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Mairie de Fatih

Union Européenne

Centre du patrimoine mondial de l ' U N E S C O

Projet de réhabilitation des quartiers de Balat et de Fener (péninsule historique d'Istanbul)

Rapport réalisé par Rémi S T O Q U A R T , urbaniste, chef de projet

en collaboration avec Stéphane Y E R A S I M O S , conseiller scientifique, directeur de l'IFEA (Institut Français d'Etudes Anatoliennes) assisté :

de l'équipe locale de ( ' U N E S C O : Nurdane Ç A D L A R , urbaniste, assistante du chef de projet

Hakan M E R A L , secrétaire-assistant Bapak A R P A C I O D L U , architecte, cartographie

des consultants locaux : Nur A K I N (architecte, analyse architecturale),

Giran K A Y A (urbaniste, marché foncier), Yylmaz K U Y U M C U , (architecte, coût des réhabilitations),

Nilüfer N A R L I (sociologue, enquêtes sociologiques et commerces), Dervib P A R L A K (avocat, analyse juridique),

des consultants internationaux : Eric H U Y B R E C H T S (architecte-urbaniste, analyse urbaine et propositions d'aménagement)

Pierre L E F E V R E (ingénieur, programmation) David Y E O M A N S (ingénieur-structure, analyse des besoins en réhabilitation)

et des experts de la municipalité de Fatih : Fikret EVCI(architecte)

Ismet O K Y A Y (urbaniste)

Etude coordonnée par le Centre du Patrimoine mondial de {'Unesco : Yves D A U G E , député, conseiller spécial

Minja Y A N G , directrice du programme Asie-Pacifique et coordinatrice du programme des villes du patrimoine mondial

Stéphane D U C L O T , chargé de mission

Equipe locale UNESCO : Fatih Belediyesi, Büyük Karaman Cadd. 63

Fatih Istanbul Tél. (90) 212 621 03 87 - (90) 212 532 72 26 Poste 1206

Fax (90) 212 532 53 71 e-mail : [email protected]

nurdanec@intcafe. corn

Cette étude est financée par la Commission Européenne et exécutée par le Centre du patrimoine mondial de l ' U N E S C O avec le soutien de l'IFEA et de la mairie de Fatih

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AVERTISSEMENT

Ce document est un rapport intermédiaire. Dans cette optique, il constitue la synthèse des quatre premiers mois de travail et se concentre tout particulièrement sur le diagnostic du quartier et des besoins exprimés

par les habitants et les commerçants ainsi que sur revaluation de la marge de manoeuvre pour mener à bien une opération de réhabilitation du quartier.

Cette premiere phase d'analyse conforte le choix du périmètre et le type ûl'action choisie, fondée sur une intervention multiforme, allant de la réhabilitation de l'habitat dégradé au traitement urbain en passant par un programme d'infrastructures et de petits équipements de proximité. Ce choix est d'ores et déjà entériné dans son principe par la municipalité de Fatih, acteur indispensable pour orchestrer les actions de la puissance pubüque pour superviser la programmation d'équipements dans le quartier. L a mairie doit dès cette année, amorcer un plan d'équipements d'urgence dans ou aux abords du périmètre afin de sensibiliser la population et que ceäe-ci se rende compte que des efforts concrets sont entrepris dans le quartier.

Il va sans dire que ces choix devront être présentés et discutés avec les principaux bénéficiéres de ce projet : les habitants eux-mêmes. Ce travail a été entrepris récemment en se concentrant, dans un premier temps, sur les "leaders" du quartier et les organisations et associations àviles, qui sont asse% enthousiastes et prêts à soutenir le projet. L'intention est de donner au plus vite aux habitants l'initiative et la responsabilité du projet, en s'appuyant sur un "noyau dur" d'habitants autour de l'implantation d'une structure technique dans le quartier ayant une capacité d'analyse et de proposition.

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Mairie de Fatih Union Européenne

U N E S C O (Centre du patrimoine mondial)

Projet de réhabilitation des quartiers de Balat et de Fener (péninsule historique d'Istanbul)

Diagnostic et premières orientations opérationnelles Rapport intermédiaire

Décembre 1997

TABLE DES MATIERES

PRESENTATION DU PROJET ET ORIENTATION METHODOLOGIQUE 1

I. L e choix du périmètre d'étude i

Contexte urbain général 1 Pourquoi avoir choisi Balat et Fener ? 2

IL L e cas de Zeyrek 3

RAPPEL DES PRIORITES DU PROJET 6

DIAGNOSTIC URBAIN DU QUARTIER 7

I. L a situation urbaine des quartiers de Balat et de Fener 7

A . Bref aperçu historique 7

BALAT 7

FENER 8

B . Les caractéristiques urbaines du quartier 9

Environnement urbain 10

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C . Etat et caractéristiques du bâti aujourd'hui lo

Etat du batí 10

Caractère du bâti il

Hauteur, âge du bâti et matériau de construction il

I L Les caractéristiques de la population d u quartier 12

A . L'arrondissement de Fatih 12

B . Les quartiers de Balat et de Fener 14

Origine géographique des habitants 14 Durée d'installation des habitants et mouvements inter-quartiers 15 La vie de quartier 16 Caractéristiques démographiques et socio-économiques des foyers 17

a. Niveau de revenu des ménages 17 b. Niveau d'études 17 c. Taille moyenne du foyer 18 d. Domaine d'activité et niveau d'étude des membres du foyer de l'échantillon 18

Le statut des occupants 19 1) Les enquêtes exhaustives sur la propriété 20 2) L'enquête sociologique 20

C . Les besoins de la population résidente 21

La perception du quartier par les habitants 21 Les besoins exprimés par la population sur leur logement 22 Des conditions sanitaires mauvaises 22 Un manque d'équipements de santé 23 Un chauffage polluant et peu efficient 23 Des écoles surchargées et un manque d'encadrement 24

III. Activité é c o n o m i q u e 24

A . L'activité à Balat-Fener : importance du commerce 24

La répartition fonctionnelle du commerce 25

B . L'activité économique et la perception du quartier par les commerçants 26

Une activité commerciale qui périclite 26 La perception du quartier par les commerçants 26

IV. Q u e l q u e s éléments sur le m a r c h é foncier 27

A . Marché foncier : une situation bloquée 27

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B . Prix des loyers 28

E V A L U A T I O N D E LA R E G L E M E N T A T I O N U R B A I N E EXISTANTE 30

I. L e plan directeur de la péninsule historique 30

IL L a législation sur la protection d u patrimoine historique 31

A . L e contenu de la protection 32

B . L e cas des interventions sans autorisations 33

C . Les modalités d'intervention et de protection sur le patrimoine culturel 34

D . L'expropriation et les problèmes de propriété 35

III. Description d u Protocole 35

LES S O U R C E S D E F I N A N C E M E N T : P R E M I E R E S PISTES 36

I. Les sources de Financement public 36

A . L e fonds de contribution à la rénovation (Ministère de la Culture) 36

B . Les possibilités de financement par l'intermédiaire de T O K I (Direction de l'Habitat Collectif) 36

I L L e s sources de f inancement privé 37

III. Distribution et garanties d e crédits 37

Comment garantir les retours des fonds prêtés aux personnes ? 37 1. L a caution 37 2. L'hypothèque 38

L A D E F I N I T I O N D E S C O N D I T I O N S P R E A L A B L E S 39

La marge de manoeuvre pour la Municipalité de Fatih 39 Un projet urbain maîtrisé 39 Un objectif quadruple 39 Une démarche participative proche de la population 40 Organigramme de la structure opérationnelle 40

a) unité de gestion 40 b) équipe technique 40 c) coopérative 41

Les points qu'il reste à développer : 43

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PRESENTATION DU PROJET ET ORIENTATION METHODOLOGIQUE

I. Le choix du périmètre d'étude

Contexte urbain général

L'arrondissement de Fatih est, parmi les trois arrondissements que compte le centre-ville historique, le plus peuplé avec une population estimée à 462.464 habitants lors du dernier recensement de 19901. L'arrondissement de Fatih couvre la majeure partie du centre historique d'Istanbul intra-muros, soit 13 k m 2 . Limité à l'ouest par la muraille terrestre byzantine construite au V è m e siècle, au nord par la C o m e d ' O r et au sud par la mer de Marmara, ce qui est aujourd'hui l'arrondissement de Fatih constitue avec l'arrondissement d'Eminönü le site initial d'Istanbul. C e n'est que depuis un peu plus d'un siècle qu'Istanbul a débordé de son site initial. L'étirement de l'agglomération au-delà de la C o m e d ' O r puis au-delà du Bosphore a une conséquence spatiale forte sur les quartiers centraux dans la mesure où ceux-ci ont été peu à peu délaissés par les classes moyennes et que les quartiers le long de la C o m e d ' O r ont attiré une population de plus en plus précaire. Cette extension spatiale s'est assortie d'un renouvellement significatif de la population qui est devenue moins cosmopolite. Les minorités (Grecs, Arméniens, Juifs) qui ne sont plus représentées que par quelques milliers de citadins, ont été remplacées par une population musulmane, essentiellement rurale. Cette situation est d'autant plus significative dans des quartiers tels que Balat ou Fener, qui ont été jusque dans les années 1950, un des centres de la vie sociale et culturelle des minorités grecques, juives et arméniennes.

L a C o m e d ' O r (Haliç en turc), traversée aujourd'hui par le pont Atatürk et le pont de Galata sépare le vieil Istanbul du reste de la ville et constitue un bras de mer étroit formant un port très pratiqué de tout temps et encore beaucoup utilisé de nos jours. Les rives de la C o m e d 'Or , habitées depuis l'âge paléolithique, furent le centre de l'activité de toutes les civilisations ayant occupé le site actuel d'Istanbul. Les quartiers de Fener et de Balat ont été témoins des profondes mutations de la ville au long de son histoire. Aujourd'hui, l'étroitesse de la C o m e d 'Or et la construction d 'un port de marchandises sur la rive asiatique, à Haydarpaba dans les années 1950, ont relégué cette ligne côtière à un simple axe de communication inter-quartiers.

Aujourd'hui, ces quartiers du centre-ville périclitent et tendent de plus en plus à attirer des populations pour la plupart marginalisées, attirées par les faibles loyers dans une conjoncture de marché foncier très peu dynamique: Les enquêtes effectuées sur le terrain révèlent une tendance selon laquelle un grand nombre d'habitants reste ou s'installe dans le quartier parce que les loyers pratiqués, disent-ils, sont bien plus abordables que dans d'autres quartiers de l'agglomération. L a population est aujourd'hui principalement composée de migrants, la plupart originaires de la région de la mer Noire et pour une grande partie urbanisés depuis les années 1950 et dans une moindre mesure, de ruraux originaires du sud-est anatolien arrivés en masse au début des années 1990, fuyant la terreur et la pauvreté. D e fait, la population se serait quelque peu modifiée ces dix dernières années et accueillerait une population plus rurale, ce qui poserait des problèmes d'adaptation et d'intégration de ces nouveaux migrants2.

Les arrondissements du centre historique sont au nombre de trois : Eminonû (83.000 habitants), Beyoölu (229.000 habitants) et Fatih. Bien que le taux de croissance de population soit négatif à Fatih, cet arrondissement demeure le plus peuplé de toute l'agglomération d'Istanbul. Sa population est passée de 497.459 habitants en 1985 à 462.464 habitants en 1990. Les 3/4 de sa population était, en 1987, dans la tranche des revenus les plus bas ou très faibles, ce qui ne semble pas avoir beaucoup changé.

2 L a prudence est de mise car il est malheureusement très difficile de quantifier de façon précise cet afflux de migrants d'origine rurale. La tendance se serait ralentie depuis deux ans aux dires des chefs de quartier, dont la tâche est

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Pourquoi avoir choisi Balat et Fener ?

M a n q u e d'infrastructures et d'équipements, desserte mal assurée, centre-ville dégradé, proximité de la Corne d 'Or dans laquelle sont déversées chaque année une partie des déchets de la ville et s'apparentant à un égout à ciel ouvert, à l'odeur tenace surtout pendant les périodes de chaleur : autant de raisons qui expliquent le peu d'attrait de ces quartiers. Alors, pourquoi s'intéresser à ces quartiers ?

Balat et Fener ont un potentiel urbain exceptionnel. Situés en plein centre-ville, ils constituent le seul exemple de quartiers conservés de façon homogène dans l'arrondissement de Fatih3. Ils méritent une attention et un aménagement de l'environnement à la hauteur de leur qualité urbaine et architecturale. U n rapide coup d'oeil sur la carte du périmètre suffit à rendre compte de la particularité urbaine et de la qualité unique de ce quartier : rues quadrillées et géométriques, carrefours caractéristiques à pans coupés, faible hauteur des bâtiments, harmonie des façades et particularités stylistiques et architecturales (maisons en bande et à encorbellement, mélange de matériaux telles que la brique, la pierre ou le bois). Le choix d'intervenir sur ce quartier ne doit donc rien au hasard ou à l'arbitraire.

L a phase pré-opérationnelle sur ce périmètre n'a été possible que parce qu'une d e m a n d e officielle d'assistance technique a été faite par la mairie de Fatih auprès de la Commission Européenne4 , fortement relayée et soutenue par le Centre du patrimoine mondial de I ' U N E S C O . C'est en vertu de cette d e m a n d e d'assistance qu'une équipe s'est mise en place au niveau local. Cette équipe ne doit sa légitimité qu'à l'accord et à la consultation permanente des autorités locales.

L e périmètre choisi s'étend sur 16.2 hectares et comprend 1401 parcelles souvent de très petite surface, 71 îlots (dont 59 dans leur totalité) et 1219 bâtiments. L e périmètre couvre environ 18.000 habitants. C e périmètre a été délimité ainsi en raison de son homogénéité architecturale et de sa qualité patrimoniale. Des monuments ont été volontairement exclus du périmètre pour des raisons politiques évidentes (protégés par les clauses du traité de Lausanne de 1923 concernant les minorités). L a difficulté d'agir sur ces monuments justifiait pleinement ces choix.

C o m m e toute délimitation artificielle, on pourrait en contester les limites qui ne sont rien d'autre qu'une limite de c h a m p d'étude. Le but étant de diagnostiquer les besoins d'un quartier donné et de cibler les perspectives d'intervention prioritaire sur trois ou quatre ans. Ceci ne signifie nullement que la phase opérationnelle devra se limiter aux seules limites du périmètre d'étude mais c'est la compréhension des conditions socio-économiques des habitants et de leurs conditions de logement qu'il fallait bien évaluer sur un périmètre donné.

d'enregistrer tout nouveau venu dans les limites de leur quartier. Ces données n'apparaissent malheureusement pas de façon notable dans le dernier recensement de 1990 dans la mesure où cette migration a débuté à la suite des troubles occasionnés dans le sud-est du pays par les conséquences de la guerre du Golfe, donc postérieure au recensement. L e dernier recensement, celui de 1997, a été fait à la fin de ce mois de novembre et les données ne seront pas disponibles avant quelques mois. D y a là un "vide statistique" que les enquêtes de terrain, plus qualitatives que quantitatives, n'ont que partiellement comble.

3 C e quartier doit sa conservation au fait qu'il constitue un lotissement après incendie. L'incendie de Balat date du 31 mars 1866 et a brûlé près de 500 bâtiments. Celui de Fener (quartiers d'Abdi Subaby et de Cafer Subapy) date du 17 mai 18S6 et a brûlé environ 200 bâtiments. Pour plus de détails sur les particularités urbaines des lotissements après incendie, cf. Yerasimos, "Quelques éléments sur l'ingénieur Luigi Storari" in Architettura e architetti italiani ad Istanbul tra il X D C e il X X secólo, colloque de la Faculté d'architecture de l'Université de M i m a r Sinan (27-28 novembre 1995). A noter que c'est sans doute à Storari que l'on doit le dessin du plan de lotissement de Fener avec ses fameux carrefours à pans coupés permettant de faire des petites placettes à peu de frais.

* Lettre en date du 14 mars 1997, adressée au Ministère du Trésor turc, transmise par la suite, selon la procédure officielle à la Direction Générale IA de la Commission Européenne.

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La contribution qu'apportera l'Union Européenne doit dépendre d'une contrepartie très claire et précise de la part des autorités turques. En outre, il est primordial de mettre toute l'énergie sur un projet de quartier circonscrit pour que les améliorations apportées soient visibles et que celles-ci conditionnent la renaissance de la vie du quartier.

C e projet a pour ambition de démontrer que l'avenir du centre historique d'Istanbul n'est pas enfermé dans un faux choix entre la rénovation pure et simple et la restauration à caractère touristique. Il existe une troisième voie où les habitants d'origine modeste qui constituent aujourd'hui la grande majorité de la population du centre historique peuvent continuer à vivre dans des conditions de vie décentes.

II. L e cas d e Z e y r e k

La stratégie adoptée quant au quartier de Zeyrek mérite d'être développée dans ce rapport intermédiaire: En effet, dès le début de l'étude, ce quartier a été présenté par le maire au m ê m e titre que Balat et Fener c o m m e un lieu où une intervention prioritaire pourrait être menée. L a question a été étudiée dans un premier temps avant que le choix ne se porte sur Balat et Fener.

Zeyrek, situé au coeur de la péninsule historique, du côté européen s'est vu fortement affecté par la construction du boulevard Atatiirk dans les années 1950 qui effectua alors une percée majeure. Zeyrek se trouve sur la crête de la colline de Fatih et est limité au sud par l'aqueduc dit de Valens et à l'ouest par l'avenue Nevbehirli Ibrahim Papa Caddesi et à l'est par le boulevard Atatiirk: Zeyrek a toujours été un quartier résidentiel, les rares activités existantes sont à très petite échelle et concernent surtout les commerces de proximité. Les bâtiments traditionnels se trouvent autour de l'église Pantocrator (mosquée de Zeyrek): L e type de maison le plus fréquent est celui des maisons alignées en bois (syraevler - rowhouses). Les plus rares sont les "konak" (Résidences particulières), la plupart d'entre eux ayant été détruits. Dans les 50 dernières années, 25 "konak" ont été détruits. Il n'en reste aujourd'hui plus que treize.

La municipalité de Fatih a choisi, en 1994, de faire de Zeyrek une zone pilote. U n travail d'inventaire et .d'analyse, d'enquête physique et de relevé systématique a été engagé par la petite équipe de la municipalité5. N'ayant pas de fonds propres lui permettant de mener à bien des opérations lourdes de restauration, la municipalité est tributaire de financements privés, limitant grandement sa marge de manoeuvre. Les éléments d'information sur la situation socio-économique de la population résidente sont très restreints voire obsolètes6, ce qui montre que le manque d'informations sur le périmètre choisi est patent (ni la superficie ni la population ni le nombre de parcelles concernées par le projet n'ont été calculées).

Le site pilote sur lequel la municipalité a commencé ses travaux (ce projet est entré en phase opérationnelle depuis deux ans et demi) concerne le périmètre de la mosquée Molla Zeyrek (église

Les résultats de ces travaux, comportant un inventaire exhaustif parcelle par parcelle, ont été consignés dans un document datant d'août 1995, disponible en turc et en anglais. C e travail comprend un repérage des maisons en bois, en pierre et en béton armé, des croquis de façade et de rues aboutissant sur un travail de plan au l/200ème. Entre temps, les relevés des projets des monuments historiques au 1/S0ème ont été dessinés.

6 Les données utilisées proviennent en grande partie de l'étude de Müller-Wienner sur Zeyrek, faite en 1982 sur des chiffres de 1977. Il n'y a pas eu, outre ces données, de travail d'enquête pour chercher à comprendre comment la situation a évolué dans le quartier ainsi que les besoins et les conditions de vie des habitants. Cf. Müller-Wiener & J. Cramer, Istanbul-Zeyrek, Studien zur Erhaltungeines traditionellen Wohngebietes, Deutsches Orient-Institut.

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Pantocrator). Les travaux sont dirigés par Fikret Evci (conseiller architectural de la municipalité de Fatih). Les restaurations sont financées la plupart du temps par le secteur privé sous la forme de mécénat. L a municipalité a prévu de procéder à des expropriations massives puisqu'une demande d'expropriation sur 71 parcelles à été effectuée par la mairie de Fatih auprès du ministère de la culture7. U n protocole culturel signé entre la mairie de Fatih et le ministère de la culture facilite les procédures d'expropriation, à Zeyrek c o m m e ailleurs sur le périmètre de la municipalité (cf. supra).

