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UNIVERSITÉ PARIS II - UFR DROIT ET SCIENCE POLITIQUE
MASTER 2 RECHERCHE
ETUDES POLITIQUES
Le parti Anti-sioniste : de la nébuleuse idéologique au parti politique incrusté
dans les tensions communautaires.
Mémoire présenté par Germain ISERN
Sous la direction de Monsieur le Professeur Fabrice d’ALMEIDA
30 JUIN 2010

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Avertissement
Le contenu de ce mémoire n'engage que son auteur. Les thèses soutenues
dans ce document n'ont reçu aucune approbation ou improbation de la part de
l'université Panthéon-Assas Paris II, de l'Institut Français de Presse ou du
directeur de mémoire.

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Remerciements
Je tiens à remercier en premier lieu mon directeur de mémoire, M. Fabrice
d’Almeida, pour tous ses conseils, ses suggestions innombrables et toujours stimulantes,
ainsi que pour toutes ses critiques qui ont participées à l'enrichissement de ce travail.
Je remercie également les professeurs qui ont participé à ce projet, tant sur le
plan intellectuel que méthodologique, en particulier M. Diamanti pour son aide
précieuse sur la question du populisme, M. Lambert pour avoir aiguisé ma curiosité
envers sa sémiotique de la croyance, M. Millet pour son influence holiste et
constructiviste et M. Chevallier pour tous ses conseils méthodologiques.
Je tiens enfin à remercier toutes les personnes qui ont influencé ce travail : les
amis à la base de ce projet, Yannick, Hannah, François et Marion, et les personnes qui
m'ont permis d'ouvrir de nouvelles pistes de réflexion.
Ces remerciements sont bien plus qu'une obligation méthodologique. Ils sont la
preuve qu'un mémoire est aussi un travail collectif, issu d'une réflexion à plusieurs
niveaux et de nombreuses discussions.

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Liste des abréviations
CRIF : Conseil Représentatif des Institutions juives de France
CSA : Conseil Supérieur de l'Audiovisuel
FNJ : Front National de la jeunesse
GUD : Groupe Union Défense
IPA : Institute for Propaganda Analysis
Licra : Ligue contre le racisme et l'antisémitisme
PAS : Parti Anti-Sioniste
UEJF : Union des Étudiants Juifs de France
OPNI : Objets Politiques Non Identifiés
OLP : Organisation de Libération de la Palestine

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Sommaire
INTRODUCTION GÉNÉRALE
PARTIE 1. La transhumance socio-structurelle du PAS
Chapitre 1 : Des origines idéologiques extrêmes et globalisées.
Section 1 : La nébuleuse anti-sioniste française.Section 2 : La filiation avec un certain antisionisme international.
Chapitre 2 : La rupture des élections européennes de 2009
Section 1 : Bataille judiciaire et bataille médiatique : le Déclic Dieudonné.Section 2 : La création de la liste anti-sioniste : des personnalités et des ressources hétérogènes
Chapitre 3 : Une sociologie complexe.
Section 1 : Un fonctionnalisme anti-système stratégique.Section 2 : Le refus du déterminisme social : l’électorat de banlieue.
PARTIE 2 : L’antisionisme radical : une stratégie médiatique fondée sur un programme- récit extrême.
Chapitre 1 : Mécanismes de propagande et théorie du complot.
Section 1 : La fabrique d’objets de croyance antisioniste.Section 2 : La propagande du PAS.
Chapitre 2 : Une nouvelle forme de stratégie politique.
Section 1 : Un néopopulisme renouvelé.Section 2 : L’utilisation scabreuse de l’humour en politique.
CONCLUSION

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INTRODUCTION GÉNÉRALE
Présentation du sujet et hypothèse de départ
Le 1er décembre 2003, sur France 3, dans l'émission On ne peut pas plaire à tout
le monde, présentée par Marc-Olivier Fogiel, un scandale prend forme lors d'un sketch
d'un humoriste français. Il s'agit de Dieudonné, qui monte sur scène déguisé en colon
sioniste (treillis militaire, cagoule, chapeau orthodoxe juif et fausses papillotes), et qui
enchaîne provocations cyniques et dénonciation des extrémistes israéliens, finissant son
apparition avec un salut nazi et en criant, tel un instructeur militaire, ce tristement
célèbre : « Isra-heil ! »1. Personne alors ne fait mine d'être choqué, même si l'on sent
que l’animateur de l'émission est un peu gêné par la prestation. Les jours qui suivent
voient la consternation et la protestation quasi unanimes de tous les médias, du monde
politique et associatif2, jugeant le dérapage de l'humoriste comme antisémite et insultant
toute la communauté juive. Très vite interdit de salle par les maires de plusieurs
communes, Dieudonné pense voir derrière ces interdictions les pressions exercées par le
« lobby sioniste » en France et décide de s'engager politiquement contre « cette force
obscure ». C'est alors qu'il décide de créer le parti Anti-sioniste en mai 2009, à
l'occasion des élections européennes.
La création de ce nouveau parti nous a semblé alors intéressante car, au-delà des
polémiques et des scandales qu'il a engagés, il nous a paru tel un « opni »3, non pas au
sens strict de Martin, mais comme phénomène politique inhabituel, comme nouvelle
porte d'entrée dans le politique, ambivalente et contradictoire, ciblée et hétéroclite à la
fois, scandaleuse mais discrète. S'attacher à l'analyse du PAS s’est très vite avérée
malaisée, par manque d'informations, de renseignements, et de contacts, elle n'en fut pas
moins passionnante, conduisant à une analyse globale d'un petit parti à travers le prisme 1 Mot d'esprit hasardeux et dont la véracité est controversée puisque certains affirment que l'humoriste a simplement dit « Israël ! » et n'a jamais associé ce pays à un quelconque concept nazi. Il est en effet difficile de trancher puisque l'animateur de France 3 parle en même temps et qu'on ne peut donc pas entendre parfaitement les mots de l'humoriste.2 Le CSA censure le sketch, le président de France télévision, Marc Tessier, et l’animateur de l'émission, Marc-Olivier Fogiel, présente publiquement des excuses. Les condamnations des hommes politiques pleuvent, ainsi que celle de nombreuses associations comme la Licra, le CRIF, ou l’UEJF.3 MARTIN Denis-Constant, Sur la piste des OPNI (Objets Politiques Non Identifiés), éd. Karthala, 2002.

8
de plusieurs sphères de réflexion. Il ne s'agit pas ici de faire le procès de l'humoriste, de
savoir si oui ou non il est antisémite ainsi que la liste qu’il conduit, ou au contraire s'il
existe bien un lobby sioniste qui a fait pression.
Notre travail qui se veut scientifique a pour but d'analyser une structure
particulière, dans le but d'en déceler les principaux enjeux qui lui sont attachés. Ce sont
tous ces enjeux qui gravitent autour du PAS et qui sont notre ligne de mire, notre
objectif. Y parvenir n'est pas tâche facile. Plusieurs difficultés se sont présentées à nous,
principalement due à la jeunesse du mouvement concerné, au peu d'ouvrage concernant
la question, à l'émotion que suscite la question de l'antisémitisme et aux « débats de
sentiment ». D'autres problèmes, plus théoriques, ont élevé le niveau de difficulté,
comme par exemple les multiples définitions et les nombreux débats dans le monde de
la recherche autour de notions telles que « l'extrême droite », les « lobbys », ou encore
le « populisme ». Il est donc malaisé - et certains diront impossible car trop proche de
nous historiquement, de reconnaître la place du PAS dans la sphère politique française.
Pourtant, nous ne reculons pas devant la difficulté et posons dès le départ
comme hypothèse que nous sommes en présence d'un parti politique qui a su agréger
différentes mouvances antisionistes jusqu'alors très discrètes, profitant des élections
européennes pour envahir la scène électorale et mieux faire connaître cette idéologie.
Nous avons doublé cette hypothèse structurelle par une hypothèse sociétale en posant
l'idée que la construction d'un tel parti participe si ce n'est à l'augmentation des tensions
intercommunautaires, tout du moins à leur diffusion et leur préservation.
État des connaissances, méthodologie et structure.
La problématique principale étant découverte, il est facile de l'inscrire dans un
cercle méthodologique nous aidant à la confronter à la réalité. Cette méthodologie
consistera à utiliser une analyse organisationnelle du PAS dans un premier temps, puis
de nous pencher sur une analyse du discours et de la stratégie médiatique. Ces deux
points d'entrée successifs dans l'analyse du parti politique nous conduiront ainsi à mieux
comprendre sa position dans le système institutionnel français.

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Ce projet de mémoire se veut scientifique, c'est-à-dire qu'il vise modestement,
mais sûrement, à apporter une pierre à l'édifice des sciences politiques. Marie-Claude
Bartholy disait de la science qu'elle était « une connaissance discursive, établissant des
rapports nécessaires entre les objets d’un langage, entre les phénomènes physiques et
entre les faits humains ».4 Tout apport scientifique doit se placer dans cette posture
discursive. La vérifiabilité est donc une composante essentielle de la science ; ce qu’on
ne peut pas vérifier empiriquement n’est pas scientifique. Karl Popper parle ainsi de
« vulnérabilité empirique », de « falsifiabilité de la science »5 ; une proposition n’est
alors science que si on peut démontrer sa réfutabilité ou sa possible amélioration. Le
chercheur s’inscrit donc dans un « cycle scientifique » pour ne s’attacher qu’aux
problèmes non résolus. Et pour combler ces vides, il faut commencer par se poser les
bonnes questions de départ et voir quels sont les vides laissés par la science à propos du
sujet à traiter. Nous suivrons donc la pensée du philosophe des sciences en estimant à sa
suite que la recherche est impossible en faisant table rase du passé. Au contraire il faut
connaître ce passé et s’en imprégner pour en extraire un problème à résoudre. Dans
cette optique, l'état des connaissances en rapport à notre sujet suivait, comme nous le
pressentions déjà en élaborant notre méthodologie une double direction. La première
concernait la longue tradition de l'étude des partis politiques et de leur sociologie. La
deuxième, plus jeune, plus éparse et plus controversée, s'attachait à la question du
discours et à la stratégie politique de l'antisionisme. Cet « état des lieux » nous pousse à
redéfinir quelques notions et à les replacer dans le contexte qui nous intéresse.
En ce qui concerne l'étude du PAS comme structure politique nous ne pouvions
ignorer les enseignements judicieux d'Ostrogorski lorsque celui-ci plaidait un siècle plus
tôt déjà pour une refondation des partis, pour substituer à l'inefficacité des parties
« omnibus » une rationalité pragmatique de partis « ad hoc », s'intéressant à un « single
issue », c'est-à-dire à une question précise, beaucoup plus « mobilisante » pour le
citoyen. Il entrevoyait déjà le scepticisme démocratique qui nous envahit aujourd'hui
4 BARTHOLY Marie-Claude, ACOT Pascal, Philisophie - épistémologie, précis de vocabulaire, Magnard, 1975. Propos retranscrits par PAOLETTI Marion, cours sur les techniques d'enquête, M1 science politique, Université Montesquieu - Bordeaux IV.5 POPPER Karl, La Logique de la découverte scientifique, Payot, 1978.

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avec l'apparition de « partis attrape-tout »6 (catch-all party), voire de « partis- cartels »7,
affiliés au pouvoir politique. Si cette proposition de partis « ad hoc », présentée telle
quelle, peut paraître farfelue et utopique, l'idée sous-jacente de « parti-groupe de
pression », menant bataille contre une offre électorale éclatée et qui voit de plus en plus
leurs différences programmatiques diminuées, a été un des vecteurs déterminants de nos
recherches. Il nous semble alors que les quatre critères classiques de définition des
partis politiques tels que les ont exposés La Palombara et Weiner8 sont aujourd'hui trop
restrictifs pour décrire un parti politique tel que le PAS et doivent être dépassés pour
mieux insister sur « le caractère associatif et relationnel d'un parti politique, composé
d'individus et de sous-groupes qui doivent articuler ensemble leur volonté »9. Grâce à
cette définition plus large des partis politiques, nous nous extirpons des carcans exigus
de la théorie classique des partis, ne voyant dans le PAS qu'un simple « rassemblement
partiel et partial, en concurrence effective ou potentielle avec d'autres
rassemblements »10. Cette liberté nous a permis de nous consacrer à ce qui fait
l'originalité du parti antisioniste, ce qu'il appelle la « nouvelle ligne de fracture » et qui
nous amènera à considérer avec intérêt la théorie de Stein Rokkan selon laquelle
l'existence des partis est étroitement liée aux différents conflits centraux dans une
société11. Nous verrons ainsi comment les leaders du PAS interprètent cette idée, en
faisant de l'axe sioniste/antisioniste, à la suite des axes Eglise/Etat, centre/périphérie,
urbain/rural, possédants/travailleurs, occidentaux/orientaux, le nouveau conflit central
de la société française. Dans un monde de plus en plus complexe, où les institutions
politiques, tels que les partis, semblent entrer dans une crise par rapport à la société
civile, il nous semble important de voir comment se situe le PAS et quels sont les
enjeux qu'il croit attacher à cette posture. Comment celui-ci essaye de renouer avec une
tradition partisane classique, montrant un fonctionnalisme certain et bien en vue pour
chaque citoyen. Le PAS, parti atypique, classé par le ministère de l'intérieur à l'extrême
droite, proche dans le discours des communautés noire et arabe, nous devions nous
6 KIRCHHEIMER Otto, « The Transformation of the Western European Party Systems », in Joseph LA PALOMBRA Joseph et WEINER Myron (sous la direction de), Political Parties and political development, Princeton (N. J.), Princeton UniversityPress, 1966, p. 177-200.7 KATZ Richard S. et MAIR Peter, « Changing Models of Party Organization and Party Democracy : the Emergence of the Cartel Party », Party Politics, 1 (1), 1995, p. 5-28.8 Une organisation durable, complète, avec pour objectif la conquête du pouvoir, reposant sur un soutien populaire, PALOMBRA Joseph et WEINER Myron, Ibid.9 BRECHON Pierre, Les partis politiques, Montchrestien, Clefs/politique, 2001, p.19. 10 GRAWITZ Madeleine et LECA Jean (dir), Traité de Science politique, PUF, 1985, p.443.11 LIPSET Seymour M., ROKKAN Stein, Party Systems and Voter alignements, Free Press, 1967.

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pencher sur sa sociologie électorale et sur les enjeux qu'elle implique. Appréhender
cette problématique n'est pas une mince affaire. Nous avons essayé de replacer nos
travaux dans la lignée de ceux, devenus classiques, de Nona Mayer sur « les
comportements politiques » et « les modèles explicatifs du vote »12. Nous avons essayé
de les enrichir d'études plus hétéroclites sur l'impact des médias et de la violence sur le
vote en banlieue, en gardant toujours un œil sur notre problématique des tensions
communautaires.
En ce qui concerne l'état des connaissances sur la stratégie politico-médiatique
antisioniste, il nous paraît évident que la controverse principale qui le lie à de
l'antisémitisme reste aujourd'hui encore très vivace, et ne semble pas s'évanouir grâce
aux apports des différents auteurs qui s'y sont attachés. Pour ne pas rester dans
l'émotivité, nous avons décidé de suivre tout d'abord un chemin relativement balisé,
celui de la manipulation à travers la propagande, devenu aujourd'hui une véritable
technique de communication politique. Basé sur quelques ouvrages de référence,
fondateurs d'une théorie plurielle sur la propagande (Ellul, Miller, Domenach,
Chomsky, d’Almeida ou encore Gervereau13) et sur son effet sur le citoyen dans les
démocraties, nous essaierons d'ouvrir ce champ de réflexion dans la continuité des
travaux de Frédéric Lambert dont les précieux enseignements nous ont amené à
réfléchir « autrement » sur la fabrication de ces messages et sur la manière d'y adhérer.
Cette problématique nouvelle, judicieusement appelée « sémiotique de la croyance »14,
nous semble intelligente et appropriée dans l'analyse du PAS. Elle nous permet aussi,
nous l'espérons, de prouver que la recherche en sciences sociales n'est pas seulement
qu'un « fait de labo » et de professeurs émérites, mais qu'elle peut s'enrichir aussi d'une
émulsion entre les étudiants et leurs professeurs. Si peut conventionnelle qu'elle soit,
cette démarche nous semble primordiale et nous la renouvelons à plusieurs reprises dans
cet écrit, en incorporant des thèses et des problématiques issues de nos dernières années
d'études. Par cette posture, nous ne disons pas autre chose que M. Lambert lorsqu'il
12 MAYER Nonna et PERRINEAU Pascal, Les comportements politiques, Armand Colin, Cursus, 1992. MAYER Nonna (ss la direction de), Les modèles explicatifs du vote, L’Harmattan, 1997.13 Voir notre bibliographie sélective en fin de mémoire, Image et Propagande – Complotisme et mythe.14 LAMBERT Frédéric, «Images, langages et médias : essai pour une sémiotique de la croyance», in Médias, information et communication (ss la direction de LETEINTURIER Christine et CHAMPION Rémy).

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affirme que « tout enseignement, s'il est partagé, si l'étudiant se l'approprie, profite à la
recherche et à son écriture »15.
Toujours de façon relativement classique, nous essayons de replacer la stratégie
médiatique du parti antisioniste dans une théorie qui peut paraître aujourd'hui une
coquille vide aux vues des nombreuses applications qu'on lui prête et à sa polysémie
fourre-tout, mais qui reprend à notre sens toute sa légitimité depuis quelques années
sous la plume de directeur de travaux tels que Taguieff16 et Souchard17 : le populisme.
Nous nous inscrivons encore une fois dans la lignée d'un de nos séminaires sur les
régimes politiques comparés, conduit par Ilvo Diamanti18, et qui nous a encouragé à
déceler de façon « holiste », c'est-à-dire de façon déductive et inductive, un certain
« retour du populisme » en Europe occidentale. Basées sur de nombreux travaux de
chercheurs, nos propres réflexions nous amèneront dans de nouveaux territoires de
réflexion, liant cette problématique - de ce que nous appelons désormais
« néopopulisme », avec le comportement et le discours antisioniste du PAS.
Beaucoup plus épineuse, la controverse directe entre antisionisme et
antisémitisme nous a frappé de plein fouet dès le début de nos recherches. La grande
question qui nous était posée était de savoir s'il y avait un lien entre l'antisémitisme
classique, issu de la fin du XIXe siècle jusqu'à la fin de la deuxième guerre mondiale, et
l'antisionisme contemporain, mais surtout si celui-ci ne cachait pas un renouveau
judéophobe depuis les années 70 et la prééminence du conflit israélo-palestinien sur la
scène politico-médiatique. Ces questions trouvaient quelques réponses classifiées et
différenciées dans des typologies dès les années 9019 : antisionisme de gauche,
antisionisme arabe et tiers-mondiste ou antisionisme occidental, des catégories que nous
réemployons dans notre développement pour éclairer notamment les origines
idéologiques du PAS. Malheureusement, cette clarification n'a pu empêcher la
15 Idem, p. 262.16 TAGUIEFF Pierre-André, Le retour du populisme, un défi pour les démocraties européennes, Encyclopaedia Universalis, 2007.17 SOUCHARD Maryse (et al.), Le populisme aujourd’hui, Vallet : m-éditer, 2007.18 ILVO Diamanti, cours « Régimes politiques comparés», Master 2 Études Politiques, université Panthéon-Assas Paris II, 2010.19 WISTRICH Robert (éditeur), ouvrage collectif, Anti-Zionism and Antisemitism in the Contemporary World, New York, New York University Press, 1990.

13
controverse de grossir. La cause principale en est peut-être les désaccords à la base de la
réflexion.
Certains auteurs, tels que Maxime Rodinson20, insisteront par exemple sur « le
problème juif » comme problème politique et culturel. Pour lui, en tant que marxiste
originel, le sionisme est né d'un sentiment impérialiste et colonialiste, suggérant
l'implantation d'un « état parfait » en Palestine : le sionisme n'est autre qu'une politique
de puissance menée par un groupe qui a réussi à s'imposer aux institutions
internationales. Il rappelle, à l'appui de faits historiques, que les différentes
communautés juives composant la diaspora dans le monde entier n'ont jamais établi de
culture commune, ni politique, ni religieuse, ni territoriale, ni linguistique nécessaire à
la légitimation d'une ethnie en tant que telle. Il n'existerait aucun « substratum
permanent » pour soutenir la construction d'un Etat israélien. Pour d'autres en revanche,
le sionisme est directement dépendant du judaïsme et de la terre d'Israël. Après le
malheur enduré par les juifs, « le sionisme redonne la parole à des opprimés en tant
qu’opprimés »21. Ainsi, pour le sionisme, les juifs constitueraient « une entité distincte
qui ne possède pas seulement des attributs religieux mais nationaux »22. Des auteurs
comme l’historien français Georges Bensoussan, plutôt critique face au nationalisme
banal du sionisme, rappelle quand même aux chercheurs avides de connaissance sur la
question que « sans le substrat religieux, le fait national juif demeure abstraitement
vide »23. D'autres vont plus loin dans la fusion entre sionisme et judaïsme, imposant
ainsi la thèse selon laquelle tout antisioniste est antisémite puisque « le judaïsme a
toujours comporté trois composantes : Dieu, la Torah et Israël, transcrites en gros en
tant que foi, pratique et peuple. Et ce Peuple juif a été conçu comme celui vivant dans le
pays juif appelé Israël. On peut prétendre que l’Etat moderne d’Israël a été fondé aux
dépens des Arabes vivant dans la zone géographique connue sous le nom de Palestine
(il n’y a jamais eu de pays ou de nation appelée Palestine) ; mais cela ne permet en
aucune manière de rejeter le fait indiscutable que le sionisme fait partie intégrale du
judaïsme »24.
20 RODINSON Maxime, Peuple juif ou problème juif ?, (1980) , La Découverte, 1997.21 BENSOUSSAN Georges, « De quoi le sionisme est-il le nom ? Le sionisme, une décolonisation du sujet », Controverses, n° 11, mai 2009, p.4.22 BENSOUSSAN Georges, Une histoire intellectuelle et politique du Sionisme, (1860-1940), Fayard, 2002, p. 277.23 Idem, p. 867.24 PRAGER Dennis, « Séparer antisionisme et antisémitisme ? », www.desinfos.com, mardi 30 mai 2006.

14
Cette « guerre idéologico-politique » a été renforcée par le débat religieux et
théologique autour de l'attachement du peuple juif à la Terre promise. Certains auteurs
affirment que le retour des populations juives était nécessaire sur le sol palestinien, tout
simplement par continuité religieuse et par « droit au retour » des peuples opprimés sur
leur terre d'origine. D'autres, au contraire, estime que ce projet de retour n'est que
politique et contraire au judaïsme. Il suffit de se pencher sur le livre de Shlomo Sand,
sur la création du peuple juif, pour avoir un bref aperçu de toutes ces contestations
émanant de la diaspora juive et du monde rabbinique25. Certains membres de la
communauté juive expriment en effet leur désaccord face à ce qu'ils considèrent comme
un acte violent (la création d'un État israélien sur des terres arabes) et inutile, voire
contre-productif pour toute la communauté, encourageant la montée de la haine et
répondant à un besoin qui n'en est pas un puisque la diaspora juive a toujours selon eux
très bien fonctionné. Cet argument a son penchant religieux radical, avec certains
cercles juifs qui considèrent que seul le Messie, grâce à la main de Dieu, pourra fonder
un Etat juif en paix avec le monde (exemple des juifs orthodoxes de Neturei Karta).
Cette querelle d’intellectuels et de religieux, bien qu'ayant peut-être alimenté les
fantasmes de certains membres au sein du PAS et poussé à quelques alliances de
circonstance, nous a semblé très vite sans issue et relativement éloignée du message
politique du parti. En effet, il nous semble que la critique du sionisme par le PAS si elle
entre dans cette controverse sur l'antisémitisme, le fait de manière plus subtile, plus
insidieuse. Elle pose comme axiome de base (ignorant ainsi certainement les arguments
précédents) une différenciation totale entre le sionisme et le judaïsme. Ce qui motive
leur dénonciation du sionisme c'est le projet politique qu’ils croient déceler derrière
certains groupements et certaines décisions politiques. Ainsi, nous sommes loin du
débat sur la judaïcité et ses liens avec le sionisme. Les auteurs cités précédemment se
battaient pour la plupart à l'époque contre l'émergence du négationnisme et contre la
modification d'une mémoire collective. Le PAS se situe lui dans la « manipulation » de
cette mémoire, de ce que Norman Finkelstein appelle « l'industrie de l'holocauste »26.
Nous espérons ainsi voir comment cette théorie a été renouvelée par ces antisionistes à
travers leurs discours et quels sont ses liens, avérés ou non, avec un possible
antisémitisme.25 SAND Shlomo, Comment le peuple Juif fut inventé, Fayard, 2008.26 FINKELSTEIN Norman D., L'industrie de l'Holocauste : réflexions sur l'exploitation de la souffrance des juifs, La Fabrique, 2001.

15
Enfin, comme une cerise sur le gâteau, nous ne pouvions passer à côté d'une
composante essentielle de la stratégie du PAS, à l'origine de sa formation et portée par
son leader charismatique Dieudonné : l'humour. Si nous adhérons à la thèse d'une
période de crise dans nos sociétés (crise démocratique, crise économique, et plus
largement malaise social…), ce que nous ne manquons pas de faire, nous ne trouvons
pas curieux, bien au contraire, que la position du parti antisioniste, dénonciatrice et
radicale, s'accompagne d'un populisme humoristique. Sorte d' « impératif social
généralisé »27 pour essayer de rendre plus heureux le message délivré, le rire et le
politique sont ainsi amalgamés dans le programme de communication du parti. Dans cet
« ère de dérision universelle »28, le comique est devenu omniprésent, dans les médias,
dans l'opinion publique, sur la scène politique. Cette dernière s'est toujours révélée
frileuse à l'utilisation de l'humour en son sein (nous pensons par exemple avec émotion
à la candidature de Coluche lors des élections présidentielles de 1981). Pourtant, la
tentation ne date pas d'hier : « il faut à la fois rire et philosopher ! » proclamait
Montaigne à la suite de Démocrite. Un précepte aujourd'hui entré dans les mœurs
sociales et qui demandait un réexamen approfondi quant à la position de ce « rire » dans
le cadre de la campagne contre l'antisionisme. Des auteurs classiques tels que Bergson
ou Freud seront à la base de notre réflexion pour essayer de dégager les enjeux
personnels, sociaux et politiques qui découlent de cet humour antisioniste. À la fois
ludique et intelligent, nous espérons que ce paragraphe viendra compléter notre
réflexion sur la fonction latente d'exacerbation des tensions entre communautés.
Ne laissons pas plus longtemps la curiosité intellectuelle envahir le fond de notre
travail. Comme nous y précipite notre méthodologie, notre problématique, ainsi que le
bref état des lieux des connaissances que nous venons de faire, le plan de ce mémoire
s'articulera naturellement autour de deux parties.
Nous commençons ainsi notre exposé par une première partie faisant l'analyse de
la transformation structurelle opérée par le PAS et de son implication dans le système
électoral français.
Puis dans une deuxième partie, nous essaierons de comprendre la stratégie
médiatique mise en place à travers un programme-récit antisioniste et radical.
27 LIPOVETSKY Gilles, L'ère du vide : essai sur l'individualisme contemporain, Gallimard, 1989.28 MINOIS Georges, Histoire du rire et de la dérision, Fayard, 2000.

16
PARTIE 1. La transhumance socio-structurelle du PAS
L'étude des partis politiques en sciences politiques est devenue traditionnelle,
indispensable à la compréhension de nos institutions. Elle a été portée par de grands
noms, qui ont essayé de dégager toutes les composantes de ces structures principales
dans notre paysage politique. Pour envisager la construction d'un parti, il nous est paru
indispensable de commencer par ce qui lui préexiste, c'est-à-dire l'idéologie et les
structures qui lui ont donné vie (Chapitre 1). Comme notre objet d'étude semble tout
neuf et s'est construit très rapidement, nous avons voulu rendre compte de ce temps
charnière qui l’a fait basculer dans l'arène électorale, de ce laps de temps très court où
tout se joue, où les hommes se lancent, avec leurs mobiles et leurs objectifs (chapitre 2).
Enfin, nous devions finir en analysant l'aboutissement de tout ce travail, en essayant de
comprendre en profondeur le parti et dégager les principaux enjeux in fine qui lui sont
attachés (chapitre 3).
Chapitre 1 : Des origines idéologiques extrêmes et globalisés.
Comme nous l'avons rappelé en introduction, il est très difficile de dégager une
base bibliographique sur laquelle nous nous appuierions pour comprendre les
mécanismes du PAS. Nous avons donc confronté les données idéologiques dégagées
empiriquement avec quelques cadres théoriques. Pour entamer ce travail de recherche,
en ce qui concerne la construction du parti, sa base intellectuelle, nous avons choisi
deux directions principales. La première, beaucoup plus concrète dans son influence sur
le PAS, est celle de la nébuleuse d'idées antisioniste française (Section 1). La deuxième,
beaucoup plus théorique en France, se rapporte à la filiation au mouvement antisioniste
international (Section 2).
Section 1 : La nébuleuse anti-sioniste française.
Nous avons décidé dans cette section de différencier l'idéologie antisioniste
selon un axe qui nous semble le plus clair possible, sans pour autant effacer les liens qui
peuvent exister entre les deux. Cette distinction n'est pas canonique mais nous a paru
être la plus révélatrice, non pas de tout l'antisionisme français, mais de la base du
discours et de la construction du PAS. Il s'agit tout d'abord de comprendre la

17
convergence de plusieurs extrémismes dans la sphère politique, vieux relents
conservateurs d'un antisémitisme primaire (A), mais aussi de s'interroger sur une
nouvelle forme d'antisionisme, apparue dans les années 2000, prenant appui sur une
certaine pensée de l'islamisme radical et sur la cause palestinienne (B).
§ 1 : L’antisionisme politico-extrémiste.
Contrairement à ce qu'a pu dégager Taguieff dans nombre de ses ouvrages, il ne
nous semble pas que la France soit dans « une phase d'augmentation ou de réactivation
conjoncturelle d'un vieil antisémitisme »29. Toutefois, sans tomber dans l'alarmisme d'un
retour certain des détracteurs absolus du peuple juif, il est évident qu'une certaine
influence de la droite conservatrice, de l'extrême droite nationaliste et xénophobe, et
aussi du communisme marxiste, soit à la base d'un discours renouvelé en Europe de
l'Ouest. Ce discours extrémiste renouvelé a donné lieu à de nombreuses appellations
théoriques essayant de « concurrencer l'ancienne appellation d’extrême droite »30. Mais
plutôt que de se confronter à tous ces nouveaux modèles théoriques (droite nationaliste,
nouvelle droite, droite radicale, droite nationale populiste etc.), nous avons voulu
privilégier le recoupement de ces analyses dans le cas du PAS.
Nous parlons ainsi d' « extrémismes » au pluriel, puisque cette résurgence des
vieux discours d'extrême droit et d'extrême gauche sont présents tout à la fois dans le
même discours et ne permettent pas, il nous semble, de coller une étiquette convenable à
ce genre de mouvement. Nous allons donc essayer de voir où se situe le PAS dans cette
convergence des idées extrémistes, de droite comme de gauche.
Le chef de file de cette idéologie au sein du PAS et bien entendu le célèbre
polémiste Alain Soral, d'abord communiste convaincu, puis ancien membre du Front
National, il est le principal animateur de cette mouvance au sein du parti, substituant
avec malice et beaucoup d'intelligence la cause palestinienne à la cause prolétarienne
qu'il défend depuis toujours. Mais ce qui nous intéresse dans cette section, c’est son
29 TAGUIEFF Pierre-André, op. cit., 2004, p.82.30 PERRINEAU Pascal, « L'extrême droite en Europe : des crispations face à la `'société ouverte''», in PERRINEAU Pascal (ed.), Les croisés de la société fermée. L'Europe des extrêmes droites, Editions de l'Aube, La Tour d'Aigues, 2001, p. 5-10.

18
discours « nationaliste-marxiste », xénophobe par nécessité puisqu'il dénonce sans arrêt
une influence néfaste d'une population étrangère sur la France. En effet, pour lui, le PAS
« est une fois de plus à l'avant-garde » du combat politique :
« Nous nous battons contre cette « espèce d'union sacrée que
l'on pourrait appeler ‘’libéral atlanto-sioniste’’ qui crève les yeux et
qu'on a déguisé de façon malhonnête comme une ouverture à gauche
(...). Une union sacrée qui a pris totalement le pouvoir en France, qui
est en train de détruire le Quai d'Orsay, l'armée française (…). En
fait, la France est entièrement aux mains des sionistes aujourd'hui. »31
On retrouve ici une rhétorique simpliste issue de ses années au Front National,
de ce « combat pour la France »32 : dans une tradition dialectique nationaliste, c'est-à-
dire contre le « mondialisme » ou encore le « cosmopolitisme ». Le PAS revendique le
respect des frontières, qu'elles soient physiques ou idéologiques, puisque la
mondialisation serait au service des grandes puissances occidentales et détruirait
l'identité de chacun en la « noyant dans un grand marché inégalitaire »33. En mettant
l'accent sur la mainmise des « sionistes » sur toutes les composantes de l'État, jusqu'à la
plus régalienne, la plus sacro-sainte, c'est-à-dire les forces armées, Alain Soral ajoute à
son discours une dimension encore plus conservatrice et surtout sécuritaire.
Si tous au sein du parti ne sont pas xénophobes, il y a une tendance lourde à
rejeter l'immigration en bloc puisque c'est elle qui est à l'origine de la
communautarisation, des tensions, de l'exclusion, et surtout de la manipulation et
l'exploitation du « petit Français moyen, tourneur-fraiseur »34 par les grands patrons,
eux-mêmes soudoyés par le lobby sioniste.
Outre cette idée, on retrouve dans le discours du PAS cette vieille rengaine d'un
monde manichéen, où lui-même représente le bien, contre l'ennemi sioniste, le mal.
Lorsque l'on se place dans cette perspective, aucun débat n'est possible, seule la
violence à sa place pour résoudre le problème que connaît le pays. On est donc bien en
31 Interview par le centre Zara d’Alain Soral, 9 août 2009.32 Conférence de presse pour les élections européennes, loc. cit.33 Idem.34 Interview par Thierry Ardisson d’Alain Soral, 9 août 2009

19
présence d'un modèle violent où la fin justifie les moyens, et où les leaders de ce parti
peuvent se permettre de pratiquer ce que David Martin-Castelnau appelle le
« haineusement correcte »35 contre les pilleurs de nation, contre l'hégémonie extérieure,
contre l'impérialisme, etc. Les termes employés pour parler dans la sphère politique sont
des termes de « lutte », de « combat », d' « objectif final », d' « éradication », etc.
Plus concrètement, on retrouve dans la rhétorique du PAS de vieux slogans
d'organisations politiques comme le FNJ (que connaît bien Alain Soral pour y avoir
participé en tant que conseiller en communication), ou encore le GUD, premier
mouvement à avoir fait l'amalgame entre Israël et États-Unis comme comploteurs contre
l'humanité, tout en intégrant une dimension anti-système : « ni gauche, ni droite,
antisioniste !». D'autres groupes viennent alimenter cette nébuleuse d'extrême droite
florissante notamment grâce à l'essor d'Internet. On peut penser à la toute jeune
organisation Renouveau Français, qui dit pratiquer un « nationalisme d'inspiration
contre-révolutionnaire et catholique, visant à défendre les intérêts de la France et des
Français dans tous les domaines »36 ou encore à Égalité & Réconciliation, menée par
Alain Soral, résumant assez bien la synthèse ou la convergence des deux extrémismes
dont se revendique l'écrivain avec la page d'accueil de son site Internet, où sont
regroupés pêle-mêle comme icône Che Guevara, Fidel Castro, Hugo Chavez, Charles
De Gaulle, Mahmoud Ahmadinejad, etc. et avec pour slogan : « gauche du travail et
droite des valeurs : pour une réconciliation nationale »37.
C'est ainsi que l'on peut voir que toute cette « nébuleuse » d'extrême droite
nationaliste, convergente avec une extrême gauche néo-marxiste, tous deux des courants
traditionnels qui resurgissent grâce à Internet en France et à quelques porteurs d'idées
charismatiques, sont clairement à la base idéologique du PAS. Mais son originalité ne
vient pas de ce nationalisme d’extrême droite arrosé d'une sauce prolétarienne d'extrême
gauche. Elle puisse ses ressources dans un nouveau courant de pensée antimondialistes,
née dans les années 70 avec les événements de mai 69 et la guerre des six jours en
Israël, et qui renaît depuis les années 2000 et la seconde intifada en France. Il s'agit de
l'antisionisme islamiste ou tout du moins propalestinien.
35 MARTIN-CASTELNAU David, les francophobes, Paris, Fayard, 2002, p.135 à 166.36 Page d'accueil du site Internet : http://www.renouveaufrancais.com/.37 Page d'accueil du site Internet, en annexe 2 : http://www.egaliteetreconciliation.fr/.

