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L’habitat urbain populaire en terre à Cusco, PÉ RO U
W i l f r e d o C a r a z a s A e d o
50Établissements Humains etEnvironnement Socio-culturel
Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture
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CRATerre-EAGMaison Levrat, Parc Fallavier, BP 53F-38092 Villefontaine Cedex, France
Publié en 2001 par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture7, place de Fontenoy, 75352 Paris 07 SP
© UNESCO 2001
Établissements Humains et Environnement Socio-culturel
Les établissements humains sont à la fois la façon d’améliorer le développement social, économique et physique, et l’indicateur par lequel la qualité de ce développement est mesuré. Ils jouent un rôle central dans la politiqueéconomique et sociale et dans la gestion des interactions entre l’environnement bâti et le milieu naturel.A travers la mise en valeur durable de ces établissements, deux courants de pensée concernant la gestion des activitéshumaines se rejoignent. L’un se concentre sur les objectifs en matière de développement, l’autre souhaite parvenir àces buts sans nuire aux systèmes vitaux de la planète et sans mettre en danger les intérêts des générations futures.Un développement durable n’est possible que grâce à une gestion rationnelle et réfléchie de tous les aspects desétablissements humains.
La collection Établissements humains et environnement socio-culturel a été créée en 1976 par la Division desÉtablissements Humains et de l’Environnement socio-culturel du Secteur des sciences sociales et humaines del’UNESCO en partenariat avec le programme L’homme et la biosphère (MAB) du Secteur des sciences naturelles et exactes. Elle s’adresse, entre autres, aux instituts de recherche et aux écoles d’architecture, d’urbanisme, et de géographie.Les grandes orientations de cette collection correspondent aux thèmes suivants :
L’interaction individu-milieu ;L’équilibre entre les zones rurales et urbaines ;L’approche interdisciplinaire sur l’utilisation rationnelle des écosystèmes en relation avec une meilleure gestionde l’expansion des établissements humains ;L’adéquation entre l’habitat traditionnel et les besoins et aspirations d’une population rurale qui a préservé soncadre de vie socio-culturel et environnemental ;Les effets de l’accroissement des activités humaines sur l’environnement naturel ;La corrélation entre la réussite des projets de réhabilitation urbaine et l’ensemble des conditions sociales,économiques et culturelles, qui lui sont favorables sur tous les plans de la vie sociale ;L’impact du tourisme sur le développement des communautés traditionnelles et la préservation del’environnement.
Les idées et opinions exprimées dans cette publication sont celles del’auteur et ne reflètent pas nécessairement les vues de l’UNESCO.Les appellations employées dans cette publication et la présentationdes données qui y figurent n’impliquent de la part de l’UNESCOaucune prise de position quant au statut juridique des pays, territoires, villes ou zones, ou de leurs autorités, ni quant à leursfrontières ou limites.
L’auteur
Wilfredo Carazas Aedo, architecte, né à Cusco (Pérou), est diplômé de la faculté d’architecture de l’Universiténationale « Antonio Abad » UNSAAC – Cusco.Actuellement chercheur associé au CRATerre (CentreInternational de la Construction en Terre), il participe aux activités de formation, de recherche et de consultanceinternationale du laboratoire dans de nombreux pays.Auparavant, il a réalisé à Cusco des projets de maisonsindividuelles valorisant le matériel terre et a aménagé desquartiers populaires. En 1991, il a collaboré au projet de conservation du centre historique de Cusco et a fait uneévaluation de l’état technique et de la propriété immobilièredu centre à la demande de la Mairie de la ville.Dans le cadre du développement du « projet Terra » qui associe le CRATerre à l’ICCROM (Centre Internationald’Études pour la Conservation et la Restauration des biensculturels, Italie) et au GCI (Getty Conservation Institute,États-Unis d’Amérique), il a été associé (1996 et 1999) à l’équipe d’instructeurs des cours panaméricains sur laconservation et la gestion des patrimoines architecturaux en terre qui se sont tenus à Chan Chan (Trujillo), au Pérou.
SHS-
2000
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Sommaire
Avertissement 5
Préface 7
Présentation 9
Une culture vivante de la brique d’adobe 11
Objectifs de l’étude 12
Le contexte 13
Situation de Cusco 15
Situation historique et géographique 16
Situation socio-économique 19
La maison populaire. Analyse et description 21
Conditions et contraintes géomorphologiques du milieu 23
Structure physique et urbaine de Cusco 24
Planification et développement 27
Origines et facteurs de la typologie de l’habitat 28
Les origines de la typologie de l’habitat populaire 28
Les facteurs socio-économiques 31
Les facteurs idéologiques et culturels, pratiques sociales 3 5
Les conditions spatiales 3 8
Essais de classification spatiale et fonctionnelle 4 0
Les variantes des formes de type A 4 0
Les variantes des formes de type B 4 2
Techniques de construction et systèmes constructifs 4 4
Le chantier et le processus d’occupation 4 6
Bibliographie sélective 4 8
5
Avertissement L ’architecture de terrain, réalisée avec des
matériaux locaux, est directement liée aux activités
socio-économiques des lieux où elle se développe.
Dans le contexte actuel à l’aube du XXIe siècle, il ne
s’agit pas uniquement de valoriser un patrimoine
architectural, souvent jugé mineur, mais surtout de
proposer des politiques de développement durable
aux plus démunis en leur offrant la perspective de
pouvoir acquérir un logement décent.
La Déclaration d’Istanbul sur les établissements
humains, ratifiée par les États membres des
Nations Unies le 14 juin 1996, a mis, entre autres,
l’accent, dans son point 6, sur l’interdépendance
entre le développement rural et le développement
urbain pour réduire les migrations des zones rura-
les vers les zones urbaines. Dans le point 10, l’ac-
cent a été mis sur l’importance d’assurer, de façon
concomitante, la durabilité des écosystèmes et
l’amélioration des conditions de vie pour les géné-
rations futures. Enfin, dans le point 15, il a été sou-
ligné que la Déclaration d’Istanbul ouvrait une
nouvelle ère de coopération et de solidarité.
Cette solidarité doit être prise en compte par tous
et dans tous les secteurs.
L’adaptabilité de l’architecture vernaculaire aux
besoins des habitants du XXIe siècle est claire et
l’amélioration de la qualité de la vie dans les zones
rurales passe par la revitalisation socio-architec-
turale d’un habitat traditionnellement en harmonie
avec les écosystèmes qui l’entourent.
Le développement durable des établissements
humains s’appuie sur la protection de l’environne-
ment et sur la bonne gestion des ressources natu-
relles. Ainsi, l’UNESCO développe et soutient plu-
sieurs activités liées conjointement à l’amélioration
des conditions de vie des habitants et à la durabili-
té des écosystèmes.
L’utilisation des matériaux locaux, grâce aux tech-
nologies de pointe, notamment en ce qui concerne
les énergies renouvelables, pourrait apporter des
solutions viables aux plus déshérités si une forte
coopération internationale se mobilisait.
Le Secteur des sciences sociales et humaines de
l’UNESCO travaille avec les universités et les insti-
tuts spécialisés dans ce domaine. Un exemple con-
cret : la Chaire UNESCO d’Architecture de terre
avec le Centre de recherche sur l’architecture de
terre de l’Université de Grenoble permet de tra-
vailler avec les universités en Amérique latine et,
dans un deuxième temps, avec les universités afri-
caines.
L’exemple des actions des pays d’Europe pour la
promotion de l’architecture et l’habitat tradition-
nels a un effet moteur sur les pays d’Amérique
latine, d’Afrique et d’Asie.
L’UNESCO continuera à soutenir les actions pré-
vues dans ce domaine et incite les pays d’Europe,
entre autres, à apporter aussi leur contribution à cet
effort pour assurer la pérennité de l’architecture ver-
naculaire et de l’habitat traditionnel dans le monde.Francine Fournier
Sous-directeur général du Secteurdes sciences sociales et humaines à l’UNESCO
7
Préface C ’est avec un plaisir tout particulier que l’on
présente cette monographie sur l’habitat populaire
en adobe de la ville de Cusco, rédigée par l’archi-
tecte péruvien Wilfredo Carazas Aedo, chercheur
associé de notre laboratoire CRATerre de l’École
d’Architecture de Grenoble. L’auteur est en terri-
toire connu et vécu puisqu’il est natif de Cusco où
il a travaillé sur les questions de l’habitat social
comme de la conservation du patrimoine histo-
rique de cette superbe ville des altitudes andines
dont le tissu historique des époques coloniales est
fondé sur les vestiges de l’architecture précolom-
bienne. C’est en partie ce syncrétisme des styles et
des époques qui donne un caractère unique à l’ar-
chitecture « cusqueña » nous offrant à observer des
murs en briques de terre des époques plus récentes,
dressés sur des soubassements mégalithiques d’é-
poque inca qui ont résisté aux séismes successifs
dont a souffert la ville depuis les temps des « fils du
soleil ». Parmi les plus récents, celui de 1950 qui fut
terriblement dévastateur et amputa Cusco d’une
grande partie de son patrimoine alors mal entrete-
nu. Il inaugura aussi l’édification de la ville moder-
ne qui commença à oublier sa culture constructive
historique, celle de l’architecture de terre, au profit
de l’utilisation plus massive de matériaux contem-
porains (béton, blocs d’agglos). Mais on ne « révi-
se » pas aussi simplement la mémoire architectura-
le collective. Ne servant plus pour la construction
des édifices publics, le matériau terre et les tech-
niques de construction locales en tapial (pisé), adobe
(brique de terre séchée) ou quincha (torchis), les
savoir-faire locaux, demeurent toujours au service
de la construction de l’habitat populaire. Car l’em-
ploi de ces matériaux et procédés de mise en
œuvre sont aussi liés à des pratiques de construc-
tion communautaires qui prévalent dans le domai-
ne de l’édification des habitats du secteur informel.
