mémoire de fin d'études - le cirad à madagascar...mémoire de fin d'études présenté...
TRANSCRIPT
Mémoire de fin d'études
Présenté pour l'obtention du diplôme MASTER 3A
(Master Agronomie Agro-Alimentaire) Spécialité: M2 SAT (Systèmes agraires tropicaux et gestion du développement)
Parcours : MOQUAS (Marché Organisation Qualité Services dans les agricultures du Sud)
Etude d’impact du commerce équitable :
Cas de l’Union des Coopératives Lazan'ny Sambirano dans le
nord-ouest de Madagascar
par Paulin P. MATCHON
Année de soutenance : 2016
Organismes d'accueil : Ethiquable (Union des Coopératives Lanzan’ny Sambirano)
Mémoire de fin d'études
Présenté pour l'obtention du diplôme MASTER 3A
(Master Agronomie Agro-Alimentaire) Spécialité: M2 SAT (Systèmes agraires tropicaux et gestion du développement)
Parcours : MOQUAS (Marché Organisation Qualité Services dans les agricultures du Sud)
Etude d’impact du commerce équitable :
Cas de l’Union des Coopératives Lazan'ny Sambirano dans le
nord-ouest de Madagascar
par Paulin P. MATCHON
Année de soutenance : 2016
Mémoire préparé sous la direction de :
Stéphane FOURNIER
Elisabeth RASSE-MERCAT
Présenté le : 25/10/2016
Membres du jury :
Pierre LERAY (SupAgro)
Adrien BRONDEL (ETHIQUABLE)
Stéphane FOURNIER (SupAgro)
Elisabeth RASSE-MERCAT (SupAgro)
Organismes d'accueil : Ethiquable
(Union des Coopératives Lanzan’ny
Sambirano)
Maître de stage (ETHIQUABLE):
Stéphane SENAN
i MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
« Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable lui assurant, ainsi qu'à sa famille,
une existence conforme à la dignité humaine »
Déclaration universelle des droits de l'homme – article 23
ii MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
RESUME
Le commerce équitable, semble être une alternative très intéressante pour les petits producteurs
des pays du Sud. En leur garantissant un prix minimum en plus de la prime de développement, il
leur permet d’accéder aux marchés internationaux et d’avoir des prix plus rémunérateurs. De
nombreux producteurs profitent aujourd’hui de ce marché afin d’améliorer leur revenu et leurs
conditions de vie. Ils sont pour la plupart insérés dans des filières où ils sont désa vantagés,
comme c’est le cas dans la filière cacao. La prise de conscience progressive des consommateurs,
de plus en plus nombreux à consommer les produits issus du commerce équitable, favorise la
croissance du marché.
A Madagascar, pays producteur de cacao fin (cacao réputé), la filière est contrôlée par une
poignée d’acteurs (exportateurs et collecteurs) qui imposent leurs règles aux producteurs.
Ethiquable entreprise française et acteur important du commerce équitable en France a noué
depuis 2010 un partenariat avec une organisation de producteurs de cacao, l’UCLS. Grâce à ce
partenariat, les producteurs et leurs organisations commercialisent leur cacao labélisé Bio aux
conditions du commerce équitable. La présente étude a été commanditée par Ethiquable afin
d’évaluer le partenariat en cours dans le but d’en détecter les forces et les faiblesses et aussi de
produire de l’information qui pourra être diffusée dans les réseaux du commerce équitable. Pour
ce faire, une étude de la filière a été réalisé, à travers des enquêtes auprès des producteurs de
cacao membres et non membres de l’organisation, des collecteurs, des plantations industrielles,
des exportateurs et d’autres acteurs intervenant d’une manière ou d’une autre dans la filière.
De l’étude, il ressort que les producteurs du commerce équitable ont pu améliorer leurs revenus
grâce au différentiel de prix avec le marché conventionnel. Avec le commerce équitable, les
producteurs ont pu améliorer leurs conditions de vie et leur capacité d’investissement. Cependant
tous les producteurs adhérents au commerce équitable n’en profitent pas réellement. Il s’agit là
surtout des plus petits producteurs qui vivent avec moins de 1 ha de superficie de cacao et ont
des revenus ne dépassant pas le seuil de survie. Ceci est dû à de nombreux dysfonctionnements
au sein de l’UCLS à savoir : le manque de services adaptés aux besoins des producteurs, la faible
capacité d’action collective au sein des organisations de base, un retard du préfinancement de la
collecte, et une faible autonomie financière de l’organisation de producteurs. Malgré sa fébrilité,
l’organisation de producteurs influence tout de même la filière et le développement économique
et local du territoire. Le commerce équitable a permis d’amorcer une nouvelle dynamique dans la
région du Sambirano à travers une organisation créée pour les producteurs et par les producteurs
afin de défendre leurs intérêts. Pour faire profiter l’ensemble de ces membres, l’organisation
devra s’atteler à la résolution des problèmes qui freinent son développement.
Mots clés :
Action collective ; Commerce équitable; Ethiquable ; Filière cacao ; Impact; Organisation de
producteurs ; Prix minimum ; Prime de développement ; Préfinancement ; Sambirano.
iii MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
ABSTRACT
Fairtrade seems to be a very attractive alternative for small producers in Southern countries. Guaranteeing a fairtrade minimum price and a development premium to producers enables them
to access to international markets and better prices. Nowadays, many producers benefit from this
market to improve their income and living conditions. They are mostly integrated in value chains
where they are disadvantaged, such as cocoa value chain. As the consumer’s awareness and
consumption for fairtrade products increases, the market growth is promoted.
Madagascar is a cocoa producing country which produces beans of quality but the cocoa value
chain is controlled by few actors (exporters and collectors) who impose their rules to producers.
A French company called Ethiquable, which is a major player of fairtrade in France since 2010,
has established a partnership with UCLS, a cocoa producer’s organization in Madagascar.
Through this partnership, the cocoa producers and their organizations market their cocoa under the label Bio and Fairtrade. This study was sponsored by Ethiquable to assess the partnership
with UCLS in order to identify its strengths and weaknesses and for information outreach in the
fairtrade networks. To reach this objective, a value chain study has been achieved through cocoa
producers’ surveys (UCLS members or not), collectors, industrial plantations, exporters and
other actors integrated in the cocoa value chain.
The study shows that Fairtrade producers could improve their incomes through the price
differential with the conventional market. With fair trade, cocoa producers were able to improve
their living conditions and their investment capacity. However, fairtrade is not profitable for all
the UCLS members, in particular for smaller producers who have less than 1 ha of cocoa with
incomes not exceeding the survival threshold. This is due to many dysfunctions within the UCLS: the lack of services tailored to the cocoa producers’ demand, the low capacity for
collective action in grassroots organizations, a delay for harvest prefinanc ing, and the low
financial autonomy of producers’ organization. Despite its fragility, the producers’ organization
still influences the cocoa value chain and the economic and local territory development.
Fairtrade has helped to initiate a new dynamic in the Sambirano region through an organization created by cocoa producers for themselves to defend their interests. To include all these
members, UCLS has to solve the problems that hinder its development.
Key words:
Collective action; Fairtrade; Ethiquable; cocoa value chain; impact; producers organization;
Fairtrade minimum price; development premium; prefinancing; Sambirano.
iv MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
REMERCIEMENTS
« Pour qu’un enfant grandisse, il faut tout un village ». Proverbe africain
Je tiens à exprimer ma profonde gratitude à toute l’équipe Ethiquable pour m’avoir fait confiance
en me recrutant pour ce stage. Merci également pour la disponibilité et le suivi tout au long du
stage. Spécial remerciement à Stéphane SENAN qui malgré la distance n’a ménagé aucun effort
pour que mon stage se déroule dans la sérénité.
Je souhaite remercier, toute l’équipe pédagogique de l’Institut des Régions Chaudes pour les
enseignements dispensés durant l’année universitaire qui ont été d’une très grande utilité durant
la réalisation du stage. Merci en particulier à Stéphane FOURNIER et Elisabeth RASSE-
MERCAT pour l’encadrement et le suivi de qualité dont j’ai bénéficié durant chaque étape
décisive du stage.
Un grand merci à ma collègue Malala RAMARLINA qui a été d’une importance capitale pour
le stage. Grâce à elle, j’ai pu de nouveau apprécier le travail en équipe. Elle n’a ménagé aucun
effort pour que l’ambiance de travail soit agréable.
Merci infiniment à l’équipe AVSF Madagascar qui s’est occupé de la logistique du stage. Merci
à toute la formidable équipe de l’UCLS qui nous a accueillis dans ses locaux durant le stage.
Mes sincères remerciements vont à l’endroit des animateurs (Laza, Samuel et Florent) qui
malgré un planning serré n’ont pas hésité à nous conduire sur nos différents lieux d’e ntretien et
nous faire découvrir la culture locale. Merci également à Albert et Murielle pour leur
disponibilité.
Merci à tous les acteurs (Chocolaterie Robert, CINAGRA, Helvetas, PIC, MNP,…) qui ont
consacré de leurs temps pour nous recevoir.
Merci à toute l’équipe d’Ambanja pour m’avoir aidé chaque fois qu’ils ont pu durant le stage et
pour avoir rendu ce séjour inoubliable : Thomas, Yvan, Davy, Marine, Fabien, Estelle,
Nathanaël, Aurélien, Solange, Nicole, Martina, Marina, Efiza, Halem, Anaïs,…
Enfin je remercie ma famille, et à tous ceux qui m’ont soutenu de près ou de loin durant le stage.
A ma maman DOSSOU A. Catherine pour tous les sacrifices consentis pour ma réussite.
v MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
TABLE DES ILLUSTRATIONS Figure 1: Prix de la fève de cacao à la bourse de new york. Source: Basic, d'après les données de l'ICCO (1989-2014). ..............4
Figure 2: Capacité de transformation du cacao des entreprises du secteur. Source: Hardman & Co, 2014 et ICCO, 2015............4
Figure 3: Le marché de la fabrication du chocolat. Source: Candy Industry, 2014. .........................................................................5
Figure 4: Evolution des prix payés aux producteurs en comparaison avec l'évolution des cours mondiaux. Source: UNCTADstat, FAOstat et bases de données de l'ICCO. .............................................................................................................................................5
Figure 5: Evolution du marché commerce équitable en France de 2004 à 2015. Source: PFCE, 2015. ...........................................8
Figure 6: Part du Bio dans le commerce équitable en France de 2012 à 2015. Source: PFCE, 2015. .............................................8
Figure 7: Comparaison des ventes de commerce équitable en Europe. Source: PFCE, 2015. ..........................................................9
Figure 8: Localisation et description des coopératives de cacao partenaires d'Ethiquable (nom, date du partenariat et nombre de produits référencés chez Ethiquable). Source: http://www.ethiquable.coop/producteurs ................................................................11
Figure 9: localisation des coopératives partenaires, d’Ethiquable à Madagascar. Source : Ethiquable-AVSF, Mars 2016..........12
Figure 10: Méthode d'évaluation d'impact. Source : CIEDEL .........................................................................................................16
Figure 11: Les différentes étapes de l'analyse filière, Méthode CADIAC, CIRAD 1998. .................................................................18
Figure 12: Grille d'analyse méso-système UCLS/filière cacao. .......................................................................................................20
Figure 13: Grille d'analyse des ménages agricole. ...........................................................................................................................22
Figure 14: Méthode de comparaison avec un groupe de référence. .................................................................................................22
Figure 15: Mode d'échantillonnage du groupe 1. .............................................................................................................................23
Figure 16: Calculs d'évaluation économique du système de production. (Source : Etudiants MOQUAS Supagro/IRC). ...............24
Figure 17: Carte administrative du District d'Ambanja. Source: UNICOSA 2013. .........................................................................26
Figure 18:Image satellite de la vallée du Sambirano. Source : Google map 2016. .........................................................................28
Figure 19: Pluviométrie moyenne annuelle d'Ambanja. Source: FOFIFA- Ambanja, 2012. ...........................................................29
Figure 20: Evolution de la température annuelle moyenne dans le district d'Ambanja. Source: Millot SA, 2013. .........................30
Figure 21: Evolution du cheptel bovin dans le Sambirano. Source: Anysse.B, 2015. ......................................................................32
Figure 22: Evolution des prix du café à la bourse de Londres depuis 1960. Source: INSEE, 2009. ...............................................33
Figure 23: Processus de diffusion des cultures de rente chez les paysans. ......................................................................................34
Figure 24: Evolution de la production de cacao à Madagascar. Source: FAOstat, 2015. ...............................................................34
Figure 25: Mutation de la filière cacao suite aux réformes du gouvernement nationaliste. ............................................................35
Figure 26: Comparaison des prix à la tonne du cacao malgache et ivoirien. Source: FAOstat, 2015. ...........................................37
Figure 27: Dynamiques agraires de la zone d'étude. ........................................................................................................................39
Figure 28: Représentation actuelle simplifiée de la filière cacao dans la zone d'étude. ..................................................................41
Figure 29: Le cacao malgache et la production mondiale. Source: INSTAT, 2014. ........................................................................42
Figure 30: Récapitulatif de la filière cacao de Madagascar. ...........................................................................................................45
Figure 31: Dynamique de capitalisation dans la zone d'étude. ........................................................................................................47
Figure 32: Comparaison des VAB/ha/an des SC et ST cacao. ..........................................................................................................49
Figure 33: Comparaison des VAB/hj des SC et ST cacao avec le salaire minimum journalier. ......................................................49
Figure 34: Comparaison des revenus agricoles par type par rapport au seuil de survie.................................................................65
Figure 35: Organigramme de fonctionne de la faîtière. ...................................................................................................................67
.Figure 36: Représentation du fonctionnement pyramidale de l'UCLS. ...........................................................................................72
Figure 37: Perception du commerce équitable par les administrateurs de l'UCLS. ........................................................................80
Figure 38: Evolution de la prime ESR de l'UCLS, d’après les données de l’UCLS .........................................................................82
Figure 39: Evolution des volumes vendus par l'union, d'après les données de l'UCLS ..................................................................82
Figure 40: Evolution des prix du cacao dans le Sambirano, d'après les données de l'UCLS et autres ...........................................83
Figure 41: Evolution du préfinancement sur deux ans, d'après les données de l'UCLS...................................................................84
Figure 42: % du prix FOB allant aux producteurs en fonction des exportateurs. Enquêtes terrain 2016. ......................................85
Tableau 1: Les 5 aires de changements du commerce équitable. Source: dispositif de mesure d'impact AVSF, 2005. ...................14
Tableau 2: Typologie des systèmes de productions. ..........................................................................................................................74
vi MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
TABLE DES ANNEXES
Annexe 1: Partenariats Ethiquable à Madagascar. ...........................................................................................................................D
Annexe 2: Guide d’entretien de l’UCLS. ............................................................................................................................................ E
Annexe 3: Guide d’entretien des acteurs de la filière cacao. .............................................................................................................H
Annexe 4: Guide d’entretien des producteurs ..................................................................................................................................... I
Annexe 5: Liste des variables et indicateurs. .................................................................................................................................... M
Annexe 6: Estimation des rendements de cacao. ................................................................................................................................ P
Annexe 7: Quelques acteurs de la filière enquêtés. ............................................................................................................................Q
Annexe 8: Calcul du seuil de survie ................................................................................................................................................... R
Annexe 9: De l’autre côté le village de Migioko, difficile d’accès en saison pluvieuse (crédit : Paulin P. MATCHON, village de Migioko 2016)..................................................................................................................................................................................... R
Annexe 10: Zébus élevés au piquet (crédit : Paulin P. MATCHON, village de Migioko 2016). ....................................................... R
Annexe 11: Puits construit grâce à la prime ESR dans le village de Migioko (crédit : Paulin P. MATCHON, village de Migioko 2016). ...................................................................................................................................................................................................S
Annexe 12: Visite de la parcelle d’un producteur de l’UCLS (crédit : Paulin P. MATCHON, village d’Ambalavelona 2016). .......S
Annexe 13: Travail à la chaine chez un exportateur (crédit : Paulin P. MATCHON, Ambanja 2016). ............................................ T
Annexe 14: Aire de séchage en escalier chez un exportateur (crédit : Paulin P. MATCHON, Ambanja 2016). .............................. T
Annexe 15: Bacs de fermentation en escalier chez un exportateur (crédit : Paulin P. MATCHON, Ambanja 2016). ......................U
Annexe 16: Décabossage de cabosses cacao. ....................................................................................................................................U
Annexe 17: Fermentation chez un producteur de l’UCLS (crédit : Paulin P. MATCHON, village de Bemaniviky 2016)................ V
Annexe 18: Tablettes de chocolat produites par la chocolaterie Robert (crédit : Paulin P. MATCHON, Antananarivo, Chocolaterie Robert 2016). ............................................................................................................................................................... V
vii MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
TABLE DES MATIERES
RESUME..............................................................................................................................................................................................II
ABSTRACT .........................................................................................................................................................................................III
REMERCIEMENTS ........................................................................................................................................................................... IV
TABLE DES ILLUSTRATIONS ........................................................................................................................................................... V
TABLE DES ANNEXES ..................................................................................................................................................................... VI
GLOSSAIRE ..................................................................................................................................................................................... VIII
ACRONYMES ................................................................................................................................................................................... IX
INTRODUCTION ............................................................................................................................................................................... 1
1 CONTEXTE, JUSTIFICATION ET METHODOLOGIE DE L’ETUDE ..................................................................................... 2
1.1 CONTEXTE ET JUSTIFICATION .................................................................................................................................................. 2
1.2 PROBLEMATIQUE ET METHODOLOGIE ................................................................................................................................... 15
1.3 DIFFICULTES RENCONTREES DURANT L’ETUDE ....................................................................................................................... 25
2 LE CACAO DU SAMBIRANO : EVOL UTION HISTORIQUE DE LA FILIERE ................................................................... 26
2.1 LA VALLEE DU SAMBIRANO : UNE ZONE PROPICE A LA CULTURE DU CACAO ............................................................................. 26
2.2 LES DYNAMIQUES AGRAIRES DANS LA ZONE D'ETUDES DE 1990 A AUJOURD'HUI : LES FACTEURS DE PRODUCTIONS ET EVOLUTION
DE LA FILIERE CACAO....................................................................................................................................................................... 30
2.3 LES DIFFERENTS SYSTEMES DE CULTURES CACAO PRESENTS DANS LES EXPLOITATIONS .............................................................. 47
2.4 LES PRINCIPAUX SYSTEMES DE PRODUCTIONS ET ACTIVITES DES MENAGES .............................................................................. 50 2.5 FOCUS SUR L’UCLS ET SES COOPERATIVES DE BASE ............................................................................................................... 66
2.6 ARRIVEE DU COMMERCE EQUITABLE EN 2010 : QU’EST CE QUI A CHANGE ET QUEL IMPACT ? ................................................. 72
3 QUEL IMPACT DU COMMERCE EQUITABLE SUR LE PAYSANNAT DE LA REGION ? .............................................. 74
3.1 AIRE DE CHANGEMENT 1 : CHANGEMENTS AU NIVEAU DE LA DIFFERENCIATION SOCIAL ........................................................... 74
3.2 AIRE DE CHANGEMENT 2 : CHANGEMENTS AU NIVEAU DES FAMILLES PAYSANNES ................................................................... 76 3.3 AIRE DE CHANGEMENT 3 : CHANGEMENTS AU NIVEAU DE LA STRUCTURATION DE L’ORGANISATION DE PRODUCTEURS.............. 79
3.4 AIRES DE CHANGEMENT 4 ET 5: CHANGEMENTS AU NIVEAU DU DEVELOPPEMENT LOCAL, NATIONAL ET NIVEAU DE LA GESTION
DES RESSOURCES NATURELLES......................................................................................................................................................... 86
3.5 VERIFICATION DES HYPOTHESES ........................................................................................................................................... 87
4 DISCUSSION ......................................................................................................................................................................... 89
4.1 QUE NOUS DISENT LES DIFFERENTES ETUDES D’IMPACT DU COMMERCE EQUITABLE A TRAVERS LE MONDE ET QUE REVELE LA
PRESENTE ETUDE ? ......................................................................................................................................................................... 89
4.2 PERSPECTIVES ET RECOMMANDATIONS................................................................................................................................. 93
CONCLUSION .................................................................................................................................................................................. 96
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES ............................................................................................................................................... A
ANNEXES ........................................................................................................................................................................................... D
RESUME............................................................................................................................................................................................W
viii MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
GLOSSAIRE
Le concept de système agraire : Permet de comprendre à un moment donné de son histoire, le
fonctionnement et les conditions de reproduction du secteur agricole d’une société. Le concept
de système agraire englobe à la fois le mode d’exploitation et de reproduction d’un ou de
plusieurs écosystèmes, les rapports sociaux de production et d’échange qui ont contribué à sa
mise en place et son développement, ainsi que les condit ions économiques et sociales
d’ensemble, en particulier le système de prix relatif, qui fixe les modalités de son intégration plus
ou moins poussée au marché mondial. » (Cochet, 2000).
Exploitation agricole : unité de production agricole dont les éléments constitutifs sont la force
de travail (familiale et salariée), les surfaces agricoles, les plantations, le cheptel, les bâtiments
d’exploitation, les matériels et l’outillage. C’est le lieu où le chef d’exploitation combine ces
diverses ressources disponib les et met ainsi en œuvre son système de production agricole
(Dufumier, 1996).
Système de culture : Ensemble des modalités techniques mises en œuvre sur des parcelles
traitées de manières identiques. Chaque système de culture se définit par :
- la nature des cultures et leur ordre de succession ;
- les itinéraires techniques appliqués à ces différentes cultures, ce qui inclut le choix des
variétés pour les cultures retenues (Sébillotte, 1982).
Système d’élevage : Ensemble d’éléments en interaction dynamique organisé par l’homme en
vue de valoriser des ressources par l’intermédiaire d’animaux domestiques pour en obtenir des
productions variées (lait, viande, cuirs et peaux, travail, fumure, etc…) ou pour répondre à
d’autres objectifs (Landais, 1992 ).
Système de production agricole : Mode de combinaison entre terre, force et moyens de travail
à des fins de production végétale et animale, commun à un ensemble d’exploitations. Un système
de production est caractérisé par la nature des productions, de la force de tra vail (qualification),
des moyens de travail mis en œuvre et par leurs proportions (Reboul, 1976).
Productivité du travail : Valeur ajoutée par unité de travail. La productivité du travail peut être
calculée par travailleur disponible ou rapportée à la durée effective du travail. L’augmentation de
la productivité du travail dans une entreprise peut se manifester par un accroissement des valeurs
ajoutées et (ou) une diminution du nombre total de travailleurs nécessaires. Il importe alors
d’examiner si les travailleurs dont l’entreprise n’a plus besoin sont à même de retrouver un
emploi productif par ailleurs, au risque sinon de voir diminuer la productivité par travailleur
disponible dans la société toute entière.
Revenu agricole : Différence entre le produit brut d’une exploitation agricole et l’ensemble des
charges fixes et variables pour une période donnée. Ce revenu agricole doit permettre pour une
part de rémunérer l’exploitant agricole et ses travailleurs familiaux et de financer d’une autre part
tous les investissements destinées à accroître les capacités productives de l’exploitation.
L’Ariary : Monnaie locale. 1 euro correspond à 3.500 Ariary.
ix MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
ACRONYMES
ADAPS : Association pour le Développement Agricole et le Paysannat dans le Sambirano
AVSF : Agronomes et Vétérinaires Sans Frontières
AFDI : Agriculteur Français et Développement International
CE : Commerce Equitable
CEAMP : Centrale d’Equipement Agricole et de Modernisation du Paysannat
CNIA : Compagnie Nosy-Béene d’Industrie Agricole
CIRAD : Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le
développement
ESR : Equitable Solidaire et Responsable
ESS : Economie Social et Solidaire
FAO: Food and Agriculture Organization of the United Nations
FMI : Fonds Monétaire International
FOFIFA : Centre National de la Recherche Appliquée au Développement rural
FOB : Free On Board
GMS : Grande et Moyenne Surface
IRC : Institut des Régions Chaudes
ICCO : International Cocoa Organization
MNP : Madagascar National Parks
ONG : Organisation Non Gouvernementale
PFCE : Plate-Forme pour le Commerce Equitable
PAS : Programme d’Ajustement Structurel
PIC : Pôles Intégrés de Croissance
SCOP : Société Coopérative
SIDI : Solidarité Internationale pour le Développement
SINPA : Syndicat Industriel National de Production Agricole
UCLS : Union des Coopératives Lazan’ny Sambirano
UNICOSA : Union des Communes du Sambirano
1 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
INTRODUCTION
Troisième marché alimentaire mondial derrière le sucre et le café, le cacao est l’une des matières
premières agricoles emblématique de l’ère coloniale. L’essentiel de la production mondiale de
cacao est assuré par environ 5 millions d’exploitations familiales dans les pays du Sud et est
destiné au marché des pays du Nord. Avec une consommation de chocolat en constante
augmentation, la demande en cacao est très importante. Dans une filière dominée par les
multinationales et dans laquelle les cours mondiaux du cacao sont très instables, les prix payés
aux producteurs sont sous pression. C’est dans ce contexte que des acteurs du commerce
équitable développent des filières durables pour permettre aux producteurs de cacao de vivre de
leur activité.
A Madagascar, où est produit l’un des meilleurs cacao au monde, Ethiquable a noué un
partenariat avec une organisation de producteurs de cacao. L’objectif de ce partenariat
commercial est de permettre à ces producteurs d’accéder à un marché plus rémunérateur et
d’améliorer leurs revenus. Le partenariat vise également à renforcer les capacités de
l’organisation de producteurs afin que celle-ci puisse influencer le développement économique et
local de sa zone d’implantation.
C’est dans ce cadre que s’inscrit ce stage commandité par Ethiquable. Il a consisté à analyser
l’impact du commerce équitable développé par l’entreprise sur l’organisation de producteurs
partenaire à Madagascar. Le stage s’est déroulé, dans le nord-ouest de l’île plus précisément à
Ambanja dans la vallée du Sambirano, capitale du cacao malgache pour une durée de 5 mois
dans l’organisation. L’objectif principal est d’évaluer le partenariat en cours dans le but d’en
détecter les forces et les faiblesses et aussi de produire de l’information qui pourra être diffusée
dans les réseaux du commerce équitable.
Dans la première partie de ce mémoire, nous aborderons le contexte de l’étude, la problématique
ainsi que la méthodologie utilisée. La deuxième partie du document expose le diagnostic sur la
zone d’étude, la filière cacao et l’organisation de producteurs. La troisième partie met l’accent
sur l’impact identifié à différents niveaux. Et enfin la dernière partie est consacrée à la discussion
des résultats de notre analyse en les comparants avec des résultats obtenus pour le même type
d’étude ailleurs dans le monde.
2 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
1 CONTEXTE, JUSTIFICATION ET METHODOLOGIE DE L’ETUDE
1.1 CONTEXTE ET JUSTIFICATION
1.1.1 Le commerce équitable : définitions et principes du concept
Le commerce équitable
D’après la définition retenue par le consensus FINE1 en 2001 :
«Le Commerce Equitable est un partenariat commercial, fondé sur le dialogue, la transparence
et le respect, dont l'objectif est de parvenir à une plus grande équité dans le commerce mondial.
Il contribue au développement durable en offrant de meilleures conditions commerciales et en
garantissant les droits des producteurs et des travailleurs marginalisés, tout particulièrement au
Sud de la planète. Les organisations du Commerce Equitable (soutenues par les consommateurs)
s’engagent activement à soutenir les producteurs, à sensibiliser l’opinion et à mener campagne
en faveur de changements dans les règles et pratiques du commerce international
conventionnel».
En France, il a été instauré à partir de 2005, un cadre réglementaire du commerce équitable pour
mieux clarifier l’utilisation du terme. L’article 60 de la loi du 2 août 2005 sur les Petites et
Moyennes Entreprises a posé les bases d’une définition légale du commerce équitable et l’a
identifié comme un outil de la stratégie nationale de développement durable. Des modifications
ont été ensuite apportées aux alinéas II et III de la loi du 2 août 2005. La plus intéressante est
l’article 94 de la loi sur l’économie sociale et solidaire du 31 juillet 2014 et le décret
d’application qui lui est associé2. Ce nouvel article a fait évoluer la définition du commerce
équitable en étendant son champ d’application aux échanges avec les producteurs au Nord,
notamment en France. C’est grâce à ce nouveau cadre règlementaire qu’Ethiquable a pu lancé sa
gamme de produits Paysans d’Ici3.
Les principes de base du commerce équitable
Les modifications apportées à cet article 60, ont permis également de bien clarifier les principes
sur lesquels repose le commerce équitable. Les principes fondamentaux de base du commerce
équitable sont les suivants :
Des filières plus courtes : permettant aux producteurs et à leurs organisations un accès
direct aux marchés.
Un accès au marché privilégié pour les producteurs les plus pauvres et marginalisés.
Un prix minimum garanti permettant aux producteurs de faire face aux fluctuations des
prix des matières premières sur les marchés.
Une prime de développement que les producteurs s’engagent à réinvestir dans des actions
de développement local (infrastructures, services sociaux, etc…).
Un préfinancement garanti par les acheteurs si nécessaire.
1 FINE est une coordination informelle des acteurs du commerce équitable réunissant les grands réseaux
internationaux (FLO, WFTO, EFTA, NEWS).Elle a vu le jour en 1998. https://fr.wikipedia.org/wiki/FINE 2 http://www.commercequitable.org/lecommerceequitable/defin itions -cadres-legaux.html 3 La gamme Paysan d’Ici qui est composé de produits bio équitables issus des terroirs de France est la première
initiative du commerce équitable Nord-Nord en France
3 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Un principe d’engagement sur le long terme entre les acheteurs du Nord et les
organisations de producteurs du Sud.
Un engagement sur la gestion démocratique de l’organisation de producteurs.
Une traçabilité des produits assurée par des organismes spécialisés chargés de veiller à
l’application des cahiers de charges des labels.
Le respect de ces principes garantit un commerce équitable pouvant impacter durablement les
producteurs, leurs organisations et les territoires ruraux dans lesquels ils vivent, quel que soit la
filière concernée.
1.1.2 La filière cacao dans le monde : une filière régit par une poignée de multinationales
Une concentration en aval de la filière
Troisième marché alimentaire mondial derrière le sucre et le café, le cacao est l’une des matières
premières agricoles emblématique de l’ère coloniale p roduite en majorité par les paysans des
pays du Sud et destiné au marché des pays du Nord. L’essentiel de la production mondiale de
cacao est assuré par des exploitations familiales dont le nombre est estimé à au moins 5 millions
et qui cultivent des surfaces allant de 2 ha à 10 ha. Historiquement implantées en Amérique du
Sud (Equateur, Brésil, etc…) puis récemment en Asie (Malaisie, Indonésie, etc…), les grandes
plantations de cacao sont minoritaires et représentent moins de 10% de la production mondiale.
Cela s’explique principalement par le fait que la mécanisation des plantations de cacaoyères est
très difficile du fait de la densité importante d’arbre et d’un besoin important de main d’œuvre
pour l’entretien des vergers (Squicciarini et Swinnen, 2016).
D’après MaxHavelaar4, la Côte d’ivoire et le Ghana représente près de 70% de la production
mondiale évaluée à 4 millions de tonnes. Selon Barry Callebaut leader mondial du secteur, la
demande devrait dépasser les 4,5 millions de tonnes d’ici 2020 à cause notamment de
l’émergence de nouveaux marchés (Russie, Inde, Chine, Brésil, etc…). La forte croissance de la
demande a pour effet une course à la production pour alimenter les marchés internationaux.
C’est pour réduire les coûts de transaction sur ces marchés que la standardisation de la fève de
cacao a été instaurée (Shapiro et Varian, 1999). Cette standardisation a eu pour phénomène
corollaire un accroissement accru de la volatilité des prix internationaux du cacao. De ce fait, le
cacao est devenu une matière première agricole spéculative comme tous les autres (Figure 1).
4 http://www.maxhavelaarfrance.org/cacao.html
4 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Figure 1: Prix de la fève de cacao à la bourse de new york. Source: Basic, d'après les données de l'ICCO (1989-2014).
Le graphique que voici, nous montre à quel point les prix du cacao (Mai 1989 à Janvier 2014) sont volatiles.
De ce fait, de nombreuses entreprises spécialisées dans le négoce (Cargill, ADM, etc…) des
matières premières agricoles entrent en jeu et s’en suit un ballet de fusion et acquisition des
entreprises du secteur. La conséquence de cette stratégie est qu’aujourd’hui, la chaine de valeur
cacao-chocolat, estimée à environ 100 milliards de dollars en 2014 selon MaxHavelaar est
détenue par une poignée de multinationales qui règnent en maîtres sur cette filière. Les 4 plus
grandes entreprises de broyage de fèves de cacao à savoir Barry Callebaut, Cargill, ADM et
Blommer contrôlent plus de la moitié de la transformation primaire du cacao (environ 60%). De
la même façon, près de 50% de la fabrication du chocolat est faite par une poignée d’entreprises
à savoir: Mars, Mondelez international, Nestlé, Hershey’s et Ferrero (Figures 2 et 3).
Figure 2: Capacité de transformation du cacao des entreprises du secteur. Source: Hardman & Co, 2014 et ICCO, 2015.
5 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Figure 3: Le marché de la fabrication du chocolat. Source: Candy Industry, 2014.
Causes et conséquences d’une désynchronisation de l’amont et de l’aval de la filière
Des estimations 5 considèrent que la part du producteur de cacao, dans le coût de la barre
chocolaté au lait est de 4%, les autres ingrédients comptant pour 6%. Le transformateur se taille
la part du lion avec 51%, la publicité elle revient à 6.5% et enfin le distributeur représente les
28% restant. Ces chiffres montrent que nous sommes en présence d’une filière régit par les
transformateurs et les fabricants de chocolat qui captent l’essentiel de la valeur ajoutée. Face à
cette situation oligopolistique, les paysans des pays producteurs sont impuissants et peinent à
tirer leur épingle du jeu. Ceci se traduit par la baisse constante de leur rémunération surtout en
période de chute des prix (Figure 4).
Figure 4: Evolution des prix payés aux producteurs en comparaison avec l'évolution des cours mondiaux. Source: UNCTADstat,
FAOstat et bases de données de l'ICCO.
5 Barrientos S., «Beyond Fair Trade : why are mainstream chocolate companies pursuing socialand economic
sustainability in cocoa sourcing ? », Institute for Developpement Policy and Management, Université de Manchester
6 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Ce déséquilibre s’explique également par le fait qu’aujourd’hui, nous sommes dans un contexte
de marché libre qui historiquement a été favorisé par le démantèlement des caisses de
stabilisations des prix du cacao dans les principaux pays producteurs. Ceci, sous l’égide des
institutions de Breton Woods vers la fin des années 1980 et début 1990 (Squicciarini et Swinnen,
2016). Il faut rajouter à cela le fait que la part du cacao dans les produits chocolatés finaux est en
diminution progressive.
Les faibles revenus perçus par les producteurs font que ces derniers vivent sous le seuil de
pauvreté. Etant donné qu’ils habitent dans des zones rurales, de nombreux agriculteurs n’ont pas
accès aux infrastructures de base (routes, eau potable, santé, etc…). L’absence d’infrastructure
éducative dans ces zones fait que l’on se trouve dans certains cas en présence d’enfants qui
travaillent dans des conditions très diffic iles. C’est le cas de la Côte d’Ivoire où en 2002, entre
5000 et 10.000 enfants se sont retrouvés à travailler malgré eux dans les plantations de cacao
(Schrage et Ewing, 2005). Il est également important de souligner que la filière cacao a un
important impact environnemental. L’augmentation de la production mondiale de cacao se fait
par extension des surfaces, majoritairement prélevées sur les forêts tropicales afin de bénéficier
d’un rendement intéressant et de limiter le recours à la main d’œuvre au début de la plantation.
C’est ce à quoi on assiste en Côte d’Ivoire où il reste moins de 20% de la ressource forestière
(Koné et al., 2014). Il est inutile de rappeler l’impact que peut avoir cette déforestation sur le
climat qui à son tour aura une répercussion sur les rendements.
Face à tous ces problèmes le commerce équitable est une alternative pour bon nombre d’acteurs.
Il a pour vocation de redonner du pouvoir aux producteurs et de préserver l’environnement.
1.1.3 Les filières équitables : une opportunité pour les producteurs des pays du Sud
Les premiers mouvements à s’opposer aux filières agroalimentaires conventionnelles voient le
jour au début des années 1960 avec à leur tête les mouvements du commerce équitable et de
l’agriculture biologique. Ces deux mouvements remettent en cause le fonctionnement des filières
agroalimentaires conventionnelles. Pour trouver une solution à la crise causée par la pratique des
prix bas et la difficulté d’accès aux marchés pour les petits producteurs, le commerce équitable
labellisé a été lancé, entre la fin des années 80 et le début des années 90. Basé sur les principes
énumérés plus haut, le commerce équitable en assurant une meilleure rémunération vise
l’amélioration des conditions de vie des producteurs mais aussi l’autonomisation de leurs
organisations en insistant sur les aspects social, économique et environnemental.
En l’espace de deux décennies, le commerce équitable a connu une ascension fulgurante bien
au-delà de ce qu’auraient surement imaginé les précurseurs. Cette croissance spectaculaire est
due à plusieurs facteurs : un marché mondial des produits labellisés en pleine croissance
(demande en augmentation), une diversification des produits et services labellisés proposés et
une meilleure communication à l’endroit des consommateurs et d’un public plus large.
