Ann. Kinésithér., 1983, t. 10, nO 9, pp. 325-329© Masson, Paris, 1983

L'application des vibrations mécaniquessur les tendons sous les appareils plâtrés

Note préliminaire sur leur utilisation pratique

C. FAURE

Professeur agrégé, Service d'orthopédie (Pr. J.Butel), CHU, BP 217 X F38043 Grenoble Cedex.

La vibration mécanique rapide d'un tendonentraîne dans des conditions précises, l'illusiondu mouvement réalisé par le muscle antago­niste, sans qu'il y ait de mouvement. Destravaux récents montrent qu'appliquées aprèsimmobilisation plâtrée, ces séances de vibra­tions facilitent la récupération des amplitudesde mouvement d'une façon statistiquementsignificative.

Les conditions d'isométrie qui sont requisespour leur application laissent à penser que leureffet peut être bénéfique lorsque l'on a à faireà des tendons immobilisés sous plâtre. L'étudeexpérimentale pour en juger nécessite desconditions pratiques et d'appareillage qui sontprécisées dans l'article.

Introduction

Depuis une dizaine d'années, divers travauxmettent l'accent sur les effets de l'application desvibrations mécaniques rapides sur les tendons.L'un de ces effets paraît spécialement intéressanten pratique de rééducation. C'est une illusionde mouvement (illusion kinesthésique) ressentiepar les sujets, dans des conditions expérimen­tales particulières. A titre d'exemple, un sujetau repos les yeux fermés, dont on vibre le tendondu biceps brachial, son coude étant à angle droit,perçoit une sensation d'extension de son coude,alors qu'aucun mouvement n'est réalisé. Unléger étirement du muscle biceps augmente

Tirés à part: C. FAURE, à j'adresse ci-dessus.

l'intensité de la sensation. Une étude élec­tromyographique montrerait une activité desextenseurs du coude, cependant non efficace.

Les travaux réalisés dans le laboratoire dePsychophysiologie de l'Université de Provenceont étudié les relations entre les paramètres dela vibration et les caractéristiques de l'illusionkinesthésique, établissant les effets particulière­ment efficaces (latence faible, intensité optimalede la sensation) lors de l'utilisation de vibrationsau voisinage de 70 cycles par seconde avec uneamplitude efficace de 0,5 à 1 mm.

Un prototype pouvant être réglé ainsi a étéconfié pour expérimentation au Départementd'Orthopédie-traumatologie et à l'Ecole demasso-kinésithérapie de Grenoble. 18 genouximmobilisés en plâtre pour des raisons variées(entorses graves opérées, entorse de moyennegravité traitées orthopédiquement, fractures dejambe, etc.) ont été vibrés selon un protocoleprécis, à partir de l'ablation de l'appareil plâtré.Une étude statistique par rapport à une série depatients témoins rééduqués conventionnellementa fait apparaître un gain de flexion de 20 % dèsles 5 premiers jours.

Les vibrations appliquées sous plâtre

Ces effetspositifs dans des conditions d'isomé­trie et de discret étirement du muscle stimulénous ont immédiatement fait penser à l'emploisous appareil plâtré. En mener à bien l'étudenous a conduit à mettre au point un protocoleexpérimental avec l'École de Masso-kinésithéra­pie de Grenoble, et à définir les particularités

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du matériel expérimental, notre objectif étantl'application sur un nombre de patient étendu,clientèle porteuse d'immobilisations courtes(<< mono-articulaires») du type ante-brachio­palmaire ou botte plâtrée ou au contrairelongues (<< biarticulaires ») brachio-antébra­chio-palmaire ou cruro-pédieuse.

Préalablement nous avons expérimentalementconfirmé que les afférences nées du contact duplâtre avec la peau ne perturbaient pas de façonperceptible les illusions kinesthésiques.

LE CAHIER DES CHARGESDE LA VIBRATION TENDINEUSE SOUS PLÂTRE

Selon nous les facteurs régissant l'applicationdes vibrations sous appareils plâtrés peuvententrer dans 3 rubriques.

Les facteurs liés aux lésions et aux conditionspratiques des soins

- Les sujets porteurs d'appareils plâtrés rega­gnent presque tous leur domicile après traite­ment. L'application des vibrations doit, de cefait, s'assimiler, en fréquence et en durée à lakinésithérapie conventionnelle.

- Après un traitement orthopédique ou chi­rurgical, le délai « de sécurité » de 12 à 15joursparaît souhaitable avant leur application (résorp­tion· de l'œdème, ablation des points).

- La percussion tendineuse immédiatementau contact d'un matériel d'ostéosynthèse ne nousparaît pas sage, bien qu'il n'existe pas ici derisque thermique du type de ceux observés avecles ultra-sons. Par contre, les efforts auxquelsun foyer fracturaire pourrait être soumis du faitde l'étirement résultant de chaque percussion,nous paraissent bien moins intenses que ceuxexercés par la banale contraction isométriquehabituellement demandée sous les appareilsplâtrés.

