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COMPRENDRE enquête > Hospitalisations en France En 2016, dans 3 331 établissements de santé, il y a eu 12,6 millions de patients hospitalisés, dont 7,2 dans le public, avec par exemple 12,2 millions de patients en médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie (MCO), 110 000 en hospitalisation à domicile (HAD), 1 million en soins de suite et de réadaptation (SSR), dont 823 000 en temps complet, et 417 000 en psychiatrie. Source : Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (www.atih.sante.fr) PHY543-0016_0022-ENQUETE OKV.qxp_Mise en page 1 17/05/2018 16:13 Page16

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> Hospitalisations

en France

En 2016, dans 3 331 établissements desanté, il y a eu 12,6 millions de patientshospitalisés, dont 7,2 dans le public, avecpar exemple 12,2 millions de patients en médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie (MCO), 110 000 en hospitalisation à domicile (HAD),1 million en soins de suite et deréadaptation (SSR), dont 823 000 entemps complet, et 417000 en psychiatrie. Source : Agence technique de l’informationsur l’hospitalisation (www.atih.sante.fr)

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Dossier : Florence Léandro • Photos : Jacoblund, Bojan89/iStock.

Dès l’entrée en établissement de soins,

et jusqu’à la sortie, sécuriser la prise

en charge d’un patient nécessite le partage

et l’analyse d’informations entre la ville et l’hôpital,

notamment sur les médicaments pris effectivement.

Cette démarche dite de conciliation médicamenteuse

implique et valorise les préparateurs.

« Bonjour, ici l’hôpital X. Je vousinforme que le patient M.Y est hospi-talisé depuis hier. Nous cherchons àsavoir quels médicaments il prenaità son domicile avant d’être admischez nous…» Certains préparateursou pharmaciens sont déjà familiersde ce type de demande, soit parcequ’ils travaillent en établissement desoins et sont à l’origine de l’appel,soit parce qu’ils exercent dans l’of-ficine de la personne récemmenthospitalisée. Derrière ce coup de fil,toute une procédure se met en placeautour du patient. Son nom ? La

conciliation médicamenteuse. Sonobjectif ? Prévenir ou corriger leserreurs médicamenteuses (voirencadré p. 18).

Rien ne se perd, tout se transformeIdéalement, la conciliation permetde savoir ce que prend le patientquand il entre dans un service desoins, ce qu’il prendra pendant et cequ’un médecin hospitalier lui pres-crira à la sortie. Le collège de la HauteAutorité de santé (HAS) définit laconciliation des traitements médica-

menteux(1) comme « un processusformalisé qui prend en compte, lorsd’une nouvelle prescription, tous lesmédicaments pris et à prendre par lepatient. » Elle vise à prévenir ou cor-riger « les erreurs médicamenteusesen favorisant la transmission d’infor-mations complètes et exactes sur lesmédicaments du patient, entre profes-sionnels de santé aux points de tran-sition que sont l’admission, la sortieet les transferts ». Enfin, elle « associele patient et repose sur le partage d’in-formations et sur une coordinationpluridisciplinaire ».

Conciliationmédicamenteuse,une place à prendre

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Concrètement, « la conciliation d’en-trée, c’est chercher à savoir par tousles moyens possibles ce qui est effec-tivement pris par le patient. C’est lebilan définitif de ce qui est fait à lamaison, pour que la prescription hos-pitalière suive et ne comporte pas d’er-reurs », explique Sandra Hauss, pré-paratrice en pharmacie hospitalièreà la clinique Sainte Anne de Stras-bourg (67). Et à la sor tie ? « Onreprend notre travail réalisé à l’admis-sion et on le compare à la prescriptionde sortie. Il est fréquent de voir deschangements dans le traitement. Il fautalors vérifier que ce sont de véritableschangements et non des erreurs »,poursuit cette préparatrice qui parti-cipe activement à la démarche deconciliation depuis fin 2014.