25 bâtiments du quartier ont été choisis pour être restaurés (pour l'instant, sans attributions de financement L a méthode choisie est toujours la m ê m e : la mairie fait une demande d'expropriation auprès de la commission de protection et vend ou cède ensuite ces emprises à des mécènes du secteur privé qui se chargent de l'aménagement. Quatre de ces 25 bâtiments ont déjà été vendus (cf. supra). Outre les bâtiments de caractère, il y a plusieurs projets de restauration de monuments proprement dite

- Molla Zevrek Camii (église Pantocrator): la restauration de ce bâtiment est en train d'être réalisée par la Direction Générale des Fondations Pieuses (Vakyf), dépendant directement du premier ministre. Actuellement une partie du m o n u m e n t est utilisée c o m m e mosquée.

- Zembilli Ali efendi Mektebi8 : ce bâtiment a été restauré grâce au financement d'une fondation (Eöitim Gönüllüleri Vakfï). C'est un local d'étude pour les enfants du quartiers à forte fonction socio-éducative. C e local comprend ordinateurs, livres, matériel de classe et les enfants sont encadrés. Outre son intérêt éducatif indéniable, ce bâtiment, sur le plan proprement architectural, n'est pas une réussite.. Il est pourtant présenté c o m m e un modèle du genre par la municipalité à chaque visite de terrain9.

- Zembilli Ali efendi Evi : maison dont la façade a été restaurée par la municipalité de Fatih. C e sera "une maison de culture et d'art". C'est une propriété privée. - Tonozlu Y a p y : Le groupe K o ç (un des plus gros groupes industriels de Turquie) est en train de financer la restauration des arcades qui, à terme vont accueillir un café et d'autre activités touristiques, culturelles et commerciales. Cette parcelle appartenait à un particulier qui en a fait don à la municipalité de Fatih en échange de la promesse de celle-ci d'y édifier un dispensaire qui est en cours de construction. L e dispensaire sera loué par la municipalité à un gestionnaire.

- Pantocrator Samici (La citerne de Pantocrator) : c'est une citerne qui a été louée au secteur privé pour 49 ans par une fondation. C'est pourquoi aucune intervention n'est pour l'instant possible. Mais le projet évoque l'idée de faire de cette citerne un "centre touristique" ainsi qu'une galerie d'exposition.

- Restauration d'une propriété privée : un ancien bâtiment en bois, donnant sur le boulevard Atatürk a été récemment démoli pour être intégralement reconstruit en béton armé avec un plaquage en bois.

7 Ces parcelles seraient ensuite louées pour un bail de 49 ans ou vendues au secteur privé qui se chargerait de la restauration des bâtiments.

8 Ces bâtiments sont connus c o m m e étant l'école et la maison de Zembilli Ali Efendi, grand mufti de l'Empire ottoman, mort en 1525. D s'agit donc de bâtiments fort postérieurs dont les liens avec ces appellations sont douteux. Ainsi l'école n'est nullement le bâtiment restauré mais le bâtiment en pierre situé en face de la "maison".

9 C e projet témoigne encore du degré d'approximation de l'équipe municipale dés lors qu'elle entreprend de mener à bien une étude opérationnelle. Le nouveau bâtiment recouvre désormais intégralement une très belle fontaine ottomane sur la justification que la "rénovation est à l'identique". Or , après de très simples recherches (un repérage de cette parcelle sur le plan Pervititch datant de 1929), il a été constaté que cette fontaine n'a été recouverte par un bâtiment qu'à une date ultérieure.

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A part ces quatre projets, le ministère de la culture a demandé à la mairie de préparer un projet concernant la restauration d'une rue (dans le quartier de Siananaôa, Parmaklyk Sokak). Les façades de 6 bâtiments de cette rue pourraient alors être restaurés. Cette restauration sera financée par le ministère de la culture, par l'intermédiaire du protocole cité plus haut.

II n'y a pas de projet urbain global sur Zeyrek. Certes, les initiateurs du projet ont bien une idée des aménagements souhaités tels que le développement des fonctions culturelles et touristiques (au détriment de la fonction résidentielle10) mais ceux-ci sont tributaires de financements qu'ils ne maîtrisent pas et de l'expropriation ou de la vente d'un (ou plusieurs) bâtiment(s) exproprié(s). C e sont en général des projets singuliers réalisés au gré des financements concernant un bâtiment ou, au mieux, une rue.

E n résumé, et hormis toute considération sur la qualité du projet lui-même, trois raisons principales empêchent un engagement financier de la Commission Européenne à Zeyrek : • Il s'agit bien plus d'une opération de rénovation lourde que de réhabilitation, opération qui ne peut rentrer dans les conditions d'attribution de crédits par la Commission Européenne. E n outre, le contrôle de la qualité architecturale du projet risquerait d'échapper totalement aux commenditaires, pour des raisons qui seront explicitées plus bas. - Par conséquent, l'orientation du projet empêche le maintien des populations en place (qui n'est d'ailleurs pas envisagé par la municipalité). - L a vocation du projet, à forte dominante touristique et à très faible caractère social est un facteur contrariant fortement un engagement financier de la Commission Européenne.

Les opérations immobilières se mènent au coup par coup, sans être le fruit d'une réflexion urbaine aboutie. Si des études préliminaires ont été menées, elles ont porté principalement sur des analyses permettant d'agir sur les conditions physiques. Certes, des aménagements ont été réalisés depuis peu (repavage des rues sans trottoirs, implantation de petits équipements de quartiers...). Toutefois, un projet urbain aurait pu être mis en place avec un processus de développement permettant de conserver le caractère du quartier tout en améliorant les conditions de vie des habitants. Le projet, en cherchant à réaliser la revalorisation du quartier sans les gens, voire en les excluant, se trouve aujourd'hui dans une phase critique.

10 C e qui veut dire qu'une grande partie de la population actuelle devra quitter les lieux en raison des nombreuses expropriations prévues, tendance confirmée par la municipalité qui voudrait faire de ce quartier un "petit Montmartre".

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RAPPEL DES PRIORITES DU PROJET

L e projet vise à l'amélioration des conditions de vie des habitants des quartiers de Balat et de Fener. Quatre axes doivent être développés, c o m m e cela avait été précisé lors de la soumission des termes de référence à la Commission Européenne ":

• le développement du logement à caractère social : proposition d'aide et de financement en vue de la restauration et de la réhabilitation des logements insalubres ou médiocres (crédits à la pierre, création d'un organisme d'aide au logement) ;

• contribution à la formation de la main-d'oeuvre et à la professionnalisation de la filière Bâtiments et Travaux publics à partir d'opérations modèles de restauration et de réhabilitation ;

• amélioration des équipements de proximité et des services sociaux (éducation, santé, centres socio-éducatifs, suivi postscolaire, aménagements d'espaces publics),

• régénérescence et revitalisation du quartier (promotion des activités artisanales telles que le marché de Balat, opérations de propreté et d'embellissement du quartier).

E n vertu des termes de référence et considérant que le logement c o m m e le travail sont des droits élémentaires, la Commission Européenne, le Centre du patrimoine mondial ainsi que l'équipe U N E S C O au niveau local ont fait le choix de prendre particulièrement en compte la réinsertion sociale des populations défavorisées en proposant des solutions opérationnelles aux problèmes de logement, partant du principe que l'amélioration des conditions de vie des habitants passe par l'amélioration du milieu et de l'environnement dans lequel ceux-ci évoluent. D a n s ce contexte, il a été délibérément choisi de mettre l'accent sur les possibilités de réhabilitation des logements anciens au profit des habitants.

C e type d'actions n'a jamais été m e n é en Turquie i cette échelle (16,2 hectares). C'est une opération pionnière en Turquie. Il n'y a pas de culture de la réhabilitation dans ce pays (ce terme n'existe pas en turc), non pas que les autorités locales ou nationales soient fondamentalement contre, mais bien plus parce qu'ils n'imaginent pas que l'on puisse s'intéresser à de l'ancien en dehors d'une restauration à but touristique, la priorité portant bien plus souvent sur du neuf, répondant plus aux critères de la modernité et du confort. L a notion de "patrimoine" y est plus monumentale que sectorielle, la préservation de la forme urbaine à caractère historique n'étant pas considérée c o m m e une priorité.

Réhabiliter de tels bâtiments ne signifie pas non plus le gel de la situation existante, ou une entrave au développement, perception largement partagée dans les commissions chargées de statuer sur les sites protégés. Il s'agit d'un projet de réhabilitation sur un tissu ancien en vue de l'élaboration d'un projet économique et social. Rendre ce tissu habitable dans des conditions décentes et i moindre frais qu'une rénovation -par ailleurs très strictement limitée- ou une restauration -qui chasserait les habitants- constitue d'ailleurs la seule solution possible pour la survie du quartier et le maintien en place de sa population.

Les termes de référence de cette étude, signés entre la Commission Européenne et le Centre du Patrimoine mondial de l ' U N E S C O sont renvoyés en Annexes.

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DIAGNOSTIC URBAIN DU QUARTIER

I. L a situation urba ine d e s quartiere d e Balat et d e F e n e r

A . Bref aperçu historique

BALAT

Balat est connu c o m m e un quartier juif dont l'origine remonterait à l'époque byzantine'2. Balat fut pendant des siècles l'un des principaux quartiers juifs de la ville. Beaucoup d'entre eux étaient des Juifs parlant le grec qui vivaient ici à l'époque byzantine, mais ils furent par la suite assimilés par les Juifs séfarades qui ont émigré d'Espagne à partir de 1492 et qui se sont installés dans l'Empire Ottoman à l'invitation de Beyazit II: A l'époque byzantine, Balat était aussi devenu le quartier d'accueil des Vénitiens, des Génois ainsi que des Arméniens. Mais c'est surtout après la conquête ottomane que le quartier se développa en raison des transferts de population opérés par le sultan Mehmet II dans le cadre de la politique de repeuplement de la capitale.

A u fil de son histoire, Balat a très souvent été décrit c o m m e un quartier insalubre et sale: Les nombreux incendies ont cependant très souvent modifiés la structure du quartier. Autrefois, le quartier se distinguait par ses avenues, ses rues parallèles, ses axes à 90° débouchant sur le port. A u X l X è siècle, l'activité de pêche et portuaire commence à décliner à Balat, Ce quartier est, avec Hasköy, l'un des deux principaux quartiers juifs d'Istanbul de par le nombre d'habitants et l'importance administrative. A cette époque, dans ce lacis de rues longeant la Corne d 'Or se mêlent bateliers, marins, vendeurs de rues et porteurs. L a population est en grande partie juive bien qu'une petite communauté arménienne y réside. Sous l'impulsion du tremblement de terre de 1894 et des nombreux incendies ravageant le quartier, les habitants les plus aisés commencent à quitter Balat pour Kuzguncuk, situé sur le Bosphore du côté asiatique, considéré alors c o m m e le plus élégant quartier juif d'Istanbul. C o m m e à Fener et pour la m ê m e raison, des petites usines, des abattoirs et des ateliers de confection commencent à se construire à partir des années 1930.

Mais, c'est surtout après la création de l'Etat d'Israël que le faubourg de Balat se vide de près du quart de ses habitants. A partir de cette époque, la population juive devient minoritaire à Balat et est progressivement remplacé par des provinciaux principalement originaires de la M e r Noire, plus particulièrement originaires de Kastamonu. Marie-Christine Varol, dans son étude sur Balat, précise que les nouveaux occupants ne possédant pas les actes de propriété de leur maison, hésitent à y ajouter des améliorations. C e délabrement du faubourg, explique-t-elle, joint à l'encrassement de la Corne d 'Or , ajoute encore à son déclassement et les dernières familles juives qui dans les années 1960 ont réussi à améliorer leur condition émigrent vers le quartier de Pipli (au-delà de Taksim). Par la suite, à Balat c o m m e à Fener d'ailleurs, la composition sociale du quartier a fortement évolué du fait de l'exode, et ce d'autant plus que de nombreux ouvriers affluent, attirés par l'offre de travail et des loyers modérés.

E n effet, la nouvelle République fait le choix de mettre l'accent sur l'industrie, et, sous l'impulsion du plan d'Henri Prost, qui avait fait opté clairement pour l'industrialisation de la Corne d'Or, des entrepôts, des usines, des ateliers et des dépôts ont pris place sur les rives de l'estuaire. Le développement industriel du début de ce siècle s'est révélé destructeur pour l'environnement de la C o m e

12 Marie-Christine V A R O L , Balat, faubourg juif d'Istanbul, Editions Isis, Istanbul, 1989.

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d'Or , résultat d'un développement industriel très rapide et dévoreur d'espace. L e lien entre le centre des quartiers et la façade maritime fut rompu, d'autant plus que les industries et les ateliers déversaient leurs détritus et leurs eaux usées dans les eaux de la Corne d ' O r , rendant les rives de Balat et de Fener inexploitables.

Balat abrite encore une demi-douzaine de synagogues, dont un certain nombre date de l'époque byzantine13, bien que la plus grande partie de la structure urbaine date au plus tard de la moitié du X l X è siècle.

FENER

L e quartier de Fener est un quartier à forte dominante grecque depuis l'époque byzantine. Fener se réfère en grec à "Fanarioten" ou "Phanariots" (en grec, "Fanarion" signifie "le phare"). D a n s le quartier de Fener se trouvait auparavant la "Porta Phanari" ou "porte du Phare". Cette porte a maintenant disparu mais a laissé son n o m au quartier adjacent. La légende veut que sa porte, ainsi que son phare, aujourd'hui disparus, indiquaient aux navires arrivant au port les dangers de la côte rocheuse (légende douteuse dans la mesure où il est peu probable qu'un phare se soit avéré nécessaire à l'intérieur d'un chenal tel que la C o m e d'Or) .

Le quartier devrait son importance au fait qu'il constituait le centre du patriarcat grec et de l'église orthodoxe. A l'époque ottomane, aux grecs orthodoxes sont venues s'ajouter quelques riches familles juives. A u XVIIè siècle, Fener est devenu un lieu de résidence pour les eûtes et la bourgeoisie avec ses maisons en pierre de taille et ses façades richement décorées. U n bon nombre de grecs de Fener, éduqués et polyglottes, travaillant c o m m e fonctionnaires durant l'Empire ottoman, atteignirent des hautes fonctions dans l'administration : traducteurs, diplomates chargés de représenter l'Empire à l'étranger, les grecs de Fener jouèrent un rôle primordial dans les relations entre les pays européens et l'Empire ottoman. U n certain nombre de familles phanariotes ont m ê m e réussi à s'accaparer le contrôle de principautés au-delà du Danube , telle que la Moldavie ou la Valachie, Etats clients de l'Empire ottoman. Les voyageurs de l'époque décrivant Fener font état d'un quartier serein et prospère (Théophile Gautier dira de Fener : "les habitants de Fener doivent leur gloire à leur diplomatie").

A u X V H I è et au X l X è siècle, les maisons sont principalement en bois et en pierre. Les familles aristocratiques grecques entreprennent alors de construire des "konak" (luxueuses résidences en pierre :

'cf. typologie en annexe) autour du patriarcat. Les "konak" de Fener sont des résidences de deux à trois étages, composées d'une maçonnerie associant brique et pierre, dont il ne reste aujourd'hui que quelques vestiges. A u X l X è siècle, les grandes familles phanariotes commencent à quitter le quartier pour s'installer à Tarabya, Kuruçesme et Amavutköy, villages en bordure du Bosphore. Les fonctionnaires, les artisans et les petits commerçants, quant à eux, occupaient les maisons construites sur les

Les synagogues du quartier de Balat (dedans et hors du périmètre) sont très nombreuses et retracent l'histoire juive du quartier : Synagogue d'Arhrida, des Juifs déportés d'Ohri (aujourd'hui en Macédoine) en 1454-1455, encore en activité. Synagogue de Yambol, des Juifs déportés de Jambol (aujourd'hui en Bulgarie) en 1454-1458, qui aurait remplacé une synagogue précédente datant de l'époque byzantine. Synagogue encore en activité. Synagogue de Selaniko, des Juifs déportés de Salonique en 1454-1458, aujourd'hui en ruines. Synagogue de Kal Kadop Eliyahu des Juifs venus d'Espagne après 1492, aujourd'hui en ruines. Synagogue de Kasturya, des Juifs déportés de Castorin (aujourd'hui en Grèce) en 1454-1458, complètement démolie en 1992, à l'exception de la porte d'entrée. Synagogue de Vérin des Juifs déportés de Vérin (aujourd'hui en Grèce) en 1454-1458, aujourd'hui un garage. Synagogue d'Istipol des Juifs déportés de Stip (aujourd'hui en Macédoine) en 1454-1458, aujourd'hui abandonnée mais site classé. Synagogue de Çana des Juifs venus de Jaen après 1492, aujourd'hui abandonnée. Synagogue de Pul Yachan, détruite en 1984 lors de l'aménagement de la C o m e d'Or. Source : Nairn G Ü L E R Y Ö L , Istanbul sinagoglary, Istanbul, 1992, pp., 13-25.

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lotissements après incendie, dans ces maisons en alignement, très caractéristiques du quartier. Fener demeure un quartier grec jusque dans les années 1960 : une première vague de migrations vers les quartiers chics d'Istanbul s'est amorcée à la fin du X l X è siècle (aux îles aux Princes, à Kad^koy ou Pipli) et une seconde concernant la communauté la plus pauvre dans les années 1960 où les Grecs s'exilent en masse en Grèce). La dégradation de la côte due à son industrialisation massive a bien entendu touché tout autant Balat que Fener. Une autre raison expliquant cet exode sont les événements qui eurent lieu les 6 et 7 septembre 1955 à rencontre des groupes minoritaires d'Istanbul.

Cette rive a connu des modifications physiques très importantes ces dix dernières années. E n effet, entre 1984 et 1987, les rives de la Corne d 'Or ont été rasées suivant la politique "d'assainissement" des rives de la Corne d ' O r orchestrée par le maire de l'époque, Bedrettin Dalan, à grands coups de bulldozers et d'expropriations massives, ne laissant apparaître que quelques monuments historiques à l'extérieur de la muraille maritime (mosquées, hôpital juif d'Orha-haim), détruisant au passage la plupart des dernières demeures en pierre du 18è siècle du quartier de Fener, de m ê m e que l'embarcadère de Balat. Des espaces publics (parcs et jardins) ont fait place aux bâtiments rasés, selon l'image du "jardin public" qui prévaut en Turquie, sans la moindre référence aux contextes spatiaux et urbains, forcément différents. Les parcs de la rive de la Corne d 'Or ne sont malheureusement que très peu utilisés par la population, leur aménagement se prêtant peu à la flânerie, "coincés" entre deux axes à circulation assez rapide. Dans leur "inventaire de recherche" sur Balat et Fener, l'équipe municipale écrit :

"L 'ouverture de ces parcs au public n a fait que lui donner des verts pâturages à regarder. Lorsque ce projet a été planifié, les architectes n 'ont jamais cherché à comprendre les besoins de la population, l'activité sociale, ni les implications positives ou négatives de leur projet. Le résultat, c 'est qu 'un grand nombre de petits commerces ont vu leur activité réduite au minimum ou ont même fermé. Ces dernières années, un grand nombre de banques encore en activité ont fermé sur Balat. Comme on peut le voir, la planification des rives de la Corne d'Or n'a pas à proprement parler apporté d'amélioration aux quartiers ni amélioré la situation des résidents"™.

B . Les caractéristiques urbaines du quartier

Les quartiers de Fener et de Balat ont une structure urbaine très particulière, typique des lotissements après incendie. E n effet, au X l X è siècle, le feu dans la ville a très fortement contribué à modifier la

'morphologie urbaine : alors qu'avant les constructions post-incendies semblent reproduire à l'identique les quartiers détruits, les incendies d'Aksaray (1856), d'Hocapapa (1865) ou de Beyoôlu-Pera (1870) aboutissent à de nouveaux aménagements de quartiers ainsi qu'au choix de nouveaux matériaux de construction (brique, fer, verre et toits en tuile) imposés non sans difficulté par les autorités pour lutter contre les incendies.

D e nouvelles formes d'habitat voient donc le jour, dont Balat et Fener sont des illustrations exemplaires. Ainsi, se généralise un nouveau mode d'habitat, rompant radicalement avec le mode d'habitat ottoman et répondant aux exigences de sécurité contre les feux : la maison en bande . Celles-ci sont construites sur de petites parcelles étroites, disposant de m u r s anti-feux, aux portes d'entrée principales souvent élevées par rapport au niveau de la rue et formant une continuité de façade au niveau de la rue15. Ces maisons rencontrent dans leur principe, les idéaux modernistes et rationaliste de l'époque avec

14 L'équipe municipale a produit un rapport, disponible en turc et en anglais sur les problématiques générales de Fener et de Balat intitulé : "Fener-Balat area protection project", datant de septembre 1996, 79 pages. Extrait en page 28-29, traduction personnelle.

15 Cf. Attila Y Ü C E L , "Typology of urban housing in 19ttl century Istanbul" in Housing and settlement in Anatolia : a hisorical perspective, pp.298-312.

