mémoire de recherche
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GuillerezStéphane
Mémoire de recherche
Les budgets opérationnels de programme :
une adaptation de l’action publique aux réalités territoriales et sectorielles.
Sous la direction de Mme le professeur Marie-Christine Esclassan
Master 2 rechercheDroit, gestion et gouvernance des systèmes financiers publics
Remerciements.
Le présent travail ne serait rien sans la présence active d’une poignée d’hommes et de
femmes qui m’ont accordé leur soutien et leur confiance.
1
Mes premiers remerciements s’adressent bien évidemment à Madame Marie-Christine
Esclassan, professeur de droit public à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, qui a voulu
assurer la direction de mon mémoire. Son soutien dynamique ainsi que ses conseils m’ont été
précieux pour le bon déroulement de mon travail.
Je remercie Messieurs Michel Bouvier, professeur de droit public à l’Université Paris 1
Panthéon-Sorbonne et directeur de Fondafip et du Gerfip, et Jean-Jacques Bienvenu,
professeur de droit public à l’Université Paris 2 Panthéon-Assas, pour m’avoir accordé toute
leur confiance en m’intégrant au sein de la promotion 2008-2009 du Master 2 recherche Droit,
gestion et gouvernance des systèmes financiers publics.
Je remercie Monsieur Bernard Abate, contrôleur général auprès de la Mission Energie
nucléaire, pour l’entretien riche d’enseignements qu’il a bien voulu m’accorder.
Je remercie les services de la Préfecture des Hauts de Seine et de la Région Ile de France qui
ont accepté de m’accueillir en vue d’établir un échange de vues sur la gestion des budgets
opérationnels de programme au niveau déconcentré tant départemental que régional.
Je remercie mes parents et mes proches pour m’avoir sans relâche apporté leur indispensable
soutien et encouragé dans la préparation de mon travail.
Je remercie l’équipe des bibliothèques CUJAS et SAINTE-GENEVIEVE pour m’avoir assisté
et conseillé dans mes recherches documentaires.
Je remercie enfin le bouquiniste du quai Saint-André des Arts à Paris qui m’a prêté il y a
quelques années un original bien conservé du manuel de Gaston Jèze, Science et Législation
financières, grâce auquel ma passion pour les finances publiques s’est révélée au grand jour.
PLAN GENERAL
Avant propos :
Au commencement, il y eut la LO.L.F..
……………………………………………………………………………………………… p. 4
Partie introductive :
2
Les budgets opérationnels de programme, leviers de la nouvelle gestion publique
territoriale.
………………………………………………………………………………………………p. 6
Première partie :
Les budgets opérationnels de programme, complément indispensable de l’application
concrète de la réforme budgétaire.
…………………………………………………………………………………………..…p. 12
Chapitre 1er : Un complément fondé sur un nouveau système de responsabilisation des acteurs
publics.
……………………………………………………………………………………………...p. 14
Chapitre 2 : Un complément aux contours en voie de définition.
…………………………………………………………………………………..………….p. 30
Seconde partie :
Les budgets opérationnels de programme, instrument nécessaire de la modernisation de
l’Etat.
……………………………………………………………………………………..………p. 46
Chapitre 1er : Un instrument efficace de réactivation de la déconcentration de l’Etat.
……………………………………………………………………………….……………..p. 48
Chapitre 2 : Un instrument perfectible de refonte des systèmes financiers publics.
……………………………………………………………………………………………...p. 62
Conclusion :
Les budgets opérationnels de programme, facteur d’approfondissement ou de banalisation de
la nouvelle gestion publique à la française ?
……………………………………………………………………………………………...p. 74
Avant-propos :
Au commencement, il y eut la L.O.L.F..
Les finances publiques peuvent se définir classiquement comme l’étude des moyens
budgétaires dont disposent les personnes publiques afin de pourvoir à la satisfaction de leurs
missions de service public. Or, naguère centrée sur des règles purement juridiques et le
3
respect tatillon des procédures à suivre, cette manifestation de la puissance publique a su
marquer son autonomie par rapport au droit et gagner en complexité par la rencontre entre
plusieurs disciplines telles que la science économique, l’histoire ou la sociologie. Les finances
publiques sont désormais une « science nouvelle », une « scienza nuova » si nous reprenons
l’expression du professeur Michel Bouvier1. Bouleversées dans un cadre d’action mondialisé,
perméables aux changements dans le type d’intervention des pouvoirs publics, et même
catalyseurs d’une nouvelle façon d’envisager l’Etat et la chose publique, les finances
publiques ont suivi l’évolution des valeurs et des modes de vie observée depuis plusieurs
décennies.
La loi organique relative aux lois de finances (L.O.L.F.)2 du 1er août 2001 s’inscrit dans la
parfaite continuité de ce mouvement. Fruit d’un « consensus improbable »3, accueilli
favorablement tant par la droite que par la gauche, cet acte d’origine parlementaire4 a
renouvelé en profondeur la nature de l’action budgétaire et financière de l’Etat. Il lui a assigné
de nouveaux objectifs. Désormais, l’arme budgétaire est orientée vers la performance, vers la
recherche de l’efficacité et d’une certaine efficience. La L.O.L.F. veut rompre résolument
avec la pratique constatée depuis l’avènement de la Cinquième République, celle laissant aux
parlementaires la part congrue dans la participation à l’élaboration du budget et au
gouvernement une pleine initiative en la matière. Désormais, les pouvoirs sont rééquilibrés au
profit du Parlement qui dispose d’un droit d’amendement élargi et d’un outil de contrôle
approfondi.
Or, outre qu’elle réaménage dans une certaine mesure les relations entre l’exécutif et le
législatif, la loi organique relative aux lois de finances répond à un enjeu de taille, celui de la
réforme de la gestion publique et de la modernisation de l’Etat. Les initiateurs de la réforme
budgétaire, Alain Lambert et Didier Migaud en tête, avaient bien à l’esprit cette volonté d’en
faire l’instrument privilégié de la refonte du système administratif français. Ce levier d’une
« nouvelle gestion publique »5 détermine les bases d’une nouvelle responsabilité managériale
1 M. Bouvier, M.-C. Esclassan et J.-P. Lassale, Finances publiques, Manuel, L.G.D.J., 2008, p. 9.2 Loi organique n° 2001-692 relative aux lois de finances du 1er août 2001, J.O.R.F. n° 177 du 2 août 2001, p. 12480, modifiée par la loi organique n°2005-779 du 12 juillet 2005, J.O.R.F. n° 162 du 13 juillet 2005, p. 11443.3 Suivant l’expression de B. Chevauchez dans « La loi des brodequins », R.F.F.P. n° 76, novembre 2001, p. 187.4 Contrairement à l’ordonnance du 2 janvier 1959 d’origine administrative qu’elle vient modifier, la L.O.L.F. est la résultante d’un processus législatif impliquant pleinement le Parlement dans toutes ses composantes.5 B. Abate, La nouvelle gestion publique, Paris, L.G.D.J., Systèmes, 2000, 154. p..
4
qui ne se préoccupe plus seulement de la stricte observance des règles et procédures
juridiques, mais de la recherche de la performance publique, c’est-à-dire de la « capacité à
atteindre des objectifs »6.
La L.O.L.F. substitue ainsi à une logique de moyens, éprouvée par le temps et surtout rendue
dépassée par la recherche de l’efficacité publique dans un contexte de gonflement de la dette
et des déficits publics, une logique de résultat axée sur les politiques publiques poursuivies,
champs de l’action publique aisément identifiables suivant une nomenclature budgétaire
innovante.
Toutefois, cette « Constitution financière de l’Etat » est une loi organique. Il s’agit, par
conséquent, d’une « loi qui, sur habilitation et dans les matières énumérées par le constituant,
précise et complète la Constitution »7. Chargée seulement de déterminer et de clarifier les
relations entre les pouvoirs publics en matière budgétaire, la loi organique relative aux lois de
finances n’a pas pour objet de détailler comment est mise en œuvre la réforme budgétaire
opérée en 2001. Telle n’est pas sa fonction. Elle se contente de poser les principes généraux.
Cette tâche sera donc progressivement complétée par un arsenal de textes législatifs et
réglementaires qui affineront les modalités de cette déclinaison opérationnelle. La mise en
œuvre concrète sur le terrain de la refonte de l’exécution budgétaire se caractérise par la
création de nouveaux instruments de pilotage dont les budgets opérationnels de programme
constituent les leviers d’une nouvelle gestion publique territoriale.
Partie introductive : Les budgets opérationnels de programme, leviers de la nouvelle gestion publique territoriale.
Les budgets opérationnels de programme sont les moyens privilégiés de la déclinaison
effective des politiques publiques afin qu’ils prennent en considération les réalités territoriales
et sectorielles. Cependant, force est de constater que ceux-ci ne sont pas prévus par la loi
6 Glossaire, Minefi et a., La démarche de performance : stratégies, objectifs, indicateurs, guide méthodologique pour l’application de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, juin 2004, p. 49.7 Sous la direction de M. de Villiers, Droit public général, Paris, Litec, Manuel, 3ème édition, 2006, p. 84.
5
organique relative aux finances de 2001 puisque qu’elle ne vise qu’à répartir les compétences
de chacun des pouvoirs publics en matière budgétaire. C’est à la loi et au règlement qu’il
appartient de préciser l’armature de base. Ce « droit dérivé de la L.O.L.F. »1 composé de
circulaires, instructions, rapports divers, guides méthodologiques ou notes d’orientation
rédigés par les services du Ministère de l’Economie et des Finances, a crée les budgets
opérationnels de programme comme instrument de pilotage de la réforme budgétaire sur le
terrain. Or, cette gestion opérationnelle des politiques publiques, si elle a connu une étape
déterminante avec la L.O.L.F. de 2001, prend ses racines bien avant cette date par le biais
d’expériences administratives qui souvent ont été vouées à l’échec (§-1). Ce sont les leçons
qui en ont été tirées qui ont permis la mise sur pied d’une adaptation de l’action publique aux
spécificités locales ( §-2).
§-1) La mise en place progressive de la gestion opérationnelle des politiques publiques.
La L.O.L.F. et le droit dérivé qui en résulte traduisent le franchissement d’une étape
supplémentaire dans la mise en place d’une gestion opérationnelle des politiques publiques.
Celle-ci entendue comme la mobilisation effective des moyens humains et des ressources
financières et matérielles tendant à la réalisation efficace des missions de service public, n’a
pas pour seule et unique origine la loi organique de 2001. Elle s’inspire en effet des tentatives
inachevées menées antérieurement par les pouvoirs publics (A) afin d’instiller dans le budget
les éléments d’une action budgétaire davantage axée sur les résultats (B).
A) Les expériences antérieures à la L.O.L.F. et les causes de leur échec.
La L.O.L.F. n’est pas une création ex nihilo. Résultante d’un dialogue institutionnel
particulièrement riche, elle est surtout la conséquence plus profonde d’un mouvement initié
dès la fin des années 60 en France inspiré des méthodes de rationalisation des politiques
publiques appliquées par l’administration américaine. La Rationalisation des choix
budgétaires (R.C.B.) impulsée dès janvier 1968 par le ministre de l’Economie et des Finances
Michel Debré, caractérise l’entrée d’un certain esprit cartésien dans le budget puisque l’on
envisage de compléter le budget de moyens, celui déduit de l’ordonnance du 2 janvier 1959,
par un budget de programmes. Selon Bernard Abate, cette expérience « partait de l’idée, dont
la justesse n’est pas contestable, que les budgets publics devraient être discutés au stade de
1 Suivant l’expression de M. Lascombe et X. Vandendriessche dans « Le droit dérivé de la L.O.L.F. », A.J.D.A. 2006, n°10, p. 538.
6
leur élaboration en termes de choix d’objectifs, et, au stade de leur évaluation, en termes de
mesures des résultats obtenus »2. Cet effort méthodologique ne freinera pas la dégradation
nette de l’équilibre des comptes publics et vouera à l’échec la volonté de rendre efficace
l’action publique.
En réalité, si l’idée n’était pas en soi mauvaise, elle ne pouvait pas s’accommoder d’un
système budgétaire et financier profondément marqué par une ordonnance de 1959 qui
accordait au Parlement une place bien étroite dans la préparation de la loi de finances. La
rationalisation des choix budgétaires, œuvre technocratique, refusait de prendre en
considération les spécificités de l’application de l’action publique au niveau infra-national si
bien que cet outil « n’a, en réalité, jamais déplacé le centre de gravité des décisions
budgétaires »3 . Faute d’une véritable volonté politique pour réformer en profondeur les
structures budgétaires et administratives, elle restera à un stade embryonnaire. La L.O.L.F.
tirera les leçons de cet échec.
B) Les apports de la L.O.L.F. en matière de gestion opérationnelle des politiques publiques.
Le défaut majeur de la rationalisation des choix budgétaires est d’avoir combiné un
nouveau schéma budgétaire axé sur les résultats et l’organisation héritée de l’ordonnance de
1959 tournée elle vers les moyens alloués sans opérer la réforme systémique qu’une pareille
innovation réclamait. La L.O.L.F. parviendra à surmonter cet obstacle en faisant du budget un
véritable moyen destiné à moderniser les administrations publiques à travers la gestion
opérationnelle des politiques publiques. Elle promeut un modèle de budgétisation par action.
Le budget est alors constitué autour de blocs d’actions et de politiques publiques organisés et
cohérents qui seront associés à un ensemble de moyens et d’objectifs recherchés. On sort ainsi
de la stricte logique de moyens plaquée sur les entités ministérielles, logique de l’ordonnance
de 1959 qui a commandé la préparation et l’exécution des lois de finances de 1959 à 2005, et
des failles de la seule budgétisation par objectifs, celle de la rationalisation des choix
budgétaires, reflet d’une approche naïve et inexacte car assimilant le budget au processus de
choix de n’importe quel individu. La L.O.L.F. privilégie une voie médiane. Elle associe
moyens et objectifs et confronte mobilisation des ressources et blocs de politiques publiques.
Cette technique avait déjà été expérimentée en 1996 par la mise en place d’agrégats
2 B. Abate, op. cit. p. 75.3 idem, p. 75.
7
budgétaires, des regroupements d’articles budgétaires qui respectaient et reflétaient la réalité
des autorisations budgétaires. La circulaire Sautter4 du 22 avril 1999 associait ainsi aux
agrégats un cadre normalisé de mesures des performances en vue de la confection du projet
de loi de finances pour 2000. Pour autant, ce travail ne s’est pas contenté de répartir les crédits
au sein d’un format différent du cadre ministériel. Il a conduit à un bouleversement réel des
catégories traditionnelles.
La budgétisation par actions se manifeste par la reconstruction de l’architecture budgétaire par
la loi organique relative aux lois de finances de 2001 accordant aux programmes une place
centrale. Désormais, le budget en mode « L.O.L.F. » se décompose en missions, programmes
et actions. La mission , suivant l’article 7 de la loi organique, comprend « un ensemble de
programmes concourant à une politique publique définie ». Un programme regroupe « les
crédits destinés à mettre en œuvre une action ou un ensemble cohérent d’actions relevant d’un
même ministère et auquel sont associés des objectifs précis, définis en fonction de finalités
d’intérêt général, ainsi que des résultats attendus et faisant l’objet d’une évaluation ». Le
carcan ministériel qui enserrait le budget depuis l’ordonnance de 1959 est démantelé. La
répartition des moyens ne se fait plus par ministère mais par grands blocs de politique
publique identifiés. Ainsi, cette nouvelle architecture « donne plus de lisibilité au document
budgétaire et par conséquent peut être plus d’attrait de par une meilleure visibilité de l’action
publique et de ses enjeux financiers »5 . Le programme, synonyme de politique publique
agissant dans un domaine délimité, est le cadre au sein duquel le ministère gère de manière
opérationnelle les missions qui sont les siennes. Il est donc automatiquement rattaché à un
ministère. Unité d’exécution de la loi de finances votée par missions au Parlement, sa
déclinaison opérationnelle s’effectue à l’échelon territorial par les budgets opérationnels de
programme
§- 2) La déclinaison effective des programmes d’un budget refondu.
Le budget opérationnel de programme peut se définir comme la segmentation d’un
programme, déclinant sur un périmètre d’activité ou un territoire donnés, les actions, les
objectifs ainsi que les indicateurs de ce programme. Il regroupe « des crédits d’un programme
mis à la disposition d’un responsable identifié pour un périmètre (une partie des actions d’un
4 Secrétaire d’Etat au Budget (1997-1999), puis ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie (1999-2000) du gouvernement Jospin.5 M. Bouvier, M.-C. Esclassan et J.-P. Lassale, op. cit., p. 323.
8
programme par exemple) ou pour un territoire (une région, un département …) »6 Son lien
avec le programme est donc indéfectible puisqu’il reprend au niveau territorial (A) et sectoriel
(B) ses caractéristiques essentielles.
A) Une déclinaison territoriale ambitieuse.
Décliner au niveau territorial un programme, unité budgétaire de gestion des politiques
publiques, vise à répondre à une préoccupation majeure. Il s’agit d’adapter l’action des
pouvoirs publics aux besoins ressentis dans telle ou telle parcelle du territoire français, de
prendre en considération leur grande diversité et les spécificités qui leur sont propres.
L’échelon préfectoral est le relais indispensable entre les attentes de la population et le
gouvernement. Représentant déconcentré de l’Etat, le préfet est chargé d’appliquer au niveau
départemental ou régional les politiques gouvernementales et par conséquent les décisions de
nature budgétaire. En effet, environ « 90% du budget de l’Etat français est mis en œuvre et
dépensé au niveau déconcentré »7 ce qui démontre tout l’intérêt du pilotage territorial de la
réforme budgétaire. A ce titre, le succès de la L.O.L.F. dépendra des pratiques effectuées au
niveau infra-national et de la poursuite de la politique de déconcentration accélérée depuis une
quinzaine d’années. Le préfet avec les budgets opérationnels de programme sera placé au
cœur du processus budgétaire local. Il sera le garant de la bonne coordination de la
programmation ainsi que de la gestion des crédits à son échelle. Suivant la circulaire du 16
juin 20048 , il « constitue l’autorité de synthèse indispensable à la convergence des objectifs
nationaux et des politiques territoriales dont il a la responsabilité ». Or, cette lecture combinée
à la logique de la L.O.L.F. paraît générer un conflit à première vue difficilement surmontable.
La réforme budgétaire de 2001 promeut en effet une logique verticale, ministère par
ministère, politique publique par politique publique, suivant une organisation en « tuyaux
d’orgue », tandis que la pratique de la déconcentration de l’Etat entend répondre à une logique
horizontale associant les échelons ministériels et leurs compétences sous l’autorité du préfet.
Les budgets opérationnels de programme auront pour originalité de dépasser cette
contradiction en initiant non seulement une déclinaison territoriale des programmes mais
également une déclinaison sectorielle.
6 Annexe 10 : Glossaire, Minefi, Guide pratique de la déclinaison des programmes, Les budgets opérationnels de programme, janvier 2005, p. 76.7 X. Inglebert, Manager avec la L.O.L.F. : L.O.L.F. et développement du contrôle de gestion dans l’administration de l’Etat, Groupe Revue fiduciaire, 2005, p. 244.8 J.O.R.F. du 13 juillet 2004, p. 12645.
9
B) Une déclinaison sectorielle innovante.
Le hiatus entre logique verticale propre à la L.O.L.F. et logique horizontale attachée à
la politique de déconcentration est résolu par le budget opérationnel de programme qui suscite
la multiplication de politiques interministérielles. Le B.O.P. devient de ce fait un instrument
privilégié de la réforme de l’Etat et de la modernisation des structures administratives. La
déclinaison sectorielle des programmes permet de prendre en considération la spécificité de
chacune des politiques publiques conduites par un ministère déterminé ou conjointement par
plusieurs ministères distincts. La coopération des acteurs sur le terrain facilitée par un
dialogue de gestion ira vers l’efficacité de l’action publique qui privilégiera la cellule
régionale, voire interrégionale afin de mettre en œuvre la répartition des crédits budgétaires.
La refonte indispensable des systèmes financiers publics relancée avec la L.O.L.F. connaîtra
par ce biais un nouvel élan. Les administrations territoriales, vecteurs de l’application
effective de la réforme budgétaire, verront leur organisation et leurs compétences
transformées. Un chantier interministériel a été entamé dans ce sens dès 2003 sous le pilotage
du ministère de l’Intérieur afin de redéfinir les fonctions de l’Etat territorial. La Révision
générale des politiques publiques (R.G.P.P.) lancée par le Président de la République Nicolas
Sarkozy en décembre 2007 montre que la modernisation de l’Etat passera en priorité par une
réactivation de la déconcentration. Le budget opérationnel de programme y contribuera
grandement.
Le budget opérationnel de programme est donc une création purement administrative.
Il est issu de ce droit complémentaire à la loi organique du 1er août 2001 chargé de la bonne
mise en œuvre de la réforme budgétaire. Si il reprend les principaux caractères des
programmes dont il assure la déclinaison territoriale et sectorielle (Première partie), il
constitue au-delà un réel instrument de modernisation de l’Etat par la politique de
déconcentration qu’il relance et renouvelle (Seconde partie).
