenantnotre liberté. »

Le récit ci-dessus était typique, et a démontrécomment, pour les femmes nées libres, la discriminationqu’elles ressentaient n’était pas diminuée par leur libertéou le passage des générations depuis la fin del’asservissement de leurs familles; elles estimaient qu’ellesétaient encore perçues comme des esclaves.

« Les femmes Haratines sont méprisées. Issues del’esclavage, les Maures blancs nous considèrent desobjets sans valeur. Quand vous allez chez eux à larecherche de travail, ils vous font travailler commeune esclave parce que c’est la façon dont ils vousvoient. Ensuite, ils vous paient très peu, et commevous n’avez aucun choix, vous ne savez pas quoi faireà ce sujet. Juste pour la couleur de notre peau, noussommes identifiées comme des esclaves. »

Toutefois, les femmes étaient conscientes desdiscriminations non seulement par d’autres communautés,mais aussi au sein de leurs propre communauté et familles:

« Je pense que les femmes n’ont pas le droit de parlerpour exprimer leurs sentiments. En tant que femmeHaratine, je souffre d’une double discrimination. Entant que descendantes d’esclaves, nos voisins nousméprisent ... Mon mari (mon ex-mari, je veux dire)ne reconnaît pas mon droit à la parole. »

Certaines des personnes interrogées ont parlé ainsi desdangers, en particulier pour les jeunes, de l’internalisationde la discrimination à travers des sentiments de faibleestime de soi:

« Je suis une hartanya née dans une famille d’anciensesclaves. Je vais à l’université. Mon père est unchauffeur à Nouakchott, ce qui nous permet de vivre,même avec difficulté. Je travaille à temps partiel dansun restaurant pour aider. Repartir une vie normaleaprès des décennies d’esclavage n’est pas facile. Lesconséquences de l’esclavage - l’ignorance, la pauvreté,la marginalisation économique et sociale, le manqued’avenir - pèsent énormément sur nous ... lastigmatisation est si grande que certains de mes amis

pour nourrir leurs enfants et, si possible, pour payer pourleur scolarité étaient des thèmes évoqués dans presquetoutes les interviews des femmes. Malgré la nécessitéévidente d’une assistance ciblée aux Haratines, despréoccupations ont été exprimées au sujet de l’absenceapparente de projets de lutte contre la pauvreté visantspécifiquement les Haratines. Au lieu, les Haratinesauraient été simplement des bénéficiaires indirects desprojets portant sur la pauvreté généralisée.40

Bien que de nombreuses femmes Haratines investissentdes efforts et une détermination remarquables pouraméliorer leur situation, surmonter la discriminationancrée en Mauritanie est difficile. C’est ainsi qu’unefemme a signalé:

« Je pense qu’elle [la discrimination] s’aggrave, parce quenous sommes plus en plus pauvres, et personne ne sesoucie d’essayer de nous aider à résoudre notreproblème. Je suis une femme vivant seule dans unepetite pièce, je n’ai rien. Ils me demandent desgaranties pour un prêt pour ma petite entreprise: oùvais-je trouver cela? Je pense que l’Etat doit être notregarant auprès des banques ... si je ne trouve pasd’argent pour soutenir ma petite entreprise, mes enfantsne peuvent pas aller à l’école, ils finiront par être aussipauvres que je suis, et ce cela continuera ainsi. »

Une autre femme, mère de six filles et un garçon,prenait en charge ses enfants et sa mère malade après lamort de son premier mari en utilisant son petit montantd’épargne à s’établir comme vendeuse de poissons. Elle aindiqué être incapable de dormir la nuit d’inquiétude surl’endroit d’où la nourriture du lendemain viendrait. Il yadeux ans, elle s’est remariée; son nouveau mari est untravailleur journalier et ne trouve souvent pas du travail:

« Parfois, je me sens une telle faiblesse et inquiétude quej’ai failli perdre le courage de continuer à vivrecomme d’habitude ... ce qui m’empêche de dormir lanuit est de me rappeler quand ma plus jeune fillem’empêchait le sommeil de la faim, parce que jen’avais rien à lui donner pour manger. Tout ce que jeveux, c’est de voir mes enfants grandir et vivre sansavoir à passer par la peine que j’ai subie. »

Les récits des femmes ont indiqué clairement que lapauvreté est étroitement liée à l’expérience des femmes dela discrimination, dont toutes les personnes interrogéesont déclaré avoir souffrir. Une personne interrogée aindiqué que:

« Dans les ONG, nous parlons des droits des femmes.Mais les femmes Haratines souffrent d’une forte

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17ENCORE LOIN DE LA LIBERTÉ: LA LUTTE DES FEMMES HARATINES EN MAURITANIE

misérable. Les garçons sont traités différemment desfilles - les filles sont élevées pour servir leurs maris, etrien de plus. Les parents travaillent très dur pourenvoyer les garçons à l’école, mais quand une filleabandonne l’école personne ne se soucie. »

Cette précieuse contribution des femmes interrogéessouligne, une fois de plus, que les efforts visant à résoudreles problèmes tels que l’accès des filles à l’éducation nedoivent pas se concentrer uniquement sur une approchedescendante (top-down) autour des documents d’identitéet l’infrastructure, aussi importants que ceux aspects sont.Ces efforts devraient également intégrer un travail auniveau de la base pour promouvoir des changementsd’attitude au sein des familles et des communautésHaratines, en mettant l’accent sur la valeur de l’éducationdes filles pour leur propre avenir et celui de leurs familles.

L’accès à la propriété de la terre La propriété des terres a émergé comme une questionimportante à la fois dans l’étude de base et les entrevues enprofondeur. Alors que les esclaves ne possèdent rien, mêmeles Haratines nés libres sont souvent exclus de la propriétéfoncière. Au cours de sa visite de 2010 en Mauritanie, leRapporteur spécial sur les formes contemporainesd’esclavage a signalé la découverte que certains anciensesclaves dans les zones rurales sont incapables de gagner destitres fonciers, et sont obligés de donner un pourcentage dece qu’ils produisent à leurs anciens propriétaires – ce quisignifie que leur dépendance à l’égard de leurs maîtres peutcontinuer, parfois dans des conditions de servage.43 Alorsque le gouvernement a mis en place un programme limitéde l’aide en matière de terres, ceci n’a pas été accessible à denombreux anciens esclaves ou descendants d’esclaves.44

Comme le démontrent les entrevues, dans de nombreuxdomaines et pour de nombreuses familles le problèmepersiste. Une femme a souligné comment l’exigence dedocuments d’identité des ancêtres prive les Haratines dedevenir propriétaires de terres:

« Nous avons tous nos documents d’identité [de lafamille], mais parfois on nous demande les documentsde nos grands-parents afin d’accéder à certains droits.Sans ceux-ci, nous ne recevons rien. Par exemple, il yaun moment qu’ils distribuaient des parcelles deterrain aux familles démunies, mais nous n’avons pasrien obtenu un parce que nous n’avons pas eu lespapiers de nos grands-parents. »

Les femmes sont confrontées à des obstaclesparticuliers à la propriété foncière: le Comité pourl’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a

plus jeunes ont honte de faire partie de cettecommunauté. »

De cette façon, la discrimination contre les femmesHaratines par des membres d’autres groupes ethniques enMauritanie en raison de leur appartenance ethnique, et parles membres de leur propre famille en raison de leur sexe, apour effet pernicieux de porter atteinte à leurs propressentiments d’estime de soi et d’appartenance.