Des matériaux et des procédés qui sont accessibles
aux populations à bas revenus colonisant les ter-
rains les plus ingrats de la périphérie urbaine, les
pentes ou les berges instables des rios, générant un
nouveau tissu urbain sur un foncier dont la gestion
n’est pas planifiée par les institutions locales.
Le propos de Wilfredo Carazas Aedo est clair. Au-
delà de la présentation du milieu géographique et
du contexte urbain de Cusco, il nous montre com-
ment cet habitat en terre populaire fonde ses réfé-
rences dans des invariants typologiques des
époques préhispaniques, réinterprétant une
conception spatiale et fonctionnelle des habitats
vernaculaires des villages andins s’adaptant aux
contraintes du foncier urbain (murs de clôture),
puis des époques hispano-coloniales, dans une ver-
sion simplifiée et réduite en dimensions de la mai-
son à cour. L’auteur analyse ensuite les facteurs
socio-économiques qui conditionnent une forme de
« bidonvilisation » périphérique, de « taudisation »
du centre historique ancien résultant d’une forte
pression migratoire de populations démunies, qui
imposent un habitat précaire mais aussi une accé-
lération d’un processus d’occupation des sols sur
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Uun mode informel et par étapes successives. Les
terrains agricoles deviennent alors des terrains
constructibles, non dans les faits de la légalité, mais
de l’invasion organisée, solidaire, de la coopération
populaire et de l’auto-construction. Ce processus
fonde ses origines dans le caractère collectiviste
des anciens « ayllus » de l’époque inca et dans le
« minka » (travail communautaire). Wilfredo
Carazas Aedo nous fournit aussi une description
typologique de ces habitats construits avec le
concours essentiel de maçons « immigrés » venant
travailler à Cusco aux saisons d’attente des récol-
tes, après les semailles. Cette migration temporai-
re, pour produire les adobes, devient une sédenta-
risation progressive lorsque le briquetier devient
briqueteur-maçon pouvant mieux gagner sa vie
qu’à la campagne. Cette monographie très intéres-
sante fournit également une description des pra-
tiques de construction et des systèmes construits,
tout en restituant le processus d’occupation des sols
par la présentation de la séquence de développe-
ment des chantiers populaires permettant de fran-
chir l’incertitude du « provisoire » pour pouvoir en
fin de parcours vivre sous un toit durable. La pose
de ce toit est alors l’occasion de faire une fête dans
une joie partagée de voisinage. Comme le disait
très justement l’architecte britannique John Turner,
qui a travaillé avec les communautés populaires de
Lima, « un matériau n’est pas intéressant pour ce
qu’il est mais pour ce qu’il peut faire pour la socié-
té ». La terre est à Cusco l’expression évidente de
ce lumineux aphorisme.
Hubert GUILLAUD, Maître de Conférence - Chercheur
Responsable du programme sur la conservationdu patrimoine architectural au CRATerre-EAG.
11
U n e c u l t u r e v i v a n t e d e l a b r i q u e d ’ a d o b e
L ’adobe, ou brique de terre crue moulée,
séchée au soleil, est un matériau de construction
très présent dans l’histoire des civilisations péru-
viennes. Il fut largement utilisé pour la réalisation
d’ensembles urbains qui démontrent ses qualités.
Ces constructions en adobe ont affronté les siècles.
Elles ont résisté à l’époque moderne, à l’impact
dévastateur de l’industrie de la construction qui a
généralisé l’emploi du béton. Elles ont aussi résisté
aux organismes gouvernementaux qui refusent de
reconnaître les qualités de ce matériau millénaire
et qui voudraient bien pouvoir le rendre illégal.
Des séismes ont ravagé le Pérou. Particulièrement
dans les régions andines où un pourcentage consi-
dérable de demeures sont construites en terre,
adobe ou tapial (pisé), quincha (torchis). Le séisme
dévastateur de 1950 a considérablement détruit la
ville de Cusco en causant, directement ou indirec-
tement, l’effondrement du patrimoine des ancien-
nes maisons coloniales. Celui-ci, dans sa majorité,
était en mauvais état de conservation. Ce fut l’oc-
casion que certains saisirent pour dévaloriser l’ado-
be. Il était alors question de moderniser la ville. Il
fallait imposer des normes limitant l’utilisation de
la terre et des autres matériaux traditionnels, de
façon à mieux légitimer l’emploi du béton qui
apparaissait alors comme un matériau plus résis-
tant face aux problèmes géotectoniques.
Comparée à d’autres matériaux, la terre est un
matériau qui permet de construire des maisons à
moindre coût tout en étant doté d’excellentes qua-
lités. Plus encore, la terre permet la réalisation
d’une architecture qui répond aux nécessités
actuelles. Cela a pu être oublié par de nombreux
professionnels, peut-être par manque de connais-
sance, ou par déficience ou même déviance des
formations acquises dans les universités et dans les
écoles de formation technique. Tout cela concourt
à une réflexion discriminatoire qui ne prend pas en
compte les besoins et les possibilités des popula-
tions. Les populations elles-mêmes réfléchissent
avec de faux critères qui déforment la réalité.
Quels que soient leurs rêves, leurs désirs, elles
devront pourtant résoudre leur besoin d’habitation
en appliquant leur connaissance des techniques de
construction. Mais, le plus souvent, elles oublient
que la forme simple peut offrir des possibilités
créatives en matière de conception architecturale.
L’observation de problèmes touchant une maison
en terre pousse à isoler le matériau du contexte
physique, à le désigner de manière simpliste
comme un matériau non adapté à la construction.
On oublie qu’il existe d’autres facteurs qui inter-
viennent dans la construction. Il faut en effet tenir
compte de la qualité des matériaux et des tech-
niques de construction, des modes de mise en
œuvre, des conditions topographiques et clima-
tiques, de l’économie des habitants. De fait, lors-
qu’un problème se présente, il est nécessaire de
l’expliquer en déterminant son origine.
Il est clair que l’on ne peut pas comparer la terre
avec le béton. De même, on perdrait du temps à
essayer de trouver des solutions « magiques ». Car
l’adobe possède des limites structurelles bien que
sa qualité constructive soit plutôt bonne. En cher-
chant des solutions cohérentes et rationnelles, en
s’appuyant sur les traditions de construction loca-
les, on pourra contourner les désaccords qui peu-
vent s’imposer entre les professionnels de l’archi-
tecture et les habitants. En effet, lorsqu’un profes-
sionnel propose aux habitants un nouveau maté-
riau ou une nouvelle technique de construction qui
leur sont étrangers, il se trouve souvent confronté à
leur incompréhension. Les traits propres à la cultu-
re andine, les formes de vie et de travail commu-
nautaire, qui sont toujours très présents dans le
processus d’urbanisation des secteurs populaires,
méritent d’être pris en compte dans la planification
urbaine et dans les critères d’administration de
l’État. La capacité créative du travail communal et
son organisation diffèrent des dispositions légales.
Mais pourquoi cette forme d’organisation ne pour-
rait-elle pas être à l’origine de plus d’interaction
entre la population et l’État — une manière de favo-
riser un développement urbain plus cohérent ?
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C ette étude se propose de classer les principaux
types de maisons situées en zones populaires.
Celles-ci présentent des caractéristiques typolo-
giques et morphologiques généralement similaires,
une organisation et une fonctionnalité spatiale
identiques, mais conservent des particularités qui
les distinguent les unes des autres. Pour plus de
commodité de lecture on a ici distingué deux grou-
pes : celui des maisons « typiques » et celui des
maisons « atypiques », généralement de morpholo-
gie plus complexe et utilisant des techniques de
construction mixte (béton et adobe).
Cette étude donne une lecture de la typologie de
l’habitat populaire fondée sur une vision historique
du processus d’évolution urbaine de la ville de
Cusco qui se différencie de celui d’autres villes
péruviennes ; nous voulons aussi démontrer l’im-
portance de l’adobe comme matériau de construc-
tion déterminant la forme et le système de cons-
truction des édifices de la ville de Cusco et de sa
région. Par ailleurs, dans l’histoire des peuples
d’Amérique latine, où l’emploi de la terre pour la
réalisation des formes urbaines est une constante,
le processus d’évolution urbaine de la ville de
Cusco a été fondé avec anticipation.