1
Première partie : Les budgets opérationnels de programme, complément indispensable de l’application concrète de la réforme budgétaire.
La loi organique relative aux lois de finances a posé les bases d’une véritable refonte
des instruments budgétaires de l’Etat aux racines bien anciennes et aux inspirations diverses.
Or, il ne lui appartient pas de définir les modalités d’application de la réforme financière
publique, de déployer de manière précise les moyens de sa mise en œuvre concrète. Une loi
organique ne se borne qu’à clarifier et compléter les dispositions de la Constitution de la
République qui concerne les relations entre les pouvoirs publics, exécutif, législatif et
1
juridictionnel. Elle présente seulement les principes à valeur générale sans entrer dans les
détails. Le « droit dérivé » à la L.O.L.F. d’origine administrative vient compléter et suppléer
cette dernière mettant en lumière les rôles et les responsabilités de chacun des acteurs publics
ainsi que les instruments d’application de la réforme dont le budget opérationnel de
programme. Le Comité de pilotage de la réforme budgétaire (COPIL)1 assurera cette tâche de
formulation et d’explicitation de règles complémentaires. Il sera chargé du « pilotage des
chantiers de réforme par l’intermédiaire, selon les cas, de la délégation à la modernisation de
la gestion publique »2 .
Le concept de budget opérationnel de programme apparaît dans une note d’orientation de juin
20023 où sont présentés en quelques pages les fonctions qu’est censé remplir le nouvel
instrument ainsi que les problématiques qui en résultent notamment au niveau du préfet et des
différents échelons administratifs. Un document de travail daté du 1er juillet 20034 d’une
vingtaine de pages est plus précis et apporte davantage d’informations quant au rôle des
responsables de la chaîne budgétaire qui reliera le programme, expression d’une politique
publique donnée, aux unités opérationnelles. Le périmètre des budgets opérationnels de
programme est déterminé et les modes de gestion des crédits au niveau déconcentré
caractérisés. Or, ces documents comme la note d’orientation du 19 décembre 20035 tendent à
peaufiner et à dessiner de manière progressive les contours du nouvel instrument qu’est le
B.O.P., instrument qui reste à un stade embryonnaire encore à la fin de 2003. L’acte de
naissance de juin 2002 pose seulement les premières lignes du modèle, trace ses premiers
traits qui seront rectifiés par la suite au fil des expérimentations et des mises à l’épreuve. Seul
le Guide pratique des budgets opérationnels de programme6 de décembre 2004, soit deux ans
après les premiers balbutiements du modèle, présente en plus de quatre-vingt pages les
caractéristiques quasi-définitives d’un instrument fini qui peut enfin être mis en œuvre.
1 Sous la présidence du directeur de la réforme budgétaire, elle a réuni tous les mois l’ensemble des directeurs des affaires financières des ministères ainsi que des représentants de la Direction du Budget, de l’ancienne Direction générale de la Comptabilité publique et de l’Agence pour l’informatique financière de l’Etat.2 M. Lascombe et X Vandendriessche, art. cit., p. 542.3 COPIL-DAF, Budgets opérationnels de programme, Note d’orientation, juin 2002, 8 p..4 COPIL-DAF, Budgets opérationnels de programme, Document de travail, 1er juillet 2003, 21 p..5 COPIL-DAF, Budgets opérationnels de programme, Les règles de gestion budgétaire, Note d’orientation, 19 décembre 2003.6 Minefi, Guide pratique de la déclinaison des programmes, Les budgets opérationnels de programme, décembre 2004, 84 p..
1
Ces documents donnent les éléments d’une définition du B.O.P. qui peut se définir comme un
instrument destiné à mettre en œuvre de manière effective le programme dans toutes ses
dimensions et caractéristiques. Attaché au programme budgétaire dont il reprend les aspects,
il complète la L.O.L.F. et renforce le système de responsabilisation des acteurs publics déjà
transformé depuis 2001 (Chapitre 1er), même si ses contours et principales caractéristiques,
pour l’instant encore flous, restent à préciser (Chapitre 2).
Chapitre 1 er : Un complément fondé sur un nouveau système de responsabilisation des acteurs publics.
Le budget opérationnel de programme vient compléter la réforme budgétaire de 2001
en créant un espace rationalisé de budgétisation et de rationalisation des crédits. Cette
déclinaison se fixe comme objectif principal d’ « expliciter la manière dont le responsable de
programme – ou d’action lorsque celle-ci couvre un champ large – organise l’activité de ses
services pour atteindre les objectifs qui lui ont été fixés »1 . Cette déclinaison des
programmes, point déterminant de la réforme budgétaire, orientera avec le B.O.P. la gestion
1 C.I.A.P., Document d’analyse des programmes, 15 décembre 2002, p. 50.
1
des crédits vers la recherche de la performance (Section 1) grâce à une chaîne vertueuse de
responsables identifiés (Section 2).
Section 1 : Un cadre de gestion budgétaire et financière axé sur la performance.
La loi organique relative aux lois de finances de 2001 rompt résolument avec le
système initial en ce qu’il substitue une logique de résultat à une logique de moyens. Elle
oriente l’action publique vers la recherche de la performance, c’est-à-dire vers la capacité
d’atteindre les buts préalablement fixés. Les budgets opérationnels de programme, puisqu’ils
constituent un segment de programmes budgétaires, sont un cadre de gestion budgétaire et
financière tournés vers les résultats (§-1) associant liberté et responsabilité des gestionnaires
publics (§-2).
§-1) Une action budgétaire tournée vers les résultats et non plus vers les moyens accordés.
Etant donné qu’il assure la déclinaison opérationnelle des programmes budgétaires à
l’échelon territorial, il est somme toute logique que le budget opérationnel de programme
reproduise à ce niveau l’innovation même de la loi organique de 2001 à savoir le
repositionnement du budget non plus vers l’attribution de moyens déterminés mais vers des
résultats précis à atteindre. Cela se manifeste évidemment par une nouvelle nomenclature
budgétaire qui met l’accent sur les politiques publiques propres à chacun des ministères. Les
crédits votés par le Parlement sont répartis en missions qui comprennent elles-mêmes un
ensemble de programmes concourant à une politique publique définie. Tournée vers des
objectifs prédéterminés, l’action budgétaire de l’Etat s’engage dans l’optique de la
performance qui ne doit plus s’entendre comme l’application stricte d’instructions et de
directives suivie du compte-rendu des consommations budgétaires mais comme impliquant
une autonomie des gestionnaires de terrain, notamment des responsables de programme quant
à la définition des objectifs et l’emploi des crédits alloués. Ce paradigme nouveau se
manifeste notamment par l’annexion à la loi de finances d’un projet annuel de performance
qui, suivant l’article 51-5° de la L.O.L.F., est chargé d’assurer la « présentation des actions,
des coûts associés, des objectifs poursuivis, des résultats obtenus et attendus pour les années à
venir et mesurés au moyen d’indicateurs précis dont le choix est justifié ».
1
Comme le budget opérationnel de programme présente les mêmes attributs que son
programme de rattachement, il comprend un ensemble globalisé de moyens associés à des
objectifs fixés et mesurés par des indicateurs de résultats. La démarche de performance initiée
par la loi organique de 2001 trouve alors une répercussion sensible à l’échelon territorial et
opérationnel. Les budgets opérationnels de programme constituent une « programmation des
activités ou des opérations à réaliser, avec son volet performance (déclinaison des objectifs et
indicateurs) »2.
Ce qui est en jeu ici est la capacité ou non de mesurer précisément et efficacement la portée
de l’action publique au niveau territorial et sectoriel et ainsi son adéquation avec les attentes
des populations et services visés. Les objectifs mesurés sont de natures et visent des cibles de
personnes différentes.
Ils peuvent toucher à l’efficacité socio-économique et là l’impact sur l’environnement
économique et social pris dans son acception la plus large, intégrant des préoccupations
écologiques ou sanitaires, sera évalué conformément aux attentes des citoyens.
Les objectifs définis par le programme, puis répercutés à l’échelon territorial par les budgets
opérationnels de programme, sont aussi orientés vers la qualité de service intéressant l’usager
ou l’efficience de la gestion, c’est-à-dire, pour un niveau de ressources identique, la capacité
d’accroître les produits des activités publiques ou, pour un niveau d’activité identique, à
nécessiter plus de moyens.
Or, la question de l’opportunité d’appliquer les indicateurs inhérents au programme annuel de
performance, unité budgétaire de consommation des crédits relevant d’un ministère
particulier, au niveau opérationnel doit se poser avec vigilance. Les objectifs posés au niveau
territorial sont-ils les mêmes que ceux définis dans les programmes annuels de performance
ou en constituent-ils une variante plus ou moins lointaine au risque de troubler la lisibilité de
l’action publique ?
Le Guide de la déclinaison des programmes de décembre 2004 permet d’apporter une réponse
qui en définitive reste insuffisante. En effet, il y est précisé que les objectifs des programmes
annuels de performance définis au rang national répondent à des préoccupations stratégiques
de politique publique. Il est par conséquent compréhensible qu’ils soient formulés en des
2 Minefi, Guide pratique de la déclinaison des programmes, op. cit., p. 2.
1
termes relativement généraux réclamant des précisions et un affinement ultérieur au niveau
opérationnel, celui du budget opérationnel de programme. Ainsi, en vue de « réaliser les
objectifs nationaux du P.A.P., et au-delà, de piloter les administrations et les politiques
publiques placées sous la responsabilité d’un responsable de programme, des objectifs
opérationnels sont définis et associés à chaque B.O.P.. Ils doivent être conçus de telle sorte
que leur réalisation permette d’atteindre les objectifs stratégiques nationaux assignés au
programme »3 . Prenons, par exemple le programme « Gestion fiscale et financière de l’Etat et
du secteur public local » inclus dans la mission « Gestion des finances publiques et des
ressources humaines4. L’un des objectifs définis dans le programme annuel de performance
est de renforcer la lutte contre la fraude fiscale et le recouvrement offensif des impôts et des
amendes accompagné notamment de l’indicateur « Pourcentage des contrôles réprimant les
infractions les plus graves »5. Il s’agit d’un objectif d’ordre stratégique qui peut être appliqué
tel quel. Or, le souci d’adapter l’action publique aux réalités territoriales et sectorielles
suppose la concrétisation au rang opérationnel d’objectifs intermédiaires qui reformuleront et
détailleront dans les budgets opérationnels de programme les buts assignés dans les projets
annuels de performance. Alors, en la matière, un objectif intermédiaire s’attachera à recentrer
le contrôle fiscal sur les infractions au respect des obligations du contribuable en fonction de
la zone concernée comme les espaces frontaliers, les façades maritimes ou les territoires
d’échanges commerciaux développés.
Or, la déclinaison des objectifs peut se heurter au danger que représenterait une multiplication
de ceux-ci et de leurs indicateurs d’évaluation qui pourrait brouiller la visibilité de l’action
publique sur le terrain la rendant inefficace et incohérente. Si l’on reprend les observations de
Sylvie Trosa6 , un objectif opérationnel « répond à l’objectif du gouvernement et aux
préoccupations des citoyens »7. C’est un service concret qui rend obligatoire une
hiérarchisation entre les objectifs, une remise en ordre par priorités car des objectifs non-
hiérarchisés équivalent à une absence d’objectifs. Le niveau du budget opérationnel de
programme est le meilleur cadre de hiérarchisation des objectifs car les gestionnaires de
terrain sont les mieux à même pour connaître les attentes des citoyens et les exigences
3 Idem, p. 12.4 Minefi, Notice Gestion des finances publiques et des ressources humaines, Mission ministérielle, projets annuels de performance, annexe au projet de loi de finances pour 2009, octobre 2009.5 Idem, p. 51.6 S. Trosa, Le guide de la gestion par programmes, Vers une culture du résultat, Editions d’Organisation, 2002, 240 p..7 Idem, p. 93.
1
requises pour le fonctionnement d’un service public particulier. Les résultats du budget
opérationnel de programme, évalués de manière objective, permettront d’estimer la
performance du programme.
Les objectifs intermédiaires définis dans le B.O.P. serviront de relais entre le programme et
l’application concrète au niveau territorial au moyen des unités opérationnelles. Le Guide de
déclinaison des programmes tente de justifier la formulation de pareils objectifs. Il faut partir
du constat suivant lequel il existe des objectifs stratégiques d’un programme susceptibles de
concerner une pluralité d’acteurs disposant de compétences différentes et d’un B.O.P. distinct.
La définition d’objectifs intermédiaires à leur niveau aura pour principal avantage de
s’adapter à la spécificité de leurs prérogatives.
Les objectifs de performance arrêtés à l’échelon national sont ainsi déclinés directement tels
quels si cela est possible. Il faut alors que l’objectif soit adapté au contexte local ou au
périmètre de compétence du service en question à partir du moment où « les entités
opérationnelles ont les compétences requises pour réaliser les objectifs ainsi directement
déclinés à leur niveau »8 . Si cela est nécessaire, les objectifs des P.A.P. sont traduits en
objectifs intermédiaires qui auront pour particularité d’être adaptés au champ de compétence
et aux leviers d’action du responsable du B.O.P.. Enfin, si cela est utile, les objectifs du P.A.P.
pourront être complétés par des objectifs annexes à condition évidemment que ceux-ci ne
soient ni incohérents ni contradictoires entre-eux. Ce sera le cas lorsque le budget
opérationnel de programme géré par un gestionnaire territorial détectera à son niveau
l’existence d’activités qui n’ont pas été couvertes par les projets annuels de performance.
Cette profusion, voire cette prolifération des objectifs stratégiques déclinés directement ou
non au niveau territorial, parfois complétés par d’autres objectifs annexes, ne doit pas être
inutilement exagérée. Si la cohérence et la lisibilité de l’action publique et de son application
concrète au niveau local sont préservées, la question du nombre de ces objectifs ne pourra pas
donner lieu à polémique. En vérité, le dispositif mis en place est vertueux puisqu’il s’organise
suivant une relation d’interaction bénéfique entre l’échelon national, celui des projets annuels
de performance, et l’échelon territorial, celui des budgets opérationnels de programme. En
effet, si certains objectifs stratégiques nationaux s’avèrent dépassés et inopérants, si par le
8 Minefi, Guide pratique de la déclinaison des programmes, op. cit., p. 12.
1
temps, les priorités auxquelles ils avaient pour tâche de répondre se sont effacées, dans ces
cas, une démarche de révision de ces objectifs pourra être engagée. Force est de constater que
les objectifs définis au niveau national ne sont pas fixés un jour pour toujours. Ils sont
malléables et leur consistance et même leur existence peuvent être remises en cause car elles
subissent les exigences de telle ou telle politique publique impulsée par tel ou tel
gouvernement. La démarche de performance sous-jacente à la loi organique relative aux lois
de finances de 2001 autorise une adaptation de l’action publique aux réalités territoriales et
sectorielles comme le prouve la déclinaison des objectifs au niveau des budgets opérationnels
de programme qui ne se contentent pas de les reprendre mais qui effectuent une
réappropriation de ces données sans en dénaturer la nature. Or, ce cadre de gestion axé sur la
performance suppose de la part des gestionnaires de terrain l’exercice d’une liberté plus
grande.
§-2) Une liberté de redéploiement des crédits accrue.
La rupture opérée par la L.O.L.F. vis-à-vis du système antérieur est ici nette.
L’ordonnance de 1959 peut s’analyser comme le pendant budgétaire de la réforme
constitutionnelle opérée en 1958. Le rejet net par le constituant des institutions moribondes et
des pratiques usées d’une Quatrième République décrédibilisée a permis de mettre en place
une armature institutionnelle caractérisée par un Chef de l’Etat renforcé et un
parlementarisme rationalisé. L’ordonnance du 2 janvier 1959 transposera à la matière
budgétaire et financière les principaux acquis de la Constitution du 4 octobre 1958. Cette
extrapolation des nouveaux rapports de force à la préparation et à l’exécution de la loi de
finances placera le gouvernement et donc les administrations publiques en position privilégiée
dans les négociations budgétaires face à un Parlement aux possibilités d’amendement
limitées.
Le budget était « compartimenté par types de dépenses et cloisonné par chapitre et article
budgétaires »9 , si bien que les crédits accordés étaient emprisonnés au sein d’une catégorie
ministérielle bien particulière, pour répondre à une tâche bien spécifique, catégorie de laquelle
ils ne pouvaient pas sortir. Désormais, la L.O.L.F. ouvre la voie à une enveloppe ministérielle
globalisée par le système dit de la fongibilité asymétrique. En effet, le programme, « cadre
9 A. Montay et M. Simmony dans « La démarche des budgets opérationnels de programme (B.O.P.) : une gestion publique en prise directe avec les réalités des services et des territoires », Revue du Trésor, février 2006, p. 95.
1
d’autorisation et de gestion des politiques publiques »9 , comprend des crédits destinés à la
mise en œuvre d’une ou plusieurs actions. Or, ces crédits sont fongibles. Le ministère de
rattachement du programme peut redéployer les crédits entre les catégories de dépenses du
programme à savoir les dépenses de personnel, de fonctionnement , d’investissement ou
d’intervention. Toutefois, cette fongibilité est asymétrique puisque ce redéploiement des
crédits est limité par l’interdiction « d’abonder le titre des dépenses de personnel à partir des
autres titres de dépenses »10 , vu que celui-ci est plafonné, les dépenses fixées ne pouvant pas
dépasser un certain seuil.
Le budget opérationnel de programme est la déclinaison du programme pour une zone ou un
secteur donné. Il serait somme toute logique que la fongibilité des crédits se répercute à ce
niveau opérationnel vu que le B.O.P. dispose des mêmes caractéristiques que son programme
de rattachement. Sa présentation par destination et par nature de dépenses correspond à celle
du programme auquel il est lié. Le B.O.P. est un « budget prévisionnel, tant en autorisations
d’engagement qu’en crédits de paiement, détaillant par destination et nature, les crédits
prévus »11 . Il reprend la présentation matricielle du programme. La fongibilité est reprise et
donc le responsable du B.O.P. peut redéployer les crédits alloués d’un titre à l’autre ou d’une
destination à l’autre. Il « répartit les moyens (…) mis à disposition du B.O.P. par le
responsable du programme entre les différentes unités opérationnelles en fonction de la part
du plan d’action mise en œuvre par chaque unité opérationnelle »12 . Toutefois, l’application
de la règle de la fongibilité asymétrique ne s’impose pas ici avec évidence puisque la L.O.L.F.
n’envisage ce principe de non-réaffectation des crédits à destination des dépenses de
personnel que pour les programmes. Le droit dérivé de la L.O.L.F. apporte une réponse
nuancée. Le Guide pratique de la déclinaison des programmes semble poser clairement le
principe de la fongibilité asymétrique puisqu’il énonce que la fongibilité « laisse (…) la
faculté de définir (sous la limite de l’asymétrie) l’objet et la nature des dépenses lors de
l’exécution du programme et a fortiori lors de l’exécution du B.O.P., pour en optimiser la
mise en œuvre »13 . Aucune difficulté ne se pose par conséquent. Toutefois, il est précisé dans
d’autres documents notamment le document de travail du 1er juillet 200314 que le respect de la
9 F. Mordacq et a., La L.O.L.F. : Un nouveau cadre budgétaire pour réformer l’Etat, L.G.D.J., Systèmes, 2006, p. 41.1 0 Idem, p. 43.1 1 A. Montay et M. Simmony, art. cit., p. 96.1 2 Minefi, Guide pratique de la déclinaison des programmes, op. cit., p. 38.1 3 Idem, p. 41.1 4 Cf. supra p. 11.
1
règle de la fongibilité asymétrique au sein des budgets opérationnels de programme relève de
la liberté d’appréciation du responsable de programme et des modalités de gestion qu’il
souhaite mettre en œuvre. Cela ne constitue pas pour autant une atteinte au principe puisque
cette procédure de fongibilité symétrique est prévue au niveau du ministère et vaut donc pour
l’ensemble du programme de rattachement. Le responsable de programme fait respecter de
manière indirecte le principe de la fongibilité asymétrique par le contrôle interne en s’assurant
que les mouvements de crédits à destination du titre II consacré aux dépenses de personnel
soient compensés par des sorties de crédits en provenance du même titre de dépenses annulant
ainsi les effets néfastes d’une fongibilité symétrique sur le niveau des plafonds d’emploi.
La liberté de redéploiement des crédits est accrue par la L.O.L.F. et ce malgré un
redéploiement des crédits qui n’est pas absolu. La question du rôle du responsable du budget
opérationnel de programme doit alors se poser. C’est un responsable de programme agissant
pour une segmentation précise d’un programme. Il en constitue la reproduction exacte au
niveau territorial. Son insertion au sein d’une chaîne de responsables est par conséquent
déterminante.
Section 2 : Une chaîne de responsables identifiés.
Le budget opérationnel de programme est géré par un responsable déterminé, le
responsable de B.O.P.. Or, comme le B.O.P. constitue la déclinaison opérationnelle d’un
programme, il est aisément concevable qu’une multiplication des acteurs concernés par
l’exécution budgétaire pourrait être la source de malentendus et d’un enchevêtrement nuisible
de responsabilités au contenu mal défini. Toutefois, la loi organique de 2001 surmonte la
difficulté car elle pose en tant que dogme le couple liberté-responsabilité qui suppose que les
gestionnaires du budget, en contrepartie de pouvoirs larges et d’une liberté dans la
réaffectation des crédits, sont responsables. Ils doivent répondre de leurs actes. Ainsi par le
B.O.P., cette logique de responsabilisation vaut pour les gestionnaires de terrain (§-1) qui
seront pleinement impliqués dans l’exécution du budget (§-2).