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une nette influence de l'architecture anglaise et française. Néanmoins, si l'on s'en tient aux matériaux de construction, les "maisons en bande" d'Istanbul sont plus versatiles, en fait plus méditerranéennes, avec des propriétés stylistiques mixtes (néoclassique, néobaroque, art nouveau).

L a plupart du temps, ces opérations de lotissements faisaient l'objet de programmes collectifs de l'Etat ou des églises en connexion avec les communautés de la ville, qu'elles soient grecques, arméniennes, juives ou latines. Si ce m o d e d'habitat (une famille par étage, voire par maison) ne s'est pas plus étendu à l'échelle de l'agglomération, c'est qu'il répondait mal aux contraintes économiques dans ces quartiers de la ville où la valeur immobilière avait pris une importance croissante.

Environnement urbain

Physiquement, ce quartier est enclavé, particulièrement vers la Corne d'Or, en raison de sa muraille qui limite les ouvertures possibles sur le rivage et vers le sud à cause des pentes fortes des coteaux. Balat et Fener constituent un centre inter-quartier important, qui a toujours rempli une fonction de pôle secondaire (le souk de Balat existe depuis au moins le X V I è siècle). Les activités commerciales sont implantées dans des rues intérieures au quartier, les quartiers environnants sont bien moins équipés en commerces. L'importance des commerces de produits "blancs" (électroménager, mobilier) témoigne de cet attrait du quartier.

Par contre, l'accessibilité du quartier est réduite par le manque de transports collectifs (faible fréquence des lignes) et le manque de possibilité de stationnement à proximité du quartier.

C e quartier dispose par ailleurs d'un faible potentiel touristique, hormis son patrimoine bâti. Il n'y a, en effet, pas de site important pour des visiteurs, seulement le caractère d'un quartier dont les façades des immeubles sont rythmées par des saillies et des monuments difficilement utilisables (édifices religieux des minorités, protégés par le traité de Lausanne).

C . Etat et caractéristiques d u bâti aujourd'hui

Etat du bâti

Le quartier comprend une vingtaine de ruines et plus de 240 parcelles supportant des bâtiments 'dégradés, soit environ 2 0 % du bâti en mauvais état. Sur les 1401 parcelles du périmètre, on d é n o m b r e 103 parcelles vides (7%), 69 bâtiments entièrement vides (5%) et 115 bâtiments partiellement vides (8%).

Sur les 1219 bâtiments que compte le périmètre, la majorité ont une fonction résidentielle. Les secteurs résidentiels de Fener et de Balat ainsi que le quartier piéton ont plutôt résisté au changement, à l'exception des rues commerçantes est-ouest et nord-sud, plus accessibles. L a zone qui a le plus fortement muté est celle située à proximité de la porte de Balat. Les particularités physiques du quartier et ses modifications récentes sont illustrées dans un travail d'analyse de cartes particulièrement précis et instructif, situé en Annexes16.

16 L'ensemble de ces informations furent une première fois synthétisées sur des cartes thématiques soumises à l ' U N E S C O ainsi qu'à la Commission Européenne en novembre lors de la visite du chef de projet pour un bilan de l'état d'avancement des travaux. Ces cartes ont depuis été complètement modifiées et redessinées par l'architecte responsable de la cartographie sur un fonds de plan non plus i la parcelle mais avec les limites du bâti.

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L'état des bâtiments occupés peut être subdivisé en trois ensembles selon l'importance des travaux à

réaliser " : 1. D e s réhabilitations lourdes pour s'assurer de la stabilité du bâti. E n effet, ces bâtiments montrent

des signes évidents de mouvement : ceci provient soit de la faiblesse des fondations soit de failles dans la structure du bâtiment. L a phase opérationnelle devra déterminer les raisons de ces mouvements, notamment par une enquête plus poussée de la qualité du sol. Les bâtiments dans cet état représentent cependant une faible proportion de l'ensemble.

2. D e s travaux pour assurer l'étanchéité des bâtiments et pour empêcher une plus grande détérioration. C e sont par exemple des réparations de toitures, des isolations de fenêtres ou des réparations d'enduits détériorés, travaux essentiels pour garantir une bonne protection contre les intempéries. Dans la mesure où un grand nombre de ces bâtiments sont dans cet état, si ces travaux n'étaient pas faits, ceci entraînerait une détérioration extrêmement préjudiciable pour le quartier dans son ensemble. L a deuxième mission de l'ingénieur structure sera justement d'identifier les modifications les plus courantes, d'évaluer leur fréquence sur le périmètre et d'obtenir un coût global de ces besoins.

3. Enfin, un certain nombre de bâtiments ne nécessite qu'un traitement superficiel (façades, éléments décoratifs, enduits).

Les interventions à réaliser portent en très grande partie sur des bâtiments en maçonnerie ou sur des bâtiments associant plusieurs matériaux, telle que brique et bois18.

Caractère du bâti

Beaucoup de bâtiments sont classés (508 bâtiments soit 4 3 % de l'ensemble du périmètre) soit, dont une grande partie dans Fener. L a variété architecturale est grande : petit immeuble en encorbellement, immeuble en pierre avec ses ouvertures cintrées, maison avec un premier étage à large débord, maison en bois. Cependant, des bâtiments classés ont été détruits ou remplacés par des constructions neuves. D e m ê m e , la plupart des bâtiments ont subi des mutations. Peu de maisons en bois (14), mais des bâtiments mixtes comprenant du bois (36), particulièrement dans les encorbellements. Ces dernières sont rares dans le quartier de Fener. Les maisons à encorbellement construites en briques et recouvertes de crépis .sont nombreuses. Les bâtiments en béton armé sont aussi nombreux (rues commerçantes) bien que rares dans le quartier de Fener et dans le quartier de la rue piétonne. D'autres bâtiments s'intègrent bien à l'environnement urbain par leur volumetric

L a forme urbaine, en termes physiques, constitue un ensemble homogène qui justifie une action sur l'ensemble. L a typologie, forcément réductrice, ne traduit pas toute la diversité architecturale du quartier, ni ne met en relief les éléments les plus intéressants.

Cette analyse est fondée sur l'expertise de l'ingénieur structure, M . David Yeomans.

18 Sur les 648 bâtiments en maçonnerie construits avant 1930, un quart sont en mauvais état ou en ruines et plus de la moitié sont en état moyen de conservation (problèmes de toiture, d'isolation, de façades). Sur les 36 bâtiments en maçonnerie et bois construits à la m ê m e époque, plus de la moitié sont en mauvais état ou en ruines, principalement à cause des difficultés pour entretenir ce type de bâtiments, particulièrement pour des populations peu solvables.

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Hauteur, âge du bâti et matériau de construction

L a hauteur des bâtiments du périmètre varie entre le niveau rez-de-chaussée et rez-de-chaussée plus quatre étages. Mais la tendance dominante du quartier (ce qui fait d'ailleurs son harmonie urbaine encore aujourd'hui), c'est sa faible hauteur sur rue. La grande majorité des bâtiments est du type R + l à R + 2 (43% de R + 2 ) .

Enfin, concernant l'âge du bâti dans le périmètre, plus de la moitié d'entre eux (56%) a été construit avant 1930 et donnent le caractère particulier au quartier. Viennent ensuite, en ordre d'importance les bâtiments construits entre 1930 et 1950 (20%), qui conservent encore des caractéristiques architecturales intéressantes.

Quelque soit la hauteur des bâtiments, l'utilisation de la maçonnerie a perduré jusque dans les années 1970, ce qui a permis au quartier de conserver son originalité architecturale et son cachet si particulier.

Rapide aperçu :

• O n note encore un certain nombre de bâtiments à rez-de-chaussée (82 soit 7%) particulièrement dans les zones de commerce du périmètre, notamment sur les deux rues piétonnes et commerçantes du marché traditionnel de Balat (rues Lapçinler et Lebleciler). Pour le reste, les bâtiments de ce type sont essentiellement des monuments (églises, mosquées, synagogues), des dépôts et des ateliers disséminés sur l'ensemble du périmètre. Ces bâtiments sont en majorité en maçonnerie, construits avant 1930. A noter un certain nombre de bâtiments en béton armé, construits à partir des années 1950.

- Les bâtiments de type R + l (250 soit 20%) sont aussi globalement ceux des rues commerçantes évoquées plus haut (les rez-de-chaussée des boutiques sont utilisés pour vendre les produits et les premiers étages et les caves servent de dépôts voire d'ateliers). U n autre type de bâtiment se distingue à cette hauteur, c'est celui des maisons à encorbellement, ce qui donne une idée très claire de la hauteur du quartier traditionnel au siècle dernier. Ils sont en majorité en maçonnerie de brique et de pierre et datent pour la plupart d'avant 1930, m ê m e si l'utilisation de la maçonnerie pour ce type de bâtiments peu élevés perdure jusque dans les années 1970.

t

- Les bâtiments de type R + 2 sont les plus nombreux dans le périmètre (512 soit 43%) et sont eux aussi caractéristiques de l'architecture des lotissements de la fin du siècle dernier, en grande partie des immeubles typiques du quartier à encorbellement à un étage ou à encorbellement continu à deux étages avec un étage à balcon au dernier étage. Certains de ces bâtiments comportent un étage rajouté en retrait par rapport à la façade. Plus de 6 0 % des bâtiments de type R + 2 ont été construits avant 1930 et la maçonnerie est dominante jusque dans les années 1970 pour ce type de constructions.

- Enfin , les bâtiments de plus de trois étages sont de deux types distincts : d'une part des bâtiments typiques du quartier (encorbellement continu sur deux ou trois étages), d'autre part, des nouveaux bâtiments en béton armé et des immeubles sans caractère, modifiant complètement l'aspect physique traditionnel du quartier, de construction récente et modifiant également le découpage parcellaire traditionnel du quartier. Cette catégorie de bâtiments représente 3 0 % de l'ensemble du périmètre. Près de la moitié d'entre eux datent d'avant 1930 (maçonnerie pierre/brique).

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IL Les caractéristiques de la population du quartier

A . Les grandes lignes d'aménagements à l'échelle de l'arrondissement de Fatih

M . Tantán, ancien directeur de la police d'Istanbul, connu pour avoir fermé nombreux hôtels de passe et maisons de jeu dans les années 1980 a été élu en juillet 1994, sous l'étiquette du parti A N A P (centre-droit). Il a gagné la confiance des habitants progressistes du quartier en développant de nombreux projets socioculturels depuis son arrivée à la mairie. Ces projets ont touché la petite classe moyenne urbanisée de longue date, qui avait le sentiment de vivre coincé dans un quartier conservateur avec peu d'attraits, dénué de toute activité sociale ou culturelle. Sur les trois premières années de son mandat, M . Tantán a mis l'accent sur les activités sportives, culturelles et scolaires, particulièrement pour les femmes et les enfants.

B Les quartiers de Balat et de Fener

Origine géographique des habitants

Les chefs de foyer interrogés sont en très grande majorité d'origine urbaine19 (74% soit 175 foyers) contre 26% d'origine rurale (62 foyers).

Les habitants interrogés sont, pour la moitié d'entre eux, originaires de la région de la m e r Noire (dont un tiers de la province de Kastamonu, située à l'ouest de la m e r Noire et région de migrations vers Istanbul depuis le milieu du X l X è siècle). U n e grande proportion des habitants étant née à Istanbul, voire à Fatih, c'est donc la deuxième voire la troisième génération à être stambouliote. Ils ont encore des liens très forts avec leur lieu d'origine familial, qu'ils visitent très régulièrement, sans y être forcément nés.

Origine géographique des habitants

11% 2% 25%

50%

H Marmara (Istanbul compris) B Mer Noire gAnatolie Centrale • E st Ana t) lien B Sud-Ouest Ana tolien • Aufres

La seconde composante régionale importante (25% de l'échantillon soit 59 foyers) est celle de la région de la mer de Marmara (comprend Istanbul, Bursa, Edime, Tekirdaô).

Pour ces deux communautés arrivées dans le quartier il y a au moins 20 ans, souvent 30 ou 40 ans, l'attachement au quartier est très fort. Ils ont fait part à de nombreuses reprises de leur forte volonté de se trouver associés à un projet de réhabilitation du quartier.

19 Sont considérées c o m m e urbaines les personnes nées dans une ville (au moins 2.000 habitants). Lors des enquêtes, il leur a été posé très explicitement les questions relatives à leur lieu de naissance (province, arrondissement, village), leur date d'arrivée à Istanbul, la durée d'occupation du logement actuel.

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Pour ces deux communautés arrivées dans le quartier il y a au moins 20 ans, souvent 30 ou 40 ans, l'attachement au quartier est très fort. Ils ont fait part à de nombreuses reprises de leur forte volonté de se trouver associés à un projet de réhabilitation du quartier.

- Enfin, la troisième composante importante est la population issue de l'est et du sud-est anatolien (17% de l'échantillon, soit 30 ménages). Le recensement ne permet pas de les quantifier de façon précise mais leur poids démographique semble être nettement exagéré par la population résidant dans le quartier de longue date (les habitants se plaignent systématiquement que leur quartier soit occupé par des nouveaux migrants, accentuant à leurs yeux la dégradation du quartier et entraînant une hausse de la délinquance et de la sécurité). Ces nouveaux migrants proviennent pour la plupart de Batman, Siirt ou Diyarbakyr. U n important flux de migrants a commencé au début des années 1980 et s'est nettement accéléré en 1991 après que le "pipeline" Kerkük-Yumurtalyk ait été fermé (le 8 août 1990) en raison des sanctions imposées par les Nations-Unies à rencontre de l'Irak après son invasion du Koweït. U n e forte migration de population de ces régions vers Istanbul a suivi, faute de moyens de subsistance. La réouverture du "pipeline" le 16 décembre 1996 a réduit cet afflux de migrants provenant de ces provinces20. Cette tendance est visible sur l'ensemble des "mahalle" (sous-quartiers) du périmètre d'étude. Cette frange de la population a tendance à considérer sa présence dans le quartier c o m m e transitoire, en attendant de pouvoir acquérir un terrain en propre dans les quartiers de la périphérie, où ils ont souvent de la famille ou des proches.

Date d'arrivée des chefs de foyer à Istanbul

16% 18%

17% H Né à Istanbul a Années 1940 et 1950

H Années 1960 • Années 1970

B Années 1980 Q Années 1990

Durée d'installation des habitants et mobilité résidentielle

La constatation générale est que les habitants sont assez mobiles, phénomène très fréquent à Istanbul et dans les quartiers dégradés du centre-ville, particulièrement concernant les locataires. Certains passent d'une location à une autre, la plupart du temps dans les proches environs (parce que le loyer devient trop cher pour eux ou parce qu'ils cherchent un logement plus grand lorsque la famille s'agrandit) ou passe de la location à l'achat. Il faut voir à cela deux raisons :

- les loyers du quartier sont parmi les moins chers du centre-ville, - les habitants sont habitués au quartier, beaucoup d'entre eux ont de la famille ou des amis dans les proches environs.

20 Depuis cene date, les chefs de quartier (ou Muhtars) n'ont plus enregistrés une seule personne provenant de ces régions. Le muhtar de Balat-Karabap affirme : "La migration provenant de Batman ou de Diyarbakyr s'est ralentie dès 1994 et une part des habitants de ces régions ont entamé un retour chez eux" (Narly, ibid, p. 18).

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L a mobilité résidentielle est assez forte dans le quartier : 4 0 % des habitants occupent leur appartement ou leur maison depuis moins de cinq ans et sont la m ê m e proportion à l'occuper depuis plus de 10 ans (dont 3 0 % depuis plus de quinze ans).

Durée d'occupation du logement actuel

11%

g 1 à 5 ans

a 6 à 10 ans

g 11 à 15 ans

D16à 30ans

g 31 ans et plus

Lorsque l'on d e m a n d e aux gens où ils habitaient avant d'occuper leur logement actuel, on note q u ' u n peu moins de la moitié sont des habitants de longue date dans le quartier et que les autres habitaient dans les proches environs ou dans des arrondissements à proximité du centre-ville21.

La vie de quartier

Les relations de voisinage sont assez intenses, les portes principales des maisons restent souvent grandes ouvertes l'été et les gens vivent beaucoup dans la m e , les enfants jouent dans la rue pendant que les mères discutent entre elles sur le pas de la porte. Pendant ce temps là, les h o m m e s sont au café, dont le nombre s'est d'ailleurs accru dans les années 1990 (une des raisons donnée par les enquêtes est l'augmentation de la part des retraités et des chômeurs dans le quartier).

La solidarité dans le quartier s'avère forte bien qu'il y ait une forte distinction selon l'origine géographique des habitants. Par exemple, les habitants de longue date sont nombreux à se plaindre de la dégradation des relations de voisinage depuis, expliquent-ils, l'arrivée en nombre de réfugiés de l'est du pays. Les tensions existent donc et se cristallisent souvent en fonction de l'origine géographique. Les enquêteurs ont observé des tensions entre les anciens habitants de Balat-Fener, principalement originaires de la mer Noire et de la mer de Marmara, et les nouveaux arrivants de l'est et du sud-est anatolien. Le lien social le plus fort dans l'organisation de la vie sociale et des relations politiques du quartier est celui de l'origine géographique c o m m u n e . Ceci est tout autant valable pour l'organisation des mariages (souvent orchestrés par les familles) que pour la location d'un appartement, un locataire s'adressant souvent à un propriétaire originaire du m ê m e endroit que lui. D e la m ê m e façon, un café tenu par un propriétaire de la mer Noire attire une clientèle de la m ê m e région et devient un lieu de rencontre leur permettant de discuter des problèmes politiques les affectant. Pour l'élection du chef de quartier (muhtar), les liens régionaux ou provinciaux demeurent là encore très forts.

21 Sur les 201 foyers de Balat interrogés, - 27 foyers ont toujours occupé le m ê m e logement (actuel), • SI foyers habitaient Balat, - 1 2 foyers habitaient Fener. Sur les 35 foyers de Fener interrogés, un tiers habitaient le quartier avant d'occuper leur logement actuel (que ce soit Balat ou Fener) et un autre tiers les proches environs du centre-ville.

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E n termes politiques, si les habitants du quartier sont respectueux des traditions, ce quartier n'est ni religieux ni fortement marqué par une tendance politique particulière. Les habitants donnent plutôt l'impression d'être modérés. La proximité du quartier islamiste Çarpamba, situé à quelques centaines de mètres sur la crête et de ses librairies et magasins islamiques commencerait progressivement à se faire sentir aux dires de certains habitants tout c o m m e la pression sociale pour convertir ou tout au moins influencer le m o d e vie des habitants22. Beaucoup de femmes interviewées font état d'appel des islamistes du quartier à se couvrir "pour être une femme pieuse" et rapportent que se promener sans voile dans le quartier est mal vu, les traditionalistes estimant que ces femmes sont inconvenantes.

Caractéristiques démographiques et socio-économiques des foyers

Avec toute la prudence que requiert l'analyse d'un échantillon de seulement 236 foyers, il est possible de dessiner le profil des familles du périmètre d'étude. Il serait judicieux, lors de la phase opérationnelle de confronter ces données avec celles du recensement qui vient d'avoir eu lieu le 30 novembre dernier (dont les données ne seront disponibles que dans quelques mois23) :

a) Niveau de revenu des ménages

Revenu mensuel des ménages

8% 10% 9%

12%

40%

B 0 à 100$ -100 à -200 à • 300 à g 400 à

200$ 300$ 400 $ 500$

• 500 $ etplus

U n foyer comprenant 4 personnes en Turquie a besoin d'un revenu m i n i m u m de 100 millions de T L (soit 500 USS) 2 4 pour répondre à ses besoins élémentaires et payer son loyer. Cette limite est considérée c o m m e le seuil de pauvreté. Pourtant, ce seuil n'est dépassé que par 1 0 % des foyers de l'échantillon de l'enquête.

L a majorité des habitants interrogés sont socialement et économiquement dépourvus, avec 70% des ménages vivant avec moins de 300 U S S et près de la moitié des ménages vivant avec moins de 200 U S S par mois.

22 Cf. Nilufer Narly, 1997, A case study on the households in Balat-Fener, 51 pages. Selon elle, les habitants modernes et urbains dans leur m o d e de vie et qui ne sont pas pratiquants, subissent une forte pression des migrants récents, très religieux et conservateurs, d'origine rurale. U n certain nombre de femmes interrogées à Balat-Fener lors de l'enquête de terrain déclarent que les femmes très conservatrices et voilées du quartier leur demandent d'apprendre à réciter le Coran, de suivre les préceptes essentiels de l'Islam ainsi que de se couvrir (page 15).

23 Le problème posé par le recensement est celui de l'échelle statistique qui ne donne pas de résultats au niveau des quartiers du périmètre d'étude mais à celui de l'arrondissement de Fatih dans son ensemble.

