suprématie du mari dans le mariage
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régime matrimonial camerounaisTRANSCRIPT
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1 UCAC/ICY/FSSG/LSJP
Université Catholique d’Afrique Centrale
Institut catholique de Yaoundé
Faculté de Sciences Sociales et Gestion
Licence en Sciences Juridiques et Politiques
DROIT DES REGIMES MATRIMONIAUX ET DE SUCCESSIONS
Par DEVAWISSA ZOURMBA
Présenté à Madame
La prépondérance du pouvoir du mari dans la gestion de la communauté
vous semble-t-elle justifiée ?
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Table des matières Introduction ........................................................................................................................................... 3
I. La prépondérance du mari dans la communauté, une réalité juridique et sociale, un gage
d’union et d’harmonie de la famille. .................................................................................................... 4
A. Le principe de la prépondérance du mari dans la gestion des biens conjugaux. ................ 4
1. Sécurité juridique procurée par la prépondérance du mari dans la gestion des biens
conjugaux. ...................................................................................................................................... 5
2. Prépondérance du mari dans la gestion des biens de la communauté comme
contrepartie des nombreuses responsabilités du mari dans la communauté. .......................... 5
B. Impact de la coutume sur la prépondérance du mari dans la gestion des biens de la
communauté. ...................................................................................................................................... 6
1. Influence de la Coutume patriarcale et hiérarchisée sur la prépondérance du mari dans
la gestion des biens conjugaux. ..................................................................................................... 7
2. Influence de la polygamie sur la gestion des biens de la communauté. ............................ 7
II. De la Prépondérance du mari dans la gestion des biens de la communauté vers la
cogérance. ............................................................................................................................................... 8
A. Prépondérance du mari comme négation des droits fondamentaux de la femme ............... 8
1. Impact de la prépondérance du mari dans la gestion des biens conjugaux sur le
principe de l’égalité des époux...................................................................................................... 9
2. La prépondérance du mari dans la gestion des biens de la communauté comme facteur
d’insécurité pour le patrimoine propre de la femme. ............................................................... 10
B. La cogérance gage d’égalité entre époux, expression de l’égalité des époux devant la loi 10
1. La cogérance ........................................................................................................................ 11
2. Cogérance comme solution à la subordination et à la soumission coutumière de la
femme dans le mariage ................................................................................................................ 11
BIBLIOGRAPHIE. ............................................................................................................................. 12
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Introduction
De plus en plus de nos jours, avec la montée en puissance des droits de l’homme, de l’égalité
du genre, on assiste à un monde qui tend vers un idéal d’équité et d’égalité pour tous. Partout
au monde, dans les divers postes de responsabilité, on tend à mettre sur pied un système
permettant à la femme, au même titre que l’homme, de jouir des même droits et avantages.
L’égalité supplante désormais tous les domaines de la vie. Loin d’être en marge, le mariage ici
entendu comme l’union légale entre l’homme et de la femme, se voit emporté dans la mouvance,
par le biais des questions que posent l’éducation des enfants, la gestion des biens de la
communauté maritale. En effet, envisagé au sens de Paul Eluard1, le mariage apparait comme
un lien sacré qui devrait unir les conjoints. On peut donc comprendre pourquoi, en parlant du
mariage, cet auteur affirma : « Nous n’irons pas au but un par un mais par deux» Cette formule
lapidaire traduit, à n’en point douter, la nécessité absolue pour les conjoints d’être unis, ou
mieux, de former une communauté par les liens sacrés du mariage. C’est clairement là dire que
le mariage, dans sa mise en œuvre, suppose la constitution d’une communauté de vie et de
biens. Cependant, parler de la communauté qu’implique le mariage, c’est nécessairement
aborder en arrière-plan, les questions relatives à l’administration des biens de la dite
communauté. Le quel des conjoints dispose de l’opportunité de la gestion des biens de la
communauté ? Pour le législateur français du 13 juillet 1965, les époux étant égaux en droits
et devoirs, doivent ensemble administrer, dans une logique de codirections, les biens communs
de la communauté. Un tel point de vue, est bien loin de l’esprit du législateur camerounais des
régimes matrimoniaux, qui pour trancher des questions pareilles, s’inspirent de la coutume.