20
§2 : L’antisionisme islamiste et propalestinien.
Sans plonger tout de suite dans la dénonciation facile des écueils du discours
antisémite de l'extrême droite, nous devons relever avant tout ce qui fait la base du
discours du PAS : l'« anti-atlantisme post seconde guerre mondiale » et ses
répercussions sur l'État d'Israël. Le PAS revendique en effet son idéologie en filiation
directe avec les idées du Général de Gaulle qui, dans un discours fondateur pour le
PAS38, semble selon les cadres du parti expliquer ce qu'est le sionisme et pourquoi
celui-ci deviendra dangereux. C'est là le point de départ de convergence entre la
nébuleuse extrémiste que nous avons dégagée plus haut et l'antisionisme islamiste. Une
convergence d'ailleurs très bien représentée par la présence de Jean-Marie Le Pen,
leader de l'extrême droite française avec le FN, aux divers rassemblements du centre
Zahra France39 dont le « but est de faire connaître le message de l'Islam à travers le
regard du Prophète et de sa famille »40.
Le leader du Front National a rappelé à ces occasions qu'il a toujours été un
« ami de l'Iran (…), c'est-à-dire du côté des Nations libres et qui n'acceptent pas le
diktat d'autres pays » et qu'il était « scandalisé de voir que dans un grand silence de
l'opinion mondiale (…) on écrasait ce petit pays [la Palestine], Qui est un véritable
camp de concentration, où les gens ne peuvent ni entrer ni sortir. Et qu'une armée
moderne avec une aviation, des blindés etc., traitait ce pays de manière parfaitement
inhumaine ».
Les nombreuses prises de position de Jean-Marie Le Pen depuis quelques années
concernant le Moyen-Orient et le monde arabo-musulman conforte ainsi son image de
défendeur des nations fasse au mondialisme et au nouvel ordre mondial que voudrait
imposer « l'axe américano-sioniste ». Sur ce sujet, Taguieff rappelle dans son livre une
anecdote assez révélatrice ; celle de l'appel de Kamal Khan sur Radio Islam en 2002,
appelant tous les musulmans a voté pour Jean-Marie Le Pen en ces termes :
38 Discours en vidéo et en texte sur le site du PAS et reproduit en annexe 3.39 Présence notamment lors de la cérémonie fêtant le 30e anniversaire de la révolution islamique d’Iran à Paris : http://www.dailymotion.com/video/x8c5s5_la-verite-du-president-le-pen-inter_news .40 Voir le site Internet http://www.centre-zahra.com/ .

21
« M. Le Pen n'est pas raciste. C'est un Français qui lutte pour
libérer la France de la domination juive - comme vous luttez pour
libérer vos pays de cette occupation -, ce qui est normal. M. Jean-
Marie Le Pen milite pour liquider les forces du mal qui veulent
asservir la France comme elles ont asservi la Palestine et de
nombreux autres États. »
On arrive donc sans mal à faire le lien entre les propositions d'extrême droite
nationaliste, protectrice de la nation française contre « l'envahisseur américano-sioniste
», et des groupes d'intérêts islamiques dénonçant les conditions de vie en Palestine et
plus largement le colonialisme ou le ségrégationnisme israélien. D'où ce slogan lancé
par le GUD en 2002 : « à Paris comme à Gaza, intifada ! », repris depuis par plusieurs
organisations que l'on qualifierait plutôt « de gauche » pour organiser des
manifestations partout en France, à l'effigie des drapeaux du Hamas ou du drapeau
palestinien. Il ne s'agit pas ici comme le font certains auteurs de dénigrer cette cause
palestinienne. Bien au contraire, nous sommes conscients de son importance et du rôle
du gouvernement israélien dans le malheur de ce peuple. Ce qui nous intéresse ici est de
savoir comment certaines organisations ont récupéré cette cause pour l'importer en
France et en faire un cheval de bataille « antisioniste absolu », c'est-à-dire « fondée sur
un amalgame polémique entre juifs, Israéliens et sionistes »41.
Certaines organisations ne franchissent en effet jamais le pas de cet amalgame
est, profondément touchés par la situation de la Palestine, arrêtent leurs critiques au seul
gouvernement israélien en place et à ses membres extrémistes, demandant à la
communauté internationale d'agir rapidement. Ce fut le cas en 2004 avec la liste Euro-
Palestine aux élections européennes. Cette même liste qui, quelque temps après les
élections, se voit « désolé que Dieudonné préfère la fréquentation des Alain Soral et
Ginette Skandrani à celle d’Euro-Palestine, fréquentations qui (…) pesaient
particulièrement comme nous le lui avions fait savoir à plusieurs reprises »42. On
s'aperçoit déjà des mouvements qui sont en train de s'opérer entre Dieudonné l’anti-
communautaire de gauche, Alain Soral le nationaliste-néomarxiste et Ginette Skandrani,
propalestinienne convaincue d'extrême gauche, ancienne fondatrice des verts exclus
41 TAGUIEFF Pierre-André, 2002, op. cit., 2004, p.12-13.42 Communiqué Euro-Palestine/CAPJPO, « Dieudonné sur une pente très glissante », 29 octobre 2004.

22
pour avoir tenu des propos antisémites. Aujourd'hui, elle s'occupe d'une organisation
propalestinienne, farouchement antisioniste, Entre la plume d'enclume, destiné à « taper
sur les sionistes jusqu’à plus soif, à l’endroit, à l’envers, d’en haut, par en dessous, de
travers, en les retournant dans tous les sens »43.
Encore une fois, on ne reprochera pas à des journalistes de dénoncer l'horreur
des conditions en Palestine. Ce que nous relevons sera plutôt l'« opposition
manichéenne massivement diffusée : les victimes innocentes (arabe - palestiniens)/les
bourreaux sanguinaires (juifs - Israéliens) »44 et la propagande qui s'ensuit autour
d'amalgames, dans le discours autant que dans les images (nous le verrons dans la
deuxième partie consacrée à la stratégie médiatique du PAS). Tous ces propos ayant été
censurés et les sites où elle s'exprime interdits en France, il est pourtant très difficile de
dégager le vrai antisionisme du vrai antisémitisme dans le discours propalestinien de
Ginette Skandrani. Les seules sources de méfiance viennent de ses fréquentations, celles
qui ont poussé les Verts à lui faire quitter le bureau, notamment des négationnistes des
camps de la mort reconnus comme tels depuis longtemps : Roger Garaudy, Serge Thion,
Mondher Sfar, Pierre Guillaume, Robert Faurisson ou encore Maria Poumier. Tous se
défendent d'être négationnistes et demande seulement « un seul État démocratique en
Israël-Palestine sans la barbarie de ce soi-disant peuple élu »45.
Concernant cette dérive de l'antiracisme vers le racisme, Alain Finkielkraut croit
déceler une espèce de « transfert mécanique d’imputation » où « le véritable auteur de
tout acte délictueux commis par un dominé est, et il ne peut être, que le système de
domination »46. Une explication abrupte, mais qui semble éclairante dans le cas de
certains antisionistes absolument convaincus du mal que peut faire l'axe « sioniste -
Israéliens - peuple élu - juifs ». Ces penseurs d'extrême gauche ou d'extrême droite qui
prenne en bloc une réalité historique, celle de la condition palestinienne en Israël, et qui
en font une icône, une « image-martyr », pour justifier leur discours sur l'éradication
d'un pays ou d'un peuple. Le seul principe structurant des relations internationales est
alors pour eux celui d'une destruction d'Israël, nation construite de toutes pièces par les 43 Profession de foi sur le site Internet http://www.plumenclume.net/. 44 TAGUIEFF Pierre-André, La nouvelle Judéophobie, op. cit., p.93.45 Ginette Skandrani, au théâtre de la main-d'œuvre, conférence sur le reportage de MUKUNA, 13 FÉVRIER 2010.46 BRAUMAN Rony et FINKIELKRAUT Alain, LÉVY Elisabeth, La Discorde : Israël-Palestine, les Juifs, la France, Flammarion, 2008, p.266.

23
occidentaux dans un pays déjà habité par un peuple, sous prétexte de réparation d'un
dommage causé (la Shoah). De ce principe, jamais appliquée par l'ONU - ou par
quelque autre partenaire influent sur la scène internationale, découle incidemment celui
de « résistance à l'oppression, pensé comme droit fondamental »47. Cette
« palestinophilie néo-gauchiste », comme la nomme Taguieff, est loin d'être une
faiblesse de cœur et se base sur la réalité des faits, mais emporte avec elle quelques
lacunes de compréhension dans un monde aussi complexe. À la suite de l'Abbé Pierre
qui déclarait en 1991 : « je constate qu'après la constitution de leur État, les Juifs, de
victimes, sont devenus bourreaux »48, nombreux furent les hommes de gauche à se saisir
du problème palestinien dans ce qu'il a de plus tragique, en accusant Israël de tous les
maux de l'humanité. Ce discours peut même, à l'extrême, devenir caricatural et desservir
la cause des palestiniens. Magyd Cherfi, le leader du groupe Zebda, rappel ainsi dans
une interview :
« On avait surtout compris que crier: «Vive la Palestine!»,
c’était devenir un héros. On avait un public acquis d’avance. Il y a
des causes, dans un milieu d’extrême-gauche, qui te rendent
intouchables. La Palestine, les beurs, ça crée parfois l’unanimité (…).
Il y a des juifs aux motivé-e-s. Ils sont plus propalestiniens que les
Arabes, comme s’ils se sentaient responsables... En général, les
copains français, gauchistes, sont plus radicaux que les beurs. Nos
potes juifs sont des marginaux par rapport à la communauté juive
officielle. Celle-là, je ne la connais pas. Je n’ai pas spécialement
envie aujourd’hui d’aller dialoguer avec les juifs, de jouer au jeu de
l’échange judéo-beur…»49.
Cette pensée d'extrême gauche est en totale adéquation avec un discours
islamiste éradicateur, purificateur, porté en France par quelques associations telles que
le Centre Zahra France ou encore la Fédération des Chiites de France, deux formations
assez discrètes dans le paysage politique, mais qui opèrent un réel travail de fond,
notamment auprès des jeunes musulmans de banlieue dans le nord de la France. Mais il 47 Brauman Rony, in Retour de Palestine. Campagne civile internationale pour la protection du peuple palestinien (ouvrage collectif), Paris, Mille et une nuits, 2002, préface.48 Interview de l'Abbé Pierre, La vie, 29 mars 1991.49 CHERFI Magyd, « On n'aimait pas les juifs, sauf ce qu'on connaissait... », Le Nouvel Observateur, n° 1942, 24-30 janvier 2002. http://hebdo.nouvelobs.com/sommaire/dossier/047591/on-n-aimait-pas-les-juifs-sauf-ceux-qu-on-connaissait.html.

24
s'agit aussi pour la plus éclectique d'entre elles, le Centre Zahra France, d'organiser des
manifestations regroupant tous les lobbys ou les groupes d'intérêts autour de la question
palestinienne, de la défense et de la glorification du régime iranien ou encore de
l'altermondialisme français. Deux exemples de ces organisations, de ces groupes
d'intérêts, tous deux dirigés par un futur fondateur du PAS, Yahia Gouasmi, qui est
devenu aujourd'hui le principal animateur de ces organisations sur Internet. Ce même
Gouasmi qui, en voyage à Téhéran pour fêter le 30e anniversaire de la révolution
islamique d’Iran, déclare dans une interview d'une chaîne télévisée iranienne : « les
occidentaux ne sont pas libres. Ils sont dans une prison. La prison du
sionisme (…) demain, l'Iran sera le symbole de toute l’humanité et Israël la malédiction
»50. Le lendemain, il se rend à Téhéran, sur la place d’Azadi, où a lieu la plus grande
manifestation de soutien au régime et à la révolution islamique, et surenchérit sur la
chaîne de télévision Sahar : « un jour viendra où le monde changera et c'est à partir de
Téhéran que les choses vont changer. Dieu a voulu pour changer le monde nous
ramener cet islam vivant de notre bien-aimé prophète »51.
En conclusion, on attirera l'attention sur la multiplicité des sphères de pensée
étudié (intellectuels, artistiques, politiques, confessionnelles...), sur leurs hétérogénéités,
sur leurs nombreuses sources, sur leurs différences profondes dans la manière d'entrer
dans le problème sioniste. C'est pour toutes ces raisons que nous avons appelé cette base
idéologique qui servira plus tard, directement ou indirectement, à la construction du
PAS, une « nébuleuse idéologique ». Il s'agit en effet d’un objet difficilement
identifiable en tant que tel, puisque il est construit par une multitude d'éléments très
diffus et discrets lorsqu'ils sont étudiés séparément. Mais, en prenant du recul, on
s'aperçoit que l'on peut étudier ce « corps céleste » en essayant de recouper ses
éléments, leur composition idéologique, et les traces qu'il laisse dans notre espace
politique. Ici, avec des compositions aussi hétéroclites que des nationalistes d'extrême
droite antimondialistes, des humanistes propalestiniens de gauche, des islamistes
radicaux s'élevant contre la domination judéo-chrétienne dans le monde, on a à faire à
une constellation d'idées qui gravitent autour d'un seul concept, celui de l'antisionisme.
50 Interview donnée à la chaîne IRINN (Islamic Republic of Iran News Network), 09 février 2009.51 Yahia Gouasmi, Sahar TV, Téhéran, place d’Azadi, 10 février 2009.

25
Section 2 : La filiation avec un certain antisionisme international.
Il est très dur de remonter à la source de cet antisionisme international. Après la
grande crise que connut la communauté juive à la fin du XIXe siècle et au début du
XXe siècle, puis avec l'épisode tragique des camps de concentration et des camps de la
mort, il devient « difficile » de continuer à dénigrer ce peuple par le discours antisémite
traditionnel. Ce discours, très ancrée en Europe et en Union soviétique à l'époque, a dû
trouver d'autres moyens de s'exprimer. Avec la création de l'État d'Israël en 1948, sous
la direction de l'ONU, les réticences commencent à se faire entendre dans la sphère
internationale et beaucoup de voix vont s'élever pour critiquer la politique mise en place
par le gouvernement israélien jusque dans les années 70. C'est là que sont apparus pour
la première fois les critiques contre les juifs avec certaines « précautions rhétoriques
pour les désigner comme les ennemis de l'humanité en marche vers un monde
meilleur »52.
Depuis 1975, et la résolution 3379 de l'Assemblée générale des Nations unies
condamnant le sionisme comme « une forme de racisme et de discrimination raciale »53,
la synthèse reconnue entre sionisme et racisme permet de perpétuer la propagande
extrémiste de l'ennemi juif. Sur cet amalgame, il est d'ailleurs intéressant de se pencher
sur le livre de Joël et Dan Kotek sur les nouvelles caricatures antijuives dans le monde
depuis la seconde intifada, c'est-à-dire les années 2000. On y trouve toutes les vieilles
recettes de l'antisémitisme d'après seconde guerre mondiale, mélangé avec l'actualité du
« sionisme », le tout dans un mélange d'amalgames odieux et d'anathèmes récurrents
autour du peuple juif : nazisme, racisme, banquiers escrocs, colonisateur, apartheid,
génocide, croix gammées sur drapeau israélien, voilà quelques exemples que l'on peut
trouver dans cette étude étonnante54 et qui sont issus de l'idéologie antisioniste (et ici
clairement antisémite) internationale.
52 TAGUIEFF Pierre-André, Prêcheur de haine, op. cit., 2004, p.15.53 Résolution 3379 de l’Assemblée générale de l’ONU, votée le 10 novembre 1975. Elle sera abrogée le 16 décembre 1991, avec la résolution 46/86, par ces quelques mots : « THE GENERAL ASSEMBLY, DECIDES to revoke the determination contained in its resolution 3379 of 10 November 1975 ».54 KOTEK Joël et Dan, Au nom de l'antisionisme : L'image des Juifs et d'Israël dans la caricature depuis la seconde Intifada, Complexe, 2005.

26
Qu'elle soit radicale, absolue, ou simplement de bonne foi, cet antisionisme
international a nourri les nombreux discours et l'idéologie du PAS, qui s’en revendique
très largement. Nous allons notamment voir les plus importantes références qui sont
invoquées.
§ 1 : Les juifs antisionistes.
A. La controverse politico-religieuse originelle.
Il convient ici de commencer par le début et de remonter aux origines du
sionisme et de la création d'Israël. La théorie à l'origine du sionisme et celle de
Théodore Herzl (1860-1904), journaliste et écrivain juif autrichien, qui fonda cette
théorie politique au Congrès de Bâle en 1897. Il est l'auteur de Der Judenstaat (« L'État
des Juifs ») en 1896 et il est le principal fondateur du Fonds national juif pour l'achat de
terres en Palestine. Cette théorie s'articule autour de trois points fondamentaux :
1. L'existence d'un peuple juif, Peuple élu selon les écrits de la Torah.
2. L'incapacité des autres peuples a accepté ce peuple juif parmi eux et
son corollaire, c'est-à-dire l’impossibilité pour les juifs de s'assimiler
avec d'autres populations.
3. La conséquence des deux derniers points : la nécessaire création d'un
État juif, à l'emplacement de la Terre sainte d'où ils ont été exilés :
« tout roule sur la force motrice. Et qu'est cette force? La détresse
des Juifs »55.
Cette théorie se base sur les écrits saints juifs, en apparence du moins, car dès sa
parution, certains intellectuels et religieux juifs orthodoxes s'élèvent contre ce projet,
qu'ils jugent être une utopie laïque en contradiction avec l'esprit des écritures. Deux des
plus célèbres d’entre eux, Rabbi Yoel Teitelbaum56 (1887-1979) et Rabbi Elchonon
Wasserman (1875-1941), furent les premiers à dénoncer toute forme de sionisme en se
basant directement sur une autre interprétation de la Torah. Là où Théodore Herzl croit
en la volonté de l'homme pour rétablir le peuple juif sur sa terre, les deux rabbins 55 Herzl Theodore, Der Judenstaat, Herzl Press, 1896, préface.56 Son livre, Vayoel Moshe, Brooklyn, New York, Jérusalem Book Store, 1985, écrit en 1958, est considéré comme le texte fondateur de la théorie juive antisioniste.

27
orthodoxes croient au contraire que la pérennité du peuple juif passe par la volonté de
Dieu et de son messie. Ainsi, on ne peut pas pousser le destin religieux d'un peuple par
de simples politiques humaines. Ils ne remettent pas en cause l'existence du Peuple élu
mais insiste sur le fait que celui-ci peut très bien s'assimiler avec d'autres peuples
puisque c'est Dieu qui les a disséminés dans le monde. Toute tentative de contrecarrer le
projet divin est une offense et doit conduire à la destruction de l'identité juive.
B. Construction d'une idéologie juive antisioniste.
La controverse religieuse originelle va nourrir les débats jusqu'en 1948, date de
la création d'Israël, et voir la théorie sioniste s'imposer en 1967 avec les premières
colonisations massives des territoires palestiniens. Mais toute une frange de religieux et
d'intellectuels juifs orthodoxes continuent aujourd'hui de dénoncer « la putréfaction
intérieure que le sionisme a injectée dans l'âme juive »57.
Le chercheur juif canadien Yakov M. Rabkin, professeur titulaire au
département d’histoire de l’Université de Montréal, insiste sur l'éloignement, à l'origine,
des fondateurs du sionisme avec le judaïsme : le sionisme serait issu de la sécularisation
des juifs d'Europe, au XIXe et XXe siècle, et de l'envie de fonder une Nation (au sens
politique du terme) où s'arrêteront les persécutions. Le sionisme serait donc avant tout
un projet politique qui cherche à se camoufler derrière une image religieuse. Ainsi, pour
Élie Barnavi, « le sionisme fut une invention d'intellectuels et d'assimilés, ce ‘’parti de
l'intelligence’’ qui a tourné le dos aux rabbins et aspire à la modernité, et qui recherche
à corps perdu un remède à son mal de vivre »58.
À partir de ce constat va se cristalliser l'antisionisme juif, surtout dans les pays
occidentaux, en Europe et aux États-Unis, puisque « les adversaires judaïques du
sionisme sont souvent absents de l'historiographie d'Israël (…). La grande majorité des
histoires du pays écrite en Israël et ailleurs ne faisant aucune référence à la résistance
rabbinique »59. La résistance au sionisme et au colonialisme israélien va se structurer
57 RABKIN Yakov M., Au nom de la Torah. Une histoire de l'opposition juive au Sionisme, Presses de l’Université Laval, Montréal, Canada, 2004, p. XIV.58 BARNAVI Élie, « Sionismes », in BARNAVI Élie et FRIEDLÄNDER Saul, Les juifs et le XXe siècle - dictionnaire critique, Calmann-Lévy, Paris, 2000, p.218.59 RABKIN Yakov M., op. cit., p.11.

28
autour de ces intellectuels et de ses rabbins orthodoxes, qui seront à la base de groupes
d'intérêt faisant connaître leur théorie à travers le monde. C'est le cas notamment des
juifs orthodoxes antisionistes du mouvement Neturei Karta, proche aujourd'hui du PAS,
qui demande la liberté pour la Palestine et la fin de l'occupation des territoires occupés
par l'Etat d'Israël, au nom de la Torah et des préceptes de Dieu :
« L'établissement d’un Etat en Palestine est une chose qui
viole la Torah, la loi religieuse juive. Il contredit les dispositions
s’agissant des punitions et de l’exile décrétés par Dieu à l’époque du
Temple. L’établissement de l’État sioniste contredit la volonté de Dieu
en cherchant un remède matériel à une condition spirituelle. Nous
déclarons que le peuple palestinien a le droit à sa patrie ; ainsi que le
droit à la restitution monétaire pour les dommages et les pertes
infligés.
Les réfugiés palestiniens ont le droit de retourner à leur
patrie, la Palestine historique, aussi tôt que possible. »
En attendant la rédemption et le geste de Dieu pour redonner aux juifs un
territoire de vie, il faut accepter la diaspora à travers le monde, qui est source
d'enrichissement pour tous les juifs et qui est le seul moyen de les mettre à l'abri de
l'antisémitisme, contrairement à ce qui est affirmé dans L’Etat Juif où Théodore Herzl
explique que « les peuples chez lesquels habitent des Juifs sont, sans exception,
ouvertement ou honteusement antisémites »60. En France, le principal soutien de la liste
antisioniste sera un rabbin orthodoxe, Schmiel Borreman, militant belge du mouvement
d'association d'études rabbiniques Yechouroun, dénonçant lui aussi la création de l'État
d'Israël comme étant anti-judaïque. En ce qui concerne la politique française, il critique
la « main basse du sionisme sur les partis et les institutions de France » ainsi que
« l'hystérie agressive du CRIF et autres organisations sionistes, non représentatives du
judaïsme ni de l'ensemble des citoyens juifs français »61. Il est ainsi le faire-valoir du
PAS contre les accusations d'antisémitisme. A la question maligne d'un reportage de
France 2 qui lui demande : « vous êtes pour une alliance des chrétiens et des
musulmans ? Mais contre qui alors ? », Gouasmi répond tout aussi habilement : « contre
60 HERZL Theodore, « considérations générales - la question juive », Der Judenstaat, op. cit., p.3.61 BORREMAN Schmiel, Appel à voter pour la liste antisioniste : http://www.dailymotion.com/video/x93u1m_avec-la-liste-anti-sioniste_news.

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le sionisme bien-sûr. Nous avons déjà une alliance, vous pouvez regarder et vous
documentez, une alliance avec les juifs contre le sionisme »62. Le rabbin Borreman fera
même parti de l'affiche de la campagne électorale aux côtés de Dieudonné, Gouasmi et
Soral (voir annexes 5).
Cette base religieuse sera très importante dans le discours et dans la
représentation du PAS, multipliant les apparitions avec ces mouvements juifs
orthodoxes antisionistes. Et contrairement à ce qu'ont pu affirmer des intellectuels
comme Taguieff, Finkielkraut, ou encore Henri-Lévy, cet antisionisme juif ne semble
pas ressortir d'une « haine de soi », de « lâcheté », de « faiblesse d'esprit », de « honte
de leurs origines », « d'anticonformisme » etc. Ces accusations manquent en effet de
subtilité lorsque l'on regarde la construction théorique de cette idéologie qui s'est forgée
pas à pas, à travers les siècles et des auteurs savants, par une certaine interprétation du
Talmud. L'agressivité de cette « nouvelle vague d'intellectuels » juifs envers leurs
compatriotes qui critiquent l'État d'Israël semble plus relever de l'émotion que de la
raison. C'est ce que nous avons essayé de prouver dans les paragraphes précédents en
cherchant les raisons profondes de l'antisionisme de certains orthodoxes juifs plutôt que
de camper sur des positions psychanalytiques faciles et sans fondements.
Au-delà de cette conception religieuse de l'antisionisme juif, plusieurs
chercheurs et intellectuels juifs ont essayé de donner une critique politique du sionisme.
C'est le cas notamment du politologue américain renommé Norman G. Finkelstein, dont
le cheval de bataille est le combat contre les « groupements sionistes » aux États-Unis,
qui, s'appuyant sur la mémoire de la Shoah en tant que génocide unique dans l'histoire
de l'humanité, profiteraient de cette position pour en retirer des avantages, notamment
une domination morale mais aussi des bénéfices financiers de réparation des dommages
causés pendant la seconde guerre mondiale63. Finkelstein s’attache bien à différencier
l'holocauste, fait historique avéré qu'il ne nie pas (d'autant plus qu’il est lui-même
descendant d'une famille exterminée dans les camps de concentration), et l’Holocauste
62 Interview réalisée par France 2 le 25 mai 2009, http://www.partiantisioniste.com/videos/titre/33-elections-europeennes-interview-de-m-yahia-gouasmi-par-france-2.html. 63 « Our present interpretation of the Holocaust has been deliberately devised by American Jewish groups for purposes of ethnic supremacy, political advantage and financial gain ... In more recent years, the Holocaust industry has effectively turned into a shake-down racket in which more and more countries throughout Europe are being bludgeoned into coughing up compensation. » FINKELSTEIN Norman G., The Holocaust Industry - Reflections on the Exploitation of Jewish Suffering, Verso, 2001, p.36

30
avec un grand H, « industrie de la mémoire » utilisée par le sionisme pour faire
pression. C'est ce « dogme de l'unicité », qui sera repris plus tard par Dieudonné et le
PAS, que le chercheur américain combat car selon lui « ce dogme n'a aucun sens.
Fondamentalement tout événement historique est unique, ne serait-ce que pour des
raisons de lieu et de temps, et tout événement historique a des éléments qui le
rapprochent et le distinguent d'autres événements historiques. Quel autre événement
historique y a t-il qui soit essentiellement considéré en fonction de son unicité
catégorique ? Les caractères distinctifs de l'Holocauste sont soulignés pour pouvoir le
classer dans une catégorie absolument à part. Mais on n'explique jamais pourquoi les
nombreux aspects qu'il partage avec d'autres événements doivent au contraire être
tenus pour triviaux »64.
C'est cet argument que développera plus tard Dieudonné sur ses scènes de
spectacle et dans ses interviews politiques, notamment à Alger en 2005 (annexes 8) ou
l'humoriste parle « de pornographie mémorielle », reprenant l'expression d’Edith Zertal
dans la version anglaise de son livre65, pour dénoncer tout le tapage fait autour de
l'Holocauste et la manipulation du peuple par ce sentiment de culpabilité. Cette
manipulation serait organisée par le CRIF, « organe d'inquisition », qui contrôle tout ce
que disent les gens. Dieudonné prend ainsi à la fin de l'interview l'exemple de son ami
Djamel, qui le soutient en privé mais pas en public, preuve pour l'humoriste antillais du
bâillonnement dont il fait preuve.
§2 : Les mouvements antisionistes du Moyen-Orient.
Nous allons voir dans ce paragraphe l'influence exercée par certaines
organisations antisionistes du Moyen-Orient sur l'idéologie naissante du PAS. Pour
éviter de brouiller les pistes, nous nous consacrons uniquement aux mouvements dont se
revendiquent directement le leader du parti, c'est-à-dire les organisations paramilitaires
de Palestine et l'idéologie antisioniste iranienne.
64 FINKELSTEIN Norman, L’industrie de l’holocauste, reflexion sur l’exploitation de la souffrance des juifs, La Fabrique, Paris, 2001, p.44 et suiv.65 Idith Zertal, La nation et la mort - La Shoah dans le discours et la politique d'Israël, La Découverte, 2008.

31
A. Les organisations paramilitaires du Moyen-Orient.
La base antisioniste la plus radicale qui vient alimenter le parti antisioniste se
trouve dans la politique de certaines organisations paramilitaires du Moyen-Orient.
Stigmatisant une politique israélienne dans des termes comme « colonialiste », « régime
d'apartheid », « impérialiste », « génocidaire », ces organisations vont baser leur combat
sur un seul principe fondamental : l'éradication de l'État juif par la résistance66.
1. Les mouvements palestiniens sous Yasser Arafat.
Le Fatah (ou Mouvement de Libération de la Palestine) est fondée par Yasser
Arafat en 1959. C'est la première organisation clandestine, « laïque et politiquement
neutre » à appeler à la lutte contre l'État d'Israël dans le but final de « libérer tout le
territoire palestinien de l'entité sioniste ». L'objectif final est de pouvoir créer un État
palestinien indépendant et démocratique où tous les citoyens seraient égaux. C'est le
début de la rhétorique antisioniste/antisémite des organisations islamistes en Palestine.
Quelques années plus tard, en 1964, l'Organisation de Libération de la Palestine
(OLP) voit le jour, avec un objectif différent de celui de la création d'un État palestinien
puisqu'elle revendique la lutte pour la « libération de la Palestine dans le cadre plus
vaste de l'avènement d'une République arabe ». Après les événements de 1967,
l'organisation décide d'entrer dans la lutte armée contre Israël. C'est le début d'une
longue série d'attentats au Moyen-Orient et surtout de la doctrine antisioniste de l'OLP,
proclamée dans sa charte en 1968 (voir Annexe 6). En ce qui concerne le peuple juif, la
charte contient deux éléments primordiaux. Tout d'abord, seuls les juifs sur le sol
palestinien depuis 1917, c'est-à-dire ceux « qui demeuraient en Palestine jusqu'au début
de l'invasion sioniste », pourront être considérés comme palestiniens (article 6). Puis, la
charte insiste sur le fait que « les Juifs ne constituent pas une nation unique avec son
identité propre ; ils sont citoyens des états auxquels ils appartiennent » (article 20),
dénonçant ainsi la constitution d'un État juif fondé sur le sionisme. Au contraire, le
peuple palestinien peut prétendre à un État puisque son identité est « authentique,
essentielle et intrinsèque » (article 4). Enfin, l'article 15 est le plus intéressant en ce qui 66 Certains parleront de « terrorisme islamiste », mais nous ne prendrons pas parti sur cette question-là, jugeant que ce type de qualification doit se faire à la lumière de l'histoire et non pas sur des considérations émotionnelles d'une « histoire à courte vue ».

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nous concerne puisqu'il dispose que « la libération de la Palestine (…) est un devoir
national et vise à repousser l'agression et l'impérialisme sioniste contre le foyer arabe,
et vise à l'élimination du sionisme de la Palestine ». En disposant ainsi, et en insistant
sur le fait que « la partition de la Palestine en 1947 et l'établissement de l'état d'Israël
sont entièrement illégaux » (article 19), l'OLP refuse de reconnaître l'État d'Israël et le
tient pour seul responsable de l'état actuel de la Palestine. L’impérialisme sioniste,
gangrène pour les peuples arabes, doit être éradiqué par tous les moyens, notamment la
violence et la lutte armée. Ce discours structuré dans une charte se retrouve
fréquemment dans le discours du PAS qui s'en sert comme une déclaration de bonne foi
et s'appuie dessus comme un texte primordial dans le droit international.
2. Le Hamas (Mouvement de R ésistance I slamique) et les Frères Musulmans
Le mouvement des Frères Musulmans a été fondé en Egypte dans les années 20.
Après la Guerre des six jours en 1967, elle décide de mener des actions en Palestine,
notamment dans la bande de Gaza. Alimenté par la rage des nationalistes palestiniens
islamistes, bénéficiant de moyens financiers et matériels importants de la part de pays
arabes étrangers (notamment l'Arabie Saoudite), elle s'impose peu à peu dans le paysage
comme « un mouvement sociétal ne visant pas à conquérir le pouvoir, mais à
transformer la société »67. Issu de ce mouvement, le centre islamique de Gaza est crée
en 1973 et dirigées par le cheikh Ahmed Yassine. Après la première intifada de 1987, le
mouvement se radicalise sous l'influence des nationalistes palestiniens et ces derniers
décident de se lancer dans la lutte sans merci contre Israël. Cette période marque l'acte
de naissance du Hamas qui adopte sa charte constitutive68 le 18 août 1988, entérinant
dans le texte sa filiation directe avec le mouvement des Frères Musulmans et ses
objectifs finaux : l'éradication d'Israël et du sionisme sur les terres de la Palestine, puis
la création d'un État palestinien indépendant respectant la loi de la charia. La charte
constitutive du mouvement est de loin la plus radicale contre le sionisme, et fait même
parfois preuve d'un antisémitisme avéré, caché sous des considérations historiques ou
religieuses.
67 FRANÇOIS-PONCET Jean et CERISIER-ben GUIGA Monique, au nom de la commission des affaires étrangères, rapport d'information du Sénat, n° 630 (2008-2009), 25 septembre 2009, « le Moyen-Orient à l'heure nucléaire », p.29-30 : http://www.senat.fr/rap/r08-630/r08-63013.html.68 Charte du Hamas publiée en 1988 (traduction de Jean-François Legrain, chercheur au CNRS) http://www.gremmo.mom.fr/legrain/voix15.htm

33
On peut lire ainsi à l'article 32 : « le plan sioniste n'a pas de limite ; après la
Palestine, ils ambitionnent de s'étendre du Nil à l'Euphrate. Lorsque ils auront
parachevé l'assimilation des régions jusqu'aux quelles ils seront parvenus, ils
ambitionneront de s'étendre plus loin encore, et ainsi de suite. Leur plan se trouve dans
les Protocoles des Sages de Sion. » L'utilisation de ce faux célèbre censé décrire le plan
d'un complot juif international est le principal document de propagande antijuive du
XXe siècle dans lequel les juifs incarnent l'ennemi absolus, assoiffés de sang et
mystiques, déployant leurs mains agiles sur la planète entière69. Aujourd'hui, cette
conspiration juive internationale s'est peu à peu transformée dans le discours en complot
sioniste mondial. L'article 22 est encore plus révélateur et se rapproche grandement des
déclarations faites par quelque leader du PAS :
« Grâce à l'argent, ils [les juifs] règnent sur les médias
mondiaux, les agences d'informations, la presse, les maisons d'édition,
les radios, etc. Grâce à l'argent, ils ont fait éclater des révolutions
dans différentes régions du monde pour réaliser leurs intérêts et les
faire fructifier. Ce sont eux qui étaient derrière la révolution
française, la révolution communiste. […] Ils ont obtenu la déclaration
Balfour et ont jeté les bases de la Société des Nations pour gouverner
le monde à travers cette organisation. Ce sont eux qui étaient derrière
la Seconde Guerre mondiale, qui leur a permis d'amasser d'énormes
profits grâce au commerce du matériel de guerre. Ils ont préparé le
terrain pour l'établissement de leur État et ce sont à leurs instigations
qu'ont été créés l'ONU et le Conseil de sécurité pour remplacer la
Société des Nations, afin de gouverner le monde à travers eux ».
Le chef du Hamas ne sont pas en reste avec cette idéologie antisémite et
continuerons dans cette direction jusqu'au début du XXIe siècle. En 2003, Abd Al-'Aziz
Al-Rantisi, cofondateur du Hamas et porte-parole médiatique, écrit un article exalté où
il explique une de ses théories sur le sionisme :
69 Pour une explication plus complète, voir Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion: Faux et usages d'un faux, Fayard, 2004.

