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Décennie mondiale du développement culturel

Tourisme, culture et développement dans la région arabe

Soutenir la culture pour développer le tourisme,

développer le tourisme pour soutenir lu culture

Mohamed Berriane

UNESCO

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Cette étude a été réalisée dans le cadre la Décennie mondiale du développement culturel (1988-1997), par M. Mohamed Berriane, Docteur ès Lettres et sciences humaines (Géographie), Professeur à l’Université Mohammed V, Rabat (Maroc), e-mail : [email protected].

Monsieur M. Berriane s’est largement inspiré des études suivantes: « Culture, tourisme et développement », le cas :

- de l’Égypte, par Mohamed Salah Derwy - de la Jordanie, par Leen A. Fakhoury - du Maroc, par Mohamed Berriane - d’Oman, par Mohsin Bin Al-Balushi - de la Palestine, par Questandi Shomali - de la Syrie, par Samir Abdulac - de la Tunisie, par Jellah Abdelkajî - du Yémen, par Hussein Mohammed Abdulla

Pour tout renseignement complémentaire, contacter M. Hervé Barré, Chef de l’Unité Recherche et développement - Division du patrimoine culturel, Secteur de la culture - UNESCO (1, rue Miollis - 75732 Paris Cedex 15, France).

L’auteur est responsable du choix et de la présentation des faits figurants dans cet ouvrage, ainsi / que des opinions qui y sont exprimées, lesquelles ne sont pas nécessairement celles de l’UNESCO et n’engagent pas l’Organisation.

Publié en 1999 par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture

7, Place de Fontenoy, 753.52 Paris 07 SP

0 UNESCO, 1999

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PRÉFACE

par Monsieur Hernh Crespo-Toral Sous-Directeur général pour la culture

UNESCO

/

L es rives sud et orientales de la Méditerranée, le monde arabe en général, connaissent le tourisme, ou, si l’on préfère, le voyage depuis fort longtemps, sous la forme en particulier des caravanes de com-

merce et des pèlerinages. A l’occasion, le voyage de découverte pouvait se combiner à ces motivations, comme en témoignent les voyages extraordinaires de Sindbad le marin ou ceux du tangérois Ibn Battouta, le Marco Polo du monde arabe, qui, au Moyen Age, parti de la Mecque, alla jusqu’en Chine, poussé par l’esprit de découverte.

Le tourisme est donc une pratique ancienne dans le monde arabe qui a vu ces dernières années, comme dans le reste du monde, l’apparition des formes nouvelles du tourisme, qui ont modifié les relations entre les univers de la culture et du développement. En une quinzaine d’années, grâce à une croissance régulière et forte, le tourisme est devenu un phénomène majeur, aux dimensions économique, sociale, et culturelle porteur de risques ou d’opportunités pour la culture et pour le développement, selon la manière dont il est géré.

L’UNESCO, la « maison des cultures » doit s’intéresser au tourisme, partenaire nécessaire de la culture, et à la complexité des relations entre ces deux secteurs. Le contexte de la mondialisation des communications et de l’économie rendait urgente une réflexion sur le tourisme et sa dimension cultu- relle. Le monde arabe, associant une tradition ancienne du voyage et des échanges interculturels à un patrimoine bâti et de cultures vivantes particulièrement riches et variées était un choix particulièrement bienvenu pour une telle réflexion.

Entreprises dans le cadre de la Décennie mondiale pour le développement culturel de l’UNESCO, huit études d’une grande qualité sur le thème « culture, tourisme et développement » ont ainsi été réalisées pour éclairer les relations entre la culture et le développement, à travers des cas précis, comme l’artisa- nat, les musées, le tourisme de montagne, le tourisme urbain, les villages touristiques, l’échange culturel ou le tourisme de découverte à thèmes culturels. Ces huit études ont servi de base au brillant travail de synthèse effectué par Mohamed Berriane qui a en outre su dégager les principes d’une articulation posi- tive entre la culture et le tourisme. Que ces « universitaires de terrain » soient remerciés pour la contri- bution qu’ils ont apporté à l’exploration des nouveaux territoires que la culture ouvre au développe- ment.

Mais ces études et le présent ouvrage qui en résulte seraient incomplets s’ils se limitaient à une réflexion. Les propositions de projets innovant et stimulants qui figurent dans la dernière partie de l’ouvrage sont un appel à l’action de tous les acteurs publics et privés du tourisme culturel pour un tourisme maîtrisé respectueux du patrimoine et des identités culturelles, de l’environnement et qui favorise le dialogue interculturel tout en permettant d’apporter des solutions durables aux besoins de développement des communautés locales.

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SOMMAIRE

Introduction générale

1. Un tourisme international à ses débuts mais à forte composante culturelle

Un tourisme international encore faible mais qui ne ccssc de s’affrmel Des destinations pionnièrcs et de nouveaux venus : ib> FS pays pionniers

es nouveaux venus Un tourisme j forte composante culturelle

II. Tourisme et culture dans les pays arabes : études de cas

Tourisme et artisanat (a) Un artisanat riche, ancien mais dont l’articulation avec

le tourisme est difficile à évaluer : la Syrie (b) Richesse de l’artisanat, action gouvernementale et

articulations avec le tourisme : le Maroc

Tourisme et patrimoine architectural (a) La richesse du patrimoine architectural arabe (b) La protection et la sauvegarde du patrimoine architectural (c) Le patrimoine architectural et le tourisme : un besoin mutuel

l Les problèmes d’aménagement l La réutilisation des anciens bâtiments l L’organisation des festivals

Tourisme et découvcrtc de 1’Autre (a) Le rôle joué par les musées (b) La réhabilitation des agglomérations rurales pour

la découverte de la culture au quotidien (c) L’émergence du tourisme rural au Maroc

III. Des projets concrets et innovants

Des recommandations concrètes (a) Améliorer le potentiel touristique des produits existants

l Dans le domaine de l’artisanat l Dans le domaine du patrimoine architectural l La découverte de la vie quotidienne

(b) Créer de nouveaux produits l Dans les pays nouvellement ouverts au tourisme,

tout est à faire et les propositions sont ambitieuses

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. Dans les pays pionniers, les propositions vont dans le sens d’une amélioration de l’existant, d’une correction des erreurs et d’une optimisation des produits

l En Tunisie les montages de nouveaux produits posent le problème des rapports entre le culturel et le balnéaire

(c) Des projets pilotes innovants l Le projet des « villages oubliés » en Syrie l La Route de l’encens au Yémen l Le projet « Bethlehem 2000 » en Palestine l La Tunisie ou la nécessité de construire un produit culturel original

à côté d’un tourisme balnéaire dominant l Au Maroc : le tourisme rural en complémentarité avec

le tourisme balnéaire

IV. Des problèmes préoccupants

Des risques de dkgradation du produit culturel (a) Dégradation de l’artisanat (b) Détérioration des monuments (c) Désorganisation des structures socio-économiques

des communautés rurales

Le problème du fonctionnement institutionnel (a) La diversité des institutions

que la relation tourisme-culture interpelle (b) La prise en compte de cette relation :

vers une politique de partenariat (c) Les difficultés à concrétiser ce partenariat

Le problème du financement (a) Les droits d’entrée aux musées et sites historiques (b) Le mécénat

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Conclusion générale 73

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Introduction générak

Parmi les questions posées par la Décennie mon- diale du développement culturel, celle relative à la finalité du développement et à ses effets sur la spécificité et l’identité socioculturelles concerne directement le phénomène touristique. Activité moderne et dynamique, ce secteur a des relations complexes avec la culture qui rejoignent la pro- blématique plus vaste des interactions entre la culture et le développement.

En fait la relation triangulaire « Tourisme - Culture - Développement » a marqué dès le départ l’apparition du tourisme dans les pays en développement. En effet, lorsqu’au milieu des années soixante le tourisme est arrivé dans les destinations méridionales, il fut proposé comme une activité économique pouvant aider ces pays à sortir de leur développement, d’où la relation Tourisme - Développement.

Mais en même temps l’un des thèmes por- teurs qui sous-tendait le développement du tou- risme international dans ces pays a été la dimen- sion culturelle, le tourisme étant proposé à l’époque pour le rôle qu’il était censé jouer dans le développement des relations inter - culturelles et dans la connaissance mutuelle des peuples. La culture intervenait déjà, bien que faiblement, dans les motivations des départs et venait appuyer le développement du tourisme, ce qui rejoignait la relation Tourisme - Culture.

Il manquait néanmoins des rapports nets et explicites entre la Culture et le Développement pour que la relation triangulaire, dont il est ques- tion aujourd’hui, soit complète. La finalité éco- nomique, voire commerciale, a prévalu et la dimension culturelle a été très vite occultée. On ne reparlera des aspects culturels que vers la fin des années soixante-dix lorsque, sur l’initiative de l’UNESCO et de la BIRD, fut organisé en décembre 1976 à Washington le séminaire sur « L’impact du tourisme international sur les valeurs socioculturelles ». Ecartant le thème des retombées économiques et financières du touris- me, le séminaire se préoccupait des seuls effets sociaux et culturels de la croissance économique.

L’une des questions à laquelle devaient répondre les participants était la suivante : Le tourisme est- il un véhicule d’effet de démonstration utile et source de revitalisation culturelle, ou au contraire, serait-il un facteur d’érosion des valeurs indigènes et un vecteur de propagation d’une culture artifi- cielle 2.

Si au cours des années quatre-vingt on ne reparle plus de culture - ou peu- à propos du tou- risme international, celle-ci est devenue un des éléments essentiels du produit touristique offert par plusieurs pays. Le produit balnéaire large- ment commercialisé au cours des années soixan- te-dix, car recherché en priorité par les organisa- teurs de voyages et le tourisme de masse, donnait des signes de vieillissement. L’apparition de nou- veaux comportements dans les sociétés de consommation (tourisme alternatif, tourisme écologique, tourisme de découverte, tourisme sportif, tourisme doux, etc.), va être rapidement mise à profit par les voyagistes qui offrent de plus en plus un produit dit culturel. De ce fait, après plus de deux décennies de commercialisation de la culture par le tourisme, la question qui se pose en cette fin de siècle est la suivante: Cette demande touristique en produit culturel, devenue désormais incontournable, a-t-elle débouché sur une banalisation et une généralisation d’un sous- produit culturel destiné à une consommation de masse? L’articulation culture/tourisme peut-elle contribuer à la sauvegarde et à la protection du patrimoine culturel et, partant, participer à l’effort général de développement ? Ces questions $ se situent dans le prolongement direct de la nou- E velle approche de la culture telle qu’elle s’est FL

E- dégagée à la Conférence de Mexico. C’est ainsi

~ :

qu’on lit dans le document présentant la z Décennie mondiale du développement culturel que « tout projet de développement économique

3 u

et social qui ne prend pas en compte en même -g ” temps le milieu naturel et culturel d’une popula- tion donnée risque d’être voué à l’échec ». Activité économique visant le développement, le tourisme est bien concerné par cette déclaration qui rappelle la condition nécessaire pour que ce déve- loppement par le tourisme soit un développement

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durable. Pour cela il faut abandonner la concep- tion restrictive du développement, et veiller à ce que l’être humain ne soit plus considéré comme l’agent d’un progrès sans qualités et surtout resti- tuer aux valeurs culturelles et humaines leur place centrale dans le développement économique et technologiquel.

Situé dans cette problématique générale, le tourisme est un secteur économique qui se prête bien à une réflexion le replaçant dans le contexte culturel du pays d’accueil. La participation des habitants de ce pays d’accueil au développement touristique ne se limite pas uniquement à l’emploi ou à la vente de services et de biens, mais l’identi- té culturelle de ces populations qui fonde leur vision du monde est également concernée.

Mais contrairement aux relations qui peuvent naître entre la culture et d’autres secteurs écono- miques, celles liant le tourisme à la culture sont à la fois complexes et essentielles. La promotion de la culture peut se faire par le biais du tourisme lorsque celui-ci la conforte par ses retombées financières et économiques. Le cas le plus évident est le secteur de l’artisanat qui partout dans le monde arabe profite de la demande touristique. Mais le tourisme lui-même peut tirer de substantiels profits de la culture lorsque celle-ci rentre dans la composition du produit com- mercialisé. Le tourisme de la plupart des pays arabes est avant tout à composante culturelle. Mais le fait même que la culture se trouve placée, par le biais du tourisme en position de produit commercial, consti- tue un grand danger pour son authenticité.

Le lancement par l’UNESCO de ce nou- veau concept dans le cadre de la Décennie mon- diale du développement culturel vise avant tout la sensibilisation des Etats membres à cette relation fortement dialectique. Le but ultime pourrait être l’engagement d’actions concrètes au niveau natio- nal pour une sensibilisation de tous les acteurs intervenant dans le champs du tourisme et de la culture : populations, élus, administrations concernées, professionnels de I’hébergement et voyagistes.

Le choix de la Région arabe comme terrain d’étude pour mener une analyse des rapports entre le tourisme, la culture et le développement est intéressant à plusieurs niveaux. Pétris

d’histoire, les pays et les sociétés de la région sont de véritables gisements culturels qu’exploite une demande touristique, encore naissante, mais par- fois assez bien développée. Certains de ces pays reçoivent déjà des flux non négligeables de tou- ristes et ont déjà accumulé une expérience. D’autres ne font que s’ouvrir au tourisme et peu- vent mettre à profit cette expérience pour ne pas répéter les mêmes erreurs. Pour ceux déjà bien installés sur le marché touristique, le vieillisse- ment de leur produit touristique nécessite un renouvellement où la dimension culturelle occu- pe une place de choix. Il est donc judicieux d’ini- tier une réflexion sur le tourisme et la culture pour éviter les dérapages et assurer la durabilité du développement, le souhait de faire venir le maximum de touristes en vendant de la culture pouvant être préjudiciable aux identités cultu- relles.

L’association du terme culture à celui de tourisme donnant parfois naissance à une ambi- guïté qui consiste à identifier souvent le culturel dans ce cas au terme de « patrimoine culturel » qui lui-même se réduit aux sites et monuments historiques, il est utile d’insister sur le fait que la culture s’entend ici dans son sens le plus large. En effet, dès le départ nous avons tenu à ce que l’on entende par culture ce qui permet à l’être humain de s’élever au-dessus de la nature ou encore la manière dont une population vit en société. Il s’agit donc d’une définition assez large qui ne se limite pas au seul patrimoine et qui intègre également la culture du vécu quotidien des peuples.

Le projet tourisme-culture-développement dans la Région arabe a formulé ses interrogations comme suit : - Existe-t-il des relations culture-tourisme-

développement dans les pays concernés ? - Si oui, quelles sont les formes de cet interface

tourisme-culture ? - Ces relations débouchaient-elles sur un déve-

loppement durable ? - Ce qu’il faudrait envisager pour optimiser

cette relation tout en préservant le patrimoine culturel des pays visités ?

La recherche des réponses à ces interroga- tions s’est faite par l’analyse des relations entre le

1. Guide pratique de lir Décennie mondiale du développement cultwel 1988-1997. Pa??s, Uh’ESCO, 1988.

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tourisme et la culture dans chacun des pays étu- diés à travers des exemples précis. Cette analyse devait déboucher sur des propositions visant à favoriser la mise en place d’un tourisme à but cul- turel qui contribue à protéger et à enrichir le patrimoine culturel et naturel et, prenant en compte les effets socioculturels sur les popula- tions, qui puisse constituer une ressource Econo- mique durable. Huit pays ont fait l’objet d’étude : ce sont le Maroc, la Tunisie, l’Égypte, la Palestine, la Syrie, la Jordanie, le Yémen et le Sultanat d’Oman.

La démarche suivie est passée par diffé- rentes étapes : - Une première étude, dite étude pilote, a été

réalisée pour le Maroc et a permis de tester la méthode. Ses résultats ont été présentés et discutés lors d’un symposium qui a eu lieu à Chefchaouen (Maroc) et qui a réuni les experts devant réaliser la mCme Ctude pour sept autres pays arabes.

- Huit études ont été réalisées sur le même modèle tout en tenant compte de la spécifici- té propre à chacun des pays.

- Un symposium de clôture a eu lieu à Sana’a au Yémen et a permis la présentation de toutes les études et leur discussion.

Le présent essai est la synthèse de huit expertises se rapportant respectivement à l’un des huit pays retenus’.

Plus qu’une addition des apports et conclu- sions des huit études, cette svnthèsc cherche à dégager les principaux enseignements de l’analy- se des rapports tourisme-culture-développement en suivant de près lc contenu de chaque rapport.

Elle s’articule autour de quatre axes. Le premier introduit le thème CII presentant brieve- ment la situation du tourisme dans les huit pays qui sont finalement assez rcprescntatifs de l’en- semble du monde arabe. Il conclue a la prédom- nance de la composante culturelle comme princi- pal produit touristique. Le deuxième analyse cette composante en cherchant a mettre en Cvi- dence les articulations entre lc tourisme et la cul- ture à travers les cas étudiés par les difffrents experts. Le troisième s’attache a l’analyse détaillée des propositions retenues pour explici- ter davantage ces articulations. Lc quatrième, enfin, dégage les principaux problèmes a résoudre et les blocages les plus sérieux a lever pour ame- liorer les relations entre le tourisme ct la culture et SC rapprocher davantage d’un développement durable.

1. Les auteur des huit expertises sont : hlohamed Ben&e, Aln~oc, Jellal Al>delka,fî, Tunisie, Jlobamcd Snl‘rh D~IX~: Égypte, Qustandi Shomali, Palestine, Samiv Abdulac, Syne, Lcen A. Fakhoti,-‘, Jo,-d‘znle, Hussein ,Ilob~rmnzcd Abdlrllu, Yémel~, blohsin Bin Khamrs Al-Balushi, Oman. 9

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Bien que situé à proximité de l’Europe, première tiques internationaux. Néanmoins ces flux sont zone d’émission de touristes, et bénéficiant de en progression constante et la culture se trouve à fortes potentialités touristiques, l’ensemble des la tête des motivations de départ vers les destina- pays arabes ne reçoit que de faibles flux touris- tions arabes.

L’activité touristique dont la dynamique ne cesse de s’affirmer est bien présente dans les pays arabes. Elle revêt plusieurs formes et ne se limite pas au seul tourisme international.

La position de la Région arabe, ensemble géographique ensoleillé et à la culture riche et diver- sifiée, à proximité de la première zone d’émission du tourisme mondial qu’est l’Europe a permis très tôt à certains pays arabes comme le Maroc ou la Tunisie de jouer un rôle pionnier comme destina- tions touristiques parmi les pays en développement. Ces deux pays, suivis de l’Egypte, se sont position- nés sur le marché du tourisme mondial dès la deuxième moitié de la décennie soixante, lors de l’arrivée des premières vagues de tourisme de masse sur le rivage sud de la Méditerranée. Néanmoins et malgré cette proximité du principal réservoir de tourisme mondial, le monde arabe ne reçoit aujour- d’hui qu’entre 2 et 3 % des revenus de ce tourisme mondial. En effet, malgré leur richesse culturelle et leur climat se prêtant bien au tourisme balnéaire, les pays arabes du Maghreb et du Machrek, se trouvant en première ligne de contact entre l’Europe et les civilisations orientales, sont l’objet de tensions vives qui expliquent que le rythme des arrivées des étran- gers dans ces pays est extrêmement irrégulier et sac- cadé. N’empêche que le tourisme international, malgré sa faiblesse, constitue aujourd’hui pour cer- tains pays arabes une ressource économique majeu- re. C’est le cas du Maroc et de la Tunisie (respecti- vement 3.000.000 et 4.000.000 arrivées et 11 .OOO.OOO et 19.000.000 nuitées) et de l’Égypte (17.OOO.000 nuitées). Pour d’autres pays il est encore secondai- re (700 à 800.000 arrivées par an pour la Syrie et la Jordanie et 40 à 70.000 arrivées pour le Yémen).

Malgré cette faiblesse des arrivées de tou- ristes étrangers dans la Région arabe, le tourisme en tant qu’activité économique, mais aussi en tant que comportement social, y revêt une grande importance pour ces pays. Cette importance peut être soulignée à quatre niveaux :

Les arrivées de touristes étrangers bien que relativement faibles sont en augmentation constante puisque, à part le Maroc1 où le secteur a traversé une conjoncture difficile, toutes les destinations pour lesquelles nous disposons de statistiques ont enregistré une évolution positive du chiffre des entrées comme le montre le tableau suivant :

Tableau 1. Arrivées du tourisme international dans quelques pays arabes

Pays 1993 1996

Maroc 4.027.000 Tunisie 3.656.000 %Y Pte 2.112.000 Bahrein 1.450.000 E.A.U 1.088.000 Jordanie 765.000 Syrie 703.000 Oman 344.000 Q atar 160.000 Koweit 73.000 Yémen 70.000 Liban 266.000

2.693.000 3.885.000 3.675.000 2.669.000 1.763.000 1.103.000

888.000 435.000 263.000

75.000 75.000

419.000 Source: OMT

1. Une vepvise sensible est velevée depuis 1997.

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- Le tourisme est un secteur économique qui prend de plus en plus d’importance dans les économies nationales. Pour certains pays pionniers il est devenu une activité écono- mique indispensable. Au Maroc l’activité touristique constitue une source inestimable en devises qui contribue au rééquilibrage de la balance des paiements puisqu’avec 11 mil- liards de DH en 1993 le tourisme arrive désormais en deuxième position comme source de devises après les transferts des res- sortissants marocains à l’étranger (17 mil- liards de DH). En 1990, le tourisme a parti- cipé pour 11 % dans les recettes en devises de l’Etat, contre 6,6 % seulement en 1980. Pour la Tunisie, la dépendance de l’économie nationale vis-à-vis du tourisme est encore plus nette. Les recettes touristiques en devises représentent 17% du total des expor- tations en biens et services et couvrent entre 40 et 50 % du déficit de la balance commer- ciale et l’activité génère des emplois très importants puisque 61.000 personnes vivent directement du tourisme et 150.000 indirec- tement dont 40.000 pour le seul artisanat.

- Si le nombre des visiteurs originaires des pays occidentaux est encore relativement faible, les flux régionaux interarabes sont parfois remar- quables. En effet, la croissance économique des pays de cette aire -surtout ceux du Machrek - a entraîné un resserrement des liens entre ces pays et l’augmentation de la coopération économique liant les pays arabes entre eux ou les pays arabes (Miossec, 1995) et des pays non arabes. Le résultat en est le développement d’un tourisme d’affaire sans précédent, dont une partie des flux est consti- tuée de ressortissants de pays arabes. Par ailleurs, des motifs religieux et parfois cultu- rels sous-tendant des déplacements entre pays arabes débouchent sur des comportements de type touristique. Le différentiel de revenu,

5 enfin, existant entre les pays pétroliers et les E a, autres pays arabes, initie des mouvements c touristiques importants. C’est ainsi que les

-$ 4

ressortissants des pays arabes ont représenté

e; en 1993 53,3% de la totalité des arrivées tou- 2 ristiques en Syrie, que 65,5 des visiteurs de la

2 0

Jordanie en 1994 étaient originaires de la

r région du Golfe et que les pays arabes ont

5 constitué 36,1% des touristes ayant visité .z 0

l’Égypte la même année. :+ - A côté de cette demande externe, celle des

nationaux est encore plus importante mais ne se traduit pas par les statistiques officielles.

12 L’importance des classes moyennes citadines

dans le Monde arabe a très tôt généré une demande touristique interne ayant une forte spécificité et se traduisant entre autre par une redécouverte du patrimoine culturel par ces classes moyennes. Mais plus qu’un mimétis- me du monde occidental, les conduites touris- tiques des sociétés arabes trouvent leurs racines dans l’histoire et la culture arabes. Les persistances de solidarités familiales mainte- nues entre les campagnes, lieux d’origine d’une importante frange de la société néo- citadine, et les villes, réceptacles des flux de l’exode rural, ajoutées à la tradition de mobi- lité de ces sociétés et à l’intégration des anciens pôles de pèlerinage aux espaces de loi- sirs modernes favorisent des déplacements que l’on peut définir aujourd’hui comme des déplacements touristiques (Berriane, 1992). De ce fait les taux de départ en vacance des citadins arabes sont assez élevés et se situent selon les pays entre 40 et 50%. A ces flux internes viennent s’ajouter ceux des résidents à l’étranger dont les retours aux pays d’origi- ne deviennent de plus en plus des voyages de tourisme avec notamment le souhait de faire découvrir les pays aux enfants des secondes et troisièmes générations. Que ce soit au Maroc, en Tunisie, en Syrie ou dans les pays du Golfe, les observations et les mesures concordent pour relever la part majoritaire des touristes nationaux.

L’intérêt de souligner l’importance de ces deux types de clientèle à côté de la clientèle occi- dentale plus classique et mieux connue est le lien intime qui existe entre l’élaboration d’un pro- duit touristique et les comportements et attentes des touristes. Ces dernières ne sont pas homo- gènes et dépendent de l’origine de la clientèle, d’où la nécessité de typer cette clientèle. Or, dans les pays arabes il convient désormais de tenir compte de trois, voire quatre, catégories de touristes : - le tourisme national - le tourisme interarabe - le tourisme occidental - le tourisme iranien pour les pays du Machrek.

Ces quatre types de flux que reçoivent les pays arabes sont spécifiques dans leurs compor- tements, mais se rejoignent dans l’importance accordée dans les motivations de leurs déplace- ments à la dimension culturelle. Pour le touriste occidental, la motivation principale du voyage vers la région arabe, pétrie d’histoire, foyer des grandes civilisations et origine des trois religions

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Arrivée des touristes dans quelques pays arabes selon I’OMT (1996)

Mauritanie

&; 0 1000 km I l 100000 "$ 500 @-Jo 0 1000000

Carte 1 : Arrivées des touristes internationaux dans les pays arabes

monothéistes, est la découverte des lieux des avancées majeures de l’humanité au cours des siècles passés. Pour le touriste interarabe et ira- nien, le déplacement est avant tout sous-tendu par le pèlerinage qui génère des flux importants de pèlerins-touristes (1 million chaque année vers la Mecque et Médine). Enfin les touristes internes, bien qu’accordant une grande place à la recherche du plaisir balnéaire, ne sont pas insen- sibles à la redécouverte de leur patrimoine et des

monuments historico-religieux. La primauté de la motivation culturelle dans les voyages touris- tiques cn direction ou au sein des pays arabes justifie amplement la programmation de cette étude.

Il reste que les pays arabes, en général, et ceux retenus par le programme, en particulier, ne sont pas touchés par le tourisme avec la même intensité.

Des destinations pionnières et de nouveaux venus

Hormis les pays arabes qui se sont fermés été établies peuvent être regroupés en deux autrefois volontairement au tourisme interna- ensembles : tional comme l’Algérie, la Libye (Jamahiriya - des pays pionniers et qui sont le Maroc, la arabe libyenne) ou l’Arabie Saoudite ou qui, Tunisie et l’Égypte malgré leur volonté de s’ouvrir aujourd’hui, ne - des pays qui s’entrouvrent et qui sont la Syrie, 1 e peuvent pas comme la même Algérie ou la Jordanie, la Palestine, le Yémen et le l’Irak, les pays pour lesquels les expertises ont Sultanat d’Oman.

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d) Les pays pionniers

Au lendemain de son indépendance, le Maroc, avec quelque 200 hôtels totalisant 7.300 lits, est loin d’être une destination touristique confirmée. Mais à partir du plan triennal 1965-l 967, le pays - à l’instar de plusieurs autres pays en développement - inau- gure une nouvelle politique économique insistant sur trois secteurs prioritaires : l’agriculture, le tou- risme et la formation des cadres. Le tourisme n’est plus considéré comme un simple auxiliaire pour équilibrer la balance des paiements mais bel et bien comme un véritable moteur de développement.

L’État se dote de sociétés et d’organismes dont il détient la majorité des capitaux et qui se consacrent à l’emploi d’investissements publics comme l’office national marocain du tourisme qui ajoute à son rôle d’animateur et d’agent publicitaire, celui de promoteur et de gestionnai- re ou la Caisse de dépôt et de gestion qui réalise des programmes touristiques pour ensuite les céder à d’autres sociétés de gestion, ou enfin le Crédit immobilier et hôtelier qui accorde des cré- dits aux investisseurs. L’État intervient aussi au niveau des opérations d’aménagement de grande envergure dans le cadre des sociétés nationales d’aménagement touristique comme celle de la Baie de Tanger (SNABT) ou celle de la baie d’Agadir (SONABA).

L’intervention de l’État se traduit égale- ment par les efforts consentis par les pouvoirs publics pour attirer les capitaux privés nationaux ou étrangers vers le secteur touristique et ce à coup de primes et d’exonérations d’impôts. L’ensemble des mesures d’incitation est contenu dans les différents codes des investissements tou- ristiques de 1965, 1973 et 1983.

L’État intervient enfin pour réaliser les conditions générales nécessaires à l’essor du tou-

E 2 risme: création d’une législation hôtelière et tou- w &

ristique, encadrement humain avec les écoles de formation professionnelle, organisation du sec-

-$ %

teur des agences de voyages, infrastructures de

s transport, classement des hôtels, promotion tou-

z ristique à l’étranger. 2 0 E

Avec le plan triennal 1978-1980, l’État se

.2 désengage de son effort d’investissement direct

s dans le secteur du tourisme tout en continuant

H à stimuler le secteur privé. Marquant l’aboutisse- ment de ce processus de désengagement, le mou- vement de transfert du secteur public au secteur

1-F privé des participations détenues dans des

sociétés par l’État, commencé en 1990, touche également les hôtels appartenant en totalité à l’État ou à des établissements publics.

Malgré une conjoncture difficile qui s’est traduite par une véritable chute des arrivées au début de la décennie quatre-vingt-dix, une nette reprise s’est amorcée depuis 1997. Aujourd’hui, avec une capacité hôtelière de plus de 90.000 lits classés, des entrées de touristes d’environ 2 mil- lions de visiteurs et un total des nuitées dépassant les 11 millions par an (1993), le Maroc est l’une des principales destinations touristiques de la rive sud de la Méditerranée.