Cette étude sur la typologie de l’habitat populaire
à Cusco est précédée d’une analyse préalable et
rétrospective du développement urbain de la ville,
ainsi que de ses influences et conséquences. Cette
première partie est divisée en deux chapitres qui
abordent les thèmes suivants :
Le premier chapitre présente le contexte du Pérou
et de la région de Cusco, restitue quelques référen-
ces historiques, socio-économiques et géogra-
phiques qui donnent une idée de la situation
actuelle du pays.
Le second chapitre développe une description et
une analyse de la typologie de l’habitat populaire.
À partir de l’étude de la configuration de la ville de
Cusco, on situe les différents secteurs de la struc-
ture urbaine qui comprennent notamment des
ensembles d’habitat populaire. Puis, l’étude typolo-
gique de l’habitat est située dans une séquence
logique de l’évolution du processus urbain. Cela
permet de classer et de décrire les espaces phy-
siques et fonctionnels de chaque type d’habitat
populaire. La technique de construction et l’usage
des matériaux qui sont prédominants dans la
région, les formes et les systèmes de construction
utilisés dans différentes étapes de construction et
d’occupation des sols, ont une relation étroite avec
l’habitat des secteurs populaires.
On tente aussi d’expliquer les autres facteurs qui
déterminent l’apparition et l’installation de la typo-
logie populaire dans une dynamique urbaine et
régionale. Il est ainsi possible de signaler l’impor-
tance du facteur socio-économique et culturel, de
l’émigration et de l’occupation illégale des espaces
urbains, et des processus qui dérivent d’une forme
de « taudisation »1.
O b j e c t i f s d e l ’ é t u d e
1. « Taudisation » : il faut comprendre le processus selon lequelun bâtiment occupé par de plus en plus de population, sedégrade peu à peu, ses installations (électricité, eau) étant deplus en plus débordées.
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S i t u a t i o n d e C u s c o
Situation : Amérique du Sud.Frontières : Au nord, l’Équateur et la Colombie.
Au sud, le Chili et la Bolivie.A l’ouest, l’océan Pacifique.A l’est, le Brésil.
Population : 25 000 000 habitants, dont 70 % de populationurbaine et 30 % de population rurale.
Superficie : 1 285 216 km2.Densité : 16,8 habitants/km2.Capitale : Lima.Région géographique : la côte, la montagne et la forêt.
Le Pérou
0 50 100 km
Loreto
Madre de DiosLa Convención
CalcaPaucartambo
Quispicanchis
CanchisAcomayo
Canas
Espinar
Chumbivilcas
Paruro
Anta
Apurimac
Arequipa
Puno
Ayacucho
Junín
� Santo Tomás
� Yauri
Cusco
� Yanaoca � Sicuoni
� Urcos
Anta �
� Acomayo
� Paucartambo
Quillabamba �
Apurim
ac
Urubam
ba
La Province de Cusco
Situation : sud-est du Pérou.Frontières : Au nord, Loreto et Junin.
Au sud, Arequipa.A l’ouest, Apurimac et Ayacucho.A l’est, Madre de Dios et Puno.
Population : 1 029 000 habitants
La ville de Cusco
Situation : Vallée du Huatanay.Population : 300 000 habitants.Altitude : 3 280 mètres.Climat : Sec.Température moyenne : 15° à 17°.Superficie : 22 000 km2.
Vue générale de la ville de Cusco.
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Au cours de sa longue histoire, le Pérou a vu fleu-
rir des sociétés très organisées qui se sont adaptées
à la topographie irrégulière de la cordillère des
Andes. Cette chaîne de montagnes présente en
effet une grande diversité de faciès écologiques et
climatiques sur un vaste territoire. Après une lon-
gue période durant laquelle plusieurs horizons cul-
turels se sont succédés, apparaît la civilisation Inca,
synthèse de la tradition millénaire des cultures
andines.
La civilisation inca apparaît au début du XIIIe siècle
dans la vallée de Cusco. Édifiée sur ce site, la ville
de Cusco deviendra la capitale d’un vaste empire
dont le territoire correspondra, à son apogée, à
cinq pays d’Amérique du Sud.
Á l’époque inca, Cusco était constituée d’un
ensemble d’îlots carrés, assez uniformes, contenus
par des murs entourant les bâtiments d’habitation
et les annexes disposées autour d’une cour. Telle
était la solution fonctionnelle qui se répétait pour
configurer le tissu urbain. Les maisons étaient
construites en maçonnerie de pierres taillées
assemblées de façon parfaite. L’adobe était utilisé
dans la partie supérieure des murs.
Typologie basique de la maison Inca « La Cancha ».
17
L a v i l l e i n c a
L a ville de Cusco fut un centre religieux de
première importance dans l’empire du
« Tahuantin-suyo ». Les Incas donnèrent à leur
ville la forme d’un puma, animal qu’ils tenaient en
haute estime.
Cusco (« nombril » en langue quechua) était consi-
dérée par les habitants comme le centre du monde.
C’est à partir de cette centralité que l’on traça les
quatre « Suyus »2 de l’empire inca.
Les demeures populaires étaient édifiées sur des
fondations d’argile, leurs murs étaient d’adobe et
leurs toitures en bois et en paille.
Une description du Père Bernabé Cobo permet
d’évoquer d’autres exemples de constructions en
terre, à Ollantaytambo, Pisaq ou San Pedro de
Rajchi.
Les adobes qu’on fabriquait sont de
dimensions dif férentes sur tout en fonction
de la largeur variable du mur, qui diminue
lorsque la hauteur augmente.
L’assemblage est par fait, le mor tier est
préparé avec beaucoup de précision,
l’échantillon d’adobe a été fabriqué avec
Ensemble d’églises bâties pendantla colonisation espagnole (Églisesde la Compagnie, Sainte Catherineet Saint Pierre).
Rue typiquement préhispanique,village de Ollantaytambo.
2. « Suyus » : régions, provinces, territoires. Pendant la périodeinca, l’empire a été divisé en quatre régions principales.
Car te hypothétique de la villede Cusco à la période inca.
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de la paille ou de l’icchu. La mise en place
de l’icchu permet de conser ver les
dimensions longitudinales de l’adobe ;
on obser ve une sor te de plans
d’appareillage ou d’assises qui laisse
penser que ces adobes ont été réalisés en
les pliant, puis en les coupant selon les
dimensions requises pour le mur. On
suppose que l’on n’a pas utilisé de moule.
Les Espagnols apportent des formes qui s’accor-
dent avec la structure urbaine existante. Ce proces-
sus s’opère d’autant plus facilement que le tracé
inca présente des similitudes avec les concepts
urbains espagnols : la place, les îlots, les rues.
Ils donnent à la ville une nuance particulière : ils
construiront leurs demeures sur les formes existan-
tes des « kanchas »3 incas, en leur apportant
quelques modifications.
La « kancha » apparaît comme la solution pragma-
tique adaptée aux formes sociales, comme aux pro-
cessus de construction simples. Dans le développe-
ment des formes on peut clairement identifier dif-
férentes phases, correspondant aux évolutions du
développement culturel (époque wari puis inca).
La construction des maisons espagnoles, au début
du XVIe siècle, est dérivée des maisons castillanes
ou andalouses. Il s’agit d’une cour typique entou-
rée de galeries avec des arcs et de belles façades sur
la rue. Les bâtisses coloniales acquièrent ainsi des
caractéristiques particulières, les bâtisseurs accor-
dant leur préférence à des blocs d’adobe de dimen-
sions assez grandes. L’épaisseur du mur constituait
d’ailleurs un bon isolant aux basses températures et
encaissait les efforts latéraux lors des séismes.
Maison coloniale nommée « Maison de l’amiral ».
Cour intérieure d’une maison coloniale.
Maison coloniale aveccaractéristiques par ticulières
propres à la typologie demaisons à Cusco.
3. « Kancha » : patio entouré de murs.
19
S i t u a t i o n s o c i o - é c o n o m i q u e
L e Pérou est un pays qui témoigne de déséqui-
libres d’ordre structurel se traduisant par des
niveaux socio-économiques très marqués et par
une mauvaise distribution des forces de produc-
tion, avec une différence très sensible entre le
milieu rural et le milieu urbain. Cette différence
génère une forte concentration économique dans
les villes principales : Lima (la capitale), Arequipa
et d’autres agglomérations.
L’affluence migratoire vers ces villes incapables de
recevoir une grosse masse de population, provoque
l’apparition de problèmes économiques, tels que le
chômage et l’occupation spontanée de terrains par
une population économiquement exclue.
La ville en sera forcément affectée dans sa struc-
ture urbaine qui deviendra progressivement désor-
donnée et même chaotique.
Marché informel « Saint Pierre ».