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« The Zionists, who excel at false propaganda and misleading
media, have had phenomenal success in changing the facts. To do this,
they relied on the rule of lie and lie until everyone believes you. They
have managed to present themselves to the world as the only victims
of the Nazis, excelling at misleading until they turned the greatest of
lies into historical truth. I do not mean that they have succeeded in
misleading the West and making it believe in the false Holocaust, but
that they succeeded in persuading the Western world of the need to
market these lies. The West is convinced of this because its interests
intersect with those of the Zionist enterprise. »70
Nous n'irons pas plus loin dans le décryptage de la charte du Hamas et de
l'idéologie de ses dirigeants, ces quelques lignes peu équivoques quant à leur nature
antisémite et négationniste résumant assez bien la haine que nourrit ce mouvement
islamiste envers l'État d'Israël et les juifs. Ce qui est plus inquiétant, c'est de voir
qu'aujourd'hui encore, en France, des hommes politiques soutiennent ouvertement les
positions de cette organisation qu'ils jugent avec clémence comme simple « mouvement
de résistance ». Pire encore, la liste de Dieudonné, Gouasmi et Soral, a déclaré « avoir
le soutien du Hamas et du Hezbollah » lors de la présentation de la liste au Théâtre de la
main d'or. Certainement issu d'une « blague », pour « glisser une quenelle » aux
journalistes, Dieudonné ne cessera de faire référence au Hamas et au Hezbollah, sur la
scène politique mais aussi sur la scène de ses spectacles, bien que des membres du
Hamas aient très vite démenti l'information : « Nous ne connaissons pas ces gens-là.
Nous n’avons même pas connaissance de l’existence de cette liste. Nous militons certes
contre le sionisme, dont l’objectif est de nous chasser de nos terres, mais nous n’avons
jamais accordé notre soutien à cette liste. Nous en profitons d’ailleurs pour réaffirmer
que nous ne luttons pas contre les juifs, mais contre l’occupant israélien et contre tous
ceux qui emploient la terreur pour nous transformer en réfugiés »71. Mais quelques
mois plus tard, Dieudonné et Gouasmi s’envole pour l'Iran, où ils affirment avoir parlé
entre autres avec le chef du Hezbollah, photos de la rencontre à l’appui (voir annexes 7
»). L'Iran, dont l'idéologie antisioniste viendra renforcer la base idéologique du PAS.
70 AL-RANTISSI Abdel Aziz, “Which is Worse - Zionism or Nazism?”, in Al-Risala, 21 août 2003.71 CAPJPO-EuroPalestine, « Le Hamas ne soutient pas le Parti Antisioniste », 2 juin 2009, http://www.europalestine.com/spip.php?article4154.

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B. L’idéologie antisioniste iranienne.
L'influence de l'idéologie antisioniste arabe, et plus particulièrement iranienne
est fondamentale dans la construction du PAS. Les leaders montrent sans cesse une
affection démesurée pour ce pays de révolution et de résistance à l'axe américano-
sioniste. Ce mouvement d'amour et de mimétisme est avant tout l'œuvre de Gouasmi,
religieux chiite proche des institutions iraniennes si l'on en croit le livre édifiant de
révélations de Jean-Noël COGHE72. Ce reporter nordiste qui l’a suivi dans les années
80, met à jour un passé d'agent trouble, et des relations très étroites avec les leaders
iraniens tels que Rafsandjani (ex président iranien) et l'ayatollah Khomeiny. Il semble
qu’aujourd’hui encore cette tradition d'amitié se soit perpétuée. Le religieux musulman
est proche de Mahmoud Ahmadinejad et a fait plusieurs voyages en Iran et dans le
monde arabe.
Des amitiés très controversées depuis que le président iranien a déclaré en 2005
être tout à fait d'accord avec les propos de l’Ayatollah Khomeiny sur le fait que « Israël
doit être rayé de la carte » et que « bientôt, nous connaîtrons un monde sans Israël et
sans les Etats-Unis (…). La nation musulmane ne permettra pas à son ennemi
historique de vivre en son cœur même »73. Des propos contre Israël que reprendront très
majoritairement les antisionistes de tout poil et qui seront un des leitmotivs du parti
antisioniste. Plus troublant encore, il tiendra des propos ouvertement négationnistes la
même année, peu de temps après la publication des caricatures danoises de Mahomet
qui ont fait scandale. Il va dénoncer notamment le « mythe du massacre des Juifs » et
pose la question du choix du pays où a été créé Israël, cette « tumeur », se demandant si
il n'est pas plus normal, au vu de la culpabilité de l'Europe et du monde occidental dans
l'holocauste, si jamais celui-ci est avéré, que l'État du peuple juif soit créé en Europe,
aux États-Unis, en Allemagne ou au Canada. On est loin ici du discours raisonné ou
polémique autour de l'impact médiatique et culpabilisant de l'Holocauste tel que le peut
le développer des auteurs comme Finkelstein, puisqu'il s'agit ici d'exprimer « des
doutes sur l'existence de la Shoah »74.
72 COGHE Jean-Noël, Le blues du reporter, Le Castor Astral, 2002.73 Propos retranscrits par NAÏM Mouna, « En voie de radicalisation, l'Iran veut "rayer" Israël de la carte », Le Monde, 27 octobre 2005.74 « M. Ahmadinejad qualifie Israël de « tumeur » et doute de la Shoah », Le Monde, 10 décembre 2005.

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Pourtant, malgré ces déclarations chocs, les leaders du PAS vouent une
admiration sans faille à ce pays et à leurs leaders, comme le prouve cette déclaration
d’Alain Soral :
« L'Iran est un des pays qui résiste au nouvel ordre mondial.
C'est un pays qu'on doit diaboliser par tous les moyens. Je crois qu'il
y a eu une tentative d'après ce que j'ai compris d'une révolution verte,
c'est-à-dire de déstabilisation de l'intérieur. (…) Elle a échoué, ce
dont je me félicite. Ce qui veut dire que derrière nous risquons
malheureusement assisté à une attaque militaire de l'Iran car je ne
vois pas les sionistes, quelque sois même les réticences américaines,
laissées les Iraniens avançaient sur cette voie d'indépendance et
d'affirmation sans réagir. (…) Malheureusement, j'ai peur que le
scénario se soit comme à chaque fois qu'il a des crises très graves : la
réponse par la guerre. Guerre déclenchée par l'oligarchie mondialiste
dont Israël est l'une des composantes »75.
Ces déclarations font suite au voyage de Gouasmi et Dieudonné en Iran pour
récolter des fonds pour que ce dernier puisse faire son film sur l'esclavagisme, « le code
noir », puis éventuellement un film sur la guerre d'Algérie. De retour, ils expliquent aux
journalistes qu'ils ont réussi à lever des fonds, « l'Iran et son président ayant compris
que sur ce terrain-là [culturel] il était important de se réapproprier l'histoire ». Sur le
plan politique, Dieudonné réaffirme son adéquation avec l'idéologie antisioniste
iranienne, sans jamais émettre aucune réserve quant au négationnisme ou aux
« soupçons » d'antisémitisme qui pèse sur Mahmoud Ahmadinejad. La nébuleuse est en
train de se construire. Les bases idéologiques sont posées : « l'axe du mal pour nous qui
somme ici, et en Iran, c’est cet axe américano-sioniste qui organise des guerres et qui
pille le monde depuis trop longtemps. Qui a organisé l'esclavagisme sur cette planète.
Qui organise le colonialisme aujourd'hui encore »76.
Après avoir observé ces bases idéologiques antisionistes qui vont alimenter
l'imaginaire des futurs leaders du PAS et qui, nous venons de le voir, sont très
75 Interview d'Alain Soral au Centre Zahra France, 9 août 2009 : http://www.dailymotion.com/video/xa5inc_accueil-dalain-soral-au-centre-zahr_news. 76 Conférence de presse de Dieudonné, au théâtre de la Main d’Or, le 28 novembre 2009 : http://www.dailymotion.com/video/xbbs2o_rencontre-avec-le-preysident-iranie_news?start=294.

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disparates, très hétérogène, très diffuses dans le temps et dans l'espace, nous allons nous
attaquer à la création et à l'organisation proprement dite du parti antisioniste (Chapitre 2
et 3). Toujours en gardant à l'esprit l'objectif principal de ce mémoire, c'est-à-dire
d’essayer d'en tirer une analyse socio-structurelle éclairante quant à sa position dans les
institutions politiques et sociales en France.
Chapitre 2 : La rupture des élections européennes.
Le passé de Dieudonné, plutôt gauchiste démocratique, anti-communautaire et
tolérant, engagé contre le Front National, ne laissait présager aucunement un passage à
l'extrême droite, ou tout du moins à un nationalisme exacerbé contre l'ennemi sioniste.
Nous venons de voir le terreau idéologique dans lequel il puisera ses idées. Mais nous
nous devions de comprendre le moment du passage à l’action. Si la liste antisioniste,
puis le parti antisioniste ont pu voir le jour, cela est dû certainement à la forte
personnalité de Dieudonné. L'humoriste a en effet toujours voulu avoir un pied en
politique et nous verrons que son environnement a joué en faveur du basculement vers
l'extrême droite. Car si tout vient de lui, c'est en partie en réaction à la lassitude qu'a
entraînée chez lui l'acharnement politico-médiatique au début des années 2000 (Section
1). Faisant bourgeonner son antisionisme sur un terreau idéologique déjà formé, il va
réussir à construire un mouvement très hétérogène, tant sur le plan des personnalités que
sur celui des ressources disponibles, pour faire vivre ses idées dans la sphère électorale
(Section 2).
Section 1 : Bataille judiciaire et bataille médiatique : le Déclic Dieudonné.
Comme nous l'avons indiqué en introduction, tout commence le 1er décembre
2003, dans l'émission On ne peut pas plaire à tout le monde, diffusée en prime-time sur
France 3. Dieudonné, pourfendeur des extrémistes de tous bords, s'en prend cette fois-ci
aux extrémistes sionistes, dans un sketch plus ou moins réussi, finissant ainsi :
« j'encourage les jeunes gens qui nous regardent aujourd'hui dans les cités, pour vous
dire, convertissez-vous comme moi, essayez de vous ressaisir, rejoignez l'axe du bien,
l'axe américano-sioniste (…) Israël ! »77. Condamné en première instance le 26 mai
77 Propos de Dieudonné dans l'émission On ne peut pas plaire à tout le monde, France 3, 1er décembre 2003.

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2004, Dieudonné sera finalement relaxé en appel le 10 décembre 2004 par la cour
d'appel de Nîmes. Cependant, la polémique est lancée. Tous les journaux s'emparent de
l'affaire et cible l'humoriste en essayant de dénicher son antisémitisme derrière son
antisionisme. Certains insisteront d'ailleurs sur le commentaire de la présidente de la
cour d'appel, Laurence Trebucq qui, au moment de rendre le jugement, rappelle avec
colère à Dieudonné que « ce n'est pas parce que la justice ne le sanctionne pas sur une
prévention précise que cela veut dire qu’il a raison dans ce qu'il dit »78. La presse se fait
alors discrète sur la relaxe, les journaux télévisés boycottent l'artiste. Il ne sera plus
jamais invité sur un plateau de télévision pendant de longs mois. En parallèle,
l'humoriste continue à se produire dans son théâtre avec son spectacle Mes excuses !
Peu mécontent du traitement médiatique qui lui est fait, il insiste sur la question du
sionisme, dont le lobby serait le principal acteur de la censure dont il fait l'objet : « Oui,
je recommencerais, puisque c'est mon travail (…) Mon nouveau spectacle reprend en
grande partie les lignes de ce sketch »79. Quelques mois plus tard, le spectacle de
Dieudonné Le Divorce de Patrick, donné à la Bourse du travail de Lyon, est interrompu
par un groupe d'extrême-droite pro-israélien, injuriant l'humoriste : « Dieudo, sale
négro, les juifs auront ta peau ! », et blessant quelques spectateurs avec de l'acide. Les
principaux suspects sont relâchés rapidement après leur garde à vue et aucun média ne
semble vouloir relayer l'incident. Après cet épisode, beaucoup de salles décommandent
son spectacle de peur des dérapages et des représailles.
Seule exception au boycott médiatique, Thierry Ardisson l'invite dans son
émission Tout le monde en parle, le 11 décembre 2004. L'humoriste, blessé par sa
situation professionnelle qui s'enlise à cause d'un sketch, avance alors pour la première
fois des arguments sur le « monopole de la souffrance » qu’entretient le lobby sioniste
en France. Il tente de rappeler sans succès qu'il a été relaxé par la cour de justice. Il
essaie d'exposer pourquoi, en tant qu'humoriste, il s'attaque à tous les racismes et donc
au sionisme en particulier. Il tente de se justifier en rappelant le déchaînement de la
presse, le boycott télévisuel, et surtout l'agression de Lyon qui pour lui est assimilable à
une « action terroriste ». En vain, Dieudonné refuse de donner des excuses et Thierry
Ardisson enchaîne sur les points controversés de l'humoriste. L'entretien ne se finira pas
mieux et sera une des dernières apparitions de Dieudonné sur une chaîne publique 78 Propos retranscrits dans MUKUNA Olivier, Egalité zéro ! : Enquête sur le procès médiatique de Dieudonné, 2005, p.9.79 Tout le monde en parle, France 2, 11 décembre 2004.

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pendant des années. Cette première sortie en tant qu'antisioniste convaincu aux yeux du
public va l'amener à élargir son réseau, notamment en invitant, à l'occasion de
l'hospitalisation de Yasser Arafat, quatre rabbins de Netureï Karta au Théatre de la Main
d’Or, qui exposeront leurs combats pour les palestiniens et contre le sionisme israélien.
Les années qui vont suivre seront déterminantes pour Dieudonné. Allant de
propos controversés en « attentats humoristiques », d'interdiction de salles de spectacles
de plus en plus nombreuses à une agression en Martinique par un groupe extrémiste pro-
israélien, il décide d'intensifier son discours sur le sionisme jusqu'à cette fameuse
conférence d'Alger le 16 février 2005 (annexe 8). Le traitement médiatique qui lui est
alors réservé ne fera qu'écorcher vif encore plus l'artiste qui désormais dans ses
spectacles, commence systématiquement par raconter son histoire, d'abord en se
présentant comme la victime du lobby sioniste, puis en insistant sur le « deux poids deux
mesures » de la mémoire en France. La presse et la télévision étant unanimes sur le
personnage, Dieudonné est désormais montré du doigt comme antisémite : c'est « le
diable, (…) désormais incarnation du nouvel antisémitisme, lâché par ses amis,
conspué par la totalité de la presse et du monde politique 80».
Cette année 2005 est bien l'année charnière pour Dieudonné. Privé d'audience
médiatique, il décide d'organiser des coups médiatiques, des « attentats humoristiques »
qui lui coûteront cher et qui lui feront passer petit à petit la ligne jaune du combat
politique. Il se rapproche par exemple de certains membres du Front National et va
même jusqu'à rencontrer Jean-Marie Le Pen, son ancien ennemi, le 11 novembre 2006 à
la fête des bleus-blancs-rouges du FN. En juillet 2008, Dieudonné ira même jusqu'à
faire croire au baptême de sa fille Plume par l’abbé traditionaliste controversé Philippe
Laguérie, avec pour parrain Jean-Marie Le Pen81. Au-delà des pitreries humoristiques,
Dieudonné opère un rapprochement stratégique avec l'extrême droite, un rapprochement
basé sur un « ras-le-bol du système et de la pensée unique » : « Il y a quelques années
nous nous sommes beaucoup battus avec Jean-Marie Le Pen. On ne peut faire la paix
qu’avec ses adversaires. Je pense qu’un jour la périphérie et les extrêmes se rejoindront
contre le centre. Les gens de l’extrême sont très attachés à la justice. Ma rencontre avec
Le Pen est un débat sur le colonialisme, l’indépendance des pays africains, le 80 ASKOLOVITCH Claude, « Enquête sur un antisémite », Le Nouvel Observateur, 24 février- 2 mars 2005.81 « Le Pen parrain d'un enfant de Dieudonné », L'express, 16 juillet 2008.

40
nationalisme. Je préfère que les gens débattent et ne soient pas d’accord »82. Poussée
dans ses derniers retranchements par la pression politico-médiatique, Dieudonné prend
de plus en plus des positions d'extrême gauche propalestinienne et antisioniste radical,
avec une « volonté de transgression très forte, car vouloir éradiquer Israël, démoniser
les Juifs, c'est s'attaquer à l'idée même d'une loi et d'une morale communes »83. Lâcher
par tous sauf par son public, il verra de nombreuses personnalités s'élever contre la
censure dont il fait l'objet, dont la plus importante sera Alain Soral qui explique qu'il
s'est rapproché de lui « au moment où il se faisait lyncher (…), estimant que sa
marginalisation, après son sketch que l'on a appelé « son dérapage » chez Fogiel (…)
Était dégueulasse »84.
Dans le même temps, il renforce sa position à l’extrême gauche lorsqu'il annonce
en 20007 sa candidature pour les élections présidentielles. Il n'obtiendra pas les
parrainages nécessaires pour participer au premier tour, mais son programme de
politique nationale, basé sur l'anti-communautarisme et la critique acerbe du
néolibéralisme capitaliste, ainsi que son programme de politique internationale
antisioniste et propalestiniens lui vaudra les soutiens de personnes controversées, proche
des négationnistes tels que Ginette Hess-Skandrani ou Maria Poumier. Il réussit ainsi un
tour de force en étant « l'entrepreneur de mobilisation » d'un mouvement jusqu'alors
éparse (voir chapitre 1 : la nébuleuse antisioniste). Il arrive à agréger autour de sa
personnalité des antisionistes de tous bords qui n'ont que cette obsession comme point
commun. Il ne restait plus alors qu'à se lancer dans le combat politique ce qu'il fit en
2009 en créant la liste antisioniste pour les européennes.
Section 2 : La création de la liste anti-sioniste : des personnalités et des ressources hétérogènes.
Le travail de Dieudonné pour trouver des colistiers antisionistes ne se fit pas
naturellement. Bien isolé au départ dans sa lutte politique, l'enjeu de structuration d'un
groupe d'intérêts en parti politique s'avère en effet complexe. Pour qu'un intérêt explose
82 Propos retranscrits sur le site http://lesogres.info/article.php3?id_article=4017. 83 CAMUS Jean-Yves, « Une volonté de transgression très forte », propos recueilli par Pascal Virot, Libération, 20 décembre 2006.84 PIGNÈDE Béatrice et CONDEMI Francesco, Sans forme de politesse, regard sur la mouvance Dieudonné, 2009, 00:02:53.

41
sur la scène de l'opinion publique et participe à la compétition électorale, il faut qu'il
soit pris en charge par un certain nombre d'individus, des entrepreneurs de mobilisation,
qu'il quitte son statut de groupe latent et qu'il émerge comme une alternative sérieuse.
Dans le cas du PAS, cette structuration a été très difficile et reposait principalement sur
la conscience d'un intérêt commun, d'une entité commune (§1). Nous adoptons ici une
sociologie constructiviste, qui considère les faits comme un construit social.
L'expérience accumulée par ces acteurs très hétérogène va donc comporter certaines
pratiques politiques. Nous verrons ainsi les contraintes objectives issues de ce
mouvement, notamment en ce qui concerne la mise en place de leurs ressources et de
leurs modes d'action (§2).
§1 : Le difficile effort de rassemblement.
Début 2009, Dieudonné donne une conférence en compagnie de son ami Alain
Soral et lance l'idée « que ces insoumis, que ces gens qui sont attachés profondément et
réellement à la liberté d'expression, la véritable, puisse se retrouver »85. Un mois plus
tard, Dieudonné explique dans une autre conférence de presse quelles sont ses
motivations pour la création d'une liste :
« Le parti socialiste et l’ump m'ont déclaré une guerre
culturelle suite à un sketch qui n'a pas été apprécié par tous. Je me
suis dit que j'allais affronter mes adversaires sur leur terrain : le
champ politique. Saisissant l'occasion de ces élections européennes,
j'ai décidé d'emmener un élan (…) C'est un appel que je lance à tous
les insoumis de ce système pour qu'ensemble nous nous battions. Moi,
clairement pour une liberté d'expression : je suis né dans ce pays est
aujourd'hui on m’interdit d'entreprendre, de travailler, de nourrir mes
cinq enfants. Je n'ai donc pas d'autre choix que d'aller me battre sur
ce terrain-là, jusqu'à Bruxelles s'il le faut »86.
A. Une contrainte identitaire forte
85 Conférence de presse, Théâtre de la main d'or, 4 février 2009.86 Conférence de presse, Théâtre de la main d'or, 21 mars 21 mars 2009.

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Jusqu'à présent, la mobilisation d’un groupe antisioniste en France s'avérait
impossible à cause d'un facteur endogène très simple : l'immobilisme des leaders
d'opinion dans des étiquettes plus vagues (écologistes, socialistes, communistes,
nationalistes etc.). Pour arriver à former un groupe uni, Dieudonné va transcender tous
ces clivages pour mettre en place un groupe de « single issue » contre le sionisme. Il
décide donc dans un premier temps de contacter toutes les personnes susceptibles
d'avoir cette sensibilité et de les fédérer autour de cette seule idée. C'est le principe que
défend par exemple Marc George, membre du Front National et bras droit d'Alain Soral
dans son association Égalité & Réconciliation, pour expliquer assez maladroitement son
adhésion au mouvement antisioniste de Dieudonné : « ce n'est pas le lieu dans lequel on
exerce la politique qui fait qui on est, c'est qui on est et le contexte politique donné qui
fait qu'on choisit d'inscrire ce qu'on est dans telle ou telle structure » 87.
Pour se mobiliser, la liste antisioniste a dû aller contre cette contrainte historique
de la position de chacun sur l'échiquier politique traditionnel, car cette contrainte de
l'identité pèse sur le groupe et sur ses actions. Dans le cas du PAS cette contrainte
d'identités éclatées s'est transformée en une autre contrainte identitaire : elle montre
certes une unité de façade contre le sionisme, mais au vu de la controverse qu'inspire ce
combat, elle empêche toute utilisation d'une quelconque ressource de notoriété (si ce
n'est les contacts avec quelques groupes d'extrêmes droite ou d'extrême gauche, mais
qui restent rares) et amoindrit les chances d'utiliser la ressource du nombre.
Tous les courants sont mélangés, de l'extrême droit à l'extrême gauche. Chacun a
son passé et son rôle à jouer. Dieudonné, l'ancien « gauchiste » convaincu, doit
représenter « le noir » qui s'élève contre l'oppression sioniste en organisant « un grand
marronnage »88. Gouasmi, religieux chiite et porte-parole du parti, représentera « la
sagesse » islamique face au « chaos sioniste ». L'intellectuel iconoclaste Alain Soral,
ancien du PCF et du Front National, créateur d'Égalité & Réconciliation, sera le
penseur, l'intellectuel agitateur et polémiste contre la pensée unique. Le rabbin
Bormann, juifs orthodoxes antisionistes vient fermer la marche transcommunautaire en
incarnant le « gentil juif », conscient du mal que représente Israël et dénonçant le
sionisme. Ginette Hess-Skandrani, journaliste et ancienne cofondatrice des verts, tiendra 87 PIGNÈDE Béatrice et CONDEMI Francesco, Sans forme de politesse, regard sur la mouvance Dieudonné, 2009, 00:51:50.88 Conférence de presse, Théâtre de la main d'or, 21 mars 2009.

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le rôle de « l'émotion », de la propalestinienne enragée face à la misère et au « génocide
du peuple palestinien ». Il y a aussi des intellectuels (Roger Garaudy) ou des
universitaires (Maria Poumier), proche des milieux négationnistes et s'occupant de la
démystification du complot de la « Shoah business internationale ». Il serait inutile
d'égrener ainsi toutes les fortes personnalités qui composent le parti89.
Ginette Hess-Skandrani explique pourquoi le bureau du PAS « n'est pas aussi
hétéroclite que ça » :
« Nous sommes d'accord sur trois points. Sur la république, et
sur la place de chaque citoyen et citoyenne dans cette république.
Nous sommes aussi d'accord sur la liberté d'expression : nous sommes
tous pour la liberté d'expression sans tabous. Et le troisième point,
c'est que nous sommes tous solidaires du peuple palestinien. Nous
sommes aussi contre la guerre qui se prépare en Iran et en Syrie.
Nous sommes aussi pour la solidarité avec le peuple irakien et les
peuples exclus. Et nous sommes aussi pour un véritable débat sur le
colonialisme (…) et sur l'esclavage. Et donc c’est nos points
communs. Ce sont déjà énorme ces points-là ! Pour le reste... On
verra ! »90.
Toujours est-il que le PAS reste un parti de personnalités qui, pour exister, doit
s'agiter localement (avec une position anti-système) tout en essayant de garder un
positionnement global et abstrait (en gardant le leitmotiv de l’antisioniste international).
Plus qu'un parti de cadres, le parti antisioniste est un parti de personnalités
charismatiques, iconoclastes et controversés. Il ressemble plus à la définition d'un
« parti club » tel que l'envisageait James Q. Wilson91, c'est-à-dire « une structure
d'accueil d'amateurs éclairés, fortement motivée par l'action politique
programmatique ». C'est un « type de partie où le mouvement est probablement
exceptionnel, transitoire et dépendant, du fait notamment des insuffisances de
l'amateurisme pour l'action politique permanente »92.
89 Pour la liste détaillée, voire http://fr.metapedia.org/wiki/Liste_antisioniste. 90 PIGNÈDE Béatrice et CONDEMI Francesco, Sans forme de politesse, regard sur la mouvance Dieudonné, 2009, 00:55:40.91 WILSON James Q., The Amateur Démocrat, Chicago, The University of Chicago Press, 1962.92 GRAWITZ Madeleine et LECA Jean (dir), Traité de Science politique, PUF, 1985, p.489.

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B. Le bouleversement du cadre cognitif pour une meilleure unité.
Pour devenir ce « parti club », ou « parti ad hoc »93, le PAS a dû utiliser des
ressources cognitives et redéfinir le cadre de son action collective, c'est-à-dire construire
un ensemble de croyances orientées vers l'action et qui servent à mobiliser les individus
autour d'une cause légitime. Contrairement aux recommandations du sociologue
Goffman et de sa sociologie interactionniste94, qui montre qu’un groupe d'intérêts doit
faire correspondre son cadre au cadre dominant de la société, le PAS a justement choisi
de se mettre en porte-à-faux par rapport à ce qu'il appelle « la pensée unique ». On
retrouve ainsi dans le discours du PAS les quatre principaux processus de cadrage :
- L’opération de connexion : il s'agit de faire des liens entre différentes
revendications en les mettant sous la bannière de la même cause. Dans le cas du parti
antisioniste, le problème de la crise de la république française et de son système
politique, le problème de la liberté d'expression, le problème de l'exclusion des pays du
tiers-monde (et en particulier le problème palestinien), le problème de la
communautarisation etc. sont tous imputables à la même cause : « l'axe américano-
sioniste ».
- L’opération d'extension, qui consiste en l'agrégation de revendications diffuses
pour une même cause. Le parti revendique une « nouvelle ligne de fracture »,
l'antisionisme, censée concerner toutes les sphères de la société et toutes les tendances
politiques (nationalisme, républicanisme, écologisme, tiers-mondisme…).
- L'opération d'amplification, en utilisant un registre moral, en insistant sur les
valeurs, en idéalisant le combat. Le PAS prône la défense de l'intérêt général, de toute la
république française et de ses citoyens, « d'une dynamique de libération, (…) entraînant
une véritable révolution (…). La liberté est une quête ultime qui appartient à la
conscience de chacun mais il n'y a pas d'autre finalité à la vie que de se libérer »95.93 OSTROGORSKI Moisei, La démocratie et les partis politiques, Seuil, 1979. Le politologue russe proposé de substituer au parti « omnibus », nécessairement manichéens et globaux, des partis plus petits, concentrée sur un problème précis et sur un unique objectif, plus facile à atteindre.94 GOFFMAN Erving, Les Cadres de l’expérience, Les Editions de Minuit, 1991.95 Dieudonné, Conférence de presse de présentation de la liste antisioniste, Théâtre de la main d'or, 8 mai 2009.

45
- L'opération de transformation enfin, objectif final du parti, mais plus difficile à
mettre en place. Il s'agit d'essayer de transformer le cadre cognitif global de la société en
insistant sur l'ampleur de la mainmise du sionisme en France. Il faut que cette idée
devienne l'idée motrice de la république pour « l'opinion publique [qui] doit prendre
conscience que la France est un enjeu particulier pour le sionisme et que le lobby
sioniste y est extrêmement puissant »96.
L'objectif final de ce parti et donc, avec un bureau formé de personnes venant de
tout horizon, d'avoir le plus de résonance possible auprès du public, surtout auprès des
« déçus du système » qui pourront se retrouver dans une multitude de causes et dans une
multitude de personnalités, le tout regroupé sous un même engagement, la lutte contre le
sionisme.
§2 : Ressources et répertoire d'action : un casse-tête pour le PAS
Quant au répertoire d'action et aux ressources disponibles, chaque groupe
d'intérêts puisse dans un stock en fonction de l'expérience de ces acteurs et de sa
position dans le système. Si on prend en compte la théorie de Charles Tilly sur
l'évolution des répertoires d'action97, on a un premier répertoire d'action classique, du
XVIIe siècle à la première moitié du XVIIIe siècle, basé sur du local, avec à sa tête un
médiateur, des actions spécifiques souvent violentes et concrètes, puis un deuxième
répertoire d'action jusqu'à aujourd'hui, plus nationale, avec des organisations de
médiation à leur tête, une certaine abstraction dans leurs revendications et une
continuité dans les mobilisations. Le PAS se situerait alors dans un nouveau répertoire
d'action, hybride. Tout d'abord parce qu'il emprunterait des éléments aux deux
répertoires d'action précédents. En ce qui concerne sa politique nationaliste, on est dans
un répertoire de type classique avec des enjeux et soutiens locaux, des actions coup de
poing etc. et en ce qui concerne sa politique contre le sionisme en France, on se trouve
plutôt dans un répertoire de type 2, plus actuel, plus transversale, plus abstrait, en se
greffant à des mouvements plus globaux, notamment dans les manifestations (pro
96 Idem.97 DIACON Eric et TILLY Charles, La France conteste, de 1600 à nos jours, Fayard, 2008.

46
palestinienne, écologistes, nationalistes d'extrême droite etc.). Mais la limite du modèle
que présente Tilly, c'est-à-dire son ethnocentrisme européen, fait aussi l'originalité du
répertoire d'action du PAS qui, concernant sa politique internationale, s'appuie sur un
répertoire d'action caractérisée par « une logique plus transnationale fondée sur des
valeurs solidaires »98 : participation à des sommets internationaux, voyages à l'étranger
pour rencontrer des personnalités importantes, appel au boycott, importance de l'outil
médiatique et surtout d'Internet…
Pour faire un tour rapide des ressources dont dispose le PAS lors de sa création,
on pourrait dire qu'elles sont quasiment nulles ou en tout cas discrètes. Après
renseignements, il est impossible de savoir d'où vient concrètement la ressource
financière. Avec un nombre peut important d’adhérent, la réponse des intéressés serait
que chacun aurait « participé au projet dans la limite de ses moyens »99. En ce qui
concerne les autres ressources « traditionnelles »100 d'un parti politique, peu sont mises
en place. Il y a peu ou pas d'organisation : faible division hiérarchique, géographique ou
fonctionnelle des tâches. Il n'existe qu'un pôle, celui de Grande-Synthe, qui regroupe la
présidence, le bureau des membres, le secrétariat, le pôle informatique etc. la seule
délocalisation se trouve au Théâtre de la Main d'Or, à Paris, lieu des conférences de
presse pour des raisons évidentes de facilité d'accès aux médias. La ressource de
compétences et d'expertise, si elle existe, et très peu reconnu ou très peu mise en avant,
si ce n'est les « compétences » de décryptage et d'analyse du président Gouasmi sur le
site Internet du parti. La seule ressource complémentaire très utile au PAS et celle du
« recours au scandale »101, notamment le scandale médiatique ou rhétorique (ressources
que nous développons dans la partie 2).
Après ce tour d'horizon de la « construction physique » du PAS et des enjeux qui
lui sont attachés, nous allons nous consacrer dans une troisième section à étudier
l'aspect sociologique rattaché à cette nouvelle structure.
Chapitre 3 : une sociologie complexe.
98 MILLET Marc, Cours de sociologie politique, Université Panthéon-Assas Paris II, 2010.99 Conférence de presse, Théâtre de la main d'or, 21 mars 2009.100 On prendra comme référence de départ ici : GRAWITZ Madeleine et LECA Jean (dir), Traité de Science politique, PUF, 1985, p.498 à 505.101 OFFERLÉ Michel, Sociologie des groupes d'intérêt, LGDJ / Montchrestien, 1998.