En Tunisie, le tourisme est considéré comme un secteur économique et un facteur de développement dès le début des années soixante. Il reçoit une attention particulière par le biais du Secrétariat d’Etat au plan et aux finances qui, par l’intermédiaire de la Société hôtelière et touris- tique de Tunisie et la Cofitour (société de finan- cement) lance de façon précoce les premières opé- rations hôtelières dans la région de Hammamet. En 1969 est créé un Ministère de l’aménagement du territoire et du tourisme. Une multitude d’or- ganismes étatiques, privés ou mixtes conjuguent leurs efforts pour viabiliser, équiper et aménager des zones touristiques prioritaires surtout le long du littoral. Comme au Maroc, l’État se désengage pour concentrer ses efforts sur la conquête des marchés extérieurs et dans une politique de contrôle et de sauvegarde.

Un quart de siècle plus tard le tourisme est devenu en Tunisie une activité économique majeure, la capacité en lits étant passé de 4.000 lits en 1962 à 150.000 lits en 1994. Sur le plan com- mercial la réussite est indéniable, la Tunisie fai- sant figure aujourd’hui d’un pays récepteur offrant les forfaits les moins chers et les équipe- ments en infrastructures les mieux adaptés à la demande occidentale.

En Égypte l’ouverture au tourisme inter- national aurait suivi, selon certains auteurs, l’ex- pédition de Napoléon qui ouvrit le pays et donna une impulsion aux recherches sur l’histoire et la civilisation pharaoniques. Sans remonter si loin dans le temps, on peut dire que l’intérêt porté au patrimoine de l’Égypte ancienne a sous-tendu un précoce flux touristique, d’abord aristocratique, où les motivations culturelles étaient essentielles. Le pays reçoit aujourd’hui et selon l’OMT, plus de 44% des flux touristiques qui se dirigent vers les pays du Moyen-Orient (soit un peu plus de

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2 millions de touristes) et offre une capacité hôte- lière de 62.000 chambres hôtelières. Plus que tout autre pays arabe, le motif principal du voyage touristique vers l’Égypte demeure la culture avec 23% des touristes venus pour visiter uniquement . . le patrimome architectural. Les troubles internes qui ont pris comme cible privilégiée les touristes occidentaux expliquent la chute vertigineuse des arrivées au cours des dernières années.

b) L es nouveaux venus

La Jordanie offre une grande variété de centres d’intérêts touristiques et a ouvert ses portes aux visiteurs étrangers depuis bien longtemps. Mais le nombre de touristes étrangers demeure en deçà des potentialités et ce en raison de la situation conflictuelle de la région. De ce fait le rayonne- ment touristique de la Jordanie reste régional puisque sur les 700.000 touristes ayant séjourné dans le pays en 1993, 66% étaient originaires des pays du Golfe et 23% seulement venaient de l’Europe. La capacité d’hébergement est encore limitée et ne dépasse pas 7.730 chambres. Un effort de concertation et de réflexion a été mené ces dernières années avec l’appui du FMI et de I’USAID et des conclusions tirées pour donner une impulsion à l’activité touristique.

La Syrie est l’un des pays arabes qui s’était fermé au tourisme occidental et qui fait preuve depuis quelques années d’une volonté bien affir- mée pour développer le tourisme international dans le cadre de sa politique d’ouverture écono- mique engagée en 1992.

La Syrie recevait, par contre, un important flux de touristes originaires des pays arabes attirés par son climat, son authenticité, ses souks, sa gas- tronomie et le souvenir de l’âge d’or de la civilisa- tion arabo-musulmane, ainsi que de touristes- pèlerins d’Iran. Aujourd’hui encore les Jordaniens (157.734 nuitées) et les Libanais (135.330 nuitées) représentent les deux groupes arabes les plus importants, alors que les Iraniens fournissent à eux seuls 39% du total des nuitées (1991).

Mais ce sont les touristes occidentaux qui sont visés par la politique touristique récente de la Syrie. En fait, la démarche d’ouverture écono- mique en matière de tourisme a commencé plutôt puisque dès juillet 1985 le Conseil supérieur du tourisme a décrété des exemptions fiscales concernant les investissements dans le secteur touristique (taxes sur la construction, droits de douane, fiscalité des entreprises, impôts sur les

revenus etc.). Ces exemptions ne seront générali- sées aux autres secteurs économiques que quelques années plus tard. Des efforts en matière de moyens d’hébergement furent également accomplis avec la construction d’établissements hôteliers de 5 étoiles, la création d’une société mixte pour les établissements touristiques (SYRI- TEL) et le lancement de la chaîne CHAM.

Aujourd’hui la capacité hôtelière totale (toutes catégories confondues) est de 60.000 lits dont 19.352 sont de catégories classées. Les 11 établissements de la chaîne CHAM couvrent l’ensemble du territoire national en se localisant dans les grandes villes, sur les principaux sites balnéaires et à proximité des grands sites du patrimoine culturel comme à Safita (Krak des Chevaliers), Hama (Apamée), Bosra, Palmyre et Deir ez Zor (sites de 1’Euphrate). L’ouverture économique et les efforts consentis en faveur du tourisme font aujourd’hui de la Syrie une desti- nation du tourisme culturel de bon niveau.

A l’instar des émirats du Golfe, le Sultanat d’Oman reçoit un tourisme d’affaire depuis 1987, date des premières autorisations officielles déli- vrées à ce type de visiteurs. Ce n’est qu’en 1989 qu’un Département du tourisme est créé. Quelques années auparavant (1983), une stratégie de développement de ce tourisme a été préparée et l’essentiel des établissements hôteliers était regroupé à Muscat. La décision de s’ouvrir à un tourisme international plus large (autre que les voyages d’affaires) n’est prise qu’en 1990, année au cours de laquelle une étude fut commandée à un bureau d’étude international pour la concep- tion d’une stratégie nationale de développement touristique basé sur les ressources naturelles et les richesses culturelles.

Aujourd’hui le pays est doté de 37 établis- sements hôteliers classés dont 19 sont concentrés à Muscat. Il reçoit quelques 200.000 visiteurs dont $ 34% sont des visiteurs effectuant des voyages E d’affaires et seulement 17% considérés comme 3 des touristes vrais par les services de contrôle de 5 l’immigration qui délivrent les visas à cet effet. %

0 2

La partie nord du Yémen qui était pro- grammée pendant les décennies soixante-dix et quatre-vingt était visitée par un flux non négli- geable de touristes pionniers européens : en 1974, 33% des 7.800 touristes reçus étaient des visiteurs 8 européens. Malgré ses richesses culturelles, notamment sur le plan architectural, le sud était jusqu’à la réunification complètement fermé au I S

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tourisme international. Aujourd’hui et après sa réunification, le pavs s’ouvre lentement au touris- me international et a reçu en 1994 39.929 touristes dont 67% étaient des touristes occidentaux. Mais cette reprise est très timide, l’évolution du nombre des arrivées ayant même chuté depuis 1992, année qui a enregistré un chiffre record de 72.169. Pour appuyer la reprise l’effort à accomplir est considé- rable. Outre le fait que les 5.480 chambres qui sont concentrées à 60% à Sana’a et Aden ne s’ali- gnent pas sur les standards internationaux de l’hô- tellerie classée, les autres infrastructures d’accom- pagnement (restauration, animation, transport etc.) font encore largement défaut.

Cela est également le cas de la Palestine. Gaza et la Cisjordanie sont des régions riches en

sites historiques auxquels se réfèrent les croyants des trois religions monothéistes, et en sites natu- rels relativement variés. L’Autorité Nationale Palestinienne souhaite développer un tourisme international à composante surtout culturelle et les Accords d’Oslo de 1993 ont consacré un para- graphe au tourisme. A cet effet, un Ministère du tourisme et un Conseil supérieur du tourisme ont Cté créés. Pour réaliser cette politique tout reste à faire que ce soit au niveau de la formation, des infrastructures de base et d’hébergement ou de la publicité. Mais outre les moyens financiers et techniques qu’il faut mobiliser, c’est la modifica- tion de l’image de la région que véhicule les média et l’évolution de l’application des accords de paix qui décideront en fin de compte du lancement ou non du tourisme en Palestine.

Un tourisme à forte composante culturelle

Sauf au Maroc, en Tunisie et dans une moindre mesure en Egypte où s’est développé un tourisme balnéaire de masse, les arrivées de touristes occidentaux sont surtout à composante culturel- le. On peut de ce fait opposer trois types de des- tinations : - Des pays où le produit touristique est à base

culturelle et accorde au tourisme de circuit une grande place :

Il s’agit essentiellement des pays nouvelle- ment ouverts au tourisme et où l’intensité du tou- risme international est encore assez faible. La durée de séjour en un lieu est réduite et limitée souvent à une nuitée. Ce type d’espace touris- tique comprend un point d’entrée, et de sortie et des circuits en boucles jalonnés de villes d’étapes et de sites à visiter ct durant en moyenne 10 à 15 jours. La Syrie, le Yémen, la Jordanie et la Palestine constituent ce groupe.

L’accès à la Syrie s’est fait jusqu’à ces der- nières années par l’aéroport de Damas et depuis peu, par Alcp et le pays a fait l’objet d’un véri- table quadrillage par les hôtels de la chaîne pri- vée CHAM qui sont implantés partout où il y a des sites intéressants à visiter : Damas, Bassora, Tadmor, Deir ez Zor, Alep, Jebel el Ala, ruines d’Ebla, Hama, Lattakié, etc. Cela permet désormais aux tours opérateurs euro- péens d’organiser des circuits fournissant un aperçu complet de la richesse culturelle de la Syrie.

La Jordanie (accès par Amman) et le Yémen (accès par Sana’a) organisent également des circuits joignant Petra en Jordanie et Marib au Yémen. L’entrée en Palestine se fait par l’aéro- port de Tel Aviv et les circuits proposés passent par Jérusalem, Bethlehem, Hébron, Jericho et Naplouse : - Des pays où le produit touristique est basé

sur le séjour et où la composante culturelle est fortement réduite :

C’est essentiellement le cas de la Tunisie. Installé sur le marché du tourisme mondial dès la deuxième moitié de la décennie soixante, ce pays a dès le départ misé sur le tourisme balnéaire de masse. Il a de ce fait travaillé à son désenclave- ment aérien, et investi les marchés germaniques, d’où une capacité en lits élevée et des résultats satisfaisants. Le littoral concentre désormais plus de 86% de la capacité hôtelière laissant une par- tie infime aux destinations à composantes cultu- relles comme Tunis ou les oasis du Nefzaoua et du Jerid où le tourisme saharien a été dernière- ment lancé : - Des pays où le produit touristique est com-

posé d’un tourisme itinérant à composante culturelle et d’un tourisme de séjour à domi- nance balnéaire :

Le Maroc et l’Égypte ont tous les deux placé leur arrivée sur le marché du tourisme inter- national sous le signe du tourisme de circuit. Le Maroc a longtemps vécu sur le succès de circuits

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classiques comme celui des villes impériales ou celui de la route des kasbahs à forte composante culturelle. CÉgypte a pour sa part commercialisé ses sites pharaoniques par le biais de circuits le long de la vallée du Nil.

Dans un deuxième temps, ce tourisme iti- nérant a été complété par des séjours balnéaires. Au Maroc c’est l’aménagement des stations balnéaires le long de la côte méditerranéenne et c’est surtout le lancement et l’affirmation de la station balnéaire d’Agadir qui concentre aujour- d’hui presque le quart de la capacité hôtelière du pays. En Égypte, ce tourisme est représenté à

Hurghada sur la mer rouge et à el Arish sur la côte méditerranéenne du Sinaï.

Bien que faiblement présente sur le marché du tourisme international, la Région arabe fait face à une demande touristique non négligeable. Quelle soit liée à l’arrivée, tardive, du tourisme occidental ou aux flux internes ou interarabes, cette demande est sous-tendue avant tout par les motivations culturelles et réagit à un potentiel culturel riche et varié. Des rapports s’établissent de ce fait entre le tourisme et la culture et leur analyse met en évidence une complexité et une richesse insoupçonnées.

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II Tourisme et culture 0 dans les pays arabes :

études dë cas

Que ce soit dans les destinations basées sur le seul produit culturel ou dans celles combinant le centre d’intérêt culturel et le tropisme balnéaire, les produits qui articulent ou qui pourraient davantage articuler tourisme et culture dans les pays arabes sont divers et multiples. Se référant à la méthodologie mise au point par l’étude pilote ayant porté sur le Maroc présentée et discutée lors du séminaire de Chefchaouen, les sept études réalisées dans le cadre du programme se sont appuyées sur la description de ces produits tout en évitant de tomber dans le travers du catalogue systématique. Elles ont sélectionné quelques cas, souvent trois par pays, pour mettre en évidence les rapports entre le tourisme et la culture.

Citons parmi de nombreux cas :

Au Maroc et au-delà des domaines clas- siques tel que les musées ou l’image forte des villes impériales, c’est la richesse de l’artisanat et le rôle des coopératives, des expositions et des festivals dans la promotion de cet artisanat qui ont été mis en valeur ; c’est également la valorisa- tion de l’architecture en terre pré-saharienne ; c’est aussi le développement du tourisme de mon- tagne conçu comme un axe privilégié d’un déve- loppement intégré de la montagne en aidant une communauté montagnarde en difficulté à

diversifier ses revenus, à se maintenir sur place et à consolider de ce fait son originalité culturelle. En Syrie se sont les souks de l’artisanat et le réseau de musées qu’abritent des bâtiments récents ou restaurés. Au Yémen les opérations de réhabilitation des villes de Sana’a et de Shibam (UNESCO) et la création du Centre national pour le développement de l’artisanat (PNUD). En Egypte, les projets de spectacles son et lumiè- re des monuments de Gizeh, Assouan et Louxor. En Jordanie, ce sont les projets de transformation du village de Dana en village touristique. Dans les pays voisins que sont la Palestine, la Jordanie, le Liban et la Syrie, ce sont les projets de circuits conjoints joignant des sites culturels divers et recréant l’unité de Bilad ach Cham. Enfin, en Palestine, ce sont diverses initiatives de création de musées d’arts traditionnels qui cherchent à reconstituer la mémoire perdue d’un peuple.

Dans l’analyse de ces rapports nous avons également préféré regrouper les cas les plus signi- ficatifs et qui reviennent le plus souvent. C’est ainsi qu’en dernière analyse, les différents cas étu- diés peuvent être rassemblés en trois thèmes majeurs : - le tourisme et l’artisanat - le tourisme et le patrimoine architectural - le tourisme et la vie quotidienne des peuples.

Tourisme et artisanat f E & 0

qué (tourisme de séjour balnéaire ou tourisme de circuit), le visiteur étranger ne manque pas de ramener avec lui l’indispensable souvenir. La majorité des expertises réalisées font référence ou détaillent le secteur de l’artisanat et ses relations

S’il y a un secteur dont le sort est intimement lié

avec le tourisme. Il faut dire que les pays arabes se distinguent par un artisanat de qualité et qui puise son authenticité dans les siècles passés. Dans la

à celui du tourisme c’est bien celui de l’artisanat. En effet, quel que soit le type de tourisme prati-

langue française, les mots damas, damasser, -$

damasquiner ainsi que maroquinerie tirent leur origine de la forte influence qu’a eu cet artisanat

:

? par le passé. Mais de tous les pays expertisés, c’est 2 la Syrie, le Maroc et l’Égypte qui sont les plus 2 ̂ grands foyers de l’artisanat traditionnel arabe et $ ce dans la continuité d’un passé glorieux. Les ana- ‘5 lyses des cas du Maroc et de la Syrie ont été très g détaillées et peuvent être retenues ici comme exemples. Leur comparaison est par ailleurs très intéressante dans la mesure où le pays maghrébin 19

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par son ouverture précoce sur le monde occiden- tal a accumulé une certaine expérience dans I’or- ganisation du secteur artisanal et son intégration dans le produit touristique, expérience qui pour- rait être mise à profit par la Syrie. Dans les déve- loppements qui suivent nous laisserons de côté les aspects concernant les problèmes et les diffi- cultés qui seront traités dans le dernier chapitre.

a) Un artisanat riche, ancien mais dont l’articulation avec le tourisme est difficile à évaluer : la Syrie

L’ancienneté de l’artisanat syrien n’est plus à démontrer. Ces produits tels que les métaux ouvragés, les verres et les tissus étaient déjà recherchés par les cours européennes au temps des croisades. Le travail du bois de valeur a rayonné aux IXe et Xe siècles jusqu’au Maroc et en Andalousie à l’ouest et cn Iran et l’Inde vers l’est. La situation du pays au carrefour des grandes routes commerciales telle que la Route de la soie, tout en facilitant les exportations, impli- quait également une grande compétitivité et une spécialisation dans le travail de certains métaux. Des centres de production hiérarchisés et spécia- lisés comme Alep et Damas et secondairement Hama, Homs ez Deir ez Zor fournissaient en productions diverses les besoins des citadins, des villageois mais aussi des nomades.

Aujourd’hui, l’image de l’artisanat syrien paraît assez contrastée : dans certains secteurs, des savoir-faire immémoriaux semblent devoir inexorablement disparaître, alors que certains autres font preuve de surprenantes facultés d’adaptation et mènent même avec succès des offensives commerciales sur les marchés étran- gers. Le mobilier en bois incrusté en nacre ou mossaddaf, et les coffrets et petits meubles en marqueterie de bois de noyer et de noisetier avec incrustations de nacre, d’ivoire et d’os sont recherchés et font preuve d’adaptations remar- quables à la vie moderne. La fabrication du verre, ancienne de quelque 4000 ans, connaît une véri- table renaissance et la production s’accroît pour répondre aux besoins d’acheteurs nationaux et étrangers. En matière de tissage par contre les évolutions sont contrastées. Le brocart* a du mal à s’imposer dans le prêt-à-porter, et malgré les essais d’adaptation du damas2 les opinions quant à sa survie sont pessimistes, alors que l’aghabani3 est largement vendu à l’intérieur et exporté dans le Proche-Orient et même en Europe et que les toiles de Hama qui servaient à fabriquer les anciens sacs d’avoine servent à réaliser des sacs de plage, des dessus de lits et des rideaux destinés aux visiteurs et aux résidents étrangers.

Élément fondamental du patrimoine vivant et de la culture de manière générale, l’artisanat et sa survie sont vitaux pour le maintien de cette culture. Cet artisanat a longtemps résisté aux pro- duits de l’industrie moderne et ce tant que sa clientèle restait attachée à ses modes de vie tradi- tionnels. Aujourd’hui avec la modernisation de la société, une adaptation de l’artisanat est indispen- sable. La demande des pays voisins et celle des touristes en produits artisanaux dans le sens d’un changement de l’usage des produits a permis d’assurer la permanence dans certains secteurs.

La politique des musées et expositions poursuivie de façon continue par les pouvoirs publics en faveur de l’artisanat (Musée des arts et des traditions populaires à Damas, puis à Alep, sections spécialisées sur les arts et traditions populaires dans les autres musées, exposition tournante sur l’artisanat syrien dans les pays européens, stands de l’artisanat dans les festivals de Lattaquié et de Palmyre et à la foire interna- tionale de Damas) permet de faire connaître cet artisanat.

1. Étoffe 2 base de sole incorporant des fils d’or ou d’ar-gent. 2. ÉJtoffc tissée, dont les rnotzfs apparaissent 2 l’endroit en satin sMr fond tissé et à l’envers en tissé sur fond de satin. 3. TISSU brodé avvcc- des fils JC soir suivant des-fi)rrncs végétales et géométriques.

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L’intégration du secteur de l’artisanat dans . la politique touristique se fait par le biais d’une formule de promotion initiée par le Ministère du tourisme. Les souks de l’artisanat sont des concessions accordées par lc Ministère à des exploitants qui occupent des locaux moyennant une location symbolique où ils produisent, expo- sent et commercialisent des produits de l’artisa- nat. Installés dans des monuments historiques, ces souks permettent au visiteur désirant aller à la rencontre de 1’Autre d’observer les artisans en plein travail et à celui pressé d’effectuer des achats de produits regroupés, ce qui évite la recherche des lieux de production et de vente dispersés dans la vieille ville et pas toujours d’accès facile. Deux souks de l’artisanat existent à Damas et à Alep et un troisième est en cours d’installation à Hama.

Suite à tous ces efforts, l’artisanat occupe sans doute aujourd’hui une place importante dans l’économie nationale que ce soit au niveau de l’emploi ou du commerce ou enfin de l’apport des devises. Des élements statistiques manquent néan- moins pour que l’on puisse cerner avec précision l’incidence économique du tourisme sur l’artisa- nat. Appréciés et même recherchés par les visi- teurs qui les découvrent à l’occasion d’un voyage en Syrie, les produits de l’artisanat sont méconnus en Europe. Mais la notoriété de cet artisanat est mieux établie à l’intérieur du monde arabe et la

clientèle des pays voisins semble Otre la plus inté- ressante. Les articles les mieux appréciés sont la mosaïque, les aghabani, les brocarts, les cuivres, les bijoux et les savons d’Alep à l’huile d’olive. À côté des souks de l’artisanat, les ateliers et les commerces les plus frcqucntés par les touristes se rencontrent surtout dans les vieux quartiers et dans les souks de Damas et d’Alep. Comme par- tout ailleurs, les grands hôtels ont aussi leurs bou- tiques spécialisées dans les articles de l’artisanat. Il faut enfin ajouter lc fait que les articles produits en Syrie sont également commercialisés auprès des touristes qui visitent les pay.s voisins.

Reste le problème de la transmission du savoir-faire qui demeure entier. Comme partout dans les pays arabes, les métiers artisanaux se structurent de façon traditionnelle avec la hiérar- chie maître, ouvrier et apprenti, le savoir-faire comportant une part de secret professionnel et se transmettant de père en fils. L’État intervient dans le secteur du tapis et de la broderie florale et des centres artisanaux sont organisés en unités de production par le Ministère des affaires sociales. Le risque que certains métiers aux secrets détenus par une seule personne et dont la relève n’est pas assurée disparaissent est réel. Indispensable pour I sauvegarder ces métiers, l’intervention de l’Etat n’est pas toujours aisée dans un contexte marqué de plus en plus par le libéralisme. Mais la création

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d’établissements de formation professionnelle et de grandes écol es est hautement souhaitée.

L’expérience accumulée par d’autres pays comme le Maroc, par exemple, dans le domaine des coopératives et de la formation profession- nelle peut être mise à profit.

b) Richesse de l’artisanat, action gouverne- mentale et articulations avec le tourisme : le Maroc

Dans le cas du Maroc, les produits de l’artisanat arrivent en tête des achats des touristes. Au début des années soixante-dix déjà, une enquête organi- sée à la demande du Ministère du tourisme1 éva- luait à 54 % la part des achats des touristes en articles de l’artisanat dans le total de leurs dépenses journalières. Les arts et métiers tradi- tionnels sont, en effet, considérés comme un vec- teur culturel, touristique et économique.

Cet artisanat s’exprime à travers les arts de la terre, du bois, des métaux et du textile. Pour tous ces arts il offre toujours deux versions, l’une rurale et l’autre urbaine avec parfois une troisiè- me version mixte.

Les arts de la terre comportent la poterie et la mosaïque. La poterie urbaine tire sa richesse de l’art islamique et andalou, celle rurale se caracté- rise par sa pureté et sa simplicité (rareté des décors), alors que la mixte se présente comme un mélange entre les deux. Le travail de la mosaïque remonte, quant à lui, au XIVe siècle. Il contribue avec le travail du plâtre et la taille de la pierre à enrichir l’architecture traditionnelle. Celle-ci tire profit également de l’art de travailler le bois.

Le travail des métaux remonte à l’époque Almohade alors que le damasquinage est arrivé de la Syrie via 1’A n a ousie. Qu’elle travaille l’or ou d 1 l’argent, la bijouterie se retrouve aussi bien dans le monde rural que dans les villes et l’armurerie combine avec une grande habileté différents maté- riaux comme le bois, l’argent, le fer et le cuivre.

Point fort de l’artisanat marocain, le travail du textile est surtout connu à l’étranger à travers le tapis. Celui-ci offre une production très variée selon que l’on est dans une ville ancienne (Rabat, Fès) ou dans un milieu berbère. Mais le tapis n’est

qu’un élément d’une grande gamme de produits du tissage.

L’action de la puissance publique pour sou- tenir le développement de l’artisanat se résume en trois grands types d’interventions: la formation, les encouragements aux investissements et l’orga- nisation des coopératives.

La formation se fait au sein de 200 établis- sements dont l’Institut national du cuir et du tex- tile et a concerné au cours de l’année scolaire 93-94 quelque 3.551 élèves. Cette formation se fait selon deux systèmes. L’un est dit traditionnel: il est basé sur un apprentissage sur le tas auprès du Maâlem (ou maître-artisan) qui s’occupe de la formation de l’apprenti en lui faisant exécuter des tâches de plus en plus complexes et se déroule dans les coopératives et ensembles artisanaux. L’autre est dit classique et se passe dans les écoles d’arts traditionnels et à l’Institut National de Fès. Cette formation intervient à trois niveaux. Après deux années de formation l’apprenti se spécialise dans les branches du bois et de la tapisserie. Après trois années d’études dans les centres de Méknes, Rabat et Inezgane, l’élève se qualifie comme Maâlem dans le travail du bois, du textile et des métaux. L’Institut national du cuir et texti- le, enfin, délivre des diplômes de techniciens à ses lauréats après une formation de deux ans.

Les encouragements aux investissements s’appuient sur les dispositions contenues dans le Code des investissements de 1973 qui accordent des avantages fiscaux, douaniers et bancaires pour inciter les promoteurs à investir dans le secteur. Pour l’année 1993, par exemple, 100 programmes d’investissements totalisant 36.33 1.257 DH et créant 1.348 emplois ont été soutenus.

Le regroupement des artisans dans le cadre de coopératives artisanales est une pratique assez ancienne dans la société marocaine qui est encou- ragée par le Ministère de tutelle. La coopération est basée sur trois principes fondamentaux et qui sont la gestion collective, la libre adhésion et la redistribution des bénéfices. Au total, on avance le chiffre de 429 coopératives regroupées dans 9 unions et intéressant un total de 20.400 coopéra- teurs. Toutes ces coopératives bénéficient de l’ai- de et de l’assistance technique du département de l’artisanat.

1. oc Étude des conséquences du tourisme sur l’économie nationale JJ, Maroc-Développement (1973). Depuis cette enquête, il y a eu peu de travaux d’évaluation des effets du tourisme sur le secteur de l’artisanat.

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L’action interministérielle atteste de l’inté- rêt que l’on porte à l’artisanat, à son rôle d’en- traînement du tourisme et de préservation de la mémoire collective et de la culture nationale. À cette fin, une convention a été signée en mai 1994 entre le Département de la culture et celui de l’artisanat. Ce protocole d’accord porte sur les points suivants : - Préserver le savoir de l’artisan, le perpétuer et

le transmettre aux générations futures par l’institution d’une formation scientifique à la fois théorique et pratique. Pour cela, il est décidé la création conjointe d’instituts supé- rieurs de formation de cadres spécialisés dans le bâtiment traditionnel, la restauration et l’établissement de normes de qualité. Le pro- tocole vise également la création d’écoles de formation professionnelle qui, tout en utili- sant des méthodes modernes d’apprentissage, préserveraient les systèmes traditionnels.

- Promouvoir les arts et les métiers tradition- nels, en assurer et en élargir le champ de rayonnement par la création de bibliothèques spécialisées, l’exploitation des musées déjà existants et la création d’autres, et la mise en ceuvre d’une politique d’édition.

- Faire revivre certains métiers disparus ou en voie de l’être (calligraphie, lutherie, etc.).

- L’inventaire, la conservation et la diffusion de tout cc qui concerne les arts traditionnels et patrimoniaux.

La demande tounstqme dynnmzse le secteur du tapprs : vente au.~ enchères des tapis de Rabat.

Bien que récente et donc difficile à évaluer, cette action interministérielle nous semble très intéressante dans la mesure où elle met en éviden- ce les articulations devant exister entre le Ministère dc la culture et l’administration de l’artisanat pour sauvegarder, protéger et mieux faire connaître ce patrimoine culturel. Il aurait été souhaitable qu’un .’ troisieme partenaire, le Ministère du tourisme, se joigne à cette conven- tion.

En attendant les articulations entre le tou- risme et l’artisanat sont plus qu’évidentes. Les retombées du tourisme sur l’artisanat se tradui- sent d’abord par une très forte consommation des produits de ce secteur. Les professionnels du tou- risme avancent le chiffre de plus de 40% pour la part des articles consommés à l’intérieur du pays par le tourisme. Mais les exportations par le biais de la demande touristique rapportent une masse de devises appréciable. Avec 227.245.000 DH en 1993, le tapis arrive en tCte de ces exportations, suivi des vêtements et couvertures (55.202.009 DH) et de la maroquinerie (33.859.498 DH).

Cactivité artisanale participe ainsi à la pro- duction nationale à raison de 8% et fait vivre en moyenne un foyer sur trois en milieu urbain et un foyer sur dix en milieu rural. Mais les retombées de l’artisanat sur le tourisme lui-même ne sont 23

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pas négligeables. Les produits mis à la disposition du touriste ou du visiteur potentiel du Maroc sont l’un des moyens les plus efficaces de la promotion touristique. On pense, en particulier, à la diffusion dans le monde de quelque 400 à 500.000 tapis marocains exportés qui pénètrent au sein des foyers. Une autre promotion est représentée par les artisans marocains de plus en plus sollicités à travers le monde pour la réalisation de mosquées ct de palais (par exemple, le pavillon du Maroc à Disneyland à Orlando). La création dans chaque région du Maroc de complexes artisanaux visités 1 1 e p us souvent par les touristes qui peuvent y observer l’évolution d’artistes dans leurs ateliers à côté des salles d’exposition et de ventes ; les expositions artisanales et l’organisation régulière du Mois de l’artisanat, qui est toujours l’occasion de manifestations diverses, dont des expositions et des campagnes promotionnelles, sont autant d’attractions qui attirent le touriste, lui faisant découvrir l’originalité du pays et de la société visités et lui offrant une alternative au produit balnéaire.

Carticulation avec le secteur touristique apparaît lorsque l’on analyse la répartition géo- graphique de ces investissements. Ce sont les

grandes villes à vocation artisanale et touristique comme Fès, Agadir, Salé ou Marrakech qui concentrent l’essentiel de ces investissements. La répartition géographique des coopératives et de leurs adhérents traduit également les liens exis- tant entre le tourisme et l’artisanat puisque les villes à vocation touristique de Marrakech, Tanger, Agadir et Fès concentrent 30% des coopératives et plus de 70% des adhérents. Le cas 11 .. e p us significatif est représenté par Agadir, qui bien qu’étant une ville neuve, suite à sa recons- truction, ne bénéficiant plus des structures anciennes de l’artisanat, concentre une cinquan- taine de coopératives totalisant plus de 2.043 adhérents. Ici le tourisme a joué le rôle de pôle d’attraction pour les activités artisanales grâce à la forte demande de la première destination touris- tique du pays (plus de 3.000.000 de nuitées par an).

