diversité, synonyme de culture - unesdoc...

17
2009 • numero 5 • ISSN 1993-8616 DI V E R SI T É , SYNONYME DE CULTURE

Upload: ngolien

Post on 04-Mar-2018

218 views

Category:

Documents


1 download

TRANSCRIPT

2009 • numero 5 • ISSN 1993-8616

Diversité, synonyme

De culture

2Le Courrier de l’UNESCO 2009 N°5

2009 - N° 5Sommaire

éclairageLes océans sous l’œil de l’ONU les Nations Unies viennent de faire du 8 juin la Journée mondiale de l’océan. P 16

Diversité, syNONyme De cULtUreUn voyage au long cours entre la chine et l’iran, avec la calligraphie pour boussole ; une plongée dans le spleen de Paris, guidée par un photo-graphe japonais ; un retour aux sources du kung fu, un art aujourd’hui internationalisé ; un tour du monde au fil de la soie thaïlandaise ; une escapade en turquie, sur des notes de musique bretonne… ce mois-ci, le Courrier de l’UNESCO consacre ses pages à la diversité culturelle. éDitOriAL P3

Détail de « Mou-ak » (danse folklorique). Œuvre de l’artiste coréen Kim Ki-Chang, rentrée dans la collection de l’UNESCO en 1982. Photographe : Patrick Lagès.

DR

LA beAUté DU cygNeL’art puise sa source dans la perfection du ciel et de la terre ; la culture, dans la perfec-tion de la nature. Cette idée est au cœur

de la conférence « Retour à la nature, retour aux origines » que le calligraphe et poète chinois Fan Zeng a prononcée à l’UNESCO en mai dernier, dans le cadre du Festival de la diversité. P 4

LA cALLigrAPhie, L’Art qUi fAit chANter Les mOtsLa calligraphie persane est marquée par une série d’emprunts, alors que la calli-

graphie chinoise reste profondément enracinée dans la tradi-tion locale, explique Hassan Makaremi, peintre-calligraphe et psychanalyste iranien. Mais, quelle que soit la tradition dans laquelle elle s’inscrit, la calligraphie incarne notre « être au monde ». P 7

regArDs iNtimes D’UN étrANger qUi N’eN est PAs UN« Ce que vous voyez sur cette photo n’est pas un carrousel, mais son reflet »,

explique Shigeru Asano, photographe japonais épris des lumières et ombres de Paris. Cela fait trente ans qu’il sillonne cette ville. À près de dix mille kilomètres à vol d’oiseau de son Osaka natale, il se sent chez lui dans la capitale française. Il y a trouvé l’atmosphère de mé-lancolie qui lui manquait à Tokyo, trop éblouissante à son goût. P 9

mUsiqUe vOyAgeUseJeté aux oubliettes pendant plusieurs décennies, le folklore breton connaît aujourd’hui un renouveau remarquable.

Quelque 2 500 kilomètres plus à l’est, les chants traditionnels reviennent dans les maisons anatoliennes qu’ils avaient désertées. « Un pont sur le Bosphore » relie aujourd’hui des musiciens de France et de Turquie qui partagent la même passion et les mêmes soucis. P 11

Les mOiNes gUerriers DU jeUNe bOisLe célèbre kung fu est né, voici 15 siècles, en Chine. On le doit à un moine bouddhiste

venu de l’Inde. De là, il s’est propagé en Corée, au Viet Nam, aux Philippines, en Malaisie, au Japon… pour devenir, à partir des années 1950, un phénomène de mode qui fait rêver la jeunesse aux quatre coins du monde. Une « mondialisation » qui ne respecte pas toujours les valeurs intrinsèques de cet art martial.. P 13

tOUr DU mONDe AU fiL De LA sOieÀ bout de souffle dans la première moitié du 20e siècle, la tradition de la soie en Thaïlande reprendra

son essor dans les années 1950, grâce à un Américain, Jim Thomson. Une jeune Thaïlandaise, qui n’est autre que la reine Sirikit, deviendra son alliée. Cet art séculaire, qui concilie aujourd’hui artisanat et industrialisation, se perpétue de génération en génération contribuant au développement du pays. P 14

3

cette année, l’UNescO a célébré la journée mondiale de la diversité culturelle (21 mai) de manière exceptionnelle. tout au long du mois de mai, des dizaines d’artistes

venus des quatre coins du monde ont témoigné de la richesse du patrimoine culturel de l’humanité, dans le cadre du premier festival international de la diversité

culturelle. Organisé simultanément dans plusieurs pays et au siège de l’Organisation, ce festival est une preuve tangible de l’affinité fondamentale

entre la culture et la diversité, dont Le Courrier de l’UNESCO se fait l’écho.

éditorial

et non plus une aire où se juxtaposent de supposées différences. Nous sommes aujourd’hui les habitants d’une Terre où n’existe qu’une seule humanité, et peut être même un seul règne vivant formé de la totalité des espèces. Et le concept qui permet de penser cet état de choses dé-terminant pour le destin de la planète est celui de diversité. Lui seul en effet procède à la fois d’une

référence à l’universel et d’une prise en compte des singularités, qu’il proclame conjointement. En cela, il propose à « l’esprit des hommes » une nouvelle approche de leur commune condition, la seule qui réponde à la réalité de leur destin commun. Il est vital désormais qu’il devienne la ressource de leur intelligence du monde.

C’est ce à quoi l’UNESCO travaille depuis la proclamation même de son Acte Constitutif, et tout récemment encore à travers la Déclaration Universelle sur la Diversité Culturelle de 2001 ou la Conven-tion de 2005 sur la diversité des expres-sions culturelles. Le Festival international de la diversité culturelle, qui s’est déroulé cette année simultanément dans plusieurs pays et au siège de l’UNESCO, se pro-pose de faire éprouver l’affinité fondamen-tale entre la culture et la diversité. En ce faisant l’écho du Festival de la diver-

sité, ce numéro du Courrier de l’UNESCO s’associe à cette démarche.

Françoise rivière, Sous-Directrice générale

pour la culture de l’UNESCO

La culture entretient avec la diversité un rapport de fondation mutuelle. La culture est en effet à la fois une manière d’être originale, qu’on reconnaît à ses oeuvres, à ses signes, et qui se flatte à bon droit d’être à nulle autre pareille, mais aussi ouverture à ce qui semble tout autre, à l’émerveillement de l’inédit. Aussi est-elle simultanément ap-profondissement de la différence et con-struction permanente de l’universel, l’un et l’autre toujours inachevés et inépuisables. En cela, elle est tout simplement le travail de la diversité, à la fois son explicitation et son enrichissement. On pourrait dire qu’il n’y a pas de diversité sans culture, pas de culture sans diversité. Cette observation prend toute sa force

à l’orée d’un monde devenu pour la pre-mière fois un espace intégré de diversité,

Le Courrier de l’UNESCO 2009 N°5

Jeune homme des îles Célèbes, en Indonésie.

© U

NE

SC

O/G

eorg

es M

alem

pré

4

L

« Zhong kui, le chasseur de démons », œuvre de Fan Zeng, 2007.

L’art puise sa source dans la perfection du ciel et de la terre ; la culture, dans la perfection de la nature. cette idée est au cœur de la conférence « retour à la nature, retour aux origines » que le calligraphe et poète chinois fan Zeng a prononcée à l’UNescO en mai dernier, dans le cadre du festival de la diversité.