7 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Le commerce équitable dans le monde
D’après le rapport d’activité 2014-2015 du label Fairtrade/MaxHavelaar, le marché mondial des
ventes de produits équitables labellisés Fairtrade/MaxHavelaar équivaut à 5,9 milliards d’euros
sur cette période. Ces produits sont consommés dans plusieurs pays (Europe, Canada, Etats-
Unis, Australie, Japon, etc…). L’émergence de nouveaux marchés tels que l’Inde, le Kenya et
l’Afrique du Sud est également un atout. En 2013 près de 30 000 produits issus du commerce
équitable sont commercialisés dans le monde. 1,5 millions de producteurs et travailleurs
bénéficient du commerce équitable labellisé Fairtrade/MaxHavelaar. Ils sont regroupés au sein
de 1226 organisations, essentiellement des coopératives. En comptant leurs familles, on estime
que cela représente environ 8 millions de personnes bénéficiaires dans les 74 pays d’Afrique,
d’Amérique latine et d’Asie.
Pour le cacao, seulement 1,4% de la production mondiale est vendue en commerce équitable
Fairtrade et produit par plus de 180.000 petits producteurs. Euromonitor international estime que
les ventes de confiseries à base de chocolat labélisées ont dépassé les 300 millions de dollars US
en 2009 (Agritrade, 2011). Entre temps, les volumes de fève de cacao commercialisés en
commerce équitable ont triplé, ce qui amène à penser que les ventes aux consommateurs ont
suivi la même tendance entre 2009 et 2015 (Basic, 2016). L’augmentation des ventes de cacao
labellisé Fairtrade s’explique par la certification d’un certain nombre de produits chocolatés
destiné à la consommation de masse. A titre d’exemple récent en 2014, Mars s’est engagé à
approvisionner toutes ses barres à destination du Royaume Uni et de l’Irlande en cacao certifié
Fairtrade (Fairtrade International, 2015). Les chiffres du label Fairtrade/Max Havelaar ont été
choisis pour illustrer l’état du commerce équitable au niveau mondial car ce label est le leader
incontestable sur le marché.
Le commerce équitable en France
Selon un rapport de la Plateforme du Commerce Equitable (PFCE6) qui présente l’évolution du
commerce équitable en 2015, le marché confirme sa bonne santé et affiche une croissance de
17,5% pour 2015. Ceci équivaut à un chiffre d’affaire de 660 millions d’euros en 2015 comparé
à 94 millions d’euros en 2004. Il faut souligner que pour la première fois, les chiffres du
commerce équitable Nord-Nord ont été pris en compte dans le calcul de cette croissance grâce à
l’entrée en vigueur de la loi sur l’économie sociale et solidaire en 2014. Ainsi, sur la période
allant de 2012 à 2015, le commerce équitable affiche une croissance globale de 72% (Figure 5).
6 La PFCE est une instance de concertation et de mobilisation qui représente et fédère les acteurs du commerce
équitable en France. Elle a été créée en 1997 et a pour principale mission de défendre et de promouvoir le commerce
équitable. Elle regroupe en son sein : des organisations d’appui au Sud, des importateurs (grossistes et détaillants),
des réseaux de distribution spécialisés, des opérateurs de tourisme équitable, des associations de promotion et de
labellisation, ainsi que des structures de solidarité internationale.
http://www.commercequitable.org/lapfceetsesmembres/le-collectif.html
8 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Figure 5: Evolution du marché commerce équitable en France de 2004 à 2015. Source: PFCE, 2015.
Estimé à 25 millions d’euros en 2015, le marché français des tablettes de chocolat labellisées
commerce équitable ne représente que 1% du marché. La spécificité de ce marché est que 90%
des tablettes labellisées commerce équitable le sont aussi en agriculture biologique alors que sur
le plan mondial, seulement 15% du cacao labellisé commerce équitable est certifié Agriculture
Biologique (Basic, 2016).
De plus en plus de produits labellisés commerce équitable ont également la labellisation en
Agriculture Biologique. Cette corrélation entre les produits issus du commerce équitable et de
l’Agriculture Biologique, s’explique par le fait que les produits labellisés Bio-équitable sont plus
crédibles aujourd’hui aux yeux du consommateur. Le Bio renforce l’assurance d’une meilleure
préservation de l’environnement. Depuis 2012, la part des produits Bio-équitables au sein des
ventes de produits issus du commerce équitable Sud-Nord est en nette augmentation : 63% en
2012 à 71,20% en 2015 (Figure 6). Par ailleurs, 100% du commerce équitable Nord-Nord est
Bio.
Figure 6: Part du Bio dans le commerce équitable en France de 2012 à 2015. Source: PFCE, 2015.
9 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
A titre indicatif, en 2013 220.000 ha de plantations de cacao étaient cultivés en agriculture
biologique, soit 2,3% des 9,9 millions d’hectares de cacao. L’Amérique produit 90% du cacao
mondial issu de l’agriculture biologique avec trois pays en tête à savoir : la République
Dominicaine, le Pérou et le Mexique.
En termes de consommation de produits issus du commerce équitable (figure 7), la France est
très loin derrière des pays comme le Royaume-Uni ou la Suisse. Selon la PFCE, le marché du
commerce équitable en France n’est pas encore arrivé à maturité et a une très grande marge de
progression. En France les produits alimentaires viennent en tête (91,78%) des produits du
commerce équitable avant le textile (3,12%), les cosmétiques (2,71%), les fleurs (1,36%),
l’artisanat (0,74%) et le tourisme (0,52%).
Figure 7: Comparaison des ventes de commerce équitable en Europe. Source: PFCE, 2015.
Au vu de tout ce qui précède, il est clair que le commerce équitable a encore de beaux jours
devant lui. La prise de conscience progressive des consommateurs, de plus en plus nombreux à
consommer les produits issus du commerce équitable, devrait favoriser la croissance du marché.
Pour comparaison, 97% des français connaissent le commerce équitable (IPSOS, 2011) alors
qu’ils n’étaient que 9% en 2000. La démarche bénéficie par ailleurs d’un fort capital de
sympathie : les français se sentent proches de la démarche et 94% d’entre eux formulent des
appréciations positives sur le commerce équitable (Ipsos 2008 et BVA 2012). Le commerce
équitable, aujourd’hui plus que jamais, paraît être une alternative très intéressante pour les petits
producteurs des pays du Sud qui rencontrent d’énormes difficultés pour accéder aux marchés et
avoir des prix décents et plus rémunérateurs. Pour profiter de ce marché, il leur incombe de
mettre sur le marché une production respectant les normes et le cahier des charges des différents
labels commerce équitable existant et auxquels ils sont soumis. Ethiquable en nouant des
partenariats avec les organisations de producteurs des pays du Sud et même du Nord tente de
leur faire également profiter de ce marché « de niche » qu’est aujourd’hui le commerce
équitable.
10 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
1.1.4 La commande
Le commanditaire : un acteur important du commerce équitable en France
Ethiquable est une initiative née de la rencontre de trois individus venant d’horizons
professionnels différents. Ayant chacun un parcours atypique 7 , les fondateurs d’Ethiquable ont
dès le départ compris qu’en combinant leurs expériences diversifiées, ils pourraient mettre sur
pied une entreprise avec une logique de fonctionnement toute particulière. La création de la
SCOP8 (Société Coopérative) est née de l’envie qu’avaient les fondateurs d’instaurer un
commerce équitable plus démocratique et accessible au plus grand nombre en France. Pour les
créateurs de la SCOP, le nombre limité des boutiques de vente de produits équitables, la
difficulté d’accès à ces boutiques et les faibles volumes de produits équitables vendus
nécessitaient la mise en place d’une nouvelle organisation. Partant de ce constat, l’équipe
Ethiquable a eu l’idée de nouer une collaboration avec les Grandes et Moyennes Surface (GMS)
dans le but de toucher plus de consommateurs et d’écouler plus de volume. Les GMS qui ont
toujours été décriées pour leurs pratiques ne prenant pas en compte les intérêts des paysans ont
tout de suite sautés sur l’occasion, car elles ont vu là une opportunité à saisir afin de redorer leur
blason. Six mois après le lancement, l’entreprise comptait déjà parmi ses clients un géant de la
grande distribution à savoir Leclerc, qui dans 500 de ses magasins sur le plan national a
référencé de nombreux produits d’Ethiquable.
L’objectif principal de la SCOP est de collaborer avec les paysans du Sud et du Nord en leur
permettant d’accéder à un meilleur marché avec une rémunération plus juste et tout ceci en
réduisant au maximum le nombre d’intermédiaires. Ethiquable collabore aujourd’hui avec près
de 49 coopératives soit environ 35.000 producteurs d’Amérique latine, d’Afrique, d’Asie, etc…
Les principaux produits agricoles achetés par Ethiquable auprès des paysans sont essentiellement
: le café, le thé, le cacao, le sucre et les fruits tropicaux. Cet approvisionnement permet à
l’entreprise de mettre sur le marché grâce à un réseau de 4000 points de vente, 120 références
équitables et biologiques issus de l’agriculture paysanne. En termes de part de marché dans les
GMS en France, Ethiquable occupe 12% du segment. Chaque année, Ethiquable achète environ
800 tonnes de cacao à travers le monde. Les produits à base de cacao représentent selon un
membre de l’équipe environ 40% du chiffre d’affaire de la SCOP. Ce chiffre d’affaire est estimé
pour l’année 2015 à 20 millions d’euros pour l’ensemble des filiales (France, Allemagne,
Belgique, Espagne) de la SCOP. La carte ci-dessous montre la localisation des coopératives de
cacao avec lesquelles Ethiquable est en partenariat.
7 Christophe EBERHART, ingénieur agronome ayant travaillé dans des ONG d’aide au développement dans le s
pays du Sud, a une vision fine des enjeux économiques politiques et sociaux de l’agriculture paysanne. Stéphane
COMAR, économiste est spécialisé dans l’organisation et la gestion des filières agro-tropicales. Rémi ROUX,
fervent défenseur de l’économie sociale et solidaire, est l’actuel gérant élu et directeur commercial de la SCOP
Ethiquable 8 Société coopérative ayant un fonctionnement démocratique et part icipatif. Le cap ital (80% dans le cas
d’Ethiquable) est détenu par les salariés et les parts sociales ne sont pas revendables. La répart ition du pouvoir n’est
pas proportionnelle au capital investi mais se fait selon la règle 1 homme = 1 voix. Par ailleurs, le bénéfice est
réparti entre les salariés, les associés et l’entreprise. Seule la rémunération oc troyée aux associés (dividende) est
fiscalisée à l’impôt sur les sociétés. Une SCOP ne peut pas être revendue. Les modalités de gouvernance et de
gestion sont détaillées dans la loi 1978, ainsi que dans les statuts de la SCOP, rédigés à sa création
11 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Figure 8: Localisation et description des coopératives de cacao partenaires d'Ethiquable (nom, date du partenariat et nombre de
produits référencés chez Ethiquable). Source: http://www.ethiquable.coop/producteurs
Ethiquable à Madagascar : Pourquoi avoir mis en place des filières équitables
notamment celle du cacao sur l'île rouge ?
Comme tous les autres pays dans lesquels la SCOP s’approvisionne, Ethiquable a choisi
Madagascar à cause de l’importante diversité de produits tropicaux de qualité qu’on peut y
trouver. Mais, au-delà de cet aspect, le choix de Madagascar est motivé par le fait qu’il y règne
une certaine situation de précarité au sein d’une large frange de la population. Cette précarité due
notamment à la pauvreté et à l’insécurité alimentaire touche en premier lieu les paysans ; ceux- là
« qui se tuent à la tâche pour produire les nombreux produits tropicaux (cacao, café, vanille,
poivre, fruits, etc…) que l’on retrouve sur nos tables en Europe et ailleurs ».
La finalité que vise Ethiquable à Madagascar est que, les organisations de producteurs
partenaires soient toutes autonomes et qu’elles puissent peser dans les grandes instances de
prises de décisions. En effet, Madagascar est un pays dans lequel les actions collectives initiées
par les producteurs afin de défendre leurs propres intérêts sont rares. Les différentes filières sont
dominées par des exportateurs qui ont le pouvoir de décision, ce qui rend les paysans dépendants
de ces derniers. Même dans le cas du commerce équitable, les organisations pour la plupart sont
créées par des exportateurs dont elles dépendent. Un représentant de la SCOP décrit la
philosophie de cette dernière en ces termes : « Or, la finalité du commerce équitable n’est pas
seulement de mieux rémunérer des petits producteurs, mais surtout de renforcer les capacités
des organisations pour qu’elles puissent dérouler leur propre projet, gagner du pouvoir au sein
des filières et négocier avec leur Etat. C’est ça notre projet à Madagascar et c’est pour ça que
nous affichons les liens direct avec les producteurs sur notre tablette Madagascar »9 . Dans cette
optique la SCOP est en partenariat avec un certain nombre d’organisations de producteurs dont
l’UCLS à qui elle achète du cacao marchand labellisé commerce équitable (Figure 9 et annexe
1).
9 http://www.ethiquable.coop/fiche-producteur/lazanny-sambirano-commerce-equitable-a-madagascar-cacao
12 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Figure 9: localisation des coopératives partenaires, d’Ethiquable à Madagascar. Source : Ethiquable-AVSF, Mars 2016.
Le contexte justifiant la demande d'une telle étude de la part du commanditaire
Présenté comme un modèle commercial censé améliorer les revenus et les conditions de vie des
populations du Sud, le commerce équitable suscite chez les opérateurs économiques un intérêt
sans cesse grandissant. Cependant, des interrogations voient le jour sur le réel impact du
commerce équitable notamment sur les organisations, les familles et leurs territoires au Sud.
Ces interrogations et cette quête d’informations, émanent principalement:
- des consommateurs,
- des acteurs politiques,
- des agences de financement et,
- des acteurs économiques du commerce équitable au Nord (concessionnaire, grande
distribution…).
Pour le travail des acteurs chargés de la promotion du commerce équitable et regroupés au sein
de la PFCE, les informations concrètes et crédibles sont de plus en plus nécessaires. En effet la
mise à jour des impacts réels leur permettrait de :
- mobiliser et rallier de nouveaux acteurs à la cause du commerce équitable,
- améliorer les mécanismes existants,
- définir les stratégies d’accompagnement des organisations de producteurs.
Cela pour que le commerce international soit toujours plus favorable aux petits producteurs et
également pour communiquer explicitement sur le commerce équitable et faciliter sa distinction
face aux nouvelles certifications, marques autour du développement durable.
13 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
En effet, depuis quelques années une nouvelle vague de labels et de marques autour du
développement durable envahit les marchés et peut induire une certaine confusion chez les
consommateurs et les autres acteurs du commerce équitable. Ces labels ou marques n’ont pas
forcément les mêmes objectifs que le commerce équitable et de plus, leurs cahiers de charge sont
moins contraignants comparés à ceux du commerce équitable10 . De ce fait, il est important pour
le commerce équitable de se positionner et de se distinguer clairement de toutes ces nouvelles
démarches de développement durable qui n’ont pas le même impact et affaiblissent sa notoriété.
Aujourd’hui, les études de mesure d’impact du commerce équitable ne sont pas légion et justifie
le fait que de nouvelles études soient sollicitées.
Dans le souci d’évaluer les partenariats en cours afin d’en détecter les forces et les faiblesses et
aussi de produire de l’information qui pourra être diffusée dans les réseaux du commerce
équitable, la SCOP a diligentée plusieurs études dans trois pays (Côte d’ivoire, Nicaragua et
Madagascar), au sein des organisations de producteurs insérées dans les filières cacao équitable
mises en place par Ethiquable. Cette étude de mesure d’impact du commerce équitable sur le
développement local, le renforcement des OP et l’amélioration des revenus et des conditions de
vie des producteurs de l’Union des Coopératives Lanzan’ny Sambirano (UCLS) à Madagascar
répond à cette demande.
Le dispositif de mesure d’impact du commerce équitable d’AVSF
Le commerce équitable : nécessité de mettre en place un dispositif de mesure d’impact
Le dispositif de mesure d’impact n’existant pas, en 2005 Agronomes et Vétérinaires Sans
Frontières (AVSF) en collaboration avec MaxHavelaar France et Belgique a pris en charge la
construction d’un dispositif de mesure d’impact 11 . Ce dispositif a identifié 5 aires de
changements significatifs et durables permettant d’évaluer l’impact du commerce équitable avec
une différenciation selon les formes sociales des unités de production concernées (Tableau 1).
10 Le guide international des labels du comme rce équitable édit ion 2015, fait la comparaison entre les labels du
commerce équitable et les labels de développements durable. 11 Dispositif de mesure d’impact du commerce équitable, AVSF, 2005, disponible et téléchargeable sur le site
éditorial d’AVSF : www.ruralter.org . Dispositif construit avec le soutien du Ministère français des affaires
étrangères et européennes.
14 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Organisations de producteurs Travailleurs dans les agro-plantations industrielles
1. Changement au niveau de la différenciation sociale 1. changements au niveau la différenciation sociale
2. changements au niveau des familles participantes au commerce équitable
2. changements au niveau des familles participantes au commerce équitable
3. changements sur la structuration des organisations de producteurs
3. changements sur la structuration des organisations de producteurs
4. changements au niveau du développement local et national
4. changements au niveau du développement local et national
5. changements au niveau de la gestion des ressources naturelles
5. changements au niveau de la gestion des ressources naturelles
Tableau 1: Les 5 aires de changements du commerce équitable. Source: dispositif de mesure d'impact AVSF, 2005.
Il parait logique de s’inspirer de ce dispositif reconnu par Fairtrade FLO qui représente la
majorité des volumes des produits équitables agricoles échangés. Notre étude, mobilisera le
dispositif relatif aux organisations de producteurs.
Le dispositif de mesure d’impact comme levier efficace pour des démarches de développement
au Sud
AVSF12 a participé activement à l’élaboration du dispositif de mesure d’impact, et l’a utilisé
pour la réalisation d’études d’impact notamment sur les filières café, mangue, banane ou quinoa.
Il estime que ce dispositif permet de montrer clairement les effets du commerce équitable. De
plus, les études s’appuyant sur ce dispositif fournissent des éléments utiles pour la promotion du
commerce équitable et le renforcement d’action d’AVSF au service des organisations de
producteurs.
Ces études d’impacts réalisées par AVSF mettent en évidence le fait que le commerce équitable
permet de générer un impact fort lorsqu’il repose sur la participation et la consolidation des
organisations de producteurs. Cet impact se traduit par l’amélioration des conditions de vie des
familles paysannes, le renforcement des organisations de producteurs, la gestion des ressources
naturelles et divers processus de développement local et national au Sud.
Le dispositif méthodologique d’AVSF est éprouvé et adapté pour mesurer l’impact du commerce
équitable dans différentes filières. Utiliser un même dispositif permet également de comparer les
résultats de différentes situations locales. Ethiquable a donc proposé de le mobiliser sur les 3
terrains d’étude proposés.
Les objectifs de l'étude
L’UCLS a été créée pour défendre les intérêts des petits producteurs de cacao de la vallée du
Sambirano en vue d’améliorer les revenus et les conditions de vie de ces derniers. Pour ce faire,
elle a nouée entre 2009 et 2010 un partenariat avec Ethiquable acteur important du commerce
équitable en France et en Europe. Ethiquable a souhaité obtenir plus d’informations sur le réel
impact de ce partenariat pour réajuster éventuellement ses pratiques et appuis à l’UCLS.
12 Pour un commerce équitable au service des organisations paysannes. Texte de référence, Octobre 2011, 36p.
15 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
L’objectif principal de l’étude est de mesurer l’impact du commerce équitable du cacao dans la
région du Sambirano. Il consiste à :
Analyser et comprendre le méso-système13 UCLS/filière cacao
Mesurer l’impact du commerce équitable sur les ménages membres de l’UCLS et
l’UCLS
Mesurer l’impact du commerce équitable sur le développement local, national et
la gestion des ressources naturelles
1.2 PROBLEMATIQUE ET METHODOLOGIE
1.2.1 Problématique et hypothèses
Problématique
« Quel est l’impact du commerce équitable sur l’UCLS, sur les ménages membres et sur
territoire du Sambirano ? »
Les sous questions de recherches
Comment est organisée la gouvernance et la prise de décision au sein de l’UCLS ? En
quoi a-t-elle évolué ?
Quels sont les besoins en services des membres de l’UCLS ?
Les services proposés y répondent-ils ?
Quelles sont les caractéristiques des ménages agricoles membres de l’UCLS ? En quoi
ont-elles évolué ?
Le commerce équitable induit- il des changements de stratégies individuelles ou
collectives au sein des ménages agricoles et de l’UCLS ?
Comment est organisé le système de prix au sein de la filière cacao équitable dans le
Sambirano ?
Quels sont les acteurs intervenants dans la filière cacao dans la zone d’étude ?
Quels sont les liens existants entre ces différents acteurs de la filière cacao ?
Quelles sont les retombées du commerce équitable sur l’UCLS et son terroir ?
Autant de questions, aussi générales soient-elles qui ont permis d’instaurer une réflexion
constructive pour le bon déroulement de l’étude.
Les Hypothèses
Les hypothèses de l’étude sont les suivantes :
Le commerce équitable permet d’augmenter les revenus et d’améliorer les conditions de
vie des ménages agricoles membres de l’UCLS.
Le commerce équitable permet de soutenir de manière efficace les agriculteurs
marginalisés membres de l’UCLS.
Le commerce équitable favorise la structuration de l’UCLS et améliore sa gouvernance.
Le commerce équitable a un impact positif sur le développement loca l et la gestion des
ressources naturelles dans la zone d’étude.
13 « Sous système productif concret, ensemble d’agents ou d’unités qui existe concrètement dans un espace donné »,
« Ensemble organisé et finalisé de relations qui est doté d’une dynamique autonome, mais qui n’en est pas moins
ouvert sur et en interaction avec, d’autres sous -systèmes (De Bandt, 1988).
16 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
1.2.2 Théories et concepts
Notion d’effets et d’impact
D’après une synthèse bibliographique du COTA réalisée en 2004, on dénombre environ 8
définitions de l’impact. Dans le cadre de cette étude, nous n’en retiendrons qu’une. Ainsi, selon
une publication du CIEDEL paru en 1999, « L’impact d’une action de développement représente
une nouvelle situation issue de l’ensemble des résultats et effets qui induisent des changements
significatifs et durables, positifs ou négatifs, voulus ou non voulus, dans la vie et
l’environnement des personnes et des groupes pour lesquels un lien de causalité direct ou
indirect peut être établi avec l’action de développement. L’impact est une conséquence des effets
et il est unique ».
Il ne faut donc pas confondre analyse d’effets et analyse d’impact. L’analyse d’impact repose sur
un processus divisé en trois phases : l’analyse des résultats, l’analyse des effets et enfin l’analyse
d’impact.
Les résultats : «Ce sont des changements qualitatifs et quantitatifs dans la vie des familles des
bénéficiaires, produits directement par l’action» (CIEDEL, 1999). Dans le cas de cette étude, les
résultats attendus correspondent aux changements directs produits sur les familles membres de
l’UCLS, par l’application des critères génériques des standards du CE à savoir : développement
social, économique et environnemental et critères commerciaux (prix minimum et
préfinancement).
Les effets : « Ils sont les incidences de l’action sur le milieu physique et humain environnant»
(CIEDEL, 1999).
L’impact : « Correspond à une nouvelle situation issue de l’ensemble des effets» (CIEDEL,
1999).
Le schéma ci-dessous permet de mieux comprendre le processus d’analyse d’impact :
Figure 10: Méthode d'évaluation d'impact. Source : CIEDEL
Il n’est pas évident souvent de distinguer dans les changements ce qui relève de l’action évaluée
et d’autres facteurs exogènes ou endogènes à la société locale.
17 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Dans beaucoup de cas, on remarque que les actions autour du commerce équitable
s’accompagnent d’autres appuis externes menés par des ONG, des projets de coopération et / ou
du secteur public.
De même, comme nous l’avons vu, le commerce équitable et la certification biologique étant
intimement liés, les effets du commerce équitable sont souvent corrélés à la certification
biologique.
De nombreux facteurs indépendants du projet peuvent se combiner avec les résultats et l’impact
de l’action. De plus, le temps est également un facteur car l’impact se juge à terme d’un projet.
Dans le cas du commerce équitable l’impact se traduirait donc par une nouvelle situation due à
des changements significatifs et durables.
A partir de quel moment dit-on qu’un changement est significatif ? Dans cette étude, les
changements significatifs sont ceux que les bénéficiaires durant les entretiens nous disent
considérer comme significatifs. Aussi, après analyse des données recueillies, nous avons pu
identifier des changements significatifs que les bénéficiaires ne perçoivent pas forcément.
Selon la Banque Mondiale, la mesure d’impact est un processus long et couteux. De plus, une
grande confusion est faite entre effet et impact. Selon le CIEDEL, il n’existe qu’un seul impact «
celui de la situation nouvelle analysée dans sa globalité ».
De tout ce qui précède, il est clair que la mesure d’impact est un processus complexe qui
demande beaucoup de moyens et une certaine rigueur pour éviter d’avoir des résultats biaisés.
Cette étude analysera les effets du commerce équitable en sachant que l’analyse de la somme de
tous ces effets conduit à l’analyse de l’impact du commerce équitable.
Les indicateurs d’évaluations
Une bonne étude d’impact est caractérisée par la définition et l’identification d’indicateurs
facilement mesurables. Selon la définition du CIEDEL, les indicateurs se définiraient comme
«des signes vérifiables et mesurables, qui par comparaison à une référence ou une norme,
permettent de porter une appréciation sur la variable correspondante» (CIEDEL, 1999).
En se basant sur le guide méthodologique de mesure d’impact du commerce équitable élaboré
par AVSF et en sollicitant les acteurs concernés par l’étude sur place, nous avons sélectionné une
liste d’indicateurs pertinents (Annexe 5). Les indicateurs ont été évalués pour la période actuelle
et la période de référence qui correspond à l’adhésion de l’UCLS à la filière équitable portée par
Ethiquable en 2010. L’étude des écarts entre les 2 périodes permet d’évaluer la part du
commerce équitable sur les dynamiques de changement.
L’approche filière
La compréhension du fonctionnement et de l’organisation de la filière est cruciale pour mieux
apprécier la place du commerce équitable et l’impact qu’il peut avoir.
On entend par filière de production «l’ensemble des agents (ou fractions d’agent) économiques
qui contribuent directement à la production, puis à la transformation et à l’acheminement
jusqu’au marché de réalisation d’un même produit agricole (ou d’élevage)» (Duruflé et al.,
1998).
18 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
L’approche permet d’analyser les contours, l’organisation et le fonctionnement de la filière
cacao, en insistant sur les flux entre les acteurs et sur les relations de dépendance et de
dominances entre ces derniers (Figure 11).
Figure 11: Les différentes étapes de l'analyse filière, Méthode CADIAC, CIRAD 1998.
L’approche systémique
Afin de pouvoir répondre aux questions que nous nous posons dans le cadre de cette étude, il est
important d’avoir une compréhension des dynamiques agricoles, de la diversité des exploitations
agricoles et autres acteurs de la filière, de la diversité de leurs pratiques, leurs raisons d’être et
des interrelations entre ces différents éléments.
L’analyse systémique d’un territoire est une approche globale qui décrit plusieurs processus et
leurs interactions. « Elle cherche à établir l’ensemble des interactions spatio-temporelles entre
des contraintes historiques, économiques, sociales, mentales, physiques, naturelles d’un territoire
donné » (Marchand, 1996).
Autres concepts associés
L’analyse de l’impact dans cette étude est basée sur une approche qualitative mise en œuvre à
travers de nombreuses observations directes et entretiens semi-directifs. Plutôt que de mesurer
statistiquement, cette approche permet de comprendre les processus en vue d’améliorer l’impact.
L’une des méthodes fréquemment utilisées dans le cas d’une étude d’impact basée sur l’approche
qualitative est l’analyse de contribution ou encore « impact causal chain ». « C’est la formulation
d’une chaîne causale et l’analyse des différents facteurs de changements et des alternatives
expliquant l’impact » (Mayne, 1999).
19 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Il est plus en plus démontré que la combinaison des outils qualitatifs et quantitatifs permet
d’expliquer de façon plus claire l’impact. Nous avons donc tenu compte de ce paramètre mais en
insistant sur le fait que cette étude est d’abord basée sur approche qualitative.
En effet, d’après les développements des approches qualitatives de Denzin (1978), Flick (1998)
et Apostolidis (2003), la triangulation se définit comme une démarche où l’on croise différentes
approches d’un objet de recherche dans le but d’augmenter la validité et la qualité des résultats
obtenus. Il existe différentes techniques de triangulation, la plus sollicitée lors de cette étude est
celle de la triangulation des données. Elle a consisté à recueillir des données à différents lieux
et/ou auprès de différentes personnes ou groupes de personnes. Comme l’indiquent N. Fielding
et M. Scheier (2001) « La logique conventionnelle de la triangulation par la multiplication des
sources d’information correspond à l’idée que, par cette multiplicité, nous pouvons diversifier les
biais liés à chaque source afin de les transcender».
1.2.3 Démarches et outils
Plusieurs phases se sont chevauchées et succédées dans le temps. La phase préliminaire a permis
de comprendre la commande et le contexte dans lequel elle s’inscrit. S’en est suivi une phase
exploratoire qui a consisté à prendre contact avec le milieu d’étude. Ensuite la phase d’enquêtes
approfondies a permis de produire les données de terrain utiles pour comprendre les dynamiques
agricoles du territoire, analyser les performances technico-économiques des systèmes de
productions et, mesurer l’impact du commerce équitable sur les différentes aires de changements
considérées pour cette étude.
Pour finir, la phase de traitement, d’analyse et d’interprétation des résultats a débouché sur
l’élaboration de ce rapport qui présente les résultats de l’étude.
La phase préliminaire
Cette première phase avait pour but d’analyser préalablement le contexte global du stage afin de
mieux appréhender les enjeux à venir. Elle s’est déroulée en deux étapes. La première étape a
consisté en la compréhension et à l’analyse de la commande du maitre d’ouvrage, c’est-à-dire
Ethiquable. Ensuite la deuxième étape consistait à comprendre le contexte géographique,
politique, économique, sociale, agricole de Madagascar en général puis de la région du
Sambirano où est basé L’UCLS en particulier. Durant cette phase qui a eu lieu avant le départ
pour Madagascar, des recherches bibliographiques à la bibliothèque de Montpellier Supagro IRC
ont été réalisées. Les moteurs de recherche sur internet ont été aussi mis à contribution durant
cette phase. La majeure partie de la recherche bibliographique est basée sur les mémoires de fin
d’études d’anciens étudiants, sur des rapports de missions du représentant d’Ethiquable à
Madagascar, sur des travaux effectués dans d’autres pays en rapport avec la thématique du stage.
Les références sont données en fin de document (Cf. bibliographie).
Pour finir, durant cette phase des entretiens avec des personnes ressources, de Montpellier
Supagro IRC (directeur de mémoire, professeurs…) ainsi qu’avec le représentant d’Ethiquable à
Madagascar qui connait bien le contexte de l’étude ont eu lieu. Des entretiens ont également eu
lieu dès l’arrivée à Madagascar avec des personnes ressources d’AVSF et la stagiaire malgache
(binôme) afin de mieux comprendre le contexte du pays.
20 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
La phase exploratoire
Cette phase qui a duré environ 1 mois s’est déroulée en 3 étapes :
1) La prise de contact avec les personnes ressources et la découverte du milieu d’étude
2) L’analyse du méso-système UCLS-filière cacao
3) La préparation de la phase d’enquête approfondie
La prise de contact s’est faite dans un premier temps avec le conseil d’administration de l’UCLS
et l’équipe de direction. Ensuite, accompagné des animateurs de l’UCLS et du représentant
d’Ethiquable à Madagascar, mon binôme et moi nous nous sommes rendus après 3 heures
intenses de moto notamment dues au mauvais état des pistes dans des coopératives de base pour
rencontrer les paysans afin de leur expliquer le but de notre présence.
L’élément important de cette phase a été la compréhension et l’analyse du méso-système UCLS-
filière cacao. Ceci s’est fait grâce à la réalisation d’un focus groupe avec l’équipe de direction et
le conseil d’administration de l’union pour comprendre l’organisation et le fonctionnement de
celle-ci et qu’elle a été selon eux l’impact du commerce équitable sur l’organisation. Durant cette
étape, une première compréhension très vague de la filière a pu être possible grâce à des
discussions avec l’équipe de l’UCLS et des personnes ressources. L’obtention des éléments
d’analyse et de compréhension a été possible grâce à la grille d’analyse ci-dessous :
Figure 12: Grille d'analyse méso-système UCLS/filière cacao.
De cette grille découle des guides d’entretien (Annexes 2 et 3) qui ont servis à réaliser les
entretiens avec les acteurs concernés.
21 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Cette étape s’est achevée par la préparation de la phase la phase d’enquête approfondie qui à
consister a consisté à organiser la logistique terrain. Elle a aussi permis de finaliser et de tester
les guides d’entretiens avec 5 producteurs pour nous assurer que ces outils nous permettraient
d’obtenir les informations dont nous avions besoin. Nous avons choisi des producteurs proches
de notre base de logement. La revue bibliographique a continué durant cette phase.
La phase d’enquête approfondie
Durant cette phase, des entretiens semi-directifs réalisés en binôme et accompagnés
d’observations participantes, ont permis de faire la collecte des informations auprès des
différents acteurs. Les enquêtés ont pu donc s’exprimer librement tout en étant guidés sur les
thèmes abordés au cours de l’entretien.
Elle s’est déroulée en 3 étapes : un diagnostic agraire pour identifier la diversité et les
dynamiques de changement dans les exploitations agricoles de la zone d’étude, un diagnostic
spécifique de l’impact du commerce équitable sur les producteurs et enfin une analyse de la
filière cacao et de l’impact sur les autres acteurs de la filière. Pendant l’étude et pour une
meilleure compréhension, les deux premières étapes ce sont chevauchées pour obtenir les
données nécessaires à une bonne analyse.
Le diagnostic agraire
Le diagnostic a consisté à :
- observer le milieu et reconstituer son histoire agraire,
- faire un zonage agro-écologique du milieu et à définir une pré-typologie des systèmes de
productions et,
- enquêter les producteurs pour décrire et évaluer les pratiques agricoles et de valorisation
des produits.
Le diagnostic a permis d’identifier la diversité des exploitations agricoles de la zone d’étude et
les grandes dynamiques de changements. Il a permis également d’évaluer technico
économiquement les revenus des exploitations agricoles et les changements dans le temps. Ce
diagnostic a également favorisé une compréhension globale de la filière cacao, sur l’UCLS et ses
coopératives de bases. La compréhension de la diversité des exploitations a facilité
l’identification de facteurs discriminants pour la constitution de l’échantillonnage des
producteurs.
Les enquêtes des producteurs sur l’impact du commerce équitable
Des entretiens ont été réalisés pour identifier, l’impact direct ou indirect, négatif ou positif du
commerce équitable, ressenti par les paysans.
Les deux premières étapes de cette phase ce sont basées sur la grille d’analyse ci-dessous dont
s’inspire le guide d’entretien (Annexe 4).
22 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Figure 13: Grille d'analyse des ménages agricole.
L’échantillonnage des producteurs enquêtés
L’UCLS compte en son sein 21 organisations de producteurs de base pour un total de 345
producteurs. Pour cette étude, le principal public cible est composé des producteurs du
commerce équitable membres de l’UCLS que nous avons considérés comme étant le groupe de
référence de l’étude (groupe 1).
Pour mesurer l’impact du commerce équitable sur ce groupe, il a été comparé à un autre groupe
(groupe 2) qui rassemble les producteurs hors commerce équitable (hors CE) considérés comme
le groupe témoin. Ce choix s’est basé sur la méthode de comparaison avec groupe de référence /
groupe témoin (utilisateurs et non-utilisateurs) qui est à ce jour l’une des seules techniques
rigoureuses d’évaluation d’impact. C’est une méthode qui consiste à comparer des individus
pouvant être différents afin de mettre en lumière les liens de causalité. L’utilisation de la
méthode se caractérise par une comparaison de l’avant et de l’après projet ainsi que de
l’adhésion ou non au projet (avec/sans) entre les différents groupes (groupe témoin et groupe de
référence).
Figure 14: Méthode de comparaison avec un groupe de référence.
23 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Etant donné que le temps imparti pour l’étude était limité, et que nous privilégions la
compréhension, notre échantillonnage est raisonné pour représenter la diversité des situations.
Les principaux facteurs discriminants retenus à l’issue des premières observations et enquêtes
historiques sont la superficie en cacao et la date d’adhésion de la coopérative de base à l’UCLS.
L’échantillon du groupe 1 a été constitué en se basant sur la liste des membres des organisations
de producteurs de base de l’UCLS. Le schéma ci-dessous illustre le mode d’échantillonnage
utilisé pour le groupe 1 :
Figure 15: Mode d'échantillonnage du groupe 1.
Comme le montre le schéma, nous avions prévu enquêtés au total 30 producteurs membres des
coopératives de base de l’UCLS. En combinant les enquêtes diagnostic agraire et producteurs
(mesure d’impact), nous avons enquêtés 10 producteurs supplémentaires appartenant à l’UCLS.
Soit au total 40 producteurs du commerce équitable, enquêtés.
La compréhension de l’organisation et du fonctionnement des organisations de producteurs de
base étant cruciales, nous avions prévus enquêtés les responsables des organisations de bases.
Nous en avons enquêtés au total 8
Ne disposant pas d’une liste des producteurs constituant le groupe témoin (groupe 2), la sélec tion
s’est faite grâce à l’aide des animateurs de l’UCLS et des producteurs qui connaissent la zone
d’étude. Le critère géographique (proximité avec un producteur du groupe de référence) a
beaucoup compté à cause des difficultés liées à la prise de rendez-vous et aux déplacements.