En conclusion, on peut dire que les rela- tions tissées entre le tourisme d’un côté et l’arti- sanat de l’autre sont à la fois réelles et souhaitées par les instances gouvernementales. Profitant de la qualité et de 1 d a iversité de l’artisanat, le touris- me améliore son image de marque, alors que la demande du tourisme en articles d’artisanat dynamise ce dernier.

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Les cercles sont proportionnels aux effectifs des coopératives :

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Carte 2 : Répartition géographique des coopératives artisanales au Maroc

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Toutes les études ont mis en rapport le ces relations ne sont pas que positifs et nous développement du tourisme et la protection du aurons l’occasion de revenir sur les aspects néga- secteur de l’artisanat dans les autres pays. Mais tifs de cette relation’.

Tourisme et patrimoine architectural

Il est bien connu que l’héritage architectural des pays arabes est caractérisé par une richesse et une diversité qui en font un patrimoine remarquable. Que ce soit l’architecture antique ou celles des dif- férentes périodes historiques avant et après l’islam, l’éventail est très large. Plusieurs cités anciennes comme Damas, Sana’a, Fès ou Marrakech sont encore actives de nos jours et constituent parfois des métropoles régionales ou des capitales natio- nales. Les rapports qu’entretient cc patrimoine architectural avec le tourisme et inversement ceux que cherche à établir le secteur touristique avec cc centre d’intérêt que représente l’architecture par- fois millénaire sont multiples. Ils illustrent de façon remarquable les besoins mutuels qui peuvent naître entre les deux secteurs. Pour les analyser nous pouvons les regrouper en trois ensembles : - Ce patrimoine riche et varié est souvent

exploité par le tourisme, mais dans plusieurs cas cette intégration d’une composante cultu- relle de haut niveau dans le produit touris- tique se fait de façon spontanée et sans straté- gie.

- La valorisation de ce patrimoine nécessite également des interventions assez coûteuses, mais indispensables et où la solidarité interna- tionale est parfois trtts active pour sa réhabili- tation.

- L’exploitation touristique de cet héritage revêt, enfin, plusieurs formes.

a) La richesse du patrimoine architectural arabe

Les huit expertises se sont longuement arrêtées sur la description de l’héritage architectural.

Celui-ci remonte parfois loin dans le temps puisque l’on rencontre dans les pays arabes étu- diés des vestiges datant des civilisations anciennes de la Mfsopotamie et même des traces dc la pré- histoire. À Oman, les sites de Bat dans la région de Dhahira (tours et tombes en pierres), de Lizq dans celle de Sharquya et de Ubar dans le Dhofar concentrent des vestiges des âges du bronze et du

I. Voir le deunier chapitre.

fer, mais aussi des traces des civilisations hellénis- tique et romaine. Dans le Dhofar existe égalc- ment la forteresse de Sumhuram, fondée au pre- mier siècle par des marins yéménites pour la col- lecte et la redistribution de l’encens.

Le Yémen est désormais connu sur le plan international par son architecture citadine origi- nale. Une ville comme Sana’a, capitale du Yémen, avec ses célkbres maisons-tours à l’architecture fonctionnelle et soignCc, ses jardins multiples i . l’intérieur comme à l’ext&ricur des remparts et son efficace alimentation en eau par puits reprf- sentait, jusqu’à 1970, date du début de l’explosion urbaine, un véritable joyau de la civilisation urbaine arabe. Selon les contraintes régionales (climat et matériaux de construction disponibles sur place), on distingue différents types de mai- sons : les maisons en briques cuites recouvertes de gypse et décorées des vallées chaudes et humides de Tehama, celles à plusieurs étages (jus- qu’à huit) des cités du Centre comme Shibam - Hadramout, celles construites en pierres et à 2-3 niveaux du Haut pays central et enfin celles en pierres également des plateaux de l’Ouest et qui peuvent atteindre 3 à 4 ttages et où l’utilisation du gypse est destinée à lutter contre la chaleur.

La Syrie offre un héritage en sites architec- turaux et urbains d’une grande diversité allant des villes des 2e au 3e millénaires avant l’ère chré- tienne (Ebla, Mari et Ugarit), ou des époques hel- lénistique et romaine (Apamée, Basra ct Palmyre) aux ci& de l’âge d’or dc la civilisation arabe (Damas avec sa mosquée des Omeyyades, ses portes et remparts, ses palais, sa citadelle etc.), en passant par l’architecture byzantine (sanctuaire de Saint Siméon) croisée (cathédrale de Tartous) et ottomane (Tekiyeh et Souleymanieh). La richesse de l’architecture historique de l’Égypte n’est pas à démontrer. Elle est surtout connue par l’héritage monumental des époques pharaoniques comme, par exemple, la capitale antique Louxor ct ses innombrables vestiges (temples et tom- beaux) localisés de part et d’autre du Nil, les

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pyramides de Saqqara ou les vestiges de la val- lée des Rois, tous des hauts lieux du tourisme culturel. Mais les périodes coptes et islamiques ont également laissé des vestiges d’un grand intérêt. La ville du Caire est à ce propos un véri- table musée vivant où églises et cathédrales coptes côtoient mosquées et citadelles musul- manes.

Bien que tournée avant tout vers le touris- me balnéaire, la Tunisie dispose d’un gisement culturel non négligeable, mais qui est insuffisam- ment présenté et peu exploité.. Ce pays offre un patrimoine architectural exceptionnellement riche et dont plusieurs sites comme la Médina de Tunis, le site archéologique de Carthage, l’amphi- théâtre d’E1 Jem et Kairouan sont inscrits sur la liste du Patrimoine mondial.

Au Maroc, que ce soit l’architecture antique ou celle des différentes dynasties ayant marqué l’histoire du pays par des architectures citadines, militaires et religieuses ou encore l’ar- chitecture rurale traditionnelle et celle urbaine moderne qu’elle soit coloniale du début du siècle ou moderniste d’aujourd’hui, la diversité et l’ori- ginalité sont la règle. Le gisement culturel, en partie bien exploité, est impressionnant. Les villes anciennes ou médinas (Fès, Meknès, Marrakech et Rabat), regorgent de palais et de mosquées, et sont entourées de remparts encore bien conservés. Moins connue est l’architecture de terre présaharienne. Reflétant une puissante organisation sociale et chargés d’une richesse culturelle indéniable, le ksar et la kasba représen- tent un habitat traditionnel fortement menacé. Il semble devoir ses formes à des influences à la fois sahariennes, orientales et méditerranéennes antéislamiques où l’on retrouve également une influence de l’Afrique noire, le tout ayant été repris par la diffusion de la culture islamique venue du Machrek.

E Ë a, Maison mono-familiale de caractère 0 patriarcal, la kasba (maison fortifiée) se caractéri-

z > %

se par son architecture défensive (quatre tours

è; d’angle), par la décoration de ses parties hautes et z l’utilisation exclusive de la terre sur deux ou trois

2 0

étages et des toits-terrasses en terre sur poutres de

0 palmiers. Le ksar (village fortifié) peut contenir E .f plusieurs kasba et présentait dans le passé un

I modèle d’organisation de la subsistance et de G l’autodéfense à une époque et dans un milieu

marqués par l’insécurité où la survie du groupe

26 dépendait d’une organisation sociale remar- quable.

Espace clos, entouré de remparts et construit en pisé, le ksar était le résultat de l’apport culturel des différents groupes humains d’origines différentes qui se sont installés dans le milieu oasien, mais correspond également aux impératifs du milieu naturel et de la société qui s’y est orga- nisée. Vu de l’extérieur, il reflète par son caractère défensif (enceinte fortifiée, angles de défense, porte unique fortifiée) la cohésion du groupe et s’orga- nise de manière à répondre aux exigences de la vie collective tout en respectant la segmentation socia- le du groupe. C’est ainsi que le ksar est composé généralement de deux sous-espaces : l’un réservé aux fonctions collectives (maison de laqbila, entre- pôts collectifs des vivres, mosquée et autres dépen- dances destinées aux hôtes et aux réunions), l’autre destiné aux habitations individuelles qui s’organi- sent selon le statut social des habitants sous-tendu lui-même par des affinités généalogiques et des liens de consanguinité.

A côté de l’organisation de la défense, cet habitat avait une autre fonction qui était l’adapta- tion aux conditions climatiques locales: protection contre le froid en montagne et contre les excès d’insolation en été dans les régions sahariennes.

Constituant l’un des éléments architectu- raux les plus beaux et les plus chargés en sym- boles culturels et qui ont attirés l’attention des premiers visiteurs européens, mais construit en terre, le ksar est fragile et résiste peu à l’érosion du temps et aux intempéries. De ce fait la durée de vie d’un ksar est fort limitée puisque au bout d’un à deux siècles, il était généralement aban- donné collectivement pour la construction d’un nouveau. Aujourd’hui l’évolution socio-écono- mique du pays en général et du Maroc présaha- rien en particulier fait que cette renaissance per- pétuelle des ksour est compromise.

Or, comme on le verra plus loin, le touris- me peut sauver certains de ces villages fortifiés comme il peut profiter de leur intégration pour diversifier son produit et tendre vers une certaine durabilité. Pour cela le patrimoine architectural de tous ces pays nécessite des interventions urgentes pour sa réhabilitation.

b) La protection et la sauvegarde du patrimoine architectural

Des mesures de protection sont prises par les gouvernements des pays arabes sous la forme de lois protégeant les antiquités et classant divers sites. Dans la plupart des pays étudiés figurent

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des sites qui ont été inscrits sur la Liste du patri- moine mondial : médina de Fès au Maroc, plusieurs sites en Tunisie, les vestiges pharao- niques en Égypte, Sana’a, Shebam ct Zabeed au Yémen, Alep, Basra et Damas en Syrie.

Cette inscription sur la Liste du patrimoine mondial permet de mobiliser sous l’égide de l’UNESCO une aide internationale en moyens financiers et en expertises qui, combinée aux efforts des Etats, permet la restauration mais sur- tout la sauvegarde des monuments en péril. Cela est le cas de l’action menée dans la médina de Fès, qui bénéficie de l’apport de l’UNESCO, du gou- vernement marocain ainsi que de la mobilisation de nombreux mécènes de la ville qui intervien- nent pour financer la restauration de visilles medersa, de fandouks et dc portes. En Syrie, d’in- nombrables restaurations ont été effectuées sur des dizaines de monuments à travers le pays dont les villes antiques d’Apamée, Basra et Palmyre, le théâtre de Jableh, les Qasr le Heir a1 Gharbi et a1 Charki, la mosquée des Omeyyades, le sanc- tuaire de Saint Siméon, la cathédrale de Tartous, le Krak des Chevaliers et la citadelle d’Alep.

Au Yémen, les trois villes historiques de Sana’a, Shebam et Zabeed ont fait l’objet d’interventions multiples coordonnées par le Département général de la protection des cités historiques et b&éficiant d’un financement international multilatéral. Des appels lancés par l’UNESCO en direction de tous les pays membres les invitant à participer aux tra-

d’en de de

vaux de protection ont eu des échos très positifs. Capitale du pays et véritable joyau de la civilisa- tion urbaine ancienne, Sana’a a bénéficié de l’essentiel de ces efforts suite à un appel lancé en 1983 par le Directeur général dc l’UNESCO en application de la résolution de la vingt-et-unième Conférence générale de l’Organisation. Lc coeur actuel de l’agglomération est constitué de la ville arabe historique qui regroupe 42.000 habitants, 40 mosquées, sur 106 initialement, dont la plus fameuse est la Grande mosquée ct 40 marchés spé- cialisés. Suite à l’explosion urbaine que connaît la ville à partir de 1970, d c vastes quartiers périphé- riques attirent une grande partie des habitants du centre historique qui ne répondait plus aux besoins en confort moderne et fut menacé par une dégradation sérieuse. L’action menée a commencé par l’identification des secteurs nécessitant des interventions urgentes et des sources de finan- cement pour ensuite s’ktalcr entre 1987 et 1991. Elle a concernL les restaurations de divers secteurs de laville y compris des demeures anciennes, des

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remparts et des portes pour un coût total de 7 millions de dollars. A côté de Sana’a, les deux villes de Shebam et de Zabeed font également l’ob- jet d’un début d’intervention. Shebam est une ancienne cité au passé prestigieux contenant 500 maisons et 8 mosquées entourées d’une muraille de 7-9 mètres de hauteur. Elle souffre d’un manque criant d’équipements de base, et les mai- sons de plus en plus abandonnées par leurs occu- pants tombent en ruines. A Zabeed, la plus ancien- ne cité de la région côtière de Tihama, existe l’une des premières écoles islamiques (XIIe siècle) ainsi qu’une ancienne université. Elle souffre des mêmes problèmes que l’on rencontre dans les autres villes historiques. Les deux villes doivent bénéficier d’interventions internationales coordonnées par l’UNESCO. A Shebaam, par exemple, la Grèce et le Japon financent la restauration d’anciennes maisons, l’UNESCO la création d’un centre d’ap- prentissage et le gouvernement du Yémen, la réali- sation d’une route circulaire.

Au Maroc, l’architecture saharienne vul- nérable de par ses matériaux souffre également de la déstructuration des sociétés présahariennes. Si les difficultés des ksour et de leurs sociétés ont commencé dès le XVIIIe siècle suite à l’arrêt du commerce caravanier et à l’essoufflement des systèmes sociaux, la confrontation de deux cul- tures, l’une traditionnelle et l’autre moderne a été en fait la raison essentielle qui a entraîné de sérieuses ruptures au sein de la culture oasienne au lieu de l’aider à se développer. Le remplace- ment des querelles entre tribus et clans par l’au- torité centrale, d’abord du protectorat, puis de l’Etat national indépendant, a fait disparaître le facteur principal qui nécessitait autrefois un habitat fortifié. Mais c’est avec la colonisation qui, pour contrôler les populations du sud, implanta des camps militaires aux abords de cer- tains ksour que la naissance puis le développe- ment d’un espace d’habitations extra-muros annonça l’abandon progressif du ksar. Par la suite le mouvement s’accélère suite aux transfor- mations socio-culturelles de la société oasienne. L’émigration, en particulier, a entraîné la désa- grégation des lignages et des rapports sociaux au sein de la société du ksar. Le travail en ville ou à l’étranger est source de revenu et favorise un reclassement social avec de nouvelles différencia- tions sociales au sein du même lignage ou de la même famille. C’est ainsi que pour l’ex-métayer,

qui a quitté le ksar pour travailler ailleurs, le fait d’édifier sa demeure hors de l’enceinte du ksar est un symbole d’indépendance vis-à-vis des anciens notables ou des grands propriétaires chez qui il travaillait auparavant. Par ailleurs, cet émigré retourne de la ville imprégné du modèle urbain avec ses valeurs et son confort qu’il ne peut réaliser qu’en dehors du ksar. Cette évolu- tion rapidement schématisée ici est certes beau- coup plus complexe dans la réalité, puisque d’autres facteurs interviennent pour expliquer l’abandon du ksar. Mais le résultat reste le même: les ksour sont abandonnés plus ou moins collec- tivement et laissés aux pauvres et aux bêtes, un habitat moderne (quartiers administratifs, lotis- sements et cités de recasement) est venu se juxta- poser à l’habitat traditionnel qui tombe en ruine.

C’est pour sauver cet habitat que le projet pour la préservation des kasba du sud a été lancé par le Ministère de la culture avec l’appui du PNUD, de l’UNESCO et de I’OMT (projet PNUD/MOR/90/003). Il s’agit d’un vaste pro- gramme qui se penche sur les possibilités de la sau- vegarde et de la réhabilitation des ksour et kasba du sud. Mais les objectifs immédiats étaient dans un premier temps assez modestes. II s’agissait de : - La création du « Centre de conservation et de

réhabilitation du patrimoine architectural du Sud » dépendant du Ministère de la culture et logé dans la kasba de Taourirt, à Ouarzazate, restaurée partiellement et inaugurée en 1989.

- La réhabilitation lors d’une première phase du village de Ait Ben Haddou, inscrit depuis 1987 sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO; en canalisant ses efforts sur la restauration de ce village, le centre cherchait à roder sa méthode.

- L’intégration de ce village et des autres kasba dans le produit touristique régional en amé- nageant des circuits dont l’attraction princi- pale sera constituée par les ksour et kasba, en renforçant et en améliorant l’image touris- tique des pôles d’hébergement et en contri- buant à la valorisation sur le plan touristique du projet-pilote de Ait Ben Haddoul.

- Sur le plan institutionnel les prémisses de cette opération remontent aux années 1973-77, lorsque le Ministère des affaires cul- turelles avait réalisé par le biais du « Centre d’inven-toriage du patrimoine culturel » (projet PNUDKJNESCO MOR 74/005) un

1. D’après le Directeur national du projet cet aspect de la question a été écah momentanément ; mais cela n’enlève rien 2 l’intér& de l’exemple. A~OUS reviendrons plus loin sur cette question.

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pré-inventaire de quelque 300 édifices de la province d’ouarzazate. Ce premier inventai- re servira de base pour la reprise du projet, 10 années plus tard, en fournissant, notamment, les éléments nécessaires au dossier de deman- de d’inscription du ksar des Ait Ben Haddou sur la Liste du patrimoine mondial, inscrip- tion devenue effective en 1987. Ce village est constitué de six kasba et d’environ 50 mai- sons, toutes en ruine et abandonnées par les habitants au profit d’un nouveau village ins- tallé de l’autre côté de l’oued et le long de la route.

Le projet se présente comme une action complexe et multiforme, puisqu’il ne s’agit pas seulement d’une restauration des bâtiments, res- tauration qui ne servirait qu’à les maintenir quelques années au plus; il s’agit plutôt de rame- ner la vie au ksar historique. En effet, pour res- susciter le ksar des Aït Ben Haddou que ses habitants ont abandonné pour s’installer dans un nouveau village, il faut lui ramener ses habi- tants car il est admis que la protection de cet habitat exige qu’il soit occupé en permanence. Pour cela, il est nécessaire de recréer dans ce ksar des conditions de vie satisfaisantes. De ce fait, le projet ne concerne pas uniquement le Ministère de la Culture mais nécessite également 1 a participation de plusieurs intervenants. Il suppose surtout l’adhésion des populations concernées.

Cela suppose l’intervention de différentes administrations. C’est ainsi que l’Équipement devrait collaborer à la résolution du problème fondamental de l’accès du village, rendu impra- ticable en période de crues. Deux solutions (un pont traditionnel sur le modèle du pont Almohade qui franchit l’oued Tensift à Marrakech ou un radier) étaient envisagées. L’Education nationale a approuvé la construction d’une école coranique au sein du ksar en atten- dant que des effectifs suffisants permettent la création d’une école primaire. D’autres actions sont envisagées par les délégués des Ministères de la jeunesse ct des sports, de l’habitat, de la santé, du tourisme, etc. Le représentant de I’ONE a, en particulier, préconisé que le village soit alimenté grâce à l’introduction de l’énergie solaire. Toutes ces propositions ont été formulées lors de diverses réunions tenues à Ouarzazate au cours de l’année 1990 et devant déboucher sur la rédac- tion d’un plan-cadre qui servirait à la fois d’outil d’aménagement du ksar et de brochure pour mobiliser les fonds nécessaires.

Il ressort des différents procès-verbaux de réunions que divers intervenants sont intéres- sés par ce projet. En effet, outre les organismes internationaux (PNUD-UNESCO-OMT), le Ministère dc la culture (directeur du projet et administrateur de tutelle du centre) et les autorités et collectivités locales apportent chacun selon ses moyens une contribution au projet. Les rapports avec la Municipalité d’ouarzazate sont gérés par une convention passée avec le centre; celle-ci a mis à la disposition du centre le scctcur de la kasba de Taourirt. Elle s’est également engagée à aménager le long de la muraille sud une piste carrossable permettant l’accès au centre. II est prévu d’équiper le centre en matériel et de le doter en personnel pour l’établissement d’une banque de données sur Ic patrimoine architectural du sud.

Des travaux de nettoyage et de protection partielle du site du ksar Ait Ben Haddou ont été menés par le centre malgré sa jeunesse et son manque manifeste de moyens. Des relevés archi- tecturaux des maisons du village ont été effectués pour l’établissement d’un plan d’ensemble, prov- soire dans un premier temps, mais qui sera repris et complété par des données photogrammé- triques prévues. Parmi les actions menées à terme on peut relever le pavage des ruelles, la protection des berges de l’oued, la réalisation d’une passerel- le pour la traversée de l’oued et l’accès au village, la restauration ou la rénovation des passages cou- verts, la consolidation des façades donnant sur les rues, et la restauration totale de la mosquée. Actuellement, les travaux de consolidation et de restauration des tours et des superstructures les plus richement décorées sont en cours.

c) Le patrimoine architectural et le tourisme : un besoin mutuel

Les rapports qu’entretient ce patrimoine architec- tural avec le tourisme et inversement ceux que cherche à établir le secteur touristique avec ce s 2 centre d’intérêt que représente l’architecture c 0 parfois millénaire sont multiples. Ils illustrent de façon remarquable les besoins mutuels qui peuvent naître entre les deux secteurs. En effet, l’une des exigences du tourisme international aujourd’hui est la diversité de son produit et la spécificité de 1 l’offre. Cette diversité est, néanmoins, constam- 2 - ment menacée par le pouvoir d’homogénéisation ; du tourisme international de masse qui tend à nive- ler le produit. 11 est, de ce fait, indispensable pour

‘2 6

les pays arabes menacés par la prédominance du balnéaire comme le Maroc ou la Tunisie de faire continuellement preuve d’imagination pour le

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renouvellement et la diversification du produit. Pour les autres, il est aussi indispensable de bien se positionner dans le produit culturel en mettant en valeur et en exploitant de façon intelligente leur héritage architectural.

Il y a un besoin mutuel entre le tourisme et 1 .. . e patrnnome architectural. Ce dernier a besoin du tourisme qui peut justifier sa restauration, son entretien ou sa réhabilitation. En échange, le tou- risme a besoin du patrimoine architectural pour enrichir son produit et le diversifier et offrir une spécificité essentielle de la région.

Les formes d’intervention et d’utilisation de l’héritage architectural par le tourisme dans les pays arabes sont diverses et on peut regrouper celles qui ont été rapportées par les différentes études en trois grands types : des aménagements spécifiques pour permettre l’exploitation des ves- tiges, une réutilisation des bâtiments pour abri- ter des activités touristiques comme l’héberge- ment, la restauration ou le commerce, et l’utilisa- tion des monuments historiques comme cadres pour l’organisation de différents festivals.

Les problèmes d’aménagement

La première forme d’aménagement est l’équipe- ment des monuments pour qu’ils soit illuminés la nuit. C’est le cas de la plupart des monuments les plus en vue: remparts des médinas au Maroc ou en Tunisie, citadelle d’Alep en Syrie, monuments pharaoniques en Egypte. Une deuxième forme plus élaborée concerne les installations en vue d’accueillir des spectacles de son et lumière et SC retrouve dans les Pyramides, au temple de Karnak à Louksor et sur les remparts de la médina de Fès. Mais cette forme n’est pas présente partout. Les monuments syriens antiques, par exemple, bien qu’ils se prêtent à ce genre de manifestation ne disposent d’aucun équipement de ce genre.

5 E a, Il existe un autre aménagement qui est 3 indispensable pour le tourisme culturel mais qui

0 <“Z manque de façon remarquable dans les pays -3 8

arabes. Il s’agit des panneaux portant des cartes,

2 des maquettes et des explications destinées aux 3 .?

touristes individuels qui souhaitent effectuer des

2 visites sans guides. Cela concerne également

‘2 l’aménagement de circuits balisés et dotés de pan- ;

fi neaux indiquant les directions à suivre pour atteindre tel ou tel monument. L’absence de ces aménagements qui ne nécessitent pourtant pas des investissements lourds rend un mauvais servi-

30 ce au tourisme culturel. Circuler dans la médina

de Fès pour visiter tous ses monuments est un véritable calvaire pour le touriste qui souhaite effectuer cette visite sans faire appel aux services d’un accompagnateur. Les sites architecturaux les plus visités gagneraient également à être équipés de sanitaires propres et d’un minimum de services proposant des rafraîchissements.

Dans certains pays les analyses ont forte- ment insisté sur le paradoxe existant entre une richesse remarquable en monuments et la rareté, voire l’inexistence, d’aménagements permettant l’intégration de ces monuments dans le produit touristique naissant ou déjà confirmé. Au Yémen, ce point a été bien illustré par le cas de Sana’a. Malgré la richesse culturelle de cette ville, celle-ci ne dispose que de 2 hôtels 5 étoiles, 1 hôtel 4 étoiles et 14 hôtels classés 3 étoiles mais dont la majorité ne répondent pas aux normes moyennes du tourisme international. Dans la ville histo- rique n’existent que 4 établissements hôteliers, installés dans d’anciennes demeures et aux capa- cités et fquipements fort limités. Ce quartier n’offre au visiteur aucun restaurant ni café. La ville ne dispose par ailleurs ni d’un théâtre, ni d’un autre équipement permettant d’organiser des spectacles ou autres animations destinées aux visiteurs étrangers. La valorisation du gisement culturel que recèle la ville à travers son architec- ture et son urbanisme nécessite des aménage- ments et des efforts pour former des guides, pro- duire une publicité adéquate, sensibiliser la popu- lation à l’intérêt que représente le tourisme pour la ville et soutenir et encourager l’artisanat et les investissements privés dans le secteur. Ailleurs le manque d’aménagements et de contrôle des visites menace la durabilité même du patrimoine à valoriser. C’est le cas par exemple au Sultanat d’Oman où les sites archéologiques de Khawr Rawi reçoivent de plus en plus de visiteurs mal- gré le manque d’infrastructure de réception, de logement ou de contrôle. Or, que ce soit sur les vestiges archéologiques ou sur les sites naturels recevant d’importantes colonies d’oiseaux migra- teurs qui leurs sont associés, les équilibres sont sérieusement menacés.

Dans d’autres cas des expériences d’aména- gement ont été menées qui, malgré certaines erreurs, permettent d’éviter le pire. Deux expé- riences d’aménagement de villages pour une exploitation touristique, ont été rapportées pour la Jordanie et une série d’actions ponctuelles pour la Svrie. Souvent ces aménagements visent la réutilisation de ces bâtiments pour les besoins du tourisme.

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La réutilisation des anciens bâtiments

Cette réutilisation revêt plusieurs formes. D’anciens bâtiments peuvent être récupérés pour une utilisation qui leur donne de nouvelles rai- sons d’être compatibles avec leur qualité patri- moniale. Ils abritent des musées ou servent de cadre pour des manifestations artistiques comme à Rabat et à Fès au Maroc. Mais c’est en Syrie que les exemples les plus nombreux de musées instal- lés dans d’anciennes demeures ont été rapportés. A Damas, le Musée des arts et traditions popu- laires a été aménagé dans un ancien palais (Assaad Pacha le Azem), le Musée de la médecine dans un ancien hôpital (Bimaristan a1 Nouri), les manus- crits de la Bibliothèque nationale sont abrités par une medersa (Adiliya), le Musée de la calligraphie arabe est accueilli par une autre medersa (Jaqmaqia) et le Musée militaire est abrité par une Tekiyyé (a1 Suleimanieh). C’est également en

Syrie que l’on relève des restaurations assez origi- nales d’anciens hammams qui ont été affectés à leurs usages initiaux et que le Ministère du tou- risme a aménagé des souks touristiques dans la Madrasa a1 Salimiyeh de Damas (1972), le Khan le Chouneh à Alep (années quatre-vingt) et le Khan Rustom Pacha de Hama (en cours). Des projets du même Ministère visent à aménager et à trans- former le monument d’al Matbakh a1 ajami à Alep et le Khan el Riz à Damas en restaurants et en boutiques pour touristes. De façon générale, la volonté existe au Ministère du tourisme pour res- taurer des bâtiments historiques en liaison avec le Ministère de la culture et de les affecter à des fonctions touristiques en les exploitant comme hôtels, restaurants, cafétérias et cafés.

On relève, enfin, plusieurs initiatives menées par des personnes privées pour reconver- tir d’anciennes demeures en restaurants ou hôtels.

Carte 3 : Centres d’intérêts

touristiques en Jordanie

Centres d’intérêts touristiques en Jordanie

I / Site d’intérêt touristique

n Naturel

n Historique

0 Principales villes

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Mais ces initiatives ne font pas toujours preuve d’authenticité architecturale.

À côté de la réutilisation de bâtiments isolés existent des tentatives de reconversion de villages entiers, considérés comme patrimoine. À Oman existe un projet de reconversion de 6 villages aban- donnés par leurs habitants, suite aux mutations socio-économiques du pays. Cette reconversion projette de transformer d’anciennes demeures en unités d’hébergement. En Jordanie, l’expérience de l’ancien village de Taibet Zamman est beaucoup plus avancée. Situé à 9 km au sud de l’ancienne cité de Petra, le village de Taibct Zamman (4.289 habi- tants) représente avec sa structure et le type d’ha- bitat rural qui le compose un modèle des villages traditionnels de la montagne jordanienne; il est également situé dans une région au potentiel tou- ristl ‘9 . ue riche et varié. Suite à une demande formu- lée par lc maire du village auprès d’une société pri- vée, la Jordan Tourist Investmcnt Compan); pour une participation j la réhabilitation du noyau ancien, celui-ci a fait l’objet d’une intervention de 1 a part de cette société en vue de le convertir en vil- lage touristique. Le concept s’appuyait sur l’idée de faire revivre une ancienne agglomération rurale en restaurant les vieilles constructions et en les dotant des équipements de confort modernes tels que assainissement, eau potable, éclairage et clima- tisation. En échange, la société pouvait selon un cahier de charge précis exploiter les installations touristiques. Les travaux se déroulent entre 1992 et 19% en faisant appel à une main d’oeuvre locale. Cela a permis la création d’environ 200 emplois pendant la durée des chantiers et quelque 125 emplois permanents pour le fonctionnement du complexe. Ainsi plusieurs maisons abandonnées ont été restaurées et transformées pour la création de 98 chambres d’hôtel, en plus de plusieurs res- taurants, un bain turc, une piscine, un centre d’ani- mation et une salle polyvalente. Parallèlement à ces réalisations, un programme de formation aux

2 2 métiers de l’hôtellerie et des stages de perfection- 5 nement dans différentes branches dc l’artisanat a 2- 2 s’adressaient aux jeunes et aux femmes du village. Y & -a 0 L’expérience du village de Taibet Zamman 2 est riche d’enseignements. Grâce à la reconversion 2 7 du village, le tourisme a connu un certain déve- -i c; loppemcnt dans la région et par ricochet a eu des E .? retombées positives : création d’emplois, forma- 3 G

tion professionnelle et augmentation assez sen- sible du revenu des ménages. Mais cette même élé- vation du niveau de vie a entraîné une augmenta-

32 tion du mouvement des constructions, des loyers et du prix du foncier. Par ailleurs, l’amélioration

de la situation de l’emploi et des revenus des habi- tants du village risque fort de pousser les paysans à abandonner le travail de la terre pour rejoindre le secteur du tourisme. L’accélération du mouve- ment de constructions dans le village de Taibet, enfin, s’accompagne d’une dégradation du style architectural qui ne respecte plus la spécificité locale, ni au niveau des matériaux de construction, ni au niveau de la conception architecturale, ce qui constitue une dégradation de ce même patrimoine qui a initié la demande touristique.