La beauté du cygne

plus tôt, Kant attribuait une place d’exception à la mathématique dans la Critique de la raison pure, anticipant, dirait-on, sur l’inévitable suprématie du numérique qui s’est progressivement instaurée. Cependant, la nature se différen-

cie de la rationnelle mais quelque peu rébarbative logique numérique. Elle offre à l’humanité la plénitude d’amour et de douceur, inhérente à la beauté du ciel et de la terre. Sou-venons-nous de l’enseignement de Zhuang Zhou, ce penseur inégalé, d’une sagesse divine, comparable à Athéna, qui vécut en Chine il y a deux mille trois cents ans, sous les « Printemps et Automnes ». Il di-sait : le ciel et la terre sont d’une beauté parfaite et muette ; les qua-tre saisons alternent à un rythme régulier, sans prescriptions ; les dix mille êtres s’accomplissent con-formément à la raison des choses, tacitement. Cette existence en soi, débarras-

sée de toute forme de logos, incar-ne l’excellence du ciel et de la terre, qui donne libre cours à la créativité de l’âme humaine et accueille gé-néreusement la pluralité des intel-ligences et talents humains. Et les graines de cette beauté parfaite disséminées à travers la planète se transforment en vertus de sincérité, de vérité, mais aussi en expressions esthétiques. Parmi les droits innés de l’homme existe sans aucun doute le « droit à l’expérience esthétique », même s’il ne figure pas dans les

a nature est plus que généreuse envers l’humanité. Elle ne l’a pas seulement pourvue d’éléments nécessaires à son existence – l’air, l’eau, la terre –, mais aussi de ré-gulateurs, comme l’alternance du soleil et de la lune ou le passage bienfaisant des vents et des pluies, permettant ainsi, aux être vivants de s’épanouir indéfiniment, depuis l’aube des temps. L’humanité, impatiente, a répondu

à la bonté par l’hostilité. Au siècle dernier, un biologiste a lancé un mot d’ordre redoutable : « Nous ne pouvons demeurer dans l’attente des bienfaits de la nature, nous de-vons les lui réclamer ! » Comme un fils impudent qui lèverait la main sur sa mère bienveillante. Comme un crocodile, la gueule béante, féroce et sauvage, qui ne connaît pas les limites de ce que la Terre peut nous léguer. Il y a plus de deux mille cinq cents

ans, le grand philosophe chinois Lao Zi classait les composantes de l’univers dans cinq catégories : d’abord le visible, l’audible et le tan-gible ; puis l’invisible, cette parfaite existence nommée dao, une sorte de Loi Céleste, comparable à l’Idée de Platon, à l’Esprit de Hegel ou à la Finalité transcendantale de Kant ; enfin, au-delà du dao, la nature, la « parfaite existence en soi, spon-tanément et déjà ainsi ». Dans le Bouddhisme, la notion

d’« en soi » exprime la conformité absolue à la raison des choses, la concordance, la pertinence – autant d’attributs de la nature. Signe incor-ruptible de l’immensité du temps et de l’espace, cette existence en soi perdure, omniprésente, illimitée. Dix milliards d’années-lumière ne sau-raient la circonscrire, dix milliards d’années ne suffiraient pour témoi-gner de sa durée. D’après Dirac, seule la mathéma-

tique la plus sophistiquée serait à même de la décrire. Deux cents ans

(•••)

© F

an Z

eng

Le Courrier de l’UNESCO 2009 N°5

« Quelle joie d’apprendre », œuvre de Fan Zeng, 1998.

© F

an Z

eng

5

textes de loi (peut-être parce qu’il est considéré comme implicite). La perfection du ciel et de la terre, de l’Antiquité jusqu’à nos jours, a con-stitué la source libre et intarissable de la beauté et de la diversité des cultures de notre monde.

Surpasser la nature ? VanitéDans le Zhuangzi, Zhuang Zhou

décrit un peuple appelé Hexu qui, dans la haute Antiquité, vivait insou-ciant, mangeait bien et flânait le ven-tre repu, en compagnie d’animaux et de plantes. Notre imaginaire abonde dans le même sens. De Platon à Owen, en passant par Thomas More, Saint-Simon et Fourier, les hommes ont toujours nourri de merveilleux rêves. Autrement, l’humanité ne serait pas ce qu’elle est. Si nous devions renoncer à nos rêves, il ne resterait que stérilité et fadeur, et notre vie tout entière serait tournée vers la mort. Triste sort. Ne croyez-vous pas que

l’UNESCO prône la diversité culturelle précisément pour ou-vrir la voie à l’inévitable grande concorde universelle ? De sorte que cette culture aux multiples éclats conserve toute sa beauté durant des millions d’années. « Retour aux origines » et

« retour à la nature » sont les deux expressions d’une même idée. La culture s’est toujours inspirée de la nature. Les arts et les lettres ont beau l’imiter, les sciences ont beau faire des découvertes, sur-passer la nature n’est que vanité. C’est à une équation de Maxwell, au 19e siècle, que nous devons le progrès technologique qui va du simple micro à l’industrie aérospatiale. Pourtant, Maxwell n’a rien inventé. Avant lui, avant même l’existence de la terre, cette équation était déjà inscrite de quelque part dans l’univers.

On dit que les arts et les lettres sont dotés d’un pouvoir divin : ce ne sont que paroles d’artistes en manque de consolation. En réalité, malgré le recours à l’exagération artistique, l’humanité ne peut que s’appliquer aux tâches qui sont à la hauteur de ses forces, alors que le moindre mou-vement de l’univers, d’une puissance majestueuse, suffit à ébranler la pla-nète. Les cyclones et raz-de-marée ne sont qu’un avant-goût de la force de la nature ; et lorsque la magnificence se transforme en terreur, l’humanité est réduite à une entité infime. Kant nous prévient : éloignez-vous un peu et la terrifiante puissance de la nature deviendra objet de plaisir

esthétique. Mais nous n’avons pas forcément besoin de la terrifiante puissance de la nature pour éprou-ver du plaisir esthétique : cette Journée de la diversité culturelle en est la preuve.

L’avidité dévore l’âmeDans les temps les plus reculés,

dans l’Antiquité et aux époques classiques, l’humanité vivait fon-cièrement d’agriculture et d’élevage, elle avait foi en la nature et était proche d’elle. L’homme lui témoi-gnait du respect et de l’affection ; il n’était pas arrogant envers elle. Mais l’industrialisation a exacerbé ses dé-sirs et, à l’ère de la post-industrialisa-

tion, l’avidité est en train de dévorer son âme. Au début du 20e siècle, en

Angleterre et en Allemagne, Toynbee et Spengler nous ont avertis sur les risques du syndrome du capital, qui se sont aujourd’hui confirmés, hélas – au même titre que la perspicacité des deux émi-nents penseurs : à l’heure où le progrès des technolo-gies va de pair avec une consommation gloutonne, notre planète se trouve sous une menace qui résonne chaque jour davantage. Si nous honorons les cul-

tures originelles, c’est en raison de leur sagesse, de leur élégance, de leur au-thenticité et de leur simpli- cité. Elles sont l’expression de la pureté de l’âme des anciens. Certes, elles ont été par la suite teintées des couleurs du sacré, mais dans la mesure où la reli-gion accomplit sa mission de réconfort de l’âme hu-maine, elle peut fondamen-talement être considérée comme un art. Les cultures n’obéissent

La beauté du cygne

(•••)

Le Courrier de l’UNESCO 2009 N°5

« Le chant d’un pêcheur », œuvre de Fan Zeng, 2009.