Dans ce groupe 10 producteurs ont été enquêtés.
En considérant les 40 producteurs du commerce équitable, les 8 responsables d’organisations de
base et les 10 producteurs hors commerce équitable que nous avions enquêtés la taille de
l’échantillon est de 58 enquêtés en ce qui concerne les producteurs et leurs organisations.
30 producteurs
(échantil lon groupe 1)
0-1 ha10/30
producteurs
Coop. CE depuis 2010
5 producteurs
Coop. CE depuis 2014
5 producteurs
1-3 ha10/30
producteurs
Coop. CE depuis 2010
5 producteurs
Coop. CE depuis 2014
5 producteurs
> 3 ha10/30
producteurs
Coop. CE depuis 2010
5 producteurs
Coop. CE depuis 2014
5 producteurs
24 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
L’analyse de la filière cacao à Madagascar
Pour analyser les liens et les rapports de pouvoir entre les différents acteurs de la filière,
comprendre l’organisation, le fonctionnement de la filière et retracer son évolution des enquêtes
ont été réalisées auprès de plusieurs acteurs de la filière (Annexes 7) : les collecteurs, les
plantations, les exportateurs et les chocolateries locales et représentants d’orga nismes externes à
la filière qui encouragent le développement de la filière ( Pôle Intégré de Croissance (PIC),
Madagascar National Parks (MNP), Helvetas et l’AFDI).
La phase de traitement, d’analyse et d’interprétation des résultats
Cette phase s’est déroulée au fur et à mesure de l’évolution de l’étude et s’est achevée à
Montpellier en France.
Durant cette phase, il a fallu remobiliser toutes les informations collectées afin d’en faire une
analyse. Pour chaque type d’exploitation, le revenu agricole a été calculé grâce aux informations
recueillies durant la phase d’enquête approfondie. Les prix et les rendements utilisés pour les
calculs sont ceux de l’année 2015. Ne pouvant faire une évaluation quantitative précise des
revenus des agriculteurs pour les années précédant l’arrivée du commerce équitable, les revenus
des agriculteurs hors commerce équitable ont servi de référence pour la comparaison.
Cette évaluation économique qui a conduit à l’obtention du revenu s’est basé sur le modèle ci-
dessous :
Figure 16: Calculs d'évaluation économique du système de production. (Source : Etudiants MOQUAS Supagro/IRC).
Plus globalement, cette phase a conduit à l’émergence des grandes conclusions relatives à
l’impact du commerce équitable sur les 5 aires de changements considérées pour l’étude et à la
rédaction du présent document.
25 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
1.3 D IFFICULTES RENCONTREES DURANT L’ETUDE
Cette étude réalisée à Ambanja dans le nord-ouest de Madagascar qui a durée pratiquement 5
mois sur place ne s’est pas déroulée sans obstacles. En effet, les difficultés qu’il a fallu
surmonter sont nombreuses et diverses mais nous ne parlerons que des plus importantes.
Lors des enquêtes auprès des producteurs, le souci était la barrière de la langue. Bien
heureusement, ma collègue de travail malgache faisait la traduction. Vu qu’elle n’est pas
originaire de la zone d’étude, elle ne comprenait pas à certains moments les expressions du
dialecte employé par les producteurs. Lors des entretiens, le maximum était fait pour comprendre
ce qui était dit par les paysans mais dans les cas où c’était trop compliqué, nous passions à la
question suivante.
L’étude ayant été réalisé en milieu rural, il fallait emprunter des pistes pour accéder aux
villages. La plupart des pistes étant dégradés, il fallait mettre en moyenne 2 heures de moto pour
aller dans les villages afin d’enquêter les producteurs. A notre arrivée dans le village, il arrivait
souvent que les producteurs prévus pour les entretiens soient absents. Pour pallier à cela nous
avions établi une liste de potentiel remplaçant pour les entretiens.
Pour finir, l’une des principales difficultés rencontrées a été liée aux rendements des cultures. En
effet, de nombreux producteurs n’ont pas pu nous donner des chiffres exacts concernant les
rendements des différentes cultures. Il a donc fallu trianguler les informations à maintes reprises
pour avoir des estimations de rendement proches de la réalité.
Malgré tous ces obstacles, l’étude a été menée à bien et a permis d’obtenir tous les résu ltats
analysés dans ce mémoire.
26 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
2 LE CACAO DU SAMBIRANO : EVOLUTION HISTORIQUE DE LA FILIERE
2.1 LA VALLEE DU SAMBIRANO : UNE ZONE PROPICE A LA CULTURE DU CACAO
2.1.1 Localisation
La présente étude a été menée dans le Nord-ouest de Madagascar plus précisément dans la vallée
du Sambirano. Dans cette vallée se trouve le district d’Ambanja connu sous l’appellation «
Région du Sambirano » qui est la principale zone de production cacaoyère du pays. Faisant
partie intégrante de la région de DIANA, le District d’Ambanja est situé à 1200km de la capitale
Antananarivo soit une durée de 20 heures de route en voiture. Le District d’Ambanja est localisé
à 237 km au sud de Diego Suarez (chef- lieu de la région DIANA) et à 25 km du port d’Ankify
qui permet de faire la liaison avec le port de Nosy-Be. Le District est délimité au Nord et à l’Est
par le District d’Ambilobe, au sud par le District de Bealanana et d’Analalava, et à l’ouest par le
canal de Mozambique. De nombreuses îles dépendent du district à savoir : Nosy Faly,
Ambaritelo, Nosy Berafia, Kisimany, Nosy Iranja, Lavalohaliky, Nosy Radama, Antsoha et
Ankivonjy. L’étendue géographique du District d’Ambanja est de l’ordre de 6 146 km2
(UNICOSA, 2013) soit environ 600.000 ha, ce qui lui confère environ 25,9% de la superficie
totale de la région de DIANA (UPDR, 2003). Sur les 600.000ha, 360.000ha sont non cultivables
et correspondent au domaine forestier national et aux aires protégées. Pour ce qui est du
découpage administratif, le District compte au total 22 communes rurales et une commune
urbaine où est concentré le pôle économique. Sur les 23 communes, 18 sont productrices de
cacao. La figure suivante illustre la structure administrative du district :
Figure 17: Carte administrative du District d'Ambanja. Source: UNICOSA 2013.
27 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
2.1.2 Contexte socio-économique
La population de la région du Sambirano avoisine les 200.000 habitants d’après les estimations
de l’Union des communes du Sambirano (UNICOSA). En 2007, près de 75% de cette population
était constituée de jeunes actifs ayant au plus 25 ans, le nombre a sans doute augmenté durant ces
dernières années.
86% des activités économiques de la zone sont essentiellement agricoles. La région du
Sambirano est très réputée pour sa production en cultures de rente : le cacao, la vanille, le poivre
et les plantes aromatiques. Derrière l’agriculture se positionne l’élevage et la pêche qui
représentent respectivement 9% et 5 % des activités de la zone d’étude (Ranaivoson, 2009).
Ces données datant de 6 ans, le contexte a surement légèrement évolué. Le secteur secondaire,
correspond principalement à la transformation des matières premières agricoles notamment les
cultures de rente et la production d’huiles essentielles. Il est très marginal et principalement
dominé par des entreprises étrangères. Le secteur tertiaire concerne la vente et le négoce des
produits agricoles tels le cacao, le poivre, la vanille, etc…
La polyculture est la principale caractéristique des exploitations agricoles de la région du
Sambirano. En termes de répartition des cultures en 2006, le riz paddy et le café étaient en tête
avec chacun 30% d’occupation des surfaces, suivait le cacao et les autres cultures qui occupaient
respectivement 25% et 15% des surfaces cultivées (Ranaivoson, 2009). Cette distribution
spatiale a bien changé au cours de ces 10 dernières années. En effet, durant la décennie, une
déprise des cultures de café et de riz a été observée laissant la place au cacao qui aujourd’hui est
en passe de devenir en termes de superficie et d’économie la première culture de la région du
Sambirano. La déprise du café s’explique notamment par l’engouement du marché pour le cacao
malgache. Cet engouement fait qu’aujourd’hui, les producteurs préfèrent la culture du cacao à
celle du café car les prix sont plus rémunérateurs pour la culture du cacao et la récolte s’effectue
tout au long de l’année. Pour la culture du riz, la déprise s’explique par le fait que les terrains
propices à la culture subissent des dégradations importantes dues au phénomène climatique
(inondations, érosion,…). De plus, depuis quelques années les autorités veillent à l’application
des lois interdisant la pratique d’agriculture sur brulis.
2.1.3 Les particularités du Sambirano
Le sol, le climat et l’hydrologie font du Sambirano une zone propice pour la culture du cacao.
Le relief et les sols
Située entre deux montagnes d’origine volcanique, le massif de Tsaratanana à l’Est et du
Manongarivo à l’Ouest, la zone correspond à la vallée du fleuve Sambirano qui la traverse de
haut en bas (Figure 18).
L’étude pédologique de la vallée du Sambirano réalisée par Bouchard en 1968 distingue des sols
peu évolués, formés d’alluvions micaciennes à texture grossière ; des sols hydromorphes
minéraux formés sur alluvions faiblement micacées avec une nappe phréatique proche de la
surface ; et des sols à profils complexes formés d’alluvions récentes ayant recouvert des sols
hydromorphes, (Ranaivoson, 2009).
28 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Le Haut Sambirano est caractérisé par du granite et des migmatites qui au fil des années se sont
transformés en gneiss avant de subir une altération qui a abouti à l’obtention de sols
ferralitiques. L’observation de la plaine du Bas Sambirano révèle que les sols sont en partie
constitués par le dépôt d’alluvions du fleuve Sambirano. Les crues répétitives du fleuve assurent
le renouvellement naturel de la fertilité des sols.
La vallée étant sous forme de cuvette, la nappe phréatique à certains d’endroits se retrouve très
proche de la surface et ne descend pas en dessous de 4 mètres. On retrouve des sols
hydromorphes dans les parties les plus basses et souvent cultivées en riz. Ailleurs le cacao peut
être cultivé sans difficulté. En effet, les sols de la vallée du Sambirano présentent une bonne
structure et une bonne fertilité organique et chimique nécessaire pour l’implantation de la culture
de cacao. De plus la pression parasitaire est très faible, ce qui dispense les producteurs de faire
des apports réguliers en intrants.
Figure 18:Image satellite de la vallée du Sambirano. Source : Google map 2016.
Hydrologie et climat
Outre le fleuve Sambirano, de nombreux cours traversent la zone. Le fleuve Sambirano qui
prend sa source dans le massif de Tsaratanana à 2 500 m d’altitude. Le fleuve est long de 124
km pour un bassin de 2800 km2. Il ne reçoit qu’un seul affluent, le Ramena long de 80 km
(Razes, 2008).
La vallée du Sambirano est caractérisée par un climat de type tropical humide et chaud. Deux
saisons s’alternent; la saison sèche (saison fraiche) de Mai à Octobre et la saison pluvieuse de
Novembre à Avril. La saison des pluies correspond à la période de soudure car les producteurs
ont du mal à écouler leurs produits surtout le cacao sur les marchés.
29 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Durant cette période, ces derniers s’approvisionnent difficilement en produits de première
nécessité du fait de l’impraticabilité des pistes rurales. Les producteurs du Haut Sambirano sont
les plus touchés par ce problème.
Les mois où les précipitations sont les plus abondantes vont de Décembre à Février. La
pluviométrie annuelle moyenne dans la zone est de 1748 mm (FOFIFA, 2012) et est en
augmentation depuis la fin du siècle dernier (Figure 19).
La figure 19 montre qu’à partir de 1996, les précipitations sont devenues plus abondantes ce qui
correspond à la recrudescence des sinistres liés aux inondations chez les populations rurales.
La saison de pluie correspond avec la période pluie qui s’étend de Février à Mars. Depuis une
dizaine d’années, les épisodes cycloniques se sont accentués en causant d’énormes dégâts à
chaque fois. Concernant les épisodes cycloniques marquants, il y a : Gafilo en Mars 2004,
Indlala en Mars 2007, Ivan en Février 2008 et Dingiza en Février 2011. Le dernier épisode
cyclonique récent et marquant est le Cyclone Chedza en Février 2015 qui a causé des dégâts
importants. En effet après le passage de Chedza, dans le district d’Ambanja, près de 2300 ha de
rizière ont étés inondées (La Tribune de Diégo, 2015). Généralement lorsque les eaux des
inondations se retirent, il ne reste plus qu’un dépôt de boue et de sable (provenant de l’érosion
des flancs de collines) mélangés avec des déchets que les eaux ont charriés jusqu’à l’intérieur de
certaines parcelles qui sont dès lors inaptes à l’agriculture.
L’ensemble de ces phénomènes climatiques tend à renforcer la précarité des producteurs
agricoles vivants dans les zones concernées les poussant même parfois à quitter leur terroir.
Cependant, la vallée du Sambirano jouit d’un climat assez particulier. En effet, le massif de
Tsaratanana à l’Est et du Manongarivo à l’oues t abritent la vallée des alizés desséchants venus
du Sud pendant la saison sèche. Seul souffle l’alizé du Sud-est, le «Varatraza» qui amène
pendant la nuit la fraîcheur et l’humidité venue du canal du Mozambique. De plus la très forte
densité forestière du fonds de vallée contribue à maintenir l’humidité.
0500
100015002000250030003500400045005000
Pré
cip
itat
ion
s e
n m
m
Années
Pluviométrie d'Ambanja sur plusieurs années
Figure 19: Pluviométrie moyenne annuelle d'Ambanja. Source: FOFIFA- Ambanja, 2012.
30 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
La saison sèche reste donc relativement fraîche avec une température moyenne de 26° Celsius
(Figure 20). Le maxima moyen est de 31°C et le minima moyen de 20°C, ce qui correspond aux
exigences du cacaoyer.
La saison humide est marquée par la mousson venant du Nord appelé le «Tanio». Le microclimat
spécifique ou encore «climat Sambirano» fait de la vallée, Haut et Bas Sambirano la principale
zone de production du cacao malgache.
2.2 LES DYNAMIQUES AGRAIRES DANS LA ZONE D'ETUDES DE 1990 A AUJOURD'HUI : LES FACTEURS DE PRODUCTIONS ET EVOLUTION DE LA FILIERE CACAO
L’histoire de l’agriculture dans le Sambirano est fortement influencée par la présence coloniale
dans la région via notamment l’introduction de nouvelles cultures. Dans le Bas Sambirano, les
colons sont arrivés vers 1898 et ont installé dès le début du XXème siècle des plantations. La
compréhension de l’historique et de l’évolution agraire de la zone sont très importants et
permettront de mettre en lumière les mutations qui ont permis d’aboutir à la configuration
actuelle de la filière cacao et du terroir.
2.2.1 1920 à 1945 : Une agriculture essentiellement basées sur le riz et l'élevage de zébus avec un accès facile au foncier
Systèmes de cultures et d’élevages
A l’arrivée des colons, le système de culture dominant était essentiellement de la riziculture
d’abattis brulis. Les rendements étaient assez hauts à l’époque. Avec 1 daba semé (unité de
mesure du riz14), on pouvait obtenir très facilement 120 dabas sur 0,33 ha selon les témoignages.
Aujourd’hui il faut environ 3 dabas pour obtenir un rendement variant entre 15 et 60 dabas, très
inférieur à ce qui se faisait à l’époque du fait de la baisse de la fertilité des sols. Après la récolte
du riz, s’en suivait une période de friche pâturée d’une durée de 1 à 3 ans. Le renouvellement de
la fertilité du sol était ainsi assuré par le recrus herbacé et les déjections des zébus.
14 Le daba correspondait à l’époque à 12 à 15 kg de riz paddy mais aujourd’hui tourne autour de 10 kg .
21
22
23
24
25
26
27
28
Tem
pé
ratu
re e
n °c
els
ius
Mois
Température moyenne annuelle du district d'Ambanja en 2013
Figure 20: Evolution de la température annuelle moyenne dans le district d'Ambanja. Source: Millot SA, 2013.
31 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
La préparation du sol commençait en début de la saison de pluvieuse au mois de Novembre et
s’étalait jusqu’au mois de Janvier. Les zébus étaient très importants car non seulement ils
participaient à cette préparation du sol par piétinement mais aussi aidaient pour le battage après
la récolte du riz.
La récolte mobilisait une quantité importante de main d’œuvre car elle se réalisait manuellement
panicule par panicule à l’aide d’un petit couteau.
Mis à part le riz, d’autres cultures telles que la banane, l’orange, le maïs, les brèdes (feuilles
comestibles) et le manioc étaient également cultivées et destinées à l’autoconsommation.
L’élevage de zébus était très important, une famille pouvait posséder jusqu’à 150 têtes de zébus.
En effet, les surfaces de pâturages disponibles étaient plus vastes. En saison de pluies, les
animaux étaient emmenés vers les montagnes par un bouvier. En saison sèche, ils se contentaient
des résidus de riz et des friches.
Rapports sociaux
Les membres de la famille élargie et les voisins du village participaient ensemble à la récolte,
selon le principe de l’entraide ou fihavanana. Tout le monde allait travailler à tour de rôle dans le
champ du voisin et à la fin de la journée de travail, tous se réunissaient autour d’un repas
commun autour duquel on tuait des zébus. La famille à laquelle appartenait la parcelle dans
laquelle le travail avait été effectué se chargeait de préparer le repas.
L’accès au foncier
Partant du fait que la terre appartenait aux ancêtres, le droit coutumier foncier était de rigueur. Il
fallait tout simplement demander l’autorisation au chef de terre, qui était le chef de lignage et
donc le premier à s’être installé. Pour s’approprier une surface il suffisait ensuite de la valoriser
en la défrichant et en y implantant une culture. Cependant avec ce type de fonctionnement, les
proches du chef de lignage pouvaient être largement favorisés pour accéder aux meilleures terres
(à proximité d’un cours d’eau, du village, etc…).
2.2.2 1945 à 1960 : bouleversement des systèmes de cultures, des pratiques culturales ainsi que du rapport au foncier
Introduction de techniques et cultures obligatoires
Installées au début des années 1900, les sociétés coloniales se sont accaparés de grandes
étendues de terres pour des plantations de café. Partant de la mer, elles se sont étendues en
remontant progressivement vers l’intérieur pour atteindre la zone d’étude vers les années 1945.
L’arrivée des colons a impulsé un changement significatif dans la zone, surtout sur la question
foncière. Les pratiques culturales du riz se sont vues modifiées par l’introduction de nouvelles
techniques à savoir le labour à traction attelée et le sarclage. L’adoption de ces pratiques était
obligatoire au risque de se faire confisquer sa terre. La pratique de l’entraide s’est vu diminuer à
cause de l’utilisation de matériels comme la charrue qui ne mobilise pas une main d’œuvre
importante. Les aménagements réalisés sous l’impulsion des autorités coloniales ont permis une
meilleure maîtrise de l’eau, ce qui a favorisé l’émergence du riz irrigué avec des rendements plus
importants que celui du riz inondé. A partir de 1958, les paysans se retrouvent dans l’obligation
de posséder chacun une parcelle de café sous peine de sanction.
32 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Le but de cette décision était de pouvoir garantir à l’autorité coloniale une rentrée d’argent
alimentée par les impôts payés par chaque producteur de café et par la vente d’intrants (engrais,
plantules de café, produits phytosanitaires, etc…). Outre le riz et le café, les agriculteurs
continuaient à cultiver pour leur consommation du manioc, de la banane et de la patate douce.
En 1930, un décret interdisant les feux de brousses sur les rizières pour l’extension des parcelles
et du pâturage est adopté et mis en application. Au même moment, la période de friche allant de
1 à 3 ans après la récolte de riz est supprimée.
L’accès au foncier et ses conséquences
Le décret de 1930 interdit le défrichement des forêts et tous les paysans ont pour obligation de
borner leurs terres. Tous ces éléments combinés à croissance démographique à partir de 1950
font que le rapport au foncier change. La capitalisation en foncier devient difficile.
La division des terres familiales par héritage commence. La part de la sole cultivée augmente, au
détriment des pâturages et du cheptel de zébus dans la région. Les paysans se sont vu dans
l’obligation d’enclore les animaux dans pâturages, la divagation des animaux étant punie. Le
nombre de zébus ayant diminué progressivement, l’effet inverse a été l’augmentation du prix du
zébu.
Figure 21: Evolution du cheptel bovin dans le Sambirano. Source: Anysse.B, 2015.
2.2.3 1960 à 1975 : Vulgarisation des cultures de rente et appropriation par les exploitations familiales paysannes
L’intérêt grandissant des paysans pour le café puis le cacao
Au début des années 1960 la culture du café attire les paysans car les prix payés sont intéressants
et les débouchés de commercialisation sont assurés. Le riz qui était la production principale
devait être stocké pour être vendu tout au long de l’année ce qui était difficile à gérer (pertes
importantes). Sur les marchés internationaux, le prix du café connait une explosion da ns les
années 1974 (Figure 22). Dès cet instant le café devient plus intéressant pour les paysans
comparé à une culture vivrière comme le riz.
33 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Figure 22: Evolution des prix du café à la bourse de Londres depuis 1960. Source: INSEE, 2009.
La CEAMP : puissant outil de vulgarisation des cultures de rente auprès des
paysans
Créé en 1964 après l’accession de Madagascar à l’indépendance, la CEAMP (Centrale
d’Equipement Agricole et de Modernisation du Paysannat) organisme de coopération franco-
malgache a lancé en 1966 « l’opération café ». Cette opération avait pour but de favoriser la
diffusion et la vulgarisation des cultures de rentes comme le café, le cacao puis le poivre auprès
des paysans. Dans la filière café, la CEAMP menait des activités de vulgarisation et
subventionnait les plants issus des pépinières. La CEAMP contrôlait l’achat du café et l’adhésion
était quasiment obligatoire. Le monopole de la CEAMP est renforcé par la mise en place d’une
caisse de stabilisation des prix du café au niveau national. Instrument puissant de contrôle des
filières, la caisse de stabilisation proposait un prix minimum garanti aux producteurs pour l’achat
de café en accord avec le Ministère de l’Agriculture.
En 1962, bien avant la création de la CEAMP, avait été créée à Ambanja une station de
recherche par l’IFCC (Institut Français du Café et du Cacao) actuelle FOFIFA (Centre national
de la recherche appliquée au développement rural). Ce centre avait pour mission de conduire un
programme d’amélioration génétique des cacaoyers plus particulièrement la variété Criollo. Ce
programme conduit sur des parcelles expérimentales avait pour but de mettre au point des
variétés résistantes pouvant être plantées à grande échelle. En 1968, une compagnie d’origine
coloniale la CNIA (Compagnie Nosy-Béene d’Industrie Agricole) a commencé à cultiver le
cacao sur de grandes superficies. L’accession à l’indépendance et le travail de vulgarisation
mené par la CEAMP auprès des paysans, entrainât une augmentation de la production de cacao
dans la zone (Figure 24). De plus, le prix du cacao était devenu attractif, et sa culture s’était
révélée moins contraignante que celle du café du point de vue quantité de travail à fournir. Les
paysans ont donc logiquement adopté la cacao culture. A partir de cet instant, une déprise
progressive du café au profit du cacao a été observée. Cela s’est accentué avec la chute des prix
café sur le marché mondiale à partir de 1977 (Figure 22).
34 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Principal artisan de l’adoption des cultures de rente par les paysans (Figure 23), la CEAMP
s’occupait principalement de la collecte, de la transformation puis de la commercialisation du
cacao.
Figure 23: Processus de diffusion des cultures de rente chez les paysans.
Figure 24: Evolution de la production de cacao à Madagascar. Source: FAOstat, 2015.
Nouvelle loi foncière et extension des plantations villageoise
L’année 1960 marque un nouveau tournant dans la gestion du foncier, sous la première
République du Tsiranana. En effet, une nouvelle loi autorisant les défrichements et régulant les
feux sous la supervision des gardes forestiers est promulguée. Cette loi concernait surtout les
versants qui étaient protégés par la loi de 1930. Les premiers effets de cette nouvelle loi ont
commencé à être visibles à partir de 1965 à travers l’extension des parcelles existantes et
l’ouverture de nouvelles parcelles.
35 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Après un cycle de riziculture sur abattis brûlis, les paysans implantaient du café associé avec du
poivre et de l’ananas. Après la chute des cours du café ce sera plutôt le cacao qui sera implanté à
la place du café. La capitalisation en foncier est à nouveau possible à ce moment pour les
paysans.
Autrefois régit par le droit coutumier et sous l’autorité exclusive des chefs de lignages, la gestion
du foncière passe aux mains de l’Etat Malgache. Les gardes forestiers étaient chargés de délivrer
des autorisations collectives pour défricher les nouvelles terres. Toute terre non immatriculée
était d’office considérée comme propriété de l’Etat. La pratique de l’entraide comme dans la
période précédente continua son déclin.
2.2.4 1975 à 1990 : Fin de l’intervention de l’Etat dans les filières de rente et instauration de nouvelles réformes
Conséquences des différentes réformes sur les filières de rente notamment le cacao
Suite à la crise politique qui voit arriver au pouvoir le président Didier Ratsiraka, de nombreuses
réformes vont être mises en place : la nationalisation des secteurs clés, la malgachisation à
l’école et une réforme agraire.
Le nouvel Etat décide de modifier les conditions de collecte des produits agricoles afin de
pouvoir prélever des taxes pour financer sa politique. Il crée la SINPA15 qui s’approprie les
activités de collecte, de transformation et de commercialisation menées jusque-là par la CEAMP.
Mais ce stratagème échoue du fait de la réticence des producteurs et de la mauvaise gestion des
filières. L’influence des collecteurs s’en trouve renforcée (Figure 25).
Figure 25: Mutation de la filière cacao suite aux réformes du gouvernement nationaliste.
15 Syndicat Industriel National de Production Agricole
36 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
La réforme agraire et les migrations
La réforme agraire mise en place prévoit la nationalisation et l’expropriation des sociétés
d’origine coloniales. Des trois plantations agricoles du Sambirano de l’époque (CNIA, Millot, et
SOMIA), seule la CNIA créée en 1968 est nationalisée. La SOMIA est née d’une scission avec
la CNIA à la création. Aujourd’hui toutes ces entités appartiennent à des groupes privés qui les
ont rachetés.
Les paysans ont pu recapitaliser en foncier de nouveau. La loi autorisant les défrichements et
régulant les feux étant toujours en vigueur, on assista à un flux migratoire important des
populations venant du sud de l’île. Après 1975, le directoire militaire de transition fut révolu et
les populations ont pu se déplacer plus librement. Ils profitèrent donc de la liberté d’accès à la
terre pour s’installer.
Les conditions de marché favorable au cacao
En 1990, Madagascar comme de nombreux pays africains est soumis aux programmes
d’ajustements structurels (PAS). Sous la pression des institutions de Breton Woods (FMI et
banque Mondiale), le nouveau régime de Zafy Albert est contraint de procéder au
démantèlement des caisses de stabilisation dans les filières de rente notamment café et cacao.
L’Etat malgache a donc mis fin aux prix contrôlés et a libéralisé la collecte ainsi que la
commercialisation.
De leur côté, les paysans ayant les moyens (fonc ier et surtout matériel) commencent à s’essayer
à l’activité de transformation du cacao voir de collecte. La filière se complexifie peu à peu.
Le cacao continue à progresser
Malgré l’introduction de nouvelles techniques censées améliorer la productivité des parcelles, les
agriculteurs délaissent le riz au profit du cacao et d’autres cultures dont les cours sont favorables.
En effet, le repiquage du riz en tant que nouvelle technique a été introduit à cette époque par le
biais de campagnes d’envergure comme le SRA (Système de Riziculture Améliorée). Cela n’a
pas empêché la chute des rendements. Mis à part les problèmes de fertilité, la riziculture est
délaissée un tant soit peu au profit des cultures de rente. Dès lors la zone devient déficitaire en
production de riz et ceci jusqu’à aujourd’hui. Pour ce qui est des zébus, on en dénombre par petit
nombre au niveau des exploitations agricoles. On note aussi le début de l’élevage de volaille au
cours de cette période.
Le métayage et le fermage se généralisent de manière progressive en tant que mode d’accès à la
terre, l’atteinte de la frontière agricole étant proche
2.2.5 1990 aux années 2000 : changement des logiques paysannes et dépendance vis-à-vis des collecteurs
La diversification agricole : nouvelle logique paysanne
La libéralisation des filières notamment celles de rentes induites par le programme d’ajustement
structurel a entrainé l’arrêt des prix contrôlés. Les paysans sont donc dépendants à partir de ce
moment des prix du marché qui ne cessent de fluctuer.
37 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
En tirant des leçons des conséquences qu’a eu la chute des cours café en 1977, les paysans ont
opté pour des systèmes de cultures plus diversifiés afin d’accroître leur résilience en période de
crise et d’éviter de mettre tous leurs œufs dans le même panier. On a donc observé une déprise
du café qui s’est formalisé par un remplacement progressif des pieds de caféiers par des
cacaoyers au sein des parcelles. Toutefois, les paysans ont pris le soin de ne pas arracher tous les
pieds de caféiers afin de ne pas dépendre exclusivement du cacao. Sur les parcelles désormais,
on retrouve du poivre, de la vanille, du girofle et d’autres espèces pouvant apporter une valeur
ajoutée supplémentaire au producteur. La présence de la vanille a été renforcée par l’envolée des
prix entre 2001 et 2002 à Madagascar.
Des producteurs dépendants des autres acteurs de la filière
L’augmentation de la production de cacao (F igure 24) et la libéralisation ont suscité l’intérêt de
nombreux acteurs pour la filière. Ainsi, on a assisté à la multiplication du nombre d’exportateurs,
de collecteurs et de sous-collecteurs dont l’influence dans la filière a été renforcée au fil des
années. Cette multiplication du nombre d’acteurs au sein de la filière cacao s’explique
notamment par le fait que ces dernières années, le cacao malgache jouit d’une surcote sur les
marchés internationaux du fait qu’il est classé « cacao fin 16 » (Figure 26). Cependant, son prix
n’induit pas forcément une meilleure rémunération des paysans. Ces derniers dépendent des
sous-collecteurs et des collecteurs ainsi que des autres acteurs qui rémunèrent peu.
Figure 26: Comparaison des prix à la tonne du cacao malgache et ivoirien. Source: FAOstat, 2015.
Cette dépendance accrue des producteurs vis-à-vis des autres acteurs de la filière cacao a incité
ces derniers à réfléchir à la mise en place d’une action collective pour mieux défendre leurs
intérêts. Il faut rappeler que jusque- là, les coopératives existantes appartenaient à l’Etat et
l’adhésion était obligatoire. Mettre en place une action collective était perçu par les producteurs
comme un moyen de se libérer.
16 C’est un cacao dont la saveur et la couleur sont réputées exceptionnelles. Il se caractérise par un goût acidulé et
fruité
38 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
2.2.6 2000 à 2010 : La structuration des producteurs et l’avènement du commerce équitable
Le système agraire actuel
Accès au foncier
Les grandes étendues de terres détenues par les plantations d’origine coloniale, les migrations
successives des populations des autres régions de Madagascar vers la vallée du Sambirano et la
croissance démographique ont conduit aujourd’hui à une saturation foncière dans la zone.
L’accès à la terre est devenu très difficile et les principaux modes pour y accéder sont :
l’héritage, le métayage et le fermage. Le métayage se fait essentiellement pour accéder aux
rizières et consiste à une répartition de la récolte selon les proportions : 1/3 pour le propriétaire et
2/3 pour le contractant. Le fermage concerne les parcelles de cacao qui sont mises en location
par des producteurs ayant des difficultés financières et qui n’ont d’autres choix que de mettre
leur terre à disposition d’autres producteurs ayant besoin d’une superficie et ayant les moyens de
s’en procurer. Les tarifs pour la location d’une surface sont difficiles à définir précisément et
varient d’un producteur à un autre. Etant souvent dans des situations où le besoin d’argent est
pressant les propriétaires en difficultés ont tendance à accepter au premier abord les offres des
locataires même si les prix proposés sont bas.
En revanche peu d’agriculteurs vendent leur terre ; quelques soient les situations ils tentent de
garder ce patrimoine.
Certaines familles ouvrent illégalement une parcelle sur les terres des réserves naturelles et aires
protégées à proximité desquelles se trouvent les villages. Selon le responsable du Madagascar
National Parks (MNP) du district, chaque année, plus d’une dizaine d’hectares de forêt
appartenant à la réserve du Manongarivo sont défrichés illicitement pour l’implantation du cacao
et d’autres cultures. Pour lui, au lieu de procéder au défrichement, les paysans devraient plutôt
pensés à densifier leurs parcelles en nombres de pieds de cacaoyers.
Le 17 Octobre 2005, l’Etat malgache a initié une réforme foncière dans le but de décentraliser la
gestion du foncier et de permettre aux communes d’attribuer des certificats fonciers aux
paysans. La procédure de titrisation étant longue et coûteuse, les certificats étaient censés
permettre aux paysans d’immatriculer et de sécuriser leurs terres à moindre coûts. La crise de
2009 combinée au manque de moyens (matériel et humain) a eu raison de cette initiative. Il n’est
pas rare de constater l’existence de litiges fonciers.
Les rapports humains et le matériel
Au fil des années l’agriculture dans le Sambirano est toujours restée une agriculture de type
familiale. Au sein de la famille nucléaire, les taches sont bien réparties. La femme avec l’aide de
ses filles s’occupe du repas et de la transformation du riz paddy en riz blanc tandis que les
hommes s’occupent des cacaoyères, des zébus, du matériel et de la réparation des outils de
travail. Le travail des enfants dans l’exploitation agricole, plus particulièrement dans les
cacaoyères ne se fait que quand ces derniers sont en vacances scolaires.
Durant les enquêtes, nous avons remarqué que tous les producteurs faisaient de la scolarisation
de leurs enfants une priorité. On en déduit que ces producteurs à travers cette stratégie souhaitent
éviter à leurs enfants la pénibilité du métier d’agriculteur.
39 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Selon la quasi-totalité des producteurs enquêtés dans la région, la main d’œuvre n’est pas un
facteur limitant, même lorsqu’il s’agit de désherber manuellement. La mobilisation des membres
de la famille nucléaire, de la famille élargie et des voisins permet de faire face au pic de travail
notamment pour la préparation des parcelles et la récolte du riz.
Selon certains producteurs, cette pratique de l’entraide «fihavanana» tend à disparaître peu à peu
à cause de l’individualisme qui s’installe chez les producteurs et de ce sentiment de concurrence
sans cesse croissant entre ces derniers. La coutume 17 locale, qui réglementait les fréquences de
travail durant la semaine à tendance à être oublié. La main d’œuvre non qualifiée est présente en
grande quantité. Elle est surtout employée pour le désherbage manuel, la récolte et le battage du
riz, mais également pour l’entretien des cacaoyères et des autres cultures (taille et désherbage).
Ce sont les jeunes Sakalava (ethnie majoritaire du Sambirano) et les migrants venant des
communes voisines mais aussi du sud de Madagascar qui sont sollicités. En général, dans la
région lorsqu’un producteur fait recours à de la main d’œuvre sur une certaine durée, il se charge
de nourrir et de loger cette dernière. La rémunération journalière actuelle pour un travailleur est
de 6000 Ar (1,70€) au lieu de 2500 Ar (moins de 1€) il y a environ 8 ans. Cette augmentation est
due à l’inflation observée sur les marchés surtout pour les denrées de premières nécessités ces
dernières années. Les agriculteurs pauvres qui doivent vendre leur force de travail pour
équilibrer leurs dépenses constituent aussi une main d’œuvre potentielle. Pour ce qui est de la
main d’œuvre qualifiée, les grands producteurs qui possèdent du matériel y font souvent
recours. Ceci notamment pour l’utilisation de matériel comme les pulvérisateurs, les
motoculteurs, les décortiqueuses de riz etc… Le matériel de base utilisé est composé de : bêches,
couteaux, pelles ainsi que de la charrue, de la herse et de la charrette. Les tracteurs et les camions
appartiennent aux grandes plantations et aux grands collecteurs qui en font un usage personnel
pour le transport de marchandise.
Figure 27: Dynamiques agraires de la zone d'étude.
17 Il est interdit (fady) de travailler la terre le mardi (fadin-tany), et le jeudi (fadin’ny mpanjaka). Le mardi devrait
être consacré à la récolte de cacao et le jeudi serait jour de marché
40 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
La structuration des producteurs et l’avènement du commerce équitable
Créée au début des années 2000 à l’initiative d’une quinzaine de producteurs, l’ADAPS 18 avait
pour but de défendre les intérêts des petits producteurs de la vallée du Sambirano dans la
commercialisation de leurs produits en vue d’améliorer leurs revenus et leurs conditions de vie
dans un contexte de saturation foncière. L’objectif de départ affiché est clairement d’éliminer le
plus possible le nombre d’intermédiaires entre les agriculteurs et les exportateurs dans les filières
notamment celle du cacao.
La mise sur pied de l’association devait également permettre de renforcer le pouvoir de
négociation des paysans. Avec le soutien de l’AFDI 19 , l’ADAPS met en place les premiers
groupements de producteurs qu’elle chapote en 2004. Il en existe plusieurs, spécialisés chacune
dans une production : vanille, maraîchage ou encore poivre. Les groupements de cacao étaient
les plus importants vu qu’ils assuraient une entrée d’argent constante et que les membres étaient
nombreux. L’ADAPS se chargeait de commercialiser aux exportateurs le cacao des groupements
de producteurs qu’elle avait créé jusqu’en 2008.
