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Guillerez Stéphane Mémoire de recherche Les budgets opérationnels de programme : une adaptation de l’action publique aux réalités territoriales et sectorielles. Sous la direction de Mme le professeur Marie-Christine Esclassan 1

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Page 1: Mémoire de recherche

GuillerezStéphane

Mémoire de recherche

Les budgets opérationnels de programme   :

une adaptation de l’action publique aux réalités territoriales et sectorielles.

Sous la direction de Mme le professeur Marie-Christine Esclassan

Master 2 rechercheDroit, gestion et gouvernance des systèmes financiers publics

Remerciements.

Le présent travail ne serait rien sans la présence active d’une poignée d’hommes et de

femmes qui m’ont accordé leur soutien et leur confiance.

1

Page 2: Mémoire de recherche

Mes premiers remerciements s’adressent bien évidemment à Madame Marie-Christine

Esclassan, professeur de droit public à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, qui a voulu

assurer la direction de mon mémoire. Son soutien dynamique ainsi que ses conseils m’ont été

précieux pour le bon déroulement de mon travail.

Je remercie Messieurs Michel Bouvier, professeur de droit public à l’Université Paris 1

Panthéon-Sorbonne et directeur de Fondafip et du Gerfip, et Jean-Jacques Bienvenu,

professeur de droit public à l’Université Paris 2 Panthéon-Assas, pour m’avoir accordé toute

leur confiance en m’intégrant au sein de la promotion 2008-2009 du Master 2 recherche Droit,

gestion et gouvernance des systèmes financiers publics.

Je remercie Monsieur Bernard Abate, contrôleur général auprès de la Mission Energie

nucléaire, pour l’entretien riche d’enseignements qu’il a bien voulu m’accorder.

Je remercie les services de la Préfecture des Hauts de Seine et de la Région Ile de France qui

ont accepté de m’accueillir en vue d’établir un échange de vues sur la gestion des budgets

opérationnels de programme au niveau déconcentré tant départemental que régional.

Je remercie mes parents et mes proches pour m’avoir sans relâche apporté leur indispensable

soutien et encouragé dans la préparation de mon travail.

Je remercie l’équipe des bibliothèques CUJAS et SAINTE-GENEVIEVE pour m’avoir assisté

et conseillé dans mes recherches documentaires.

Je remercie enfin le bouquiniste du quai Saint-André des Arts à Paris qui m’a prêté il y a

quelques années un original bien conservé du manuel de Gaston Jèze, Science et Législation

financières, grâce auquel ma passion pour les finances publiques s’est révélée au grand jour.

PLAN GENERAL

Avant propos :

Au commencement, il y eut la LO.L.F..

……………………………………………………………………………………………… p. 4

Partie introductive :

2

Page 3: Mémoire de recherche

Les budgets opérationnels de programme, leviers de la nouvelle gestion publique

territoriale.

………………………………………………………………………………………………p. 6

Première partie :

Les budgets opérationnels de programme, complément indispensable de l’application

concrète de la réforme budgétaire.

…………………………………………………………………………………………..…p. 12

Chapitre 1er : Un complément fondé sur un nouveau système de responsabilisation des acteurs

publics.

……………………………………………………………………………………………...p. 14

Chapitre 2 : Un complément aux contours en voie de définition.

…………………………………………………………………………………..………….p. 30

Seconde partie :

Les budgets opérationnels de programme, instrument nécessaire de la modernisation de

l’Etat.

……………………………………………………………………………………..………p. 46

Chapitre 1er : Un instrument efficace de réactivation de la déconcentration de l’Etat.

……………………………………………………………………………….……………..p. 48

Chapitre 2 : Un instrument perfectible de refonte des systèmes financiers publics.

……………………………………………………………………………………………...p. 62

Conclusion :

Les budgets opérationnels de programme, facteur d’approfondissement ou de banalisation de

la nouvelle gestion publique à la française ?

……………………………………………………………………………………………...p. 74

Avant-propos :

Au commencement, il y eut la L.O.L.F..

Les finances publiques peuvent se définir classiquement comme l’étude des moyens

budgétaires dont disposent les personnes publiques afin de pourvoir à la satisfaction de leurs

missions de service public. Or, naguère centrée sur des règles purement juridiques et le

3

Page 4: Mémoire de recherche

respect tatillon des procédures à suivre, cette manifestation de la puissance publique a su

marquer son autonomie par rapport au droit et gagner en complexité par la rencontre entre

plusieurs disciplines telles que la science économique, l’histoire ou la sociologie. Les finances

publiques sont désormais une « science nouvelle », une « scienza nuova » si nous reprenons

l’expression du professeur Michel Bouvier1. Bouleversées dans un cadre d’action mondialisé,

perméables aux changements dans le type d’intervention des pouvoirs publics, et même

catalyseurs d’une nouvelle façon d’envisager l’Etat et la chose publique, les finances

publiques ont suivi l’évolution des valeurs et des modes de vie observée depuis plusieurs

décennies.

La loi organique relative aux lois de finances (L.O.L.F.)2 du 1er août 2001 s’inscrit dans la

parfaite continuité de ce mouvement. Fruit d’un « consensus improbable »3, accueilli

favorablement tant par la droite que par la gauche, cet acte d’origine parlementaire4 a

renouvelé en profondeur la nature de l’action budgétaire et financière de l’Etat. Il lui a assigné

de nouveaux objectifs. Désormais, l’arme budgétaire est orientée vers la performance, vers la

recherche de l’efficacité et d’une certaine efficience. La L.O.L.F. veut rompre résolument

avec la pratique constatée depuis l’avènement de la Cinquième République, celle laissant aux

parlementaires la part congrue dans la participation à l’élaboration du budget et au

gouvernement une pleine initiative en la matière. Désormais, les pouvoirs sont rééquilibrés au

profit du Parlement qui dispose d’un droit d’amendement élargi et d’un outil de contrôle

approfondi.

Or, outre qu’elle réaménage dans une certaine mesure les relations entre l’exécutif et le

législatif, la loi organique relative aux lois de finances répond à un enjeu de taille, celui de la

réforme de la gestion publique et de la modernisation de l’Etat. Les initiateurs de la réforme

budgétaire, Alain Lambert et Didier Migaud en tête, avaient bien à l’esprit cette volonté d’en

faire l’instrument privilégié de la refonte du système administratif français. Ce levier d’une

« nouvelle gestion publique »5 détermine les bases d’une nouvelle responsabilité managériale

1 M. Bouvier, M.-C. Esclassan et J.-P. Lassale, Finances publiques, Manuel, L.G.D.J., 2008, p. 9.2 Loi organique n° 2001-692 relative aux lois de finances du 1er août 2001, J.O.R.F. n° 177 du 2 août 2001, p. 12480, modifiée par la loi organique n°2005-779 du 12 juillet 2005, J.O.R.F. n° 162 du 13 juillet 2005, p. 11443.3 Suivant l’expression de B. Chevauchez dans « La loi des brodequins », R.F.F.P. n° 76, novembre 2001, p. 187.4 Contrairement à l’ordonnance du 2 janvier 1959 d’origine administrative qu’elle vient modifier, la L.O.L.F. est la résultante d’un processus législatif impliquant pleinement le Parlement dans toutes ses composantes.5 B. Abate, La nouvelle gestion publique, Paris, L.G.D.J., Systèmes, 2000, 154. p..

4

Page 5: Mémoire de recherche

qui ne se préoccupe plus seulement de la stricte observance des règles et procédures

juridiques, mais de la recherche de la performance publique, c’est-à-dire de la « capacité à

atteindre des objectifs »6.

La L.O.L.F. substitue ainsi à une logique de moyens, éprouvée par le temps et surtout rendue

dépassée par la recherche de l’efficacité publique dans un contexte de gonflement de la dette

et des déficits publics, une logique de résultat axée sur les politiques publiques poursuivies,

champs de l’action publique aisément identifiables suivant une nomenclature budgétaire

innovante.

Toutefois, cette « Constitution financière de l’Etat » est une loi organique. Il s’agit, par

conséquent, d’une « loi qui, sur habilitation et dans les matières énumérées par le constituant,

précise et complète la Constitution »7. Chargée seulement de déterminer et de clarifier les

relations entre les pouvoirs publics en matière budgétaire, la loi organique relative aux lois de

finances n’a pas pour objet de détailler comment est mise en œuvre la réforme budgétaire

opérée en 2001. Telle n’est pas sa fonction. Elle se contente de poser les principes généraux.

Cette tâche sera donc progressivement complétée par un arsenal de textes législatifs et

réglementaires qui affineront les modalités de cette déclinaison opérationnelle. La mise en

œuvre concrète sur le terrain de la refonte de l’exécution budgétaire se caractérise par la

création de nouveaux instruments de pilotage dont les budgets opérationnels de programme

constituent les leviers d’une nouvelle gestion publique territoriale.

Partie introductive   : Les budgets opérationnels de programme, leviers de la nouvelle gestion publique territoriale.

Les budgets opérationnels de programme sont les moyens privilégiés de la déclinaison

effective des politiques publiques afin qu’ils prennent en considération les réalités territoriales

et sectorielles. Cependant, force est de constater que ceux-ci ne sont pas prévus par la loi

6 Glossaire, Minefi et a., La démarche de performance : stratégies, objectifs, indicateurs, guide méthodologique pour l’application de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, juin 2004, p. 49.7 Sous la direction de M. de Villiers, Droit public général, Paris, Litec, Manuel, 3ème édition, 2006, p. 84.

5

Page 6: Mémoire de recherche

organique relative aux finances de 2001 puisque qu’elle ne vise qu’à répartir les compétences

de chacun des pouvoirs publics en matière budgétaire. C’est à la loi et au règlement qu’il

appartient de préciser l’armature de base. Ce « droit dérivé de la L.O.L.F. »1 composé de

circulaires, instructions, rapports divers, guides méthodologiques ou notes d’orientation

rédigés par les services du Ministère de l’Economie et des Finances, a crée les budgets

opérationnels de programme comme instrument de pilotage de la réforme budgétaire sur le

terrain. Or, cette gestion opérationnelle des politiques publiques, si elle a connu une étape

déterminante avec la L.O.L.F. de 2001, prend ses racines bien avant cette date par le biais

d’expériences administratives qui souvent ont été vouées à l’échec (§-1). Ce sont les leçons

qui en ont été tirées qui ont permis la mise sur pied d’une adaptation de l’action publique aux

spécificités locales ( §-2).

§-1) La mise en place progressive de la gestion opérationnelle des politiques publiques.

La L.O.L.F. et le droit dérivé qui en résulte traduisent le franchissement d’une étape

supplémentaire dans la mise en place d’une gestion opérationnelle des politiques publiques.

Celle-ci entendue comme la mobilisation effective des moyens humains et des ressources

financières et matérielles tendant à la réalisation efficace des missions de service public, n’a

pas pour seule et unique origine la loi organique de 2001. Elle s’inspire en effet des tentatives

inachevées menées antérieurement par les pouvoirs publics (A) afin d’instiller dans le budget

les éléments d’une action budgétaire davantage axée sur les résultats (B).

A) Les expériences antérieures à la L.O.L.F. et les causes de leur échec.

La L.O.L.F. n’est pas une création ex nihilo. Résultante d’un dialogue institutionnel

particulièrement riche, elle est surtout la conséquence plus profonde d’un mouvement initié

dès la fin des années 60 en France inspiré des méthodes de rationalisation des politiques

publiques appliquées par l’administration américaine. La Rationalisation des choix

budgétaires (R.C.B.) impulsée dès janvier 1968 par le ministre de l’Economie et des Finances

Michel Debré, caractérise l’entrée d’un certain esprit cartésien dans le budget puisque l’on

envisage de compléter le budget de moyens, celui déduit de l’ordonnance du 2 janvier 1959,

par un budget de programmes. Selon Bernard Abate, cette expérience « partait de l’idée, dont

la justesse n’est pas contestable, que les budgets publics devraient être discutés au stade de

1 Suivant l’expression de M. Lascombe et X. Vandendriessche dans « Le droit dérivé de la L.O.L.F. », A.J.D.A. 2006, n°10, p. 538.

6

Page 7: Mémoire de recherche

leur élaboration en termes de choix d’objectifs, et, au stade de leur évaluation, en termes de

mesures des résultats obtenus »2. Cet effort méthodologique ne freinera pas la dégradation

nette de l’équilibre des comptes publics et vouera à l’échec la volonté de rendre efficace

l’action publique.

En réalité, si l’idée n’était pas en soi mauvaise, elle ne pouvait pas s’accommoder d’un

système budgétaire et financier profondément marqué par une ordonnance de 1959 qui

accordait au Parlement une place bien étroite dans la préparation de la loi de finances. La

rationalisation des choix budgétaires, œuvre technocratique, refusait de prendre en

considération les spécificités de l’application de l’action publique au niveau infra-national si

bien que cet outil « n’a, en réalité, jamais déplacé le centre de gravité des décisions

budgétaires »3 . Faute d’une véritable volonté politique pour réformer en profondeur les

structures budgétaires et administratives, elle restera à un stade embryonnaire. La L.O.L.F.

tirera les leçons de cet échec.

B) Les apports de la L.O.L.F. en matière de gestion opérationnelle des politiques publiques.

Le défaut majeur de la rationalisation des choix budgétaires est d’avoir combiné un

nouveau schéma budgétaire axé sur les résultats et l’organisation héritée de l’ordonnance de

1959 tournée elle vers les moyens alloués sans opérer la réforme systémique qu’une pareille

innovation réclamait. La L.O.L.F. parviendra à surmonter cet obstacle en faisant du budget un

véritable moyen destiné à moderniser les administrations publiques à travers la gestion

opérationnelle des politiques publiques. Elle promeut un modèle de budgétisation par action.

Le budget est alors constitué autour de blocs d’actions et de politiques publiques organisés et

cohérents qui seront associés à un ensemble de moyens et d’objectifs recherchés. On sort ainsi

de la stricte logique de moyens plaquée sur les entités ministérielles, logique de l’ordonnance

de 1959 qui a commandé la préparation et l’exécution des lois de finances de 1959 à 2005, et

des failles de la seule budgétisation par objectifs, celle de la rationalisation des choix

budgétaires, reflet d’une approche naïve et inexacte car assimilant le budget au processus de

choix de n’importe quel individu. La L.O.L.F. privilégie une voie médiane. Elle associe

moyens et objectifs et confronte mobilisation des ressources et blocs de politiques publiques.

Cette technique avait déjà été expérimentée en 1996 par la mise en place d’agrégats

2 B. Abate, op. cit. p. 75.3 idem, p. 75.

7

Page 8: Mémoire de recherche

budgétaires, des regroupements d’articles budgétaires qui respectaient et reflétaient la réalité

des autorisations budgétaires. La circulaire Sautter4 du 22 avril 1999 associait ainsi aux

agrégats un cadre normalisé de mesures des performances en vue de la confection du projet

de loi de finances pour 2000. Pour autant, ce travail ne s’est pas contenté de répartir les crédits

au sein d’un format différent du cadre ministériel. Il a conduit à un bouleversement réel des

catégories traditionnelles.

La budgétisation par actions se manifeste par la reconstruction de l’architecture budgétaire par

la loi organique relative aux lois de finances de 2001 accordant aux programmes une place

centrale. Désormais, le budget en mode « L.O.L.F. » se décompose en missions, programmes

et actions. La mission , suivant l’article 7 de la loi organique, comprend « un ensemble de

programmes concourant à une politique publique définie ». Un programme regroupe « les

crédits destinés à mettre en œuvre une action ou un ensemble cohérent d’actions relevant d’un

même ministère et auquel sont associés des objectifs précis, définis en fonction de finalités

d’intérêt général, ainsi que des résultats attendus et faisant l’objet d’une évaluation ». Le

carcan ministériel qui enserrait le budget depuis l’ordonnance de 1959 est démantelé. La

répartition des moyens ne se fait plus par ministère mais par grands blocs de politique

publique identifiés. Ainsi, cette nouvelle architecture « donne plus de lisibilité au document

budgétaire et par conséquent peut être plus d’attrait de par une meilleure visibilité de l’action

publique et de ses enjeux financiers »5 . Le programme, synonyme de politique publique

agissant dans un domaine délimité, est le cadre au sein duquel le ministère gère de manière

opérationnelle les missions qui sont les siennes. Il est donc automatiquement rattaché à un

ministère. Unité d’exécution de la loi de finances votée par missions au Parlement, sa

déclinaison opérationnelle s’effectue à l’échelon territorial par les budgets opérationnels de

programme

§- 2) La déclinaison effective des programmes d’un budget refondu.

Le budget opérationnel de programme peut se définir comme la segmentation d’un

programme, déclinant sur un périmètre d’activité ou un territoire donnés, les actions, les

objectifs ainsi que les indicateurs de ce programme. Il regroupe « des crédits d’un programme

mis à la disposition d’un responsable identifié pour un périmètre (une partie des actions d’un

4 Secrétaire d’Etat au Budget (1997-1999), puis ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie (1999-2000) du gouvernement Jospin.5 M. Bouvier, M.-C. Esclassan et J.-P. Lassale, op. cit., p. 323.

8

Page 9: Mémoire de recherche

programme par exemple) ou pour un territoire (une région, un département …) »6 Son lien

avec le programme est donc indéfectible puisqu’il reprend au niveau territorial (A) et sectoriel

(B) ses caractéristiques essentielles.

A) Une déclinaison territoriale ambitieuse.

Décliner au niveau territorial un programme, unité budgétaire de gestion des politiques

publiques, vise à répondre à une préoccupation majeure. Il s’agit d’adapter l’action des

pouvoirs publics aux besoins ressentis dans telle ou telle parcelle du territoire français, de

prendre en considération leur grande diversité et les spécificités qui leur sont propres.

L’échelon préfectoral est le relais indispensable entre les attentes de la population et le

gouvernement. Représentant déconcentré de l’Etat, le préfet est chargé d’appliquer au niveau

départemental ou régional les politiques gouvernementales et par conséquent les décisions de

nature budgétaire. En effet, environ « 90% du budget de l’Etat français est mis en œuvre et

dépensé au niveau déconcentré »7 ce qui démontre tout l’intérêt du pilotage territorial de la

réforme budgétaire. A ce titre, le succès de la L.O.L.F. dépendra des pratiques effectuées au

niveau infra-national et de la poursuite de la politique de déconcentration accélérée depuis une

quinzaine d’années. Le préfet avec les budgets opérationnels de programme sera placé au

cœur du processus budgétaire local. Il sera le garant de la bonne coordination de la

programmation ainsi que de la gestion des crédits à son échelle. Suivant la circulaire du 16

juin 20048 , il « constitue l’autorité de synthèse indispensable à la convergence des objectifs

nationaux et des politiques territoriales dont il a la responsabilité ». Or, cette lecture combinée

à la logique de la L.O.L.F. paraît générer un conflit à première vue difficilement surmontable.

La réforme budgétaire de 2001 promeut en effet une logique verticale, ministère par

ministère, politique publique par politique publique, suivant une organisation en « tuyaux

d’orgue », tandis que la pratique de la déconcentration de l’Etat entend répondre à une logique

horizontale associant les échelons ministériels et leurs compétences sous l’autorité du préfet.

Les budgets opérationnels de programme auront pour originalité de dépasser cette

contradiction en initiant non seulement une déclinaison territoriale des programmes mais

également une déclinaison sectorielle.

6 Annexe 10 : Glossaire, Minefi, Guide pratique de la déclinaison des programmes, Les budgets opérationnels de programme, janvier 2005, p. 76.7 X. Inglebert, Manager avec la L.O.L.F. : L.O.L.F. et développement du contrôle de gestion dans l’administration de l’Etat, Groupe Revue fiduciaire, 2005, p. 244.8 J.O.R.F. du 13 juillet 2004, p. 12645.

9

Page 10: Mémoire de recherche

B) Une déclinaison sectorielle innovante.

Le hiatus entre logique verticale propre à la L.O.L.F. et logique horizontale attachée à

la politique de déconcentration est résolu par le budget opérationnel de programme qui suscite

la multiplication de politiques interministérielles. Le B.O.P. devient de ce fait un instrument

privilégié de la réforme de l’Etat et de la modernisation des structures administratives. La

déclinaison sectorielle des programmes permet de prendre en considération la spécificité de

chacune des politiques publiques conduites par un ministère déterminé ou conjointement par

plusieurs ministères distincts. La coopération des acteurs sur le terrain facilitée par un

dialogue de gestion ira vers l’efficacité de l’action publique qui privilégiera la cellule

régionale, voire interrégionale afin de mettre en œuvre la répartition des crédits budgétaires.

La refonte indispensable des systèmes financiers publics relancée avec la L.O.L.F. connaîtra

par ce biais un nouvel élan. Les administrations territoriales, vecteurs de l’application

effective de la réforme budgétaire, verront leur organisation et leurs compétences

transformées. Un chantier interministériel a été entamé dans ce sens dès 2003 sous le pilotage

du ministère de l’Intérieur afin de redéfinir les fonctions de l’Etat territorial. La Révision

générale des politiques publiques (R.G.P.P.) lancée par le Président de la République Nicolas

Sarkozy en décembre 2007 montre que la modernisation de l’Etat passera en priorité par une

réactivation de la déconcentration. Le budget opérationnel de programme y contribuera

grandement.

Le budget opérationnel de programme est donc une création purement administrative.

Il est issu de ce droit complémentaire à la loi organique du 1er août 2001 chargé de la bonne

mise en œuvre de la réforme budgétaire. Si il reprend les principaux caractères des

programmes dont il assure la déclinaison territoriale et sectorielle (Première partie), il

constitue au-delà un réel instrument de modernisation de l’Etat par la politique de

déconcentration qu’il relance et renouvelle (Seconde partie).

1

Page 11: Mémoire de recherche

Première partie   : Les budgets opérationnels de programme, complément indispensable de l’application concrète de la réforme budgétaire.