© F

an Z

eng

(•••)

6Le Courrier de l’UNESCO 2009 N°5

La beauté du cygne

pas aux principes d’évolution d’un Darwin ou d’un Spencer. Une œu-vre récente n’est pas supérieure à une œuvre antérieure. Les prises de conscience et les efforts en faveur de la confiance et de la concorde, dont l’humanité tout entière a fait preuve en cette journée d’échanges pluriculturels, demeureront à jamais une lumière émouvante et encou- rageante. « Dans toute société, soit des animaux, soit des hommes, la

violence fit les tyrans, la douce au-torité fait les Rois : le lion et le ti-gre sur la terre, l’aigle et le vautour dans les airs, ne règnent que par la guerre, ne dominent que par l’abus de la force et par la cruauté ; au lieu que le cygne règne sur les eaux à tous les titres qui fondent un empire de paix : la grandeur, la majesté, la douceur […] » (Buffon, Histoire na-turelle des oiseaux, tome IX, « Le Cygne ». )

Prions ensemble pour la paix et pour la grande concorde de l’humanité, souhaitons que le cygne conserve à jamais sa noble beauté.

Fan Zeng, poète et peintre,

est l’un des plus célèbres calligraphes chinois vivants. Il a publié en français

Le vieux sage et l’enfant (2005).

(•••)

Maître Fan Zeng est né en 1938 à Nantong

(Chine) dans une famille de lettrés dont

la lignée remonte à la fin du 16e siècle.

Son arrière-grand-père, Fan Dangshi, plus connu

sous le nom de Fan Bozi (1854-1905), était un

illustre poète de la fin de la dynastie Qing.

Peintre et calligraphe de renommée

internationale, poète et penseur respecté, Fan Zeng

est considéré aujourd’hui comme un grand maître

de l’art classique. En communion avec la nature, son

œuvre s’inscrit dans la tradition de la « peinture des

lettrés », courant artistique qui s’est développé

en Chine, à partir du 10e siècle.

Fan Zeng est directeur de recherches à l’Académie

des Arts de Chine et professeur à l’Université de

Nankai. à Tianjin. Il vient d’être nommé le Conseiller

de l’UNESCO pour la diversité culturelle.

un peintre Lettré

© U

NE

SC

O/M

iche

l Rav

assa

rd

noms cités, dans l’ordre d’apparition lao Zi, philosophe chinois (a vécu entre 604-479 av. J.-C.) Zhuang Zhou, philosophe taoïste (4e s. av. J.-C.) Platon, philosophe grec (5e – 4e s. av.J.-C.) Georg Wilhelm Friedrich Hegel, philosophe allemand (1770-1831). emmanuel Kant, philosophe allemand (1724-1804) Paul Dirac, physicien et mathématicien britannique (1902-1984)

« Printemps et Automnes », période de l’histoire chinoise, allant du 8e au 5e s av. J.-C. Athéna, déesse grecque de la sagesse robert owen, industriel et socialiste utopique gallois Royaume-Uni (1771-1858) thomas more, j uriste, historien, philosophe, théologien et homme politique anglais (1478-1535) claude-Henri de rouvroy, comte de saint-simon, économiste et philosophe français (1760-1825) charles Fourier, philosophe français (1772-1837)

James clerk maxwell, physicien et mathématicien écossais (1831-1879) Arnold Joseph toynbee, historien britannique (1889-1975) oswald spengler, philosophe allemand (1880-1936), charles robert Darwin, naturaliste anglais (1809-1882) Herbert spencer, philosophe et sociologue anglais (1820-1903) Georges-louis leclerc comte de Buffon, naturaliste français (1707-1788)

7

Quelles affinités partagez-vous avec maître Fan Zeng et qu’est-ce qui vous distingue ? Ce qui nous rapproche, maître

Fan Zen et moi-même, est avant tout notre rapport à la nature. Nous voyons les mêmes choses, et nous les transmettons par le biais de la calligraphie. Il ne faut pas oublier que la calligraphie est un art con-sistant à styliser l’écriture, qui a été inventé à partir de l’observation de la nature. Dans son inventaire des formes visuelles, Marc Changizi, chercheur au Rensselaer Polytech-nic Institute à Troy, aux États-Unis, a mis en évidence une cinquantaine d’éléments qui apparaissent aussi bien dans la nature que dans qua-tre familles d’écritures : cunéiforme,

hiéroglyphique, chinoise, maya. Pour maître Fan Zeng, comme pour moi, la calligraphie incarne notre « être au monde ». Ce qui nous distingue ? Notre

rapport au lien social. Née en 4000 avant l’ère chrétienne, l’écriture chinoise est restée profondément ancrée dans la nature. Il y a un lien direct entre les dessins rupes-tres et les pictogrammes, qui n’ont d’ailleurs guère changé depuis six millénaires. C’est pourquoi le fil d’encre jeté par le pinceau du calligraphe chinois continue-t-il, à travers les époques, à se muer in-stantanément en cheval, boeuf ou tigre. Seul le talent des maîtres scande le rythme du temps. En revanche, la calligraphie per-

sane est marquée par une série d’emprunts. Je pense notamment aux écritures koufi (anguleuse et géométrique) et naskh (souple et arrondie) d’inspiration arabe qu’elle a abandonnées dès le 14e siècle pour se tourner vers la nature et y puiser la douceur des courbures qui caractérisent le nas’taliq, style qui a inspiré mon œuvre. Pour vous donner un exemple, l’œuf y est sym-bolisé par une boucle voluptueuse qui semble s’envoler avec la légère-té d’un cil… Ce cheminement à travers d’autres

imaginaires – mongol, arabe, turc, indien, etc. – qui se reflètent dans le langage des corps et donc dans le geste du calligraphe, fait que la calligraphie persane porte égale-ment un regard stylisé sur l’« être parlant », cet « être désirant » qui vit dans la cité. Pour sa part, la calli- graphie chinoise reste cantonnée à la nature qu’elle sublime. Pourquoi ? Je ne suis pas un spécialiste de la philosophie extrême-orientale, mais je pense qu’on pourrait trouver la réponse dans le détachement par rapport au désir, préconisée par le bouddhisme.

La caLLigraphie, L’art qui fait chanter Les mots

(•••)

La calligraphie persane est marquée par une série d’emprunts, alors que la calligraphie chinoise reste profondément enracinée dans la tradition locale, explique hassan makaremi, peintre-calligraphe et psychanalyste iranien. mais, quelle que soit la tradition dans laquelle elle s’inscrit, la calligraphie incarne notre « être au monde ».

« De l’art rupestre et des droits de l’homme », tableau de Hassan Makaremi.