Ainsi, pendant que la coutume et le code civil camerounais, prônent et posent l’autorité maritale
comme fondement de la communauté des époux, l’ordonnance de 1981, lui, dans une logique
de modernité consacre la puissance paternelle dans le rapport parent enfant. Comme si cela ne
suffisait pas, le mari en droit matrimonial camerounais, détient la prérogative de choisir la
résidence familiale, et la femme y est tenue d’habiter. Tout se passant alors comme si, dans la
communauté de vie que constitue le mariage, la femme elle, n’avait pas de droit. En allant de
la puissance maritale reconnue à l’homme, au droit de choisir le domicile familial dont il est le
garant, en passant par la prérogative légale qui lui est reconnue de gérer les biens de la
communauté, tout se passe alors comme si, la femme sujet « passif » de la communauté de vie
qu’implique le mariage, n’a plus aucun droit, une fois mariée. L’idéal type de mariage d’Eduard
tel que présenté ci-dessus, trouve donc ses limites dans la pratique camerounaise du droit
matrimonial. Face à un tel état de chose, on se demande utilement si, l’absence notoire d’égalité
entre les conjoints dans la gestion des biens de la communauté, n’est pas une atteinte aux droits
fondamentaux de la femme chère à la Charte africaine des Droits de l’Homme et des peuples.
D’ailleurs, à ce propos, pour la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789,
renforcé par les déclarations de Maputo sur les droits de la femme, les Hommes sont égaux en
droits et devoirs même dans le mariage. Face à cet état de chose qui tend à présenter le droit
matrimonial camerounais comme non respectueux des droits de la femme mariée, il serait
judicieux de préciser que la Constitution camerounaise de 1996, en son préambule réaffirme,
de façon manifeste, son attachement aux droits fondamentaux de l’homme. Tout se passant
1 Paul Eluard, poète français, dadaistes et surréalistes, et né le 14 octobre 1895.
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donc comme, si la prépondérance du mari dans la gestion des biens de la communauté, était
chose normale et respectueuse des droits de la femme. Au cœur de cette controverse, il est
légitime de se demander finalement si la prépondérance du mari dans la gestion des biens de la
communauté, constitue une négation ou pas, des droits de la femme mariée. Bien plus, cette
prépondérance ne peut-elle pas se justifier dans le contexte camerounais de la famille ? Telles
en seront les principales articulations de notre propos. Si le corpus du droit matrimonial
camerounais, fortement influencé par la réalité socio anthropologique de la famille
camerounaise, reconnait dans sa constitution l’égalité entre homme et femme, tout en accordant
à l’homme, la prérogative de la gestion des biens de la communaux (I) ; le Pacte international
des droits de l’homme, quant à lui, rehaussé par le protocole à la Charte Africaine des Droits
de l’Homme et des Peuples relatif aux Droits des Femmes, prônent et consacrent l’idée d’égalité
entre les époux et par la même occasion la collégialité dans la gestions des biens de la
communauté (II).
I. La prépondérance du mari dans la communauté, une réalité juridique et
sociale, un gage d’union et d’harmonie de la famille.
Fortement inspirés par la coutume et la tradition, les rédacteurs du code civil camerounais, en
régissant la gestion des biens de la communauté, avaient de façon permanente à l’esprit, la
défense, la protection de l’union et de la cohésion de la famille. Engagé dans cette logique, le
code civil camerounais en ses articles 1421et 1428 consacre les pouvoirs certains du mari dans
la gestion des biens conjugaux, et ceci au nom de la cohésion familiale, qu’ils supposent.
Toutefois, pour mieux appréhender les contours d’un tel principe, jauger son impact juridique
sur la vie économique de la famille (A), tout en le situant comme le produit d’une culture sociale
bien implantée (B) serait judicieux.
A. Le principe de la prépondérance du mari dans la gestion des biens
conjugaux.
D’après l’article 1421 du code civil, « Le mari administre seul la communauté, il peut vendre
aliéner ou hypothéquer sans le secours de la femme, sauf à répondre des fautes qu’il aurait
commise dans la gestion ». Voici en effet le nœud, la phrase centrale qui gouverne et régit la
gestion des biens de la communauté. Cet article reconnait de façon manifeste au mari le droit
d’administrer, de constituer des suretés et même de disposer des biens de la communauté, dans
la limite de ne pas commettre des fautes. En d’autre terme, le mari dans la communauté
conjugale détient les pleins pouvoirs, non seulement sur les biens de la communauté mais aussi
sur les biens propres de la femme2. Les pouvoirs du mari ainsi présentés, il faut ici définir la
notion de régime matrimonial de base. Encore appelé statut de base des époux, le régime
matrimonial de base constitue un ensemble des règles de gestion applicable à tous les époux
2 Article 1428, 1 du code civil. D’après cet article, le mari exerce toutes les actions mobilières et possessoires
qui appartiennent à sa femme, en réalité il ne peut accomplir que les actes d’administrations sur les biens de son
épouse.