47
Ce chapitre nous fait entrer pleinement dans notre réflexion de départ, à savoir le
rôle que joue le PAS dans le système politique et social français, et que Michel
Wieviorka replace dans un « processus de fragmentation culturelle qui, sur fond de
crise sociale, font que des identités culturelles deviennent visibles, voir s'affirment dans
l'espace public »102. En tant que « parti-groupe de pression », il était intéressant de se
pencher sur la sociologie mise en place par le parti à travers deux axes. La première
section reviendra sur l'importance du fonctionnalisme et sur la place qui lui est attribuée
au sein du parti. La deuxième section s'interrogera plus spécifiquement sur l'électorat,
les sympathisants, en quelque sorte « la base » de soutien du PAS, pour essayer d'en
dégager un principe de positionnement systémique. Nous essaierons ainsi d'éclairer
notre hypothèse de départ quant au traitement politique exacerbé de la différence
culturelle.
Section 1: un fonctionnalisme anti-système stratégique.
Comme l'ont montré de nombreux auteurs au fil de leurs recherches sur les partis
politiques, ceux-ci sont souvent amenés à remplir différentes tâches, différentes
fonctions dans l'espace politico-social. Le principal rôle qu'entend jouer le PAS et celui
de critique du système, refuge des déçus et des opprimés, c'est-à-dire remplissant
officiellement une fonction tribunitienne antisystème (section 1). Mais, outre cette
fonction manifeste, le parti offre plusieurs orientations à leurs sympathisants,
notamment un repositionnement autour de l'axe stratégique sioniste/antisioniste (section
2), et surtout la possibilité de créer un lien social, une sorte de grande famille où tous
peuvent s'exprimer et être représentés sur la scène politique, ce que Brechon appelle « la
fonction latente de sociabilité »103 (section 3).
§1 : Revendication de la fonction tribunitienne.
102 WIEVIORKA Michel et al., Violence en France, Seuil, 1999, p.42.
103 BRECHON Pierre, op. cit., p.77.

48
Avec son objectif principal, celui de réunir « tous les insoumis » autour d'une
même lutte contre le sionisme et contre le système communautarisé de France, le parti
antisioniste fait partie des « parties extrêmes, qui critiquent le système politique ou qui
parle au nom d'un groupe social qui se sent exclus du nous communautaire, exercent de
manière privilégiée la fonction tribunitienne. Mais en exprimant les malaises sociaux,
ils peuvent contribuer indirectement, de façon latente, à stabiliser le système qu’il
critiquent »104. C'est cette fonction que revendique clairement le parti antisioniste. Se
définissant comme un mouvement de libération pour tous les opprimés, le PAS ne fait
aucune distinction entre les déshérités qu'il est censé représenté : classes sociales les
plus défavorisées, communautés stigmatisées, peuples du monde exploités ou colonisés.
Une fonction tribunitienne très large pour pouvoir cibler un public non pas à travers
l'identité de chacun mais à travers un ennemi commun. Cette fonction clairement
affichée a pour objectif de créer « une onde de choc jusqu'à l'Élysée jusqu'à ce qu'elle
s'effondre »105. Il est donc bien question de détruire le système existant, « gangrené par
le sionisme » pour pouvoir reconstruire une République dont tous les citoyens, « blacks
blancs beurs » seront réconciliées. C'est un discours important que l'on retrouve aux
extrêmes de l'échiquier politique français et qui permet à la démocratie de créer du
débat autour de certaines questions. C'est d'ailleurs un des objectifs poursuivis
incidemment par Dieudonné, c'est-à-dire être en agitateur de conscience, imposant de
nouvelles questions, une sorte de « terroriste humoristique » avec pour principale arme
ce qu'il appelle des « saillies drolatiques ».
Mais ce côté révolutionnaire anti-système, quoiqu'on en dise, permet ici deux
choses. Tout d'abord d'exprimer le malaise de ceux qui se sentent « opprimés par ce
lobby sioniste », permettant ainsi une plus grande liberté d'expression, ce que
revendique par ailleurs Dieudonné. Elle permet d'autre part au système de se stabiliser,
puisque l'humoriste et ses compagnons de lutte s'expriment à travers des moyens
d'expression démocratiques, acceptant de répondre aux questions des journalistes,
s'exposant ainsi à la critique. Il est alors plus facile pour le système de combattre ces
positions lorsque celles-ci ne sont pas cachées et lorsqu'elles ne font pas parti d'un
refoulement d'une partie de la population. La liberté d'expression, notamment des
groupes extrémistes, participe donc selon nous à un épanouissement du système. 104 Idem, p.79. 105 Dieudonné, Conférence de presse de présentation de la liste antisioniste, Théâtre de la main d'or, 8 mai 2009.

49
Lorsqu'une bataille est lancée par un parti ou par groupes d'intérêts, qu'elle a un fort
potentiel de médiatisation (ce qui est le cas du PAS puisqu'il regroupe des personnalités
très controversées) et qu'elle fait l'objet d'une censure par le monde politico-médiatique,
il serait quasiment politiquement irresponsable de ne pas la prendre en compte. Au
contraire, nous rejoignons la réflexion de Frédéric Lambert en estimant que lorsque
deux croyances opposées sont en interaction, il ne sert à rien de baisser les bras et de
décréter le débat impossible. Bien au contraire, c'est bien dans ces situations que
l'expression des divergences devient simultanée et fructifiante pour les acteurs du débat.
Car c'est cette intransigeance, notamment du monde médiatique, qui a fait le jeu calculé
de Dieudonné pendant des années et qui l'a poussé à construire un parti politique alors
que le sionisme aurait pu rester dans le domaine du débat public. Au contraire, en
poussant à la création de ce parti antisioniste, le calcul nous semble mauvais puisqu'il a
permis à une minorité extrémiste n'ont pas de s'exprimer (ce que nous ne reprochons
pas, bien au contraire) mais de s'exprimer dans une sphère particulière qu'est celle du
politique, radicalisant les discours, enfermant les acteurs dans leur propre rôle et
empêchant un débat serein et constructif sur le sujet. Aujourd'hui, c'est bien le système
qui est perdant avec deux camps qui se renvoient la balle.
De plus, il faut bien comprendre que le parti antisioniste a fait le challenge d'être
un groupe complètement en dehors de l'appareil de décisions gouvernementales et de
toute alliance politique. Si on reprend les trois critères de cette intégration proposée par
le politologue américain Samuel J. Eldersveld106, on s'aperçoit :
- Qu’il y a un rejet du PAS par le pouvoir politique (et on pourrait compléter
l'analyse en ajoutant un rejet des médias), poussant ainsi aux actions d'agitation et de
résistance.
- Qu’il y a une combativité hors normes présente chez tous les colistiers
antisionistes. C'est-à-dire une volonté inébranlable, de forts caractères, et une foi en
l'idéologie du parti sans faille. Elle permet ainsi une capacité de résistance aux pressions
et à la poursuite de l'action inouïe.
106 ELDERSVELD Samuel J., « American interest groups : a survey of research and some implications for theory and methods”, in Henry Ehrmann, Interest groups un on four Continents, Pittsburgh University Press, p.173-196.

50
- Enfin, que l'image du groupe est volontairement provocatrice, engageant des
réactions très émotives de la part de l'opinion publique, suscitée par le seul nom du
groupe et ses connotations immédiates. Cette image néfaste fait partie du statut
sociologique complètement intégré par le PAS.
Comme nous l'avons indiqué en introduction, nous pensons que d'une manière
globale, les partis politiques agissent directement sur les principaux conflits de la
société. En acceptant le PAS dans le champ politique, le système fait donc honneur à sa
nouvelle proposition, c'est-à-dire à la nouvelle ligne de fracture centrale qu’est le
sionisme/antisionisme.
§2 : La formation de l’opinion : « la nouvelle ligne de fracture ».
Comme l'indique Pierre Brechon, « les partis expriment et réguler les conflits
centraux d'une société »107. C'est une thèse qui a était développée très tôt par Stein
Rokkan108 et qui nous paraît très éclairante dans ce cas puisque, inconsciemment, les
fondateurs du PAS veulent redonner sa place à un nouveau conflit de société qui selon
eux est central aujourd'hui et détermine toute la politique française. Il y aurait une
nouvelle typologie à mettre en place entre leur parti, antisioniste, et tous les autres partis
de France, dirigés directement par des sionistes ou sous leur influence : « L'antisionisme
sera la grande ligne de fracture qui nous opposera à tous les autres grands partis. Le
sionisme gangrène la France, c'est un danger »109. S'estimant à « l'avant-garde du
combat, perpétuant une vieille tradition gauloise », Alain Soral insiste sur le rôle de
régulation des conflits dans un « système communautaire exacerbé », en préconisant
une « réconciliation nationale ». Mais, nous pensons au contraire que l'analyse binaire
de Rokkan n'a de sens que si elle est l'expression de l'opinion publique, expression
mesurable par les sondages ou par les élections et surtout, et si cette nouvelle ligne de
fracture emporte une fonction programmatique différenciée entre les deux pôles.
107 BRECHON Pierre, Les partis politiques, Montchrestien, Clefs/politique, 2001, p.20.108 LIPSET Seymour M., ROKKAN Stein, Party Systems and Voter alignements, New York, Free Press, 1967.109 Dieudonné, Conférence de presse de présentation de la liste antisioniste, Théâtre de la main d'or, 8 mai 2009.

51
C'est d'ailleurs la grande question des journalistes aux membres du PAS lors de
la conférence de presse de présentation de la liste. Bloqués sur la question de cette
nouvelle ligne de fracture qui structurait la société, Dieudonné et Alain Soral arrive à
contourner le problème en expliquant que l'antisionisme n'est pas un principe structurant
la société mais une manière d'aborder chaque problème de celle-ci. À la question d'un
journaliste qui demande si au-delà de la polémique du nom du parti le PAS a
véritablement un programme politique, Alain Soral prend le micro pour expliquer qu'ils
ont un véritable programme sur de nombreux sujets qui, dans la manière dont ils sont
traités, « sont aujourd'hui autant de métaphore (…) de cette oligarchie sioniste en
France ». Il nous semble en effet que la tentative d'instaurer une nouvelle dualité en
France est impossible tant que règne un clivage principal. Au contraire, il est plus
judicieux - et les leaders de la liste antisioniste l'ont bien compris, de suivre la voie de
Jean Charlot110 et de caractériser les partis et leur idéologie par le choix qu'il représente
concernant chaque conflit social. Le PAS n'a donc pas de réelle fonction
programmatique d'ensemble et préfère se concentrer sur sa fonction d' « agitateur
d'esprit » antisioniste sur chaque petit sujet qu'engagent les élections européennes.
Dieudonné considère que le fait d'avoir pu se rassembler et présenter une liste aux
élections est déjà une grande victoire sur le sionisme et permettra aux esprits de
« trouver la lumière ». Outre cette fonction tribunitienne très marquée, il nous faut
revenir sur un concept plus discret mais sur lequel comptent beaucoup les antisionistes :
le partage et la socialisation des populations les plus exclus.
§3 : L’agrégation sociabilisante du PAS.
À l'instar de Brechon, nous affirmons en effet que le PAS remplit une « fonction
latente de sociabilité »111. Organisant des débats, sortant dans la rue pour rencontrer des
gens, pour tracter, coller des affiches, le mouvement antisioniste essaye de créer du lien
social entre ses dirigeants, ses militants, ses adhérents ou ses simples sympathisants.
Dieudonné, très à l'aise en communication, ne recule devant aucune poignée de main,
aucune discussion chaleureuse, et de nombreuses vidéos sont mises en ligne sur Internet
pour attester de la sociabilité de l'homme ou pour montrer qu'il ne recule devant aucune
110 GRAWITZ Madeleine et LECA Jean (dir), op. cit., p.429-36.111 BRECHON Pierre, op. cit., p. 77.

52
provocation, même en pleine rue et malgré les menaces112. Il essaie toujours d'entretenir
une certaine chaleur entre lui et ses compagnons de route, contrepoids à toute la colère
et le dédain qu'il entretient envers les médias. Le jour de la présentation de la liste par
exemple, il convie tout le monde dans son théâtre, sur scène, pour se présenter et dire
quelques mots sur le combat antisioniste113. Il traite de la même manière tous ceux qui
l’ont rejoint, les faisant ainsi « sortir de l'anonymat et de l'isolement. Si, comme tout
groupe organisé, les partis contribuent à tisser des liens de sociabilité, reconnaissons
cependant que d'autres organisations sont mieux placées pour cette fonction »114. Ce
constat semble faire mouche dans le cas du PAS puisqu'effectivement nous avons vu
que son « statut sociopolitique », c'est-à-dire les réactions émotives qu’il provoque, ne
joue pas en sa faveur et favorise le conflit. En allant un peu plus loin, on pourrait même
affirmer que cette posture de sociabilité de la part du PAS fait partie intégrante de sa
stratégie de victimisation. En planifiant des sorties tapageuses, avec ce slogan crié dans
les rues : « sionistes, racistes, assassins ! »115, il n'est pas étonnant de voir quelques
mouvements hostiles apparaître au détour des rues.
De plus, les vidéos de « propagande » les mieux réussis sur cette « fonction de
sociabilité » sont tournés à l'occasion de fêtes organisées par le centre Zahra ou en
banlieue parisienne. Cela nous amène à formuler une autre hypothèse, niée naïvement
ou stratégiquement par Dieudonné et les membres du PAS, mais qui nous semble
relativement intéressante, celle du déterminisme social dans le vote antisioniste.
Section 2 : Le refus du déterminisme social : l’électorat de banlieue.
Une des questions fondamentales autour de l'analyse d'un parti politique est celle
de son électorat et de sa fidélité. C'est-à-dire d'essayer de comprendre quels sont les
données importantes qui peuvent éclairer un vote. Plusieurs explications théoriques ont
été soulevées au cours du XXe siècle. Pour essayer d'analyser les mobiles de l'électorat
112 Sur le marché des Pyrénées (paris 20e). « Dieudonné et Antisionistes VS antifa 2 », dailymotion, 31 mai 2009.113 Dieudonné, Conférence de presse de présentation de la liste antisioniste, Théâtre de la main d'or, 8 mai 2009.114 BRECHON Pierre, ibid., p.78.115 « Dieudonné et Antisionistes VS antifa 2 », loc. cit., 31 mai 2009.

53
antisioniste, nous ne pourrons échapper aux grands « modèles explicatifs du vote 116»,
qui sont encore aujourd'hui des modèles canoniques en ce qui concerne l'analyse
partisane. Nous tenterons ainsi de mettre en évidence deux composantes dans le choix
électoral du PAS. Un paradigme sociologique certain tout d'abord (§1), bien qu'il soit
généralement renié par les membres du parti. Puis, nous questionneront l'idée de
rationalité chez les électeurs antisionistes (§2).
§1 : Le paradigme sociologique : des résultats communautarisés.
La liste antisioniste ayant été confectionnée et la campagne menée, les élections
européennes du 7 juin 2009 donnent enfin les résultats tant attendus par le clan de
Dieudonné. Au soir des résultats, ceux-ci semblent déçus du peu de voix qu'ils
obtiennent, mais le communiqué de presse du PAS du 9 juin indique que « la liste
antisioniste se réjouit du score réalisé en Ile-de-France, où avec 1,3 % (36 398 voix)
elle réalise près du double du score d’une formation aussi structurée que Lutte
Ouvrière et fait jeu égal avec l’opposition bidon de NPA dans de nombreuses villes. A
titre d’exemple, les scores réalisés à Villetaneuse (5,52%), Saint-Denis (4,18%), la
Courneuve (4,31%), Bobigny (4,84%) ou Clichy (5,18%), malgré une abstention
massive délibérément provoquée par le pouvoir et une absence totale de moyens
financiers ou médiatiques, viennent souligner le potentiel de l’opposition
révolutionnaire antisioniste »117.
La liste antisioniste n’était présente qu'en Île-de-France, et un tel score pris
globalement semble montrer le désintéressement complet des Français pour leur cause.
Pourtant, la science politique nous apprend à décortiquer les résultats et à les croiser
avec d'autres données pour obtenir une analyse significative. C'est pour cela qu'il est
intéressant de se pencher sur le tableau des résultats de la liste antisioniste en détail
(annexe 9), pour s'apercevoir des scores réels obtenus dans certaines zones
géographiques spécifiques. On ne peut en effet s'empêcher d'observer les scores
relativement bons du PAS dans certaines villes de banlieue à fort problème d'intégration
116 MAYER Nonna (ss la direction de), Les modèles explicatifs du vote, L’Harmattan, 1997.117 Communiqué de Presse du 09 Juin 2009, liste antisioniste, http://www.partiantisioniste.com/communications/cp-elections-europeennes-2009-liste-antisioniste-communique-de-presse-du-09-06-09.html.

54
sociale telle que Gennevilliers (6,35 %), Garges-lès-Gonesse (6,03 %) ou Clichy-sous-
Bois (5,18 %), d'autant plus qu'ils sont relevés avec fierté par le parti lui-même dans son
communiqué. Une idée acceptée par Dieudonné lui-même alors que quelques années
auparavant, lorsqu'on lui demandait de s'expliquer sur le fait que « certains jeunes de
banlieue d'origine maghrébine et affichant leur antisémitisme » se reconnaissaient en
lui, il prétendait que cette affirmation était « instrumentalisée par la propagande de ces
associations [CRIF et UOIF] afin d'illustrer une montée de l'antisémitisme en
France »118.
Deux modèles explicatifs de vote nous paraissent les plus convaincants pour
comprendre ce vote dans les villes de banlieue. Le plus connu d'abord, celui des
déterminants sociaux du vote, développé par Lazarsfeld, Berelson et Gaudet, qui insiste
sur la relation entre une orientation politique, un choix de vote, et le milieu social dans
lequel on vit. Le fait d'appartenir à un groupe social serait une prédisposition
déterminante dans le choix du vote119. Cette théorie appliquée nous semble encore
opérationnelle aujourd'hui, bien qu'il nous faut garder en tête que « ces modèles
sociologiques ou anthropologiques sont qualifiés de déterministes car ils font seulement
apparaître des prédispositions, socialement façonné, a voté de telle ou telle manière.
(…) D'autres variables entrent en ligne de compte, qui tiennent à l'histoire personnelle
de l’électeur et au contexte économique et politique spécifique à chaque élection, qui
font du vote un choix toujours recommencé »120. En effet, les bases idéologique du parti
antisioniste, anti-système, propalestinien, « arabophile », soutenu par un leader
charismatique tel que Dieudonné, correspondent à un vote de banlieues dites
« sensibles ». Tout d'abord parce qu'il correspond à une reproduction de l'identité
d'extrême-gauche dans les banlieues. Une identité qui impose depuis les années 70
« une représentation duale de l'univers social »121, une représentation manichéenne avec
pour clivage des oppositions telles que petit/gros, pauvre/riche, cité/bourgeois. Si l'on
croise ses observations, basé sur le déterminisme de la classe sociale, en le complétant
par « une forte influence de la religion sur le vote »122 , on peut comprendre aisément
pourquoi l'antisionisme, qui possède une réelle source idéologique dans le monde 118 MUKUNA Olivier, Dieudonné, Entretien à cœur ouvert, op. cit., p. 47-48.119 LAZARSFELD Paul, BERELSON Bernard, Gaudet Hazel, The People’s Choice, Columbia University Press, 1944.120 MAYER Nonna, ibid., p.16.121 BRACONNIER Céline et DORMAGEN Jean-Yves, La Démocratie de l’abstention, aux origines de la démobilisation électorale en milieu populaire, Gallimard, 2007, p.158.

55
musulman et qui est porté en France par un religieux chiite, soit parvenu à séduire la
population musulmane de banlieue. Une tendance plus ou moins radicale, que l'on a pu
vérifier à travers Internet, le seul vecteur officiel d'informations du PAS. Sur les forums
sociaux et les blogs dédiés au parti, les réactions des électeurs montrent leur
attachement à ce vote d'identité, contre le sionisme, contre les oppresseurs, mais aussi
malheureusement bien souvent contre la communauté juive. Un exemple parmi tant
d'autres, le commentaire de la vidéo postée sur Dailymotion qui retrace l'agression de la
liste antisioniste sur le marché des Pyrénées le 31 décembre 2009 :
« Le Juif Julien Terzics derrière l'agression menée par la CNT
contre Dieudonné Il s'avère que c'est le Juif "d'extrême gauche"
Julien Terzics qui menait les sionistes de la CNT au cours de
l'agression contre Dieudonné et ses colistiers. Durant l'altercation et
dans une inversion accusatoire typiquement Juive, celui ci accuse
Dieudonné d'être un "bounty", c'est à dire quelqu'un qui cache son
identité derrière une apparence trompeuse. Vous comprenez tout de
suite que le Juif Terzics parle en réalité de lui même et qu'il transfert
sur Dieudonné ses propres névroses: c'est bel et bien Terzics qui
pense et agit secrètement en Juif. Ce qui explique cette névrose et
cette inversion accusatoire du Juif Terzics c'est qu'il a eu des
problèmes avec son papa et une relation très spéciale avec sa maman,
comme le Juif Freud nous l'a si bien expliqué. Vous constatez donc
que, de gauche ou de droite, athée ou religieux, internationaliste ou
"plus français que les français", les Juifs, de Kouchner à Henri Lévy,
de Glucksmann à Terzics, ont une structure mentale identique et
qu'ils sont de redoutables nationalistes qui ne supportent pas que
l'on s'oppose à leur projet de domination globale. »123
Pour clore son descriptif, l'auteur de ce billet proprement antisémite donne
l'adresse de l'homme qu'il dénonce à plusieurs reprises « pour toute réclamation auprès
de l'intéressé », sous-entendu à peine caché de représailles. Pas une seule fois ce billet
n'emploie le mot sioniste ou sionisme. Ici, il est seulement question d'une haine contre
les juifs, oppresseurs, racistes et manipulateurs par essence. Une nouvelle dérive
antisémite qui n'avait pas eu lieu en 2004 lors des actions européennes avec la liste 122 MICHELAT Guy et SIMON Michel, Classe, religion et comportement politique, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques et Editions sociales, 1977.123 http://www.youtube.com/watch?v=BTMk2GW09SI&feature=related.

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Euro-Palestine. Cette liste avait choisi le même mode de publicité (c'est-à-dire au plus
près du public) et ne revendiquait qu'une seule cause : la défense de la cause
palestinienne. Pourtant, Braconnier et Dormagen montraient que, « si le clivage entre la
gauche et la droite demeurait floue, voire, dans bien des cas, largement
incompréhensibles »124, et que la population de banlieue recherchait un autre repère qui
leur permette de mieux comprendre le monde, le vote pour la liste Euro-Palestine n'était
qu'un simple vote d'identité « pour opérer un retournement de stigmates, emportant sur
la scène politique à des fins de valorisation leur origine ethnique »125.
Le PAS a voulu radicaliser le discours en mélangeant ce vote identitaire
« propalestinien », qui se veut un discours « d'appartenance au monde arabe », de
revendications identitaires et de soutien international à un peuple. Il a en effet complété
son « attirail rhétorique » d'une dimension révolutionnaire antisystème, contre un
« ennemi commun », Israël et les sionistes. Une posture non modérée mais beaucoup
plus imagée, que le « spectacle ésotérique » produit par les autres parties, et dont le
risque est de voir éclore la haine chez les électeurs les plus radicaux. Avec ce cadre
d'analyse, ces résultats montrent bien que si l'objectif affiché du PAS était la
« réconciliation nationale », le vote antisioniste a surtout eu pour fonction d'exprimer et
d'exacerber des tensions et des conflits entre communautés. En effet, bien qu'il ne soit
pas antijuif dans son discours, le parti hétéroclite de Gouasmi permet aux électeurs de se
placer de façon différente sur l'axe antisioniste et de s'engager dans la dénonciation de
plusieurs manières : contre le système français, contre la politique du gouvernement
israélien et pour les palestiniens, contre le « lobby sioniste » en France, pour
l'éradication d'Israël et enfin, « contre la domination juive dans le monde » pour les plus
extrêmes.
Cependant, ces modèles déterministes liés au milieu social, à la religion ou
encore à la famille ne sont pas les seuls à expliquer le vote PAS. Car, si l'électeur est
sensible à ces émotions, à la dialectique, c'est-à-dire à tous les stimuli psychologiques, il
se voit confronté tous les jours à un environnement qu'il analyse consciemment ou
inconsciemment, et qui le pousse à faire des choix réfléchis et rationnels.
124 BRACONNIER Céline et DORMAGEN Jean-Yves, op. cit., p. 112.125 Idem, p. 174 à 78.

57
§2 : Le vote rationnel.
Cette idée de rationalité est centrale dans le programme est dans le discours du
PAS. C'est un des paradigmes revendiqué le plus souvent par Alain Soral, qui s'exprime
souvent en dénigrant la façon « illogique » de penser des autres parties et leur manière
irrationnelle de faire de la politique. Il cherche sans cesse à toucher l'attention et le bon
sens de l'électeur, en lui demandant de se réveiller, de devenir actif et logique. Ce
discours volontariste va dans le sens de la théorie de Vladimer Orlando Key qui montre
que le vote est un véritable choix politiques ou l'électeur est actif face aux candidats qui
lui sont proposés126. Le politologue américain ne croit pas en la soumission ou la
passivité de l'électeur fasse à son milieu social, sa religion, ou son éducation. Dans ce
contexte, le vote est indécis, il se fait en fonction de chaque élection, selon les
problèmes qui sont posés et les enjeux qui en découlent « les électeurs semblent voter
de plus en plus en fonction de leur position sur les enjeux centraux de l'élection »127.
Cette variable est prise en compte par le PAS qui ne laisse pas son discours
flottait dans une campagne abstraite contre le sionisme. C'est pour cela qu'il détaille
avec précision, point par point, quel serait le monde sans le sionisme et quels sont les
avantages à retirer du vote antisioniste : « une Europe plus à l'écoute », « un système
politique plus avantageux pour les déshérités », « un monde sans guerre », etc. Le bilan
coût/avantage opérer par l'électeur se révèle alors alléchant et participe à son choix.
Lorsque l'on regarde de plus près les sympathisants du parti présent lors de la soirée
électorale, on s'aperçoit en effet que nous sommes loin de l'explication sociale
déterministe comme variable lourde. On y rencontre, côtoyant les « vieux briscards de
la politique », de nombreux jeunes, de moins de 30 ans, ayant accompli pour la plupart
des études supérieures et qui ne sont pas tous issus, loin de là, de l’immigration128.
On a donc un mélange assez curieux entre une variable socioreligieuse lourde
opérationnelle dans l'électorat de banlieue et une variable de rationalité que l'on retrouve 126 KEY V. O., The Responsible Electorate: Rationality in Presidential Voting 1936–60, Harvard University Press, 1966.127 BRECHON Pierre, op. cit., p.90.128 Constat rapporté par Yannick, 23 ans, d’origine française, étudiants, issus de la classe moyenne, sympathisant antisioniste, soirée électorale du 7 juin 2009, Théâtre de la main d'or.

58
dans l'électorat proche des leaders du parti. Une complémentarité qui a été mise en
évidence par Himmelweit qui voie le choix électoral à travers un prisme à deux
facettes : une prise de position par rapport à l'enjeu spécifique de l'élection et une
fidélité à un système de valeurs souvent issues du milieu social ou familial129.
La grande force du parti antisioniste est d'avoir su combiner dans son discours
ces deux attentes, socio-structurelles et conjoncturelles, en opérant une division de ce
travail entre deux piliers du parti : Gouasmi et Soral. Le premier, la sagesse, distille sur
Internet des vidéos où il explique les grands principes qui sont défendus par les
antisionistes. Il y parle de la paix, du partage, de l'importance de la famille, de la
domination d'un clan sur toute une population, etc. De son côté, le deuxième adopte un
comportement plus pragmatique, plus proche du système institutionnel français et
essaye d'en décrypter les failles. S'appuyant sur de nombreux exemples concrets, il
essaye de dénicher et de démontrer la mainmise du sionisme dans tous les problèmes
que connaît aujourd'hui la France. Cette stratégie d'influence électorale, parfaitement
rodée entre les deux hommes est maintenue en lien par un ciment exceptionnel en
matière de communication qu’est l'humoriste Dieudonné. Ils arrivent ainsi à donner
l'impression à l'électeur qu'il n'est « ni prisonnier du carcan des variables
sociologiques, ni ‘’vibrion’’ sans attaches réagissant au gré de la conjoncture 130». Au
contraire, ils appellent à un « grand mouvement de libération » de la « pensée unique »
et à réfléchir sur « les enjeux concrets du vote antisioniste ».
Cette stratégie socio-structurelle complexe et ambiguë explique certainement
« l'engouement relatif » dont a fait preuve la liste dans certaines villes de banlieue. Loin
d'être un « parti de provocateurs » à ne pas prendre au sérieux, ils ont su créer une liste à
la fois « intellectuelle » et idéologique, tout en gardant une attitude proche du peuple :
« par les corps, la manière de se tenir, par le niveau de langage employé, par les
expressions et les intonations mobilisées (…) Et une offre électorale peu présente dans
les médias mais activement diffusés au sein de l'espace dionysien »131.
129 HIMMELWEIT Hilde T., HUMPHREYS Patrick, JAEGER Marianne, How voters decide ?, in Open University Press, 1985.130 MAYER Nonna et PERRINEAU Pascal, Les comportements politiques, Armand Colin, Cursus, 1992, p.110.131 BRACONNIER Céline et DORMAGEN Jean-Yves, op. cit., p.120 et 174.

59
L'analyse du parti serait incomplète si nous nous arrêtions simplement à cette
analyse organisationnelle et socio-structurelle. Nous nous sommes donc attachés dans
une deuxième partie à comprendre qu'elles ont été les ficelles médiatiques du PAS, et à
travers quel discours (parti 2). En complément de cette première partie, nous espérons
ainsi illustrer notre hypothèse de départ sur le rôle qu'ont joué Dieudonné et ses
colistiers antisionistes quant à l'exacerbation des tensions communautaires en France.

60
Partie 2 : L’antisionisme radical : une stratégie médiatique fondée sur un programme-récit
extrême.
Bill Gates a déclaré au début de ce siècle : « maîtriser les images c’est dominer
les esprits ». Prenant ce conseil à bras le corps, le parti antisioniste va dès sa création
mettre en place des stratégies médiatiques pour essayer de dominer le débat d’idées par
la communication. Il s’agit de montrer comment cette communication s’est construite
autour d’un récit antisioniste fabriqué et étendu à l’ensemble de la société, inspiré par
des techniques de propagande « complotiste ». Ce chapitre sera donc axé sur une
analyse de communication, en mélangeant le plus pertinemment possible quelques
analyses classiques et d'autres, plus spécifiques et plus stimulantes dans la
compréhension de la stratégie médiatique du PAS.
Le premier chapitre analysera les mécanismes de propagande qui sont mis en
place par le PAS, et s'attaquera donc à des logiques de création, de construction du
message.
Le deuxième chapitre adoptera une position moins conventionnelle sur la
nouvelle façon dont le PAS et ses leaders organisent la diffusion de leur discours
politique.
Chapitre 1 : Mécanismes de propagande et théorie du complot.
Plusieurs types d'analyse traverseront ce chapitre sur le discours narratif du PAS.
La première section s'intéressera d'un point de vue sémiologique à l'étude du récit
d'unité construit par le parti pour promouvoir son programme politique. Cette
construction narrative nous paraît très importante dans le cas du PAS puisqu'elle fait
partie des récits qui « se profilent toujours à l'arrière-plan de nos opinions, plus que
cela, il leur fournisse un socle, une assise, à partir de laquelle elles peuvent se
déployer »132. Elle est d'autant plus pertinente qu'elle a fait l'objet d'un cours de Master
2133 et qu'elle est en grande partie à l'origine de ce mémoire.132 ARQUEMBOURG Jocelyne, « sémiologie des médias », in Médias, information et communication (ss la direction de LETEINTURIER Christine et CHAMPION Rémy), p.239.133 LAMBERT Frédéric, « Images, langages et société : croyances et rituels », Master 2 Études Politiques.

61
La deuxième partie reprendra des thèses plus classiques sur les messages de
propagande politique et sur la construction de ceux-ci dans le cadre de la campagne
électorale de 2009.
Enfin, la troisième section s'intéressera à l'influence qu'a le mythe moderne du
complot mondial dans le discours et dans les images qui sont proposées par le PAS.
Section 1 : La fabrique d’objets de croyance antisioniste.
Chaque société possède ses identités, construites à travers un certain nombre de
récits qui ont forgé une histoire commune aux individus qui la composent. L'identité
politique n’échappe pas à cette logique et est souvent issue de la représentation que l'on
se fait du monde. Mais, avec l'apparition des nouveaux médias à la fin du XXe siècle,
les récits qui sont à l'origine de nos « croyances » sont beaucoup plus manipulables :
photographies de la réalité, construction, reconstruction, représentation, mélange, ils
sortent de l'imaginaire naïf pour entrer dans un monde fictif qu'il faut s'employer à
déconstruire pour en comprendre les enjeux. Une fois ce travail de « déconstruction »
accompli, nous pousserons l'analyse de ce récit antisioniste, avec un corpus d'images-
récits façonnant la politique du PAS.
§1 : Déconstruction et recontextualisation de la rhétorique médiatique.
Cette phase de déconstruction pose plusieurs questions. Tout d'abord, parce
qu'elle touche à des objets vivants, des signes, mais aussi parce qu'elle façonne un
« imaginaire commun », une « communauté de croyants antisionistes ». Nous appelons
« croyance », dans la lignée des travaux de M. Lambert, la manière dont les individus,
qui reconnaissent appartenir à une même histoire, adhèrent au récit de celle-ci. Cette
adhésion n'est pas évidente et demande un partage, des compromis, « il faut accepter
d'être dupé tout en sachant qu'on l’est. Pour mieux être dedans, il faut qu'une parcelle
reste dehors »134. Essayons donc de garder ce « pied en dehors » le temps de l'analyse et
de comprendre les enjeux des images diffusées par le PAS. Pour ce faire, nous avons 134 Marion Philippe, « Narratologie médiatique et médiagénie des récits », cité par Lambert Frédéric, op. Cit., p.254.