Il apparaît ainsi que la reconversion du patrimoine architectural, même si elle s’accom- pagne d’une certaine réussite, n’aboutit pas tou- jours et à long terme à une durabilité des rapports entre le tourisme et la culture. L’intégration du culturel - ici le patrimoine architectural - au pro- duit touristique nécessite une réflexion approfon- die pour éviter des effets pervers. C’est probable- ment la raison pour laquelle le projet de réhabili- tation de l’habitat en terre présaharien au Maroc a volontairement repoussé à plus tard l’intégration de l’habitat restauré aux programmes touristiques même s’il y a urgence dans cette intégration.

En effet, face à la menace de nivellement du produit touristique marocain, une politique de diversification de ce produit est menée depuis quelques années. Les Tours opérateurs partici- pent à cet effort de diversification pour des rai- sons commerciales puisque le voyage comme tout autre produit de consommation nécessite un renouvellement continu. Parmi les points forts de ce renouvellement le tourisme saharien et présa- harien occupe une place de choix.

Cela explique la progression spectaculaire de la petite ville d’ouarzazate dont la capacité d’hébergement totale passera de 320 lits en 1975 (1.211 lits en 1988) à 6.714 lits à la fin des chantiers en cours. Pour une petite ville connue au cours de la décennie soixante-dix comme une simple étape des tours du sud et qui est dotée aujourd’hui d’un aéroport international avec des lignes aériennes la reliant directement aux capitales européennes, cette progression est assez remarquable.

Or, pour le touriste étranger qui visite le Maroc, le produit « Grand sud marocain » ce n’est pas seulement s’imprégner de l’immensité du désert; c’est également voir des maisons fortifiées construites en pisé, parfois majestueusement per- chées sur des pitons rocheux et richement déco- rées ; c’est aussi visiter quelques-unes de ces mai- sons, pour y découvrir la vie de leurs habitants,

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et goûter le mystère que cachent leurs murs épais et leurs impasses sombres.

Il y a donc là un domaine idéal de coopéra- tion entre le touristique et le culturel et des études d’aménagement touristique des régions du sud ont déjà souligné les possibilités de mutation des kasba et formulé différents scénarios qu’il serait intéressant d’analyser. Ces propositions vont de la possibilité de transformer les petites kasba en des lieux de visite sous forme de maisons-musées, de complexes d’artisanat ou de centres culturels, ou encore de maisons de thé ou de pensions propo- sant des chambres à louer, à celle de transformer les grandes demeures en hôtels ou galeries d’expo- sition destinées à la fois aux touristes et aux habi- tants, en passant par l’idée d’une chaîne de kasba- hôtels s’appuyant sur des sites bien choisis.

Notons que quelque 1.000 kasba de taille et de beauté différentes dont 300 dans la seule région d’ouarzazate ont été inventoriées.

Le projet pour 1,a préservation des kasba du sud déjà présenté comportait également une réflexion sur l’exploitation touristique éventuelle du ksar. La réflexion est, semble-t-il, moins avan- cée dans ce domaine que dans le premier et les responsables du projet ont écarté momentané- ment la dimension touristique. Cela veut dire que l’exploitation touristique du ksar est repoussée à plus tard mais aussi que les études menées ne doi- vent plus réfléchir à la manière d’intégrer ce patri- moine au produit touristique. Néanmoins, la réflexion a bien porté au cours de la première phase sur cet aspect de la question et il nous semble que ce projet serait amputé d’un des élé- ments les plus fondamentaux de sa genèse. C’est la raison pour laquelle nous reprenons ici aussi bien des éléments de réflexion de cette première phase que des remarques que nous suggère la ver- sion initiale du projet.

On peut retenir d’abord le fait que le ksar ou la kasba peuvent contribuer au renforcement de l’image touristique du sud. Leur intégration dans le produit touristique peut prendre diverses formes.

Les recommandations des divers experts ayant travaillé sur ce dossier peuvent être résu- mées ainsi : - Essayer d’assurer aux kasba chaque fois

que c’est possible leurs fonctions initiales d’habitat privé et collectif.

- Rendre les kasba des lieux de visite en les trans- formant en musée local, en centre artisanal,

en maison-musée, en lieu de fêtes, en petits gîtes offrant quelques chambres, etc.

- Sélectionner parmi les kasba Ics plus impor- tantes un nombre réduit d’édifices qui par leur accessibilité, leur taille et leur environne- ment exceptionnel peuvent se prêter à une restauration soit suite à une acquisition soit en collaboration avec leurs propriétaires. L’aménagement de ces demeures dans un style proche de la tradition mais d’un standing international au niveau du service pourra en faire une chaîne hôtelière de catégorie supé- rieure que peut commercialiser une chaîne hôtelière déjà bien installée sur le marché international.

- Éviter la transformation des kasba en restau- rants destinés aux groupes du tourisme de cir- cuit. La restauration de masse a besoin de nombreux équipements (sanitaires, cuisines, dépôts, déchets à évacuer, etc.) qui s’accom- modent mal avec ces édifices trop fragiles.

En ce qui concerne le village ancien des Ait Ben Haddou, les propositions suivantes ont été formulées : - En faire un village-monument, étape obligée

des circuits du sud, que le visiteur peut adm- rer tout en découvrant la vie quotidienne de ses habitants.

- Transformer quelques kasba bien choisies en maisons-musées, en musées de l’histoire du village, ou en maisons de thé, etc.

- Inciter les habitants à aménager une partie de leurs habitations en chambres à louer à des touristes individuels.

- De façon générale, l’introduction de l’activité touristique doit revêtir des formes douces en évitant des programmes lourds qui entraînent des interventions portant atteinte à la fragilité des édifices.

En ce qui concerne, enfin, le nouveau villa- ge les recommandations tournent autour de deux 2 points : E

Établir un plan d’aménagement pour que son & - développement ne soit pas anarchique et ne

2 Y

porte pas atteinte à l’aspect esthétique de l’en- 5 semble. 3

? - Réaliser un programme d’équipement com-

portant une infrastructure légère de com- +

r merces destinés au tourisme de passage ainsi 2

2 que des possibilités de locations (quelques ‘3 chambres) chez l’habitant. Une restauration g légère est à envisager alors que des formes d’hébergement et de restauration lourdes sont à éviter. 33

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Vieux qsar abandonné des AÏt Ben Haddou et nouveau village sur l’autre rive de l’oued

Qsar abandonné

.<........_._ . . . . Zone

Carte 4 : Réoccupation du ksar Aït Ben Haddou

Il est, en effet, très difficile dans ce cas de gérer les relations entre le touristique et le cultu- rel sans tomber dans des erreurs de restaurations inadéquates. Il est également difficile de sauve- garder l’authenticité de ce produit culturel en le commercialisant comme produit de tourisme de masse, alors que c’est cette authenticité même qui fait sa valeur commerciale. Il est, enfin, difficile de réaménager ces kasba en gîte ou en restaurants sans défigurer leur plan d’ensemble ou leurs façades. On ne peut néanmoins réussir cette opé- ration en écartant totalement le tourisme. Déjà, les premières réoccupations de l’ancien village des Aït Ben Haddou par ses anciens habitants se font sous la forme d’ouverture de magasins pour touristes.

L’organisation des festivals

L’une des formes d’exploitation du patrimoine architectural qui revient le plus dans les études

Plus récent, le festival du désert de Palmyre

consiste à utiliser le cadre, parfois grandiose, des n’est organisé que depuis 1993. Se tenant en avril,

différents monuments pour l’organisation de fes- il propose un programme assez diversifié :

tivals qui peuvent drainer des foules nombreuses courses de chevaux et de chameaux, représenta-

parmi les touristes étrangers et nationaux. tions folkloriques, expositions et ventes de pro- duits artisanaux. Les spectacles se déroulent à

En Syrie, le rôle joué par le patrimoine architectural dans l’organisation de festivals populaires est indéniable. Organisé de façon bi- annuelle depuis 1966, le festival de Basra se tient dans le théâtre antique qui peut accueillir jusqu’à 15.000 spectateurs alors que la capacité de la plus grande salle contemporaine du pays ne dépasse pas 3.000 personnes. En plus d’un décor incom- parable, ce théâtre antique a conservé tous ses gradins et son acoustique est excellente. Le site antique sert de cadre à des représentations de théâtre, des spectacles de chants et de musique, et sa fréquentation est alors très populaire. Succès populaire sans contexte, le festival de Basra permet à plusieurs couches de la société syrienne de se réapproprier leur culture, le monument antique étant désormais vécu comme patrimoine dans l’esprit et le cœur du plus grand nombre.

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l’hippodrome, au temple de Bêl et au théâtre antique et une interaction entre habitants et tou- ristes est recherchée. Le festival connaît égale- ment un grand succès populaire, bien que la fré- quentation par le tourisme international ne soit pas optimale. Il est en effet curieux que les Tour opérateurs ne mentionnent aucun des deux festi- vals dans leurs programmes. Un travail de publi- cité et de coordination serait souhaitable pour une meilleure interaction entre ces festivals cultu- rels et la fréquentation du tourisme international.

Mais d’autres festivals connaissent une meilleurs interaction avec le tourisme internatio- nal. Au Maroc, le palais Le Badia de Marrakech a servi pendant plusieurs années de cadre au fes- tival des arts populaires, aujourd’hui mondiale- ment connu, mais malheureusement suspendu. Une fois par an, le prestigieux palais offrait des représentations folkloriques des danses et chants des différentes tribus. L’interaction avec le tou- risme était évidente car Marrakech, deuxième ville touristique du pays après Agadir et haut lieu du tourisme culturel, enregistre ses taux de rem- plissage des hôtels les plus forts pendant le prin- temps, période de tenue du festival. Sa fréquen- tation est avant tout internationale. Après quelques années d’interruption, le Ministère du tourisme semble décidé à le relancerl. Parfois, ces manifestations sont dues à des initiatives des collectivités locales ou des associations profes- sionnelles. Le festival international de la petite ville d’Asilah, avec son université d’été et sa dimension fortement culturelle est, aujourd’hui, bien connu dans le monde. Une initiative toute récente dont la ville d’ouarzazate a été le théâtre mérite d’être mise en valeur. Il s’agit de l’organi- sation par cette ville - qui se spécialise de plus en plus dans le tourisme de découverte du désert et des communautés oasiennes- de la « Symphonie du désert » avec la participation d’un grand orchestre philharmonique et des concerts de musique classique donnés dans le cadre architec- tural exceptionnel des kasba du sud. Le festival des musiques sacrées organisé à Fès appartient au même genre.

En Tunisie, le Ministère de la culture a en charge l’organisation de festivals et de manifesta- tions culturelles. Deux de ces manifestations ont une dimension internationale et s’intègrent par- faitement dans le produit touristique du pays. Il s’agit du festival de Carthage qui se tient chaque

année dans l’amphithéâtre romain de mi-juillet à mi-août et du festival du centre culturel interna- tional de Hammamet dont le théâtre de plein air est de renommée mondiale.

En Égypte, le cadre grandiose des monu- ments pharaoniques est utilisé pour des spec- tacles sons et lumières et l’entrée des temples anciens a été utilisée à deux reprises pour une représentation de l’Opéra Aïda. Ces deux types de manifestations connaissent toujours un grand succès et donnent lieu à des déplacements de spectateurs venus d’Europe pour les suivre.

La Jordanie organise quatre festivals sur différents sites historiques. Ce sont les festivals de Fuheis (à Fuheis), de Qasr Shabib (à Zarqa), de Al Azraq (à Al Azraq) et celui de Jerash (à Jerash). Ce dernier est l’exemple même d’une manifestation culturelle, qui prend appui sur le patrimoine architectural tout en regardant vers le tourisme international. La ville romaine de Gerasa est située à 48 km d’Amman, et est sépa- rée de la ville récente de Jarash par le cours d’eau qui porte le même nom. Le site romain est relati- vement bien conservé et dispose de vestiges que les spectacles mettent bien en valeur. Les pre- mières représentations ont eu lieu en 198 1 et plus de 100.000 spectateurs ont pu suivre les repré- sentations de différents groupes artistiques et folkloriques jordaniens, arabes et internationaux. Le succès fut tel que le secteur privé fut encoura- gé pour continuer à supporter financièrement l’organisation du festival. Le nombre de visiteurs par jour est estimé à 10.000 personnes, pour une durée du festival de trois semaines. Des statis- tiques précises sur la fréquentation du festival manquent et il semblerait que la majorité des visiteurs soient des Jordaniens et des ressortis- sants des pays arabes du Golfe. Le festival gagne- rait donc à être couvert par une publicité plus efficace en direction des Tours opérateurs occi- dentaux. Il reste également coupé de la ville actuelle de Jarash, située sur l’autre rive. Les habitants de cette dernière ne sont liés au festival que par les quelques services qu’ils fournissent pendant la période de sa tenue : gardiennage des parkings et petite restauration. Dans la ville elle- même on relève peu d’activités liées au tourisme et les retombées financières sur les communautés locales sont très réduites. Les seules rentrées financières concernent les droits d’entrée aux spectacles ou sur les sites historiques et sont

1. Les représentations du festival de Marrakech ont repris en 1999.

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versées directement au Ministère des finances. initialement et qui sont les objectifs artistiques, il Par ailleurs, l’absence d’un plan d’aménagement serait temps de revoir sa conception en tenant de l’ensemble du site historique en liaison avec compte de la double nécessité de sauvegarder le le festival, constitue un sérieux danger pour les site et d’intégrer davantage le festival aux com- vestiges dont la capacité de charge est limitée. Le munautés locales, ce qui assurera un développe- festival ayant atteint plusieurs de ses buts visés ment touristique durable.

Tourisme et découverte de l’autre

L’artisanat et le patrimoine architectural, deux axes retenus par la plupart des huit expertises comme éléments permettant de juger des interac- tions entre culture et tourisme dans les pays arabes, ne sont en fait que des éléments d’une nouvelle manière de pratiquer le tourisme. Celle- ci consiste à effectuer un voyage non plus pour séjourner dans un club fermé ou au bord d’une plage pour côtoyer les mêmes touristes, mais pour aller à la rencontre de 1’Autre à travers sa production artisanale et son héritage architectu- ral, mais aussi à travers sa cuisine, ses costumes et sa vie quotidienne authentique. C’est la raison pour laquelle les visites des villes anciennes mais encore vivantes, la fréquentation des musées, la pratique de la randonnée et les séjours chez l’ha- bitant deviennent de plus en plus une composan- te essentielle du tourisme étranger qui se dirige vers les pays arabes.

Le lancement de ce nouveau produit correspond au développement en Europe d’un nouveau marché touristique en liaison avec l’évolution des sociétés industrialisées, une évo- lution qui se dessine dès les années soixante-dix et se traduit par la montée de l’individualisme, du culte de la liberté d’usage de son corps et de la valorisation de la réussite individuelle. La société de consommation devenue trop confor- table et n’offrant plus suffisamment de sensa- tions, suscite un besoin d’évasion et découvre le goût pour les pratiques à risque. Les agences de voyages, toujours à l’affût de nouveaux produits, comprennent alors qu’un nouveau marché s’offrait à elles et se lancent dans la commerciali- sation de l’aventure et du tourisme sportif. Avec les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix on assiste à la montée en Europe d’une conscience écologique et les agences de voyages s’orientent vers des produits plus doux dans lesquels la découverte - notamment la découverte de l’autre- est mise en valeur. À partir de ce moment-là, le produit culturel se trouve valorisé et les voyages de découverte attirent de plus en plus de clients.

Pour mettre en évidence cette nouvelle orientation, nous retiendrons parmi les nom- breux cas étudiés le rôle joué par les musées syriens dans cette découverte de l’Autre, l’expé- rience de développement du tourisme rural dans la montagne marocaine et celle de l’aménagement d’un village rural en Jordanie.

d) Le rôle joué par les musées

Aller à la rencontre de 1’Autre à travers son patri- moine et sa vie quotidienne authentique peut se faire grâce aux concentrations d’objets de valeurs que comportent les musées. Cela est surtout le cas des musées spécialisés dans les arts et tradi- tions populaires. Mais des musées nationaux peu- vent combiner différents thèmes et proposer à côté des thèmes historiques et archéologiques des scènes de la vie quotidienne. Chacun des huit pays expertisés est doté d’un certain nombre de musées plus ou moins spécialisés et portant en partie sur les arts et traditions populaires.

Pour l’Autorité Nationale Palestinienne, le développement des musées a une très grande signification puisqu’ils constituent un moyen efficace de sauvegarde de l’identité menacée d’un peuple. Un effort a été fourni depuis 1962, lorsque l’administration jordanienne a tenté la première expérience pour la création d’un musée populaire. Depuis, l’organisation d’expositions itinérantes d’articles représentant la vie quotidienne de la famille palestinienne (costumes, bijoux, vaisselle, outils agricoles) a été une action permanente menée par l’Autorité Palestinienne. Aujourd’hui ce patrimoine a été regroupé dans divers musées à savoir le Centre du folklore palestinien de la maison de l’enfant, La maison traditionnelle de Bethlehem, le Musée de la promotion de la famille et le Musée du folklore de Beit-Sahour. Destinés à appuyer un développement touristique souhaité, ces musées continuent à jouer leur rôle dans la sauvegarde de l’identité d’un peuple. Ceci représente un autre cas d’articulation intéres- sante entre le tourisme et la culture.

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L’effort considérable accompli par la Syrie traduit l’attachement profond du pays à l’origina- dans le domaine des musées peut être retenu ici lité ct X la richesse de son passé. La plupart de ces comme exemple. Ce pays dispose d’un véritable musées sont géres par Ic Ministère de la culture réseau constitué de 25 musées. Dense et divcrsifif, (seuls les musecs militaire et des manuscrits ne ce réseau reste une exception dans la région et relevent pas dc ce Ministère) et sont bien répartis

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sur l’ensemble du territoire. Sachant que seuls trois musées ont été hérités de la période colonialcl, cela revient en moyenne à une création tous les deux ans, ce qui reprknte un effort considérable. Certains sont installés dans des bâti- ments neufs créés à cet effet comme les musées nationaux de Damas et d’Alep et les musées de Chahba, Idleb, Palmyre et Soueida. D’autres ont réutilisé d’anciens bâtiments comme ceux d’Apamée, Aroaud, Basra, Deir Atiyé, Homs, Lattaquié, Maarat a1 Nooman, Tartous et ceux des

Arts et traditions populaires d’Alep, Damas et Palmyre ainsi que les musées militaire, d’histoire, de l’écriture arabe, de la médecine à Damas.

Couvrant un grand éventail de la culture syrienne au quotidien, ces musées souffrent d’une articulation avec le tourisme qui n’est pas encore optimale. Bien que ces musées remportent l’adhé- sion des experts et spécialistes pour la qualité de la présentation des articles exposés, leur création avant l’arrivée du tourisme organisé pose des problèmes

0 MVSEE DE PREMIERE CATEGORlE

E

MUSEE DE PREMIERE CATEGORIE

MUSEE NE RELEVANT PAS DU MINISTERE DE LA CULTURE

OKM 100 KM

RÉPARTITION DES MUSÉES EN SYRIE

lorsque les visites SC font en groupes : difficulté de faire visiter des snllcs d’csposition à tous les membres du groupe en même temps, insuffisance de l’éclairage, acoustique parfois difficile, absence de sièges pour les visiteurs âgés, insuffisance des articles en vente en Fin dc visite, etc. Ccttc del-ni& remarque reste valable pour les autres pa~.s où les musées sont parfois peu adaptés aux visites des tou- ristes internationaux ou nationaux arrivés en

groupes organisés. Un effort de réaménagement et d’équipement dans ce domaine est nécessaire.

b) La réhabilitation des agglomérations rurales pour la découverte de la culture au quotidien

Nous avons déjà mentionné la réhabilitation d’anciennes agglomérations rurales qui ont été

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reconverties en villages touristiques. Ici, il s’agit d’une autre destination de la réhabilitation. Le but recherché est de réanimer des agglomérations présentant un certain intérêt pour qu’elles servent de cadre vivant à la découverte de 1’Autre. L’idée est présente dans la plupart des pays, comme la Syrie et ses villages oubliés, Oman et la reconver- sion des villages abandonnés, le Maroc et la res- tauration des villages fortifiés en terre, etc.

Avec la réhabilitation du village de Dana, la Jordanie offre un intéressant exemple en la matière. Situé dans le Gouvernorat de Tafila à 4 km du nouveau village de Qadisieh, le site du village de Dana a été occupé depuis 4.000 avant JC. L’importance du village vient probablement de la proximité de mines de cuivre. De par l’ar- chitecture et les matériaux de ses maisons, sa conception urbanistique, et les nombreux jardins qui l’entourent, ce village rappelle les aggloméra- tions traditionnelles des régions montagneuses et présente un grand intérêt touristique. Il a cepen- dant souffert de la déprise et a vu sa population baisser pour se réduire à 30 familles en 1993, suite à des flux migratoires en direction du nouveau village de Qadisieh. Ce mouvement a entraîné l’abandon d’une grande partie des maisons tradi- tionnelles et des jardins et champs qui entou- raient le village à tel point qu’une étude menée en 1990 concluait que 28 % des logements étaient vétustes et devaient être évacués, alors que 70 % avaient un besoin urgent de restauration.

Aujourd’hui, ce village a été intégré au sein de la Réserve nationale de Dana qui a été délimi- tée en 1993 par la Société royale pour la conser- vation de la nature. L’une des conséquences de cette création fut la constitution d’une ONG, l’Association des amis de Dana, qui a pour prin- cipal objectif de donner vie à nouveau au village. L’originalité de la démarche est contenue dans cette approche qui accorde une grande importan- ce à la méthode participative puisque, à côté des deux associations, intervient également un conseil villageois créé à cet effet. Commencés en 1991, les travaux ont abouti à la restauration de 65 mai- sons, l’équipement du village en électricité, la construction d’une mosquée et d’un abri pour la source qui alimente le village en eau potable.

Bien que souffrant de certaines imper- fections, cette action a permis de réactiver un vil- lage presque disparu et ce grâce à la demande

touristique. Celle-ci ne peut certes pas résoudre tous les problèmes socio-économiques du villa- ge, mais contribue au maintien de collectivités rurales menacées et partant à la durabilité de leurs cultures. Il faut néanmoins noter dès main- tenant les risques d’effets pervers sur lesquels nous reviendrons plus loin’. Ces risques aug- mentent avec l’échelle du projet comme on peut l’entrevoir à travers l’expérience beaucoup plus élaborée de développement du tourisme rural au Maroc.

c) L’émergence du tourisme rural au Maroc

Le Maroc est, avec le Yémen, l’un des pays arabes où le tourisme de randonnée s’est le plus déve- loppé. Cette nouvelle forme de tourisme corres- pond exactement au modèle du tourisme culturel où la motivation du voyage est basée avant tout sur la découverte de I’Autre dans sa vie quoti- dienne et son cadre de vie.

Le massif du Haut Atlas se prête bien à ce type de tourisme basé sur la recherche à la fois de l’effort physique et de la découverte de cultures différentes. Pour beaucoup d’agences de voyages et de touristes, le Haut Atlas est assez attractif pour le tourisme de randonnée grâce à son isole- ment qui a permis de préserver une nature gran- diose et de sauvegarder le mode de vie archaïque des populations bcrbères accrochées à ces mon- tagnes ; grâce à son immensité qui permet aux agences de proposer des itinéraires inédits, grâce aussi à un certain inconfort (nécessité pour les touristes d’emprunter des pistes parfois en fort mauvais état et d’accéder à des villages isolés par des sentiers muletiers), élément essentiel et kpreuves initiatiques dans ce type de produits, et grâce, enfin, à sa proximité de l’Europe qui rend les coûts assez attractifs et classent le Haut Atlas comme une destination démocratique. En résu- mé, le Haut Atlas marocain se prête bien au type de voyage que recherche la clientèle d’aujour- 7 0 d’hui, car il fait davantage référence aux éléments E sport, nature et culture et renvoie à cette décou- a

2 verte de soi et des autres par l’intermédiaire de la 5 vie en groupe et de l’activité physique. c

G 2

D’un autre côté, cette haute montagne vit Z les mêmes problèmes que vivent toutes les hautes 5 - montagnes; elle est le lieu d’une déprise rurale (exode massif des éléments dynamiques de la

,g 2

population) qui se traduirait également par un 6

I. Voir le dernier chapitre.

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appauvrissement d’une culture montagnarde riche et diversifiée. Parmi les nombreuses actions visant au développement et à la promotion des économies montagnardes, le tourisme apparaît pour la première fois comme un axe à privilégier dans le cadre du programme de développement intégré de la montagne marocaine intitulé Projet Haut Atlas Central (PHAC) mis en ceuvre dans la zone pilote de la province d’Azila1.

Pour la réalisation de ce programme inter- viennent différents acteurs dans le cadre d’une action interministérielle mais aussi d’une coopé- ration franco-marocaine, le programme étant piloté par la Direction des affaires rurales du Ministère de l’intérieur en étroite coordination avec le Ministère du tourisme. Parmi les autres acteurs, on citera le CRET (Centre régional et européen du tourisme) qui a en charge le centre de formation aux métiers de montagne et la GTA (Grande traversée des Alpes) qui avait comme tâche la création d’un réseau de sentiers et de gîtes dotés d’un label sous le nouveau concept GTAM (Grande traversée de l’Atlas marocain).

Bien qu’étant à ses débuts, cette forme de tourisme se distingue déjà par une diversification de son produit et des retombées assez nettes sur le plan économique et social. Sur un total de 100

produits proposés par les brochures des Tours opérateurs, on relève une part écrasante de la ran- donnée pédestre (85% des journées d’activités) à côté de toute une série de produits comme le raid à ski (l%), le raid VTT (4%), l’escalade (O,l%), le séjour à thème comme le dessin ou la rencontre avec les femmes (0,7%), etc.

Pour ce qui est du type d’activités propo- sées pour les touristes, il faut relever le fait qu’il s’agit d’activités destinées essentiellement à par- courir la montagne (randonnée) et non d’activités fixes comme l’escalade. Alors que les dernières

z G limitent le contact du touriste à la seule nature, la F a; E

randonnée permet théoriquement la rencontre et la découverte de la communauté montagnarde.

-$ %

Les Tours opérateurs semblent privilégier cette

5 activité pour des raisons à la fois naturelles, com-

L merciales et techniques. En effet, la variétf des 3 2 E .f

paysages et des climats de cette montagne permet 1 a programmation des randonnées pratiquement toute l’année. De même, l’absence ou la faiblesse des autres activités s’explique - d’après les Tours opérateurs- par des difficultés techniques locales (manque de matériel sur place comme les VTT, absence de spécialistes des activités techniques comme le canyoning ou le raft).

Il reste, toutefois, que des produits comme les séjours à thèmes qui ne nécessitent pas un accompagnement technique sophistiqué et qui sont susceptibles de faciliter la découverte de 1’Autre avec notamment sa culture, sont encore très faibles.

L’une des innovations introduites par cette action concerne l’hébergement chez l’habitant. C’est là, en effet, une nouveauté pour le Maroc qui s’est distingué jusqu’à ces dernières années par la prédominance des catégories d’héberge- ment de type classique. Un classement des gîtes d’étape chez l’habitant a été effectué par la GTA avec l’établissement de normes GTAM (Grande traversée de l’Atlas Marocain) précises permet- tant aux gîtes retenus de porter le label GTAM.

Avec cette intervention concertée nous avons là aussi le cas d’une interaction tou- risme/culture/développement, le tourisme tirant avantage de la culture - ici la communauté mon- tagnarde - et la communauté montagnarde profi- tant des retombées issues du tourisme. En effet, le produit touristique se renouvelle grâce à un pro- duit basé sur la découverte d’une nature et d’une culture autres ainsi que sur la découverte de soi et des autres par l’intermédiaire de la vie en groupe. Cela permet au Maroc de diversifier ses centres d’intérêts touristiques et de ne plus dépendre du seul produit balnéaire. Il pourra de ce fait élargir le recrutement de sa clientèle en touchant les individus qui réagissent aux nou- velles normes du tourisme moderne. Les Tours opérateurs, cherchant continuellement à renou- veler les produits qu’ils commercialisent, ont réagi rapidement à ce nouveau produit en pro- grammant les montagnes marocaines de manière régulière dès le début des années quatre-vingtl.

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1. Mais la fréquentation de la montagne marocaine remonte aux années vingt (1923 : naissance du Club alpin français à Casablanca - 1920 - 28 : construction, par le CA4 de gîtes et de refuges dans le Torzbkal - 19J9 : premiers circuits commerciaux pbdestres et 2 ski - DGcennies 60 et 70 : demarrage d’un début d’organisation des habitants de la montagne pour rbpondre aux besoins des coopérants français du Maroc en randonnée de montagne - Années 70 : arrivée des premiers groupes organisés dans le cadre de programmes des To~rs opératews.

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Mais ce produit touristique qui s’appuie sur la dimension culturelle peut également aider une communauté montagnarde en difficulté à diversi- fier ses revenus, à se maintenir sur place et à consolider de ce fait son originalité culturelle.