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quelques soit leur régime matrimonial. Les règles du régime primaire touchent à la fois aux
droits des époux, entendu comme pouvoir de gestion d’une part et aux obligations pécuniaires
nécessaires au fonctionnement du ménage d’autre part. De ce fait, les dispositions des articles
1421 et 1428 du code civil s’appliquent sans distinction à tous les régimes matrimoniaux. Une
fois ce préalable fait, il reste à se demander ce qui d’un point de vue juridique pourrait justifier
l’hégémonie du mari dans la gestion des biens conjugaux (1) ? Ou mieux et bien plus, quel peut
être le fondement d’une telle disposition (2)?
1. Sécurité juridique procurée par la prépondérance du mari dans la
gestion des biens conjugaux.
La communauté de vie que constitue le mariage, suppose une mise en commun de vie et donc
des biens. Ceci étant, la communauté en tant qu’émanation du mariage, constitue une sorte
d’entité sacrée et unie. Envisagé comme tel, la désignation du mari pour la gestion des biens de
cette entité est à plus d’un titre salutaire. En effet, les pleins pouvoirs que détient le mari sur les
biens de la communauté et sur les biens propres de sa femme, constituent, à n’en point douter,
pour la communauté un moyen de sécurisation juridique de ses biens. Un tel point de vue est
peut être absurde, mais il l’est encore moins, quand on considère que la communauté conjugale,
formant un corps unique, contracte avec les tiers, vend, et achète des biens. Ces activités
économiques inhérentes à la vie quotidienne de la communauté, ont un impact sur le patrimoine
son patrimoine. Pour assurer une cohésion et une bonne administration de ce patrimoine, le
législateur en désignant, le mari comme gérant unique voudrait, outre assurer à la famille une
protection de ses biens, mais aussi, garantir aux tiers, dans un contexte soumis aux aléas de la
conjoncture économique, un certain gage de légalité et d’efficacité. Aussi, la désignation du
mari comme gérant unique des biens de la famille, est d’autant plus importante pour le bien être
du patrimoine de la communauté que, l’exercice des pleins pouvoirs reconnues au mari doit se
faire dans la limite des intérêts de la famille, sous peine sanction. Ainsi, il est interdit au mari
de disposer des meubles garnissant le domicile familial. S’il le fait, le mari engage sa
responsabilité et les actes ainsi accompli, courent l’annulation. Outre le fait que les dispositions
de l’article 1421 et 1428 du code civil, constituent pour la communauté, un gage de sécurité
juridique, de cohésion et d’ordre dans l’administration et la disposition des biens du patrimoine
de la communauté, il est à relever que ces dispositions, engendrent comme conséquences
logiques, les nombres responsabilité auxquelles mari est soumis dans la communauté de vie
qu’implique le mariage.
2. Prépondérance du mari dans la gestion des biens de la communauté
comme contrepartie des nombreuses responsabilités du mari dans la communauté.
Le mari, dans la vie quotidienne de la communauté conjugale, occupe une place importante et
est soumis à une panoplie de responsabilités auxquelles il doit répondre. Si d’un côté, l’effet
patrimonial du mariage impose au mari le devoir et l’obligation de contribuer à titre principal
aux charges du mariage3, de fournir à la femme tout ce qui nécessaire pour les besoins de la vie,
de subvenir aux besoins des enfants, et d’assurer la direction morale et matérielle de la famille ;
3 Article 214 du Code civil
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d’un autre côté, les règles de droit régissant la responsabilité délictuelle des enfants4 font du
mari, le civilement responsables à titre principal, il pèse donc sur sa tête une obligation
permanente de réparation du fait de ses enfants. Bien que l’ordonnance de 19815, reconnait à la
femme mariée d’exercer une profession, cela ne réduit pas pour autant l’étendu de la
responsabilité du mari qui doit être le garant du bien-être de la communauté de vie que suppose
le mariage. Et d’ailleurs, nonobstant l’innovation de l’ordonnance de 1981 qui reconnait à la
femme, le droit d’exercer une activité professionnelle, on note tout de même, un attachement à
la coutume, duquel résulte une parfaite subordination de la femme au mari qui pour l’essentiel
ne dépend que de lui pour vivre. Toutes ces dispositions légales, tous ces faits, nous renseignent
assez sur l’étendu et la complexité des responsabilités du mari. Cependant, en reconnaissant au
mari de telles responsabilités, le législateur camerounais du régime matrimonial, a simplement
donné à ce dernier, les moyens de son action en lui accordant les pleins pouvoirs sur les biens
de la communauté. Sous ce rapport, la prépondérance du mari dans la gestion des biens de la
communauté peut dès lors, se présenter comme un moyen, reconnu par le législateur au mari,
pour mieux jouer son rôle de chef de famille. C’est une prérogative du pater familias dont est
garant le mari. Soucieux du respect de l’égalité entre sujet de droit, le code civil a cependant
donné des limites au pouvoir du mari dans la gestion de la communauté. En cas de mauvaise
gestion, le mari peut engager sa responsabilité, perdre son droit de gérer les biens, ou encore
se voir imposer l’opposition de la femme. Toutefois, au de ces justifications, il y a lieu de
préciser que la prépondérance du mari dans la gestion de la communauté, bien qu’ayant un
fondement juridique plus ou moins discutable, peut s’expliquer par l’effet des réalités socio-
anthropologiques sur le législateur.