§-1) Des gestionnaires de terrain mieux responsabilisés.
Nul n’est libre si il n’est pleinement responsable. Un homme irresponsable qui n’aurait
pas conscience de la nature et de la portée de ses comportements et actes ne dispose pas d’une
totale liberté d’appréciation. Outre cet aspect philosophique de la question, son versant
2
juridique en matière financière exige de relier le rôle des acteurs publics à leur mission
première qui est celle de satisfaire l’intérêt général. Ils sont investis d’une charge de service
public, celui de la bonne répartition des dépenses publiques en vue de la réalisation des
politiques publiques. Leur responsabilité est donc importante lorsqu’elle est rapportée à leur
mission. Les gestionnaires territoriaux, au stade de l’exécution du budget, se caractérisent par
leur grande diversité. Il y a en effet autant d’échelon de responsabilité que de subdivision du
budget.
La L.O.L.F., puis son droit d’application, son « droit dérivé », induisent une nouvelle chaîne
de responsabilité qui implique une pluralité d’acteurs à savoir :
- le Parlement qui vote le budget et qui est redevable devant les citoyens français par le
vote populaire ;
- le gouvernement qui s’engage devant le Parlement à suivre l’autorisation budgétaire ;
- les administrations centrales qui ont pour tâche de piloter la mise en œuvre des
missions et des programmes du budget par le responsable du programme nommé par
le ministre ;
- les administrations déconcentrées qui rendent opérationnel le programme en le
déclinant à leur niveau par le moyen notamment du budget opérationnel de
programme dont la conduite et la gestion sont assurées par un responsable de B.O.P.
identifié ;
- les responsables d’unités opérationnelles qui sont au plus près des réalités territoriales.
Cette responsabilité n’est plus seulement d’ordre juridique. Il ne s’agit plus seulement de
répondre de ses actes devant l’autorité hiérarchiquement compétente du fait de la mauvaise
application d’une quelconque instruction ou de la mise en œuvre d’une procédure irrégulière,
mais de répondre de ses actes de gestion ainsi que des résultats obtenus. Cette responsabilité
managériale reposerait sur la jonction « dans une même main d’objectifs (cibles de résultats)
et de moyens (enveloppe de crédits) et dans la liberté d’emploi de ces moyens (fongibilité et
marges de manœuvre) avec pour contrepartie le fait d’assumer ces résultats, c’est-à-dire les
conséquences du succès et de l’échec »15 .
1 5 A. Barilari, « Vers la réforme de la responsabilité des gestionnaires publics », Dossier « Finances publiques et responsabilité, l’autre réforme », A.D.J.A. n° 13, 2005, p. 698.
2
Cette nouvelle chaîne de responsabilité est la conséquence logique de la mise en œuvre de la
loi organique de 2001 car celle-ci ne pouvait pas coexister avec le système antérieur. André
Barilari et Michel Bouvier16 soulignent à juste titre que l’adaptation d’une responsabilité
managériale à l’organisation administrative héritée de l’ordonnance de 1959 aurait sans nul
doute échouée en raison de la persistance de nombreux obstacles. En effet, l’administration
centrale avait tendance à dissocier directions de missions et directions de moyens aux finalités
divergentes et contradictoires, les premières réclamant toujours plus sans frein et les secondes
répartissant des crédits au montant limité, si bien que chaque service rejetait la faute d’un
éventuel dysfonctionnement sur l’autre. Même au niveau déconcentré où les deux directions
étaient pourtant réunies dans les mains d’un même responsable, toute concertation avec
l’échelon central était impossible, faute d’un dispositif de dialogue de gestion adéquat. De
surcroît, le type de contrôle, exercé en amont de l’exécution de la dépense, réduisait
considérablement toute initiative.
La L.O.L.F. abandonne cette organisation en offrant un cadre favorable à la réception d’une
logique managériale et non plus strictement juridique. L’action budgétaire est désormais
orientée vers des objectifs mesurables par des indicateurs chiffrés. Les crédits sont fongibles
accordant aux responsables managériaux une réelle liberté dans leur affectation. Enfin, les
contrôles préventifs sont assouplis et n’ont plus pour tâche de corriger les erreurs mais de
prévenir les risques.
La responsabilité du gestionnaire de B.O.P. est centrale car il est le principal responsable de la
gestion des crédits. Il devra périodiquement rendre des comptes au responsable de programme
quant à la gestion des crédits affectés au budget opérationnel de programme. Par le dialogue
de gestion, il sera en mesure de mettre en place les mesures éventuelles décidées avec ce
dernier en vue de la correction de la répartition des crédits. Le budget opérationnel de
programme est le cadre au sein duquel les crédits sont répartis et l’unité opérationnelle, le
cadre de leur consommation effective. Or, les règles afférentes à la comptabilité publique
déterminées par le décret du 29 décembre 1962 portant règlement général de la comptabilité
publique sont impactées par la notion de B.O.P.. Le budget de l’Etat est exécuté par la mise en
œuvre d’autorisations de recettes et de dépenses par les ordonnateurs et les comptables.
1 6 A. Barilari et M. Bouvier, La L.O.L.F. et la nouvelle gouvernance financière de l’Etat, L.G.D.J., Systèmes, 2008, p. 97.
2
L’ordonnateur prescrit l’exécution des recettes et des dépenses publiques. Il peut répartir les
crédits ou les consommer.
Dans le cadre de la consommation des crédits, l’ordonnateur a trois compétences principales :
- il engage la dépense, c’est-à-dire qu’il constate l’existence d’une obligation et d’une
dette qui en découle ;
- il liquide la dépense en vérifiant le montant de la dépense effectuée ;
- il ordonne le paiement auprès du comptable qui, suivant le principe de séparation de
l’ordonnateur et du comptable, est seul apte à réaliser cette opération.
Soulignons d’emblée que le responsable de B.O.P. n’a pas vocation selon le Guide pratique
de la déclinaison des programmes17 à être « le gestionnaire direct des opérations menées pour
la mise en œuvre du programme ». Le décret du 29 décembre 1962 par son article 5 dispose
que les ordonnateurs « prescrivent l’exécution des recettes et des dépenses (…). A cet effet,
ils constatent les droits des organismes publics, liquident les recettes, engagent et liquident les
dépenses »18. Or, le responsable de B.O.P. ne dispose pas d’une délégation de signature qui lui
confère cette qualité d’ordonnateur secondaire. A la différence du responsable d’unité
opérationnelle, il n’est pas gestionnaire de crédits même si les deux fonctions peuvent
s’associer dans une seule et même main entraînant pour son titulaire la qualité d’ordonnateur
secondaire au sens de l’article 100 du décret. Le responsable de B.O.P. sera alors seulement
répartiteur des crédits et non exécutant de la dépense à la différence du responsable d’unité
opérationnel qui est ordonnateur consommateur de crédits. Les crédits dont le responsable de
B.O.P. dispose sont dispersés sur deux enveloppes, l’enveloppe « titre 2 » et l’enveloppe
« hors titre 2 », valant pour les autorisations d’engagement et les crédits de paiement.
Le responsable de B.O.P. est un relais. Il est situé à un niveau intermédiaire entre l’échelon
stratégique et politique, celui du responsable de programme, et l’échelon opérationnel et
territorial, celui du responsable d’unité opérationnelle.
A ce stade, se pose le problème récurrent de la diversification des responsables et donc des
risques de dilution de responsabilité. Toutefois, le dialogue de gestion limite les effets
1 7 Minefi, Guide pratique de la déclinaison des programmes, op. cit., p. 25. 1 8 Décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général de la comptabilité publique, J.O.R.F., 30 décembre 1962, p. 12828.
2
néfastes d’une pareille superposition d’acteurs aux compétences différentes. Le dialogue de
gestion peut s’entendre comme « la mise en place des objectifs et des moyens »18 qui
permettra la mise en coordination des actions de chacun des gestionnaires territoriaux. Il se
réalise à plusieurs niveaux à savoir entre le responsable de programme et le responsable de
budget opérationnel de programme d’une part, le responsable de B.O.P. et celui des unités
opérationnelles, d’autre part. Ce dialogue sera l’occasion de confronter les objectifs du
programme et les moyens destinés à les mettre en œuvre, d’évaluer les besoins réels à
satisfaire et les modalités d’application privilégiés. Ce dialogue de gestion aura un impact de
la périphérie vers le centre, il aura un effet ascendant transformant les types de gestion d’une
administration française caractérisée par une centralisation excessive des compétences et donc
l’hypertrophie des administrations centrales. Ce dispositif voit sa portée renforcée avec les
budgets opérationnels de programme puisqu’il réclame une implication réelle des
gestionnaires de terrain dans l’exécution du budget décidé au niveau national.
§-2) Des gestionnaires de terrain pleinement impliqués dans l’exécution du budget.
L’imbrication de plusieurs niveaux de responsables et de responsabilités ne doit pas
constituer en frein à la déclinaison effective des programmes. Si les risques de malentendus et
d’incohérence dans le type d’action à mener au niveau territorial peuvent survenir d’un
échelon à l’autre, le dialogue de gestion a pour ambition d’assurer la concertation des
gestionnaires de terrain dans l’exécution du budget. Il constitue « le dispositif certainement le
plus fondamental et le plus original du système car il est en rupture totale avec la logique
strictement hiérarchique, verticale, utilisée jusqu’en 2005 »19. Le responsable de B.O.P. est
situé au centre du dialogue de gestion. Cette position charnière tient au fait qu’en amont, le
responsable de programme effectue ses choix entre les B.O.P., et qu’en aval, le responsable de
B.O.P. lui-même répartit ses crédits entre les unités opérationnelles.
Marc Simmony et Jean-Pierre Duprat axent ce dialogue de gestion autour de « quatre temps
forts »20 à savoir :
1 8 A. Barilari, « Réflexions sur la gouvernance des programmes », Revue du Trésor n° 2, février 2006, p. 91.1 9 M. Bouvier, M.-C. Esclassan et J.-P. Lassale, op. cit., p. 461.2 0 M. Simmony et J.-P. Duprat, « Les budgets opérationnels de programme », R.F.F.P. n° 93, février 2006, p. 133 et s..
2
- la définition et la communication du cadre de gestion opérationnelle ;
- l’élaboration d’un projet de B.O.P. ;
- l’approbation du B.O.P. par le responsable de programme et la mise à disposition des
crédits ;
- le compte rendu de gestion opérationnelle.
Ces étapes peuvent se regrouper en deux principales. En effet, l’élaboration du B.O.P. doit
prendre en compte deux données. Elle doit, d’une part, s’appuyer sur les éléments de cadrage
fixés par le responsable de programme et se baser, d’autre part, sur les propositions des unités
opérationnelles.
Le dialogue de gestion implique dans un premier temps le responsable de programme. Situé à
un niveau stratégique et politique, il est chargé de mettre en application une politique publique
et définit la ligne que les échelons opérationnels doivent suivre. La L.O.L.F. a certes
démantelé la précédente organisation budgétaire qui était naguère centrée sur les organisations
ministérielles en faisant de la mission et non plus le ministère, l’unité de vote budgétaire.
Cependant, l’échelon ministériel est maintenu en tant que cadre de mobilisation des moyens.
Cela se traduit par le rattachement du programme à un ministère ainsi que par la spécialisation
des plafonds d’autorisation d’emplois par l’Etat au niveau de chaque ministère suivant
l’article 7-III de la loi organique relative aux lois de finances. Le responsable de programme
dont la mission est d’exécuter celui-ci définit un cadre général au sein duquel les responsables
de B.O.P. pourront agir. Leurs compétences et champ d’action sont délimités. Or, le
responsable de programme peut prendre appui sur des chartes de gestion du programme
« partagées avec l’ensemble des acteurs afin de donner de la lisibilité sur les nouveaux modes
de gestion et les marges de gestion des services opérationnels »21 . Ces chartes de gestion
s’inscrivent dans la « clarification des actions et la mise en cohérence des moyens et de la
gestion mis en oeuvre pour les programmes »22 . C’est à partir de ces documents que le
responsable de programme donnera une cohérence aux éléments de cadrage donnés à chacun
de ses responsables de B.O.P..
Le responsable de programme détermine le montant des dotations dont disposera le
responsable de B.O.P.. Il peut ainsi fixer un montant donné qui sera établi à partir de critères
2 1 F. Mordacq et a., op. cit., p. 238.2 2 M. Bouvier, M.-C. Esclassan et J.-P. Lassale, op. cit., p. 461.
2
qu’il déterminera avec les préfectures. Il répartira les dotations calculées en fonction de
l’activité et des contraintes inhérentes à chaque préfecture. Il peut également faire varier le
montant de la dotation à partir de scénarios ou de priorités. Par exemple, en 2005, le ministère
de l’Ecologie et du développement durable, a fixé son budget 2005 à titre expérimental en
demandant à ses structures déconcentrées un projet de budget établi suivant plusieurs
hypothèses d’évolution.
La préparation du budget opérationnel de programme doit dans un second temps prendre
appui sur les propositions formulées par les unités opérationnelles. Le responsable de B.O.P.
« organise l’élaboration de son projet de B.O.P. avec l’ensemble de ses unités opérationnelles
et des services gestionnaires qui s’y rattachent, en proposant une programmation des
opérations ou activités à laquelle sont associés des objectifs, des indicateurs, des valeurs
cibles et le budget prévisionnel correspondant »23 . Ce dialogue de gestion avec les unités
opérationnelles est pleinement justifié. En effet, le responsable de budget opérationnel de
programme n’est pas chargé de l’exécution directe des dépenses. Il n’est pas gestionnaire des
opérations destinées à mettre en œuvre directement le programme sauf s’il est responsable
d’unité opérationnelle lui-même. Comme le souligne le Guide pratique de la déclinaison des
programmes24 , la mobilisation des unités opérationnelles est « essentielle à la réalisation des
objectifs fixés au responsable de B.O.P.. Elle suppose une adhésion au projet tel qu’il sera
présenté au responsable de programme par le responsable de B.O.P. ». La constitution des
budgets opérationnels de programme implique une démarche descendante et ascendante
bénéfique en ce qu’elle concilie le souci d’une meilleure maîtrise des dépenses publiques
impulsé par le haut par le responsable de programme, et le souhait de prendre en compte les
spécificités du terrain par la concertation avec les unités opérationnelles. Le dialogue de
gestion entre le responsable de budget opérationnel de programme et les unités
opérationnelles est ainsi incontournable comme en témoigne le cas de l’organisation des
élections à travers le programme « Vie politique, associative et cultuelle » et son action
« Organisation des élections » comprise dans le B.O.P. « Vie politique ». L’administration
centrale ne prend pas en charge toutes les dépenses liées à la tenue d’élections et délègue aux
préfectures les dépenses électorales concrètes de la distribution des professions de foi et
bulletins de vote à l’organisation de la soirée électorale. Par conséquent, le B.O.P. « Vie
politique » en vue de sa constitution s’appuie sur une unité opérationnelle en administration
2 3 M. Simmony et J.-P. Duprat, art. cit., p. 133.2 4 Minefi, Guide pratique de la déclinaison des programmes, op. cit., p. 25.
2
centrale et sur une autre unité opérationnelle au sein des préfectures. La répartition des crédits
se fera en fonction des tâches accomplies par chaque unité opérationnelle à partir du nombre
d’électeurs – les exigences seront variables du département de la Lozère à celui du Nord – ou
des spécificités locales tenant à la géographie – la transmission du matériel électoral se fera
avec aisance en milieu urbain plutôt qu’en milieu rural et montagnard – et à la proximité avec
la métropole. Une première monture de budget est alors mise sur pied pourvu que les objectifs
et la programmation correspondent au cadre général fixé par le responsable de programme. Ce
projet est transmis au préfet pour les questions qui relèvent de ses prérogatives. Il émet un
avis sur le projet de B.O.P. qu’il communiquera au responsable de programme.
Ce dernier se prononce à partir d’un document qui regroupe un plan d’action du budget
opérationnel de programme, un budget prévisionnel en autorisation d’engagement et crédits
de paiement et en nomenclature matricielle ainsi qu’un schéma d’emplois et des éléments de
performance. Son rôle sera de comparer le projet de B.O.P. aux objectifs du programme qu’il
est chargé de mettre en œuvre. La conformité avec la stratégie de politique publique
déterminée au niveau national est examinée. La validation du projet de B.O.P. doit obtenir
l’approbation du responsable de programme qui se prononce sur « l’ensemble des éléments du
B.O.P. »24. Tous les éléments du projet entrent dans son champ d’analyse ce qui implique
également le contrôle indirect des propositions des unités opérationnelles qui auront été prises
en compte. Lors de cette étape du dialogue de gestion, s’instaure une « démarche
contradictoire de propositions du responsable de B.O.P., de demandes de modification et/ou
d’approbation de tout ou partie de celles-ci par le responsable de programme qui va aboutir in
fine à la validation du projet »25 .
Le contrôleur financier, outre qu’il peut être consulté par le responsable de budget
opérationnel de programme à titre préventif pour l’évaluation budgétaire de l’enveloppe de
crédits, intervient à la fin de la procédure de l’élaboration du B.O.P.. Son office s’insère dans
le cadre de l’article 6 du décret du 27 janvier 2005 relatif au contrôle financier au sein des
Administrations de l’Etat26 suivant lequel l’autorité en charge du contrôle financier « émet un
avis préalable sur les documents prévisionnels de gestion qui lui sont présentés par les
2 4 Minefi et a., La démarche de performance : stratégies, objectifs, indicateurs, op. cit., p. 39.2 5 D. Catteau, La L.O.L.F. et la modernisation de la gestion publique. La performance, fondement d’un droit public financier rénové, Thèse Droit public, Dalloz, Bibliothèque parlementaire et constitutionnelle, 2007, §-334.2 6 Décret n° 2005-54 du 27 janvier 2005 relatif au contrôle financier au sein des administrations de l’Etat, J.O.R.F. n° 23 du 28 janvier 2005, p. 1486.
2
gestionnaires ». Cet avis « porte sur la cohérence budgétaire d’ensemble de ces documents,
sur l’impact des charges prévues sur les finances publiques et sur la couverture des dépenses
que l’Etat est juridiquement tenu de supporter ainsi que de celles qui apparaissent d’ores et
déjà inéluctables ». C’est un contrôle de la soutenabilité budgétaire du projet. Le contrôleur
financier s’attache à vérifier l’adéquation des projets de dépenses du responsable de budget
opérationnel de programme aux capacités d’engagement et droits de paiement qui lui sont
présentés. Il se prononce dans un délai de quinze jours suivant l’article 14 du décret, faute de
quoi, « l’autorité administrative compétente peut utiliser les crédits ou engager la dépense
conformément à sa proposition, sauf si l’autorité chargée du contrôle financier a demandé par
écrit dans ce délai des informations ou documents complémentaires nécessaires à son
instruction. Dans ce cas, un nouveau délai de quinze jours court à compter de la production
des informations ou documents sollicités ».
Cette étape franchie, le budget opérationnel de programme peut être mis en œuvre dès le
début de l’exercice suivant respectant les modalités d’exécution prévue dans le B.O.P. et
approuvé par le responsable de programme. Le dialogue de gestion opéré en amont et en aval
a permis alors d’élaborer un document en prise avec les réalités territoriales et sectorielles tout
en suivant les orientations stratégiques et politiques déterminées au niveau national.
Le concept de B.O.P. tire sa force du fait qu’il n’est pas défini strictement dans la loi
organique de 2001. C’est le fruit de son « droit dérivé » qui pose les principaux instruments
de sa mise en œuvre et de sa déclinaison opérationnelle. Le budget opérationnel de
programme gagne ainsi en souplesse et épouse les évolutions et exigences territoriales, les
besoins de chaque population et spécificités de chaque lieu. Il n’est pas figé et les
gestionnaires chargés de l’élaborer puis de l’appliquer disposent d’une liberté large en ce qui
concerne la destination des moyens accordés, liberté contrebalancée par une responsabilité
plus grande. Or, si le B.O.P. est caractérisé par sa grande malléabilité, par une adaptabilité
certaine, ces aspects prouvent qu’il reste un instrument complémentaire à la L.O.L.F.
inachevé.
2
Chapitre 2 : Un complément aux contours en voie de définition.
Le budget opérationnel de programme est la résultante d’un ensemble de documents
de nature réglementaire préparée au sein des services du Ministère de l’Economie et des
Finances dont le Comité de pilotage des Directions des affaires financières et la Direction de
la réforme budgétaire qui, de mars 2003 à décembre 2005, a suivi les chantiers de mise en
œuvre de la loi organique relative aux lois de finances de 2001. Or l’on peut discuter de la
juridicité de ce « droit dérivé » au point de l’assimiler à un « droit mou » dépourvu de
caractère contraignant, droit « déjuridicisé » combattu par Portalis1 pour lequel la loi n’a de
sens que si elle pose des obligations juridiquement assurées et sanctionnées. Comme le
1 Jean-Etienne-Marie Portalis (1746-1807), jurisconsulte, philosophe du droit français et ministre des cultes, fut l’un des rédacteurs du Code civil de 1804.