Des étapes à respecterLa notion de « processus formalisé »implique une succession d’étapes,deux, trois ou quatre selon les sourceset les supports. La Haute Autorité desanté en décrit quatre dans un guidede décembre 2016(1) (voir encadrép.19). La conciliation se fait aussiselon deux modes. En proactif quandle bilan médicamenteux précèdetoute prescription hospitalière, dèsque le patient est hospitalisé. « C’estle mode que nous utilisons la plupartdu temps, rapporte Sandra Hauss.Unepréparatrice formée à la conciliationest présente dans le service de gériatriechaque après-midi, ce qui nous permetde concilier rapidement les nouveauxentrants. » Elle se fait également enrétroactif lorsque l’ordonnance hos-pitalière a déjà été rédigée. « Dans lapratique, nous faisons quasiment tou-jours du rétroactif, analysent Fabienne

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Leguay et Anne Leblanc, pharma-ciennes de l’Établissement public desanté mentale de l’Aube (EPSMA), àBrienne-le-Château (10). Nousaccueillons des patients psychiatriquespour des cas de décompensation oude tentative de suicide, rien de trèsprogrammé ! Ils peuvent arriver à toutmoment, et notamment en fin dejournée ou le week-end quand per-sonne n’est là pour les concilier. »

Jeu de piste Le recueil de données est une pre-mière étape clé pour établir un bilanmédicamenteux de bonne qualité.«Nous faisons souvent un travail dignede Sherlock Holmes ! », analyse avec

humour Sandra Hauss. Au moins troissources différentes doivent être inter-rogées.(2) Parmi elles, le patient, l’en-tourage, l’officine, le médecin traitant,l’infirmière, le dossier du patient s’ils’agit d’une nouvelle hospitalisationdans le même établissement, le dossierpharmaceutique (DP) si la personneen possède un… L’équipe de l’EPSMArecourt au DP dès que possible, « pouravoir une vision globale de ce qui aété délivré les quatre derniers mois. Ilpeut y avoir des antibiotiques pris surune courte période et qui n’apparais-sent pas sur les ordonnances habi-tuelles. » Sandra Hauss est moinsenthousiaste. Elle trouve « le DP pasassez précis. On n’a pas forcément l’en-semble des boîtes délivrées sur les der-niers mois, ni les modalités de prise ».Fabien, préparateur officinal à Mar-seille (13), le reconnaît : « On n’a pasle réflexe de mettre les médicamentssans ordo sur le DP ». De son côté,Sébastien Doerper, pharmacien hos-pitalier à Lunéville (54), multiplie lessources : « Notre équipe en utilise enmoyenne cinq par conciliation. Cha-cune présente ses avantages et sesinconvénients ». Viser l’exhaustiviténécessite de ratisser la moindre infor-mation car il va falloir aussi lescroiser… et vérifier que le médica-ment prescrit est réellement pris !

De g. à d. : Anne, Sonia, Solenne, Céline, Irène, Nathalie, Anne, Fabienne, Elsa et Laëtitia. Pharmaciennes, préparatrices hospitalières, agent des serviceshospitaliers et adjointe administrative, elles forment une équipe soudée pour uneconciliation optimale au sein de l’Établissement public de santé mentale de l’Aube.

> Des erreurs évitables

Deux études nationales sur les événements indésirables graves liés aux soins(Eneis), menées en 2004 et 2009, mesurent la fréquence des événementsindésirables graves (EIG) se produisant au cours d’une hospitalisation, estiment la proportion de séjours hospitaliers causés par un EIG et évaluent la partd’évitabilité de ces EIG. Eneis 2009 a identifié 374 EIG, dont 214 survenus lors de l’hospitalisation et 160 à l’origine d’une hospitalisation. Les médicamentsétaient responsables de 42 % des EIG ayant entraîné une hospitalisation, 58 % étant des EIG médicamenteux évitables. En cours d’hospitalisation, 26% des EIGétaient liés aux médicaments, dont 43 % jugés évitables.

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Face à face avec le patientL’entretien avec le patient est parti-culièrement contributif, « y comprisen psychiatrie, malgré ce que l’onpourrait penser », explique l’équipede l’EPSMA. Méthodique, il se faitsouvent à l’aide d’une grille de ques-tions pour ne rien oublier. Les aller-gies « sont explorées mais nousdevons demander des précisions surles symptômes car les patients confon-dent très souvent allergies et intolé-rances », argumente Sandra Hauss. Médicaments sur et hors ordonnance,le patient est questionné sur ce qu’ilprend quand il a mal quelque part,s’il utilise des tisanes, mais aussi sursa gestion du traitement. Utilisationd’un pilulier ou moyen mnémotech-nique, l’observance est analysée carqui dit médicament prescrit ne ditpas forcément médicament réelle-ment pris. « Nous interrogeons systé-matiquement sur les médicamentslocaux, notamment les collyres, car lespatients n’y pensent pas forcément »,ajoute l’équipe de l’EPSMA. « Nousposons des questions sur l’alimenta-tion et sur la façon dont sont pris lesmédicaments à la maison. Celapermet par exemple de repérer desinteractions avec le jus de pample-mousse », complète Sandra Hauss. Dans la mesure du possible, l’entre-