B. Impact de la coutume sur la prépondérance du mari dans la gestion des
biens de la communauté.
Encore considérée comme source non formelle du droit, la coutume est pour des auteurs comme
CARBONNIER, un véritable lieu d’élaboration de la règle de droit. De par sa flexible, sa
constance et son caractère habituel, la coutume peut non seulement s’imposer comme règle de
droit, mais aussi être une source d’inspiration pour le législateur. Inscrite dans cette perspective,
Thérèse ATANGANA-MALONGUE, parlant du principe d’égalité en droit camerounais de la
famille affirma que ce principe dans son ensemble, est essentiellement inspiré des « règles
coutumières de la parenté fondées essentiellement sur des rapports de subordination »6 A côté
de ce rapport de subordination et de soumission que suppose la parenté dans la coutume
camerounaise, on peut relever que la prépondérance du mari dans la gestion des biens de la
communauté, est d’une part le fruit d’une société patriarcale à parenté subordonnée (1) et
d’autre part l’expression d’une notion traditionnelle de la famille fondée sur la polygamie (2)
4 Article 1384 du Code civil. 5 Article 74, alinéa 1 de l’Ordonnance n°81/002 du 29 juin 1981 portant organisation de l’Etat civil et de diverses
dispositions à l’Etat de personnes physique.
6 Thérèse ATANGANA-MALONGUE, Docteur en droit privé, Enseignante à l’Université de Yaoundé II (SOA)
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1. Influence de la Coutume patriarcale et hiérarchisée sur la
prépondérance du mari dans la gestion des biens conjugaux.
Dans la conception même de la famille camerounaise et au cœur même de son histoire, l’image
du masculin, et plus précisément celle du père a toujours été au centre de la vie de la famille.
Cette conception traditionnelle de la fonction du père et donc du mari dans la famille, n’a pas
laissé le législateur camerounais indifférent. Cette influence a été d’autant plus grande avec
consécration, à l’époque de la puissance maritale du mari, de l’incapacité maritale de la femme
mariée. Bien que l’article 216 du code civil, reconnait à la femme mariée la pleine capacité de
droit, il n’en demeure pas moins qu’au Cameroun, dans les années 60, 70, 80 et même 90, la
femme a presque toujours été considérée comme sujet passif de la communauté conjugale et il
revenait donc au mari l’exclusivité des responsabilités de la famille. Ainsi donc, d’un point de
vue purement sociale et anthropologique, la main mise exclusive du mari sur les biens de la
communauté apparait justifier et respectueux des droits de la femme, car celle-ci voit en cela
une norme sociale7, une vérité supérieure, à laquelle elle adhère librement et s’y reconnait. De
surcroît, et au-delà de l’impact coutumier du patriarcat et de ses corollaires que sont la
soumission et la subordination des femmes, le mariage dans les sociétés traditionnel bantou, est
une grâce pour la femme, un facteur d’ascension sociale8. On peut comprendre cet état de chose
à travers ses adages congolais qui à plus d’un titre traduisent la suprématie du mari et son
importance pour la femme. « lokomu ya mwasi mpo na mobali »9, « linzanza libonga na langi,
mwasi abonga na mobali »10 Il est donc à relever que le mariage chez les bantous constitue la
voie de libération par laquelle, l’homme honore la femme et lui accorde une place dans la
société. Les questions en rapport avec la gestion de la communauté dans un contexte pareil
peuvent être absurdes car évidentes. C’est le mari qui prend la femme en mariage, c’est à lui de
gérer son foyer, et pour les sociologues comme Kate Millet11, la femme fait partie des biens
dont il a la gestion. Sous ce rapport, et au regard de ce qui précède, il y a lieu de dire que la
prépondérance du mari dans la gestion des biens conjugaux est le produit de la culture d’une
société camerounaise patriarcale bien implantée, et ayant un sens unie et indivisible de la
famille. Toutefois, le patriarcat n’est pas la seule justification de la mainmise du mari sur la
gestion des biens conjugaux.
