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Ann. Kinésithér., 1990, t. 17, nO 5, pp. 255-265 © Masson, Paris, 1990 Les lésions des tendons extenseurs de la main J.-C. ROUZAUD, Y. ALLIEU, M. BENI CHOU Unité de Chirurgie orthopédique et Chirurgie de la Main, Hôpital Lapeyronie, F 34059 Montpellier Cedex. Les auteurs se proposent de donner un protocole de rééducation sur les lésions des extenseurs de la main. Ce type de lésion donne en règle générale de bons résultats. Mais la relative simplicité de cette rééducation ne doit pas dispenser de mettre en place un véritable plan de prophylaxie des adhérences en transpo- sant la technique de Kleinert sur le système extenseur. Une étude détaillée en fonction des zones est abordée. Les extenseurs CONSIDÉRATIONS ANATOMIQUES On distingue deux types d'extenseurs : les extrinsèques et les intrinsèques. On ne peut parler de tendon extenseur que sur la face dorsale de la main où ils sont bien individualisés avec un extenseur commun et les extenseurs propres du II et du V. Les tendons extrinsèques sont reliés entre eux par des formations parti- culières : les juncta tendinosum. Les juncta jouent un rôle dans la dynamique et dans l'indépendance des tendons, empêchant ces derniers de se luxer sur la concavité de la palette métacarpienne lors d'une flexion complète des doigts. Les juncta intéressent les tendons extrin- sèques à l'exclusion des tendons extenseurs propres du II et du V (fig. 1). Au niveau des doigts ce système est remplacé par une fine lame dorsale d'extension, de formation complexe et ayant des rapports étroits avec les os et les articulations. Il faut y ajouter le système rétinaculaire faisant partie intégrante du système extenseur et assurant un rôle évident dans le Tirés à part: J.-C. ROUZAUD, à l'adresse ci-dessus. couplage des IPP et IPD. Cette différence de constitution explique la relative simplicité de réparation des tendons sur le dos de la main par rapport au traitement des lésions sur la lame d'extension des doigts. Ceci n'exclut pas la mise en place d'un protocole de soins postopératoire précis. Les extenseurs, après le passage sous le rétinaculaire dorsal au niveau du poignet se trouvent dans une zone libre où ils ne sont guidés que par les juncta. Ensuite, ils arrivent sur la face dorsale de la MP où ils sont sanglés par la lame sagittale leur assurant une insertion sur la face dorsale de PI. Le tendon commun du Ve doigt est souvent absent et présente un extenseur propre double. Un gros juncta vient de l'extenseur du IV et remplace souvent le tendon de l'extenseur commun. Les zones de Verdan sont différentes de celles utilisées pour les fléchisseurs (fig. 2). La MP correspond à la zone 5, la face dorsale de la main sur la palette métacarpienne la zone 6, le passage sous le rétinaculaire dorsal la zone 7 et la jonction musculo-tendineuse est la zone 8. FIG. 1. - Système extrinsèque et juncta tendinosum.

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Page 1: Les lésions des tendons extenseurs de la main...d'extension des doigts. Ceci n'exclut pas la mise en place d'un protocole de soins postopératoire précis. Les extenseurs, après

Ann. Kinésithér., 1990, t. 17, nO 5, pp. 255-265© Masson, Paris, 1990

Les lésions des tendons extenseurs de la main

J.-C. ROUZAUD, Y. ALLIEU, M. BENI CHOUUnité de Chirurgie orthopédique et Chirurgie de la Main, Hôpital Lapeyronie, F 34059 Montpellier Cedex.

Les auteurs se proposent de donner unprotocole de rééducation sur les lésions desextenseurs de la main. Ce type de lésion donneen règle générale de bons résultats. Mais larelative simplicité de cette rééducation ne doitpas dispenser de mettre en place un véritableplan deprophylaxie des adhérences en transpo­sant la technique de Kleinert sur le systèmeextenseur. Une étude détaillée enfonction deszones est abordée.