tien est un moment d’échange, où lapersonne hospitalisée se sent librede s’exprimer. « Les patients sont enconfiance avec nous, un peu commeavec leur officine. Ils vont plus facile-ment nous dire ce qu’ils ne prennentpas, comme ce vieux monsieur qui,après avoir lu la notice du Neurontin,refusait de le prendre pour ne pas ris-quer de troubles de la libido », se sou-vient la préparatrice.

Exploitation du bilan À l’issue du recueil des informations,un bilan médicamenteux est rédigé,puis validé par un pharmacien.«C’est une étape essentielle qui nousrappelle que le bilan n’est pas undocument anodin ou produit sur uncoin de table », insiste SébastienDoerper. Enfin, le bilan est exploité.Dans le cas idéal d’une conciliationproactive, il sert de base au médecinde l’établissement lors de la prescrip-tion. En cas de conciliation rétroac-tive, le bilan est confronté à l’ordon-nance en cours, à la recherche dumoindre écart, appelé divergence.Les erreurs médicamenteuses, assi-milées à des divergences non inten-tionnelles – non voulues – et nondocumentées, c’est-à-dire non justi-fiées, sont alors interceptées : «Nousavons eu l’exemple d’une patientequi, à son admission, n’a pas indiquéqu’elle prenait du létrozole (Femara)suite à son cancer du sein. Ce médi-cament n’apparaissait pas sur l’ordon-nance à l’admission. La conciliationrétroactive a conduit à la rédactiond’une nouvelle ordonnance», racontel’équipe de l’EPSMA.

Une démarche pas si simpleSi la conciliation est un excellentmoyen de lutter contre l’iatrogéniemédicamenteuse, la démarche pré-sente quelques limites. La principaleest sans doute son caractère chrono-phage. Selon la première expérimen-tation Med’Rec (lire encadré p.20),15 à 51 minutes sont nécessaires pourréaliser le bilan médicamenteux.Multipliées par le nombre de patientshospitalisés, plus de 12 millions paran en France (voir encadré p. 16)…Les établissements font alors deschoix. « Nous concilions tous lespatients ‘‘les plus à risque’’, c’est-à-direceux de plus de 65 ans, souvent poly-

Étapes de la conciliationmédicamenteuse(1)

1. Recueillir les informations : consulter au moins trois sources différentes pour listerl’ensemble des médicaments pris ou à prendrepar le patient, ses allergies, ses antécédentsmédicaux… Parmi les sources d’information : > un entretien direct avec le patient et son entourage ; > un contact téléphonique avec les professionnels de santé de ville ou d’autres établissements de soins ; > les ordonnances, les courriers des médecins,les bases de données, tels le dossier médicalpartagé et le dossier pharmaceutique ; > les médicaments du domicile apportés par le patient.2. Synthétiser les informations : présenter les données recueillies sous la forme d’undocument unique appelé bilan médicamenteuxoptimisé, ou BMO.3. Valider le bilan médicamenteux : attesterde la fiabilité du bilan médicamenteux. Cetteactivité est essentiellement pharmaceutique.4. Partager et exploiter le bilanmédicamenteux : se servir de ce bilan pourrédiger ou corriger l’ordonnance du patient.Cette activité est essentiellement médico-pharmaceutique.

pathologiques et polymédiqués, quipassent par les urgences puis intègrentun service de soins. Pour tous lesautres, c’est-à-dire les plus jeunes etceux dont l’entrée est programmée, laconciliation peut se faire au cas parcas, en fonction des besoins », exposeSébastien Doerper.Les médecins des services concernésdoivent également être réceptifs etcomprendre l’intérêt de la concilia-tion. «Certains sont réfractaires et veu-lent sans doute rester les seuls maîtresà bord, constate Sandra Hauss. Dansmon service, il n’y a aucune réticence,au contraire ! Dès leur arrivée, lesinternes sont briefés, et toute l’équipemédicale s’implique. » S’ajoutent lesproblèmes de disponibilité des diffé-rents intervenants. Ceux qui réalisentune ou plusieurs étapes de la conci-liation, comme les préparateurs, lespharmaciens, les médecins… Et ceuxqui apportent de l’information :médecin traitant, officine, infirmière,aidants… Lorsque l’une des sourcesn’est pas joignable, « nous ne repor-tons pas au lendemain, concède