A partir de 2009, le Ministère de l’Agriculture estimant qu’une association comme l’ADAPS ne
devait pas avoir d’activité à but lucratif a interdit à cette dernière de faire de la
commercialisation. Il a donc été conse illé à l’association de créer une coopérative pour la
commercialisation des produits agricoles. C’est ainsi que le 14 Juillet 2009, l’UCLS fut créée
grâce notamment à l’appui de l’AFDI. L’UCLS qui comportait en son sein tous les groupements
de producteurs de cacao de l’ADAPS était devenue le bras commercial de l’association.
Grâce à une connexion favorisée par l’AFDI, Ethiquable acteur du commerce équitable entre en
discussion avec la nouvelle coopérative et en 2010, le premier conteneur de 12,5 tonnes de cacao
labellisé commerce équitable est livré au client: c’est la première fois qu’une organisation de
producteurs exporte directement son cacao. Etant intimement liée à l’ADAPS, l’UCLS est peu
autonome et subit la mauvaise gestion de l’ADAPS qui puise dans les ressources de la
coopérative pour effectuer d’autres activités. Le commerce équitable prônant une autonomie
complète des organisations de producteurs, avec les encouragements d’Ethiquable en 2013, le
conseil d’administration de l’UCLS approuve une séparation des deux entités (ADAPS et
UCLS). Composée d’une petite équipe à sa création, la coopérative n’a cessé de croitre pour
devenir aujourd’hui un acteur important de la filière cacao. Le commerce équitable lui permet de
mieux rémunérés ses producteurs par ailleurs.
L’organisation des paysans a créé une nouvelle dynamique au sein de la filière. Les producteurs
sont capables désormais de vendre directement aux exportateurs ou d’exporter eux même le
cacao (cas de l’UCLS). Cette nouvelle configuration de la filière transforme les jeux d’acteurs.
L’influence des intermédiaires est considérablement réduite et la part de la valeur ajoutée du
cacao revenant aux producteurs est augmentée.
18 Association pour le Développement Agricole et le Paysannat dans le Sambirano 19 Agriculteur Français et Développement International
41 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Figure 28: Représentation actuelle simplifiée de la filière cacao dans la zone d'étude.
2.2.7 Aujourd’hui : la filière cacao dans le Sambirano, les différents acteurs impliqués
Les particularités du verger du Sambirano
Ses conditions agro-écologiques favorables et son histoire agraire font aujourd’hui, de la vallée
du Sambirano, la zone de production du cacao malgache par excellence.
Dans les parcelles, trois variétés se côtoient sans qu’on puisse précisément estimer le
pourcentage de chacune d’entre elles. Il s’agit des variétés suivantes : Criollo20, Forastero et
Trinitario 21 . Historiquement, la variété introduite était de type Criollo mais une quinzaine
d’années plus tard fût introduite la variété Forastero encore appelé Tamatave en langue locale
qui est un cacao ordinaire connu pour sa résistance et sa productivité. Le croisement de ces deux
variétés a engendré le Trinitario, très réputé pour ses qualités. Le Trinitario représente
aujourd’hui en termes de pourcentage une part très appréciable du cacao malgache ce qui a
permis au pays de renouveler en 2015 l’appellation cacao fin22 pour 100% de sa production
auprès de l’ICCO. Madagascar fait partie du cercle très fermé des pays producteurs de cacao fin
dans le monde. 20 Variété de cacao à fèves claires, petites cabosses, verruqueuses violet rouge ou orangé, sillons profon ds, pointe
prononcée, fin, aromatique, doux et fragile, reconnu pour sa qualité supérieure 21 Issu du croisement entre la variété Criollo et la variété Forastero 22 Un accord international de 2003 définit comme « cacao fin » un cacao dont la saveur et la cou leur
Sont réputées exceptionnelles.
42 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Selon les producteurs interrogés, après la mise en terre, le cacaoyer entre en pleine product ion
entre 6 et 7 ans et ceci pour une durée d’environ 50 ans. Le verger du Sambirano (environ 24.000
ha) est aujourd’hui à pleine maturité car selon le CIRAD, 50% des arbres auraient plus de 20 ans,
20% moins de 10 ans et 30% en 10 et 20 ans. De plus en plus, la zone de production être
confrontée au vieillissement des vergers. Un projet de replantation est en cours d’élaboration. Il
vise à replanter l’équivalent de 5.000 ha dans les dix prochaines années et compte appuyer les
producteurs. Dans le paysannat, le renouvellement des plantations se fait selon l’appréciation des
paysans qui pour la grande majorité n’achètent pas les plants. Ils prélèvent simplement le
matériel végétal des cacaoyers à haut rendement dans leur parcelle ou dans celles des voisins
pour faire la replantation.
Du fait de conditions agro-climatiques particulières, la production de cacao dans le Sambirano
est étalée sur les 12 mois de l’année avec deux périodes de pic : vers Mai (fin de la saison des
pluies) et vers Novembre (fin de la saison sèche). Cet étalement de la production permet une
rentrée d’argent tout au long de l’année.
La filière cacao à Madagascar
Généralités
Lorsqu’on pose la question sur la quantité de cacao produite à Madagascar, la réponse est
souvent de 6.000 tonnes. Mais, lorsqu’on prend en compte les quantités vendues sur le marché
informel, selon le PIC23, la production réelle de Madagascar est bien plus importante et estimée
entre 9.000 et 9.500 tonnes de fèves de cacao.
Ce chiffre est insignifiant lorsqu’on le compare aux 1.300.000 tonnes 24 produit par la Côte
d’ivoire, premier producteur mondial (Figure 29). Toutefois, il faut préciser que le cacao produit
à Madagascar est bien différent de celui produit en Côte d’ivoire.
Avec une production dominée par la variété « Forastero » la Côte d’ivoire produit un cacao dit
« cacao de masse » tandis qu’à Madagascar le cacao produit est réputé de par son appellation
« cacao fin » et très apprécié des grands chocolatiers. Le cacao malgache est souvent utilisé
comme améliorateur de goût chez les grands industrielles comme Nestlé.
Figure 29: Le cacao malgache et la production mondiale. Source: INSTAT, 2014.
23 Pôle intégré de croissance : Projet de la banque Mondiale pour appuyer le développement de la filière cacao à
Madagascar 24http://www.finances.gouv.ci/index.php/fr/guide-pratique/guide-pratique-de-la-cote-divoire
43 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
A Madagascar, deux types de cacao marchand sont commercialisés : les fèves de qualité standard
et celle de qualité supérieure. La différence réside au niveau de la transformation post-récolte. Le
cacao marchand de qualité standard résulte de trois jours de fermentation et de trois jours de
séchage alors que les fèves de qualité supérieure sont fermentées 6 jours et séchées 6 ou 7 jours.
Selon un acteur de la filière, seulement 15% de la production malgache est commercialisée en
cacao marchand de qualité supérieur. Les plantations et quelques organisations de producteurs
notamment l’UCLS sont capables d’exporter du cacao marchand de qualité supérieure. Dans la
grande majorité des cas, les paysans à la base ont une faible capacité de transformation des fèves
fraîches de cacao en cacao marchand. Cela est essentiellement dû au manque de matériel, à la
non maîtrise des techniques de transformation post-récolte et aux différentes contraintes
qu’impose la transformation. D’autres acteurs intervenant dans la filière ayant les moyens de
faire la transformation achètent les fèves fraîches aux paysans pour les tra nsformer en cacao
marchand. Ces derniers s’approprient donc la valeur ajoutée créée par la transformation au
détriment des paysans. Cependant grâce à des organisations de producteurs comme l’UCLS, les
producteurs arrivent à produire et à commercialiser du cacao marchand de qualité supérieure
même si des améliorations sont encore possible.
Composé d’environ 30.000 producteurs d’après le PIC, le paysannat est le principal producteur
de cacao avec un verger qui représente environ 24.000 ha pour des superficies individuelles
variant en moyenne entre 0.5 et 1.25 ha. Seulement 5% des producteurs sont regroupés en
coopératives.
Les acteurs de la filière
Les collecteurs
Producteurs eux-mêmes, membres de la famille où amis de longue date, les collecteurs sont des
acteurs qui jouissent d’une proximité très étroite avec les paysans puisqu’ils vivent souvent dans
le même environnement. Mandatés par les exportateurs, leur fonction première est de collecter
les matières premières agricoles notamment le cacao. Disposant pour la plupart de matériel pour
la transformation, ils achètent les fèves fraîches de cacao aux producteurs et les transforment
ensuite en cacao marchand de qualité standard majoritairement plus rapide à faire et à vendre. Ils
offrent de nombreux services (prêt d’argent liquide à des taux usuraires, vente à crédit de riz en
période de soudure, de matériaux de construction, etc…) aux producteurs, afin de les fidéliser.
Les collecteurs jouent donc sur la proximité et sur le sentiment de redevabilité des producteurs
pour leur racheter le cacao au prix le plus bas.
L’influence des collecteurs se traduit par cette phrase prononcée par un exportateur :
« Les collecteurs restent puissants qu’on le veuille ou non et on est obligé de travailler avec
eux ».
Les plantations industrielles
Héritage du passé colonial, les plantations sont aujourd’hui toutes des propriétés de groupes
privés et commercialisent à une clientèle étrangère exigeante (chocolatier haut de gamme
principalement) du cacao marchand labélisé bio et de qualité supérieure.
44 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Avec une superficie moyenne de 600 ha de cacaoyère par plantation, celles-ci sont les
principales exportatrices du cacao marchand de qualité supérieure à Madagascar. En effet, elles
disposent du matériel (bacs de fermentation, séchoir, etc…) pour produire une bonne qualité de
cacao marchand.
En marge de leur propre production les plantations travaillent en étroite collaboration avec les
collecteurs ou avec des préparateurs spéciaux de cacao marchand de qualité supérieure ceci dans
le but de complémenter leur volume pour honorer les contrats signés. Ces plantations intègrent
aujourd’hui à la fois les rôles de producteurs, de grands collecteurs, de transformateurs et
d’exportateurs.
Les exportateurs
En plus des plantations qui ont ce titre, on compte aujourd’hui une multitude d’acteurs sur ce
segment. Au fil des années et au vu de l’évolution de la filière, d’autres acteurs se sont établis
comme exportateurs. Ce sont des opérateurs économiques qui ont un carnet d’adresse de clients
bien fourni. Ils n’exportent pas seulement le cacao mais aussi les autres matières premières
agricoles à savoir : le café, la vanille, le girofle, le poivre, etc….. On dénombre néanmoins
quelques exportateurs historiques comme RAMAEX et Yvon SOMIANGY qui doute nt
aujourd’hui de l’avenir de la filière du fait de la baisse de la qualité et de la concurrence
croissante. Interrogés sur l’évolution de la filière, un exportateur déclarait :
« En 2003, il y avait 3 exportateurs (MILLOT, RAMAEX et YVON) aujourd’hui, nous sommes 12
et les relations avec les autres ne sont pas saines. Si cela continue on perdra notre puissance.
Beaucoup d’opportunistes sont présents aujourd’hui dans la filière et cela risque de faire
baisser la qualité, ça risque d’être comme pour la vanille ».
Pour garantir leur approvisionnement, la traçabilité et la qualité des fèves commercialisées, de
plus en plus d’exportateurs se décident à avoir leur propre plantation. D’autres contractualisent
avec un pool de producteurs pour livrer des volumes de cacao à un grand chocolatier Suisse
(Lindt).
Les chocolateries locales
Au nombre de deux dont une très ancienne (La chocolaterie Robert) et une récente (CINAGRA),
les chocolateries sont basées à la capitale Antananarivo. Elles assurent leur approvisionnement
en passant des contrats avec des collecteurs ou avec des coopératives. La chocolaterie Robert à
un fonctionnement très particulier car en plus des volumes de cacao livrés par les collecteurs
elles sollicitent les volumes de cacao d’une société d’exportation et d’une plantation qui
appartiennent au même consortium qu’elle. Le chocolat produit par ces deux entreprises est pour
la plupart à destination du marché extérieur même si le marché intérieur en direction des classes
moyennes est non négligeable.
Le schéma ci-dessous récapitule le fonctionnement actuel de la filière cacao à Madagascar:
45 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Figure 30: Récapitulatif de la filière cacao de Madagascar.
C’est dans ce contexte de filière complexe qu’évolue aujourd’hui les exploitations agricoles
familiales. Ces exploitations présentent des caractéristiques particulières les unes par rapport
aux autres. Il est donc important de comprendre comment ce sont différenciées ces exploitations
et quelles sont leurs caractéristiques pour ensuite comprendre comment chacune d’elles s’insère
dans la filière.
46 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
2.2.8 Trajectoire et modes de capitalisation des exploitations agricoles dans la zone d'étude
L’histoire agraire permet de comprendre comment au fil des années, les exploitations agricoles
se sont différenciées. Avant le début de la colonisation et jusqu’au début des années 1900,
l’accès au foncier était généralement chose facile et était régit par le chef de lignage. Il suffisait
de demander son aval pour valoriser la terre avec du riz d’aba ttis brulis. La taille du cheptel était
considérable et il était utilisé pour le travail ainsi que pour les cérémonies. L’arrivée des colons a
changé la donne car jusqu’en 1960, la capitalisation en foncier était devenu difficile du fait
notamment de la loi régulant le défrichement et les feux. Cette difficulté d’accès au foncier a
entrainé une réduction drastique du cheptel bovin dans les exploitations familiales. L’Année
d’accession à l’indépendance 1960, marque un tournant dans l’histoire car l’accès à la terre
redevint à nouveau facile du fait des éléments évoqués plus haut dans l’historique. Les cultures
de rentes excellents marqueurs foncier étaient en plein essor et adoptés par les paysans suite à
une campagne de vulgarisation et des subventions en intrants. Ces derniers implantent du café
qui sera ensuite remplacé par le cacao à cause de la chute des prix sur les marchés
internationaux. L’hypothèse est faite que les chefs de lignage et les autochtones qui à ce moment
avaient pu épargner grâce au café puis au cacao ont pu agrandir de nouveau leurs exploitations
en recourant à la main d’œuvre migrante à travers des contrats de métayage ou de journalier
agricole.
Le début des années 1990 est marqué par le développement exponentiel des cultures de rente qui
ont très vite conduit à une saturation foncière dans la zone. L’accès à de nouvelles parcelles
foncières ouvertes sur la forêt n’était plus possible par et la gestion fut désormais assurée par
l’Etat. Faute de pouvoir s’étendre, les familles durent diviser leurs exploitations entre leurs
héritiers. Les modalités d’héritage dépendant des familles, on distingua deux stratégies. Soit tous
les enfants héritaient, soit seulement une partie : les plus jeunes ou les aînés ou uniquement les
hommes ou juste ceux intéressés par l’agriculture. Les femmes héritaient généralement des
rizières et les hommes des parcelles de cacao ou de café. Lorsque dans la parcelle reçue n’est pas
planté en café, ou cacao, les jeunes propriétaires implantent le cacao et partent travailler en ville
(Ambanja, Nosy-Be) pour avoir les ressources nécessaires afin de revenir se marier puis
s’installer sur leur propre exploitation.
En fonction de la date d’arrivée dans la zone, et de la main d’œuvre disponible, les familles ont
pu se constituer une propriété plus ou moins importante. Trois types de structures d’exploitations
se distinguent aujourd’hui :
- Des exploitations de grandes superficies (> 5 ha en moyenne) qui mettent en métayage
certaines parcelles car ils ne peuvent pas s’occuper de tout. Ce sont surtout les rizières
qui sont confiées. Cela leur garantie un approvisionnement constant en riz.
- Des exploitations de taille moyenne (environ 2 à 4 ha).
- Des exploitations agricoles ayant de petites superficies (< 1 ha), à peine suffisantes pour
vivre. Les actifs sont souvent obligés d’exercer d’autres activités (extra-agricole,
journalier) pour complémenter leur revenu.
47 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Le schéma ci-dessous illustre les modes de capitalisation actuels dans la zone d’études.
Figure 31: Dynamique de capitalisation dans la zone d'étude.
Suite à un héritage en foncier, les jeunes ménages implantent systématiquement des cultures de
rente notamment le cacao. Au-delà de 1 ha, grâce aux revenus générés par la culture du cacao, ils
couvrent leurs besoins de base et investissent les surplus prioritairement dans l’amélioration de
leurs conditions de vie (alimentation, maison, scolarisation des enfants, etc….). Une fois ces
besoins satisfaits, ils pourront commencer à réinvestir les bénéfices de deux manières : dans
l’achat de bovins pour l’agrandissement du troupeau ou dans la mise en place d’une activité
extra-agricole (bar, épicerie, etc…). Le prix de la viande de zébu repartant à la hausse, la
capitalisation en bovin devient intéressant. Plus tard, les revenus générés par la vente de bétail
ou par l’activité extra-agricole peuvent permettre d’acheter une terre pour s’assurer de meilleurs
revenus et pouvoir transmettre une surface viable à leurs enfants. Certains paysans peuvent
investir directement dans le foncier au lieu de le faire dans ces deux alternatives. Il peut arriver
que des individus n’étant pas agriculteurs à la base et ayant les moyens financiers et matériels
nécessaires décident de s’installer pour faire de l’agriculture dans la zone. Ils essayent de se
procurer une surface et ensuite complémentent avec soit du fermage ou soit du métayage.
Au fil du temps, l’accès au foncier est devenu un élément clé de différenciation des exploitations
agricoles dans la zone. Grâce à la description de chaque archétype, nous appréhenderons mieux
les contraintes et les avantages liés aux différents modes de valorisation de leur production dans
la filière.
2.3 LES DIFFERENTS SYSTEMES DE CULTURES CACAO PRESENTS DANS LES EXPLOITATIONS
Le cacao est la culture principale dans la vallée du Sambirano et se retrouve dans toutes les
exploitations agricoles. Trois systèmes de cultures à base de cacao ont été répertoriés : le cacao
sous ombrage agroforestier, le cacao sous ombrage associé à d’autres cultures d’e xportation
(vanille, poivre, café) et le cacao sous ombrage associé à d’autres cultures d’exportations ainsi
qu’aux arbres fruitiers (orangers, jacquier, bananiers etc…).
48 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Dans la région du Sambirano, le cacao est commercialisé sous différentes formes à savoir, les
fèves fraîches ou cacao frais, les fèves sèches (cacao marchand). Les fèves fraîches de cacao sont
obtenues après ouverture des cabosses de cacao. L’obtention du cacao marchand nécessite un
savoir- faire bien précis. Après la disparition de la CEAMP en 1975, ce sont les collecteurs et les
acheteurs qui ont repris en main cette activité de transformation du cacao.
De nombreux producteurs s’essaient aujourd’hui à transformer leur cacao mais cela présente un
certains nombres de contraintes. Il existe deux types de cacao marchand : la qualité standard et la
qualité supérieure. Selon le type de cacao (standard ou sec supérieur) que l’on souhaite obtenir il
faudra qu’il respecte un certain nombre de jours en matière de fermentation et de séchage. Pour
le cacao standard, il faut 3 jours de fermentation et 3 jours de séchage. Par contre pour le cacao
sec supérieur il faut compter environ 7 jours de fermentation et 6 jours minimum de séchage.
Avant l’arrivée du commerce équitable seul les plantations industrielles de la zone étaient en
mesure de commercialiser du cacao marchand de qualité supérieure. Dans la région du
Sambirano, le cacao marchand standard est le plus répandu chez les producteurs et les collecteurs
car il est facile à vendre et demande moins de travail (selon la situation). Dans le cas du
commerce équitable, les coopératives de producteurs sont appuyées et formées à cette pratique
de transformation par les animateurs de l’UCLS pour obtenir du cacao supérieur qui est le seul
type acheté par Ethiquable. L’obtention du cacao sec standard ou supérieur nécessite un
dispositif bien défini (bacs de fermentation, aires de séchage en dur).
Les figures ci-dessous montrent la comparaison de la productivité de la terre (VAB/ha) et de la
productivité du travail (VAB/hj) des différents systèmes de cultures et de transformation pour
les différents types de cacao commercialisés dans la zone. Pour le cacao frais (2.500 Ar/kg, 70
centimes d’€/kg) et le cacao standard (7.500 Ar/kg, 2,14€/kg), les prix considérés sont ceux du
marché local et pour le cacao supérieur (9.600 Ar/kg, 2,75€/kg), le prix considéré est celui du
commerce équitable. Pour le prix du commerce équitable, la prime bio est incluse car, on qu’elle
est indissociable du prix (Prix minimum garanti = 9200Ar/kg et Prime Bio = 400 Ar/kg).
49 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Figure 33: Comparaison des VAB/hj des SC et ST cacao avec le salaire minimum journalier.
Il est rémunérateur de faire du cacao marchand mais en contrepartie, il faut investir du temps de
travail pour la transformation post-récolte. En comparant la productivité du travail au salaire
minimum journalier, il est clair que les producteurs gagneraient à transformer leur cacao.
Toutefois en plus du temps de travail supplémentaire à investir, il faut pouvoir être capable
d’attendre jusqu’à la vente de la production pour être rémunéré.
37500004162500
5328000
44500004835000
59228005470000
5855000
6942800
0
1000000
2000000
3000000
4000000
5000000
6000000
7000000
8000000
VAB/hacacao frais
VAB/hacacao sec
std.
VAB/hacacao sec
sup.
VAB/hacacao frais
VAB/hacacao sec
std.
VAB/hacacao sec
sup.
VAB/hacacao frais
VAB/hacacao sec
std.
VAB/hacacao sec
sup.
SC1 et ST SC2 et ST SC3 et ST
VA
B/h
a/an
(en
Ari
ary)
Systèmes de culture cacao et transformation
Comparaison des VAB/ha/an des SC et ST cacao
31028
23125 22121 21250
17947 17980
23374
19914 19611
0
5000
10000
15000
20000
25000
30000
35000
VAB/hjcacao frais
VAB/hjcacao sec
std.
VAB/hjcacao sec
sup.
VAB/hjcacao frais
VAB/hjcacao sec
std.
VAB/hjcacao sec
sup.
VAB/hjcacao frais
VAB/hjcacao sec
std.
VAB/hjcacao sec
sup.
SC1 et ST SC2 et ST SC3 et ST
VA
B/h
j (en
Ari
ary)
Systèmes de culture cacao et transformation
Comparaison des VAB/hj des SC et ST cacao
Salaire minimum journalier
Figure 32: Comparaison des VAB/ha/an des SC et ST cacao.
50 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Lorsque le cacao est valorisé en qualité supérieure, cela permet d’augmenter la productivité de la
terre et donc la valeur ajoutée revenant au producteur. La culture du cacao permet de dégager
une productivité de la terre très élevée quel que soit le système de culture. Ainsi 0,5 ha du
système de culture 1 non transformé permet d’obtenir une valeur ajoutée équivalent au seuil de
survie (Annexe 7). Selon les autres charges de l’exploitation, amortissements, rente foncière à
payer au propriétaire et autres, il est donc possible d’évaluer la surface minimum nécessaire pour
qu’une exploitation soit viable.
A part le cacao, toutes les exploitations de la zone produisent du riz et élèvent quelques animaux.
En fonction des surfaces disponibles, la proportion relative de ces différents ateliers change, les
modes de conduite aussi. Pour le riz, les trois principaux systèmes de cultures identifiés sont : le
riz pluvial, le riz inondé et le riz irrigué. Enfin les élevages se distinguent selon les espèces et
services recherchés. L’élevage de zébu de trait, l’élevage de zébu de reproduction, l’élevage de
volailles et l’élevage de petits ruminants.
Par ailleurs, en fonction des volumes produits, du temps disponible et des besoins en trésorerie,
les agriculteurs ont des stratégies différentes pour s’insérer dans la filière cacao ; ils ne vendront
pas leur cacao aux mêmes acheteurs ou aux mêmes conditions. Enfin ils se distinguent par
l’origine de la main d’œuvre qui travaille sur l’exploitation et les activités du ménage.
2.4 LES PRINCIPAUX SYSTEMES DE PRODUCTIONS ET ACTIVITES DES MENAGES
Cinq systèmes de production représentent de façon simplifiée, archétypale la diversité des
exploitations agricoles de la zone d’étude. Il existe une multitude d’exploitations qui sont dans
des situations intermédiaires et au fil des années, elles peuvent passés d’un type à un autre (ou
par exemple lorsque survient un événement important pouvant induire une capitalisation ou une
décapitalisation : catastrophe naturelle, héritage, acquisition de foncier et de matériel, décès,
etc…)
Pour chaque archétype, les revenus agricoles ont été évalués sur la base des résultats
technicoéconomiques de 2015 et ils prennent en compte les autoconsommations. Cette dernière
est difficile à évaluer précisément et a probablement été sous-évaluée.
2.4.1 Type1 : Les tout petits producteurs de cacao sous ombrage et de cultures vivrières d’autoconsommation pluriactifs
Caractéristiques générales
Agriculteurs de 2ème, 3ème voir 4ème générations, ils ont hérités de petites superficies à peine
suffisante pour vivre. Les revenus agricoles générés sont limités et ne suffisent pas souvent pour
subvenir aux besoins de la famille. Soit ils sont employés en tant que journalier dans d’autres
exploitations pour complémenter leur revenu, et cela en période de pic de travail. Soit ils
associent à l’activité agricole une activité extra-agricole rémunératrice (menuisier, maçon,
artisan, etc….) qui leur permet de mieux vivre. Dans ce type on retrouve toute les tranches
d’âges de paysans.
51 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Systèmes de cultures et d’élevage
Dans ce système de production, les principaux systèmes de cultures rencontrés sont : le cacao
sous ombrage agroforestier, le riz pluvia l, le riz inondé, l’élevage de zébus de trait et l’élevage de
volailles.
Le cacao sous ombrage
Système de culture à deux strates, il est le plus ancien des systèmes de culture cacao. Son
implantation remonte à l’époque où la CEAMP (Centrale d’Equipement Agricole et de
Modernisation du Paysannat) en faisait la vulgarisation (voir historique). Les parcelles de ce type
de culture se situent en fond de vallée et aussi dans la plaine du Bas-Sambirano. A part les
cacaoyers plantés avec un écartement de 4 mètres pour une densité dépassant les 600 pieds, on
retrouve sur ces parcelles une variété importante d’arbres (100 pieds/ha) servant d'ombrage
comme: l’Inga dulcis (Acacia), le Terminalia mantaly et le bois noir encore appelé Albizzia
lebbek. Mis à part l’ombrage, la sélection de ces arbres est motivée par le fait qu’ils ont une
croissance rapide et peuvent favoriser la fixation de l’azote atmosphérique. Ces arbres
d’ombrages peuvent remplir différentes fonctions à savoir : combustible, bois de construction ou
de fabrication d’outils, utilisation pour la médecine traditionnelle. Les prélèvements sur les
arbres d’ombrages par les paysans ne sont pas du tout fréquents et ne se font que de manière
ponctuelle souvent pour un besoin exceptionnel ou lorsque l’arbre est trop vieux et menace de
tomber. Nous n’avons pu estimer le revenu que représentent ces prélèvements. La culture sous
ombrage serait durable et expliquerait le fait que les paysans n’aient pas recours à des fertilisants
car en plus de la fertilisation verticale naturelle, le cacaoyer évolue dans un écosystème adéquat.
Le riz pluvial
A Madagascar et dans le Sambirano en particulier, la principale culture vivrière est le riz. Cette
culture constitue le socle du régime alimentaire malgache. Il est consommé dura nt toute l’année
et les familles ne pouvant s’auto-suffire en riz en achètent durant la période de soudure. Le riz
acheté provient des régions voisines ou est importé d’Asie.
Le riz pluvial est souvent cultivé sur les versants ou sur les collines. L'alimentation hydrique
dépend du régime de pluie. Les principales variétés utilisées sont le Sebota et l'Antalafotsy.
L’implantation se fait par semis à la volée, qui est une technique demandant moins de travail. Par
contre, la densité d'implantation est faible, ce qui entraîne un rendement relativement faible : 90
daba à l'hectare en moyenne, soit 1,35 tonnes/hectare. Après la culture du riz, il n’est pas
étonnant de remarquer l’implantation de cultures vivrières tel le maïs, le haricot voir même les
cultures maraîchères. Les cultures vivrières ont pour but de complémenter la production de riz et
ceci toujours dans l’optique de faire face à la période de soudure.
En observant les systèmes de cultures présents dans ce type d’exploitation, on s’aperçoit qu’ils
sont peu gourmands en main d’œuvre. Les paysans ici optent pour des systèmes de cultures qui
demandent moins d’investissement en travail et vu qu’ils sont pluriactifs, ils n’ont pas le temps
d’investir du travail et encore moins des ressources financières.
Le système d’élevage volaille
Dans les exploitations agricoles, la volaille est essentiellement constituée de poules malgaches,
de canards, d’oies, des Dokotra issus du croisement entre le canard mulard et celui de barbarie.
52 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Cet élevage est destiné principalement à l’autoconsommation, est très peu couteux et demande
un temps de travail très faible. En effet les animaux sont élevés en divagation dans la cour de la
maison ou dans les parcelles de cacao. Ils mangent les résidus de récolte notamment ceux du riz.
Il arrive qu’en complément, du son de riz soit acheté à hauteur de 500 Ar/jour (15 centimes).
Les effectifs varient d’une exploitation à une autre et peuvent être affectés par des épidémies ou
des épisodes cycloniques. Les volailles jouent un rôle important dans la trésorerie car elles
permettent de faire rentrer de l’argent qui aidera dans bien de cas à faire face à la période de
soudure. La plupart du temps, les ventes s’effectuent pendant les périodes de fêtes (pâques,
indépendance, noël, etc..) où les mâles sont vendus en moyenne 15.000 Ar (4€) et les femelles
12.000 Ar (3€).
Main d’œuvre
La main d’œuvre, est essentiellement familiale et basée sur l’entraide. Les deux actifs au sein de
l’exploitation se chargent de tout le travail nécessaire. Le recours à la main d’œuvre salariale est
quasi inexistant et n’est sollicitée qu’en cas de force majeur.
Capacité à valoriser sa production en cacao marchand
En général, cette catégorie de producteurs n’arrive pas à commercialiser du cacao marchand
toute l’année, qu’il soit de qualité standard pour le marché conventionnel ou de qualité
supérieure pour une éventuelle vente en coopérative. Disposant de petites superficies, la récolte
du cacao est répartie sur toute l’année, les petits volumes rendent peut efficient la transformation
avec les 3 à 6 jours de fermentation et 3 à 7 jours de séchage pour obtenir un cacao marchand
d’une certaine qualité. De plus, pour faire face à ses besoins de trésorerie pour subvenir aux
besoins quotidiens de la famille (alimentation, etc…) le producteur est obligé de commercialiser
régulièrement sa production de cacao sous forme de fèves fraîches.
La valorisation de la production en cacao marchand de qualité standard ou supérieur n’est
réalisée souvent qu’en période de pic de production. On estime à 20% du volume total annuel, la
quantité de cacao transformé. En période difficile (soudure), ils peuvent contracter des prêts
auprès des collecteurs et rembourser ceux-ci en cacao frais par la suite. Ce qui accroît leur
dépendance vis-à-vis de ces acteurs de la filière. Il est difficile de sortir du cercle de
l’endettement et de la dépendance.
L’amélioration des revenus de ce type passe par l’amélioration de la capacité à transformer qui
permettra aussi d’intégrer le commerce équitable dont ils sont de fait exclus aujourd’hui.
Outillage et matériel
Le travail est manuel avec des couteaux pour la récolte et le décabossage du cacao, une bêche, un
ou deux faucilles et la charrette utilisée pour le transport de la récolte. La préparation de la terre
dans les rizières, nécessite la location de la charrue : 40.000 Ariary/jour (11€) de travail pour 1/3
d’hectare.
53 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Exploitation agricole25 de type 1
25 Illustration inspiré de : Ferraton.N et Touzard.I, Dossier pédagogique - Observer et comprendre un système
agraire, Livret 2, Etude de cas: L'agriculture d'une petite région (Hinche, plateau central) en Haïti, CNEARC -
Montpellier, 71p. 2005
54 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
2.4.2 Type 2 : Les producteurs de cacao sous ombrage agroforestier diversifiés
Caractéristiques générales
Vivant exclusivement de l’agriculture, les paysans de ce type ont hérité po ur la plupart de
superficies en cacao (environ 1 à 3 ha) leur permettant de vivre de leur activité. Ils peuvent aussi
avoir capitalisé via un travail extérieur pour développer une surface de cacao suffisante et passer
du système de production de type 1 à celui-ci. Pour complémenter leur superficie en riz, les
agriculteurs de ce type peuvent prendre en métayage des parcelles appartenant à d’autres
exploitations agricoles. Ils reversent alors 1/3 de la récolte au propriétaire de la parcelle. Les
contrats sont en général pour une ou deux saisons de culture. Chaque année, le contrat est passé
avec un autre propriétaire. Comme pour le type précédent on retrouve aussi les cultures vivrières
d’autoconsommation dans ce genre d’exploitation après la récolte du riz.
Systèmes de cultures et d’élevages
En plus de la culture de cacao sous ombrage agroforestier, on retrouve les deux autres systèmes
de cultures de cacao diversifiés. Ces systèmes de cultures cacao sont répartis sur des parcelles
morcelées et dispersées un peu partout autour du village. En plus du cacao, on retrouve dans
cette exploitation un système d’élevage (zébus de trait et volailles) identique à celui du type
précédent ainsi que du riz (pluvial, inondé et irrigué).
Le cacao sous ombrage agroforestier associé à d’autres cultures d’exportation (vanille, poivre,
café)
Dans ce système de culture, on retrouve deux strates composées par les caféiers et les cacaoyers.
Les lianes (vanille et poivre) sont implantées sur les arbres d’ombrages et les caféiers pouvant
servir de tuteur pour le poivre. Ce système de culture n’a pas de localisation spécifique, on le
retrouve sur les plaines et les versants. Le choix du nombre de cultures de rente associées dépend
de l'exploitant. A l'origine, il s'agissait de parcelles de café comme décrit dans l’historique, où les
caféiers ont été progressivement remplacés par des cacaoyers. Le poivre et la vanille peuvent
avoir été associés avant l'installation des cacaoyers, car ils poussent sur les arbres d'ombrage
présents dans les parcelles de caféiers.
Au sein de la parcelle, il n’existe pas de disposition particulière des différentes cultures. En
association avec d'autres cultures de rente comme le café, la densité du nombre de pieds de
cacaoyers tend à diminuer. En effet, les cacaoyers sont plantés progressivement et comme il y a
toujours des pieds de caféiers sur la parcelle le nombre de pieds de cacaoyer est moins important.
La présence des lianes (poivre et vanille) n'induit aucun changement sur la parcelle en termes de
densité du fait qu’elles poussent sur les arbres d'ombrage. Les prix actuellement à la hausse dans
la filière vanille à Madagascar, on note un regain d’implantation de la vanille dans les parcelles.
Les producteurs voient là une occasion de diversifier leurs sources de revenu. La culture du
cacao en association avec des cultures d’exportations comme la vanille, le poivre et le café est
très intéressante pour les paysans qui peuvent tirer un maximum de bénéfice de leurs cacaoyères.
Cependant ce type de système de culture représente une charge de travail supplémentaire. En
plus des opérations culturales réalisées pour le cacao, il faut rajouter celles des autres cultures. Si
certaines opérations sont mutualisées comme le désherbage qui se fait 2 fois par an, en novembre
et avril, la culture de la vanille exige une charge de travail importante. Par ailleurs les risques de
vol de récolte dans les parcelles ne sont pas négligeables.
55 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Le riz inondé
D’après les enquêtes auprès des paysans, on constate que beaucoup d’entre eux optent pour un
cycle de riz de 5 mois par an. Rares sont ceux qui enchaînent le second cycle de 3 mois du fait
du manque de main d'œuvre nécessaire pour sa réalisation. L’abandon du second cycle de riz
s’explique aussi par le fait que cela vient concurrencer les autres cultures (cultures de rente). La
préparation de la terre et le semis pour le riz débute avec la saison des pluies (Novembre-
Décembre) et s’achève généralement entre Janvier et Février. Cette période correspond à la
période du grand pic de la production du cacao. Aussi, la récolte qui s’étend de Mai à Juin
coïncide également avec la période du petit pic de cacao. Au vu de ces éléments, les producteurs
ayant une main d’œuvre limitée n'hésitent pas à délaisser le deuxième cycle vu que le premier est
déjà contraignant.
Le riz inondé est le système de culture riz le plus présent dans les exploitations agricoles. Pour ce
système de culture, les variétés utilisées sont des variétés locales : komanga manitra,
kiriminigny, 20-5, R16, lacoque. Dans la plupart des cas, l'implantation se fait par semis à la
volée. L’alimentation en eau de la rizière dépend directement des pluies ou de la crue du fleuve.
Ce système de culture est localisé au niveau de plaines situées en bas des versants, à proximité
du lit du fleuve ou encore sur des zones de marais ou sur des sols hydromorphes qui ont une
importante rétention en eau. Après la saison des pluies, les sols pouvant accueillir ce type de riz
s’assèchent progressivement. L’utilisation d’intrants chimiques pour ce système de culture n’est
pas systématique. Les rendements varient : 45 à 180 daba/ha soit 675 kg à 2,7 tonnes/ha. A
l’instar des autres systèmes de production, la production de riz est destinée d’abord à
l’autoconsommation. Cependant, lorsque le rendement dépasse les 70 daba (1,5 tonnes) pour un
ménage de 6 personnes, l’excédent peut être commercialisé.
Main d’œuvre
Composée de deux actifs, la main d’œuvre dans cette exploitation est essentiellement familiale et
basée quelques fois sur l’entraide. Lorsqu’en période de pic de travail, la main d’œuvre familiale
n’arrive plus à gérer la charge de travail, les paysans font souvent recours à des salariés.