Il agit dans ce sens d’abord par le biais des retombées économiques et sociales escomptées. La question reste de savoir si ce nouveau tourisme de montagne, qui se veut un tourisme diffus par le biais des randonnées et de l’hébergement chez l’habitant, génère des retombées économiques et sociales appréciables et aide de ce fait les com- munautés montagnardes, longtemps isolées, à diversifier leurs revenus et à se maintenir sur place.

Il est évident qu’un certain nombre d’em- plois sont créés apportant une solution aux pro- blèmes de chômage des jeunes montagnards qui sont les premiers tentés par les départs. Laccompagnement en montagne (muletiers, por- teurs, accompagnateurs, cuisiniers, responsables de gîtes) permet à une partie des familles de restructurer leurs activités rurales et de bénéficier de nouvelles sources de revenus.

Ouvert depuis 1985, le Centre de forma- tion aux métiers de montagne compte déjà à son actif 159 accompagnateurs diplômés et reçoit chaque année entre 20 et 30 stagiaires. Le centre connaît un certain succès auprès des jeunes de la région puisqu’entre 1987 et 1993 le nombre total des candidats à la sélection est passé de 141 à 344 alors que celui du total des diplômés a grimpé de 18 à 160. Ajoutons à cela une trentaine de res- ponsables de gîtes ruraux ou gardiens de refuges, et une quarantaine d’artisans. L’intégration de ce centre de formation dans l’environnement local apparaît à travers l’écrasante majorité des origi- naires de la montagne parmi les recrues de ce centre. Depuis 1989, le centre a diversifié ses qualifications puisque celles-ci, outre l’ac- compagnement, comportent également le canyo- ning (20 diplômés), l’escalade (ll), le ski de ran- donnée (81).

En outre le tourisme et l’artisanat sont, dans ce programme, perçus comme des actions d’accompagnement indispensables à la survie des économies et des cultures montagnardes. De ce fait les formations dispensées dans le centre visaient, outre l’apprentissage des métiers de l’accompagnement en montagne, les métiers de l’artisanat (menuisiers, artisans travaillant le bois, tisserands) et de l’agriculture (apiculteurs).

L’expérience étant à ses débuts, il n’existe pas encore de statistiques permettant d’évaluer avec certitude ses retombées. Le nombre de gîtes ruraux auprès des habitants s’élève déjà à une vingtaine et on avance le fait qu’un accompagna- teur, lorsqu’il s’occupe d’un groupe, fait travailler autour de lui 10 personnes sous formes de métiers dérivés comme les muletiers et les cuisiniers. Suite à des enquêtes par sondage menées auprès des ménages bénéficiaires de cette activité, les revenus annuels par accompagnateur ou respon- sable de gîte ont été estimés.

Intervenant pour 45 % dans le total du revenu, les apports des activités liées au tou- risme de montagne ne sont pas négligeables. On relève également une multiplication des gîtes et des projets de gîtes, en particulier autour d’Imelghas, cc qui laisse supposer que la popu- lation est sensible aux retombées financières sur les revenus des ménages. Notons enfin que l’aménagement de ces nombreux gîtes offre un grand nombre de jours de travail pour les ouvriers de la vallée.

Les retombées du projet sont donc réelles et peuvent aider cette communauté montagnar- de à préserver sa cohésion et sa culture. De ce fait et en dernière analyse, le tourisme de mon- tagne avec sa dimension culturelle mérite une attention particulière et ce pour trois raisons majeures : - Au niveau de l’image de marque du pays, il

permet au tourisme en général, de se renouve- ler en offrant un produit autre que le balnéai- re. Vue sous cet angle, la société montagnarde profite à l’activité touristique nationale.

- Au niveau de l’organisation macro-spatiale, il permet d’enrayer le déséquilibre croissant entre un littoral où se concentre la majorité des infrastructures touristiques et un intérieur relativement vide.

- Au niveau socio-culturel, il peut contribuer 5 avec d’autres actions à résoudre en partie les E

problèmes que vit le milieu montagnard. Il a

peut de ce fait aider au maintien de ces cul- J- w

tures riches et anciennes. x “4 -5 z L

Il faut néanmoins être nrudent dans l’éva- 2 luation de l’experience car lessignes de dérapages u * sont évidents et nous reviendrons dans le dernier $ chapitre sur certains problèmes de l’expérience ‘$ marocaine du tourisme rural. ti

L’artisanat, le patrimoine architectural et la rencontre de 1’Autre sont trois aspects qui ont été -Il

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retenus ici pour illustrer les nombreuses articula- et s’approcher de cette symbiose entre les deux tions existant entre le tourisme et la culture. Ils secteurs plusieurs suggestions et recommandations résument à eux trois le potentiel immense des gise- ont été avancées avec parfois des projets innovants ments culturels des pays arabes qui sont encore accompagnés de véritables montages. L’analyse de sous-exploités par le tourisme. Afin de progresser ces projets fait l’objet du chapitre suivant.

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III Des projets concrets et 0 innovants

Une fois analysées les articulations réelles ou sou- haitées entre le tourisme et la culture, les rapports rédigés par les huit experts devaient répondre à des termes de références précis en formulant des propositions concrètes s’inscrivant dans une dynamique de développement durable et évitant par la dégradation des ressources qu’elles soient naturelles ou culturelles.

Pour mettre en valeur la pertinence de ces recommandations personnelles nous résumons dans un premier temps les points forts de ces propositions, pour ensuite passer en revue les principaux projets proposés par pays avant de s’arrêter à une analyse un peu plus détaillée de quelques grands projets pilotes.

Des recommandations concrètes

Les recommandations recueillies par le program- me visent d’abord à améliorer l’existant avant dc suggérer la création de nouveaux produits.

a) Améliorer le potentiel touristique des produits existants

Dans le domaine de l’artisanat

De par son importance sociale, le secteur de I’ar- tisanat fait l’objet des recommandations les plus nombreuses et les plus pertinentes. Il s’agit d’abord de soutenir le secteur par une politique appropriée de formation, d’organisation des arti- sans, de promotion des productions et de leur ancrage dans l’activité touristique. Pour cela on suggère différentes formules de financement des centres de formation, l’organisation d’exposi- tions permanentes, la motivation des artisans par la création de concours du meilleur artisan dotés d e prix, des subventions pour l’acquisition par ces artisans des matières premières à des prix avantageux. Un souci de préservation du savoir- faire est présent et les responsables sont invités à promouvoir des études et recherches sur l’artisa- nat, à encourager la constitution de collections d’enregistrements filmés sur la fabrication de toutes les catégories d’objets artisanaux pour servir plus tard d’archives au cas ou certains savoir-faire viendraient à disparaître. Dans le même ordre d’idées, il est proposé de commander à certains artisans de talent la reproduction d’objets d’art réalisés il y a plusieurs siècles et

actuellement présentés dans des musées. Certifiées, ces reproductions pourraient être commercialisées dans certains musées à des col- lectionneurs. Outre la relance du secteur, cette pratique pourrait réduire la fuite d’œuvres artisa- nales anciennes non déposées dans des musées et que s’arrachent les collectionneurs fortunés.

Un effort d’échange entre les centres de formation professionnelle implantés dans les pays arabes est à développer, les expériences de certains pays comme le Maroc dans les domaines de la formation, de la conception, de la produc- tion, de la promotion et de l’organisation dans des coopératives pouvant être intéressantes pour d’autres pays.

Concernant une meilleure articulation avec le tourisme, les propositions insistent sur un contrôle plus strict de la qualité des articles ven- dus dans les souks et bazars. Elles abordent éga- lement le problème de l’attitude du touriste vis-à- vis de cet artisanat. Les actions menées jusqu’à maintenant allaient dans le sens de la promotion des produits et de la mise en contact du touriste avec les artisans dans le cadre des différents com- plexes où le touriste peut à la fois visiter des salles d’exposition, observer les artisans au cours de leur travail et acheter les articles qu’il souhaite. Il serait souhaitable que ces actions passent à un niveau supérieur. Il s’agira de créer les conditions favorables pour que les touristes qui le souhaitent passent d’une situation passive à une situation

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active. A cet effet, des actions pouvant faire inter- venir quatre différents acteurs peuvent faciliter cette participation en créant des stages d’initia- tion aux arts et métiers.

C’est ainsi que des initiatives émanant des Ministères du tourisme et des administrations de tutelle de l’artisanat ainsi que les Tours opéra- teurs programmant le pays auxquels il serait sou- haitable d’associer les collectivités locales concer- nées devrait mettre en place une tradition de stages actifs destinés aux touristes. Des séjours- ateliers à thèmes peuvent être commercialisés par les agences de voyages et aborder les différents métiers: poterie, tissage, peinture sur bois, travail des métaux, broderie, etc. Ce type de produit, encore inexistant dans les pays arabes, correspon- drait parfaitement aux nouvelles formes de tou- risme qui sont nées en Europe. Une des struc- tures pouvant être mise à contribution pour déve- lopper ce type de produit sont les centres de for- mation professionnelle aux métiers de l’artisanat. Ils peuvent bien ajouter aux différentes forma- tions proposées des formations de type pédago- gique pour permettre à certains de leurs lauréats d’encadrer ces stages. On peut également imagi- ner une collaboration entre ces instituts et les écoles hôtelières relevant des ministères du tou- risme pour que ces dernières incluent dans leur cursus des matières d’initiation aux arts et métiers de l’artisanat.

Par extension, on peut imaginer le même type de séjour pour la découverte de la cuisine traditionnelle très variée d’un pays à l’autre. Des initiatives de ce genre peuvent valoriser égale- ment la pâtisserie riche et variée de certains pays arabes comme le Maroc, la Tunisie ou la Syrie. Là aussi, le lancement de ce produit suppose des actions concertées entre Tour opérateurs, écoles de formation professionnelle, traiteurs, collectivi- tés locales etc.

2 Ë ii. Dans le domaine du patrimoine r architectural 2 c) $2 3 Les recommandations vont dans le sens d’une ry 2 amélioration de la visibilité des monuments. Pour 2 -2

cela, il faut améliorer la desserte routière des sites

f à visiter et surtout mettre en place une signalisa-

v; tion routière systématique permettant aux tou- ‘Z 5 ristes et visiteurs individuels d’accéder aux G monuments et de les visiter. Les travaux de

fouilles et de restauration doivent se terminer par un essai de mise en valeur des monuments et

44 d’augmentation de leur pouvoir d’attraction.

L’affectation de certains de ces bâtiments histo- riques à des usages touristiques ne doit pas faire oublier la nécessité de leur protection. Les sites doivent être strictement protégés contre toute implantation touristique ou hôtelière voisine qui pourrait gêner, par sa proximité, sa taille ou sa visibilité. Cela peut se faire grâce à un contrôle institutionnel de toute opération privée ou publique de reconversion des vieilles demeures en locaux destinés à l’hébergement ou à la restau- ration. Il conviendra surtout, en prévision de l’ac- croissement des flux touristiques, de doter cha- cun des sites historiques d’un Plan directeur fixant les conditions de son exploitation par le tourisme. Ce Plan devrait fixer de manière préci- se et stricte les protections réglementaires des environs du site, les conditions de stationnement et les accès et circuits des groupes de visiteurs ainsi que la répartition du gardiennage et des rondes de surveillance. Il précisera également les affectations du sol des abords du site comme l’emplacement des travaux de fouilles ou de res- tauration, les locaux (guichets, gardiennage, vente, cafétérias, sanitaires) et les équipements (panneaux explicatifs, panneaux directionnels, poubelles) nécessaires à l’exploitation du site.

L’articulation des sites historiques au tou- risme nécessite des études poussées pour imagi- ner la meilleure méthode à mettre au point pour réaliser cette connexion. L’affectation d’anciens bâtiments pour des activités d’animation artis- tique ou pour l’organisation de festivals permet de tirer parti des ruines pour les réanimer. Deux préalables sont à souligner à ce propos. Il s’agit du respect d’un seuil de saturation pour éviter la détérioration des monuments et de la nécessité d’impliquer les Tours opérateurs internationaux pour qu’ils tiennent compte dans leur program- mation des calendriers des festivals. Pour cela, il faut que ces calendriers soient fixes et communi- qués suffisamment tôt aux agences de voyage. Parmi les recommandations qui reviennent le plus souvent figurent celles relatives à l’organisa- tion de spectacles de son et lumière qui sont rela- tivement rares dans les pays arabes.

Ces recommandations sont, enfin, accom- pagnées de précautions à observer pour éviter la dégradation des bâtiments anciens. En effet, si la transformation de ksour, kasba, anciens palais, greniers collectifs et fandouks ou caravansérail en moyens d’hébergement ou de restauration est envisagée, il ne peut s’agir que de récupérations douces et à petites échelles. Ces vieilles demeures ne peuvent supporter de très fortes charges et ne

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peuvent donner lieu qu’à des formes d’héberge- ment de petites tailles.

La découverte de la vie quotidienne

Il s’agit ici de faciliter la découverte des peuples arabes dans leur vie quotidienne authentique. Pour atteindre ce but les démarches sont mul- tiples. Un premier volet concerne l’amélioration des musées d’arts populaires. L’action doit porter sur le renouvellement progressif des vitrines exis- tantes en commençant par les plus inadaptées. Un effort particulier est à accomplir pour la réa- lisation de grands panneaux et de notices explica- tifs sur le contexte géographique, historique et culturel des objets exposés. L’éclairage est sou- vent d’un niveau insuffisant et l’acoustique est à améliorer.

Les quartiers historiques des villes syriennes, yéménites ou marocaines constituent souvent une attraction touristique de grande valeur. Pour augmenter leur pouvoir d’attraction il faut apporter plusieurs améliorations. Nous ne reviendrons pas ici sur la problématique classique de la sauvegarde des quartiers historiques qui a été déjà abordée pour nous limiter aux actions nécessaires pour prolonger la visite de ces centres qui ne dépasse pas généralement quelques heures. Outre les panneaux d’indications facilitant la visite non guidée, ces vieux centres nécessitent des mesures pour améliorer leur environnement. À côté des interventions lourdes pour implanter des équipements, l’appel à la participation de la population revient assez souvent. Il est proposé l’organisation de campagnes de propreté asso- ciant les habitants sous forme de concours dotés de prix pour la ruelle ou la maison la plus propre. Des concours organisés par les collectivités locales primeront également les maisons les mieux conservées ou celles dont la restauration a respecté le mieux l’architecture traditionnelle. Afin de prolonger la visite et le séjour des tou- ristes dans ces anciens centres, il faut réserver cer- tains bâtiments anciens pour l’animation artis- tique et encourager les investissements privés pour la création au sein de ces quartiers de petits hôtels classés, de restaurants et cafés traditionnels mais répondant à des normes internationales.

En milieu rural, les propositions retiennent le développement du tourisme de randonnée avec hébergement chez l’habitant comme moyen de découverte culturelle. Ce tourisme, qui recherche surtout les zones montagneuses, peut être également conçu comme un axe privilégié

d’un développement intégré des montagnes en difficulté en aidant les communautés monta- gnardes enclavées à diversifier leurs revenus, à se maintenir sur place et à consolider de ce fait leurs originalités culturelles.

b) Créer de nouveaux produits

Cette offre de produits touristiques à base cultu- relle, qu’elle soit réelle ou qu’elle soit souhaitée par les responsables à qui manquent les moyens financiers pour la concrétiser, peut être davantage élargie et enrichie par le repérage de nouveaux projets. Les différentes études réalisées s’appuient toutes sur des propositions concrètes et nova- trices permettant d’enrichir les produits touris- tiques de manière durable. Il est bien évident que les propositions émanant des experts ayant tra- vaillé sur les pays qui s’entrouvrent au tourisme sont plus nombreuses que celles imaginées pour les pays déjà bien installés sur le marché touris- tique. On peut ainsi regrouper le Yétnen, la Palestine et la Syrie d’un côté et le Maroc, l’Egypte et la Jordanie de l’autre. Pays tourné presque exclusivement vers le tourisme balnéaire, la Tunisie est un cas à part dans la mesure où il pose le problème fondamental de la position du tourisme culturel par rapport au produit balnéaire.

Dans les pays nouvellement ouverts au tourisme, tout est à faire et les propositions sont ambitieuses

En Syrie, pays en train de s’ouvrir au tourisme et désireux de s’intégrer au marché du tourisme mondial, la liste des propositions est assez longue. Elle comporte des projets novateurs. Bien qu’ayant contribué de façon majeure à la civilisation humaine, la Syrie ne dispose pas de vestiges monumentaux qui matérialisent cette contribution. Pour illustrer les 12.000 années d’avancées majeures de l’humanité qui se sont z B déroulées dans le pays et au Bilad a1 Cham, il est E proposé la réalisation d’un musée autour du g thème du berceau des civilisations pour le début 5 du troisième millénaire. A fa différence des autres muskes où une petite notice explique les objets

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présentés par époque ou par site, un tel musée 2 serait d’une conception thématique. Ld, l’objet t présent, même petit, viendrait illustrer de grands messages visuels et graphiques. Des vues agran-

,g

2 dies compareraient par exemple des épis de blé à g l’état sauvage avec les premiers blés cultivés et avec toutes ses variétés actuelles en Syrie, en Europe et en Amérique. Le plan de la Mosquée 45

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des Omeyyades serait comparé à celui de la gran- de mosquée de Cordoue et à bien d’autres. Pour être réussi, ce musée nécessiterait une grande qua- lité scientifique et une présentation technique sophistiquée’. Vu le thème retenu, l’enjeu d’un tel musée dépasse la Syrie pour mettre en valeur l’en- semble des pays correspondant à l’ancien Cham et pourrait faire l’objet d’une coopération régio- nale et internationale.

Il est également proposé l’établissement d’un parc archéologique autour des villages dits oubliés sur lesquels nous reviendrons plus loin. Le projet gagnerait à associer la population en ajoutant une dimension économique.

Pour soutenir l’artisanat, un centre de recherche sur l’artisanat est envisagé et devrait s’activer dans les domaines de la documentation, de la recherche, de la formation et de la promo- tion.

Des idées originales relatives à de nouveaux moyens d’hébergement comme des étapes sous des tentes bédouines, les maisons à coupole en pain de sucre dans la Djézireh ou en bordure du désert, des réseaux de gîtes ruraux chez l’habitant pour le tourisme de randonnée, et des formules de chambre chez l’habitant sont avancées. Pour le tourisme de circuits il est proposé de nouveaux moyens de déplacement comme le projet d’un nouvel « Orient Express », train équipé de voi- tures luxueuses et circulant entre Alep et Damas; des chemins de randonnées pédestres dans les massifs rocheux à forte densité archéologique du nord ou du sud du pays, dans les massifs côtiers où abondent les châteaux-forts médiévaux et dans les régions montagneuses du Qalamoun; des circuits de canoë-kayak; des circuits en véhicules tout terrain dans les régions volcaniques tout en évitant les sites archéologiques; et des circuits en ballon.

En Palestine, l’effort à fournir est considérable et les projets identifiés embrassent tous les domaines. Ils concernent d’abord la création d’un centre des costumes traditionnels qui oeu- vrera à produire, et à commercialiser les cos- tumes ainsi que les ustensiles traditionnels et une école des métiers de l’artisanat travaillant le bois d’olivier, les coquillages, la poterie, le verre et la broderie. Ensuite, est proposée la création d’un village touristique regroupant des artisans, des

salles de ventes de leurs productions et des ins- tallations touristiques. Il sera localisé dans la région de Bait Sahour à un kilomètre de Bethlehem, où on relève une forte concentration d’ateliers travaillant le bois d’olivier. Le site des bassins du Roi Salomon, cité dans l’Ancien Testament, peut être valorisé sur le plan touris- tique par la création d’une unité hôtelière et la transformation de la forteresse turque en musée. Un grand musée des Arts populaires pourrait être créé à Bethlehem pour regrouper les objets exposés dans les deux petits musées existant actuellement. Quatrième lieu saint de l’islam, la ville d’Hebron regroupe des vestiges vénérés par les trois religions monothéistes et reçoit un important flux de pèlerins. La réhabilitation de la vieille ville pourrait comporter la restauration de tous les monuments historiques, en particulier le quartier qui entoure Al Haram Al Ibrahimi, la création d’un musée islamique et la réalisation d’infrastructures touristiques. En plus de la res- tauration des monuments, figurent d’autres opé- rations comme la mise au point d’un programme d’enseignement sur le tourisme à l’Université de Bethlehem, l’ouverture d’une école d’arts tradi- tionnels et la préparation du projet « Bethlehem 2000 ».

Au Yémen, enfin, il est proposé des opéra- tions de protection du patrimoine archéologique, et naturel, notamment côtier, la poursuite de la formation des artisans et surtout la mise au point de la Route de l’encens qui joindra Qana à Gaza.

Dans les pays pionniers, les propositions vont dans le sens d’une amélioration de l’existant, d’une correction des erreurs et d’une optimi- sation des produits

Au Maroc, plusieurs actions sont réperto- riées. La valorisation de l’artisanat et de la riches- se gastronomique inspire l’idée de l’organisation de stages et d’ateliers de formation en poterie ou en cuisine marocaine. La juxtaposition de régions culturellement riches et de zones balnéaires forte- ment fréquentées suggère la combinaison de séjours balnéaires et de tourisme de randonnée en montagne rifaine par exemple. La proximité de l’Andalousie et l’existence d’initiatives menées au niveau régional pour la récupération, la recon- naissance et la valorisation de l’héritage andalou plaide en faveur d’un produit commun régional basé sur le thème de la civilisation andalouse et

46 1. Rapport de la Syrie, page Is2.

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pouvant imaginer des circuits reliant Grenade et Séville à Marrakech en passant par Tetouan et Fès.

En Égypte, les propositions sont axées sur le renouvellement de la commercialisation de l’hé- ritage pharaonique comme l’aménagement du site de Louxor dans le sens d’une diversification des fonctions et d’un remodelage urbanistique et la création d’un parc antique. Le site du vieux Caire, lieu d’un cumul des héritages historiques et cultu- rels, est également pris en considération et une amélioration de son environnement envisagée.

Pour la Jordanie, qui se trouve dans une position intermédiaire entre les deux groupes de pays, il est proposé la réhabilitation de l’ancienne ligne du Hedjaz. Cette ancienne ligne de chemin de fer, terminée en 1908 et détruite peu après par Lawrence, fait l’objet d’une réflexion de la part du Ministère du tourisme jordanien en vue d’une réactivation du tronçon traversant le pays. Cette remise en activité sera accompagnée de la création d’un musée du chemin de fer. Rappelons que cette ancienne voie ferrée reliait Damas en Syrie à Médine dans la péninsule arabique et que sa valo- risation pourrait également faire l’objet d’une coopération régionale. L’aménagement du centre historique de la ville de Fuheis fait également par- tie des projets jordaniens.

En Tunisie, les montages de nouveaux produits posent le problème des rapports entre le culturel et le balnéaire

Le produit touristique tunisien est caractérisé par I la predommance de la motivation balnéaire. Il est

représentatif des voyages longtemps commercia- lisés en Méditerranée et basés sur des forfaits incluant le transport, l’hébergement et la restau- ration. Mais face à une concurrence vive, l’ONTT, principal responsable du label touris- tique Tunisie a lancé des campagnes publicitaires faisant référence à la culture tout en s’engageant sur la voie de la nécessaire diversification, ce qui pose le problème de la position que l’on souhaite accorder au produit culturel.

Il s’agit de savoir si le tourisme culturel doit être conçu comme un produit autonome vis- à-vis du tourisme balnéaire ou bien comme un produit complémentaire permettant de vendre le produit balnéaire. L’expertise conclue à la néces- sité de rechercher l’intégration, ce qui implique une définition adéquate des zones touristiques. Ce raisonnement débouche sur la proposition de

création d’un produit dit tourisme culturel et naturel qui est pour l’instant inexistant en Tunisie. Ce nouveau produit pourra être, selon les opportunités, soit indépendant soit complé- mentaire du produit balnéaire.

La création de ce produit passerait par dif- férentes phases et nécessiterait la définition de différents types de promoteurs qui doivent assu- mer cinq rôles différents allant de l’hôtellerie jus- qu’à la fabrication de matériel de promotion en passant par l’organisation de spectacles et la ges- tion-exploitation du patrimoine monumental. Ce promoteur d’un nouveau produit doit chercher son insertion dans le marché existant en prenant le moins de risque possibles.

Concernant la clientèle, celle-ci ne devrait pas se limiter obligatoirement aux visiteurs étran- gers comme c’est le cas pour le tourisme balnéai- re qui s’adresse pour 95% à des non-résidents. Tout en s’adressant à cette dernière clientèle, le tourisme culturel et naturel devrait prendre en considération la clientèle nationale intéressée au premier chef par les thèmes de la culture et de la nature de son pays. La clientèle nationale dans les pays arabes est, nous l’avons déjà vu, fortement présente et elle est très réceptive en matière de tourisme culturel. La mobilisation de la clientèle étrangère devra sans doute s’insérer dans le systè- me actuel d’acheminement basé sur l’emprise des agences de voyages organisées en groupes. Néanmoins, une frange non négligeable de la clientèle potentielle du tourisme culturel rechigne à emprunter les moyens d’accès de masse. Il faudra donc songer à répondre à la demande de cette clientèle spécifique en aménageant des achats de vols aux meilleures conditions de la concurrence des transporteurs aériens, en les combinant avec des moyens d’hébergement ori- ginaux comme le logement chez l’habitant ou dans de petits hôtels et une restauration auprès d’établissements populaires.

La création du produit passe ensuite par l’identification des thèmes porteurs. Une dizaine de thèmes sont ainsi repérés et embrassent un large éventail du gisement culturel : - Découverte des sites préhistoriques et initia-

tion aux civilisations capsienne et protoly- bienne.

- Découverte des sites archéologiques et initia- tion aux civilisations punique, romaine, numide et byzantine.

- Découverte -des médinas et villes historiques et initiation à la civilisation arabo-musul- 47

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mane et à celle des communautés juives et chrétiennes. Découverte des villages traditionnels et initia- tion aux us et coutumes et aux arts et tradi- tions populaires. Découverte des espaces sahariens et des oasis et initiation a l’art de vivre en milieu dcscr- tique et aux us et coutumes du pays des palmes. Découverte des steppes et initiation ?t la vie nomade. Découvertes des campagnes et initiation aux us et coutumes paysannes. Découvertes des sites naturels et des paysages et initiation à la nature et pratique des sports équestres, de l’alpinisme et de la chasse. Découverte de la mer et des milieux insulaires et initiation aux us et coutumes des pecheurs et des marins. Découverte des villes modernes et initiation à l’architecture arabisante et à l’architecture moderne.

A partir de ces thèmes identifiés seront construits des produits de tourisme culturel et naturel en fonction des attentes du marché et de ce qui sera susceptible d’ftre vendu. Le choix obéira à des critères en rapport avec le thème le plus porteur au moment et avec les conditions géographiques de son exploitation. Sont à éviter les itinéraires marathon qui bâclent la présenta- tion du culturel et les programmes trop focalisés sur un seul centre d’intérêt. Le thème culturel n’étant pas en lui-même un produit touristique, il doit être travaillé et transformé en produit touristique pour être vendu. Pour cela ii faut déterminer la clientèle potentielle, concevoir le produit en fonction des désirs de cette clientèle, déterminer le prix, mener des opérations de démarchage auprès des agences de voyage, lancer la campagne de promotion et analyser les résul- tats et remodeler le produit le cas échéant.

c g a:

A partir de cette démarche des fiches de

c projets originaux sont proposées. Ils font partie -F %

des projets pilotes innovants retenus.

0 E c) Des propositions de projets pilotes et

2 innovants 3

z .2 Parmi les nombreuses propositions de projets ; destinés à concrétiser l’articulation entre le tou- G risme, la culture et le développement dans les pays

étudiés nous avons retenues quelques-unes pour les analyser avec détail. Ce choix ne signifie en rien

48 que celles non retenues sont tnoins pertinentes.

Mais faute de ne pas pouvoir passer en revue tous les projets par manque de place, il nous a semblé utile de revenir sur quelques-uns qui sont repré- sentatifs de la diversité des projets formulés. C’est ainsi que parmi les pays nouvellement venus sur le marché touristique international, la Syrie est représentatif des destinations qui après avoir été longtemps fermées au tourisme souhaitent développer ce secteur tout en dispo- sant d’un des gisements culturels les plus riches. Appartenant au même groupe, les cas du Yémen et de la Palestine fournissent des exemples de nouvelles destinations où à partir de matériaux culturels bruts on peut construire des produits touristiques originaux. Parmi les pays pionniers la proposition de la Tunisie illustre le cas d’un pays qui bien que fortement implanté sur le mar- ché touristique international, ne réserve qu’une place fort réduite à la dimension culturelle malgré la richesse de celle-ci, d’où la nécessité de faire preuve d’imagination pour réserver une place appréciable à cette dimension. Dans le même ensemble de pays, le cas du Maroc, pays où le tourisme culturel côtoie le tourisme balnéaire sans le recouper, le projet retenu essaie justement de relier les deux composantes dans un même produit.

Le projet des « Villages oubliés » en Syrie

Une région au passé riche, mais aujowd’hui nzauginalisée

D’une hauteur moy’enne de 500 à 600 m, le mas- sif calcaire du nord de la Syrie est une région de plateaux qui s’étend sur une centaine de kilo- mètres de la frontière turque au nord à Apamée au sud et une trentaine de kilomètres d’est en ouest. Les villages ont connu un accroissement sensible de la population à partir du IIe siècle pour culminer vers l’an 250. Bien que les sols cul- tivables n’y occupent que des plaques de surfaces inégales, l’occupation du sol basée sur un système de culture méditerranéen accordant une place de choix à l’olivier, la vigne et les arbres fruitiers y fut intense. Ce massif était, dans l’antiquité, au coeur de l’une des régions les plus urbanisées du monde méditerranéen, avec Zt sa périphérie les villes d’Antioche, Apamée, Chalcis, Bérée (Alep) et Cyrrhus.

Une civilisation rurale méditerranéenne s’y développe autour de maisons, de villas, de citernes, de pressoirs d’olives, de fours, de bains, d’auberges et d’autres lieux de rencontre. Les dif- férentes religions s’y succèdent laissant derrière

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elles des monuments funéraires, des temples païens, des églises, des couvents ct des mosquées. Richesse de l’économie ct abondance de la pierre donnent à ces édifices des allures monumentales. Bâties souvent sur deux étages, les maisons étaient surmontées d’un toit de deux pentes à tuiles et précédées d’une cour clôturée de murs. Des archéologues insistent sur l’apport dc la région aux différents styles architecturaux qui ont vu le jour au Moyen Orient. Les premiers exemples des basiliques chr6tienncs dans 1~ for- mation desquelles la Syrie a joué un rôle essentiel subsistent dans le massif calcaire. Des filiations des absides des églises romanes européennes que l’on peut encore admirer à Deir Samaan sont éga- lement évoquées. C’est grke h de tels « labora- toires » d’architecture que naîtra en S>,ric l’art islamique omeyyade qui s’épanouira dc l’Inde a l’Andalousie.