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Sandra Hauss. Nous poursuivons sansrelâche nos recherches et sélection-nons une autre source qui, nous l’es-pérons, sera plus disponible. C’estcette recherche d’informations qui estvéritablement chronophage, car rienn’est centralisé. »

La confiance règneLa conciliation implique la transmis-sion de données de santé entre dif-férentes structures, « mais commentêtre certain qu’il s’agit bien d’unhôpital à l’autre bout du fil ? », s’inter-roge Juliette, préparatrice officinaleà Marseille (13). Plusieurs officinauxpointent le risque de sortie des don-nées médicales de l’espace de confi-dentialité. Pour Jean-Claude Maupetit,pharmacien, coordonnateur de l’Ob-servatoire du médicament, des dis-positifs médicaux et des innovationsthérapeutiques (Omedit) Pays de laLoire et responsable du Centre deressources régional en conciliationmédicamenteuse, « il est évident queles réseaux de communication ville-hôpital doivent être sécurisés. C’estune difficulté dont nous avons fait partà l’Agence régionale de santé (ARS).L’idéal serait d’avoir systématique-ment recours à des plates-formes sécu-risées, mais pour le moment l’essentielde la communication se fait par télé-

les pharmaciens, mais aussi de nousrapprocher des équipes soignantes »,reconnaissent les préparatrices del’EPSMA. Leur responsable, FabienneLeguay, a mené une étude(3) « pourmontrer que les préparateurs sontaussi compétents que les pharma-ciens pour réaliser la conciliation. Denombreux confrères sont très frileuxà l’idée de les intégrer. Ce n’est pasdu tout notre cas. Nous sommes deuxpharmaciennes pour six prépara-trices, le calcul est vite fait. Sans elles,nous ne pourrions pas concilierautant de patients.»Sandra Hauss est plus nuancée : «Lerecueil d’informations n’est pas le plusgratifiant et c’est assez répétitif. Tout lemonde peut le faire. Par contre, nospharmaciens nous impliquent dansl’analyse du bilan médicamenteux etdans la révision des traitements, quine fait pas partie de la conciliationmais en est la suite logique. Lespatients âgés que nous recevons pren-nent beaucoup de traitements, dontcertains pourraient être allégés ou sup-primés. L’hospitalisation permet alorsde faire le ménage dans l’ordonnance.»L’Association nationale des prépara-teurs en pharmacie hospitalière(ANPPH) salue et encourage detelles initiatives. Plusieurs de sesmembres participent à la concilia-

phone, par mail et encore beaucoupà l’aide du bon vieux fax. »Le centre hospitalier de Troyes, dontdépend l’EPSMA, dispose déjà d’unportail sécurisé, My GHT, pour Grou-pement hospitalier de territoire,(https://myght.ch-troyes.fr). « Nouscommençons à envoyer et à recevoirdes mai ls   sécur isés mais  celaconcerne une poignée de pharmaciesinscrites sur le site. » En attendant ledéploiement de telles plates-formes,à chacun sa technique. « Les offici-naux nous réclament souvent un jus-tificatif, et je trouve cette réaction toutà fait normale, pointe Sandra Hauss.Nous leur transmettons alors un docu-ment que nous avons élaboré, avecnos coordonnées, celles du patient etl’objet de notre demande.» Fabien, lui,n’a jamais reçu de demande à l’offi-cine via un document officiel : « Aussi,je commence toujours par vérifier quel’on parle du même patient et qu’ilsont son numéro de sécu. Et lorsquel’on me demande de faxer des ordon-nances, je les retamponne pour éviterleur réutilisation, on ne sait jamais… »

Préparateur conciliateur « La conciliation médicamenteuse estune nouvelle facette très valorisantede notre métier, qui nous permet detravailler en étroite collaboration avec