Marché informel à l’occasion d’une fête religieuse.
21
La Maison PopulaireAnalyse et Description
Ancienne maison coloniale restaurée et conver t ie en hôtel .
23
C o n d i t i o n s e t c o n t r a i n t e s g é o m o r p h o l o g i q u e s d u m i l i e u
L a situation de la ville de Cusco, dans un milieu
géographique montagneux où les conditions géolo-
giques sont propices aux phénomènes géodyna-
miques, fait que la cité affronte périodiquement les
conséquences de catastrophes naturelles (séismes,
glissements et tassements de terrain).
La ville s’est développée dans une vallée en forme
de « cuvette », à l’emplacement d’un ancien lac.
Elle est entourée de deux chaînes de montagnes.
La vallée du Huatanay est longue d’approximative-
ment 20 kilomètres et se termine dans la localité de
Angostura.
Les principaux cours d’eau qui traversent la vallée
sont le Tullumayu, le Saphy, le Qenqomayo, le
Chunchulmayo et le Huancaro, tous affluents du
Huatanay. Ils parcourent la vallée d’ouest en est, et
ont largement contribué à modeler son profil topo-
graphique.
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Le développement physique et urbain de la ville de
Cusco est conditionné par les caractéristiques géo-
morphologiques de la vallée du Huatanay. Il s’agit
ainsi d’une croissance urbaine linéaire avec, pour
axe directionnel, l’avenue de la Culture, unique
voie génératrice des interrelations entre les diffé-
rentes zones urbaines de l’ensemble de la ville.
La superficie de la ville de Cusco, divisée en dis-
tricts – Cusco, Santiago, Wanchaq, San Jeronimo,
San Sebastian – occupe une surface de 2 300 hec-
tares, correspondant, en théorie, à un vaste ensem-
ble de développement urbain.
Le district de Cusco est le plus peuplé, avec 48 %
de la population urbaine. Il est aussi le plus dense,
avec 150 hab/ha, ce qui induit un très fort indice de
« taudisation », surtout dans le « Centre histori-
que », zone classée monument historique. Viennent
ensuite le district de Santiago avec une densité
de 120 hab/ha, et le district de Wanchaq avec
80 hab/ha.
Les districts de San Sebastian et de San Jeronimo
ont commencé à souffrir ces dernières années
d’une augmentation accélérée de la population.
La ville de Cusco déploie des espaces urbains ou
« zones » aux caractéristiques particulières entrete-
nant des interactions permanentes dans la globali-
té de la dynamique urbaine. Mais on repère trois
zones bien marquées.
a. Le centre historique
b. Le nouveau tissu urbain
c. Le tissu populaire
25
I l est fondamentalement défini par la structure
urbaine traditionnelle qui dessine l’espace le plus
ancien de la ville, au sein duquel se développent la
plupart des activités urbaines, soit le gouverne-
ment, l’administration, les commerces et les servi-
ces. L’occupation de cet espace présente parfois des
traits de modernité, mais dans la plupart des cas on
remarque une détérioration de la structure phy-
sique avec un haut indice de « taudisation ».
Le centre historique
Le début des années soixante-dix est marqué par le
développement de l’activité touristique. Celle-ci
transforme la structure économique et modifie l’u-
tilisation des espaces physiques habitables. Ainsi,
de nombreuses maisons coloniales sont transfor-
mées en hôtels ou restaurants. Ce processus a de
fortes conséquences sur l’habitat qui est repoussé
vers la périphérie urbaine.
Rue Hatun Rumiyoc, typiquement inca.
Vue générale du centre historique.
26
Le nouveau tissu urbain
Le tissu urbain populaire
Il résulte principalement de l’aménagement urbain
compris dans le schéma de développement décidé
par le gouvernement local. Des terrains sont dési-
gnés selon leur aptitude à la construction et parce
qu’ils offrent de bonnes conditions, possibilités et
facilités pour l’aménagement des services de base.
L’aménagement urbain peut être aussi issu d’une
initiative à caractère associatif, coopératif, ou
privé.
La zone présente des caractéristiques constructives
mixtes. L’adobe et le béton sont l’expression d’un
modèle différent de celui des autres zones, à la fois
du point de vue typologique et morphologique.
La zone accueille en outre des bâtiments publics
(hôpitaux, stades, université, centres de loisir, etc.).
Il comprend principalement les demeures construi-
tes sur de fortes pentes et des sols meubles, sur les
lits des cours d’eau drainant les vallées encaissées.
Le matériau de construction prédominant est l’a-
dobe qui caractérise les habitats. Ceux-ci occupent
les zones périphériques de la ville.
Aucune planification préalable n’a été prévue à
cause du coût élevé des infrastructures de base cor-
respondant à l’occupation particulière des sols.
Vue générale du nouveau tissu urbain.
Nouveau quar tierpopulaire dans la zonede San Sebastian.
27
P l a n i f i c a t i o n e t d é v e l o p p e m e n t
L es plans de développement urbain qui ont pris
place dans la ville de Cusco ont échoué face à la
croissance rapide de la ville et ont eu une grande
incidence sur les secteurs populaires. Cela résulte
principalement du déphasage des projets qui ne
tiennent pas compte des caractéristiques particuli-
ères de la ville, ni de la connaissance historique, du
tracé particulier de la structure urbaine, du rythme
des migrations, de la forte croissance démogra-
phique, et surtout des caractéristiques sociocultu-
relles et économiques des secteurs populaires.
Cette dernière caractéristique est prise en compte
dans les plans de développement, mais comme élé-
ment de référence et non comme un élément essen-
tiel du contexte urbain. Ces plans répondent plutôt
à des critères techniques formels et de forme unidi-
rectionnelle.
Les caractéristiques géomorphologiques de la val-
lée de Cusco, qui sont prises en compte dans l’éla-
boration des plans de développement urbain,
imposent apparemment une croissance linéaire.
Mais dans la réalité, cela est contrarié par de forts
contingents de population (la surpopulation du
centre historique et les migrants), qui viennent
occuper des espaces urbains fermés et étroits, s’op-
posant au projet officiel et de manière spontanée,
informelle et clandestine. Il en résulte un véritable
désordre, voire un « chaos » urbain.
Il faut aussi souligner qu’en matière de politique
urbaine, si l’on ne considère pas avec sérieux et
objectivité la réalité, celle-ci devient un élément
négatif qui amplifie le problème. En effet, la prise
en compte de la réalité est souvent un facteur déci-
sif dans la qualité d’un projet urbain.
Une planification urbaine appropriée devrait d’a-
bord prendre en compte les priorités et les poten-
tialités des secteurs populaires, leurs modes d’oc-
cupation et leurs caractéristiques typologiques de
construction, et proposer en préalable un véritable
projet de développement urbain. On ne peut pré-
tendre résoudre les problèmes en imposant des
normes et une réglementation de « laboratoire »,
en appliquant des critères issus d’autres réalités qui
ne traduisent pas le contexte.
Les caractéristiques typologiques et morpholo-
giques de l’habitat, dans le contexte urbain, sont
issues de processus sociaux et historiques. Il n’est
pas rare de constater une relation spécifique entre
un individu et le fait physique de l’habitat. Cette
évidence devrait être davantage prise en compte
lors de l’élaboration des règles et des normes cou-
vrant les techniques de construction. Or, la régle-
mentation nationale des constructions propose un
ensemble de normes techniques sur l’occupation
des sols et sur la construction, de manière uniforme
pour l’ensemble du pays. Elle ne prend pas en
considération les particularités typologiques de
chaque région ou de chaque ville, ce qui induit des
problèmes.
On peut citer l’exemple de la norme sur l’espace
résiduel entre la limite de propriété et la construc-
tion, ou norme du retrait frontal, imposée par le
cadre normatif national qui est incompréhensible,
ou plutôt qui n’est pas adaptée aux caractéristiques
typologiques de construction et aux caractéris-
tiques géomorphologiques du terrain, dans les sec-
teurs populaires. Ce type de réglementation pour-
rait être acceptable dans des secteurs urbains dont
les moyens économiques sont importants et dont
les tendances architecturales sont de type « occi-
dental moderne ».
La réglementation nationale des constructions ne
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propose pas la protection des formes typologiques
de l’habitat comme caractéristique particulière
d’une région ou d’une ville. Pire, elle favorise leur
disparition.
D’autre part, en ce qui concerne le rôle de l’archi-
tecte, son intervention apparaît plutôt néfaste. Les
critères de conception, qui sont le résultat des for-
mes architecturales apprises à l’école, ne sont pas
en accord avec les nécessités et les coutumes, ni
avec les formes de la vie quotidienne.
C’est au professionnel d’essayer de comprendre la
population, d’être davantage à son écoute pour tra-
duire le message socioculturel et ensuite l’interpré-
ter en proposant une architecture objective et
réaliste, et non pas une « proposition » d’architec-
ture qui appartient à l’architecte. L’architecte doit
être plus au service des communautés.