24 Estimations de 1997.

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rémunération supplémentaire puisque lorsqu'on leur demande le revenu du foyer, elles ne mentionnent jamais cette activité qui leur rapporte, pour certaines d'entre elles, entre 5 et 15 millions de T L par mois25, le montant qu'elles déclarent est celui du salaire du mari. Ceci signifie qu'il faut globalement légèrement surévaluer le revenu du ménage, dans des proportions toutefois raisonnables.

Les habitants sont nombreux à faire état de leur difficulté face à l'inflation et à la hausse des prix. En dépit de leurs difficultés financières, une forte proportion de foyers visités possèdent une télévision et deux tiers d'entre eux une machine à laver (automatique ou manuelle), ce qui est révélateur de leurs priorités en termes d'investissement.

b) Niveau d'étude Leur niveau d'études est faible, une grande majorité d'entre eux n'ont pas dépassé l'école primaire. Les familles sont composées au min imum de deux enfants. D e ce fait, une petite minorité des personnes enquêtées ne peuvent pas prendre en charge la scolarisation de leurs enfants à l'école primaire, ce qui devient beaucoup plus général dès que leurs enfants sont en âge d'entrer à ce qui est l'équivalent du collège en Turquie. Depuis la rentrée 1997-1998, le collège a été supprimé et la scolarité obligatoire a été portée de cinq à huit ans26. Dès lors, beaucoup d'entre eux quittent l'école à ce moment-là afin de contribuer à faire vivre la famille. Il semble que les filles souffrent plus que les garçons de cet handicap scolaire : les enquêtes de terrain montrent que les familles les plus défavorisées et conservatrices n'envoient que très rarement leurs filles au collège à l'âge de la puberté. Les enquêteurs ont remarqué qu'à partir de cet âge, les jeunes filles se voilent et restent à la maison avec leur mère.

c) Taille moyenne du foyer L a taille moyenne du foyer de l'échantillon étudié est de 4.47 personnes (contre cinq en Turquie et quatre i Istanbul). Les foyers comprenant quatre personnes représentent 29% de l'échantillon, les foyers à cinq personnes près de 23%. A Istanbul, la proportion des familles nucléaires était de 64%. Dans l'échantillon, la famille nucléaire comprenant mari, f e m m e et enfants est le mode familial le plus fréquent (158 foyers sur 236, soi près de 70%). Cependant, une proportion significative des foyers (25 foyers soit environ 10%) partagent leur logement avec grand-parents ou membres proches de la famille (frères et belles-soeurs). Cette situation familiale est suffisamment fréquente pour considérer c o m m e prioritaire dans la phase opérationnelle la dédensification des logements du quartier. Bien évidemment, le problème de la surdensification ne doit pas être fonction de la composition du foyer mais de la surface habitable dont il dispose. U n e famille de cinq personnes dispose en moyenne sur le quartier d'une surface habitable de 60 m 2 , soit deux pièces qui se réduisent bien souvent à une pièce en hiver, faute d'avoir les moyens de chauffer l'ensemble de l'appartement.

d) Domaine d'activité et niveau d'étude des membres du foyer de l'échantillon

1) L e chef du foyer - U n e grande majorité des chefs de foyer ont un très faible niveau d'étude. Sur les 236 enquêtes, 24 chefs de famille sont illettrés (dont 20 femmes sur les 30 femmes chefs de famille27) ; 34 savent lire et écrire mais n'ont pas été ou n'ont pas terminé l'école primaire (d'une durée de cinq ans en Turquie)et enfin, une grande majorité (150, soit près de 64%) ont terminé l'école primaire. Au-delà de ce seuil,

25 A l'époque de l'enquête (septembre 1997), un dollar U S représentait 170.000 T L .

16 Depuis cette année, une nouvelle réforme de l'enseignement est entrée en vigueur, faisant passer de 5 à 8 ans l'enseignement obligatoire. Par conséquent, les écoles primaires sont devenues de fait des collèges dans la mesure où ils se trouvent désormais dans l'obligation légale d'accueillir les étudiants trois années de plus.

Sur ces 30 femmes, 25 sont veuves, 3 sont célibataires et deux sont divorcées.

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commerçants ou des artisans et. Dans la majorité des cas (143 personnes soit 61%), il n'y a qu'une personne par foyer qui travaille, le reste de la famille étant dépendant d'elle, ce qui accroît considérablement le risque de précarité. Dans 10% des foyers interrogés, personne ne travaille (ceci concerne en grande partie les veuves qui vivent de la rente de leur mari décédé). Enfin, il arrive souvent que les chefs du foyer n'aient pas d'activité régulière ni de position institutionnelle clairement définie. La plupart sont plutôt de milieu prolétaire ou défavorisé.

- U n tiers des chefs de foyers interrogés travaillent dans le quartier ou les environs proches. Ils sont 2 0 % à aller à leur travail à pied et plus de 30% à prendre les bus municipaux.

2) L'épouse - Lors des enquêtes de terrain, il a été constaté qu'une grande partie d'entre elles sont illettrées ou n'ont pas dépassé le niveau de l'école primaire. L a conséquence directe de ce constat, c'est qu'une très faible proportion d'entre elles travaillent hors du foyer (sur léchantillon, seules 9 femmes travaillaient à l'extérieur). - Les femmes constituent une frange de la population marginalisée dans le quartier. Si ce phénomène n'a rien d'exceptionnel dans des quartiers pauvres des grandes villes de Turquie, il n'en demeure pas moins qu'une intervention prioritaire axée sur la formation des femmes constitue une priorité selon les associations travaillant sur le quartier.

3) Les enfants - Sur léchantillon, près de 80% des foyers interrogés étaient en mesure d'envoyer leurs enfants à l'école primaire. Les écoles primaires sont en nombre suffisant dans le quartier bien que la qualité de ces établissements est très critiquable (cf. supra). Nombreux sont les ménages à se plaindre de la contribution qui leur est demandée à chaque nouvelle rentrée. Cette année, ce montant était de S millions de T L par enfant scolarisé. - Il y a plusieurs lycées dans l'arrondissement, que ce soit à Yavuz Selim, Çarbamba, Fatih ou Eyiip. Les lycéens vont principalement dans ces établissements, qui ne sont pas toujours forcément très proches de leur domicile. Les enfants issus des milieux les moins défavorisés utilisent les services de bus ou de minibus alors que les plus défavorisés y vont à pied.

- O n observe que les enfants sont beaucoup moins systématiquement envoyés à l'école après l'âge de douze ans (ancienne limite d'âge pour l'école obligatoire) car ils deviennent alors des travailleurs potentiels. Bien souvent, quand les garçons travaillent à l'extérieur, les jeunes filles restent à la maison pour aider leur mère à s'occuper des enfants en bas âge ou pour prendre en charge une partie des activités ménagères. Le recensement de 1990 sur l'ensemble de l'agglomération relevait que 4 5 % des enfants en âge d'aller au collège ou au lycée exercent une activité à l'extérieur. S'il n'existe pas d'analyse statistique à l'échelle du quartier, il est fort probable que Balat et Fener correspondent à cette évaluation générale. Cette situation devrait changer avec la nouvelle loi votée l'été dernier, repoussant à huit années au lieu de cinq, la scolarisation obligatoire. - Parmi les enfants issus des milieux ouvriers, beaucoup suivent le parcours de leur père après le niveau élémentaire dans la m ê m e branche d'activité.

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Le statut des occupants

Pour évaluer la part des propriétaires et des locataires dans le quartier, il existe plusieurs sources, plus ou moins fiables :

- les enquêtes menées auprès des agences immobilières qui permettent d'afficher une tendance générale sur les transactions les plus récentes concernant les achats et les ventes (60% de propriétaires contre 4 0 % de locataires) mais ne permettant en aucun cas de transcrire la réalité de la répartition foncière ; - les enquêtes systématiques menées auprès de l'ensemble de la population du périmètre avec un questionnaire spécifique qui se concentrait seulement sur le statut des occupants. C e travail de terrain a été recoupé avec la collecte des archives du cadastre, informations malheureusement pas toujours remises à jour. Ces enquêtes constituent la base de données la plus précise sur la répartition propriétaires/locataires.

- l'enquête sociologique de terrain, portant sur un échantillon de 236 ménages à Balat et Fener. Moins fiable que le questionnaire précédent sur le statut des occupants pour évaluer la juste répartition entre propriétaires et locataires (car portant sur un échantillon restreint), cette enquête apporte par contre une quantité d'information sur les modalités d'acquisition des logements.

1) Les enquêtes sur la propriété

L'enquête exhaustive rapide menée sur la propriété dans le quartier au cours du mois de décembre est la plus fiable puisqu'elle concerne 2578 ménages (3143 locaux analysés, 2578 enquêtes exploitables28). Elle s'est avérée nécessaire en raison de la difficulté rencontrée à obtenir des données fiables au cadastre.

Répartition propriétaires-locataires dans notre périmètre

4% 1%

35%

60%

jPropriéteires

J Locataires

g Proches du propriétaires

• Autres

Cette enquête révèle par ailleurs une forte proportion de logements vacants, près de 1 7 % des logements enquêtes (appartements à l'étage non occupés - 208 cas -, bâtiments vides -221 cas-)..

2) L'enquête sociologique

Dans l'échantillon des 236 ménages interrogés, 4 5 % (107 sur 236) des occupants possèdent l'appartement ou le bâtiment qu'ils occupent et 5 5 % (129 sur 236) le loue. Cette évaluation varie assez

28 L'enquête a été menée dans le courant du mois de décembre avec un questionnaire très simple (où il était demandé aux habitants s'ils étaient propriétaires ou locataires, l'adresse du propriétaire pour les locataires). La brièveté du questionnaire a permis d'enquêter auprès de l'ensemble des locaux du périmètre, soit 3143 enquêtes (comprenant aussi commerces, pas de porte et monuments). Les 565 enquêtes mises de côté se répartissent de la façon suivante : - logement occupé mais pas de réponses au m o m e n t de l'enquête (482 cas), soit un taux de non-réponse de 18%. - logement occupé mais refus de répondre à l'enquête (83 cas).

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sensiblement de l'enquête exhaustive, les propriétaires ayant été quelque peu surévalués (de 6 % si l'on fait la s o m m e des propriétaires et des personnes proches du propriétaire). E n revanche, l'analyse plus détaillée permet d'avoir une approche sur le profil des occupants.

Sur les 107 propriétaires recensés, 7 0 % d'entre eux possèdent le bâtiment tout entier, 1 5 % partagent la propriété avec un des membres de leur famille, 1 2 % ne sont propriétaires que de leur logement et 3 % sont propriétaires de plus d'un appartement dans le m ê m e bâtiment.

Les trois quart des propriétaires enquêtes ont acheté leur appartement ou maison (contre un quart qui l'ont hérité de leurs parents). L a plupart des propriétaires (40% d'entre eux) le sont depuis vingt ans et plus contre un tiers d'entre eux qui ont acquis leur logement récemment (moins de dix ans).

Sur les 129 locataires recensés, plus de 8 0 % d'entre eux ont déclaré que leur propriétaire était une personne privée. 12 personnes louent à un proche ou à un m e m b r e de leur famille, 2 locataires louent à une fondation chrétienne et 8 autres à des fondations non identifiées. E n outre, information qui recoupe les données précédentes, les locataires ont déclaré à 9 4 % des cas que leur propriétaire possédait l'ensemble de l'immeuble. Il y a six cas où le propriétaire ne possède que l'immeuble loué et deux cas de copropriété29.

C . Les besoins de la population résidente

La perception du quartier par les habitants

U n grand nombre d'habitants du quartier se plaignent de la qualité de vie dans le quartier et souhaitent une forte intervention des pouvoirs publics. Les raisons les plus souvent évoquées sont la détérioration du milieu social et l'augmentation de la pauvreté - due, selon leurs dires, à l'arrivée en nombre de ruraux du sud-est anatolien30-, la pollution du quartier, le manque d'infrastructure, l'absence d'initiatives pour restaurer le quartier et de perspectives d'amélioration de l'environnement.

Si une minorité d'entre eux ont déclaré qu'ils se sentaient pris au piège dans le quartier (sentiment du déclin de Balat, volonté de quitter le quartier mais n'en ont pas les moyens), l'attachement au quartier est fort, et pas seulement pour des raisons économiques. U n grand nombre (75%) resterait dans le quartier si une réhabilitation était effectuée et pouvait améliorer leurs conditions de vie et de confort.

Si près d'un quart des personnes interrogées n'ont pas idée du changement prioritaire qu'ils souhaitent si un projet pour réhabiliter le quartier était amorcé, il n'en existe pas moins certaines priorités exprimées par les habitants (par ordre d'importance décroissant) : 1. la restauration des vieux bâtiments et la protection de leur caractère historique (exprimée par

une ne quarantaine de personnes) ; 2. l'amélioration de la chaussée et les problèmes de circulation ;

La prudence est de mise pour cette analyse. Les enquêtes cadastrales en cours peuvent remettre en cause ce point puisque bon nombre de locataires ne savent pas forcément que la propriété de leur logement est multiple, n'ayant souvent qu'un intermédiaire, celui auquel ils paient leur loyer. La complexité cadastrale et le statut précis de leur propriétaire leur est donc par conséquent souvent étrangers.

30 C o m m e cela a été précisé plus haut, cette immigration de personnes venant du sud-est anatolien semblerait s'être arrêtée depuis plus d'un an, en tous cas provisoirement. Ceci étant, une proportion importante s'est momentanément fixée dans le quartier. C e mouvement est fortement amplifié et exagéré par les habitants plus anciens à l'égard d'une population encore plus défavorisée qu'eux. Mais cette variable ne saurait accréditer le mythe d'une "invasion des Kurdes" dans le quartier.

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3. la création de parcs et espaces verts et la propreté du quartier (ramassage des déchets, poubelles et débarras) ;

4. l'amélioration des infrastructures ; 5. la destruction des vieux bâtiments en mauvais état et leur remplacement par des bâtiments

neufs (élément en légère contradiction avec la première priorité qu'il faut plutôt interpréter c o m m e leur souhait de pouvoir être en mesure de bâtir dans ce quartier, pour l'instant régi par des conditions réglementaires drastiques de construction) ;

6. la recherche de solutions concrètes pour lutter contre la pollution de l'environnement ; 7. une solution définitive pour nettoyer la Corne d ' O r ; 8. le raccordement au gaz naturel.

Enfin, les commerçants notamment, font état de problèmes de délinquance liés au trafic de drogue. Selon les associations du quartier, il y aurait un important trafic de drogue et certains habitants sont connus c o m m e étant des trafiquants notoires. La municipalité de Fatih a le projet d'implanter, au sein m ê m e du périmètre d'étude, un centre de prévention, d'information et de réinsertion des drogués.

Les besoins exprimés par la population sur leur logement

Des entretiens avec les associations et des enquêtes menées sur le terrain, il ressort que la mauvaise qualité des conditions de vie provient avant tout des conditions de logement, principal problème exprimé par les habitants.

Outre que, là encore, près d'un quart des personnes interrogées n'émettent pas d'avis ou ne désirent aucun changement dans leur logement, la première priorité exprimée concerne la restauration de leur logement et le manque d'espace (pas assez de chambres ou de surface habitable). Les priorités sont les suivantes (ordre décroissant) : 1. restauration et rénovation du bâtiment ; 2. besoin de plus grandes pièces en plus grand nombre ; 3. avoir des toilettes et une salle de bains séparées ; 4. repeindre les façades ; 5. reconstruire complètement leur bâtiment (ce qui signifie "construire du n e u P dans l'esprit des

habitants) ; 6. avoir du gaz naturel ; 7. réparer les escaliers ; 8. réparer les toits ; 9. avoir une cuisine.

Par conséquent, l'un des plus grands problèmes de ces habitations concerne le m a n q u e d'espace en général, et plus particulièrement pour les sanitaires (toilettes et salle de bains) et la cuisine. Les enquêteurs ont souvent remarqué qu'une partie des couloirs était utilisée pour y installer un lavabo et une cuisinière côte à côte. Beaucoup d'habitants ont installé leur machine à laver ou leur réfrigérateur (quand ils en ont) dans les chambres ou encore leur cuisinière ou leurs fourneaux sur le palier, en dehors de l'appartement. Les salles de bains n'existent que dans certaines maisons encore occupées que par une seule famille et ne se résument bien souvent qu'à un robinet avec un p o m m e a u de douche dans un coin.

L'utilisation de l'espace est compartimentée par étages lorsqu'une maison en bandes est utilisé par une seule famille. Le sous-sol ou le rez-de-chaussée sont souvent utilisé pour la cuisine, les W - C et la douche tandis que les chambres se trouvent au premier ou au deuxième étage31.

Ces maisons en bandes, construites sur des parcelles étroites, étaient auparavant destinée à une seule famille qui se répartissait sur deux, trois voire quatre étages. Cette occupation de l'espace s'est fortement modifiée à partir du m o m e n t où les familles grecques, arméniennes ou juives ont quitté le quartier. A partir de cette époque, les maisons ont c o m m e n c é à

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Des conditions sanitaires mauvaises

Sur les 236 logements visités par les enquêteurs, 5 foyers n'avaient ni salles de bains ni toilettes, la grande majorité (80%) ayant la douche et les toilettes dans le m ê m e espace, souvent réduits au m i n i m u m alors que dans seulement 18% des logements visités, la salle d'eau est séparée des toilettes.

U n autre problème relatif à l'hygiène, est l'irrégularité de la collecte des poubelles, tout autant que le m a n q u e d'attention des habitants à la propreté de leur environnement. Une simple visite du quartier suffit à repérer des détritus, sur une parcelle vide, à l'intérieur d'un bâtiment en ruines ou sur des terrains en friche.

Ceci crée des problèmes de santé importants, dans un quartier où une grande partie de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté (estimé à 100 millions de T L en 1997) et ne peut pas se payer les frais d'un médecin ni s'acheter des médicaments, à moins qu'ils n'aient une couverture sociale suffisante, ce qui est très rarement le cas. L a direction de la Santé de la municipalité de Fatih affirme qu'un grand nombre d'habitants n'a aucune couverture sociale et est bien consciente de l'insuffisance des équipements sanitaires. Enfin, un autre problème affectant la santé publique est celui des inondations en hiver lors des grandes pluies. L'insuffisance du système de canalisation provoque régulièrement des inondations.

Un manque d'équipements de santé

L a direction de la Santé de la municipalité a produit une note sur l'état de la santé dans le quartier. Il existe dans le quartier un hôpital et un dispensaire. L'hôpital de Balat est soutenu financièrement par la communauté juive de Turquie ou de l'extérieur. Son taux d'occupation est de l'ordre de 80%. L e dispensaire, quant à lui, est un établissement équivalent à la croix-rouge en Turquie (Kyzylay) se situant dans le quartier de Hyzyi Çavup (cf. carte). C e petit dispensaire (100 m 2 ) ne répond absolument pas aux besoins de la population, il n'a pas de lits et les consultations se font debout. Cet établissement est complètement sous-équipé.

Les habitants de Balat sont, pour la plupart trop pauvres pour avoir une sécurité sociale. Les cas de tuberculose ou d'Hépatite B sont très courants parmi les jeunes enfants. Les équipements de santé .font cruellement défaut dans un quartier où le besoin en équipement sanitaire a été évalué par la municipalité à 9000 m 2 pour seulement 6800 m 2 existants. U n projet de dispensaire de 200 m 2 est prévu sur le budget 1998 du ministère de la Santé (les équipements sanitaires dépendant directement du ministère de la santé).

Un chauffage polluant et peu efficient

Le chauffage est aussi une cause de soucis pour les habitants dans la mesure où le quartier n'est toujours pas raccordé au gaz de ville. Par conséquent, le m o d e dominant de chauffage reste le chauffage au poêle, alimenté la plupart du temps par un charbon de bois de mauvaise qualité (le lignite) ou la tourbe. Les émanations de ces combustibles sont extrêmement polluantes, l'isolation des conduits étant souvent défectueuse à l'intérieur des logements, il arrive que des fumées noires envahissent les habitations. E n outre, les conduits de poêle rejetant les combustions sortent souvent sur la rue, perçant la façade de la rue. Ces percées sont souvent faites de façon grossière, posant à la fois des problèmes d'isolation des logements et de reflux aux étages supérieurs.

être divisées en appartements en fonction du nombre d'étages. S'il y a encore des familles qui utilisent une maison entière pour elles seules, la paupérisation du quartier de ces dernières années rend de plus en plus rare ce m o d e d'occupation.