2. Influence de la polygamie sur la gestion des biens de la communauté.
Si dans la quasi-totalité des pays chrétiens du Nord, la polygamie semble absurde et pas admise,
en Afrique au sud du Sahara, par contre et au Cameroun, en particulier, c’est un procédé
juridique légal. La communauté de vie que suppose la polygamie suppose une pluralité de
femmes réunies autour d’un seul et unique mari. Dans la conception traditionnelle de la
7 Emile DURKHEIM, l’éducation morale, Paris, PUF 1963, P. 76. Dans cet ouvrage l’auteur montre comment la
société, de par ses considérations, et la distinction qu’elle fait entre le normal et pathologique, impose à l’individu
un trait de caractère, une façon d’être et un sens social des valeurs morales. Durkheim dira d’ailleurs à cet effet
« Quand notre conscience parle, c’est la société qui parle en nous » 8 Du droit africain bantou, p 373, télé esprit Edition Unies, Rome 2004 9 Une femme n’a de la valeur que si elle a un mari 10 Comme un récipient rouillé resplendit grâce à la peinture, une femme trouve tous ses éclats quand elle trouve
un mari. 11 Kate MILLET, sexual politicis (la politique du mâle), Stock, 1971
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polygamie, les épouses et l’époux forment une famille unique et indivisible. La formation d’une
telle cellule suppose la mise en commun d’un certain nombre de bien nécessaire au
fonctionnement de la communauté. En raison de la multiplicité des membres de la communauté
polygame, et dans le souci de permettre une gestion ordonnée et cohérente des biens, la
prépondérance du mari, trouve dans ce contexte droit de cité. Cependant par-delà toutes les
justifications juridiques et coutumières qui soutiennent l’idée de la prépondérance du ma mari
dans la gestion des biens conjugaux et des biens propres de la femme, il est à relever cette
pratique quoique acceptée par la pratique coutumière camerounaise, constitue, pour la femme,
une atteinte à ses droits fondamentaux et, est un non-respect du principe constitutionnel de
l’égalité devant la loi.
II. De la Prépondérance du mari dans la gestion des biens de la communauté vers
la cogérance.
Si aujourd’hui, l’idée d’égalité entre l’homme et la femme formant un couple parait par-dessus
toute considération coutumière et traditionnelle, certaine et évidente, il n’est point à douter que
cet état de chose, se justifie par la négation des droits de la femme que constitue la
prédominance du mari sur la gestion des biens conjugaux. En effet, le préambule de la
Constitution de 1996, marque un attachement particulier aux droits fondamentaux de l’homme
et reconnait à tout un chacun une parfaite égalité devant la loi12. Bien que dans son essence
même, le principe de l’égalité suppose «un traitement semblable des cas semblables, différent
des cas différents»13, l’existence préalable d’un système juridique comportant des normes
générales énonçant des distinctions autorisées et celles discriminatoires, permettant ainsi de
reconnaître «les cas semblables», de sorte que «les personnes sont réputées égales, dans un
ordre juridique donné, du point de vue de ces discriminations que l’ordre juridique interdit»14,
est à n’en point douter, une condition incontournable dans la détermination et l’application du
principe de l’égalité devant la loi. Ainsi, le constituant camerounais de 1996, en citant les
distinctions discriminatoires fait mention du sexe, une variable susceptible de provoquer des
discriminations. Une fois le principe constitutionnel de l’égalité ici présenté quoique
sommairement, il reste à montrer que la prépondérance du mari dans la gestion des biens
conjugaux constitue pour la femme une discrimination, mieux une négation de ses droits
fondamentaux (A), et qu’au nom de l’ égalité devant la loi, le principe de la cogérance devrait
gouverner les biens de la communauté maritale (B).