Les filles Haratines et l’accès à l’éducationLe présent rapport a déjà fait une discussion sur les liensentre les documents d’identité et l’éducation au sein desesclaves nouvellement libérés. Cependant, les problèmesrelatifs à l’éducation sont extrêmement importants, aussi,parmi la population des Haratines nés en liberté. LeManifeste Haratine publié en Avril 2013 a indiqué que lesHaratines représentent 85 pour cent de la populationanalphabète totale en Mauritanie; que plus de 80 pourcent des Haratines n’ont pas terminé l’enseignementprimaire; et que les étudiants Haratines constituentseulement 5 pour cent des étudiants inscrits dansl’enseignement supérieur.41

De même, l’étude de base a indiqué que l’éducationparmi la population Haratine demeure minime; pour laplupart des Haratines, l’absence de toute éducation formelleconstituait le plus grand obstacle à leur principal souhaitpour l’avenir - avoir un emploi formel leur permettant devivre avec dignité et de répondre à leurs besoins et à ceux deleurs enfants. Les professions souhaitées qui ont étéconsidérées au-delà de leur portée en raison de leur manquede qualifications comprenaient les soins infirmiers, l’armée,la mécanique des moteurs et le commerce.

Bien que l’enseignement primaire est obligatoire par laloi pour tous les enfants de moins de 15 ans, le Comité pourl’élimination de la discrimination à l’égard des femmes arapporté en Juillet 2014 que les femmes en Mauritanieétaient beaucoup plus susceptibles que les hommes d’êtreanalphabètes (53 pour cent et 33 pour cent, respectivement),avec les filles non-arabes et rurales à risque particulier d’êtreexclues du système d’éducation.42 Les femmes interrogées ontdécrit en particulier comment les attitudes discriminatoiresau sein de la famille ont rendu l’accès à la scolarisation plusdifficile pour les filles. Une interviewée a dit «les Haratinesvivent dans une telle pauvreté ... les filles ne sont pasdestinées à aller à l’école pour longtemps, car elles sontcensées se marier de toute façon ». Une autre va plus loin:

« Pour nous, la discrimination commence dans lafamille. Les coutumes, et une mauvaise interprétationde l’islam, rendent la vie des femmes Haratines

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noté avec préoccupation que les femmes en Mauritanie nepeuvent légalement acheter ou transférer des terres sansautorisation par un tiers, comme un tuteur ou un membremasculin de la famille.45 Le traitement discriminatoire joueégalement un rôle. Une femme a décrit comment elle aémigré à Nouakchott, la capitale, se déplaçant dans unquartier de terre non alloué. Le comité de recensement l’aenregistrée sur un terrain, mais son lot a été plus tardcontesté par une autre femme.

« J’ai tous les documents prouvant que c’est ma terremais l’autre femme avait plus d’influence que j’ai etles autorités ont tranché en sa faveur. Je suis toujoursen quête de justice comme je me sens marginalisée,ainsi ils m’enlèvent ce qui est le mien par droit ... Jeprie Allah pour que cette vision sociale, où certainssont privés de leurs droits, va changer. »

L’importance de la question de l’accès à la terre estmise en évidence par une récente campagne des ONG pardes militants anti-esclavagistes autour de la réformeagraire, au cours de laquelle les membres de l’IRA ont étéarrêtés. En Janvier 2015, ils restent en détention.

Les moyens de subsistance et emploiEn Mauritanie, la plupart des emplois peu qualifiés et malpayés sont assurés par les Haratines, qui sont largement misà l’écart des postes professionnels au sein du gouvernementou dans le monde d’affaires. Les ONG signalent que plusde 90 pour cent des dockers, des travailleurs domestiques etdes travailleurs effectuant des travaux non qualifiés etfaiblement rémunérés dans le pays sont des Haratines,comparativement à seulement deux pour cent des hautsfonctionnaires et cadres supérieurs dans les secteurs publicet privé. Pendant ce temps, bien que les Haratinesconstituent la plus grande partie des niveaux inférieurs del’armée et de la police du pays, ils sont largement exclus despostes de niveau intermédiaire et supérieur au sein de cesinstitutions. Le Manifeste Haratine de 2013 a indiqué quemoins de 10 des plus de 200 magistrats exerçant enMauritanie étaient des Haratines.46

Les entretiens avec des femmes Haratines ont révélé àquel point la discrimination est liée à des questions dutravail, et le degré auquel il est perçu comme ayant affectéles possibilités de travail de leur communauté.

« Il ya des types de travaux sur le terrain qui ne sont faitsque par Haratines ... comme au moment de la récolte. »

« Les domestiques ... ces types d’emplois ne sont effectuésque par Haratines. C’est comme si c’était lié à notrestatut social. C’est très frustrant. »

En ce qui concerne les différences entre les sexes, troisfemmes Haratines nées libres ont attiré l’attention, àtravers les entrevues, à des contraintes particulières qu’ellesse sentaient en raison de leur sexe, indiquant que leshommes Haratines peuvent librement migrer à larecherche de travail, alors que les femmes ne le peuventpas. Les femmes sont plus attachées à la maison par latradition et les responsabilités domestiques et celle de lagarde d’enfants, ce qui limite leurs chances d’accès àl’emploi. Il est aussi plus socialement acceptable pour leshommes de quitter la maison à la recherche de travail,élargissant ainsi leurs choix et leur permettantéventuellement un plus grand revenu. Il ya un revers de lamédaille, cependant: l’effet potentiellement négatif de lamigration des hommes sur les familles Haratines estabordé plus en détail dans la section sur le mariage.

Un certain nombre de femmes ont déclaré travaillercomme domestiques. Le Comité pour l’élimination de ladiscrimination à l’égard des femmes a exprimé sapréoccupation sur les «conditions de travail précaires desfemmes rurales, en particulier les femmes Haratines etAfro-Mauritaniennes, qui «manquent toute forme deprotection sociale pour elles-mêmes et leurs familles ».47

En effet, certaines formes de servitude domestique sontexaminées dans le cadre des normes internationalescomme formes contemporaines d’esclavage. Malgrél’adoption en Août 2011 d’une loi sur les travailleursdomestiques dans les ménages privés, qui décrit les droitset les devoirs de l’employeur et l’employé, les femmesHaratines dans le service domestique demeurent exposéesau risque de l’esclavage de facto.

le microcrédit a été également mentionné dans l’étudeet les entretiens, car c’est l’un des domainesprogrammatiques par lequel l’Etat tente de lutter contre lapauvreté, en donnant notamment la priorité aux femmes.48

L’étude de base a indiqué que les Haratines sont largementexclus de l’accès au crédit, un point repris par unepersonne interrogée:

« [Je pourrais améliorer ma situation] si je peuxtrouver un financement pour améliorer ma petiteentreprise. C’est vraiment pour l’intérêt de mesenfants que j’aimerais le faire, parce que mes chancesà un bon travail sont minimes en raison de monmanque de scolarisation ... Parfois, en tant quevendeuses de tissu sur le marché, nous avons besoind’un peu de crédit à élargir notre stock. Mais c’estimpossible, parce qu’ils ont besoin d’une garantie,comme une parcelle de terrain ou d’autres biensprécieux que nous n’avons tout simplement pas. Il estrare que les groupes de femmes Haratines obtiennentdu crédit, parce que les prêteurs ne nous fontconfiance. »

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19ENCORE LOIN DE LA LIBERTÉ: LA LUTTE DES FEMMES HARATINES EN MAURITANIE

Encore une fois, cela semble être une zone où laprogrammation verticale est insuffisante à elle seule pourapporter des changements réels et de fond dans la vie desfemmes Haratines. Ce qui est nécessaire, car il feraréellement une différence, est un travail au niveau local pourtraiter des problèmes de discrimination et de la confiance,de sorte que les fonds soient effectivement distribués demanière équitable et où ils peuvent avoir le plus grand effet.