62
sélectionné un corpus d'images, toutes issues du site Internet du parti, que nous
égrènerons au fil du récit pour illustrer plusieurs hypothèses.
A. Le logo du parti : son identité visuelle.
Le logo d’un parti est très souvent révélateur de la
représentation du monde qu’il se fait et des idées qu'il va défendre.
Comme nous l'avons précisé en introduction de cette partie, il
s'agit d'une image virtuelle, construite grâce aux nouveaux outils
de communication. Symbole du PAS créé en 2009 à l’occasion de
la formation du parti, c’est un mélange de dessin et de collage
d’images préexistantes, par informatique (copier / coller / retouches, etc.…).
La forme générale représente l’hexagone français, où est planté un drapeau
français flottant au niveau de la capitale. Au milieu se trouve le drapeau israélien barré
en rouge et juste au dessous se trouve une bannière grise avec le nom du parti écrit avec
les trois couleurs du drapeau français ; bleu, blanc, rouge. Que veut nous dire ce logo ?
Qu’elle identité veut-il donner au groupe qu’il symbolise ?
Tout d'abord, ce document fait clairement référence à une appartenance
républicaine et nationaliste française. Il arbore toutes les références nécessaires pour que
le récepteur comprenne ce message nationaliste (territoire, drapeau, couleur,
capitale…), pour qu’il se place dans ce système de croyance. C'est la première strate de
l'identité visuelle du PAS, celle de sa politique nationaliste et de son attachement à la
République française. Mais, il fait appel à un autre système de croyance avec le drapeau
israélien barré, symbole qui met en place la dialectique du rejet d’Israël comme pays
colonisateur et oppresseur en Palestine. C’est un symbole maintes fois repris dans la
rhétorique propalestinienne et anti-israélienne extrémiste et qui est historiquement
utilisé par les leaders de cette idéologie.
Les intentions de l’auteur sont donc de promouvoir des idées nationalistes,
entrainant une entente nécessaire avec le peuple palestinien « résistant » et l’idéologie
islamiste de destruction d’Israël, Etat oppresseur. Ce logo construit une croyance autour
d'un amalgame entre Israël/France, politique nationale/politique internationale,

63
Français/Palestiniens etc., il est donc parfaitement inscrit dans l’idéologie du parti que
nous avons décrite dans la première partie, c'est-à-dire dans le domaine de la lutte anti-
Israël (jusqu’à son éradication), de la compassion pour les victimes palestiniennes et de
son soutien à la résistance, tout en affirmant son
attachement à l’identité française et aux valeurs
républicaines. Ces parallèles ne sont pas anodins
car, comme l’a plusieurs fois soutenu Gouasmi, le
sionisme agit partout dans le monde et fait des
Français des Palestiniens chez eux.
B. Le symbolisme excessif et simpliste.
Toute une partie de la communication du PAS est fondée sur des montages
d'images pour pouvoir illustrer les articles publiés sur le site Internet. Ces images,
choisies avec soin, sont le plus souvent empreintes d'un code très particulier de
symboles, icônes célèbres, images conventionnelles, etc., des objets indispensables qui
fabriquent nos imaginaires à travers un certain nombre de stéréotypes. Elles figent
l’histoire de l'humanité dans un seul bloc, celui du mal, Israël, contre le reste du monde.
Le PAS a compris que la puissance de ces images vient du fait que « sensibles, les
icônes ne parleraient jamais à la raison (…) Comme si l'expression graphique brisait la
logique »135.
Bien qu'elles ne correspondent pas au réel, qu'elles soient tout à fait artificielles
sans s'en cacher, ces images racontent grâce à ce symbolisme excessif, mais simple à
comprendre, une histoire. Elles font entrer les « croyants antisionistes » dans un rituel
où chacun redéfinit sa représentation du monde et où tous adhèrent collectivement, par
« déni de langage », à un seul récit. Ici, peu importe ceux qui construisent le message et
si celui-ci est biaisé, fabriqué. Ce qui importe, c'est que le récepteur de cette histoire
croit au monde ainsi recréé, dans le sens où il adhère aux principes, aux lois, aux
engagements qu'elle implique.
En guise d'illustration, voyons cette image accompagnant un article dénonçant le
colonialisme et l'expansionnisme des colonies Israéliennes en Palestine. Tous les
135 D’ALMEIDA Fabrice, La manipulation, Que sais-je ? n°3665, Puf, deuxième édition, 2006, p.94.

64
ingrédients de cette « démonisation » de l'État hébreu face à la détresse palestinienne
sont mis en place. Le bulldozer israélien arborant fièrement l'étoile juive avec en son
centre le Z de « Zionism », les gravats des maisons palestiniennes détruites jonchant le
sol, et la détresse d'une réfugiée palestinienne qui a tout perdu, criant son désespoir en
regardant le ciel et en espérant la compassion de Dieu. Cette image n'est pas une
photographie du réel mais bien un montage, une construction correspondant à
l'imaginaire antisioniste. Elle engage une vaste « compromission entre les producteurs
et les consommateurs »136 de cette histoire, qui s'engage à lutter contre cette machine de
guerre qu’est l'État d'Israël. Le symbole devient caricature, exagérant et stigmatisant les
acteurs de ce conflit, emportant avec elle un certain discours, du débat et une certaine
conception partagée de la barbarie du sionisme.
C. Une histoire du sionisme universel.
« Quand les images n'ont plus d'auteur, elles font autorité »137. Le PAS joue sur
cette ambiguïté de l'origine. Grâce à l’anonymisation des images, un double sens peut
être donné au réel. Tout d'abord, l'image devient une image acheiropoïète, c'est-à-dire
une image « non faite de main d’homme »138, émanant d’un monde inconnu de l'humain,
directement de Dieu, pour nous rappeler une vérité qui nous a pendant longtemps
échappé. De plus, puisqu'aucune institution ne semble vouloir revendiquer la fabrication
de ce récit, celui-ci paraît appartenir à un ensemble d'individus partageant les mêmes
croyances, une « collectivité d'esprit » dont le ciment vient justement de cet anonymat.
Dans le cas de l'antisionisme le plus radical, ce manque de clarté autour d'un spectacle
anti-israélien anonyme désamorce toute critique, empêche le débat, fixe dans le marbre
un récit qui serait déjà inscrit dans les veines de l'humanité et qu'il appartiendrait
aujourd'hui à chacun d'intérioriser.
§2 : Une généalogie narrative assumée.
136 LAMBERT Frédéric, op. cit., p.260.137 LAMBERT Frédéric, « Images, langages et société : croyances et rituels », op. cit.138 SCHMITT Jean-Claude, Le Corps des images. Essais sur la culture visuelle au Moyen Âge, Gallimard, 2002.

65
Pour traiter plus en profondeur de la mise en place de ce récit antisioniste, nous
avons privilégié l'étude de cas. Tout d'abord, d'un
point de vue pratique, il résume de manière
symptomatique et avec beaucoup de fidélité le
contenu image/vidéo/discours que l'on retrouve sur
le site Internet du PAS. Ensuite, d'un point de vue
méthodologique, nous voulions confronter nos
théories à des exemples précis et concrets. Enfin, parce que la stratégie médiatique du
PAS est étudiée dans sa globalité à la fin de ce mémoire. Nous avons donc choisi un
clip vidéo, diffusé le 13 avril 2009 sur le site
internet du Parti-Antisioniste, intitulé « Appel
pour l’union des citoyens contre le
sionisme »139. Nous n'avons aucune information
sur l’auteur de la vidéo. C’est un montage
informatique : une succession rapide de 15
vidéos et images afin de dénoncer l’« impact
néfaste du lobby sioniste » à travers un temps court, celui du début du 21ème siècle, et un
espace international.
A. Une vidéo en phase avec son temps :
Il faut nécessairement « recontextualiser » cette vidéo, replacer son discours
dans son environnement discursif et dans son univers de croyance. Ici, il est pluriel :
- L’environnement international autour de la crise israélo-palestinienne avec de
nombreuses images mettant en avant l’affrontement inégal dans cette région
entre Tsahal et les groupes armés arabes (Hezbollah, Hamas, milices…). Elles
appuient sur la puissance des premiers, les envahisseurs, et la faiblesse des
seconds, les résistants.
- L’intervention de la communauté internationale et plus particulièrement des
Etats-Unis, avec l’administration Bush, symbole de l’interventionnisme armé en
139 « Appel pour l’union des citoyens contre le sionisme », Site Internet du PAS, 13 Avril 2009. [http://www.partiantisioniste.com/videos/titre/17-appel-pour-l-union-des-citoyens-contre-le-sionisme.html].

66
ce début de siècle. La dialectique de l’axe américano-sioniste contre le monde
arabe est mise en jeu.
- Le contexte politique français des émeutes de banlieues en 2005, expression des
tensions communautaires et du mal-être de certains jeunes de banlieues. Période
où M. Sarkozy était ministre de l’intérieur.
- Plus largement, un contexte des grandes catastrophes naturelles du début de
siècle (Ouragan, Tsunami, Cyclone, tempête, tremblement de terre…) et des
inquiétudes liées au climat.
Cette vidéo s’adresse donc à une communauté de croyants très large qui voit un
lien, si ténu soit-il, entre tous ces événements, entre tous ces objets. Elle fait appel à
l’imaginaire du complot mondial qui détruit le monde : racisme, superpuissances,
exploitation occidentale, haine « arabophobe », dérèglement climatique, etc. Le lecteur
de cette histoire se retrouve au sein d’un « dispositif », tel que le définit Michel
Foucault, c'est-à-dire un cadre de
représentations mis en place pour diriger ou
influencer les comportements et les pensées.
Grâce à la technique du zapping qui insinue le
rôle originel que joue le récepteur dans la
succession et le choix des images, alors qu’il
s’agit bien d’un montage « hors-volonté ». Par
cette participation imaginaire, le lecteur impuissant devient acteur omnipotent de ce
récit historique.
B. « Hystoricité » du récit produit.

67
Ce récit écrit une certaine histoire. Il met en place une fuite en avant d’images
(16 objets en 35 sec.) sans liens entre elles prises séparément, mais qui forment une
causalité forte lorsqu’elles sont déroulées ainsi. Les objets s’enchaînent avec hystérie,
mais avec une logique de causalité : l’origine (image de la Terre ci-dessus), le chaos et
ses vecteurs et ses conséquences désastreuses pour le monde, avec notamment l’image
finale :
Chaque récepteur est invité à s’approprier cette
histoire. Chaque image est reliée par une
« surcausalité » événementielle due au montage. Le
récit devient alors un tout global, comme une possible
lecture de l’histoire.
On a un récit d’un monde malade, en voie de destruction à cause de certains
acteurs (Bush, Israël, Sarkozy, l’Occident
en général…). La plus grande
représentation de ce « chaos mondial
comploté » étant les émeutes des
banlieues, le dérèglement climatique et
surtout l’atrocité de la situation en
Palestine.
C. « Médiagénie » et « mnémogénie » des clips.
Pour que ce récit soit facilement approprié, il faut faire appel à une véritable
mythographie, à une généalogie alimentée par de nombreux symboles connus de tous. Il
faut que le récit soit « médiagénique »140, c'est-à-dire qu’il corresponde à l’image que
l’on se fait d’un récit. L’histoire complexe du monde au début du 21ème siècle doit
140 MARION Philippe, « Narratologie médiatique et médiagénie des récits », in Recherches en communication. Le récit médiatique, Université catholique de Louvain, n°7, 1997.

68
devenir une évidence incontournable pour celui qui adhère au message. Elles sont aussi
« mnémogéniques » puisque ce sont elles qui fabriqueront la mémoire collective de tous
les adhérents à cette croyance antisioniste. Cette vidéo est truffée de ces objets média- et
mnémo- géniques que l’on nommera plus vulgairement « objets-clichés » porteur de
sens. C'est-à-dire une série d'images « prêt-à-porter », qui vont venir conformer le
mythe antisioniste à la réalité.
Les compagnies de CRS, les flashballs, les voitures en feu, les images de
Nicolas Sarkozy sont les objets indiciels des émeutes de banlieue de 2005 en France.
Les images de Bush, de Katrina, des G.I. en mission, des bombardements au Moyen-
Orient sont des objets-clichés des Etats-Unis comme hyperpuissance colonisatrice et
destructrice. Enfin, les villes arabes bombardées, les réfugiés palestiniens, le mur en
construction en Palestine, raconte une histoire de la destruction de la Palestine par le
sionisme, et plus globalement, en l’associant à l'étoile de David, par les juifs.
On est en présence d’un récit antisioniste radical, faisant la part belle à l’idée du
complot mondial, dominé par l’axe américano-sioniste et ses alliés. Le peuple juif y est
dénoncé à travers Israël comme une grande diaspora secrète et internationale dominant
le monde, écrasant les pays les plus faibles (surtout arabes) et pillant les ressources
mondiales jusqu’à épuisement ou catastrophe. Tout est lié (même les événements non-
directement imputables aux hommes) par cette histoire qui fait sens, d’autant plus
facilement dans le contexte de mondialisation qui, au début du 21ème siècle, s’ouvre de
plus en plus à l’autre et donc se complexifie, se brouille. Le besoin de réponse reste
intact dans un monde où les questions se multiplient. La théorie du complot, et en
particulier celle du complot sioniste mis en avant dans cette vidéo, permet ainsi de se
rassurer en adhérant à une croyance simple mais explicative. Elle participe dans le
même temps à la survivance de la haine anti-juive contemporaine, à travers la
propagande extrémiste qu’elle met en place (Section 2).
Section 2 : La propagande du PAS.

69
Le mot propagande a connu de nombreuses acceptions et a souvent désigné une
multitude de techniques ou d'outils différents. On peut cependant la définir globalement
comme une « action psychologique qui met en œuvre tous les moyens d'information
pour propager une doctrine, créer un mouvement d'opinion et susciter une décision »141.
Certains auteurs insistent sur ce caractère monopolistique142 pour rattacher
systématiquement le mot propagande aux régimes totalitaires et préfèrent parler dans
une configuration démocratique de « persuasion politique »143. À l'instar de Jacques
Ellul et de sa « propagande d'action »144, nous avons choisi au contraire de garder le
mot « propagande », considérant que les techniques décrites au XXe siècle, qu'elles
soient dans des régimes démocratiques ou des régimes autoritaires, ont gardé toute leur
pertinence aujourd'hui. De plus, cette appellation nous semble intellectuellement plus
honnête, puisqu’elle fait référence à un système pernicieux de diffusion d'un message et
de communication d'une organisation ou d'un État à des fins de soumission ou d'action
d'une ou plusieurs personnes.
Nous allons voir ainsi quelques techniques et stratégies mises en place par le
PAS pour convaincre le public du bien-fondé de son combat contre l'axe du mal
sioniste. Cet espace de réflexion s'articulera autour de deux points capitaux : la
propagande discursive classique (§1) et un point plus spécifique : la propagande autour
du complot mondial (§2).
§1 : La propagande rhétorique classique du PAS.
Nous avons vu dans la première section que le discours du PAS tentait de faire
adhérer le plus de personnes possibles à la sphère de croyance antisioniste. Il fait ainsi
appel à quelques techniques de propagande mises en avant tout au long du 20ème siècle et
qui, par l’emploi d’euphémisme, de rhétorique ou plus simplement de manipulation
émotionnelle du public, parviennent à produire un message biaisé et purement
propagandiste. En utilisant quelques grilles synthétiques, comme celle de Clyde
141 « Propagande », Centre national de ressources textuelles et lexicales, 2009.142 LANDRIN Xavier, « Propagande », Encyclopaedia Universalis, 2010 : « un ensemble variable dans le temps de techniques de diffusion idéologique, de savoirs et de stratégies de pouvoir mis en forme par des groupes aux prétentions monopolistes ou hégémoniques »143 CHARLOT Monica, La persuasion politique, Armand Colin, 1970.144 ELLUL Jacques, Propagandes, Armand Colin, 1962, p. 75-93.

70
Miller145 ou de J. M. Domenach et en la complétant par nos propres réflexions, on peut
aisément déconstruire quelques messages diffusés par le PAS.
A. « L a règle de simplification et de l'ennemi unique » 146
Selon Domenach, c'est la première règle de fonctionnement du discours de
propagande. Ce mécanisme simple fait appel aux deux premiers leviers dégagés par
Miller, c'est-à-dire au « levier d'adhésion » (virtue device) et au « levier de rejet »
(poison device). Le premier dispositif consiste à se montrer comme étant le bien, le
deuxième dispositif sert lui à dénoncer un ennemi unique en l'associant à des images et
des expressions néfastes. Dans le cas du PAS, il s'agit de mettre en place un dispositif
associant l'antisionisme à une posture vertueuse et le sionisme à des choses
monstrueuses. Ainsi, l'objectif est de créer un monde plus simple, manichéen, avec d'un
côté la sagesse et le bien, et de l'autre le mal absolu. Ce dernier levier est renforcé par la
« personnalisation de l’ennemi » autour de quelques figures reconnues : Sarkozy, Bush,
Israël etc. Il faut utiliser toutes les ressources pour créer l'unanimité autour de cette
bipolarité bien/mal, quitte à user et abuser de « valorisations sémantiques »147, c'est-à-
dire à faire appel à de grands principes au-dessus de tout soupçon pour justifier une
cause moins noble. Soral déclarait ainsi être « du côté du peuple, du côté de la justice,
du côté de l'égalité sociale »148. Une autodéfinition que personne ne peut venir
objectivement critiquer et qui doit remporter l’adhésion des personnes de bonnes
raisons, des sages et des justes.
Pour amplifier cet objectif de dualité manichéenne, le parti antisioniste doit
s'appuyer sur des faits véridiques ou des hommes de prestige. C'est le « levier
d’autorité » (testimonial device) : il faut récupérer la notoriété d'un homme ou d'une
cause pour pouvoir illustrer ce qui est bien ou mal. C'est ainsi que le PAS revendique sa
filiation avec le général De Gaulle149, ainsi que le soutien de plusieurs juifs antisionistes
145 MILLER Clyde, Propaganda Analysis, NY: Institute for Propaganda Analysis, 1937.146 DOMENACH Jean-Marie, La Propagande politique, 1950, p. 49 à 53.147 CHOMSKY Noam HERMAN Edward, « Un modèle de propagande », in La fabrication du consentement : De la propagande médiatique démocratie, 2008, éd. Agone, 2008. (Première parution New York, Pantheon Books, 1988).148 Conférence de présentation de listes antisioniste, loc. cit.149 Alain Soral déclarait : « j'ai l'impression étrangement d'être aujourd'hui un français qui a subi la défaite de 40 et entendant d'une certaine manière l'appel du général De Gaulle », conférence de presse, 21 mars 2009.

71
tels que les rabbins Cohen et Feldmann. Ceux-ci expliquaient lors d'un sommet
international, peu avant les élections européennes, que « le sionisme était complètement
opposé au judaïsme, son but étant de s'imposer aux populations palestiniennes en les
soumettant et en ignorant leur espoir d'autodétermination »150 car, « les juifs sont en
exil et sont supposés vivre en paix avec les autres nations dans le respect des lois de ces
nations »151. Ces témoignages d'autorité sont exposés pour conforter le phénomène
d’adhésion derrière la cause palestinienne, qui rencontre déjà une large adhésion dans le
monde entier et particulièrement dans le monde arabe.
Ce qui nous amène au quatrième levier dégagé par Miller, le « levier de
conformité » (together device) qui fait appel au poids de
la masse des partisans de la lutte antisioniste (qui sont
nombreux et de nature différente) ou à l’appartenance à
une entité supérieure telle que la Nation, la République,
le Peuple français etc. La pression est ainsi renforcée par
le conformisme qui règne autour de la cause
palestinienne. Ce conformisme passe encore une fois par
une simplification des faits, autour de symboles forts et simples comme les images
provenant de Gaza et de la guerre en Palestine, devenues « images reines »152,
incontestables, dont la plus connue est celle du lanceur de pierres palestinien face aux
chars israéliens ou encore celle de ce petit palestinien mis en joue par un soldat de
Tsahal153 :
150 Rabbin Araon Cohen, conférence « Durban 2 », Genève, 20-24 avril 2009.151 Rabbin David Feldmann, idem.152 D’ALMEIDA Fabrice, La manipulation, op. cit., p.93.153 Photos issues du clip « Hommage à la Palestine, victime de la barbarie sioniste », site du PAS [http://www.partiantisioniste.com/videos/titre/47-hommage-a-la-palestine-victime-de-la-barbarie-sioniste.html].

72
Toute cette propagande est soutenue par le grossissement et la défiguration, à
travers des généralités évidentes, des schémas simplistes et des « décontextualisations »
d’images et de discours : explication simplifiée des problèmes au Moyen-Orient, de la
crise des banlieues ou encore des dérèglements climatiques. En traitant ces sujets à
minima et toujours de la même manière, le PAS a la volonté de montrer l’œuvre
satanique des meurtriers israéliens (incendies, crimes, guerres, malheurs…)
B. Diabolisation et comparaison avec les régimes totalitaires.
Il s'agit ici de l’un des principaux angles d'attaque du PAS pour dénoncer Israël.
Une fois la propagande autour du malheur palestinien, et plus globalement du monde
arabe face à la « machine de guerre » de l'État juif mise en place, l'amalgame entre
celui-ci et les pires régimes qu’a connu l’histoire devient facile. Les juifs sont les
nouveaux racistes planétaires qui pratiquent un génocide organisé sur leur territoire,
assassinant femmes et enfants, déportant des millions d'individus, créant de nouvelles
frontières en érigeant des murs... Ils sont les nouveaux parias du monde contemporain, à
l'instar du régime nazi d'Hitler, ou du régime d'apartheid. C'est ce qu'expriment les
intervenants autour de Mahmoud Ahmadinejad lors de la conférence de Durban 2 à
Genève : Israël est un État terroriste et raciste. L'antisionisme est donc un
« antiracisme », « anticolonialiste », « anti-impérialiste », à l'image de la résistance des
peuples européens lors de la seconde guerre mondiale contre l'expansion du troisième
Reich. Cette réductio ad Hitlerum154 permet de disqualifier a priori tous les arguments
de leurs ennemis. Comment en effet ne pas s'ériger contre la barbarie « nazisraël » ?
C'est un cas classique d'amalgame, renforcé par le sentiment de fierté national de la
résistance française : « aujourd'hui, personne ne reproche au résistant Jean Moulin
d'avoir tué ou fait tuer des Allemands avant d'être exécuté. Nous devons soutenir et
respecter autant le combat actuel des palestiniens que celui des résistants français, hier,
contre le nazisme allemand »155.
Outre les mots, le PAS étoffe cette propagande de comparaison entre Israël et
l'Allemagne d'Hitler par les images, notamment avec la diffusion d'un diaporama d'un
154 STRAUSS Leo, Natural Right and History, University Of Chicago Press, 1999.155 Dieudonné, in MUKUNA Olivier, Dieudonné, Entretien à cœur ouvert, op. cit., p. 40 – 41.

73
montage photo mettant en parallèle des situations qu'ont vécues les juifs pendant la
seconde guerre mondiale et la situation aujourd'hui en Palestine156 :
Ce
parallèle douteux, grâce à une « falsification d'images »157 entre le régime nazi et Israël,
a au moins l'avantage pour les leaders du parti antisioniste d'être un mécanisme de
propagande très efficace, puisqu'il joue sur la corde sensible du récepteur, manipulant
des émotions humaines universelles.
La peur tout d'abord, engendrée par ces images toutes violentes, de guerre, de
destruction, de massacre, de danger, de prison, de répression etc. et qui place le sujet
dans un état d’adhésion à la « croyance » antisioniste, plus facile à atteindre. La
dramatisation du message participe en effet à une meilleure écoute et à son
appropriation passive par le public.
156 Diaporamas, « Le Nazisme d'hier et le Sionisme d'aujourd'hui », Site Internet du PAS.157 Un des principaux dispositifs de propagande dans une démocratie selon le « modèle de propagande » de Herman et Chomsky (op. cit.).

74
La désapprobation générale par transfert ou amalgame ensuite, c'est-à-dire
l'utilisation de figures très controversées (ici, la férocité du régime nazi et la
dénonciation des horreurs de la guerre) pour les appliquer à un message (la défense de
la cause palestinienne). Pour être efficace, la propagande doit reposer sur un
conditionnement « dont l'essentiel réside dans la répétition »158. C'est une direction
prise par Gouasmi, le doctrinaire du PAS, qui martèle avec ferveur le même message
depuis les élections européennes, sur la puissance du lobby sioniste, sur le génocide
palestinien, sur l'emprisonnement idéologique de la France, etc. Il mélange ainsi avec
beaucoup de ruse la manipulation cognitive et l'appel aux émotions, le tout encadré par
la peur que suscite le « complot sioniste ».
§2 : Théorie du complot.
La théorie du complot est un terme hyper-polysémique et très galvaudé aujourd'hui. Il
regroupe toutes sortes de théories, de comportements, d'états d'esprit, etc. Si nous
devions replacer le type de conspiration que dénonce le PAS, nous le placerions dans la
typologie de Michael Barkun159 comme une « conspiration systémique » (systemic
conspiracy theory), c'est-à-dire une dénonciation d’un complot global, fomenté par un
collectif (une alliance, une communauté, un lobby, un club…) qui cherche à s'insinuer
dans tous les rouages décisionnels du monde pour pouvoir le dominer et en tirer profit.
Le groupe dont il est question, c’est ce que Gouasmi appelle dans ses communiqués
« l'entité sioniste » ou « le lobby sioniste »160. Il ne s'agit pas de dénoncer le peuple juif
dans sa totalité mais certains groupes influents qui manipulent le sentiment de
culpabilité occidentale de la Shoah pour diriger le monde et plus particulièrement pour
instaurer un régime de terreur en Palestine. Il convient alors de décrypter cette
propagande contre le complot sioniste (A) avant de se demander si, à la suite de
nombreuses controverses, cette dénonciation ne fait pas écho à un certain antisémitisme
(B).
158 D’ALMEIDA Fabrice, La manipulation, op. cit., p.77.159 Dans son étude, A Culture of Conspiracy: Apocalyptic Visions in Contemporary America (University of California Press, 2003), Barkun dégage trois types de conspirationnisme selon la portée de son influence dans le monde : événementiel (Event conspiracy theory), systémique (systemic conspiracy theory) ou total (superconspiracy theory).160 Voir les nombreux articles publiés sur http://www.partiantisioniste.com/.

75
A. La propagande autour du complot sioniste
La première démarche du PAS pour dénoncer ce complot est de remonter aux
origines du sionisme : la création d'Israël. Les agents sionistes, très actifs dans le monde
et surtout en Europe et aux États-Unis, auraient profité de leur position pour négocier
des accords secrets. Ainsi, les sionistes à l'ONU auraient fait pression pour obtenir une
terre en Palestine. À partir de leur installation au Moyen-Orient, ce complot
« occidentalo-sioniste » n'a eu de cesse de s'accroître. C'est notamment l'explication que
donne Gouasmi quant à l'arsenal nucléaire israélien :
« C'est la France qui a livré ses centrales nucléaires à Israël
(…) Avec un accord secret entre Londres, Paris et Tel-Aviv. Israël
devait intervenir au canal de Suez pour déclarer la guerre à l'Égypte.
C'était les socialistes qui étaient au pouvoir, avec à leur tête le
sioniste Guy Mollet (…) En échange, elle [Israël] avait le droit à son
arsenal nucléaire et terroriste. Ceci est l'œuvre du sionisme
parisien »161.
Voici donc un exemple typique de la propagande complotiste. Aucun fait,
aucune preuve tangible, aucune statistique n'est apportée dans le discours ; on ne parle
alors que « d'accords secrets », « de compromis officieux », « d'échanges stratégiques »,
etc. On expose simplement quelques faits historiques de façon à ce que ceux-ci forment
une histoire, un récit facile à comprendre. On s'efforce ainsi de transformer notre
monde, de mettre en conformité tout ces faits avec un récit antisioniste, évitant ainsi
toutes « dissonances cognitives »162 par rapport au cadre que se sont fixés les leaders du
PAS. C'est l'une des manipulations les plus simples mais aussi les plus efficaces pour un
public non averti et avide de comprendre le monde. De plus, elle a pour intérêt de
désigner des coupables à la situation en Palestine ; les coupables de l'époque certes,
mais qui font écho à une culpabilité contemporaine avec des tournures telles que
« socialistes sionistes » ou « sionisme parisien ». Elle permet d'identifier ces coupables
d'hier et d'aujourd'hui qui soutienne le sionisme par intérêt moral ou financier.
161 Gouasmi, « Tremblez sionistes on vous aura!!!!! », dailymotion, 27 février 2009.162 FESTINGER Léon, RIECKEN Hank, SCHACHTER Stanley, L'Échec d'une prophétie, PUF, 1993 (édition originale de 1957).

76
Cela permet ainsi de s'interroger sur la culpabilité des personnes jugées comme
sioniste aujourd'hui en France. Le président de la fédération des chiites de France
déclare ainsi lors d'une conférence :
« Le sionisme a gangrené notre société. Il occupe une place
majeure qui ne lui est pas destinée. Il gère les médias. Il gère
l’éducation de nos enfants. Il gère notre gouvernement… et tout cela
pour l’intérêt de l’étranger. L’intérêt de l’entité sioniste israélienne.
(…) Ils ont pris le pouvoir en France, le pouvoir des médias, les
trusts, la politique. Croyez-moi : gauche comme droite n’est que du
sionisme. Il n’y a rien d’autre. Tout ça c’est une magouille, à grande
échelle. Et nous sommes là pour la dénoncer. Et dénoncer tous les
hommes politiques qui font l’apologie et le soutien du sionisme, quels
qu’ils soient et dire qui sont les vrais Français et qui défend les
intérêts de la nation »163.
Nous sommes encore une fois en présence d'une propagande complotiste
flagrante avec une assimilation de l'ennemi à une maladie (gangrène, virus, pandémie
etc.) qui se propage à toute vitesse à l'ensemble du corps social, « les vrais Français » si
l'on ne coupe pas la partie malade, c'est-à-dire le lobby sioniste en France, dont
notamment le CRIF, premier visé par ces accusations, mais aussi les partis politiques,
l'Europe, l'OCDE, etc. Pour les antisionistes, le complot est déjà lancé, il se trouve dans
toutes les sphères de la société : dans la sphère publique en premier lieu (administration,
médias, politique, justice, culture…) mais aussi dans la sphère privée (éducation,
famille, amis…). C'est en tout cas ce que pensent déceler Gouasmi dans la suite de son
discours :
« Le sionisme il est en train d’éduquer tes enfants. Tu n’as
plus autorité sur tes enfants. Il est en train de les orienter comme ils
veulent, où ils veulent, même comment il faut voter. Le sionisme est
chez vous, et chez nous. Il divise le foyer. Il divorce le foyer. A chaque
divorce, moi je vous le dis, il y a un sioniste derrière. A chaque chose
qui divise une nature humaine, il y a derrière un sionisme. C’est ce
163 Conférence de presse, Théâtre de la main d'or, 24 avril 2009.

77
que nous croyons. Et c’est ce que nous allons démontrer. Pour nous,
le sionisme, c’est un mal. »164
À l'instar d'Anna Arendt, nous voyons dans ce ridicule fourre-tout antisioniste
« une condamnation du monde dans lequel [les masses] sont contraintes de vivre et ne
peuvent subsister, puisque la contingence est devenue la loi suprême de la réalité et que
les être humains ont besoin de transformer constamment les conditions chaotiques et
accidentelles en un schéma d'une relative cohérence ».165 Ainsi, en partant des origines
concrètes de la formation du sionisme (la création d'Israël), jusqu'à son implication dans
la sphère très privée de tous les citoyens, en passant par la situation politique en
Palestine, l'interventionnisme américain du dernier siècle, les administrations et la
manipulation de l'opinion publique en France , le sionisme est absolument partout : c'est
le « principe structurant » nos sociétés selon les antisionistes radicaux. En plus de
pouvoir expliquer et agencer le monde de façon simple, cette théorie complotiste a un
autre avantage psychologique : elle permet de se déresponsabiliser des failles que
connaît la société en général mais aussi des échecs personnels les plus répandus
aujourd'hui (pauvreté, chômage, divorce…), permettant ainsi de mieux supporter les
aléas de la vie.
Nous rejoignons donc le constat du sociologue français Jean-Bruno Renard selon
lequel « la société postmoderne, parce qu’elle n’offre plus un système stable de
catégorisation du réel, ne peut que favoriser les idées négatrices et
conspirationnistes »166. La théorie du complot est une sorte de palliatif, face à un monde
de moins en moins intelligible et de plus en plus complexe, où les anciens principes
structurants les sociétés s'effacent et laissent un vide. C'est cette peur du vide qui joue
sur les émotions des individus, dont l'angoisse et l'incertain, qui deviennent les
principaux moteurs d'une paranoïa individuelle ou collective. Dans les deux cas, elle
opère « un réenchantement négatif par le fantastique »167, une réaction à la perte de
repères, de sens, d'évidence, qui était autrefois assurée par les institutions et un ordre
social structuré.
164 Idem.165 ARENDT Hannah, Le système totalitaire, Seuil, 2005, page 79.166 RENARD Jean-Bruno, « Les rumeurs négatrices », 2006, Revue Diogène, PUF, n° 213, 2006, p.74.167 TAGUIEFF Pierre-André, L’imaginaire du complot mondial. Aspect d’un mythe moderne, Mille et une nuits, 2006, p.198.

78
En conclusion, nous répondrons à ceux qui pourraient s'étonner que dans un
monde aussi informé sur les techniques de diffusion du message politique, que ce soit à
travers la parole ou l’image, nous nous soyons attachés à démanteler le message de
propagande du PAS. Le citoyen semble en effet aujourd'hui plus que jamais armé pour
comprendre et déjouer lui-même ce message. En guise de réponse, nous citerons cette
conclusion éclairante de Fabrice d’Almeida, qui fait parfaitement écho aux thèses de
Frédéric Lambert sur le déni du langage comme façon d'adhérer à une croyance : « tous
les regards ne sont pas des rejets, et tous les détours la marque d'un soupçon. La
curiosité, la sympathie même, remplace parfois la méfiance. Symboles et figures
retiennent l’attention et poussent à la réflexion. L'image est source pour l'historien. Elle
soutient désormais la défaillante mémoire des hommes »168.
Cependant, aux vues des accusations d'antisémitisme dont fait preuve la liste
antisioniste et la controverse qui naît de cette ambiguïté entre antisioniste et antisémite,
il nous faut revenir sur les liens que peuvent avoir la lutte contre « le complot sioniste »
et la lutte contre le vieux « complot juif mondial ».
B. Le complot antisioniste : un renouveau antisémite ?
En 1968, suite à une question sur le sionisme, Martin Luther King aurait
déclaré : « Quand les gens critiquent les Sionistes, ils veulent dire les Juifs ». L'objectif
de ce paragraphe n'est pas de rajouter une pierre aux nombreux débats autour de cette
théorie de l'antisioniste antisémite. Cette querelle d'intellectuels et de chercheurs nous
semble irrésoluble, tout d'abord à cause de la trop grande implication des uns et des
autres en faveur de tel ou tel camp et de l'émotion qu'elle suscite chez eux, ensuite parce
que les théories échafaudées font appel directement ou indirectement à un combat
politique idéologique sans issue (entre une vision néomarxiste anti-impérialiste de
l'histoire, une théorie constructiviste et une vision libérale néoréaliste), et enfin parce
que celles-ci sont mélangées à des visions théologiques ou religieuses contradictoires.
L'objectif de ce paragraphe est d'essayer de resituer les multiples facettes du discours du
PAS à travers le prisme de cette controverse, mais en essayant de ne jamais tomber dans
ce « piège rhétorique et idéologique ».
168 D’ALMEIDA Fabrice, Images et propagande, Casterman, 1995, p.182.

79
Disons en introduction que le lien entre antisioniste et antisémite n'est pas une
vue de l'esprit, imaginé par certains auteurs dont les émotions et la rhétorique couplent
automatiquement l'un avec l'autre (Taguieff, Finkielkraut, Giniewski, Lévy...). Il existe
en effet une théorie radicale et absolue de l'antisionisme antijuif en France, décrite pour
la première fois par les premiers négationnistes français tels que Maurice Bardèche et
Paul Rassinier, et qui assimilait directement le sionisme au judaïsme, en insistant sur le
fait que les juifs, sioniste par nécessité historique, puisaient leurs forces du sentiment de
culpabilité des occidentaux après la Shoah. Leur doctrine ne sera reprise est synthétisée
qu'à partir des années 70, par des hommes comme Serge Thion, Roger Garaudy169 ou
encore le bien connu du parti antisioniste, Robert Faurisson170. Celui-ci envoie en 1978
un papier fondateur du négationnisme à de nombreuses rédactions où il énonce sept
points de dénonciation de la « vision exterminatrice » de l'histoire :
« 1. Les "chambres à gaz" hitlériennes n'ont jamais existé.
2. Le "génocide" ou la "tentative de génocide" des juifs n'a jamais eu
lieu : en clair, jamais Hitler n'a donné l'ordre (ni admis) que
quiconque fût tué en raison de sa race ou de sa religion.
3. Les prétendues "chambres à gaz" et le prétendu "génocide" sont un
seul et même mensonge.
4. Ce mensonge, qui est d'origine essentiellement sioniste, a permis
une gigantesque escroquerie politico-financière dont l'État d'Israël est
le principal bénéficiaire.
5. Les principales victimes de ce mensonge et de cette escroquerie
sont le peuple allemand et le peuple palestinien.
6. La force colossale des moyens d'information officiels a, jusqu'ici,
assuré le succès du mensonge et censuré la liberté d'expression de
ceux qui dénonçaient ce mensonge.
169 Roger Garaudy a été condamné le 27 février 1998 pour contestation de crimes contre l’humanité et diffamation raciale. À propos de son livre Les Mythes fondateurs de la politique israélienne, le tribunal souligne que « loin de se borner à une critique du sionisme (…) Roger Garaudy s’est livré à une contestation virulente et systématique des crimes contre l’humanité commis contre la communauté juive (…) Bien qu’il s’en défende, il présente sous forme d’une critique politique d’Israël ce qui n’est qu’une mise en cause de l’ensemble des Juifs ».170 Après le scandale du zénith en 2006 et la montée de Robert Faurisson sur scène aux côtés de Dieudonné, celui-ci s'était défendu « de ne pas connaître les thèses du négationniste ». Pourtant, quelques années plus tard, en 2009, le Théâtre de la main d'or accueilli en privé les amis de Robert Faurisson pour son 60e anniversaire (Maria Poumier, Dieudonné, Ginette Hess-Skandrani, etc.).