La loi organique relative aux lois de finances a posé les bases d’une véritable refonte

des instruments budgétaires de l’Etat aux racines bien anciennes et aux inspirations diverses.

Or, il ne lui appartient pas de définir les modalités d’application de la réforme financière

publique, de déployer de manière précise les moyens de sa mise en œuvre concrète. Une loi

organique ne se borne qu’à clarifier et compléter les dispositions de la Constitution de la

République qui concerne les relations entre les pouvoirs publics, exécutif, législatif et

1

Page 12: Mémoire de recherche

juridictionnel. Elle présente seulement les principes à valeur générale sans entrer dans les

détails. Le « droit dérivé » à la L.O.L.F. d’origine administrative vient compléter et suppléer

cette dernière mettant en lumière les rôles et les responsabilités de chacun des acteurs publics

ainsi que les instruments d’application de la réforme dont le budget opérationnel de

programme. Le Comité de pilotage de la réforme budgétaire (COPIL)1 assurera cette tâche de

formulation et d’explicitation de règles complémentaires. Il sera chargé du «  pilotage des

chantiers de réforme par l’intermédiaire, selon les cas, de la délégation à la modernisation de

la gestion publique »2 .

Le concept de budget opérationnel de programme apparaît dans une note d’orientation de juin

20023 où sont présentés en quelques pages les fonctions qu’est censé remplir le nouvel

instrument ainsi que les problématiques qui en résultent notamment au niveau du préfet et des

différents échelons administratifs. Un document de travail daté du 1er juillet 20034 d’une

vingtaine de pages est plus précis et apporte davantage d’informations quant au rôle des

responsables de la chaîne budgétaire qui reliera le programme, expression d’une politique

publique donnée, aux unités opérationnelles. Le périmètre des budgets opérationnels de

programme est déterminé et les modes de gestion des crédits au niveau déconcentré

caractérisés. Or, ces documents comme la note d’orientation du 19 décembre 20035 tendent à

peaufiner et à dessiner de manière progressive les contours du nouvel instrument qu’est le

B.O.P., instrument qui reste à un stade embryonnaire encore à la fin de 2003. L’acte de

naissance de juin 2002 pose seulement les premières lignes du modèle, trace ses premiers

traits qui seront rectifiés par la suite au fil des expérimentations et des mises à l’épreuve. Seul

le Guide pratique des budgets opérationnels de programme6 de décembre 2004, soit deux ans

après les premiers balbutiements du modèle, présente en plus de quatre-vingt pages les

caractéristiques quasi-définitives d’un instrument fini qui peut enfin être mis en œuvre.

1 Sous la présidence du directeur de la réforme budgétaire, elle a réuni tous les mois l’ensemble des directeurs des affaires financières des ministères ainsi que des représentants de la Direction du Budget, de l’ancienne Direction générale de la Comptabilité publique et de l’Agence pour l’informatique financière de l’Etat.2 M. Lascombe et X Vandendriessche, art. cit., p. 542.3 COPIL-DAF, Budgets opérationnels de programme, Note d’orientation, juin 2002, 8 p..4 COPIL-DAF, Budgets opérationnels de programme, Document de travail, 1er juillet 2003, 21 p..5 COPIL-DAF, Budgets opérationnels de programme, Les règles de gestion budgétaire, Note d’orientation, 19 décembre 2003.6 Minefi, Guide pratique de la déclinaison des programmes, Les budgets opérationnels de programme, décembre 2004, 84 p..

1

Page 13: Mémoire de recherche

Ces documents donnent les éléments d’une définition du B.O.P. qui peut se définir comme un

instrument destiné à mettre en œuvre de manière effective le programme dans toutes ses

dimensions et caractéristiques. Attaché au programme budgétaire dont il reprend les aspects,

il complète la L.O.L.F. et renforce le système de responsabilisation des acteurs publics déjà

transformé depuis 2001 (Chapitre 1er), même si ses contours et principales caractéristiques,

pour l’instant encore flous, restent à préciser (Chapitre 2).

Chapitre 1 er   : Un complément fondé sur un nouveau système de responsabilisation des acteurs publics.

Le budget opérationnel de programme vient compléter la réforme budgétaire de 2001

en créant un espace rationalisé de budgétisation et de rationalisation des crédits. Cette

déclinaison se fixe comme objectif principal d’ « expliciter la manière dont le responsable de

programme – ou d’action lorsque celle-ci couvre un champ large – organise l’activité de ses

services pour atteindre les objectifs qui lui ont été fixés »1 . Cette déclinaison des

programmes, point déterminant de la réforme budgétaire, orientera avec le B.O.P. la gestion

1 C.I.A.P., Document d’analyse des programmes, 15 décembre 2002, p. 50.

1

Page 14: Mémoire de recherche

des crédits vers la recherche de la performance (Section 1) grâce à une chaîne vertueuse de

responsables identifiés (Section 2).

Section 1   : Un cadre de gestion budgétaire et financière axé sur la performance.

La loi organique relative aux lois de finances de 2001 rompt résolument avec le

système initial en ce qu’il substitue une logique de résultat à une logique de moyens. Elle

oriente l’action publique vers la recherche de la performance, c’est-à-dire vers la capacité

d’atteindre les buts préalablement fixés. Les budgets opérationnels de programme, puisqu’ils

constituent un segment de programmes budgétaires, sont un cadre de gestion budgétaire et

financière tournés vers les résultats (§-1) associant liberté et responsabilité des gestionnaires

publics (§-2).

§-1) Une action budgétaire tournée vers les résultats et non plus vers les moyens accordés.

Etant donné qu’il assure la déclinaison opérationnelle des programmes budgétaires à

l’échelon territorial, il est somme toute logique que le budget opérationnel de programme

reproduise à ce niveau l’innovation même de la loi organique de 2001 à savoir le

repositionnement du budget non plus vers l’attribution de moyens déterminés mais vers des

résultats précis à atteindre. Cela se manifeste évidemment par une nouvelle nomenclature

budgétaire qui met l’accent sur les politiques publiques propres à chacun des ministères. Les

crédits votés par le Parlement sont répartis en missions qui comprennent elles-mêmes un

ensemble de programmes concourant à une politique publique définie. Tournée vers des

objectifs prédéterminés, l’action budgétaire de l’Etat s’engage dans l’optique de la

performance qui ne doit plus s’entendre comme l’application stricte d’instructions et de

directives suivie du compte-rendu des consommations budgétaires mais comme impliquant

une autonomie des gestionnaires de terrain, notamment des responsables de programme quant

à la définition des objectifs et l’emploi des crédits alloués. Ce paradigme nouveau se

manifeste notamment par l’annexion à la loi de finances d’un projet annuel de performance

qui, suivant l’article 51-5° de la L.O.L.F., est chargé d’assurer la « présentation des actions,

des coûts associés, des objectifs poursuivis, des résultats obtenus et attendus pour les années à

venir et mesurés au moyen d’indicateurs précis dont le choix est justifié ».

1

Page 15: Mémoire de recherche

Comme le budget opérationnel de programme présente les mêmes attributs que son

programme de rattachement, il comprend un ensemble globalisé de moyens associés à des

objectifs fixés et mesurés par des indicateurs de résultats. La démarche de performance initiée

par la loi organique de 2001 trouve alors une répercussion sensible à l’échelon territorial et

opérationnel. Les budgets opérationnels de programme constituent une « programmation des

activités ou des opérations à réaliser, avec son volet performance (déclinaison des objectifs et

indicateurs) »2.

Ce qui est en jeu ici est la capacité ou non de mesurer précisément et efficacement la portée

de l’action publique au niveau territorial et sectoriel et ainsi son adéquation avec les attentes

des populations et services visés. Les objectifs mesurés sont de natures et visent des cibles de

personnes différentes.

Ils peuvent toucher à l’efficacité socio-économique et là l’impact sur l’environnement

économique et social pris dans son acception la plus large, intégrant des préoccupations

écologiques ou sanitaires, sera évalué conformément aux attentes des citoyens.

Les objectifs définis par le programme, puis répercutés à l’échelon territorial par les budgets

opérationnels de programme, sont aussi orientés vers la qualité de service intéressant l’usager

ou l’efficience de la gestion, c’est-à-dire, pour un niveau de ressources identique, la capacité

d’accroître les produits des activités publiques ou, pour un niveau d’activité identique, à

nécessiter plus de moyens.

Or, la question de l’opportunité d’appliquer les indicateurs inhérents au programme annuel de

performance, unité budgétaire de consommation des crédits relevant d’un ministère

particulier, au niveau opérationnel doit se poser avec vigilance. Les objectifs posés au niveau

territorial sont-ils les mêmes que ceux définis dans les programmes annuels de performance

ou en constituent-ils une variante plus ou moins lointaine au risque de troubler la lisibilité de

l’action publique ?

Le Guide de la déclinaison des programmes de décembre 2004 permet d’apporter une réponse

qui en définitive reste insuffisante. En effet, il y est précisé que les objectifs des programmes

annuels de performance définis au rang national répondent à des préoccupations stratégiques

de politique publique. Il est par conséquent compréhensible qu’ils soient formulés en des

2 Minefi, Guide pratique de la déclinaison des programmes, op. cit., p. 2.

1

Page 16: Mémoire de recherche

termes relativement généraux réclamant des précisions et un affinement ultérieur au niveau

opérationnel, celui du budget opérationnel de programme. Ainsi, en vue de « réaliser les

objectifs nationaux du P.A.P., et au-delà, de piloter les administrations et les politiques

publiques placées sous la responsabilité d’un responsable de programme, des objectifs

opérationnels sont définis et associés à chaque B.O.P.. Ils doivent être conçus de telle sorte

que leur réalisation permette d’atteindre les objectifs stratégiques nationaux assignés au

programme »3 . Prenons, par exemple le programme « Gestion fiscale et financière de l’Etat et

du secteur public local » inclus dans la mission « Gestion des finances publiques et des

ressources humaines4. L’un des objectifs définis dans le programme annuel de performance

est de renforcer la lutte contre la fraude fiscale et le recouvrement offensif des impôts et des

amendes accompagné notamment de l’indicateur « Pourcentage des contrôles réprimant les

infractions les plus graves »5. Il s’agit d’un objectif d’ordre stratégique qui peut être appliqué

tel quel. Or, le souci d’adapter l’action publique aux réalités territoriales et sectorielles

suppose la concrétisation au rang opérationnel d’objectifs intermédiaires qui reformuleront et

détailleront dans les budgets opérationnels de programme les buts assignés dans les projets

annuels de performance. Alors, en la matière, un objectif intermédiaire s’attachera à recentrer

le contrôle fiscal sur les infractions au respect des obligations du contribuable en fonction de

la zone concernée comme les espaces frontaliers, les façades maritimes ou les territoires

d’échanges commerciaux développés.

Or, la déclinaison des objectifs peut se heurter au danger que représenterait une multiplication

de ceux-ci et de leurs indicateurs d’évaluation qui pourrait brouiller la visibilité de l’action

publique sur le terrain la rendant inefficace et incohérente. Si l’on reprend les observations de

Sylvie Trosa6 , un objectif opérationnel « répond à l’objectif du gouvernement et aux

préoccupations des citoyens »7. C’est un service concret qui rend obligatoire une

hiérarchisation entre les objectifs, une remise en ordre par priorités car des objectifs non-

hiérarchisés équivalent à une absence d’objectifs. Le niveau du budget opérationnel de

programme est le meilleur cadre de hiérarchisation des objectifs car les gestionnaires de

terrain sont les mieux à même pour connaître les attentes des citoyens et les exigences

3 Idem, p. 12.4 Minefi, Notice Gestion des finances publiques et des ressources humaines, Mission ministérielle, projets annuels de performance, annexe au projet de loi de finances pour 2009, octobre 2009.5 Idem, p. 51.6 S. Trosa, Le guide de la gestion par programmes, Vers une culture du résultat, Editions d’Organisation, 2002, 240 p..7 Idem, p. 93.

1

Page 17: Mémoire de recherche

requises pour le fonctionnement d’un service public particulier. Les résultats du budget

opérationnel de programme, évalués de manière objective, permettront d’estimer la

performance du programme.

Les objectifs intermédiaires définis dans le B.O.P. serviront de relais entre le programme et

l’application concrète au niveau territorial au moyen des unités opérationnelles. Le Guide de

déclinaison des programmes tente de justifier la formulation de pareils objectifs. Il faut partir

du constat suivant lequel il existe des objectifs stratégiques d’un programme susceptibles de

concerner une pluralité d’acteurs disposant de compétences différentes et d’un B.O.P. distinct.

La définition d’objectifs intermédiaires à leur niveau aura pour principal avantage de

s’adapter à la spécificité de leurs prérogatives.

Les objectifs de performance arrêtés à l’échelon national sont ainsi déclinés directement tels

quels si cela est possible. Il faut alors que l’objectif soit adapté au contexte local ou au

périmètre de compétence du service en question à partir du moment où « les entités

opérationnelles ont les compétences requises pour réaliser les objectifs ainsi directement

déclinés à leur niveau »8 . Si cela est nécessaire, les objectifs des P.A.P. sont traduits en

objectifs intermédiaires qui auront pour particularité d’être adaptés au champ de compétence

et aux leviers d’action du responsable du B.O.P.. Enfin, si cela est utile, les objectifs du P.A.P.

pourront être complétés par des objectifs annexes à condition évidemment que ceux-ci ne

soient ni incohérents ni contradictoires entre-eux. Ce sera le cas lorsque le budget

opérationnel de programme géré par un gestionnaire territorial détectera à son niveau

l’existence d’activités qui n’ont pas été couvertes par les projets annuels de performance.

Cette profusion, voire cette prolifération des objectifs stratégiques déclinés directement ou

non au niveau territorial, parfois complétés par d’autres objectifs annexes, ne doit pas être

inutilement exagérée. Si la cohérence et la lisibilité de l’action publique et de son application

concrète au niveau local sont préservées, la question du nombre de ces objectifs ne pourra pas

donner lieu à polémique. En vérité, le dispositif mis en place est vertueux puisqu’il s’organise

suivant une relation d’interaction bénéfique entre l’échelon national, celui des projets annuels

de performance, et l’échelon territorial, celui des budgets opérationnels de programme. En

effet, si certains objectifs stratégiques nationaux s’avèrent dépassés et inopérants, si par le

8 Minefi, Guide pratique de la déclinaison des programmes, op. cit., p. 12.

1

Page 18: Mémoire de recherche

temps, les priorités auxquelles ils avaient pour tâche de répondre se sont effacées, dans ces

cas, une démarche de révision de ces objectifs pourra être engagée. Force est de constater que

les objectifs définis au niveau national ne sont pas fixés un jour pour toujours. Ils sont

malléables et leur consistance et même leur existence peuvent être remises en cause car elles

subissent les exigences de telle ou telle politique publique impulsée par tel ou tel

gouvernement. La démarche de performance sous-jacente à la loi organique relative aux lois

de finances de 2001 autorise une adaptation de l’action publique aux réalités territoriales et

sectorielles comme le prouve la déclinaison des objectifs au niveau des budgets opérationnels

de programme qui ne se contentent pas de les reprendre mais qui effectuent une

réappropriation de ces données sans en dénaturer la nature. Or, ce cadre de gestion axé sur la

performance suppose de la part des gestionnaires de terrain l’exercice d’une liberté plus

grande.

§-2) Une liberté de redéploiement des crédits accrue.

La rupture opérée par la L.O.L.F. vis-à-vis du système antérieur est ici nette.

L’ordonnance de 1959 peut s’analyser comme le pendant budgétaire de la réforme

constitutionnelle opérée en 1958. Le rejet net par le constituant des institutions moribondes et

des pratiques usées d’une Quatrième République décrédibilisée a permis de mettre en place

une armature institutionnelle caractérisée par un Chef de l’Etat renforcé et un

parlementarisme rationalisé. L’ordonnance du 2 janvier 1959 transposera à la matière

budgétaire et financière les principaux acquis de la Constitution du 4 octobre 1958. Cette

extrapolation des nouveaux rapports de force à la préparation et à l’exécution de la loi de

finances placera le gouvernement et donc les administrations publiques en position privilégiée

dans les négociations budgétaires face à un Parlement aux possibilités d’amendement

limitées.

Le budget était « compartimenté par types de dépenses et cloisonné par chapitre et article

budgétaires »9 , si bien que les crédits accordés étaient emprisonnés au sein d’une catégorie

ministérielle bien particulière, pour répondre à une tâche bien spécifique, catégorie de laquelle

ils ne pouvaient pas sortir. Désormais, la L.O.L.F. ouvre la voie à une enveloppe ministérielle

globalisée par le système dit de la fongibilité asymétrique. En effet, le programme, « cadre

9 A. Montay et M. Simmony dans « La démarche des budgets opérationnels de programme (B.O.P.) : une gestion publique en prise directe avec les réalités des services et des territoires », Revue du Trésor, février 2006, p. 95.

1

Page 19: Mémoire de recherche

d’autorisation et de gestion des politiques publiques »9 , comprend des crédits destinés à la

mise en œuvre d’une ou plusieurs actions. Or, ces crédits sont fongibles. Le ministère de

rattachement du programme peut redéployer les crédits entre les catégories de dépenses du

programme à savoir les dépenses de personnel, de fonctionnement , d’investissement ou

d’intervention. Toutefois, cette fongibilité est asymétrique puisque ce redéploiement des

crédits est limité par l’interdiction « d’abonder le titre des dépenses de personnel à partir des

autres titres de dépenses »10 , vu que celui-ci est plafonné, les dépenses fixées ne pouvant pas

dépasser un certain seuil.

Le budget opérationnel de programme est la déclinaison du programme pour une zone ou un

secteur donné. Il serait somme toute logique que la fongibilité des crédits se répercute à ce

niveau opérationnel vu que le B.O.P. dispose des mêmes caractéristiques que son programme

de rattachement. Sa présentation par destination et par nature de dépenses correspond à celle

du programme auquel il est lié. Le B.O.P. est un « budget prévisionnel, tant en autorisations

d’engagement qu’en crédits de paiement, détaillant par destination et nature, les crédits

prévus »11 . Il reprend la présentation matricielle du programme. La fongibilité est reprise et

donc le responsable du B.O.P. peut redéployer les crédits alloués d’un titre à l’autre ou d’une

destination à l’autre. Il « répartit les moyens (…) mis à disposition du B.O.P. par le

responsable du programme entre les différentes unités opérationnelles en fonction de la part

du plan d’action mise en œuvre par chaque unité opérationnelle »12 . Toutefois, l’application

de la règle de la fongibilité asymétrique ne s’impose pas ici avec évidence puisque la L.O.L.F.

n’envisage ce principe de non-réaffectation des crédits à destination des dépenses de

personnel que pour les programmes. Le droit dérivé de la L.O.L.F. apporte une réponse

nuancée. Le Guide pratique de la déclinaison des programmes semble poser clairement le

principe de la fongibilité asymétrique puisqu’il énonce que la fongibilité « laisse (…) la

faculté de définir (sous la limite de l’asymétrie) l’objet et la nature des dépenses lors de

l’exécution du programme et a fortiori lors de l’exécution du B.O.P., pour en optimiser la

mise en œuvre »13 . Aucune difficulté ne se pose par conséquent. Toutefois, il est précisé dans

d’autres documents notamment le document de travail du 1er juillet 200314 que le respect de la

9 F. Mordacq et a., La L.O.L.F. : Un nouveau cadre budgétaire pour réformer l’Etat, L.G.D.J., Systèmes, 2006, p. 41.1 0 Idem, p. 43.1 1 A. Montay et M. Simmony, art. cit., p. 96.1 2 Minefi, Guide pratique de la déclinaison des programmes, op. cit., p. 38.1 3 Idem, p. 41.1 4 Cf. supra p. 11.

1

Page 20: Mémoire de recherche

règle de la fongibilité asymétrique au sein des budgets opérationnels de programme relève de

la liberté d’appréciation du responsable de programme et des modalités de gestion qu’il

souhaite mettre en œuvre. Cela ne constitue pas pour autant une atteinte au principe puisque

cette procédure de fongibilité symétrique est prévue au niveau du ministère et vaut donc pour

l’ensemble du programme de rattachement. Le responsable de programme fait respecter de

manière indirecte le principe de la fongibilité asymétrique par le contrôle interne en s’assurant

que les mouvements de crédits à destination du titre II consacré aux dépenses de personnel

soient compensés par des sorties de crédits en provenance du même titre de dépenses annulant

ainsi les effets néfastes d’une fongibilité symétrique sur le niveau des plafonds d’emploi.

La liberté de redéploiement des crédits est accrue par la L.O.L.F. et ce malgré un

redéploiement des crédits qui n’est pas absolu. La question du rôle du responsable du budget

opérationnel de programme doit alors se poser. C’est un responsable de programme agissant

pour une segmentation précise d’un programme. Il en constitue la reproduction exacte au

niveau territorial. Son insertion au sein d’une chaîne de responsables est par conséquent

déterminante.

Section 2   : Une chaîne de responsables identifiés.

Le budget opérationnel de programme est géré par un responsable déterminé, le

responsable de B.O.P.. Or, comme le B.O.P. constitue la déclinaison opérationnelle d’un

programme, il est aisément concevable qu’une multiplication des acteurs concernés par

l’exécution budgétaire pourrait être la source de malentendus et d’un enchevêtrement nuisible

de responsabilités au contenu mal défini. Toutefois, la loi organique de 2001 surmonte la

difficulté car elle pose en tant que dogme le couple liberté-responsabilité qui suppose que les

gestionnaires du budget, en contrepartie de pouvoirs larges et d’une liberté dans la

réaffectation des crédits, sont responsables. Ils doivent répondre de leurs actes. Ainsi par le

B.O.P., cette logique de responsabilisation vaut pour les gestionnaires de terrain (§-1) qui

seront pleinement impliqués dans l’exécution du budget (§-2).

§-1) Des gestionnaires de terrain mieux responsabilisés.