Suite à une succession de guerres entre les empires byzantins et sassanides, de tremblements de terre et d’épidémies au cours du VIe siècle, la région connaît un déclin qui se continue au cours des sikcles suivants suite aux troubles ct guerres ayant accompagné l’affaiblissement et la chute du

califat Omeyyade (VlIIe siècle) et la réoccupation par les byzantins d’Antioche qui se traduit par la descente des derniers habitants vers les plaines environnantes pour fuir les combats. Le massif reste j peu près inhabité jusqu’au début du XXe siècle, date d’une reprise agricole vigoureuse.

De son passé prospère, la région a gardé de nombreux témoignages d’une civilisation agricole riche et raffinée puisqu’une soixantaine de villages comportent encore de nombreuses constructions datant des siècles passés. Et si, dans la plupart des cas, les villages modernes sont venus occuper les sites des anciens, plu- sieurs de ces agglomérations anciennes, appelées « villages oublies », sont encore désertes et intactes offrant des monuments assez impo- sants. Les plus imposants dc ces monuments sont le Martyrion de Saint Siméon, devenu Qalaat Samaan, datant de 470-480, et l’église de Qalb Lozeh. Tous deux ont été restaurés et com- plétés par trois musées régionaux implantés en périphCrie immédiate de la région (Apamée, Idlcb, Maaret le Noomane). Par ailleurs, le clas- scmcnt de quelques villages antiques est actuel- lement en préparation.

Architecture des * villages oubliés y (Syrie)

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Un produit original adapté à la région et valorisant son patrimoine

Dotée d’une richesse historique et culturelle indéniable, la région n’est pourtant pas valorisée. Qalaat Saaman est le seul site qui draine des visi- teurs aux effectifs non négligeables alors que les autres sites ne sont atteints que par des groupes de jeunes motivés et à dos de cheval. Les excur- sions ne durent qu’une demi-journée ou une journée et s’effectuent à partir d’Alep. Les retom- bées sur les populations sont de ce fait très réduites.

Le projet est conçu comme une tentative de valorisation de ce patrimoine et cherche à associer l’intérêt de la découverte progressive et initiatique d’une civilisation et d’une économie rurale passionnantes à l’effort physique recher- ché de plus en plus par les randonneurs occiden- taux. Il propose donc de lancer un produit de tourisme de randonnée destiné dans un premier temps aux visiteurs étrangers et élargi ensuite aux nationaux.

Il commence par la réalisation d’une étude technique qui devrait repérer une série de ran- données en boucle d’une journée pouvant être combinées entre elles pour donner lieu à des ran- données de plusieurs jours et utilisant différents modes de déplacement (pédestre, à cheval, à dos de mulet, à bicyclette).

L’investissement nécessaire en infrastructu- re pour la réalisation des chemins de randonnées est peu lourd et se limite aux travaux de balisage et de signalisation et au ramassage des ordures et à leur évacuation ainsi qu’à l’établissement et l’édition d’une carte touristique détaillée. Chébergement pourra se faire dans des auberges sommairement équipées et installées dans d’an- ciennes auberges ou maisons non classées comme monuments historiques. La restauration de ces maisons et leur affectation à une fonction d’hé- bergement doit se faire sous le contrôle de spécia- listes de l’architecture des époques auxquelles appartiennent ces maisons, car ces premières affectations auront un caractère démonstratif pour la suite du projet. Chaque auberge devra être aménagée pour abriter une quinzaine de per- sonnes. L’ensemble de ces auberges formera un réseau de gîtes d’étapes que pourra prendre en charge une société hôtelière à capitaux mixtes ou des coopératives locales. Pour les besoins des ran- données, une vingtaines de chevaux ou de mulets doivent être disponibles en permanence chez les

paysans des environs et les collectivités locales ou une agence de voyage pourraient mettre à la dis- position des groupes et individus qui le souhai- tent des VTT pour la location. Il sera fait appel chaque fois que c’est possible aux habitants et aux collectivités locales. Les guides accompagnateurs, par exemple, devront être choisis parmi les jeunes du Massif et avoir une connaissance du terrain, de son histoire et de sa civilisation. La collaboration des collectivités locales est également indispen- sable.

Ce projet, s’il est réalisé, aura plusieurs avantages. Il nécessite tout d’abord peu d’inves- tissements lourds. Le produit ainsi créé sera ori- ginal et unique dans la région et devra drainer une clientèle de qualité. Il pourra valoriser un patri- moine riche, mais aussi une civilisation rurale en difficultés. Ses répercussions, enfin, sur le plan écologique n’auront aucun effet néfaste. Produit de tourisme culturel et écologique, il répondra à l’article 12 de la Charte mondiale du tourisme durable de 1995 qui dit que la promotion de formes alternatives de tourisme qui sont compa- tibles avec les principes du développement durable et l’encouragement de la diversification, représente une garantie de stabilité à moyen et long terme.

Un parc archéologique

Ce projet devra être impérativement accompagné de mesures de protection des villages anciens, menacés par le développement de l’habitat moderne ainsi que de l’aspect naturel de certains sites. Pour cela, les procédures habituelles de pro- tection et d’intervention basées sur l’interdit et la répression sont difficiles à appliquer sur une longue durée et de ce fait peu efficaces. Il faudra s’orienter vers des stratégies faisant appel à la col- laboration des populations et à leur assentiment. Il s’agira d’associer la protection du patrimoine culturel et naturel avec la poursuite du dévelop- pement de l’habitat contemporain et des activités économiques. La création d’un parc naturel régional, à l’instar des parcs régionaux créés un peu partout dans le monde, serait la solution adé- quate. Un tel parc couvrant un territoire au patri- moine riche mais fragile peut protéger et déve- lopper de manière durable ce patrimoine en s’or- ganisant autour d’un projet, ici le tourisme cultu- rel. Il s’agira alors de créer une instance dont le savoir-faire réside dans la capacité à animer et mettre en relation des partenaires, à coordonner des actions, à monter des projets et à être à l’ori- gine d’actions innovantes.

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La mise en place d’un tel organisme néces- site une approche méthodique et mobilisatrice. Elle passe inévitablement par la réalisation d’une étude de faisabilité qui doit atteindre les objectifs suivants : - Recenser et analyser l’ensemble des informa-

tions disponibles sur le Massif et se rappor- tant à l’environnement naturel et humain.

- Imaginer à partir de ce diagnostic les perspec- tives d’évolution de la région.

- Proposer un programme d’action pour la mise en place d’un parc archéologique, touris- tique et agricole.

- et délimiter le parc et ses zones sensibles.

Dans l’attente de cette éventuelle étude l’expertise propose déjà les grandes lignes sui- vantes d’un programme d’action : - Reconstitution des terrasses de cultures et

amélioration des techniques de production. - Appui à la relance de l’artisanat local. - Développement de structures d’accueil, d’hé-

bergement et de services touristiques. - Renforcement des équipements publics. - Études de la protection et de la restauration

du patrimoine. - Diffusion d’une culture relative à l’histoire de

la région dans les programmes scolaires. - Formation de guides-accompagnateurs choi-

sis parmi la population locale. - Pour faire connaître la région des « villages

oubliés » dans le monde et auprès des Tours opérateurs et faciliter la recherche des crédits nécessaires à son aménagement, il serait sou- haitable d’entamer dès maintenant des démarches en vue de son inscription sur la Liste du patrimoine mondial.

La Route de l’encens au Yémen

Concluant un rapport bien documenté, l’expertise concernant le Yémen se termine par une recoman- dation spéciale fort originale bien que peu détaillée. Ce rapport lance un appel à l’UNESCO pour œuvrer à revivifier la route historique de la gomme et de l’encens, Cet itinéraire, qui prend naissance à l’ancien port de Qena (connu actuellement sous le nom de Bir Ali) sur la mer d’Arabie, traverse la Péninsule arabique en passant par différentes villes et aboutit à la ville de Gaza sur le rivage méditerranéen.

Cette ancienne route a joué dans l’histoire de la région et du monde un rôle fondamental et revêt une grande importance à la fois historique, culturelle, sociale et économique pour l’ensemble de la région.

Malgré la situation géopolitique actuelle, ce projet pourrait avoir diverses retombées. Il per- mettra de valoriser l’héritage historique et cultu- rel par le tourisme en vue du développement. La route en elle-même est une grande réalisation économique puisqu’elle reliera différents pays entre eux. Elle pourra se connecter à tout un réseau de routes secondaires dans les différents pays traversés ainsi qu’aux routes maritimes vers l’Inde et l’Europe et aux routes joignant diffé- rents sites historiques et culturels.

Le projet « Bethlehem 2000 » en Palestine

Lieu de naissance du Christ, la ville de Bethlehem a une grande valeur spirituelle pour tous les Chrétiens. Elle dispose d’un véritable gisement patrimonial avec ses demeures anciennes de plusieurs siècles, ses églises, ses ins- titutions religieuses, son quartier historique et son style urbanistique. Marquant le bimillénaire de la Nativité, l’an 2000 est un événement impor- tant pour toute l’humanité et l’UNESCO a décidé de le commémorer à travers différentes initiatives dont le projet Bethlehem 2000. Projet- pilote, celui-ci est vu comme une occasion d’ap- pliquer une politique de la ville basée sur des opérations de réhabilitation de certains espaces publics du centre historique, l’installation d’un atelier de sauvegarde et de valorisation du patri- moine culturel et d’autres projets d’aménage- ments urbains.

Ces opérations d’aménagement et de réha- bilitation de toute une ville vise différents objec- tifs parmi lesquels nous citons : - La protection et la sauvegarde des monu-

ments historiques. - La réhabilitation des anciens quartiers pour

augmenter leur attraction touristique et amé- liorer la qualité de la vie de leurs habitants.

- La formation de spécialistes du tourisme, de la conservation et de la réhabilitation d’an- E tiens monuments en nombre suffisants. Ë

a, 0

Une première phase peut s’attacher à : 7 - Délimiter la zone d’intervention dans le quar-

tier historique de la ville. d z - Restaurer les principaux monuments de ce

périmètre délimité. 4 0

- Aménager la place principale du centre ancien Ë en zone piétonnière. .z

- Aménager des parkings pour les voitures et z autocars de tourisme.

- Améliorer le réseau de voirie et en transfor- mer une partie en piétonnier. 51

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La route de l’encens

\ Hira vers I’INDE et la CHINE

9 vers I’INDE

- Entretenir le réseau de l’éclairage public. - Organiser la place du Souk en zone touris-

tique. - Affecter d’anciennes demeures après rénova-

tion à la fonction touristique (musées, exposi- tions, maisons de cultures).

La Tunisie ou la nécessité de construire un produit culturel original à côté d’un tourisme balnéaire dominant

S’appuyant sur la démarche exposée plus haut, l’expertise tunisienne aboutit à un projet de tou- risme culturel et naturel destiné à faire échapper le touriste moyen qui visite la Tunisie à la coquille hôtelière où il passe l’essentiel de son séjour enfermé. Or le touriste est, contrairement à une idée largement admise, curieux de connaître autre chose sur la Tunisie que l’aéroport ou l’hôtel.

CA 0 - M. Bevriane

Pour initier le touriste étranger à la civilisation arabo-musulmane, le moyen le plus efficace et le plus agréable est de lui proposer de vivre la Tunisie à travers d’autres cadres où il peut côtoyer les Tunisiens dans leur vie quotidienne.

Vivre en médina lui permettra de com- prendre l’organisation de la ville arabo-musulma- ne, de découvrir le patrimoine, d’apprécier les arts et métiers, de participer aux fêtes et traditions populaires, d’écouter la musique tunisienne et arabe, de goûter la gastronomie tunisienne, d’ap- prendre, pour ceux qui le souhaitent, la langue arabe. L’hébergement se fera non pas dans un hôtel, mais dans des maisons traditionnelles préa- lablement choisies en fonction de leur qualité architecturale et de leur situation en médina, éventuellement restaurées, aménagées selon le goût traditionnel et équipées selon le confort moderne.

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Individuelle ou par petits groupe, la clien- tèle visée par ce produit viendra dans le cadre de séjours de différents types :

- séjour de loisirs et détente d’un week-end à une semaine

La découverte des vestiges archéologiques 2 et la vie dans des petits centres urbains comme 2 Sidi Bou Saïd par exemple, la capitale Tunis qui,

^ 2

destination touristique avant le développement du balnéaire tunisien, est, aujourd’hui, une ville

- séjour linguistique d’une durée de deux à trois semaine

boudée par le tourisme international malgré la

- séjour d’étude pour petits groupes. richesse culturelle de son arrière-pays et sa capa- cité d’hébergement honorable. Les deux sites de 53

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Carthage et de Sidi Bou Saïd réunis dans le cadre d’un parc protégé ne sont pas valorisés. La propo- sition consiste à exploiter ces deux sites pour créer un produit offrant une initiation à la vie tunisoise et à la civilisation punique et romaine. L’hébergement pourra se faire à Sidi Bou Saïd dans une structure hôtelière de type relais et châ- teaux parfaitement équipée car devant recevoir une clientèle exigeante et prête à payer le prix fort.

Basé à Tunis, le touriste peut choisir entre plusieurs circuits cohérents et variés en visitant des sites qui doivent être aménagés pour recevoir des visiteurs et équipés pour fournir les explications nécessaires. Plusieurs circuits sont proposés :

- Tunis-Thuburbo Majus-Zaghouan-Tunis - Tunis-Dougga-Tunis - Tunis-Bulla Régia-Tunis - Tunis-Kerkouane-Tunis.

A la fois ville sainte et ville d’art, Kairouan est l’exemple même d’un lieu du tourisme cultu- rel. Mais la visite rapide de la ville, accordant l’es- sentiel du temps aux marchands de tapis, occulte ses centres d’intérêt culturels. La proposition insiste sur la nécessité d’organiser des visites de la ville et de la mosquée pour une clientèle de tou- ristes sélectionnés, qui sera hébergée sur place dans un hôtel d’une capacité de 30~1 lits. Le pro- moteur qui est en même temps gérant de l’hôtel doit offrir un tourisme culturel de haut de gamme.

La découverte des civilisations romaines et islamiques sur les sites d’E1 Jem et de Kairouan peut se faire également par l’organisation d’ex- cursions qui seront proposées aux hôteliers de Sousse-Monastire et de Mahdia-La Chebba à condition d’accorder toute son importance aux explications et de ne pas dériver les touristes vers les marchands de tapis. Le site d’E1 Jem, qui dis- pose déjà d’un musée et qui propose des centres

z Ë

d’intérêt passionnants comme le Colisée ou les

Fi nombreuses villas romaines, gagnerait à être

@ davantage aménagé et équipé d’un motel. 73 * % La découverte des us et coutumes et des 5 2 arts et traditions populaires à travers les villages

z 0

traditionnel peut se faire à travers le village de .

Ë Takrouma. Village perché offrant une splendide

.2 vue sur toute la plaine, ce dernier constitue avec 5 G

les villages voisins de Zriba et Jeradou des objec- tifs de randonnée. L’hébergement peut se faire à Takrouma dans des maisons d’hôtes (une dou-

54 zaine de maisons pouvant héberger 60 personnes peuvent être aménagées). Le séjour peut se

prolonger si on organise des activités d’initiation à l’artisanat (tissage de laine par exemple). Dominée par le Jbel Ressas, la plaine de Mornag retient l’attention par la beauté de ses sites et pay- sages. Elle est fréquentée par les Tunisois lors des sorties de week-end, alors que le Club alpin de Tunis organise des excursions et escalades au Jbel Ressas. Une structure d’hébergement de type auberge de campagne pourrait y prolonger les séjours de la clientèle actuelle et être intégrée comme étape des circuits déjà proposés.

D’autres thèmes inattendus en Tunisie peu- vent être développés: - Celui de la forêt peut être découvert dans la

région du Cap Bon qui associe aux jardins et vergers des paysages de garrigue et de forêt se prêtant bien aux randonnées à pieds. La base de départ de ces randonnées peut être un hôtel balnéaire (Sidi Raïs ou Korbous) et le circuit traversant le cap Bon d’Ouest en Est vers Kélibia. Des relais forestiers doivent être implantés et recevront des petits groupes de marcheurs.

- Celui de la mer peut aider à valoriser les séjours balnéaires en offrant aux touristes la possibilité de vivre en mer à travers des activ- tés sportives (navigation et sport nautique) et des excursions pour découvrir les paysages littoraux. Sidi Bou Saïd et Kelibia se prêtent bien aux séjours et Zembra pourra devenir un pôle principal pour les sports nautiques. Les excursions se dirigeront vers Tabarka et Port Kantaoui. Le montage de cette opération nécessite de son promoteur d’avoir une flot- tille de bateaux de plaisance, deux hôtels relais à Sidi Bou Saïd et Kelibia de 120 lits chacun et 1 hôtel balnéaire à Zembra.

- Celui des oasis de montagne est amené à enri- chir le tourisme saharien qui connaît un début de développement en Tunisie et qui se limite encore à des parcours de grandes distances à l’aide de voitures tout terrain. Ce tourisme pourrait d’avantage s’ancrer dans le pays si on le complète par des séjours permettant de vivre le rythme d’une oasis. La réhabilitation du village abandonné de Tamezra fournira des opportunités d’hébergement à partir des- quelles les touristes pourront effectuer des excursions à dos de mulets avec des séjours sous la tente nomade.

Ces projets diversifiés de montages de nou- veaux produits du tourisme culturel en Tunisie attestent de la richesse du gisement culturel du pays, gisement encore non exploité, les choix du

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pays ayant privilégié le tourisme balnéaire. Il ne s’agira certes pas de retenir et de développer tous ces projets en même temps mais d’en sélectionner quelques-uns en fonction de leur faisabilité et des attentes de la clientèle et des tours opérateurs. Pour cela, une volonté claire des responsables et une concertation interministérielle définissant des programmes d’action et des protocoles d’accord sont indispensables. Ce n’est qu’avec cela que les promoteurs privés pourront, sur la base de ces propositions, se manifester et monter leurs projets.

Au Maroc : le tourisme rural en complémentarité avec le tourisme balnéaire

L’activité touristique n’est pas une nouveauté pour le Maroc nord

Dès le milieu des années soixante, le littoral médi- terranéen et la baie de Tanger ont été privilégiés par les décideurs séduits par les possibilités de relance qu’offrait le tourisme pour une région qui souffrait déjà d’un marasme économique et social. Mais après plus de 25 ans de pratique d’un tourisme basé sur la seule composante balnéaire on ne peut que constater l’échec du tourisme à jouer le rôle de moteur du développement local qui était attendu de lui.

Aujourd’hui, alors que le Maroc du nord revient sur la scène de l’actualité puisque son développement économique et social est inscrit parmi les priorités, on reparle de nouveau du tourisme comme une solution, certes parmi d’autres, pouvant contribuer à la relance de la région. Cela suppose l’analyse des raisons de l’échec de cette politique pour la définition d’une nouvelle conception du tourisme. Basée essentiellement sur le tourisme de séjour bal- néaire la conception de la première phase souffre de sérieux handicaps que l’on peut ramener à :

Une faible intégration des établissements touristiques à l’environnement économique local

Au cours d’une première phase, la majorité écra- sante des établissements de la côte méditerra- néenne, soit 64 %, a fonctionné en villages de vacances (la moyenne nationale était de 14 % en 1978), alors que 10,8 % seulement des lits étaient réservés aux hôtels. Or, outre le fait que cette région était peu préparée économiquement à la pratique d’une telle activité, les structures choi- sies privilégiant les établissements de type club,

de grande taill e et à gestion étrangère ne permet- tent pas à une activité, par ailleurs fortement sai- sonnière, de jouer dans cette région le rôle escompté de stimulant de l’économie locale. Les complexes touristiques, à cause de leur grande taille (1.400 lits pour le seul V.V.T d’A1 Hoceïma) et, partant, d e 1 eurs besoins énormes, doivent pour leurs achats s’adresser directement à d’autres régions (en particulier à Casablanca) qui fournissent l’essentiel des approvisionnements, les achats sur le plan local se limitant aux fruits et légumes et à quelques produits d’entretien ne représentent en valeur que 25 à 30 % des dépenses. Ces établissements se caractérisent en outre par un manque d’ouverture sur l’environ- nement local et fournissent à leurs clients, à l’in- térieur même du complexe, la totalité des équipe- ments sportifs et des distractions, ainsi qu’une partie non négligeable des besoins en commerces et services. De ce fait, on est frappé par la rareté des emplois induits.

Des limites climatiques

Par ailleurs, et après les premières années d’eu- phorie, la côte méditerranéenne est vite abandon- née par les agences internationales qui se tournent vers les destinations méridionales. La nécessité de lancer sur le marché de façon régulière des desti- nations nouvelles, le succès de plus en plus grand du produit hiver, les avantages commerciaux d’une station ouverte toute l’année - comme Agadir - et l’absence d’une animation spontanée dans un environnement rural où les établisse- ments touristiques sont isolés expliquent ce chan- gement d’attitude des Tours Opérateurs vis-à-vis de la côte nord au profit d’Agadir. Les principaux pôles d’attraction de la région choisis par cette conception du tourisme étant la mer et le soleil on se rend compte que finalement ces atouts clima- tiques ne sont réunis effectivement que vers la côte est à partir d’A1 Hoceïma. Sur le littoral de Tétouan et de Tanger (là où on a le plus investit), 2 les attraits classiques de la Méditerranée sont à E nuancer. Les eaux ne deviennent plus chaudes s- que celles de l’Atlantique que pendant les mois de 3 juillet et août. Cette fraîcheur relative des eaux explique en partie l’apparition de brumes et

:

L brouillards côtiers très épais et la faiblesse relati- 3 ve de l’ensoleillement. :

e; E

La littoralisation ‘2 3

G Parler du tourisme dans le Maroc méditerranéen revient en fait à parler du littoral méditerranéen qui concentre la majorité des lits et de la 55

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fréquentation : 90,4 % des 13.000 lits du nord se localisent sur la frange côtière. Cette capacité localisée surtout sur le littoral se répartit de façon inégale puisque l’essentiel se trouve concentré à Tanger et le long du littoral de Tétouan (82,4 % de la capacité implantée sur les rivages méditerranéens). Dans le détail et au niveau de tout le littoral on relève une implanta- tion fortement linéaire et ponctuelle. Toutes les installations sont exclusivement littorales et se tiennent souvent à l’écart des agglomérations ou centres préexistants. La linéarité des installations s’explique par la nécessité d’avoir une vue sur la mer et par le tracé de la route côtière. Lors de la deuxième phase du développement touristique des rivages du nord et qui coïncide avec une forte demande nationale, la linéarité se confirme et se renforce. Or, les potentialités touristiques du Maroc nord ne se confinent pas au seul rivage. L’intérieur montagneux peut faire l’objet d’une exploitation touristique qui pourra se libérer de la contrainte saisonnière.

Le glissement vers la promotion immobilière

Suite à l’échec du tourisme international dans le Maroc du nord, on assiste à un glissement specta- culaire vers la promotion immobilière avec l’af- firmation d’un nouveau type d’hébergement basé sur la résidence secondaire, la destination des nouveaux programmes à la vente à des particu- liers marocains et la tendance à préférer l’habitat résidentiel individuel (appartements et villas), l’hôtel et ses annexes (loisirs et restauration) apparaissant comme l’alibi nécessaire à justifier le caractère totiristique.

Les problèmes de l’environnement et la dégradation de la qualité de la vie

Bénéficiant d’une offre en destinations balnéaires de plus en plus 1 arge, grâce à la révolution des

2 E

moyens de transport aérien et la multiplication

k des pays récepteurs de touristes, le client interna-

2 tional, notamment européen, devient de plus en -2 7

plus exigeant vis-à-vis de la qualité de l’environ-

z nement de son séjour touristique. Or, la densifi-

L cation de l’occupation littorale et les graves 3 ,?

erreurs en matière d’aménagement de cette frange

6 côtière du Maroc nord font que son environne- E .n ment devient de plus en plus dégradé.

3 N 1’

En partant de cette analyse, il semble que aménagement touristique du Maroc nord doit

être complètement repensé en diversifiant ses 56 composantes et en mettant en valeur d’autres

atouts que la mer et le soleil. Les autorités de tutelles en sont conscientes et une nouvelle approche est en gestation. Sans abandonner com- plètement le choix du balnéaire elle cherche à le compléter par le développement d’un tourisme rural à forte connotation culturelle.

La diversification du produit et l’aménagement en profondeur

Pour cela, la région dispose de potentialités non négligeables dans l’intérieur des terres (la dimen- sion culturelle, le tourisme écologique, la chasse, la randonnée, etc). Il est donc possible d’imaginer des implantations touristiques littorales mais qui s’appuient sur des arrières-pays à mettre en valeur sur le plan touristique. La notion d’aména- gement en profondeur recèle de nombreuses pos- sibilités pour le Maroc nord. En faisant preuve d’un peu d’imagination, on peut concevoir, par exemple, des implantations touristiques sur la flèche de sable, encore vierge, de la lagune de Bou Areg tout en les combinant avec des circuits de chasse et de randonnée qui peuvent arriver jus- qu’aux gorges du Zegzel. Avec le pays Jbala, ses souks, sa réserve naturelle, la ville voisine de Chefchaouen, le littoral de Tétouan peut être aisément désenclaver et s’ouvrir davantage vers l’intérieur. Le littoral d’A1 Hoceïma, enfin, peut être heureusement accroché à la belle cédraie de Ketama. Cela réduira la charge que supporte le littoral et permettra de créer des emplois (qui ne seront pas qu’estivaux) qui pourront réduire quelque peu la descente des populations vers le littoral.

Le projet pilote

Le tourisme rural est défini ici comme un touris- me qui se dirige vers des espaces ruraux, fores- tiers ou renfermant des paysages naturels non ou peu transformés par l’homme et ce à la recherche d’activités sportives de nature (randonnée, escala- de, descente de rivières, ski de fond, parapente, etc.), d’activités de découverte du milieu, soit pas- sive (contemplation des paysages) soit active (rencontre des populations et découverte de leurs cultures, éducation à l’environnement naturel, social, historique et culturel de la région) et d’ac- tivités de repos, de changement de cadre de vie.

Partant de cette définition, on se rend compte que la région concernée dispose d’un patrimoine naturel et culturel que ne met pas en valeur le tourisme balnéaire confiné au littoral. Montagne en arc convexe, le Rif s’étend sur

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360 km de long et 80 km de large, culmine à des hauteurs appréciables (2.452 m) et dispose de crêtes, de vallées nombreuses et de formes de relief spectaculaires (gorges, pont naturel) ayant un attrait paysager indéniable. La zone possède de nombreux sites de grande valeur sur le plan biologique et de l’écologie (Parcs de Talassemtane et du Tazzeka). En majorité humanisés, les pay- sages du Rif, qui sont le résultat d’une interaction permanente entre l’homme, l’espace et la nature, sont d’une richesse remarquable (patrimoine bâti, patrimoine sociologique, patrimoine physique, histoire, coutumes et traditions populaires). Ce patrimoine naturel et culturel est menacé suite à une pression démographique croissante sur le milieu (défrichement excessif, besoins en bois de feu, surpâturage) et la région est déjà atteinte par la culture du cannabis, ce qui modifie l’occupa- tion agricole du sol ainsi que les structures sociales traditionnelles villageoises et familiales. Le lancement d’une activité valorisant le patri- moine et pouvant suggérer des occupations alter- natives est une urgence. Le tourisme rural peut contribuer en partie à cette relance.

Après un travail d’identification des sites les plus prometteurs, une zone pilote a pu être retenue. Elle s’articule autour de la ville tradi- tionnelle de Chefchaouen. Ville ancienne créée par des Andalous et unique agglomération maro- caine traditionnelle en zone de montagne, cette ville est un véritable bijou en pleine montagne rifaine, et présente plus d’un intérêt. Elle est entourée de plusieurs sites d’intérêts culturels comme le patrimoine bâti du Jbel Kelti, le paysa- ge naturel d’Akchour, le village d’E1 Kelaa, la proximité du littoral, etc. Lc choix du secteur pilote relève d’une triple stratégie : concentrer les efforts et les moyens disponibles sur un seul site présentant des chances raisonnables de réussite, démontrer auprès des opérateurs, des autorités de tutelle, des collectivités locales et du secteur privé ce qu’il est possible de faire et minimiser les risques d’échec sur une zone réduite.

Le concept repose sur la notion de pd>‘s touristique, territoire géographique cohérent comprenant un réseau de sites et de produits reliés à une capitale (Chefchaouen), doté d’une personnalité qui lui est propre avec une image que supporte un label de qualité. Le lancement et la gestion de ce pays touristique reposent sur un organe regroupant différentes parties, le

« Comité de zone touristique » et comprend des représentants des administrations de tutelle, des collectivités locales, des représentants des popu- lations. Loin d’être une reproduction du modèle de tourisme atlasique 1, le produit rifain devrait être beaucoup plus rural que simplement monta- gnard, la dimension découverte d’une moyenne montagne avec toutes ses composantes cultu- relles, et paysagères devant être privilégiée. Le produit sera plus diversifié et pourra, par exemple, s’appuyer sur le balnéaire, le culturel et la connaissance de la vie quotidienne des Rifains. Pour cela, il aura comme mots-clés la souplesse, la diversité et la modularité. La souplesse signifie la mise en place de programmes qui ne soient pas figés et qui peuvent s’adapter selon la clientèle identifiée. La diversité concerne les produits basiques à imaginer et qui peuvent se combiner à volonté de façon à personnaliser chaque séjour. On peut, de ce fait, moduler à partir des produits de base et selon la demande. On pourra par exemple imaginer des produits supposant un accompagnement du visiteur dans le cadre d’un séjour organisé et contrôlé de près, mais aussi des produits destinés à des visiteurs autonomes qui organiseront leur randonnée sur place et à partir de la ville de départ Chefchaouen. En même temps, on peut viser le touriste sédentaire qui est à la recherche d’un séjour bas6 sur le repos et la détente soit en famille, soit en groupe, ou encore d’un séjour accompagné d’activités sportives, d’un séjour de santé dans une station climatique, ou bien d’un séjour culturel comportant des acti- vités au sein d’ateliers d’initiation à la poterie, au tissage ou à la cuisine locale.