Le droit à la participation politiqueL’exclusion politique reste un enjeu majeur pour lesHaratines. En 2013, par exemple, il a été estimé qu’ilsdétenaient seulement 5 des 95 sièges à l’Assembléenationale, alors que seulement 1 des 56 sénateurs était unHaratine. Cette absence de représentation était évidenteau niveau régional aussi, avec seulement 2 des 13gouverneurs et 3 des 53 préfets identifiés commeHaratines.49 En ce qui concerne le processus politique,l’étude de base a indiqué que Haratines, en tant que bloc,ont tendance à soutenir les candidats qui sont sensibles àleur état de minorité vulnérable. Certaines des femmesinterrogées ont parlé du manque de confiance dans lesautorités, d’une part, et de la nécessité de la sensibilisationsur les droits d’autre part; mais aucune d’entre elles n’aexprimé un soutien à un projet politique particulier.

Les Haratines sont largement exclus du processuspolitique et des partis politiques traditionnels. En Janvier2014, le militant anti-esclavagiste Biram Dah Abeid,président de l’IRA précitée et représentant auprès del’Organisation des Nations et des Peuples Non

Représentés, a annoncé qu’il allait se présenter commecandidat indépendant à l’élection présidentielle de juinafin d’attirer l’attention aux injustices sociales continues. Ilest arrivé deuxième dans les résultats de ces élections, quiont été boycottées par les principaux partis d’opposition.En Janvier 2015, il reste en détention depuis sonarrestation en Novembre 2014.

Vulnérabilité à la violence sexuelle et autre abusBien que les violences sexuelles et autres formes de violencesemblent être des sujets largement tabou, plusieurs femmesHaratines nées libres interrogés ont discuté de leursexpériences de la violence. Le récit de l’une des ces femmesa démontré comment les préjugés de ceux autour d’elleavaient aggravé le préjudice qu’elle avait subi:

« J’étais victime à un jeune âge ... Cela a eu un impactnégatif sur mon estime de soi, parce que [dans notreculture] la jeune fille est considérée comme portant laseule responsabilité. Les gens me disaient que j’avaisporté la honte pour la famille. J’ai grandi comme ça -mais au fil des années, j’ai pu le surmonter. Je fais dubon travail. »

Le contexte dans lequel les femmes Haratines viventn’est pas propice à la protection des femmes ou à lapoursuite judiciaire des auteurs de tels crimes. Selon leComité pour l’élimination de la discrimination à l’égarddes femmes, bien que le Code pénal de la Mauritanie

Malgré leur concentration disproportionnée dans desemplois de faible statut ou mal rémunérés, les personnesinterrogées pour ce rapport comprenaient plusieursfemmes Haratines professionnelles. Leurs descriptions dela discrimination étaient éclairantes, et illustrent que lestatut professionnel ne constitue point une protectioncontre une telle discrimination. Une femme, fonctionnaire,a décrit comment les l’expérience de la discrimination parles filles commence au sein de leurs propres familles ; car,les parents, suivant la tradition et une interprétationerronée de l’Islam, donnent priorité à l’éducation de leursfils tout en enseignant leurs filles rien de plus quecomment être de bonnes épouses à leurs maris.

Bien qu’au moment de l’entrevue, elle avait étéfonctionnaire pendant 18 ans, elle a décrit le plafond deverre (barrière invisible) qu’elle a vu et vécu commefemme dans son milieu de travail:

« En milieu de travail, les femmes ne sont pasconsidérés à titre d’égalité. Même certaines femmesprofessionnelles sont traitées comme des fleurs,présentes là pour donner au bureau un air agréable,sans aucune des capacités de décision que leurscollègues masculins ont. »

Le fait d’être Haratine a abouti à une discriminationsupplémentaire, elle a signalé:

« Pendant de nombreuses années, je n’ai pas eu uneseule promotion. Mes collègues viennent et sontpromus au dessus de moi, année après année. Jepense que c’est en raison de mon appartenance àune caste d’esclaves présumée. C’est une injusticesociale. »

Discrimination dans l’emploi

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criminalise le viol, il ne définit pas ce crime ni décrit lecomportement à être interdit, ce qui entrave sérieusementl’efficacité de la disposition contre le viol. Comme cité ci-dessus, les femmes ou les filles qui sont victimes de violsont souvent stigmatisées; en cas de grossesse suivant leviol, les victimes ont même été poursuivies pour adultèreou fornication (zina) en raison d’une affirmation erronéeselon laquelle les femmes ne peuvent pas tomber enceintessans leur consentement.50 Dans d’autres cas, cependant, lesfamilles ont apporté soutien aux victimes.

La situation des femmes Haratines dans le mariage Le code du statut personnel de la Mauritanie donneofficiellement le mari compétence exclusive en matièrefamiliale en vertu de l’article 56.51 Ce manque d’égalitéentre hommes et femmes dans le mariage a été mis enévidence dans les interviews. Lorsqu’on leur a demandé siles hommes Haratines ont une expérience différente enMauritanie que les femmes Haratines, les réponses ontsoulevé une foule de questions. Certaines femmes ontconstaté que les hommes qui ont été opprimés peuventavoir tendance à reproduire cette l’oppression sur ceuxsous leur pouvoir - à savoir les femmes. D’autres ontarticulé les multiples formes de discrimination qu’ellessubissent dans la société mauritanienne, comme Haratineet comme femmes mariées à des maris autoritaires. Elles seréfèrent également à l’impact de l’autorité parentale, et lafaçon dont, dans leur expérience, elle semble être pluscontraignante sur les femmes que sur les hommes.

Il ya une série d’autres problèmes concernantl’institution et la pratique du mariage. La première de cespréoccupations est relative au mariage forcé ou précoce. La

seconde, l’abandon et le divorce, démontre l’impact deplusieurs facteurs, y compris la migration des hommes enquête de travail; la capacité du mari de rejeterunilatéralement sa première épouse, en contractant desmariages polygames; et les vues traditionnelles restrictivesdu rôle de la femme dans le mariage.