Nul n’est libre si il n’est pleinement responsable. Un homme irresponsable qui n’aurait

pas conscience de la nature et de la portée de ses comportements et actes ne dispose pas d’une

totale liberté d’appréciation. Outre cet aspect philosophique de la question, son versant

2

Page 21: Mémoire de recherche

juridique en matière financière exige de relier le rôle des acteurs publics à leur mission

première qui est celle de satisfaire l’intérêt général. Ils sont investis d’une charge de service

public, celui de la bonne répartition des dépenses publiques en vue de la réalisation des

politiques publiques. Leur responsabilité est donc importante lorsqu’elle est rapportée à leur

mission. Les gestionnaires territoriaux, au stade de l’exécution du budget, se caractérisent par

leur grande diversité. Il y a en effet autant d’échelon de responsabilité que de subdivision du

budget.

La L.O.L.F., puis son droit d’application, son « droit dérivé », induisent une nouvelle chaîne

de responsabilité qui implique une pluralité d’acteurs à savoir :

- le Parlement qui vote le budget et qui est redevable devant les citoyens français par le

vote populaire ;

- le gouvernement qui s’engage devant le Parlement à suivre l’autorisation budgétaire ;

- les administrations centrales qui ont pour tâche de piloter la mise en œuvre des

missions et des programmes du budget par le responsable du programme nommé par

le ministre ;

- les administrations déconcentrées qui rendent opérationnel le programme en le

déclinant à leur niveau par le moyen notamment du budget opérationnel de

programme dont la conduite et la gestion sont assurées par un responsable de B.O.P.

identifié ;

- les responsables d’unités opérationnelles qui sont au plus près des réalités territoriales.

Cette responsabilité n’est plus seulement d’ordre juridique. Il ne s’agit plus seulement de

répondre de ses actes devant l’autorité hiérarchiquement compétente du fait de la mauvaise

application d’une quelconque instruction ou de la mise en œuvre d’une procédure irrégulière,

mais de répondre de ses actes de gestion ainsi que des résultats obtenus. Cette responsabilité

managériale reposerait sur la jonction « dans une même main d’objectifs (cibles de résultats)

et de moyens (enveloppe de crédits) et dans la liberté d’emploi de ces moyens (fongibilité et

marges de manœuvre) avec pour contrepartie le fait d’assumer ces résultats, c’est-à-dire les

conséquences du succès et de l’échec »15 .

1 5 A. Barilari, « Vers la réforme de la responsabilité des gestionnaires publics », Dossier « Finances publiques et responsabilité, l’autre réforme », A.D.J.A. n° 13, 2005, p. 698.

2

Page 22: Mémoire de recherche

Cette nouvelle chaîne de responsabilité est la conséquence logique de la mise en œuvre de la

loi organique de 2001 car celle-ci ne pouvait pas coexister avec le système antérieur. André

Barilari et Michel Bouvier16 soulignent à juste titre que l’adaptation d’une responsabilité

managériale à l’organisation administrative héritée de l’ordonnance de 1959 aurait sans nul

doute échouée en raison de la persistance de nombreux obstacles. En effet, l’administration

centrale avait tendance à dissocier directions de missions et directions de moyens aux finalités

divergentes et contradictoires, les premières réclamant toujours plus sans frein et les secondes

répartissant des crédits au montant limité, si bien que chaque service rejetait la faute d’un

éventuel dysfonctionnement sur l’autre. Même au niveau déconcentré où les deux directions

étaient pourtant réunies dans les mains d’un même responsable, toute concertation avec

l’échelon central était impossible, faute d’un dispositif de dialogue de gestion adéquat. De

surcroît, le type de contrôle, exercé en amont de l’exécution de la dépense, réduisait

considérablement toute initiative.

La L.O.L.F. abandonne cette organisation en offrant un cadre favorable à la réception d’une

logique managériale et non plus strictement juridique. L’action budgétaire est désormais

orientée vers des objectifs mesurables par des indicateurs chiffrés. Les crédits sont fongibles

accordant aux responsables managériaux une réelle liberté dans leur affectation. Enfin, les

contrôles préventifs sont assouplis et n’ont plus pour tâche de corriger les erreurs mais de

prévenir les risques.

La responsabilité du gestionnaire de B.O.P. est centrale car il est le principal responsable de la

gestion des crédits. Il devra périodiquement rendre des comptes au responsable de programme

quant à la gestion des crédits affectés au budget opérationnel de programme. Par le dialogue

de gestion, il sera en mesure de mettre en place les mesures éventuelles décidées avec ce

dernier en vue de la correction de la répartition des crédits. Le budget opérationnel de

programme est le cadre au sein duquel les crédits sont répartis et l’unité opérationnelle, le

cadre de leur consommation effective. Or, les règles afférentes à la comptabilité publique

déterminées par le décret du 29 décembre 1962 portant règlement général de la comptabilité

publique sont impactées par la notion de B.O.P.. Le budget de l’Etat est exécuté par la mise en

œuvre d’autorisations de recettes et de dépenses par les ordonnateurs et les comptables.

1 6 A. Barilari et M. Bouvier, La L.O.L.F. et la nouvelle gouvernance financière de l’Etat, L.G.D.J., Systèmes, 2008, p. 97.

2

Page 23: Mémoire de recherche

L’ordonnateur prescrit l’exécution des recettes et des dépenses publiques. Il peut répartir les

crédits ou les consommer.

Dans le cadre de la consommation des crédits, l’ordonnateur a trois compétences principales :

- il engage la dépense, c’est-à-dire qu’il constate l’existence d’une obligation et d’une

dette qui en découle ;

- il liquide la dépense en vérifiant le montant de la dépense effectuée ;

- il ordonne le paiement auprès du comptable qui, suivant le principe de séparation de

l’ordonnateur et du comptable, est seul apte à réaliser cette opération.

Soulignons d’emblée que le responsable de B.O.P. n’a pas vocation selon le Guide pratique

de la déclinaison des programmes17 à être « le gestionnaire direct des opérations menées pour

la mise en œuvre du programme ». Le décret du 29 décembre 1962 par son article 5 dispose

que les ordonnateurs « prescrivent l’exécution des recettes et des dépenses (…). A cet effet,

ils constatent les droits des organismes publics, liquident les recettes, engagent et liquident les

dépenses »18. Or, le responsable de B.O.P. ne dispose pas d’une délégation de signature qui lui

confère cette qualité d’ordonnateur secondaire. A la différence du responsable d’unité

opérationnelle, il n’est pas gestionnaire de crédits même si les deux fonctions peuvent

s’associer dans une seule et même main entraînant pour son titulaire la qualité d’ordonnateur

secondaire au sens de l’article 100 du décret. Le responsable de B.O.P. sera alors seulement

répartiteur des crédits et non exécutant de la dépense à la différence du responsable d’unité

opérationnel qui est ordonnateur consommateur de crédits. Les crédits dont le responsable de

B.O.P. dispose sont dispersés sur deux enveloppes, l’enveloppe « titre 2 » et l’enveloppe

« hors titre 2 », valant pour les autorisations d’engagement et les crédits de paiement.

Le responsable de B.O.P. est un relais. Il est situé à un niveau intermédiaire entre l’échelon

stratégique et politique, celui du responsable de programme, et l’échelon opérationnel et

territorial, celui du responsable d’unité opérationnelle.

A ce stade, se pose le problème récurrent de la diversification des responsables et donc des

risques de dilution de responsabilité. Toutefois, le dialogue de gestion limite les effets

1 7 Minefi, Guide pratique de la déclinaison des programmes, op. cit., p. 25. 1 8 Décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général de la comptabilité publique, J.O.R.F., 30 décembre 1962, p. 12828.

2

Page 24: Mémoire de recherche

néfastes d’une pareille superposition d’acteurs aux compétences différentes. Le dialogue de

gestion peut s’entendre comme « la mise en place des objectifs et des moyens »18 qui

permettra la mise en coordination des actions de chacun des gestionnaires territoriaux. Il se

réalise à plusieurs niveaux à savoir entre le responsable de programme et le responsable de

budget opérationnel de programme d’une part, le responsable de B.O.P. et celui des unités

opérationnelles, d’autre part. Ce dialogue sera l’occasion de confronter les objectifs du

programme et les moyens destinés à les mettre en œuvre, d’évaluer les besoins réels à

satisfaire et les modalités d’application privilégiés. Ce dialogue de gestion aura un impact de

la périphérie vers le centre, il aura un effet ascendant transformant les types de gestion d’une

administration française caractérisée par une centralisation excessive des compétences et donc

l’hypertrophie des administrations centrales. Ce dispositif voit sa portée renforcée avec les

budgets opérationnels de programme puisqu’il réclame une implication réelle des

gestionnaires de terrain dans l’exécution du budget décidé au niveau national.

§-2) Des gestionnaires de terrain pleinement impliqués dans l’exécution du budget.

L’imbrication de plusieurs niveaux de responsables et de responsabilités ne doit pas

constituer en frein à la déclinaison effective des programmes. Si les risques de malentendus et

d’incohérence dans le type d’action à mener au niveau territorial peuvent survenir d’un

échelon à l’autre, le dialogue de gestion a pour ambition d’assurer la concertation des

gestionnaires de terrain dans l’exécution du budget. Il constitue « le dispositif certainement le

plus fondamental et le plus original du système car il est en rupture totale avec la logique

strictement hiérarchique, verticale, utilisée jusqu’en 2005 »19. Le responsable de B.O.P. est

situé au centre du dialogue de gestion. Cette position charnière tient au fait qu’en amont, le

responsable de programme effectue ses choix entre les B.O.P., et qu’en aval, le responsable de

B.O.P. lui-même répartit ses crédits entre les unités opérationnelles.

Marc Simmony et Jean-Pierre Duprat axent ce dialogue de gestion autour de « quatre temps

forts »20 à savoir :

1 8 A. Barilari, « Réflexions sur la gouvernance des programmes », Revue du Trésor n° 2, février 2006, p. 91.1 9 M. Bouvier, M.-C. Esclassan et J.-P. Lassale, op. cit., p. 461.2 0 M. Simmony et J.-P. Duprat, « Les budgets opérationnels de programme », R.F.F.P. n° 93, février 2006, p. 133 et s..

2

Page 25: Mémoire de recherche

- la définition et la communication du cadre de gestion opérationnelle ;

- l’élaboration d’un projet de B.O.P. ;

- l’approbation du B.O.P. par le responsable de programme et la mise à disposition des

crédits ;

- le compte rendu de gestion opérationnelle.

Ces étapes peuvent se regrouper en deux principales. En effet, l’élaboration du B.O.P. doit

prendre en compte deux données. Elle doit, d’une part, s’appuyer sur les éléments de cadrage

fixés par le responsable de programme et se baser, d’autre part, sur les propositions des unités

opérationnelles.

Le dialogue de gestion implique dans un premier temps le responsable de programme. Situé à

un niveau stratégique et politique, il est chargé de mettre en application une politique publique

et définit la ligne que les échelons opérationnels doivent suivre. La L.O.L.F. a certes

démantelé la précédente organisation budgétaire qui était naguère centrée sur les organisations

ministérielles en faisant de la mission et non plus le ministère, l’unité de vote budgétaire.

Cependant, l’échelon ministériel est maintenu en tant que cadre de mobilisation des moyens.

Cela se traduit par le rattachement du programme à un ministère ainsi que par la spécialisation

des plafonds d’autorisation d’emplois par l’Etat au niveau de chaque ministère suivant

l’article 7-III de la loi organique relative aux lois de finances. Le responsable de programme

dont la mission est d’exécuter celui-ci définit un cadre général au sein duquel les responsables

de B.O.P. pourront agir. Leurs compétences et champ d’action sont délimités. Or, le

responsable de programme peut prendre appui sur des chartes de gestion du programme

« partagées avec l’ensemble des acteurs afin de donner de la lisibilité sur les nouveaux modes

de gestion et les marges de gestion des services opérationnels »21 . Ces chartes de gestion

s’inscrivent dans la « clarification des actions et la mise en cohérence des moyens et de la

gestion mis en oeuvre pour les programmes »22 . C’est à partir de ces documents que le

responsable de programme donnera une cohérence aux éléments de cadrage donnés à chacun

de ses responsables de B.O.P..

Le responsable de programme détermine le montant des dotations dont disposera le

responsable de B.O.P.. Il peut ainsi fixer un montant donné qui sera établi à partir de critères

2 1 F. Mordacq et a., op. cit., p. 238.2 2 M. Bouvier, M.-C. Esclassan et J.-P. Lassale, op. cit., p. 461.

2

Page 26: Mémoire de recherche

qu’il déterminera avec les préfectures. Il répartira les dotations calculées en fonction de

l’activité et des contraintes inhérentes à chaque préfecture. Il peut également faire varier le

montant de la dotation à partir de scénarios ou de priorités. Par exemple, en 2005, le ministère

de l’Ecologie et du développement durable, a fixé son budget 2005 à titre expérimental en

demandant à ses structures déconcentrées un projet de budget établi suivant plusieurs

hypothèses d’évolution.

La préparation du budget opérationnel de programme doit dans un second temps prendre

appui sur les propositions formulées par les unités opérationnelles. Le responsable de B.O.P.

« organise l’élaboration de son projet de B.O.P. avec l’ensemble de ses unités opérationnelles

et des services gestionnaires qui s’y rattachent, en proposant une programmation des

opérations ou activités à laquelle sont associés des objectifs, des indicateurs, des valeurs

cibles et le budget prévisionnel correspondant »23 . Ce dialogue de gestion avec les unités

opérationnelles est pleinement justifié. En effet, le responsable de budget opérationnel de

programme n’est pas chargé de l’exécution directe des dépenses. Il n’est pas gestionnaire des

opérations destinées à mettre en œuvre directement le programme sauf s’il est responsable

d’unité opérationnelle lui-même. Comme le souligne le Guide pratique de la déclinaison des

programmes24 , la mobilisation des unités opérationnelles est « essentielle à la réalisation des

objectifs fixés au responsable de B.O.P.. Elle suppose une adhésion au projet tel qu’il sera

présenté au responsable de programme par le responsable de B.O.P. ». La constitution des

budgets opérationnels de programme implique une démarche descendante et ascendante

bénéfique en ce qu’elle concilie le souci d’une meilleure maîtrise des dépenses publiques

impulsé par le haut par le responsable de programme, et le souhait de prendre en compte les

spécificités du terrain par la concertation avec les unités opérationnelles. Le dialogue de

gestion entre le responsable de budget opérationnel de programme et les unités

opérationnelles est ainsi incontournable comme en témoigne le cas de l’organisation des

élections à travers le programme « Vie politique, associative et cultuelle » et son action

« Organisation des élections » comprise dans le B.O.P. « Vie politique ». L’administration

centrale ne prend pas en charge toutes les dépenses liées à la tenue d’élections et délègue aux

préfectures les dépenses électorales concrètes de la distribution des professions de foi et

bulletins de vote à l’organisation de la soirée électorale. Par conséquent, le B.O.P. « Vie

politique » en vue de sa constitution s’appuie sur une unité opérationnelle en administration

2 3 M. Simmony et J.-P. Duprat, art. cit., p. 133.2 4 Minefi, Guide pratique de la déclinaison des programmes, op. cit., p. 25.

2

Page 27: Mémoire de recherche

centrale et sur une autre unité opérationnelle au sein des préfectures. La répartition des crédits

se fera en fonction des tâches accomplies par chaque unité opérationnelle à partir du nombre

d’électeurs – les exigences seront variables du département de la Lozère à celui du Nord – ou

des spécificités locales tenant à la géographie – la transmission du matériel électoral se fera

avec aisance en milieu urbain plutôt qu’en milieu rural et montagnard – et à la proximité avec

la métropole. Une première monture de budget est alors mise sur pied pourvu que les objectifs

et la programmation correspondent au cadre général fixé par le responsable de programme. Ce

projet est transmis au préfet pour les questions qui relèvent de ses prérogatives. Il émet un

avis sur le projet de B.O.P. qu’il communiquera au responsable de programme.

Ce dernier se prononce à partir d’un document qui regroupe un plan d’action du budget

opérationnel de programme, un budget prévisionnel en autorisation d’engagement et crédits

de paiement et en nomenclature matricielle ainsi qu’un schéma d’emplois et des éléments de

performance. Son rôle sera de comparer le projet de B.O.P. aux objectifs du programme qu’il

est chargé de mettre en œuvre. La conformité avec la stratégie de politique publique

déterminée au niveau national est examinée. La validation du projet de B.O.P. doit obtenir

l’approbation du responsable de programme qui se prononce sur « l’ensemble des éléments du

B.O.P. »24. Tous les éléments du projet entrent dans son champ d’analyse ce qui implique

également le contrôle indirect des propositions des unités opérationnelles qui auront été prises

en compte. Lors de cette étape du dialogue de gestion, s’instaure une « démarche

contradictoire de propositions du responsable de B.O.P., de demandes de modification et/ou

d’approbation de tout ou partie de celles-ci par le responsable de programme qui va aboutir in

fine à la validation du projet »25 .

Le contrôleur financier, outre qu’il peut être consulté par le responsable de budget

opérationnel de programme à titre préventif pour l’évaluation budgétaire de l’enveloppe de

crédits, intervient à la fin de la procédure de l’élaboration du B.O.P.. Son office s’insère dans

le cadre de l’article 6 du décret du 27 janvier 2005 relatif au contrôle financier au sein des

Administrations de l’Etat26 suivant lequel l’autorité en charge du contrôle financier « émet un

avis préalable sur les documents prévisionnels de gestion qui lui sont présentés par les

2 4 Minefi et a., La démarche de performance : stratégies, objectifs, indicateurs, op. cit., p. 39.2 5 D. Catteau, La L.O.L.F. et la modernisation de la gestion publique. La performance, fondement d’un droit public financier rénové, Thèse Droit public, Dalloz, Bibliothèque parlementaire et constitutionnelle, 2007, §-334.2 6 Décret n° 2005-54 du 27 janvier 2005 relatif au contrôle financier au sein des administrations de l’Etat, J.O.R.F. n° 23 du 28 janvier 2005, p. 1486.

2

Page 28: Mémoire de recherche

gestionnaires ». Cet avis « porte sur la cohérence budgétaire d’ensemble de ces documents,

sur l’impact des charges prévues sur les finances publiques et sur la couverture des dépenses

que l’Etat est juridiquement tenu de supporter ainsi que de celles qui apparaissent d’ores et

déjà inéluctables ». C’est un contrôle de la soutenabilité budgétaire du projet. Le contrôleur

financier s’attache à vérifier l’adéquation des projets de dépenses du responsable de budget

opérationnel de programme aux capacités d’engagement et droits de paiement qui lui sont

présentés. Il se prononce dans un délai de quinze jours suivant l’article 14 du décret, faute de

quoi, « l’autorité administrative compétente peut utiliser les crédits ou engager la dépense

conformément à sa proposition, sauf si l’autorité chargée du contrôle financier a demandé par

écrit dans ce délai des informations ou documents complémentaires nécessaires à son

instruction. Dans ce cas, un nouveau délai de quinze jours court à compter de la production

des informations ou documents sollicités ».

Cette étape franchie, le budget opérationnel de programme peut être mis en œuvre dès le

début de l’exercice suivant respectant les modalités d’exécution prévue dans le B.O.P. et

approuvé par le responsable de programme. Le dialogue de gestion opéré en amont et en aval

a permis alors d’élaborer un document en prise avec les réalités territoriales et sectorielles tout

en suivant les orientations stratégiques et politiques déterminées au niveau national.

Le concept de B.O.P. tire sa force du fait qu’il n’est pas défini strictement dans la loi

organique de 2001. C’est le fruit de son « droit dérivé » qui pose les principaux instruments

de sa mise en œuvre et de sa déclinaison opérationnelle. Le budget opérationnel de

programme gagne ainsi en souplesse et épouse les évolutions et exigences territoriales, les

besoins de chaque population et spécificités de chaque lieu. Il n’est pas figé et les

gestionnaires chargés de l’élaborer puis de l’appliquer disposent d’une liberté large en ce qui

concerne la destination des moyens accordés, liberté contrebalancée par une responsabilité

plus grande. Or, si le B.O.P. est caractérisé par sa grande malléabilité, par une adaptabilité

certaine, ces aspects prouvent qu’il reste un instrument complémentaire à la L.O.L.F.

inachevé.

2

Page 29: Mémoire de recherche

Chapitre 2   : Un complément aux contours en voie de définition.

Le budget opérationnel de programme est la résultante d’un ensemble de documents

de nature réglementaire préparée au sein des services du Ministère de l’Economie et des

Finances dont le Comité de pilotage des Directions des affaires financières et la Direction de

la réforme budgétaire qui, de mars 2003 à décembre 2005, a suivi les chantiers de mise en

œuvre de la loi organique relative aux lois de finances de 2001. Or l’on peut discuter de la

juridicité de ce « droit dérivé » au point de l’assimiler à un « droit mou » dépourvu de

caractère contraignant, droit « déjuridicisé » combattu par Portalis1 pour lequel la loi n’a de

sens que si elle pose des obligations juridiquement assurées et sanctionnées. Comme le

1 Jean-Etienne-Marie Portalis (1746-1807), jurisconsulte, philosophe du droit français et ministre des cultes, fut l’un des rédacteurs du Code civil de 1804.

2

Page 30: Mémoire de recherche

soulignent Michel Lascombe et Xavier Vandendriessche, c’est « essentiellement par des

textes à, la densité juridique faible (voire nulle) qu’ont été précisés les concepts et méthodes

permettant la mise en œuvre de la L.O.L.F. »2 .Un texte à valeur organique, donc quasi-

constitutionnel, a été complété et précisé par des actes à la force juridique contestable. Cette

faible juridicité impacte la définition des budgets opérationnels de programme (Section 1)

ainsi que leur périmètre de gestion (Section 2).

Section 1   : La définition incertaine des budgets opérationnels de programme.