Là où tout a commencé…

En 2006, débute l’initiative High 5s, une démarcheinternationale lancée par l’Alliance mondiale pour lasécurité des patients de l’Organisation mondiale de la santé(OMS). Les pays fondateurs sont l’Allemagne, l’Australie, le Canada, les États-Unis, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Baset le Royaume-Uni. High 5s découle de la volonté de réduire de manièresignificative, soutenue et mesurable cinq problèmes desécurité pour le patient : la précision de la prescription des médicaments aux points de transition du parcours de soins ; la prévention des erreurs de site en chirurgie ;l’utilisation des médicaments concentrés injectables ; les défaillances dans les transmissions infirmières ; les infections associées aux soins.En 2009, la France se joint à cette démarche dans uneexpérimentation de cinq ans intitulée Med’Rec, pourMedication Reconciliation. Neuf établissements (CHU deNîmes, de Bordeaux, CH de Lunéville…) mettent en place

une démarche standardisée de conciliation auprès de patients de plus de 65 ans admis par les urgences, puis hospitalisés en court séjour.Résultats : la conciliation de 27 447 patients à leuradmission révèle 46 188 divergences médicamenteuses,c’est-à-dire un écart entre le bilan médicamenteux établi à l’admission et la prescription en cours, soit 1,7 événementpar malade, qu’il s’agisse d’un changement de traitementnon documenté dans le dossier patient ou d’une réelleerreur médicamenteuse. Plus de 21 000 erreurs médicamenteuses – oublis, erreurs,omissions – ont été repérées.Environ 1 000 erreurs (5 %) auraient pu avoir des conséquences cliniques graves.Med’Rec prouve que la conciliation est un moyen efficacepour prévenir et intercepter les erreurs médicamenteuses.Cette initiative a permis de développer des outils et des référentiels nécessaires à la démarche dans toutétablissement de santé. Source : Initiative des HIGH 5s-Medication Reconciliation, Rapportd’expérimentation sur la mise en œuvre de la conciliation des traitementsmédicamenteux par neuf établissements de santé français, Haute Autorité de santé, septembre 2015.

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À l’autre bout du filDe l’avis des hospitaliers interrogés,« l’officine du patient est la source laplus fiable et la plus complète ». PourSandra Hauss, « les officinaux nousrenseignent non seulement sur lesmédicaments pris, mais aussi sur toutun contexte social ». Chez les per-sonnes âgées, « le nomadisme phar-maceutique est rare. Sauf si l’infirmièreet la famille vont ailleurs de temps entemps parce que c’est plus pratiquepour eux. Là, ça devient moins pratiquepour nous!» La plupart du temps, l’of-ficine du patient est la plus prochedu domicile, «mais pas toujours, alerteFabien. Une de nos patientes a quittéle quartier pour se rapprocher de sesenfants. Elle continue à prendre sontraitement chez nous même si ellehabite désormais dans un départe-ment voisin. Si jamais une conciliationmédicamenteuse se met en place pourcette dame, ça risque d’être compliquépour nous trouver ! » Pour Juliette, préparatrice officinalemarseillaise, l’expérience a été parti-culièrement concluante : « Unepatiente de 85 ans a été hospitaliséepour une chute. Nous avons puinformer l’hôpital qu’elle prenait uncomprimé de Stilnox le soir. Depuisque ce médicament suit la réglemen-tation des stupéfiants, le médecin trai-tant fait une ordonnance à part, et lapatiente garde précieusement sa boîtedans le tiroir de sa table de nuit, desorte que le somnifère n’apparaissaitni sur l’ordonnance mensuelle, ni dans

le pilulier ». Mais, « le plus souvent,nous ne faisons ‘‘que’’ confirmer ceque l’hôpital sait déjà. Mais c’estquand même important de vérifierque tout concorde. »

Qualité de la relation Pour Fabien, « c’est normal de parti-ciper à la conciliation. Ce sont nospatients et on se sent une responsabi-lité vis-à-vis d’eux. Et puis, envoyer unfax ça prend 3 secondes et demi ! Jele fais tout de suite pour ne pas oublieret aider au plus vite. » Par contre, ilreproche aux équipes hospitalières«de ne pas demander l’historique dupatient. Ils réclament uniquement lesordonnances, et ils ont souvent l’airtrès pressés. C’est dommage parce quel’historique est souvent plus intéres-sant que les ordonnances. »Pour Sandra Hauss, les échanges sontla plupart de temps très courtois : « Siune officine me demande des nou-velles du patient, je lui fournis le motifd’hospitalisation et son état généralà l’arrivée dans le service. Il m’estarrivé de transmettre le bonjour de lapharmacie aux patients, ils sontravis ! » En revanche, elle a le sou-venir d’un entretien téléphonique quis’est mal passé : « Le titulaire n’a pasvoulu me prendre au sérieux, car jen’étais ‘‘qu’une’’ préparatrice. »