2
soulignent Michel Lascombe et Xavier Vandendriessche, c’est « essentiellement par des
textes à, la densité juridique faible (voire nulle) qu’ont été précisés les concepts et méthodes
permettant la mise en œuvre de la L.O.L.F. »2 .Un texte à valeur organique, donc quasi-
constitutionnel, a été complété et précisé par des actes à la force juridique contestable. Cette
faible juridicité impacte la définition des budgets opérationnels de programme (Section 1)
ainsi que leur périmètre de gestion (Section 2).
Section 1 : La définition incertaine des budgets opérationnels de programme.
Définir la notion de budget opérationnel de programme supposerait d’en déterminer
brièvement son contenu et sa fonction. Or, ce concept issu du « droit dérive » de la L.O.L.F.
reçoit une définition qui à première vue pourrait nous paraître satisfaisante. Il est entendu que
le budget opérationnel de programme consiste en la déclinaison d’un programme dans tous
ses éléments au niveau territorial et sectoriel. Néanmoins, force est de constater que la
tentative de définir le B.O.P. se heurte à une difficulté tant au niveau de sa nature exacte (§-1)
que de ses origines supposées (§-2).
§-1) Une nature difficilement perceptible.
Tant le Comité de pilotage des Directions des affaires financières que la Direction de
la réforme budgétaire ont tracés dès 2002 les lignes directrices de la notion de B.O.P.. Les
notes d’orientations et documents de travail, puis le Guide pratique de la déclinaison des
programmes de décembre 2004 mettent plus l’accent sur la chose que sur le mot de budget
opérationnel de programme.
Il s’agit de « la formation d’un processus budgétaire interne » qui est « rattaché à un
programme et un seul et est structuré sur les deux volets indissociables fixés par le nouveau
cadre de la budgétisation : d’une part des actions et les crédits qui les financent, d’autre part
des objectifs quantifiés et les indicateurs qui en mesurent les résultats »3 . C’est « l’outil de
mise en œuvre concrète du programme dans toutes ses dimensions, mobilisation des moyens
2 M. Lascombe et X. Vandendriessche, art. cit., p. 541.3 Note d’orientation, op. cit., juin 2002, p. 2.
3
autorisés et performance attendue »4 . Seul l’aspect instrumental de la définition est mis en
lumière laissant dans le flou la nature juridique du concept. Le Guide pratique de la
déclinaison des programmes5 a le grand mérite de proposer les éléments d’une définition dans
son introduction. Le budget opérationnel de programme serait alors « la déclinaison
opérationnel d’un programme, sur la base du principe liberté/responsabilité induit par la loi
organique relative aux lois de finances (L.O.L.F.) ». Par conséquent, il assurerait « la
déclinaison des objectifs et des indicateurs de performances du programme et un budget
prévisionnel ».
Si nous définissons le B.O.P. par le contenu, par ce qu’il comprend, la tâche est relativement
aisée.
En effet, il regroupe trois éléments principaux à savoir :
- une programmation des activités et opérations qu’il est chargé d’effectuer en
répercutant à l’échelon opérationnel les objectifs et les indicateurs du programme ;
- un budget prévisionnel qui comprend des crédits en autorisations d’engagement et
crédits de paiement ainsi que des indications quant à la masse salariale ;
- un schéma d’organisation financière qui fixe et délimite le rôle de chacun des acteurs
concernés.
Les documents de travail et les notes d’orientation du COPIL et de la direction de la réforme
budgétaire n’envisage le budget opérationnel de programme que sous son angle purement
fonctionnel. Il n’essaye pas d’accorder à ce nouveau concept une valeur juridique précise qui
permettrait de cibler sa nature dans le processus de l’exécution budgétaire. La doctrine
financière tente de fournir certaines informations complémentaires à ce sujet. L’œuvre
universitaire est riche et abondante.
Suivant Gil Desmoulins, les B.O.P. « permettent de détailler les programmes »6 . Cette
définition reste incomplète puisqu’il rattache le budget opérationnel de programme au
programme qu’il est censé décliner au niveau opérationnel et sectoriel. La tentation serait
alors forte de partir du concept de programme, unité d’exécution du budget, pour constituer
4 Document de travail, op. cit., juillet 2003, p. 2.5 Minefi, op. cit., p. 2.6 G. Desmoulins, Finances publiques, Vuibert, Public Droit, 2008, p. 165.
3
une sorte de faisceau d’indices d’éléments de la notion de B.O.P.. Cette voie peut être
empruntée. C’est par ailleurs celle privilégiée par une partie non négligeable d’universitaires.
Or, il serait regrettable d’accorder au budget opérationnel de programme une définition ainsi
qu’une nature juridique qui ne seraient pas autonomes mais qui se construiraient à partir d’un
autre concept de la gouvernance financière publique, celui du programme. François Adam,
Olivier Ferrand et Rémy Rioux, s’ils se contentent de reprendre la définition du B.O.P.
donnée par le Guide pratique de la déclinaison des programmes, n’y voyant qu’une
« subdivision d’un programme »7 , admettent une « incertitude juridique retenue
délibérément » qui « pourrait à terme être préjudiciable »8, preuve que la difficulté de la
détermination de la nature et de la valeur juridiques du budget opérationnel de programme est
traité avec acuité et persistance.
La définition négative du budget opérationnel de programme pourrait être envisagée. Il
s’agirait de différencier le B.O.P. de concepts voisins afin de tracer des frontières solides et
stables entre ces notions. Définir le budget opérationnel de programme par ce qu’il n’est pas
l’éloignerait alors des concepts de loi de finances et de budget.
L’ordonnance du 2 janvier 1959 dans son article 2 définissait la loi de finances comme l’acte
qui « prévoit et autorise, pour chaque année civile, l’ensemble des ressources et des charges
de l’Etat ». Or, le B.O.P. ne fait pas réellement partie intégrante de la documentation du projet
de loi de finances. Ils ne sont ainsi pas portés à la connaissance des parlementaires puisqu’ils
ne sont pas situés au niveau politique et stratégique mais placés à l’échelon opérationnel qui
implique par conséquent les gestionnaires de terrain. De plus, le B.O.P. est un budget
prévisionnel de crédits en autorisations d’engagement et crédits de paiement. Par conséquent,
son assimilation à la loi de finances est contestable puisqu’il ne prévoit ni n’autorise
l’ensemble des ressources et des charges de l’Etat. Il se concentre uniquement sur la
répartition des dépenses publiques entre chaque unité opérationnelle.
Le rapprochement entre les notions de budget et de budget opérationnel de programme ne doit
pas en revanche être d’office écarté. Les termes employés par le COPIL sont extrêmement
révélateurs. Il emploie le terme de budget opérationnel de programme et non d’unité
d’exécution du programme ce qui n’aurait pas été source de confusion. Le budget, de l’ancien
7 F. Adam, O Ferrand et R. Rioux, Finances publiques, Presses de Sciences Po et Dalloz, Amphi, 2007, p. 129.8 Idem, p. 130.
3
français bougette9, si nous reprenons la définition de l’article 1er du décret-loi du 19 juin
195610 , peut se définir comme l’acte qui « prévoit et autorise, en la forme législative, les
charges et ressources de l’Etat. Il est arrêté par le Parlement dans la loi de finances qui traduit
les objectifs économiques et financiers du gouvernement ».
Les qualités que revêt le budget opérationnel de programme rendent inopérante toute tentative
de rapprochement avec le budget puisque qu’il est de pure création administrative. Il n’est pas
la résultante d’une discussion entre le gouvernement qui présente et défend son projet de
budget au travers de la loi de finances et les parlementaires qui proposent d’éventuelles
modifications. Il ne répond pas aux règles démocratiques du débat parlementaire. De surcroît,
le B.O.P. n’est pas mis en application par un acte législatif ce qui viendrait compromettre un
mythe aux racines jacobines lointaines, celui de la loi, expression de la volonté générale, loi
qui, parce qu’elle est votée par les représentants du peuple réunis en assemblée nationale, ne
saurait errer ni faillir.
L’on pourrait y voir un manque de démocratie en ce sens que l’élaboration et la mise en
œuvre effective des budgets opérationnels de programme échapperait à tout contrôle
parlementaire et serait un pur produit d’une administration bureaucratique sclérosée coupée
du réel. Cette approche est évidemment erronée puisqu’elle refuserait d’admettre que les
B.O.P. consistent en la déclinaison opérationnelle des programmes, eux-mêmes subdivisions
des missions qui composent le budget de l’Etat voté par le Parlement par l’intermédiaire des
lois de finances. Cette approche est exagérée car elle se méprendrait sur l’impact réel de la
réforme budgétaire de 2001 qui intègre pleinement le Parlement dans le processus de
fabrication du budget ainsi que dans le contrôle de son exécution.
En vérité, le budget opérationnel de programme n’est pas un budget comme un autre. Son
histoire n’est pas en effet liée à celle du concept de budget dont l’apparition est concomitante
à l’avènement de la démocratie moderne. Le B.O.P. n’est pas rattaché à la construction du
parlementarisme et d’un droit public financier, barrière à l’intervention budgétaire des
pouvoirs publics dès le début du XIXème siècle en France. Il s’agit non d’un budget politique et
stratégique destiné à définir et soutenir les orientations économiques et sociales de la Nation
mais d’un budget opérationnel, c’est-à-dire d’un acte juridique qui complète le budget de
9 Sac, bourse ou cassette censé comprendre un bien de valeur.1 0 Décret n° 56-601 du 19 juin 1956 déterminant le mode de présentation du budget de l’Etat, J.O.R.F. du 20 juin 1956, p. 5632.
3
prévision initial en vue de le rapprocher des exigences territoriales, des priorités du terrain. Le
B.O.P. est un budget administratif d’exécution, un acte sui generis disposant d’une valeur
juridique proche de celle d’un règlement. Il a une force juridique inférieure à la loi qu’il est
censé appliquer.
Cadre d’exécution des programmes, le budget opérationnel de programme n’a pas reçu de
définition claire de la part de ses créateurs. Or, certains universitaires tendent à rapprocher ce
concept du modèle anglo-saxon de l’agence, rapprochement qui reste contestable.
§-2) Une origine supposée contestable.
Etablir les origines du budget opérationnel de programme, en plus de le définir,
consiste à identifier les fondements non plus terminologiques mais théoriques et historiques
du système de déclinaison des programmes. La L.O.L.F. tire ses racines d’un mouvement de
rationalisation des choix budgétaires entamé à la fin des années 60 qui a connu des succès
divers, se heurtant à un manque flagrant de volonté politique ainsi qu’à la paralysie des
structures administratives. Le système de déclinaison opérationnelle des programmes connaît
lui des fondements multiples s’appuyant sur « une réflexion relative aux modalités
d’intervention de l’Etat et sur un rapprochement des modalités d’intervention de
l’administration avec celles du secteur privé »11 .
Le fondement du contrat est une piste possible. En effet, le responsable de B.O.P. s’engage
auprès du responsable de programme à atteindre les objectifs qui lui ont été assignés. Ils sont
liés par le budget opérationnel de programme qui peut être vu comme une sorte de contrat
duquel découle une série de droits et d’obligations.
La piste de l’agence au sens du New Public Management est plus problématique pour la
détermination des origines du budget opérationnel de programme. Le système de l’agence part
du principe suivant lequel doivent être clairement dissociées les activités de conception et
d’exécution des politiques publiques tant au plan personnel que fonctionnel. Un corps de
personnes spécialisées doit être formé à l’exercice de l’une ou l’autre tâche. Cette séparation
est fortement ancrée dans la culture anglo-saxonne et trouve des traces visibles dès le début du
XXème siècle avec les modes de production et d’organisation du travail expérimentés, puis
1 1 D. Catteau, op. cit., §-228.
3
effectivement appliqués, dans le secteur industriel dont celui de l’automobile. Cette
organisation scientifique du travail ou taylorisme12 entend « lutter contre la faible productivité
de la main d’œuvre, due (…) à la mauvaise utilisation du travail, à la flânerie et aux lacunes
dans l’organisation de l’entreprise »13 . Avec le budget opérationnel de programme, la
distinction entre le concepteur, le politique qui définit la stratégie budgétaire à suivre, et
l’exécutant, l’administratif qui applique concrètement le budget national aux réalités
territoriales, se trouve fondée et justifiée. L’agence, disposant d’une large marge de
manœuvre et d’une liberté de gestion réelle est chargée de la délivrance des prestations et
subventions. Elle associe le politique et le fonctionnaire tout en servant de base à un
engagement entre les deux pôles sur les résultats à atteindre suivant une démarche de
performance initiée par la loi organique relative aux lois de finances de 2001. Toutefois, si ce
modèle permet de fonder le B.O.P., force est d’admettre que la nécessité de se doter d’un
système d’agences en France fait l’objet d’un réel « malentendu » comme l’a souligné
Bernard Abate14 . Comparaison n’est pas raison et le souhait de greffer sans précautions
préalables le modèle anglo-saxon de l’agence sur un système français encore marqué par ses
pesanteurs traditionnelles et ses réflexes centralisateurs serait immanquablement voué à
l’échec. En effet, « les agences étrangères (…) ne sont pas un modèle d’organisation de
l’action publique, comme le sont en pratique les établissements français (…), mais un modèle
d’organisation qui vise l’ensemble des services opérationnels de l’Etat »15. Cette démarche de
dissociation entre la conception des politiques publiques et leur mise en œuvre concrète sur le
terrain n’irradie pas en France tout le champ de l’action publique. La forte imprégnation d’une
culture de l’intervention publique, du besoin de recourir sans cesse aux services de l’Etat pour
traiter tel ou tel problème sont la preuve qu’une pareille distinction est loin d’être érigée à
valeur de principe au sein des modes d’organisation et de régulation des services publics.
L’on pourrait certes assimiler l’agence anglo-saxonne à l’établissement public français.
Toutefois, ce dernier, « service public spécial personnifié » selon Maurice Hauriou, peut se
définir comme une personne morale de droit public ayant une compétence spéciale
d’attribution et disposant d’une certaine autonomie administrative et financière.
L’établissement public est caractérisé par une personnalité juridique propre. Ce n’est pas le
1 2 Du nom de Frederick Winslow Taylor (1856-1915), ingénieur américain qui posa les bases d’un nouveau mode de production, vecteur de la Révolution industrielle, autour d’une forte parcellisation des tâches et d’une séparation entre les fonctions de conception et d’exécution.1 3 J. Chevallier, Science administrative, P.U.F., Thémis, 2007, p. 23.1 4 B. Abate, op. cit., p. 21.1 5 B. Abate, op. cit., p. 22.
3
cas de l’agence anglo-saxonne dont les ressources relèvent du budget du ministère dont ils
relèvent. L’établissement public reste, comme le relève Bernard Abate, un « contre-
exemple »16 puisque « leurs missions sont définies de manière générale et abstraite ; leurs
résultats ne sont pas pilotés par leur ministère de tutelle, mais leur gestion est néanmoins
entravée par une tutelle tatillonne sur leurs moyens et sur leurs actes … ». Ceci découle
directement du principe de spécialité qui énonce que les attributions des établissements
publics sont spécifiques et limitées en principe à un service public déterminé. Par conséquent,
emprunter le terme d’agence pour qualifier les établissements publics et a fortiori les
gestionnaires publics chargés de l’élaboration ainsi que de l’exécution des B.O.P. serait hors
de propos.
Certains universitaires, à l’image de Damien Catteau, voient dans la déclinaison
opérationnelle des programmes une « alternative au système d’agences »17 adaptée aux
spécificités du système administratif français. La distinction entre la conception, incarnée par
le ministre qui définit et met œuvre une politique publique, et l’opérationnel qui répartit les
crédits disponibles, est transposée en France non au prix d’un bouleversement radical des
structures et des pensées mais par un ajustement de l’organisation déconcentrée existante,
niveau opérationnel des politiques publiques.
Le B.O.P. , en tant que mode de déclinaison des politiques publiques, est un instrument aux
origines diverses. Certains entendent le rattacher au contrat, à ce lien juridique qui lie le
créancier au débiteur, d’autres préfèrent explorer la piste plus contestable de l’agence, entité
autonome d’exécution des stratégies nationales. La grande diversité des fondements du budget
opérationnel de programme démontrent la grande élasticité de la notion, élasticité qui se
traduit également au niveau de son périmètre de gestion.
Section 2 : Un périmètre de gestion visiblement malléable.
Le budget opérationnel de programme opère la déclinaison des programmes au niveau
territorial et sectoriel. Or, cette nécessaire adaptation de l’action publique aux attentes et
priorités ressenties sur le terrain suppose une malléabilité certaine du périmètre de gestion qui
ne doit pas rester fixe et uniforme. Par conséquent, cette opération s’inscrit dans un cadre de
1 6 Idem.1 7 D. Catteau, op. cit., §-253.
3
gestion aux limites relativement souples et flexibles (§-1) en dépit de la persistance réelle de
contraintes de gestion (§-2).
§-1) Un périmètre de gestion souple en apparence.
Il n’existe pas de B.O.P. unique. Un budget opérationnel de programme peut prendre
diverses formes, plusieurs visages en fonction de la zone dans laquelle il s’insère. Cela vise
naturellement à répondre à l’objectif d’adaptabilité des politiques publiques sur le terrain. Le
document de travail de juillet 2003 du COPIL est le premier texte à mettre en évidence de
manière précise la question du périmètre du B.O.P., de sa marge d’intervention effective. Son
périmètre « se définit à partir du programme auquel il est rattaché. Il en épouse la
structure »18. Le périmètre s’identifie à partir du champ d’application du programme puisque
le budget opérationnel de programme constitue une segmentation du programme comme nous
l’avons vu. Chaque B.O.P. regroupe « la part des crédits d’un programme à mettre à
disposition d’un responsable identifié »19 qui sera compétent :
- soit sur un périmètre géographique donné ;
- soit pour une activité déterminée.
Or, la question du périmètre de gestion du budget opérationnel de programme tire sa raison
d’être d’un double souhait, celui de déconcentrer les décisions de gestion au plus proche des
réalités territoriales et sectorielles tout en atteignant le niveau adéquat nécessaire au pilotage
des politiques publiques à l’échelle locale. Le B.O.P. se cale à l’organisation géographique
idoine pour la meilleure déclinaison des programmes. Comme le soulignent Marc Simmony et
Jean-Pierre Duprat, le choix de ce positionnement « revient, au premier chef, au responsable
de programme »20 . Ce dernier peut redéployer les crédits dont il dispose entre chaque B.O.P.
en cours de gestion même si ceux-ci sont en principe limitatifs et non fongibles entre eux. De
là naît une nouvelle organisation des budgets opérationnels de programme qui part non pas du
schéma traditionnel de l’administration française caractérisée par une forte uniformité et qui
embrasse indifféremment chaque pan de l’action publique mais du degré de pertinence du
périmètre de gestion.
1 8 Document de travail, op. cit., 2003, p. 4.1 9 Idem, p. 5.2 0 M. Simmony et J.-P. Duprat, art. cit., p 130 et s..
3
Ainsi, le B.O.P. pourra se caler à différents types d’espace :
- le territoire national ;
- un ensemble interrégional ;
- une zone particulière transcendant les divisions administratives existantes comme les
zones de défense ;
- une région ;
- un département.
Les évolutions récentes de la cartographie des B.O.P. traduisent une large tendance à recourir
à la structure régionale pour leur gestion. Si le nombre des B.O.P. tend à s’effondrer pour les
départements (118 en 2008, contre 516 en 2007)21, il connaît une augmentation sensible au
niveau régional et interrégional où sont impliquées les administrations dites « à réseau » aux
structures déconcentrées développées comme celles chargées de l’agriculture et de la pêche,
de l’environnement et du développement durable, de l’éducation et de la culture ou des
politiques d’aide sociale. Mais, ce « positionnement régional, qui s’affirme essentiellement au
niveau de la programmation des activités et du pilotage de la performance ainsi que de la
répartition des crédits alloués au B.O.P., requiert une bonne articulation avec le niveau
départemental »22 puisque, dans la plupart des cas, les unités opérationnelles sont actives à ce
niveau. La majorité d’entre elles effectue les opérations programmées dans les B.O.P.
régionaux dans le cadre départemental. L’expérimentation, puis la préfiguration des budgets
opérationnels de programme, a démontré en 2004-2005 la nécessité d’établir une réelle
coordination entre ces deux niveaux de gestion opérationnelle par un dialogue de gestion
rénové ainsi que par l’intervention accrue du préfet qui s’assure de la cohérence des politiques
publiques. Les chartes de gestion jouent ici un rôle essentiel puisqu’elles fixent les rapports
entre responsables de programme, de budget opérationnel de programme et d’unité
opérationnelle. Au plan opérationnel, la cohérence des politiques est donc sauvegardée.