Les extenseurs

CONSIDÉRATIONS ANATOMIQUES

On distingue deux types d'extenseurs : lesextrinsèques et les intrinsèques. On ne peutparler de tendon extenseur que sur la facedorsale de la main où ils sont bien individualisésavec un extenseur commun et les extenseurs

propres du II et du V. Les tendons extrinsèquessont reliés entre eux par des formations parti­culières : les juncta tendinosum. Les junctajouent un rôle dans la dynamique et dansl'indépendance des tendons, empêchant cesderniers de se luxer sur la concavité de la palettemétacarpienne lors d'une flexion complète desdoigts. Les juncta intéressent les tendons extrin­sèques à l'exclusion des tendons extenseurspropres du II et du V (fig. 1). Au niveau desdoigts ce système est remplacé par une fine lamedorsale d'extension, de formation complexe etayant des rapports étroits avec les os et lesarticulations. Il faut y ajouter le systèmerétinaculaire faisant partie intégrante du systèmeextenseur et assurant un rôle évident dans le

Tirés à part: J.-C. ROUZAUD, à l'adresse ci-dessus.

couplage des IPP et IPD. Cette différence deconstitution explique la relative simplicité deréparation des tendons sur le dos de la main parrapport au traitement des lésions sur la lamed'extension des doigts. Ceci n'exclut pas la miseen place d'un protocole de soins postopératoireprécis.

Les extenseurs, après le passage sous lerétinaculaire dorsal au niveau du poignet setrouvent dans une zone libre où ils ne sont guidésque par les juncta. Ensuite, ils arrivent sur laface dorsale de la MP où ils sont sanglés parla lame sagittale leur assurant une insertion surla face dorsale de PI. Le tendon commun du

Ve doigt est souvent absent et présente unextenseur propre double. Un gros juncta vientde l'extenseur du IV et remplace souvent letendon de l'extenseur commun.

Les zones de Verdan sont différentes de celles

utilisées pour les fléchisseurs (fig. 2). La MPcorrespond à la zone 5, la face dorsale de la mainsur la palette métacarpienne la zone 6, le passagesous le rétinaculaire dorsal la zone 7 et lajonction musculo-tendineuse est la zone 8.

FIG. 1. - Système extrinsèque et juncta tendinosum.

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®I

FIG. 2. - Zone de Verdan sur les extenseurs.

Pulvertaft déclarait en 1948 :« Il n'est pas difficile de suturer les tendons

et de préparer le terrain pour une soudure solide,le vrai problème est d'obtenir un libre glissementdu tendon capable de restaurer une bonnefonction. »

Toutes les techniques chirurgicales dévelop­pées depuis lors ont concouru à obtenir unebonne fonction du tendon réparé en introduisantdes techniques de mobilisation. En 1917, Har­mer décrit le premier une mobilisation passivedu tendon. Il est suivi par Young et Harmonqui mettent en place un programme de mobilisa­tion postopératoire avec une protection élastiqueen flexion.

En 1967 le rapport de Kleinert à la SociétéAméricaine de Chirurgie de la Main met en placeun programme précis de réparation tendineuse.Duran et Houser décrivent en 1975 une techni­que de mobilisation passive contrôlée destinéeà préserver le glissement tendineux (4, 5).

En 1971 nous avons publié une expérienceportant sur 5 ans d'utilisation du Barb Wire deJenning (1, 3). Dans les sutures des tendonsextenseurs avec l'absence d'immobilisation pos­topératoire. En 1977nous faisions remarquer les

risques de sepsis de ce matériel si la techniqued'application n'était pas parfaite. Aussi en 1922,nous avons protégé la suture par Barb Wire avecune orthèse dynamique. La mobilisation deve­nait passive assistée.

Cette technique de mobilisaion immédiatesous orthèse utilisée dans le service dès cetteépoque fut modifiée en 1979où nous avons penséque la protection de la suture tendineuse parl'orthèse était suffisante pour abandonner leBarb Wire et pour envisager une suture fineatraumatique à fil perdu. Cette technique biencodifiée actuellement a fait l'objet d'un travailen 1984. Cette méthode est en fait l'applicationaux tendons extenseurs de celle préconisée· parKleinert pour les tendons fléchisseurs. Labou­reau en 1980 parle de méthode de Kleinertappliquée à l'appareil extenseur en utilisant uneorthèse dynamique segmentaire type crabe (14).