La violence domestique et les abusEn Mauritanie, de nombreuses femmes vivent avec lafamille de l’époux après le mariage. Cette situation peut lesrendre très isolées et vulnérables au sein de la relationconjugale. Une personne interrogée a décrit effectivementcomment elle est privée de toute voix ou de protection ausein de la famille:

« Je vis avec toutes sortes de violence de la part de monmari et sa famille ... Les femmes n’ont aucun mot àdire dans les affaires du ménage. Mon beau père esttrès autoritaire envers les femmes. Je ne peux rienfaire. C’est la façon traditionnelle ... Je suis mariée àun homme que je n’ai pas choisi; personne ne m’ademandé mon avis. C’est la violence, même si ellen’est pas comme ce celle exercée sur les esclaves ... Je nesuis pas à l’aise dans mon mariage, je me sens commeje suis l’objet d’un acte de violence continuelle, et jene peux rien faire à ce sujet. »

Alors que la plupart des femmes n’étaient pas assezfranches sur la violence domestique et les abus qu’ellessubissent, cela était implicite dans beaucoup de leurspropos sur le contrôle, le comportement restrictif par leursmaris dans le contexte de relations de pouvoir inégales.Une femme a déclaré:

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La discrimination, les effets d’une histoire de la violencesexuelle contre les femmes Haratines au sein de l’institutionde l’esclavage et la persistance de l’esclavage et despratiques esclavagistes rendent les femmes Haratinesparticulièrement vulnérables aux violences sexuelles au seinde la société mauritanienne. Cela peut se manifester à lamaison, comme décrit par ailleurs, mais les laisseégalement plus exposées à de tels risques en public.

Dans un tel cas, une Haratine née en liberté, diplôméede l’université et célibataire a été attaquée et violée pardes étrangers quand elle essayait de visiter un parent àl’hôpital. Elle avait pris un taxi tôt le matin, avec unhomme et une femme à l’intérieur en plus du chauffeur detaxi. Le chauffeur a déposé la première femme, mais au

lieu de l’emmener, elle, à l’hôpital, il l’avait conduite à uneplage déserte où lui et l’autre homme l’ont agressée etlaissée sur place. Un passant l’a emmenée au poste depolice, et de là, elle a été emmenée à l’hôpital. Les deuxhommes ont finalement été arrêtés par la police.

La personne interrogée a décrit le soutien qu’elle areçu d’une ONG locale dans le traitement du traumatismecausé par l’incident, et dit qu’elle prie pour avoir la forcede le surmonter. Elle vit à la maison, et signale que safamille a peur chaque fois qu’elle est en retard à lamaison. À propos de la réaction de sa famille à l’incident,elle a expliqué «Certains d’entre eux ont trouvé cela trèsdifficile au début, mais [depuis] ils ont tous été avec moi,pour me soutenir.»

Etude de cas: la menace de la violence sexuelle

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21ENCORE LOIN DE LA LIBERTÉ: LA LUTTE DES FEMMES HARATINES EN MAURITANIE

« Je suis mariée à mon cousin, qui ne veut pas me voir.Il ne me donne rien à manger ou à porter. Il dittoujours qu’il n’a pas d’argent, et il ne peut pasquitter ses parents. J’ai résisté longtemps, vivant avecmes beaux-parents - la famille de mon oncle, qui esttrès autoritaire envers les femmes. »

Lorsqu’on lui a demandé directement si elle avait subides violences domestiques ou sexuelles, cette interrogée anié, disant à l’intervieweur: «Je ne suis pas une esclave.»Mais à la fin de l’entrevue, en réponse à la dernièrequestion, elle a répondu, «J’étais l’objet de la violence».

Mariage forcé ou précoceComme mentionné précédemment dans ce rapport, lesmariages précoces forcés sont considérés dans le cadre desnormes internationales comme une forme contemporained’esclavage. Le Code du statut personnel de 2001 prévoit lelibre consentement des deux parties à un mariage;cependant, tandis qu’une femme adulte doit donner sonconsentement, pour une jeune fille le silence peut êtreconsidéré comme un consentement («le silence de la jeunefille vaut consentement»).52 Selon le Comité pourl’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, leCode du statut personnel de la Mauritanie permet auxtuteurs d’autoriser le mariage des filles de moins de 18 ans.53

L’étude de base a indiqué que le mariage précoce estun problème important chez les Haratines: la pauvreté estcitée comme la principale raison pour laquelle les parentschoisissent d’arranger des mariages pour leurs très jeunesfilles. Un autre facteur indiqué dans l’étude est la réactionculturelle au viol, avec certains parents Haratines soucieuxde minimiser le stigma du viol sur l’honneur de leurfamille en offrant rapidement la victime en mariage. Dansles interviews, plusieurs femmes ont déclaré avoir étécontraintes à des mariages précoces par leurs parents.Dans la plupart des cas, elles ont cité la tradition commela raison de leur mariage forcé ou précoce et leurincapacité à refuser. Les récits de leurs expériences ontindiqué que le mariage forcé ou précoce pose, auxcouples, des obstacles qui ne sont pas faciles à surmonter.Une femme a déclaré :

« Je travaille comme domestique pour soutenir mesquatre enfants. Je suis mariée mais je suis le seulpourvoyeur, car mon mari n’a pas de travail. Notresituation est vraiment catastrophique, et notremariage a des difficultés parce que mon mari est tropproche de ses parents. Nous sommes mariés sans notreconsentement - nos parents ont choisi pour nous, et lacoutume veut que nous nous marions la personne quenos parents choisissent pour nous. »

L’abandon et le divorceLa recherche indique qu’il existe un certain nombre defacteurs qui semblent contribuer à l’abandon et le divorceau sein de la communauté Haratine en Mauritanie. L’unde ces facteurs est l’impact de la migration des hommes enquête de travail. Comme mentionné ci-dessus, les famillesHaratines vivent dans un contexte marqué de plus en pluspar la migration urbaine, où les effets du changementclimatique et l’épuisement des ressources naturelles forcentles anciens éleveurs ou agriculteurs à quitter leur terre pouressayer de trouver du travail dans les villes et les centresurbains dans les secteurs de la construction, du commerceou autres domaines. Cet exode aurait été fréquent, à uncertain niveau, pendant des décennies, les hommesrevenant périodiquement, de leur travail dans les villesrégionales ou centres urbains, dans leur terroir pourentreprendre la culture ou la récolte. Mais on croit que cetexode est devenu de plus en plus prononcé. En effet, cephénomène a des conséquences graves, tel que le fait queles maris et les pères passent des durées de plus en pluslongues loin de leurs familles - dans certains cas, lesabandonnant complètement. Certaines sources indiquentque les taux de divorce et d’abandon ont grimpé danscertaines communautés.54

Le mari d’une interviewée l’a quittée pour une duréede sept ans, ayant seulement un contact de téléphone entreeux. Elle était enceinte au moment de son départ, et elle aindiqué que l’incertitude de sa situation a affecté ledéveloppement de la grossesse. À son retour, ils sontrevenus ensemble, mais il a quitté d nouveau et elle n’a paseu de nouvelles de lui depuis. Elle ne sait même pas s’il estencore en vie. Elle était dans un état de grande détressepsychologique et difficultés matérielles, pour soutenir elle-même et sa fille en travaillant comme domestique. Depuis,elle a pris un autre mari et est enceinte, mais ses frères et sacommunauté l’ont rejetée, la qualifiant de «prostituée».Elle recherche le soutien d’une ONG pour aider àstabiliser sa situation.