Néanmoins, les chartes de gestion ont un contenu qui reproduit les choix faits entre B.O.P. et
unité opérationnelle quant à la structuration. Ainsi, comme le relève Xavier Inglebert23 , « un
petit nombre de B.O.P. réduit la capacité d’arbitrage du responsable de programme ;
inversement, l’éclatement du programme en de nombreux B.O.P. rend plus complexe le
2 1 En 2009, il ne devrait plus avoir de B.O.P. au niveau départemental, sauf pour l’administration des finances.2 2 M. Simonny et J.-P. Duprat, art. cit., p. 131.2 3 X. Inglebert, op. cit.
3
dialogue de gestion ». Un équilibre doit être observé au moyen des chartes de gestion entre
capacité d’arbitrage du responsable de programme et la nécessité de décliner les programmes
au plus près des réalités du terrain par le budget opérationnel de programme.
Cette organisation géographique et sectorielle des B.O.P. modifie les structures
administratives existantes et marquent l’avènement de la structure régionale et l’effacement
progressif de l’échelon départemental, étape supplémentaire dans le mouvement de
déconcentration administrative observée depuis le début des années 90. Ce phénomène est
accompagné par un autre indice de la flexibilité du périmètre de gestion des B.O.P. à savoir le
dépassement de la stricte identification entre un budget opérationnel de programme et une
action. L’action et le B.O.P. constituent tous les deux des subdivisions d’un programme. La
L.O.L.F. prévoit bien à son article 7 qu’un programme regroupe des crédits destinés à mettre
en œuvre une action ou un ensemble cohérent d’actions relevant d’un même ministère.
L’action est la composante d’un programme tandis que le B.O.P. consiste en la déclinaison
d’un programme et d’un seul au niveau opérationnel. Ces éléments ne sont pas situés à la
même échelle. Le premier est une pièce de la nomenclature budgétaire nouvelle mise en place
par la L.O.L.F. et le second est un vecteur de l’adaptation des politiques publiques au plan
opérationnel. Cette différenciation rend alors possible le regroupement de plusieurs actions au
sein d’un seul et même B.O.P., l’insertion d’une action dans un B.O.P., voire l’inclusion d’un
B.O.P. dans une action. Tous les cas de figure de regroupement ou de chevauchement sont
possibles comme le démontre l’exemple du programme n° 108 « Administration territoriale »
de la loi de finances. Celui-ci, rattaché au ministère de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des
collectivités territoriales, regroupe cinq actions. Les quatre premières, à savoir la coordination
de la sécurité des personnes et des biens, la garantie de l’identité et de la nationalité
accompagnée de la délivrance de titres, le contrôle de légalité et le conseil aux collectivités
territoriales ainsi que le pilotage territorial des politiques gouvernementales composent
chacune un budget opérationnel de programme. La dernière action, celle consacrée à
l’animation du réseau et au soutien des services préfectoraux, est intégrée par un seul B.O.P.
rattaché à la sous-direction de l’administration territoriale.
En plus de ne pas être associé directement à une action quelconque, le B.O.P. peut être
dissocié d’une unité opérationnelle particulière. Il se peut en effet qu’une activité constitue
l’unité opérationnelle d’un budget opérationnel de programme qui dépendra d’un autre
programme et même d’un autre ministère. Le B.O.P. de la cinquième action du programme
3
« Administration territoriale » consacré au soutien des services préfectoraux regroupe des
crédits immobiliers qui seront dépensés au sein d’une unité opérationnelle d’un autre
programme du ministère de l’Intérieur, le programme de soutien. Par conséquent, l’unité
opérationnelle n’est pas liée au budget opérationnel de programme par un lien de pure
subordination. Leurs rapports ne sont pas hiérarchiques et le responsable d’unité
opérationnelle ne dépend pas du responsable de B.O.P.. La structuration des B.O.P. permet de
sortir d’un schéma pyramidal fait de liens de subordination juridique entre chacun des
échelons de cette organisation. Elle oppose à ce type de système basé sur le commandement
hiérarchique un mode de gouvernance financière plus pragmatique qui dégage et met en
valeur les spécificités de l’action publique qui n’est pas uniforme puisque les besoins qu’elle
cherche à satisfaire sont divers. Cela rejoint la malléabilité du périmètre de gestion des
B.O.P.. Toutefois, si le B.O.P. peut s’adapter à n’importe quel espace d’intervention, les
contraintes de gestion restent réelles.
§-2) La persistance réelle de contraintes de gestion.
Toute opération menée par l’administration ne peut pas s’exercer dans l’arbitraire et en
dehors de toute légalité. Il est somme toute normal qu’elle se soumette au droit. Le droit
administratif, puis le droit financier public, se sont construit en France au cours du XIXème
siècle pour offrir aux pouvoirs publics un cadre d’intervention délimité qui respecte et protège
les droits et libertés des citoyens. Il est par conséquent logique que le budget opérationnel de
programme et ses gestionnaires obéissent à des contraintes de gestion. Le responsable de
B.O.P. agit en effet dans un cadre relativement souple et dispose d’une large liberté tant en ce
qui concerne le redéploiement des crédits alloués que les moyens mis en œuvre en vue
d’atteindre les objectifs déclinés à son niveau. Toutefois, sa gestion du B.O.P. n’est pas faite
au mépris de règles essentielles à la cohérence des politiques publiques rendues
opérationnelles.
Or, la loi organique relative aux lois de finances est assez silencieuse sur ce point. Elle ne vise
que le programme pour poser certaines règles de gestion notamment le principe de la
fongibilité asymétrique qui réclame de la part des gestionnaires de ne pas réaffecter les crédits
disponibles au profit du titre 2 consacré aux dépenses de personnel puisque celles-ci sont
limitées par un plafond d’emploi. Au niveau du budget opérationnel de programme,
4
l’application de cette modalité de gestion ne pose aucune difficulté même si une fongibilité de
type « symétrique » est reconnue. Ainsi toute augmentation des dépenses de personnel au sein
d’un B.O.P. devra être compensée dans la même proportion par une baisse de ressource
d’emploi dans un autre B.O.P.. Le responsable de programme reste libre pour imposer ou non
cette règle de la fongibilité asymétrique aux responsables de B.O.P. s’il l’estime opportun.
Le contrôle financier exercé en aval de la procédure de constitution du B.O.P. ne constitue pas
en soi une contrainte depuis la réforme de janvier 2005 qui renouvelle profondément ses
objectifs et modalités. Le décret du 27 janvier 2005 précité fait du contrôle financier un
moyen de s’assurer de la soutenabilité budgétaire du projet de B.O.P.. Au niveau de
l’exécution du B.O.P., ce contrôle se concentrera uniquement sur les propositions de
diminution des crédits réservés en vue d’une régulation, si la distribution initiale des crédits
est rendue inadaptée face aux nouveaux besoins qui seraient apparus. L’avis du contrôleur
financier portera alors sur le strict respect de la fongibilité asymétrique au sein du budget
opérationnel de programme.
La L.O.L.F. prévoit de surcroît la possibilité de revenir sur le montant des crédits affectés à un
programme, et donc par ricochet à un budget opérationnel de programme, durant leur mise en
œuvre. Les décrets de virement de l’article 12 l’autorisent. Il y est énoncé que des virements
« peuvent modifier la répartition des crédits entre programmes d’un même ministère ». Cette
pratique contournant le principe de spécialité23 n’est tolérée que sous le respect de certaines
conditions. En effet, le montant cumulé, au cours d’une même année, des crédits ayant fait
l’objet de virements, « ne peut excéder 2% des crédits ouverts par la loi de finances de l’année
pour chacun des programmes concernés ». Un bouleversement inopiné des circonstances rend
obsolète la répartition des crédits opérée initialement. Des dégâts matériels résultant d’une
inondation ou d’une tempête, la survenance inattendue d’une crise économique rend
nécessaire la modification des principales lignes fixées dans le budget sans pour autant passer
obligatoirement devant le Parlement par un collectif budgétaire. Cette possibilité de virement
des crédits remet en cause la loi de finances initiale, le contrat passé entre le gouvernement et
le Parlement. Or, l’autorisation budgétaire donnée par les parlementaires devrait être révisé,
comme tout contrat en droit, si cette modification est rendue indispensable par un
bouleversement des circonstances rendant l’exécution du budget difficile, voire impossible.
2 3 Suivant lequel chaque crédit a une destination particulière spécifiée par la loi de finances.
4
Ces circonstances devraient comme en droit des contrats civils présenter les caractères de la
force majeure, c’est-à-dire résulter d’un fait imprévisible, irrésistible et extérieur pour
autoriser la nouvelle répartition des crédits. Or, transposer à un droit financier public
transformé par les apports de la nouvelle gestion publique et tourné vers la performance ces
règles issues du droit privé viendrait compromettre les impératifs de gestion budgétaire. Le
budget perdrait alors en souplesse et l’on retournerait au système antérieur à la L.O.L.F.. Le
principe de la spécialité budgétaire appliqué aveuglement se retournement paradoxalement
contre lui-même. Reconnaître des possibilités de dérogations strictes aurait un effet similaire.
La régulation budgétaire, à l’heure de la L.O.L.F., est par conséquent rendue nécessaire. Elle
est désormais aux mains des gestionnaires territoriaux qui useront de cette faculté de
redéploiement des crédit reconnue dans la L.O.L.F. pour adapter l’action publique aux
problématiques territoriales. Le responsable de programme pourra faire les réajustements
nécessaires entre les budgets opérationnels de programme.
Sa liberté de redéploiement n’est pas totale surtout si l’on se situe au niveau d’une
administration déconcentrée. Comme le reconnaît Xavier Inglebert24, « la liberté dont dispose
le responsable de programme ne lui permet pas de réallouer facilement, en cours d’exercice,
dix emplois d’un service déconcentré situé à Lille vers un service déconcentré équivalent situé
à Marseille ». La déconcentration des services si elle est poussée à son paroxysme suivant un
mouvement centrifuge conduirait à une grande dispersion des budgets opérationnels de
programme au plan géographique si bien que la fongibilité asymétrique serait privée d’effets
réels. Les B.O.P. perdraient en souplesse et n’échapperaient pas au risque d’une rigidification
excessive, la possibilité d’un réaménagement de leur organisation se posant non plus en cours
d’exécution mais chaque année durant leur programmation annuelle. Les dérives du système
de l’ordonnance du 2 janvier 1959 auxquelles la L.O.L.F. entendait apporter un remède
efficace sont ainsi bien loin d’être écartées. Les chartes de gestion freineront les risques d’une
dispersion des compétences en délimitant les attributs des acteurs de la déclinaison
opérationnelle des programmes. Le niveau de déclinaison opérationnelle influera sur la
répartition des rôles. En effet, si le B.O.P. est déconcentré, le responsable de programme aura
tendance à restreindre sa propre marge de manœuvre par la délégation au responsable de
B.O.P. d’une liberté d’action plus large car celui-ci sera en prise directe avec le territoire. La
logique sera inversée pour le B.O.P. central puisque le responsable de programme sera plus
2 4 X. Inglebert, op. cit..
4
proche avec les services d’exécution. C’est la règle de subsidiarité qui s’applique qui confère
pleine compétence à l’échelon le plus proche du problème à résoudre.
La crainte d’une déconcentration des crédits vers les B.O.P. est une attitude que la Mission
MILOLF de surveillance de la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances
avait observée dès 2006 dans son rapport du 15 juin 200625. Celui-ci a reconnu des
manœuvres de conservation de « crédits en centrale, sans que la justification apparaisse
pleinement »26, s’appuyant sur le cas de B.O.P. déconcentrés qui ne comprendraient que les
dépenses d’intervention, laissant ainsi les dépenses de fonctionnement et de personnel au
niveau central. Il s’agit là « d’un contournement manifeste de l’esprit de la L.O.L.F. et du
principe de fongibilité asymétrique »27 . Le défaut de déconcentration des dépenses de
personnel reste toutefois compréhensible du fait d’un manque d’un mécanisme de pilotage des
ressources humaines des services déconcentré qui reste encore à un stade embryonnaire. La
nouvelle notion d’équivalent temps plein travaillé (E.T.P.T.) qui remplace les effectifs
budgétaires n’a pas encore déployé tous ses effets au niveau déconcentré. Les responsables de
terrain seraient conduit à établir un suivi régulier des emplois et de la masse salariale que
seuls les responsables ministériels seraient en mesure d’effectuer.
A ce défaut de déconcentration des crédits s’ajoute un fléchage des crédits qui demeure tenace
dans certaines administrations. Les crédits accordés aux B.O.P. restent compartimentés dans
des catégories desquelles ils ne peuvent sortir. Le programme « Gestion durable de
l’agriculture, de la pêche et du développement rural » constitue un exemple typique de la
survivance d’une pareille pratique puisque le responsable de programme interdit
expressément toute répartition de crédits entre actions. Or, un gestionnaire n’est pleinement
responsable que s’il dispose d’une liberté large de réaffectation des sommes disponibles.
Cette rigidification des B.O.P. est motivée par le souhait des ministères, dépossédés par la
réforme budgétaire de 2001 d’une partie de leurs compétences financières, de conserver leur
maîtrise d’hier de la programmation des crédits et de leur exécution. Les réflexes hérités du
système de 1959 demeurent ancrés dans une culture qui supporte assez mal la déconcentration
2 5 Rapport d’information n° 3165 du 15 juin 2006 sur la mise en œuvre de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances déposé par la Commission des finances, des affaires économiques et du plan et présenté par les députés Michel Bouvard (R.P.R.), Jean-Pierre Brard (apparenté P.C.F.), Charles de Courson (U.D.F.) et Didier Migaud (P.S.).2 6 Idem, p. 63.2 7 Ibid..
4
des crédits d’autant plus que celle-ci est accompagnée par une déconcentration accrue des
décisions et des modes de gestion.
Cette résistance serait en partie surmontée par un meilleur partage des rôles et des
responsabilités entre gestionnaires de programme et gestionnaires de B.O.P.. Le responsable
de programme doit rester libre dans la gestion du programme dont il a la charge et admettre
une marge de manœuvre large au profit des responsables de B.O.P.. Dans le cas contraire, si
les responsables sont cantonnés au seul respect des consignes données par le responsable de
programme, consignes qui brideraient leur marge de manœuvre, le risque serait grand de
susciter chez eux une démotivation dangereuse pour la pérennité du nouveau système.
Le B.O.P. complète et renforce la réforme budgétaire impulsée en 2001 avec la
L.O.L.F. en offrant aux gestionnaires libres et responsables la possibilité d’adapter les
politiques et stratégies nationales aux réalités du terrain. Cependant, le fait qu’il résulte d’un
droit dérivé élaboré par les services administratifs constitue une faiblesse qui marque
durement l’incertitude qui rôde quant à sa nature et à son périmètre de gestion. Ceci prouve
que le B.O.P. est un complément en devenir dont les contours ne sont pas fixés de manière
définitive. Or, la réforme budgétaire a considérablement modifié les bases de l’Etat en prenant
acte des évolutions récentes qui ont signifié la disparition d’un Etat providence protecteur et
l’avènement d’un Etat stratège à la recherche de la performance de l’action publique dans un
contexte d’explosion du déficit et de gonflement de la dette. C’est à ce titre que les budgets
opérationnels de programme constituent un véritable levier de la modernisation de l’Etat.
4
Seconde partie : Les budgets opérationnels de programme, instrument nécessaire de la modernisation de l’Etat.
L’Etat en plus de trois siècles a changé de visage au fur et à mesure des évolutions de
notre société et des besoins ressentis par la population. Naguère Etat de police se contentant
de concentrer son effort sur les prérogatives naturelles de la puissance publique, c’est-à-dire le
maintien de l’ordre, la tenue d’une justice effective, l’entretien de relations diplomatiques et le
droit de battre monnaie et de lever l’impôt, l’Etat est devenu interventionniste. Au-delà de ses
fonctions régaliennes, il s’est préoccupé de la bonne marche des activités économiques en
jouant un rôle déterminant dans la relance de la production industrielle et l’amélioration du
niveau de vie au sein des pays développés. Puis, face aux crises intervenues dans les années
70 et à son incapacité à en limiter ses principaux effets, l’Etat a limité son champ d’action.
Dans un contexte de dégradation des finances publiques et d’interdépendance des systèmes
économiques et monétaires mondiaux, il ne joue plus que le rôle de régulateur des activités de
production au moyen de la politique budgétaire.
Le droit financier public a connu des évolutions similaires. Il fut conçu à la base sous la
Restauration en tant que moyen destiné à encadrer l’action budgétaire de l’Etat comme en
témoignent les grands principes des finances publiques encore en vigueur de nos jours même
si ils ont vu leur contenu se renouveler. Le budget est voté par le Parlement pour une durée
d’un an. Il doit recenser toutes les recettes et toutes les dépenses sans contraction préalable et
sans que la répartition initiale des crédits soit modifiée. Ces principes d’annualité, d’unité,
4
d’université et de spécialité sont autant de barrières à une intervention étatique regardée avec
méfiance. La montée en puissance d’un Etat interventionniste aura immanquablement un
impact sur la fonction assignée au budget. Celui-ci, dès les années 50, servira dans une
optique keynésienne1 à financer les politiques de relance de la production nationale. Le
budget, comme l’énonce l’article 1er du décret-loi du 19 juin 1956, « traduit les objectifs
économiques et financiers du Gouvernement »2 . L’arme budgétaire verra son rôle confirmé
dans l’ordonnance du 2 janvier 1959. Evidemment, le renouveau des idées libérales dès les
années 70 relèguera le budget volontariste des « Trente Glorieuses » au rang des instruments
inefficaces pour résoudre la crise économique. Si l’Etat était quarante ans plus tôt la solution,
il devient le « problème »3. Le budget revient à des fonctions plus modestes qu’auparavant
même si la recherche de l’équilibre budgétaire est sans cesse mise à l’ordre du jour. La loi
organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 entérine cette évolution et confirme
l’avènement d’un Etat stratège sensibilisé à la réduction des déficits publics et à l’apurement
des comptes de la Nation. L’action publique tend à s’orienter vers la performance qui n’est
pas la recherche du profit au sens entrepreneurial mais la volonté d’atteindre des objectifs
mesurables par des indicateurs fiables.
Ainsi, les mutations du droit financier public sont inséparables du mouvement de
modernisation de l’Etat. La L.O.L.F. s’oriente dans cette direction. En plus d’enrichir les
pouvoirs du Parlement et de renouveler la nomenclature budgétaire, elle constitue un levier
puissant de réforme de l’Etat. André Barilari et Michel Bouvier abondent dans ce sens et
reconnaissent que « la réforme de l’Etat est un concept plus large que la réforme budgétaire ;
elle requiert, outre l’amélioration du fonctionnement des organismes administratifs, la
nécessité de repenser le rôle de l’Etat, au niveau stratégique, en tenant compte des options de
philosophie politique, du développement du rôle d’autres acteurs institutionnels, du contexte
économique et social »8.
Les budgets opérationnels de programme s’inscrivent dans le même mouvement de réforme
de l’Etat puisqu’ils déclinent les orientations stratégiques nationales au plus près des réalités
1 Du nom de John Maynard Keynes (1883-1946), économiste britannique qui proposera le recours à une politique économique conjoncturelle par l’accroissement des dépenses publiques et l’investissement afin de remédier aux défaillances du marché.2 Article 1er du décret n° 56-601 du 19 juin 1956, op. cit., p. 5632.3 Selon Ronald Reagan, président des Etats-Unis d’Amérique de 1981 à 1989, dans son discours d’investiture du 20 janvier 1981 : « In this present crisis, government is not the solution to our problem ; government is the problem ».8 A. Barilari et M. Bouvier, op. cit., p. 82.
4
territoriales et sectorielles. S’ils réactivent efficacement la politique de déconcentration menée
depuis plusieurs décennies (Chapitre 1er), ils demeurent un instrument de refonte des systèmes
financiers publics à parfaire (Chapitre 2).
Chapitre 1 er : Un instrument efficace de réactivation de la déconcentration de l’Etat.
Le B.O.P. doit correspondre aux attentes de tel ou tel espace du territoire national.
Bien qu’il puisse également intervenir au niveau de l’administration centrale, cet instrument
s’inscrit dans la continuité de la politique de déconcentration conduite par l’Etat depuis le
début des années 60. La déconcentration consiste en un aménagement de la centralisation
administrative. Il s’agit d’un système « dans lequel le pouvoir de décision, et pas seulement de
préparation et d’exécution, est exercé par des agents ou organismes résidant localement (dans
une circonscription administrative), mais demeurant soumis à l’autorité centrale qui les
nomme »1. Cela correspond à l’institution d’un nouvel échelon administratif au sein d’une
même personne publique, l’Etat. En somme, « c’est le même marteau qui frappe, mais on en a
raccourci le manche »2 . Le B.O.P., à ce titre, replace le préfet, représentant local de l’Etat, au
premier plan de la déclinaison opérationnelle des programmes (Section 1), rôle enrichi par la
volonté d’encourager une démarche interministérielle impliquant tous les gestionnaires
territoriaux (Section 2).
Section 1 : L’institution préfectorale réhabilitée.