Définir la notion de budget opérationnel de programme supposerait d’en déterminer

brièvement son contenu et sa fonction. Or, ce concept issu du « droit dérive » de la L.O.L.F.

reçoit une définition qui à première vue pourrait nous paraître satisfaisante. Il est entendu que

le budget opérationnel de programme consiste en la déclinaison d’un programme dans tous

ses éléments au niveau territorial et sectoriel. Néanmoins, force est de constater que la

tentative de définir le B.O.P. se heurte à une difficulté tant au niveau de sa nature exacte (§-1)

que de ses origines supposées (§-2).

§-1) Une nature difficilement perceptible.

Tant le Comité de pilotage des Directions des affaires financières que la Direction de

la réforme budgétaire ont tracés dès 2002 les lignes directrices de la notion de B.O.P.. Les

notes d’orientations et documents de travail, puis le Guide pratique de la déclinaison des

programmes de décembre 2004 mettent plus l’accent sur la chose que sur le mot de budget

opérationnel de programme.

Il s’agit de «  la formation d’un processus budgétaire interne » qui est « rattaché à un

programme et un seul et est structuré sur les deux volets indissociables fixés par le nouveau

cadre de la budgétisation : d’une part des actions et les crédits qui les financent, d’autre part

des objectifs quantifiés et les indicateurs qui en mesurent les résultats »3 . C’est « l’outil de

mise en œuvre concrète du programme dans toutes ses dimensions, mobilisation des moyens

2 M. Lascombe et X. Vandendriessche, art. cit., p. 541.3 Note d’orientation, op. cit., juin 2002, p. 2.

3

Page 31: Mémoire de recherche

autorisés et performance attendue »4 . Seul l’aspect instrumental de la définition est mis en

lumière laissant dans le flou la nature juridique du concept. Le Guide pratique de la

déclinaison des programmes5 a le grand mérite de proposer les éléments d’une définition dans

son introduction. Le budget opérationnel de programme serait alors « la déclinaison

opérationnel d’un programme, sur la base du principe liberté/responsabilité induit par la loi

organique relative aux lois de finances (L.O.L.F.) ». Par conséquent, il assurerait « la

déclinaison des objectifs et des indicateurs de performances du programme et un budget

prévisionnel ».

Si nous définissons le B.O.P. par le contenu, par ce qu’il comprend, la tâche est relativement

aisée.

En effet, il regroupe trois éléments principaux à savoir :

- une programmation des activités et opérations qu’il est chargé d’effectuer en

répercutant à l’échelon opérationnel les objectifs et les indicateurs du programme ;

- un budget prévisionnel qui comprend des crédits en autorisations d’engagement et

crédits de paiement ainsi que des indications quant à la masse salariale ;

- un schéma d’organisation financière qui fixe et délimite le rôle de chacun des acteurs

concernés.

Les documents de travail et les notes d’orientation du COPIL et de la direction de la réforme

budgétaire n’envisage le budget opérationnel de programme que sous son angle purement

fonctionnel. Il n’essaye pas d’accorder à ce nouveau concept une valeur juridique précise qui

permettrait de cibler sa nature dans le processus de l’exécution budgétaire. La doctrine

financière tente de fournir certaines informations complémentaires à ce sujet. L’œuvre

universitaire est riche et abondante.

Suivant Gil Desmoulins, les B.O.P. « permettent de détailler les programmes »6 . Cette

définition reste incomplète puisqu’il rattache le budget opérationnel de programme au

programme qu’il est censé décliner au niveau opérationnel et sectoriel. La tentation serait

alors forte de partir du concept de programme, unité d’exécution du budget, pour constituer

4 Document de travail, op. cit., juillet 2003, p. 2.5 Minefi, op. cit., p. 2.6 G. Desmoulins, Finances publiques, Vuibert, Public Droit, 2008, p. 165.

3

Page 32: Mémoire de recherche

une sorte de faisceau d’indices d’éléments de la notion de B.O.P.. Cette voie peut être

empruntée. C’est par ailleurs celle privilégiée par une partie non négligeable d’universitaires.

Or, il serait regrettable d’accorder au budget opérationnel de programme une définition ainsi

qu’une nature juridique qui ne seraient pas autonomes mais qui se construiraient à partir d’un

autre concept de la gouvernance financière publique, celui du programme. François Adam,

Olivier Ferrand et Rémy Rioux, s’ils se contentent de reprendre la définition du B.O.P.

donnée par le Guide pratique de la déclinaison des programmes, n’y voyant qu’une

« subdivision d’un programme »7 , admettent une « incertitude juridique retenue

délibérément » qui « pourrait à terme être préjudiciable »8, preuve que la difficulté de la

détermination de la nature et de la valeur juridiques du budget opérationnel de programme est

traité avec acuité et persistance.

La définition négative du budget opérationnel de programme pourrait être envisagée. Il

s’agirait de différencier le B.O.P. de concepts voisins afin de tracer des frontières solides et

stables entre ces notions. Définir le budget opérationnel de programme par ce qu’il n’est pas

l’éloignerait alors des concepts de loi de finances et de budget.

L’ordonnance du 2 janvier 1959 dans son article 2 définissait la loi de finances comme l’acte

qui « prévoit et autorise, pour chaque année civile, l’ensemble des ressources et des charges

de l’Etat ». Or, le B.O.P. ne fait pas réellement partie intégrante de la documentation du projet

de loi de finances. Ils ne sont ainsi pas portés à la connaissance des parlementaires puisqu’ils

ne sont pas situés au niveau politique et stratégique mais placés à l’échelon opérationnel qui

implique par conséquent les gestionnaires de terrain. De plus, le B.O.P. est un budget

prévisionnel de crédits en autorisations d’engagement et crédits de paiement. Par conséquent,

son assimilation à la loi de finances est contestable puisqu’il ne prévoit ni n’autorise

l’ensemble des ressources et des charges de l’Etat. Il se concentre uniquement sur la

répartition des dépenses publiques entre chaque unité opérationnelle.

Le rapprochement entre les notions de budget et de budget opérationnel de programme ne doit

pas en revanche être d’office écarté. Les termes employés par le COPIL sont extrêmement

révélateurs. Il emploie le terme de budget opérationnel de programme et non d’unité

d’exécution du programme ce qui n’aurait pas été source de confusion. Le budget, de l’ancien

7 F. Adam, O Ferrand et R. Rioux, Finances publiques, Presses de Sciences Po et Dalloz, Amphi, 2007, p. 129.8 Idem, p. 130.

3

Page 33: Mémoire de recherche

français bougette9, si nous reprenons la définition de l’article 1er du décret-loi du 19 juin

195610 , peut se définir comme l’acte qui « prévoit et autorise, en la forme législative, les

charges et ressources de l’Etat. Il est arrêté par le Parlement dans la loi de finances qui traduit

les objectifs économiques et financiers du gouvernement ».

Les qualités que revêt le budget opérationnel de programme rendent inopérante toute tentative

de rapprochement avec le budget puisque qu’il est de pure création administrative. Il n’est pas

la résultante d’une discussion entre le gouvernement qui présente et défend son projet de

budget au travers de la loi de finances et les parlementaires qui proposent d’éventuelles

modifications. Il ne répond pas aux règles démocratiques du débat parlementaire. De surcroît,

le B.O.P. n’est pas mis en application par un acte législatif ce qui viendrait compromettre un

mythe aux racines jacobines lointaines, celui de la loi, expression de la volonté générale, loi

qui, parce qu’elle est votée par les représentants du peuple réunis en assemblée nationale, ne

saurait errer ni faillir.

L’on pourrait y voir un manque de démocratie en ce sens que l’élaboration et la mise en

œuvre effective des budgets opérationnels de programme échapperait à tout contrôle

parlementaire et serait un pur produit d’une administration bureaucratique sclérosée coupée

du réel. Cette approche est évidemment erronée puisqu’elle refuserait d’admettre que les

B.O.P. consistent en la déclinaison opérationnelle des programmes, eux-mêmes subdivisions

des missions qui composent le budget de l’Etat voté par le Parlement par l’intermédiaire des

lois de finances. Cette approche est exagérée car elle se méprendrait sur l’impact réel de la

réforme budgétaire de 2001 qui intègre pleinement le Parlement dans le processus de

fabrication du budget ainsi que dans le contrôle de son exécution.

En vérité, le budget opérationnel de programme n’est pas un budget comme un autre. Son

histoire n’est pas en effet liée à celle du concept de budget dont l’apparition est concomitante

à l’avènement de la démocratie moderne. Le B.O.P. n’est pas rattaché à la construction du

parlementarisme et d’un droit public financier, barrière à l’intervention budgétaire des

pouvoirs publics dès le début du XIXème siècle en France. Il s’agit non d’un budget politique et

stratégique destiné à définir et soutenir les orientations économiques et sociales de la Nation

mais d’un budget opérationnel, c’est-à-dire d’un acte juridique qui complète le budget de

9 Sac, bourse ou cassette censé comprendre un bien de valeur.1 0 Décret n° 56-601 du 19 juin 1956 déterminant le mode de présentation du budget de l’Etat, J.O.R.F. du 20 juin 1956, p. 5632.

3

Page 34: Mémoire de recherche

prévision initial en vue de le rapprocher des exigences territoriales, des priorités du terrain. Le

B.O.P. est un budget administratif d’exécution, un acte sui generis disposant d’une valeur

juridique proche de celle d’un règlement. Il a une force juridique inférieure à la loi qu’il est

censé appliquer.

Cadre d’exécution des programmes, le budget opérationnel de programme n’a pas reçu de

définition claire de la part de ses créateurs. Or, certains universitaires tendent à rapprocher ce

concept du modèle anglo-saxon de l’agence, rapprochement qui reste contestable.

§-2) Une origine supposée contestable.

Etablir les origines du budget opérationnel de programme, en plus de le définir,

consiste à identifier les fondements non plus terminologiques mais théoriques et historiques

du système de déclinaison des programmes. La L.O.L.F. tire ses racines d’un mouvement de

rationalisation des choix budgétaires entamé à la fin des années 60 qui a connu des succès

divers, se heurtant à un manque flagrant de volonté politique ainsi qu’à la paralysie des

structures administratives. Le système de déclinaison opérationnelle des programmes connaît

lui des fondements multiples s’appuyant sur « une réflexion relative aux modalités

d’intervention de l’Etat et sur un rapprochement des modalités d’intervention de

l’administration avec celles du secteur privé »11 .

Le fondement du contrat est une piste possible. En effet, le responsable de B.O.P. s’engage

auprès du responsable de programme à atteindre les objectifs qui lui ont été assignés. Ils sont

liés par le budget opérationnel de programme qui peut être vu comme une sorte de contrat

duquel découle une série de droits et d’obligations.

La piste de l’agence au sens du New Public Management est plus problématique pour la

détermination des origines du budget opérationnel de programme. Le système de l’agence part

du principe suivant lequel doivent être clairement dissociées les activités de conception et

d’exécution des politiques publiques tant au plan personnel que fonctionnel. Un corps de

personnes spécialisées doit être formé à l’exercice de l’une ou l’autre tâche. Cette séparation

est fortement ancrée dans la culture anglo-saxonne et trouve des traces visibles dès le début du

XXème siècle avec les modes de production et d’organisation du travail expérimentés, puis

1 1 D. Catteau, op. cit., §-228.

3

Page 35: Mémoire de recherche

effectivement appliqués, dans le secteur industriel dont celui de l’automobile. Cette

organisation scientifique du travail ou taylorisme12 entend « lutter contre la faible productivité

de la main d’œuvre, due (…) à la mauvaise utilisation du travail, à la flânerie et aux lacunes

dans l’organisation de l’entreprise »13 . Avec le budget opérationnel de programme, la

distinction entre le concepteur, le politique qui définit la stratégie budgétaire à suivre, et

l’exécutant, l’administratif qui applique concrètement le budget national aux réalités

territoriales, se trouve fondée et justifiée. L’agence, disposant d’une large marge de

manœuvre et d’une liberté de gestion réelle est chargée de la délivrance des prestations et

subventions. Elle associe le politique et le fonctionnaire tout en servant de base à un

engagement entre les deux pôles sur les résultats à atteindre suivant une démarche de

performance initiée par la loi organique relative aux lois de finances de 2001. Toutefois, si ce

modèle permet de fonder le B.O.P., force est d’admettre que la nécessité de se doter d’un

système d’agences en France fait l’objet d’un réel « malentendu » comme l’a souligné

Bernard Abate14 . Comparaison n’est pas raison et le souhait de greffer sans précautions

préalables le modèle anglo-saxon de l’agence sur un système français encore marqué par ses

pesanteurs traditionnelles et ses réflexes centralisateurs serait immanquablement voué à

l’échec. En effet, « les agences étrangères (…) ne sont pas un modèle d’organisation de

l’action publique, comme le sont en pratique les établissements français (…), mais un modèle

d’organisation qui vise l’ensemble des services opérationnels de l’Etat »15. Cette démarche de

dissociation entre la conception des politiques publiques et leur mise en œuvre concrète sur le

terrain n’irradie pas en France tout le champ de l’action publique. La forte imprégnation d’une

culture de l’intervention publique, du besoin de recourir sans cesse aux services de l’Etat pour

traiter tel ou tel problème sont la preuve qu’une pareille distinction est loin d’être érigée à

valeur de principe au sein des modes d’organisation et de régulation des services publics.

L’on pourrait certes assimiler l’agence anglo-saxonne à l’établissement public français.

Toutefois, ce dernier, « service public spécial personnifié » selon Maurice Hauriou, peut se

définir comme une personne morale de droit public ayant une compétence spéciale

d’attribution et disposant d’une certaine autonomie administrative et financière.

L’établissement public est caractérisé par une personnalité juridique propre. Ce n’est pas le

1 2 Du nom de Frederick Winslow Taylor (1856-1915), ingénieur américain qui posa les bases d’un nouveau mode de production, vecteur de la Révolution industrielle, autour d’une forte parcellisation des tâches et d’une séparation entre les fonctions de conception et d’exécution.1 3 J. Chevallier, Science administrative, P.U.F., Thémis, 2007, p. 23.1 4 B. Abate, op. cit., p. 21.1 5 B. Abate, op. cit., p. 22.

3

Page 36: Mémoire de recherche

cas de l’agence anglo-saxonne dont les ressources relèvent du budget du ministère dont ils

relèvent. L’établissement public reste, comme le relève Bernard Abate, un « contre-

exemple »16 puisque « leurs missions sont définies de manière générale et abstraite ; leurs

résultats ne sont pas pilotés par leur ministère de tutelle, mais leur gestion est néanmoins

entravée par une tutelle tatillonne sur leurs moyens et sur leurs actes … ». Ceci découle

directement du principe de spécialité qui énonce que les attributions des établissements

publics sont spécifiques et limitées en principe à un service public déterminé. Par conséquent,

emprunter le terme d’agence pour qualifier les établissements publics et a fortiori les

gestionnaires publics chargés de l’élaboration ainsi que de l’exécution des B.O.P. serait hors

de propos.

Certains universitaires, à l’image de Damien Catteau, voient dans la déclinaison

opérationnelle des programmes une « alternative au système d’agences »17 adaptée aux

spécificités du système administratif français. La distinction entre la conception, incarnée par

le ministre qui définit et met œuvre une politique publique, et l’opérationnel qui répartit les

crédits disponibles, est transposée en France non au prix d’un bouleversement radical des

structures et des pensées mais par un ajustement de l’organisation déconcentrée existante,

niveau opérationnel des politiques publiques.

Le B.O.P. , en tant que mode de déclinaison des politiques publiques, est un instrument aux

origines diverses. Certains entendent le rattacher au contrat, à ce lien juridique qui lie le

créancier au débiteur, d’autres préfèrent explorer la piste plus contestable de l’agence, entité

autonome d’exécution des stratégies nationales. La grande diversité des fondements du budget

opérationnel de programme démontrent la grande élasticité de la notion, élasticité qui se

traduit également au niveau de son périmètre de gestion.

Section 2   : Un périmètre de gestion visiblement malléable.

Le budget opérationnel de programme opère la déclinaison des programmes au niveau

territorial et sectoriel. Or, cette nécessaire adaptation de l’action publique aux attentes et

priorités ressenties sur le terrain suppose une malléabilité certaine du périmètre de gestion qui

ne doit pas rester fixe et uniforme. Par conséquent, cette opération s’inscrit dans un cadre de

1 6 Idem.1 7 D. Catteau, op. cit., §-253.

3

Page 37: Mémoire de recherche

gestion aux limites relativement souples et flexibles (§-1) en dépit de la persistance réelle de

contraintes de gestion (§-2).

§-1) Un périmètre de gestion souple en apparence.

Il n’existe pas de B.O.P. unique. Un budget opérationnel de programme peut prendre

diverses formes, plusieurs visages en fonction de la zone dans laquelle il s’insère. Cela vise

naturellement à répondre à l’objectif d’adaptabilité des politiques publiques sur le terrain. Le

document de travail de juillet 2003 du COPIL est le premier texte à mettre en évidence de

manière précise la question du périmètre du B.O.P., de sa marge d’intervention effective. Son

périmètre « se définit à partir du programme auquel il est rattaché. Il en épouse la

structure »18. Le périmètre s’identifie à partir du champ d’application du programme puisque

le budget opérationnel de programme constitue une segmentation du programme comme nous

l’avons vu. Chaque B.O.P. regroupe « la part des crédits d’un programme à mettre à

disposition d’un responsable identifié »19 qui sera compétent :

- soit sur un périmètre géographique donné ;

- soit pour une activité déterminée.

Or, la question du périmètre de gestion du budget opérationnel de programme tire sa raison

d’être d’un double souhait, celui de déconcentrer les décisions de gestion au plus proche des

réalités territoriales et sectorielles tout en atteignant le niveau adéquat nécessaire au pilotage

des politiques publiques à l’échelle locale. Le B.O.P. se cale à l’organisation géographique

idoine pour la meilleure déclinaison des programmes. Comme le soulignent Marc Simmony et

Jean-Pierre Duprat, le choix de ce positionnement « revient, au premier chef, au responsable

de programme »20 . Ce dernier peut redéployer les crédits dont il dispose entre chaque B.O.P.

en cours de gestion même si ceux-ci sont en principe limitatifs et non fongibles entre eux. De

là naît une nouvelle organisation des budgets opérationnels de programme qui part non pas du

schéma traditionnel de l’administration française caractérisée par une forte uniformité et qui

embrasse indifféremment chaque pan de l’action publique mais du degré de pertinence du

périmètre de gestion.

1 8 Document de travail, op. cit., 2003, p. 4.1 9 Idem, p. 5.2 0 M. Simmony et J.-P. Duprat, art. cit., p 130 et s..

3

Page 38: Mémoire de recherche

Ainsi, le B.O.P. pourra se caler à différents types d’espace :

- le territoire national ;

- un ensemble interrégional ;

- une zone particulière transcendant les divisions administratives existantes comme les

zones de défense ;

- une région ;

- un département.

Les évolutions récentes de la cartographie des B.O.P. traduisent une large tendance à recourir

à la structure régionale pour leur gestion. Si le nombre des B.O.P. tend à s’effondrer pour les

départements (118 en 2008, contre 516 en 2007)21, il connaît une augmentation sensible au

niveau régional et interrégional où sont impliquées les administrations dites « à réseau » aux

structures déconcentrées développées comme celles chargées de l’agriculture et de la pêche,

de l’environnement et du développement durable, de l’éducation et de la culture ou des

politiques d’aide sociale. Mais, ce « positionnement régional, qui s’affirme essentiellement au

niveau de la programmation des activités et du pilotage de la performance ainsi que de la

répartition des crédits alloués au B.O.P., requiert une bonne articulation avec le niveau

départemental »22 puisque, dans la plupart des cas, les unités opérationnelles sont actives à ce

niveau. La majorité d’entre elles effectue les opérations programmées dans les B.O.P.

régionaux dans le cadre départemental. L’expérimentation, puis la préfiguration des budgets

opérationnels de programme, a démontré en 2004-2005 la nécessité d’établir une réelle

coordination entre ces deux niveaux de gestion opérationnelle par un dialogue de gestion

rénové ainsi que par l’intervention accrue du préfet qui s’assure de la cohérence des politiques

publiques. Les chartes de gestion jouent ici un rôle essentiel puisqu’elles fixent les rapports

entre responsables de programme, de budget opérationnel de programme et d’unité

opérationnelle. Au plan opérationnel, la cohérence des politiques est donc sauvegardée.

Néanmoins, les chartes de gestion ont un contenu qui reproduit les choix faits entre B.O.P. et

unité opérationnelle quant à la structuration. Ainsi, comme le relève Xavier Inglebert23 , « un

petit nombre de B.O.P. réduit la capacité d’arbitrage du responsable de programme ;

inversement, l’éclatement du programme en de nombreux B.O.P. rend plus complexe le

2 1 En 2009, il ne devrait plus avoir de B.O.P. au niveau départemental, sauf pour l’administration des finances.2 2 M. Simonny et J.-P. Duprat, art. cit., p. 131.2 3 X. Inglebert, op. cit.

3

Page 39: Mémoire de recherche

dialogue de gestion ». Un équilibre doit être observé au moyen des chartes de gestion entre

capacité d’arbitrage du responsable de programme et la nécessité de décliner les programmes

au plus près des réalités du terrain par le budget opérationnel de programme.

Cette organisation géographique et sectorielle des B.O.P. modifie les structures

administratives existantes et marquent l’avènement de la structure régionale et l’effacement

progressif de l’échelon départemental, étape supplémentaire dans le mouvement de

déconcentration administrative observée depuis le début des années 90. Ce phénomène est

accompagné par un autre indice de la flexibilité du périmètre de gestion des B.O.P. à savoir le

dépassement de la stricte identification entre un budget opérationnel de programme et une

action. L’action et le B.O.P. constituent tous les deux des subdivisions d’un programme. La

L.O.L.F. prévoit bien à son article 7 qu’un programme regroupe des crédits destinés à mettre

en œuvre une action ou un ensemble cohérent d’actions relevant d’un même ministère.