Journaliers pour la plupart, ces salariés s’occupent principalement du désherbage et de la récolte
de cacao pendant les périodes de pic de production.
Capacité à valoriser la production en cacao marchand
Ce type d’exploitation est capable de commercialiser du cacao marchand (standard ou supérieur)
durant toute l’année. Toutefois, la charge de travail supplémentaire qu’occasionne la
diversification au niveau des systèmes de cultures cacao, la concurrence que provoque la culture
du riz, la taille des parcelles sans compter les autres activités réalisée au sein de l’exploitation
font que de faible volume sont valorisés en cacao marchand. On estime à 40% du volume annuel
total, la quantité de cacao marchand commercialisée par ce type. Le reste est vendu sous forme
de fèves fraîches. Il peut arriver que des imprévus surviennent et obligent l’exploitant à vendre
sa production en fèves fraîches. C’est le cas par exemple lorsqu’il doit payer la scolarisation des
enfants ou faire face à des dépenses de santé importantes. Dans cette situation, soit il mobilise le
peu d’épargne qu’il a pu constituer grâce aux revenus du cacao soit, et ceci est la solution la plus
choisie, il fait recours aux collecteurs. Ces derniers l’aident à régler son problème mais en
contrepartie, exigent d’être remboursés en cacao, acheté au paysan au plus bas prix.
56 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Exploitation agricole de type 2
57 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
2.4.3 Type 3 : Les producteurs de cacao sous ombrage diversifié et éleveurs de zébus et de volailles
Caractéristiques générales
La différence avec le type décrit plus haut est que dans ce système de production, la superficie en
cacao (0,5 à 2ha) et en riz (0,17 à 1ha) est moins importante mais, les zébus (une quinzaine de
têtes) et les volailles (plus d’une vingtaine) sont plus nombreux. La taille importante de l’élevage
dans ce type exploitation peut s’expliquer de deux manières. Soit l’exploitant avait un petit
nombre de bêtes comme le type 2 au départ et a pu dégager des revenus pour acheter des
animaux soit il a hérité d’une partie des animaux.
Systèmes de cultures et d’élevages
Comme dans le type précédent, on observe une grande diversification en termes de systèmes de
culture surtout dans les parcelles de cacao. On retrouve donc les trois systèmes de culture cacao
comme précédemment, un, deux ou trois des systèmes de cultures de riz répartis sur de petites
parcelles, les volailles et le système d’élevage zébus (traction et reproduction).
Le cacao sous ombrage associé aux cultures d’exportations et aux arbres fruitiers (orangers,
jacquier, bananes, etc…)
Ce système de culture complexe est basé sur une association culturale très diversifiée. Il est
caractérisé par trois différentes strates composées respectivement par les cacaoyers et les autres
cultures de rentes, les arbres fruitiers et enfin les arbres d’ombrages. Il se retrouve beaucoup plus
sur les versants mais quelque fois en fonds de vallée. On retrouve sur ce genre de parcelle
principalement des bananiers, des jacquiers, des orangers, de l’ananas etc…. Les bananiers sur
les versants permettent d’augmenter la capacité de rétention du sol en eau car les conditions
pédoclimatiques sont différentes par rapport au fond de vallée. Il faut rappeler que pendant la
phase d’implantation des pieds de cacaoyers, les bananiers servent au départ d’ombrages
provisoires pour les jeunes plants de cacaoyers. En plus des arbres d’ombrages de base, il y a sur
les parcelles les arbres fruitiers comme le jacquier, l’oranger et autres (ananas notamment) dont
les produits sont également commercialisables. Les fruits du jacquier servent aussi à nourrir les
zébus. En termes de travail, en plus des différentes opérations effectuées pour le cacao et les
autres cultures de rente, s’ajoutent celles relatives aux autres espèces présentes sur la parcelle.
Les systèmes d’élevage de zébus
D’une importance capitale dans le milieu agricole rural malgache, le zébu re mpli plusieurs
fonctions dans les exploitations agricoles du Sambirano. Tout d’abord, il sert d’animal de
traction pour la charrue, la charrette, et les autres équipements pouvant servir au sein de
l’exploitation. Le zébu est utilisé pour l’autoconsommation lors des occasions spéciales (fêtes
traditionnelle, mariage, décès, etc…) car dans la tradition Sakalava, lorsqu’il se produit un
événement majeur au sein de la famille ou dans l’entourage immédiat, il est nécessaire de tuer un
animal pour l’offrir en tant que cadeau à la communauté. Mis à part la traction animale, le zébu
est également utilisé pour valoriser les résidus post-récolte au niveau des rizières. Pour finir le
zébu est un moyen d’épargner. En période de difficulté majeure, l’une ou plusieurs tê tes peuvent
être vendues afin de régler les problèmes financiers. Cela évite de s’endetter à des taux usuraires
ou de louer ou vendre sa terre.
58 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
De plus, le fait d’avoir un troupeau important est considéré comme signe extérieur de richesse et
confère à son propriétaire une certaine importance sociale dans la communauté.
Les deux systèmes d’élevage de zébus de traction et de reproduction se retrouvent au sein d’une
même exploitation.
Le système d’élevage zébus de traction
C’est un système dans lequel on retrouve un nombre de bêtes pouvant aller en moyenne jusqu’à
5 zébus avec une prédominance du nombre de mâles (castrés à l’âge de 4 ans et prédestinés à la
traction). Lorsque les animaux atteignent l’âge de 13 ans, le propriétaire se sépare de ces zébus
pour les remplacer par de jeunes zébus plus vigoureux achetés à un prix pouvant varier de
600.000 Ar (171€) à 1.000.000 d’Ar (286€). Il peut aussi les vendre pour l’abattage, selon la
taille et l’âge, une femelle réformée peut coûter environ 500.000 Ar (143€) et un mâle castré
peut coûter jusqu’à 2.000.000 d’Ar (571€).
Les bêtes sont élevées au piquet. Les propriétaires aménagent un espace tout près de la maison
où les animaux sont attachés à des piquets à la fin de la journée de travail. Leur alimentation est
essentiellement constitué de résidus des cultures (cabosses de cacao, résidus post-récolte de riz,
etc…) et de pâture dans la forêt. Certains propriétaires peuvent acheter de l’alimentation en
extérieur comme les fruits de jacquier dont la charrette coûte environ 4.000 Ar
Le système d’élevage zébus de traction et de reproduction
Dans ce système, on retrouve un cheptel plus important pouvant varier de 5 à 15 têtes voir plus.
Dans cet élevage, soit le nombre de mâle est équivalent au nombre de femelle, soit on retrouve
une proportion plus importante de femelle. Ceci s’explique tout simplement par le fait que ce
système n’est pas seulement destiné à la traction mais aussi à la reproduction. Les femelles
assurent le renouvellement du troupeau en mettant bas en moyenne 1 veau tous les 2 ans. En
général dans la zone, la production de lait est très faible et même quand elle existe, elle est
destinée à l’autoconsommation.
Les animaux sont en général confiés à un bouvier. Celui-ci s’occupe de la conduite des bêtes
dans les pâturages situés parfois très loin de l’exploitation. Il est rémunéré de deux façons : soit il
perçoit environ 500.000 Ar/an soit il est rémunéré par l’octroi d’un nouveau-né tous les deux ans
dont la valeur est estimé entre 600.000 Ar et 1.000.000 d’Ar. Dans certains cas, le propriétaire
autorise même le bouvier à utiliser les animaux. Pour ce qui est de l’aspect sanitaire du troupeau,
le propriétaire dépense en moyenne 3.500 Ar/tête/an (1€) pour la vaccination (livret + vaccin) et
25.000 Ar/tête (7€) pour les vitamines si besoin.
Il est difficile même pour les producteurs de donner des informations exactes sur les races de
zébus dans la zone. Toutefois, il est possible d’observer des traits qui ressemblent beaucoup à
ceux de la race brahmane, qui est une race indienne caractérisée par une robe gris clair, des
cornes courtes et des oreilles pendantes. Il existe aussi une race locale appelé race malagasy.
Main d’œuvre
La main d’œuvre dans cette exploitation est essentiellement familiale ; s’ajoute en période de pic
de travail, des salariés pour s’occuper principalement de l’entretien des parcelles et de la récolte
de cacao l’emploi d’un bouvier pour la conduite du troupeau.
59 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Capacité à valoriser la production en cacao marchand
Il est possible de commercialiser du cacao marchand durant toute l’année. Cependant, vu que la
superficie en cacao est moins importante, il se pourrait que les rendements à certains moments de
l’année surtout en période creuse n’encouragent pas la transformation en cacao marchand. La
quantité de cacao marchand commercialisée par ce type constitue 40% de son volume total
annuel.
Exploitation agricole de type 3
60 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
2.4.4 Type 4 : Petits commerçants ou collecteurs, producteurs de cacao sous ombrage agroforestier
Caractéristiques générales
Ils ont pour la plupart hérité de superficies importantes (plus de 3 ha), grâce auxquelles ils ont pu
facilement capitaliser. Les revenus générés par l’activité agricole leur ont permis de mettre en
place des activités extra-agricoles rémunératrices (bar, épiceries, etc…) ou bien même de
débuter l’activité de collecte en rachetant des fèves fraîches de cacao auprès des autres
agriculteurs.
Certains n’ont pas hérité mais ont acheté des terres grâce au revenu d’une activité extra-agricole,
le commerce surtout (vente de riz et divers en milieu rural) pour progressivement s’insérer dans
l’activité agricole. En plus des terres en propriété foncière, les exploitants ont souvent recours à
la location de cacaoyères auprès des exploitants des types précédents qui pour résoudre un
problème urgent mettent leur terre en fermage. En tant que collecteurs ou commerçants, les
exploitants de ce type font régulièrement des crédits (cash, produits de premières nécessité,
etc…) aux exploitants des types précédents pour être remboursés ensuite soit en argent liquide
avec des taux usuraires, soit en cacao, soit en terre lorsque les débiteurs sont dans l’incapacité
totale de les rembourser.
Systèmes de cultures et d’élevages
Dans ce type d’exploitation, on retrouve les différents systèmes de culture cacao mais avec une
très grande prédominance du cacao sous ombrage agroforestier. Seul le riz irrigué est pratiqué
avec l’emploi d’intrants chimiques pour des rendements meilleurs. Le système d’élevage lui est
identique à celui des types 1 et 2 (zébus de trait + volailles).
Le riz irrigué
Les variétés utilisées sont les mêmes que celles du riz inondé. A celles-ci s’ajoute la variété
Mamoriaka. Des infrastructures hydro-agricoles permettent de maîtriser l'irrigation et le drainage
de la rizière. Généralement, il s'agit de canaux déjà existants depuis l'acquisition de la parcelle ou
aménagés par l'exploitant lui-même. Après 21 jours les plants issus de la pépinière sont repiqués
pour une bonne maîtrise de la concurrence avec les adventices. Il peut y avoir utilisation des
herbicides On retrouve ce système de culture en général sur les plaines de fond de vallée et sur
des sols ayant une faible rétention en eau d’où l’aménagement de canaux d’irrigation. Les
rendements sont variables mais plus importants que pour les autres systèmes de cultures riz : 50
à 240 daba/ha soit 750 kg à 3,6 tonnes/ha.
Main d’œuvre
Dans ce genre d’exploitation agricole, le recours à la main d’œuvre est incontournable pour les
activités agricoles que ce soit des salariés permanents ou journaliers. Cette main d’œuvre a pour
tâche principale de s’occuper de l’entretien des parcelles, de la récolte et de la transformation du
cacao sous l’œil vigilant de l’exploitant agricole.
Une importante capacité à valoriser la production en cacao marchand
Cette exploitation agricole, tire essentiellement son revenu du cacao grâce à une bonne capacité
de stockage qui permet de vendre sa récolte au moment où les prix sont hauts.
61 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Le volume important (plus de 3 tonnes) de cacao produit à l’année est transformé et vendu sous
la forme cacao marchand (standard ou supérieur). On estime à 90% du volume totale, la quantité
transformée.
Les revenus générés par la commercialisation du cacao permettent d’améliorer les conditions de
vie de la famille, de faire de l'épargne pour faire face au besoin urgent d'argent, d'investir dans
l'équipement agricole et dans le foncier (location et achat). De ce fait le recours aux collecteurs
est inexistant dans ce genre d’exploitation. La transformation post-récolte du cacao est réalisée
car non seulement les revenus permettent d’être à l’abri du besoin mais ils permettent aussi
d’investir dans le matériel nécessaire pour obtenir un cacao marchand de bonne qualité.
Outillage et matériel diversifié
Le niveau d'équipement est supérieur aux autres types d’exploitations agricoles. Outre le petit
outillage, on retrouve des brouettes, des herses, des charrues, des charrettes, des pulvérisateurs,
et même des décortiqueuses de riz. Grâce à la décortiqueuse, les exploitants peuvent garantir leur
stock de riz pour la période de soudure en prélevant de petites quantités sur le riz de leur client
en guise de rémunération. Dans ce type d’exploitation, on retrouve également des bacs de
fermentation, des aires et des tapis de séchages pour la transformation post-récolte du cacao.
62 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Exploitation agricole de type 4
63 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
2.4.5 Type 5 : Grands commerçants ou collecteurs, producteurs de cacao sous ombrage agroforestier, éleveurs de zébus et de petits ruminants
Caractéristiques générales
Ces exploitants ont la même trajectoire et les mêmes logiques de fonctionnement que le type
précédent mais, les superficies en cacao sont plus importantes (plus de 20ha). Cela peut
s’expliquer de deux manières. Soit ils sont héritiers de propriétés importantes, soit grâce aux
activités extra-agricole ils ont pu investir dans le foncier (achat et location). Comme le type
d’exploitants précédent, ils sont souvent créanciers des petits paysans à qui ils achètent ou louent
les terres. Ils sont également propriétaires des rizières que les exploitants du type 2 exploitent en
métayage.
L’agriculture n’est pas leur seule activité. Ils possèdent également des épiceries, des bars et ils
pratiquent l’activité de collecte. L’épicerie joue un rôle stratégique car elle permet
d’approvisionner les paysans à crédit en produits de premières nécessités pendant la saison des
pluies. Ceci permet de les fidéliser et de les rendre redevables afin d’acheter leur production au
plus bas prix. Les activités agricoles et extra-agricoles génèrent des revenus complémentaires et
permettent à ce type d’exploitants d’avoir accès à un capital investissement très important. Ces
exploitations agricoles sont très résilientes face aux aléas.
Systèmes de culture et d’élevage
Les petits ruminants ont une fonction très particulière dans l’exploitation. Le cacao sous
ombrage agroforestier est prédominant même si on retrouve des parcelles sur lesquelles il y a du
cacao en association avec d’autres cultures.
Autres systèmes d’élevage : petits ruminants, porcs
Outre les systèmes d’élevages de zébus et de volailles, certains de ces exploitants ont des chèvres
conduites en divagation. Cet élevage est destiné principa lement à l’autoconsommation. Les
paysans qui pratiquent ce type d’élevage trouvent dans les chèvres le substitut idéal au zébu,
c’est-à-dire au lieu de vendre des zébus en cas de problèmes, ils vendent plutôt les chèvres. Le
troupeau est souvent de très petite taille (10 têtes en moyenne) pour éviter les dégâts, surtout sur
les cultures. Certains élèvent du porc mais c’est rare et en très petite quantité.
En général dans la vallée du Sambirano, l’élevage souffre des inondations causées par les
épisodes cycloniques qui peuvent décimer un cheptel entier. Le vol peut être aussi une contrainte
pour l’élevage.
Main d’œuvre
Le recours à la main d’œuvre extérieure est indispensable. Cette main d’œuvre est constituée de
journaliers et de permanents qui ont chacun leurs rôles. Ils s’occupent de l’entretien des
parcelles, de la récolte, de la transformation et d’autres tâches souvent liés aux activités extra-
agricoles (manœuvre, gardien, etc…). Spécialement dédiés à l’élevage bovin, le/les bouviers
s’occupent du cheptel bovin.
Valorisation de la production en cacao marchand toute l’année
Commercialiser du cacao marchand sur toute l’année ici n’est pas un problème, car non
seulement les volumes le permettent mais aussi la capacité de stockage est importante.
64 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Comme le type précédent, ce système de production à la capacité de valoriser l’essentiel de sa
production de cacao (90% du volume annuel total) en cacao marchand (standard ou supérieur) ce
qui permet d’avoir des revenus conséquents.
Outillage et matériel
En plus du matériel cité pour les types précédents, on retrouve également du matériel roulant
pour le transport de la production.
Exploitation agricole de type 5
65 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
2.4.6 Comparaison des performances des revenus de chaque type
Les revenus agricoles de ces différents types d’exploitation sont très inégaux. Certains
n’atteignent pas le seuil de survie (qui correspond au revenu minimal pour subvenir aux besoins
essentiels : alimentation, santé, vêtements, scolarisation des enfants, etc….) (Annexe 7). La
scolarisation des enfants a été intégrée car les paysans prennent la scolarisation de leurs enfants
très à cœur. Tous les paysans enquêtés avaient leurs enfants scolarisés. Le seuil de survie a été
évalué à 1.831.500 Ar (523€) soit 43€/mois.
Figure 34: Comparaison des revenus agricoles par type par rapport au seuil de survie.
La plupart des exploitations agricoles ont un revenu supérieur au seuil de survie. Les revenus de
ces exploitations reposant en grande majorité sur le cacao, on peut dire que le cacao est une
culture créatrice de richesse. Seules les exploitations agricoles de type 1 n’arrivent pas à dépasser
ce seuil de survie. Ceci s’explique non seulement par le fait que ces exploitations ont de petites
superficies mais aussi qu’elles n’arrivent pas à valoriser la production de cacao en cacao
marchand. Si elles pouvaient valoriser un peu plus de leur production en cacao marchand, elles
pourraient dégager un revenu au-dessus du seuil de survie. Le dernier type (type 5) se démarque
très largement des autres avec un revenu considérable. Ce revenu important est dû au fait que les
surfaces cultivés en cacao sont importantes (plus de 20 ha) et que l’essentiel de la production est
valorisée en cacao marchand. La capacité de stockage qu’ont les exploitants de ce type fait qu’ils
peuvent stocker le cacao durant la période où les prix sont les plus bas (périodes de pluies) et le
revendre lorsque les prix montent.
Permettre aux petits producteurs d’améliorer leurs revenus en ayant accès à des ma rchés plus
rémunérateurs comme celui du commerce équitable, telle est la vocation de l’UCLS. D’abord
réservé exclusivement aux petits producteurs (type 1,2 et 3), elle a ensuite ouvert ses portes aux
deux derniers types d’exploitants afin de pouvoir honorer les contrats. Aujourd’hui, on retrouve
au sein de l’organisation ces différents types d’exploitations agricoles. Avant de voir quel impact
a eu le commerce équitable sur l’organisation et ses membres, il est important de comprendre
son organisation et son fonctionnement.
1426650
116763507695496
28049917
94774500
0
10000000
20000000
30000000
40000000
50000000
60000000
70000000
80000000
90000000
100000000
Type 1 Type 2 Type 3 Type 4 Type 5
REV
ENU
S
Revenus agricoles par type
66 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
2.5 FOCUS SUR L’UCLS ET SES COOPERATIVES DE BASE
Ayant vu le jour sous l’ADAPS entre 2009 et 2010, l’Union des Coopératives Lanzan’ny
Sambirano, est une organisation de producteurs qui a pour vocation de défendre les intérêts des
exploitants notamment ceux produisant du cacao dans la zone d’étude. Dans le souci de
permettre à ses membres d’améliorer leurs conditions de vie en ayant accès à des marchés plus
rémunérateurs, elle s’est inscrit dans une filière équitable dès 2010 avec comme partenaire
commercial la SCOP Ethiquable. Aujourd’hui, complètement indépendante de l’ADAPS,
l’union est l’une des rares organisations de producteurs de la zone qui prend activement part à
l’évolution de la filière cacao à Madagascar. Elle a une structuration à deux niveaux, c’est-à-dire
une faîtière et des organisations de base qui sont au nombre de 21 pour un effectif total de 345
producteurs.
2.5.1 La faîtière
Basée à Ambanja l’organisation de second degré a principalement à charge, la collecte et la
commercialisation du cacao produit par les paysans. Pour cela elle a une organisation et un
fonctionnement bien défini.
Gouvernance, prise de décision et gestion
La faîtière est constituée de trois principaux organes ayant chacun un rôle particulier. Il s’agit :
de l’assemblée générale, du conseil d’Administration et du comité de gestion. L’assemblée
générale, organe suprême de l’union est l’organe chargé de statuer et de décider de toutes les
questions relatives à l’orientation, à la politique et à l’organisation générale de l’union. Elle
réunit 3 représentants de chacune des 21 coopératives de base. Le Conseil d’Administration est
lui composé d’une quinzaine de membres élus par et parmi les sociétaires de l’assemblée
général. Il est composé d’au moins un président, un secrétaire et un trésorier. Le mandat des
administrateurs est de 3 ans et est renouvelable. Le conseil d’administration est l’organe
d’administration et de gestion de l’union. Dans le cas actuel, le conseil d’administration a
délégué la gestion de l’union à une équipe dont elle a recruté les membres. Sous le contrôle du
conseil d’administration cette équipe a pour principale tâche la gestion quotidienne des activités
de l’union. Elle est composée d’un directeur, de quatre animateurs, d’une chargée de magasin de
stockage et d’une comptable chapoté par des commissaires au compte qui n’ont pas été élus car
le conseil d’administration manque de compétence en matière de gestion financière. Au départ,
l’équipe de gestion était très réduite (1 directeur et 2 techniciens) du fait du manque de moyens
financier pour le recrutement. Censé faire l’animation des organisations de base et former les
producteurs à la base sur des thématiques bien précises comme la transformation post-récolte du
cacao, ces derniers ne jouent pas encore pleinement leur rôle.
67 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Figure 35: Organigramme de fonctionne de la faîtière.
Ressources financières de l’union
A sa création, l’union dépendait financièrement de l’ADAPS avec qui elle avait un compte
commun. Quelques années après la séparation avec l’ADAPS, l’union peine à atteindre
l’autonomie financière. En effet, suite à une mauvaise gestion (détournement de fonds) du
directeur entre 2010 et 2013, l’union s’est retrouvée avec une dette importante envers le fisc,
environ 48 millions d’ariary (13.000€). Les bénéfices générés ensuite par l’activité depuis lors
ont servi à éponger progressivement les dettes afin que l’union sorte du rouge. A partir de 2015,
les comptes de l’union sont repartis dans le vert avec un bénéfice d’environ 7 millions (2.000€).
N’ayant pas de fonds pour financer la collecte, ce bénéfice a été réservé pour la collecte de
l’année 2016 qui a bien débuté. Pour 2016, le bénéfice espéré par l’union est de 70 millions
d’Ariary (20.000€). Sur les 7 salaires que doit payer l’union à ses salariés, elle arrive à en payer
6 et le dernier salaire celui d’un des animateurs est pris en charge par le partenaire historique
l’AFDI. Les subventions de l’AFDI permettent aussi à l’union de payer le loyer du local qu’elle
occupe. Ces subventions permettent de faire face à d’autres charges auxquelles l’UCLS n’aurait
pas pu faire face (connexion internet, électricité, etc…). La subvention n’est pas directement
versée sur le compte de l’union mais s’effectue en remboursant les frais engagés par celle-ci.
Selon l’ancien assistant technique de l’AFDI auprès de l’union, cet appui de l’ONG est dégressif
et s’arrêtera dès que l’union pourra être autonome financièrement ce qui ne devrait pas tarder si
elle est bien gérée. Il faut rappeler que les cotisations des coopératives de base (12.000 Ariary
soit 3€ l’année) sont insignifiantes.
En tant qu’organisation du commerce équitable, l’union bénéficie de la prime de développement
qui dépend du volume de cacao vendu en commerce équitable. Elle devrait servir à mettre en
place des projets sociocommunautaires et n’est pas destinée à une utilisation interne par
l’organisation. Dans le cas de l’union, une partie de cette prime sert à payer la certification
biologique vu que celle-ci coûte cher et que l’organisation ne dispose pas de ressources
importantes pour la payer. La prime du commerce équitable (prime ESR) est de 425 Ar/kg
vendu.
68 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
La collecte et le stockage
Au niveau de la faîtière, la collecte est assurée par les animateurs q ui se rendent dans chaque
coopérative de base pour payer les producteurs et récupérer le cacao marchand de qualité
supérieure produit par ces derniers. L’une des particularités de l’union est qu’elle n’achète et ne
commercialise que du cacao marchand de qualité supérieure.
Avant l’arrivée des animateurs, chaque coopérative de base est censée estimer la quantité de
cacao marchand (supérieur) disponible et en informer ces derniers. Connaissant la quantité qu’ils
vont collecter, les animateurs se voient remettre la somme correspondant par la responsable
administrative et financière contre signature. Une fois le cacao collecté, l’animateur se charge du
convoyage vers le magasin de stockage situé en ville. Le convoyage se fait en louant un pick-up
ou un tracteur à la charge de l’union. Une fois à destination la cargaison est déchargée et stocké
dans les magasins de l’union sous la supervision de la magasinière qui contrôle aussi la mise en
sac pour l’exportation. Au fil des années, la capacité de stockage de l’union a augmenté.
L’UCLS dispose aujourd’hui de deux magasins d’une capacité de 25 tonnes et de 12 tonnes.
Avant 2015, la capacité maximale de stockage était de 12 tonnes. Les ventes de l’année dernière
(94 tonnes) ont poussé à la location d’un second magasin. Les principaux facteurs qui peuvent
influencer négativement la collecte de l’union sont l’irrégularité des pics de cacao, la saison
pluvieuse qui rend les routes vers le haut Sambirano impraticables et le manque de moyens
financiers pour la collecte.
D’où viennent les fonds pour la collecte du cacao auprès des coopératives de base ?
Le préfinancement de la collecte
Pour collecter le cacao marchand au niveau des coopératives de base sur toute l’année, l’union a
besoin d’importantes ressources financières. Limitée financièrement, elle fait recours au
préfinancement auprès de la SIDI26. La SIDI préfinance la collecte à hauteur de 80% avec un
taux d’intérêt de 7%. Cependant, il arrive régulièrement que les fonds destinés au
préfinancement de la collecte arrive avec du retard et ceci pour plusieurs raisons.
Pour un organisme comme la SIDI, le préfinancement est un risque et plus le montant est
important, plus le risque de non remboursement est élevé. Avec l’UCLS, la SIDI finance environ
4 lots c’est-à-dire 4 conteneurs à hauteur de 80.000€/conteneur, c’est énorme comme montant à
Madagascar. Pour limiter les risques, la SIDI a opté pour un mécanisme qui consiste à verser la
tranche suivante du préfinancement lorsque le premier lot est en cours d’acheminement (sur le
navire). La difficulté avec ce mécanisme est qu’entre la fin de la collecte du premier lot et le
temps qu’il soit embarqué sur le navire, il se passe environ deux mois. La collecte du second lot
ne débutant que si le premier est en voie d’acheminement, il y a un manque de trésorerie au
niveau de l’union durant ce laps de temps. Cette dernière est souvent obligée d’arrêter la collecte.
Et lorsque survient un pic de récolte durant ce laps de temps, les producteurs même si ils ont
transformé le cacao ne peuvent le vendre à l’union car cette dernière n’a pas les fonds pour
collecter.
26 Solidarité Internationale pour le Développement
69 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Ce problème est grave d’autant plus qu’il pousse les producteurs à la base (surtout le type 1) à
vendre leur production à des prix plus bas que ceux payés par l’union aux collecteurs qui
disposent en permanence de liquidité. Le retard dans le préfinancement de la collecte pousse
également certains paysans membres des coopératives de base à se désengager (type 2 et 3).Ce
mécanisme qui consiste à verser l’argent par tranche afin d’éviter l’accumulation de prêt et le
surendettement de l’union ne favorise pas une mise en œuvre fluide des activités de la faîtière.
Ayant conscience de ce problème, la SIDI tente d’alléger le mécanisme et verse plus rapidement
les fonds sans attendre que l’un des lots soit en cours d’acheminement. Le laps de temps qui
durait autrefois deux mois est aujourd’hui d’environ 3 semaines voir 1 mois. Le problème n’est
donc pas totalement réglé mais est en cours de résolution. En 2015, à cause d’un retard important
de la SIDI, Ethiquable s’est vu dans l’obligation de préfinancer une partie de la collecte.
Pour obtenir le préfinancement de la collecte auprès de la SIDI, l’acheteur c’est-à-dire
Ethiquable se porte garant auprès de l’institution de financement pour le compte de l’union en
présentant le contrat commercial en cours. Ensuite, la SIDI transfert les fonds par tranche à
l’union qui procède à la collecte et à l’exportation du cacao marchand en direction d’Ethiquable
en s’attachant les services d’un transitaire. Lorsqu’Ethiquable reçoit la marchandise, elle se
charge de payer le crédit de l’union auprès de la SIDI et d’envoyer ensuite le reliquat c’est-à-dire
les bénéfices et la prime ESR à l’union.
La commercialisation
Pour le moment, le seul client de l’union est Ethiquable à qui l’union peine à vendre chaque
année 100 tonnes de cacao marchand alors que son potentiel est estimé à 300 tonnes. Il se
pourrait qu’un nouveau client Cocoanect (client hollandais) soit intéressé par le cacao marchand
de l’union. Pour l’heure l’union dépend exclusivement de son unique client Ethiquable. Trouver
un autre client implique qu’il faut que l’union ait la capacité financière pour la collecte ou que ce
nouveau client décide de préfinancer une organisation de producteurs q u’elle ne connait pas. Ce
qui est pour l’instant compliqué à réaliser.
Les services aux membres
Ne disposant pas de ressources financières suffisantes, l’union peine aujourd’hui à mettre à
disposition de ses membres des services adaptés aux besoins de ces derniers. Il existe un service
qui a du mal à fonctionner correctement, c’est celui de l’économat. Ce service consiste à mettre
en place des magasins de vente de produits de première nécessité à des prix abordables pour les
paysans membres de l’union qui rembourserait ensuite avec du cacao. En début d’année, une
centaine de sacs de riz de 50 kg ont été achetés à 74.000 Ar/unité (21€) grâce à une partie de la
prime ESR de 2015 et ont été vendus aux membres à 80.000 Ar (23€). Pour le remboursement,
10 kg de cacao équivalent à 1 sac de riz. Le problème est que même les collecteurs fournissent le
même type de services aux producteurs et en plus font des prêts d’argent en liquide. L’union
pourrait acheter le riz en période de production à près de 50.000 Ar (14€) pour ensuite revendre
à 55.000 Ar au lieu de 80.000 Ar comme les collecteurs. Pour fidéliser ses nombreux membres,
afin de pouvoir garantir un approvisionnement continu, la mise en place de services est
indispensable.
70 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
La certification
Dans son activité, l’union utilise deux types de certification : la certification Agriculture
Biologique et la certification ESR (Equitable, Solidaire et Responsable). En tant qu’organisation
de second degré la certification appartient à la faîtière qui se charge de vérifier grâce aux
animateurs et aux responsables (contrôleurs interne) des coopératives de base que les cahiers de
charge sont bien respectés. Régulièrement dans l’année, l’organisme certificateur ECOCERT
envoie un contrôleur pour s’assurer que les normes sont respectées. La certification ESR est
payée par Ethiquable tandis que la certification Biologique est payée par l’union environ 20
millions d’Ariary (5700€).
Une partie de la prime ESR perçue par l’union permet de payer la certification Biologique. Grâce à ce système les coopératives de base n’ont pas de frais pour ce qui est de la certification. La
prime ESR aurait pu en totalité bénéficier aux producteurs mais vu la santé financière de l’union
ce n’est pas possible pour l’instant.
2.5.2 Les coopératives de base
Structuration, gouvernance et prise de décision
Autrefois possédant un statut de groupement de producteurs, les organisations de producteurs de
base de l’union ont tôt fait de migrer vers le statut de coopératives pour continuer à
commercialiser le cacao marchand à la faîtière. Au nombre de 6 au départ (2010), elles sont
aujourd’hui au nombre de 21 réparties dans un rayon de 80 km autour de Ambanja où se trouve
le siège de l’union. Les coopératives de base ont en moyenne un effectif variant entre 8 à 15
membres voir même une trentaine pour les plus grandes. Sur le papier, les organisations de base
sont structurées de la manière suivante : 1 président et son vice, un trésorier et son vice, un
commissaire au compte et un contrôleur interne. Dans la réalité, on se rend vite compte que ce
sont des organisations qui ont un très faible pouvoir de décision même si elles désignent toutes
des représentants qui siègent au sein de l’assemblée générale. La rotation des élus est quasi
inexistante car pour la plupart, les responsables des organisations de base ont étés désignés
d’office à la création et de ce fait conserve leur titre sur une durée indéterminée. Le manque de
confiance entre le sommet et la base fait que les animateurs se retrouvent à jouer le rôle de
responsables de base. C’est par exemple le cas des trésoriers qui voient assumer leur fonction par
les animateurs de l’union qui se chargent de payer les paysans lors de la collecte. De
nombreuses corrections sont à apporter sur le plan de la gouvernance pour un meilleur
fonctionnement de l’union et de ses coopératives de base.
Profil des membres des coopératives de base
Les membres des organisations de base sont généralement des producteurs d’un même village
qui se regroupent dans le souci d’avoir accès à un meilleur marché. Au tout début, le critère de
sélection et d’acception des membres dans les coopératives de base était celui de la superficie.
En effet il fallait avoir pas plus de 1 ha ou 1,5 ha de superficie en cacao pour adhérer à une
coopérative de base. A l’arrivée du client Ethiquable, vu que l’union avait besoin de volumes
important pour honorer son contrat, elle a décidé de changer les statuts et depuis lors même les
paysans ayant des superficies importantes sont devenus éligibles (type 4 et 5). C’est ce
qu’explique un animateur en ces termes :
71 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
«Au départ l’UCLS ciblait essentiellement les petits producteurs marginalisés afin de pouvoir
les aider à améliorer leurs conditions de vie, leur revenu et aussi respecter les principes du
commerce équitable. Depuis près de 6 ans maintenant, on ne tient plus trop rigueur à ce critère
et même les grands producteurs peuvent adhérer c’est-à-dire ce qui ont des superficies
supérieures».
Aujourd’hui ce critère n’est plus d’actualité et l’adhésion aux coopératives de base est simplifiée.
On note la présence entre autres des producteurs de type 4 et 5 décrit plus haut dans la typologie.
Minoritaires (20% de l’effectif de l’UCLS), ils livrent de gros volumes à l’union ce qui permet à
cette dernière d’honorer ses contrats. Les petits producteurs comme nous l’avons vu ont plus de
mal à livrer l’union même s’ils représentent 80% de l’effectif de l’union. Le type 1 à lui seul
représente 60% de l’effectif des membres.
Ressources des organisations de base
Dépourvues de ressources financières, matérielles et humaines les organisations de base vivent
au dépend de la faîtière. Le manque de matériel est le plus important. En effet, les organisations
n’ont pas assez ou pas du tout de matériel pour assurer la transformation post-récolte des fèves
fraîches de cacao, alors que c’est l’activité censée revenir aux organisations de base.
Collecte, transformation et commercialisation
Au départ, les organisations de base ne collectaient que du cacao marchand de qualité supérieur
auprès des producteurs. Cette manière de fonctionner à très vite montrer ses failles car, l’union
s’est rendu compte que tous les producteurs n’avaient pas la capacité de vendre donc de
transformer directement le cacao. Elle a donc incité ces derniers à transformer en commun.
Selon que les coopératives de bases disposent ou non de matériel pour la fermentation et le
séchage, on note une faible capacité d’action collective pour une préparation commune du cacao.
Ceci conduit à une hétérogénéité de la qualité du cacao collectée par l’union auprès des
organisations de base. D’après nos estimations, seulement 10 à 20 % des coopératives de base
font de la transformation commune. Les enquêtes ont montré que dans ces coopératives, ils ne
sont pas plus d’une dizaine et appartiennent généralement au type 1. Soit, ils désignent
quelqu’un à tour de rôle pour faire la fermentation, soit ils rémunèrent un opérateur payé 150
Ar/kg. Ce n’est pas toujours évident car certains ne sont pas d’accord quand c’est leur tour de
transformer ou encore d’autres refusent de payer pour la transformation. On peut retrouver
quelques paysans appartenant aux types 2 et 3 dans ces coopératives mais en nombre réduit.
Dans les autres coopératives surtout celles où il y beaucoup plus des producteurs des types 2,3, 4
et 5 la transformation se fait tantôt en commun tantôt individuellement selon que la coopérative a
du matériel (bacs de fermentation et aires de séchage) ou non. Lorsque la coopérative a du
matériel, on retrouve les mêmes difficultés que dans les petites, et lorsqu’il n’y a pas de matériel,
chacun préfère partir transformer de son côté pour ne pas user son matériel pour le collectif. Les
petits sont ainsi délaissés et se débrouillent avec les moyens qu’ils ont. Pour les petits
producteurs ne pouvant transformés leur cacao, l’UCLS encourage les OP de base à leur acheter
le cacao frais qui après transformation sera payé au prix du cacao marchand supérieur. Cette
initiative est encore très récente et peine à être mise en pratique du fait de l’absence de trésorerie
au niveau des coopératives de bases.
72 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Ce problème traduit en générale la faible autonomie qu’ont les coopératives de base de l’UCLS
qui attendent tout de l’UCLS et ont du mal de se prendre en charge.
.Figure 36: Représentation du fonctionnement pyramidale de l'UCLS.