Les budgets opérationnels de programme sont dans une certaine mesure un révélateur
du mouvement de déconcentration de l’Etat. La figure du préfet a connu de véritables
bouleversements à tel point que sa fonction, hier encore critiquée et souvent délaissée par les
1 Sous la dir. de M. de Villiers, op. cit., p. 131.2 Suivant la célèbre formule d’Odilon Barrot (1791-1873), ministre et Président du Conseil sous la Seconde République (1848-1849) ainsi que vice-président du Conseil d’Etat de 1872 jusqu’à sa mort.
4
politiques de décentralisation3 , est réhabilitée par la réforme budgétaire. L’institution
préfectorale participe ainsi pleinement au processus d’élaboration ainsi qu’à la gestion du
budget opérationnel de programme. Son rôle qui a vu son contenu se diversifier (§-1) connaît
depuis quelques années de profondes mutations tendant à faire de lui un acteur à part entière
de la procédure budgétaire (§-2).
§-1) Un rôle sans cesse grandissant.
L’institution préfectorale actuelle ne correspond en rien à l’institution napoléonienne
de la loi du 28 pluviôse an VIII. Le Premier Consul Bonaparte affichait bien son intention à
l’époque de ne créer qu’un relais d’un pouvoir étatique caractérisé par un centralisme
exacerbé et une concentration forte des pouvoirs. Le préfet de la première moitié du XIXème
siècle dispose de compétences moindres. Il est un délégué du gouvernement sans autorité
propre, un élément comme un autre d’une chaîne administrative comme l’a souligné Chaptal :
« Le préfet ne connaît que le ministre, le ministre ne connaît que le préfet. Le préfet ne discute
point les actes qu’on lui transmet : il les applique, il en assure et surveillance l’exécution (…),
il transmet la loi et les ordres du gouvernement jusqu’aux dernières ramifications du corps
social avec la rapidité du fluide électrique »4 . Le Second Empire5 impulsera le mouvement de
transfert de compétences du Chef de l’Etat et des ministres vers le préfet, mouvement qui se
poursuivra sous la Troisième République, avec le décret-loi du 5 novembre 1926 qui lui
reconnaîtra le pouvoir de tutelle sur les collectivités territoriales, et la Quatrième République,
grâce à l’admission d’un statut particulier des préfets par le décret du 19 juin 1950.
Les compétences de l’autorité préfectorale en matière budgétaire et financière ne se
développeront que très tardivement sous la Cinquième République. Les décrets du 14 mars
1964 font du préfet le représentant de chacun des ministères au niveau départemental.
L’article 1er du décret n° 64-250 du 14 mars 1964 précise en effet que le préfet, « dépositaire
3 Les lois « Defferre » de 1982-1983 relancent la politique de décentralisation qui se traduit notamment par la reconnaissance de nouveaux droits et libertés aux collectivités territoriales et par la suppression de la tutelle préfectorale sur celles-ci.4 Jacques-Antoine Chaptal (1756-1832), chimiste de formation, fut ministre de l’Intérieur (1801-1804), sénateur et Pair de France.5 Cette reconnaissance de réelles prérogatives aux préfets favorisera l’émergence de préfets bâtisseurs et visionnaires dont le baron Haussmann, préfet de la Seine de 1853 à 1870 qui initiera un vaste et ambitieux plan de rénovation et d’assainissement de la capitale.
4
de l’autorité de l’Etat, veille à l’exécution des lois, des règlements et des décisions
gouvernementales. Il est le délégué du gouvernement et le représentant direct de chacun des
ministres »9. Par conséquent, si il veille à l’exécution des décisions nationales, il sera
logiquement chargé d’assurer la bonne exécution de la loi de finances au niveau du
département. Les compétences du préfet, dans le conteste d’un mouvement de
décentralisation, seront renforcées par les lois « Defferre »7 de 1982-1983. Il n’est plus
seulement coordonnateur des politiques publiques mais aussi directeur des services de l’Etat à
l’échelon local.
Ce phénomène centrifuge est accéléré par la loi d’orientation « Administration territoriale de
la République », dite « A.T.R. », du 6 février 19928 accompagnée par le décret du 1er juillet
1992 portant Charte de la déconcentration9. L’administration territoriale de la République est
assurée par les collectivités territoriales et les services déconcentrés de l’Etat. La
déconcentration devient ainsi la règle générale de répartition des attributions et des moyens
entre les différents échelons des administrations civiles de l’Etat.
Cet arsenal législatif et réglementaire qui s’est considérablement enrichi traduisant de manière
incontestable l’avènement d’un pouvoir préfectoral disposant de compétences larges dans la
direction et la gestion des services déconcentrés. Il devient dans une certaine mesure
l’équivalent du Premier ministre au niveau territorial. Selon Jacques Chevallier, « l’Etat
devient ainsi un ‘Etat territorial’, dont la logique d’action épouse la diversité des contextes
locaux »10 . Le préfet, vecteur de l’application des stratégies nationales au terrain, est reconnu
comme ordonnateur secondaire unique de droit commun des budgets ministériels. C’est le
reflet budgétaire de leur qualité de représentant de l’Etat. Cependant, le phénomène de
déconcentration des administrations constaté depuis les années 60 était seulement juridique. Il
s’agissait d’une « déconcentration des compétences juridiques »10 accompagnée d’une
« déconcentration juridique du pouvoir hiérarchique » et « des moyens »12. Or, la
9 6 Décret n° 64-250 du 14 mars 1964 relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation des services de l’Etat dans les départements et à la déconcentration administrative, J.O.R.F. du 20 mars 1964, p. 2588.7 Du nom du ministre socialiste de l’Intérieur et de la Décentralisation de 1981 à 1986
.8 Loi d’orientation n° 92-125 relative à l’administration territoriale de la République du 6 février 1992, J.O.R.F. du 8 février 1992, p. 2064.9 Décret n° 92-604 portant Charte de la déconcentration du 1er juillet 1992, J.O.R.F. du 4 juillet 1992, p. 8898.1 0 J. Chevallier, op. cit., p. 425 et s..1 0 B. Abate, op. cit., p. 17.1 2 Idem p. 18.
4
déconcentration a échoué puisqu’elle s’est cantonnée à un strict transfert des compétences
sans se préoccuper du mode de gestion. L’accroissement des compétences des autorités
préfectorales s’effectuait dans un cadre de gestion fortement marqué par une culture
bureaucratique axée non sur la recherche de la performance mais sur le respect de la règle de
droit. Le préfet était chargé d’appliquer scrupuleusement des orientations définies par le
gouvernement et les ministères.
Bernard Abate met en lumière les insuffisances des politiques de déconcentration qui ont
échoué à réduire le poids de l’Etat central sur la scène administrative. Elles doivent être
complétée par la mise en place d’un mode de gestion tourné vers les résultats à atteindre. En
effet, cela implique une « autonomie réelle des services opérationnels » qui « supposerait que
les administrations centrales définissent les résultats attendus et fassent de la responsabilité
sur les résultats le pivot de la délégation des autres responsabilités »13. Or, le souhait de
tourner l’action publique déconcentrée vers des objectifs s’est manifestée en 1999, puis en
2001, par la création des schémas de service collectif et des directives nationales
d’orientation. Comme Xavier Inglebert les présente14, les schémas de service collectif sont
« conçus comme des instruments de pilotage central permettant à l’Etat de veiller à la
présence équilibrée des équipements et services publics ». Les directives nationales
d’orientation consistent elles en des documents synthétiques conçus par chaque ministère et
chargés de définir des objectifs de politique publique dont les services déconcentrés
déterminent les conditions de mise en œuvre. Elles opèrent une meilleure répartition entre ce
qui doit relever du pilotage central et ce qui dépend de la mission des services déconcentrés.
Ces dispositifs de détermination d’objectifs à atteindre au niveau déconcentré ont eu un
impact relativement limité. Les schémas de service collectif dont les principaux effets
devraient être visibles dans un horizon de vingt ans n’ont pas suscité la formulation
d’objectifs précis et immédiatement applicables. Comme les directives nationales
d’orientation, ils sont trop récents pour que l’on puisse en mesurer les incidences éventuelles
rapidement.
Ces mécanismes sont été complétés simultanément dès la fin des années 90 par la pratique
soutenue d’un dialogue de gestion destiné à rendre plus aisée la déclinaison des politiques
1 3 Ibid. p. 19.1 4 X. Inglebert, op. cit. p. 246.
5
publiques au niveau local. Les relations entre services centraux et services déconcentrés
deviennent régulières notamment avec la démarche des « contrats de service » résultant d’une
circulaire conjointe des ministère du Budget et de la Réforme de l’Etat du 12 juillet 1996. Ces
contrats promeuvent la constitution de budgets globaux et accordent aux autorités
déconcentrées des marges de manœuvre budgétaire larges. Si ce procédé contractuel sera vite
abandonné car regardé avec méfiance par des ministères craignant une limitation même
marginale de leurs prérogatives budgétaires, il traduira clairement la conscience que la liberté
de gestion des crédits au niveau déconcentré doit être secondée par un pilotage des résultats
attendus. Les programmes pluriannuels de modernisation de la circulaire du 3 juin 1998 iront
dans le même sens mais connaîtront un résultat analogue, la Cour des comptes ayant relevé
que les objectifs formulés étaient trop vagues pour être utiles.
Le terrain était ainsi préparé pour la loi organique du 1er août 2001 qui confirme les premiers
balbutiements de la mise en place d’une gestion budgétaire déconcentrée. Le budget
opérationnel de programme est la pièce maîtresse de la nouvelle architecture qui associe
centre et périphérie et accorde au préfet une place déterminante.
Le système de l’ordonnance de 1959 caractérisé par un grand cloisonnement entre chaque
chapitre budgétaire rattaché à un ministère spécifique n’accompagnait pas le transfert des
moyens financiers aux services déconcentrés de compétences de gestion si bien que les
gestionnaires de terrain n’étaient pas responsabilisés dans un cadre où leurs marges d’action
étaient limitées et en étroite dépendance avec les services centraux. La L.O.L.F. revient sur
cette lacune en offrant aux responsables déconcentrés les moyens de piloter les crédits
disponibles. La structure en B.O.P. et en unités opérationnelles d’exécution leur reconnaît la
faculté d’assurer la programmation des moyens accordés, à y rattacher des objectifs et des
indicateurs suivant le respect de la règle de la fongibilité asymétrique. Le préfet, en tant que
représentant local de l’Etat, sort transformé par la réforme budgétaire. Il est désormais le
« garant de la cohérence de l’action territoriale interministérielle de l’Etat »15. Il est chargé de
vérifier si la déclinaison des politiques publiques au niveau opérationnel est conforme aux
stratégies impulsées par l’Etat central. Il s’assure donc de la compatibilité des budgets
opérationnels de programme avec les stratégies nationales. Bernadette Malgorn rappelle avec
insistance les apports de la L.O.L.F. sur l’institution préfectorale16 en observant à juste titre
1 5 F. Mordacq et a., op. cit., p. 245.1 6 B. Malgorn, « Le Préfet et la L.O.L.F. », R.F.F.P. n° 91, septembre 2005, p. 92.
5
que certains « ont voulu voir dans la L.O.L.F. une machine de guerre contre la
décentralisation » en opposant au traitement transversal des politiques publiques par les
autorités déconcentrées la logique verticale persistante de la spécialité budgétaire « nécessaire
à l’exercice des prérogatives du Parlement ». La réforme de 2001 « la ramène à des justes
proportions par le nombre des missions et programmes par rapport aux chapitres de
l’ordonnance de 1959 ».
La L.O.L.F. et son droit d’application placent le préfet dans une position déterminante, en
amont dans la procédure de constitution du B.O.P.. Il donne un avis sur celui-ci c’est-à-dire
qu’il vérifie au préalable, avant qu’il soit transmis au responsable de programme pour
approbation, sa conformité avec les orientations nationales. Or, sa fonction ne s’arrête pas là.
Elle connaît actuellement de vastes mutations et est appelée à évoluer.
§-2) Un rôle en cours de mutation.
L’office du préfet en matière de budget opérationnel de programme s’exerce à deux niveaux.
Il vérifie en amont sa conformité avec les politiques nationales en préservant le caractère
interministériel de l’action publique et en aval, au niveau de l’exécution donc, il doit s’assurer
de la convergence des objectifs nationaux avec les politiques territoriales. Son rôle est double
mais conserve derrière une certaine unité en ce sens que, représentant de l’Etat, il garde à
l’esprit la volonté de traduire en des termes concrets mais cohérents les stratégies nationales.
Notons d’emblée que si le préfet a , comme l’énonce Damien Catteau17 , « ès qualité une
fonction de coordination dans le cadre de la déclinaison opérationnelle des programmes », il
demeure un responsable de B.O.P.. Il reste un gestionnaire de terrain chargé de la mise en
œuvre du programme « Action territoriale » de la mission « Administration générale et
territoriale de l’Etat ». Il est de surcroît responsable d’unité opérationnelle comme pour le
B.O.P. « Aménagement du territoire ». Il sera le mieux à même pour connaître les difficultés
et les enjeux suscités par la concrétisation des politiques publiques du fait de son double statut
de coordonnateur et de gestionnaire. Il abordera de front les problèmes de la constitution des
B.O.P. et de leur exécution en toute connaissance de cause.
1 7 D. Catteau, op. cit., §-307.
5
En amont, il donne son avis sur les B.O.P. comme l’énonce l’article 23 du décret du 29 avril
200418qui énonce que les « projets de budget des services déconcentrés des administrations
civiles de l’Etat sont soumis pour avis au préfet ». L’assimilation du budget des services
déconcentrés au budget opérationnel de programme est compréhensible et traduit nettement la
volonté des initiateurs de la réforme budgétaire d’utiliser le B.O.P. comme un instrument de
relance d’une déconcentration qui tardait à trouver sa route errant entre transfert de
compétences strictement juridiques et réticences des pouvoirs centraux par crainte d’une
dépossession de certaines prérogatives. Ces résistances de l’ancien système gardent une trace
comme le démontre l’article 33 du décret d’avril 2004 qui exclut du champ d’intervention de
l’avis préfectoral certaines missions liées à l’action éducative, à l’inspection du travail et
surtout aux finances. Les administrations de l’Education nationale, du Travail et des Finances,
fortes de leur poids historique et de leur prestige, ont su signifier au gouvernement le souhait
de profiter de cette dérogation qui trouve sa principale et unique justification dans l’existence
de dispositifs internes à chaque administration concernée rendant inutiles l’avis du préfet qui
agit conformément à ses compétences. Il se contentera de valider le schéma de
programmation financière « désignant les responsables d’unités opérationnelles »19 . Le
champ d’intervention de l’avis est également et naturellement limité par le fait que le préfet ne
peut pas se prononcer sur l’intégralité des B.O.P. existant sachant qu’il en existe près d’une
cinquantaine par région. Dans un souci d’efficacité de l’action publique, il se concentrera sur
des B.O.P. à fort potentiel où les sommes et les intérêts en jeu sont importants, ceux qui
reflètent les priorités gouvernementales.
Ces « B.O.P. à enjeux » sont examinés par le Comité de l’administration régionale composé
selon l’article 35 du décret du 29 avril 2004 des préfets départementaux, des chefs des pôles
régionaux de l’Etat, du secrétaire général pour les affaires régionales et du trésorier-payeur
général, auxquels peuvent être associés les chefs ou responsables des services déconcentrés
régionaux.
Un fois l’avis donné, celui-ci sera transmis au responsable de programme qui arrêtera le
schéma d’organisation financière chargé de définir « les unités opérationnelles chargées de la
mise en œuvre du B.O.P. et destinataires des mises à disposition ultérieures des crédits par le
1 8 Décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation et à l’action des services de l’Etat dans les régions et les départements, J.O.R.F. du 30 avril 2004, p. 7755.1 9 Minefi, Guide pratique de la déclinaison des programmes, op. cit., p. 30.
5
responsable de B.O.P. »20. Des modifications peuvent être proposées afin de mieux prendre en
considération les orientations nationales. Un ajustement des services aux crédits disponibles
pourrait ainsi être suggéré soit dans le sens d’un renforcement, si l’action publique dans ce
domaine là est prioritaire, soit dans le sens d’une réduction, si au contraire l’intervention ici
doit être atténuée du fait de besoins qui ne seraient plus criants.
La circulaire du 16 juin 200421 relève que le préfet « constitue l’autorité de synthèse
indispensable à la convergence des objectifs nationaux et des politiques territoriales dont il a
la responsabilité ». Son office suppose un rapport permanent et continu avec les acteurs
locaux au sein du Comité de l’administration régionale dont la consultation n’est pas
impérative. Celui-ci dispose alors de la faculté de se prononcer, sur proposition du préfet
régional, sur les projets de B.O.P. qui lui seraient soumis. Ce véritable « état major de l’action
régionale »22 est le lieu de rencontre des acteurs locaux qui, par un échange de vues, définiront
le champ d’intervention des B.O.P. et informeront le préfet sur l’exercice de son avis.
Outre cette fonction, la qualité d’ordonnateur secondaire reconnue au préfet et consolidée par
le décret du 29 avril 2004 renforce le rôle coordonnateur du préfet. Ils peuvent par conséquent
déléguer leur signature au profit d’ordonnateurs secondaires délégués tels que les
responsables d’unités opérationnelles lorsqu’il s’agit de l’exécution du budget opérationnel de
programme. L’article 21 du décret précité prévoit cette hypothèse. En effet, les crédits
budgétaires qui doivent être exécutés par les services déconcentrés de l’Etat « sont mis à
disposition du préfet, lorsqu’il n’a pas désigné d’ordonnateur secondaire délégué. La
délégation de signature d’ordonnancement secondaire entraîne la mise à disposition directe
des crédits aux ordonnateurs secondaires délégués ». Cette délégation est aux mains du préfet
qui peut en décider les principales modalités. Il peut à ce titre se réserver la capacité à signer
les actes juridiques d’une opération aux enjeux financiers lourds. Enfin, si le préfet n’opère
aucune délégation de signature, il lui revient de plein droit la faculté de gérer les crédits.
Le lien de dépendance entre services déconcentrés et autorité préfectorale semblerait se
renforcer. Ce signe est en réalité trompeur car si la délégation de signature dépend de la seule
2 0 Idem.2 1 Circulaire du 16 juin 2004 relative à l’application du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation et à l’action des services de l’Etat dans les régions et les départements, J.O.R.F. du 13 juillet 2004, p. 12644.2 2 Suivant les termes employés par M. Simmony et J.-P. Duprat, art. cit., p. 138.
5
volonté du préfet, cette compétence d’ordonnateur secondaire de droit commun qui lui est
reconnue est justifiée par sa qualité de garant de la cohérence des politiques publiques,
élément qui témoigne de la prévalence d’une démarche interministérielle.
Section 2 : Une démarche interministérielle encouragée.
La réforme de la déclinaison opérationnelle des programmes innove le plus quant au
rôle de coordonnateur qui est reconnu au préfet. Sur ce point, la circulaire précitée du Premier
ministre du 16 juin 2004 est sans ambiguïté. Elle dispose que « le préfet sera le garant, pour
les missions qui relèvent de son autorité, d’une approche transversale de la programmation et
de la répartition des crédits ». Cela se manifeste par la coordination véritable de l’ensemble
des gestionnaires budgétaires (§-1) même si le processus d’interministérialisation n’est
relancé que très timidement (§-2).
§-1) La coordination véritable de l’ensemble des gestionnaires budgétaires.
Le préfet est le coordonnateur des politiques publiques au niveau territorial. Or, cette
tâche de coordination correspond au regroupement des tâches accomplies par les gestionnaires
locaux, les responsables de budget opérationnel de programme et ceux d’unités
opérationnelles en vue de les mettre en cohérence non seulement entre elles mais également
par rapport aux orientations nationales. Il participe de ce fait pleinement au dialogue de
gestion puisqu’il est un élément charnière entre l’administration centrale et les responsables
budgétaires locaux. Représentant de l’Etat au niveau local, il se livre à une prise de décisions
qui soient pleinement conformes avec les attentes du moment ainsi que les réalités ressenties
par une population spécifique.
Les compétences nouvelles du préfet reconnues en 2004 sont le pendant de la L.O.L.F. mais
également de l’ « Acte II » du mouvement de décentralisation concrétisé par la loi
constitutionnelle du 28 mars 200323. L’article 1er de la Constitution révisée dispose désormais
que l’organisation de la République est décentralisée. Cette relance de la décentralisation
après les lois de 1982-1983 confirme l’existence de collectivités territoriales disposant d’une
liberté en matière de gestion de leur administration. Le principe de la libre administration est
2 3 Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République, J.O.R.F. du 29 mars 2003, p. 5568.