80
7. Les artisans du mensonge savent maintenant que leur mensonge vit
ses dernières années ; ils déforment le sens et la nature des
recherches révisionnistes ; ils nomment "résurgence du nazisme" ou
"falsification de l'histoire" ce qui n'est qu'un juste retour au souci de
la vérité historique. »171.
On peut alors douter des intentions des leaders du PAS qui soutienne
ouvertement des personnes aussi controversées ayant tenu ce genre de propos. Selon
Dieudonné, il ne s'agit que d'un soutien de principe à la liberté d'expression et contre la
loi Gayssot, qu'il tient pour responsable d'un chantage à l'antisémitisme à grande
échelle. Dieudonné renverse même la critique du complot : « Il faut arrêter aussi avec
ce chantage systématique à l’antisémitisme. (…) Moi je déteste cette théorie d’un grand
complot antisémite qui s’organise dans le monde. Je crois qu’il faut sortir de cette
paranoïa absolument ; il faut sortir de cette théorie du complot : il n’y a pas de complot
antisémite sur la planète (…) »172. En effet, si nous laissons de côté ses affinités plus qu'
ambiguës, il est clair que l'humoriste n'a jamais sombré dans la « dénonciation du
complot juif mondial ». Il explique d'ailleurs très clairement qu'il ne s'agit pas d'un
« complot » sioniste, mais d'un « choc frontal avec des individus parfaitement
identifiés : l'extrême droite de la communauté juive, ce groupuscule sioniste, raciste,
pro-Sharon, et en guerre permanente contre quiconque évoque la situation en
Palestine »173.
Nous pensons d'ailleurs, à la suite de Guillaume Weill-Raynal174, qu'il serait
erroné, voire contre-productif, d'attacher systématiquement les thèses antisioniste à de
l'antisémitisme. Car, comme nous l'affirmons depuis le début de ce mémoire, une
véritable critique d'Israël et du sionisme, entendu comme « mouvement politique visant
à l'établissement puis à la consolidation d'un État juif (la Nouvelle Sion) en Palestine
»175, est possible, et même incontournable : expansionnisme, déplacements de
populations, traitement indécent des non-juifs sur le sol Israélien, la liste serait longue et
a déjà fait l'objet de nombreuses critiques. Le mouvement « d'intellectuels sionistes »,
171 FAURISSON Robert, « Les conclusions des auteurs révisionnistes », 1978.172 Conférence de presse, Théâtre de la main d'or, 24 avril 2009.173 MUKUNA Olivier, Dieudonné, Entretien à cœur ouvert, op. cit., p.42.174 WEILL-RAYNAL Guillaume, Une haine imaginaire. Contre-enquête sur le nouvel antisémitisme, Armand Colin, 2005.175 Le nouveau Petit Robert de la langue française, 2009.

81
dénonçant avec acharnement et simplicité l'antisionisme comme le nouvel
antisémitisme, semble ainsi défendre l'arbre qui cache la forêt et empêcher toute critique
envers Israël. S’il est vrai que l’antisionisme du PAS dérive parfois vers quelque formes
d'antisémitismes (et nous l'avons montré à plusieurs reprises dans nos développements),
notamment à travers le discours et les images de propagande véhiculées dans des
milieux enclins à l’ultra-communautarisme et à la haine de l'autre, il est tout aussi sûr
que le mouvement n'est pas à proprement parler antisémite et n'use pas en permanence
de la carte du « complot juif ». Il reste que le spectre de ce complot flotte toujours avec
ambiguïté autour des membres du parti, notamment lorsque ceux-ci s'expriment
librement.
On notera ainsi que la critique de Taguieff, quoique fortement documentée et
précise, se révèle tantôt excessive, tantôt opérationnelle. Excessive, lorsque « la
référence à l’antisémitisme est commode, (...) qu’elle sert d’explication passe-partout,
de tactique, de stratégie, d’alibi », remplaçant « la pensée, la réflexion, l’analyse »176. Il
peut s’agir, selon « la typologie de l’hostilité aux juifs »177 de Maxime Rodinson, d’un
simple mot d’esprit ou d’un cliché drolatique sur des traits caricaturales d’une Nation et
de son peuple (le français ronchon, béret sur la tête, baguette de pain sous le bras,
l’anglais précieux et son tea break, l’américain excessif, superficiel et obèse d’avoir
trop mangé de fast food, etc...) ; d’une critique d’un groupe politique et de ses
manifestations, par exemple lorsque les colistiers antisionistes ne s'attachent qu’à une
critique stricte de l'État d'Israël et de son gouvernement, ou dans le cadre national, des
manifestations sionistes radicales, soutenues plus ou moins ouvertement par la
République (dénonciation du dîner annuel du CRIF, de la protection des locaux fournis
pour des réunions de soutien à l'armée israélienne, de l’impunité de certaines « milices
sionistes radicales », etc.) Comme l’explique l’historien orientaliste, « il ne faut pas
nécessairement assimiler toutes ces manifestations, si déplaisantes qu’elles puissent
être, à la judéophobie essentialiste (...) dans la mesure où le groupe juif impliqué ne
représentait pas la totalité des juifs, dans la mesure où il avait ses torts »178. Qu'on
laisse donc de côté l'accusation d'antisémite lorsque Dieudonné, à la suite de comiques
tels que Pierre Desproges179 ou encore Coluche180, s'en prend ouvertement mais avec
humour aux juifs. Personne ne peut se soustraire à cet exercice de blessures dans l'ego 176 RODINSON Maxime, Peuple juif ou problème juif ?, La Découverte, 1997.177 Idem, p. 261 à 272.178 Idem, p.267.

82
national à travers quelques « blagues », qu'elles soient inspirées ou non. Qu'on laisse
l'étonnement, la surprise, et pourquoi pas même le sourire et le rire naïf (et humain !)
d'une personne devant un signe extérieur d'appartenance à la communauté juive telle
que le chapeau à papillotes. Car ces signe « d'hostilité » font heureusement parti de la
nature humaine et permettent à tous de ne pas sentir un écart entre les différentes
communautés, ou un régime de privilèges pour l'une d'entre elles.
Opérationnelle, lorsque la critique antisioniste s'embarque impunément dans de
vieux travers antisémites, et que les manifestations d’hostilité ne sont que le masque de
« vieux poncifs anti-juifs », que ce soit au niveau de la propagande rhétorique, lorsque
Dieudonné par exemple parle de « négriers reconvertis dans la banque, dans le
spectacle et aujourd’hui dans l’action terroriste qui manifestent leur soutien à la
politique d’Ariel Sharon»181, ou au niveau des images diffusées comme nous l'avons vu
un peu plus haut. En guise d'illustration supplémentaire de cet antisémitisme camouflé
par l'antisionisme, nous rapportons ces deux images commentées sur le site du PAS
pour clôturer une vidéo antisioniste182 :
179 DESPROGES Pierre, « Les juifs », (disponible sur Internet) : « il est vrai que les Allemands de leur côté ne cachaient pas une certaine antipathie à l'égard des juifs… Mais enfin ce n'était pas une raison pour exacerber cette antipathie, en arborant une étoile à sa veste… pour montrer qu'on n'est pas n'importe qui ! Qu'on est le Peuple élu ! ‘’Et pourquoi j’irais pas été au vélodrome d'hiver ?’’, ‘’et qu'est-ce que c'est que ces wagons sans banquettes !’’, ‘’ et j'irai aux douches si je veux !’’… quelle suffisance ! »180 COLUCHE, Le jeu de la vérité, présenté par Patrick Sabatier, le 27 septembre 1985 : « il y a quatre preuves que Jésus-Christ était juif, il y a quatre preuves : d'abord, il a vécu 33 ans avec sa mère (faut être juif !). il a cru qu'elle était vierge pendant 33 ans (ça aussi faut être juif !). Elle, elle a dit partout que son fils c’était le Bon-Dieu (ça, faut être juif !) Et il a quand même monté une affaire qui est devenue une multinationale ! »181 Dieudonné, Le Journal du Dimanche, 8 février 2004182 « Appel pour l’union des citoyens contre le sionisme », loc. cit.

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Nous avons le droit ici à un terrifiant amalgame théologique, purement
propagandiste, fusionnant le passé et l'histoire contemporaine avec simplicité, comme
une prédiction de la marche historique du monde. Il y a tout d'abord ce rappel à la
création d'Israël et au judaïsme, avec cette référence à la mer Rouge qui laisse un
passage au peuple juif en exil d'Égypte, puis un fondu subtil nous ramenant à une réalité
reconstruite : un parterre de réfugiés palestiniens, encadrés par des murs de béton et des
miradors d'où coule du sang, et une petite fille palestinienne enchaîné, levant les poings
en signe de révolte et de promesses d'une libération future. On aperçoit enfin
furtivement derrière les écritures, surplombant ces réfugiés, l’étoile de David, le
symbole du judaïsme, avec en son centre le Z de « Zionism ». L'amalgame entre juifs et
sionistes est donc double, en référence d'une part à la religion, d'autre part à la politique,
et forment ainsi un axe du mal évident : sionistes- Israël- juifs. Le PAS renouvelle ainsi
avec un certain antisémitisme en jouant sur « la simplicité de ses thèmes et de ses
images, qui s'impriment facilement dans les esprits et viennent se couler dans des
moules préexistants »183.
Prudence est donc bien mère de sûreté lorsqu'il s'agit de dénicher un potentiel
antisémitisme derrière l'antisionisme du PAS. Notre critique antérieure, celle de la
tentation manichéenne, se retrouve à la fois chez les détracteurs de l'antisionisme et
chez ceux qui le prônent. Pour ne pas tomber dans les mêmes travers dans notre analyse,
nous avons essayé de faire la part des choses, en se reposant sur des exemples concrets,
et en essayant de différencier les messages, les images, mais aussi les hommes qui les
portent. Il ne s'agit pas de tirer une conclusion en faveur de l'un ou l'autre des camps,
183 GINIEWSKI Paul, Antisionisme : le nouvel antisémitisme, Cheminements, 2005, p.69.

84
c'est-à-dire de faire de « l'antisionisme le nouvel antisémitisme » ou au contraire de
légitimer l'antisionisme comme tout à fait sain. Nous avons préféré adopter un point de
vue à plusieurs facettes en montrant qu'un « antisionisme, revendiqué ou masqué, et
éventuellement entachées d'arrière-pensées suspectes, est fort possible, mais nullement
automatique »184. Cependant, en alliant les deux faces de l'antisionisme, celle de la
critique juste du sionisme et celle plus controversée d’une posture antisémite, nous
plongeons avec certitude dans une atmosphère ambiguë qui vient renforcer notre
hypothèse de départ sur l'exacerbation des tensions communautaires. En effet, le parti
de Gouasmi et Dieudonné, en entretenant ce double langage, offre un terreau
exceptionnel à la haine de l'autre. Une aubaine pour tous les extrémistes radicaux,
avides de manipuler ce message, qui opère avec subtilité un « passage de la propagande
à la communication politique »185, une communication politique basée sur une nouvelle
forme de stratégie politique (chapitre 2).
Chapitre 2 : Une nouvelle forme de stratégie politique.
Il s'agit dans ce deuxième chapitre de donner une nouvelle impulsion à notre
hypothèse de départ. Nous venons de voir dans ce début de deuxième partie, consacrée à
la stratégie médiatique du PAS, l'influence de la propagande et de la théorie du complot
sur celle-ci. Mais au-delà de ces manifestations grossières de la communication d'un
parti, il nous paraît évident de consacrer quelques pages supplémentaires à une analyse
plus globale de cette stratégie. Un passage à la communication politique d'autant plus
nécessaire qu'il est à la base de la représentation du PAS dans la sphère sociale et
politique. Il faut donc se pencher dans une première partie sur la posture adoptée par le
parti dans la sphère politique et surtout électorale. L'hypothèse à laquelle nous nous
confrontons est celle d'un renouvellement d'une attitude généralement associée aux
groupements d'extrême droite : le populisme (section 1). Cette hypothèse se dédouble
alors d'une manière originale puisque le porteur du projet se trouve être à la base un
humoriste. Il était donc absolument nécessaire de voir le cheminement entre l'humour et
le politique, en analysant les enjeux liés à leur imbrication (section 2).
184 WEILL-RAYNAL Guillaume, op. cit., p.47.185 D’ALMEIDA Fabrice, Images et propagande, op. cit., p.181.

85
Section 1 : Un néopopulisme renouvelé.
Dès sa création, le PAS va se constituer autour d’un homme, celui par qui le
projet est né : l’humoriste Dieudonné. Interdit de salle, car suspecté de tenir en public
des propos antisémites, il y voit une censure du « lobby sioniste » au plus haut sommet
de l’Etat et décide de rassembler des hommes autour de lui ; des hommes qui
entrevoient comme lui ce « danger pour la liberté d’expression » qu’est le sionisme.
Le PAS fera sa campagne en ne présentant des listes qu’en Ile de France et fera
de bons scores dans certaines villes de banlieue dites « sensibles ». La création du parti
et la campagne électorale qui l’accompagne s’est faite sur une stratégie médiatique
maitrisée, jalonnée d’ « attentats humoristiques » et autres pieds-de-nez au monde
politique.
Cette attitude face à la crise de confiance démocratique que traverse la France
fait entrer le parti dans une attitude néopopuliste au sens de Taguieff, c’est-à-dire
comme « style politique ». Il a en effet emprunté des éléments très classiques des
populismes modernes, voir « postmodernes »186 pour pouvoir s’imposer dans l’esprit de
l’opinion publique, des médias et des politiques (A). Mais la particularité du PAS est
d’avoir renouvelé cette posture autour de nouveaux sujets et d’un nouveau mode
d’approche du public, que nous expliquerons à travers le terme « Shopulisme » (B).
§1 : Le PAS et les logiques classiques du populisme.
Peu de recherches ont été consacrées au phénomène populiste, mais toutes
s’accordent à voire un renouveau du phénomène depuis les années 80 dans les
démocraties pluralistes occidentales187. Toutes ont pour principal constat qu’il ne s’agit
que d’un « symptôme »188 d’une maladie plus étendue qu’est « la crise de confiance à
186 Ainsi que les nomme Guy Hermet dans Les populismes dans le monde. Une histoire sociologique (XIX – XXème siècle), Paris, Fayard, 2001.187 Voir SOUCHARD Maryse (et al.), Le populisme aujourd’hui, Paris, éd. M-éditer, 2007, p.18.188 DORNA Alexandre, « Faut-il avoir peur du populisme ? », in Le Monde diplomatique, nov. 2003.

86
l’égard des institutions et des élites gouvernantes »189. Une crise de confiance et une
défiance envers les pouvoirs politiques traditionnelles qui resurgit au moment des
élections européennes de 2009 et dont l’élan n’est pas ralenti depuis (bien au contraire si
on en croit le taux d’abstentionnisme record des élections régionales en France en mars
2010, d’environ 53%, ou encore des grandes manifestations populaires en Grèce en ce
début d’année). Le sentiment de malaise est donc bien à l’ordre du jour et le populisme
va s’offrir une nouvelle jeunesse en profitant de ce moment démocratique, et en
manipulant le sentiment anti-système ambiant. Ainsi, en reproduisant certains caractères
classiques de ces mouvements protestataires, on peut analyser le PAS comme un de ces
nouveaux partis à la rhétorique néopopuliste. Tout d’abord dans le modèle de
domination charismatique du leader, qui est à l’origine de tout (1) et puis dans la forte
reproduction du schème « peuple versus élites »190 (2).
A. Dieudonné : un modèle de leader charismatique en lien direct avec le peuple.
L’origine de la création du PAS vient de l’initiative d’un homme, en réaction à
la censure dont il juge faire l’objet : Dieudonné Mbala Mbala. Le 21 mars 2009 il
annonce à la presse la création de la liste pour les élections européennes. Sur scène
depuis 1991, il fait ses débuts avec Elie Semoun, puis se lance dans une carrière solo en
1997. Brillant comique, sarcastique et puisant son inspiration dans les défauts de la
société, sa renommé ne fera qu’accroitre jusque dans les années 2000, où il sera
considéré par son public mais aussi par sa profession comme un des meilleurs, voir « le
meilleur humoristes de sa génération »191. Comme pour mieux imprégner le public
français, il choisira de laisser de côté son nom africain et se fera appeler par tous,
« Dieudo », un pseudonyme dont il aime jouer en insistant sur la consonance religieuse
évidente.
Dieudonné est alors une icône comique du politiquement incorrect, de la liberté
d’expression et de la satire cinglante contre le communautarisme et ses dérives racistes.
Parallèlement, sur la scène politique, il fait ses débuts à gauche comme défenseur actif
189 TAGUIEFF Pierre-André, Le retour du populisme, Paris, Encyclopaedia Universalis, 2004, p.7.190 TAGUIEFF Pierre-André, L’illusion populiste, Paris, Flammarion, 2007, p.199.191 Un titre reconnu notamment par une génération d’humoriste plus ancienne tel que Jean-Pierre Bacri, Daniel Prévost ou Guy Bedos, mais aussi par la nouvelle vague tel que Djamel Debbouze, Bruno Solo ou encore Pascal Eboué.

87
de la cause des noirs en France et lutte contre le Front National, la « bête-cancer »192 du
paysage politique français. Il est ainsi très médiatisé et se présentera même aux
législatives de 1997 contre le candidat du FN. La machine politico-médiatique est
lancée et le charisme de Dieudonné sera confirmé par toute l’attention dont il fera
l’objet au cours de cette première décennie 2000, tant au niveau artistique, avec ses
spectacles solos ou ses apparitions remarquées dans le cinéma, qu’au niveau politique,
où il assume sa propre caricature du noir anti-lepéniste.
Dieudonné va alors séduire les classes populaires communautarisés qui se
sentent « lâchées » par les pouvoirs politiques et qui ont peu d’emprise sur les décisions.
Il va rassembler autour de lui tout types de militants politiques « déçues du système » et
qui viennent d’horizon très différentes mais qui ont tous un jugement négatif sur
l’importance et l’influence du « lobby sioniste » en France : ancien communistes
syndiqués, membre ou ex-membres du FN, militant écologistes, féministes,
propalestiniens, anarchistes, etc. Tous ces militants déçus de leur formation vont se
retrouver autour de cette nouvelle « ligne de fracture » : l’antisionisme.
C’est ainsi qu’il prend le contrôle d’une nébuleuse anti-système, en utilisant une
rhétorique propre au populisme : contre l’Etat, contre le « deux poids / deux
mesures »193, contre l’exploitation du peuple par ses dirigeants. Il va s’ériger comme la
victime de ce système et décide de prendre les armes pour s’ériger comme unique
homme politique honnête et sérieux, porte-parole des opprimés, véritable guide vers « la
lumière », jouant à la fois sur ses talents d’humoriste et de très bon orateur. Il sera ainsi
le guide contre le mal. Son attitude et son projet sont alors portés par un style
résolument populiste, notamment en contournant les vecteurs de médiatisation
traditionnels.
Dieudonné est un chef charismatique qui ne veut pas s’embarrasser d’un appareil
de parti gigantesque. Il a toujours revendiqué le côté humain de son action politique et
préfère donc travailler dans une structure familiale, à taille humaine. Il décide donc de
192 In « Un métisse pas maté », in Le Nouvel Observateur, 6 novembre 1997.193 L’expression favorite des leaders du PAS pour expliquer leur engagement et que l’on retrouve à plusieurs reprises dans chaque discours à la presse, notamment 7 fois dans la conférence d’annonce de création de la liste au Théâtre de la main d’or.

88
s’exprimer et de travailler dans son Théâtre de la Main d’Or à Paris. Toutes ses
conférences de presse, ses débats internes, ses réunions de travail, ses rencontres se
feront à partir de ce lieu.
Autre lien direct avec le peuple pendant la campagne, il préfèrera toujours
l’exercice de la rue plutôt que celui de la rencontre avec les journalistes. Il fera ainsi
plusieurs démarchages directement auprès « des gens simples », « des véritables
français », en arpentant les rues de la capitale, et plus particulièrement dans les quartiers
populaires (20ème, 19ème et 18ème arrondissements), ou en se rendant dans les villes de
banlieues sensibles. Facilement abordable, refusant de pratiquer « la langue de bois », il
ne craint pas, à l’instar de populiste reconnu comme Jean-Marie Le Pen en France, de
débattre et sait parfaitement comment décontenancer un adversaire politique : sa réparti
entre humour et dénonciation en font un très bon orateur, écouté et parfois même admiré
par ceux qui sentent en lui un porte-parole enfin crédible. Mais tout bon orateur ne peut
pas se démarquer et être médiatisé à long terme s’il ne rencontre pas un public qu’il a
définit au préalable ; un public qui sera dans le cadre du néopopulisme le peuple (B) !
B. L’appel au soulèvement du « vrai » peuple contre ses ennemis.
Dieudonné s’appuie donc sur son charisme médiatique et, à la manière d’un
Berlusconi, va construire « un cadre politique personnalisé, dont il constitue à la fois la
première référence de pouvoir et le fondement idéologique »194. Le peuple est la seul
base légitime de son apparition en politique et il en fera systématiquement le départ de
toute réflexion. Le peuple dont on peut citer ici avec pertinence les deux acceptions de
Mény et Surel195 :
- Comme « électorat », c'est-à-dire comme unique source de légitimité à travers
les élections, reléguant à un rôle de marionnette toutes les autres institutions.
- Comme « opinion publique », que l’on retrouve grâce aux médias et au institut
de sondages. Inutile de préciser que l’opinion publique dont se réfère Dieudonné est 194 DIAMANTI Ilvo, in Le retour du populisme, op. cit., p.57195 MÉNY Yves et SUREL Yves, Par le peuple, pour le peuple, le populisme et les démocraties, Fayard, 2000.

89
souvent celle qui ne peut pas s’exprimer, où celle qui est invisible, sauf dans ses salles
de spectacles.
« Dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas », voilà la maxime
populaire qui pourrait résumer le projet politique des néopopulistes et de Dieudonné. Ce
que Maryse Souchard dénonce avec justesse dans son ouvrage collectif sous le nom de
« société du micro-trottoir et de la connaissance spontanée »196. Il s’agit ici de sortir des
voies de l’expertise « élitiste et corrompu » pour revenir à la sagesse populaire, au bon-
sens du peuple, depuis trop longtemps bâillonné. Ce chemin populaire, très attractif à
prime abord dans une perspective de démocratie, permet ainsi de manipuler ceux qui se
sentent égarés par la gestion de plus en plus complexe de nos institutions par une élite
administrative ou politique. On en arrive à un relativisme absolu de la pensée où le
peuple reprendrait un pouvoir dans le processus politique, pouvoir que lui aurait
confisqué depuis longtemps ces élites.
On est ici au cœur de ce que Taguieff appelle le « populisme-mouvement »,
c'est-à-dire « un populisme qui apparaît d’abord comme un type de mobilisation des
classes populaires (…), victimes d’une injustice, et symptomatique de l’irruption des
masses dans l’espace sociopolitique ».197 Le peuple vertueux est ainsi soutenu par
Dieudonné qui voit contre celui-là un complot fomenté par un ennemi étranger (dans ce
cas, il s’agit du sionisme, mais nous y reviendront dans la deuxième partie). Dieudonné
se réfère alors au peuple, mais au peuple au sens de plebs, c'est-à-dire les classes
populaires : les communautés laissées pour compte (noires et arabes de France), les
ouvriers, les chômeurs ou encore les personnes en situation précaires. Tous ceux qui
peuvent avoir se sentiment d’abandon par le pouvoir politique et qui sont donc de bons
sujets à la manipulation anti-système.
C’est à ces nouvelles classes sociales que va s’adresser le message du PAS, en
« agitant sans cesse la bannière du peuple souverain »198. Hermet dégage quant à lui
dans ses recherches trois manières rhétoriques pour les populismes modernes d’être
antipolitique ; trois explications qui semblent importantes dans le cas du PAS :
196 Idem, p.21.197 TAGUIEFF, L’illusion populiste, op. cit., p.189198 MASTROPAOLO Alfio, « Populisme du peuple ou populisme des élites », in Le cours de la recherche, Université de Thurin, 2002.

90
- L’utilisation de la protestation virulente pour investir l’arène électorale, en
s’appuyant sur des entrepreneurs de mobilisations charismatiques. Dans des systèmes
politiques occidentaux bouchés de toute part, il faut qu’un leader prenne en main un
groupe de protestation latent pour en faire un parti populaire (contre la fiscalité, contre
l’Etat Providence, contre l’Europe, ou dans ce cas contre le sionisme).
- L’utilisation des nouvelles formes de revendications du « peuple de Seattle ».
C’est-à-dire un fondamentalisme des droits de l’homme exacerbé, sur fond de droit à la
différence ou au respect de toutes les communautés, sans aucun régime d’exception
pour une d’entre-elle en particulier (revendication d’un traitement identique pour la
communauté noire et arabe de France que pour la communauté juive).
- La critique de la complexité obscure du politique et de l’administration,
corrompue, lente, de connivence avec les médias, confisquant son pouvoir au peuple.
C’est le cas de Dieudonné, qui n’aura de cesse depuis 2009 de critiquer
ouvertement un système français qu’il juge corrompu dans toutes les hautes sphères :
« ce centre nerveux, ce système corrompu à tout les niveaux, expliquant tous les
dysfonctionnements de notre République »199. La critique première, celle qui le pousse à
créer un pari anti-sioniste, est celle du milieu artistique et plus globalement celle des
médias. Ils les accusent d’être aux mains du lobby sioniste et se pose en victime de ce
système entant que noir : ce sont une « meute de chiens enragés qui ont organisé le
lynchage dont je suis la cible »200. Il accusent notamment « les grands médias d’être
devenus des entreprises de communication à but essentiellement lucratif » et « tout en
affichant une indépendance de façade, d’être des outils qui servent remarquablement
l’appareil politique »201. Il utilise ici la thèse simpliste et incomplète mais très populaire
du journalisme de connivence et de mensonge au peuple, organisé collectivement par
les élites politico-médiatiques. Une critique relayée par le numéro trois du parti, Alain
Soral : « Le niveau de débat [dans les médias] est maintenant misérable. Les
intellectuels ont été remplacés par des guignols. Notre presse est l’une des plus serviles
199 Conférence de presse annonçant la création de la liste antisioniste, 25 mai 2009.200 In MUKUNA Olivier, Dieudonné, Entretien à Cœur ouvert, Anvers, éd. EPO, 2005, p.33.201 Idem, p.74.

91
du monde. (…) Les libéraux atlanto-sionistes ont pris totalement le pouvoir en
France »202.
La deuxième sphère concernée par les attaques de l’humoriste est celle des
hommes politiques. A la question ‘’qu’est-ce qu’un Président de la République
aujourd’hui ?’’, il répond : « ce n’est qu’une marionnette aux mains de la haute finance
et des multinationales »203. Critique qui permet de montrer le lien obscur entre le
politique et l’économique, souvent dénoncé par les classes moyennes et populaires, et
qui fonctionne d’autant plus pendant les périodes de crises financières, comme celle que
vit l’Europe depuis 2008.
Aucun rouage de l’Etat n’échappe à sa critique, puisqu’il dénonce aussi le
pouvoir judiciaire et notamment les magistrats, qu’il accuse d’ « être englués dans un
système où, finalement, il est plus simple de condamner lourdement un voleur
d’autoradio et, le soir, d’aller diner avec un marchand d’armes »204. Le temps lent de la
justice étant effectivement un des problèmes majeurs de nos démocraties (ce qui a été
plusieurs fois dénoncé par la CJCE), il est très facile de critiquer violemment une
administration qui s’enlise pendant des années sur des procès compliqués de « cols
blancs », alors qu’il existe tout une batterie de procédures rapides contre les délits du
quotidien. Injustice « de temps » inévitable au vu du niveau de complication des procès,
mais qui devient « injustice politique » dans la bouche des néopopulistes faisant de l’œil
à des classes populaires souvent en mal avec l’administration judiciaire.
Toute cette critique antipolitique cherche à remettre le peuple au centre du
discours et des préoccupations de la République, quitte à dénigrer le temps long
nécessaire à une politique démocratique, à l’art du gouvernement. Les néopopulistes
méprisent cette prudence politique en proclamant « que les attentes même les plus
complexes et grosses d’effets pervers (…) pourraient se trouver satisfaites si les élites
en place n’y faisaient obstacle »205.
202 Conférence de presse, loc. cit.203 In MUKUNA Olivier, op. cit., p.89204 Idem, p.36.205 HERMET Guy, op. cit., p. 446.

92
§ 2 : L'originalité du populisme du PAS : Le "shopulisme".
Comme le dit très justement Pascal Perrineau, « à se focaliser sur les filiations,
on risque de passer à côté de ce qui fait l’ampleur et l’originalité d’un phénomène
politique nouveau »206. S’il était donc judicieux de rappeler la filiation évidente du PAS
avec les néopopulismes émergents à la fin du 20ème siècle, il est encore plus stimulant de
voir dans quelle mesure il renouvelle le style, à travers un véritable show autour du
débat sur le « chantage à la Shoah », c’est ce que nous avons appelé le « shopulisme ».
A. Un show populaire autour du leader.
Peter Mair a écrit à propos des changements dans nos démocraties que « le plus
plausible à l’avenir sera le déclin continu de l’engagement et de la participation des
masses en politique et son remplacement progressif par la politique plus incertaine et
assez indifférente du spectacle de masse »207. C’est ce schéma politique du spectacle de
masse qu’a choisi de privilégier le PAS avec à sa tête un humoriste, Dieudonné, qui va
s’adresser directement au peuple par l’intermédiaire de l’humour et de ses spectacles. A
l’image d’un Berlusconi utilisant tout les instruments du marketing208, « Dieudo » va lui
s’en remettre à toutes les ficelles du milieu du spectacle et surtout, à cette institution en
France qu’est le droit pour les artistes d’user (abuser ?) de leur sacro-sainte Liberté
d’expression. Si depuis quelques mois cette liberté est remise en question de plus en
plus dans les médias (notamment autour d’humoriste tel que S. Guillon ou Dieudonné),
il est encore reconnu que la scène reste un endroit où l’artiste à le droit de s’exprimer
librement puisque toute intervention est alors présupposée être dans le domaine de
l’humour (que l’on soit choqué ou indifférent au propos tenus). Jean-François Copé,
Président du groupe UMP à l’Assemblée Nationale, rappelait par exemple à ce sujet
qu’il ne pouvait y avoir d’autres « limiteurs » que la propre conscience de l’artiste et le
public, qui est le seul à pouvoir donner sa légitimité ou au contraire à sanctionner un
humoriste en allant voir ou non son spectacle209.
206 PERRINEAU P., in Le retour du populisme, op. cit., p. 28207 MAIR Peter, “Représentation and Participation in the Changing World of Party Politics”, European Review, mai 1998, p.173.208 DIAMANTI Ilvo, op. cit., p.54 à 56.209 Emission de télévision, On n’est pas couché, 10 Avril 2010.

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Partant de ce constat, Dieudonné se réfugiera sans cesse derrière cette liberté
d’humour et de scène. Notamment lorsqu’il décide de critiquer dans ses spectacles le
sionisme ou même de caricaturer tout simplement la population juive dans la pure
tradition de l’humour noire anti-juive, ce qui ne constitue pas une injure en soi, puisque
d’autres avant lui s’y sont essayer210 et que toutes les communautés se trouvent
attaquées dans son show. Ce qui fait que l’on peut s’interroger sur ce bouclier de l’Art,
c’est lorsque l’humoriste le brandit dans une autre sphère : celle du politique et de
l’arène électorale.
Car en effet, qu’il s’agisse de faire venir le politique sur scène, en faisant parler
un négationniste reconnu devant le public211, ou de manier l’humour sur la scène
politique, dans ce qu’il appelle des « attentats humoristiques », Dieudonné fait une
confusion salvatrice entre la critique politique du gouvernement israélien et l’humour
autour d’une communauté de croyant (l’humour contre les juifs). C’est cette confusion
des genres et l’utilisation de l’arme humoristique en politique que lui reproche la
majeure partie des observateurs, car c’est ce show antisioniste continu, dans toutes les
sphères de sa vie publique, que l’opinion publique admire et qui lui vaut tant de
sympathie. L’humour devient alors l’arme imparable d’une politique extrémiste, d’un
populisme faisant sa propagande à l’intérieur et à l’extérieur des salles, mais toujours
sur le thème du spectacle.
Si on devait relever un dernier exemple de ce « shopulisme » à la Dieudonné,
quoi de plus symptomatique que de parcourir l’affiche de campagne des Européennes de
2009, véritable affiche de cinéma (Annexe 5). Le format de l’affiche, les caractères
employés et le positionnement des éléments sont typiques de l’affiche
cinématographique. Les représentants de la liste sont présentés en gros plan au milieu,
dans un ordre pyramidal de hiérarchie (avec donc Dieudonné, le leader, en premier
plan). Cette affiche amène sciemment le récepteur à mobiliser plusieurs sens et brouille
les sphères de compréhension :
210 On peut penser notamment au sketch de P. Desproges, « les juifs » ou encore les scènes où Dieudonné jouait le noir contre son ami E. Semoun qui jouait la caricature du juif.211 Le 28 décembre 2008, Dieudonné profite de son dernier spectacle pour faire monter sur la scène du Zénith Robert Faurisson, négationniste reconnu et plusieurs fois condamné pour contestation de crimes contre l’humanité dans les années 80.