© H

assa

n M

akar

emi

Le Courrier de l’UNESCO 2009 N°5

Lors du Festival de la diversité culturelle organisé par l’UNESCO en mai dernier, Hassan Makaremi a donné, avec le grand maître chinois Fan Zeng, une conférence sur le thème

« Regards croisés sur la calligraphie ». Interviewé par Monique Couratier pour le Courrier de l’UNESCO, il explique comment la calligraphie persane de style nas’taliq

lui a permis de mettre ses idéaux en couleur et en mouvement, dans une recherche personnelle, nourrie d’intuition poétique mais aussi de rigueur scientifique.

8

Votre rencontre avec maître Fan Zen ne se résume pas à une simple addition de vos ressem-blances et dissemblances. Avez-vous l’impression d’avoir établi un réel dialogue ?Le fait même de notre présence

l’un à côté de l’autre est dialogue : dialogue entre ce qui nous est com-mun, dialogue entre ce qui nous dif-férencie. Le fruit de ce dialogue ? La vie, tout simplement ! Notre engage-ment à tracer avec notre pinceau la courbure de l’univers constitue un message qui dit que l’humanité, bien que diverse, est une. Si j’utilise souvent la métaphore de

l’arbre, c’est parce que l’humanité a des racines communes qui font son unité, des milliers de branches qui font sa diversité (ses peuples à la fois si différents et si métissées) et d’innombrables feuilles aussi on-doyantes que les produits du génie créateur. Sans ses racines profon-

dément ancrées dans la terre, sans ses branches – dont certaines meurent quand d’autres prospèrent – sans ses feuilles toujours « re-commencées », l’arbre ne pourrait survivre. Et la violence me direz-vous ? Elle

vient du fait que certains peuples ou individus se pensent en dehors du tout, en dehors de ce « décor » commun de notre humanité. Or, sans le sentiment d’appartenance à la même espèce et sans la recon-naissance de la diversité, l’humanité ne pourra pas survivre. Tel est le message de notre échange, entre calligraphe chinois et calligraphe persan. Tel est aussi le message de l’ONU, qui a affiché sur le fronton de son siège à New Yourk un poème de l’illustre poète persan Sa’adi [voir encadré], et de l’UNESCO, avec laquelle je serais honoré de continuer ma collaboration en faveur de la « di-versité culturelle en dialogue ».

(•••)

Pourquoi la calligraphie n’a-t-elle pas fait florès en Occident ? Que peut-elle lui apporter aujourd’hui ?En Occident, dès le 16e siècle,

on a fait le choix de la rapidité et de l’efficacité, notamment en s’attachant à maîtriser la nature. En Orient, on a pré-féré « la dire », « l’écrire » dans ses pleins et ses déliés, dans ses courbes et ses silences, bref, en laissant un espace pour l’interprétation, pour la liberté… Loin du scientifique de formation que

je suis l’idée de renoncer à la rigueur, à la clarté et à la concision. Mais je sais que le clavier de l’ordinateur ne remplacera jamais la main. Et j’estime qu’aujourd’hui la calligraphie représente une valeur ajoutée. Car, dans un mou-vement complice avec la nature, tel un derviche tourneur, le geste du calligraphe-philosophe-poète fait « chanter les mots » qui disent l’Univers. C’est cela la calligraphie nas’taliq : l’alchimie de la vie !

La caLLigraphie, L’art qui fait chanter Les mots

Le Courrier de l’UNESCO 2009 N°5

Vers de Sa’adi, célèbre poète persan du 13e siècle. « Derviche tourneur », tableau de Hassan Makaremi.

© D

R

© H

assa

n M

akar

emi

« les enfants d’Adam

font partie d’un corps ils sont créés tous

d’une même essence si une peine arrive

à un membre du corps les autres aussi

perdent leur aisance si, pour la peine

des autres, tu n’as pas de souffrance

tu ne mériteras pas d’être dans ce corps »

Vers de Sa’adi, figurant sur le

fronton du siège des Nations Unies

à New York.

9

s’abriter tant bien que mal sous son parapluie ». Ils ne voient pas que cet homme s’affaire à poser un appareil photo sur un trépied, rapprochant l’objectif à deux ou trois centimètres du sol. Ils ne soupçonnent pas qu’il a passé des mois, parfois des an-nées, à imaginer la photo qu’il est en train de prendre ; qu’il dépen- sera peut-être trente pellicules avant d’aboutir au cliché dont il a rêvé. C’est dire l’importance de la du-

rée dans la démarche artistique de Shigeru Asano, qui ne recourt pas aux technologies numériques parce qu’il n’éprouve aucune affinité pour l’instantané. « Avec la pellicule, il y a l’attente… puis, la découverte de la réussite ou de l’échec. Parfois, au moment du développement, l’image n’apparaît pas... Tout est noir. Alors,

regards intimes d’un étranger qui n’en est pas un

Lucarnes miroitantes, les photo- graphies de Shigeru Asano ne lais-sent entrevoir qu’une partie de la réalité : celle qu’une petite flaque d’eau sur un trottoir est capable de contenir. Shigeru Asano n’est pas le seul photographe passionné par le reflet, mais il est certainement un des rares qui en a fait un principe d’esthétique. Parfois traversé par un rayon flou, au gré du vent, ou entouré d’une zone d’ombre, au gré de l’eau, le reflet demeure né-anmoins d’une netteté surprenante. Il constitue, en tout cas, la seule ré-alité perceptible dans ses œuvres. « Il arrive que les gens dans la rue

s’approchent de moi pour me de-mander si je n’ai pas eu un malaise. Ils s’inquiètent de voir un homme accroupi sous la pluie, essayant de

(•••)

« ce que vous voyez sur cette photo n’est pas un carrousel, mais son reflet », explique shigeru Asano, photographe japonais épris des lumières et ombres de Paris. cela fait trente ans qu’il sillonne cette ville. À près de dix mille kilomètres à vol d’oiseau de son Osaka natale, il se sent chez lui dans la capitale française. il y a trouvé l’atmosphère de mélancolie qui lui manquait à tokyo, trop éblouissante à son goût.

il faut recommencer. C’est comme une lutte perpétuelle avec l’image. C’est très motivant. » En huit ans, depuis qu’il a commencé son projet des « flaques d’eau », Shigeru Asano n’a pas réalisé plus de 60 photos.Aux antipodes de son célèbre

compatriote Nobuyoshi Araki, Shigeru Asano crée un univers pa- rallèle, tissé d’illusions et de rêves. À la violence, il oppose le lyrisme ; au tumulte, le silence ; à la foule, la solitude. Son Paris est quasiment dépeuplé. « Mais non », proteste-t-il, « vous voyez bien, ici, il y a un homme ». Certes, quelques rares silhouettes traversent les scènes que Shigeru Asano compose en noir et blanc avec son inséparable Pentax 6.7. Mais elles sont toujours

Le Courrier de l’UNESCO 2009 N°5

Dans le cadre du Festival de la diversité, organisé par l’UNESCO en mai dernier, Shigeru Asano a exposé ses œuvres à la Mairie du premier arrondissement de Paris.

Il nous a généreusement accordé le droit d’en reproduire une sélection (© Shigeru Asano).