L’action est la composante d’un programme tandis que le B.O.P. consiste en la déclinaison

d’un programme et d’un seul au niveau opérationnel. Ces éléments ne sont pas situés à la

même échelle. Le premier est une pièce de la nomenclature budgétaire nouvelle mise en place

par la L.O.L.F. et le second est un vecteur de l’adaptation des politiques publiques au plan

opérationnel. Cette différenciation rend alors possible le regroupement de plusieurs actions au

sein d’un seul et même B.O.P., l’insertion d’une action dans un B.O.P., voire l’inclusion d’un

B.O.P. dans une action. Tous les cas de figure de regroupement ou de chevauchement sont

possibles comme le démontre l’exemple du programme n° 108 « Administration territoriale »

de la loi de finances. Celui-ci, rattaché au ministère de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des

collectivités territoriales, regroupe cinq actions. Les quatre premières, à savoir la coordination

de la sécurité des personnes et des biens, la garantie de l’identité et de la nationalité

accompagnée de la délivrance de titres, le contrôle de légalité et le conseil aux collectivités

territoriales ainsi que le pilotage territorial des politiques gouvernementales composent

chacune un budget opérationnel de programme. La dernière action, celle consacrée à

l’animation du réseau et au soutien des services préfectoraux, est intégrée par un seul B.O.P.

rattaché à la sous-direction de l’administration territoriale.

En plus de ne pas être associé directement à une action quelconque, le B.O.P. peut être

dissocié d’une unité opérationnelle particulière. Il se peut en effet qu’une activité constitue

l’unité opérationnelle d’un budget opérationnel de programme qui dépendra d’un autre

programme et même d’un autre ministère. Le B.O.P. de la cinquième action du programme

3

Page 40: Mémoire de recherche

« Administration territoriale » consacré au soutien des services préfectoraux regroupe des

crédits immobiliers qui seront dépensés au sein d’une unité opérationnelle d’un autre

programme du ministère de l’Intérieur, le programme de soutien. Par conséquent, l’unité

opérationnelle n’est pas liée au budget opérationnel de programme par un lien de pure

subordination. Leurs rapports ne sont pas hiérarchiques et le responsable d’unité

opérationnelle ne dépend pas du responsable de B.O.P.. La structuration des B.O.P. permet de

sortir d’un schéma pyramidal fait de liens de subordination juridique entre chacun des

échelons de cette organisation. Elle oppose à ce type de système basé sur le commandement

hiérarchique un mode de gouvernance financière plus pragmatique qui dégage et met en

valeur les spécificités de l’action publique qui n’est pas uniforme puisque les besoins qu’elle

cherche à satisfaire sont divers. Cela rejoint la malléabilité du périmètre de gestion des

B.O.P.. Toutefois, si le B.O.P. peut s’adapter à n’importe quel espace d’intervention, les

contraintes de gestion restent réelles.

§-2) La persistance réelle de contraintes de gestion.

Toute opération menée par l’administration ne peut pas s’exercer dans l’arbitraire et en

dehors de toute légalité. Il est somme toute normal qu’elle se soumette au droit. Le droit

administratif, puis le droit financier public, se sont construit en France au cours du XIXème

siècle pour offrir aux pouvoirs publics un cadre d’intervention délimité qui respecte et protège

les droits et libertés des citoyens. Il est par conséquent logique que le budget opérationnel de

programme et ses gestionnaires obéissent à des contraintes de gestion. Le responsable de

B.O.P. agit en effet dans un cadre relativement souple et dispose d’une large liberté tant en ce

qui concerne le redéploiement des crédits alloués que les moyens mis en œuvre en vue

d’atteindre les objectifs déclinés à son niveau. Toutefois, sa gestion du B.O.P. n’est pas faite

au mépris de règles essentielles à la cohérence des politiques publiques rendues

opérationnelles.

Or, la loi organique relative aux lois de finances est assez silencieuse sur ce point. Elle ne vise

que le programme pour poser certaines règles de gestion notamment le principe de la

fongibilité asymétrique qui réclame de la part des gestionnaires de ne pas réaffecter les crédits

disponibles au profit du titre 2 consacré aux dépenses de personnel puisque celles-ci sont

limitées par un plafond d’emploi. Au niveau du budget opérationnel de programme,

4

Page 41: Mémoire de recherche

l’application de cette modalité de gestion ne pose aucune difficulté même si une fongibilité de

type « symétrique » est reconnue. Ainsi toute augmentation des dépenses de personnel au sein

d’un B.O.P. devra être compensée dans la même proportion par une baisse de ressource

d’emploi dans un autre B.O.P.. Le responsable de programme reste libre pour imposer ou non

cette règle de la fongibilité asymétrique aux responsables de B.O.P. s’il l’estime opportun.

Le contrôle financier exercé en aval de la procédure de constitution du B.O.P. ne constitue pas

en soi une contrainte depuis la réforme de janvier 2005 qui renouvelle profondément ses

objectifs et modalités. Le décret du 27 janvier 2005 précité fait du contrôle financier un

moyen de s’assurer de la soutenabilité budgétaire du projet de B.O.P.. Au niveau de

l’exécution du B.O.P., ce contrôle se concentrera uniquement sur les propositions de

diminution des crédits réservés en vue d’une régulation, si la distribution initiale des crédits

est rendue inadaptée face aux nouveaux besoins qui seraient apparus. L’avis du contrôleur

financier portera alors sur le strict respect de la fongibilité asymétrique au sein du budget

opérationnel de programme.

La L.O.L.F. prévoit de surcroît la possibilité de revenir sur le montant des crédits affectés à un

programme, et donc par ricochet à un budget opérationnel de programme, durant leur mise en

œuvre. Les décrets de virement de l’article 12 l’autorisent. Il y est énoncé que des virements

« peuvent modifier la répartition des crédits entre programmes d’un même ministère ». Cette

pratique contournant le principe de spécialité23 n’est tolérée que sous le respect de certaines

conditions. En effet, le montant cumulé, au cours d’une même année, des crédits ayant fait

l’objet de virements, « ne peut excéder 2% des crédits ouverts par la loi de finances de l’année

pour chacun des programmes concernés ». Un bouleversement inopiné des circonstances rend

obsolète la répartition des crédits opérée initialement. Des dégâts matériels résultant d’une

inondation ou d’une tempête, la survenance inattendue d’une crise économique rend

nécessaire la modification des principales lignes fixées dans le budget sans pour autant passer

obligatoirement devant le Parlement par un collectif budgétaire. Cette possibilité de virement

des crédits remet en cause la loi de finances initiale, le contrat passé entre le gouvernement et

le Parlement. Or, l’autorisation budgétaire donnée par les parlementaires devrait être révisé,

comme tout contrat en droit, si cette modification est rendue indispensable par un

bouleversement des circonstances rendant l’exécution du budget difficile, voire impossible.

2 3 Suivant lequel chaque crédit a une destination particulière spécifiée par la loi de finances.

4

Page 42: Mémoire de recherche

Ces circonstances devraient comme en droit des contrats civils présenter les caractères de la

force majeure, c’est-à-dire résulter d’un fait imprévisible, irrésistible et extérieur pour

autoriser la nouvelle répartition des crédits. Or, transposer à un droit financier public

transformé par les apports de la nouvelle gestion publique et tourné vers la performance ces

règles issues du droit privé viendrait compromettre les impératifs de gestion budgétaire. Le

budget perdrait alors en souplesse et l’on retournerait au système antérieur à la L.O.L.F.. Le

principe de la spécialité budgétaire appliqué aveuglement se retournement paradoxalement

contre lui-même. Reconnaître des possibilités de dérogations strictes aurait un effet similaire.

La régulation budgétaire, à l’heure de la L.O.L.F., est par conséquent rendue nécessaire. Elle

est désormais aux mains des gestionnaires territoriaux qui useront de cette faculté de

redéploiement des crédit reconnue dans la L.O.L.F. pour adapter l’action publique aux

problématiques territoriales. Le responsable de programme pourra faire les réajustements

nécessaires entre les budgets opérationnels de programme.

Sa liberté de redéploiement n’est pas totale surtout si l’on se situe au niveau d’une

administration déconcentrée. Comme le reconnaît Xavier Inglebert24, « la liberté dont dispose

le responsable de programme ne lui permet pas de réallouer facilement, en cours d’exercice,

dix emplois d’un service déconcentré situé à Lille vers un service déconcentré équivalent situé

à Marseille ». La déconcentration des services si elle est poussée à son paroxysme suivant un

mouvement centrifuge conduirait à une grande dispersion des budgets opérationnels de

programme au plan géographique si bien que la fongibilité asymétrique serait privée d’effets

réels. Les B.O.P. perdraient en souplesse et n’échapperaient pas au risque d’une rigidification

excessive, la possibilité d’un réaménagement de leur organisation se posant non plus en cours

d’exécution mais chaque année durant leur programmation annuelle. Les dérives du système

de l’ordonnance du 2 janvier 1959 auxquelles la L.O.L.F. entendait apporter un remède

efficace sont ainsi bien loin d’être écartées. Les chartes de gestion freineront les risques d’une

dispersion des compétences en délimitant les attributs des acteurs de la déclinaison

opérationnelle des programmes. Le niveau de déclinaison opérationnelle influera sur la

répartition des rôles. En effet, si le B.O.P. est déconcentré, le responsable de programme aura

tendance à restreindre sa propre marge de manœuvre par la délégation au responsable de

B.O.P. d’une liberté d’action plus large car celui-ci sera en prise directe avec le territoire. La

logique sera inversée pour le B.O.P. central puisque le responsable de programme sera plus

2 4 X. Inglebert, op. cit..

4

Page 43: Mémoire de recherche

proche avec les services d’exécution. C’est la règle de subsidiarité qui s’applique qui confère

pleine compétence à l’échelon le plus proche du problème à résoudre.

La crainte d’une déconcentration des crédits vers les B.O.P. est une attitude que la Mission

MILOLF de surveillance de la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances

avait observée dès 2006 dans son rapport du 15 juin 200625. Celui-ci a reconnu des

manœuvres de conservation de « crédits en centrale, sans que la justification apparaisse

pleinement »26, s’appuyant sur le cas de B.O.P. déconcentrés qui ne comprendraient que les

dépenses d’intervention, laissant ainsi les dépenses de fonctionnement et de personnel au

niveau central. Il s’agit là « d’un contournement manifeste de l’esprit de la L.O.L.F. et du

principe de fongibilité asymétrique »27 . Le défaut de déconcentration des dépenses de

personnel reste toutefois compréhensible du fait d’un manque d’un mécanisme de pilotage des

ressources humaines des services déconcentré qui reste encore à un stade embryonnaire. La

nouvelle notion d’équivalent temps plein travaillé (E.T.P.T.) qui remplace les effectifs

budgétaires n’a pas encore déployé tous ses effets au niveau déconcentré. Les responsables de

terrain seraient conduit à établir un suivi régulier des emplois et de la masse salariale que

seuls les responsables ministériels seraient en mesure d’effectuer.

A ce défaut de déconcentration des crédits s’ajoute un fléchage des crédits qui demeure tenace

dans certaines administrations. Les crédits accordés aux B.O.P. restent compartimentés dans

des catégories desquelles ils ne peuvent sortir. Le programme « Gestion durable de

l’agriculture, de la pêche et du développement rural » constitue un exemple typique de la

survivance d’une pareille pratique puisque le responsable de programme interdit

expressément toute répartition de crédits entre actions. Or, un gestionnaire n’est pleinement

responsable que s’il dispose d’une liberté large de réaffectation des sommes disponibles.

Cette rigidification des B.O.P. est motivée par le souhait des ministères, dépossédés par la

réforme budgétaire de 2001 d’une partie de leurs compétences financières, de conserver leur

maîtrise d’hier de la programmation des crédits et de leur exécution. Les réflexes hérités du

système de 1959 demeurent ancrés dans une culture qui supporte assez mal la déconcentration

2 5 Rapport d’information n° 3165 du 15 juin 2006 sur la mise en œuvre de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances déposé par la Commission des finances, des affaires économiques et du plan et présenté par les députés Michel Bouvard (R.P.R.), Jean-Pierre Brard (apparenté P.C.F.), Charles de Courson (U.D.F.) et Didier Migaud (P.S.).2 6 Idem, p. 63.2 7 Ibid..

4

Page 44: Mémoire de recherche

des crédits d’autant plus que celle-ci est accompagnée par une déconcentration accrue des

décisions et des modes de gestion.

Cette résistance serait en partie surmontée par un meilleur partage des rôles et des

responsabilités entre gestionnaires de programme et gestionnaires de B.O.P.. Le responsable

de programme doit rester libre dans la gestion du programme dont il a la charge et admettre

une marge de manœuvre large au profit des responsables de B.O.P.. Dans le cas contraire, si

les responsables sont cantonnés au seul respect des consignes données par le responsable de

programme, consignes qui brideraient leur marge de manœuvre, le risque serait grand de

susciter chez eux une démotivation dangereuse pour la pérennité du nouveau système.

Le B.O.P. complète et renforce la réforme budgétaire impulsée en 2001 avec la

L.O.L.F. en offrant aux gestionnaires libres et responsables la possibilité d’adapter les

politiques et stratégies nationales aux réalités du terrain. Cependant, le fait qu’il résulte d’un

droit dérivé élaboré par les services administratifs constitue une faiblesse qui marque

durement l’incertitude qui rôde quant à sa nature et à son périmètre de gestion. Ceci prouve

que le B.O.P. est un complément en devenir dont les contours ne sont pas fixés de manière

définitive. Or, la réforme budgétaire a considérablement modifié les bases de l’Etat en prenant

acte des évolutions récentes qui ont signifié la disparition d’un Etat providence protecteur et

l’avènement d’un Etat stratège à la recherche de la performance de l’action publique dans un

contexte d’explosion du déficit et de gonflement de la dette. C’est à ce titre que les budgets

opérationnels de programme constituent un véritable levier de la modernisation de l’Etat.

4

Page 45: Mémoire de recherche

Seconde partie   : Les budgets opérationnels de programme, instrument nécessaire de la modernisation de l’Etat.

L’Etat en plus de trois siècles a changé de visage au fur et à mesure des évolutions de

notre société et des besoins ressentis par la population. Naguère Etat de police se contentant

de concentrer son effort sur les prérogatives naturelles de la puissance publique, c’est-à-dire le

maintien de l’ordre, la tenue d’une justice effective, l’entretien de relations diplomatiques et le

droit de battre monnaie et de lever l’impôt, l’Etat est devenu interventionniste. Au-delà de ses

fonctions régaliennes, il s’est préoccupé de la bonne marche des activités économiques en

jouant un rôle déterminant dans la relance de la production industrielle et l’amélioration du

niveau de vie au sein des pays développés. Puis, face aux crises intervenues dans les années

70 et à son incapacité à en limiter ses principaux effets, l’Etat a limité son champ d’action.

Dans un contexte de dégradation des finances publiques et d’interdépendance des systèmes

économiques et monétaires mondiaux, il ne joue plus que le rôle de régulateur des activités de

production au moyen de la politique budgétaire.

Le droit financier public a connu des évolutions similaires. Il fut conçu à la base sous la

Restauration en tant que moyen destiné à encadrer l’action budgétaire de l’Etat comme en

témoignent les grands principes des finances publiques encore en vigueur de nos jours même

si ils ont vu leur contenu se renouveler. Le budget est voté par le Parlement pour une durée

d’un an. Il doit recenser toutes les recettes et toutes les dépenses sans contraction préalable et

sans que la répartition initiale des crédits soit modifiée. Ces principes d’annualité, d’unité,

4

Page 46: Mémoire de recherche

d’université et de spécialité sont autant de barrières à une intervention étatique regardée avec

méfiance. La montée en puissance d’un Etat interventionniste aura immanquablement un

impact sur la fonction assignée au budget. Celui-ci, dès les années 50, servira dans une

optique keynésienne1 à financer les politiques de relance de la production nationale. Le

budget, comme l’énonce l’article 1er du décret-loi du 19 juin 1956, « traduit les objectifs

économiques et financiers du Gouvernement »2 . L’arme budgétaire verra son rôle confirmé

dans l’ordonnance du 2 janvier 1959. Evidemment, le renouveau des idées libérales dès les

années 70 relèguera le budget volontariste des « Trente Glorieuses » au rang des instruments

inefficaces pour résoudre la crise économique. Si l’Etat était quarante ans plus tôt la solution,

il devient le « problème »3. Le budget revient à des fonctions plus modestes qu’auparavant

même si la recherche de l’équilibre budgétaire est sans cesse mise à l’ordre du jour. La loi

organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 entérine cette évolution et confirme

l’avènement d’un Etat stratège sensibilisé à la réduction des déficits publics et à l’apurement

des comptes de la Nation. L’action publique tend à s’orienter vers la performance qui n’est

pas la recherche du profit au sens entrepreneurial mais la volonté d’atteindre des objectifs

mesurables par des indicateurs fiables.

Ainsi, les mutations du droit financier public sont inséparables du mouvement de

modernisation de l’Etat. La L.O.L.F. s’oriente dans cette direction. En plus d’enrichir les

pouvoirs du Parlement et de renouveler la nomenclature budgétaire, elle constitue un levier

puissant de réforme de l’Etat. André Barilari et Michel Bouvier abondent dans ce sens et

reconnaissent que « la réforme de l’Etat est un concept plus large que la réforme budgétaire ;

elle requiert, outre l’amélioration du fonctionnement des organismes administratifs, la

nécessité de repenser le rôle de l’Etat, au niveau stratégique, en tenant compte des options de

philosophie politique, du développement du rôle d’autres acteurs institutionnels, du contexte

économique et social »8.

Les budgets opérationnels de programme s’inscrivent dans le même mouvement de réforme

de l’Etat puisqu’ils déclinent les orientations stratégiques nationales au plus près des réalités

1 Du nom de John Maynard Keynes (1883-1946), économiste britannique qui proposera le recours à une politique économique conjoncturelle par l’accroissement des dépenses publiques et l’investissement afin de remédier aux défaillances du marché.2 Article 1er du décret n° 56-601 du 19 juin 1956, op. cit., p. 5632.3 Selon Ronald Reagan, président des Etats-Unis d’Amérique de 1981 à 1989, dans son discours d’investiture du 20 janvier 1981 : « In this present crisis, government is not the solution to our problem ; government is the problem ».8 A. Barilari et M. Bouvier, op. cit., p. 82.

4

Page 47: Mémoire de recherche

territoriales et sectorielles. S’ils réactivent efficacement la politique de déconcentration menée

depuis plusieurs décennies (Chapitre 1er), ils demeurent un instrument de refonte des systèmes

financiers publics à parfaire (Chapitre 2).

Chapitre 1 er   : Un instrument efficace de réactivation de la déconcentration de l’Etat.

Le B.O.P. doit correspondre aux attentes de tel ou tel espace du territoire national.

Bien qu’il puisse également intervenir au niveau de l’administration centrale, cet instrument

s’inscrit dans la continuité de la politique de déconcentration conduite par l’Etat depuis le

début des années 60. La déconcentration consiste en un aménagement de la centralisation

administrative. Il s’agit d’un système « dans lequel le pouvoir de décision, et pas seulement de

préparation et d’exécution, est exercé par des agents ou organismes résidant localement (dans

une circonscription administrative), mais demeurant soumis à l’autorité centrale qui les

nomme »1. Cela correspond à l’institution d’un nouvel échelon administratif au sein d’une

même personne publique, l’Etat. En somme, « c’est le même marteau qui frappe, mais on en a

raccourci le manche »2 . Le B.O.P., à ce titre, replace le préfet, représentant local de l’Etat, au

premier plan de la déclinaison opérationnelle des programmes (Section 1), rôle enrichi par la

volonté d’encourager une démarche interministérielle impliquant tous les gestionnaires

territoriaux (Section 2).

Section 1   : L’institution préfectorale réhabilitée.

Les budgets opérationnels de programme sont dans une certaine mesure un révélateur

du mouvement de déconcentration de l’Etat. La figure du préfet a connu de véritables

bouleversements à tel point que sa fonction, hier encore critiquée et souvent délaissée par les

1 Sous la dir. de M. de Villiers, op. cit., p. 131.2 Suivant la célèbre formule d’Odilon Barrot (1791-1873), ministre et Président du Conseil sous la Seconde République (1848-1849) ainsi que vice-président du Conseil d’Etat de 1872 jusqu’à sa mort.

4

Page 48: Mémoire de recherche

politiques de décentralisation3 , est réhabilitée par la réforme budgétaire. L’institution

préfectorale participe ainsi pleinement au processus d’élaboration ainsi qu’à la gestion du

budget opérationnel de programme. Son rôle qui a vu son contenu se diversifier (§-1) connaît

depuis quelques années de profondes mutations tendant à faire de lui un acteur à part entière

de la procédure budgétaire (§-2).

§-1) Un rôle sans cesse grandissant.

L’institution préfectorale actuelle ne correspond en rien à l’institution napoléonienne

de la loi du 28 pluviôse an VIII. Le Premier Consul Bonaparte affichait bien son intention à

l’époque de ne créer qu’un relais d’un pouvoir étatique caractérisé par un centralisme

exacerbé et une concentration forte des pouvoirs. Le préfet de la première moitié du XIXème

siècle dispose de compétences moindres. Il est un délégué du gouvernement sans autorité

propre, un élément comme un autre d’une chaîne administrative comme l’a souligné Chaptal :

« Le préfet ne connaît que le ministre, le ministre ne connaît que le préfet. Le préfet ne discute

point les actes qu’on lui transmet : il les applique, il en assure et surveillance l’exécution (…),

il transmet la loi et les ordres du gouvernement jusqu’aux dernières ramifications du corps

social avec la rapidité du fluide électrique »4 . Le Second Empire5 impulsera le mouvement de

transfert de compétences du Chef de l’Etat et des ministres vers le préfet, mouvement qui se

poursuivra sous la Troisième République, avec le décret-loi du 5 novembre 1926 qui lui

reconnaîtra le pouvoir de tutelle sur les collectivités territoriales, et la Quatrième République,

grâce à l’admission d’un statut particulier des préfets par le décret du 19 juin 1950.