5
reconnu. Toutefois, la République reste décentralisée et par conséquent l’Etat français
demeure unitaire. Les collectivités territoriales ne sont pas les communautés autonomes
espagnoles ou des Etats fédérés d’Amérique. Le maintien de la structure de l’Etat unitaire
suppose que les collectivités territoriales ne sont pas souveraines. Leurs compétences ne sont
pas naturelles. Elles sont attribuées et délimitées par la loi. La réforme constitutionnelle de
mars 2003 implique donc nécessairement une redéfinition du rôle du préfet au niveau
déconcentré face à des collectivités décentralisées plus fortes. Il doit notamment concilier les
stratégies territoriales de l’Etat définies dans les P.A.S.E.R. avec les orientations des budgets
opérationnels de programme
Les P.A.S.E.R., suivant les termes de la circulaire du 13 mai 2004 relative à la préparation des
projets d’action stratégique de l’Etat24 , visent à « mieux éclairer la préparation des budgets
opérationnels de programme ». Or, cela ne correspond nullement à un mécanisme de
programmation budgétaire. Sa combinaison avec les B.O.P. est par conséquent inédite
puisque les deux dispositifs répondent à des logiques différentes, l’un étant fortement
imprégné par une logique contractuelle, de détermination consensuelle de rapports entre
plusieurs niveaux de responsabilités, et l’autre caractérisé par l’unilatéralisme fort de l’acte
administratif. La volonté du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin25exprimée dans son
discours de clôture des Assises nationales des libertés locales à Rouen, le 28 février 2003, est
claire. Il s’agit d’établir une sorte de « feuille de route » qui fixe pour une durée de trois ans
les priorités de l’action des services de l’Etat au niveau local. La conciliation des objectifs
d’un P.A.S.E.R. et d’un B.O.P. se révèle donc difficile d’autant plus que la période dans
laquelle ils s’inscrivent est différente. Les P.A.S.E.R. sont triennaux et les B.O.P. annuels car
déclinant un programme d’un budget répondant au principe de l’annualité.
Le P.A.S.E.R. veut concilier logique nationale et logiques locales. Or, cet instrument va de
pair avec la montée en puissance du préfet de région. Le décret précité du 29 avril 2004, puis
la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales26 , consacrent sa
prééminence dans les domaines du développement économique et social, de la ruralité, de
l’environnement ou de la culture. L’article 131 de cette loi donne une véritable responsabilité
2 4 Circulaire du 13 mai 2004 relative à la préparation des projets d’action stratégique de l’Etat, J.O.R.F. du 13 juillet 2004, p. 12642.2 5 Premier ministre de 2002 à 2005.2 6 Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, J.O.R.F. du 17 août 2004, p. 14573.
5
au préfet régional même si il ne dispose pas explicitement d’un pouvoir hiérarchique vis-à-vis
des préfets de département. En effet, il énonce que ces derniers « prennent des décisions
conformes aux orientations fixées par le préfet de région (…) et lui en rendent compte ».
Cette disposition démontre que le rôle futur de l’échelon régional qui est appelé à se renforcer
« soit directement parce qu’il donne lieu à application au niveau régional, soit indirectement
par l’intégration qu’il réalise, au moins pour partie et dans le limite des moyens attribués
annuellement au B.O.P. par le responsable de programme, certaines orientations retenues dans
les projets d’action stratégiques de l’Etat dans la région »27. Or, cela ne doit pas annoncer
l’effacement à terme du préfet départemental, voire la disparition de l’échelon du département
comme circonscription administrative. Pourtant, certains signaux tendent à prouver le
contraire. La Révision générale des politiques publiques lancée par le Chef de l’Etat en
décembre 2007 s’est attachée à faire de l’échelon régional le niveau de droit commun du
pilotage des politiques publiques dans les territoires et à affirmer la primauté du préfet de
région sur le préfet de département. Le rapport Il est temps de décider de mars 2009 du
Comité pour la réforme des collectivités locales présidé par Edouard Balladur, ancien Premier
ministre, même si il a été tenté par la suppression des départements, propose le regroupement
volontaire de ceux-ci. Or, revenir sur l’échelon départemental supposerait de mesurer l’impact
réel de cette mesure en matière budgétaire et, pour ce qui nous intéresse ici, en terme de
déclinaison opérationnelle des politiques publiques. La suppression d’un échelon aurait certes
pour effet d’éliminer un maillon du chaînon de l’exécution du budget dans un souci de
simplification de l’action publique. Néanmoins, il ne faut pas négliger les éventuelles
incidences quant à la gestion future des ressources humaines du niveau départemental. Les
propositions du rapport effleurent le sujet de la déconcentration et peinent à tirer les leçons de
la L.O.L.F. sur les autorités déconcentrés même si le Comité n’avait pour seule tâche que de
formuler des pistes de réforme pour les collectivités territoriales et non en direction des
administrations locales de l’Etat.
A ce niveau se situe donc un hiatus difficilement surmontable. Il s’agit de confronter la
nécessaire simplification de l’administration territoriale qui implique le regroupement
d’échelons et l’impérative adéquation des politiques publiques aux besoins locaux qui peuvent
varier au sein d’une même région d’un département à l’autre et ainsi les attentes seront
différentes en Ile de France entre la Seine Saint Denis et les Yvelines. Les budgets
2 7 M. Simmony et J.-P. Duprat, art. cit., p. 138.
5
opérationnels de programme auront à trouver une solution à l’avenir en se servant de la figure
du préfet comme coordonnateur local de l’action publique et élément d’impulsion de
l’interministérialité, rôles qui prennent toute leur mesure lors du dialogue de gestion.
§-2) La relance timide du phénomène d’interministérialisation des politiques publiques.
Le préfet s’intercale ainsi entre le responsable de programme et les responsables de
B.O.P. et d’unités opérationnelles. Il se charge de faire prévaloir le caractère interministériel
des politiques publiques. Le verrou ministériel de l’ordonnance de 1959 qui enfermait les
crédits dans une catégorie prédéterminée et cloisonnée a sauté. Une politique publique bien
que rattachée à un ministère particulier ne doit pas rester indifférente aux préoccupations qui
pourraient relever du champ d’action d’un autre ministère. Par exemple, la politique agricole
n’est pas étrangère aux problématiques environnementales lorsqu’il s’agit de réglementer
l’activité d’exploitations polluantes ou l’utilisation d’engrais chimiques aux conséquences
néfastes sur la nappe phréatique. Certes, des regroupements ministériels ont été effectués
comme récemment en mai 2007 la création d’un Ministère d’Etat chargé de l’Ecologie, du
développement et de l’aménagement durables qui regroupe les services de l’Environnement et
ceux de l’Equipement aux logiques et priorités, il est vrai, difficilement conciliables.
Toutefois, le préfet, représentant des ministères au niveau local, permet de faire valoir l’unité
des politiques publiques et l’interministérialité. Il fait valoir les priorités de l’Etat sur le terrain
telles que définies dans les Projets d’action stratégique de l’Etat (P.A.S.E.) en régions
(P.A.S.E.R.) ou dans les départements (P.A.S.E.D.). C’est essentiellement le P.A.S.E.R. qui
sert d’aiguillon à la déclinaison des politique publique. Le préfet vérifiera la conformité des
B.O.P. avec les objectifs nationaux qui y sont exposés.
Toutefois, cette relance de l’interministérialisation des politiques publiques reste de faible
ampleur et ne dispose pas d’un instrument unique et clair. Cette démarche est ventilée entre
différents dispositifs répondant à des logiques bien distinctes comme la délégation inter-
services (D.I.S.) ou le Programme d’intervention territoriale de l’Etat. La Cour des comptes a
bien souligné les lacunes de la réforme budgétaire de 2001 dans son rapport particulier de
novembre 2003 consacré à la déconcentration des administrations28 . Le B.O.P. comme
segment d’un programme budgétaire contribue à rendre la démarche interministérielle
2 8 Cour des comptes, Rapport particulier, « La décentration des administrations et la réforme de l’Etat », J.O.R.F. de novembre 2003, p. 90.
5
difficilement effective puisqu’il correspond à une logique non pas horizontale qui regrouperait
une part importante des politiques publiques mais obéit à une organisation de type vertical en
raison de sa spécialité forte et de son lien persistant avec l’échelon ministériel. De plus, les
B.O.P. ne sont pas fongibles entre eux. Il n’est pas possible d’opérer une réaffectation de
crédits d’un B.O.P. à l’autre. Le souhait de décloisonner les politiques publiques émis par les
initiateurs de la L.O.L.F. rencontre ici ses limites. La déclinaison des programmes au niveau
opérationnel verra son succès dépendre du réaménagement des structures administratives. La
solution du « ministère chef de file » proposée par Marc Simonny et Jean-Pierre Duprat29
pourrait constituer une piste intéressante. Cela aurait pour conséquence de redéfinir les
champs de compétence ministérielle autour d’une poignée de ministères clefs qui
regrouperaient en leur sein l’ensemble des services adéquats. La mise en place de ministères
transversaux en mai 2007 lors de l’installation du gouvernement « Fillon »30 comme le
ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique traduit la volonté
d’associer différents personnels pour traiter de problématiques communes. Au niveau
déconcentré, nous voyons se définir peu à peu les contours d’un véritable contrôle de gestion
interministériel qui prend pour base l’article 22 du décret du 29 avril 2004 qui fait du préfet,
le garant de la performance des services déconcentrés. Il « s’assure de la prise en compte par
les services déconcentrés (…) des objectifs associés aux programmes et aux actions, mesurés
par des indicateurs ».
Hormis ces initiatives qui restent limitées et embryonnaires, l’effort est porté sur l’échelon
régional, terrain d’avenir de la réforme de l’Etat. Il devient le niveau stratégique de la mise en
cohérence des politiques de l’Etat et des actions menées par les collectivités décentralisées.
C’est ainsi que la circulaire du 16 novembre 200431 rationalise les entités territoriales de l’Etat
par le regroupement des services régionaux et interrégionaux en grands pôles régionaux dont
les responsables, chargés de l’animation et de la coordination des services internes, reçoivent
une lettre de mission du préfet qui peut leur déléguer sa signature.
Ce sont des signes positifs d’une relance véritable d’une démarche interministérielle globale
d’autant plus que le Programme d’interventions territoriales de l’Etat reste une solution
« limitée et dérogatoire »32 . Crée par le Conseil des ministres du 28 janvier 2004, le P.I.T.E. 2 9 M. Simmony et J.-P. Duprat, art. cit., p. 142.3 0 Premier ministre depuis 2007.3 1 Circulaire du 16 novembre 2004 relative à la réforme de l’administration départementale de l’Etat, J.O.R.F. du 24 novembre 2004.3 2 M. Simonny et J.-P. Duprat, art. cit., p. 143.
5
entend contrecarrer les effets néfastes d’une L.O.L.F. à la logique verticale trop marquée.
C’est un programme d’envergure regroupant des actions régionales ou interrégionales
concernant plusieurs ministères « pour lesquels la fongibilité constitue une solution de
réalisation »33 bien qu’elle reste cantonnée au seul périmètre de ses actions et ne concerne pas
l’ensemble du programme.
La L.O.L.F. déplace le curseur de l’exécution budgétaire des administrations centrales
aux entités déconcentrées au premier rang desquelles se trouve le préfet. Celui-ci qui depuis le
début des années 90 a vu son rôle s’enrichir de nouvelles compétences, est censé devenir avec
la réforme budgétaire de 2001 un acteur incontournable de la procédure budgétaire tant au
niveau de la constitution qu’à celui de sa mise en œuvre. L’institution du B.O.P. traduit cette
diversification des tâches. Le préfet n’est plus le simple représentant local de l’Etat, mais un
véritable « Premier ministre des territoires » à la tête de services déconcentrés réorganisés.
Cependant, le B.O.P. doit compter avec certaines résistances de la logique verticale et
ministérielle puissantes qui rendent délicate toute démarche d’interministérialisation des
politiques publiques. Cela démontre la nécessité future de se servir du B.O.P. non seulement
comme un moyen de modernisation de l’Etat mais, plus encore, d’approfondir la refonte des
systèmes financiers publics.
3 3 X. Inglebert, op. cit., p. 258.
6
Chapitre 2 : Un instrument perfectible de refonte des systèmes financiers publics.
Le budget opérationnel de programme a modifié en profondeur l’organisation
administrative des structures déconcentrées. C’est, outre son aspect purement organisationnel,
un bouleversement des modes de pensée qui est opéré ici par l’instillation d’éléments d’une
gestion territoriale du budget tournée vers la performance. Or, le B.O.P. n’est pas prévu
directement par la L.O.L.F.. C’est une création issue de son droit d’application aux qualités
juridiques contestables. Le fait que cet instrument décisif n’ait pas été prévu par un texte de
valeur juridique incontestable prouve qu’il reste inachevé. Son affinement se fera par les
gestionnaires territoriaux qui en sont les premiers destinataires mais également par l’Etat
central qui entend garder une marge de manœuvre suffisante. Le B.O.P. s’inscrit alors dans le
mouvement de transformation des systèmes financiers publics qu’il réactive de surcroît,
mouvement permanent puisqu’il épouse les évolutions économiques et sociales ainsi que le
type d’intervention des pouvoirs publics. Le B.O.P. est à parfaire tant au niveau de son cadre
de gestion (Section 1) qu’à celui de ses modalités de gestion (Section 2).
Section 1 : Un cadre de gestion opérationnelle des programmes à préciser.
Envisager les budgets opérationnels de programme sous l’angle de leur cadre de
gestion consiste à envisager ce dispositif novateur issu du droit positif dérivé de la L.O.L.F.
comme un système répondant à des règles et à une logique propres. Or, ce système est défini
par un champ d’action déterminé de manière précise, par un périmètre donné dans lequel il est
censé intervenir et opérer une programmation budgétaire. Ce périmètre renvoie
inévitablement à la question de son étendue. En somme, il pose deux types de problème, le
premier récurrent mais faussement délicat, celui du nombre excessif des budgets
6
opérationnels de programme (§-1), et le second, également persistant mais réellement
complexe, celui des opérateurs de l’Etat (§-2).
§-1) Le faux problème du nombre excessif des budgets opérationnels de programme.
Le budget opérationnel de programme est une subdivision du programme, elle même
composante de la mission budgétaire. La nouvelle nomenclature budgétaire issue de la
L.O.L.F. a voulu, dans un souci affiché de transparence mais aussi de rationalité, présenter
clairement les principales orientations et stratégies de l’Etat par l’identification claire de ses
politiques publiques. Le budget opérationnel de programmes intervient en aval de la
procédure, durant l’exécution du budget par la mise à disposition des crédits au profit des
gestionnaires de terrain. La question de leur nombre contribue à analyser plus précisément
leur impact réel sur la mise en œuvre des programmes budgétaires et sur le fait de savoir si un
grand nombre aurait on non une incidence néfaste sur la déclinaison des politiques publiques.
Toutefois, il ne faut pas se tromper de sujet. Parler du nombre de B.O.P. se doit pas se limiter
à une approche purement quantitative de l’exécution budgétaire mais doit prendre en
considération des exigences de qualité de l’adaptation de l’action publique au terrain. Plus les
relais locaux du programmes seront nombreux, plus ils embrasseront avec exactitude les
réalités et spécificités territoriales. Or, les exigences quantitatives semblent prendre le pas sur
les impératifs de qualité. L’on parle régulièrement de l’abaissement du nombre de
fonctionnaires ou de la réduction du nombre de collectivités territoriales. Ces réformes que
l’on peut juger indispensables ou non à la réduction du train de vie de l’Etat doivent, dans un
souci de bonne pédagogie, s’accompagner auprès des citoyens et de leurs représentants
nationaux, les parlementaires, d’explications claires destinées à mesurer l’impact qualitatif
des mesures concernées. Les exigences du service public ne doivent pas être mises à l’écart.
S’attacher à la question du nombre de budgets opérationnels de programme consiste
6
également à la traiter sous l’éclairage des principes de fonctionnement du service public1. Les
services chargés de la mise en œuvre du budget, qu’ils soient au niveau central ou
déconcentré, remplissent une mission de service public. Ils s’assurent de la bonne exécution
des dépenses publiques destinées à financer des activités d’intérêt général. Le service public
financier doit donc se soumettre aux exigences d’un fonctionnement continu, d’une
accessibilité, voire d’une proximité, à l’égard de tous les citoyens, d’une adaptabilité face aux
nouvelles exigences d’un lieu précis. Le service public doit, à toute époque et en tout lieu,
assurer le meilleur service possible à toute personne. Ce principe de mutabilité du service
public dispose d’un pleine et entière effectivité juridique comme l’a prouvé l’arrêt
« Vannier » rendu par le Conseil d’Etat, le 27 janvier 19612 .
Le nombre de B.O.P. doit remplir sa mission première, celle de décliner les programmes au
plus près des exigences locales. Or, ce sujet fait l’objet de débats récurrents soulevant
d’intenses critiques venues du Parlement quant au nombre jugé excessif des B.O.P.. Une
pareille observation doit partir de données certaines et vérifiables. Le nombre de B.O.P. pour
l’année 2008 a été de plus de 1900 contre plus de 2100 l’année précédente3. La baisse du
nombre de B.O.P. est incontestable du fait de la quasi-disparition des budgets opérationnels
de programme au niveau départemental.
Le rapport parlementaire d’information de 2008 sur la MILOLF observe la présence de
certains B.O.P. qui « présentent toujours un volume budgétaire trop étroit et ne disposent pas
de la ‘taille critique’ offrant une réelle marge de manœuvre à leur responsable »4 . La piste du
regroupement de B.O.P. peut ainsi être explorée et discutée comme le suggère la Cour des
comptes5. En effet, le principe de la fongibilité des crédits perdrait tout intérêt lorsque les
sommes en jeu contenues dans les enveloppes des B.O.P. sont particulièrement faibles. La
piste de le fusion est préférable face à la solution de la reconcentration au niveau central qui
serait un retour aux pratiques anciennes de l’ordonnance de 1959 par la technique du fléchage
des crédits. La fusion aura pour mérite réduire le nombre de B.O.P. centraux en laissant aux
B.O.P. déconcentrés une place déterminante.
1 Elles sont aussi appelées « lois de Rolland » du nom du professeur de l’Ecole du service public qui les a identifiées dans les années 30.2 Rec. C.E., p. 60.3 Chiffres du rapport parlementaire d’information n° 1058 du 16 juillet 2008 sur la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances (L.O.L.F.), p. 7.4 Idem, p. 8.5 Cour des comptes, Rapport sur les résultats de la gestion budgétaire de l’Etat pour l’année 2007, mai 2008.
6
Cette superposition de B.O.P. aux finalités différentes et placés au sein d’espaces
différenciés – département, région, interrégions et centre – peut représenter un danger
favorisant une trop grande stratification, voire une fragmentation des politiques publiques qui
s’éloigneraient, au fur et à mesure des échelons franchis, de la décision prise au niveau
national et stratégique.
L’impact serait limité si l’on s’en tient au respect de critères rendant aisé le rattachement d’un
B.O.P. auprès d’une autorité déconcentrée comme nous y incite Frank Mordacq6 qui en
identifie trois principaux :
- les nouvelles libertés de gestion « doivent permettre aux services opérationnels
d’accroître leur efficacité. Il faut donc que les responsables de B.O.P. soient
suffisamment proches du terrain pour apprécier l’efficacité des actions choisies ».
- le B.O.P. doit présenter une « taille suffisante » et être cohérent en matière de
programmation des crédits afin que les gestionnaires tirent pleinement profit de leur
liberté de gestion.
- Le dialogue de gestion doit être gérable avec une périodicité suffisante. Le nombre de
B.O.P. piloté par chaque responsable de gestion ne doit pas être excessif.
Or, ces trois critères pris ensemble ne militent pas tous en faveur de la réduction du
nombre des B.O.P. mais répondent à des logiques très contrastées. La proximité avec le
terrain supposerait une multiplicité et une malléabilité des B.O.P. tandis que la tenue d’un
dialogue de gestion véritable qui ne s’apparente pas à une cacophonie entre chaque
gestionnaire public réclamerait la solution inverse. La solution préférable pourrait tourner
autour du maintien des B.O.P. régionaux. Cela s’expliquerait par la disposition d’agents
en nombre suffisant pour que le principe de fongibilité des crédits ait une réelle portée. La
région devient, comme nous l’avons vu7, un niveau stratégique renforcé par les vagues
successives de décentralisation et de déconcentration. Enfin, comme le note Xavier
Inglebert8 , « le dialogue de gestion s’envisage plus facilement avec vingt-six (…)
interlocuteurs qu’avec cent ». Toutefois, la solution régionale ne doit pas être proposée à
l’exclusion de l’échelon départemental, échelon délaissé par les B.O.P. comme l’a relevé
6 F.Mordacq et a. op. cit., p. 236.7 Cf. supra p. 57.8 X. Inglebert, op. cit., p. 251.
6
le rapport parlementaire d’information précité de 2006 sur la MILOLF9 . Cela s’explique
difficilement d’autant plus que les services départementaux sont dans la plupart des cas les
unités opérationnelles des B.O.P., elles sont chargées « de la mise en œuvre concrète des
activités ou des opérations programmés ainsi que de l’exécution des dépenses du B.O.P. ».
Le problème du nombre des B.O.P. est par conséquent un faux problème qui masque le
problème délicat de la répartition des budgets opérationnels de programme entre le niveau
central et le niveau déconcentré et de la place de chacune des pièces de l’Etat territorial.
Mais, cet Etat territorial ne traduit pas seulement la diversité de ses modes d’action par
l’intermédiaire de ses entités déconcentrées mais aussi par le moyen des opérateurs qui, du
fait de leur nature incertaine, peinent à s’intégrer à la réforme budgétaire.
§-2) Le vrai problème de l’arrimage des opérateurs d’Etat à la réforme budgétaire.