O r i g i n e s e t f a c t e u r s
d e l a t y p o l o g i e d e l ’ h a b i t a t
Les origines de la typologie de l’habitat populaire
La typologie de la maison populaire résulte des
expressions socioculturelles de l’histoire péruvien-
ne, avec les époques pré-incas, l’empire inca, et
plus tard, l’arrivée des Espagnols marquant le
début de la colonisation. Les similitudes fonction-
nelles et morphologiques de base ont opéré une
fusion (juxtaposition et superposition), qui a donné
les types particuliers aujourd’hui présents dans
l’espace urbain de la ville de Cusco.
Par contre, le milieu rural a conservé des caracté-
ristiques morphologiques et fonctionnelles d’ori-
gine préhispanique.
Nous avons donc des maisons populaires de deux
types : les unes d’origine urbaine et coloniale, les
autres exprimant les caractéristiques dominantes
du milieu rural.
29
Les influences des formes préhispaniques :
l e t y p e A
Ce premier type correspond au développement
typologique d’un modèle morphologique influencé
historiquement par des formes préhispaniques
transportées directement à la ville par une popula-
tion migrante.
L’exemple le plus net de cette référence rurale est
la maison de haute montagne, introuvable telle
quelle dans un tissu urbain. Cette maison est cons-
tituée de deux blocs rectangulaires à un niveau,
l’un destiné à l’espace familial intime (la chambre)
et l’autre à l’espace familial social (cuisine et salle à
manger), domaine presque propre à la femme.
L’accès est généralement défini par un espace
ouvert entre les deux blocs.
La cour est entourée par de petits murs d’adobe ou
de pierre qui s’élèvent à 1 m de haut. Ceux-ci pro-
tègent un espace destiné à l’élevage des animaux
domestiques, un autre espace pour entreposer les
outils agricoles et une partie centrale, réservée aux
travaux de sélection et de répartition des produits
agricoles.
Cette morphologie et cette distribution fonction-
nelle se retrouvent aussi dans la plupart des petits
villages, bien qu’il existe une différence notable : la
définition de l’espace par un mur périphérique,
selon le plan d’attribution des lots urbains, l’accès
étant gardé par une porte qui donne sur la rue.
Maison de campagne avec les caractéristiquestypologiques préhispaniques.
Communauté paysanne au quotidien.
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ULes influences hispano-coloniales :
l e t y p e B
Ce deuxième type est la synthèse de l’influence
typologique hispano-coloniale et urbaine. Les habi-
tants expulsés des maisons coloniales, du fait de
leur délabrement, gardent le souvenir de leurs
caractéristiques et construisent leur nouvelle mai-
son en y faisant référence.
Ce sont des maisons à deux niveaux, autour d’une
cour centrale. Des couloirs extérieurs plus étroits
que les galeries coloniales mais tout de même assez
larges (1,20 m - 1,50 m) relient toutes les salles. Des
colonnes et des arcs en pierres soutiennent le
second niveau.
Le vestibule, assez vaste (entre 3 et 5 m de large)
définit l’accès principal.
Un nouveau processus d’expansion urbaine a suivi
le tremblement de terre de 1950. Les maisons ont
été alors construites sur de nouveaux espaces, avec
les mêmes caractéristiques morphologiques, mais
sur des terrains beaucoup plus réduits. La repro-
duction du modèle colonial en est donc simplifiée
et minimisée ainsi que les dimensions de l’accès
principal (vestibule), réduit à 1,20 - 1,50 m.
La cour principale est entourée par une construc-
tion à deux niveaux, formée d’une coursive simple
(« crujia ») en forme de « L » ou de « C ». Les sal-
les du second niveau sont accessibles par un esca-
lier placé à l’extérieur, les poteaux qui supportent
les plafonds sont en bois.
Façade principale de la maison du premier métisseécrivain : Inca Garcilaso de la Vega.
Vue interne de la cour de la maison de « Garcilaso ».
31
L e s f a c t e u r s s o c i o - é c o n o m i q u e s
L’une des principales caractéristiques du problème
de l’habitat dans la région de Cusco est le déficit de
logements généré par la faiblesse économique, par
le développement des migrations et par une poli-
tique intérieure inappropriée. Cusco n’est pas iso-
lée du reste du pays et présente donc les mêmes
caractéristiques : une marginalité des secteurs de
logements populaires, une expansion urbaine
chaotique, de forts indices de « bidonvilisation ».
Selon les recensements de 1994, la population de la
région de Cusco est de 1 029 000 habitants et a
connu une croissance moyenne de 1,7 % sur une
période de 10 ans.
Par mesure de comparaison, signalons que la
moyenne annuelle de croissance de la ville est de
3,18 %, alors qu’elle n’est que de 0,75 % pour la
population rurale.
Migrations
Nous avons mentionné les déséquilibres d’ordre
structurel, la différence très marquée entre les sec-
teurs urbains et ruraux, la forte concentration éco-
nomique dans le milieu urbain qui semble offrir
des possibilités de progrès économique, social et
culturel aux habitants des zones rurales. Ceux-ci
décident en conséquence d’émigrer pour trouver
une meilleure situation, ce qui génère des flux
migratoires incontrôlables et désordonnés. Les
Af fluence des migrants paysans vers la ville.
Problématique de l’habitat populaire à Cusco
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migrations internes font partie des phénomènes
socio-économiques les plus importants des derniè-
res décennies. Elles ont modifié les structures du
pays. Cependant elles ne sont pas la cause mais la
conséquence d’autres modifications, principale-
ment dans le domaine économique.
La ville de Cusco est la capitale et le siège admi-
nistratif de la région qui accueille à ce titre la plu-
part des services publics. Cusco est aussi devenue
la capitale du tourisme national, ce qui a favorisé
l’apparition d’activités complémentaires, autre
attrait pour la population migrante.
Taudisation du centre historique
Les premiers processus de « taudisation » ont débu-
té au cours des année 40, dans le centre historique,
là où se trouvent les vieilles maisons de l’époque
coloniale et républicaine. Les cours et les jardins
des maisons ont alors été colonisés par des cons-
tructions précaires.
Malgré la croissance de la population, la structure
urbaine de la ville ne s’est pas développée. Avec
le tremblement de terre de 1950, qui a détruit plus
de 3 000 maisons, le problème du logement s’est
compliqué car les maisons restées debout ont
accueilli les personnes sans toit.
Les propriétaires des grandes maisons ont alors
pris la décision de louer à un grand nombre de
familles des espaces très réduits (20 à 25 m2 pour
une famille de 4 ou 5 membres), ce qui a provoqué
une crise, un débordement des services de base
(eau, électricité).
Le séisme de 1986 provoqua une accélération du
processus de destruction qui s’est ajouté à une lente
détérioration due aux effets de la surpopulation et
au manque d’entretien des habitations.
Maisons qui montrent les ef fets des dif férentsséismes et la « taudisation ».
33
Processus d’occupation des sols
Après le tremblement de terre, dans une première
étape, une grande partie de la population a occupé,
en mesure d’urgence, des terrains qui étaient la
propriété de l’État. Plus tard, les terrains agricoles
qui entouraient la ville ont été vendus par leurs
propriétaires à des groupes constitués en « associa-
tions pro-maison ». Celles-ci regroupaient des per-
sonnes désirant construire une maison, pour la plu-
part issues d’une population de classe moyenne.
Les terrains occupés se trouvaient près du centre
urbain, dans la partie basse de la vallée, offrant une
topographie régulière (pentes minimes). Cepen-
dant, ces dernières années, et principalement
durant les années soixante-dix, l’occupation des
terrains en zones hautes de la vallée s’est considé-
rablement accélérée, selon différentes formes ou
modes d’occupation, par des communautés popu-
laires d’origine rurale, pour la plupart.
Modes d’occupation
Il est important de relever l’incidence de l’« infor-
malité »4 dans le processus d’occupation des ter-
rains. Ce dernier procède par étapes, selon certai-
nes caractéristiques, parfois avec la « participa-
tion » de l’administration d’état, sous les étiquettes
d’« autoconstruction », de « coopération popu-
laire »5 par la régularisation du permis de construi-
re, etc.
Vente et achat des terrainsLes terrains destinés à l’agriculture sont cédés par
les anciens propriétaires des fermes. La plupart
d’entre eux deviennent des « promoteurs » qui
prennent contact avec des groupes de personnes
intéressées par l’acquisition d’un terrain.
Un groupe « dirigeant » se met en place et se dispo-
se à contacter d’autres personnes.
Après l’achat du terrain, le processus d’attribution
des lots commence avec les démarches administra-
tives nécessaires pour l’aménagement, l’élabora-
tion des plans, etc. La remise des lots de terrain
aux propriétaires s’effectue selon un processus pro-
pre à la communauté, de type « informel » car ne
prenant pas place dans de cadre de la législation
gouvernementale.
Le séisme de 1950. La destruction de la structure urbaine à l’époque.