Frere et Thomas publient en 1982 l'intérêtd'une mobilisation relative par appareil deLevame en postopératoire immédiat des lésionstraumatiques récentes de l'appareil extenseur desdoigts longs sur 75 cas (10). Récemment RoselynEvans en 1983, à Boston, souligne l'intérêt decette méthode pour les lésions complexes destendons extenseurs et présente un protocole derééducation passive contrôlée pour les exten­seurs (7). Cette solution impliquait l'utilisationd'un bloc de neutralisation limitant la flexiondes MP à 30°, Evans s'appuie sur le principede Duran, selon lequel la flexion de la MP de0° à 30° de flexion provoque un déplacement de5 mm sur le tendon extenseur. Celui-ci suffitpour éviter les adhérences. Pour mémoire nousrappelons que la course des extenseurs au niveaude la MP est de : 15 mm pour le II, 16 mmpour le III, 11 mm pour le IV, 12 mm pourle V. La mobilité nécessaire pour obtenir les5 mm de déplacement devrait donc être de 28,3°pour le II; 27,5° pour le III; 40,9° pour le IV,et de 38,33° pour le V, selon Evans (8).

Technique

La suture fait appel à un fil perdu en cadrede petit diamètre (4 X 0) complétée par un surjet

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POOR RUPI'URE

FIG. 3. - Déplacement de l'extenseur sur le dos de la main.

résorbable de 6 X O. Dès la 48e heure l'orthèsedynamique est confectionnée.

Elle est moulée sur le malade lui-même. Nousavons amélioré cette orthèse dans le sens d'une

attelle plus basse type « low profile ».La mobilisation de la suture est effective ainsi

que nous l'ont montré les contrôles radio­graphiques après avoir mis en place un indexmétallique au niveau de la réparation tendineuse.Le déplacement est de 14 mm au niveau du dosdu métacarpien (fig. 3).

Cette mobilisation se fait sans tension de la

suture comme l'ont prouvé des études élec­tromyographiques (2).

Le principe de Kleinert est fondé sur unechirurgie atraumatique respectant tous les élé­ments suivie d'un programme de mobilisationprécoce. Il est nécessaire de placer le maladedans une infrastructure performante et de luiassurer un suivi sous peine d'échec.

Le tendon pose classiquement deuxproblèmes :- la rupture : dépendant de la qualité de lasuture;- et l'adhérence : mettant en jeu la qualité duglissement obtenu.

Il faut établir une véritable prophylaxie del'adhérence par structuration de l'architecturecicatricielle.

On intervient au niveau de la cicatrisation.

L'extrinsèque étant génératrice d'adhérence, onfavorisera la cicatrisation intrinsèque, sur le planopératoire, par la conservation des élémentsporte-vaisseaux ou vinculae et par l'étanchéitéde la gaine synoviale. Le geste sera suivi par la

FIG. 4. - D'après Strickland : résultats en fonction de lamobilisation ou de l'immobilisation.

mise en place d'un programme de mobilisationprécoce.

Cette mobilisation aura entre autre pour effetde mettre en jeu la pompe synoviale. Celle-cipermettrait d'augmenter la pénétration et ladiffusion d'éléments nutritifs au niveau du

tendon et pallierait aux effets ischémiquestransitoires liés aux différences de pression entreles poulies et les zones libres.

Gelberman, en accord avec Mason et Allen,a prouvé lors d'un travail expérimental que lamobilisation précoce passive permet d'orienterles fibres du tissu conjonctif, ce qui a pour effet:- d'augmenter la course de glissement dutendon,- et d'augmenter la résistance du cal fibreux,donc la qualité de la suture (11, 12, 13).

Duran a mis la théorie de Gelberman en

pratique en 1975. Il estime qu'un déplacementde 5 mm du tendon assure une orientationsuffisante des fibres conjonctives pour éviter lesphénomènes d'adhérence. Il s'agit d'une techni­que de mobilisation passive contrôlée. Dans lasérie de Strickland en 1980, on constate le tauxde rupture extrêmement bas dans le groupe detendons mobilisés (19). On remarque égalementle pourcentage élevé d'excellents résultats dû àla mobilité (fig. 4).

Ces travaux réalisés sur les fléchisseurs etl'état actuel de nos connaissances nous auto­risent à transposer ces principes sur lesextenseurs.

Nous appliquons ainsi le principe de Kleinertinversé aux extenseurs, à savoir une mobilisationpassive contrôlée et une mobilisation dynamique

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FIG. 5. - Repérage des forces des ressorts.

assistée. Cette technique nous donne depuislongtemps d'excellents résultats. Les principessont identiques : la mobilisation passive assistéesur orthèse permet d'avoir un déplacementmaximal de la suture sans tension.