10

solitaires. « Pour moi, ces photos sont comme un miroir », finit-il par reconnaître. Et le photographe de raconter

sa solitude. À l’âge de 14 ans, il a perdu sa mère. Il n’a jamais connu son père. Il n’a pas eu de frères et sœurs. Il n’a pas d’enfants. « En tout cas, pas pour l’instant. » En 1971, il est allé à Tokyo, étudier le stylisme. Cinq ans plus tard, il a fait un court séjour à Paris, pour s’y installer dé-finitivement en 1979. Durant ses dix premières années parisiennes, il aura tout fait – peintre, mécanicien,

serveur – avant de découvrir un Mi-nolta et de se lancer dans la photo-graphie. Ont suivi dix autres années de quête qui s’est traduite en une multitude de photos aux couleurs flamboyantes, dont une partie des-tinées aux magazines de mode. « Puis, un soir, alors que j’étais très malheureux parce que la femme que j’aimais m’avait quitté – cela ar-rive à tout le monde, n’est-ce pas ? – je suis sorti marcher sous la pluie. Les larmes, confondues à la pluie, embuaient mes yeux, et j’ai vu des images qui sont celles que vous

voyez aujourd’hui sur mes photos. J’avais trouvé ma voie. »Curieuses coïncidences avec

l’Étranger du poète français Charles Baudelaire que l’on rencontre dans Le spleen de Paris : « Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis? ton père, ta mère, ta soeur ou ton frère? / Je n’ai ni père, ni mère, ni soeur, ni frère [...] / Eh! qu’aimes-tu donc, extraordinaire étranger? / J’aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages ! »

Jasmina Šopova

regards intimes d’un étranger qui n’en est pas un

(•••)

Le Courrier de l’UNESCO 2009 N°5

11

àCet été, à Rizé (Turquie), le « Festi-val des verts pâturages » reçoit pour sa quatrième édition des musiciens étrangers. Ils viennent de France. Pas celle des touristes ou des croisades diplomatiques qui ont en-vahi les médias turcs ces dernières années, mais cette autre France des amoureux des chants tradition-nels, qui s’efforce de remédier aux problèmes nés de l’exode rural et de recoudre le tissu social. Certes, l’urbanisation, l’industria-

lisation et l’empreinte du « show-biz » se font sentir en Turquie com-me en France : le chant s’y perd dans un usage outrancier de la technologie, jouant d’une mondiali-sation chatoyante, courbant le dos devant le star system. Mais il se trouve que les deux pays ont con-servé des îlots d’authenticité, tels la Bretagne, à l’extrême ouest de la France, qui fait face à l’océan Atlan-tique, ou la province de Rizé, située à l’extrême nord-est de l’Anatolie, là où commence le Caucase.

La renaissance bretonneCôté France, les Bretons n’ont

pas ménagé leurs efforts ce dernier demi-siècle pour faire revivre leurs musiques, danses et fêtes tradi-tionnelles. Coupée de son passé par l’urbanisation, la deuxième gé-nération s’est mise à rechercher l’héritage de ses ancêtres. Cette quête a d’abord porté sur la zone de langue bretonne, puis sur celle du gallo, proche du français. Avec le temps, cependant, théorie et pra-tiques ont évolué. Autrefois, le « re-vivalisme » était aux mains des cher-cheurs, dont le but était avant tout de collecter, analyser, comprendre et publier. Aujourd’hui, comme le remarque l’ethnomusicologue Yves Defrance, tout en poursuivant dans ce sens, les collecteurs « veu-lent se réapproprier ce répertoire, l’actualiser sans en altérer l’esprit et en faire un moyen d’expression contemporain ». Aujourd’hui les chants gallos, que

jeté aux oubliettes pendant plusieurs décennies, le folklore breton connaît aujourd’hui un renouveau remarquable. quelque 2 500 kilomètres plus à l’est, les chants tradition-nels reviennent dans les maisons anatoliennes qu’ils avaient désertées. « Un pont sur le bosphore » relie aujourd’hui des musiciens de france et de turquie qui partagent la même passion et les mêmes soucis.

les nouveaux modes de vie avaient jetés aux oubliettes, ne sont plus des pièces de musée, ni des jou-joux confidentiels réservés aux soirées festives d’une poignée de militants de la culture. Ils renaissent jour après jour dans les concours annuels, les réunions à la maison ou au café, les repas de village, les ran-données municipales ou scolaires, les écoles et les ateliers de musique des hameaux et des bourgs. Et dans le même temps, dans les cam-pagnes, jeunes et vieux, employés et chômeurs, femmes et hommes renouent leurs liens sociaux grâce au renouveau du chant. Les chanteurs qui font cette année

le voyage de Rizé figurent parmi les acteurs les plus marquants de cette renaissance. Certains, com-me Charles Quimbert ou Vincent Morel, viennent de la communauté des collecteurs : ils ont reçu une formation universitaire et travaillent au Dastum, l’organisme régional de recherche et de préservation du

(•••)

musique voyageuse

Randonnée en chansons à Rizé (Turquie).

© Y

ücel

Yild

irim

kaya

Le Courrier de l’UNESCO 2009 N°5

12

plantes sauvages… et on n’est pas peu fier d’avoir conservé le laze, une langue rare du groupe géorgien. Même passion, même démarche,

et réunion pourtant improbable : où est Bovel, où est Rizé ? Mais comme ils étaient faits l’un pour l’autre, « Un pont sur le Bosphore » les a aidés à se rencontrer. Cette association non lucrative française d’échanges culturels avec la Tur-quie est à l’origine d’une belle his-toire d’amour tout en musique qui a toutes les chances de durer.

Françoise Arnaud-Demir, interprète de chansons populaires

turques et enseignante-chercheuse à l’Institut des langues et civilisations

orientales (INALCO) à Paris, a fondé en 2004 l’association Un pont sur le Bosphore, dont elle est la présidente.

patrimoine immatériel. Ils ont lancé en 1996 la « Fête du chant tradi-tionnel de Bretagne et d’ailleurs », qui se tient chaque année à Bovel, un petit bourg breton de la région de Rennes. D’autres, qui ont grandi avec la chanson traditionnelle, sont des villageois porteurs de la mé-moire locale, véritables trésors vi-vants. C’est une pluie diluvienne qui les

a réunis : l’été 1997, les festivaliers allaient effectuer leur randonnée en chansons quand une soudaine averse les a précipités dans le seul café de Bovel. Là se trouvait la gé-nération des « maîtres de la tradition », réunie autour des patrons, Léone et Louis Bernier. Pour eux, le festival, « c’était l’affaire des jeunes ». Mais quand ces derniers ont commen-cé à chanter, ils ont reconnu leurs chansons. Depuis, ce petit café est devenu un lieu emblématique de re-trouvailles entre générations. Tous les premiers vendredis du mois, il accueille écoliers, lycéens, ensei-gnants et beaucoup d’autres habi-tants de la région, voire de Paris, qui viennent y passer la nuit entière à chanter.