A. Prépondérance du mari comme négation des droits fondamentaux de la
femme
12 Par. 6 de la Constitution du 18 janv. 1996; loi n° 06 du 18 janv. 1996 portant révision de la Constitution du 2
juin 1972, J. O., numéro spécial, 30 janv. 1996. 13 C. LEBEN, «Le Conseil constitutionnel et le principe d’égalité devant la loi», RDP, 1982, p. 319 14 ibidem
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Il est derrière nous, le temps où l’ancien code civil de 1804, prônait la puissance maritale au
détriment de l’incapacité civile de la femme marié à contracter, à faire le commerce, et à agir
en tant que sujet de droit. Dans toutes les législations, celle du traité Ohada par exemple, on
note une réelle avancée, car la femme mariée peut, sous réserve de certaines conditions relatives
à la protection du patrimoine familial, exercer une activité commerciale. Nonobstant cette
vertigineuse évolution que connait le statut de la femme mariée dans les législations, Le droit
camerounais de la famille quant à lui, reste influencé d’une part, par un pluralisme juridique
oscillant entre le droit écrit et coutumier, et fortifié d’autre part, par un pluralisme judiciaire
offrant au justiciable le choix entre le tribunal coutumier ou de droit moderne. Tout ceci est
selon le professeur Paul-Gérard POUGOUE « une solution transitoire »15 Certes, mais une
solution transitoire qui semble pourtant définitive. Au final, les dispositions actuelles du régime
matrimonial bien que « transitoires », constituent néanmoins une discrimination pour la femme
mariée (1) et un gage d’insécurité pour son patrimoine propre (2).
1. Impact de la prépondérance du mari dans la gestion des biens
conjugaux sur le principe de l’égalité des époux.
L’institution du consentement et la nécessité d’une capacité, comme conditions essentielles au
mariage, suppose qu’à priori, il existe entre les époux une certaine volonté à s’unir. Toutefois,
au-delà du caractère institutionnel du mariage, il est à relever que cette espèce juridique est
avant tout un contrat nommé certes, mais soumis aux règles édictées par l’article 1108 du code
civil. Vu sous cet angle, la prépondérance du mari sur la gestion des biens de la communauté
apparait comme une lésion, non comme une lésion d’origine contractuelle, mais légale. Le
législateur camerounais au travers de l’article 1421 du code civil, crée comme un rapport de
supériorité entre les époux. Cet article traite en effet la femme, comme si elle était inférieure à
l’homme et incapable de gérer les biens de la communauté et ses propres biens. On pourrait
peut-être justifier cette attitude du législateur par sa volonté à protéger la cohésion et l’union de
la famille, mais le faisant, le législateur foule au pied un principe important qui est celui de
l’égalité devant la loi. Dans les pays du nord comme la France, la prépondérance du mari dans
la gestion des biens de la famille constitue une discrimination, un traitement différentiel des
personnes ayant le même statut devant la loi. En effet, si on convient avec LEBEN que le
principe de l’égalité devant la loi suppose «un traitement semblable des cas semblables,
différent des cas différents», et si on admet que, les époux en tant que mariés ou encore
cocontractant, ont un même statut devant la loi, alors toute tentative visant à privilégier un
époux au détriment de l’autre, est la manifestation, la plus exacerbée de la discrimination et de
l’inégalité devant de la loi. En tout cas, pour le Protocole à la Charte Africaine des Droits de
l’Homme et des Peuples relatif aux Droits des Femmes, l’article 1421 du code civil camerounais
est une atteinte aux droits fondamentaux de la femme. Si l’article 2 dudit protocole exige des
Etats d’inscrire dans leur constitution et de veiller à l’application du principe d’égalité et de la
non-discrimination, il n’en demeure pas moins que l’article 6 quant à lui, statuant sur le mariage
affirme que les Etats doivent veiller « à ce que l’homme et la femme jouissent de droits égaux
et soient considérés comme des partenaires égaux dans le mariage. » Outre le fait la
15 Paul Gérard POUGOUE, La famille et la terre: Essai de contribution à la systématisation du droit privé au
Cameroun, Thèse, Université de Bordeaux I, 1977, p. 38.
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prépondérance du mari dans la gestion des biens de la communauté constitue une atteinte au
droit fondamentaux de la femme et est une atteinte au principe de l’égalité devant de la loi et
est une discrimination, il est à relever que cet état de chose, constitue pour la femme une
insécurité flagrante pour son patrimoine
2. La prépondérance du mari dans la gestion des biens de la
communauté comme facteur d’insécurité pour le patrimoine propre de la femme.