L'assistant dynamique est un ressort étalonnéet non plus un élastique. Il constitue le moteurde l'orthèse. Le ressort étalonné présente en effetl'avantage sur l'élastique d'apporter une forcedéfinie, précise et constante, permettant unemeilleure orientation des fibres du tissu cicatri­ciel. Nous avons à notre disposition un éventailde forces identifiables par un code couleur (18)(fig. 5).

On affinera le choix de la force appliquée enfonction de l'individu, de la localisation de

l'atteinte, de la pathologie présentée avec lapossibilité de moduler la force tout au long dutraitement.

Le ressort étalonné garantit une fiabilitémécanique dans le temps grâce au choix d'unmatériau stable et à une utilisation inférieure auxpossibilités offertes par la matière première.

Une étude récente faite en 1988 par LuanneRoberson (17) confirme les qualités et l'intérêtdu ressort spirale étalonné. La force mesuréepour chaque ressort présente un écart inférieurà 8,3 % par rapport à la force annoncée.L'élément dynamique ne subit aucune déforma­tion dans le temps, et il n'y a pas de variationdu rapport force-étirement.

Les tests de fatigue sur machine Instron etl'application clinique démontrent la constancede la force appliquée dans le temps (fig. 6).

Cette orthèse assure une protection totalevérifiée à l'EMG, et une mobilisation complètedu tendon par diminution des forces defrottements.

La protection de la suture, mise en déchargepar l'assistant dynamique, permet une mobilisa­tion passive assistée et protégée dès la 48e heurepostopératoire. Le résultat définitif est obtenuen règle à partir de la 5e semaine dans les cassimples.

Il faut garder en mémoire que les tendonsextenseurs ont une course de 45 mm au niveaudu poignet, 16 mm à la MP, 8 mm à l'IPP, 3 mmà l'IPD.

Protocole général de soins postopératoires

ZONES 5, 6, 7 ET 8 DE VERDAN

C'est-à-dire des MP à la jonction musculo­tendineuse. Il s'agit des extrinsèques.

PROGRAMME D'APPAREILLAGE

L'orthèse de protection et d'assistance estmise en place à la 48e heure postopératoire. Lepoignet est placé en extension de 30°, le rappels'effectue sous Pl (fig. 7). Cet appareillage seraconservé de façon continue pendant 4 semaines.

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Pre-Post Instron

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SOgm100 gm200 gm400 gm600 gm800 gm

FIG. 6. - D'après Robertson: constance des valeurs des ressorts après test de fatigue sur machine Instron.

FIG. 7. - Rappel sous Pl dans les lésions en zone 5 et au-dessus.

Il permet une modification rapide, précoce etsous protection, de la MP sans aucun risque demise en tension de la suture (fig. 8).

PROTOCOLE DE MOBILISAnON PASSIVE

A partir de la 1re semaine, il faut obtenir dansl'orthèse une mobilité de l'ordre de 50 à 60°.

FIG. 8. - Mobilisation complète sous protection.

Dans la 2e semaine, il faut avoir une flexionde 70° pour aboutir à 90° au terme de 4e semaine.Toutes ces mobilisations se font poignet main­tenu en extension. On peut mobiliser la MP engardant les IPP en extension, ou fléchir l'IPPen conservant la MP en extension. A partir dela 4e semaine, on peut réaliser une flexion

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combinée des MP, IPP, IPD sans force. L'enrou­lement du doigt doit être complet.

MOBILISATION ACTIVE

La mobilisation active est proscrite avant la3e semaine, temps de cicatrisation des tissusmous. On peut toutefois vérifier l'intégrité dutendon et sa course à partir de la 2e semaine,par une contraction active aidée en fin de séance.

Le travail actif simple est entrepris à la3e semaine. Le patient doit être capable d'effec­tuer une contraction complète et dans toutel'amplitude sans résistance. Un travail résisté nepeut être demandé qu'à partir de la 4e semaine.

Le travail actif réalisé sera de type extrinsèqueplus, c'est-à-dire extension des MP, alors queles IPP et IPD sont fléchies. Ce type de travaildonne le meilleur glissement au niveau des lamessagittales de l'extenseur et de la dossière desextenseurs.