Dans le cas d’absence prolongée, le Code du statutpersonnel de la Mauritanie permet à la mariée de stipulerque son mari ne peut pas prendre une autre femme, oubien elle peut avoir le mariage dissous par un juge etdemander une indemnisation.55 En pratique, cependant, iln’est pas clair si cette disposition s’applique. Dans denombreux cas, le mari n’a plus de contact réel avec lafamille, et offre peu ou pas de soutien. Les entretienstémoignent du préjudice et de la souffrance cela cause àcertaines femmes et leurs enfants. Une personne interrogéea déclaré:

« Je suis divorcée de mon mari, qui m’a rejetée. Il sebat beaucoup, et rentre à la maison très tard, il abeaucoup d’autres femmes. Il m’a laissée parce que

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j’osais exprimer mon malheur avec son comportement.Ce n’est pas acceptable ... Les femmes doivent êtretotalement soumises. Ses parents et notre imam étaienten sa faveur, et je suis retournée à mes parents. Ilavait l’habitude de contribuer un peu pour soutenirles enfants, mais il ne le fait plus. J’ai décidé de vivreseule et faire face à la réalité de la vie avec mesenfants. »

Une autre femme a partagé une histoire similaire:

« Je vends du tissu au marché. C’est tout ce que je peuxfaire, puisque je n’ai pas étudié beaucoup. J’ai quittél’école à 15 ans pour un mariage précoce, mais quin’a pas marché. Mon mari m’a divorcé, et mesparents ne voulaient pas me ramener à cause de lahonte à ma famille. Maintenant, je vis seule avecdeux enfants. »

Une troisième interviewée avait eu sept enfants avec sonmari quand il a commencé une deuxième famille. Elle aporté l’affaire devant les tribunaux. Elle a indiqué que, aprèsde nombreuses difficultés économiques et morales, et avecl’aide d’une ONG locale, il ya deux ans, elle et son mari ontconclu une entente de pension alimentaire par laquelle il laprend, elle et ses enfants, en charge, selon ses moyens.

Le Code du statut personnel de la Mauritanie permetaussi à l’homme de s’engager dans la polygamie danscertaines conditions, y compris le consentement de lafemme, et permet la répudiation des épouses et prévoitque le mariage peut être dissout à la seule volonté dumari.56 Un certain nombre de femmes activistes ont

divorcées par leurs maris parce qu’elles ont refusé de seconformer au rôle de soumission qui leur est indiquée parla tradition sociale. Une femme, qui a travaillé pendantdes années dans une ONG pro-Haratines a étéabandonnée par son mari parce qu’il considérait sontravail comme contraire à sa croyance religieuse. Elle adécrit la situation en Mauritanie en termes clairs:

« L’ignorance et la marginalisation économique sontsystématiquement encouragées par nos autoritéspolitiques et religieuses, avec des conséquences graves:la majeure partie des femmes Haratines sont réduitesà l’emploi dans tous les travaux les plus serviles. C’estainsi que j’ai décidé de rejoindre les efforts de certainsautres, pour contribuer à la sensibilisation des femmes... Certaines personnes n’en sont pas contentes. »

Une deuxième femme fait écho à cette expérience:

«Je travaille au sein de la société civile, pour une ONGqui sensibilise et essaie de changer les mentalités surles groupes vulnérables tels que les analphabètes etceux qui ne savent pas comment faire valoir leursdroits. Je le fais pour servir mon pays ... Plus d’unefois, j’ai été divorcée à cause de mon travail. Noussommes une société «où les coutumes et traditionsimposent des limites à la liberté des femmes. »

Ces cas illustrent la vulnérabilité des femmescourageuses qui travaillent pour améliorer leur propresituation et celle de leur communauté plus large vis-à-visdes valeurs sociétales répressives.

22 ENCORE LOIN DE LA LIBERTÉ: LA LUTTE DES FEMMES HARATINES EN MAURITANIE

Une femme enceinte a indiqué qu’elle et ses deux fils ontété abandonnés par son mari. Il était son cousin et a étéchoisi pour elle par ses parents: comme elle le dit, «Je nepouvais pas refuser leur choix.» Elle ajoute: «J’ai résisté auxconditions dans lesquelles je vivais pendant un temps long,mais quand il [son mari] a pris une seconde épouse, et nedonnait plus rien pour soutenir nos enfants, et bien ... »

Depuis qu’il a pris une seconde épouse, son mari nelui donne plus ni nourriture ni habits, et ne contribue enrien à l’entretien de leurs enfants. Pour survivre, elletravaille comme domestique pour certains Maures

blancs, qu’elle décrits comme étant bons envers elle; sesfrères l’aident aussi quand ils le peuvent. Elle indique queles hommes Haratines ont une meilleure chance, car ilspeuvent, au moins, quitter la maison pour chercher dutravail, une option qui n’est pas à sa disposition. Elle luttepour joindre les deux bouts, notamment parce que sagrossesse l’a fait se sentir malade et entravé sa capacitéà travailler, et parce que, même si elle a des documentsd’identité, ils sont en la possession de son mari quirefuse de les lui donner. Elle a demandé l’aide d’uneONG de soutien.

Etude de cas: l’expérience de l’abandon

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Bien que les histoires de vie de beaucoup de femmesHaratines en Mauritanie, y compris les interviewées duprésent rapport, reflètent un courage et une déterminationextraordinaires, les obstacles à leur pleine jouissance d’unecertaine gamme de droits de l’homme sont néanmoinsconsidérables. Un certain nombre de problèmes essentielssont évidents dans la perpétuation des abus et de ladiscrimination, reflétés par les témoignages recueillis ici.Alors que la dynamique de cette marginalisation estcomplexe et de multiples-couches, certains des principauxfacteurs sont résumés ci-après.

Les femmes Haratines en tant qu’individusLe manque d’éducation et d’opportunités est auto-régénérateur et handicapant. Sous l’institution del’esclavage, les maîtres privent leurs esclaves de toute formede l’éducation, de la formation dans les compétences de lavie ou de la préparation pour la survie dans le reste dumonde. Bien que ceci est le résultat direct des abus etexploitation par leurs anciens propriétaires, cela peut êtreune source de honte pour les esclaves nouvellementaffranchis. Comme les Haratines sont soumis à despréjugés et de la discrimination par d’autres groupes enMauritanie, ce sentiment de honte semble persister mêmedes générations après qu’une famille Haratine auraitéchappé à l’esclavage. Les Haratines nés en liberté sevoient refuser un accès égal à l’éducation et aux moyens desubsistance; leur pauvreté en résultant alimente le préjugéqu’ils sont intrinsèquement inférieurs et incapables dechanger.

Les femmes Haratines, en particulier celles qui sontnouvellement émancipées, sont objectivées par leursmaîtres et par d’autres en situation d’autorité. C’est ainsiqu’elles ont décrit être vues ou traitées comme des «biens»,«objets sans valeur», «sans valeur», «animaux», «objets deplaisir», «sous-humains». Cette situation est liée à lapratique courante des élites esclavagistes de priver lesfemmes d’avoir contrôle sur leur vie ou de faire leurpropre choix.