Le chant à toutes les saucesCôté Turquie, c’est encore à un

déraciné, Birol Topaloglu, que l’on doit les premiers frémissements d’un retour en chansons vers le pays na-tal. Assortis, de surcroît, d’une forte prise de conscience écologique. Car comme dans d’autres régions de Turquie, les rives encaissées des gaves qui coulent vers la mer Noire, désertées par des paysans en quête d’une vie réputée plus facile en ville, sont menacées de disparition par différents projets de barrages. Hier encore, les chants et les

danses communautaires réson-naient dans les magnifiques de-meures de pierre insérée dans le bois. Petit à petit, elles sont réduites au silence. C’est donc avec une vi-sion englobant à la fois la défense du patrimoine, du terroir et de

À L’ombre des chapiteaux verts

(•••)

l’oralité que depuis quelques an-nées, Birol a entrepris de collecter, publier et ranimer le répertoire tra-ditionnel. Il ne se prive pas de jouer sur sa notoriété de musicien établi à Istanbul et sur des amitiés nouées hors du pays. Le Festival annuel organisé au mois

d’août dans la Vallée de la tempête, sur les pentes vertes et luxuriantes de Rizé où pointe la blancheur des minarets, s’adresse à tous les pub-lics. Il s’efforce, comme à Bovel, de réunir les jeunes et les vieux, ceux qui sont restés sur place et ceux qui sont partis. On y met le chant à toutes les sauces : on danse en chantant, on marche en chantant, on mange en chantant. Tradition oblige, on organise des collectes de contes, des ateliers de cuisine traditionnelle, des cueillettes des

Veillée en chansons au café de Bovel.

© J

ean-

Mau

rice

Col

ombe

l

Le Courrier de l’UNESCO 2009 N°5

Architecture typique de la mer Noire parmi les jardins de thé.

© Y

ücel

Yild

irim

kaya

13

Racontez-nous brièvement l’origine et le développement du temple de Shaolin. L’empereur Xiao Wen de la dynas-

tie des Wei du Nord fit construire en 495 le temple de Shaolin sur le Mont Song, en hommage au moine indien Ba Tuo Par la suite, deux autres moins indi-

ens, Ratnamati et Bodhiruci, arrivèrent à Shaolin et y fondèrent des centres de traduction des canons bouddhiques, ce qui plaça le temple au cœur du bouddhisme chinois de l’époque. Plus tard, le moine indien Bodhid-

harma s’y est installé et en prétendant « remonter au Bouddha », il inscrivit au cœur de son enseignement cette pensée : « le ch’an va droit au cœur ; connais ta véritable nature et deviens Bouddha ». Il établit l’école ch’an, dans le temple. C’est une école bouddhique

qui s’est adaptée à la pensée chinoise durant la propagation du bouddhisme. [Ndlr. Elle prendra le nom de zen au Japon]. Aujourd’hui, Shaolin est devenue

un symbole non seulement du boud-dhisme chinois, mais aussi de la cul-ture traditionnelle chinoise.

Quelle est l’origine du kung fu et quel est son rapport avec le bouddhisme ?En tant que temple impérial, Shaoline

possédait d’importantes richesses. Or, au cours des dernières années de la dynastie des Sui (581-681), le pays a beaucoup souffert de guerres succes-sives. Une partie des moines apprirent alors à pratiquer les arts martiaux pour défendre les biens du temple. Le kung fu de Shaolin n’est autre

que la voie que les moines du temple

adoptèrent pour atteindre la connais-sance profonde de la vie bouddhique et de la sagesse, autrement dit, le ch’an. C’est une façon de méditer le ch’an en pratiquant les arts martiaux et de laisser le ch’an guider la pratique des arts martiaux.

Il semble qu’il y a une florai-son d’écoles et d’associations baptisées « Temple de Shaolin » dans le monde. Comment conserver les valeurs séculaires du kung fu de Shaolin, face à ce phénomène ?Il existe en effet beaucoup d’éta-

blissements d’enseignement des arts martiaux de Shaolin dans le monde. Certains ont été établis par le temple de Shaolin du Mont Song, d’autres ont reçu notre autorisation après avoir passé un examen. Pourtant ces « Maisons des arts martiaux de Shao-lin » sont, en grande partie, nées spon-tanément. N’ayant pas visité la majorité de ces

établissements, il m’est impossible de porter un jugement sur eux. Mais une chose est certaine : nous nous oppo-sons à l’utilisation abusive du nom de notre temple, qui peut mettre en péril ses traditions. Nous faisons des efforts inlassables

pour protéger le patrimoine de la cul-ture de Shaolin. Nous avons créé une organisation chargée de la gestion et de la régularisation de l’appellation « Temple de Shaolin » et nous avons dé-posé à l’UNESCO une candidature pour son inscription sur la Liste du patrimoine culturel immatériel. Cette inscription permettrait de prendre des mesures juridiques, de collecter des textes, d’archiver des documents et donc de mieux assurer la transmis-sion vivante de cet art séculaire. Car il faut savoir que les règles de transmis-sion des savoirs et pratiques du kung fu d’une génération a une autre sont strictement réglementée depuis le 13e siècle. Elles ont été établie par le moine supérieur Fu Yu. Depuis cette époque, 70 générations de maîtres ont été formées à Shaolin.

Dans le cadre du Festival international de la diversité culturelle organisé par l’UNESCO en mai dernier, une délégation de moines du temple de Shaolin (qui signifie « jeune bois ») est venue à Paris pour promouvoir les valeurs culturelles et spirituelles du kung fu.

Parmi eux, le moine supérieur Shi Yongxin a expliqué à notre collègue Weiny Cauhape en quoi le temple de Shaolin est le fruit d’échanges

culturels et pourquoi il est nécessaire de préserver ses activités qui en font un sanctuaire de l’âme chinoise.

Le célèbre kung fu est né, voici 15 siècles, en chine. On le doit à un moine bouddhiste venu de l’inde. De là, il s’est propagé en corée, au viet Nam, aux Philippines, en malaisie, au japon… pour devenir, à partir des années 1950, un phénomène de mode qui fait rêver la jeunesse aux quatre coins du monde. Une « mondialisation » qui ne respecte pas toujours les valeurs intrinsèques de cet art martial.

Les moines guerriers du jeune bois

© T

empl

e de

Sha

olin

Le kung fu de Shaolin est un art martial et une quête spirituelle.

Le Courrier de l’UNESCO 2009 N°5

14

L

Le Courrier de l’UNESCO 2009 N°5

La culture du mûrier et de l’élevage du ver à soie en Thaïlande sont attestés dès le 13e siècle.

tour du monde au fiL de La soie

À bout de souffle dans la première moitié du 20e siècle, la tradition de la soie en thaïlande reprendra son essor dans les années 1950, grâce à un Américain, jim thomson. Une jeune thaïlandaise, qui n’est autre que la reine sirikit, deviendra son alliée. cet art séculaire, qui concilie aujourd’hui artisanat et industrialisation, se perpétue de génération en génération contribuant au développement du pays.

y jouent un rôle capital. Attiré ses marchés et ses habitants souriants, il décide de s’y installer après sa démobilisation. Depuis son arrivée dans le pays,