4. « Informalité » : selon De Soto, H. « la notion d’informalitéque nous avons ici est donc une catégorie créée à partir de l’observation empirique du phénomène. Ce ne sont pas les individus qui sont « informels », mais leurs actes et leursoccupations » (page 20).
5. « Coopération populaire » : le premier gouvernement de l’architecte Belaunde Terry F., chef du parti politique « actionpopulaire », profite de l’organisation des communautés qui existe depuis l’époque inca, pour la transformer en uneorganisation de l’État qui met en avant la participation aux travaux (routes, écoles, centres de santé, etc.).
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UInvasionsL’apogée de ce type d’occupation des terrains a été
atteinte à son début, dans les années soixante-dix,
comme conséquence des événements socio-
politiques nationaux dont par exemple la réforme
agraire. L’« invasion » du sol a pu avoir lieu de
façon progressive ou violente.
L’invasion progressive s’est faite sur des terrains où
l’attribution des lots était possible, telle que sur les
anciens campements des mineurs ou les terrains
agricoles. Ces terrains ont été occupés graduelle-
ment par les anciens travailleurs ou employés. Il
est clair que les conditions économiques de vente
et d’achat qui leur ont été proposées leur étaient
favorables. Le coût du terrain fut presque symbo-
lique, surtout pour les premiers occupants car le
nombre d’associés prenait aussi en compte les
parents et les amis.
Ce type d’occupation n’a pris sa forme définitive
qu’après une longue période.
Dans le cas de l’invasion violente, il n’existe aucun
lien entre le propriétaire du terrain (un particulier
ou l’État) et l’envahisseur. L’invasion est rapide,
inattendue et violente, sans que les envahisseurs
l’ait planifiée. L’attribution des lots se développe de
façon informelle et clandestine.
Le processus d’aménagement et d’attribution est
exactement l’inverse du processus régit par les
normes administratives.
Occupation et aménagement urbain
Après la vente, l’achat ou l’invasion, l’étape sui-
vante est l’aménagement urbain qui peut prendre
plusieurs années et peut même durer toute une
génération.
L’ensemble des associés se réunit autour d’une
charte ou d’un règlement qui définit leurs droits et
obligations.
La division et l’implantation définitives des lots et
des rues, sur un plan, sont effectuées plus tard par
un architecte professionnel, un ingénieur ou plus
simplement par un étudiant engagé dans l’affaire.
L’assignation des lots aux propriétaires respectifs
a lieu par tirage. La construction des maisons
commence presque immédiatement et de façon
individuelle.
Les infrastructures et équipements de base (la mai-
son communale, les prises d’eau publique, les rues,
etc.) sont assumés par toute la communauté, sous la
tutelle des dirigeants. Les travaux pour l’eau et l’é-
lectricité sont toujours prioritaires. L’installation de
l’électricité est plus rapide, celle de l’eau demande
plus d’efforts et nécessite que l’on considère les
conditions topographiques, l’insuffisance de volu-
me d’eau au niveau urbain, les coûts d’installation
et l’effort humain à fournir.
La dernière étape est l’aménagement des rues et
des trottoirs. À ce stade, l’intérêt de la population
pour le travail communautaire est moindre.
On peut donc dire qu’il existe un décalage entre la
démarche logique administrative pour l’aménage-
ment urbain et les besoins de la population, prati-
quement opposés.
35
L e s f a c t e u r s i d é o l o g i q u e s e t c u l t u r e l s , p r a t i q u e s s o c i a l e s
Organisation populaireC’est un aspect important qui mérite d’être pris en
compte pour expliquer l’importance des organisa-
tions populaires qui se développent dans les
milieux urbains et plus particulièrement en réfé-
rence à la problématique de l’habitat. La société
andine se différencie de la société occidentale par
un caractère collectiviste dont la base était un
ensemble de personnes ayant un lien de parenté et
qui se dénommait « ayllu ».
On trouve actuellement des communautés paysan-
nes andines qui sont les héritières de ce système
autonome de vie des « ayllus » avec une organisa-
tion sociale caractérisée par un ensemble de
familles qui possèdent un terrain commun et qui
sont unies par un lien social, culturel et écono-
mique. L’organisation de ces communautés se base
sur le principe de la solidarité et de la réciprocité
caractérisées par la propriété communale, le
« ayni »6 et le « minka »7 qui sont l’expression tra-
ditionnelle la plus évidente du travail communau-
taire.
Toutes ces formes d’organisations communales
andines ont résisté aux transformations occidenta-
les imposées sous toutes leurs formes, et continuent
actuellement à être en vigueur.
L’exode des populations rurales vers les zones
urbaines importantes favorise un transfert de ces
formes de vie communautaire, créant ainsi de nou-
velles formes d’organisation qui donnent la possi-
bilité d’obtenir des acquis spécifiques, pour pou-
voir, de cette manière, affronter les nouveaux pro-
blèmes urbains. Ce processus s’opère autant pour
les aspects légaux et administratifs imposés par les
organismes de l’État, que pour résoudre les problè-
mes propres à l’implantation et à la construction
des habitations, pour leur adéquation physique, et
pour l’implantation des services communaux (rou-
tes, écoles, installation de l’eau et de l’électricité).
La population migrante appor te avec elle ses coutumes, rites et religions.
6. « Ayni » : retour, récompense, échange, mutuelle.7. « Minka » : contrat, engagement, convention pour un travail.
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La culture implique des pratiques visibles dans les
caractéristiques typologiques de la maison, tout
comme le processus sociologique de « l’alignement
culturel » : émigrer vers la grande ville, construire
si possible en béton, est « mieux ». Cela exprime
en effet un statut plus élevé aux yeux des « autres »
qui permet au propriétaire d’être mieux « considé-
ré ». Le béton, matériau dit « noble », est donc pré-
féré en priorité pour la construction de la maison.
Cependant, la réalité économique oblige souvent à
utiliser l’adobe.
Influence socio-culturelle
La composition de la population de la ville de
Cusco indique qu’il existe un rapport direct (émi-
grés de la première génération) ou indirect (enfants
ou petits-enfants d’émigrés) avec le milieu rural. La
population migrante amène avec elle sa culture
(coutumes, rites, religion), typiquement rurale, qui
marque sa différence avec le milieu urbain.
Un mélange s’opère finalement, qui impose une
nouvelle identité culturelle – l’apparition de nou-
velles formes musicales, de nouvelles formes de
communication et d’alimentation – et qui suscite
ainsi un changement social notable dans la société
de la ville de Cusco.
La famille, qui constituait une unité de production
quand son activité était plutôt agricole, se transfor-
me à la ville en une unité de consommation. Le
chef de famille est obligé de prendre une activité
de service (employé d’hôtel, marchand informel,
etc.) qui n’offre en général qu’un salaire minime et
instable.
Idéologie constructive populaire
Corpus Christie, fête religieuse qui rassemble lapopulation de Cusco.
37
Rôle du maçon immigré
Il est intéressant d’expliquer comment un habitant
rural devient maçon en zone urbaine populaire.
L’agriculture de montagne, dans la Sierra, est pro-
fondément dépendante de facteurs climatiques,
surtout de la pluie. Très insuffisante, elle est l’un
des facteurs principaux de la migration de la popu-
lation qui a du mal à vivre de l’agriculture.
Le temps entre la récolte et les semailles permet
aux habitants de la campagne de se déplacer vers
la ville.
L’émigré en milieu urbain est engagé pour la pro-
duction des adobes et pour la construction de mai-
sons. Au début, il est pris comme aide d’un pro-
ducteur d’adobe déjà établi. Il est alors chargé de
l’extraction, du transport et du mélange de la terre.
Plus tard, il s’établit lui-même comme fabricant et
commence l’apprentissage du processus constructif
comme aide-maçon pendant une période allant de
1 à 3 ans. Puis il devient à son tour maçon.
Il faut reconnaître que le maçon possède sa propre
échelle de valeurs et fait la différence entre le
béton et la terre (influences urbaines). Pour lui,
maîtriser la construction en adobe n’est qu’un pas-
sage lui ouvrant l’accès à un statut supérieur, celui
de constructeur en béton. Il est inutile de dire qu’il
ne cherchera pas à soutenir la construction en
adobe qu’il ne reconnaît que comme provisoire.
Un paysan qui fabrique des adobes pendant la période cessionnaire (mai, juin, juillet, août).
Le maçon émigré et son assistant en
plein chantier.
38
C’est un facteur très important pour l’aménage-
ment urbain et l’occupation des terrains. Ces
conditions comprennent l’accessibilité et la proxi-
mité de routes importantes. La topographie rend
parfois difficiles l’ouverture de rues à l’intérieur
des lotissements. Le tracé sur le plan se révèle sou-
vent inapproprié à cette réalité topographique.
Commercialement, un terrain en pente et d’accès
difficile coûte moins cher qu’un terrain qui se trou-
ve en plaine, dans la partie basse de la ville et qui
possède une topographie plus régulière. Cette
échelle de valeurs détermine aussi une échelle
socio-économique, les moins riches étant placés sur
la partie haute, les plus riches sur les terrains
offrant tous les avantages.