Le vrai problème du difficile arrimage des opérateurs de l’Etat à la réforme budgétaire
prend sa source dans l’impossible définition de ces derniers. Ce concept est la résultante
directe de l’extrême diversification des fonctions de l’Etat. La multiplication des politiques
publiques conduit à la mise en place d’entités ayant la personnalité morale et aux statuts
divers. La catégorie des opérateurs de l’Etat n’est pas un bloc homogène puisqu’elle regroupe
un ensemble de personnes morales tant publiques que privées tels que les établissements
publics, les groupements d’intérêt public ou des associations. Or, leur activité, dans une
optique de transparence et de lisibilité budgétaire et du fait des masses financières en cause,
devrait être identifiée dans le document budgétaire. Tel n’est pas exactement le cas. Certes,
des efforts ont été fait depuis quelques années tendant à éclairer la complexité de la question.
Une annexe générale « jaune » complète depuis 2006 la loi de finances initiale synthétisant
une liste d’opérateurs, des flux financiers dont ils bénéficient ainsi que des emplois qu’ils
rémunèrent. La loi de finances pour 2008 a identifié 649 organismes correspondant à la
définition d’opérateurs d’Etat. Le contrôle parlementaire de cette catégorie semble se
renforcée, preuve que le problème traité est complexe et sensible.
Il est sensible car il vient atténuer l’impact de la loi organique de 2001 sur les bases d’une
nouvelle gestion publique qu’elle pose. La déclinaison des politiques publiques sur le terrain
qu’elle réclame est pratiquée par des responsables de programme, des responsables de budget
opérationnel de programme ou d’unités opérationnelles qui peuvent présenter la qualité
9 Op. cit., p. 54 et s.
6
d’opérateurs d’Etat. Or, le fait d’être opérateur d’Etat implique la soumission à un cadre
budgétaire précis similaire à celui du B.O.P.. Son budget devraient être compris dans les
programmes suivant une présentation matricielle en conformité avec le programme de
rattachement. De plus, l’opérateur rattaché à un programme budgétaire est chargé de décliner
à son niveau les objectifs définis au rang national. L’assimilation entre le budget des
opérateurs et le B.O.P. peut être aisément faite.
Les opérateurs de l’Etat avivent la tentation de débudgétiser. Elles échappent au champ du
radar budgétaire du fait de leur nature incertaine, de leur définition aléatoire et mouvante. La
L.O.L.F. ne vise pas expressément le concept d’opérateur. Elle vise seulement à ses articles 5,
51 et 54 les « organismes bénéficiaires d’une subvention pour charges de service public ». Le
recueil des normes comptables de 200410 est moins imprécis et recentre le périmètre des
opérateurs d’Etat autour de trois éléments à savoir :
- une activité non-marchande financée majoritairement par l’Etat ;
- une mission et des objectifs définis par l’Etat ;
- une activité encadrée par l’Etat.
L’opérateur de l’Etat serait donc un organisme réalisant une mission de service public dans un
cadre strictement défini par l’Etat. Or, cette définition reste insuffisante car elle ne s’inscrit
pas dans l’optique de la L.O.L.F. et de la déclinaison des politiques publiques au moyen
notamment des budgets opérationnels de programme. Elle refuse de prendre en compte l’une
des finalités de l’opérateur d’Etat, la finalité managériale, approche très peu prise en compte
selon André Barilari11 . En effet, leur action est tournée vers la performance. Par conséquent,
les opérateurs de l’Etat pourrait se définir comme des organismes disposant de la personnalité
morale mettant en œuvre une politique publique déterminée suivant une logique de
performance et financée par des subventions publiques.
La mise à l’écart des opérateurs du processus budgétaire peut s’expliquer par la volonté
gouvernementale de contourner les exigences financières qui se sont multipliées au fil des
années face à l’accroissement des déficits et de la dette. Le rapport parlementaire
1 0 Arrêté du 21 mai 2004, J.O.R.F. du 6 juillet 2004.1 1 Dans son intervention lors de la conférence de Fondafip-G.E.R.F.I.P. organisée le 25 novembre 2008 tous les principaux éléments sont repris à la R.F.F.P. n° 105, février 2009.
6
d’information de 2008 le relève bien12. En effet, force est de constater que « les contraintes
pesant sur les finances publiques ont crée la tentation pour les ministères d’utiliser les
opérateurs pour se soustraire à ces objectifs ».
Les B.O.P. ne consistent pas en soi un moyen direct de sortir les opérateurs de la clandestinité
budgétaire. Seule leur organisation financière, la programmation budgétaire qu’ils mettent en
œuvre, déjà très proche de celle des opérateurs pourra servir de levier à l’arrimage au sein de
la réforme budgétaire. Cela devra se faire par une redéfinition de la notion d’opérateur ne qui
reste plus au stade doctrinal des propositions mais qui franchisse le seuil de la réalité juridique
en intégrant non seulement les éléments tenant à la finalité budgétaire et comptable des
opérateurs mais surtout ceux liés à la recherche de la performance. Le périmètre des B.O.P.
sera alors précisé et les acteurs déconcentrés gestionnaires disposeront d’un terrain libre où
chaque politique publique sera identifiée et rattachée de manière incontestable à un
responsable aisément repérable. Néanmoins, si le cadre de gestion des responsables de B.O.P.
doit voir ses contours affinés, les modalités de gestion du B.O.P. ont impérativement besoin
d’avoir un contenu enrichi.
Section 2 : Des modalités de gestion opérationnelle des programmes à enrichir.
Le budget opérationnel de programme offre aux gestionnaires de terrain et en
cohérence avec la L.O.L.F. une liberté de gestion relativement souple. Or, si les compétences
reconnues traduisent clairement le souhait d’assurer un pilotage concret de la déclinaison des
politiques publiques, les éléments touchant à la responsabilité des acteurs impliqués
présentent certaines lacunes (§-1) bien que le B.O.P. puisse être intégré au mouvement
général de consolidation des systèmes financiers publics (§-2).
§-1) La définition nécessaire du type de responsabilité des acteurs publics.
La responsabilité est le pendant immédiat de la liberté. La L.O.L.F. puis son droit
dérivé reconnaissent une liberté de gestion aux responsables de B.O.P. qui se manifeste
notamment par le redéploiement des crédits sous réserve du principe de fongibilité
asymétrique. Or, la responsabilité implique la capacité de rendre des comptes. Trois types de
problèmes sont par conséquent soulevés :1 2 Op. cit., p. 40.
6
- Quelle est l’autorité auprès de laquelle le responsable doit-il rendre des comptes ?
- Quelle est la nature de cette responsabilité ?
- Quelles seraient éventuellement les sanctions à mettre en œuvre si la responsabilité se
trouve engagée ?
La première question ne pose aucune difficulté apparente puisqu’elle est réglée par les textes
de droit dérivé à la L.O.L.F. qui posent la responsabilité du gestionnaire de B.O.P. devant le
responsable de programme. Les autorités déconcentrées rendront des comptes auprès du
préfet qui lui même sera responsable devant le gouvernement et le Premier ministre.
Les autres questions apportent des réponses plus nuancées, preuve qui confirme les
observations de certains commentateurs de la loi organique de 2001 regrettant que la
responsabilité ait été la grande absente de la réforme budgétaire. En réalité, comme le
souligne le numéro 92 de la Revue française de finances publiques13 , la responsabilité des
acteurs budgétaires serait en elle-même une réforme complémentaire à la L.O.L.F.. Les textes
sont relativement silencieux à ce sujet. Ils refusent d’affronter le contenu de la responsabilité
bien qu’ils en présentent brièvement les principaux aspects en s’appuyant sur la fongibilité
asymétrique et la nécessaire conformité des B.O.P. aux orientations nationales.
Cette responsabilité peut être de différentes natures. Elle peut être juridique et là le
responsable de B.O.P. devra rendre des comptes sur le suivi des instructions données au
niveau supérieur de la hiérarchie. La nouvelle gestion publique impulsée par la L.O.L.F.
refuse de prendre en considération une pareille logique puisque la reconnaissance de
nouvelles libertés de gestion au responsable de B.O.P. l’invite à rendre des comptes non pas
sur le respect ou non de la règle de droit mais sur l’atteinte ou non des objectifs fixés à
laquelle il s’est engagé. Ce n’est plus une responsabilité juridique qui serait mise en œuvre
mais une responsabilité de gestion ou managériale. Or, comme l’admet Damien Catteau14 ,
cette notion est « floue ». Ce serait « le fait de se voir octroyer des libertés de gestion et
d’assumer les résultats obtenus »15 . Le risque d’une tautologie est manifeste qui ne militerait
pas en faveur de l’émergence d’une définition claire et incontestable. De plus, l’équilibre qui
conviendrait de définir avec la responsabilité traditionnelle reste précaire, l’un ne pouvant en
1 3 R.F.F.P. n°92, novembre 2005.1 4 D. Catteau, op. cit., §-348.1 5 Idem, §-350.
6
aucun cas exclure l’autre. Frank Mordacq cible bien la difficulté16 et constate qu’ « un excès
de règles et de contrôles de régularité peut compromettre la recherche de l’efficacité ». Ainsi,
un compromis doit être recherché entre la réglementation des activités de déclinaison des
programmes et les mécanismes de responsabilisation offrant des marges de manœuvre larges
aux gestionnaires budgétaires.
La responsabilité managériale est un concept fuyant mais son contenu peut être déterminé à
partir de certains éléments. Les gestionnaires de terrain auront à rendre des comptes de ce que
les résultats atteints sont conformes aux objectifs et présentent une « assurance raisonnable de
fiabilité »17 . Or, se pose ici la question de la sanction éventuelle de la responsabilité. Les
conséquences peuvent s’exprimer en terme de carrière comme en terme de rémunération. En
terme de carrière, l’évaluation individuelle des responsables devra intégrer la mise en compte
des objectifs assignés dans le budget opérationnel de programme. Cette évaluation
individuelle laissera plus de place à des éléments objectifs puisque, comme le note André
Barilari18 , « l’existence d’objectifs et d’indicateurs de mesure permettra de mener des
entretiens centrés sur des critères professionnels bien définis, affichés et connus à l’avance ».
Au niveau de la rémunération, l’association d’avantages individuels variables à des avantages
collectifs tels que des primes à l’intéressement pourrait faire partie intégrante de dispositifs
proches aux contrats de performance existants.
Enfin, négativement, la responsabilité encourue résultera d’une faute personnelle entraînant
des sanctions disciplinaires ou d’une carence de gestion qui aura pour conséquence le retrait
du poste à responsabilité managériale. Cette distinction entre faute personnelle et faute de
gestion proche de la séparation entre faute personnelle et faute de service ayant cours en droit
administratif permettra d’appréhender la complexité des fonctions de responsabilité du
gestionnaire de terrain.
Le responsable de B.O.P. disposera alors de compétences reconnues et d’une responsabilité au
contenu délimité. Or, si la responsabilité des gestionnaires sera le terrain de précisions et de
discussions futures, la question de la consolidation des systèmes financiers publics est une
1 6 F. Mordacq, « Nouveaux acteurs de la gestion publique et responsabilité », R.F.F.P. n°92, novembre 2005, p. 74.1 7 A. Barilari, « La réforme budgétaire et la responsabilisation des acteurs », R.F.F.P. n° 92, p. 132.1 8 A. Barilari, contribution à Economie politique de la L.O.L.F., rapport du Conseil d’analyse économique, 2006, p. 321.
6
problématique récente à laquelle le budget opérationnel de programme apporte des éléments
de réponse renouvelés.
§-2) L’intégration possible des budgets opérationnels de programme au mouvement de consolidation des systèmes financiers publics.
Le mouvement de consolidation des systèmes financiers publics a des manifestations
récentes dans notre paysage budgétaire. Cela se traduit principalement par le décloisonnement
du champ d’intervention de la loi financière, par l’abandon de tous les clivages, exigences
rendues nécessaires par un contexte changeant et un cadre qui tend à s’internationaliser. Le
Traité de Maastricht de 1992 pose comme règle pour les pays de l’Union européenne la
réduction des déficits publics et de l’endettement public valant pour l’ensemble des
administrations publiques. Cette extension du champ d’application de l’article 104 du Traité
C.E. doit nécessairement se traduire à l’échelon national de la prise en compte de l’ensemble
des activités financières de tous les organismes susceptibles d’entrer dans cette catégorie. Or,
la notion maastrichtienne d’administrations publiques ne doit pas s’entendre strictement
comme visant l’ensemble des personnes publiques rattachées à l’Etat directement ou
indirectement. L’approche des institutions communautaires est large et englobe en plus de ces
entités toute personne morale susceptible d’exercer des missions d’intérêt général, c’est-à-dire
les administrations locales, les organismes de financement de la protection sociale ou encore
les opérateurs de l’Etat.
La réduction de la dette publique suppose par conséquent une action conjointe et concertée de
l’ensemble des acteurs publics au-delà des barrières budgétaires qui les séparent. Cette
logique de rapprochement des entités financières se heurte à une difficulté qui n’est pas
mince. La complexification des systèmes financiers publics par l’imbrication des acteurs tant
publics que privés impliqués ou la multiplication des flux financiers allant d’un organe à
l’autre rendent délicates le mouvement de consolidation des systèmes financiers publics.
7
Le budget opérationnel de programme peut contribuer à cette consolidation. Certes, il ne vise
que l’application du budget de l’Etat. Mais, il peut grandement contribuer au décloisonnement
des finances publiques sous trois aspects.
Ce décloisonnement peut s’effectuer pat la suppression, ou du moins l’atténuation des
barrières qui distinguent finances étatiques et finances non-étatiques. Le mise en place des
B.O.P. à l’échelon déconcentré est l’une des conséquence du mouvement de décentralisation
par l’avènement de collectivités territoriales qui s’administrent librement. Le rôle du préfet
s’est considérablement renforcé. Il doit associer stratégies territoriales définies au niveau
national et réalités du terrain. Le rapprochement de l’Etat et des collectivités territoriales peut
s’effectuer par l’intermédiaire de la Conférence nationale des Finances publiques instituée en
janvier 2006 par le Premier ministre19. Or, ce rapprochement des systèmes financiers publics
utilise d’autres vecteurs comme la diversification des modes de contrôle de l’exécution du
budget qui traduit l’émergence de dispositifs empruntés du secteur de l’entreprise tels que le
contrôle de gestion ou l’évaluation par l’audit, preuves que les contrôles traditionnels de
régularité ont perdu du terrain depuis la L.O.L.F..
Ce décloisonnement peut aussi s’effectuer dans le temps par la remise en cause du principe de
l’annualité budgétaire. Le B.O.P., déclinaison d’un programme budgétaire, est enfermé dans
une année rendant délicate toute combinaison avec les projets de grande ampleur de l’Etat qui
s’inscriraient dans la durée. La réforme constitutionnelle du 23 juillet 200820 a pris conscience
que l’action budgétaire ne pouvait pas se limiter à un horizon annuel freinant toute initiative
d’ampleur d’autant plus que la crise actuelle qui se fait de plus en plus menaçante réclame une
réaction certes immédiate mais aux effets durables. Désormais, suivant l’article 34 révisé de la
Constitution, « les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois
de programmation. Elles s’inscrivent dans l’objectif d’équilibre des comptes des
administrations publiques ». Le B.O.P. en adoptant ce schéma pluriannuel permettrait de
répercuter de manière juste les orientations et stratégies nationales s’inscrivant sur le moyen
ou long terme au niveau territorial.
Enfin, ce décloisonnement par le B.O.P. peut se manifester par la remise en cause de certains
principes qui ont marqué le droit financier public au premier rang desquels se trouve le
1 9 Décret n° 2006-515 du 5 mai 2006 relatif à la Conférence nationale des Finances publiques.2 0 Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Cinquième République.
7
principe de séparation de l’ordonnateur et du comptable. Cette règle signifie que
l’ordonnateur prescrit l’exécution des recettes et des dépenses de l’Etat et que le comptable
public se chargera du maniement des fonds publics assurant un contrôle de la régularité de
l’ordre de dépense. Leurs fonctions sont incompatibles afin de pallier au risque de
détournement des deniers publics. Or, la L.O.L.F., qui pose les bases d’une nouvelle
comptabilité publique complétant le système de comptabilité budgétaire d’encaissement et de
décaissement par une comptabilité d’exercice en droits constatés, heurte frontalement ce
principe de séparation. Le maintien du système du décret du 29 décembre 1962 portant
règlement général de la comptabilité publique serait inopportun face aux exigences d’une
nouvelle gestion publique tournée non plus vers le contrôle de la régularité mais vers
l’évaluation des résultats obtenus. L’on pourrait alors s’interroger sur l’avenir de ce modèle
« dans la mesure où la loi organique du 1er août 2001 privilégie au contraire les contrôles a
posteriori sur les mesures à priori qui tendent à disparaître »21 . De surcroît, celle-ci tend à
renforcer de manière paradoxale les compétences comptables de l’ordonnateur. Les B.O.P. en
relativisant ce principe de séparation de l’ordonnateur et du comptable privilégie une
approche nouvelle attachée non à une confrontation mêlée de méfiance entre les deux pôles
du circuit de la dépense mais basée sur une coordination par un dialogue de gestion renouvelé.
Le B.O.P. est indissociable de la réforme de l’Etat. Il promeut une nouvelle approche
des relations entre le centre et la périphérie, entre l’Etat central et ses administrations
déconcentrées qui au fil des étapes ont renforcé leurs compétences et disposent d’une large
marge de manœuvre dans la gestion des crédits disponibles. L’Etat hier encore critiqué par
son centralisme exacerbé, décrié par Alain Peyrefitte22 en 1976 dans son Mal français23
paralysant l’action administrative et lui retirant toute efficacité, s’est territorialisé. Il adapte
ses politiques publiques à la diversité et aux spécificités des besoins locaux Toutefois, le
B.O.P. doit être l’occasion privilégiée de relancer le mouvement de consolidation des
systèmes financiers publics par meilleure prise en compte des activités de l’ensemble des
acteurs publics dans une optique d’apurement de la dette.
2 1 M. Bouvier, M.-C. Esclassan et J.-P. Lassale, op. cit., p. 418.2 2 Alain Peyrefitte (1925-1999) fut diplomate, ministre gaulliste (1962-1968, 1973-1974 puis 1977-1981) et académicien en 1977.2 3 A. Peyrefitte, Le Mal français, 1976, éd. revue et augmentée 2006, Fayard, 618 p..
7
Conclusion :Les budgets opérationnels de programme, facteur d’approfondissement ou de banalisation de la nouvelle gestion publique à la française ?
Les budgets opérationnels de programmes traduisent un bouleversement inhérent aux
systèmes financiers publics depuis quelques années ainsi qu’aux règles qui les régissent.
Ceux-ci en effet entérinent le passage à un nouveau mode de gestion publique qui se
démarque d’une gestion strictement juridique par des règles de droit impératives exorbitantes
du droit commun. Cette nouvelle gestion publique prend acte des évolutions du modèle
étatique qui se réforme puisque son environnement lui même change.
Il ne peut plus se contenter de prendre seul les décisions influant sur la vie économique et
sociale puisqu’il intervient dans un cadre mondialisé caractérisé par l’interpénétration et
l’interdépendance des systèmes nationaux. Il doit aussi, en plus de se plier aux exigences
supranationales, veiller à ce que son action corresponde au mieux aux attentes d’une
population déterminée vivant dans un espace précis. L’Etat est dépassé par des organismes
concurrents qui lui retirent un partie non négligeable de ses prérogatives de souveraineté
acquises au Moyen Age à l’issue parfois d’âpres batailles et de luttes acharnées du Roi de
France contre les citadelles féodales et les prétentions pontificales. L’Etat français est né sur
les plaines du Nord de la France à Bouvines en 1214 où Philippe Auguste a affirmé
l’existence d’une puissance indépendante qui ne voulait pas céder aux exigences de l’Empire
romain germanique. Il s’est consolidé et identifié à la Nation française en 1789. Or, les
mutations récentes, si elles ne traduisent pas la disparition de l’Etat, sont le signe que l’Etat a
changé de nature. Il est devenu un Etat territorial.
Ces évolutions traversent naturellement la consistance de la notion de droit public de nos
jours. En effet, les budgets opérationnels de programme comme la réforme budgétaire
7
révèlent l’atténuation des règles de droit public face à la prise en compte de principes issus du
droit privé. La comptabilité publique au sens de l’article 27 de la L.O.L.F. s’inspire des règles
de la comptabilité privée sous réserve des spécificités de l’Etat. Le droit public caractérisé par
son fort unilatéralisme est édulcoré par un droit privé plus sensible à la logique contractuelle
des rapports personnels et plus apte à s’attacher aux objectifs de performance.
Comme l’Etat, le droit public ne disparaît pas. Il a vu son champ se redéfinir et s’appuyer sur
de nouvelles priorités. Le droit public, selon Ulpien, jurisconsulte romain, devait s’entendre
comme l’ensemble des règles d’intérêt public se rapportant à l’Etat. Cette approche n’est plus
en vigueur actuellement. Il peut maintenant se définir comme un corps de règles de nature tant
publique que privée destinées à satisfaire l’intérêt général. C’est ainsi que le budget
opérationnel de programme opère un changement radical bouleversant le rôle de l’Etat ainsi
que les frontières du droit public.
7
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