Thompson collectionne des mor- ceaux de soie thaïlandaise. Elle le séduit par ses combinaisons de couleurs surprenantes et par sa texture irrégulière qui la distingue des soies japonaise ou chinoise, plus souples. La différence vient de la qualité des vers à soie. Bien que la tradition siamoise de

la culture du mûrier et de l’élevage du ver à soie soit attestée dès le 13e siècle par un diplomate chi-nois, c’est l’architecte américain qui donnera à la soie thaïlandaise ses lettres de noblesse. Car à l’époque où il s’installe à Bangkok, les tis-serands se font rares : la tradition n’est perpétuée que par quelques musulmans du quartier de Benkrua. Décidé de commercialiser la soie thaïlandaise, il se met en contact avec eux. La plupart sont méfiants, mais l’un des chefs de famille, in-trigué, décide de se lancer dans l’entreprise. C’est le début d’une grande aventure. En 1947, une valise pleine

d’échantillons de soie, Thompson s’envole pour New York. Une éditrice de mode se passionne pour les tis-sus et lui offre aussitôt son soutien. De retour en Thaïlande, il crée une société dont il est actionnaire ma-joritaire et directeur. Il gère d’une fa-

e dimanche de Pâques 1967, un homme d’affaires américain établi en Thaïlande disparaît dans la jungle mal-aisienne dans des circonstances qui ne seront jamais élucidées. Le mystère captive l’attention des médias et du pub-lic en Asie, mais aussi en Amérique et ailleurs. Car l’homme est loin d’être un inconnu : il suffit d’adresser une lettre à « Jim Thomson, Bangkok », pour

qu’elle trouve son destinataire parmi les trois millions habitants de la capi-tale thaïlandaise. Durant les vingt années précédant

son séjour fatal en Malaisie, Jim Thom-son réalise ce que d’autres ne réus-sissent pas en une vie entière. Se spécialisant dans un art dont il ignorait tout, il crée une vaste industrie de la soie en Thaïlande. Sa maison à Bang-

kok, qui abrite des trésors ar-tistiques de la région, est un chef d’œuvre architectural. Parcours digne d’un roman

sur un accomplissement per-sonnel, mais aussi sur des mil-liers de destins transformés. Car le nom de Jim Thompson est aujourd’hui celui d’une entreprise thaïlandaise floris-sante de renommée inter-nationale, dont les produits en soie remplissent les plus belles vitrines des mégapoles et décorent nombre d’hôtels et de restaurants à travers le monde.

La soie de BangkokJim Thompson, architecte

de formation, découvre la Thaïlande en 1945. Il y est affecté comme of-ficier de l’armée améri-caine. La ville de Bangkok compte à ce moment-là très peu d’immeubles et d’automobiles, et les canaux

© U

NE

SC

O/M

iche

l Rav

assa

rd

Scène du spectacle thaïlandais qui s’est déroulé le 18 mai à l’UNESCO, dans le cadre du Festival international de la diversité culturelle.

© U

NE

SC

O/M

iche

l Rav

assa

rd

(•••)

15Le Courrier de l’UNESCO 2009 N°2

Malgré l’industrialisation, la fabrication de la soie thaïe dépend en grande partie des mains habiles des paysannes et ouvrières.

tour du monde au fiL de La soie

çon nouvelle l’entreprise qui emploie en priorité des femmes, autorisées à travailler chez elles pour ne pas per-turber leur vie familiale. Il introduit des changements importants dans les modes de fabrication et remplace les teintures végétales par des peintures chimiques, tout en respectant les couleurs traditionnelles de la soie. Au début des années 1950, Thomp-

son ouvre un magasin à Bangkok qui connaît un succès fulgurant. Bientôt il reçoit la visite de la reine Sirikit, qui n’a jamais ménagé ses efforts pour promouvoir l’artisanat et le patrimoine culturel thaïs. Elle devient sa cliente la plus célèbre et la plus influente. Lors de ses visites officielles à l’étranger, elle porte des tenues confection-nées en soies traditionnelles qui ne manquent pas d’attirer l’attention du grand couturier français Pierre Bal-main. De l’autre côté de l’Atlantique, Irene Sharaff, créatrice des costumes pour la comédie musicale Le roi et moi de l’Américain Walter Lang, in-augure toute une série de films qui contribueront au prestige de la soie thaïe. Les commandes affluent de toutes parts.

Préserver la traditionÀ partir des années 1970, la fab-

rication de la soie est implantée dans la province de Khorat, au nord-est de la Thaïlande. C’est en parcourant cette région agricole pauvre au climat chaud, que la reine Sirikit mesure les difficultés des paysans et leur pro-pose de relancer le tissage de la soie et la teinture traditionnelle. En 1976, la reine créera la fondation SUPPORT, visant à développer des activités ar-tisanales en zone rurale et conserver les anciennes techniques de fabrica-tion. Aujourd’hui un millier de familles possèdent leurs propres champs de mûriers et élèvent les vers à soie chez eux. Les cocons, qui arrivent à matu-rité au bout de 23 jours, sont vendus à la ferme de Jim Thompson. De nos jours, le tissage, qui constitue

l’étape centrale dans le processus de la fabrication de la soie, est entre les mains de 600 tisserands, hom-mes et femmes, qui transmettent leur savoir-faire de génération en généra-tion. Concilient tradition et modernité,

l’impression des tissus se fait aussi bien à l’aide de pochoirs en bois que d’imprimantes numériques. Le con-trôle de la qualité et la finition à la main sont de rigueur, assurant un bon compromis entre artisanat et industrialisation. L’homme d’affaires américain

l’avait prédit : cette grande aventure de la soie thaïlandaise devait servir à la prospérité du pays. Aujourd’hui,

90 % des actionnaires de la société Jim Thompson sont Thaïlandais, dont un tiers des enfants et petits-enfants des premiers tisserands musulmans de Benkrua.

D’après la conference de eric B. Booth, de la Jim Thompson Thai Silk Company,

prononcée à l’UNESCO, lors du Festival de la diversité, en mai 2009

© U

NE

SC

O/M

iche

l Rav

assa

rd

(•••)

champagne et soie : un mariage royaLsi le champagne est le roi des vins, la soie thaïlandaise est la reine des soies – telle pourrait être la devise du partenariat conclu entre le comité interprofessionnel du vin de champagne et l’institut thaïlandais de sériciculture. symboles forts de leurs pays respectifs, le champagne français et la soie thaïe sont aussi victimes de leur succès : la contrefaçon et l’usurpation du nom sont les deux principales menaces que ce partenariat s’efforce de combattre.

Le champagne et la soie, qu’on-ils en commun ? Une aura d’élégance et de charme, une longue histoire, un lien intime avec leurs terres d’origine, des règles de fabrication strictes et… des contrefaçons. Certes, le champagne français est pro-

tégé par une série de textes législatifs, communément appelés le « Code du champagne », qui définissent avec préci-sion sa provenance et sa production. Mais le Comité interprofessionnel du vin de Champagne doit se battre bec et ongles pour éviter l’usurpation de son in-dication géographique*. Cet organisme dont les origines remontent à la Com-mission de propagande et de défense des vins de Champagne de 1930, doit s’assurer qu’aucun autre vin mousseux au monde ne puisse bénéficier de cette appellation. Tâche difficile, et pour cause : le prestigieux nom « Champagne » est vendeur, donc alléchant pour les falsificateurs. De son côté, le jeune Institut thaïlan-

dais de sériciculture, créé en 2002, a pour objectif de faire reconnaître l’indication géographique de la province de Lamphun, productrice traditionnelle de soie. La soie de Lamphun, réputée

pour son tissage broché, est prisée par les plus grands couturiers et décora-teurs d’intérieur du monde. Malgré l’industrialisation, la fabrica-

tion de la soie thaïe dépend en grande partie des mains habiles des paysannes. L’élevage des vers à soie ou encore le dévidage, fil par fil, des cocons restent la prérogative d’une myriade de petits pro-ducteurs. Quant aux ateliers de tissages qui rachètent ces fils, ils utilisent pour la plupart des métiers à tisser et autres techniques traditionnelles. En 2007, le Comité Champagne

a répondu présent à la proposition de partenariat venant de l’Institut de la reine Sirikit et s’est fait l’avocat de la soie thaïe. Grâce à son sou-tien, l’enregistrement de l’indication géographique de la soie de Lamphun auprès de l’Union européenne est en cours. Cette coopération est ap-pelée à sensibiliser le public à la notion d’indication géographique et à con-tribuer à la sauvegarde de l’authenticité de ces produits emblématiques des pat-rimoines culturels français et thaïlandais.