Concilier n’est pas jouer La formation est un autre pointimportant pour une conciliation dequalité. Sandra Hauss a eu beaucoupde chance : « J’ai été formée pendanttrois semaines par une pharmaciennevenue tout droit du Canada ! Elle m’aformée de la même manière que lespréparateurs avec qui elle travailledans son pays. Là-bas, ils sont appelésassistants techniques en pharmacieet participent très régulièrement à laconciliation car celle-ci est obligatoire,alors qu’en France le concept estplutôt émergent… »La formation se fait souvent eninterne « sans que cela soit péjoratif,au contraire ! », assure StéphaneHonoré. La transmission au seind’une équipe est une très bonnechose et vaut formation. En parallèle,« il existe des formations de dévelop-pement professionnel continu (DPC),ouvertes aux professionnels médicauxet paramédicaux. Les préparateurs

tion dans leur propre établissement.Sa présidente, Myriam Merlet, ajoute :«Le préparateur en pharmacie hospi-talière, en pluridisciplinarité, participeà la sécurisation de la prise en chargemédicamenteuse et au renforcementde son efficience. Il a donc toute saplace dans la conciliation. Il peut êtreun élément clé dans le recueil desdonnées, mais également un acteurà part entière dans l’identification desdivergences. »Dans les faits, le préparateur hospi-talier n’est pas toujours sollicité : « Cen’est pas par manque d’intérêt,explique Stéphane Honoré, pharma-cien hospitalier à l’hôpital de laTimone à Marseille (13) et présidentde la Société française de pharmacieclinique (SFPC). Mais notre hôpitalest un centre hospitalier universitaire(CHU), avec de nombreux externeset internes en pharmacie qui passentde plus en plus de temps dans les ser-vices de soins. » À Lunéville, « les pré-parateurs ne pourraient pas absorbertout le travail lié à la conciliation enplus de leurs missions quotidiennes,expose Sébastien Doerper. Alorsnous avons réparti les rôles. Lesexternes et les internes s’occupentdes patients dans les services de typeMCO (médecine, chirurgie et obsté-trique), tandis que les préparateursconcilient les patients au moment deleur entrée en structure de plus longséjour (Ehpad, hospitalisation à domi-cile) car ce type de conciliation peutmieux se gérer dans le temps. »

Le préparateur peut être un élémentmoteur dans le recueil des donnéeset un acteur dans l’identificationdes divergences médicamenteuses.

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Résultats de la conciliationen 2015 en France

En 2015, la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) a mis enplace une enquête auprès de 2 537 établissements de santé (sur 4 133)pour établir un premier état des lieux de la mise en œuvre de laconciliation médicamenteuse. > 1688 établissements ont répondu à l’enquête, dont 43% de publics,40 % de privés à but lucratif et 14 % d’Espic (privés d’intérêt collectif).> Environ 22 % font de la conciliation, sans différence notable entre le public et le privé.> Les disparités sont fortes selon les services. Une durée de séjour très courte, par exemple aux urgences ou en obstétrique, limite la miseen place de la conciliation, implantée respectivement dans 23 et 10 %des cas. En revanche, elle a déjà été pratiquée dans 41 à 59 % des caslors de séjours plus longs, en gériatrie, chirurgie, et en soins de suite et de réadaptation (SSR). > Ce sont les médecins et les pharmaciens qui la mettent en œuvredans les unités. > Les infirmiers et les préparateurs en pharmacie y participent en seconcentrant sur le recueil des informations : respectivement 60 et 48%des établissements les mentionnent. Les privés les sollicitent davantageque le public : 92 et 85 % dans les Espic, contre 62 %. Sans doute en raison de la faible présence d’étudiants dans le privé, les centreshospitaliers universitaires ayant beaucoup d’internes et d’externes à « occuper » !> La gestion des divergences demeure une activité quasi exclusivedes professions médicales et pharmaceutiques.> Les principales sources d’information sont le dossier patient et lesordonnances, suivis par les entretiens avec le patient ou l’entourage. La prise de contact avec le médecin traitant et le pharmacien n’arrivequ’en cinquième et septième positions. > Dans 95 % des cas, la conciliation est pratiquée à l’admissionet seulement à 68 % en sortie. Dommage, car cela sécurise la transitionde l’hôpital vers la ville. > Le manque de disponibilités des intervenants est le principal freincité à son développement.Sources : Rapport d’expérimentation sur la mise en œuvre de la conciliation des traitementsmédicamenteux par neuf établissements de santé français, Haute Autorité de santé, septembre2015 – La conciliation médicamenteuse : enquête sur son déploiement national, ministère des Solidarités et de la Santé, février 2016, mise à jour mai 2017.