Les compétences de l’autorité préfectorale en matière budgétaire et financière ne se

développeront que très tardivement sous la Cinquième République. Les décrets du 14 mars

1964 font du préfet le représentant de chacun des ministères au niveau départemental.

L’article 1er du décret n° 64-250 du 14 mars 1964 précise en effet que le préfet, « dépositaire

3 Les lois « Defferre » de 1982-1983 relancent la politique de décentralisation qui se traduit notamment par la reconnaissance de nouveaux droits et libertés aux collectivités territoriales et par la suppression de la tutelle préfectorale sur celles-ci.4 Jacques-Antoine Chaptal (1756-1832), chimiste de formation, fut ministre de l’Intérieur (1801-1804), sénateur et Pair de France.5 Cette reconnaissance de réelles prérogatives aux préfets favorisera l’émergence de préfets bâtisseurs et visionnaires dont le baron Haussmann, préfet de la Seine de 1853 à 1870 qui initiera un vaste et ambitieux plan de rénovation et d’assainissement de la capitale.

4

Page 49: Mémoire de recherche

de l’autorité de l’Etat, veille à l’exécution des lois, des règlements et des décisions

gouvernementales. Il est le délégué du gouvernement et le représentant direct de chacun des

ministres »9. Par conséquent, si il veille à l’exécution des décisions nationales, il sera

logiquement chargé d’assurer la bonne exécution de la loi de finances au niveau du

département. Les compétences du préfet, dans le conteste d’un mouvement de

décentralisation, seront renforcées par les lois « Defferre »7 de 1982-1983. Il n’est plus

seulement coordonnateur des politiques publiques mais aussi directeur des services de l’Etat à

l’échelon local.

Ce phénomène centrifuge est accéléré par la loi d’orientation « Administration territoriale de

la République », dite « A.T.R. », du 6 février 19928 accompagnée par le décret du 1er juillet

1992 portant Charte de la déconcentration9. L’administration territoriale de la République est

assurée par les collectivités territoriales et les services déconcentrés de l’Etat. La

déconcentration devient ainsi la règle générale de répartition des attributions et des moyens

entre les différents échelons des administrations civiles de l’Etat.

Cet arsenal législatif et réglementaire qui s’est considérablement enrichi traduisant de manière

incontestable l’avènement d’un pouvoir préfectoral disposant de compétences larges dans la

direction et la gestion des services déconcentrés. Il devient dans une certaine mesure

l’équivalent du Premier ministre au niveau territorial. Selon Jacques Chevallier, « l’Etat

devient ainsi un ‘Etat territorial’, dont la logique d’action épouse la diversité des contextes

locaux »10 . Le préfet, vecteur de l’application des stratégies nationales au terrain, est reconnu

comme ordonnateur secondaire unique de droit commun des budgets ministériels. C’est le

reflet budgétaire de leur qualité de représentant de l’Etat. Cependant, le phénomène de

déconcentration des administrations constaté depuis les années 60 était seulement juridique. Il

s’agissait d’une « déconcentration des compétences juridiques »10 accompagnée d’une

« déconcentration juridique du pouvoir hiérarchique » et « des moyens »12. Or, la

9 6 Décret n° 64-250 du 14 mars 1964 relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation des services de l’Etat dans les départements et à la déconcentration administrative, J.O.R.F. du 20 mars 1964, p. 2588.7 Du nom du ministre socialiste de l’Intérieur et de la Décentralisation de 1981 à 1986

.8 Loi d’orientation n° 92-125 relative à l’administration territoriale de la République du 6 février 1992, J.O.R.F. du 8 février 1992, p. 2064.9 Décret n° 92-604 portant Charte de la déconcentration du 1er juillet 1992, J.O.R.F. du 4 juillet 1992, p. 8898.1 0 J. Chevallier, op. cit., p. 425 et s..1 0 B. Abate, op. cit., p. 17.1 2 Idem p. 18.

4

Page 50: Mémoire de recherche

déconcentration a échoué puisqu’elle s’est cantonnée à un strict transfert des compétences

sans se préoccuper du mode de gestion. L’accroissement des compétences des autorités

préfectorales s’effectuait dans un cadre de gestion fortement marqué par une culture

bureaucratique axée non sur la recherche de la performance mais sur le respect de la règle de

droit. Le préfet était chargé d’appliquer scrupuleusement des orientations définies par le

gouvernement et les ministères.

Bernard Abate met en lumière les insuffisances des politiques de déconcentration qui ont

échoué à réduire le poids de l’Etat central sur la scène administrative. Elles doivent être

complétée par la mise en place d’un mode de gestion tourné vers les résultats à atteindre. En

effet, cela implique une « autonomie réelle des services opérationnels » qui « supposerait que

les administrations centrales définissent les résultats attendus et fassent de la responsabilité

sur les résultats le pivot de la délégation des autres responsabilités »13. Or, le souhait de

tourner l’action publique déconcentrée vers des objectifs s’est manifestée en 1999, puis en

2001, par la création des schémas de service collectif et des directives nationales

d’orientation. Comme Xavier Inglebert les présente14, les schémas de service collectif sont

« conçus comme des instruments de pilotage central permettant à l’Etat de veiller à la

présence équilibrée des équipements et services publics ». Les directives nationales

d’orientation consistent elles en des documents synthétiques conçus par chaque ministère et

chargés de définir des objectifs de politique publique dont les services déconcentrés

déterminent les conditions de mise en œuvre. Elles opèrent une meilleure répartition entre ce

qui doit relever du pilotage central et ce qui dépend de la mission des services déconcentrés.

Ces dispositifs de détermination d’objectifs à atteindre au niveau déconcentré ont eu un

impact relativement limité. Les schémas de service collectif dont les principaux effets

devraient être visibles dans un horizon de vingt ans n’ont pas suscité la formulation

d’objectifs précis et immédiatement applicables. Comme les directives nationales

d’orientation, ils sont trop récents pour que l’on puisse en mesurer les incidences éventuelles

rapidement.

Ces mécanismes sont été complétés simultanément dès la fin des années 90 par la pratique

soutenue d’un dialogue de gestion destiné à rendre plus aisée la déclinaison des politiques

1 3 Ibid. p. 19.1 4 X. Inglebert, op. cit. p. 246.

5

Page 51: Mémoire de recherche

publiques au niveau local. Les relations entre services centraux et services déconcentrés

deviennent régulières notamment avec la démarche des « contrats de service » résultant d’une

circulaire conjointe des ministère du Budget et de la Réforme de l’Etat du 12 juillet 1996. Ces

contrats promeuvent la constitution de budgets globaux et accordent aux autorités

déconcentrées des marges de manœuvre budgétaire larges. Si ce procédé contractuel sera vite

abandonné car regardé avec méfiance par des ministères craignant une limitation même

marginale de leurs prérogatives budgétaires, il traduira clairement la conscience que la liberté

de gestion des crédits au niveau déconcentré doit être secondée par un pilotage des résultats

attendus. Les programmes pluriannuels de modernisation de la circulaire du 3 juin 1998 iront

dans le même sens mais connaîtront un résultat analogue, la Cour des comptes ayant relevé

que les objectifs formulés étaient trop vagues pour être utiles.

Le terrain était ainsi préparé pour la loi organique du 1er août 2001 qui confirme les premiers

balbutiements de la mise en place d’une gestion budgétaire déconcentrée. Le budget

opérationnel de programme est la pièce maîtresse de la nouvelle architecture qui associe

centre et périphérie et accorde au préfet une place déterminante.

Le système de l’ordonnance de 1959 caractérisé par un grand cloisonnement entre chaque

chapitre budgétaire rattaché à un ministère spécifique n’accompagnait pas le transfert des

moyens financiers aux services déconcentrés de compétences de gestion si bien que les

gestionnaires de terrain n’étaient pas responsabilisés dans un cadre où leurs marges d’action

étaient limitées et en étroite dépendance avec les services centraux. La L.O.L.F. revient sur

cette lacune en offrant aux responsables déconcentrés les moyens de piloter les crédits

disponibles. La structure en B.O.P. et en unités opérationnelles d’exécution leur reconnaît la

faculté d’assurer la programmation des moyens accordés, à y rattacher des objectifs et des

indicateurs suivant le respect de la règle de la fongibilité asymétrique. Le préfet, en tant que

représentant local de l’Etat, sort transformé par la réforme budgétaire. Il est désormais le

« garant de la cohérence de l’action territoriale interministérielle de l’Etat »15. Il est chargé de

vérifier si la déclinaison des politiques publiques au niveau opérationnel est conforme aux

stratégies impulsées par l’Etat central. Il s’assure donc de la compatibilité des budgets

opérationnels de programme avec les stratégies nationales. Bernadette Malgorn rappelle avec

insistance les apports de la L.O.L.F. sur l’institution préfectorale16 en observant à juste titre

1 5 F. Mordacq et a., op. cit., p. 245.1 6 B. Malgorn, « Le Préfet et la L.O.L.F. », R.F.F.P. n° 91, septembre 2005, p. 92.

5

Page 52: Mémoire de recherche

que certains « ont voulu voir dans la L.O.L.F. une machine de guerre contre la

décentralisation » en opposant au traitement transversal des politiques publiques par les

autorités déconcentrées la logique verticale persistante de la spécialité budgétaire « nécessaire

à l’exercice des prérogatives du Parlement ». La réforme de 2001 « la ramène à des justes

proportions par le nombre des missions et programmes par rapport aux chapitres de

l’ordonnance de 1959 ».

La L.O.L.F. et son droit d’application placent le préfet dans une position déterminante, en

amont dans la procédure de constitution du B.O.P.. Il donne un avis sur celui-ci c’est-à-dire

qu’il vérifie au préalable, avant qu’il soit transmis au responsable de programme pour

approbation, sa conformité avec les orientations nationales. Or, sa fonction ne s’arrête pas là.

Elle connaît actuellement de vastes mutations et est appelée à évoluer.

§-2) Un rôle en cours de mutation.

L’office du préfet en matière de budget opérationnel de programme s’exerce à deux niveaux.

Il vérifie en amont sa conformité avec les politiques nationales en préservant le caractère

interministériel de l’action publique et en aval, au niveau de l’exécution donc, il doit s’assurer

de la convergence des objectifs nationaux avec les politiques territoriales. Son rôle est double

mais conserve derrière une certaine unité en ce sens que, représentant de l’Etat, il garde à

l’esprit la volonté de traduire en des termes concrets mais cohérents les stratégies nationales.

Notons d’emblée que si le préfet a , comme l’énonce Damien Catteau17 , « ès qualité une

fonction de coordination dans le cadre de la déclinaison opérationnelle des programmes », il

demeure un responsable de B.O.P.. Il reste un gestionnaire de terrain chargé de la mise en

œuvre du programme « Action territoriale » de la mission « Administration générale et

territoriale de l’Etat ». Il est de surcroît responsable d’unité opérationnelle comme pour le

B.O.P. « Aménagement du territoire ». Il sera le mieux à même pour connaître les difficultés

et les enjeux suscités par la concrétisation des politiques publiques du fait de son double statut

de coordonnateur et de gestionnaire. Il abordera de front les problèmes de la constitution des

B.O.P. et de leur exécution en toute connaissance de cause.

1 7 D. Catteau, op. cit., §-307.

5

Page 53: Mémoire de recherche

En amont, il donne son avis sur les B.O.P. comme l’énonce l’article 23 du décret du 29 avril

200418qui énonce que les « projets de budget des services déconcentrés des administrations

civiles de l’Etat sont soumis pour avis au préfet ». L’assimilation du budget des services

déconcentrés au budget opérationnel de programme est compréhensible et traduit nettement la

volonté des initiateurs de la réforme budgétaire d’utiliser le B.O.P. comme un instrument de

relance d’une déconcentration qui tardait à trouver sa route errant entre transfert de

compétences strictement juridiques et réticences des pouvoirs centraux par crainte d’une

dépossession de certaines prérogatives. Ces résistances de l’ancien système gardent une trace

comme le démontre l’article 33 du décret d’avril 2004 qui exclut du champ d’intervention de

l’avis préfectoral certaines missions liées à l’action éducative, à l’inspection du travail et

surtout aux finances. Les administrations de l’Education nationale, du Travail et des Finances,

fortes de leur poids historique et de leur prestige, ont su signifier au gouvernement le souhait

de profiter de cette dérogation qui trouve sa principale et unique justification dans l’existence

de dispositifs internes à chaque administration concernée rendant inutiles l’avis du préfet qui

agit conformément à ses compétences. Il se contentera de valider le schéma de

programmation financière « désignant les responsables d’unités opérationnelles »19 . Le

champ d’intervention de l’avis est également et naturellement limité par le fait que le préfet ne

peut pas se prononcer sur l’intégralité des B.O.P. existant sachant qu’il en existe près d’une

cinquantaine par région. Dans un souci d’efficacité de l’action publique, il se concentrera sur

des B.O.P. à fort potentiel où les sommes et les intérêts en jeu sont importants, ceux qui

reflètent les priorités gouvernementales.

Ces « B.O.P. à enjeux » sont examinés par le Comité de l’administration régionale composé

selon l’article 35 du décret du 29 avril 2004 des préfets départementaux, des chefs des pôles

régionaux de l’Etat, du secrétaire général pour les affaires régionales et du trésorier-payeur

général, auxquels peuvent être associés les chefs ou responsables des services déconcentrés

régionaux.

Un fois l’avis donné, celui-ci sera transmis au responsable de programme qui arrêtera le

schéma d’organisation financière chargé de définir « les unités opérationnelles chargées de la

mise en œuvre du B.O.P. et destinataires des mises à disposition ultérieures des crédits par le

1 8 Décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation et à l’action des services de l’Etat dans les régions et les départements, J.O.R.F. du 30 avril 2004, p. 7755.1 9 Minefi, Guide pratique de la déclinaison des programmes, op. cit., p. 30.

5

Page 54: Mémoire de recherche

responsable de B.O.P. »20. Des modifications peuvent être proposées afin de mieux prendre en

considération les orientations nationales. Un ajustement des services aux crédits disponibles

pourrait ainsi être suggéré soit dans le sens d’un renforcement, si l’action publique dans ce

domaine là est prioritaire, soit dans le sens d’une réduction, si au contraire l’intervention ici

doit être atténuée du fait de besoins qui ne seraient plus criants.

La circulaire du 16 juin 200421 relève que le préfet « constitue l’autorité de synthèse

indispensable à la convergence des objectifs nationaux et des politiques territoriales dont il a

la responsabilité ». Son office suppose un rapport permanent et continu avec les acteurs

locaux au sein du Comité de l’administration régionale dont la consultation n’est pas

impérative. Celui-ci dispose alors de la faculté de se prononcer, sur proposition du préfet

régional, sur les projets de B.O.P. qui lui seraient soumis. Ce véritable « état major de l’action

régionale »22 est le lieu de rencontre des acteurs locaux qui, par un échange de vues, définiront

le champ d’intervention des B.O.P. et informeront le préfet sur l’exercice de son avis.

Outre cette fonction, la qualité d’ordonnateur secondaire reconnue au préfet et consolidée par

le décret du 29 avril 2004 renforce le rôle coordonnateur du préfet. Ils peuvent par conséquent

déléguer leur signature au profit d’ordonnateurs secondaires délégués tels que les

responsables d’unités opérationnelles lorsqu’il s’agit de l’exécution du budget opérationnel de

programme. L’article 21 du décret précité prévoit cette hypothèse. En effet, les crédits

budgétaires qui doivent être exécutés par les services déconcentrés de l’Etat « sont mis à

disposition du préfet, lorsqu’il n’a pas désigné d’ordonnateur secondaire délégué. La

délégation de signature d’ordonnancement secondaire entraîne la mise à disposition directe

des crédits aux ordonnateurs secondaires délégués ». Cette délégation est aux mains du préfet

qui peut en décider les principales modalités. Il peut à ce titre se réserver la capacité à signer

les actes juridiques d’une opération aux enjeux financiers lourds. Enfin, si le préfet n’opère

aucune délégation de signature, il lui revient de plein droit la faculté de gérer les crédits.

Le lien de dépendance entre services déconcentrés et autorité préfectorale semblerait se

renforcer. Ce signe est en réalité trompeur car si la délégation de signature dépend de la seule

2 0 Idem.2 1 Circulaire du 16 juin 2004 relative à l’application du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation et à l’action des services de l’Etat dans les régions et les départements, J.O.R.F. du 13 juillet 2004, p. 12644.2 2 Suivant les termes employés par M. Simmony et J.-P. Duprat, art. cit., p. 138.

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Page 55: Mémoire de recherche

volonté du préfet, cette compétence d’ordonnateur secondaire de droit commun qui lui est

reconnue est justifiée par sa qualité de garant de la cohérence des politiques publiques,

élément qui témoigne de la prévalence d’une démarche interministérielle.

Section 2   : Une démarche interministérielle encouragée.

La réforme de la déclinaison opérationnelle des programmes innove le plus quant au

rôle de coordonnateur qui est reconnu au préfet. Sur ce point, la circulaire précitée du Premier

ministre du 16 juin 2004 est sans ambiguïté. Elle dispose que « le préfet sera le garant, pour

les missions qui relèvent de son autorité, d’une approche transversale de la programmation et

de la répartition des crédits ». Cela se manifeste par la coordination véritable de l’ensemble

des gestionnaires budgétaires (§-1) même si le processus d’interministérialisation n’est

relancé que très timidement (§-2).

§-1) La coordination véritable de l’ensemble des gestionnaires budgétaires.

Le préfet est le coordonnateur des politiques publiques au niveau territorial. Or, cette

tâche de coordination correspond au regroupement des tâches accomplies par les gestionnaires

locaux, les responsables de budget opérationnel de programme et ceux d’unités

opérationnelles en vue de les mettre en cohérence non seulement entre elles mais également

par rapport aux orientations nationales. Il participe de ce fait pleinement au dialogue de

gestion puisqu’il est un élément charnière entre l’administration centrale et les responsables

budgétaires locaux. Représentant de l’Etat au niveau local, il se livre à une prise de décisions

qui soient pleinement conformes avec les attentes du moment ainsi que les réalités ressenties

par une population spécifique.

Les compétences nouvelles du préfet reconnues en 2004 sont le pendant de la L.O.L.F. mais

également de l’ « Acte II » du mouvement de décentralisation concrétisé par la loi

constitutionnelle du 28 mars 200323. L’article 1er de la Constitution révisée dispose désormais

que l’organisation de la République est décentralisée. Cette relance de la décentralisation

après les lois de 1982-1983 confirme l’existence de collectivités territoriales disposant d’une

liberté en matière de gestion de leur administration. Le principe de la libre administration est

2 3 Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République, J.O.R.F. du 29 mars 2003, p. 5568.

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Page 56: Mémoire de recherche

reconnu. Toutefois, la République reste décentralisée et par conséquent l’Etat français

demeure unitaire. Les collectivités territoriales ne sont pas les communautés autonomes

espagnoles ou des Etats fédérés d’Amérique. Le maintien de la structure de l’Etat unitaire

suppose que les collectivités territoriales ne sont pas souveraines. Leurs compétences ne sont

pas naturelles. Elles sont attribuées et délimitées par la loi. La réforme constitutionnelle de

mars 2003 implique donc nécessairement une redéfinition du rôle du préfet au niveau

déconcentré face à des collectivités décentralisées plus fortes. Il doit notamment concilier les

stratégies territoriales de l’Etat définies dans les P.A.S.E.R. avec les orientations des budgets

opérationnels de programme

Les P.A.S.E.R., suivant les termes de la circulaire du 13 mai 2004 relative à la préparation des

projets d’action stratégique de l’Etat24 , visent à « mieux éclairer la préparation des budgets

opérationnels de programme ». Or, cela ne correspond nullement à un mécanisme de

programmation budgétaire. Sa combinaison avec les B.O.P. est par conséquent inédite

puisque les deux dispositifs répondent à des logiques différentes, l’un étant fortement

imprégné par une logique contractuelle, de détermination consensuelle de rapports entre

plusieurs niveaux de responsabilités, et l’autre caractérisé par l’unilatéralisme fort de l’acte

administratif. La volonté du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin25exprimée dans son

discours de clôture des Assises nationales des libertés locales à Rouen, le 28 février 2003, est

claire. Il s’agit d’établir une sorte de « feuille de route » qui fixe pour une durée de trois ans

les priorités de l’action des services de l’Etat au niveau local. La conciliation des objectifs

d’un P.A.S.E.R. et d’un B.O.P. se révèle donc difficile d’autant plus que la période dans

laquelle ils s’inscrivent est différente. Les P.A.S.E.R. sont triennaux et les B.O.P. annuels car

déclinant un programme d’un budget répondant au principe de l’annualité.

Le P.A.S.E.R. veut concilier logique nationale et logiques locales. Or, cet instrument va de

pair avec la montée en puissance du préfet de région. Le décret précité du 29 avril 2004, puis

la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales26 , consacrent sa

prééminence dans les domaines du développement économique et social, de la ruralité, de

l’environnement ou de la culture. L’article 131 de cette loi donne une véritable responsabilité

2 4 Circulaire du 13 mai 2004 relative à la préparation des projets d’action stratégique de l’Etat, J.O.R.F. du 13 juillet 2004, p. 12642.2 5 Premier ministre de 2002 à 2005.2 6 Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, J.O.R.F. du 17 août 2004, p. 14573.

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Page 57: Mémoire de recherche

au préfet régional même si il ne dispose pas explicitement d’un pouvoir hiérarchique vis-à-vis

des préfets de département. En effet, il énonce que ces derniers « prennent des décisions

conformes aux orientations fixées par le préfet de région (…) et lui en rendent compte ».