2.6 ARRIVEE DU COMMERCE EQUITABLE EN 2010 : QU’EST CE QUI A CHANGE ET QUEL IMPACT ?
En 2010, la SCOP Ethiquable arrive dans un contexte très particulier. Les producteurs, mal
structurés ne sont que de simples fournisseurs de matières premières et tributaires des prix
souvent à la baisse des autres acteurs de la filière. Ethiquable arrive également dans une filière
ou traditionnellement, la transformation post-récolte du cacao est assurée par les collecteurs et
les exportateurs qui souhaitent maîtriser la qualité à l’export et ainsi bénéficient de la valeur
ajoutée créée par la transformation post-récolte du cacao (fermentation et séchage). Cette valeur
ajoutée échappe donc aux producteurs par manque de formation et d'investissement dans les
infrastructures de transformation tels que les caisses de fermentation et les aires de séchage.
A l’arrivée de Ethiquable en 2010, l’UCLS mal structurée et dépendante de l’ADAPS essaie tant
bien que mal de livrer du cacao marchand de qualité supérieure à un collecteur local. La qualité
de ce cacao est souvent instable : tantôt classé standard, tantôt classé supérieur. La coopérative a
pu atteindre ce niveau et résister aux pressions dans la filière jusqu’en 2009 grâce notamment
aux appuis de l’AFDI. En tant qu’acteur du commerce équitable, la SCOP œuvre pour une
autonomisation progressive de l’union qui se détache de l’ADAPS et débute une montée en
puissance. Il faut souligner qu’au début du partenariat, l’union s’est engagée à ne livrer que du
cacao de qualité supérieur respectant les conditions d’Ethiquable. A partir de ce moment l’union
entre dans le cercle très fermé des producteurs de cacao supérieur à Madagascar et devient en
même temps la seule organisation de producteurs capable d’exporter directement son cacao
certifié Bio-équitable d’excellente qualité. Ce changement de position change les jeux d’acteurs
dans la filière car les producteurs sont maintenant capables de faire de la transformation afin de
commercialiser un cacao de bonne qualité et augmenter significativement la part de la valeur
ajoutée leur revenant. Ne pouvant honorer les contrats avec les volumes livrés par les petits
producteurs (type 1,2 et 3), l’union décide d’intégrer des producteurs (type 4 et 5) capables de
livrer de gros volumes à la coopérative. Ces derniers sont ravis d’intégrer la coopérative car les
prix proposés en commerce équitable sont supérieurs.
73 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Au vu de tous les éléments qui ont été développé depuis la genèse de la filière cacao dans la
vallée du Sambirano jusqu’à la description de la configuration actuelle de la filière, la question
que l’on se pose est : Quel est l’impact du commerce équitable dans tout ceci ?
74 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
3 QUEL IMPACT DU COMMERCE EQUITABLE SUR LE PAYSANNAT DE LA REGION ?
3.1 A IRE DE CHANGEMENT 1 : CHANGEMENTS AU NIVEAU DE LA DIFFERENCIATION SOCIAL
Systèmes de
productions
Type 1 :
SC : < 1ha de cacao + 0.15-
0.5ha de riz
SE : zébus de
trait +
volailles
Type 2 :
SC : 1-3ha de cacao + 0.5-
2.5ha de riz.
SE : zébus de
trait +
volailles
Type 3 :
SC : 0.5-2ha de cacao +
0.17-1ha de
riz.
SE : zébus
(trait et reproduction)
+ volailles
Type 4 :
SC : > 3ha de cacao + 1ha
de riz.
Cheptel :
zébus de trait
+ volailles
Type 5 :
SC : 7-26ha de cacao +
0.5-2ha de riz.
SE : zébus
(trait et
reproduction) + volailles
Part de la
VAB cacao
dans
l’exploitation
agricole
41% 59% 52% 92% 95%
Revenus hors
CE
1.526.650 Ar
(436 €) 11.676.350 Ar
(3 336€)
7.695.496 Ar
(2.198€)
28.049.917 Ar
(8.000 €) 94.774.500 Ar
(27.000 €)
Revenus CE 1.566.77 Ar (447 €)
12.546.870 Ar (3.585€)
8.239.571 Ar (2.354€)
35.681.317 Ar (10.194€)
121.935.750 Ar (34.800€)
% de cacao
marchand
valoriser en
CE
20% 40% 40% 90% 90%
Seuil de
survie
1.831.500 Ar
(523€)
Tableau 2: Typologie des systèmes de productions.
La valeur ajoutée générée par la culture du cacao au sein de chaque exploitation agricole est non
négligeable. Cela montre à quel point l’agriculture dans le Sambirano est aujourd’hui fortement
basée sur la culture du cacao, car cette culture a une productivité de la terre très intéressante. 0,5
ha de cacao (SC1) même non transformé suffisent pour dégager une valeur équivalente au seuil
de survie. Cependant beaucoup d’exploitations agricoles de la zone (Type 1 majoritairement)
vivent avec moins d’un hectare de cacao et n’atteignent pas le revenu minimum pour subvenir
aux besoins de leur famille.
Le tableau 2 montre la comparaison entre les différents systèmes de productions de la zone
d’étude. Lorsqu’on compare les revenus des exploitants inscrits dans le commerce équitable
(cacao marchand supérieur) avec ceux qui vendent leur cacao (cacao marchand standard et frais)
sur le marché local, on s’aperçoit clairement qu’il existe un léger différentiel de revenus entre ces
deux types d’exploitations agricoles. La vente en commerce équitable permet d’améliorer les
revenus et est un débouché garanti selon les paysans enquêtés qui sont fiers d’appartenir à
l’organisation.
75 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Pour les exploitations du type 1, l’amélioration du revenu n’est pas significative et ne leur
permet pas de passer au-dessus du seuil de survie. Cela s’explique d’abord du fait que la part du
cacao dans leur revenu est faible. De plus avec de petites superficies (volumes faibles) et un
besoin permanent de trésorerie, ce type ne valorise qu’une faible partie de sa production en cacao
marchand et est donc fortement dépendant de la vente aux collecteurs qui achètent à des prix
peu rémunérateurs. A partir des types 2 et 3, il y a une nette amélioration du revenu qui
s’explique notamment par le fait que ces derniers ont de plus grandes superficies en cacao. Non
seulement les volumes permettent de tirer de bons revenus du cacao, mais aussi ils arrivent à
valoriser une portion équivalente (40%) de leur volume en cacao marchand. Toutefois, ils ont
des systèmes de cultures assez diversifiés qui demandent une charge de travail importante.
Cette charge de travail ajoutée à celle liée à la transformation post-récolte du cacao sont de
sérieux freins pour ces deux types. Les types 2 et 3 pourraient valoriser encore plus leur
production en cacao marchand pour la coopérative mais, les retards de paiement de la
coopérative, et l’irrégularité de la collecte de l’union ne motivent pas ces types à transformer
plus malgré les autres contraintes. S’agissant des types 4 et 5, l’autonomie financière que leur
procure la culture du cacao leur permet de valoriser l’essentiel de la production e n cacao
marchand destiné à la vente en coopérative même si cette dernière tarde à payer. Même dans le
cas où la collecte de l’union s’arrête ces deux types sont capables de stocker le cacao transformé
et attendre que la collecte reprenne. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’union a modifié ces
statuts afin de les intégrer.
Les paysans appartenant aux 3 premiers types sont majoritaires dans la zone d’étude et
représentent environ 80 % de l’effectif des producteurs de l’UCLS. Le type 1 à lui seul
représente d’après l’analyse de la base de données de l’union 60% des membres. Les types 4 et 5
en revanche sont peu nombreux au sein de l’union, mais constituent l’essentiel du volume
commercialisé par l’UCLS (entre 50% et 60% du volume total de l’UCLS). Les a utres types
assurent la fourniture du volume restant non négligeable. Le commerce équitable étant destiné à
prendre en compte les petits producteurs, dans le cas présent il a atteint cet objectif. Cependant,
au vue du fonctionnement de l’UCLS, il profite surtout aux producteurs ayant la capacité de
valoriser de gros volumes en cacao marchand pour une vente à la coopérative.
Avant d’intégrer l’UCLS, les types 4 et 5 valorisaient leur production et le volume issu de la
collecte en cacao marchand de qualité standard. Du moment où ils ont intégré l’UCLS, ils ont
commencé à valoriser le cacao en qualité supérieure avec l’obligation de ne pas vendre le cacao
issu de leur activité de collecte en commerce équitable. Les prix rémunérateurs du commerce
équitable, ont motivé leur adhésion. Faire à la fois la vente en commerce équitable (cacao
marchand bio supérieur) et en conventionnel (cacao marchand standard) représente une charge
de travail importante et un investissement supplémentaire pour la traçabilité (sépara tion des deux
types de cacao).
Ces grands producteurs surtout ceux du type 3 ont tendance à réduire leur activité de collecte
pour se conformer à cette exigence mais pour autant elle n’est pas complètement abandonnée.
76 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Conclusion partielle aire de changement 1 :
Tous les paysans membres de l’UCLS, sont unanimes sur le fait que grâce à leur organisation, ils
produisent un cacao marchand de qualité bien au-dessus de ce qui se fait par les pairs. Avec cette
qualité de cacao, ils accèdent à des prix plus rémunérateurs que ceux du marché local. Ils se
différencient ainsi de leurs homologues qui en sont restés à produire du cacao de « qualité
médiocre » selon eux.
Au-delà de ce discours, le commerce équitable, en l’état actuel renforce la différenciation sociale
et creuse l’écart entre les petits qui ont du mal à valoriser leur production en cacao marchand et
les grands producteurs pour qui la valorisation en cacao marchand n’est pas un problème. Il
pousserait dans le même temps ces grands producteurs membres de l’UCLS à réduire leur
activité de collecte du fait des contraintes liés à la traçabilité. L’hypothèse selon laquelle,
l’existence de grand producteurs dans l’organisation aurait des effets d’entrainements, n’est pour
l’instant pas vérifiée. Le commerce équitable pourrait permettre aux exploitations du type 1 de
passer au-dessus du seuil de survie et aux types 2 et 3 d’améliorer encore plus leur revenus. Pour
atteindre cet objectif, il ne suffit pas de proposer des prix élevés mais plutôt d’augmenter la
capacité de ces producteurs à valoriser plus de volume.
3.2 A IRE DE CHANGEMENT 2 : CHANGEMENTS AU NIVEAU DES FAMILLES PAYSANNES
La description des différents systèmes de productions, a permis d’identifier les atouts et les
contraintes que peuvent rencontrer les d ifférentes exploitations agricoles dans la zone d’étude,
qu’elles vendent en coopérative commerce équitable ou non. Les petites quantités de cacao
vendues (20% du volume total annuel) en commerce équitable par les exploitations agricoles
familiales de type 1 ne génère pas un revenu conséquent pour leur permettre de sortir de la
précarité. Les bénéfices générés par la vente en commerce équitable sont automatiquement
dépensés pour faire face aux besoins quotidiens (scolarisation des enfants, alimentation, divers,
etc…). La situation précaire des paysans du type 1 les poussent à vendre l’essentiel de leur
production aux collecteurs qui en période de soudure fournissent des services (prêt d’argent
liquide, sacs de riz et de matériel de construction, etc…) que les coopératives de base et l’UCLS
ne fournissent pas ou ont du mal en mettre en place. Les collecteurs profitent de cette
dépendance des producteurs à leur égard pour leur acheter le cacao au prix le plus bas. Il faut
rappeler que les petits producteurs ne peuvent valoriser leur production en cacao marchand qu’en
période de pic qui coïncide avec la période de pluie. La période de pluie qui favorise une hausse
de la production des cacaoyères est aussi la période pendant laquelle la soudure sévit car il n’y a
plus de riz à cette période. Les pistes étant dégradées, l’accès aux villages est souvent très
compliqué et seuls les collecteurs grâce à leur réseau de sous-collecteurs posté dans les villages
et grâce aux moyens dont ils disposent arrivent à collecter du cacao. Par manque de moyens
matériel, l’UCLS et ses coopératives de base ont du mal à s’approvisionner auprès des
producteurs et laissent le champ libre aux collecteurs. Même durant la période où les petits
producteurs sont capables de valoriser leur volume en cacao marchand, l’union n’a pas la
possibilité de leur acheter la production. Ils transforment juste une partie et vendent le reste aux
collecteurs. Le reste du temps, c’est-à-dire en période creuse, ils vendent aux collecteurs de
faibles volumes de cacao. Tout ceci à cause du besoin permanent de trésorerie. Cette
configuration ne permet pas aux petits producteurs de sortir de la pauvreté.
77 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Chez les agriculteurs du type 2 et 3, on note une amélioration. En se basant sur les différents
entretiens réalisés auprès des producteurs, il ressort que les revenus générés par la vente de cacao
marchand en commerce équitable améliorent la capacité à investir. Lorsqu’on compare les
revenus de ces deux types vendant en commerce équitable aux revenus des agriculteurs du même
type vendant sur le marché local, on note un différentiel de 700.000 Ar (200€) à l’avantage des
agriculteurs du commerce équitable. Cet argent est investi d’abord dans l’amélioration des
conditions de vie (construction maison, achat meubles, etc…) puis dans l’exploitation agricole
(matériel, animaux). Il sert également à constituer de l’épargne pouvant être mobilisée à tout
moment. Sur l’utilisation des bénéfices générés par la vente du cacao en coopérative commerce
équitable, une productrice de cacao du type 2 âgée environ de 58 ans répond :
« Quand je vends à la coopérative, j’ai un bon prix d’achat et à cela s’ajoute la prime bio. Avec
l’argent que j’ai gagné l’année dernière, m’a permis d’acheter les matériaux de construction à
environ 1.000.000 d’Ar (285€) pour la construction de ma nouvelle maison. J’ai également
acheté un jeune zébu pour agrandir mon troupeau à 200.000 Ar (57€). Le reste de l’argent a
servi pour la nourriture et j’ai épargné un peu pour les imprévus à l’OTIV27»
Pour les types 4 et 5, mis à part l’investissement dans l’amélioration des conditions de vie, les
revenus générés par la vente en commerce équitable permettent d’investir dans l’achat de
matériel, dans la location et l’achat de foncier et aussi dans la main d’œuvre qui représente un
poste de dépenses important pour ces types d’exploitants.
Les paysans appartenant à ces deux types et vendant en commerce équitable peuvent gagner
entre 7.000.000 d’Ar (2.000€) et 24.500.000 Ar (7.000€) de plus que leurs homologues ne
vendant pas en commerce équitable. Les propos suivant issus de nos entretiens donnent une idée
des avantages du commerce équitable pour ces producteurs
« Avec l’UCLS, je sais que je vais vendre mon cacao. Le prix ne change pas et est très bien. Je
peux stocker mon cacao sec supérieur en attendant de le vendre à la coopérative. Avant j’avais
des objectifs que j’avais du mal à atteindre comme acheter des zébus, une charrette et du
foncier. Grâce au cacao sec supérieur j’arrive à atteindre les objectifs fixés un à un. », ou
« Avec l’argent du cacao supérieur vendu à l’UCLS, j’ai acheté une moto en 2015 », la moto
étant un moyen de déplacement très utile dans la zone.
Hormis les spécificités propres à chaque type d’exploitations agricoles, l’un des effets global les
plus importants du commerce est celui relatif au traitement post-récolte, c’est dire la
fermentation et le séchage. Pour la plupart habitués à faire du cacao standard ou à ne pas
transformer du tout le cacao avant l’arrivée d’Ethiquable, les producteurs quel que soit le type
ont été obligés de se conformer aux nouvelles normes pour continuer à livrer le cacao à l’union.
La mise en place de la filière commerce équitable a impulsé une nouvelle dynamique et a incité
les paysans à s’approprier les techniques de traitement post-récolte qui autrefois leur étaient
difficile à mettre en pratique. Le commerce équitable a donc permis d’intégrer la transformation
et d’augmenter la part de la valeur ajoutée revenant aux producteurs. La comparaison des
revenus des producteurs du commerce équitable et hors commerce équitable atteste ce fait.
27 Institution de microfinance, présente en milieu rural à Madagascar
78 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Pour ce qui est du maintien de l’agriculture paysanne, le phénomène d’exode rural prend de
l’ampleur dans les villages et pourrait devenir inquiétant dans les années à venir. Ceci
notamment à cause de l’indisponibilité des terres adaptées à la culture de cacao, les terres en
fond de vallée étant toutes saturées et celles sur les versants également. Les jeunes ne disposant
pas d’un héritage foncier soit travaillent en tant que journalier dans les exploitations voisines ou
décident finalement d’aller à la ville chercher d’autres débouchés d’emplois.
L’alimentation est essentiellement basée sur le riz, toutes les familles produisent du riz mais ne
sont pas auto-suffisantes en riz. Par conséquent lorsqu’arrive la période de soudure les
producteurs sont contraints d’acheter des sacs de riz supplémentaires pour se nourrir. Ce riz est
souvent importé d’Asie ou provient des régions voisines. La productivité de la terre du cacao
étant plus intéressante que celle du riz (prix et rendements en baisse depuis plusieurs années), de
plus en plus de paysans commencent à transformer les rizières en cacaoyères. Les revenus du
cacao permettront à ces derniers d’acheter du riz. On note là un abandon progressif du vivrier
pour un développement des cultures de rente. Les superficies en riz pourraient se réduire
considérablement durant les années à venir et si un ensemble de facteurs joue pour créer ces
conditions, le commerce équitable du cacao participe à encourager les paysans dans ce sens. S’ils
ont des revenus confortables, ils peuvent se passer du riz.
Conclusion partielle aire de changement 2 :
Les contraintes des exploitations du type 1 font qu’elles n’arrivent pas à valoriser plus de volume
en commerce équitable et dépendent beaucoup de ce fait des collecteurs qui pour le s fidéliser
fournissent des services de base que ne fournit pas la coopérative. Par conséquent l’amélioration
des revenus tirés de la vente en commerce équitable est peu significative et aide à couvrir
partiellement les dépenses quotidiennes. Par contre chez les producteurs moyens de types 2 et 3,
l’amélioration du revenu est significative. Ils peuvent investir dans l’amélioration de leurs
conditions de vie, dans l’exploitation agricole ou constituer de l’épargne qui sera mobilisé en cas
de besoin. Quant aux deux derniers types d’exploitations leurs revenus ont significativement
augmentés grâce aux volumes importants vendus à la coopérative. Outre l’amélioration des
conditions de vie, ils investissent principalement dans le matériel pour l’exploitation, dans le
foncier et dans la main d’œuvre.
De façon plus globale, la filière équitable a incité les producteurs à s’approprier les techniques
post-récolte (fermentation et séchage) et ainsi à augmenter la part de la valeur ajoutée leur
revenant. Etant habitués à ne pas transformer du tout ou à faire du cacao de qualité standard, les
producteurs ont du se conformer à la nouvelle norme (cacao marchand de qualité supérieure)
s’ils voulaient continuer à vendre même de petits volumes à l’union.
La culture du cacao dans le Sambirano est aujourd’hui une activité agricole majeure des ménages
dans la région. Cependant la saturation foncière actuelle pour les terres propices à cette culture
peut avoir des effets néfastes sur le maintien d’une agriculture paysanne et sur la sécurité
alimentaire de la zone. En effet les jeunes ne pouvant accéder à un héritage foncier ont de plus en
plus de mal à capitaliser pour acheter une parcelle ; le travail dans les cacaoyères est irrégulier et
permet juste de subvenir à leurs besoins. Ils vont donc vers la ville chercher un emploi et les
rizières sont de plus en plus prisées pour l’implantation de la culture du cacao. Le commerce
équitable pourrait contribuer à renforcer ces phénomènes.
79 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
3.3 A IRE DE CHANGEMENT 3 : CHANGEMENTS AU NIVEAU DE LA STRUCTURATION DE
L’ORGANISATION DE PRODUCTEURS
Structuration du monde rural
Aujourd’hui, les paysans membres de l’UCLS, qu’ils soient petits ou grands revendiquent leur
appartenance à cette organisation de producteurs. Pour être membre de l’union, il faut être
membre d’une coopérative de base qui elle-même est adhérente à l’union. A ce jour, l’union
compte 21 coopératives de base qui ont un effectif moyen qui tourne entre 8 et 15 membres. Les
plus grandes coopératives de base peuvent rassemblées plus de 30 membres, c’est le cas de la
coopérative T.M.A.R qui compte en son sein 39 membres. En 2010, l’union a démarré ses
activités avec seulement 6 coopératives qui à l’époque n’avaient pas encore le statut officiel de
coopérative. Pour continuer à livrer à l’union, elles se sont conformées au cahier des charges de
la certification commerce équitable (ESR) qui exige que les organisations de base aient un statut
légal. Au fil des années, l’union a poursuivi sa montée en puissance et compte actuellement 345
producteurs dans ses rangs. Les ménages dans la zone étant en moyenne constitués de 5
personnes, cela représente environ près de 1800 personnes qui pourraient profiter des avantages
de la vente du cacao en commerce équitable. Les membres des organisations de base sont
généralement des producteurs d’un même village qui se regroupent dans le souci d’avoir accès à
un meilleur marché.
Ayant pour seul client l’union, les membres des coopératives de base et parfois certains
responsables de ces coopératives ne savent pas qu’ils appartiennent à une faîtière appelée
l’Union des Coopératives Lanzan’ny Sambirano (UCLS). Beaucoup pensent qu’ils sont toujours
dépendants de l’ADAPS. Il semble important de renforcer l’image de la faîtière auprès des
organisations de base et des membres afin qu’ils puissent s’identifier par rapport aux autres
producteurs appartenant au réseau de l’ADAPS. Cette dernière, en se basant sur le succès que
rencontre pour l’instant l’UCLS, a lancé une nouvelle coopérative de cacao certifié FLO-
Fairtrade mais dans une sorte de filière intégrée où la certification de la coopérative est au nom
de l’exportateur qui achète la production.
Dans le cas de la transformation post récolte, l’action collective que prône le commerce équitable
n’est pas de mise (voir la description des coopératives de base, page 72). Mis à part la réticence
des producteurs à transformer en commun, le manque de matériel propre à chaque coopérative de
base et l’absence de trésorerie dans les coopératives de base limitent la capacité d’action
collective. Dès lors seuls les producteurs qui peuvent transformer selon les normes vendent en
coopérative. Les agriculteurs les mieux dotées en surface et capitale, types 4 et 5 disposent du
matériel adéquat pour la transformation et bénéficient a insi d’une meilleure valorisation de leur
cacao. Les autres types d’agriculteurs qui ne peuvent procéder à la transformation de façon
groupée pour avoir une qualité homogène ou qui obtiennent du cacao marchand de mauvaise
qualité, sont exclus. L’appui à la transformation est donc essentiel si l’on veut que le commerce
équitable profite à tous sans exception.
Légitimité de l’organisation
Dans la zone d’étude, l’UCLS est la seule organisation de producteurs gérée par les producteurs
et pour les producteurs. Durant une réunion du conseil d’administration, les administrateurs l’ont
bien fait savoir. Pour eux, le commerce équitable leur a permis d’en arriver là.
80 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
A la question : Que pensez-vous que le commerce équitable à apporter aux producteurs du
Sambirano ?
Ils ont répondu : voir figure ci-dessous.
Figure 37: Perception du commerce équitable par les administrateurs de l'UCLS.
15%
9%
5%
15%
5%17%
9%
4%2%
4% 2%
2%11%
Perception du CE par les membres du CA de l'UCLS
Augmentation des revenus des producteurs de l’UCLS
Amél ioration des conditions de vie des producteurs de l ’UCLS
Diversification des activités agricoles des producteurs de l ’UCLS
Accès à de nouveaux marchés
Augmentation des rendementsagricoles
Prix minimum garanti pour les producteurs de l’UCLS
Gestion durable des ressourcesnaturelles
Amélioration de la qualité du cacao
Organisation transparente,démocratique et participative
Amél ioration capacité de négociation
commerciale de l’UCLS
Amél ioration de la qualité des services offerts aux membres de l ’UCLS
Capacité d’incidence politique au niveau national
Structuration des coopératives à labase
Augmentation du nombre de membres et confiance envers l ’UCLS
Autonomie de l’UCLS
81 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Selon les 15 administrateurs, les avantages dont les producteurs de l’UCLS ont principalement
bénéficiés sont : le prix minimum garanti, l’augmentation du revenu et l’accès à un marché plus
rémunérateur. Cela montre bien que les membres de l’UCLS ont une bonne perception de leur
organisation.
Interrogé sur ce qu’il pense de l’UCLS, le directeur de l’une des p lantations industrielles
répondait en ces termes :
« L’idée de coopérative n’est pas ancrée chez tous. Depuis qu’il y a l’UCLS, c’est un contre-
pouvoir aux collecteurs ».
Beaucoup d’acteurs (ONG, organisme de recherche, projets d’appui, etc…) pensent également
du bien de l’union qui est la seule organisation de producteurs exportant directement le cacao
marchand produit par ses membres. Le commerce équitable a contribué au renforcement de la
notoriété de l’UCLS.
Gouvernance et autonomie financière
Sur le plan de la gouvernance, l’UCLS est aujourd’hui autonome et bien structurée comparé à
ses débuts où elle était encore sous tutelle de l’ADAPS. L’union est dirigée par un conseil
d’administration en rotation permanente qui est capable de prendre des décisions importantes.
Comme exemple, le conseil d’administration a pris la décision cette année de licencier une
animatrice accusée de malversation. Le conseil d’administration à sous sa tutelle l’équipe de
direction qui gère les activités de l’union. Les administrateurs ayant une faible notion en matière
de gestion, dépendent totalement de l’équipe technique qui se charge de faire le compte rendu
tous les mois lors des réunions du conseil. Parlant de l’aspect financier, l’union est encore très
faible notamment à cause de la mauvaise gestion et des détournements de fonds dont elle a été
victime au tout début. Avec l’appui de l’AFDI qui paie un salaire sur les 6, et qui subventionne
l’union pour ses autres coûts fixes, l’union commence à tendre progressivement vers l’autonomie
financière. Les bénéfices réalisés l’année dernière (4.000€) ont été utilisés pour démarrer la
collecte pour le compte de la campagne 2016. A la fin de l’exercice 2016, le bénéfice espéré est
de 20.000€.
En tant qu’organisation du commerce équitable, l’union bénéficie de la prime de développement
pour la réalisation de projets sociocommunautaires dans les villages où sont implantées les
coopératives de base. Limitée financièrement, l’union utilise une partie de cette prime pour payer
la certification Agriculture Biologique auprès d’ECOCERT. La figure ci-dessous montre
l’évolution de la prime durant ces 5 dernières années :
82 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Figure 38: Evolution de la prime ESR de l'UCLS, d’après les données de l’UCLS
De 2010 à 2012, la prime a été mal gérée et n’a pas servi à grand-chose. En 2013, elle a servi à
construire 2 puits, à rénover une école communautaire et à rembourser les dettes vis-à-vis du
fisc. En 2014, la prime a été utilisée pour continuer le remboursement fiscal. L’utilisation de la
prime de 2015 est sujette à polémique. La manière dont a été prise la décision relative à
l’utilisation de celle-ci interpelle. La décision devant être prise normalement en assemblée
générale, a été prise unilatéralement par le conseil d’administration qui souhaitait allouer cette
prime à l’achat d’un camion pour le transport du cacao. Les producteurs ne partagent pas tous
cette décision et réclament plutôt du matériel pour les coopératives de base, ce qui est
raisonnable vu la situation de ces coopératives. Cette situation montre bien que la gestion de
l’union n’est pas encore assez décentralisée et que les coopératives de base ont du mal à faire
remonter leurs préoccupations.
Capacités commerciales de l’union
En tant que seule organisation de producteurs à exporter du cacao marchand de qualité
supérieure, l’UCLS voit le volume de ses ventes augmenter chaque année. La figure ci-dessous
montre l’évolution des volumes de cacao vendus par l’union sur ces 5 dernières années :
Figure 39: Evolution des volumes vendus par l'union, d'après les données de l'UCLS
0
10000000
20000000
30000000
40000000
50000000
60000000
2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016
Ari
ary
Evolution de la prime ESR
0
20
40
60
80
100
120
140
2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016
Tonn
es
Quantités de cacao certifié vendu par l'UCLS
83 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Malgré un potentiel estimé à 300 tonnes de cacao marchand, l’union peine à dépasser le cap des
100 tonnes vendues. Depuis 2010, jusqu’à ce jour, Ethiquable est le seul client de l’union et lui
achète tout le volume de cacao produit. Dépendre exclusivement des achats de la SCOP
Ethiquable peut être risqué. Il serait donc judicieux pour l’union de se trouver un nouveau client
pour diminuer cette dépendance. Pour 2016, le volume vendu espéré est de 120 tonnes avec
l’arrivée d’un potentiel nouveau client.
En tant qu’organisation du commerce équitable, l’UCLS propose à ses adhérents un prix
minimum garanti chaque année avant le début de la collecte. Ce prix est fixé en fo nction de
l’évolution des prix du marché local et est supérieur à celui-ci. Nous avons pu reconstituer
l’évolution des prix des différents types de cacao vendu dans le Sambirano. La figure ci-dessous
montre l’évolution des prix du cacao dans le Sambirano :
Figure 40: Evolution des prix du cacao dans le Sambirano, d'après les données de l'UCLS et autres
L’UCLS en termes de prix est au-dessus de ceux du marché même s’ils tendent à rattraper ceux
de l’union. Il arrive des moments dans l’année où les prix du marché local sont presque
identiques à ceux de l’union, cette dernière en commun accord avec Ethiquable essaie de
remonter les prix pour ne pas voir les producteurs repartir vendre leur production sur le marché
local. Cette politique de prix élevés pratiquée par l’union en plus de la prime Bio payée aux
producteurs a eu un effet positif sur les prix du marché local car ceux-ci ont augmenté avec le
temps. Cela a poussé certains acteurs (plantations, exportateurs) à développer une politique
d’achat basée sur la rémunération de la qualité par l’octroi de primes aux producteurs. Ceci a un
impact non négligeable sur la filière. C’est d’ailleurs ce qu’affirmait l’ancien assistant technique
de l’AFDI auprès de l’union en déclarant :
« C’est grâce à l’UCLS que les prix des collecteurs ont augmenté »
Malgré ce prix attractif, tous les producteurs vendent une partie de leur cacao à des prix plus bas
sur le marché. En dehors des raisons propres à chaque type et que nous avons développé ci-avant
(aire de changement 1 et 2), la gestion des collectes par l’UCLS est en cause.
0
2000
4000
6000
8000
10000
12000
2 0 1 0 2 0 1 1 2 0 1 2 2 0 1 3 2 0 1 4 2 0 1 5
AR
IAR
Y
ANNEES
EVOLUTION DES PRIX DU CACAO DANS LE SAMBI RANO
Cacao sec supérieur (UCLS) Cacao sec supérieur (prix local)
Cacao sec standard Cacao frais
84 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
En effet, l’union pour la collecte de cacao auprès des coopératives de base dépend entièrement
du préfinancement de la SIDI ou d’Ethiquable (Voir description du fonctionnement de l’UCLS,
page 70). Lorsque le préfinancement a du retard, l’union se retrouve dans l’incapacité totale de
collecter le cacao car elle n’a pas de ressources financières. Il est donc urgent que l’union pallie à
ce problème. L’augmentation des volumes entraînera nécessairement une augmentation du
préfinancement. C’est ce que nous montre la figure ci-dessous :
Figure 41: Evolution du préfinancement sur deux ans, d'après les données de l'UCLS
En prenant l’exemple de 2014 et 2015 on voit à quelle vitesse les montants augmentent. On
passe de 570.557.000 d’Ar (163.000€) en 2014 à 833.903.820 d’Ar (238.000€) en 2015. Vu ces
montants, on peut comprendre pourquoi la SIDI prend ses précautions avant de virer les fonds.
Concurrent direct de l’UCLS, les exportateurs qui sont les autres acteurs de la filière à
commercialiser du cacao marchand de qualité supérieur ne font pas confiance aux producteurs
quant à la qualité du cacao. C’est pourquoi ils préfèrent le transformer eux-mêmes et bénéficient
en même temps de la valeur ajoutée que génère cette transformation. Lorsqu’on compare les prix
FOB28 payés par les clients internationaux (4000€/tonnes) pour l’achat du cacao de qualité
supérieur à Madagascar on remarque que ce prix est pratiquement le même au niveau de tous les
acteurs (UCLS et exportateurs). Cependant, la part de ce prix qui va au prod ucteur varie qu’on
soit en commerce équitable ou non. C’est ce que montrent les figures ci-dessous :
28 Une marchandise est achetée ou vendue « FOB » quand celle-ci est achetée sans les frais de transport et autres
frais et taxes y afférents et sans les assurances. Par conséquent, quand on achète une marchandise à un prix « FOB »,
il faut ensuite payer son transport et les taxes ainsi que les frais d'ass urances
https://fr.wikipedia.org/wiki/Free_On_Board
0
200 000 000
400 000 000
600 000 000
800 000 000
1 000 000 000
2014 2015
Mo
nta
nt
en A
ria
ry
Années
Evolution du préfinancement
85 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Figure 42: % du prix FOB allant aux producteurs en fonction des exportateurs. Enquêtes terrain 2016.
Au sein de l’union 65% du prix FOB payé par le client (Ethiquable) vont au producteur alors
qu’au niveau des exportateurs seul 30% du prix FOB payé par le client vont aux producteurs. Ce
déséquilibre s’explique par le fait que les exportateurs achètent les fèves fraîches de cacao aux
producteurs qu’ils transforment eux-mêmes par la suite. La transformation étant réalisée par
l’exportateur, il assume le coût et capte simplement la valeur ajoutée produite par cette
opération. Une fois de plus, la répartition du prix FOB montre à quel point, il est important de
faire de la transformation, si l’on veut espérer avoir une valeur ajoutée plus importante du cacao.
Les services aux membres
Limitée financièrement, l’UCLS n’a pas pu depuis sa création mettre en place des services
adaptés aux besoins des membres. Il est impératif de pouvoir fidéliser ces derniers et cela ne se
fait pas seulement en proposant des prix plus élevés. Nous avons bien vu jusqu’ici que malgré le
fait que les prix de l’union soient attractifs, tous les membres ne lui livrent pas la totalité de leur
production.
Conclusion partielle aire de changement 3 :
Depuis 2010, l’union s’est structurée et s’est agrandie progressivement. Cette montée en
puissance s’observe sur le plan de la gouvernance où l’union est complètement autonome et s’est
améliorée en matière de bonne gestion. L’accent mis par l’union sur la bonne gestion se traduit
par le recrutement en 2013 de la responsable administrative et financière. Cette autonomisation
de l’union en matière de gouvernance se ressent à travers l’utilisation de la prime ESR sur ces
dernières années. Malgré tout, des efforts restent à faire pour améliorer la prise de décision au
sein de l’union.
Sur ces 5 dernières années, l’organisation s’est agrandie pour compter aujourd’hui 3 fois plus de
coopératives de base qu’à ces débuts. Par ricochet, cette augmentation équivaut à l’augmentation
du nombre de membres. Plus on a de membres, plus on a de personnes (familles, proches,
salariés, etc….) susceptibles de profiter des avantages du commerce équitable, d’en être
touchés. Dans cette croissance progressive, un facteur important a toutefois été oublié, c’est
l’autonomisation des organisations de base qui manquent cruellement de moyens surtout pour la
transformation. Cette faible autonomisation des coopératives de base renforce la différenciation
de l’impact du commerce équitable selon les types de producteurs.
Part du producteur
30%
Part de l'exportateur
70%
PRIX FOB/EXPORTATEURS
Part du producteur
65%
Part de la
Faîtière
35%
PRIX FOB/UCLS
86 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Malgré les dysfonctionnements, l’union jouit d’une image positive auprès des membres et des
autres acteurs du territoire. En tant qu’organisation de producteurs du commerce équitable, elle
est la seule à exporter directement la production de ses membres quand d’autres organisations de
producteurs sont obligées de passer par des exportateurs.
Les quantités de cacao certifié exportées par l’union à destination de son unique client
Ethiquable ont augmenté d’années en années même si le potentiel de 300 tonnes n’est pas encore
atteint. Les prix sans cesse en dessus de ceux du marché ont eu un effet positif sur la filière. En
effet les autres acteurs notamment les collecteurs ont dû revoir leurs prix à la hausse. Aussi,
l’union met réellement les intérêts des producteurs en avant car plus de la moitié de son prix
FOB va aux producteurs alors que chez les exportateurs ou autres seulement 30% du prix va aux
producteurs. Le fait que les producteurs de l’union qui le peuvent, transforment le cacao est un
vrai atout pour eux.
On note un vrai problème au niveau du fait que l’augmentation des quantités exportées est égale
à l’augmentation du préfinancement, car l’union, limitée financièrement dépend entièrement de
la SIDI. La collecte est régulièrement stoppée à cause de cela et oblige les producteurs à vendre
le cacao de qualité supérieure aux prix les plus bas du marché. Le préfinancement est un outil du
commerce équitable censé booster les organisations mais sa mise en œuvre dans ce cas n’est pas
optimale. Une autre difficulté engendrée par la limite financière de l’union, est le manque de
services adaptés aux besoins des membres surtout les producteurs du type 1.