sont bien entendu concernés puisquela conciliation des traitements médi-camenteux est l’une des orientationsnationales du DPC de leur profes-sion. » Les formations, sur un jour oudeux, sont organisées par les centresde formation des préparateurs enpharmacie hospitalière (CFPPH)comme à Tours (www.chu-tours.fr/cfpph-formation-continue), par lesfacultés de pharmacie comme à Lille(http://pharmacie.univ-lille2.fr/formation-continue/dpc.html) ou pardes organismes indépendants, tel leCentre national de l’expertise hospi-talière (CNEH, www.cneh.fr). Les offi-cinaux peuvent participer à une formation « car l’apprenant y estdavantage sensibilisé à une démarcheque véritablement formé à la réalisa-tion d’un acte. Il est là pour découvrirun processus pluriprofessionnel et fina-lement en devenir partie prenante. »

La conciliation, ça vous tente ? La pharmacie hospitalière évolue.« Avec le développement des groupe-ments hospitaliers de territoire (GHT)et une tendance à l’automatisation dela dispensation, notre secteur se tournevers des activités de pharmacie cli-nique, constate l’équipe de l’EPSMA.Le métier de préparateur hospitalierdoit évoluer de la même manière, lescompétences sont là. » En 2017, L’As-sociation nationale des préparateursen pharmacie hospitalière (ANPPH)a d’ailleurs consacré ses 38es Journéesnationales de formation à cette thé-matique (lire Porphyre n°531, avril2017). « C’était très intéressant de ren-contrer d’autres préparateurs motivés,et de confronter nos expériences »,s’enthousiasme Sandra Hauss.Pour le moment, la conciliation n’arien d’obligatoire en France, mêmesi le contexte réglementaire y est deplus en plus favorable. La certification,qui est une procédure d’évaluationexterne des établissements de santépilotée par la HAS, comprend un cri-tère numéroté 20a sur la qualité dela prise en charge médicamenteusedu patient. La conciliation, qu’elle semette en place sous l’impulsion d’unpharmacien, d’un médecin ou dudirecteur d’établissement, ne doit pasrester un acte isolé mais s’inscriredans une véritable culture qualité del’établissement.

Concilier, c’est communiquer, entreprofessionnels de santé, mais aussiavec le patient et son entourage, pouraméliorer leur connaissance des trai-tements. Concilier les traitementsmédicamenteux d’un patient revientfinalement à (ré)concilier la ville etl’hôpital, en rappelant à tous qu’aucomptoir, comme au chevet dumalade, tous les professionnels desanté et du soin doivent contribuerensemble au bon usage des produitsde santé. n

(1) Mettre en œuvre la conciliation des traitementsmédicamenteux en établissement de santé :sécuriser la prise en charge médicamenteuse du patient lors de son parcours de soins, HauteAutorité de santé, décembre 2016.  (2) Sociétéfrançaise de pharmacie clinique. Fiche mémo :Préconisations pour la pratique de conciliationdes traitements médicamenteux, décembre 2015. (3) Solenne Teixeira, Anne Boutroy, Anne Leblanc,Fabienne Leguay, Intégration du préparateur en pharmacie hospitalière dans la conciliationmédicamenteuse : perspectives d’avenir en pharmacie clinique, Association nationaledes préparateurs en pharmacie hospitalière(ANPPH), mars 2017.  (4) Depuis 2006 auCanada, la conciliation, qui se nomme là-bas «bilan comparatif des médicaments » est unepratique requise d’agrément par les autoritéssanitaires.

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