Cette disposition démontre que le rôle futur de l’échelon régional qui est appelé à se renforcer

« soit directement parce qu’il donne lieu à application au niveau régional, soit indirectement

par l’intégration qu’il réalise, au moins pour partie et dans le limite des moyens attribués

annuellement au B.O.P. par le responsable de programme, certaines orientations retenues dans

les projets d’action stratégiques de l’Etat dans la région »27. Or, cela ne doit pas annoncer

l’effacement à terme du préfet départemental, voire la disparition de l’échelon du département

comme circonscription administrative. Pourtant, certains signaux tendent à prouver le

contraire. La Révision générale des politiques publiques lancée par le Chef de l’Etat en

décembre 2007 s’est attachée à faire de l’échelon régional le niveau de droit commun du

pilotage des politiques publiques dans les territoires et à affirmer la primauté du préfet de

région sur le préfet de département. Le rapport Il est temps de décider de mars 2009 du

Comité pour la réforme des collectivités locales présidé par Edouard Balladur, ancien Premier

ministre, même si il a été tenté par la suppression des départements, propose le regroupement

volontaire de ceux-ci. Or, revenir sur l’échelon départemental supposerait de mesurer l’impact

réel de cette mesure en matière budgétaire et, pour ce qui nous intéresse ici, en terme de

déclinaison opérationnelle des politiques publiques. La suppression d’un échelon aurait certes

pour effet d’éliminer un maillon du chaînon de l’exécution du budget dans un souci de

simplification de l’action publique. Néanmoins, il ne faut pas négliger les éventuelles

incidences quant à la gestion future des ressources humaines du niveau départemental. Les

propositions du rapport effleurent le sujet de la déconcentration et peinent à tirer les leçons de

la L.O.L.F. sur les autorités déconcentrés même si le Comité n’avait pour seule tâche que de

formuler des pistes de réforme pour les collectivités territoriales et non en direction des

administrations locales de l’Etat.

A ce niveau se situe donc un hiatus difficilement surmontable. Il s’agit de confronter la

nécessaire simplification de l’administration territoriale qui implique le regroupement

d’échelons et l’impérative adéquation des politiques publiques aux besoins locaux qui peuvent

varier au sein d’une même région d’un département à l’autre et ainsi les attentes seront

différentes en Ile de France entre la Seine Saint Denis et les Yvelines. Les budgets

2 7 M. Simmony et J.-P. Duprat, art. cit., p. 138.

5

Page 58: Mémoire de recherche

opérationnels de programme auront à trouver une solution à l’avenir en se servant de la figure

du préfet comme coordonnateur local de l’action publique et élément d’impulsion de

l’interministérialité, rôles qui prennent toute leur mesure lors du dialogue de gestion.

§-2) La relance timide du phénomène d’interministérialisation des politiques publiques.

Le préfet s’intercale ainsi entre le responsable de programme et les responsables de

B.O.P. et d’unités opérationnelles. Il se charge de faire prévaloir le caractère interministériel

des politiques publiques. Le verrou ministériel de l’ordonnance de 1959 qui enfermait les

crédits dans une catégorie prédéterminée et cloisonnée a sauté. Une politique publique bien

que rattachée à un ministère particulier ne doit pas rester indifférente aux préoccupations qui

pourraient relever du champ d’action d’un autre ministère. Par exemple, la politique agricole

n’est pas étrangère aux problématiques environnementales lorsqu’il s’agit de réglementer

l’activité d’exploitations polluantes ou l’utilisation d’engrais chimiques aux conséquences

néfastes sur la nappe phréatique. Certes, des regroupements ministériels ont été effectués

comme récemment en mai 2007 la création d’un Ministère d’Etat chargé de l’Ecologie, du

développement et de l’aménagement durables qui regroupe les services de l’Environnement et

ceux de l’Equipement aux logiques et priorités, il est vrai, difficilement conciliables.

Toutefois, le préfet, représentant des ministères au niveau local, permet de faire valoir l’unité

des politiques publiques et l’interministérialité. Il fait valoir les priorités de l’Etat sur le terrain

telles que définies dans les Projets d’action stratégique de l’Etat (P.A.S.E.) en régions

(P.A.S.E.R.) ou dans les départements (P.A.S.E.D.). C’est essentiellement le P.A.S.E.R. qui

sert d’aiguillon à la déclinaison des politique publique. Le préfet vérifiera la conformité des

B.O.P. avec les objectifs nationaux qui y sont exposés.

Toutefois, cette relance de l’interministérialisation des politiques publiques reste de faible

ampleur et ne dispose pas d’un instrument unique et clair. Cette démarche est ventilée entre

différents dispositifs répondant à des logiques bien distinctes comme la délégation inter-

services (D.I.S.) ou le Programme d’intervention territoriale de l’Etat. La Cour des comptes a

bien souligné les lacunes de la réforme budgétaire de 2001 dans son rapport particulier de

novembre 2003 consacré à la déconcentration des administrations28 . Le B.O.P. comme

segment d’un programme budgétaire contribue à rendre la démarche interministérielle

2 8 Cour des comptes, Rapport particulier, « La décentration des administrations et la réforme de l’Etat », J.O.R.F. de novembre 2003, p. 90.

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Page 59: Mémoire de recherche

difficilement effective puisqu’il correspond à une logique non pas horizontale qui regrouperait

une part importante des politiques publiques mais obéit à une organisation de type vertical en

raison de sa spécialité forte et de son lien persistant avec l’échelon ministériel. De plus, les

B.O.P. ne sont pas fongibles entre eux. Il n’est pas possible d’opérer une réaffectation de

crédits d’un B.O.P. à l’autre. Le souhait de décloisonner les politiques publiques émis par les

initiateurs de la L.O.L.F. rencontre ici ses limites. La déclinaison des programmes au niveau

opérationnel verra son succès dépendre du réaménagement des structures administratives. La

solution du « ministère chef de file » proposée par Marc Simonny et Jean-Pierre Duprat29

pourrait constituer une piste intéressante. Cela aurait pour conséquence de redéfinir les

champs de compétence ministérielle autour d’une poignée de ministères clefs qui

regrouperaient en leur sein l’ensemble des services adéquats. La mise en place de ministères

transversaux en mai 2007 lors de l’installation du gouvernement « Fillon »30 comme le

ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique traduit la volonté

d’associer différents personnels pour traiter de problématiques communes. Au niveau

déconcentré, nous voyons se définir peu à peu les contours d’un véritable contrôle de gestion

interministériel qui prend pour base l’article 22 du décret du 29 avril 2004 qui fait du préfet,

le garant de la performance des services déconcentrés. Il « s’assure de la prise en compte par

les services déconcentrés (…) des objectifs associés aux programmes et aux actions, mesurés

par des indicateurs ».

Hormis ces initiatives qui restent limitées et embryonnaires, l’effort est porté sur l’échelon

régional, terrain d’avenir de la réforme de l’Etat. Il devient le niveau stratégique de la mise en

cohérence des politiques de l’Etat et des actions menées par les collectivités décentralisées.

C’est ainsi que la circulaire du 16 novembre 200431 rationalise les entités territoriales de l’Etat

par le regroupement des services régionaux et interrégionaux en grands pôles régionaux dont

les responsables, chargés de l’animation et de la coordination des services internes, reçoivent

une lettre de mission du préfet qui peut leur déléguer sa signature.

Ce sont des signes positifs d’une relance véritable d’une démarche interministérielle globale

d’autant plus que le Programme d’interventions territoriales de l’Etat reste une solution

« limitée et dérogatoire »32 . Crée par le Conseil des ministres du 28 janvier 2004, le P.I.T.E. 2 9 M. Simmony et J.-P. Duprat, art. cit., p. 142.3 0 Premier ministre depuis 2007.3 1 Circulaire du 16 novembre 2004 relative à la réforme de l’administration départementale de l’Etat, J.O.R.F. du 24 novembre 2004.3 2 M. Simonny et J.-P. Duprat, art. cit., p. 143.

5

Page 60: Mémoire de recherche

entend contrecarrer les effets néfastes d’une L.O.L.F. à la logique verticale trop marquée.

C’est un programme d’envergure regroupant des actions régionales ou interrégionales

concernant plusieurs ministères « pour lesquels la fongibilité constitue une solution de

réalisation »33 bien qu’elle reste cantonnée au seul périmètre de ses actions et ne concerne pas

l’ensemble du programme.

La L.O.L.F. déplace le curseur de l’exécution budgétaire des administrations centrales

aux entités déconcentrées au premier rang desquelles se trouve le préfet. Celui-ci qui depuis le

début des années 90 a vu son rôle s’enrichir de nouvelles compétences, est censé devenir avec

la réforme budgétaire de 2001 un acteur incontournable de la procédure budgétaire tant au

niveau de la constitution qu’à celui de sa mise en œuvre. L’institution du B.O.P. traduit cette

diversification des tâches. Le préfet n’est plus le simple représentant local de l’Etat, mais un

véritable « Premier ministre des territoires » à la tête de services déconcentrés réorganisés.

Cependant, le B.O.P. doit compter avec certaines résistances de la logique verticale et

ministérielle puissantes qui rendent délicate toute démarche d’interministérialisation des

politiques publiques. Cela démontre la nécessité future de se servir du B.O.P. non seulement

comme un moyen de modernisation de l’Etat mais, plus encore, d’approfondir la refonte des

systèmes financiers publics.

3 3 X. Inglebert, op. cit., p. 258.

6

Page 61: Mémoire de recherche

Chapitre 2   : Un instrument perfectible de refonte des systèmes financiers publics.

Le budget opérationnel de programme a modifié en profondeur l’organisation

administrative des structures déconcentrées. C’est, outre son aspect purement organisationnel,

un bouleversement des modes de pensée qui est opéré ici par l’instillation d’éléments d’une

gestion territoriale du budget tournée vers la performance. Or, le B.O.P. n’est pas prévu

directement par la L.O.L.F.. C’est une création issue de son droit d’application aux qualités

juridiques contestables. Le fait que cet instrument décisif n’ait pas été prévu par un texte de

valeur juridique incontestable prouve qu’il reste inachevé. Son affinement se fera par les

gestionnaires territoriaux qui en sont les premiers destinataires mais également par l’Etat

central qui entend garder une marge de manœuvre suffisante. Le B.O.P. s’inscrit alors dans le

mouvement de transformation des systèmes financiers publics qu’il réactive de surcroît,

mouvement permanent puisqu’il épouse les évolutions économiques et sociales ainsi que le

type d’intervention des pouvoirs publics. Le B.O.P. est à parfaire tant au niveau de son cadre

de gestion (Section 1) qu’à celui de ses modalités de gestion (Section 2).

Section 1   : Un cadre de gestion opérationnelle des programmes à préciser.

Envisager les budgets opérationnels de programme sous l’angle de leur cadre de

gestion consiste à envisager ce dispositif novateur issu du droit positif dérivé de la L.O.L.F.

comme un système répondant à des règles et à une logique propres. Or, ce système est défini

par un champ d’action déterminé de manière précise, par un périmètre donné dans lequel il est

censé intervenir et opérer une programmation budgétaire. Ce périmètre renvoie

inévitablement à la question de son étendue. En somme, il pose deux types de problème, le

premier récurrent mais faussement délicat, celui du nombre excessif des budgets

6

Page 62: Mémoire de recherche

opérationnels de programme (§-1), et le second, également persistant mais réellement

complexe, celui des opérateurs de l’Etat (§-2).

§-1) Le faux problème du nombre excessif des budgets opérationnels de programme.

Le budget opérationnel de programme est une subdivision du programme, elle même

composante de la mission budgétaire. La nouvelle nomenclature budgétaire issue de la

L.O.L.F. a voulu, dans un souci affiché de transparence mais aussi de rationalité, présenter

clairement les principales orientations et stratégies de l’Etat par l’identification claire de ses

politiques publiques. Le budget opérationnel de programmes intervient en aval de la

procédure, durant l’exécution du budget par la mise à disposition des crédits au profit des

gestionnaires de terrain. La question de leur nombre contribue à analyser plus précisément

leur impact réel sur la mise en œuvre des programmes budgétaires et sur le fait de savoir si un

grand nombre aurait on non une incidence néfaste sur la déclinaison des politiques publiques.

Toutefois, il ne faut pas se tromper de sujet. Parler du nombre de B.O.P. se doit pas se limiter

à une approche purement quantitative de l’exécution budgétaire mais doit prendre en

considération des exigences de qualité de l’adaptation de l’action publique au terrain. Plus les

relais locaux du programmes seront nombreux, plus ils embrasseront avec exactitude les

réalités et spécificités territoriales. Or, les exigences quantitatives semblent prendre le pas sur

les impératifs de qualité. L’on parle régulièrement de l’abaissement du nombre de

fonctionnaires ou de la réduction du nombre de collectivités territoriales. Ces réformes que

l’on peut juger indispensables ou non à la réduction du train de vie de l’Etat doivent, dans un

souci de bonne pédagogie, s’accompagner auprès des citoyens et de leurs représentants

nationaux, les parlementaires, d’explications claires destinées à mesurer l’impact qualitatif

des mesures concernées. Les exigences du service public ne doivent pas être mises à l’écart.

S’attacher à la question du nombre de budgets opérationnels de programme consiste

6

Page 63: Mémoire de recherche

également à la traiter sous l’éclairage des principes de fonctionnement du service public1. Les

services chargés de la mise en œuvre du budget, qu’ils soient au niveau central ou

déconcentré, remplissent une mission de service public. Ils s’assurent de la bonne exécution

des dépenses publiques destinées à financer des activités d’intérêt général. Le service public

financier doit donc se soumettre aux exigences d’un fonctionnement continu, d’une

accessibilité, voire d’une proximité, à l’égard de tous les citoyens, d’une adaptabilité face aux

nouvelles exigences d’un lieu précis. Le service public doit, à toute époque et en tout lieu,

assurer le meilleur service possible à toute personne. Ce principe de mutabilité du service

public dispose d’un pleine et entière effectivité juridique comme l’a prouvé l’arrêt

« Vannier » rendu par le Conseil d’Etat, le 27 janvier 19612 .

Le nombre de B.O.P. doit remplir sa mission première, celle de décliner les programmes au

plus près des exigences locales. Or, ce sujet fait l’objet de débats récurrents soulevant

d’intenses critiques venues du Parlement quant au nombre jugé excessif des B.O.P.. Une

pareille observation doit partir de données certaines et vérifiables. Le nombre de B.O.P. pour

l’année 2008 a été de plus de 1900 contre plus de 2100 l’année précédente3. La baisse du

nombre de B.O.P. est incontestable du fait de la quasi-disparition des budgets opérationnels

de programme au niveau départemental.

Le rapport parlementaire d’information de 2008 sur la MILOLF observe la présence de

certains B.O.P. qui « présentent toujours un volume budgétaire trop étroit et ne disposent pas

de la ‘taille critique’ offrant une réelle marge de manœuvre à leur responsable »4 . La piste du

regroupement de B.O.P. peut ainsi être explorée et discutée comme le suggère la Cour des

comptes5. En effet, le principe de la fongibilité des crédits perdrait tout intérêt lorsque les

sommes en jeu contenues dans les enveloppes des B.O.P. sont particulièrement faibles. La

piste de le fusion est préférable face à la solution de la reconcentration au niveau central qui

serait un retour aux pratiques anciennes de l’ordonnance de 1959 par la technique du fléchage

des crédits. La fusion aura pour mérite réduire le nombre de B.O.P. centraux en laissant aux

B.O.P. déconcentrés une place déterminante.

1 Elles sont aussi appelées « lois de Rolland » du nom du professeur de l’Ecole du service public qui les a identifiées dans les années 30.2 Rec. C.E., p. 60.3 Chiffres du rapport parlementaire d’information n° 1058 du 16 juillet 2008 sur la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances (L.O.L.F.), p. 7.4 Idem, p. 8.5 Cour des comptes, Rapport sur les résultats de la gestion budgétaire de l’Etat pour l’année 2007, mai 2008.

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Page 64: Mémoire de recherche

Cette superposition de B.O.P. aux finalités différentes et placés au sein d’espaces

différenciés – département, région, interrégions et centre – peut représenter un danger

favorisant une trop grande stratification, voire une fragmentation des politiques publiques qui

s’éloigneraient, au fur et à mesure des échelons franchis, de la décision prise au niveau

national et stratégique.

L’impact serait limité si l’on s’en tient au respect de critères rendant aisé le rattachement d’un

B.O.P. auprès d’une autorité déconcentrée comme nous y incite Frank Mordacq6 qui en

identifie trois principaux :

- les nouvelles libertés de gestion « doivent permettre aux services opérationnels

d’accroître leur efficacité. Il faut donc que les responsables de B.O.P. soient

suffisamment proches du terrain pour apprécier l’efficacité des actions choisies ».

- le B.O.P. doit présenter une « taille suffisante » et être cohérent en matière de

programmation des crédits afin que les gestionnaires tirent pleinement profit de leur

liberté de gestion.

- Le dialogue de gestion doit être gérable avec une périodicité suffisante. Le nombre de

B.O.P. piloté par chaque responsable de gestion ne doit pas être excessif.

Or, ces trois critères pris ensemble ne militent pas tous en faveur de la réduction du

nombre des B.O.P. mais répondent à des logiques très contrastées. La proximité avec le

terrain supposerait une multiplicité et une malléabilité des B.O.P. tandis que la tenue d’un

dialogue de gestion véritable qui ne s’apparente pas à une cacophonie entre chaque

gestionnaire public réclamerait la solution inverse. La solution préférable pourrait tourner

autour du maintien des B.O.P. régionaux. Cela s’expliquerait par la disposition d’agents

en nombre suffisant pour que le principe de fongibilité des crédits ait une réelle portée. La

région devient, comme nous l’avons vu7, un niveau stratégique renforcé par les vagues

successives de décentralisation et de déconcentration. Enfin, comme le note Xavier

Inglebert8 , « le dialogue de gestion s’envisage plus facilement avec vingt-six (…)

interlocuteurs qu’avec cent ». Toutefois, la solution régionale ne doit pas être proposée à

l’exclusion de l’échelon départemental, échelon délaissé par les B.O.P. comme l’a relevé

6 F.Mordacq et a. op. cit., p. 236.7 Cf. supra p. 57.8 X. Inglebert, op. cit., p. 251.

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Page 65: Mémoire de recherche

le rapport parlementaire d’information précité de 2006 sur la MILOLF9 . Cela s’explique

difficilement d’autant plus que les services départementaux sont dans la plupart des cas les

unités opérationnelles des B.O.P., elles sont chargées « de la mise en œuvre concrète des

activités ou des opérations programmés ainsi que de l’exécution des dépenses du B.O.P. ».

Le problème du nombre des B.O.P. est par conséquent un faux problème qui masque le

problème délicat de la répartition des budgets opérationnels de programme entre le niveau

central et le niveau déconcentré et de la place de chacune des pièces de l’Etat territorial.

Mais, cet Etat territorial ne traduit pas seulement la diversité de ses modes d’action par

l’intermédiaire de ses entités déconcentrées mais aussi par le moyen des opérateurs qui, du

fait de leur nature incertaine, peinent à s’intégrer à la réforme budgétaire.

§-2) Le vrai problème de l’arrimage des opérateurs d’Etat à la réforme budgétaire.

Le vrai problème du difficile arrimage des opérateurs de l’Etat à la réforme budgétaire

prend sa source dans l’impossible définition de ces derniers. Ce concept est la résultante

directe de l’extrême diversification des fonctions de l’Etat. La multiplication des politiques

publiques conduit à la mise en place d’entités ayant la personnalité morale et aux statuts

divers. La catégorie des opérateurs de l’Etat n’est pas un bloc homogène puisqu’elle regroupe

un ensemble de personnes morales tant publiques que privées tels que les établissements

publics, les groupements d’intérêt public ou des associations. Or, leur activité, dans une

optique de transparence et de lisibilité budgétaire et du fait des masses financières en cause,

devrait être identifiée dans le document budgétaire. Tel n’est pas exactement le cas. Certes,

des efforts ont été fait depuis quelques années tendant à éclairer la complexité de la question.

Une annexe générale « jaune » complète depuis 2006 la loi de finances initiale synthétisant

une liste d’opérateurs, des flux financiers dont ils bénéficient ainsi que des emplois qu’ils

rémunèrent. La loi de finances pour 2008 a identifié 649 organismes correspondant à la

définition d’opérateurs d’Etat. Le contrôle parlementaire de cette catégorie semble se

renforcée, preuve que le problème traité est complexe et sensible.

Il est sensible car il vient atténuer l’impact de la loi organique de 2001 sur les bases d’une

nouvelle gestion publique qu’elle pose. La déclinaison des politiques publiques sur le terrain

qu’elle réclame est pratiquée par des responsables de programme, des responsables de budget

opérationnel de programme ou d’unités opérationnelles qui peuvent présenter la qualité

9 Op. cit., p. 54 et s.

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Page 66: Mémoire de recherche

d’opérateurs d’Etat. Or, le fait d’être opérateur d’Etat implique la soumission à un cadre

budgétaire précis similaire à celui du B.O.P.. Son budget devraient être compris dans les

programmes suivant une présentation matricielle en conformité avec le programme de

rattachement. De plus, l’opérateur rattaché à un programme budgétaire est chargé de décliner

à son niveau les objectifs définis au rang national. L’assimilation entre le budget des

opérateurs et le B.O.P. peut être aisément faite.

Les opérateurs de l’Etat avivent la tentation de débudgétiser. Elles échappent au champ du

radar budgétaire du fait de leur nature incertaine, de leur définition aléatoire et mouvante. La

L.O.L.F. ne vise pas expressément le concept d’opérateur. Elle vise seulement à ses articles 5,

51 et 54 les « organismes bénéficiaires d’une subvention pour charges de service public ». Le

recueil des normes comptables de 200410 est moins imprécis et recentre le périmètre des

opérateurs d’Etat autour de trois éléments à savoir :

- une activité non-marchande financée majoritairement par l’Etat ;

- une mission et des objectifs définis par l’Etat ;

- une activité encadrée par l’Etat.