D’après l’article 1428 alinéa 1 du code civil, le mari peut non seulement gérer les biens de la
communauté tel que le prévoit l’article 1421, mais aussi les biens propres de la femme. En
considérant cette disposition légale, la femme est comme soumise au régime de la tutelle dans
la gestion de ses biens propres. Le mari détient tous les pouvoirs d’administration sur les biens
personnels de la femme, il peut exercer toutes les actions mobilières et possessoires qui
appartiennent à la femme. Ce dernier ne voit ses pouvoirs se limiter que lorsqu’il s’agit de
l’aliénation des immeubles de la femme. Une lecture attentive de cet article laisse entrevoir
que la femme, en optant pour le mariage, renonce de façon tacite à l’exercice exclusif de certain
droit tel que les droits réels sur ses biens personnels. La femme mariée a certes un patrimoine
attaché à sa personnalité tel qu’envisagé par Aubry et Rau, mais son administration lui échappe
au profil de son mari. Le fait pour le mari d’administrer les biens propres de la femme, constitue
pour le patrimoine de cette dernière, une insécurité juridique, qui peut à tout moment diminuer
ou même augmenter en passif du fait personnel de son mari. Dans ses rapports juridiques avec
les tiers, le mari en tant qu’administrateur des biens de la femme, et grâce au principe de
l’apparence, qui en droit des affaires connait un essor remarquable, peut valablement exposer
les biens de cette dernière, à ses créanciers en procédure de désintéressement. Bien plus, quand
bien, même le mari voudrait, avec toute la bonne foi du monde administrer normalement les
biens de la femme, il se pose un problème sur l’administration des meubles dont la protection
juridique du fait de l’article 2279, est facilement contournable et faible. Cette situation est
d’autant plus alarmante quand on considère que l’article 1428 alinéa 2, reconnait au mari un
pouvoir large sur les meubles. Une bonne combinaison des articles 2279 et 1428 alinéa 2, et
une volonté éclairée, permettrait au mari de s’approprier pendant le divorce les biens meubles
propres de la femme, laquelle reste sans défense légale. Et dans tous les cas, à cause de l’égalité
devant la loi, et de la pleine capacité juridique16 dont jouit la femme mariée, rien ne justifie le
fait que ses biens personnels soient administrés par le mari. D’ailleurs c’est toujours mieux de
gérer soit même ses biens quand on est capable, c’est là, l’expression la plus haute de la liberté
que défend le constituant de 1996. Tous égaux devant la loi, les époux devraient dans la gestion
des biens de la communauté, jouir de façon égale de la possibilité de gérer conjointement dans
une logique de cogérance les biens de la communauté conjugale.
B. La cogérance gage d’égalité entre époux, expression de l’égalité des époux
devant la loi
16 Article 216 du code civil pose le principe de la pleine capacité de la femme mariée dans les limites de la loi et
du contrat du mariage, et l’article 2 du Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relatif
aux Droits des Femmes, pose le principe de l’égalité devant la loi et de la non-discrimination de la femme.
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Longtemps considérée comme un maillon faible de la vie conjugale, la femme on l’a vu tout au
long de notre travail, est selon les articles 213, 1421 et 1428 du code civil et le droit coutumier
qui, selon l’expression de Thérèse ATANGANA-MALONGUE, met la femme dans une
logique de soumission et de subordination par rapport au mari, un sujet passif de la vie
conjugale. En effet, il est passé cette époque qualifiée de transitoire par le professeur
POUGOUE, où l’importance et prestige de la pratique de la coutume dans la gestion des biens
de la communauté ont érigé pour principe la subordination et la soumission de la femme. Il est
des valeurs juridiques supérieures, pour lesquelles, la coutume matrimoniale camerounaise
devrait céder passage à cause de leurs caractères constitutionnels et justes. Ainsi, dans la vie de
la communauté, les époux étant tous dotés de la personnalité juridique et donc égaux devant la
loi, doivent dans une logique de cogérance, gérer les biens de la communauté conjugale (1), et
ceci pour l’éradication de la subordination et de la soumission de la femme au mari dans
l’optique d’une cohésion parfaite de la vie de la communauté conjugale (2).