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L a compétence pour l'installation du réseau de gaz ne dépend pas de la municipalité de Fatih, mais d'une institution dépendant de la Grande Municipalité d'Istanbul, la société IGDAt>. Dans le cas de l'aménagement du quartier en gaz, il convient de distinguer le coût de l'infrastructure du réseau (IGDAÏ>) des frais de raccordement entre la rue et les appartements ainsi que l'installation d'un système adéquat de chauffage dans les appartements (radiateurs, chauffe-eau, à la charge du propriétaire).

Des écoles surchargées et un manque d'encadrement

L a direction de la culture et de l'éducation de la municipalité de Fatih a mené une enquête sur l'état de l'enseignement primaire dans le quartier. Il en ressort que sur les cinq écoles du quartier ou des environs (ilkodretim, à savoir écoles primaires et collèges) la moyenne est de 45 élèves par classe.

Ces écoles manquent de tout et le niveau d'éducation est déplorable. Concernant l'équipement scolaire, tout ou presque manque, que ce soit le mobilier de classe (tables, chaises, pupitres) ou les fournitures scolaires (cahiers, crayons, stylos, microscopes). Certaines salles ne sont pas chauffées l'hiver. Les étudiants diplômés de ces écoles ne sont pas acceptés par les lycées et les collèges en raison de leur trop faible niveau d'études. Le manque d'instituteurs est patent, beaucoup d'entre eux ne souhaitant pas travailler dans le quartier car ils le considèrent trop difficile. Les élèves se plaignent très souvent de ne pas être assez encadrés.

L e manque d'encadrement et les besoins considérables d'amélioration de l'enseignement. E n effet, les étudiants n'ont pas de place pour travailler après les cours, les bibliothèques n'existent pas dans le quartier et ce n'est pas dans leurs logements exigus qu'ils peuvent le faire. E n outre, la charge des devoirs à la maison est énorme car la surcharge des classes empêche le travail continu en classe. C'est pourquoi, la création de locaux périscolaires est une nécessité. Récemment , un centre de ce type a été créé en coopération avec la fondation des volontaires pour l'éducation (Eöitim Göniillüleri VakfV), l'association des commerçants de Balat et la municipalité. C e local a pris place au sous-sol d'une ancienne mosquée restaurée et a été financé par des dons privés. C e type d'équipement pourrait être multiplié dans le quartier car cette réalisation ne suffit pas pour répondre aux besoins du quartier.

III. Activité é c o n o m i q u e

A . L'activité à Balat-Fener : le commerce dominant

L e périmètre d'étude compte 352 locaux d'activité, regroupant pour la plupart des services et des commerces : - 56 regroupent des activités artisanales, soit 16% de l'ensemble (textile, ferronnerie, tailleurs, charpentiers, boulangers) ; - 115 des services, soit 33% de l'activité du quartier (cafés, restaurants, bars, barbiers et coiffeurs, épiciers, réparateurs de T V , de chaussures) ; - 181 regroupent des commerces, soit 51% de l'ensemble (magasins de chaussure, d'électroménager, pharmacies, magasins de fournitures électriques, etc . ) .

L a faible importance de l'industrie résulte de la délocalisation des industries de la Corne d ' O r en 1984 (quoiqu'il en soit, la part de l'activité industrielle à Istanbul a baissé dans les années 1980, passant de 34% de l'industrie nationale en 1975 à 27% en 1989). Cette délocalisation est le fruit d'une politique d'aménagement étatique, interdisant toute implantation ou activité industrielle en centre-ville car jugées polluantes et dévoreuses d'espace.

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L'enquête réalisée à ce sujet portant sur 50 commerces, donne une radiographie de la situation de l'activité dans le quartier et rend compte des besoins exprimés par les commerçants32. E n effet, la série d'entretiens semi-directifs réalisés par le sociologue apporte des informations permettant de mieux comprendre la situation du quartier.

U n certain n o m b r e des commerçants nés à Balat et i Fener y vivent encore. Les plus aisés ont profité de leur meilleur niveau de vie pour déménager vers des quartiers plus confortables, tout en gardant leur c o m m e r c e à Balat. Ils expliquent qu'ils ont quitté le quartier soit en raison de la détérioration du milieu social, soit parce que leur famille ou leur proche avaient précédemment quitté Balat ou Fener. Les liens familiaux et la solidarité sont d'autant plus importants dans ce quartier que la dépendance économique est forte: E n effet, les commerces sont pour la plupart des affaires de famille, les enfants suivant les traces du père dans leur carrière professionnelle.

Les commerçants interrogés n'ont pas un très haut niveau d'étude (la plupart d'entre eux n'ont pas dépassé le niveau de l'école primaire, quelques uns sont allés au collège voire au lycée, et un petit nombre d'entre eux ont obtenu un diplôme de l'université). Quoiqu'il en soit, leur niveau d'étude est bien supérieur à celui des habitants du quartier interviewés. Les commerçants constituent une population vieillissante, qui se renouvelle peu et dont une partie continue à travailler après l'âge de la retraite. Bien qu'ils soient nombreux à déplorer la baisse d'activité, ils restent à Balat parce qu'ils ne peuvent pas se permettre de louer un pas-de-porte dans un autre quartier, qu'ils ont leurs habitudes et qu'ils ne veulent tout simplement pas partir33.

La répartition fonctionnelle du commerce

Balat est un quartier commercial assez dynamique composé de deux types principaux d'activité : - l'artisanat, principalement regroupé autour des rues Lapçinciler et Leblebiciler sur deux îlots. Les magasins sont groupés dans le m ê m e secteur, entre ces deux petites rues étroites, donnant à ce secteur une impression de bazar. Y sont regroupés des fabricants de fourneaux, de verre, de chaussures, des quincailliers et toute sorte d'artisans. • cette atmosphère déborde sur la rue A y a n , les axes commerçants les plus dynamiques restant sur les rues A y a n et Vodina. Ici, les pratiques commerciales sont fort différentes : banques, magasins d'équipement électroménager ou de meubles ou restaurant sont concentrés sur cet axe. U n e fois par

'semaine, le mardi, un marché s'installe sur les rues A y a n , et Lapçinler. Ceci constitue le coeur de l'activité commerciale d u quartier et des quartiers environnants puisqu'il est évident que l'aire d'influence de ces commerces dépasse les limites du périmètre d'étude.

U n autre axe commercial important, hors des limites du quartier est l'avenue Mursel Pacha, boulevard longeant la Corne d 'Or. Il regroupe garagistes, tourneurs, ateliers et quincailleries. Outre ce type d'activités, on trouve quelques restaurants et cafés.

U n e enquête menée sur SO des 341 lieux d'activité ne permet pas de rendre compte de façon statistique de la situation économique du quartier puisque l'échantillon n'est pas représentatif. Cependant l'enquête fournit des éléments indicatifs sur les besoins et les attentes des commerçants. L a sociologue a consigné le compte-rendu des entretiens et ses impressions dans un rapport : "The case study on the fifty shops in Balat-Fener : their socio-economic and demographic characteristics, economic activities and business challenges", novembre 1997,64 pages. L e questionnaire visait à collecter des informations sur les caractéristiques socio-économiques des commerçants, leur environnement socio-géographique, la taille du foyer et le revenu mensuel, l'historique de leur activité dans le quartier, leurs projets et leurs points de vue sur Balat-Fener ainsi que les besoins à l'échelle du quartier.

33 Beaucoup de ceux qui sont restés sont des h o m m e s âgés, qui continuent leur activité parce qu'ils n'ont pas d'autre alternative, ni l'énergie ou les ressources pour entamer un nouveau départ ailleurs. "Nous n'avons pas d'autre choix, alors nous restons là" selon leurs propres mots. Il semble que seuls les commerçants les plus dynamiques ont saisi l'opportunité d'une nouvelle chance en quittant le quartier.

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B . L'activité économique et la perception du quartier par les commerçants

Une activité commerciale qui périclite

L a régression de l'activité économique à Balat et à Fener a commencé avec le déplacement des activités navales et industrielles de la Corne d 'Or vers l'est de l'agglomération dans les années 1980, ce qui a eu un impact très fort sur le commerce du quartier. Mais, plus profondément, le départ systématique des classes moyennes et supérieures du quartier ces vingt dernières années a été un élément d'appauvrissement du quartier, affectant fortement l'activité commerciale, ce d'autant plus que les habitants qui les ont remplacé sont de plus en plus pauvres.

Les commerçants se sentent souvent bloqués i Balat, pris entre la crise économique et leur impossibilité d'investir dans de nouveaux locaux i cause des restrictions sur les permis de construire. Ils regrettent aussi qu'il n'y ait pas de projet pour la restauration des anciens bâtiments, dont un nombre croissant menacent ruine, ce qui n'est pas bon pour l'image du quartier. Ils ont, à plusieurs reprises exprimé la demande d'un projet visant à créer un "bazar couvert" sur la rue Leblebiciler, tout en conservant le caractère historique des bâtiments.

Il faut cependant distinguer d'une part le vieux souk de Balat (les deux rues parallèles) qui n'arrive pas à se trouver une vocation nouvelle et d'autre part, la Vodina Caddesi, beaucoup plus dynamique, avec une aire d'influence assez large qui semble s'en sortir mieux.

La perception du quartier par les commerçants

Nombreux sont les commerçants à déplorer le changement social du quartier ces dernières années et à regretter le temps où le quartier était cosmopolite. U n vendeur de "kebab", âgé de 66 ans explique : "Balat a changé de façon dramatique dans ce sens où le milieu social a dégénéré en raison de l'immigration provenant des villes ou des villages de la campagne. Dans le passé, particulièrement à l'époque des R u m s (les Grecs vivant en Turquie) et des Juifs, c 'était un quartier propre et civilisé. Il y avait du respect et de la solidarité"34. U n autre commerçant, pharmacien, voit deux raisons à la détérioration socioculturelle du quartier : "le changement dans la structure démographique résultant du départ des anciens habitants et l'apparition d'une nouvelle communauté avec la migration d'une population originaire de l'est et du sud-est anatolieri". D'autres déplorent que, dans le quartier, les "gens ne sont plus éduqués ni attentionnés", qu'ils "manquent de qualification" ou encore que "c 'est la pauvreté des nouveaux arrivants qui a joué un rôle sur le déclin du quartier"35.

L'ensemble de ces remarques, souvent exprimées, rend compte d'un appauvrissement de la population résidente dans le quartier, de bouleversements dans l'organisation socioculturelle du quartier marqués par un déclin du niveau culturel et d'éducation des habitants.

Ceci étant, l'importance du facteur "migration kurde" est nettement exagérée par la population, celle-ci servant largement de bouc émissaire alors que des éléments objectifs (la disparition des chantiers navals et des banques dans le quartier, le manque d'entretien des rues et des espaces publics) expliquent bien mieux la situation sociale du quartier.

Les principaux problèmes que mentionnent les commerçants sont les suivants : - le m a n q u e d'infrastructure et la nécessaire amélioration de la voirie ;

^NilüferNartf, op.cit,p.5.

35 Nilüfer Nartf, op.cit., p.15-17.

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- la restauration des vieux bâtiments ; - l'accroissement du n o m b r e de jeunes non scolarisés ; - les restrictions concernant les permis de construire ; - l'étroitesse des rues et le m a n q u e de places de parking ; - la collecte irrégulière des détritus et le m a n q u e d'attention de la population à la propreté de leur quartier.

Les commerçants interviewés souhaiteraient que les pouvoirs publics prennent en considération leurs demandes , particulièrement concernant la délivrance des permis de construire et la restauration des vieux bâtiments. Us disent, en substance : "Que les pouvoirs publics se décident à détruire les bâtiments qui menacent ruine et constituent un danger pour la sécurité ou qu'ils engagent une opération de réhabilitation, mais qu'ils ne laissent pas le quartier mourir".

L a d e m a n d e d'intervention sur le patrimoine est donc pressante et vivement exprimée par les commerçants. Si leurs raisons sont avant tout économiques (ne pas laisser le quartier péricliter et attirer de l'activité), la restauration de ces anciens bâtiments aurait aussi des incidences directes sur l'amélioration des conditions socio-économiques du quartier.

U n e majorité de commerçants est prête à soutenir un projet de réhabilitation dans le quartier. Certains se sont déjà constitués en association dont le but est de renouer avec la période faste de Balat et d'améliorer le quartier. Hormis cette association pour l'amélioration du quartier, il y a aussi plusieurs associations de volontaires dont le but est d'entretenir une solidarité entre les habitants originaires de la m ê m e ville. Ces associations ("dernek") de la m ê m e ville visent à intégrer les nouveaux habitants en ville. Ces associations pourraient être mobilisées pour créer un soutien public aux projets concernant le quartier.

C e dont les gens ont besoin, c'est de développer une institution portant le projet et dans laquelle les gens auraient confiance. L e relais associatif est utile pour assurer une diffusion optimale des propositions du projet et un échange de vues avec la population.

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IV. Quelques éléments sur le marché foncier

A . M a r c h é foncier : une situation bloquée

L'enquête foncière fait état de premières tendances, qu'il conviendra de confirmer par une étude plus systématique du marché du logement. Il n'existe malheureusement pas de données du recensement à l'échelle des "mahalle" (ou sous-quartiers), ce qui conduit à enquêter auprès des acteurs économiques du secteur du logement, particulièrement avec les agences immobilières ("emlakçy"'), sous forme d'entretiens. Ces agences immobilières sont assez modestes et travaillent en général sur un périmètre assez restreint, bien qu'elles fournissent aussi des offres dans les zones périphériques qui connaissent une croissance rapide. A u nombre de huit dans le seul périmètre d'étude, l'enquête a été menée auprès des cinq principales.

L e marché immobilier est réduit, reflet de l'effet d'une réglementation trop contraignante (site protégé sans réglementation urbaine autre que celle de l'arbitraire de la commission de protection) qui empêche la dynamique nécessaire au maintien du parc immobilier existant36. Cette réglementation est peu opérante puisque le contrôle exercé n'est pas suffisant pour empêcher la destruction ou les modifications illégales de bâtiments classés (cf. supra). Mais la réglementation n'est pas la seule raison qui empêche une activité immobilière plus dynamique.

E n effet, le quartier dispose de peu de grands terrains vides. La propriété y est souvent multiple sur les parcelles, la taille moyenne des parcelles est réduite, l'image du quartier n'est pas très bonne (drogue, pauvreté, bâti dégradé) et n'incite pas les investisseurs à s'y intéresser.

Les principaux résultats de l'enquête sont les suivants :

Environ 6 0 % des personnes étant passées par des agences immobilières dans le quartier sont propriétaires37. 7 0 % des locataires prennent leur contrat de location par une agence. Les agences sont des intermédiaires importants en raison des facilités pour les formalités administratives tant pour les locations (10% du prix annuel) que pour les transactions (généralement 3% de la vente).

Trois types d'acheteurs : épargne sous forme de placement à 6 mois ou un an pour maintenir son . capital face à l'inflation ; propriétaire occupant (passage de la location à la propriété, du petit logement au logement correspondant à ses besoins). Des achats sont aussi opérés pour une rente locative.

L e prix d'achat au m 2 de plancher est de l'ordre de 34.000.000 T L (soit 150 euro38). Les logements sont petits (40 à 6 0 m 2 ) . Au-delà de 6 0 m 2 , le prix des logements augmente. L'achat d'un bâtiment se fait souvent en famille pour partager les coûts ainsi que les sanitaires et cuisine. Les taxes pour l'achat s'élèvent à 18% (achat : 10% ; éducation nationale : 4 % ; municipalité : 4%). C e taux élevé favorise les fraudes fiscales (déclarations généralement à 4 0 % de la valeur réelle d'achat).

Les rues les plus chères sont : l'axe commerçant est-ouest (20 à 24 millions L T par m 2 , soit entre 90 et 110 euro) ; le boulevard de la muraille (IS à 19 millions de L T , soit entre 68 et 86 euro) ; puis l'axe commerçant nord-sud, la partie ouest de l'axe commerçant est-ouest et le quartier de Fener (10 à 14

x L e développement qui suit est le fruit de l'analyse de Gûzin Kaya, qui a analysé les grandes tendances du marché foncier sur le quartier.

37 L a part des propriétaires est logiquement surévaluée dans la mesure où les transactions auprès des agences immobilières, concernent plus souvent l'achat et la vente, opérations nécessitant un intermédiaire qualifié, les locations se faisant souvent sans passer par un opérateur (les agences immobilières évaluent cette "perte" à 30%).

38 L a parité entre l'euro et la livre turque est la suivante (au 1er janvier 1998) : 1 euro=220.000 T L . U n million de L T représente donc 4.54 euro.

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millions de L T , soit entre 43 et 64 euro). La demande en surfaces commerciales est de 100 m 2 à plus de 3 0 0 m 2 , difficile à trouver dans le quartier.

B . Prix des loyers

Les loyers payés par les locataires de l'échantillon étudié sont relativement faibles, entre 5 et 20 millions de T L . La majorité d'entre eux paient aux alentours de 10 millions de T L (près de 50% des cas) ou de 15 millions de T L (20%). Quelques locataires (au nombre de quatre) ont déclaré ne pas payer de loyer et deux ne payer que ce qu'ils pouvaient selon les mois.

Les loyers augmentent plus que l'inflation (+150%/an contre 70%/an m a x i m u m légal). Les demandes de location sont fortes. Il y a un taux de rotation rapide des locataires, et des difficultés de recouvrement des loyers. Il arrive souvent que le locataire s'engage sur un loyer qu'il ne peut pas payer. Pris à la gorge, il se trouve contraint de renoncer à son bail et de quitter les lieux pour trouver un loyer plus conforme à ses moyens.

Quoiqu'il arrive, plus le changement de locataires est fréquent, plus le propriétaire est gagnant puisqu'à chaque changement, il peut espérer une augmentation de loyer. L a location nécessite généralement 3 mois d'avance et une caution. L e contrat est généralement inférieur à deux ans. Lors d'une vente ou lorsque le propriétaire veut récupérer son logement pour lui ou sa famille (délai de 45 jours, recours de trois mois), le contrat de location devient caduc.

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EVALUATION DE LA REGLEMENTATION URBAINE EXISTANTE

Il convient de distinguer d'une part, la réglementation existante et, d'autre part, le respect de ces textes dans la pratique, de m ê m e que la capacité (ou la volonté) des autorités locales à faire respecter ces principes. C'est en confrontant le texte à la pratique que l'on peut évaluer la capacité d'action et de mise en application du projet.

I. L e plan directeur de la péninsule historique

Actuellement, la péninsule historique est sans plan directeur, celui de 1990 au l/5000e ayant été annulé en juillet 1995 à la suite de plusieurs procès intentés par diverses organisations. L e seul document de référence existant est le plan intitulé "Plan directeur des sous-régions de la surface métropolitaine" au l/50.000e approuvé le 15 novembre 199539. Hormis celui-ci, la péninsule historique est vide de plan. A la suite de l'annulation du plan, la péninsule a été déclaré "Secteur sauvegardé" par la commission de Protection des biens culturels et naturels40. Cette décision a été légitimée par l'importance des monuments dans cette zone, que ce soit les mosquées (Süleymaniye, Fatih, Sultan Selim, Mihrimah Sultan) ou les monuments ou vestiges romains ou byzantins (Sainte-Sophie, citernes byzantines).

D'après la loi, le schéma directeur au l/5000e doit être préparé par la municipalité du Grand Istanbul, tandis que les plans à toute autre échelle (1000e, 500e, 200e) doivent être conçus par les mairies d'arrondissement. Ceci signifie qu'il n'est pas possible de préparer un plan de sauvegarde au 1/lOOOe avant que le plan directeur d'Istanbul en préparation ne soit terminé et approuvé.

L a seule marge de manoeuvre pour procéder à des restaurations sur la structure des bâtiments est de préparer des projets ponctuels et de les présenter à la commission de Protection et d'attendre leur approbation pour pouvoir passer à la phase opérationnelle. L e protocole passé entre la municipalité de Fatih et cette commission (voir ci-après), devrait faciliter ce type d'opérations, bien que la commission de Protection se c a m p e sur une position très conservatrice pour le quartier. *

Le fait d'avoir inscrit ce périmètre c o m m e "secteur sauvegardé" ne garantit pas pour autant la sauvegarde de la silhouette et de la structure urbaine historique de la péninsule. L'exemple des nombreux "sites pilotes sauvegardés" témoigne de la difficulté de faire suivre ces décisions administratives d'effets concrets. L e problème n'est d'ailleurs pas tant la silhouette, assez bien protégée depuis le plan d'Henri Prost, mais l'inaction que la situation actuelle entraîne, incitant à des irrégularités et condamnant d'autre part le quartier à la dégradation.