Les femmes Haratines dans la familleAu sein de l’institution de l’esclavage, les maîtresprennent volontairement des mesures pour affaiblirl’institution de la famille. Ils brisent les famillesnucléaires, séparant les parents des leurs enfants et lesfrères et sœurs les uns des autres ; ils ruinent les mariagesHaratines en commettant des viols et de la servitudesexuelle contre les femmes Haratines. Ce qui leur prive dela protection et du soutien qu’un lien familial fort peutdonner aux Haratines nés libres face aux difficultés.

L’oppression subie par les hommes Haratines, esclaves oulibres, est souvent répercutée dans leurs relations avec lesfemmes Haratines. De cette façon, les femmes Haratinesfont face à une double discrimination; elles sontmaltraitées en tant que Haratines, et aussi en tant quefemmes. Certains observateurs ont indiqué que lespréoccupations des femmes sont marginalisées dans lemouvement antiracisme en général en Mauritanie; parexemple, le Manifeste Haratine d’avril 2013 mentionnéailleurs dans ce rapport, tout en évoquant les questions degenre en général, ne fait aucune référence aux expériencesspécifiques des femmes Haratines.

Lorsque les maris ont la capacité de répudierunilatéralement leurs épouses et de dissoudre leurmariage, y compris dans le but de prendre une secondeépouse, les premières épouses et leurs enfants souffrentfréquemment. Selon les femmes interrogées, dans cescirconstances, l’homme consacre plus de temps et plus deson revenu sur sa seconde famille, au détriment du bien-être de la première.

Les Familles Haratines sont particulièrement vulnérablesaux pressions sociétales plus larges, telle quel’augmentation des migrations urbaines, qui déstabilisentleurs liens familiaux déjà faibles. Lorsque les maris et lespères se déplacent vers les centres urbains pour trouver dutravail, le gain monétaire éventuel à la famille est moinsimportant que les risques pour sa stabilité. Beaucoup dechefs de famille qui quittent en quête de travail nes’acquittent plus jamais de leurs obligations commeauparavant.

23ENCORE LOIN DE LA LIBERTÉ: LA LUTTE DES FEMMES HARATINES EN MAURITANIE

Facteurs et aspects de la marginalisation

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Les femmes Haratines dans la société

Les préjugés contre les Haratines sont tellement profondsque le fait d’être nés libres, ou d’être nouvellementémancipés, fait peu ou pas de différence à la perceptiondes Haratines comme esclaves. D’autres identifient lesHaratines par leur couleur de peau et les considèrent touscomme esclaves à se méfier de et à négliger,indépendamment de leur statut réel, leur passé ou leurscapacités. Les femmes nouvellement émancipées et cellesnées libres travaillant au marché se voient refuser dumicrocrédit pour leurs petites entreprises; les femmesprofessionnelles sont privées de la promotion dans lafonction publique. C’est ainsi que les différencesd’éducation et de revenu entre ces femmes ne sont paspertinentes - la discrimination dont elles font face est lamême.

Les femmes Haratines sont vulnérables à la violence et lesabus sexuels. L’impact des générations d’esclavage, durantlesquelles les femmes Haratines ont été traitées comme desobjets et ont été victimes de la prédation sexuelle continuedes propriétaires d’esclaves, sans parler de la persistance decette pratique aujourd’hui, signifie que, sur certainsniveaux, il ya une tolérance accrue généralement des abussexuels contre les Haratines. Les dispositions inadéquatesdu Code pénal mauritanien et, en particulier, sonincapacité à définir le crime de viol, ainsi que la pratiqued’accuser la victime d’adultère en cas de grossesse due auviol, rendent cette vulnérabilité encore plus profonde.

Les perceptions erronées sur la religion ont joué un rôleimportant en permettant l’esclavage et l’oppression desfemmes au sein des foyers. Les esclaves ont été informésque leur situation était la volonté d’Allah pour leur vie; lesfemmes ont été abandonnées parce que leur travail ou leur

insistance pour avoir une voix dans leur mariage a étéconsidérée par leurs maris contraires à leurs principesreligieux.

L’abolition de l’esclavage est cruciale; Mais ce n’est qu’unepremière étape pour créer l’égalité. Les problèmes auxquelssont confrontés les Haratines nés en liberté se recoupent àun degré frappant avec ceux que rencontrent les femmesencore asservies: la vulnérabilité aux mariages précoces,l’abandon et la violence familiale; le manque d’éducation;perspectives de subsistance extrêmement limitées; manquede confiance dans les autorités; et l’expérience de ladiscrimination. La liberté importe, mais ne peut pas à elleseule corriger l’impact des siècles de domination.

Le manque de confiance dans les autorités est répanduparmi les Haratines. Parmi les anciens esclaves, la police etd’autres agents de l’Etat ont été utilisés comme desmenaces ou des punitions, et ils étaient craints enconséquence. Même la plupart des femmes nées libresn’avaient jamais eu aucun contact avec des représentantsdu gouvernement. Une femme a dit que les autoritésvoient les Haratines comme des sous-humains, tandis qued’autres personnes interrogées doutaient que les gens aupouvoir savaient même de leur existence.

La terre est une question particulièrementproblématique. Les problèmes liés à la propriété foncièredoivent être abordées, en particulier lorsqu’ellesconcernent les anciens maîtres et les esclaves. Les récentesarrestations des militants anti-esclavagistes dans le cadred’une campagne pour la réforme agraire ne sont qu’uneindication de la sensibilité de cette question. Compte tenudes pressions autour des terres en raison du changementclimatique et l’évolution des ressources, cette question seraun domaine de conflit potentiellement croissant si aucunmécanisme n’est pas établi pour traiter les litiges foncierset assurer une répartition plus équitable.

24 ENCORE LOIN DE LA LIBERTÉ: LA LUTTE DES FEMMES HARATINES EN MAURITANIE

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25ENCORE LOIN DE LA LIBERTÉ: LA LUTTE DES FEMMES HARATINES EN MAURITANIE

Pour le gouvernement de la Mauritanie

En ce qui concerne la législation en vigueur:

• Promouvoir la mise en œuvre et le respect de lalégislation de lute contre l’esclavage. En particulier, laloi de lutte contre l’esclavage de 2007 continue d’êtrebafouée aujourd’hui, malgré sa criminalisation clairede l’esclavage. Le gouvernement doit veiller à ce quecette législation soit mise en œuvre et de soutenir lesefforts de plaidoyer à cet effet. Cela devrait inclure lesoutien et le financement des avocats indépendants etdes organisations de la société civile pour leurpermettre d’intenter des poursuites au nom desvictimes afin de faciliter leur accès au système dejustice. Cela devrait également être accompagné d’uneformation à tous les niveaux d’application de la loi, ycompris pour la police, les procureurs et les juges, surdes questions clés telles que la législation de luttecontre l’esclavage, les droits de l’homme, les droits desfemmes et d’autres dispositions antidiscriminatoires.

• Modifier les codes et les lois existants qui perpétuentla discrimination entre les sexes et la violence. Unepriorité immédiate doit être l’annulation dedispositions permettant le mariage précoce et l’octroide tout contrôle en matière de mariage au mari. Lesdispositions légales en matière de répression du viol etd’agression sexuelle devraient également êtrerenforcées et soutenues par la sensibilisation et lamobilisation sur la responsabilité pénale.