COMPLICATIONS APRÈS RÉÉDUCATION DESEXTENSEURS EN ZONES 5, 6, 7, 8

L 'œdème, réglé par les manœuvres classiquesde déclive et de drainage.

Désunion, sepsis, rupture

L'une de ces trois atteintes implique l'arrêtobligatoire de toute rééducation.

Désunion: si nous nous trouvons en présenced'un lâchage de suture avant la période decicatrisation normale en regard d'une articula­tion, les MP par exemple, il faut impérativementdonner la priorité à la fermeture cutanée par destechniques de cicatrisation dirigée. Le pro­gramme de rééducation peut ensuite être repris.Une béance cutanée à la face dorsale des MPpeut mettre à nu le tendon extenseur oul'articulation et nécessiter un lambeau de rota­tion. De la même façon le sepsis, par sa gravité,et à plus forte raison la rupture, sont uneobligation de retour au chirurgien.

Cal fibreux exubérant

Il peut être un problème esthétique surtout

chez les femmes. Le traitement consiste unique­ment en des massages cicatriciels.

Adhérence cutanéo-tendineuse

C'est une des suites classiques, conséquenceinévitable des sutures des tendons extenseurs.Elle peut entraîner une limitation de la mobilitéde la MP si elle est trop importante. Le massagea, dans ces atteintes, une place de choix. Il fautfaire lâcher les adhérences par des manœuvresde décollement cutané très accessible à la facedorsale alors que la peau palmaire est aucontraire peu mobile et adhérente.

Déficit en extension de la MP

Il faut augmenter les techniques de massageen temps et en périodicité et décoller le tendonqui adhère à la peau entraînant un manque decourse active de l'extenseur.

Déficit en extension des IPP

Ce déficit est dû à la mise en silence desintrinsèques par une hyperextension trop mar­quée des MP dans l'orthèse.

Il est nécessaire dans toute rééducation desextenseurs d'associer un travail complémentairedes intrinsèques en actif.

Déficit en flexion de la MP

Les adhérences cutanéo-tendineuses peuventêtre importantes et gênantes si la mobilisationn'a pas obtenu suffisamment tôt les 70° de flexionnécessaire à la MP. Il faut augmenter leprotocole de mobilisation, s'aider de la stimula­tion fonctionnelle électrique et si c'est nécessaireposer un appareillage de rappel en flexion àpartir de la 5e semaine. Il s'agit d'un ganteletantibrachio-palmaire prenant le poignet enposition neutre, le rappel s'effectuant de façonsélective sur la face dorsale de Pl. Nouspréférons ce type de rappel aux bandes d'enrou­lement élastiques qui n'enroulent que les arti­culations libres. Il est important dans ce typed'appareillage de conserver l'axe de flexion desdoigts vers le tubercule du scaphoïde sous peinede provoquer des clinodactylies secondaires(fig. 9).

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FIG. 9. - Convergence des doigts dans les postures en flexion.

FIG. 10. - Luxation de l'extenseur dans la vallée métacarpienne.

TECHNIQUES PARTICULIÈRES EN FONCTIONDES ZONES

Zone 5, face dorsale de la MP

On peut se trouver en présence d'une lésionisolée de la lame sagittale entraînant uneluxation du tendon dans la vallée métacarpienne(fig. 10). Ce n'est pas une rupture tendineuse.Il peut s'agir d'une lésion ou d'une distensionde la lame sagittale. Il faut se contenter de mettreles deux doigts contigus en syndactylie en évitantla flexion forcée de la MP car, à partir de 60°de flexion, les tendons prennent la corde de l'arcet se luxent. On peut aussi appareiller ces doigtsen extension jusqu'à cicatrisation.

Zone 6 : deux possibilités

Lésion en avant des juncta.

La flexion des doigts contigus entraîne unedétente du doigt lésé. Il n'est pas nécessaire

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FIG. Il. - Lésion en aval des juncta.

FIG. 12. - Lésion en amont des juncta.

d'appareiller les doigts voisins, leur mise enextension entraîne une tension au niveau de lasuture.

Il faut laisser aller librement les doigts prochesdu doigt réparé et les tenir fléchis pendant lamobilisation du tendon lésé pour avoir unedétente supplémentaire de la suture (fig. Il).