C e plan a pour ambition d'améliorer la circulation du centre historique en conformité avec la forme originale de la péninsule. E n effet, il y a aujourd'hui une grande différence entre la population active séjournant sur la péninsule dans la journée et la population résidente. L e but affiché de ce plan est de combler cette différence en essayant de diminuer la densité de la circulation et d'améliorer la qualité des infrastructures et enfin d'évacuer hors de la péninsule les activités artisanales et industrielles pour les remplacer par des activités touristiques et culturelles. Les principes généraux du plan sont de "promouvoir les possibilités de développement culturel et touristique et de freiner le développement des activités dévoreuses d'espace".

40 Pour une meilleure lisibilité, cette commission sera désignée dans la suite du texte c o m m e "commission de Protection".

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II. L a législation sur la protection du patrimoine historique

E n droit international, l'Etat turc a manifesté à plusieurs reprises son souci de protéger le patrimoine historique et culturel en s'engageant sur des textes majeurs du droit international en la matière41. À ce titre, la Turquie est signataire de la convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel adoptée par la conférence générale de P U N E S C O à sa dix-septième session en novembre 1972. Les "zones historiques d'Istanbul" ont été inscrites sur la liste du patrimoine mondial de P U N E S C O le 06 décembre 1985, à la demande de la Turquie.

E n outre, au niveau national, la protection du patrimoine est considérée c o m m e un devoir d'Etat par la Constitution puisque "l'Etat assure la protection des valeurs et des biens historiques, culturels et naturels, prend des mesures pour les soutenir et les favoriser" (article 63).

L a notion de la protection du patrimoine est une préoccupation assez récente en Turquie42, et souvent incomplète dans la mesure où les acteurs de la vie publique conservent encore largement une conception monumentale du patrimoine. Certes, depuis 1983, les mentalités changent avec la disposition la plus importante et la plus détaillée concernant la protection du patrimoine historique : la loi de protection du patrimoine culturel et naturel n°2863 du 21 juillet 1983. Cette loi a été élaborée afin de fixer les définitions relatives aux biens mobiliers et immobiliers culturels et naturels nécessitant une protection, de fixer les travaux et les opérations à mener et de créer les structures administratives chargées de superviser ces besoins. L a mise en pratique des dispositions de cette loi est assurée par la commission de Protection du patrimoine culturel et naturel 43. Concernant les biens immobiliers culturels et naturels, la loi prévoit des principes de protection soit totale, soit partielle. L'article 5 de la loi précise que, m ê m e s'ils relèvent de la propriété privée, tous les biens mobiliers et immobiliers culturels et naturels sont considérés c o m m e "bien public".

L a République de Turquie est signataire d'un grand nombre de traités qui régissent la protection du patrimoine historique et culturel. Elle est notamment signataire de la "Convention du patrimoine mondial", convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel, signée à Paris le 16 novembre 1972 et du traité "pour la protection de l'héritage architectural européen" signé à Grenade le 14 février 1983. Le droit interne turc considère les traités internationaux c o m m e ayant force de loi. L'article 90 de la Constitution concernant les traités internationaux est ainsi libellé : "Les traités internationaux mis régulièrement à jour ont valeur de loi. Ils ne peuvent faire l'objet d'un recours pour inconstitutionnaliti auprès de la Cour constitutionnelle".

42 C'est avec l'avènement de la République que les premières interventions sur le patrimoine voient le jour, avec en 1924 la création de la commission pour la Conservation des monuments historiques. Cette commission a effectué un travail efficace pour la préservation d'un grand nombre de monuments turcs et pré-turcs. A cette époque, la seule contrainte pour ces monuments était le risque dû au mauvais entretien. L e programme de conservation le plus important est le Palais de Topkapy. E n 1951, et ce jusque en 1983, le conseil Supérieur des monuments, entité autonome est créé. C'est ce conseil qui décide de l'inventaire et de la classification de tous les monuments ainsi que du contrôle des projets de restauration. C'est de cette époque que date le début d'une approche conceptuelle de l'idée du site historique. C e conseil a juridiction sur les monuments isolés mais pas sur un site. Les municipalités ont procédé alors à de nombreuses destructions dès lors que le bâtiment ou le monument ne figurait pas sur la liste du Conseil.

43 Ces commissions sont formées de cinq membres permanents dont trois sont des représentants désignés par le ministère de la Culture parmi des spécialistes en archéologie, histoire de l'art, muséologie, architecture et urbanisme et dont deux des membres sont des universitaires spécialisés en archéologie, histoire de l'art, architecture et urbanisme désignés, à condition qu'ils ne soient pas de la m ê m e discipline, par le conseil d'Etudes supérieures i partir des différentes universités. Toutefois, fi le sujet à examiner concerne un bien immeuble situé dans la c o m m u n e , le maire ou son représentant technicien participe i la réunion et dispose du droit de vote. Les conseils peuvent également convoquer des conseillers experts en la matière à condition qu'ils n'aient pas droit de vote.

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Les fonctions et les compétences des conseils de Protection sont prévues par l'article 5 7 de la loi. Elles comprennent :

a) l'enregistrement des biens culturels et naturels nécessitant une protection et constatés par le ministère (ou que le ministère a fait constater) ;

b) la classification des biens culturels à protéger ;

c) la précision des conditions de construction de la période de transition à partir de l'enregistrement des sites ;

d) l'étude et l'approbation des plans de construction destinés à la protection et de tout a m e n d e m e n t sur ces plans ;

e) la constatation des zones de protection des biens immobiliers culturels et naturels exigeant la protection ;

f) la suppression de l'enregistrement des biens immobiliers qui ont perdu leur qualité de "biens immobiliers culturels exigeant la protection" (bâtiments détruits) ;

g) la prise de décision destinée à la mise en pratique concernant les biens culturels et naturels exigeant la protection et leurs zones de protection.

Cet article impose i toute personne physique et morale et à tout établissement public - y compris les mairies - l'obéissance aux décisions des conseils de Protection. E n cas de désobéissance aux décisions des conseils, des sanctions pénales sont prévues.

A . L e contenu de la protection

L a loi prévoit le système "d'enregistrement" pour la protection des biens culturels et naturels. L a protection s'effectue en site ou en construction selon la zone sur laquelle les biens à protéger se situent.

Protection des sites: la loi définit les sites c o m m e les villes et les ruines de ville portant en eux des caractéristiques sociales, économiques et architecturales de leur temps. Selon cette definition, il s'agit de trois types de site en Turquie : site archéologique, site urbain et site naturel. L a péninsule historique où se trouvent les c o m m u n e s d ' E m i n o n û et de Fatih a été déclarée "Site historique et urbain" par u n e décision d u 7 Juin 1995 de la commission de Protection des biens culturels et naturels no :1 d'Istanbul.

Selon l'article 7 de cette loi, la déclaration du statut de site par la commission de Protection arrête l'application du plan de construction sur cette zone et les conditions de construction de la période de transition sont précisées dans un délai de 30 jours par la commission de Protection. C e s conditions de construction de transition s'appliquent jusqu'à ce que les plans de construction entrent en vigueur. Ces plans doivent être préparés par les autorités municipales et être transmis dans u n délai d 'un an m a x i m u m à la commission de Protection. Les conditions de construction en période de transition s'annulent automatiquement lors de l'entrée en vigueur des plans de construction destinés à la protection approuvés par la commission de Protection. Pour tout amendement des plans de construction destinés à la protection, il faut s'adresser à la commission de Protection afin d'obtenir son avis favorable.

L a commission de Protection des biens culturels et naturels n° 1 d'Istanbul a précisé "les conditions de construction en période de transition du site de la péninsule historique par la décision no 6898 du 2 A o û t 1995. Toutefois, les plans d e construction destinés à la protection qui auraient d u être

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préparés selon la loi dans un délai d'un an m a x i m u m ne sont pas encore déposés à la commission de Protection. O n sait que la mairie du G r a n d Istanbul prépare toujours le plan directeur au l/5000è destiné à la protection et qu'elle ne l'a pas encore terminé. C'est seulement après l'entrée en vigueur du plan directeur au l/5000è destiné à la protection, que la mairie de Fatih devra préparer le plan de construction et d'application au l/1000è destiné à la protection, le présenter à la commission de Protection pour avis favorable et ensuite aux assemblées municipales de Fatih et d'Istanbul pour être approuvé. Cela permettra l'entrée en vigueur du plan de construction d'application destiné à la protection.

E n attendant, il est nécessaire d'obtenir l'autorisation de la commission de Protection pour toute intervention physique dans le secteur d u site. C h a q u e projet immobilier doit être soumis à la commission de Protection qui peut agir de façon arbitraire. L a hauteur des bâtiments est un des critères souvent pris en compte, mais il n'y a pas de cahiers des charges. L a Commission n'a toutefois la possibilité de contrôler les réalisations a posteriori que si la municipalité estime que la réalisation n'est pas conforme au projet initial (pour délivrer le permis d'occuper).

Protection en construction: la loi définit le patrimoine culturel c o m m e tout bien mobilier ou immobilier; historique ou préhistorique; terrestre, souterrain ou sous-marin, scientifique, culturel, religieux ou artistique. Selon l'article 6 de la loi, les biens culturels et historiques à protéger sont :

a) les biens naturels à protéger et les biens immobiliers construits jusqu'à la fin du 19ème siècle ;

b) les biens immobiliers construits à partir de la fin du 19ème dont la protection est demandée par le Ministère de la Culture en raison de leur importance patrimoniale ;

c) les biens immobiliers culturels se trouvant dans le périmètre du site44 ;

d) les bâtiments et les zones recensés c o m m e témoins des grands événements historiques de la guerre d'indépendance et de la fondation de la République de Turquie.

B . L e cas des interventions sans autorisations

L'article 9 de la loi interdit toute intervention physique et de construction sur les biens immobiliers ' culturels et naturels et tout changement de leur utilisation contraire aux décisions de la commission de Protection. Selon cet article, la réparation, la construction, l'installation, le sondage, la démolition en totalité ou en partie, les fouilles et travaux semblables sont considérés c o m m e des interventions physiques de construction.

Par conséquent, il est impératif d'obtenir l'autorisation de la commission de Protection pour tout intervention sur les biens culturels. E n cas de violation de ce principe, l'article 65 de la loi prévoit une peine d'emprisonnement de là 5 ans.

44 L a loi donne des exemples concrets de biens immobiliers culturels : acropoles et nécropoles, forteresses, citadelles, tours, muraille, casernes historiques, caravansérails, auberges orientales, bains turcs, medrese (école religieuse), coupole, turbe (mausolées) et kitabe (inscriptions), aqueducs, citernes et puits, palais historiques, kiosques, yaly (maisons de plaisance au bord de la mer) , konak (grande résidence), mosquées, sebil (fontaine), cimetières, bedesten (bazars), grands bazars, synagogues, basiliques, églises, monastères, monuments historiques et mines de murs, fresques, reliefs, mosaïques...etc. Les constatations relatives aux biens immobiliers culturels exigeant la protection sont enregistrées suivant la décision de la commission de Protection et annotées au registre foncier où le bien immobilier est inscrit. Les décisions d'enregistrement sont communiquées aux personnes et aux établissements concernés c o m m e la mairie.

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C . Les modalités d'intervention et de protection sur le patrimoine culturel

L a commission de Protection distingue deux types d'intervention concernant les bâtiments protégés :

• l'intervention simple (concerne les réhabilitations légères) : comporte la réparation ou la modification adaptée des éléments extérieurs c o m m e le toit, la porte, la fenêtre, la peinture et les installations électriques et de "toute modification sans effet sur les fondations". Pour ce type d'intervention, l'autorisation de la commission de Protection est suffisante (il suffit de présenter, après la fia des réparations, les photos montrant la situation présente du bâtiment à la commission) et il n'est pas nécessaire de s'adresser à l'autorité municipale pour un permis de construire.

• l'intervention complexe (concerne les réhabilitations lourdes et les restaurations) :

concerne des interventions lourdes (ou "réparation qualifiée") du type restauration. Pour que le conseil autorise les réparations qualifiées, il faut faire une demande avec un relevé précis et un projet de restauration au l/50ème et un plan d'intérieur au l/100ème. U n projet de restauration doit prendre en compte les éléments architecturaux, statiques, l'électricité et les réseaux. Il est nécessaire de faire un projet par bâtiment sous la responsabilité d'un architecte.

L'intervention sur ces sites se réfère alors à la législation sur la construction. Par conséquent, une fois que l'on a l'autorisation de la commission, il faut obtenir un permis de construire auprès de la direction de la Construction de la municipalité (cette autorisation ne concerne pas les autorisations simples). A partir de ce moment-là, légalement, il est prévu que toute construction soit supervisée par des "techniciens opérationnels" (architecte, ingénieur de la construction ou ingénieur électricien selon la nature du projet) qui doivent contrôler la conformité de la construction au permis et aux projets joints au permis. Le technicien opérationnel qui n'avertit pas l'administration de la non-conformité de la construction au projet et au permis est puni d'emprisonnement et d'interdiction d'exercer sa profession. U n e fois la construction ou l'intervention achevées, le bâtiment ne peut pas être utilisé sans un "permis d'occupation" délivré par l'autorité municipale.

Ces mesures ne sont suivies d'aucune mesure incitative (subventions, crédits ou autres facilités ,en vue de la restauration par les particuliers). L a commission de Protection a une attitude restrictive sans disposer des moyens d 'un contrôle adéquat.

E n l'état actuel de la législation, les conditions de construction provisoires concernant le périmètre d'étude sont les suivantes :

- Tous les projets de construction dans le quartier doivent passer par la commission de Protection. - Les dépôts, commerces de gros ou ateliers causant du bruit ou des risques d'incendie, les ateliers de production (hormis pour les petits artisans) et les garages doivent être évacués.

- Pour la mise en valeur des environs de la muraille byzantine, la construction aux abords y est interdite. Il faut pour cela évacuer et organiser en espaces verts les parcelles qui ne contiennent pas de bâtiments classés et réviser la situation des bâtiments classés. L'aménagement de ces espaces dépend de la municipalité du Grand Istanbul. - Il est interdit de construire des parkings souterrains ou en étages sur le site.

D . L'expropriation et les problèmes de propriété

Pour intervenir sur les quartiers de Balat et de Fener en termes d'amélioration des logements, il convient

d'évaluer l'état de la propriété dans le secteur. Les problèmes de copropriété sont essentiels m ê m e si, dans le périmètre d'étude, la propriété est, dans la majorité des cas, unique. E n effet, sur les 1401

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parcelles du périmètre 9 6 , 2 % de la propriété est basée sur la parcelle alors que 3 , 6 % l'est sur l'immeuble. D e s 9 6 , 2 % de propriétés à la parcelle, 5 7 % n'ont qu 'un seul propriétaire et 4 3 % sont en copropriétés. Pour intervenir sur des bâtiments en copropriété, l'approbation de chacun des propriétaires, attestée par un notaire, est indispensable.

Peut-on utiliser l'expropriation c o m m e outil d'aménagement dans le quartier ? Selon une disposition spéciale45, le ministère de la Culture est compétent pour l'expropriation des biens immobiliers culturels et de leur zone de protection. Les édifices qui figurent sur le plan de construction, enregistrés et conformes aux objectifs culturels, peuvent être expropriés par l'autorité municipale,- à condition qu'ils soient rétablis et réparés suivant les objectifs culturels ou toute utilité publique- après la décision des conseils de protection et l'approbation du ministère de la Culture. L a compétence d'expropriation qui sera attribuée par le ministère de la Culture à la mairie de Fatih doit contenir les numéros des îlots, de cartes et des parcelles à exproprier.

Toutefois, l'expropriation de terrains pour les routes, les espaces verts et les parkings figurant dans les sites et les zones de protection des biens immobiliers culturels relève de la compétence totale de l'autorité municipale, une approbation spéciale de la part du ministère de la culture n'est pas nécessaire.

III. Description du protocole entre la mairie de Fatih et le ministère de la Culture

L a municipalité de Fatih a signé un protocole d'intervention46 avec la Direction générale de la protection des biens culturels et naturels, dépendant du Ministère de la Culture le 09 juillet 1997.

C e protocole concerne la "revitalisation, la protection, la réhabilitation et la rénovation des bâtiments historiques, culturels et artistiques" dans les limites administratives de la municipalité de Fatih. C e texte est l'outil indispensable pour envisager une quelconque opération d'aménagement ou une réhabilitation lourde de bâtiments sur les quartiers de Fener ou de Balat.

L'objectif de ce protocole est de protéger et de revitaliser le tissu urbain de l'arrondissement de Fatih et d'établir une "coopération technique et une cohérence opérationnelle lors des travaux effectués pour la protection du tissu historique de Fatih".

4> Article 15 de la loi n° 2863 sur la protection du patrimoine culturel et naturel.

46 Estimant ce texte capital quant à l'étendue de son c h a m p d'application et de sa portée opérationnelle, ce protocole a été traduit en français et placé en Annexe.

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LES SOURCES DE FINANCEMENT : PREMIERES PISTES

I. Les sources de financement public

Concernant les secteurs sauvegardés, le logement comprend deux sources distinctes de financement public en Turquie. L a première dépend du ministère de la Culture, la seconde de la direction de l'Habitat collectif ( T O K I en turc).

A . L e fonds de contribution à la restauration (ministère de la Culture)

Selon la loi, le ministère de la Culture a la charge de prendre des mesures concernant la sauvegarde du patrimoine: L a protection des biens culturels est considérée d'utilité publique : pour cela, le Ministère doit m ê m e aider financièrement et techniquement les propriétaires publics ou privés47. A cet effet, un fonds de contribution à la restauration des biens culturels a été créé. C e fonds prévoit d'accorder des prêts plafonnés, pour cette année à 3 milliards de T L par emprunt (soit l'équivalent de 13.600 euro), remboursable en dix ans. Les conditions de remboursement sont très avantageuses puisque le taux d'intérêt est de 25%, soit un quart du taux d'inflation réel. U n crédit doté d'un taux d'intérêt aussi faible constitue une exception en Turquie.

Dans la pratique, ce fonds est une coquille (presque) vide puisque ce fonds a contribué à n'aider que 13 propriétaires en 1997 pour un montant global de 25 milliards de T L , soit un peu moins de 2 milliards de T L par propriétaire aidé. Les perspectives pour l'année 1998 s'avèrent encore plus sombres puisque ce fonds sera probablement augmenté de 70 ou 80%, soit 2 0 % de moins que l'inflation.

A noter que c'est dans ce contexte qu'un protocole entre le ministère de la Culture et la municipalité de Fatih a été signé.

B . Les possibilités de financement par l'intermédiaire de T O K I (direction de l'Habitat collectif)

«Cet organisme (Toplu Konut Idaresï) est rattaché au cabinet du premier ministre. Il constitue une sorte d'Office des H L M . Sa vocation première est la construction de logements neufs destinés à la vente (ne s'occupe pas par conséquent des logements locatifs). Cet établissement fournit d'une part, des crédits pour ses propres projets (Istanbul-Halkaty, Lzmit-Yahyakaptan, Ankara-Eryaman), d'autre part des crédits aux coopératives. L e montant des sources de crédits de cet établissement est nettement supérieur aux crédits fournis par les autres établissements.

Depuis quelques années, cet organisme s'intéresse de plus en plus au parc de logements anciens et entreprend une réflexion dans ce domaine48. Il apparaît que cet organisme peut constituer un outil fondamental pour la réussite du projet pour les raisons suivantes : 1. T O K I souhaite intégrer dans son c h a m p d'action le stock des logements existants, et plus particulièrement le stock de logements en secteurs sauvegardés. Dans cette perspective, deux actions sont en cours :

47 Article 10 et 12 de la loi n. 2863.

Le développement qui suit est issu d'un entretien mené par Gûzin Kaya avec la sous-directrice générale de T O K I , MmeYyïdyz T O K M A N , le 7 novembre 1997 à Ankara.

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- une négociation avec l'Institut de la Statistique de l'Etat (Devlet Istatistik Enstitüsü, D I E ) pour la signature d'un contrat visant à réaliser un inventaire du parc de logements existants ; - la reprise des études préliminaires démarrées en mars 1994 concernant la préparation d'un décret pour le financement de la réhabilitation du parc de logements anciens et de l'amélioration de l'environnement dans les secteurs sauvegardés.

2 . T O K I s'intéresse au projet de réhabilitation de Balat-Fener49. Bien que le décret concernant la question de l'aide au logement ancien ne soit pas encore prêt, il semblerait qu'il soit possible de demander un financement auprès de cette institution pour autant que le projet qui leur sera présenté est conforme à leur politique générale.

E n résumé, T O K I est un organisme clé car : - cet organisme est lui-même en train de mettre au point une politique d'intervention sur le stock de logements existants. D e ce fait, il envisage de façon extrêmement positive toute tentative de promotion de réhabilitation dans les quartiers défavorisés.