1. La cogérance
La promotion de l’égalité entre l’homme et la femme dans la vie conjugale, est de nos jours un
facteur important à prendre nécessairement en compte pour tout Etat qui aspire au
développement complet et à la modernité de ses institutions. En effet, la lutte pour l’égalité
entre conjoint s’inscrit dans un cadre plus vaste du respect des droits de l’homme17. Le
législateur français a dans ce sens par le biais de la loi de juillet 1965 portant réforme du droit
des régimes matrimoniaux, montré la voie à suivre au législateur camerounais, en posant
comme principe l’égalité des époux face au mariage et ses obligations. Le législateur
camerounais, partagé entre le droit moderne et le droit coutumier, et comme à cheval entre la
tradition patriarcale et les exigences des droits de l’homme, devrait au nom du respect du
principe de la constitutionalité de la loi, et surtout pour l’émancipation de la femme, opprimée
par la subordination et la soumission, instituer comme principe central du mariage, l’égalité
entre les époux. Sous ce rapport, dans la vie de la communauté, les époux devrait par opposition
au code civil qui exclue la femme de cette responsabilité, assurer conjointement la direction
morale et matérielle de la famille. Ce principe, étant d’une importance remarquable doit
s’imposer à tous les régimes matrimoniaux. Ceci étant, et grâce au principe de la codirection et
de la Co-administration des biens conjugaux, la communauté conjugale bénéficie non
seulement d’une efficacité dans la gestion de ses biens, mais aussi des véritables moyens pour
contrecarrés les actions de nature à appauvrir le patrimoine conjugale. Cependant, l’institution
de la cogérance dans l’administration des biens de la communauté suppose d’un autre côté,
étendre ce principe dans tout l’autre domaine de la vie des conjoints mariés. On peut pour
mémoire citer la cogérance dans le choix du domicile familiale, de l’éducation des enfants et
de la survenance aux besoins de la communauté.
2. Cogérance comme solution à la subordination et à la soumission coutumière
de la femme dans le mariage
17 Brigitte GIRARDIN, Ministre déléguée à la Coopération, au Développement et à la Francophonie 2006.
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La cogérance dans la gestion des biens de la communauté apparait pour la convention des
nations unies sur la Convention de 1979 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination
à l’égard des femmes, comme une solution miracle au problème de discrimination de la femme
basée sur le sexe. En effet, dans un contexte camerounais, où le droit est dominé par la pratique
traditionnelle et coutumière du mariage qui soumet la femme au respect de la supériorité du
mari et dans une logique de dépendance vis-à-vis de ce dernier, la mise en œuvre du principe
de la cogérance se veut salutaire. L’idée d’introduction dans la pratique coutumière du mariage,
le principe de la cogérance, loin d’avoir pour vocation de vider la coutume de ses sacro-saints
principes, a pour but ultime de soumettre les données traditionnelles au respect de l’égalité entre
l’homme et la femme. L’intention ici n’est certainement pas de se servir de la cogérance pour
nier en bloc le patriarcat dans la société camerounaise, mais plutôt de maintenir cette donnée
comme valable, tout en la soumettant au principe constitutionnel de l’égalité devant la loi. Ceci
étant, le respect de la cogérance, permettrait ou mieux pourrait constituer une véritables panacée
au problème de soumission et subordination, auquel se heurte l’émancipation actuelle de la
femme. Le législateur camerounais du projet du code de la famille à venir prendra-t-il ces
suggestions en compte ? Quand bien même ils les prendraient en compte, les étendra-t-il dans
tous les domaines de la vie conjugale, afin qu’on puisse enfin parler de cogérance dans les
charges du foyer, de cogérance dans l’éducation des enfants, de cogérance dans le choix du
domicile familial ?
BIBLIOGRAPHIE.
Ouvrages généraux
1. Paul Gérard POUGOUE, La famille et la terre: Essai de contribution à la systématisation du
droit privé au Cameroun, Thèse, Université de Bordeaux I, 1977, p. 38.
2. Emile DURKHEIM, l’éducation morale, Paris, PUF 1963, P. 76.
3. Kate MILLET, sexual politicis (la politique du mâle), Stock, 1971.
4. Shulakoma Ntahuligana MWENDA-LARHA, Du droit africain bantou, p 373, télé esprit
Edition Unies, Rome 2004.
Articles
1. C.LEBEN, «Le Conseil constitutionnel et le principe d’égalité devant la loi», RDP, 1982, p.
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Textes de lois
1. Constitution du 18 janv. 1996; loi n° 06 du 18 janv. 1996 portant révision de la
Constitution du 2 juin 1972, J. O., numéro spécial, 30 janv. 1996.
2. Code civil.
3. Ordonnance n°81/002 du 29 juin 1981 portant organisation de l’Etat civil et de diverses
dispositions à l’Etat de personnes physique.