Katerina markelova, Le Courrier de l’UNESCO

16

La Grande Barrière, au nord-est de la côte australienne. Le plus grand ensemble corallien du monde est menacé de disparition.

nique qui maintient le CO2 à distance vitale de l’atmosphère. Devant ces tendances alarmantes, le

Sommet mondial sur le développement durable de 2002 a décidé d’instaurer une veille permanente grâce à des évaluations mondiales et intégrées de l’état des mers : c’est à ce jour la plus vaste initiative prise par le système des Nations Unies pour améliorer la gouvernance des océans. Dans sa résolution 60/30, l’Assemblée générale des Nations Unies a chargé en 2005 la Commission océanographique intergouvernementale de l’UNESCO et le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) de piloter la phase de lancement. Après trois ans de travaux, un premier rapport a été distribué aux États membres et au grand public. Dans quelques mois, un Groupe de travail plénier réunissant l’ensemble des mem-bres de l’ONU examinera ce rapport dans les locaux emblématiques du Siège des Nations Unies à New York et soumettra à la 64e session de l’Assemblée générale ses propositions de stratégie. Si tout va bien et qu’elles sont approuvées, la voie sera libre pour la première Évaluation inté-grée de l’état des océans, que le système des Nations Unies conduira en 2014-15, les deux années où la Commission du développement durable passera en re-vue les questions océaniques et côtières. Compte tenu de l’ampleur des enjeux, nous n’avons pas droit à l’échec.

Patricio Bernal, Secrétaire Général de la Commission

Océanographique Intergouvernementale (COI), UNESCO.

Quand les océans font la une, c’est gé-néralement que la biodiversité est mena-cée, que l’industrie de la pêche est en cri-se ou qu’un pétrolier a fait naufrage. Voilà des sujets importants et qui doivent être couverts, mais ils ne représentent que la petite partie de l’iceberg. Au fur et à mesure que nous progres-

sons dans notre compréhension de la machine climatique, nous découvrons le rôle complexe et néanmoins crucial joué par les océans dans sa régulation. Par sa capacité à stocker la chaleur, l’océan est non seulement le moteur du temps qu’il fait, mais aussi la mémoire du climat. La vie terrestre est née sur les marges de l’océan primordial et s’est développée pendant des millions d’années dans ce berceau aquatique. Bien commun mon-dial par excellence, l’océan procure les services écologiques indispensables sans lesquels la vie serait impossible. L’humanité a donc toutes les raisons de révérer l’océan, comme le faisaient intu-itivement les civilisations antiques. Nos comportements quotidiens sont

pourtant fort éloignés de cet idéal. Com-me l’ont révélé les récents actes de pi-raterie, et en dépit de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UN-CLOS) de 1982, la gouvernance de cet espace international unique comporte encore de grosses lacunes. L’UNCLOS offre un cadre juridique intégré sur lequel appuyer des réglementations cohérentes et efficaces pour régir les différentes utili-sations de l’océan, et depuis trente ans les agences et programmes spécialisés de l’ONU s’emploient à les mettre en œuvre. Le suivi et l’application de ces

règles se heurtent toutefois à de graves déficiences. Les institutions nationales et internationales manquent de pouvoir. Leur action reste compartimentée selon un découpage secteur par secteur des tâches et des responsabilités qui laisse peu de place à l’élaboration d’une poli-tique intégrée capable d’aborder les questions transversales. Il y a donc des progrès, mais bien des

défis demeurent, à commencer par la question des pêches en haute mer ou « transzones ». On s’inquiète aussi de plus en plus du caractère non durable de nombreuses pêcheries et de la crise majeure qui frappe la pêche mondiale en général.

Œuvre de Titan, mais œuvre nécessaireLes pratiques non durables mettent

aussi en péril de nombreux habitats spécifiques : les milieux côtiers, mais aussi les mangroves, les estuaires, les récifs coralliens et les montagnes sous-marines, points névralgiques de la biodi-versité océanique. Et l’on voit s’intensifier le trafic illégal d’êtres humains, d’armes et de produits stupéfiants en haute mer. En absorbant chaque année des mil-

lions de tonnes de CO2 – un tiers des émissions annuelles – les océans ont empêché que le changement clima-tique ne prenne un tour catastrophique. Mais leur équilibre s’en ressent : leurs eaux s’acidifient et s’ils retiennent la plus grande part de la chaleur additionnelle générée par le changement climatique, cela pourrait bien gripper les mécan-ismes normaux de la circulation océa-

Les océans sous l’œil de l’ONU ©

UN

ES

CO

/Dom

iniq

ue R

oger

éclairage

Les océans vont mal. Première source de nourriture pour 2 milliards d’êtres humains, pièce maîtresse de l’équilibre climatique et réserve encore inexploitée de ressources vitales, ils méritent un meilleur traite-ment. c’est pourquoi les Nations Unies viennent de faire du 8 juin la journée mondiale de l’océan.

Le Courrier de l’UNESCO 2009 N°5

17

coNtact

Le Courrier de l’UNESCO 2009 N°5

Le Courrier de l’UNESCO est publié par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture. 7, place de Fontenoy 75352 Paris 07 SP, France http://www.unesco.org/fr/courier

renseignements et droits de reproduction [email protected]

Directeur de la publication Saturnino Muñoz Gómez

rédactrice en chef Jasmina Šopova - [email protected]

Assistance éditoriale Katerina Markelova - [email protected]

rédacteurs

Anglais Cathy Nolan - [email protected]

Arabe Bassam Mansour - [email protected] assisté par Zaina Dufour - [email protected]

chinois Weiny Cauhape - [email protected]

espagnol Francisco Vicente-Sandoval - [email protected]

Portugais Ana Lúcia Guimarães et Nelson Souza Aguiar [email protected]

russe Victoria Kalinin - [email protected]

Photos et mise en page web Fiona Ryan - [email protected]

maquette et mise en PDf Gilbert Franchi

Plateforme web Stephen Roberts, Fabienne Kouadio, Chakir Piro [email protected]

Les articles et photos sans copyright peuvent être reproduits à condition d’être accompagnés du nom de l’auteur et de la mention “Reproduit du Courrier de l’UNESCO”, en précisant la date. Les articles expriment l’opinion de leurs auteurs et pas nécessairement celle de l’UNESCO. Les frontières sur les cartes n’impliquent pas la recon-naissance officielle par l’UNESCO ou les Nations Unies, de même que les dénominations de pays ou de territoires mentionnés.