Les formes d’occupation et de subdivision des ter-
rains détruisent l’harmonie du paysage urbain, du
relief topographique naturel, en provoquant des
érosions, des glissements de terrain. Tenter de don-
ner des dimensions uniformes, des formes carrées
aux parcelles individuelles et aux routes pré-
établies, sont des facteurs qui altèrent l’environne-
ment physique. Ainsi, peut-être serait-il plus effica-
ce et utile de porter une plus grande attention à ces
aspects en écrivant un document qui préciserait les
normes techniques.
Nous référant à nos ancêtres les Incas qui donnè-
rent une énorme importance à la planification
urbaine et surtout au profond respect de la terre, la
« pachamama »8, c’est-à-dire la terre-mère, il im-
porte par conséquent de la respecter, d’éviter de
l’altérer, de la détruire. Il est préférable de mieux
« l’intégrer » aux formes naturelles pour obtenir
ainsi une harmonie avec la nature.
Les problèmes topographiques sont très présentsdans les quar tiers populaires (quar tier « les Incas »).
8. « Pachamama » : la terre mère, dieu totémique des Incas repré-senté par la planète terre.
Table d’échelle de valeurs socio-économiques
L e s c o n d i t i o n s s p a t i a l e s
39
La réglementation urbaine
À l’évidence, les institutions administratives et
financières liées au système constructif ont des
réglementations urbaines qui ne correspondent pas
à la réalité concrète qu’est la maison populaire.
Dans un cadre technico-légal, une maison en
adobe n’est pas cataloguée comme une construc-
tion en matériaux « nobles ». Pour cette raison, les
normes n’autorisent pas la construction d’une mai-
son en adobe de plus d’un étage.
Il existe encore une contradiction évidente : la
disposition réglementaire oblige le propriétaire à
construire sa maison avec un retrait de 2 m par rap-
port à la rue. Les effets de ce règlement sont absur-
des, car les propriétaires perdent en moyenne
20 m2 de terrain, sans compter d’autres problèmes
d’adaptation à la topographie des terrains.
Exemple de maisons populaires qui ont suivi un processus d’évolution urbaine informelle.
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Il existe plusieurs variantes dans cette typologie,
toutes élaborées à partir d’une même morphologie
spatiale de base. Ainsi, on peut observer des cons-
tructions à un étage, constituées d’une coursive
simple, leur rez-de-chaussée étant utilisé comme
espace social où le séjour et la salle-à-manger peu-
vent ou non communiquer entre eux. Au premier
étage les mêmes modules se répètent pour former
la zone familiale intime, divisée en chambres qui
communiquent par un couloir-véranda. L’escalier
extérieur peut être d’une volée en bois (A1, A2), ou
de deux volées en bois et béton (A3).
L’emplacement du bloc sur le terrain s’accorde aux
conditions topographiques. Le type A1 est adossé à
la partie latérale du terrain. Le type A2 se place
dans la partie postérieure du terrain, et pour ces
E s s a i s d e c l a s s i f i c a t i o n s p a t i a l e
e t f o n c t i o n n e l l e
Les variantes des formes de type A (A1, A2, A3)
Maison de type A (quar tier « premier mai »).
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deux cas, la toiture n’a qu’une seule pente. Enfin,
le type A3 est disposé dans la partie frontale. Sa
coursive est simple, et sa toiture est à deux pentes.
La fonction des espaces du rez-de-chaussée varie.
Ils peuvent aussi servir pour le commerce et
accueillir par exemple une petite épicerie.
L’accès principal est appelé « porte sur rue » (puer-
ta de calle). C’est là que se définit la frontière entre
Maison de type A : Détail de la por te d’accès, escalier et lavabo.
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Dans le cas du type B1, le bloc principal a la forme
d’un « L » et il se tient en partie frontale, de même
pour les types B2 et B3 qui sont par contre de
forme rectangulaire simple.
L’accès est défini par un vestibule étroit (el
« pasillo »), en position centrale pour les types B1
et B3, et latérale pour le type B2.
Le rez-de-chaussée est l’espace social, avec un
séjour, une salle-à-manger, ou petit commerce
(types B1, B2), dans l’intention de procurer
quelque argent supplémentaire à la famille. Le pre-
mier niveau est la zone intime (chambres). On y
accède par un escalier extérieur, d’une seule volée
Les variantes des formes de type B (B1, B2, B3)
Les caractéristiques sont similaires à celles du type
A. Il s’agit d’une base dominante à un étage, les
modules se répétant, aux mêmes formes et mêmes
dimensions.
l’espace extérieur de caractère urbain et l’espace
intérieur de la cellule familiale. Il s’agit d’une limi-
te, bien que l’espace de la cour et celui de la rue
puissent paraître continus.
Le bloc complémentaire, la cuisine, constitue un
espace familial. La famille s’y rassemble tous les
jours pour manger et discuter. La cuisine est inten-
tionnellement mise à l’écart du bloc principal. En
effet, « il faut avoir la confiance de la famille pour
pouvoir y accéder » comme on le sait implicite-
ment.
Les sanitaires, construits provisoirement, sont pla-
cés contre le mur périphérique et la cuisine (types
A1 et A2) ou simplement contre le mur (type A3).
Cet emplacement correspond à une pratique cultu-
relle selon laquelle, dégageant forcément de mau-
vaises odeurs, ils doivent être isolés. Mais la raison
est aussi pratique étant donné le manque d’eau.
Le patio est la zone où prennent place l’ensemble
des activités. C’est le « hall » de distribution. Là se
trouvent le petit potager, un petit élevage d’ani-
maux domestiques (poules, dindes) et le dépôt à
outils.
La prise d’eau, une petite fontaine dont le bassin
mesure moins de 1 m3, est placée soit entre la cui-
sine et le bloc principal, soit au milieu de la cour.
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et en bois (types B1, B3), ou de deux volées, en
béton et en bois (type B2). Le couloir-véranda
longe toutes les pièces.
La cuisine, les sanitaires et la prise d’eau présentent
des caractéristiques identiques au type A. Le jardin
potager est en fond de terrain.
Maison de type B avec un accès assez impor tant.
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UTe c h n i q u e s d e c o n s t r u c t i o n e t s y s t è m e s c o n s t r u c t i f s
Les techniques de constructionLes caractéristiques des techniques de construction
s’opposent à des normes de construction rigoureu-
ses en ce qui concerne l’adobe. En effet, la régle-
mentation exige que les projets d’habitat en adobe
soient construits sur un seul niveau, à cause du
risque sismique. Mais la population y déroge et
construit sur deux niveaux.
Construire sur deux étages est une manière de
réduire les coûts et de construire facilement la
demeure. Car le coût de l’adobe et des murs est
relativement peu élevé d’autant que le processus de
construction suit une séquence d’étapes. D’autre
part, pour la superficie de la construction, cons-
truire sur un seul niveau signifie occuper une plus
grande surface de terrain. Cela entraîne des pro-
blèmes d’occupation de la surface. Il faudrait alors
considérer des espaces habitables minimum qui
sont généralement proposés par les techniciens.
De plus, il faudrait prendre en compte l’importan-
ce sociale, ou le statut, qui correspond à la possibi-
lité de posséder une maison à deux étages.
La technique de construction adoptée par l’habi-
tant ou le maçon est très intuitive, selon leur capa-
cité à résoudre ou non le problème de l’emplace-
ment de l’édifice. Quelques fois les progrès des sys-
tèmes de construction n’arrivent même pas à « la
portée de la population ». C’est ainsi que se rompt
le lien de la population avec le maçon, d’une part,
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et le système administratif, d’autre part. Car les
demandes ou les formalités bureaucratiques et
administratives sont tout simplement inopérantes.
Ainsi, l’adaptation des réglementations et des for-
malités de construction avec la réalité de la région
ou de la ville serait tout à fait nécessaire. Il faudrait
que les entités administratives soient plus dyna-
miques et interactives avec les divers secteurs
de population de façon à leur offrir un traitement
différent.
Les systèmes constructifsIls se caractérisent par la simplicité, directement
issue de la morphologie de la maison.
Les matériaux et les éléments constructifs interve-
nant dans la construction de la maison sont d’usa-
ge traditionnel et de diversité limitée. Les maté-
riaux principaux sont : l’adobe, l’eucalyptus, la
tuile d’argile cuite de type canal, le roseau, le plât-
re, la pierre et la paille.
La maison est à deux niveaux d’une seule coursive,
le toit est incliné à une ou deux pentes.
Le rez-de-chaussée a une hauteur moyenne de
2,50 m et le premier niveau de 2,30 à 2,40 m. La
maison peut mesurer dans sa partie la plus haute de
toiture environ 7 m en moyenne.
FondationsLes fondations ont une profondeur variant entre
0,50 et 0,80 m. Leur largeur est fonction de l’épais-
seur du mur.