3.4 A IRES DE CHANGEMENT 4 ET 5: CHANGEMENTS AU NIVEAU DU DEVELOPPEMENT LOCAL, NATIONAL ET NIVEAU DE LA GESTION DES RESSOURCES NATURELLES
L’UCLS dans la mise en place de ces activités dans la région du Sambirano, favorise
l’embauche, car elle emploie 6 personnes chargées d’assurer son fonctionnement en plus des
membres qui à leur niveau investissent aussi dans la main d’œuvre. De par sa notoriété, elle
influe aujourd’hui sur les prix proposés par les autres acteurs du marché aux producteurs. Même
si aujourd’hui l’Etat central n’intervient pas directement dans la filière, l’UCLS intéresse de
nombreuses structures d’appui, prêtes à financer l’extension de ses activités. C’est le cas des
projets PROCOM (Union européenne) et PIC (Banque mondiale) qui ont la capacité de financer
la dotation en équipement des coopératives de base de l’union. Ce qui veut dire par ricochet,
l’inclusion de plus de producteurs dans l’union et une couverture plus importante de la région par
l’UCLS. Ceci ne pourrait que favoriser un développement économique local. L’union pourrait
bénéficier prochainement d’un financement de l’union européenne dans le cadre d’un projet de
renforcement des organisations de producteurs du commerce équitable à travers le monde. Le
projet est porté par AVSF. La prime de développement a aussi contribué au renforcement du
développement local notamment par la construction d’un module de classe et la construction de
puits. Ces infrastructures ne bénéficient pas seulement aux membres des coopératives de base
mais aussi à toute la communauté villageoise environnante.
La région du Sambirano a la particularité d’être une zone où aucun produit phytosanitaire n’est
utilisé dans les cacaoyères. Ceci se justifie par le très faible taux de parasitisme et de maladies
liées au cacaoyer dans la vallée en partie à cause de la diversité des associations de cultures. Il
faut rappeler que dans la région, la culture du cacao chez les paysans est essentiellement
pratiquée sous ombrage agroforestier. Le nombre de strates peut varier d’un système de culture à
87 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
l’autre. La pratique de l’agroforesterie est très intéressante du point de vue gestion de la fertilité
verticale qui ne nécessite pas d’importer d’autres engrais et contribue à réduire la pression
parasitaire. Le commerce équitable permet aujourd’hui de valoriser ces pratiques historiquement
biologiques en contribuant à l’accès à la certification bio et les primes associées. Par ailleurs on
peut supposer qu’il contribuerait par ce service et grâce aux prix supérieurs à maintenir ce mode
de gestion des cacaoyères s’il y avait éventuellement un intérêt à l’utilisation d’intrants
chimiques. Il faut noter que récemment des acheteurs non identifiés auraient proposé des prix
supérieurs à ceux de l’union pour avoir du cacao de qualité supérieur certifié Bio auprès des
producteurs. Sur les 21 OP que comptent l’UCLS, toutes ne livrent pas l’union en cacao de
façon continue et régulière. Dans quelques coopératives du Bas Sambirano, seuls des membres
de façon individuelle s’engagent à livrer l’UCLS.
Conclusion partielle aires de changement 4 et 5 :
Devenant progressivement un acteur important du territoire, l’UCLS est un vecteur d’emplois
locaux car elle emploie non seulement des salariés mais aussi les membres ayant la capacité de le
faire en investissent dans la main d’œuvre. La notoriété de l’union se ressent aujourd’hui de par
l’influence qu’elle peut avoir sur les prix du marché. En tant qu’organisation du commerce
équitable, l’union met en place des infrastructures sociocommunautaires profitant à tous, les
membres et les non membres. L’organisation s’est faite remarquer et intéresse beaucoup de
structures d’appui qui pourraient l’aider à définitivement prendre son envol.
Pratiquée depuis des générations, l’agroforesterie permet dans la zone la culture du cacao sans
avoir recours aux intrants chimiques. A ce niveau- là, le commerce équitable n’a pas d’impact
majeur mais peut être garant de la durabilité de cette bonne pratique lorsqu’éventuellement des
changements surviendront.
3.5 VERIFICATION DES HYPOTHESES
Afin de mesurer l’impact du commerce équitable 4 hypothèses avaient été posées au départ de
cette étude. Les résultats étant analysés, il est maintenant possible de vérifier si les hypothèses
sont validées ou infirmées.
Hypothèse 1 : Le commerce équitable permet d’augmenter les revenus et d’améliorer les
conditions de vie des ménages agricoles membres de l’UCLS
Au vu des éléments développés tout au long du document, nous pouvons dire que cette
hypothèse est partiellement vérifiée. En effet nous avons pu voir que le commerce équitable
permet d’augmenter les revenus des producteurs membres de l’UCLS. Par contre pour ce qui est
de l’amélioration des conditions de vie, l’impact est mitigé car l’étude montre bien que malgré
l’augmentation des revenus, l’amélioration des conditions de vie n’est pas effective chez les
différents types de producteurs membres de l’union.
Hypothèse 2 : Le commerce équitable permet de soutenir de manière efficace les
agriculteurs marginalisés membres de l’UCLS
D’après les résultats de l’étude, cette hypothèse est infirmée. Les producteurs marginalisés
appartenant au type 1 et membres de l’union vivent avec un revenu en dessous du seuil de survie.
88 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Hypothèse 3 : Le commerce équitable favorise la structuration de l’UCLS et améliore son
mode de gouvernance.
En se basant sur les différents résultats développés et notamment sur l’impact du commerce
équitable sur l’organisation de producteurs, il est clair que cette hypothèse est validée.
Hypothèse 4 : Le commerce équitable a un impact positif sur le développement local et la
gestion des ressources naturelles dans la zone d’étude.
L’impact positif du commerce équitable sur le développement local est vérifié tandis que sur la
gestion des ressources naturelles il est d ifficilement mesurable. Cette hypothèse est donc
partiellement vérifiée.
89 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
4 DISCUSSION Dans cette dernière section, nous nous pencherons dans un premier temps sur les études
d’impacts réalisées à travers le monde afin d’apprécier les grandes tendances. Celles-ci seront
ensuite comparées au cas de Madagascar que nous avons étudié pour identifier les similitudes et
les disparités afin de rediscuter les hypothèses émises au départ qui sont vérifiées ou infirmées.
Enfin nous ferons des recommandations qui puissent aider à améliorer l’impact du commerce
équitable dans le cas étudié.
4.1 QUE NOUS DISENT LES DIFFERENTES ETUDES D’IMPACT DU COMMERCE EQUITABLE A TRAVERS LE
MONDE ET QUE REVELE LA PRESENTE ETUDE ?
Commanditée par la PFCE, une étude du CIRAD (Vagneron et Roquigny, 2010) a fait un état
des lieux puis à analyser les études d’impact existantes sur le commerce équitable au Sud. Ces
études ont essentiellement renseignés l’impact du commerce équitable sur 3 points clés à savoir :
les producteurs et leurs familles, les organisations de producteurs et les externalités
(développement local et gestion des ressources naturelles, etc…).
L’impact sur les producteurs et leurs familles
Au niveau des producteurs et de leurs familles, l’impact se traduit surtout en termes de prix et de
revenus. Des prix rémunérateurs permettent de sécuriser les revenus des producteurs et facilitent
l’investissement et l’accès au crédit des ménages affiliés. Les études montrent également que :
- L’impact du commerce équitable sur le développement social des bénéficiaires, en termes
d’amélioration de l’estime de soi, de reconnaissance sociale et d’identification au groupe
est inégal et s’opère indirectement.
- L’impact du commerce équitable sur les connaissances et la participation des producteurs
aux processus de prise de décisions est encore très limité.
- Le commerce équitable contribue à améliorer la qualité des produits. De même, il
favorise les bonnes pratiques agricoles, en facilitant l’adoption de la certification
biologique notamment.
- Le commerce équitable peut générer des inégalités au niveau local, voire exacerber des
inégalités déjà existantes.
L’impact au niveau des producteurs membres de l’UCLS est matérialisé par un différentiel de
revenus entre ces derniers et d’autres producteurs non membres de l’union. Même si ce
différentiel est minime (producteurs du type 1), on note quand même une amélioration au niveau
du revenu grâce notamment aux prix payés par l’union qui sont au-dessus des prix que les autres
producteurs perçoivent sur le marché local. Grâce à cette amélioration de revenus certains
producteurs (type 2 au 5) arrivent à faire des investissements qu’ils soient productifs ou non
productifs. Cependant l’appartenance à l’organisation du commerce équitable n’a pas d’impact
sur l’accès au crédit auprès des institutions de microfinance ou des banques.
Le fait d’appartenir à une organisation telle que l’UCLS, est pour beaucoup un élément de
différenciation entre eux et les autres producteurs. Les membres de l’UCLS estiment que le fait
de commercialiser du cacao de qualité supérieure alors que les autres producteurs continuent à
vendre de la qualité standard ou du cacao non transformé fait d’eux des exemples à suivre.
90 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Non seulement le commerce équitable a à ce niveau amélioré l’estime de soi des paysans mais il
a aussi favorisé une amélioration de la qualité du cacao commercialisé par les membres de
l’union. Sur la question de l’estime de soi et de la reconnaissance sociale les propos d’un
producteur illustre bien les bénéfices liés au fait d’être membre de l’UCLS :
« Vu que je suis membre du conseil d’administration, je suis très connu dans le village ».
Le commerce équitable a permis aujourd’hui aux producteurs de l’UCLS d’améliorer leur
connaissance et de s’approprier progressivement les techniques de transformation post-récolte
Autrefois réservée exclusivement aux collecteurs et exportateurs. Sur cet aspect des
améliorations importantes restent à faire pour une appropriation totale de ces techniques par les
paysans de l’UCLS. De même, sur le plan de la gouvernance notamment l’inclusion des
organisations de base, l’impact du commerce équitable est très limité. L’étude a bien démontré
que ces organisations ne pèsent pas dans le processus de prise de décision. Les décisions sont
prises entre le conseil d’administration et l’équipe de gestion sans forcément consulter la base.
Les études montrent que le commerce équitable favorise les bonnes pratiques avec l’adoption de
la certification biologique. Dans la zone d’étude les paysans sont habitués depuis des générations
à pratiquer l’agroforesterie. N’utilisant pas d’intrants chimiques et privilégiant la fertilisation
verticale les producteurs de la zone ont une production qu’on peut qualifier de « Bio».
L’étude a démontré qu’il existe une variété d’exploitations agricoles dans la zone. Certaines ont
des difficultés à s’en sortir et demeurent sous le seuil de survie malgré le fait qu’elles soient
membres de l’UCLS. Dans le même temps d’autres exploitations, moyennes et grandes arrivent à
améliorer considérablement leur revenu en profitant de l’avantage prix qu’offre l’UCLS. La
conclusion qu’on en tire en termes d’impact est que le commerce équitable contribue à la
différenciation sociale des exploitations agricoles du Sambirano.
L’impact sur les organisations de producteurs
Reconnu, l’impact du commerce équitable au niveau des organisations de producteurs, en termes
de structuration et de renforcement de leurs capacités organisationnelles n’est plus à démontrer.
Grâce au commerce équitable, les organisations de producteurs ont un accès plus facile aux
marchés internationaux et ont une meilleure connaissance de ces marchés. Leur capacité
commerciale s’améliore donc de façon progressive. Le commerce équitable contribue au
renforcement des capacités organisationnelles et à la viabilité économique et financière de ces
organisations. Les services aux producteurs étant une nécessité, le commerce équitable a un
impact positif sur les services fournis par l’organisation de producteurs à ses membres. L’impact
le plus visible en termes de services réside dans l’appui technique.
Viennent ensuite les services sociaux, plus particulièrement à travers la prime de développement,
qui permettent d’améliorer l’éducation et la santé de leurs membres et de leurs familles.
Certaines des organisations du commerce équitable offrent des services financiers à leurs
membres, dans un contexte marqué par le désengagement des institutions financières vis-à-vis du
secteur agricole.
91 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Le commerce équitable, enfin, encourage les organisations à innover, à diversifier leur offre de
produits et services, et à intégrer des activités telles que la transformation et le conditionnement,
voire même la distribution. Quant à la structuration des organisations en termes de réseau
institutionnel et d’accroissement de la légitimité, le commerce équitable a un impact globalement
positif. Toutefois, l’impact du commerce équitable sur la gouvernance des organisations de
producteurs semble quant à lui beaucoup plus mitigé.
Les études montrent que l’un des facteurs clé de réussite du commerce équitable au niveau des
organisations de producteurs réside dans l’accompagnement de ces organisations par des
programmes d’appui subventionnés. Généralement, ces programmes sont mis en œuvre par des
ONG et/ou des opérateurs commerciaux spécialisés du commerce équitable. Le commerce
équitable joue en fait le rôle de « catalyseur », en facilitant la venue de projets connexes.
L’impact au niveau des organisations de producteurs, en termes de structuration et de
renforcement de leurs capacités organisationnelles est très largement reconnu dans les différentes
études. A Madagascar, c’est le cas pour l’UCLS qui depuis son inscription dans le commerce
équitable a connu une montée en puissance qui se vérifie par l’évolution du nombre
d’organisations de base et le renforcement de l’équipe de gestion. Cependant il reste un énorme
travail à faire pour améliorer l’organisation et le fonctionnement des coopératives à la base.
Le commerce équitable permet à l’union d’avoir un accès facile au marché français voir
Européen avec l’arrivée potentiel de nouveau client. On voit donc que la capacité commerciale
de l’union s’améliore peu à peu même si elle n’arrive pas encore à atteindre son potentiel estimé
qui est de 300 tonnes. Avec des volumes de vente en constante augmentation à l’endroit de son
unique client, dont l’union est entièrement dépendante, celle-ci tend vers l’autonomisation
financière qui jusqu’à maintenant n’est pas effective. On ne peut donc pas parler actuellement
d’impact sur la viabilité économique et financière de l’organisation.
Le commerce équitable incite souvent les organisations labellisées à intégrer des réseaux ou des
plateformes constitués d’organisations du même genre qu’elles. L’UCLS à ce jour n’est pas
encore membre d’un des réseaux du commerce Ethiquable à Madagascar. Il faut dire que pour
l’instant les entités de la sorte qui existent ne sont pas encore crédibles aux yeux des acteurs
nationaux. En attendant de pouvoir intégrer le genre de réseau, l’UCLS continue à renforcer sa
légitimité au plan local. De plus en plus d’acteurs s’intéressent à ses activités et ont une image
positive d’elle.
L’union rencontre des difficultés pour proposer à ses membres des services adaptés à leurs
besoins. En effet, le besoin en services pour les membres se fait de plus en plus ressentir. Les
enquêtes auprès des producteurs ont révélé par exemple qu’ils souhaitent se faire former en
comptabilité pour mieux gérer les exploitations.
Ceci étant du ressort des animateurs, ces derniers sont plutôt occupés par l’activité de collecte et
de ce fait délaisse leur prérogative première qui est l’animation et la formation. Jusqu’à
maintenant, les initiatives en matière de services mis en place notamment grâce à l’utilisation de
la prime de développement se sont soldées par des échecs. Nous remarquons également que bien
que la transformation est très importante dans le cadre des activités de l’union, l’organisation a
du mal à harmoniser le mécanisme de transformation et à doter les coopératives de base en
matériel pour le faire.
92 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
L’impact du commerce équitable sur la capacité de l’union à fournir des services est quasi nulle
et très mitigé s’agissant de la capacité de toutes les organisations de base à transformer le cacao
sans encombre.
Pour finir, au niveau de l’impact sur l’organisation de producteurs, les études montrent que les
organisations du commerce équitable réussissent mieux lorsqu’elles sont accompagnées par des
programmes subventionnés d’appui mis en œuvre par des ONG et/ou des opérateurs
commerciaux spécialisés du commerce équitable. Dans le cas de l’UCLS, cette tendance est
vérifiée. A ses débuts, l’union a été porté par l’AFDI qui a malgré les désagréments maintenue
son appui et à favoriser ensuite la connexion avec Ethiquab le. Il n’est donc pas possible de parler
de l’impact du commerce équitable sur l’UCLS sans dire le rôle qu’a joué l’AFDI.
L’impact sur les externalités
Les résultats sur ce type d’impact sont les moins documentés de tous. Néanmoins, le peu
d’études existantes sur la question montre que le commerce équitable peut également, sous
certaines conditions, avoir un impact au-delà des producteurs et de leurs organisations, et générer
des effets d’entraînement au niveau de la communauté.
Les études d’impact du commerce équitable montrent qu’il peut y avoir un effet positif sur le
développement économique et social au niveau de la communauté, notamment à travers
l’utilisation de la prime de développement. Il faut préciser que l’impact de la prime est
étroitement lié aux capacités des organisations à l’utiliser dans un cadre démocratique. Le
commerce équitable peut avoir un impact positif au niveau local sur les prix, dans des zones où
la compétitivité est particulièrement exacerbée. Il peut également avoir un effet positif sur
l’emploi local, en termes d’opportunités d’emploi.
Sur les questions liées à l’exode rural et aux migrations, l’impact est beaucoup plus controversé.
Cela est dû au fait que le commerce équitable ne parvient pas à renverser les inégalités, que ce
soit au niveau local (inégalités horizontales) ou international (inégalités verticales), et contribue
même parfois à les exacerber.
Au cours de notre étude, l’impact à ce niveau nous permet de comprendre comment une
organisation du commerce équitable comme l’UCLS peut stimuler positivement le
développement économique et social au niveau de la communauté. Comparé au tout début,
l’union est aujourd’hui dirigée par une équipe de gestion composée d’environ 6 salariés
permanents. Pour les opérations de tri et de mise en sac, l’union recrute plus ou moins une
vingtaine de journaliers selon les volumes. Ces éléments montre bel et bien que l’union sur le
plan local est un vecteur d’emploi qu’il soit permanent ou journalier.
L’utilisation qui a été faite de la prime de développement ces dernières années montre également
que l’union participe au développement de la localité en ne faisant pas de distinction entre les
membres et les non membres.
L’impact le plus retentissant sur le plan local est celui lié au prix du cacao sur le marché local.
La politique de l’union en tant qu’organisation du commerce qui a consisté à pratiquer des prix
supérieurs à ceux du marché local a eu un effet positif, car les collecteurs et autres acteurs ont
étés contraints de rehausser leur prix.
93 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Sur les questions liées à l’exode rural et aux migrations, il n’est pas possible à ce jour d’avancer
des arguments concrets sur l’impact du commerce équitable, mais il pourrait renforcer ce
phénomène.
4.2 PERSPECTIVES ET RECOMMANDATIONS
La déclaration suivante est celle d’un exportateur :
« Il faut être bien clair : si la qualité se dégrade, et on sait pourquoi, et si les prix fluctuent au
gré des opérateurs, le grand perdant va être le planteur à qui on va acheter toujours moins cher,
jusqu’au jour où il sera découragé et ne produira plus du cacao avec ses cacaoyers mais du
charbon de bois »
La filière cacao malgache est aujourd’hui à un tournant décisif de son histoire. Dans un contexte
qui tend à s’accentuer et qui est marqué par la baisse de la qualité, la fluctuation des prix, les vols
sur pieds et surtout la saturation du foncier propice à la culture du cacao, il est important que les
acteurs de la filière se concertent pour trouver des solutions pouvant aider la filière à de
l’impasse. L’UCLS en tant qu’organisation de producteurs du commerce équitable essaie d’aider
ses membres qui font partie des nombreux producteurs insérés dans cette filière complexe.
Cette étude d’impact du commerce équitable réalisée à Madagascar, a permis non seulement de
mesurer l’impact sur l’UCLS et ses membres mais aussi sur le terroir du Sambirano. A la suite
de cette évaluation de l’organisation de producteurs, des différents types d’exploitations
agricoles et de la filière, les points forts et faibles de l’impact du commerce équitable ont été
identifiés. Sur la base des résultats obtenus, quelques pistes de réflexion et de réajustements
envisageables seront proposées afin d’améliorer l’organisation et le fonctionnement de l’UCLS
pour enfin tendre vers un commerce équitable plus inclusif et plus performant dans le
Sambirano. Les propositions énoncées ci-dessous sont donc le début d’une réflexion que l’UCLS
pourra mener avec l’aide de ses partenaires (Ethiquable et AFDI).
Suggestion n°1 : Augmenter la visibilité de l’union
L’augmentation de la visibilité de l’union consiste à mettre en place un site internet ou un blog
simplifié qui présentera l’union et ses différentes activités. Cette interface numérique permettra à
quiconque s’intéresse à l’union de trouver les informations nécessaires sur elles. Une
augmentation de la visibilité de l’union peut servir à :
Trouver de nouveaux clients sur les marchés internationaux
Trouver de nouveaux partenaires techniques et financiers susceptible d’appuyés l’union.
Suggestion n°2 : Faire une veille des appels à projets
La veille des appels à projets est cruciale car, il existe un nombre important d’opportunités de
financement venant des structures d’appuis et d’ONG que pourraient saisir l’union. Ces
financements et ces appuis perme ttraient d’accélérer le développement et la croissance des
activités de l’union.
94 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Suggestion n°3 : Améliorer le mode de gouvernance et favoriser une gestion plus
transparente
Au fil des années, l’union ne cesse de s’améliorer sur le plan de la gouvernanc e. Cependant des
efforts restent à faire pour arriver à une gouvernance plus démocratique de l’union. Cette
gouvernance démocratique consistera essentiellement à renforcer la connexion entre le sommet
et la base dans la prise de décision importante comme l’utilisation de la prime de développement
par exemple.
La gestion transparente de l’union consistera à ce que chaque membre de l’équipe de gestion
puisse faire un rapport clair et précis sur ses activités qu’il présentera aux collègues et au conseil
d’administration. Le but est d’éviter qu’une seule personne détienne l’information afin de limiter
les risques de fraudes.
Suggestion n°4 : Trouver des alternatives en attendant le préfinancement de la SIDI
L’étude a démontré que le mécanisme actuel du préfinancement de la collecte de cacao, ne
permet pas à l’UCLS de faire une collecte en continue. L’alternative en attendant que les fonds
de la SIDI soient disponibles consiste à se rapprocher des IMF (OTIV, CECAM, etc…)
présentes dans la localité. Sur présentation du contrat tripartite signé entre l’union, Ethiquable et
la SIDI, elle pourrait demander un prêt à taux négocié auprès de ces institutions présentes dans la
finance rurale. L’octroi de ce prêt aiderait donc l’union à collecter du cacao transformé auprès
des coopératives de base mais aussi à préfinancer en continu l’achat de cacao frais auprès des
petits producteurs qui ont un besoin constant en trésorerie. Dès l’arrivée des fonds de la SIDI,
l’union procèdera au remboursement et ainsi de suite.
Suggestion n°5 : Co-construire des services et des formations avec les producteurs à la
base
La mise à disposition de services adaptés en direction des producteurs est plus qu’une nécessité
si l’union veut arriver à fidéliser ses membres sur le long terme. Deux alternatives sont
possibles : soit l’union internalise les services qu’elle veut mettre en place pour les producteurs,
soit elle les externalise. L’étude a montré que les services que l’union elle-même à essayer de
mettre à la disposition de ses membres ont été des échecs. L’externalisation c’est-à-dire la
création d’une nouvelle entité ou la sous-traitance par un tiers peuvent être des solutions. Par
exemple :
- L’économat : pour ce service (distribution de produits de premières nécessités), l’union
pourrait nouer un partenariat avec un commerçant à Ambanja chez qui les producteurs
s’approvisionneraient. Sur la base d’un registre d’approvisionnement, l’union paiera
directement ce commerçant et elle sera à son tour remboursé en cacao par les
producteurs.
- Le crédit : Pour ce service, l’union pourrait se rapprocher également des IMF pour
négocier des facilités d’accès au crédit pour ses membres.
Mais avant la mise en place de c dispositif, il est très important de commanditer une étude
approfondie et d’associer les producteurs à la base afin d’identifier besoins réels. Ensuite, avec
l’appui de partenaires techniques comme l’AFDI il faudra procéder à une étude de faisabilité.
95 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Avec les producteurs, il est nécessaire que les animateurs construisent des modules de
formations adaptés aux besoins du moment.
Suggestion n°6 : Réfléchir à une diversification des activités de l’union
Beaucoup de producteurs de l’union ont dans leurs parcelles une diversité de cultures qui
intéressent également les marchés internationaux. Il s’agit notamment du poivre et de la vanille.
Vu que ces cultures sont présentent dans les plantations de cacaoyers labélisés Agriculture
Biologique, elles sont donc par défaut Bio également. L’union pourrait donc réfléchir à la
manière de mettre en place de nouvelles filières équitables pour ces cultures qui sont également
très demandées à l’instar du cacao.
En tant qu’organisation du commerce équitable, l’UCLS peut bénéficier de financements
provenant de l’Economie Sociale et Solidaire (ESS). Avec l’aide de la SIDI par exemple, l’union
pourrait monter un projet de transformation du cacao sur place à Madagascar en achetant le
matériel pour le faire ou en nouant un partenariat avec un chocolatier comme la CINAGRA. Le
projet pourrait consister à produire de la masse de cacao ou même aller jusqu’à la transformation
de tablettes (Made in Madagascar). Ceci dans le but de créer d’avantage de la valeur ajoutée sur
place.
Suggestion n°7 : Favoriser un transfert de compétences entre la faîtière et la base
L’étude a révélé que les organisations de base sont peu autonomes. Pour une meilleure efficacité
du système, il est primordial que la faîtière s’engage à opérer un transfert de compétences
progressif en direction des coopératives de base. Ce transfert peut consister à mettre en place des
caisses villageoises pour permettre une certaine autonomie de la base dans le cas des activités de
collecte du cacao frais. Le transfert de compétences consistera également à ce que les animateurs
délaissent l’activité de collecte (paiement et acheminement sur Ambanja) au profit des
responsables à la base (trésoriers et contrôleurs internes). Les animateurs pourront ainsi se
consacrer à la formation des producteurs.
Suggestion n°8 : Faire de l’équipement des coopératives de base et de la
transformation groupée une priorité
Le manque de matériel (bacs de fermentation et aires de séchage) dans les coopératives de base
est un vrai facteur limitant pour ces dernières et pour l’union en général. La carence en matériel
favorise la transformation individuelle qui nuit à la qualité du produit final exporté. En attendant
de pouvoir équiper toutes les organisations à la base, deux scénarios peuvent être expérimentés.
Dans un premier temps, dans les coopératives où il existe du matériel, il faut accroître la
sensibilisation à l’endroit des producteurs sur la nécessité de transformer de façon groupée.
Dans le cas où la coopérative n’a pas de matériel, on peut se rabattre sur les producteurs ayant le
matériel pour la transformation au sein des organisations de base. Pour inciter ces derniers, un
bonus leur sera versé par l’union en prélevant sur la prime de développement par exemple.
96 MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
CONCLUSION
Produire du cacao biologique et avoir accès à des marchés internationaux rémunérateurs pour ses
membres, tel est l’objectif de l’Union des Coopératives Lazan’ny Sambirano (UCLS) un des
partenaires d’Ethiquable à Madagascar. Après bientôt 6 ans de partenariat, Ethiquable a jugé bon
d’évaluer la pertinence de cette collaboration. C’est dans cet objectif qu’a été réalisé cette étude
afin d’analyser finement l’impact du commerce équitable développé par Ethiquable. L’impact a
été mesuré sur les producteurs et leur famille, sur l’organisation de producteurs et sur le territoire
du Sambirano.
De l’étude il ressort que dans une filière, dominée par les collecteurs et les exportateurs, le
commerce équitable a su redonner le pouvoir aux producteurs. En effet, il a permis aux
producteurs affiliés de produire et de commercialiser un cacao de meilleure qualité. De plus, les
producteurs ont accès à un marché qui leur garantit des prix rémunérateurs supérieurs à ceux
payés localement aux autres producteurs dont ils se différencient clairement. Bien qu’ayant des
revenus supérieurs aux producteurs non affiliés au commerce équitable, tous les membres de
l’union n’ont pas les revenus suffisants pour améliorer leurs conditions de vie. Les petits
producteurs qui disposent de petites superficies en cacao (moins de 1 ha) n’arrivent pas à passer
au-delà du seuil de survie. Dans le même temps les producteurs de l’union qui possèdent des
superficies moyennes (1 à 3 ha) ou plus grandes (> 3 ha) arrivent à valoriser plus de volume en
commerce équitable et de ce fait améliorent leurs revenus ainsi que leur capacité
d’investissement productif et non productif. Indirectement, le commerce équitable renforce la
différenciation sociale et creuse l’écart entre les petits et les grands producteurs membres de
l’organisation.
Plus globalement, le commerce équitable a permis d’amorcer une nouvelle dynamique dans le
Sambirano. Il a permis de créer une organisation pour les producteurs et par les producteurs afin
de défendre leurs intérêts. Depuis sa création en 2010 l’organisation s’est structurée, a progressé
sur le plan de la gouvernance et tend vers une autonomie financière. Ceci grâce à Ethiquable,
client fidèle qui est resté malgré les difficultés. En tant qu’organisme d’appui, l’AFDI a
également joué un rôle important dans le développement de l’union. Le commerce équitable a
permis à certains producteurs d’améliorer leurs conditions de vie et leur capacité
d’investissement. Cependant tel qu’il est mis en œuvre, il ne profite pas à tous en particulier aux
petits producteurs qui sont censés en jouir pour sortir de la précarité. Ceci est dû à un ense mble
de facteurs : le manque de services adaptés pour les petits producteurs, la faible capacité d’action
collective au sein des organisations de base, un préfinancement de la collecte qui met du temps à
arriver, et une faible autonomie financière de l’union et des organisations de base. Malgré sa
fébrilité, cette entité influence tout de même le développement économique et local du territoire.
A l’issu de ce stage, nous pouvons affirmer que l’impact du commerce équitable est avéré, il est toutefois limité à cause de la sous exploitation du potentiel de l’union. Pour exploiter au mieux
ce potentiel et renforcer l’impact du commerce équitable, il faudra s’atteler à la résolution des
problèmes en s’inspirant des recommandations formulées dans ce document.
A MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
REFERENCES BIBLIOGRAP HIQUES Agritrade (2011), « Secteur du cacao », Note de synthèse, juillet 2011.
Agronomes et Vétérinaires Sans Frontières (2011), Pour un commerce équitable au service
des organisations paysannes. Texte de référence, Octobre 2011, 36 p.
Barrientos S., Beyond Fair Trade : why are mainstream chocolate companies pursuing socialand
economic sustainability in cocoa sourcing ? Institute for Developpement Policy and
Management, Université de Manchester.
Basic (2016), La face cachée du chocolat. Mai 2016, 118p.
Benlemouy A. (2015), Analyse-Diagnostic Agraire de la plaine du Sambirano Région DIANA,
Madagascar. Mémoire de fin d’études, Agroparistech, 97 p.
COTA (2004), Assessment of Impact. Décembre 2004.
CIEDEL (1999), Définition et mise en place d’indicateurs d’impact. F3E – CIEDEL.
CELCO-SAGE-GTZ (2007), Plan communal de Développement des communes du district
d’Ambanja.
Duruflé G. et al. (1988). L’impact sociaux et économiques des projets de développement rural,
manuel d’évaluation, Ministère de la Coopération, 1988.
Dabat M.H. et al., L'agriculture malgache peut-elle sortir de l'impasse démoéconomique ?
Autrepart 2008/2 (n° 46), p. 189-202.
DUGAUGUEZ M. et RAZAFIMBELO H. (2014), étude de la chaîne de valeur cacao. Rapport
final PIC, 96 p.
DIDIER P. (1999), Extrait du rapport de mission à Madagascar. CIRAD 1999, 13 p.
EBERHART N. (2005), Dispositif de mesure d’impact du commerce équitable sur les
organisations et familles paysannes et leurs territoires. Proposition méthodologique, 121 p.
Ferraro F. (2010). Madagascar, des coopératives pour le cacao du Sambirano. L’information
Agricole, N°837, Mai 2010, 25 p.
Ferraton N. et Touzard I. (2005), Dossier pédagogique - Observer et comprendre un système
agraire, Livret 2 , Etude de cas: L'agriculture d'une petite région (Hinche, plateau central) en
Haïti, CNEARC -Montpellier, 71p. 2005
Fairtrade International (2015). Rapport annuel.
FOFIFA (2009), Atelier cacao Ambanja, 9 p.
FOFIFA (2012), Données pluviométrique recueillies sur Ambanja.
FOFIFA, atelier sur les problèmes et perspectives des filières cacao, poivre et huiles
essentielles.
Koné M. et al. (2014), Évolution de la couverture forestière de la Côte d’Ivoire des années 1960
au début du 21ème siècle. International Journal of Innovation and Applied Stud ies, août 2014,
vol. 7 n°2.
B MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
LIDOUREN E. (2006), Etude d’impact du commerce équitable de l’orange dans la coopérative
COAGROSOL. CNEARC, ESAT 2, Mars 2006, 118 p.
Nirina R. et al. (2011), Identification des freins et leviers du commerce équitable pour les
organisations d’artisans à Madagascar. Rapport Final, Septembre 2001, 50 p.
NDIMBIARISON J.M. (2014), Enjeux et réalités du commerce équitable : cas de Madagascar.
Mémoire de fin d’études, Université d’Antananarivo, 86 p.
Plateforme du Commerce Equitable (2015), Guide international des labels de commerce
équitable. Edition 2015, 125 p.
Plateforme du Commerce Equitable (2015), les chiffres clés du commerce équitable en France
en 2015, 6 p.
Plateforme du Commerce Equitable (2013), Quels outils financiers pour le préfinancement des
achats de commerce équitable ?. Compte rendu, Septembre 2013, 12 p.
PRAT C. (2011), Impact du commerce équitable sur la durabilité du système de
production/transformation du beurre de Karité : Etude de cas de la filière mise en place par
l’association Songtaab Yalgré (Burkina Faso). Mémoire de fin d’études, IRC-Supagro,
Montpellier, 151 p.
Roche (1999), Impact assessment for development agencies. Oxfam publication.
Razanakoto, Le cacao de Madagascar. RSCE2, Abidjan.
RAZES M. (2008), Analyse diagnostic de l’agriculture de la vallée du Haut Sambirano, région
cacaoyère du Nord-Ouest de Madagascar. Mémoire de fin d’études, Agroparistech, 67 p.
RANAIVOSON L. (2009), Etude sur l’amélioration de la qualité du cacao et de l’augmentation
du rendement du cacaoyer dans le district d’Ambanja. Mémoire de fin d’études, Université
d’Antananarivo,93 p.
SENAN S. (2005), Impact du commerce équitable dans la filière sucre de canne au Costa-Rica et
au Paraguay. Mémoire de fin d’études, CNEARC, Montpellier, Mars 2005, 237 p.
SENAN S. (2015), Filière cacao avec l’UCLS, Ambanja. Rapport de mission, Décembre 2015,
16 p.
Sourisseau J.M. et al. (2014), Les agricultures familiales à Madagascar : un atout pour le
développement durable. Antananarivo, Décembre 2014, 40 p.
Squicciarini M.P., Swinnen J. (2016), The Economics of Chocolate. Oxford University Press,
2016.
Shapiro C., Varian H. R (1999), The art of standards wars. California Management Review.
Samuel K. G., Tsowou K. (2016), Cocoa industry : integrating small farmers into the global
value chain. Special Unit on Commodities, UNCTAD, 49p.
Schrage E. J., Ewing A. P. (2005), The Cocoa Industry and Child Labour. Journal of Corporate
Citizenship.
MAEP (2007), Recensement de l’agriculture. Antananarivo, Octobre 2007.
UPDR (2003), Monographie de la région de Diana. Ministère de l’Agriculture, de l’élevage et de
la pêche de Madagascar, 182p.
C MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
UNICOSA (2013), Monographie du district d’Ambanja.
Vagneron I., Roquigny S. (2010), Cartographie et analyse des études d’impac t du commerce
équitable. CIRAD-UMR MOISA, Février 2010, 78 p.
Wampfler B. (2015), Grille d’analyse des organisations professionnelles agricoles. Octobre
2015, 13 p.
WAMPFLER B., De Romémont A. (2016), Présentation sur l’évaluation et l’impact des
services agricoles. Février 2016, 75 p.
Sites web consultés
https://fr.wikipedia.org/wiki/Madagascar
www.banquemondiaale.org/fr/country/madagascar
http://www.ETHIQUABLE.coop/fiche-producteur/lazanny-sambirano-commerce-equitable-a-
madagascar-cacao
http://latribune.cyber-diego.com/breves/1509- inondation-a-ambanja-et-ambilobe.html consulté le
28/04/2016
http://www.bdm.insee.fr/bdm2/affichageSeries.action?idbank=000455727&page=graphique&codeGroupe=298&recherche=criteres
http://faostat3.fao.org
https://fr.wikipedia.org/wiki/FINE
http://www.commercequitable.org/lecommerceequitable/definitions-cadres- legaux.html
http://www.maxhavelaarfrance.org/cacao.html
http://www.commercequitable.org/lapfceetsesmembres/le-collectif.html
http://www.ethiquable.coop/fiche-producteur/lazanny-sambirano-commerce-equitable-a-
madagascar-cacao
http://www.finances.gouv.ci/index.php/fr/guide-pratique/guide-pratique-de-la-cote-divoire
D MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
ANNEXES
Annexe 1: Partenariats Ethiquable à Madagascar.
E MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Annexe 2: Guide d’entretien de l’UCLS.
Date :
Nom et fonction de l’enquêté :
Qui sommes-nous : Binôme composé de deux stagiaires à savoir un stagiaire en fin de
cursus master 2 MOQUAS (Développement agricole et rural) à Montpellier Supagro et
une stagiaire malgache en fin de cursus ingénieur en sécurité alimentaire. Cette étude a pour but principal de mesurer l’impact du CE sur l’UCLS, ces membres et sur le territoire
du Sambirano. Pour cela nous vous poserons un certain nombre de questions.
1) Historique
Création :
Qui est à l’origine de la création de l’UCLS ? Quand a-t-elle été créée ?
Comment était gouverné l’UCLS ?
Avec quel statut juridique ?