Lésion en amont des juncta

C'est le phénomène inverse. Il peut être bond'appareiller tous les doigts et de les garder enextension. La flexion des doigts voisins entraîneun diastasis de la lesion expérimentale. Il fautgarder les doigts en extension pour ne pasprovoquer de tension au niveau de la suture(fig. 12).

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FIG. 13. - Test de l'extenseur propre.

Zone 7

C'est la zone de passage sous le ligamentrétinaculaire dorsal. C'est la zone des gainessynoviales et du passage dans chaque coulisseostéo-fibreuse. C'est une zone d'adhérence po­tentielle. La mobilisation doit être entrepriserapidement de façon à provoquer le glissementdans ces coulisses et faire le passage de la suture.

Si la suture se trouve en aval du ligament onpeut avoir des difficultés d'engagement et undéficit lors de l'extension active.

Si la suture se trouve en amont du ligament,la difficulté réside dans l'engagement distal dela suture et entraîne un déficit en flexion de laMP.

Zone 8

C'est la zone des rétractions par excellence.Il faut assurer rapidement un bon. glissement etune course suffisante des tendons.

Extenseurs propres du II et du V

Le bilan a une importance capitale. Il fautrechercher systématiquement leur intégrité endemandant au patient de faire les « cornes »avec l'index et le 5e doigt (fig. 13). Une tellelésion peut passer facilement inaperçue si le bilanlésionnel n'est pas fait correctement.

En fin de traitement on doit obtenir une bonnedissociation des doigts et une indépendancecomplète. On peut s'aider d'artifices tels quefaire passer une pièce de monnaie sur la facedorsale des doigts.

FIG. 14. - Appareillage du long extenseur du pouce.

LA COLONNE D'EXTENSION DU POUCE

Les principes appliqués sont les mêmes quepour les doigts longs. L'appareillage prend lepoignet à 30° d'extension pour avoir la détentede la suture. Le rappel s'effectue sous P2, etportera la colonne du pouce en rétropulsion s'ils'agit d'une lésion du long extenseur, plusradialement s'il s'agit d'une lésion du longabducteur avec ouverture du pouce dans le plande la main. L'appareillage du long extenseur seragardé 5 semaines car une zone de dévascularisa­tion au niveau du tubercule de Lister entraînedes risques de rupture secondaires (fig. 14).

Lors de la mobilisation de ces sutures, on doitgarder le poignet en extension pour diminuerla tension sur le tubercule de Lister. La colonnedu pouce est tenue en rétropulsion pendant lamanipulation des MP et IP. La progression dansle traitement va se faire par un enroulementprogressif du poignet et de la colonne du pouce.

La flexion de l'IP du pouce de 60° entraîne5 mm de déplacement du tendon long extenseurau niveau du tubercule de Lister, suffisant pouréviter les adhérences. Dans les lésions desextenseurs on doit obtenir non seulement uneextension de la colonne du pouce avec unerétropulsion mais aussi une flexion complète dela colonne ce qui prouve qu'il n'y a aucun effetténodèse. La distance pulpe-tête du V méta doitêtre le plus près possible de O.

Si des adhérences s'installent, on utilise lesmêmes techniques que pour les doigts longs.L'appareillage, largement utilisé, est une orthèsede posture tirant électivement au niveau de la

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FIG. 15. - Orthèse de posture dans les adhérences du longextenseur du pouce.

FIG. 16. - Orthèse dynamique d'extension dans les lésions enzone 3.

MP ou de l'IP suivant le siège de l'adhérencecutanéo- tendineuse (fig. 15).

LÉSIONS DE L'EXTENSEUR EN ZONE 3

C'est un problème difficile. Il s'agit ici d'unelésion des intrinsèques intéressant soit la bande­lette médiane soit les bandelettes latérales ou les

deux à la fois. Le risque majeur est ladéformation ou l'installation d'une boutonnière.

L'appareillage doit être strict en extension del'IPP (fig. 16).

Il faut se souvenir que la lésion isolée de labandelette médiane ne provoque pas systémati­quement une impossibilité d'extension de l'IPP,puisque les forces peuvent être transmises parle système rétinaculaire. Par contre la rupture

Ann. Kin ésithér. , 1990, t. 17, nO 5 263

de la bandelette médiane associée à la lésion durétinaculaire et du ligament triangulaire entraîneune impossibilité d'extension de l'IPP et unrisque majeur de boutonnière.