La clientèle visée par ce projet est multiple et ne sc limite pas à la clientèle internationale. Cette dernière doit être d’abord recherchée auprès de la clientèle fidèle au nord comme les Britanniques ou les Espagnols. Une amorce de marché peut être réalisée à partir des Tours opé- rateurs programmant des séjours à Tanger et sur 2 le littoral de Tétouan. De même, les prototypes E des premiers produits peuvent être implantés â

E dans les hôtels qui reçoivent des touristes de -ij séjour ou de passage ct qui peuvent ainsi allonger 3 la durée dc séjour de leurs clients en proposant 0 o deux ou trois types de randonnées dans les envi- 3 v rons immédiats. A cette clientèle nouvelle on 2 peut ajouter celle fréquentant les stations bal- néaires de la côte en période estivale. Les strates

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supérieures des classes moyennes citadines et les g

1. Voir le troisibme chapitre. 57

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classes aisées ont pris l’habitude d’acquérir des résidences secondaires de moyen ou haut stan- ding sur les côtes rifaines de la zone retenue. Elles sont motorisées, disposent de moyens financiers substantiels, séjournent longtemps dans leurs résidences et ont besoin, de ce fait, d’activités pour occuper leur temps de loisirs et s’intéressent aux nouvelles formes de tourisme. La troisième clientèle potentielle est représentée par les cita- dins et résidents étrangers des grandes villes qui peuvent fréquenter la région tout le long de I’an- née à l’occasion des week-end. Ajoutons enfin la nouvelle catégorie de touristes que représentent les émigrés à l’étranger. La région du nord du Maroc est l’un des principaux foyers d’origine de l’émigration internationale et reçoit chaque été un important flux de résidents à l’étranger venant passer leurs vacances au pays. Les deuxième et troisième générations sont particulièrement à cibler par ce nouveau tourisme rural.

S’adressant à ces différentes clientèles des produits touristiques complets sont à envisager et comportent :

(hommes célèbres, événements historiques, patrimoine bâti, sites maraboutiques, écosys- tèmes forestiers).

- Un tourisme d’aventure et de découverte basé d’abord sur le pédestre mais évoluant vers d’autres formes comme le vélo, l’escalade, la spéléologie, le.canoning, le parapente, le ski de randonnée, la chasse et la pêche.

- Un tourisme rural permettant le rayonne- ment à partir d’un point de chute constitué de chambres chez l’habitant, d’accueil à la ferme, de gîtes ou de meublés indépendants, de cam- ping, etc.

- Un tourisme spécialisé nature/culture basé sur la découverte de l’avifaune, de la flore et des écosystèmes forestiers, mais aussi sur la rencontre et la compréhension du mode de vie des populations rifaines de l’intérieur.

- L’éco-tourisme participe et encourage la pro- tection des sites naturels et bénéficie aux populations locales. Il est basé sur le partena- riat et des contributions financières, intellec- tuelles et en nature. On peut également envi- sager des séjours ou des randonnées de type

- Des itinéraires à thèmes pédestres ou en voiture éco-volontariat.

Projet de développement du tourisme rural en complémentarité avec le tourisme balnéaire (Maroc Nord)

Grand ensemble naturel

m w w Boucle pédestre

Stratégie pays : coopération inter-communale

Stations balnéaires

Pôle de rayonnement

Al Hocdma

Chefchaouen

Projet-pilote du towrisme mral dans la région de Chefchaorrcn

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- Le tourisme balnéaire. Ce tourisme est quasi- exclusif dans la région mais connaît de sérieux problèmes Il peut néanmoins bénéficier d’un développement du tourisme rural. Pour cela une coopération intercommunale mer/mon- tagne et entre professionnels est indispen- sable. La collaboration des professionnels du tourisme est capitale dans la mesure où ils doivent accepter de commercialiser un pro- duit mixte, chose qui n’existe nulle part au Maroc ou dans le monde arabe.

La mise au point de ce produit et son lan- cement supposent une démarche complexe et un cadre d’orientation stratégique qui s’appuie sur une série de mesures. Après la mise en place du « Comité de zone touristique », un travail d’ani- mation et de sensibilisation en direction des acteurs locaux (autorités et techniciens locaux, élus, professionnels, hôteliers, candidats guides) est indispensable. Il sera suivi de la signature d’une série de conventions de partenariat entre différents ministères (tourisme, culture, agricul- ture, intérieur) et entre collectivités locales et professionnels (association des hôteliers) ainsi qu’avec le secteur bancaire (mesures d’incitations à l’investissement dans les gîtes ruraux et les chambres chez l’habitant par le biais de micro- crédits). Parallèlement, les équipements structu- rant doivent être lancés. La formation des guides choisis parmi les jeunes diplômés chômeurs de la région doit être complétée par une formation des opérateurs communaux. La promotion intervien- dra enfin par le biais d’une étude de marché, le ciblage des clientèles, la mise en place d’un fichier des Tours opérateurs. A moyen terme, seront montés des produits prototypes qui doivent être testés. Une attention particulière doit être

accordée à la production de supports cartogra- phiques destinés aux randonneurs, de livrets- guides et de brochures présentant le produit. A long terme, en fonction du succès rencontré et lorsque le produit « Tourisme rural du Rif » aura une notoriété suffisante, des équipements d’ac- cueil touristiques lourds pourront progressive- ment être envisagés (villages de vacances rurales, centres équestres ou sportifs). La région se dote- ra d’un centre permanent de formation aux métiers du tourisme rural, d’intérêt régional pou- vant devenir par la suite national.

Un tel montage existe déjà au niveau des études qui sont en cours de finition. Restera à trouver le financement pour lancer les premières phases.

II ressort de tous les cas présentés un foi- sonnement d’idées et de propositions à la fois ori- ginales et réalisables. Les possibilités d’articula- tion entre le tourisme et la culture en vue d’un développement durable sont nombreuses et peu- vent davantage se consolider si certains de ces projets sont réalisés. Mais si les conceptions de projets sont aisées à mener, il reste que la concré- tisation n’est pas chose facile. Outre les moyens financiers qu’il faut trouver, la volonté réelle manque parfois et ce à cause des inerties. Créer de nouveaux produits du tourisme culturel suppose en effet de nouvelles approches dans la gestion dont les mots-clés sont partenariat, participation de la population, désengagement de l’État. En fait, la réalisation d’une meilleure articulation entre le tourisme, la culture et le développement ne se fait pas sans problèmes et le chapitre quatre examine les principaux blocages et risques de ces expériences.

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IV Des problèmes l préoccupants

Les articulations entre le tourisme et la culture monuments historiques ainsi que le risque de dans son sens le plus large existent bien dans les destructuration des communautés rurales. Par faits. Elles ne sont, malheureusement, pas tou- ailleurs, une série de blocages empêchent parfois jours positives. Les rapports ont relevé plusieurs la réalisation de projets basés sur des idées per- aspects négatifs des relations entre le tourisme et tinentes et pouvant mieux articuler le tourisme à la culture et qui concernent essentiellement les la culture. Il s’agit des disfonctionnements insti- dangers de dégradation de l’artisanat et des tutionnels et des problèmes de financement.

Des risques de dégradation du produit culturel

4 Dégradation de l’artisanat

Une demande massive du tourisme sur les articles de l’artisanat peut avoir des effets per- vers. L’artisanat, tout en profitant de la demande touristique, perd en qualité puisque cette demande se fait parfois au prix d’une dégénéres- cence dramatique du produit fabriqué.

Cette dbge’nérescence de l’artisanat n’est certes pas due qu’au tourisme et, dans le cas de la Syrie, on a même relevé des effets bénéfiques de la demande touristique sur la préservation du patrimoine artisanal. Il semblerait en effet qu’en ce qui concerne les nappes aghabani et les verres soufflés, les touristes occidentaux préfè- rent les motifs épurés et les couleurs sobres, ce qui signifie un retour à un état antérieur, avant que la mode locale ne fasse évoluer ces pro- duits. Mais il est fort probable que cet effet bénéfique soit lié à la faible demande d’un tou- risme encore à ses début, l’impact du tourisme étant encore peu sensible. Au Maroc, par exemple, où la pression du tourisme est plus ancienne et plus forte, les effets pervers sur l’artisanat sont plus sensibles. Une rapide dégradation des objets fabriqués par l’artisanat plus sur le plan artistique (couleurs et motifs) que sur le plan de la qualité est une conséquen- ce inéluctable des nouvelles conditions de pro- duction. Pressé par la commande du bazariste ou celle du grand village de vacances, et limité par les goûts que la fabrication en série lui impose, l’artisan fabrique désormais en série

des objets sans valeur où il ne se reconnaît plus. Aussi faut-il s’interroger, ici, sur l’attitude et la perception de ce nouvel état de fait par cet arti- san. Le propos suivant d’une artisane rapporté par Fatima Mernissi se passe de tout commen- taire: Non seulement on est très mal payés pour les longues heures de travail qu’on fait, mais le travail lui-même est inintéressant; on ne fait pas les dessins traditionnels qu’on a si patiem- ment appris à exécuter chez la Maalma, on fait des dessins que les Allemands veulent. Notre usine travaille avec les Allemands. Ils ont très mauvais goût, un tapis pâle sans couleur, sans mystère, toujours la même chose. Ils demandent le même tapis depuis des années, un blanc avec de rares dessins jaunâtres. Et tu n’a aucune idée de ce que moi et Latifa pouvons faire. On fait du rbati, et du très délicat...Ce sont les Allemands qui achètent des tapis marocains, mais ils veulent des tapis bâtards allemands par-ci, marocains par-b... et nous on garde en nous toute cette énergie, des milliers de dessins, de couleurs qui ne verront jamais le jour, que personne ne demande.

La commercialisation massive de la production artisanale débouche inéluctable- ment sur ce sentiment de frustration de l’ar- tisan qui n’est pas - loin de là - le principal bénéficiaire de cette demande puisque le deuxième effet négatif de cette demande reste l’apparition d’une multitude d’intcr- médiaires. Le bazariste, nouveau type de commerçant, occupe désormais le haut de

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l’échelle sociale de la médinat. II habite rarement ce quartier et ne tient pas commerce lui-même. C’est une activité qui nécessite un capital assez important puisqu’il faut louer ou acheter une ancienne demeure ou un ancien palais pour exposer la marchandise, payer 4 ou 5 employés, s’occuper des expéditions à l’étranger, et surtout avoir des possibilités de liquidité importantes pour constituer des stocks de tapis et autres produits et contrôler un réseau de ramas- sage des anciens articles et bijoux de la campagne. La localisation de ces points de vente constitue une nouvelle donne de la géographie urbaine des anciens quartiers des villes arabes. Dans toutes les médinas et vieux centres, les artères principales sont en cours de transformation complète pour répondre à la demande touristique avec la florai- son de bazars et boutiques de vente d’articles de souvenirs. La spécialisation des rues par activité qui faisait l’originalité et la cohésion de la struc- ture de l’ancienne ville marocaine et arabe est en voie de disparition en partie à cause du tourisme.

Autre effet du tourisme sur l’artisanat constaté au Maroc est le ramassage systématique d’objets d’artisanat - qui constituent parfois de véritables chefs-d’oeuvre du patrimoine national - qui s’effectue en montagne et dans les régions reculées. Dans le même ordre d’idée, il faut signa- ler que les gravures rupestres du sud ont été pillées et défigurées avec parfois la disparition de blocs entiers de grès gravés de plusieurs tonnes. C’est également le cas d’objets d’arts urbains: tapis anciens, céramique des siècles passés, bois sculpté et peint qui ornait les vieilles demeures et dont parfois des pans entiers sont arrachés, vendus et exportés. En Syrie, un pillage officiel de monu- ments prestigieux remonte au début du siècle lors- qu’en 1905 le Sultan Abdulhamid II offre un palais à l’empereur Guillaume II d’Allemagne lors de la visite de ce dernier en Orient. Ce palais fut trans- porté et en partie rebâti au Musée de Berlin. Von Oppenheim, un archéologue allemand, avait démonté la façade principale du temple de Tell Hallaf pour la transférer en Allemagne. Le bateau qui la transportait fit naufrage dans les eaux d’Alexandrie avant la première guerre mondiale.

b) Détérioration des monuments

Le patrimoine architectural, qu’il soit urbain ou rural, souffre d’une dégradation manifeste et du

manque de moyens pour sa restauration ou sa rénovation. Lorsqu’il est affecté à une utilisation touristique sans contrôle, le risque est grand de voir cette dégradation accélérée. L’utilisation pouvant entraîner la détérioration concerne aussi bien les simples visites que l’urbanisation ram- pante, l’organisation de festivals ou l’affectation d’un monument à une fonction d’hébergement ou de restauration.

Le premier type de dégradation est illustré par le cas de l’Égypte. Là, les monuments, tout en profitant au tourisme, ont tendance à se dégrader sous la pression de l’intense demande de ce tou- risme. C’est ainsi que les prestigieux monuments pharaoniques, comme ceux du plateau de Gizeh, souffrent sérieusement de cette pression. Accès direct en voiture dénaturant le site, augmentation du taux d’humidité à l’intérieur des pyramides, graffitis et fissures sont quelques-uns des pro- blèmes de gestion posés par la fréquentation mas- sive de ces monuments.

Les sites historiques ne sont pas suffisam- ment protégés contre l’urbanisation envahissante. En Syrie, la zone non aedificandi de 200 m autour du Krak des Chevaliers semble insuffisante pour la sauvegarde du site et de sa majesté. A Palmyre, le village initial habité aujourd’hui par 50.000 habitants, a été transféré à l’extérieur du site, mais la traversée des ruines par la route nationale Damas-Deir le Zor qui passe par Palmyre pose un sérieux problème. Des dizaines de camions dont des citernes transportant du carburant passent ainsi quotidiennement à proximité du grand arc antique. Une déviation du côté nord est prévue. Sur le même site de Palmyre la pression touris- tique se traduit, entre autre, par l’édification dès les années trente d’un petit établissement hôtelier au milieu des ruines qui a même été rénové. Un grand hôtel de 250 chambres créé par la chaîne Méridien et localisé à l’ouest du Camp de Dioclétien se trouve trop près du site et il serait dommage pour la valeur esthétique et culturelle du site et son intérêt touristique si des implanta- tions touristiques viennent enlaidir les collines proches du site antique. Un aménagement touris- tique balnéaire de taille colossale (13.600 lits répartis en 32 hôtels) est enfin programmé dans les environs du site phénicien d’Amrit sur la côte au sud de Tartous. Il serait souhaitable d’évaluer les incidences de ce projet sur le site archéologique.

1. Ancien quartier de la médma 06 se concentre l’essentiel des ateliers de ldrtisanat de production, récupérant les anciennes demesures et les fandouk (caravansérail).

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La formule des festivals dans les ruines comporte également de sérieux risques de dégra- dation. C’est la Jordanie avec le festival de Jerash et la Syrie avec ceux de Bassora et de Palmyre qui illustrent ce type d’atteintes. Dans les trois cas la forte affluence des visiteurs, notamment les nationaux, menace la conservation des ruines. L’absence d’aménagements spécifiques et de sché- mas directeurs pour l’affectation des zones des sites selon leur fragilité aux différentes activités des festivals et pour l’organisation du flux des visiteurs se traduit par de fortes concentrations de charge pour des sites vulnérables.

L’affectation au tourisme d’une partie de ce patrimoine peut aider à trouver les fonds néces- saires, mais cette utilisation touristique aboutit parfois à sa dégradation de façon irréversible. C’est la raison pour laquelle, le projet de sauve- garde de l’architecture en terre du sud marocain que nous avons déjà présenté a écarté de façon volontaire la prise en compte de la dimension touristique alors qu’initialement le culturel et le touristique avaient été intimement considérés. Cette prise de position des responsables du pro- jet peut se justifier. Il est, en effet, très difficile dans ce cas de gérer les relations entre le touris- tique et le culturel sans tomber dans des erreurs de restaurations inadéquates. Il est également dif- ficile de sauvegarder l’authenticité de ce produit culturel en le commercialisant comme produit de tourisme de masse, alors que c’est cette authenti- cité même qui fait sa valeur commerciale. Il est, enfin, difficile de réaménager ces kusbu en gîtes ou en restaurants sans défigurer leur plan d’en- semble ou leurs façades. On ne peut néanmoins réussir cette opération en écartant totalement le tourisme. Déjà, les premières réoccupations de l’ancien village des Ait Ben Haddou par ses anciens habitants se font sous la forme d’ouvertu- re de magasins pour touristes. La transformation de ksour, kasba, anciens palais, greniers collectifs et fandouks en moyens d’hébergement est à envi- sager mais avec de grandes précautions. Il ne peut s’agir que de récupérations douces et à petites échelles. Ces vieilles demeures ne peuvent sup- porter de très fortes charges et ne peuvent donner lieu qu’à des formes d’hébergement de petites tailles.

c) Désorganisation des structures socio- économiques des communautés rurales

Par ailleurs, l’idée selon laquelle cette nou- ” velle forme de tourisme a des effets bénéfiques Ë sur les économies locales doit être sérieusement ‘2 nuancée. C’est ainsi que les achats pour l’équipe-

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Au Maroc et au Yémen notamment, mais aussi ment des gîtes (sanitaires, meubles) et parfois dans d’autres pays arabes, le tourisme de randon- même la nourriture (aliments en conserves) sont née a tendance à pénétrer de plus en plus des effectués en dehors de la montagne. De même les

zones éloignées et plus ou moins fermées. Or, les communautés culturelles visitées sont très fra- giles et le moindre changement brutal dû à une ouverture excessive risque d’entraîner de sérieux déséquilibres. Malgré ses retombées réelles, le tourisme ne pourra jamais, à lui seul, résoudre les problèmes que vivent ces milieux. Il peut même s’avérer, parfois, porteur d’éléments de déséqui- libres.

Par ailleurs la pollution du cadre naturel, suite aux déchets rejetés par les randonneurs qui se dispersent le long des sentiers les plus fréquen- tés ou s’entassent à proximité des refuges, est par endroits très réelle.

On peut s’interroger également sur le degrés de résistance de ces cultures de monta- gnards ou d’habitants des déserts (architecture, patrimoine, comportements socio-culturels en général) au choc des cultures qu’introduit de façon un peu brutale ce type de tourisme itiné- rant.

Ces considérations d’ordre général peuvent être illustrées par l’évaluation du projet de déve- loppement de tourisme de montagne au Maroc. Nous avons déjà relevé que les retombées du pro- jet sont réelles et peuvent aider cette communau- té montagnarde en crise à préserver sa cohésion et sa culture. Il faut, néanmoins, être prudent dans l’évaluation de l’expérience car les signes des dérapages sont évidents. On peut d’abord s’inter- roger devant la multiplication un peu anarchique des gîtes ruraux sur les risques d’une concurren- ce qui peut se développer dans les années à venir et se répercuter sur les revenus ainsi générés et la réussite de l’expérience. De même, si le lancement du tourisme dans cette montagne visait, entre autres, la diversification des activités des vallées, le tourisme étant conçu comme un simple com- plément, on relève un glissement progressif vers la mono - activité. En effet, les propriétaires de gîtes ayant réussi engagent un ou deux ouvriers pour effectuer les travaux agricoles à leurs places. Cette tendance générale vers la mono - activité ne menace-t-elle pas la vie traditionnelle et la cohé- sion du groupe montagnard ?

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achats des touristes randonneurs sont réduits au minimum. Outre le fait que les points de com- merce sont rares en montagne, les touristes effec- tuant des marches pendants plusieurs jours ne s’encombrent pas d’achats d’articles de souvenirs (tapis ou autre).

Le lancement d’un tourisme de montagne basé sur la découverte de l’autre rejoint également la problématique des rapports tourisme - culture. Ce tourisme a été dès le départ présenté comme un moyen de réaliser la rencontre des peuples, de favoriser la compréhension des différences et d’augmenter la tolérance. Or, le tourisme de découverte et d’aventure pratiqué dans les vallées du Haut Atlas peut être considéré comme l’un des principaux vecteurs de ce rapprochement. Il est, en effet, basé sur une rencontre avec les habi- tants des hautes vallées qui se fait de manière douce par le biais de petits groupes peu perturba- teurs, traversant discrètement les villages et ani- més d’un désir de comprendre la différence d’au- trui. Cette rencontre avec la population se fait également, nous l’avons vu, par le biais de l’hé- bergement chez l’habitant et de l’accompagne- ment.

Mais là aussi, la théorie s’éloigne quelque peu de la réalité. Le Roux (1993) souligne ainsi que paradoxalement, le tourisme d’a,venture et de découverte qui base sa comrrwnication SMY la ren- contre avec les populations locales, semble éviter les occasions d’engager cette relation. Cela appa- raît, par exemple, à travers le choix des héberge- ments puisqu’un Tour opérateur a même souligné que les gîtes d’étapes auraient dû être construits en dehors des villages. Les responsables des agences de voyages déplorent la disparition pro- gressive du désir initial de la rencontre. Celle-ci, considérée comme un des principaux éléments de ce nouveau produit, se réduit-elle, parfois, au fait de voir des gens différents. Par ailleurs, le dépla- cement continu que suppose les randonnées, et les courts passages des groupes dans les vil- lages ainsi que les barrières du langage limitent

l’établissement de ce contact et de liens approfon- dis avec la population. Cette rencontre tant recherchée ne serait-elle qu’un simple mythe que véhicule encore le discours publicitaire ?

L’attitude de la population locale vis-à-vis de cette rencontre souffre, elle, d’une ambiguïté manifeste. Les paysans propriétaires de gîtes ou les accompagnateurs comptent, certes, sur les revenus de cette nouvelle activité, mais les habi- tants ne comprennent pas ce que recherchent ces touristes qui passent leur temps à arpenter la montagne. Des réactions de rejet peuvent appa- raître notamment à l’égard de la tenue vestimen- taire des touristes. Le touriste désireux de décou- vrir une montagne vierge vivant hors du temps et qui va jusqu’à se plaindre de la présence de fils électriques qui gênent ses prises de vues photo- graphiques est perçu parfois comme un anti pro- grès retardant l’équipement de la montagne en infrastructures’. Le Hatit Atlas va devenir moderne. Il y aura dti goudron, de l’électricité et c’est bien. Mais, pour Le tourisme c’est mauvais; les totiristes vecilent des pistes, ils n’aiment pas l’élec- tricité, la télé, les voitwe. Dans les gîtes il faut que ce soit moderne (douches, WC), mais pas à l’exté- rieur. Cette réflexion d’un accompagnateur résu- me la problématique du tourisme de montagne basé sur la découverte qui exigera, pour continuer à se développer, lc maintien du haut pays dans un certain sous-équipement. Enfin, le contact avec cette population étrangère véhiculant des valeurs culturelles appartenant à d’autres aires risque d’entraîner un éloignement des repères culturels locaux de ceux parmi les montagnards qui côtoient le plus les touristes. C’est parfois le cas des accompagnateurs qui sont alors victimes de phénomènes de rejets de la part de leurs familles et leurs voisins2.

Il reste par ailleurs à analyser dans quelle mesure le tourisme proposé pour les vallées du Haut Atlas peut se développer de manière inté- grée et durable sans déboucher sur de nouveaux déséquilibres dus aux chocs des cultures. Bien

1. VO~,- le cas d’une marche de protcstntlon de villageoIs pour I’obtentio>l d’une rotfte À la place d’une piste qui elle, convenant mieux aux besoins du tourisme de déc-ouvcvtc. Cet kpzsode a été i-apportépnr- Le Roux, 1993.

2. Plusieurs remarques ont &é rapportées et illrzst~ent bien cette attitude : « Il existe des gens qui ont refusé de faire un gîte, même nidéspar /‘Etat. C’est zone maladie l’argent, les gens veulent gardo- leur tradrtion d’accueillir les touristes nsturclicment. II 3’ a des touristes ~III SC croient tout peignis. Paxe qu ’11s parent, ils n’enlfvent plus leurs chaussures pour entrer dans les pièces l>, dit un étudimt, r-apport& par Le Roux. L’oncle de cet étudiant est cuzsinier et accompagne parfois ri ce tltrc des groupes. L’étudiant ajoute, 2 propos de cet oncle : c* Je ne pense pas que ce soit 24n bon métier. Cela Irn prend beaucoup de temps et il est t+s mal pa)‘ct. II d&laisscj les tyava1t.x des champs ».

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qu’ayant soulignb le fait que le tourisme et l’arti- sanat sont perçus dans ce programme comme des actions d’accompagnement indispensables à la survie des économies montagnardes par ldpport de ressources en provenance de l’extérieur les pro- moteurs du programme insistent eux-mêmes sur le fait que ce tourisme peut générer des revenus disproportionnés par rapport à ceux d’origine agricole, et être un facteur de déséquilibre social et devenir un risque pour l’environnement ; il importe de ce fait que les montagnards en gardent la maîtrise afin qu’il ne soit pas perturbateur du patrimoine culturel et naturel et af;n d’éviter l’in- dustrie touristique dont les retombées échappe- raient en grande partie aux valléesI.

Il faudrait, en particulier, veiller à mettre en place des mécanismes de répartition de la manne touristique dans le cadre de la communauté montagnarde. Actuellement la redistribution des gains assurés par les activités d’accompagnement et d’hébergement s’effectue selon les réseaux de relations familiales conditionnant les déplace- ments des groupes de touristes. L’accompagna- teur dont les différents membres dc la famille tiennent des possibilités d’hébergement j divers points de l’itinéraire de la randonnée qu’il accom- pagne fait ainsi travailler toujours la même équi- pe, alors que certains villages bien équipés sont moins fréquentés car ne disposant pas d’accon- pagnateurs. Il est donc impératif de réaliser la généralisation des retombées de cette nouvelle activité à toute la communauté (organisation des tours de portage et d’accompagnement) si l’on veut maintenir les équilibres socioculturels de la vie montagnarde.

Les expertises ont analysé certains projets de développement du tourisme culturel où il est fait appel à la participation de la population locale, ce qui rfpond à l’un des concepts de déve- loppement les plus en vogue. Il reste que parfois cette participation souhaitée ne dépasse pas le stade des intentions ou bien ne concerne qu’une frange de la population. C’est ainsi que l’opéra- tion de réhabilitation du village de Dana en Jordanie2 a visé un développement durable s’ap- puyant sur la participation de la population. Elle a pour cela constitué un conseil villageois devant appuyer l’Association des amis de Dana et la Société royale dc protection de la nature. Mais dans les faits, l’observateur est frappé par le peu d’intérêt porté par la population locale au projet qui lui est reste étranger. L’une des explications avancées pour expliquer cette situation est l’inté- rêt port& presque exclusivement et dès le départ à la réserve naturelle pour ensuite se porter sur le village. Cette participation aurait due être sollici- tée dès le lancement du projet et 9 travers toutes ses étapes de sa planification i son exécution. Dans le projet de rkhabilitation du village de Taibct Zamman la population a été associée dès le départ puisque l’action de réanimation du village abandonné a été accompagnée par un programme de formation aux métiers de l’hôtellerie et aux métiers de l’artisanat ancien comme la poterie. Mais ces nouvelles activités ont CU très vite un fort pouvoir attractif sur la jeunesse de la région et ce au détriment de l’agriculture qui perdant une bonne partie de ses forces vives va connaître un véritable recul. La réussite du projet de tourisme culturel a entraîné un nouveau déséquilibre dans les structures socio-économiques de la région.

Le problème du fonctionnement institutionnel

Parmi les points que devaient analyser les différents experts, celui de l’intervention des institutions pour optimiser le partenariat Culture/Tourisme occupait une place de choix. La plupart des rapports ont relevé une prise en compte de la part des responsables de la finalité culturelle. L’intérêt de la culture ici c’est qu’elle ne se limite pas à recevoir du tourisme sans retour: si effectivement les produits de l’artisanat,

le patrimoine architectural et certaines commu- nautés culturelles gagnent beaucoup du dévelop- pement du tourisme, celui-ci a besoin de plus en plus de ces valeurs pour diversifier son produit face j une clientèle exigeant un produit en perpé- tuel renouvellement. Les différents départements qui ont la charge du tourisme et de la culture sont de plus en plus conscients de cette évolution et multiplient les initiatives afin d’articuler le

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tourisme à la culture et tendre vers un développe- ment global et durable qui tienne compte des par- ticularités locales tout en faisant appel à la parti- cipation des populations locales.

L’analyse des situations dans les différents pays dégage tout d’abord la diversité des institu- tions étatiques, professionnelles et locales qu’in- terpelle la relation tourisme-culture. Cette rela- tion est souvent prise en compte par ces institu- tions et des esquisses de politiques de partenariat apparaissent. Mais souvent ce partenariat a du mal à dépasser le stade des intentions ou des conventions qui restent sans application.

a) La diversité des institutions que la relation tourisme-culture interpelle

L’établissement d’une politique touristique et son application relèvent généralement de I’Administration du tourisme qui établi des plans de développement, fait des choix entre différentes options, encourage les investissements dans les secteurs et les régions retenus, organise les pro- fessionnels et les encadre. Mais dès que l’on élar- gie l’activité touristique à la culture, le nombre des institutions concernées devient impression- nant.

Les affaires culturelles sont généralement gérées par un Ministère qui, le plus souvent, est chronologiquement plus ancien que le Ministère du tourisme. Ce dernier n’existe pas toujours dès le départ en tant que Ministère, mais plutôt comme département relevant soit du Ministère de l’information, soit de celui du commerce et de l’industrie, soit parfois du Ministère de la Culture. Dans ce dernier cas les deux domaines sont regroupés sous le même ministère comme en Jordanie avec le Ministère du tourisme et des antiquités et au Yémen où depuis 1991 existe un Ministère du Tourisme et de la culture. Parfois,

2 E

une composante de la culture est regroupée avec

B le tourisme comme en Tunisie avec le Ministère

0 du tourisme et de l’artisanat. Cela démontre la 7 reconnaissance de fait des interactions existantes % 8

ou pouvant exister entre les deux secteurs.

Généralement, l’existence d’un Ministère u E

du tourisme est relativement récente (1989 en

.E Tunisie). Dans les pays pionniers comme le

z Maroc ou la Tunisie, le secteur du tourisme a

b été souvent géré par différents départements (Industrie, Commerce, Habitat, Aménagement

66 du territoire, Affaires économiques) avant de devenir un Ministère à part entière.