Les facteurs liés à l'appareil plâtré

- Des fenêtres judicieusement localisées surles plâtres sont les moyens d'accès aux tendons.Après l'emploi d'une tête de percussion de10 mm de diamètre, que nous pensions plussélective, nous avons préféré une taille de 18mmdonnant une réponse de bien meilleure intensité,

mais imposant des fenêtres de 20 mm dediamètre au moins.

- Le nombre des fenêtres ne doit pas fragiliserl'appareil plâtré. Cela impose des choix degroupes tendineux en particulier lorsqu'ils croi­sent des complexes articulaires à plusieursdegrés de liberté (poignet-cheville). Stimulerdeux groupes antagonistes nous paraît unmaXImum.

- Certains sites de vibration imposent descontingences de taille au dispositif de vibration.La percussion doit se faire perpendiculairementau tendon. Or au niveau du coude et de lacheville, les fléchisseurs ne sont atteints qu'aufond de l'angle rentrant du plâtre. Cela nécessiteque le corps du vibreur soit de faible diamètre.

Les facteurs technologiques d'i'nocuÜé

Le vibreur doit obéir aux normes d'inocuitéélectrique ne devant être ni dangereux pour lepatient ni pour le praticien.

Un dernier point peut être soulevé, celui desrépercussions sur le kinésithérapeute des vibra­tions. Les vibreurs ne sont cependant pas desmarteaux-piqueurs ...

LE GÉNÉRATEUR DE VIBRATIONS UTILISÉ

Présentation de l'appareil (fig. 1)

La mise en route de notre expérimentationimposait l'utilisation d'un appareil efficace,répondant aux impératifs du cahier dèS chargesprécédent et d'un coût suffisamment bas pourqu'un nombre de praticiens assez importantpuisse en faire l'acquisition facile. Après quel

FIG. 1. - L'appareil utilisé

ques recherches, nous avons choisi et testé unmatériel susceptible de répondre à ces différentscritères: il s'agit d'une brosse à dents électriquede marque S.E.B à 2 vitesses. Nous avonssubstitué' à la pièce de brosse une tête depercussion tournée par un artisan, dans unebarre de P.V.c. rigide, en forme de cylindre de18 mm de diamètre et taillée en dièdre avec unearête mousse.

Ainsi constitué, le vibreur offre les garantiesd'efficacité puisque capable de faire apparaîtredes illusions kinesthésiques aux vitesses 1 et II.Fonctionnant sur un transformateur en 12 voltsbranché sur le secteur, il assure une inocuitéélectrique telle, que la brosse à dents dont ildérive est utilisée en salle de bain, même pardes enfants. Non soumis aux variations de

charge d'un accumulateur, il ne modifie pas sescaractéristiques vibratoires. Enfin le corps del'appareil, long de 140 mm n'a un diamètre quede 35 mm ce qui autorise l'accès en zone difficile.

Étude des caractéristiques de la vibration

L'analyse des paramètres de la vibration(fréquence, amplitude) a été conduite sur destracés obtenus en fixant un stylet inscripteur surla tête de vibration. Ainsi les mouvements sontinscrits sur le défilement d'un éléctrocardio­

graphe (fig. 2).Nous avons enfin testé les variations de ces

paramètres en fonction de la force opposée à latête de percussion, en déterminant expérimenta-

.A "t<)0....•.

A500.....•

lame souple étalonnée

enregistrement surdéfilement E.C.G.

FIG.2. - Dispositif schématique d'enregistrement.

--

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lement que la force qui s'oppose à l'appareil lorsde son utilisation sur le patient lorsque lepraticien tient en main l'appareil, est située entre0,1 et 0,2 kgf.

« A vide » sur la vitesse 1, on obtient unefréquence de 50 Hz et une amplitude de 3,5 mm.Sur la vitesse II, la fréquence est de 70 Hz doncthéoriquement optimale. L'amplitude estidentique.

Lorsqu'une force est opposée à la tête depercussion, par l'intermédiaire d'une lame sou­ple dont la déformation élastique est proportion­nelle à la force exercée, on constate, lors del'emploi de la vitesse rapide (II), la relativeconstance des paramètres, dans le secteurhabituel d'utilisation (100 à 200 gt) (fig. 3). Lafréquence du battement reste à ~O Hz, l'ampli­tude proche de 2,5 mm.

Critique et limites de l'appareillage

- La fréquence obtenue en vitesse IIest celledéfinie antérieurement comme optimale. Cepen­dant, l'amplitude constatée en charge est nette­ment plus élevée. Ceci ne paraît pas avoir d'effetsur la perception des illusions sauf au niveau desdoigts. En effet, en raison de leur faible inertie,ils ont tendance à vibrer sous la tête deperCUSSIOn.