Les préjugés sociaux et la discrimination:

• Défier et combattre les préjugés populaires et lesstéréotypes vis-à-vis des Haratines pour s’attaqueraux attitudes sociales qui sous-tendent leurdiscrimination. En partenariat avec les associationsciviles, les dirigeants communautaires et d’autresintervenants, le gouvernement doit mener unecampagne de sensibilisation à l’échelle nationale sur lesformes d’esclavage moderne qui persistent aujourd’huien Mauritanie. Le dialogue entre les groupes ethniquesest essentiel. En outre, en s’appuyant sur l’affirmation

des valeurs islamiques dans la loi de 2007criminalisant l’esclavage, le gouvernement devraits’engager à entreprendre des consultations et des tablesrondes d’une manière régulière avec les chefs religieuxpour discuter de la façon dont les deux parties peuventlutter contre l’esclavage en envoyant un messagepositif sur la base des valeurs islamiques contre cettepratique.

• S’attaquer aux causes profondes de la discriminationcontre les Haratines. Bien que l’abolition effective del’esclavage est essentielle pour mettre fin àl’exploitation des femmes Haratines, les autoritésdoivent également résoudre les inégalités plus largesqui affectent les anciens esclaves et leurs descendantspour empêcher la continuation des conditionsanalogues à l’esclavage. Cela comprend d’assurer lajouissance adéquate des services de base tels quel’éducation, l’application de l’égalité d’accès à la justiceet à l’assistance juridique, la formation et autresmoyens de vie. La question de la réforme agraire, ycompris les questions et problèmes fonciers entreHaratines et Maures blancs, devrait également êtreabordée d’une manière transparente et équitable.

En ce qui concerne les mesures et les initiatives existantes:

• Appuyer la société civile et les organes de contrôledans la mise en œuvre de programmes de lutte contrel’esclavage. Bien que la feuille de route contrel’esclavage représente une étape importante, les progrèsdans la réalisation de ses dispositions ont été jusqu’icilimités. Des mécanismes pratiques tels que lesorganismes consultatifs mixtes et les procédures deplaintes, avec des budgets adéquats pour lefinancement et la dotation en personnel, devraient êtremises en place pour s’assurer que les représentants dela société civile et des communautés Haratinespeuvent utilement éclairer la conception et ledéveloppement de ces mesures.

• Établir et fournir des ressources pour desprogrammes visant à renforcer les familles par la luttecontre la nécessité de la migration urbaine. Cesprogrammes pourraient inclure la distribution desterres, le soutien du revenu, la formationprofessionnelle et d’autres mécanismes pour aider les

Recommandations

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chefs de famille à entretenir leurs familles sans avoir àles laisser derrière.

• Améliorer la conception des programmes desensibilisation et d’assistance pour cibler activementles Haratines vulnérables et démunis. Comme unepremière étape importante, les autorités devraientmener une enquête et une évaluation à l’échellenationale sur les conditions de la communautéHaratine pour identifier les besoins et les priorités. Enparticulier, les systèmes de soutien tels que la

dispensation de conseils, les centres de conseild’emploi et la formation professionnelle doivent êtremis en place au profit des esclaves nouvellementlibérés, avec la participation des représentantsreconnus de la communauté Haratine, y compris lesfemmes. Ces mécanismes devraient également êtresensibles au genre, à travers la formation du personnelet d’autres mesures, pour s’assurer qu’ils répondentaux besoins particuliers des femmes et des fillesnouvellement libérées.

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27ENCORE LOIN DE LA LIBERTÉ: LA LUTTE DES FEMMES HARATINES EN MAURITANIE

1 Conseil des droits de l’homme de l’ONU (CDH), Rapport duRapporteur spécial sur les formes contemporainesd’esclavage, y compris ses causes et ses conséquences,Mme Gulnara Shahinian, Additif: mission en Mauritanie, 24Août 2010, A / HRC / 15/20 / Add.2, par. 34.

2 Voir notamment CDH, Rapport du Rapporteur spécial sur lesformes contemporaines d’esclavage, y compris ses causes etses conséquences, Mme Gulnara Shahinian: Mission de suivien Mauritanie, le 26 Août 2014, A / HRC / 27/53 / Add.1; CDH,Rapport du Rapporteur spécial sur les formes contemporainesde racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et del’intolérance, Mutuma Ruteere, Additif: mission en Mauritanie,le 3 juin 2014, A / HRC / 26/49 /Add.1, par. 34.

3 CDH, Rapport du Rapporteur spécial sur les formescontemporaines de racisme, op. cit., par. 7.

4 ASI, MRG et SOS-Esclaves, «Présentation à la 109e sessiondu Comité des droits de l’homme de l’ONU (14 Octobre-Novembre 1 2013)», 9 Septembre 2013, par. 6, récupéré 19Janvier 2015.

5 Fondation «Walk Free Foundation», Indice Globald’Esclavage, Récupéré le 6 Janvier 2015,http://www.globalslaveryindex.org.

6 CDH, Rapport du Rapporteur spécial sur les formescontemporaines de racisme, op. cit., par. 6.

7 «Manifeste Pour Les Droits Politiques, Economiques etsociaux des Haratines au sein D’une Mauritanie unie,égalitaire et réconciliée Avec elle-même», Avril 2013.

8 RFI, «Les descendants des esclaves en Mauritaniemanifestent», 30 Avril 2014, récupéré 19 Janvier 2015,http://www.rfi.fr/afrique/20140430-descendants-esclaves-manifestent-mauritanie

9 Programme des Nations Unies pour le développement(PNUD), Rapport sur le développement humain 2014:Soutenir le progrès humain: Réduire les vulnérabilités etaccroître la résilience, New York, PNUD.

10 Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard desfemmes (CEDAW), Observations finales sur les deuxième ettroisième rapports périodiques conjoints de la Mauritanie,CEDAW / C / MRT / CO / 2-3 18 Juillet 2014, par. 5.

11 Ibid., Para. 12 et 18.12 L’Organisation de l’alimentation et de l’agriculture (FAO) et le

Programme alimentaire mondial (PAM), «La sécuritéalimentaire et les implications humanitaires en Afrique del’Ouest et du Sahel», Note d’information no. 53, Février 2014.

13 Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR),‘Profile d’opérations HCR pour l’année 2015 par pays –Mauritanie’, Récupéré le 6 Janvier 2015, http://www.unhcr.org/cgi-bin/texis/vtx/page?page=49e486026&submit=GO.

14 Central Intelligence Agency (CIA), The World Factbook,récupéré le 6 Janvier 2015, https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/mr.html.

15 CDH, Rapport du Rapporteur spécial sur les formescontemporaines d’esclavage, 2014, op. cit., par. 39.

16 ASI, «Le travail forcé en Mauritanie», présentation enconformité avec la convention no 29 de l’OIT sur le travailforcé, Juillet 2008, p. 2.

17 Gouvernement de la Mauritanie, Loi n ° 2007-048 du 3septembre 2007 Portant incrimination de l’esclavage etRéprimant les Pratiques Esclavagistes, adoptées le 13Décembre de 2007.