- c'est le seul organisme public en mesure d'apporter un financement conséquent pour monter u n tel projet lors de la phase opérationnelle. Par ailleurs, T O K I est demandeur d 'un échange de savoir-faire et d'expérience dans le domaine de la réhabilitation des secteurs sauvegardés. - enfin, une analyse détaillée du projet de décret ("décret pour la réhabilitation du stock de l'habitat et l'amélioration de l'environnement dans les secteurs sauvegardés") montre que cet organisme a vraiment réfléchi aux conditions concrètes d'amélioration du bâti ancien avec un système de prêts diversifiés.

II. Les sources de financement privé

Les crédits individuels sont délivrés, quant à eux, par les banques privées. Ces crédits sont des crédits au logement ou à la consommation. Ces emprunts sont remboursables dans un délai variant de trois à cinq ans. L'inconvénient de ce type de crédit est qu'il s'avère être beaucoup plus cher que les crédits publics, de l'ordre de 20 à 3 0 % de plus que l'inflation annuelle (soit un taux d'intérêt réel annuel de 120 à 130%).

A part cela, une aide (réduction du prix d'achat, dons) est prévue pour les produits de construction provenant du secteur privé, notamment les matériaux de construction.

III. Distribution et garanties de crédits

Comment garantir les retours des fonds prêtés aux personnes ?

1. L a caution Cette forme de garantie concerne les dettes de petite importance. Les garants signent alors une convention avec l'organisme prêteur pour l'emprunteur et sont responsables des dettes à travers leurs biens personnels si celles-ci ne sont pas recouvertes. Cette forme de garantie est très intéressante car si la personne endettée n 'a pas de biens immobiliers sur lesquels les tribunaux peuvent exercer une saisie, ils peuvent donc le faire sur les biens des garants. Ceci permet donc de prêter aux personnes les plus démunies en cas de dénuement total des particuliers.

T O K I souhaiterait être mis au courant de l'avancée du projet ainsi que des conclusions de l'étude de faisabilité. U n e réunion de coordination est prévue à ce sujet au tout début du mois de janvier

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2. L'hypothèque

Effectuée au cadastre en présence du ou des propriétaires accompagné(s) des représentants de l'organisme créditeur, l'hypothèque porte sur la valeur du crédit et non sur celle du bien. Elle constitue de ce feit le meilleur moyen de garantir le retour des fonds car elle passe au nouvel acquéreur en cas de vente du bien (la dette change de mains). Si le bien est en copropriété, la vente en cas de saisie porte sur tout le bien car l'hypothèque n'est pas soldée au moment de la vente. Il faut donc un accord nécessaire de tous les copropriétaires : les projets impliquant un crédit gagé sur l'hypothèque doivent donc se faire à l'échelle de la copropriété.

E n cas de crédit hypothécaire, il est impossible d'empêcher un propriétaire de vendre son bien sans raison légale. Il ne faut pas considérer l'hypothèque c o m m e un moyen de protéger les locataires d'un changement d'attitude d'un propriétaire après réhabilitation de son logement. Les garanties contre la spéculation après réhabilitation sont faibles car le produit de la vente permettra dans la plupart des cas de rembourser la dette contractée.

Par contre, il est aussi possible de donner des crédits à certaines conditions (comme un contrat d'une durée minimale de cinq ans par exemple), ce qui peut assurer la protection du locataire pendant la durée du bail : le propriétaire vendant son bien vendra aussi l'engagement qu'il aura pris auprès de la coopérative de conserver le locataire en place suivant un barème de loyers réglementé.

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LA DEFINITION DES CONDITIONS PREALABLES

La marge de manoeuvre de la municipalité de Fatih

L a municipalité de Fatih dispose de peu de moyens financiers pour agir. Elle est donc a m e n é e à composer avec d'autres acteurs : les ministères, la municipalité d'Istanbul, des mécènes, des investisseurs, les propriétaires et les habitants des quartiers. L'expérience en cours dans le quartier de Zeyrek montre qu'il est possible de mobiliser des capitaux importants pour favoriser une transformation rapide, si le secteur pris en compte dispose d'atouts conséquents.

L e rôle de la municipalité apparaît central pour définir une politique de transformation des quartiers. Institution locale reconnue, malgré des moyens financiers réduits, elle est l'acteur qui peut orchestrer les actions tant de la puissance publique pour réaliser des équipements (parfois avec des mécènes), que du secteur privé qui doit être stimulé et régulé à la fois, pour atteindre les objectifs.

Un projet urbain maîtrisé

L e projet de Zeyrek est riche d'enseignement sur les effets possibles d'un processus trop dépendant du secteur privé et non régulé. L a municipalité ne peut alors imposer l'essentiel de ses objectifs. E n effet, cette expérience montre la distance entre les objectifs affichés et les réalisations. L a recherche de bailleurs de fonds ne peut suffir à orienter un projet urbain. L e projet d'aménagement doit donc être le fruit d'une stratégie d'aménagement. Les outils de mise en œuvre et la gestion politique du projet ont un impact important sur les résultats, tant sociaux qu'économiques. Le cadre architectural et urbain doit être organisé selon un processus cohérent avec les objectifs recherchés.

Par ailleurs, l'attitude de la municipalité agit sur la formation des prix des terrains. U n e action discrète est nécessaire si la municipalité veut procéder à quelques acquisitions foncières dans le quartier. Des mesures anti-spéculatives sont par ailleurs à mettre en place.

L'objectif du projet est quadruple : 4

1. Améliorer le logement, ayant c o m m e but principal de le rendre décemment habitable tout en respectant ses caractéristiques architecturales et urbaines. S'agissant d'un habitat d'origine modeste ces deux buts ne sont pas contradictoires. 2. Fournir un certain n o m b r e d'équipements de quartier en mettant l'accent sur l'activité postscolaire des jeunes dans le cadre des huit années d'enseignement obligatoire, ainsi que sur les équipements sanitaires de proximité (dispensaires, centres de soins, loisirs). 3 . Assurer une activité d'encadrement et de formation pour les adolescents et les jeunes à travers des centres d'éducation et de formation professionnelle, en partie liés aux activités qu'entraînera directement ou indirectement la réhabilitation du quartier. 4 . Rendre le quartier habitable par l'amélioration des infrastructures et des services publics, le traitement de son environnement urbain et par une redynamisation du commerce et de l'artisanat.

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Une démarche participative proche de la population

Les acteurs de l'opération sont multiples : - l'Union européenne apporte un soutien financier pour des projets socio-professionnels et de mise en valeur du quartier (équipement, actions phares de valorisation d'espaces publics) et pour la constitution d'outils permettant la revalorisation du périmètre (mise en place de l'Atelier de quartier, de la coopérative) ainsi que pour des subventions sur des éléments structurels de réhabilitation (prise en charge d'une part des travaux sur les fondations, les façades et les toitures). - la mairie de Fatih participe activement à la réalisation du projet par des actions sur le terrain : réalisations d'équipements de quartier, pression auprès des ministères concernés pour réaliser les travaux d'infrastructures et d'équipements socio-éducatifs (santé, sport, éducation). L a mairie met en place un programme d'intervention sur quatre ans et constitue des réserves foncières pour la localisation des équipements. Son rôle est central pour coordonner et impulser les actions à mener et réguler un marché qui devra être stimulé. - T O K I apporte un soutien financier en développant une politique de crédit innovante spécifiquement adaptée à la réhabilitation du patrimoine bâti (prêts à taux très avantageux). - le ministère de la Culture, à travers la commission de Protection coopère et négocie les principales prescriptions architecturales avec l'Atelier de quartier, réévalue les biens culturels du quartier et favorise la restauration des monuments pour y implanter des équipements de quartier. - le centre du Patrimoine mondial de P U N E S C O exerce une fonction de surveillance, d'expertise et de conseil auprès du ministère de la Culture et des autorités responsables de la conservation du patrimoine. U n e expertise régulière est envisagée durant la phase opérationnelle ainsi qu'une contribution à la formation aux méthodes de conservation et de protection du bâti ancien.

- la municipalité du G r a n d Istanbul réaménage les espaces ouverts sur la Corne d ' O r en fonction des besoins en équipements sportifs et verts des quartiers environnants, assure l'amélioration du réseau d'eau potable et d'assainissement et entreprend la réalisation du réseau de gaz. - la coopérative (cf. supra) est le moteur de la réhabilitation du quartier, assurant le contrôle social des réhabilitations sous la responsabilité opérationnelle de l'Atelier de quartier (équipe technique).

- le locataire n 'a pas de stabilité dans les conditions actuelles du marché locatif. Légalement, il ne peut agir qu ' à la marge sur son logement (peinture, petit équipement). Sans garanties, le locataire investira peu sur son logement : le chauffage, la cuisine, les sanitaires, les menuiseries, la toiture ou la structure étant à la charge du propriétaire.

*- les propriétaires doivent constituer le noyau dur de l'opération et être largement impliqués dans le processus de réhabilitation par des incitations diverses (subventions, prêts avantageux) :

• le propriétaire occupant a une vie sociale fortement implantée dans le quartier, Il peut faire l'objet d'une politique économique et sociale prioritaire de la part de la municipalité. L'aide doit porter sur la pierre plutôt que sur la personne en raison d'une forte mobilité résidentielle. - le propriétaire non occupant agit soit en épargnant en recherchant une plus-value (investissement spéculatif) soit en investisseur immobilier (recherche d'une rente locative): S'il agit c o m m e spéculateur, il ne favorise pas le redéveloppement du quartier et vient seulement capter la rente foncière. S'il agit en propriétaire-bailleur, il peut faire l'objet d'une politique de crédit visant à stabiliser la population de locataires.

- l'Atelier de quartier, accueillant l'équipe technique apport les conseils et constitue les dossiers techniques avec son équipe d'architectes, un ingénieur, un économiste de la construction, un agent de communication. Son rôle est essentiel dans le quartier pour dynamiser sans excès le marché immobilier, définir les cahiers des charges précis à appliquer sur chaque bâtiment, réaliser des études techniques et concevoir les aménagements. - les associations constituent le liant entre toutes les institutions portant le projet, assurent un relais stratégique pour faire remonter les demandes, sensibiliser la population, etc..

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L a transformation doit se faire en douceur, apportant un appui technique permanent, attirant des mécènes pour des actions sur des sites clairement identifiés, et en définissant une stratégie de communication de la municipalité appropriée au processus pour une mise en œuvre plus efficace.

Organigramme de la structure opérationnelle

Le fonctionnement de la structure opérationnelle nécessite la création d'une unité de gestion (Project M a n a g e m e n t Unit). Cette unité de gestion aura pour objectif la constitution d'une équipe technique et d'une coopérative, cette dernière ayant en charge la seule réhabilitation des logements. Descriptif :

a) unité de gestion - L'unité de gestion ( P . M . U . ) constitue le noyau dur du processus. Elle est codirigée par un directeur turc, n o m m é par la municipalité et par un directeur européen, désigné par le bureau d'études qui aura remporté l'appel d'offres européen. Cet organisme aura la charge de mettre en oeuvre les quatre priorités évoquées plus haut et aura donc la charge de constituer l'équipe technique. - Cette unité gère le budget global affecté i l'opération et se charge de la réalisation des équipements, en dehors de ceux qui sont de la compétence de la mairie et procède aux opérations immobilières nécessaires pour cela.

- Il serait toutefois souhaitable d'établir un comité consultatif composé des commerçants, d'intellectuels et d'associations de voisinage ainsi que de représentants de la coopérative ou de la mairie pour discuter les décisions importantes concernant la nature et l'implantation des équipements ainsi que l'aménagement du quartier en général.

b) équipe technique (recruté par le P . M . U . ) • L'équipe technique doit mettre en place, en coordination avec l'unité de gestion et en consultant la coopérative, les équipes des intervenants professionnels dans la réhabilitation des bâtiments en assurant progressivement la formation d'équipes locales parmi les jeunes du quartier. Elle doit assurer un suivi très étroit de la formation et de l'exécution des travaux en responsabilisant les bénéficiaires afin qu'ils inspectent eux m ê m e s les travaux exécutés chez eux et en mobilisant pour cela la coopérative qui reste responsable envers l'unité de gestion de la bonne exécution de ceux-ci. - L'équipe technique forme un Atelier de quartier: Avec ses experts, elle étudie les aspects

«fonciers, professionnels, mais aussi pédagogiques et sociologiques de la formation des équipements de quartier à caractère postscolaire ou éducatif-professionnel et fait des propositions à l'unité de gestion et au comité consultatif. - L'équipe technique, en collaboration avec la mairie de Fatih, et éventuellement la mairie du Grand Istanbul, élabore les schémas de quartier et les projets urbains nécessaires à la revitalisation du quartier. - L'équipe technique conservera une certaine indépendance par rapport à l'unité de gestion dans la mesure où une partie des experts de cette équipe sera recrutée par l'intermédiaire d'une institution scientifique localement reconnue.

c) coopérative (ne concerne que la réhabilitation des logements : voir ci-après).

La structure opérationnelle à même de porter l'opération "réhabilitation logements" : la coopérative

L'organisation en question se dessine donc sous la forme d'une coopérative de réhabilitation de l'habitat à laquelle doivent participer les deux éléments constitutifs du tissu social du quartier : les propriétaires et les locataires. Les coopératives, m ê m e s'il s'agit d'habitude de coopératives de

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construction, sont une institution courante, bien acceptée et bien rodée en Turquie, dotées donc d'une

expérience positive qui peut être mise à profit.

C e sont des fondations, dont le nombre de membres et le capital sont variables. Elles doivent veiller "à la sauvegarde des biens des membres inscrits, de leur niveau de vie et de leurs activités". U n e coopérative peut être créée par de simples citoyens, des administrations privées, des municipalités ou toute autorité locale, des associations ou des fondations. Pour créer une coopérative, il est nécessaire d'établir une convention (travail en cours par l'expert juridique de l'équipe). L'organisation interne est la suivanteî0: - un comité général, rassemblant tous les membres, - une commission directrice, élue par le comité général, chargée de diriger la coopérative, - une commission de contrôle chargée de contrôler la commission directrice. Le Comité, élu pour quatre ans, doit se réunir au moins une fois par an pour discuter le budget et le bilan. Les coopératives dépendent du ministère du commerce et des industries.

Cette coopérative est homogène et autonome. Elle est gérée directement par les habitants du quartier sans intervention dans ses affaires internes par l'unité de gestion ni l'équipe technique. Elle sera cependant conseillée par l'équipe technique et participera au comité consultatif de l'unité de gestion.

L a coopérative ne doit entreprendre aucune opération immobilière. Elle n'a vocation ni d'acheter, ni de vendre, ni d'exproprier, ni de se constituer des réserves foncières. Elle n'existe que pour décider des réhabilitations les logements. Si la municipalité ou l'organisme gestionnaire souhaite faire des réserves foncières, elle ne saurait utiliser la coopérative pour ce faire. E n outre, si celle-ci était habilitée à opérer la moindre transaction immobilière, elle deviendrait lieu de tensions spéculatives et aurait tendance à être accaparée par des personnes cherchant à spéculer, ou elle s'enliserait dans les conflits.

C'est au Comité Consultatif, sorte de conseil citadin qu'il reviendra de régler les éventuels conflits relatifs à l'organisation des réhabilitations tout c o m m e ceux relatifs aux choix des équipements dans le quartier. C e Comité n'aura qu 'un droit de regard sur les orientations d'aménagement. Toute opération d'expropriation, de constitution de réserves foncières, d'attribution de terrains où de logements vacants en possession des domaines ou d'acquisition à l'amiable, en vue de la création des équipements de quartier cités plus haut, est de la compétence de la mairie, assistée de l'équipe technique.

L a coopérative n'accorde pas du crédit aux personnes, qu'Us soient propriétaires ou locataires. Tout crédit en numéraire, dans la condition modeste des habitants actuels et dans la situation inflationniste du pays, risque d'être dépensé en vue de besoins plus urgents ou perçus c o m m e tels, ou d'être replacé avec un taux d'intérêt supérieur. Elle accorde du crédit à la pierre.

Les attributions de la coopérative : 1. L a coopérative prépare les dossiers de réhabilitation des logements en définissant les priorités et les besoins avec l'aide de l'équipe technique. Les formes d'intervention varieront selon qu'il s'agit de prêts de T O K I , de prêts de la commission Européenne ou de subventions de celle-ci. Elle établit d'après ces données son budget dans l'enveloppe qui lui est allouée par l'unité de gestion, le discute avec l'unité en question et l'approuve. 2 . Elle assure le suivi des opérations de réhabilitation avec l'assistance de l'équipe technique. Elle est responsable face à l'unité de gestion du bon déroulement de celles-ci. Elle règle en son sein les conflits entre ses membres.

30 Article 9 de la loi 1163.

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3. Elle assure le rôle d'intermédiaire et de garant entre ses m e m b r e s , notamment entre les propriétaires et les locataires. Tout crédit pour l'amélioration d'un logement en location doit être accompagné d'un accord entre le locataire et le propriétaire (contrat de quatre ou cinq ans par exemple), membres de la coopérative, empêchant l'expulsion du premier où une augmentation excessive du loyer pendant une période à fixer. 4. L a coopérative propose les réhabilitations à effectuer et soumet son budget à l'unité de gestion. Cette enveloppe budgétaire est calculée d'une part sur la base de la quote-part affectée à l'amélioration du logement dans le budget global, d'autre part sur le nombre d'années sur lesquelles s'échelonnera l'opération et dépend bien sûr de la qualité des projets présentés. 5. Cette s o m m e n'est pas versée aux caisses de la coopérative mais aux entreprises chargées de l'amélioration des logements dont les dossiers ont été proposés par la coopérative et visés par l'équipe technique. D e m ê m e , si la coopérative doit jouer un rôle de premier plan pour la récupération des s o m m e s prêtées, elle ne doit pas conserver les s o m m e s remboursées à moins qu'on ne pense rendre l'opération à terme autonome, les bailleurs de fonds et par conséquent l'unité de gestion se retirant progressivement et laissant la coopérative gérer la suite de l'opération sur ses fonds propres (perspective à discuter, tout c o m m e la destination de la capitalisation du projet à la fin de l'intervention). L'unité de gestion ne verse donc à la coopérative que les frais de ses dépenses courantes (locaux, personnel, secrétariat) tels qu'ils figurent dans son budget annuel.

L'équipe technique définit les besoins de réhabilitation dans leurs principes. Il paraît nécessaire qu'une partie des travaux - à définir et à chiffrer à l'unité - c o m m e la consolidation des fondations, la réfection des toits et la remise en état des façades, soit considérée c o m m e obligatoire, et que l'entrée d'un propriétaire dans la coopérative vaille engagement de réaliser ces travaux avec l'aide de celle-ci. Les travaux de gros œuvre étant pour une partie à la charge du propriétaire, il reste à décider si quelques travaux à la charge du locataire, c o m m e un min imum d'équipement sanitaire, pourraient être considérés c o m m e obligatoires (à discuter).

Il sera demandé aux occupants, propriétaires ou locataires, une participation minimale obligatoire. Ensuite, il reviendra à la coopérative, sous l'autorité du Comité Consultatif et de l'unité de gestion d'échelonner la part de subvention et la part du crédit dans l'aide apportée pour les travaux en fonction de l'amélioration du m o d e de vie des habitants ou de l'amélioration du bâti ainsi qu'en fonction de la demande des intéressés. Dans tous les cas, le propriétaire doit accepter de limiter sa plus-value 'locative (tout ou partie) pour permettre la réhabilitation puisqu'il a recours à un emprunt qu'il faudra rembourser.

D e la m ê m e façon l'équilibre entre subvention et crédit dans l'aide apportée à la pierre devrait être fonction de la solvabilité de l'intéressé, propriétaire ou locataire. Mais celle-ci étant très difficile à connaître, ou m ê m e à estimer, il serait plus opérationnel de prendre c o m m e base la valeur locative de la surface améliorée, qui est la valeur marchande de l'habitat, tempérée par le niveau social à maintenir. C e qui veut dire qu'une partie de l'aide apportée sera remboursée sous forme de loyer versé par le locataire ou le propriétaire - selon que les travaux seront considérés à la charge de l'un ou de l'autre et selon que le propriétaire soit occupant ou non - d'après une estimation faite en avance et prenant c o m m e base le loyer avant travaux augmenté d'un coefficient qui sera celui de la participation des habitants à l'amélioration du niveau de vie du quartier, et le restant sera considéré c o m m e une subvention. Dans ce calcul le rôle de la coopérative sera central, mais il faut qu'elle soit activement secondée par l'équipe technique. Points à voir :

- le locataire pourra-t-il prendre en charge un supplément à son loyer ? Quel intérêt aura-t-il ? C o m m e n t le motiver ? - les occupants ont-ils un compte bancaire ? - définir les caractéristiques de l'intervention de T O K I .