- Un dernier fait pourrait éventuellementperturber la perception. Le mouvement de la têtede percussion n'est pas strictement longitudinal.L'appareil, dans son usage dentaire est conçu

amplitude de vibration (mm)

"'"

3 J •" _._ •.-..-.-o 100 200 300 400 500 600 700 gf force opposée

au vibreu\'

70f[réQUe:ce d;~ :ibt'ation (hz)

'--.60 '-- •

---.~ ~.

o 100 200 300 400 500 600 700 gf

FIG. 3. - Variations des paramètres de vibration en fonctionde la force opposée en vibreur.

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TRAITEMENT

LESIONS

NOM •••••.•••••••••••••.•• Prénoms ••••..••••••. sexe M F age •••••••• ans

Chirurgien •..•............ K1nésithérapeute Centre .•.... _ .

IMMOBILISATION PLATREE: étendue •••.•••.•••.••.•.•....• durée prévue •...••.•.•.. jours

Articulations principales il'l111obilisées A 1. A 2 .

Groupes tendineux vibrés AL •••...........•...• / ..•........... _..

. A 2 •••.•••••.•.••...••• / •...•.•••.••..••.

T

rythme des séances / 7

code Vn° du dossier .

TOLERANCE / EFFETS RESSENTIS

Durée réelle de l'inmobilisation jours

TR.~ITEMENTS ASSOCIES

pour donner à la brosse un mouvement orbital.La composante transversale du déplacement nenous a pas paru perturber de manière perceptibleles illusions de mouvement. La raison en estpeut-être le fait que la pièce de brosse est longue(8 cm) et qu'elle oscille à son extrémité de façonimportante, alors que la tête de percussion quila remplace, elle, est courte (20 mm) placée àla sortie du boîtier du moteur, ce qui réduit lacomposante transversale du déplacement.

LES MODALITÉS D' APPLICATION BILANS

ARTICULAIRES

Les fenêtres dans les appareils plâtrés (fig. 4)

Nous les réalisons selon le lieu soit à la scieà plâtre, soit à l'aide d'une scie « cloche» de20 mm de diamètre. Cette dernière étant biensûr manipulée à la main ...

Le protocole d'utilisation

Conçu en collaboration avec l'école desmasso-kinésithérapeutes de Grenoble est lesuivant:

- début des séances: 10-15 jours après laconfection du plâtre.

- rythme des séances:1) centres de rééducation: 1 séance quotidienne(6/7 ou 5/7),2) pratique libérale: 3 séances par semameminimum (3/7).

- modalités de chaque séance:1) vibration de 30 à 60 secondes du groupeagoniste puis du groupe antagoniste (vibrationstandard) ;

FLEXION

J

lEXTENSION

FLEXIO/lJ

5EXTENSION

FLEXIONJ l 5 EX'lE.'JS;Oli

FLEXIO~'

1

J 3 0EXTENSION

r:.,EXIONJ ".

El-:~.\'~:D!"

FIG. 5. :-- Fiche de liaison.

2) vibration de 30 à 60 secondes de chacun desgroupes avec étirement du muscle dont le tendonest vibré;3) idem 1.

Lorsque l'appareil plâtré est long, la stimula­tion se fera aux deux niveaux sur chaque coupled'agoniste et antagoniste.

L'exploitation des résultats

Elle sera faite sur un mode statistique parcomparaison avec une· série témoin non vibrée.La fiche de liaison qui assure par l'intermédiairedu patient la relation entre le prescripteur lorsde la consultation de contrôle du lü-ISe jour etle kinésithérapeute sert aux bilans des sujetsvibrés (code V) et des témoins (T). Elle contientles renseignements d'état civil du patient, ceuxconcernant ses soignants. Lésions, traitement,

FIG.4. - Modalités d'application à la face dorsale du poignet. étendue d'immobilisation sont inscrits, ainsi que

les articulations principales (A 1-A 2) en regarddesquelles seront faites les fenêtres. La tolérancedu traitement est également notée. Les bilanssont faits à l'issue de l'ablation du plâtre puisrégulièrement à J + 5, J + 15, J + 30, etc.(fig. 5).

Conclusion

Notre objectif est maintenant de réunir auprèsde la vingtaine de kinésithérapeutes de notregroupe d'étude, les résultats d'une utilisationhomogène, ce qui permettra de juger d'iciquelques mois l'intérêt de cette méthode d'appa-

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rition récente dans la panoplie thérapeutique. Ilen résultera également, si les résultats sontnettement positifs, une amélioration du matériel.

Références

1. PLAS F., BUTEL J., BORG! R. - Applications en rééducationd'influences facilitatrices par stimulations vibratoires. lnJournées de rééducation. Expansion scientifique édit., Paris,1978, 19-22.

2. NEIGER H. - Stimulations mécaniques vibratoires: applica­tions à la rééducation en traumatologie du membre inférieuraprès immobilisation plâtrée. Mémoire école des cadres deMasso-Kinésithérapie, Bois-Larris, 1979.

3. ROLL J. P. - Contribution de la proprioception musculaireà la perception et au contrôle du mouvement chez l'homme.Thèse de doctorat ès sciences, Université Aix-Marseille 1, 1981.

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