Les lésions fraîches et ouvertes sont traitéeschirurgicalement. Les suites postopératoiressont identiques aux lésions extrinsèques avec unappareillage dynamique d'emblée, maintenu5 semaines et plus, si un déficit en extension sefait jour. Cet appareillage maintient les MP enflexion, ce qui détend les intrinsèques et le rappels'effectue sous P2. Nous utilisons un ganteletlong tenant le poignet en extension dans leslésions des bandelettes médianes et un ganteletcourt s'il s'agit d'une lésion des bandeletteslatérales.

Les lésions fermées et en continuité ou leslésions anciennes seront traitées par une techni­que orthopédique. Si le flessum de l'IPP est >à 50° il faut mettre un appareillage dynamiqueavec rappel sous P2 pour corriger et réduire. Sile flessum est de 30 à 35° on passe à l'orthèsestatique. C'est-à-dire un « cylinder cast » enextension de l'IPP pendant 3 semaines, durantlesquelles on mobilisera l'IPD en flexion active.Cela a pour effet de mobiliser les rétinaculaireset d'éviter la raideur irrécupérable en extensionde l'IPD. De la 3e semaine à la 6e semaine onpasse à l'appareillage dynamique autorisant laflexion active de l'IPP. L'extension active del'IPP étant aidée.

A partir de la 6e semaine on commence laflexion passive et l'extension active de l'IPP.

LÉSIONS DE L'EXTENSEUR SUR L'INSERTIONDISTALE : MALLET FINGER

C'est la seule zone qui ne justifiait pas jusqu'àprésent de techniques de mobilisation assistée.Le traitement est souvent d'emblée orthopédi­que. Nous utilisons l'attelle de statique de Stack(fig. 17). C'est une attelle qui maintient P3 enlégère extension. Cet appareillage est maintenuen place pendant 6 à 8 semaines. Cette orthèsepeut être réalisée par le rééducateur si le patienta subi une réinsertion par pull out ou suturedirecte. Il ne faut pas mettre trop d'hyper­extension car la pression peut entraîner unenécrose cutanée par ischémie, sur la face dorsale

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264 Ann. Kinésithér., 1990, t. 17, n° 5

MIDDLE FORCES flCCORDIN6 TO LOCflLlS8T10N

FORCE

Gr

600

500

400

300

200

ZONE 5 ZONE

FIG. 17. - Attelle type Stack dans les lésions en zone 1.1 MIDDLE FORCES HCCoRDING JO [HTENSORS 1

Références

FIG. 18. - Forces utilisées en fonction des zones et des doigtslésés.

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confirmer et renforcer les premiers élémentsapparus lors de l'étude de cette série. Nousutilisons cette technique aussi bien dans leslésions simples et franches que dans les atteintescomplexes et pluritendineuses avec lésionsassociées.

Il FingerslUIII

ForceGr600700600500

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200100 li.ll.lJJIl

de P3. L'extension doit être à 0° et l'attelle

dégagée au niveau de la face dorsale de P3.Il Y a un problème de rééducation particulier

à cause du déséquilibre de la balance musculaire.La force du fléchisseur est 2 fois et demi

supérieure à celle de l'extenseur. La tendanceest donc au flessum et à la pérénisation de ladéformation. La rééducation sera prudente ettoujours active au début. Tous les degrés gagnésen flexion doivent être conservés dans l'extensionactive. Pour fléchir l'IPD, il est préférable defléchir l'IPP ce qui a pour effet de détendre lesbandelettes latérales et d'augmenter la course del'IPD. Sinon on risque de tirer sur la suture etde distendre le cal fibreux obtenu. Par contrele travail actif se fera en extension de l'IPP carle dé couplage de ces deux articulations estimpossible.

Les forces utilisées au niveau des ressorts dans

les lésions des extenseurs vont de 600 à 400 gen fonction des doigts lésés et du sexe et de 600à 200 g en fonction des zones lésées (fig. 18).

Les résultats obtenus par l'utilisation de ceprotocole de rééducation sur les extenseurs sontles suivants : 82 % de bons et excellents toutepathologie confondue.

Ce pourcentage passe à 92 % de bons etexcellents résultats en zone 5 pour chuter à 50 %de bons résultats en zone 3 ou le risque deboutonnière est toujours présent.

Les résultats encourageants obtenus lors decette série, nous ont confortés dans notreprotocole. Les résultats actuels ne viennent que

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