Les pierres sont de carrière. Pour la fondation, les
pierres les plus grandes sont posées au fond, les
plus petites au-dessus. Elles sont bâties au mortier
de terre.
Les problèmes de stabilité du terrain, de nappes
phréatiques superficielles, de fortes pentes, ne sont
pas résolus. Ils ne sont tout simplement pas pris en
compte.
SoubassementsIls ont l’épaisseur du mur et sont faits de pierres de
taille moyenne, de préférence plates, bâties au
mortier de terre. Les soubassements connaissent
les mêmes problèmes — et la même absence de
solution — que les fondations, auxquels il faut
rajouter l’exposition à la pluie, et les inondations.
MursIls sont constitués d’adobe (terre et paille) de
dimensions variables (50 x 24 x 15 cm ou 40 x 19
x 10 cm), bâties à la terre.
On constate une méconnaissance presque totale
des critères élémentaires de conception des struc-
tures. Il n’existe aucun renforcement vertical et
horizontal et l’appareillage de la maçonnerie en
adobe est déficient.
Poutres de plancherElles sont en bois d’eucalyptus, de section ronde de
15 ou 20 cm de diamètre, et sont posées directe-
ment sur le mur d’adobe, écartées entre elles de
80 cm à 1 m.
Le plancher, ou sol du premier niveau, est fait de
poutrelles de bois.
Le plafond du rez-de-chaussée est construit à partir
de roseaux attachés avec du fil de fer et revêtus de
plâtre.
Linteaux, portes et fenêtresIls sont en bois d’eucalyptus (rond) de 15 ou 18 cm
de diamètre. Les appuis à chaque extrémité sont de
50 cm maximum. Mais il existe une forte tendance
à faire des ouvertures très longues avec des appuis
courts, ce qui induit finalement une surcharge du
mur.
Les portes et les fenêtres sont de bois de qualité
moyenne. Les portes sont montées selon la tech-
nique de l’emboîtement.
ToitureLa toiture à une pente est inclinée, de 15° à 18°,
et de 23° pour deux pentes. La couverture est en
tuiles de type canal, en argile cuite, bâties sur un
mortier de terre et paille, le tout posé sur une
nappe de roseaux attachés et cloués sur la structu-
re en bois. La charpente est de conception simple,
à chevrons écartés les uns des autres, de 80 cm à
1 m et posés directement sur le mur.
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USols et revêtementsAu rez-de-chaussée, un plancher en bois de qualité
régulière est cloué sur des poutrelles en bois fixées
en terre par des pieux de bois et de pierre. Une
autre façon de procéder consiste à couler du béton
sur une base de pierre, ou plus simplement, de
faire de la terre compactée.
Les enduits et la finition sont effectués au plâtre ou
au mortier de terre et de paille. La peinture tradi-
tionnelle est un mélange de plâtre, de résine de
cactus et d’oxydes colorants. Mais on emploie aussi
de la peinture synthétique.
Réseaux et installationsEn général, les réseaux sont très simples, avec un
seul système de circuit pour toute la maison. Les
installations sont souvent déficientes.
L e c h a n t i e r e t l e p r o c e s s u s d ’ o c c u p a t i o n
Pour qui veut construire une maison, le facteur éco-
nomique, la culture, le climat et la disponibilité en
temps décideront des étapes successives que décli-
ne la logique constructive populaire.
Première étape : « la possession » du terrainDès que l’habitant s’est assuré de la propriété de
son terrain, la fabrication des adobes peut débuter.
Elle s’opère à une date et sous un climat appro-
priés, soit à la saison sèche.
On démarre la construction « provisoirement »,
avec les premiers adobes produits et en ne cons-
truisant qu’un seul niveau. Son élévation confirme
« le contrat de possession »9 du terrain et répond à
d’éventuelles demandes d’autres personnes « asso-
ciées »10 au propriétaire. Cette construction pra-
tique va servir de zone de stockage d’outils et de
matériaux, d’espace de repos et, à l’occasion,
comme logement du maçon. Mais si les besoins
sont très urgents, la famille viendra y habiter en
situation de précarité temporaire.
19. « Contrat de possession » : il s’agit d’un accord ou d’un pactepassé entre les associés, régis par un règlement intérieur élabo-ré par les responsables (appelés « dirigeants »), chargé de fairerespecter les droits et les devoirs des associés. La possessiondu terrain pour l’habitat est confirmée par l’édification d’unedemeure. Mais pour obtenir cette possession, l’habitant passeun contrat qui l’oblige à participer à toutes les activités com-munautaires.
10. « Associés » : terminologie donnée à un ensemble de proprié-taires.
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Deuxième étape : les murs et la toitureCette étape est importante pour le propriétaire qui
veut construire une maison qui permet de résoud-
re son problème de logement. Il achète les princi-
paux matériaux (l’adobe, la pierre, le bois, etc.) qui
lui permettront de construire juste le gros œuvre de
la maison (murs et toiture) pour pouvoir disposer
d’un espace habitable minimum.
Plus tard, il démarrera la finition des différents
espaces, en commençant par le rez-de-chaussée,
puis en installant les portes et les fenêtres, en réali-
sant la finition des murs suivie de celle du sol.
Il existe une relation étroite entre le climat et le
chantier. Celui-ci doit commencer à la saison
sèche, soit au mois de mai, et doit être achevé
avant l’arrivée de la saison des pluies, soit au mois
de septembre.
Pour cette étape, le propriétaire dépense toutes ses
réserves économiques. Un réajustement de l’éco-
nomie familiale est alors nécessaire.
« Wasitechacuy » (la pose du toit)La pose du toit est un événement important pour la
population et généralement une occasion de fête. Il
concrétise la matérialisation d’un espace habitable.
Ainsi est-il de coutume de partager cet événement
entre parents et amis. Ceux-ci sont alors invités à la
fin de la semaine, à une date convenable pour tous.
« La journée démarre avec la distribution des pos-
tes de travail désignés par le maçon. Pendant le tra-
vail, on fait de petites pauses pour se reposer et cal-
mer sa soif avec de la chicha11 et de la bière. A côté,
les femmes font la cuisine. À la fin de la journée,
après avoir posé la dernière tuile, on place en haut
du toit une croix faite en général de bois et un élé-
ment totémique (céramique faite en argile, deux
bœufs, un coq ou un autre animal régional), qui
seront des éléments protecteurs pour la demeure.
Le moment que tous attendent, celui des félicita-
tions au propriétaire, va bon train, la joie est géné-
rale. La fête commence avec le repas, puis vien-
nent les chants et les danses ».
Troisième étape : la finition de la maison et l’occupation intégraleAprès une période assez prudente durant laquelle
le propriétaire a pu reconstituer les réserves néces-
saires pour retrouver un équilibre économique
familial, la finition de la maison se fera progressi-
vement et systématiquement.
Lors de cette étape, le propriétaire construit le mur
périphérique qui définit les limites de son terrain.
Cela lui donne la satisfaction du sentiment de pro-
priété et une impression de sécurité.
La partie finale de la finition du premier niveau de
la maison se termine avec la pose des portes et des
fenêtres, la réalisation des enduits et peintures, de
la véranda et de l’escalier.
La maison peut enfin être occupée dans toute son
intégralité après une nouvelle distribution des
espaces. Le séjour et la salle à manger occupent le
rez-de-chaussée ; les chambres sont au premier
étage ; l’espace qui a été construit en premier est
finalement réservé à la cuisine.
Quatrième étape : les réseaux et installationsIl existe une relation étroite entre l’installation du
réseau d’eau et de l’électricité dans toutes les mai-
sons et la capacité de travail en communauté de
tous les « associés ». Cette étape peut donc interve-
nir après une pause de une à plusieurs années.
11. La chicha : Boisson fermentée à base de maïs.
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Copyrights
Les illustrations (photos, dessins et plans) reproduites dans cettemonographie ne doivent pas être utilisées sans autorisationpréalable. Elles appartiennent toutes à l’auteur à l’exceptionde :
AMAUT F. : Page 39 : Exemple de maisons populaires qui ont suiviun processus d’évolution urbaine informelle. Page 41 : Détailde la porte d’accès, escalier et lavabo.
BUTEL M. : Couverture et page 18 : Maison coloniale avec caractéris-tiques particulières propres à la typologie de maisons à Cusco.
CARAZAS AEDO G. : Page 29 : Communauté paysanne au quotidien.CHAMBI M. : Page 33: Le séisme de 1950. La destruction de la struc-
ture urbaine à l’époque.ESTRADA E. : Page 32 : Maisons qui montrent les effets des différents
séismes et la « taudisation ». SAMANEZ A. : Page 18 : Cour intérieure d’une maison coloniale.VITTORINO C. : Page 31 : Affluence des immigrants paysans vers la
ville. Page 37 : Le maçon émigré et son assistant en plein chan-tier. Couverture de dos : En haut du toit de la maison, la croix etdeux bœufs qui protègent la demeure.