L’opérateur de l’Etat serait donc un organisme réalisant une mission de service public dans un

cadre strictement défini par l’Etat. Or, cette définition reste insuffisante car elle ne s’inscrit

pas dans l’optique de la L.O.L.F. et de la déclinaison des politiques publiques au moyen

notamment des budgets opérationnels de programme. Elle refuse de prendre en compte l’une

des finalités de l’opérateur d’Etat, la finalité managériale, approche très peu prise en compte

selon André Barilari11 . En effet, leur action est tournée vers la performance. Par conséquent,

les opérateurs de l’Etat pourrait se définir comme des organismes disposant de la personnalité

morale mettant en œuvre une politique publique déterminée suivant une logique de

performance et financée par des subventions publiques.

La mise à l’écart des opérateurs du processus budgétaire peut s’expliquer par la volonté

gouvernementale de contourner les exigences financières qui se sont multipliées au fil des

années face à l’accroissement des déficits et de la dette. Le rapport parlementaire

1 0 Arrêté du 21 mai 2004, J.O.R.F. du 6 juillet 2004.1 1 Dans son intervention lors de la conférence de Fondafip-G.E.R.F.I.P. organisée le 25 novembre 2008 tous les principaux éléments sont repris à la R.F.F.P. n° 105, février 2009.

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Page 67: Mémoire de recherche

d’information de 2008 le relève bien12. En effet, force est de constater que « les contraintes

pesant sur les finances publiques ont crée la tentation pour les ministères d’utiliser les

opérateurs pour se soustraire à ces objectifs ».

Les B.O.P. ne consistent pas en soi un moyen direct de sortir les opérateurs de la clandestinité

budgétaire. Seule leur organisation financière, la programmation budgétaire qu’ils mettent en

œuvre, déjà très proche de celle des opérateurs pourra servir de levier à l’arrimage au sein de

la réforme budgétaire. Cela devra se faire par une redéfinition de la notion d’opérateur ne qui

reste plus au stade doctrinal des propositions mais qui franchisse le seuil de la réalité juridique

en intégrant non seulement les éléments tenant à la finalité budgétaire et comptable des

opérateurs mais surtout ceux liés à la recherche de la performance. Le périmètre des B.O.P.

sera alors précisé et les acteurs déconcentrés gestionnaires disposeront d’un terrain libre où

chaque politique publique sera identifiée et rattachée de manière incontestable à un

responsable aisément repérable. Néanmoins, si le cadre de gestion des responsables de B.O.P.

doit voir ses contours affinés, les modalités de gestion du B.O.P. ont impérativement besoin

d’avoir un contenu enrichi.

Section 2   : Des modalités de gestion opérationnelle des programmes à enrichir.

Le budget opérationnel de programme offre aux gestionnaires de terrain et en

cohérence avec la L.O.L.F. une liberté de gestion relativement souple. Or, si les compétences

reconnues traduisent clairement le souhait d’assurer un pilotage concret de la déclinaison des

politiques publiques, les éléments touchant à la responsabilité des acteurs impliqués

présentent certaines lacunes (§-1) bien que le B.O.P. puisse être intégré au mouvement

général de consolidation des systèmes financiers publics (§-2).

§-1) La définition nécessaire du type de responsabilité des acteurs publics.

La responsabilité est le pendant immédiat de la liberté. La L.O.L.F. puis son droit

dérivé reconnaissent une liberté de gestion aux responsables de B.O.P. qui se manifeste

notamment par le redéploiement des crédits sous réserve du principe de fongibilité

asymétrique. Or, la responsabilité implique la capacité de rendre des comptes. Trois types de

problèmes sont par conséquent soulevés :1 2 Op. cit., p. 40.

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Page 68: Mémoire de recherche

- Quelle est l’autorité auprès de laquelle le responsable doit-il rendre des comptes ?

- Quelle est la nature de cette responsabilité ?

- Quelles seraient éventuellement les sanctions à mettre en œuvre si la responsabilité se

trouve engagée ?

La première question ne pose aucune difficulté apparente puisqu’elle est réglée par les textes

de droit dérivé à la L.O.L.F. qui posent la responsabilité du gestionnaire de B.O.P. devant le

responsable de programme. Les autorités déconcentrées rendront des comptes auprès du

préfet qui lui même sera responsable devant le gouvernement et le Premier ministre.

Les autres questions apportent des réponses plus nuancées, preuve qui confirme les

observations de certains commentateurs de la loi organique de 2001 regrettant que la

responsabilité ait été la grande absente de la réforme budgétaire. En réalité, comme le

souligne le numéro 92 de la Revue française de finances publiques13 , la responsabilité des

acteurs budgétaires serait en elle-même une réforme complémentaire à la L.O.L.F.. Les textes

sont relativement silencieux à ce sujet. Ils refusent d’affronter le contenu de la responsabilité

bien qu’ils en présentent brièvement les principaux aspects en s’appuyant sur la fongibilité

asymétrique et la nécessaire conformité des B.O.P. aux orientations nationales.

Cette responsabilité peut être de différentes natures. Elle peut être juridique et là le

responsable de B.O.P. devra rendre des comptes sur le suivi des instructions données au

niveau supérieur de la hiérarchie. La nouvelle gestion publique impulsée par la L.O.L.F.

refuse de prendre en considération une pareille logique puisque la reconnaissance de

nouvelles libertés de gestion au responsable de B.O.P. l’invite à rendre des comptes non pas

sur le respect ou non de la règle de droit mais sur l’atteinte ou non des objectifs fixés à

laquelle il s’est engagé. Ce n’est plus une responsabilité juridique qui serait mise en œuvre

mais une responsabilité de gestion ou managériale. Or, comme l’admet Damien Catteau14 ,

cette notion est « floue ». Ce serait « le fait de se voir octroyer des libertés de gestion et

d’assumer les résultats obtenus »15 . Le risque d’une tautologie est manifeste qui ne militerait

pas en faveur de l’émergence d’une définition claire et incontestable. De plus, l’équilibre qui

conviendrait de définir avec la responsabilité traditionnelle reste précaire, l’un ne pouvant en

1 3 R.F.F.P. n°92, novembre 2005.1 4 D. Catteau, op. cit., §-348.1 5 Idem, §-350.

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Page 69: Mémoire de recherche

aucun cas exclure l’autre. Frank Mordacq cible bien la difficulté16 et constate qu’ « un excès

de règles et de contrôles de régularité peut compromettre la recherche de l’efficacité ». Ainsi,

un compromis doit être recherché entre la réglementation des activités de déclinaison des

programmes et les mécanismes de responsabilisation offrant des marges de manœuvre larges

aux gestionnaires budgétaires.

La responsabilité managériale est un concept fuyant mais son contenu peut être déterminé à

partir de certains éléments. Les gestionnaires de terrain auront à rendre des comptes de ce que

les résultats atteints sont conformes aux objectifs et présentent une « assurance raisonnable de

fiabilité »17 . Or, se pose ici la question de la sanction éventuelle de la responsabilité. Les

conséquences peuvent s’exprimer en terme de carrière comme en terme de rémunération. En

terme de carrière, l’évaluation individuelle des responsables devra intégrer la mise en compte

des objectifs assignés dans le budget opérationnel de programme. Cette évaluation

individuelle laissera plus de place à des éléments objectifs puisque, comme le note André

Barilari18 , « l’existence d’objectifs et d’indicateurs de mesure permettra de mener des

entretiens centrés sur des critères professionnels bien définis, affichés et connus à l’avance ».

Au niveau de la rémunération, l’association d’avantages individuels variables à des avantages

collectifs tels que des primes à l’intéressement pourrait faire partie intégrante de dispositifs

proches aux contrats de performance existants.

Enfin, négativement, la responsabilité encourue résultera d’une faute personnelle entraînant

des sanctions disciplinaires ou d’une carence de gestion qui aura pour conséquence le retrait

du poste à responsabilité managériale. Cette distinction entre faute personnelle et faute de

gestion proche de la séparation entre faute personnelle et faute de service ayant cours en droit

administratif permettra d’appréhender la complexité des fonctions de responsabilité du

gestionnaire de terrain.

Le responsable de B.O.P. disposera alors de compétences reconnues et d’une responsabilité au

contenu délimité. Or, si la responsabilité des gestionnaires sera le terrain de précisions et de

discussions futures, la question de la consolidation des systèmes financiers publics est une

1 6 F. Mordacq, « Nouveaux acteurs de la gestion publique et responsabilité », R.F.F.P. n°92, novembre 2005, p. 74.1 7 A. Barilari, « La réforme budgétaire et la responsabilisation des acteurs », R.F.F.P. n° 92, p. 132.1 8 A. Barilari, contribution à Economie politique de la L.O.L.F., rapport du Conseil d’analyse économique, 2006, p. 321.

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Page 70: Mémoire de recherche

problématique récente à laquelle le budget opérationnel de programme apporte des éléments

de réponse renouvelés.

§-2) L’intégration possible des budgets opérationnels de programme au mouvement de consolidation des systèmes financiers publics.

Le mouvement de consolidation des systèmes financiers publics a des manifestations

récentes dans notre paysage budgétaire. Cela se traduit principalement par le décloisonnement

du champ d’intervention de la loi financière, par l’abandon de tous les clivages, exigences

rendues nécessaires par un contexte changeant et un cadre qui tend à s’internationaliser. Le

Traité de Maastricht de 1992 pose comme règle pour les pays de l’Union européenne la

réduction des déficits publics et de l’endettement public valant pour l’ensemble des

administrations publiques. Cette extension du champ d’application de l’article 104 du Traité

C.E. doit nécessairement se traduire à l’échelon national de la prise en compte de l’ensemble

des activités financières de tous les organismes susceptibles d’entrer dans cette catégorie. Or,

la notion maastrichtienne d’administrations publiques ne doit pas s’entendre strictement

comme visant l’ensemble des personnes publiques rattachées à l’Etat directement ou

indirectement. L’approche des institutions communautaires est large et englobe en plus de ces

entités toute personne morale susceptible d’exercer des missions d’intérêt général, c’est-à-dire

les administrations locales, les organismes de financement de la protection sociale ou encore

les opérateurs de l’Etat.

La réduction de la dette publique suppose par conséquent une action conjointe et concertée de

l’ensemble des acteurs publics au-delà des barrières budgétaires qui les séparent. Cette

logique de rapprochement des entités financières se heurte à une difficulté qui n’est pas

mince. La complexification des systèmes financiers publics par l’imbrication des acteurs tant

publics que privés impliqués ou la multiplication des flux financiers allant d’un organe à

l’autre rendent délicates le mouvement de consolidation des systèmes financiers publics.

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Page 71: Mémoire de recherche

Le budget opérationnel de programme peut contribuer à cette consolidation. Certes, il ne vise

que l’application du budget de l’Etat. Mais, il peut grandement contribuer au décloisonnement

des finances publiques sous trois aspects.

Ce décloisonnement peut s’effectuer pat la suppression, ou du moins l’atténuation des

barrières qui distinguent finances étatiques et finances non-étatiques. Le mise en place des

B.O.P. à l’échelon déconcentré est l’une des conséquence du mouvement de décentralisation

par l’avènement de collectivités territoriales qui s’administrent librement. Le rôle du préfet

s’est considérablement renforcé. Il doit associer stratégies territoriales définies au niveau

national et réalités du terrain. Le rapprochement de l’Etat et des collectivités territoriales peut

s’effectuer par l’intermédiaire de la Conférence nationale des Finances publiques instituée en

janvier 2006 par le Premier ministre19. Or, ce rapprochement des systèmes financiers publics

utilise d’autres vecteurs comme la diversification des modes de contrôle de l’exécution du

budget qui traduit l’émergence de dispositifs empruntés du secteur de l’entreprise tels que le

contrôle de gestion ou l’évaluation par l’audit, preuves que les contrôles traditionnels de

régularité ont perdu du terrain depuis la L.O.L.F..

Ce décloisonnement peut aussi s’effectuer dans le temps par la remise en cause du principe de

l’annualité budgétaire. Le B.O.P., déclinaison d’un programme budgétaire, est enfermé dans

une année rendant délicate toute combinaison avec les projets de grande ampleur de l’Etat qui

s’inscriraient dans la durée. La réforme constitutionnelle du 23 juillet 200820 a pris conscience

que l’action budgétaire ne pouvait pas se limiter à un horizon annuel freinant toute initiative

d’ampleur d’autant plus que la crise actuelle qui se fait de plus en plus menaçante réclame une

réaction certes immédiate mais aux effets durables. Désormais, suivant l’article 34 révisé de la

Constitution, « les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois

de programmation. Elles s’inscrivent dans l’objectif d’équilibre des comptes des

administrations publiques ». Le B.O.P. en adoptant ce schéma pluriannuel permettrait de

répercuter de manière juste les orientations et stratégies nationales s’inscrivant sur le moyen

ou long terme au niveau territorial.

Enfin, ce décloisonnement par le B.O.P. peut se manifester par la remise en cause de certains

principes qui ont marqué le droit financier public au premier rang desquels se trouve le

1 9 Décret n° 2006-515 du 5 mai 2006 relatif à la Conférence nationale des Finances publiques.2 0 Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Cinquième République.

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Page 72: Mémoire de recherche

principe de séparation de l’ordonnateur et du comptable. Cette règle signifie que

l’ordonnateur prescrit l’exécution des recettes et des dépenses de l’Etat et que le comptable

public se chargera du maniement des fonds publics assurant un contrôle de la régularité de

l’ordre de dépense. Leurs fonctions sont incompatibles afin de pallier au risque de

détournement des deniers publics. Or, la L.O.L.F., qui pose les bases d’une nouvelle

comptabilité publique complétant le système de comptabilité budgétaire d’encaissement et de

décaissement par une comptabilité d’exercice en droits constatés, heurte frontalement ce

principe de séparation. Le maintien du système du décret du 29 décembre 1962 portant

règlement général de la comptabilité publique serait inopportun face aux exigences d’une

nouvelle gestion publique tournée non plus vers le contrôle de la régularité mais vers

l’évaluation des résultats obtenus. L’on pourrait alors s’interroger sur l’avenir de ce modèle

« dans la mesure où la loi organique du 1er août 2001 privilégie au contraire les contrôles a

posteriori sur les mesures à priori qui tendent à disparaître »21 . De surcroît, celle-ci tend à

renforcer de manière paradoxale les compétences comptables de l’ordonnateur. Les B.O.P. en

relativisant ce principe de séparation de l’ordonnateur et du comptable privilégie une

approche nouvelle attachée non à une confrontation mêlée de méfiance entre les deux pôles

du circuit de la dépense mais basée sur une coordination par un dialogue de gestion renouvelé.

Le B.O.P. est indissociable de la réforme de l’Etat. Il promeut une nouvelle approche

des relations entre le centre et la périphérie, entre l’Etat central et ses administrations

déconcentrées qui au fil des étapes ont renforcé leurs compétences et disposent d’une large

marge de manœuvre dans la gestion des crédits disponibles. L’Etat hier encore critiqué par

son centralisme exacerbé, décrié par Alain Peyrefitte22 en 1976 dans son Mal français23

paralysant l’action administrative et lui retirant toute efficacité, s’est territorialisé. Il adapte

ses politiques publiques à la diversité et aux spécificités des besoins locaux Toutefois, le

B.O.P. doit être l’occasion privilégiée de relancer le mouvement de consolidation des

systèmes financiers publics par meilleure prise en compte des activités de l’ensemble des

acteurs publics dans une optique d’apurement de la dette.

2 1 M. Bouvier, M.-C. Esclassan et J.-P. Lassale, op. cit., p. 418.2 2 Alain Peyrefitte (1925-1999) fut diplomate, ministre gaulliste (1962-1968, 1973-1974 puis 1977-1981) et académicien en 1977.2 3 A. Peyrefitte, Le Mal français, 1976, éd. revue et augmentée 2006, Fayard, 618 p..

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Page 73: Mémoire de recherche

Conclusion :Les budgets opérationnels de programme, facteur d’approfondissement ou de banalisation de la nouvelle gestion publique à la française ?

Les budgets opérationnels de programmes traduisent un bouleversement inhérent aux

systèmes financiers publics depuis quelques années ainsi qu’aux règles qui les régissent.

Ceux-ci en effet entérinent le passage à un nouveau mode de gestion publique qui se

démarque d’une gestion strictement juridique par des règles de droit impératives exorbitantes

du droit commun. Cette nouvelle gestion publique prend acte des évolutions du modèle

étatique qui se réforme puisque son environnement lui même change.

Il ne peut plus se contenter de prendre seul les décisions influant sur la vie économique et

sociale puisqu’il intervient dans un cadre mondialisé caractérisé par l’interpénétration et

l’interdépendance des systèmes nationaux. Il doit aussi, en plus de se plier aux exigences

supranationales, veiller à ce que son action corresponde au mieux aux attentes d’une

population déterminée vivant dans un espace précis. L’Etat est dépassé par des organismes

concurrents qui lui retirent un partie non négligeable de ses prérogatives de souveraineté

acquises au Moyen Age à l’issue parfois d’âpres batailles et de luttes acharnées du Roi de

France contre les citadelles féodales et les prétentions pontificales. L’Etat français est né sur

les plaines du Nord de la France à Bouvines en 1214 où Philippe Auguste a affirmé

l’existence d’une puissance indépendante qui ne voulait pas céder aux exigences de l’Empire

romain germanique. Il s’est consolidé et identifié à la Nation française en 1789. Or, les

mutations récentes, si elles ne traduisent pas la disparition de l’Etat, sont le signe que l’Etat a

changé de nature. Il est devenu un Etat territorial.

Ces évolutions traversent naturellement la consistance de la notion de droit public de nos

jours. En effet, les budgets opérationnels de programme comme la réforme budgétaire

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Page 74: Mémoire de recherche

révèlent l’atténuation des règles de droit public face à la prise en compte de principes issus du

droit privé. La comptabilité publique au sens de l’article 27 de la L.O.L.F. s’inspire des règles

de la comptabilité privée sous réserve des spécificités de l’Etat. Le droit public caractérisé par

son fort unilatéralisme est édulcoré par un droit privé plus sensible à la logique contractuelle

des rapports personnels et plus apte à s’attacher aux objectifs de performance.

Comme l’Etat, le droit public ne disparaît pas. Il a vu son champ se redéfinir et s’appuyer sur

de nouvelles priorités. Le droit public, selon Ulpien, jurisconsulte romain, devait s’entendre

comme l’ensemble des règles d’intérêt public se rapportant à l’Etat. Cette approche n’est plus

en vigueur actuellement. Il peut maintenant se définir comme un corps de règles de nature tant

publique que privée destinées à satisfaire l’intérêt général. C’est ainsi que le budget

opérationnel de programme opère un changement radical bouleversant le rôle de l’Etat ainsi

que les frontières du droit public.

7

Page 75: Mémoire de recherche

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Décret n° 56-601 du 19 juin 1956 déterminant le mode de présentation du budget de l’Etat, J.O.R.F. du 20 juin 1956, p. 5632.

Décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général de la comptabilité publique, J.O.R.F., 30 décembre 1962, p. 12828.

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Décret n° 64-250 du 14 mars 1964 relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation des services de l’Etat dans les départements et à la déconcentration administrative, J.O.R.F. du 20 mars 1964, p. 2588.

Décret n° 92-604 portant Charte de la déconcentration du 1er juillet 1992, J.O.R.F. du 4 juillet 1992, p. 8898.

Décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation et à l’action des services de l’Etat dans les régions et les départements, J.O.R.F. du 30 avril 2004, p. 7755.

Décret n° 2005-54 du 27 janvier 2005 relatif au contrôle financier au sein des administrations de l’Etat, J.O.R.F. n° 23 du 28 janvier 2005, p. 1486.

Décret n° 2006-515 du 5 mai 2006 relatif à la Conférence nationale des Finances publiques, J.O.R.F. du 6 mai 2006.

COPIL-DAF, Budgets opérationnels de programme, Note d’orientation, juin 2002.

COPIL-DAF, Budgets opérationnels de programme, Document de travail, 1er juillet 2003.

COPIL-DAF, Budgets opérationnels de programme, Les règles de gestion budgétaire, Note d’orientation, 19 décembre 2003.

Minefi, Notice Gestion des finances publiques et des ressources humaines, Mission ministérielle, projets annuels de performance, annexe au projet de loi de finances pour 2009, octobre 2009.

Premier ministre, Circulaire du 13 mai 2004 relative à la préparation des projets d’action stratégique de l’Etat, J.O.R.F. du 13 juillet 2004, p. 12642.

Premier ministre, Circulaire du 16 juin 2004 relative à l’application du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation et à l’action des services de l’Etat dans les régions et les départements, J.O.R.F. du 13 juillet 2004, p. 12644.

Premier ministre, Circulaire du 16 novembre 2004 relative à la réforme de l’administration départementale de l’Etat, J.O.R.F. du 24 novembre 2004.

Arrêté du 21 mai 2004, J.O.R.F. du 6 juillet 2004.

Rapports parlementaires et guides méthodologiques.

C.I.A.P., Document d’analyse des programmes, 15 décembre 2002.

Conseil d’analyse économique, Economie politique de la L.O.L.F., 2006

Minefi et a., La démarche de performance : stratégies, objectifs, indicateurs, guide méthodologique pour l’application de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, juin 2004.

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Minefi, Guide pratique de la déclinaison des programmes, Les budgets opérationnels de programme, janvier 2005.

Rapport d’information n° 3165 du 15 juin 2006 sur la mise en œuvre de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances

Rapport parlementaire d’information n° 1058 du 16 juillet 2008 sur la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances (L.O.L.F.)

Rapports de la Cour des comptes.

Cour des comptes, Rapport particulier, « La décentration des administrations et la réforme de l’Etat », J.O.R.F. de novembre 2003.

Cour des comptes, Rapport sur les résultats de la gestion budgétaire de l’Etat pour l’année 2007, mai 2008.

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