Outre les deux Ministères du tourisme et de la culture, diverses organisations sont citées comme parties prenantes du tourisme et de la cul- ture comme les Offices du tourisme (Maroc et Tunisie), les agences de protection du patrimoine (Yémen), les agences et ONG de protection de l’environnement, les associations profession- nelles, etc. Partout, enfin, des lois et des codes règlent aussi bien l’activité touristique que le sec- teur de la culture. Les cas de la Tunisie et de la Syrie peuvent illustrer, le premier, un des pays pionniers et, le second, une destination nouvelle.

L’appareil institutionnel du tourisme et de la culture se présente comme suit en Tunisie : - Le Ministère du tourisme et de l’artisanat

réunit les deux secteurs depuis 1989 et traduit le souci de l’intégration du tourisme à la vie socio-économique du pays puisque quelques 40.000 artisans et artisanes vivent indirecte- ment du tourisme.

- L’Office national du tourisme tunisien a comme mission la planification et l’aménage- ment des zones touristiques par le biais de l’Agence foncière touristique. Il a par ailleurs une mission de normalisation de la construc- tion hôtelière et de protection des sites.

- L’Office national de l’artisanat a assumé dans ses débuts une mission d’orientation de la production artisanale, pour devenir ensuite producteur et vendeurs.

- Le Ministère de la culture s’occupe du patri- moine par l’intermédiaire de l’Institut natio- nal du patrimoine et de l’Agence nationale de mise en valeur et d’exploitation du patrimoi- ne archéologique et historique. Le Ministère a également en charge l’organisation des festi- vals et des manifestations culturels.

- Le Ministère de l’environnement et de l’aménagement du territoire a comme mis- sion de corriger les évolutions dues aux pressions de l’urbanisation et aux disparités qui peuvent en découler notamment celles entre la Tunisie intérieure et la Tunisie litto- rale, mais aussi de créer les conditions d’aménager le territoire dans le respect de l’environnement. Il dispose pour cela de la Direction générale de l’aménagement du territoire, de l’Agence nationale de protec- tion de l’environnement et de l’Agence de protection et d’aménagement du littoral.

- Les associations professionnelles comme la Fédération tunisienne de l’hôtellerie, la Fédération tunisienne des agences de voyages essaient de promouvoir leurs secteurs respectifs.

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- Les associations de sauvegarde et de protec- tion du patrimoine culturel et naturel accom- plissent un travail d’accompagnement remar- quable. L’Association de sauvegarde de la Médina de Tunis (1967) a su créer un mouve- ment d’opinion en faveur de la médina et mobiliser les moyens en vue de sa sauvegarde et a suscité la création d’autres associations attachées à la sauvegarde des autres médinas. L’Association tunisienne de protection de la nature et de l’environnement regroupe tous ceux que la nature concerne.

A côté de ces institutions, trois lois consti- tuent le cadre juridique de l’action touristique. 11 s’agit du Code des investissements touristiques, du Code du patrimoine et du Code de l’aménage- ment du territoire et de l’urbanisme.

En Syrie, le Ministère du tourisme est de création relativement récente, mais fait suite à la Direction générale du tourisme instituée en 1966. A côté de ce Ministère existe un Conseil supérieur du tourisme placé sous la présidence du Président du Conseil. Composé des Ministères du tourisme, de la culture, de l’orien- tation nationale, de l’alimentation et du com- merce intérieur, de l’administration locale, de l’intérieur, des finances, de l’économie et du commerce extérieur, des transports et de I’infor- mation, il reflète la volonté des responsables d’établir une bonne coordination entre le Ministère du tourisme et les différentes autres administrations. Il est intéressant de noter que l’un des décrets de ce Conseil élargit les incita- tions à l’investissements dans le secteur touris- tique à la réparation et la restauration de bâti- ments anciens devant être affectés à la fonction touristique comme moyens d’hébergement, de restauration ou d’animation.

Le Ministère de la culture et de l’orienta- tion nationale est plus ancien (fin années cin- quante). Il a de larges attributions et les activités de deux de ses services concernent directement le tourisme culturel. La Direction des théâtres a créé en 1964 la troupe nationale Oumayya des arts populaires et la troupe de Zenoubia des arts populaires en 1985. Les représentations à l’étran- ger des deux troupes à l’occasion de salons inter- nationaux du tourisme contribuent à renforcer la notoriété de la Syrie. La Direction des antiquités et des musées est à la fois responsable des fouilles archéologiques, de la restauration des pièces anciennes, des musées, de la protection et de la restauration des monuments anciens, de la

promotion des arts graphiques, etc. C’est en grande partie grâce à ses efforts que se sont constitués les produits touristiques syriens aujourd’hui commercialisés.

Au Maroc, l’action menée par la puissance publique et les différentes associations de niveau national est de plus en plus relayée par les collec- tivités locales. Les initiatives qui sont à l’actif des conseils communaux sont nombreuses et vont dans le sens de l’animation culturelle et touris- tique au niveau local avec la création ou la moder- nisation de festivités locales. Ces fêtes collectives qui drainent une population importante, s’ap- puient surtout sur des héritages où la composan- te culturelle est fondamentale et qui pourraient bien être intégrés dans le produit touristique à destination du visiteur étranger.

Parfois, l’initiative de la collectivité locale ou des associations professionnelles peut aller plus loin et imaginer un véritable festival organi- sé selon des normes internationales. Nous avons déjà cité le festival international de la petite ville d’Asilah avec son université d’été et sa dimension fortement culturelle, ainsi que l’initiative de la ville d’ouarzazate avec la « Symphonie du Désert ». La ville de Fès a également à son actif un Festival international des musiques sacrées et à partir de l’année 1997 un Festival des arts culi- naires dont la première édition porte sur le thème de la gastronomie andalouse.

La multitude et la diversité des intervenants dans le domaine du tourisme et de la Culture démontrent l’intérêt croissant accordé aux deux secteurs, mais pose des problèmes de coordina- tion entre ces différents acteurs.

b) La prise en compte de cette relation : vers une politique de partenariat

Le cloisonnement dans lequel travaillent souvent 3 les différentes administrations réduit l’efficacité E

de ces institutions. C’est la raison pour laquelle a, 3

l’initiative de partenariat relevée au Maroc attire 7 l’attention. Outre la convention signée entre le Ministère de la culture et le Département de l’ar-

& i

tisanat que nous avons déjà présentée, existe une 2 autre convention entre le Ministère de la culture u - et celui du tourisme. Il ressort des déclarations E du Ministre de l’époque une volonté d’ancrer ‘3 le développement culturel qu’il visait à celui g du tourisme : Je ne crois pas du tout à l’illusion d’un tourisme qui conduirait sa barque en solitaire, en méconnaissance de nos biens 67

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culturelsl. Cette coopération est justifiée double- ment puisqu’elle est supposée servir à la fois le tourisme et la culture. Le premier bénéficiera d’un renouvellement de l’intérêt pour le pays, et par conséquent, d’un renouvellement continuel de la clientèle touristique : ce sont nos arts trudi- tionnels, nos arts contemporains ainsi qu’une bonne exploitation de notre mémoire dans toutes ses dimensions et sa présentation judicieuse qui sont garants de cette réussite2. En échange, l’ac- tion de développement culturel pourra tirer éga- lement profit de cette coopération, car ajoute le Ministre : Le secteur du tourisme peut être un moyen de réhabiliter un certain nombre de biens cultureLs, de monuments et offrir l’occasion de faire connaître les azuvres marocaines apparte- nant 2 l’un ou l’autre domaine des beaux-arts.

Cette action concertée entre les deux Ministères a donné lieu à un protocole de coor- dination et de coopération culturelle et touris- tique signé par les responsables des deux dépar- tements en juillet 1993. Cette convention s’arti- cule autour de cinq axes que l’on peut résumer comme suit : - Pour la sauvegarde et la promotion du patri-

moine architectural, les deux Départements sont convenus de : l Etablir un inventaire exhaustif et un Atlas

national des monuments et sites histo- riques présentant un intérêt touristique réel,

l aménager et adapter le patrimoine architec- tural à des fins compatibles avec ses carac- téristiques propres,

l mettre au point, en accord avec les collecti- vités locales, les services extérieurs des deux Départements, les professionnels et les spé- cialistes dans les régions concernées, des programmes d’action pour la réhabilitation et la protection des monuments histo- riques,

l et établir et intensifier avec les partenaires sus-cités, des programmes promotionnels pour l’utilisation rationnelle du patrimoine architectural : - à des fins touristiques (visites guidées,

informations, sons et lumières . ..) - à des fins artistiques (albums, films..) - à des fins de recherches (reportages,

thèses...).

1. Déclaration de Monsieur le Ministre de la Culture.

2. Idem.

-

-

Pour intégrer le plan de développement cultu- rel dans le plan général de développement éco- nomique et plus particulièrement touristique, les deux Départements sont convenus de :

I

mettre en place des structures régionales chargées de l’animation culturelle et artis- tique sous ses différentes formes et com- prenant les représentants des services extérieurs de la Culture et du Tourisme, des Collectivités Locales, des Syndicats d’initiatives, des Associations Régionales et de l’Université renforcer le développement de l’anima- tion culturelle et artistique par l’encoura- gement et l’encadrement des initiatives privées en faisant appel à l’assistance des structures régionales sus-visées, encourager les initiatives visant l’inventai- re, la recherche et la promotion des arts et expressions artistiques par l’octroi de bourses de recherches et le soutien de pro- jets de réalisation de films documentaires et d’enregistrements audio ainsi que l’or- ganisation de visites sur le terrain, organiser des événements culturels et artistiques et des circuits de tourisme cul- turel et thématique, dans le cadre d’un programme annuel préalablement établi, soutenir les manifestations destinées à mettre en valeur des aspects locaux ou régionaux d’expressions culturelles et artistiques, notamment les festivals, moussems, rencontres et séminaires, et encadrer les troupes locales d’arts populaires en vue de veiller à la qualité de leurs prestations et de défendre leurs inté- rêts matériels et moraux.

Cette promotion culturelle et touristique nécessite une stratégie de communication adéquate et les deux Départements sont convenus de : l Instaurer une collaboration étroite dans le

domaine de l’édition (livres d’arts, guides touristiques et culinaires, monographies...) tant au niveau du contenu rédactionnel qu’au niveau de l’iconographie, par la créa- tion de comités de rédaction et/ou de lec- ture. Cette collaboration prendra en comp- te l’encouragement et la promotion des acti- vités d’édition et d’imprimerie au Maroc,

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l participer conjointement aux manifesta- tions culturelles, artistiques et touris- tiques internationales (salons, foires, expositions..),

. mettre autant que possible et chaque fois que de besoin, les structures et le person- nel des délégations du Tourisme à l’étran- ger à contribution pour soutenir les actions promotionnelles, ponctuelles ou permanentes, menées par le Ministère des affaires culturelles et assurer la liaison avec les partenaires étrangers (mailing, affichage, relations publiques...).

- Pour relever le niveau culturel et scientifi- que de leurs formations et les rendre mieux adaptés aux besoins du marché, les deux Départements sont convenus de : l procéder de façon régulière à des échanges

d’informations et de documents, . instaurer entre leurs structures de forma-

tion une concertation périodique pour la mise au point des programmes de forma- tion et des cursus,

l favoriser les échanges de personnel ensei- gnant et de formateurs,

. et organiser conjointement des pro- grammes de f ormation intégrée, de séminaires, de sessions de recyclage, de cours de perfectionnement au profit de certaines catégories d’agents ou de profes- sionnels au sein des établissements de for- mation de l’un ou de l’autre Département.

- Pour l’application du contenu de ce protoco- le il est décidé la création de : . un Comité de suivi qui se réunit deux fois

par an et qui a pour mission le recense- ment des actions prioritaires, l’évaluation de chaque session, l’établissement du pro- gramme d’action annuel, l’établissement du budget, la recherche des moyens de financement, l’instauration d’une démarche décentralisée, la mise au point d’une stratégie de communication,

l quatre sous-commissions de travail qui se réunissent au moins une fois par trimestre : la sous-commission du patri- moine, la sous-commission de l’anima- tion culturelle et artistique, la sous-com- mission de la communication et la sous- commission de la formation.

Si nous avons tenu à reproduire les grandes lignes de ce protocole d’accord, c’est qu’il est le premier du genre qui vise de manière nette et

explicite la coopération interministérielle pour un développement concerté du tourisme et de la cul- ture. Il est une preuve que les responsables du pays sont conscients de la pertinence de l’établis- sement de relations étroites entre les deux domaines, ainsi que des besoins mutuels existants entre eux et leurs rapports avec le développement en général.

c) Les difficultés à concrétiser ce partenariat

Il reste, néanmoins, à vérifier l’efficacité d’une telle convention et à évaluer le degrés de son application. Nous n’avons relevé que peu d’ac- tions communes qui traduisent un début d’appli- cation de cette convention. Une opération com- mune aux services des deux ministères a consisté à reconnaître des kasba et des ksour dans les pro- vinces de Ouarzazate, Taroudant et Agadir, sus- ceptibles d’être valorisés par une utilisation tou- ristique après des opérations de rénovation. Ce travail préliminaire devrait aboutir à affecter à cette architecture de terre une fonction touris- tique, sans que cela ne prenne la forme d’une fré- quentation massive.

En fait, si la prise de conscience est réelle, les mesures d’accompagnement ne semblent pas dépasser toujours le stade des bonnes intentions. Même dans les pays où les deux départements sont coiffés par le même ministère, les problèmes de coordination existent. Au Yémen, des conflits de compétence ont été relevés entre l’Autorité générale des antiquités et l’Autorité générale des cités historiques et ont aboutit à de sérieux blo- cages de plusieurs projets. Par ailleurs et dans le même pays, ni l’Autorité générale des antiquités, ni l’Autorité générale des cités historiques, ni le Ministère du développement et de la planification ne sont représentés au sein de l’Autorité générale du tourisme. La loi no 22/1992 relative à la créa- tion de l’Autorité générale de l’investissement a exclu l’Autorité générale du tourisme. Aucune 2 collaboration autour d’un projet quelconque ne 5 réunit le département du Tourisme et celui de la 3 culture pour mettre au point une démarche com- 7 mune afin d’exploiter les sites historiques et archéologiques pour les besoins du tourisme cul-

: L

turel. Un certaine collaboration fut certes instau- 2 rée entre l’administration du tourisme et d’autres u ̂ acteurs comme la Yémen Airways, quelques g agences de voyages et les 3 hôtels de 4-5 étoiles de ‘2 Sana’a qui ont créé ensemble un comité de pro- g motion du tourisme. Ce comité a fonctionné entre 1984 et 1985 pour voir ses activités s’arrêter définitivement à partir de 1990. 69

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Dans le cas du projet de réhabilitation de l’architecture en terre du Sud marocain, l’un des blocages les plus sérieux concerne la coordination entre les différents ministères. Un tel projet ne pouvait aboutir dans des conditions satisfaisantes en l’absence d’une politique cohérente des trois ministères concernés par le sujet et qui sont les Ministères de la culture, de l’habitat et du touris- me. Or, jusqu’à maintenant, la seule collaboration qui a été relevée se situe au niveau des services provinciaux et des collectivités et autorités locales. Les moyens financiers, techniques pour relever ces édifices des décombres sont impor- tants et ne sont pris en charge que par la puissan- ce publique. Or, le mot d’ordre, ces dernières années, est au désengagement de l’État et il serait temps que les professionnels du tourisme qui profitent en premier lieu de tels projets partici- pent également à leur financement.

Les blocages sont également juridiques et renvoient à un autre type de collaboration qui concerne la population. Les kasba relèvent

souvent de la propriété privée et, suite à l’exode rural qui a touché la région, les propriétaires d’une kasba sont souvent plusieurs héritiers qui se trouvent aujourd’hui dispersés dans plusieurs villes marocaines, voire étrangères, d’où les dif- ficultés d’ordre juridique pour une intervention en vue de la réhabilitation ou de l’affectation de ces demeures. Nous touchons là à la principale condition de la réussite de cette opération. Il s’agit de l’adhésion de la population et son désir d e participation. Pour le cas des Aït Ben Haddou, il semblerait que le désir de participer à la réhabilitation du ksar s’est traduit par la création d’une association qui est l’association des « Ait Aissa pour la culture et le développe- ment », le lien entre culture et développement local étant bien souligné ici. Cette association suit de près les travaux de restauration et assiste aux réunions.

En fait les problèmes de coordination entre les différentes administrations renvoient avant tout aux difficultés du financement.

En effet, s’il y a accord sur la nécessité d’un par- tenariat entre les différents départements, les désaccords apparaissent dès que sont abordés les problèmes budgétaires. Les administrations de la Culture sont convaincues que musées, sites archéologiques et spectacles qu’elles gèrent à grands frais bénéficient avant tout au tourisme car ils constituent autant de centres d’intérêt drai- nant la demande touristique. Les administrations du tourisme devraient de ce fait participer en par- tie ou en totalité aux frais de gestion et d’entretien de ces centres d’intérêt. Mais les administrations du Tourisme font valoir le peu de moyens affec- tés généralement à ces ministères et exigent de leur part à ce que ces frais soient couverts par le fruit des droits d’entrée. Elles revendiquent éga- lement le droit de participer partiellement ou totalement à la gestion de ces sites culturels.

Le problème concerne la mobilisation de crédits suffisants pour les fouilles, la restauration et la gestion par des administrations dont les bud- gets sont souvent faibles. Face à un État qui a ten- dance à se désengager de plus en plus des dépenses à fonds perdus, il convient de réfléchir à

1. l$ US = 4fi livres syriennes.

des solutions raisonnables et efficaces pour la prise en charge des dépenses dans le domaine de la culture. Afin de permettre la contribution du tourisme au financement de la culture, les propo- sitions vont dans le sens d’une mise à contribu- tion prudente du secteur privé (mécénat, sponsor, réutilisation par des entreprises privées du patri- moine architectural à des fins touristiques comme l’hébergement et la restauration) et de la création de fonds destinés à réhabiliter et à restaurer le patrimoine et qui seraient alimentés par les droits d’entrée. Il est également proposé de relever les droits d’entrer à certains sites historiques.

a) Les droits d’entrée aux musées et sites historiques

La première solution envisagée concerne la récu- pération des droits d’entrées. Ceux-ci peuvent être assez substantiels. En Syrie, ces droits ont été de 9,6 millions de livres syriennes en 1994. En 19% intervient un relèvement de ces droits qui fait passé le produit des entrées aux musées et aux monuments à 120 millions de livres syriennes1 ce qui constitue une somme non négligeable. Mais le

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problème consiste en l’impossibilité de recouvrir une partie ou la totalité des droits d’entrée car ces derniers sont versés dans tous les cas dans le budget de l’État. Estimant que le patrimoine cul- turel n’est pas qu’une source de dépenses pour l’État, mais également une source de revenus, l’Assemblée du peuple avait déjà adopté en 1994 la recommandation de consacrer une partie du produit de la visite des musées et monuments à leur restauration, conservation et gardiennage. Mais une lettre du Ministère des finances rappe- lait, la même année, la loi fondamentale des finances qui ne permet pas d’affecter un produit désigné à une dépense désignée en ajoutant que la Direction générale des antiquités et des musées étant un établissement public à caractère adminis- tratif devait participer au budget de l’État avec toutes ses dépenses et toutes ses recettes. Mais si la totalité des 120 millions de livres syriennes encaissées en 1996 ont été versées à l’État, le bud- get annuel de base de la Direction générale des antiquités est passé en peu d’années de 40 mil- lions à 120 millions de livres syriennes en 1996. Il y a donc lieu de penser que l’accroissement du produit des entrées a sensiblement renforcé la position de la Direction dans ses négociations avec le Ministère des finances. Il y aurait donc là une solution permettant au tourisme de contri- buer assez directement au financement du patri- moine et de la culture. Encore faut-il relever légè- rement les droits d’entrée, sans tomber dans les excès pouvant se traduire par une baisse des entrées, et négocier l’affectation d’une partie de cet argent d’une manière ou d’une autre au bud- get de la culture.

b) Le mécénat

La deuxième solution avancée renvoie aux possi- bilités qu’offre le mécénat. Nous avons déjà fait état du rôle des mécènes notamment dans la réha- bilitation de la médina de Fès. Des fondations liées à des organismes bancaires ou financiers ont également restaurer de vieux monuments (la Kasbah de Tinmel dans le Haut Atlas) et soutien- nent la production artistique moderne (galeries d’exposition de tableaux de peinture moderne).

En Syrie, la Direction générale des antiquités a très tôt bénéficié d’un mécénat traditionnel de particuliers qui lui ont légué certains de leurs biens (décoration de la salle orientale du musée national, Madrasa Jaqmaqia, maison Azem abri- tant le musée du vieux Damas, plafond de la salle du trône à la citadelle d’Alep). Plus récemment, un mécénat d’entreprise international s’est concrétisé avec le financement par Total de grands panneaux explicatifs au nouveau musée de Soueida. Le mécénat national s’est manifesté lors du relèvement de la colonnade d’Apamée. Dans ce dernier cas, des rapports ont été établis entre le tourisme et la culture puisque la fondation en question relève de la chaîne hôtelière Cham Palace Hôtels. Une équipe constituée de quaran- te personnes et dirigée par un ingénieur assisté de plusieurs conducteurs de travaux a été financée par le mécène. Elle a effectué plusieurs cam- pagnes pour relever un total de 196 colonnes tout en ajoutant des travaux de dallage et des interven- tions sur les éléments de façades de quelques bâti- ments adjacents. Les travaux ont néanmoins été placé sous l’autorité et la direction active du directeur des antiquités de Hama. La même fon- dation a assuré l’éclairage du tombeau des trois frères à Palmyre. Elle achève des restaurations à la citadelle d’Alep et s’intéresse à de nouveaux projets à Basra et Damas. Il est évident que ce mécénat est intéressé par les retombées commer- ciales sur l’entreprise hôtelière, mais si cet intérêt profite à la culture, il n’y a aucun inconvénient à développer ce type d’interventions dans les autres pays arabes.

D’autres solutions sont également à envisa- ger comme la possibilité de faire participer direc- tement le touriste à cet effort. Il s’agira de faire prélever une petite somme symbolique par l’in- termédiaire des agences de voyages à chaque vente d’un séjour touristique. Ces sommes iraient alimenter directement un fonds pour la sauvegar- de. Un travail d’information du touriste est à pré- 3 voir par le biais de la distribution de brochures E

décrivant exactement la destination du fonds et & g comportant des indications techniques sur les 7 monuments à sauvegarder. %

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Conclusion générale

Arrivés à ce stade de l’analyse, on peut tirer de ce tableau du tourisme et de la culture dans la Région arabe, les principaux enseignements sui- vants : - De façon générale l’intervention de la puis-

sance publique dans le domaine du tourisme s’ordonne en fonction de trois finalités qui sont la finalité sociale, la finalité économique et la finalité territoriale. Selon les pays, l’une ou l’autre de ces trois finalités est la plus pri- vilégiée, l’idéal étant une politique touristique équilibrée de telle sorte qu’elle tienne compte de chacune de ces trois finalités. Jusqu’à maintenant, dans les Etats arabes c’est plutôt la finalité économique qui est la plus recher- chée. En effet, la finalité sociale est encore absente des préoccupations des responsables du tourisme arabe dans la mesure ou le tou- risme des nationaux, bien que réel, ne bénéfi- cie pas encore de mesures réfléchies et volon- taristes. Quant à la régionalisation des implantations touristiques elle semble obéir avant tout à la finalité économique puisque les régions bénéficiant des investissements les plus importants sont celles qui répondent le plus aux caractéristiques du produit le plus recherché par la demande internationale. La finalité territoriale, c’est-à-dire la détermina- tion des localisations en fonction d’une poli- tique réfléchie et préalable de l’aménagement du territoire se rencontre rarement. A travers les développements précédents une quatrième finalité, la finalité culturelle commence à s’es- quisser progressivement. Or, contrairement aux trois premières finalités, celle-ci ne se limite pas à recevoir du tourisme sans retour. Si, effectivement, les produits de l’artisanat, le patrimoine architectural et certaines commu- nautés gagnent beaucoup du développement du tourisme, celui-ci a besoin de plus en plus de ces valeurs pour diversifier son produit face à une clientèle exigeant un produit en perpétuel renouvellement.

- Malgré les percées de quelques destinations pionnières mais qui demeurent fragiles, les États arabes ont accumulé un grand retard

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dans le domaine du tourisme par rapport aux autres pays méditerranéens. Ces Etats ont néanmoins une volonté bien affirmée de déve- lopper le tourisme. Le potentiel est considé- rable, les institutions bien structurées, les équipements et infrastructures en cours de réalisation. L’un des atouts majeurs est la proximité du premier bassin mondial d’émis- sion des touristes qui est l’Europe et ce foyer a exprimé depuis toujours une fascination extrême pour tout ce qui vient de l’Orient. Mais cette même proximité met l’ensemble des pays arabes face aux géants du tourisme de masse de la Méditerranée comme l’Espagne, l’Italie suivis de puissances touris- tiques émergeantes comme la Grèce ou la Turquie. Même des petites îles minuscules comme Chypre ou Malte se positionnent comme de sérieux concurrents dans le bassin méditerranéen. Les Etats arabes doivent donc faire face à une concurrence redoutable, le client européen devenant de plus en plus exi- geant. Pour relever le défis de cette concurrence les Etats arabes doivent impérativement se démarquer par rapport aux destinations méditerranéennes. Il serait difficile pour ces destinations d’essayer de baser leur produit touristique sur des besoins que les touristes européens peuvent mieux satisfaire ailleurs. On voit mal, en effet, la Syrie ou l’Egypte essayer de se positionner sur le marché tou- ristique européen en terme de tourisme bal- 2 néaire, de tourisme d’hiver ou de liberté de $ mœurs, comme on imagine mal le Maroc 3 vouloir concurrencer les stations alpines en 7 essayant de lancer des stations de ski dans le Haut Atlas. La Tunisie, qui a basé presque

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exclusivement son tourisme sur le séjour bal- 2 néaire, s’est bien rendu compte de la nécessité 2 * de procéder à une diversification de ce pro- E duit pour éviter le vieillissement. Pour être ‘$ concurrentiels, les pays arabes devraient donc 8 définir des produits touristiques spécifiques basés sur des centres d’intérêt que l’on ne trouve que chez eux. Dans cette quête de 73

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produits spécifiques, la culture constitue un atout majeur pour les pays arabes vis-à-vis du tourisme occidental. La plupart des Etats arabes basent déjà leur tourisme sur la richesse culturelle et les déve- loppements précédents ont bien mis en valeur cette exploitation du culturel. Mais il s’agit surtout d’une exploitation fort clas- sique de la culture qui réserve une grande place à de rapides visites des musées, des sites archéologiques et des quartiers anciens des villes historiques. L’inconvénient de cette valorisation classique de la culture est la faible durée des séjours et le risque de satura- tion que fait peser les visites répétées des mêmes sites. Or, le principal enseignement que l’on peut tirer des différentes études réa- lisées dans le cadre de ce programme c’est justement la nécessité de faire preuve d’ima- gination pour développer des produits cultu- rels nouveaux en tenant compte à la fois de l’évolution des comportements dans les pays émetteurs de touristes et des attentes des tou- ristes eux-mêmes. Des études de marché devraient en principe informer sur les attentes des différents segments de la clientè- le européenne, aider à déterminer les centres d’intérêt de ces clients et à mettre au point des produits sur mesure. Il faudra néanmoins ne pas oublier que la clientèle qui recherche le culturel est beaucoup plus exigeante en qualité du confort, de services et de l’organi- sation que la clientèle classique du séjour balnéaire. Dans cette démarche, il n’y a pas que le tou- risme qui sera bénéficiaire. En effet, le touris- me culturel reste l’un des canaux les plus pédagogiques pour l’accès à la culture. Il per- met de ce fait la démocratisation de la forma- tion culturelle du grand public et aide à faire connaître sa culture et son identité à autrui de manière agréable et aisée. Il est donc de l’inté- rêt des acteurs des deux domaines de collabo- rer entre eux. Là aussi les expertises ont conclu à la nécessité du partenariat et aux dif- ficultés et blocages qui naissent d’une mauvai- se collaboration de tous les concernés et ils sont nombreux. Les articulations entre le tou- risme et la culture ne doivent pas s’appuyer sur la seule action de la puissance publique. Les professionnels, les associations régio- nales, les associations professionnelles, les

collectivités locales peuvent également prendre des initiatives soit individuelles soit concertées. Le rôle de l’Etat devrait se limiter à la sensibilisation des acteurs concernés.

- Ce tourisme, même culturel, peut engendrer des excès et comporter des risques de dégra- dation d’un patrimoine difficile à renouveler. Il s’agit donc d’entourer cette valorisation de la culture par toutes les protections indispen- sables pour éviter l’irréparable et répondre à la nécessité de la durabilité de toute action dans ce domaine. Pour cela il serait bon de garder présent à l’esprit le contenu de la char- te mondiale pour un tourisme durable qu’ex- plicite son article 1 comme suit : Le développement du tourisme sera basé sur des critères de durabilité, ce qui signifie qu’il doit être écologiquement supportable à long terme, de même qu’économiquement viable, et éthiquement et socialement équitable pour les communautés locales. Le développement duruble constitue un processus guidé qui envi- sage la gestion locale des ressources pour assu- rer leur viabilité, permettant ainsi à notre capital naturel et culturel, y compris les zones protégées, d’être préservées, comme un puis- sant instrument de développement. Le touris- me peut et doit participer dans la stratégie de développement durable. Une nécessité de la gestion correcte du tourisme est que lu durabi- lité des ressources dont il dépend soit protégée.

Le lancement par l’UNESCO du concept « Tourisme, culture, développement » dans le cadre de la Décennie mondiale du développement culturel répond bien à ces préoccupations et vise avant tout la sensibilisation des Etats membres à cette relation fortement dialectique. Le but ulti- me pourrait être l’engagement d’actions au niveau national pour une sensibilisation de tous les acteurs intervenant dans le champs du touris- me et de la culture : populations, élus, adminis- trations concernées, professionnels de l’héberge- ment et voyagistes. Le présent ouvrage qui déga- ge les points forts de cette relation tourisme/cul- ture/développement dans les pays arabes en par- tant d’un diagnostic pour suggérer des recom- mandations pratiques et s’arrêter sur l’analyse de projets dont la conception est assez avancée mais qui nécessitent un appui financier et technique peut aider à la diffusion de ce concept et à la sen- sibilisation d’un large public.

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