94
- Une lecture ludique tout d’abord ; celle d’un film ou d’une pièce de théâtre.
L’auteur veut placer son public dans la position d’un spectateur devant une pièce
comique, devant une parodie. Cela promet ainsi de sortir de l’univers ennuyeux de la
politique et provoquer l’étonnement, le sourire (le rire ?), l’envie de partager un bon
moment.
- Une lecture socioreligieuse ensuite. Toutes les communautés sont rassemblées
dans cette liste. C’est la croyance en une République française black-blanc-beur (ou
chrétien-musulman-juif), en la fin du communautarisme qui « gangrène la société », en
une paix possible grâce au rapprochement des peuples. C’est le message ultime de la
tolérance intégratrice : tous sont égaux et unis par un même but.
- Une lecture politique enfin. Le projet unificateur est justement le slogan de
l’affiche et le titre : « Unis contre le sionisme » - le titre du « film », sionisme qui se
niche partout et explique les tensions sociales. L’auteur associe les sionistes aux
spéculateurs : un levier sensible en période de crise financière et une association qui
n’est pas sans rappeler en background le vieux mythe du juif banquier accapareur. Le
sioniste se trouve aussi à l’OTAN qui est vu dans les milieux extrémistes comme le bras
exécutant de l’axe américano-sioniste en Europe. Enfin, la liste se bat contre le sionisme
qui exacerberait les tensions communautaristes et qui serait l’institution occulte d’une
nouvelle censure, empêchant la liberté d’expression en France.
Toute cette peur-dénonciation du sionisme est donc enrobée d’un emballage
alléchant de jeu, de non prise au sérieux, d’ « attentats humoristiques », de farce
politique… pour essayer de rendre le message le moins « ultra » possible, le moins
extrême possible. L’euphémisme iconographique et rhétorique vient renforcer cette
utilisation du show dans la lutte politique du PAS : le combat contre le sionisme, la
nouvelle ligne de fracture (B).
B. La « nouvelle ligne de fracture » autour de l'humour sur la Shoah : le combat
contre l'ennemi sioniste.
C’est ce que Taguieff nomme « l’appel à la rupture purificatrice ou
salvatrice »212, incarnée par le chef du mouvement. Le leader affirme avoir les clefs
pour opérer une rupture avec les modèles précédents et pour changer véritablement le
212 TAGUIEFF, Le retour du populisme, op. cit., p.23

95
système. Et cette rupture doit passer nécessairement par la discrimination de certains
individus, généralement par leurs origines ethniques ou culturelles ; c’est la dominante
xénophobe ou raciste des néopopulismes européens de la fin du 20ème.
Mais l’originalité du PAS vient de ce penchant discriminatoire, qui est dans ce
cas politico-confessionnelle. C'est-à-dire une demande d’expulsion de la République
française des sionistes, qui sont devenus aujourd’hui les principaux dominateurs du
peuple. On passerait alors d’un populisme raciste à un populisme antiraciste puisque
Dieudonné forge sa rhétorique haineuse envers le sionisme sur le fait qu’il s’agit en fait
d’une idéologie politico-religieuse totalitaire et islamophobe, ayant pour but d’instaurer
un régime d’apartheid en Israël213.
Une posture de fracture entre l’ancien système corrompu et un espoir de
changement, résumée par le second leader du PAS :
« A chaque chose qui divise une nature humaine, il y a
derrière un sionisme (…). La France est occupée par le sionisme.
C’est ce sionisme qui a été pointée du doigt par De Gaulle, cet
atlantisme. Nous sommes là pour libérer la France. Nous allons le
combattre, ici, en France. Si nous réussissons ici en France, à
montrer sa nature, qui il est ; si le peuple prend conscience ; alors je
vous assure la Palestine sera libérée, la France sera libérée, l’Europe
sera libérée, l’Amérique sera libérée, le Monde sera libéré, (…). Nous
avons une juste cause : c’est le Mal et le Bien et nous représentons la
partie du Bien »214.
L’antisionisme du PAS est donc fondé sur une méthode de diabolisation de
l’ennemi, le « Mal », fondée sur un amalgame entre nazisme et sionisme ou encore entre
la situation en Palestine et le régime d’Apartheid. Dieudonné déclarait sur ce point, dans
son style humoristique toujours aussi cynique et cinglant : les sionistes, « ce sont tous
ces négriers reconvertis dans la banque, le spectacle et aujourd'hui l'action terroriste
qui manifestent leur soutien à la politique d'Ariel Sharon. Ceux qui m'attaquent ont
fondé des empires et des fortunes sur la traite des Noirs et l'esclavage. Ils m'accusent
213 Un passage d’un racisme anti-juif, de 1880 jusqu’au troisième Reich, à un antiracisme anti-juif, de la création d’Israël à aujourd’hui, très bien expliqué dans Prêcheurs de haine, de Taguieff, en introduction p.15-16.214 Conférence de presse, loc. cit.

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d'être antisémite. Ça n'a aucun sens, personne dans ma famille n'a servi dans la
Wehrmacht. Mais c'est Israël qui a financé l'apartheid et ses projet de solution
finale »215. Comme tout régime totalitaire, il est donc nécessaire de revendiquer la
destruction d’Israël et de ses mandataires qu’il envoie dans le monde entier pour
masquer son vrai visage. Car, le lien entre cette critique d’Israël (qui n’est pas dénuée
de toute base avérée) et les autres pays est bien au cœur du projet du PAS. La critique
du juif sémite oriental, « infiltré partout », notamment dans le domaine de la Banque, a
cédé sa place à celle du Juif-sioniste occidental, « dominateur » de l’Occident
impérialiste et hégémonique, représenté par l’axe Tel Aviv – Washington. Cet « axe
américano-sioniste », prendrait appui sur l’Europe, notamment à travers l’Otan, pour
s’imposer au monde.
C’est avec ce schéma, dans la lignée des théories conspirationnistes, que le PAS
justifie aujourd’hui le malaise qui règnerait en France, notamment dans les institutions
de la République. Car, pour préserver la naïveté du monde envers Israël, le sionisme
prendrait appui sur des élites, notamment en France, et inhiberait de l’intérieur toute
critique envers l’Etat juif. Pour ce faire, le PAS relève l’utilisation du sentiment de
culpabilité européen après l’extermination de la seconde guerre mondiale : « chantage à
l’antisémitisme » et « pornographie mémorielle »216 de « l’évènement médiatique de la
Shoah », voilà à travers quoi le sionisme dominerait aujourd’hui la France.
C. Médiatisation du scandale et survivance grâce au cyber-militantisme.
Aujourd’hui, la puissance des médias est telle, qu’elle est devenue la première
instance « relais » entre les politiques et le peuple. On peut remarquer d’autant plus
facilement cette prédominance médiatique si l’on se trouve en période électorale et
pendant laquelle chaque parti ou homme politique essaye d’utiliser au mieux les médias
et les nouvelles techniques de communication et d’information. Cette évolution vers une
fuite en avant effrénée dans les média pour être le plus populaire possible, marque ce
que Taguieff appelle le « télé-populisme » : « le démagogue efficace de la
postmodernité est devenu le tribun télégénique »217. Il s’agit de sortir le politique des
215 Le Journal du Dimanche, 8 février 2004, p. 27.216 Conférence de presse à Alger, Annexe 8. 217 Taguieff utilise pour la première fois le terme dans un article : « Le populisme et la science politique. Du mirage conceptuel au vrais problèmes », Vingtième siècle. Revue d’histoire, 56, 1997, p.42. Il

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institutions traditionnelles pour le rendre directement audible par le public. Mény et
Surel y voit la relégation du parti au rang d’ « accessoire », au profit d’un lien
médiatique plus direct et surtout qui bénéficie d’une meilleure visibilité et
accessibilité218.
On retrouve cette nouvelle manière d’envisager la politique (à travers la
manipulation des médias) dans la création du PAS, qui se veut un parti avec un noyau
très faible, quasi-inexistant, et une multitude d’électrons, qui ne sont que des
entrepreneurs, soit politique, c’est le cas du numéro 3, Soral (homme politique de
formation et polémiste politique, ancien directeur de communication du Front
National), soit en communication, comme Dieudonné, l’humoriste télégénique, ou
Gouasmi, qui s’occupe d’alimenter chaque jour le blog du PAS par une vidéo ou un
article polémique sur le sionisme.
L’avantage de ses entrepreneurs de mobilisation est évidemment de ne
pas avoir de compte à rendre à un parti omnipotent ou à une base militante qui se
réunirait régulièrement. Plus important encore, n’ayant rien à perdre et tout à gagner, ils
vont pouvoir alimenter les médias de scandales, de phrases provocatrices, de vulgarité
même. Nous l’avons vu il y a quelques lignes, si cette omniprésence médiatique est
couplée avec un droit irrépressible de liberté d’expression, les représentants du PAS
vont pouvoir miser sur ce show scandaleux pour « coller au mieux aux exigences de
l’impact télévisuels »219.
L’exemple typique de ce shopulisme, brouillant humour-spectacle et politique
plébiscitaire, est ce sketch de Dieudonné sur un plateau de télé, déguisé en colon
israélien (vêtements militaires, cagoule, chapeau traditionnel et papillotes juives), et
finissant son intervention par un salut nazi en disant « Israël ! »220. L’impact est fort.
Dieudonné fait son show sur une chaine du service public, en prime time, en tant
qu’invité humoriste, et peut - sans détours et explications compliquées ou ennuyeuses
qu’implique souvent le politique pour un amateur - dénoncer son ennemi politique : le
développera ensuite ce concept dans tous ses ouvrages traitant du populisme, et en fera une thèse centrale de ces recherches.218 MÉNY et SUREL, op. cit., p.123 à 126.219 BALANDIER Georges, Le pouvoir sur scènes, Paris, Balland, 1992. 220 Emission On ne peut pas plaire à tout le monde, France 3, 1er décembre 2003.

98
sionisme (ou plus précisément comme il le dira lui-même dans ce sketch « l’axe
américano-sioniste »).
Ce que peu d’observateurs ou de chercheurs n’ont en revanche pas encore relevé
dans ce renouveau populiste et ses liens avec les médias, c’est l’influence d’internet et
du cyber-militantisme. Et pour cause, il est encore aujourd’hui très difficile de connaître
son véritable impact. Toujours est-il que c’est le premier moyen d’action de
l’organisation anti-sioniste, sa première ressource. Car on l’a vu, Dieudonné et ses
camarades restent très critiques face aux médias traditionnels (même s’ils aiment en
jouer), et revendiquent un autre moyen de s’exprimer et de participer à nos
démocraties : « puisqu’aujourd’hui, je suis – enfin, nous sommes, privés de la scène
médiatique ou politique dites traditionnelles, nous avons décidé de continuer le combat
avec les français, avec ceux qui veulent débattre et faire avancer la République
directement »221. Mode de médiatisation alternatif aux grands médias, le site du PAS est
modifié chaque jour par un billet du président Gouasmi, par des vidéos-montages, des
témoignages, des liens facebook et twitter multiples, et bien entendu le programme
détaillé du parti et un lien pour l’adhésion en ligne.
Ce qui est intéressant ici, c’est qu’internet permet une continuité et une stabilité
du populisme dans la pratique car il donne au parti un support visible et actif, mais
surtout dans la rhétorique même du mouvement, qui reste parmi le peuple en continuant
à l’informer et le faire participer à la démocratie. C’est un autre moyen de légitimation :
puisque les médias les oublient, sous la pression des politiques, et puisque ceux-ci ne
veulent pas débattre avec eux et avec les français, alors ils s’engageront dans le cyber-
militantisme qui reste encore le seul moyen d’expression libre et global.
Si Mény et Surel mettent en évidence que ces nouvelles « idoles populistes sont
souvent aussi vite brûlées qu’elles ont été adorés »222, il en va différemment avec
l’utilisation d’internet qui permet, si ce n’est une actualité quotidienne, tout du moins
une survivance jusqu’aux prochaines élections, ou jusqu’au prochain scandale. Elle
permet de passer plus facilement le « creux de la vague» entre chaque échéance et donc
aux différents acteurs du PAS de garder une visibilité et une légitimité.
221 Conférence de presse, loc. cit.222 MÉNY et SUREL, op. cit., p.126

99
De plus, l’énorme capacité de ressources et de liens qu’offre internet permet de
créer tout un réseau militant, bien au-delà de la seul étiquette PAS, que ce soit à travers
les réseaux sociaux (facebook, twitter…) ou les forums, mais aussi avec d’autres sites
en ligne qui partagent les mêmes préoccupations (journalistes alternatifs, associations,
groupes de pressions, etc…). Cela permet de gonfler (artificiellement ou non) le nombre
de cyber-militant anti-sioniste et de « faire nombre », ce qui reste une des ressources les
plus recherchées dans le monde politique.
En conclusion, nous relèverons avec Mastropaolo ce paradoxe résumant assez
bien la pensée des chercheurs qui ont écrit sur le populisme post-moderne et qui, nous
pensons, reflète la situation du PAS dans la sphère politique française et plus
profondément dans le malaise des démocraties pluralistes en ce début de siècle : « le
néo-populisme est au fond une forme d’agitation. Cela le rend assurément inquiétant et
justifie la vigilance à son égard. Reste qu’il est sage de ne pas le dramatiser »223.
Car le parti anti-sioniste s’il se joue des règles de la démocratie (de son temps
long, de sa rhétorique si particulière, de ses compromis difficiles, de ses principes
constitutionnelles et institutionnelles…) n’est pas pour autant un parti « fascisant »,
puisqu’il respecte ces règles imposées. La vigilance passerait alors plutôt par un
contrôle de ses dérives plébiscitaires que sont l’apologie de la haine envers une
communauté, sous couvert d’un show humoristique rendu aujourd’hui possible par la
tolérance médiatique et populaire envers la liberté d’expression. C’est là tout l’enjeu
des risques liés au PAS et de ce que nous avons appelé le « shopulisme ».
Une dérive d’autant plus dangereuse qu’elle a à sa disposition les nouveaux
moyens de communication, dont internet et le vecteur le plus étendu, et qui fonctionnent
tout au moins comme disque de sauvegarde, tout au plus comme animateur latent, mais
qui reste actif et global dans le cas du PAS, et qui permet la survivance de cet
antipolitique primaire qui fleurit dans notre « société du spectacle » ou comme le dit
Bernard Manin dans notre « démocratie du public »224.
223 Loc. cit, p 66.224 MANIN Bernard, Principes du gouvernement représentatif, Paris, Flammarion, 2008.

100
Section 2 : L’utilisation scabreuse de l’humour en politique.
Dieudonné a compris que « l’irrévérence et l’irrespect étaient les valeurs sûres
de la société moderne »225 et que l'impératif pour plaire dans cette « société ludique »226,
était de pratiquer le cynisme. En effet, le rire a envahi aujourd'hui toutes les sphères de
la société, et est omniprésent jusque dans la politique. Mais alors, comment comprendre
le comique Dieudonné, comment comprendre son projet humoristique et politique ?
Peut-être, à travers cette phrase : « ma définition de l'humour, c'est lorsqu'on parvient à
faire rire avec des messages à dimension politique sociale (…), mon job, c'est de
chercher dans les recoins du sacré les travers de l'humanité »227.
Une approche de son métier qui n'est pas sans rappeler ce qu'a défini Henri
Bergson en 1912 à travers son concept du « mécanique plaqué sur du vivant ». Dans
cette lignée, le rire a pour origine le ridicule, il doit être humiliant pour celui qui en est
l'objet afin qu'il se perfectionne. Cette théorie morale du comique présente une grande
utilité pour comprendre le positionnement comique de dénonciation de Dieudonné (§1).
Mais on ne peut pas s'arrêter à ce simple constat mécanique et il faut essayer de dévoiler
les véritables enjeux de l'humour antisioniste de l'humoriste (§2).
§1 : L’utilisation du comique comme dénonciateur et correcteur social.
Loin d’être un « faux-comique », « humoriste sans humour, d’une lourdeur sans
pareille, un sous-Coluche hargneux »228, comme le pense la plupart des chercheurs qui
ont travaillé sur ce cas, Dieudonné a su travailler son humour avec toute les ressources
dont il dispose. Pour ne citer qu’un exemple (mais il y en aurait beaucoup d’autre) :
« Mais si tu regardes bien le problème de Jésus… c’est qu’il a
eu la fine équipe au cul, hein, c’est clair… Il a fait un sketch qu’à pas
plu… Son numéro là avec la multiplication des pains, ça faisait
225 GRABY François, Humour et comique en publicité : parlez-moi d’humour, EMS / Management et société, 2001, p.12.226 COTTA Alain, La Société Ludique. La Vie Envahie Par Le Jeu, Grasset, 1980.227 MUKUNA, op. cit., p. 61.228 TAGUIEFF Pierre-André, Prêcheurs de haine, 2004, p.388 et suiv.

101
marrer que lui et ses copains… ben il s’est retrouvé avec tout le lobby
boulanger sur la face !... ben oui : les autres ils sont debout jusqu’à
4h du matin et lui, en plein après-midi, il distribue des pains ! ».
« Discours allusif », « métaphore anachronique » de sa propre histoire,
« nonsense », « fausse naïveté », « inadaptation entre le ton et le contenu », sans oublier
le jeu de scène très présent dans les spectacles de Dieudonné… Des ressorts bien connus
des chercheurs minutieux autour de l’humour229 et qui donne à réfléchir quant au
dénigrement systématique et excessif dont fait l’objet l’humoriste. Au contraire, il nous
semble plus sage de prendre en compte cette force comique, de lui redonner toute sa
valeur pour pouvoir expliquer pourquoi Dieudonné fait scandale avec son humour dans
la sphère politique. Ne pas reconnaitre ce talent nous semble fermer définitivement la
porte d’une critique juste. Car dans l’obscurité de ses salles de spectacles, Dieudonné ne
cherche pas la plaisanterie niaise et les grosses ficelles du comique, mais au contraire à
faire travailler le public sur sa perception du monde. C’est d’ailleurs ce qu’il revendique
ouvertement : « oui, la réalité du monde dans lequel on vit, la bêtise et l’ignorance sont
des sources d’inspiration quasiment intarissables. L’objectif est de pouvoir les mettre
en scène, en situation, afin de créer le rire, puis de transmettre une réflexion »230.
Bergson n'est pas le premier à avoir mis en lumière cette fonction morale du rire.
Déjà dans l'Antiquité, Aristote et Platon avait envisagé cette possibilité d’un rire de
moquerie, de dénonciation des travers humains. Hobbes un peu plus tard allait lui aussi
dégager « ce moment inattendu du triomphe narcissique que procure le spectacle des
faiblesses des autres »231. Mais aucun pont solide ne sera tissé entre le comique et la vie
sociale jusqu'à Bergson. Le rire participerait à sa façon à une sorte de système de
contrôle social de toute société, à côté des systèmes de contrôle traditionnel qu'elles
connaissent :
« Le rire doit être quelque chose de ce genre, une espèce de
geste social. Par la crainte qu’il inspire, il réprime les excentricités,
tient constamment en éveil et en contact réciproque certaines activités
d’ordre accessoire qui risqueraient de s’isoler et de s’endormir,
229 Voir not. EVRARD Franck ou GRABY François ou DEFAYS Jean-Marc, op. cit.230 MUKUNA, op. cit., p. 61.231 DEFAYS Jean-Marc, Le comique, seuil, 1996, p. 4.

102
assouplit enfin tout ce qui peut rester de raideur mécanique à la
surface du corps social. Le rire ne relève donc pas de l’esthétique
pure, puisqu’il poursuit (inconsciemment, et même immoralement
dans beaucoup de cas particuliers) un but utile de perfectionnement
général232 ».
Pour Dieudonné, cet effet comique de socialisation passe par la dénonciation des
individus qui mécanisent la société, la gangrène, sans que les autres individus de la
société s'en rendent compte. Il veut notamment pointer un dysfonctionnement de l'État
français mais aussi de la sphère internationale qui, à cause de l'histoire de la Shoah, se
serait laissé volontairement dominer pour se faire pardonner et effacer un sentiment de
culpabilité après les camps de la mort. Toujours sur un ton humoristique pour amener le
spectateur à rire du ridicule d’une situation :
« Moi j'ai discuté tu sais avec les juifs, mais les juifs tu sais ils
ne voulaient pas s'expliquer non plus hein… Moi je leur disais : mais
pourquoi ? Eux ils disaient ‘’oui mais on est le peuple élu !’’ Ben,
mais qu’est-ce-que c’est que ça là… C’est quoi ça le peuple élu et dis-
donc? On n’a pas voté nous !»233.
Il aime jouer sur ce que la société (où ici plus précisément une communauté) a
figé dans le marbre et que tout le monde s’est approprié. C’est ce que Bergson avait
dégagé dans sa théorie du « mécanique plaquée sur du vivant » en l’étendant à une
raideur de la réalité « en général ». Pour se faire, l’humoriste utilise régulièrement les
ficelles reconnu de l’humour tel ce signifié habituel du « peuple élu » qu’il rapporte à
un « signifiant inhabituel » 234, bien connu mais inattendu dans le cas de la communauté
juif : l’élection, le vote, la démocratie, etc.
En exprimant un biais reconnu ou intériorisé par tous et en le grossissant,
Dieudonné « exprime donc une imperfection (…) collective qui appelle la correction
immédiate. Le rire est cette correction même. Le rire est un certain geste social, qui
souligne et réprime une certaine distraction spéciale des hommes et des
232 BERGSON Henri, Le rire : essai sur la signification du comique, PUF, 2007, p. 15.233 DIEUDONNÉ, Pardon Judas, Bonnie production, 2000, 01:03:05.234 EVRARD Franck, L’humour, Hachette, 1996, p.44.

103
événements »235. Ici, le rire de la salle permet de « corriger » ce qu’il perçoit comme une
source de conflit, c’est-à-dire qu’un peuple se considère au-dessus des autres.
C’est cet humour décalé et dénonciateur qui fait scandale lorsque Dieudonné
l’utilise comme arme politique et que nous avons expliqué par le terme
« shopulisme »236. Mais derrière cette attitude, cette posture du scandale populaire, quels
sont les véritables enjeux philosophiques et sociétales ? (B)
§2 : Les enjeux de l’humour politique chez Dieudonné.
Il ne s’agit plus ici de comprendre pourquoi nous rions, quelles sont les ressorts
du comique, mais de savoir comment et dans quel but (conscient ou non) nous le
faisons. Quelle est cette fonction du rire qui semble échapper aux détracteurs de
l’humoriste politique ? Pour Bergson, l’humour corrige – et nous venons de voir que
c’est avant tout le but de Dieudonné. Pour d’autre, l’humour défie l’intelligence du
récepteur : va-t-il saisir l’incongruité de l’histoire racontée ? La surprise de sa résolution
va-t-elle amener le rire ? Pour d’autres enfin, plusieurs fonctions sont attachées au rire :
« agressive », « sexuelle », « sociale », « défensive », « intellectuelle »237… Mais il nous
semble que les explications les plus éclairantes nous viennent de la psychanalyse de
Freud et de son étude Le mot d’esprit et sa relation à l’inconscient238. Car on peut
s’efforcer de dégager une théorie dite « classique » sur l’humour de Dieudonné :
Une théorie morale ou pessimiste où l’humoriste essaie de montrer un
sentiment de supériorité et de dégradation de l’ennemi.
Une théorie cognitive ou « intellectualiste » où l’humour n’a ici
d’existence que par le jeu entre le locuteur et le récepteur qui doit
décrypter une incongruité.
235 BERGSON, op.cit., p. 66.236 Partie 2, Chap. 2, Section 1, B1, Un show populaire autour du leader.237 5 fonctions avancées dans ZIV Avner et DIEM Jean Marie, Psychopédagogie expérimentale, EME Editions Sociales Françaises (ESF), 1989.238 FREUD Sigmund, Le mot d’esprit et sa relation à l’inconscient, Gallimard, 1988.

104
Une théorie sociale, celle développé par Bergson, situant le rire dans son
milieu naturel qui est la vie socioculturelle de tout groupe, lui conférant
ainsi une fonction précise, celle de participer au contrôle social.
Mais si toutes ces théories ont un intérêt certain pour comprendre l’humour de
Dieudonné, celle de Freud semble si ce n’est englober les autres, donner un regard plus
étendu sur le rire. Dérivée de la théorie de Spencer qui envisageait le rire comme un
processus de décharge ayant une fonction « homéostatique », il va en tirer sa fameuse
théorie économique du rire.
En effet, pour le psychanalyste autrichien, le mot d’esprit est un mécanisme qui
vise le plaisir en satisfaisant une tendance (obscène ou hostile) qui se heurte à un
obstacle extérieur (respect, position de force…) ou intérieur (moral, éducation,
politesse, refoulement…). Le fait de s’épargner une dépense d’inhibition ou de
répression, en contournant l’obstacle, amène au plaisir.
La « tendance agressive » dégagé par Freud est très éclairante pour comprendre
la direction de l’humour de Dieudonné :
« Dans le cas de la tendance agressive, il [le comique] utilise
les mêmes moyens pour transformer l'auditeur, qui au début était
indifférent, en un compagnon de haine ou de mépris et il créé à son
ennemi une foule d'adversaires, là où initialement il n'y en avait qu'un
seul […] Il renverse à nouveau le jugement critique, qui, en d'autres
circonstances, eut examiné le litige. D'une façon générale, le mot
d'esprit se met au service de tendance réprimée »239
Ces tendances réprimées peuvent être l’obscénité, la grossièreté, ou dans le cas
de Dieudonné (et d’autres), l'irrévérence. Pour le moment, il faut voir que cette
transformation de l’auditoire en compagnon de route contre le sionisme demande un
effort de la part du comique pour construire son humour, de façon à ce que cette
construction soit cachée, que le public s’épargne une réflexion difficile et considère tout
de suite les traits d’esprits comme un plaisir. Il faut pour que le comique produise tout
son effet une « anesthésie momentanée du cœur »240, que le public entre en connivence
239 Idem, p. 247-249.240 BERGSON Henri, Le rire : essai sur la signification du comique, PUF, 2007 (1898), p. 6.

105
avec l’auteur, qu’il fasse l’économie d’un effort critique. Dieudonné utilise pour ça des
techniques simples de victimisation tout d’abord, puis d’utilisation d’un pathos reconnu.
§3 : La victimisation comme moyen de légitimation.
Dans le cadre de la victimisation, il met en scène systématiquement à chacun de
ses spectacles depuis 2002 quelques histoires qui lui sont arrivés : interdiction d’antenne
sur le service public, acharnement politico-médiatique, agression physique dans les
Antilles « par quatre bonhommes porteurs du passeport israélien »241, interruption de
son spectacle à Lyon par le Bétar. Tout son humour prend source dans cette
« storytelling »242 de victime qu’il met en scène, jouant des vérités factuelles, des
allusions, des amalgames humoristiques, etc. Dans son dernier spectacle, il met ainsi en
scène avec humour son histoire pour pouvoir « capter les émotions et les désirs du
public »243 :
« C’est la vérité que j’suis en train de te dire… Parce que
sous la pression du Crif - on est tout en haut là, j’te cache pas que
c’est décidé en Israël directement – et là moi, ils veulent éradiquer
mes spectacles…hein, y’a un projet de solution finale… concernant
ma liberté d’expression. Et donc leur projet c’est de ne plus jamais me
voir dans une salle de spectacle. Donc y font pression sur les maires,
ils les menacent et tout : ‘’Risque de trouble à l’ordre public’’. Donc
c’est pour ça que moi je fais ça dans un autocar. Parce que
‘’Rassemblement interdit sur la voie publique’’ d’accord ! Mais dans
un autocar… t’as les pneus ! »244
On reconnait bien là les ficelles classiques de l’humour, où l’on retravaille sa
propre histoire en caricaturant tout les personnages afin de créer une ligne entre le bon
et le méchant. Par suite, le public est amené à rire du ridicule des personnes incriminées
241 Émission de télévision Ce soir ou jamais !, présentée par Frédéric Taddei, 8 mars 2010.242 SALMON Christian, Storytelling : La machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits, La Découverte, 2007.243 RIEFFEL Rémy, « Du pouvoir des médias en démocratie : le cas de l'information politique », in Médias, information et communication (ss la direction de LETEINTURIER Christine et CHAMPION Rémy), p.129.244 DIEUDONNÉ, Sandrine, Les productions de la plume, 2009, 00:06:37.

106
comme pour les punir, rejoignant ainsi la théorie morale du rire. Des personnes
ridiculisées qui sont nombreuses dans les spectacles de Dieudonné et jamais choisi par
hasard, car si les personnages sont souvent inventés, il existe une communauté où les
noms sont très visible dans les sketchs du comique. Pour n’en citer que quelque uns :
Patrick Bruel, Pierre Benichou, Alain Finkielkraut, Bernard-Henri Lévy, Arthur, Elie
Wiesel, Elisabeth Lévy, etc.
Mélanger persécution et humour, voici la clé de Dieudonné pour s'assurer que la
« décharge psychique » passera par le rire, en détournant l'attention de l'auditeur du
« processus technique » du mot d'esprit : le rire se fera alors « de façon automatique »245.
Ce processus technique est très habile chez Dieudonné et là encore les
enseignements de Freud nous serons très utile pour le comprendre. En effet, le
psychanalyste avait compris que le comique devait épargner à son public un travail
intellectuel sérieux de compréhension, c'est-à-dire une « dépense psychique d'analyse »
en le « court-circuitant »246. Cela peut passer par un appel aux sonorités et à l'acoustique
primitive plutôt qu’à la signification du mot lui-même (exemple du « peuple élu »), ou
encore revenir à du familier et du connu plutôt qu’à du nouveau inconnu à analysé : « la
menace sioniste ! Les soldats de l’autre connasse de Yahvé qu’on a aux miquettes là
depuis le mois de janvier »247. De la sorte, Dieudonné s'épargne, ainsi qu'à son public,
grâce aux mots d'esprit, comique de répétition, raccourci, amalgames, une dépense de
répression face à l'obstacle extérieur : le respect dû au peuple juif et à leur souffrance.
§4 : Pathos simpliste et hiérarchique victimaire.
Comme le dit très bien Olivier Mongin dans son chapitre Le rire ethnique ou
l'art de la métamorphose, « poursuivre Dieudonné dans le contexte de la loi Gayssot est
délicat : le provocateur ne remet pas en cause le crime contre l'humanité en tant que
tel, bien au contraire, il est dans la surenchère et en appelle à la reconnaissance de tous
les crimes contre l'humanité, et pas uniquement de la Shoah. Ce qui le conduit non pas
245 FREUD Sigmund, op.cit., p. 276.246 Idem, p.228.247 DIEUDONNÉ, Mes excuses, Bonnie production, 2004, 00:13:54.

107
à nier l’existence du crime contre l'humanité mais l'unicité, le caractère spécifique de la
Shoah qui témoigne selon lui de la volonté juive de s'approprier ce type de crime »248.
Pour comprendre comment et pourquoi Dieudonné fait de cette vision du monde
son cheval de bataille à travers son humour, il faut revenir sur ce que Freud appelle « les
mobiles du mot d'esprit »249, autre que celui du gain de plaisir, complétant la théorie de
Bergson, c'est-à-dire « l'humour comme processus social ».
En effet, plus que de simples « mobiles », nous pouvons déceler derrière
l'humour de Dieudonné des conditions subjectives de construction de son humour : des
conditions subjectives « personnelles » et des conditions subjectives « sociales ».
A. Des conditions subjectives personnelles.
Le premier mobile personnel à relever ici dans ce travail d'analyse, ce sont les
conditions historiques de construction de l'homme, son passé. En effet, Dieudonné
garde des liens très étroits avec son père camerounais et son pays d'origine. Il ne cesse
d'en faire référence à la fois sur scène et dans la sphère politique pour légitimer son
appartenance à la communauté noire, blessé par l'histoire, mais oublié depuis les
événements tragiques touchant la communauté juive.
D'autre part, nous pouvons relever sans trop de difficultés toute la pression et la
nervosité qui touchent les hommes publics, qu'ils soient politiques ou comiques. C'est ce
que Freud appelle l’affection névrotique : en regardant « ces personnes (…) qui sont
connues dans leur milieu comme étant des faiseurs de mots d'esprit fort répandu, on
peut être surpris de découvrir que cette personne spirituelle est une personnalité clivée
prédisposée aux affections nerveuses »250. Une névrose contre les sionistes dont
Dieudonné se sert pour s'imposer comme la personnalité politique qui unifie les beurs et
les noirs de cité contre les juifs qui incarnent la figure de l'élite. « Dans ses diatribes
antijuives, Dieudonné associe désormais noirs et arabes »251, et fait de cette association
le socle de son humour politique.
248 MONGIN Olivier, op.cit., p. 109-110.249 FREUD Sigmund, op.cit., p. 259 à 266.250 Idem, p. 261.251 MERCIER Anne-Sophie, La vérité sur Dieudonné, 2005, p.54.

108
Enfin, l'humoriste est souvent enclin à obtenir une image publique plus grande, à
toucher le plus de monde possible, sorte de pulsions d'ego que le psychanalyste analyse
comme « une poussée ambitieuse afin de montrer son Esprit, être en présentation, une
pulsion qui s'assimile à l'exhibitionnisme dans le domaine sexuel »252. Dieudonné a
toujours revendiqué son envie d'être le plus médiatisé possible dans un monde qui lui
refuse la publicité. À coups de scandales et d'exhibition ambiguë, il revendique le fait
d'utiliser les médias à leur insu pour obtenir une plus grande couverture :
« J’ai été obligé. Tu sais combien ça coûte une campagne de pub sur TF1 ? Je
n'avais pas les moyens, je suis fini moi… Donc faut être inventif, faut trouver des
astuces. Au départ j'avais pensé simuler une fausse agression, je leur ai fait ça dans le
19e arrondissement juste à côté, les caméras sont déjà sur place… mais j'ai un copain il
m'a dit ne fais surtout pas ça Dieudonné, tu vas te faire démonter la gueule pour pas un
rond. Si c’est toi, les médias ils ne se déplaceront jamais les mecs… Je lui ai dis ‘’non
mais j'aurais mis une kippa’’ ! »253.
Ici, tout le passé politique que s'est construit Dieudonné autour de son image de
défenseur des communautés noire et arabe de banlieue est mise en scène et présentée
devant un large public, pour pouvoir s'attaquer à ce peuple juif qui selon lui
monopolisent le sentiment de victimes en France et dans le monde.
B. Des conditions subjectives sociales.
« Nul ne peut se satisfaire d'avoir fait un mot d'esprit pour soi tout seul. Au
travail du mot d'esprit est indissolublement lié le profond besoin de communiquer avec
autrui ». Il faut une tierce personne en bonne condition d'humeur pour retirer tout le
succès d'une plaisanterie : le rire. Il faudra ainsi parfois désamorcer toutes les réticences
potentielles. C'est un travail très difficile pour l'humoriste mais Dieudonné semble
arriver à mettre le récepteur de ses critiques envers le sionisme dans un parfait état de
compréhension et surtout d'approbation. Il arrive à maintenir ce paradoxe qui consiste à
maintenir simultanément l'auditeur captivé, c'est-à-dire capable de décrypter ses jeux de
mots et tous ces sous-entendus, et à la fois inhibé dans sa mobilité, c'est-à-dire laissant
tous ces non-sens et cette stupéfaction l'envahir, comme une sorte d'intériorisation 252 Idem, p. 262.253 DIEUDONNÉ, J'ai fait l'con , Bonnie productions, 2009, 00:05 ans en ont ou :14.

109
malgré lui de concept ambigu à travers l'humour. Ce plaisir n'aboutit enfin totalement
qu'après avoir obtenu un « alignement général » grâce au rire de l’auditoire.
Il semble donc que l'humour de Dieudonné a pour base une simple technique de
communication, ce qui lui sera très utile dans sa campagne du PAS. Car avec humour,
tout change. Sans humour, « l'émetteur ne serait qu'un individu grossier et désagréable,
le récepteur qu'une pauvre victime de sarcasmes »254. Encore une fois, l'humour est mis
au service d'une meilleure communication sur des sujets qui ne pourraient pas être
abordés sérieusement en ces termes sans être très controversé ou dénoncés. Dieudonné
s'en sert pour exprimer ce qui aurait été difficile à dire ou entendre dans un cadre plus
politique. Le problème, c'est que plutôt que de rester dans une sphère purement
artistique, il a décidé d'importer cet humour construit de longue date dans une arène
beaucoup plus sceptique et conventionnelle : celle du politique. On peut alors se
demander si tout ce trajet ne dessert pas un projet qui, sous couvert de dénonciation
amusante, flirte dangereusement avec une certaine rhétorique antisémite.
254 GRABY François, Humour et comique en publicité : parlez-moi d’humour , EMS / Management et société, 2001.