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L e s points qu'il reste à d é v e l o p p e r :

1) Quels sont les opérateurs privés susceptibles de porter le projet ? - partenaires privés : acteurs économiques (entreprises, artisans du quartier) ainsi que les propriétaires privés susceptibles de former le noyau dur. - analyse du rôle de chaque partenaire, de ses modalités d'intervention (expérience, capacité technique et financière) de ses points faibles ; description détaillée de la coordination entre les différents acteurs concernés par le projet.

2) L a question du logement - recherche des mesures financières incitatives en vue de la protection et propositions pour leur mise en application. - le choix de la structure opérationnelle pour procéder aux réhabilitations. - analyse besoins des réhabilitations (Rapport Yeomans remis le 12 janvier prochain) et coût (rapport K u y u m c u à la m ê m e date).

3) Description des priorités du projet, de la structure opérationnelle et des orientations d'aménagement - Propositions d'aménagement et actions d'urgence (mise en place de l'atelier de quartier, implantation des équipements prévus par les autorités locales, définition des cahiers des charges architecturaux).

4) Liste des fonds disponibles et préparation d'un chronogramme.

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ANNEXES

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TABLE DES MATIERES

Termes de références annexe n° 1

Organigramme de la mairie de Fatih annexe n° 2

P R O T O C O L E D'INTERVENTION S U R LE QUARTIER : MUNICIPALITE D E FATIH/MINISTERE D E LA C U L T U R E ....

annexe n° 3

Etat du bâti annexe n° 4

Cartes : analyse physique et spatiale du quartier.. annexe n° 5

- .Caractère du quartier - Amélioration du bâti -. Distribution fonctionnelle -. Vacances des logements

-. Espaces ouverts -. Matériau de construction - Hauteur du bâti -. Etat du bâti -. A g e du bâti-- Lieu de résidence des propriétaires - Répartition de la propriété annexe n° 6

Tableau des problèmes du quartier et réponses opérationnelles

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TERMES D E REFERENCES

L a tâche du consultant est de fournir une assistance aux autorités locales turques sur les projets de protection et de revitalisation du quartier de Fatih (centre historique d'Istanbul)

1. Contexte général du projet

L a ville d'Istanbul

Situation : agglomération de 10 millions d'habitants, Istanbul est un des foyers les plus remarquables du patrimoine historique et culturel de l'humanité, et plus particulièrement de l'Europe. A cet égard, la structure urbaine du centre-ville témoigne d'une forte mixité culturelle et sociale (historiquement, plusieurs noyaux urbains se sont constitués avec simultanément des quartiers ottoman, juif et grec orthodoxe). Croissance démographique : face à une croissance de la population de l'ordre de 4 % par an, les autorités locales et nationales sont extrêmement préoccupées par la gestion de la croissance urbaine qu'elles ont beaucoup de mal à maîtriser. Centre historique : les quartiers du Centre historique sont au nombre de trois : E m i n ö n ü (83.000 habitants), Beyodlu (229.000 habitants) et Fatih (462.000 habitants). S'il pèse peu en poids démographique, une grave question se pose sur le fonctionnement du Centre historique qui est asphyxié par la circulation et les dégradations de toutes sortes. Il est soumis à de multiples pressions foncières et, en dépit du classement au patrimoine mondial de l ' U N E S C O (inscription en 1985 pour ses zones historiques), sa conservation reste problématique et représente un enjeu patrimonial et urbain capital.

L e quartier de Fatih : l'arrondissement de Fatih couvre la majeure partie du site historique d'Istanbul intra-muros, soit 13 k m 2 (cf. carte de localisation en annexes) et constitue le quartier le plus peuplé du Centre historique. Avec un demi-million d'habitants, Fatih constitue le coeur m ê m e d u dynamisme du Centre historique. Cependant, ce quartier s'est fortement détérioré et a nettement perdu de son attrait économique. Il s'agit donc de procéder à une reconquête qui pourrait enclencher une dynamique de restructuration et de revitalisation servant de modèle à l'échelle de l'agglomération. La municipalité de Fatih, faisant preuve d'un grand dynamisme et d'une forte volonté politique a lancé une série de réflexions et de travaux pré-opérationnels visant à l'amélioration des conditions de vie des habitants du quartier. Structure institutionnelle : depuis 1984, le maire d'Istanbul est élu au suffrage universel direct et a un rôle de coordination entre les municipalités locales (plus d'une trentaine) dont les maires sont aussi élus directement. La municipalité du Grand Istanbul gère les services de base pour toute l'agglomération (transports, distribution de l'eau, services socioculturels), tandis que les municipalités locales exercent un niveau de responsabilité plus local (elles ont notamment la charge de la planification de l'utilisation d u sol, des permis de construire et du contrôle des constructions, de l'entretien des routes et des équipements de proximité, des services sociaux et sanitaires...).

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UNESCO-FAITH CONSULTANT

Le projet ;

L'opérateur entend élaborer un projet s'appuyant sur deux quartiers (Fener et Balat) et un Dot (Zeyrek), tous trois opérationnels sur lesquels la mairie a déjà c o m m e n c é à travailler (relevés architecturaux et parcellaires). Il vise à une opération de réhabilitation du patrimoine architectural de ces trois quartiers tout en intégrant l'articulation de ces quartiers à l'ensemble de l'arrondissement de Fatih.

Ces quartiers (et plus particulièrement celui de Zeyrek) sont des quartiers dans lesquels les conditions de vie des habitants sont extrêmement précaires (pas d'eau courante, m o d e de chauffage à la lignite, très nocif et polluant, conditions sanitaires déplorables, très grande proportion de chômeurs). La plupart des habitants sont des émigrés arrivés récemment du sud-est anatolien, à majorité kurde. Considérant que le logement c o m m e le travail sont des droits élémentaires, l'opérateur prendra particulièrement en compte la réinsertion sociale de ces populations défavorisées en proposant des solutions opérationnelles aux problèmes de logement, et en amorçant des pistes de réflexion pour la promotion d'activités permettant de lutter contre le chômage sévissant dans ces quartiers.

La protection ne doit pas signifier le gel de la situation existante, ou une entrave au développement. La notion de patrimoine doit constituer un élément d'aménagement tourné vers l'avenir et vers l'élaboration d'un projet économique et social. Outre la dimension patrimoniale fondamentale, l'enjeu social d'une telle étude est primordial ; l'objectif étant d'accorder la priorité au logement social et aux conditions d'existence des habitants.

Les priorités d u projet :

• développement du logement social (proposition d'aide et de financement en vue de la restauration des logements et des lieux d'activité pour les habitants et les usagers) ; • sauvegarde et mise en valeur du patrimoine monumental et architectural dans le respect des traditions artisanales (église byzantine, mosquées, habitat traditionnel en bois) ; • régénérescence et revitalisation du quartier (promotion du développement touristique et d'activités artisanales) ; • équipements de proximité et de voirie le tout en relation avec la stratégie générale du quartier et son insertion dans Phyper-centre d'Istanbul.

2. Les axes de coopération prioritaires entre la C o m m i s s i o n Européenne et la Turquie suscités par le projet

• développement et contribution à l'essor économique global ; • amélioration des services sociaux : éducation, santé, logement social ; • contribution à la formation de la main-d'oeuvre et à la professionnalisation de la filière Bâtiments et Travaux Publics à partir des opérations de restauration et de réhabilitation ; • réorientation de la filière touristique par des opérations " pilotes " exemplaires ; • protection de l'environnement et lutte contre la pollution (remplacement du chauffage au lignite par le gaz, traitement des déchets).

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3. Objectifs de la mission

A la demande d u maire de Fatih, et en accord avec les autorités locales et nationales, il s'agit de procéder à l'élaboration d'un projet de développement et de mise en valeur des quartiers de Zeyrek, Fener et Balat dans le cadre d'une mission d'expertise. Le Centre du Patrimoine mondial est l'opérateur retenu. Il aura la charge de mener les études préalables, l'évaluation financière et la recherche de partenariats en s'appuyant sur l'expertise de spécialistes européens.

4. T e r m e s de référence détaillés et méthodologie choisie

L'opérateur aura la charge d'assister les services compétents de la municipalité de Fatih dans l'identification et la vérification de la pertinence de la demande. L'opérateur évaluera la faisabilité de la demande et l'orientera en vue de déboucher sur un projet de développement économique et social.

La conduite de l'étude repose sur le choix méthodologique clair de positionner un chef de projet permanent servant de coordonnâtes tout au long de l'étude (à savoir six mois). U n e telle étude nécessite, de par la complexité des problèmes abordés et la diversité des partenaires intéressés, une présence opérationnelle constante. Le chef de projet devra procéder aux choix d'orientation de l'étude, au recrutement des experts locaux après avoir défini les besoins opérationnels avec les services municipaux et assurera le suivi des opérations. La nécessité d'un poste permanent s'impose

d'une part pour orienter et synthétiser le travail des experts locaux (chargés notamment d'effectuer des enquêtes de terrain pour déterminer les besoins de la population concernée par le projet, d'évaluer le niveau de réglementation du bâti et ses faiblesses, de décrypter le processus de décision au niveau institutionnel...).

d'autre part pour articuler les visites d'experts européens, cibler les attentes en fonction des enquêtes préalablement menées par les experts locaux et le chef de projet et préparer dans les meilleures conditions et de façon la plus productive possible les visites des spécialistes. Ceux-ci seront sollicités pour des expertises techniques précises (expertise "bois", expertise "circulation et équipements", expertise "financement du logement", expertise "patrimoine"...).

Pour cela, l'opérateur s'attachera à analyser les points suivants :

a) Identifier les partenaires concernés par le projet à toutes les phases : • partenaires institutionnels : la mairie du quartier de Fatih, les services municipaux du Grand Istanbul (municipalité métropolitaine), le Ministère de la Culture, les fondations pieuses (Vakyf), milieu associatif (association de sauvegarde du patrimoine, associations caritatives ou socio-éducatives).

• partenaires privés : acteurs économiques (entreprises, artisans du quartier) ainsi que les propriétaires privés. • analyse d u rôle de chaque partenaire, de ses modalités d'intervention (expérience, capacité technique et financière) de ses points faibles ; description détaillée de la coordination entre les différents acteurs concernés par le projet.

b) Définition détaillée des études à conduire : • évaluation du niveau de réglementation existant et du fonctionnement des plans de protection. .état du bâti, plan de détail des ¡lots, schémas de circulation, équipements publics et de proximité. U n e attention particulière sera portée sur les possibilités de restauration des maisons en bois (techniques utilisées, fonctionnalité, usage, évaluation des réalisations effectuées).

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• identification des opérateurs en matière de création d'emploi, de financement du logement et d'activités en général. • évaluation des études en cours, notamment celles réalisées par les services de la mairie de Fatih de façon très précise sur Zeyrek et en cours pour les quartiers de Fener et de Balat. .recherche des mesures financières incitatives en vue de la protection et propositions pour leur mise en application. • évaluation détaillée du budget : contrepartie des autorités locales turques (mise à disposition de personnel, secrétariat), acquisitions / expropriations, mobilisation de fonds possibles (sponsoring, partenariat avec des entreprises locales...) • description détaillée des circuits de financement, des montages de financement opérationnel de la mairie de Fatih permettant ultérieurement d'accueillir les fonds (quel relais financier proposer ?).

5. D o c u m e n t s à préparer

Le Centre du Patrimoine mondial aura la charge de préparer les documents suivants :

a) U n rapport détaillé sur la faisabilité du projet, sur les contraintes et les difficultés à venir. Le rapport détaillera les besoins prioritaires de la population en termes d'habitat et de travail (en insistant sur les possibilités de réinsertion des populations urbaines défavorisées) et déterminera les opportunités d'une coopération financière entre la Commission Européenne et les autorités turques, et plus spécifiquement la municipalité de Fatih. Ce rapport doit déboucher sur une proposition concrète d u projet et doit déterminer les possibilités de financement opérationnel ainsi qu 'un calendrier précis des actions à mener.

Pour chacun des trois quartiers sélectionnés :

b) U n rapport technique évaluant le travail à effectuer avec un échéancier précis et la justification des partenaires choisis, ainsi que les termes de référence détaillés de toute assistance technique européenne nécessaire au projet. c) U n e note récapitulative suivant le modèle fourni par la Commission Européenne contenant les éléments nécessaires pour tracer les grandes lignes des propositions financières et qui inclura, en annexe, un budget détaillé et la structure logique du projet (environ 8 pages).

6. Echéancier et organisation de la mission

La mission devrait être en mesure de démarrer le 1er septembre et durera six mois à compter de cette date. Par conséquent, la Commission Européenne devrait être en possession d 'un rapport intermédiaire à l'issue des quatre premiers mois de l'étude et du rapport final au terme de l'étude.

A leur arrivée à Istanbul, les participants à la mission devront prendre contact avec le chef de projet en place de façon permanente, celui-ci servant de relais avec les autorités locales. Les experts prendront contact en Turquie avec les autorités compétentes (ministères, la représentation de la Commission Européenne, institutions et organisations diverses) à m ê m e de les aider à mener à bien leur mission.

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PROJET DE PROTECTION ET DE REVITALISATION DE L'ENVIRONNEMENT CULTUREL DE FATIH

PROTOCOLE SIGNE ENTRE LA DIRECTION GENERALE DE LA PROTECTION DES BIENS CULTURELS ET NATURELS

MINISTERE DE LA CULTURE ET

LA MUNICIPALITE DE FATIH

Traduction résumée par nos soins du protocole signé le 09/07/1997 entre la mairie de Fatih et la Ministère de la culture

LA PORTEE DU PROTOCOLE :

LES PARTIES CONCERNEES ET LES DEFINITIONS :

LES OBJECTIFS

Concerne toutes les actions qui seront effectuées pour la revitalisation, la protection, la réhabilitation et la rénovation des monuments historiques, culturels et artistiques se trouvant dans les limites de la municipalité de Fatih située sur la péninsule historique d'Istanbul.

Le présent protocole a été signé entre la Direction Générale de la Protection des Biens Culturels et Naturels (dépendant du Ministère de la Culture) et la municipalité de Fatih. Dans ce présent protocole, le ministère de la Culture sera appelé 'le ministère' et la municipalité de Fatih 'la municipalité*.

L'objectif de ce protocole est de protéger et de revitaliser le tissu urbain de l'arrondissement de Fatih situé sur la péninsule historique, foyer, dans toute son histoire, d'occupations humaines variées. Ainsi, l'objectif est de : • préparer toute l'infrastructure nécessaire pour la valorisation du

tissu historique de l'arrondissement de Fatih dans le cadre de la campagne de l ' U N E S C O ,

• assurer un environnement conforme à l'identité historique de Fatih • assurer la coopération technique et la cohérence opérationnelle

lors des travaux effectués pour la protection du tissu historique de Fatih.

LES SERVICES : Dans toutes les limites de la municipalité de Fatih : 1. terminer les travaux de repérage et d'inventaire des biens culturels

à protéger ; 2. faire préparer des projets visant à la protection soit au niveau du

bâti, soit de l'environnement, 3. assurer l'application des projets existants et des projets en cours

de préparation (réparation, réhabilitation d'une rue, services d'infrastructure.) ;

4. assurer la publication de nouveaux documents et la mise à jour des documents existants concernant les biens culturels et leur protection ;

5. lancer une campagne d'information du public par la préparation de films documentaires, l'organisation de conférences et d'expositions, la publication de brochures, affiches, etc. ;

6. assurer une coopération entre les deux parties dans les domaines de l'acquisition et de l'expropriation pour tout projet de protection exemplaire m e n é e par la puissance publique ;

7. activer les sources de financement nationales et internationales pour la protection de Fatih.

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LA G E S T I O N D E S S E R V I C E S :

I. Les services définis dans ce présent protocole seront réalisés sous la direction de deux comités que vont former d'une manière réciproque le ministère et ia municipalité selon les compétences des partie.

1. Comité d'exécution • C e comité sera formé de sept personnes dont trois représentants

du ministère, deux représentants de la municipalité et deux experts en protection.

C e comité aura pour tâche d'établir le cadre général du travail, fixer les définitions du projet et ses priorités, assurer la coordination, informer le ministère et la municipalité et assurer le suivi administratif.

2 . Comité responsable de la publication et de l'information • C e comité sera formé de cinq personnes dont un représentant du

ministère, un représentant de la municipalité et trois experts de la protection.

C e comité a la responsabilité de : • faire les travaux nécessaires pour assurer la publication de toutes

sortes de documents concernant les projets de protection des biens culturels, réalisés ou en cours de réalisation à Fatih,

• intégrer, familiariser le concept de la protection auprès de la population, assurer sa participation et prospecter pour obtenir un soutien national et international.

T E R M E S D U P R O T O C O L E

LES S O U R C E S D E F I N A N C E M E N T :

II. Les modalités de travail du comité d'exécution et du comité responsable de la publication et de l'information, ainsi que les relations entre le ministère et la municipalité seront déterminées par une étude qui sera faite après la signature du protocole.

• C e protocole sera valable pour un délai de trois ans à partir de la date de la signature.

• Si nécessaire, la durée du protocole pourra être prolongée par des protocoles supplémentaires.

• Le protocole prendra effet au jour de sa signature.

• L'argent nécessaire au financement de la réalisation des services à effectuer par le ministère sera adressé à un bureau spécifique (Yl özel Ydaresi) de la préfecture. L'utilisation de ce fonds sera effectuée par ce bureau selon les directives du ministère.

• Pour la réalisation des services, la municipalité utilisera ce fond selon les obligations du protocole et sous le contrôle de la municipalité.

• Si les fonds envoyés par le ministère n'ont pas été totalement utilisés, ceux-ci pourront être orientés vers un autre projet que le ministère déterminera.

LES OBLIGATIONS D U MINISTERE :

Assurer la mise en place du financement nécessaire pour la réalisation des travaux définis sous le chapitre de Services dans le budget de l'Etat ; Accélérer les procédures administratives concernant les projets et leurs applications ;

Assurer si nécessaire la coordination avec d'autres institutions ;

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LES OBLIGATIONS D E L A MUNICIPALITE :

LE C O N T R O L E

LES A U T R E S DECISIONS :

Organiser les réunions qui auront lieu à Ankara ; Avec le budget attribué, effectuer lui-même les expropriations ou donner l'autorité nécessaire à la municipalité pour l'expropriation des biens culturels, Assurer le contrôle des services dont se chargerait le ministère, Assurer la coordination avec la préfecture.

Assurer la mise en place du financement nécessaire pour la réalisation des travaux définis sous le chapitre de Services dans le budget des investissements national, Contrôler son application ; Réaliser les travaux d'infrastructures ; Assurer le contrôle des services dont se chargerait la municipalité, Assurer la coordination entre les différentes parties lors des applications (obtenir l'approbation des propriétaires...). Organiser les réunions qui auront lieu à Istanbul, Contacter les éventuelles sources de financement (personnes ou institutions) et les organiser, Informer les fonctionnaires envoyés sur place par le ministère pour contrôler les travaux, si le ministère l'estime nécessaire,.

Le financement ne pourra être utilisé hors des objectifs du présent protocole. A la fin de chaque année une réunion de bilan aura lieu entre le ministère et la municipalité. C'est à l'occasion de cette réunion que les décisions concernant l'année suivante seront prises.

La note suivante sera mentionnée lors des application et sur tous documents publiés concernant les projets: 'Réalisé avec la participation du Ministère de la culture'. La municipalité devra s'assurer de la participation du ministère, d'institutions concernées et d'organisations non gouvernementales pour chaque projet. Les conditions des services évoqués dans ce présent protocole, seront précisées plus tard lors de leur réalisation. Chacune des parties appliquera les présentes dispositions du protocole en conformité avec leur propre réglementations. Les éventuelles mésententes provenant de ce protocole seront résolues selon la loi 3533.

Ministère de la Culture Directeur Général de la Protection des Biens Culturels et Naturels Altan A K A T

Municipalité de Fatih Maire Sadettin T A N T Á N

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CARACTERISTIQUES DU QUARTIER

PHOTO 2 : MAISON TRADITIONNELLE EN MAÇONNERIE D E BRIQUE ET D E PIERRE

PHOTO 1 : PROFIL D E R U E (maisons à encorbellement)

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ETAT DU BATI

P H O T O 4 : ENTREE D E P O R T E TYPIQUE D U QUARTIER (noter l'état de dégradation de l'enduit et l'affaissement de l'encorbellement)

P H O T O 3 : ETAT DES E N C O R B E L L E M E N T S

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ETAT DU BATI

PHOTO 5 : LA BRIQUE C O M M E MATERIAU DOMINANT DANS LE QUARTIER

PHOTO 6: BATIMENTS HISTORIQUES CLASSES PARTICULIEREMENT DEGRADES