18 L’Authentique Quotidien Mauritanie, ‘Khotba unifiée surl’esclavage: Le faux bond du Grand Imam’, 15 Décembre2014, Récupéré le 6 Janvier 2015,http://www.lauthentic.info/spip.php?article9402.

19 Société des Nations, convention de supprimer la traitenégrière et l’esclavage, de 1926, art. 1.

20 Nations Unies, Convention supplémentaire relative àl’abolition de l’esclavage, de la traite des esclaves et desinstitutions et pratiques analogues à l’esclavage, 1956, Arts 1 (c) (i) et 2.

21 CDH, Rapport du Rapporteur spécial sur les formescontemporaines d’esclavage, 2010, op. cit., par 22-7.

22 ASI, MRG et SOS-Esclaves, op. cit., par. 31. 23 Ibid., Par 10-11. 24 CDH, Rapport du Rapporteur spécial sur les formes

contemporaines de racisme, op. cit., par. 20. 25 ASI, MRG et SOS-Esclaves, op. cit., par. 31.26 CDH, Rapport du Rapporteur spécial sur les formes

contemporaines d’esclavage, 2014, op. cit., Résumé.27 Ibid. 28 Philips, M., ‘Mauritania: the thorn in the side of President Aziz

digs deeper’, («Mauritanie: l’épine dans le pied du présidentAziz s’enfonce plus profondément»), Middle East Eye, le 23Décembre 2014, Récupéré le 6 Janvier2015,http://www.middleeasteye.net/in-depth/features/Mauritania-thorn-side-president-aziz-digs-deeper-1896188481.

29 Amnesty International, la Mauritanie doit lever les restrictionssur les militants anti-esclavagistes», 12 Novembre 2014,Récupéré le 6 Janvier 2015, http://www.amnesty.org/en/news/mauritania-must-end-clamp-down-anti-esclavage activistes-12/11/2014.

30 CDH, Rapport du Rapporteur spécial sur les formescontemporaines d’esclavage, 2010, op. cit., par. 38.

31 Ibid., par. 43.32 Ibid., par. 40. 33 Ibid., par. 39.34 CDH, Rapport du Rapporteur spécial sur les formes

contemporaines de racisme, op. cit., par. 40.35 Ibid., Par. 57.36 CDH, Rapport du Rapporteur spécial sur les formes

contemporaines d’esclavage, 2010, op. cit., par. 13. 37 L’information présentée au CDH par la Commission nationale

des droits de l’homme de la Mauritanie A / HRC / 27 / NI / 1,4 Septembre 2014, p. 3.

38 CEDAW, op. cit., par. 16.39 CDH, Rapport du Rapporteur spécial sur les formes

contemporaines d’esclavage, 2010, op. cit., par. 41. 40 CDH, Rapport du Rapporteur spécial sur les formes

contemporaines de racisme, op. cit., par. 50. Dans saréponse écrite à son rapport, le gouvernement de laMauritanie a exprimé son désaccord et l’a renvoyé auprogramme de réduction de la pauvreté de l’agenceTadamoun. Voir: Réponse du Gouvernement de laRépublique Islamique de Mauritanie au Rapport préliminairedu Rapporteur spécial des Nations Unies sur les formescontemporaines de Racisme, de Discrimination Raciale, dexénophobie et de l’intolérance Qui y est associé, le 5 Juin2014, A / HRC /26/49/Add.2, point 46h. Néanmoins, certainscritiques ont mis en doute l’efficacité de la Tadamoun.

41 ASI, MRG et SOS-Esclaves, op. cit., par. 12.

Notes

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28 ENCORE LOIN DE LA LIBERTÉ: LA LUTTE DES FEMMES HARATINES EN MAURITANIE

42 CEDAW, op. cit., par. 34.43 CDH, Rapport du Rapporteur spécial sur les formes

contemporaines d’esclavage, 2010, op. cit., par. 35.44 CDH, Rapport du Rapporteur spécial sur les formes

contemporaines de racisme, op. cit., par. 50.45 CEDAW, op. cit., par. 42.46 ASI, MRG et SOS-Esclaves, op. cit., par 12 et 43.47 CEDAW, op. cit., par. 42. 48 Ibid., Par. 40.49 CDH, Rapport du Rapporteur spécial sur les formes

contemporaines de racisme, op. cit., par. 7.

50 Ibid., Par 26-7.51 Gouvernement de la Mauritanie, Loi n° 2001-052 DU 19

Juillet 2001 Code du Statut Personnel Portant, le 19 Juillet2001.

52 Ibid., Art. 5 et 9.53 CEDAW, op. cit., par. 46.54 IRIN, «L’Exode rural perturbe l’ordre social en Mauritanie»,

16 Janvier 2014.55 Gouvernement de la Mauritanie, 2001, op. cit., Art. 28-9.56 Ibid., Art. 45 et 83.

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Encore loin de la liberté: la lutte des femmes Haratines en Mauritanie

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La Mauritanie est régulièrement classée comme le pireendroit au monde en matière d’esclavage, avec desdizaines de milliers de personnes toujours réduits enservitude totale à travers le pays. Cette pratique, en dépitd’être officiellement criminalisée, continue d’êtremaintenue par la marginalisation systématique de lagrande population Haratine de Mauritanie. La situation estparticulièrement précaire pour les femmes Haratines, quisont victimes de discrimination en raison de leur sexemais aussi de leur origine ethnique.

Le présent rapport, Encore loin de la liberté: la lutte desfemmes Haratine de Mauritanie, s’appuie sur la rechercheétendue et des témoignages directs des femmesHaratines. En plus de souligner la réalité quotidienne desabus et de l’oppression vécus par les personnes enservitude - allant de l’exploitation au travail, l’intimidationet la soumission au viol, la violence et la séparation forcéedes familles - il explore aussi comment les Haratinesanciens esclaves et leurs descendants se heurtent encoreà la stigmatisation généralisée. La profonde discriminationvécue par les femmes Haratines, même au sein de leurpropre communauté, est favorisée par la réticence desautorités à prendre des mesures significatives pour réduirede tels abus et violations.

Néanmoins, bien que ces obstacles puissent êtreécrasants, de nombreuses femmes Haratines ontdémontré beaucoup de courage et de déterminationdans leur lutte pour l’égalité et pour une plus grandeautonomie dans leur propre vie. Malgré les dangers et larésistance profonde que leurs activités confrontent, ycompris de la part des hommes de leur proprecommunauté, les femmes Haratines ont joué un rôle depremier plan dans la promotion de leurs droits etl’obtention de réparation pour les abus commis à leurencontre. Bien que l’abolition immédiate de l’esclavageen Mauritanie soit une première étape cruciale dans laréduction de la plupart des pires abus et violations desdroits humains commis contre les femmes Haratines, unprocessus plus large de réforme sociale etinstitutionnelle sera également nécessaire avant queleurs droits et sécurité puissent être assurés.

Ces questions ne peuvent être traitées que par unprocessus global et durable de réforme sociale etinstitutionnelle, avec la participation du gouvernementnational, la société civile mauritanienne, les organismesd’application de la loi et la communauté internationale.

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