Quels partenariats existaient- il (Etat, ONG, OP, IF, OI, centre de formation) ?
De quelles ressources/ moyens disposiez-vous (humains, financier, matériels) ? Evolution ?
Quel était les critères d’adhésion ? Ont-ils évolués ?
Quels ont été les besoins, problèmes identifiés à l’origine de la création de l’UCLS?
Quels étaient la vision, les objectifs et la mission de départ ?
Quel était le modèle agricole promu ? Quels ont été les premières activités et les premiers résultats de l’UCLS?
Quelles ont été les principales difficultés à la création de l’UCLS?
Trajectoire de l’UCLS :
Quelles ont été les principales phases d’évolution marquantes de l’OP (statut juridique,
gouvernance, activités menées, partenariats, visions/mission/objectifs, modèle agricole promu…) ?
Quels sont les motivations qui ont sous tendues ces phases ?
Quelles ont été les principales difficultés rencontrées lors de ces grandes phases ?
Quels ont été les résultats atteints à chaque phase ?
Qu’est ce qui a motivé l’UCLS à s’inscrire dans le CE ?
2) L’UCLS aujourd’hui dans le CE
Comment définiriez-vous une OP inscrit efficacement dans le CE ? Quels sont la vision, les objectifs et la mission actuelle de l’UCLS ? Beaucoup de
différences avec ceux de départs
Quel est le modèle agricole promu ? La vision, la mission et les objectifs actuels sont-ils partagée par l’ensemble des acteurs
au sein de l’UCLS ou bien y a-t-il des compréhensions différentes ?
Comment les agriculteurs, les organisations, l’état, et la population partagent-ils la vision
promue par la formation ? Quel est le profil des agriculteurs membres de l’UCLS ? Le statut juridique est-il toujours le même ?
3) Gouvernance, structuration, Acteurs
F MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Comment est organisé l’UCLS (organigramme, nombre d’OP membres, nombres de
producteurs) ? Evolution dans le temps ? Existe-t-il des coopératives fictives ? Evolution dans le temps ?
Comment est organisée la prise de décision au sein de l’UCLS ? Quelle est la constitution du CA (nombre d’administrateur), son rôle et comment sont
élus les membres ? Ces élus suivent- ils des formations après élection pour la
gouvernance ? Profil et niveau d’études. Quel est le degré de participation des membres dans la prise de décision (participation
aux réunions)? Sont-ils suffisamment représentés ? Quelles sont les activités qui nécessitent la présence impérative des membres ?
Comment est-ce que l’UCLS défend l’intérêt des membres et quel est le poids de l’union
au plan local voir national ? Quels résultats obtenus ? Il y a-t-il des usagers non membres de la coopérative ? Combien sont-ils ?
Qui travaille au siège de l’UCLS (le personnel (nombre), fonction, interne ou externe au centre, leurs formations) ? Processus de recrutement ? Profil et niveau d’études.
Qui fait quoi ? Quelle est la complémentarité entre eux ?
Existe-il un mécanisme de suivi évaluation du travail du personnel ?
Comment est organisé le système d’information de la base au sommet et vice versa ?
L’expérience de l’UCLS dans le CE a-t-elle permis d’influencer d’autres organisations ?
Nouvelles dynamiques ? Quelles sont les stratégies et les activités que l’UCLS met en place pour une gestion
durables des ressources naturelles ?
Selon vous qu’est-ce que le CE a changé dans l’organisation et le fonctionnement de
l’UCLS ?
4) Partenariats
Quels sont vos partenariats actuels ?
De quelle nature sont-ils (technique ou financier) ?
Quel rôle chaque partenaire joue auprès de l’UCLS?
Depuis quand existent- ils ?
Comment évaluez-vous les résultats obtenus grâce à ces partenariats ? Envisagez-vous de nouveaux partenariats ? Si oui, dans quel but ?
5) Ressources
Quelles sont vos ressources internes (financières, matérielles) ?
Quelles sont vos ressources externes ? Prêt ?
Quelles est la part des deux types de ressources dans le fonctionnement de l’union ? Comment ces ressources sont-elles gérées ?
6) Services et activités
Quels sont les services et les activités proposés par l’UCLS? (accès au financement,
fourniture d’intrants, formation, commercialisation*, collecte*, services sociaux etc…)
Pour chaque services/activités :
Dans quel but?
Qui y travaille ?
Comment fonctionne-t-ils ? Gouvernance ?
Quelles sont les difficultés rencontrées ?
Quels sont les résultats atteints ? Pour la commercialisation :
Quels sont les principaux marchés d’écoulements des produits ? Existe-t- il des marchés
spécifiques pour chaque produit ?
G MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Quel est le nombre d’acheteurs dans les différentes filières (CE et hors CE) ? Y a-t- il eu
une évolution ?
Quels sont les différents acteurs qui interviennent dans la commercialisation du cacao ?
Quel est leur rôle et quelles relations entretenez-vous avec ces derniers ?
Comment est garanti le prix minimum pour les producteurs pour le CE ? Comment ce prix minimum est-il décomposé ?
Quel est le prix du cacao et des autres produits sur le marché local et comment évolue-t-
il ? Lieux de vente ?
Comment est-ce que l’UCLS accède au fonds pour le préfinancement de la récolte ? quel
est la part des fonds propres de l’UCLS et des fonds externes mobilisés pour le préfinancement de la récolte ?
Quelle est la capacité de l’UCLS à pouvoir négocier sur les marchés notamment hors
CE ? Comment l’UCLS arrive à limité le risque sur les marchés hors CE où les prix
varient sans cesse (vente sur des marchés privilégiant la qualité ?) ?
Pour la collecte :
De quels matériels disposez-vous pour la collecte du cacao ? (Nombre de véhicules en
état de marche), propre ou location ?
Quel est l’état des pistes empruntées pour la collecte du cacao ? Propositions ?
Quelle est votre capacité de stockage pour le cacao ? Nombre de magasin de stockage ?
Evolution dans le temps ? Quelle est l’évolution de la quantité de matière première vendue à l’UCLS par les OP de
base sur ces dernières années ? Quelle est la proportion de cacao certifié CE vendus dans
le compte de la campagne 2015 ?
Comment est structuré le mécanisme de préfinancement nécessaire à la collecte ?
Existe-t-il un système de suivi-évaluation pour avoir du recul par rapport à l’efficacité de ces services et activités ?
Si oui, comment est-il développé ?
Si non, pourquoi n’existe-t-il pas (problèmes de moyens, d’intérêts…) ?
7) Certification
Quelles certifications ont vos membres ? Si plusieurs pourquoi ? Date de la première certification des membres ?
Qui finance le programme de certification ? Pourquoi ? Si financer par un exportateur,
existe-t-il un arrangement lors de l’achat de cacao ?
Avec quel exportateur travailler vous dans le cadre de la certification CE ?
Comment sont informés et formés les producteurs par rapport aux pratiques et aux standards liées à la certification ?
Comment est utilisée la prime de développement versé à la coopérative ? Comment les
décisions au niveau de la gestion de cette prime sont prises ? Après combien de temps
est versé la prime ?
Pour vous quelles est la différence entre une OP certifiée et une OP non certifiée ? 8) Recommandations, perspectives et projections dans le futur
H MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Annexe 3: Guide d’entretien des acteurs de la filière cacao.
Date :
Nom et fonction de l’enquêté :
Qui sommes-nous : Binôme composé de deux stagiaires à savoir, un stagiaire en fin de
cursus master 2 MOQUAS (Développement agricole et rural) à Montpellier Supagro et
une stagiaire malgache en fin de cursus ingénieur en sécurité alimentaire. Cette étude a pour but principal de mesurer l’impact du CE sur l’UCLS, ces membres et sur le territoire
du Sambirano. Pour cela nous vous poserons un certain nombre de questions.
1) Présentation de la structure
Nom, localisation, date de création. Activités pratiqué pour le cacao : production, transformation, commercialisation…
Que représente la part du cacao dans les activités exercées ?
2) Mode d’approvisionnement et accès au marché
Comment est-ce que vous vous approvisionnez ? Si auprès des producteurs, quels avantages pour ces derniers (prix, prime, etc…) ?
Base de données sur l’évolution de vos prix d’achats ?
Qui sont vos clients (local, export…) ?
Sous quelle forme est commercialisé votre cacao ?
Comment est fixé le prix de vos produits ? Comment faites-vous face au risque du marché (prix fluctuant) et quel est votre positionnement sur le marché par rapport aux
concurrents (qualité, etc…)? Prix FOB ?
3) Quelle est votre appréciation de l’organisation et du fonctionnement actuelle de la
filière cacao à Madagascar (atouts et contraintes, circuit de commercialisation du
cacao) ? Quelles améliorations pour une filière cacao pérenne ?
4) Que pouvez- vous dire sur les autres acteurs de la filière ? Quelle relation entretenez-
vous avec ces derniers ?
5) Quelles sont les difficultés que rencontre votre structure et quelles sont les perspectives
pour le futur ?
I MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Annexe 4: Guide d’entretien des producteurs
Qui sommes-nous :
Binôme composé de deux stagiaires à savoir, un stagiaire en fin de cursus master 2
MOQUAS (Développement agricole et rural) à Montpellier Supagro et une stagiaire
malgache en fin de cursus ingénieur en sécurité alimentaire. Cette étude vise à
comprendre les dynamiques de la filière cacao à Madagascar en général et dans la région
du Sambirano en particulier. Pour cela nous souhaiterions mieux connaitre votre exploitation, vos modes de commercialisation, vos préoccupations et vos projets
1) Moyens de production (foncier)
o Foncier :
Pouvez-vous me présenter votre exploitation ? Que produisez-vous ? Quelle surface exploitez-vous aujourd’hui ? En combien de parcelles (superficie de
chaque parcelle) ? En propriété, en location, en métayage, autre ? Quand et comment avez-vous acquis chacune de ces surfaces ?
Parcelle superficie Tenure
foncière (propriété /
location)
Date
d’acquisition / de début
de location
Cultures Changements
de cultures sur cette
parcelle ?
1 :
2 :
3 :
4 :
Comptez-vous développer / réduire certaines cultures ? lesquelles ?
o Pour l’exploitation
Avez-vous recours à une main d’œuvre en plus de vous ? Si oui quel type
(interne/externe) ?
A quelle période est-elle sollicitée ?
Combien cela vous coûte-t-il (si MO employé) ?
Avez-vous toujours fonctionné comme ça ? Si non, quand avez-vous commencé / arrêté d’embaucher de la main d’œuvre ?
Main d'œuvre dans la région :
De quelle origine est la main d'œuvre de la région ?
Résident-ils dans la localité toute l'année ? Sont-ils des propriétaires terriens ?
Entretien et approvisionnements en intrants
Quelles sont vos techniques d’entretien et de fertilisation ? Y a-t- il eu des évolutions dans
ces techniques (achat de fumier, d’autres intrants…) ? Quand et pourquoi ? Utilisez-vous des intrants ? Si oui, mode d’accès, quantité et prix.
Pratiquez-vous l’agriculture sur brulis ?
Pratiques antiérosives ?
J MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Commercialisation du cacao :
Sous quelle forme est- elle vendue (cacao frais, standard, supérieur). Quantité de chaque
type et évolution dans le temps ?
A qui vendez-vous (UCLS, collecteurs, autres…) ? Quels sont vos lieux de vente ?
o Pourquoi ? Pour les autres acheteurs que l’UCLS : Est-ce toujours la même
personne ? Pourquoi ? A quel moment se fait la vente (avant la récolte (sur
pied) / après) ? Percevez-vous de l’argent avant la récolte ?
o Quel est le prix de vente unitaire moyen pour chaque acheteur ? Prix actuel et
évolution dans le temps. o Quelle quantité est vendue (%) à chaque acheteur ? Evolution.
Estimez les recettes monétaires obtenues ? Evolution dans le temps.
Quel est le temps consacré à la commercialisation
Comment s’effectue le transport pour la commercialisation ? En fonction de chaque
acheteur. Commercialisation des autres cultures
A qui rendez-vous vos produits agricoles ?
o Est-ce toujours la même personne ? Pourquoi ? A quel moment se fait la vente
(avant la récolte (sur pied) / après) ? Percevez-vous de l’argent avant la récolte ?
Quel est le lieu de vente (marché) ? Evolution vente / part autoconsommée
Pour le riz
De quelle origine est le riz acheté dans la région ? Qui le produit ?
2) Système d’élevage
o Caractéristiques du système d’élevage
Quelles espèces d’animaux élevez-vous ? o Conduite du troupeau
Taille du cheptel (nombre de mâles, femelles) o Taille il y a 2 ans ? 4 ans ? 6 ans ? 8 ans ? (nombre de mâles, femelles)
o Produits obtenus et résultats
Quelle évolution des prélèvements sur le cheptel (à considérer sur les 8 dernières années) : type de produits, quantité ?
Part autoconsommation (%) : en hausse / baisse ces dernières années ?
Commercialisation : Quels produits vendez-vous ? Quel est le prix de vente ?
A qui ? Est-ce toujours à la même personne ? Pourquoi ? A quel moment se fait la vente ?
Quel est le lieu de vente (marché) ?
3) Moyens de productions (bâtiment/ matériel) et lieu d’habitation
Quels sont vos bâtiments d’élevage et d’habitation (Type de maison) : Pouvez-vous nous lister le matériel que vous utilisez ? Combien, quoi, où ? A quel prix ?
Quelles sont leurs durées de vie (moyenne) (taux d’amortissement) ? Quel est le statut de l’équipement (propriété, location, collectif, prêt) ? Disposez-vous d’un moyen de transport ? Si oui, lequel(s) ?
Quand les avez-vous achetés ? Quels changements ?
4) Autres activités
K MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Existe-t- il d'autres activités que vous exercez qui vous permettent de gagner de l'argent
en dehors de l'agriculture ? Combien cela-vous rapporte-t- il par an ? Et à quelle période
de l’année ?
Quels sont les autres activités pratiquées par les autres membres de la famille qui
permettent de générer des revenus ? Combien ?
5) Moyens financiers :
Actuellement avez-vous des emprunts (si oui, pourquoi ?) ? En aviez-vous avant ? (quand ?)
Combien ? Auprès de qui ? (Banque, microfinance, commerçant, parents, …), (taux
d’intérêt, durée du remboursement)
Quelles sont vos stratégies pour faire face aux aléas et aux besoins financiers
(résilience) : assurance, épargne… ? Faites-vous de l’épargne ? depuis quand et évolution ?
Recevez-vous des dons monétaires externes ? Combien ?
Avez-vous des impôts/taxes à payer ? Si oui, quel est le montant (par an) ?
Avez-vous des primes ? Si oui, de qui ? Quels montants ?
Comment se fait la répartition de vos recettes monétaires par rapport à vos dépenses ? Dans quoi dépensez-vous votre argent ? Evolution dans le temps.
6) Evolution du patrimoine du ménage
Dans quoi avez-vous investis ces dernières années pour améliorer vos conditions de vie
(habitation, moyen de transport, équipement, etc….) ?
7) Investissements et projets, problèmes et préoccupations
Quels sont les investissements agricoles que vous avez réalisé au cours de ces dernières
années ?
Quels sont les investissements agricoles que vous souhaitez réaliser durant les prochaines années ?
Autres projets ?
Stratégie pour réaliser ces projets ?
Problèmes et préoccupations
8) Relations avec la coopérative et réseau social et professionnel
A quelles structures (OP, syndicats, ONG, coopératives, groupement agricoles…) avez-
vous appartenues et appartenez-vous actuellement ? Pour quelle raison ? o Si membre d’une coopérative :
Depuis quand êtes-vous membre de la coopérative ? Pourquoi l’êtes-vous
devenu ?
Quels sont les services rendus par la coopérative ? Etes-vous satisfait de ces
services ? Pourquoi ? Savez-vous si une prime de développement, due au commerce équitable, est gérée
par votre coopérative ? Comment les décisions concernant la gestion de cette
prime sont-elles prises au sein de la coopérative ? Que pensez-vous de l’utilisation
de cette prime ?
Quels sont les problèmes rencontrés au sein de la coopérative et comment sont- ils résolus ?
Quelques recommandations en vue d’améliorer l’organisation et le
fonctionnement de votre coopérative.
L MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Quelles différences voyez-vous entre une coopérative certifié CE et des
coopératives de producteurs de votre connaissance qui ne sont pas certifiés ?
Relations avec les producteurs hors coopérative CE ?
9) Appréciation du commerce équitable (commerce équitable = vente du cacao sec
supérieur à l’UCLS)
Savez-vous si votre coopérative vend le cacao en commerce équitable ? Depuis quand ?
En quoi le commerce équitable consiste-t-il ?
Quelles conséquences pour vous des ventes en commerce équitable ?
o changements au niveau : - De vos revenus ?
- Du bien-être de la famille ?
- Du foncier ? (nouvelles acquisitions / locations ? réduction de la
surface cultivée ?)
- De l’achat des plants / semences ? - Des modes de fertilisation ? de l’utilisation d’intrants ?
- De vos techniques culturales ? post-récolte ?
- Des modes de commercialisation ?
- Des achats de matériel ?
Pouvez-vous nous raconter une situation vécue qui illustre les avantages ou les bénéfices liés au CE ?
10) L'agriculture dans la région
Y a-t-il beaucoup d'exode rural dans la région ? Dans quels secteurs travaillent les jeunes ?
Après les études que font ces derniers (travailler en ville, etc…) ?
11) Caractéristiques socio-démographiques
Nom ou code :
Sexe :
Âge :
Niveau d’études : Aucun, Primaire, Secondaire, Supérieur
Région d’origine : ………………….
Dans le village depuis : ………………………….
M MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Annexe 5: Liste des variables et indicateurs.
1 Aire de changement 1 : Changements au niveau de la différenciation sociale
1.1 Catégories d’exploitants agricoles (Typologie des systèmes de productions) 1.1.1 Caractéristiques des catégories d’exploitants agricoles concernés par le CE et
comparaison avec situation hors CE (en ce qui concerne l’accès à la terre, la force de travail et les moyens de production) [pour chaque type identifié dans la typologie]
2 Aire de changement 2 : Changements au niveau des ménages agricoles membres
2.1 Revenus agricoles et conditions de vie 2.1.1 Revenu agricole familial selon catégories d’exploitants agricoles [types de la typologie]
et comparaison avec situation hors CE 2.1.1.1 % que représente la vente à la coopérative / au produit brut total de la famille (=part des
revenus généré par le CE) et évolution dans le temps 2.1.2 Degré de satisfaction des besoins de base dans CE et évolution dans le temps (comparaison du revenu familial au « seuil de reproduction » en fonction prix et % familles
concernées) et comparaison avec situation hors CE 2.1.3 Niveaux d’accès aux services sociaux (soins, mutuelle…) et comparaison avec situation
hors CE 2.1.4 Niveau d’amélioration des conditions de travail et comparaison avec situation hors CE 2.2 Investissement et diversification agricole
2.2.1 Avantages commerciaux assurés par l’organisation (réception du juste poids, sur l’engagement d’achat, prix sur long terme…) en comparaison avec opportunités hors CE. (Prix
au producteur de la coopérative (ristourne incluse) / prix au producteur sur le marché local) 2.2.2 Rendement du cacao certifié (kg/ha) et évolution dans le temps et comparaison avec situation hors CE
2.2.3 Productivité du travail pour le cacao certifié (jour de travail / Ha et estimation PB / jour de travail) évolution dans le temps et comparaison en situation hors CE.
2.2.4 Part d’utilisation des revenus supplémentaires pour investissements agricoles et non agricoles 2.3 Trésorerie
2.3.1 % de ventes anticipées de produits agricoles et d’élevage (incluant cacao CE) en dessous de sa valeur sur le marché local par nécessité de trésorerie, évolution dans le temps et
comparaison avec situation hors CE 2.4 Maintien de l’agriculture paysanne 2.4.1 Montant du revenu journalier pour la culture du cacao CE et comparaison avec les autres
opportunités d’emploi dans la zone et à la ville 2.4.2 Degré d’attraction de nouvelles générations pour l’activité agricole en situation CE et
hors CE 2.5 Sécurité alimentaire 2.5.1 % des produits autoconsommés produits sur les exploitations et évolution dans le temps
2.5.2 % et type des produits alimentaires achetés à l'extérieur de l'exploitation et évolution dans le temps
2.5.3 Evaluation qualitative du niveau de dépendance vis-à-vis de l’exportation pour les producteurs du CE, évolution dans le temps et comparaison avec situation hors CE 2.5.4 Niveau de revenu agricole journalier pour la production certifiée et comparaison avec le
revenu estimé des productions agricoles vivrières 3 Aire de changements 3 : changements au niveau de la structuration de l’OP
3.1 Structuration du monde rural 3.1.1 Niveau d’amélioration de l’estime de soi grâce au processus d’exportation dans le CE 3.1.2 Nombre de familles impliquées dans les organisations de producteurs du CE et évolution
dans le temps, %age des cacaoculteurs locaux que cela représente
N MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
3.1.4 Nombre d’organisation de base membres de la faîtière et évolution dans le temps,
évaluation de la qualité de l’implication et évolution dans le temps 3.1.5 %age de la récolte totale vendue à l‘organisation
3.1.6 Existence de nouvelles dynamiques organisationnelles à partir de l’expérience de l’organisation du CE 3.2 Légitimité de l’organisation :
3.2.1 Perception de l’organisation par ses membres et évolution dans le temps 3.2.2 Perception de l’organisation par les acteurs locaux publics et privés et évolution dans le
temps 3.2.3 Niveau de capitalisation de l’organisation et évolution dans le temps 3.3 Capacités d’administration et de gestion de l’organisation
3.3.1 Niveau de rotation des élus 3.3.2 Existence de mécanisme de formation de nouveaux élus
3.3.3 Niveau d’implications des producteurs et de leurs élus dans la gestion de l’activité commerciale 3.3.4 Dans organisation faîtière : existence de capacités des élus pour la prise de décision et
degré d’autonomie face aux compétences techniques du personnel recruté ou d’appui, et évolution dans le temps.
3.3.5 Existence de capacités à générer des règlements (paiement en fonction de la qualité, etc.) et les faire respecter (mécanismes de contrôle social, système de contrôle interne…) en situation hors CE et CE.
3.3.6 Existence de capacités de gestion des coûts du service commercial et comparaison avec secteur privé environnant (gestion des frais fixes, recrutement du personnel spécialisé).
3.3.7 Degré d’autonomie financière de l'organisation par son activité, et évolution au regard du % couvert par d’éventuels appuis externes (Etat, ONG…) 3.3.8 Chiffre d’affaires de la coopérative, taux d’endettement et valeur de ses actifs, et
évolution dans le temps 3.3.9 Prime de développement
3.3.9.1 Montant global de la prime CE (et montant de la prime Ethiquable) et évolution dans le temps 3.3.9.2 Utilisation de cette prime et évolution dans le temps de cette utilisation
3.4 Capacités commerciales 3.4.1 Ventes
3.4.1.1 Nombre d’acheteurs en CE et autres filières, volumes vendus aux principaux clients (avec leurs noms) et évolution dans le temps 3.4.1.2 Part des achats Ethiquable / ventes totales de la coopérative et évolution dans le temps
3.4.1.3 % des ventes de la coopérative en CE / ventes totales de la coopérative et évolution dans le temps
3.4.1.4 % des ventes de la coopérative en CE+bio / ventes totales de la coopérative et évolution dans le temps 3.4.1.5 % d’invendu (stock) à la fin de la campagne et évolution dans le temps
3.4.2 Rémunération des producteurs 3.4.2.1 Capacité à garantir un prix minimum avant la récolte aux membres de l’organisation et
évolution dans le temps 3.4.2.2 Capacité de préfinancement de la récolte aux producteurs et évolution dans le temps 3.4.2.3 Prix payé aux producteurs pour le cacao CE, comparaison avec situation hors CE et
évolution dans le temps 3.4.2.4 % que représente le prix payé aux producteurs / prix FOB
3.4.2.5 Prix FOB payé à la coopérative par Ethiquable / prix FOB conventionnel du pays 3.4.6 Gestion des flux
O MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
3.4.6.1 Quantité collectée par la coopérative et évolution dans le temps
3.4.6.2 Pour chaque type de la typologie des producteurs : Quantités moyennes apportées par chaque famille à la coopérative, en kg et en %age de la production de la famille, et évolution
dans le temps 3.5 Capacité de négociation 3.5.1 Existence et caractéristiques des appuis des autorités publiques et autres (ONG…)
3.6 Mise en place de services 3.6.1 Capacité d’autofinancement pour développer de nouveaux services pour les producteurs
(prime de développement inclus 3.6.2 Existence de nouveaux services financés par d’autres acteurs 3.6.3 Existence d’accès au crédit
3.6.4 Projets de diversification, appui à des projets de diversification 4 Aire de changement 4 : Changements au niveau du développement local et national
4.1 Création d’emploi et initiatives économiques 4.1.1 Montant du revenu journalier d’un travailleur CE et comparaison avec situations hors CE 4.1.2 Nombre d'emploi (incluant travail agricole) et de revenus générés indirectement par le CE
(services…). 4.1.3 Influence du CE sur le prix hors CE, à une échelle locale et nationale
4.2 Appui au développement du territoire 4.2.2 Prise en considération des autorités locales de l’agriculture comme mode de développement économique et évolution dans le temps
4.2.3 Existence d’appuis du secteur privé et public pour l’organisation en comparaison avec organisations hors CE
4.3 Incidence politique 4.3.1 Existence d'organisations professionnelles ou syndicales faitières regroupant les OP du CE et OP hors CE.
4.3.2 Mode et degré de représentation de ces organisations dans les instances politiques sectorielles nationales, voire internationales.
4.3.3 Existence de propositions de politique sectorielle de la part des organisations 4.3.4 Degré de prise en compte des propositions de ces organisations lors de la définition d’une politique nationale sectorielle.
5 Aire de changement 5 : Changements au niveau de la gestion des ressources
naturelles
5.1 Gestion des sols 5.1.1 Durabilité des pratiques agricoles en ce qui concerne la gestion de la fertilité des sols en situation CE
5.1.2 % de familles appliquant des pratiques de gestion durable de la fertilité en CE et comparaison en situation hors CE.
5.1.3 % de familles appliquant les pratiques antiérosives en CE et comparaison avec situation hors CE 5.2 Gestion de l’usage des engrais et des pesticides
5.2.2 % de producteurs du CE sensibilisés à l’utilisation raisonnée des engrais et des pesticides et comparaison avec situation hors CE
5.3 Gestion des ressources du territoire 5.3.2 Mise en œuvre par l’organisation de stratégies et d’activités pour une gestion durable des ressources naturelles
5.3.3 Diminution de l’extension des fronts pionniers et/ou existence de règles d’usage durable des espaces cultivés et pastoraux
5.4 Qualité des produits 5.4.1 Existence de nouveaux marchés orientés vers la qualité, captés par l’organisation du CE
P MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
5.4.2 Existence de mise en place de politiques de reconnaissances de la qualité par le prix payé
au producteur dans l’organisation et comparaison avec situation hors CE 5.4.3 Niveau d’investissement pour la phase post récolte et transformations, formation aux
producteurs. Annexe 6: Estimation des rendements de cacao.
Pour obtenir un bon rendement à l’hectare, dans une plantation de cacao, le maintien d’une densité optimale d’arbres à l’hectare est important. Dans le paysannat, il est très difficile de
connaître le rendement à l’hectare d’une plantation de cacao. Les paysans ne se souviennent que
approximativement du poids du cacao vendu chaque semaine, ce qui rend difficile l’évaluation
du rendement. Lors des enquêtes pour essayer de déterminer les rendements de la culture du
cacao, on a pu constater qu’il existe une grande hétérogénéité entre les chiffres avancés par les différentes personnes interrogées. En recoupant les informations recueillies auprès des
producteurs, des animateurs de l’UCLS avec ceux des plantations industrielles et du CIRAD, une
estimation du rendement a pu être construite. La densité du nombre de pieds à l’hectare varie
entre environ 625 pieds et 1000 pieds, pour un rendement compris entre 300 kg et 800 kg de
fèves sèches à l’hectare. Il est important de rappeler que cette grande variabilité des rendements est tributaire des aspects agronomiques qui peuvent changer d’un milieu à un autre et d’un
producteur à un autre. Dans les plantations industrielles le rendement à l’hectare est faible et est
inférieur au 500 kg/ha alors que dans le paysannat, le rendement moyen à l’hectare tourne autour
de ce chiffre. Cela s’explique par le fait que les paysans ont une densité à l’hectare plus
importante que dans les plantations industrielles et qu’ils pratiquent bien l’agroforesterie. Malgré tout, il faut rappeler qu’une redensification des vergers est importante car on observe de gros
espace vide dans les parcelles.
Q MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Annexe 7: Quelques acteurs de la filière enquêtés.
Type
d'acteur
Observations
Millot Plantation Possède environ 1300 ha dont plus de 50% occupé en cacao. Exporte 700-800 tonnes de cacao
sec supérieur (intégralité de la production) vendu à Valrhona. Collecte les fèves fraîches auprès
de 150 p lanteurs réunis dans des coopératives de base de l'UCLS. Propose une prime de
160Ar/kg de cacao frais. Achat de cacao sec supérieur préparé par des collecteurs -préparateurs
maitrisant le procédé. Autres activités: exportation d'huiles essentielles et d'épices.
Théodule Exportateur Ancien collecteur chez Millot. Possède 200 ha de plantation de cacao. Achat de cacao standard
auprès des collecteurs. Collecte de fèves fraîches auprès des producteurs pour transformation
en cacao supérieur. Instauration d'une prime productrice estimée à 40 Ar/kg et réflexion sur la
mise en place de projets sociocommunautaire. Exporte environ 200 tonnes de supérieur et 800
tonnes de standard pour une clientèle basée en Europe et aux USA. Autres activités:
exportation de café et vanille.
René Julien Exportateur Possède environ 100 ha labellisé BIO dont la production est transformée en sec supérieur.
Fournisseur exclusif de la chocolaterie Robert. Achat de cacao standard auprès des collecteurs
et collecte de fèves fraîches auprès des producteurs pour transformation en supérieur. Vend au
total 500-700 tonnes de cacao sec par an. Exportation très faible, moins de 100 tonnes mais en
fera son activité principale à partir de 2017. Prix FOB: Plus de 4000€/tonne pour le supérieur
et 2000€/tonne pour le standard. Clients local et internationaux (Europe, Japon). Autres
activités: huiles essentielles, vanille, poivre, etc...
SCIM Exportateur Société importante de négoce de divers produits dont le cacao, Siège basé à Diego Suarez.
Exporte plus de 1000 tonnes de cacao sec standard pour une clientèle non identifié. Achète
uniquement du cacao standard auprès des collecteurs pour export. Autres activités: exportation
de poivre, café, noix de cajou, etc...
RAMAEX Exportateur Filiale du groupe RAMANANDRAIBE (Propriétaire de la chocolaterie Robert).
Approvisionnement auprès d’un réseau de collecteurs mis en p lace et appuyer avec du matériel
(bacs, aires de séchages). Achat de fèves fraîches, petite quantité auprès des producteurs pour
préparation en supérieur. Prix FOB sec supérieur : 3.7€ à 3.8€/kg
Prix FOB sec standard : 2.7€ à 2.8€/kg. Clientèle : Clients : locale (fournisseur de la
Chocolaterie Robert), Européenne, Japon, USA
AKESSON
Organics
Plantation Exporte environ 300-500 tonnes de cacao supérieur/an. Achat de fève fraîche auprès des
producteurs pour préparation supérieur. Prix FOB sec supérieur : 4€ à 5€/kg
Clientèle : Européenne, Japon, USA, Chocolatiers faisant du Bean to bar
Chocolaterie
Robert
Chocolatier Approvisionnement auprès des filiales et collecteurs attitrés à Ambanja. Implantation récente
d’environ 100.000 p lants (agriculture contractuelle avec des producteurs) à Brickav ille (Zone
test) dont le cacao récolté est de bonne qualité. Clientèle : local et étranger (Europe, USA).
CINAGRA Chocolatier Activités : fabricat ion de tablettes et sous traitance (masse de cacao, chocolat de couverture)
pour d’autres entreprise comme Madecasse (USA). Approvisionnement auprès de coop ératives
et collecteurs à Ambanja. Clientèle : (USA, Asie, Europe)
R MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Annexe 8: Calcul du seuil de survie
Seuil de survie : alimentation, habillement, santé Dépense moyenne pour une famille de 6 pers
riz + accompagnement 1131500
Habillement 60000
Santé 30000
Fournitures scolaires 100000
Scolarisation enfants 180000
Loyer pour enfants scolarisés en ville 200000
Transport 80000
Transport (enfants scolarisés en ville) 50000
Seuil de survie 1831500
Annexe 9: De l’autre côté le village de Migioko, difficile d’accès en saison pluvieuse (crédit : Paulin P. MATCHON, village
de Migioko 2016).
Annexe 10: Zébus élevés au piquet (crédit : Paulin P. MATCHON, village de Migioko 2016).
S MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Annexe 11: Puits construit grâce à la prime ESR dans le village de Migioko (crédit : Paulin P. MATCHON, village de
Migioko 2016).
Annexe 12: Visite de la parcelle d’un producteur de l’UCLS (crédit : Paulin P. MATCHON, village d’Ambalavelona 2016).
T MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Annexe 13: Travail à la chaine chez un exportateur (crédit : Paulin P. MATCHON, Ambanja 2016).
Annexe 14: Aire de séchage en escalier chez un exportateur (crédit : Paulin P. MATCHON, Ambanja 2016).
U MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Annexe 15: Bacs de fermentation en escalier chez un exportateur (crédit : Paulin P. MATCHON, Ambanja 2016).
Annexe 16: Décabossage de cabosses cacao.
V MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
Annexe 17: Fermentation chez un producteur de l’UCLS (crédit : Paulin P. MATCHON, village de Bemaniviky 2016).
Annexe 18: Tablettes de chocolat produites par la chocolaterie Robert (crédit : Paulin P. MATCHON, Antananarivo,
Chocolaterie Robert 2016).
MATCHON, Paulin P. /Diplôme MASTER 3A-MOQUAS/2016/ SupAgro-IRC
RESUME Le commerce équitable, semble être une alternative très intéressante pour les petits producteurs
des pays du Sud. En leur garantissant un prix minimum en plus de la prime de développement, il
leur permet d’accéder aux marchés internationaux et d’avoir des prix plus rémunérateurs. De
nombreux producteurs profitent aujourd’hui de ce marché afin d’améliorer leur revenu et leurs
conditions de vie. Ils sont pour la plupart insérés dans des filières où ils sont désavantagés,
comme c’est le cas dans la filière cacao. La prise de conscience progressive des consommateurs,
de plus en plus nombreux à consommer les produits issus du commerce équitable, favorise la
croissance du marché.
A Madagascar, pays producteur de cacao fin (cacao réputé), la filière est contrôlée par une
poignée d’acteurs (exportateurs et collecteurs) qui imposent leurs règles aux producteurs.
Ethiquable entreprise française et acteur important du commerce équitable en France a noué
depuis 2010 un partenariat avec une organisation de producteurs de cacao, l’UCLS. Grâce à ce
partenariat, les producteurs et leurs organisations commercialisent leur cacao labélisé Bio aux
conditions du commerce équitable. La présente étude a été commanditée par Ethiquable afin
d’évaluer le partenariat en cours dans le but d’en détecter les forces et les faiblesses et aussi de
produire de l’information qui pourra être diffusée dans les réseaux du commerce équitable. Pour
ce faire, une étude de la filière a été réalisé, à travers des enquêtes auprès des producteurs de
cacao membres et non membres de l’organisation, des collecteurs, des plantations industrielles,
des exportateurs et d’autres acteurs intervenant d’une manière ou d’une autre dans la filière.
De l’étude, il ressort que les producteurs du commerce équitable ont pu améliorer leurs revenus
grâce au différentiel de prix avec le marché conventionnel. Avec le commerce équitable, les
producteurs ont pu améliorer leurs conditions de vie et leur capacité d’investissement. Cependant
tous les producteurs adhérents au commerce équitable n’en profitent pas réellement. Il s’agit là
surtout des plus petits producteurs qui vivent avec moins de 1 ha de superficie de cacao et ont
des revenus ne dépassant pas le seuil de survie. Ceci est dû à de nombreux dysfonctionnements
au sein de l’UCLS à savoir : le manque de services adaptés aux besoins des producteurs, la faible
capacité d’action collective au sein des organisations de base, un retard du préfinancement de la
collecte, et une faible autonomie financière de l’organisation de producteurs. Malgré sa fébrilité,
l’organisation de producteurs influence tout de même la filière et le développement économique
et local du territoire. Le commerce équitable a permis d’amorcer une nouvelle dynamique dans la
région du Sambirano à travers une organisation créée pour les producteurs et par les producteurs
afin de défendre leurs intérêts. Pour faire profiter l’ensemble de ces membres, l’organisation
devra s’atteler à la résolution des problèmes qui freinent son développement.
Mots clés :
Action collective ; Commerce équitable; Ethiquable ; Filière cacao ; Impact; Organisation de
producteurs ; Prix minimum ; Prime de développement ; Préfinancement ; Sambirano.
Pour citer cet ouvrage : MATCHON, PAULIN P., (2016). Etude d’impact du commerce équitable : cas de l’Union des Coopératives Lanzan’ny Sambirano dans le nord-ouest de Madagascar.
Mémoire de fin d’études, Master 3A, SAT, MOQUAS, Montpellier SupAgro. 130 p.
Montpellier SupAgro, Centre international d'études supérieures en sciences agronomiques de
Montpellier, 2 place Pierre Viala, 34060 Montpellier cedex 02. http://www.supagro.fr