110
CONCLUSION
Après avoir mis un point final à notre développement, plusieurs conclusions, ou
plutôt plusieurs sens, nous semblaient apparaître pour confirmer ou infirmer notre
hypothèse de départ. Certains points nous semblaient tenir de l'évidence, d'autres,
entretenir l'ambiguïté autour du parti antisioniste et de leur rôle dans la société
française. À la manière d'un Rubik's cube intellectuel, il nous a été très difficile de
reconstruire avec netteté toutes les facettes de ce sujet, chaque proposition venant
bouleverser plus ou moins profondément la précédente où la suivante, chaque
découverte sur une petite « unité » impliquant un remaniement du « tout ». Cependant,
trois points saillants de notre démonstration doivent être mis en exergue pour éclairer ce
travail.
Nous avons tout d'abord utilisé au mieux les cadres de la théorie sur les partis
politiques pour mettre en avant les spécificités intrinsèques du PAS. Conscient qu'aucun
idéaltype n'est absolument présent en réalité, nous nous appuyons comme Weber255 sur
une définition large du parti politique, permettant ainsi d'envisager sereinement les
modes d'action, les fonctions, les objectifs etc. Le PAS est donc bien selon notre
conception un parti politique puisqu’ il offre une étiquette sous laquelle peuvent se
présenter des candidats. Mais l'originalité de ce parti, c'est l'origine et l'hétérogénéité de
ces candidats. Son personnel politique très hétéroclite, issus de différentes mouvances, a
réussi à s'agréger autour d'un même projet, donnant une nouvelle visibilité à un
« système de croyance » jusqu'ici confiné à une existence discrète, voire secrète en
France. La nébuleuse antisioniste préexistante s'est donc transformée, sous l'impulsion
d'entrepreneurs de mobilisation engagés, tels que Dieudonné, Gouasmi et Soral, dans ce
que nous appelons un « parti-groupe d'intérêts », capable de mobiliser son électorat sur
une question spécifique jusqu'à ce que celle-ci soit résolue. Si l'on suit la sociologie
constructiviste de Millet, on ne pouvait s'arrêter à cette conclusion sans voire en toile de
fond les transformations politiques et sociales de notre société qui ont favorisé cette
émergence. Cette « transhumance » de l'antisionisme, des pâturages ignorés de la
société civile à la constitution d'un groupe atteignant les sommets de la lutte électorale
255 « Associations reposant sur un engagement (formellement) libre ayant pour but de procurer à leurs chefs le pouvoir au sein d'un groupement et à leurs militants actifs des chances - idéales ou matérielles - de poursuivre des buts objectifs, d'obtenir des avantages personnels, ou de réaliser les deux ensemble », (WEBER Max, Économie et société, tome 1, p. 371 – 376).

111
et de la visibilité politico-médiatique, prend en effet selon nous, et c'est bien ici notre
hypothèse qui s’en trouve confortée, un appui déterminant sur l'état de notre société et
sur les tensions qui la traversent.
Notre deuxième réflexion insiste en effet sur ce malaise démocratique, cette
défiance des Français face aux politiques, qui transparaît dans nos travaux lorsqu'il s'agit
d'étudier le comportement de ce nouveau parti. Entré en totale adéquation avec son
temps, manipulant avec beaucoup de malignité ce sentiment de malaise, le PAS intègre
parfaitement le concept de l'infotainment, croissant information et divertissements,
devenu aujourd'hui « un mode de traitement privilégié de la politique »256. Plusieurs
axes nous ont amené à cette conclusion. Tout d'abord, la fabrication d'un support
idéologique à travers images, vidéos et discours, brouillant volontairement la distinction
absolue entre le vrai et le faux, « entre un monde pur, entièrement vidé de tout
intermédiaire d'origine humaine, et un monde répugnant, composé de médiateurs
d’origine humaine, impur »257. Ensuite, parce que cette stratégie médiatique jongle avec
subtilité avec des concepts jugés parfois obsolète, tels que le populisme, le
propagandisme politique ou encore le complotisme. Ces trois composantes stratégiques
essentielles, renouvelés par le PAS, ont pour point commun d'entremêler la diffusion
d'un message qui se veut « vérité », mais une vérité construite, remaniée, caricaturale
dans sa manière d'être proposée aux citoyens. Une position d'autant plus attrayante et
divertissante pour celui-ci puisqu'elle est porté avec humour par un leader des plus
charismatiques. Un renouveau stratégique censé alimenter une nouvelle ligne de
fracture sociétale entre sioniste et antisioniste, et un nouveau système de croyance
opérationnelle dans certains milieux et auprès de certaines communautés.
Car, c'est là notre troisième direction, le point de chute de notre analyse sur la
place du PAS dans notre univers d'adhésion politique : en basant sa légitimité électorale
sur un nouveau débat en France, il entre parfaitement dans un système de « querelles
stériles autour du nouvel antisémitisme, de la souffrance noire, du racisme anti-blanc,
de la mémoire coloniale etc. qui ont pour premier effet de dresser les gens et les
communautés les uns contre les autres »258. En effet, nous l'avons vu, l'antisionisme du
parti de Dieudonné, s'il a pour principal qualité de nous rappeler les ravages causés par 256 RIEFFEL Rémy, « Du pouvoir des médias en démocratie : le cas de l'information politique », in LETEINTURIER Christine et CHAMPION Rémy, op. cit., p. 123.257 LATOUR Bruno, Sur le culte moderne des dieux faitiches, La découverte, 2009, p. 139.

112
le gouvernement israélien et les extrémistes sionistes sur la population palestinienne, ne
peut cependant pas cacher le principal défaut de l'antisionisme absolu, celui d’être un
masque pour un antisémitisme renouvelé, consciemment ou inconsciemment.
Malheureusement, cette posture ambiguë et hasardeuse, qui plonge ses racines dans des
idéologies plus que controversées, entretient en France ce que l'on pourrait appeler le
« choc des communautés ». Elle met en place un double discours dont l'impact est
néfaste pour notre démocratie. En opposant l'intégration bienfaisante et unificatrice de
la République aux dangers du particularisme des différentes communautés, il réactive ce
vieux sentiment d'injustice chez ceux qui adhèrent à la théorie de la hiérarchie
victimaire et de la suprématie du cas juif sur les autres souffrances, notamment celle des
noirs et des beurs, principal public visé par le PAS. Particulièrement latente dans
certains milieux, notamment les plus défavorisés - et les moins pris en compte par les
pouvoirs politiques ou médiatiques, cette atmosphère de tension favorise l'émergence
d'une nouvelle haine, d'un nouveau « clash » entre des populations déjà trop
stigmatisées. Cette atmosphère est d'autant plus présente qu'elle obtient le soutien d'une
certaine frange d'intellectuels, qui s'opposent avec véhémence depuis quelques
décennies sur le sujet : Taguieff vs Weil-Raynal, Levy vs Sand, Badiou vs Milner,
Finkielkraut vs Brauman etc.
Ce travail n'avait pas pour objectif de jeter une nouvelle pierre dans ce marécage
de querelles stériles, d'entretenir certains mythes ou certaines croyances, de dénicher le
vrai du faux, la vérité de la réalité. Adhérant certainement à « l'idée que la vérité
n'existe pas (…), qu’elle est perpétuellement provisoire et qu'elle sera falsifiée
demain »259, ce mémoire à au contraire essayé de déconstruire un courant minoritaire, de
désamorcer l'amplification de croyances, qu'elles soient sionistes ou antisionistes, tout
en n’occultant pas les implications qu'elles ont dans notre imaginaire collectif. Nous
sommes alors en total accord avec cette proposition de Wieviorka : « plutôt que
d'opposer l'universalisme de la république de la nation et le particularisme des identités
culturelles (…), il est possible, non seulement de chercher à les concilier théoriquement,
mais aussi à les articuler concrètement, dans la pratique. Le traitement démocratique
de la différence n'est pas incompatible avec l'affirmation des principes de la République
et la reconnaissance des différences culturelles n'est pas nécessairement corrélative 258 WEILL-RAYNAL Guillaume, à propos de son livre Les nouveaux désinformateurs, entretien publié sur le site de Palestine-Solidarité.259 VEYNE Paul, Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ?, Seuil, 1983, p. 125.

113
d'un affaiblissement de l'idée de nation »260. En réactivant sur la scène politique et
électorale cette opposition néfaste, le PAS prend le contre-pied de ce vœu pieusement
démocratique et pacifique de réconciliation. Éphémère ou permanent, ce débat reste
ainsi latent, survivant grâce aux nouvelles technologies et notamment Internet. L'avenir
du parti sur la scène politique et médiatique sera selon nous un indicateur déterminant
de l'avancée de ces querelles, qui n'auraient certainement pas mérité une telle ampleur
dans notre société déjà si préoccupée par le problème communautaire.
« Sortir des fantasmes »261 et « ne pas croire que l'autre croit »262 : deux préceptes
qui ont nourrit notre réflexion tout au long de ce travail et qui semble être des clefs
déterminantes pour apaiser cette situation. Deux propositions, idéalistes très
certainement, rejetées par les manipulateurs de cette « histoire intercommunautaire »,
trop présente encore dans notre quotidien pour être doucement évacué, mais trop
émotionnelle et subjective selon nous pour être politique. Nous espérons pourtant, sans
trop y croire, au vu de l'activisme des mouvements exacerbant ces tensions, tel que le
PAS, que celles-ci quitteront le domaine politique pour revenir dans les domaines
historique ou discursif, plus libres et apaisés.
260 WIEVIORKA Michel et al., op. cit., p. 337.261 WEILL-RAYNAL Guillaume, op. cit., p. 236.262 LAMBERT Frédéric, cours « Images, langages et société : croyances et rituels », op. cit.

114

115
Liste des annexes
Annexe 1 : Résolution 3379 de l’Assemblée générale de l’ONU (10 novembre 1975)
Annexe 2 : Page d'accueil du site Internet Égalité Réconciliation
Annexe 3 : Extrait de la conférence de presse du général De Gaulle le 27/11/1967.
Annexe 4 : Extraits de la Charte du Réseau International Juif Anti-Sioniste.
Annexe 5 : Affiche de campagne de la liste antisioniste pour les élections européennes
de 2009.
Annexe 6 : Extraits de la Charte de l’OLP (ou Chartre Nationale Palestinienne).
Annexe 7 : Rencontre entre M. Gouasmi et M. Nasrallah à Téhéran.
Annexe 8 : Extraits de la Conférence d'Alger donnée par Dieudonné, 16 février 2005.

116
Annexe 1 : Résolution 3379 de l’Assemblée générale de l’ONU (10 novembre 1975)
THE GENERAL ASSEMBLY,
RECALLING its resolution 1904 (XVIII) of 20 November 1963, proclaiming the United Nations
Declaration on the Elimination of All Forms of Racial Discrimination, and in particular its affirmation
that "any doctrine of racial differentiation or superiority is scientifically false, morally condemnable,
socially unjust and dangerous" and its expression of alarm at "the manifestations of racial discrimination
still in evidence in some areas in the world, some of which are imposed by certain Governments by means
of legislative, administrative or other measures",
RECALLING ALSO that, in its resolution 3151 G (XXVIII) of 14 December 1953, the General
Assembly condemned, inter alia, the unholy alliance between South African racism and Zionism,
TAKING NOTE of the Declaration of Mexico on the Equality of Women and Their Contribution
to Development and Peace 1975, proclaimed by the World Conference of the International Women’s
Year, held at Mexico City from 19 June to 2 July 1975, which promulgated the principle that
"international co-operation and peace require the achievement of national liberation and independence,
the elimination of colonialism and neo-colonialism, foreign occupation, Zionism, apartheid and racial
discrimination in all its forms, as well as the recognition of the dignity of peoples and their right to self-
determination",
TAKING NOTE ALSO of resolution 77 (XII) adopted by the Assembly of Heads of State and
Government of the Organization of African Unity at its twelfth ordinary session, held at Kampala from 28
July to 1 August 1975, which considered "that the racist regime in occupied Palestine and the racist
regime in Zimbabwe and South Africa have a common imperialist origin, forming a whole and having the
same racist structure and being organically linked in their policy aimed at repression of the dignity and
integrity of the human being",
TAKING NOTE ALSO of the Political Declaration and Strategy to Strengthen International Peace
and Security and to Intensify Solidarity and Mutual Assistance among Non-Aligned Countries, adopted at
the Conference of Ministers for Foreign Affairs of Non-Aligned Countries held at Lima from 25 to 30
August 1975, which most severely condemned Zionism as a threat to world peace and security and called
upon all countries to oppose this racist and imperalist ideology,
DETERMINES that Zionism is a form of racism and racial discrimination.
[Source : http://www.upjf.org/detail.do?
noArticle=9188&noCat=127&id_key=127 ]

117
Annexe 2 : P age d'accueil du site Internet É galité R éconciliation

118
Annexe 3 : Extrait de la conférence de presse du général De Gaulle le 27/11/1967.
« Le sionisme vu par le Général de Gaulle... »
« L’établissement, entre les deux guerres mondiales, car il faut remonter jusque là, l’établissement d’un
foyer sioniste en Palestine et puis, après la deuxième guerre mondiale, l’établissement d’un Etat d’Israël,
soulevaient, à l’époque, un certain nombre d’appréhensions. On pouvait se demander, en effet, et on se
demandait même chez beaucoup de juifs, si l’implantation de cette communauté sur des terres qui avaient
été acquises dans des conditions plus ou moins justifiables et au milieu des peuples arabes qui lui sont
foncièrement hostiles, n’allait pas entraîner d’incessants, d’interminables frictions et conflits. Certains
même redoutaient que les juifs, jusqu’alors dispersés, qui étaient restés ce qu’ils avaient été de tout temps,
un peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur, n’en viennent, une fois qu’ils seraient rassemblés dans
le site de leur ancienne grandeur, à changer en ambition ardente et conquérante les souhaits très
émouvants qu’ils formaient depuis dix-neuf siècles : l’an prochain à Jérusalem.
Cependant, en dépit du flot tantôt montant tantôt descendant des malveillances qu’ils
provoquaient, qu’ils suscitaient plus exactement, dans certains pays et à certaines époques, un capital
considérable d’intérêt et même de sympathie s’était accumulé en leur faveur, surtout, il faut bien le dire,
dans la chrétienté ; un capital qui était issu de l’immense souvenir du Testament, nourri par toutes les
source d’une magnifique liturgie, entretenu par la commisération qu’inspirait leur antique malheur et que
poétisait chez nous la légende du Juif errant, accru par les abominables persécutions qu’ils avaient subies
pendant la deuxième guerre mondiale, et grossi depuis qu’ils avaient retrouvé une patrie, par leurs travaux
constructifs et le courage de leurs soldats. C’est pourquoi, indépendamment des vastes concours en
argent, en influence, en propagande, que les Israéliens recevaient des milieux juifs d’Amérique et
d’Europe, beaucoup de pays, dont la France, voyaient avec satisfaction l’établissement de leur Etat sur le
territoire que leur avaient reconnu les Puissances, tout en désirant qu’ils parviennent, en usant d’un peu de
modestie, à trouver avec leurs voisins un modus vivendi pacifique.
Il faut dire que ces données psychologiques avaient quelque peu changé depuis 1956, à la faveur
de l’expédition franco-britannique de Suez on avait vu apparaître en effet, un Etat d’Israël guerrier et
résolu à s’agrandir. Ensuite, l’action qu’il menait pour doubler sa population par l’immigration de
nouveaux éléments, donnait à penser que le territoire qu’il avait acquis ne lui suffirait pas longtemps et
qu’il serait porté, pour l’agrandir, à saisir toute occasion qui se présenterait. (…)
Israël, ayant attaqué, s’est emparé, en six jours de combat, des objectifs qu’il voulait atteindre.
Maintenant, il organise sur les territoires qu’il a pris l’occupation qui ne peut aller sans oppression,
répression, expulsions, et il s’y manifeste contre lui une résistance, qu’à son tour il qualifie de terrorisme.
(…)
[SOURCE : http://www.partiantisioniste.com/sionisme ]

119
Annexe 4 : E xtraits de la Charte du Réseau International Juif Anti-Sioniste
Nous formons un réseau international de Juifs et de Juives qui s'engagent de façon inconditionnelle en faveur de la lutte pour l'émancipation des êtres humains. Nous considérons que la libération du peuple palestinien et de sa terre forme un volet essentiel de cette émancipation. Notre engagement porte sur le démantèlement du régime d'apartheid israélien, le retour des réfugiés palestiniens et la fin de la colonisation israélienne sur la Palestine historique.
(…)
Le sionisme - idéologie fondatrice de l'Etat d'Israël et qui en est le soutien actuel, est issu du colonialisme européen et s'est diffusé à la suite du génocide nazi. Le sionisme s'est nourri des épisodes les plus violents et oppressifs de l'histoire du dix neuvième siècle, marginalisant ainsi l'engagement de nombreux Juifs dans les mouvements de libération. Pour retrouver une place au sein des vibrants mouvements populaires actuels, il faut mettre fin au sionisme sous toutes ses formes
C'est la priorité des priorités, en raison des conséquences du sionisme sur les Palestiniens et les peuples de l'ensemble de la région; en raison aussi du fait que le sionisme porte préjudice à la mémoire de la persécution et du génocide des Juifs d'Europe en l'exploitant pour justifier et perpétuer le racisme européen et le colonialisme.
(…)
Nous nous engageons à : Nous opposer au sionisme et à l'État d'Israël.
Le sionisme est raciste. Il exige l'allégeance à un ordre politique, juridique et économique qui privilégie et valorise les Juifs ainsi que les Européens et leurs cultures par rapport aux peuples autochtones et à leurs cultures. Le sionisme n'est pas seulement raciste, il est aussi antisémite. Il reprend à son compte l'imagerie européenne et antisémite du "Juif de la diaspora" efféminé, cupide et faible, et y lui oppose celle d'un "Nouveau Juif", violent, militariste et sexiste, un Juif qui est l'auteur d'une violence raciale plutôt que d'en être une victime.
(…)
Le sionisme perpétue l'exception juive. Pour justifier ses crimes, le sionisme présente une version de l'histoire juive déconnectée de l'histoire et de l'expérience d'autres peuples. Il promeut un narratif selon lequel l'holocauste nazi est exceptionnel dans l'histoire de l'humanité. Il place les Juifs à part, par rapport aux victimes et aux survivants d'autres génocides, au lieu de nous unir à eux.
Israël fait cause commune avec des Chrétiens fondamentalistes et d'autres qui appellent à la destruction des Juifs, sur la base d'une islamophobie partagée et d'une volonté de contrôler le Moyen Orient et plus largement l'Asie occidentale. Ensemble, ils appellent à la persécution des Musulmans. Cette promotion commune de l'islamophobie a pour but de diaboliser la résistance opposée à la domination économique et militaire occidentale. Elle s'inscrit dans une longue histoire de collusion du sionisme avec des régimes répressifs et violents, de l'Allemagne nazie au régime d'apartheid d'Afrique du Sud jusqu'aux dictatures réactionnaires d'Amérique du Sud.
(…)
Nous nous engageons à : Rejeter l'héritage colonial et l'expansion colonialiste en cours.
Dès l'instant où le mouvement sioniste a décidé de bâtir un état juif en Palestine, il est devenu un mouvement de conquête. A l'instar de tous les mouvements de conquête et des idéologies colonialistes en Amérique ou en Afrique, le sionisme s'appuie sur la ségrégation entre les peuples ; par la confiscation de la terre, il s'engage dans le nettoyage ethnique qui repose sur une violence militaire implacable.

120
(…)
Avec l'expansion permanente des colonies et le Mur d'apartheid, l'engagement colonialiste d'Israël l'a amené à détruire l'environnement ainsi que les paysages de la Palestine. Cette politique, qui n'a pas réussi à stopper la résistance palestinienne, conduit l'Etat d'Israël à toujours plus de violence et à des politiques qui, lorsqu'elles sont menées à leur point ultime, finissent en génocide. A Gaza, l'État d'Israël dénie l'accès à la nourriture, à l'eau, à l'électricité, à l'aide humanitaire et aux fournitures médicales, c'est l'arme qu'il utilise contre les fondements même de toute vie humaine.
Israël, qui a été en son temps l'outil favori des Britanniques et des Français contre l'unité arabe et l'indépendance, est devenu le plus jeune associé de l'alliance US pour le contrôle militaire, économique et politique au niveau mondial, qui vise plus particulièrement la domination de la région stratégique du Moyen Orient/Asie du Sud-ouest. Le danger d'une guerre nucléaire représenté par une attaque israélo-américaine sur l'Iran nous rappelle qu'Israël est une bombe atomique qui devrait faire l'objet d'un démantèlement urgent, en vue de sauver les vies de toutes ses victimes actuelles et potentielles.
Nous nous engageons à : Nous opposer aux organisations sionistes.
Non content de donner forme à l'Etat d'Israël, le sionisme a fondé sa politique internationale de domination militaire et d'hostilité envers ses voisins et a instauré un réseau mondial complexe d'organisations, de lobbys politiques, d'entreprises de relations publiques, de clubs universitaires, et d'écoles pour appuyer et propager les idées sionistes au sein des communautés juives et dans l'opinion publique de façon générale.
Un flot de milliards de dollars américains abreuve Israël année après année, pour soutenir l'occupation et la brutalité de son armée hyper moderne. La machine de guerre qu'ils financent fait partie intégrante de l'industrie mondiale de l'armement qui, à elle seule, draine les ressources dont manque une humanité désespérément privée d'eau, de nourriture, de soins sanitaires, de logement et d'éducation. Pendant ce temps-là, L'Europe, le Canada et les Etats-Unis soutiennent l'infrastructure d'occupation israélienne sous couvert d'aide humanitaire au peuple palestinien. Ensemble, les Etats-Unis et leurs alliés coopèrent au renforcement de la domination de la région et à l'écrasement des mouvements populaires.
Nous nous engageons à : Etre solidaires et à travailler pour l'apaisement et la justice.
(…)
Nous soutenons sans équivoque le Droit au Retour des Palestiniens sur leur terre.
(…)
Nous sommes partenaires des grands mouvements de résistance populaire de notre époque qui défendent et chérissent les vies de tous les peuples et de toute la planète, conduits par ceux qui souffrent le plus de la conquête impériale, de l'occupation, du racisme et de la domination mondiale, de l'exploitation des hommes et des ressources. Nous sommes pour la protection de la nature. Nous défendons les droits des peuples indigènes sur leur sol et pour leur souveraineté. Nous défendons les droits des migrants et des réfugiés pour qu'ils puissent se déplacer librement et en toute sécurité à travers les frontières.
(…)
International Jewish Anti-Zionist Network (IJAN)
[SOURCE : http://www.ijsn.net/atranslation/234 ]

121
Annexe 5 : A ffiche de campagne de la liste antisioniste pour les élections européennes de 2009.

122
Annexe 6 : E xtraits de la Charte de l’OLP (ou Chartre Nationale Palestinienne).
Adoptée par le Conseil National Palestinien, le 1-17 juillet 1968:
Article 4: L'identité palestinienne est une caractéristique essentielle, inérente, et
autentique. Elle est transmise par les parents aux enfants. (…)
Article 6: Les Juifs qui demeuraient en Palestine jusqu'au début de l'invasion
sioniste, seront considérés Palestiniens.
Article 15: La libération de la Palestine, d'un point de vue arabe, est un devoir
national (qawmi) et vise à repousser l'agression et l'impérialisme sioniste contre le foyer
arabe, et vise à l'élimination du sionisme de la Palestine. (…)
Par conséquent, la nation arabe doit mobilier toutes ses capacités militaires,
humaines, morales, et spirituelles pour participer activement avec le peuple palestinien à
la libération de la Palestine. Elle doit, particulièrement dans la phase de la révolution
armée palestinienne, offrir et fournir au peuple palestinien toutes les aides possibles,
matérielles et humaines, et mettre à sa disposition les moyens et les occasions qui leur
permettront de continuer à jouer leur rôle de leader dans la révolution armée, jusqu'à la
libération de leur patrie.
Article 19: La partition de la Palestine en 1947 et l'établissement de l'état
d'Israël sont entièrement illégaux, en depit de tout passage du temps, parce qu'ils sont
contraires à la volonté du peuple palestinien et à ses droits naturels sur sa patrie, et qu'ils
sont incohérents vis-à-vis des principes instaurés dans la Chartre des Nations Unies,
particulièrement en ce qui concerne le droit à l'auto-détermination.
Article 20: La Déclaration Balfour, le Mandat pour la Palestine, et tout ce qui a
été fondé sur eux, sont déclarés nul et non-avenus. Les prétentions à des liens
historiques et religieux des Juifs avec la Palestine sont incompatibles avec les faits
historiques et la véritable conception de ce qui constitue une nation. Le judaïsme, étant
une religion, ne constitue pas une nationalité indépendante. De même que les Juifs ne
constituent pas une nation unique avec son identité propre; ils sont citoyens des états
auxquels ils appartiennent.
[SOURCE : http://www.medea.be/?page=2&lang=fr&doc=805 ]

123
Annexe 7 : R encontre entre M. Gouasmi et M. Nasrallah à Téhéran.

124
Annexe 8 : E xtraits de la conférence d'Alger donnée par Dieudonné, 16 février 2005.
« J'ai simplement besoin, ne serait-ce que par rapport à mes enfants aujourd'hui,
de leur expliquer : voilà, donc tes ancêtres n'étaient pas forcément gaulois, tu es
descendants d'esclaves, voilà comment les choses se sont passées. Ça, ça nous est
confisqué par ce lobby sioniste qui cultive l'unicité de la souffrance… Il n'y a qu’eux
qui ont souffert sur cette planète. La souffrance des noirs c'est de la merde, ça n'existe
pas… des Arabes j'en parle même pas ! Parce que bon, en plus de ça aujourd'hui, ils
sont… Entre les communautés il y a une vraie tension qui n'a pas de sens puisque les
valeurs de la république a priori devraient nous préserver de ça. Mais il y a le CRIF, cet
organe aujourd'hui… d'inquisition, qui est là et qui donne… là il y avait 17 ministres de
la République, Raffarin en personne qui était au CRIF le week-end dernier qui m'accuse
maintenant (parce que le CRIF il faut toujours paraître… Toujours leur lécher le cul à
cette équipe de malfrats, cette mafia qui est en train de… d'entraîner la république
française dans la guerre civile s'il continue à faire ça !
(…)
Encore une fois, quatre cents ans d'esclavage et je ne vous parle même pas de la
colonisation... Et on essaie de nous faire pleurer. Soyons raisonnables. Soit on partage
tous ensemble... On dit, c'est la souffrance de l'humanité, et chaque fois qu'il y a un
problème, on en parle. Mais qu'on n’essaie pas de cette façon-là, de manière aussi...
Moi, je parle aujourd'hui de pornographie mémorielle. Ça devient insupportable. Ça
devient... (Une journaliste suggère le mot ‘’overdose’’), overdose, oui, et puis ça devient
malsain …vraiment malsain ! Bon, je crois que cette parole-là, au sein d'une république
et d'une démocratie, elle a le droit d'exister. Je comprends que certains ont vécu ça dans
leur chair et ont du mal à entendre ça. Mais ils doivent comprendre que moi aussi, c'est
dans ma chair. Et nous, si on doit remonter, c'est encore plus ancien… Et puis, il y a du
‘’violé’’. C'est-à-dire que la population antillaise, elle est né du fruit du viol sur quatre
cents ans, je ne sais pas si vous imaginez ? Chacun le porte encore, c'est extrêmement
présent. Donc je crois qu'il n'y a pas de leçons de morale à donner.
[source : http://www.dailymotion.com/video/x12u2x_dieudonne-a-alger_news ]

125
Annexe 9 : Tableau récapitulatif des résultats aux élections européennes de 2009 pour la liste antisioniste en Île-de-France (IDF).
[Source : http://chriqui.blog.lemonde.fr/2009/06/09/listes-anti-sionistes-les-villes-
malades-de-l%E2%80%99antisemitisme-des-banlieues/ ]

126
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FOGIEL Marc-Olivier, On ne peut pas plaire à tout le monde, France 3, 1er
décembre 2003.
MBALA MBALA Dieudonné, spectacle solo :
Pardon Judas, Bonnie productions, 2000.
Le Divorce de Patrick, Bonnie productions, 2003.
Mes excuses, Bonnie productions, 2004.
1905, Bonnie productions, 2005.
J'ai fait l'con, Bonnie productions, 2009.
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http://claudeguillon.internetdown.org/
http://dieudonne.over-blog.com
http://fr.wikipedia.org/wiki
www.cairn.info
www.cevipof.msh-paris.fr
www.clap36.net
www.cnrtl.fr
www.egaliteetreconciliation.fr
www.ina.fr
www.ldh-toulon.net
www.lemonde.fr/web/blogs
www.lepoint.fr
www.lexpress.fr
www.liberation.fr
www.listeantisioniste.com
www.monde-diplomatique.fr
www.marianne2.fr
www.nkusa.org
www.palestine-solidarite.org
www.partiantisioniste.com
www.persee.fr
www.plumenclume.net
www.renouveaufrancais.com

135
Table des matières
Avertissement.................................................................................................2
Remerciements...............................................................................................3
Liste des abréviations......................................................................................4
Sommaire.......................................................................................................5
INTRODUCTION GÉNÉRALE....................................................................................7
Présentation du sujet et hypothèse de départ....................................................................7
État des connaissances, méthodologie et structure............................................................8
PARTIE 1. La transhumance socio-structurelle du PAS..........................................17
Chapitre 1 : Des origines idéologiques extrêmes et globalisés...........................................17
Section 1 : La nébuleuse anti-sioniste française............................................................17
§ 1 : L’antisionisme politico-extrémiste....................................................................18
§2 : L’antisionisme islamiste et propalestinien.........................................................21
Section 2 : La filiation avec un certain antisionisme international................................26
§ 1 : Les juifs antisionistes........................................................................................27
A. La controverse politico-religieuse originelle...............................................................27
B. Construction d'une idéologie juive antisioniste..........................................................28
§2 : Les mouvements antisionistes du Moyen-Orient..............................................32
A. Les organisations paramilitaires du Moyen-Orient.....................................................32
1. Les mouvements palestiniens sous Yasser Arafat.......................................................32
2. Le Hamas (Mouvement de Résistance Islamique) et les Frères Musulmans...............33
B. L’idéologie antisioniste iranienne...............................................................................36
Chapitre 2 : La rupture des élections européennes...........................................................38
Section 1 : Bataille judiciaire et bataille médiatique : le Déclic Dieudonné...................39
Section 2 : La création de la liste anti-sioniste : des personnalités et des ressources
hétérogènes................................................................................................................................42
§1 : Le difficile effort de rassemblement..................................................................42
A. Une contrainte identitaire forte.................................................................................43
B. Le bouleversement du cadre cognitif pour une meilleure unité.................................45
§2 : Ressources et répertoire d'action : un casse-tête pour le PAS...........................47
Chapitre 3 : une sociologie complexe................................................................................48

136
Section 1: un fonctionnalisme anti-système stratégique..............................................49
§1 : Revendication de la fonction tribunitienne........................................................49
§2 : La formation de l’opinion : « la nouvelle ligne de fracture »..............................52
§3 : L’agrégation sociabilisante du PAS....................................................................53
Section 2 : Le refus du déterminisme social : l’électorat de banlieue...........................54
§1 : Le paradigme sociologique : des résultats communautarisés............................55
§2 : Le vote rationnel................................................................................................59
Partie 2 : L’antisionisme radical : une stratégie médiatique fondée sur un
programme-récit extrême........................................................................................62
Chapitre 1 : Mécanismes de propagande et théorie du complot.......................................62
Section 1 : La fabrique d’objets de croyance antisioniste.............................................63
§1 : Déconstruction et recontextualisation de la rhétorique médiatique................63
A. Le logo du parti : son identité visuelle........................................................................64
B. Le symbolisme excessif et simpliste...........................................................................65
C. Une histoire du sionisme universel.............................................................................66
§2 : Une généalogie narrative assumée....................................................................67
A. Une vidéo en phase avec son temps :.........................................................................67
B. «Hystoricité» du récit produit....................................................................................69
C. « Médiagénie » et « mnémogénie » des clips.............................................................69
Section 2 : La propagande du PAS.................................................................................71
§1 : La propagande rhétorique classique du PAS......................................................71
A. « La règle de simplification et de l'ennemi unique »..................................................72
B. Diabolisation et comparaison avec les régimes totalitaires........................................74
§2 : Théorie du complot...........................................................................................76
A. La propagande autour du complot sioniste................................................................77
B. Le complot antisioniste : un renouveau antisémite ?.................................................80
Chapitre 2 : Une nouvelle forme de stratégie politique.....................................................87
Section 1 : Un néopopulisme renouvelé........................................................................87
§1 : Le PAS et les logiques classiques du populisme.................................................88
A. Dieudonné : un modèle de leader charismatique en lien direct avec le peuple.........89
B. L’appel au soulèvement du « vrai » peuple contre ses ennemis.................................91
§ 2 : L'originalité du populisme du PAS : Le "shopulisme"........................................94
A. Un show populaire autour du leader..........................................................................95
B. La « nouvelle ligne de fracture » autour de l'humour sur la Shoah : le combat contre
l'ennemi sioniste................................................................................................................97
C. Médiatisation du scandale et survivance grâce au cyber-militantisme......................99
Section 2 : L’utilisation scabreuse de l’humour en politique.......................................103

137
§1 : L’utilisation du comique comme dénonciateur et correcteur social................103
§2 : Les enjeux de l’humour politique chez Dieudonné..........................................106
§3 : La victimisation comme moyen de légitimation..............................................108
§4 : Pathos simpliste et hiérarchique victimaire.....................................................110
A. Des conditions subjectives personnelles..................................................................110
B. Des conditions subjectives sociales..........................................................................112
CONCLUSION...............................................................................................113
Liste des annexes.........................................................................................118
Annexe 1 : Résolution 3379 de l’Assemblée générale de l’ONU (10 novembre 1975).....119
Annexe 2 : Page d'accueil du site Internet Égalité Réconciliation....................................120
Annexe 3 : Extrait de la conférence de presse du général De Gaulle le 27/11/1967........121
Annexe 4 : Extraits de la Charte du Réseau International Juif Anti-Sioniste.....................122
Annexe 5 : Affiche de campagne de la liste antisioniste pour les élections européennes de
2009...............................................................................................................................................124
Annexe 6 : Extraits de la Charte de l’OLP (ou Chartre Nationale Palestinienne)..............125
Annexe 7 : Rencontre entre M. Gouasmi et M. Nasrallah à Téhéran...............................126
Annexe 8 : Extraits de la conférence d'Alger donnée par Dieudonné, 16 février 2005....127
Annexe 9 : Tableau récapitulatif des résultats aux élections européennes de 2009 pour la
liste antisioniste en Île-de-France (IDF)..........................................................................................128
Bibliographie sélective................................................................................129
Générale / Théorie des sciences politiques......................................................................129
Populisme........................................................................................................................130
Art de l’humour et politique............................................................................................131
Antisionisme –Antisémitisme...........................................................................................131
Image et Propagande – Complotisme et mythe...............................................................133
Sur les acteurs du PAS......................................................................................................133
Autres sources.................................................................................................................134
Ressources vidéo.........................................................................................136
Sitographie..................................................................................................137
Table des matières...........................................................................................138